Séance du 22 février 2000
M. le président. « Art. 4. _ Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale.
« Cette demande peut être présentée par le représentant de l'Etat si l'atteinte mentionnée à l'alinéa précédent est le fait d'une collectivité territoriale, d'un établissement public local ou d'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public local. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 2, M. Garrec, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Lorsqu'une atteinte grave et manifestement illégale est portée à une liberté fondamentale du fait d'une personne morale de droit public ou d'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde de cette liberté, sans préjudice des compétences reconnues aux juridictions de l'ordre judiciaire. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »
Par amendement n° 11, le Gouvernement propose de rédiger comme suit l'article 4 :
« Lorsqu'une atteinte grave et manifestement illégale est portée à une liberté fondamentale du fait d'une personne morale de droit public ou d'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde de cette liberté, sans préjudice des compétences reconnues aux juridictions de l'ordre judiciaire. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures.
« Cette demande peut être présentée par le représentant de l'Etat si l'atteinte mentionnée à l'alinéa précédent est le fait d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public local. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. René Garrec, rapporteur. La commission souhaite revenir à la position adoptée par le Sénat en première lecture.
L'amendement n° 2 vise en premier lieu à obliger le juge des référés-injonctions à se prononcer en quarante-huit heures en première instance, par coordination avec le délai imparti en appel, cette procédure étant calquée sur celle du déféré préfectoral.
En second lieu, il tend à supprimer le second alinéa de l'article 4, qui permet au préfet de saisir le juge au titre du référé-injonction même en l'absence de décision prise par l'administration.
D'une part, il est peu probable qu'en cas d'atteinte grave et manifestement illégale portée à une liberté fondamentale les personnes qui s'estiment lésées ne recourent pas d'elles-mêmes au juge administratif des référés.
D'autre part, cette extension d'intérêt à agir du préfet constitue une modification importante du contrôle de légalité exercé à l'égard des actes des collectivités territoriales, alors que les lois de décentralisation avaient réservé le déféré préfectoral aux actes soumis à transmission obligatoire.
Pour ces deux raisons, il ne paraît pas souhaitable d'étendre l'intérêt à agir du préfet dans le cadre du référé-injonction.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre l'amendement n° 11 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Votre commission propose une nouvelle rédaction concernant le référé-liberté qui maintient la réserve de compétence judiciaire, mais ne mentionne plus explicitement la théorie jurisprudentielle de la voie de fait. J'y suis favorable.
Par ailleurs, la commission propose d'impartir au juge de première instance un délai de quarante-huit heures pour statuer, ce qui aurait pour effet d'aligner le référé-liberté sur le régime du déféré préfectoral. Je suis également favorable à cette disposition.
Toutefois, je ne fais pas la même analyse que votre commission, qui estime que le délai de quarante-huit heures devra être décompté une fois que le juge de l'urgence a effectué le tri. En effet, le délai court en principe à compter de l'enregistrement de la requête. Mais il est certain que, si l'on veut éviter que tout le contentieux ne s'engouffre dans la voie du référé-liberté, le juge devra vérifier que la requête s'inscrit bien dans le champ d'application défini à l'article 4.
Enfin, je ne peux être favorable à la suppression du second alinéa de cet article, qui donne au préfet la faculté de former un référé-liberté.
Aussi ai-je déposé un amendement qui, tout en reprenant la rédaction de la commission pour le premier alinéa, laisse subsister le second. En effet, comme je viens de le dire, il me paraît important de conserver au préfet, gardien de la légalité républicaine, une possibilité complémentaire d'intervention dans le domaine évidemment très sensible des libertés. C'est pourquoi je souhaiterais que votre assemblée maintienne cette disposition, qui s'inscrit dans la logique d'un renforcement de l'Etat de droit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 11 ?
M. René Garrec, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, pour les raisons que j'ai exposées tout à l'heure.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé et l'amendement n° 11 n'a plus d'objet.
Article 7