Séance du 22 février 2000
M. le président. La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 693, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Georges Mouly. Un constat, madame la secrétaire d'Etat : de plus en plus de familles dépendent des prestations sociales pour ce qui concerne leurs moyens d'existence, et les caisses d'allocations familiales sont quelque peu débordées par la montée du nombre d'allocataires de minima sociaux.
Au fil des temps, les missions des caisses ont de ce fait évolué. Au soutien des familles s'ajoute aujourd'hui la lourde tâche de prendre en charge les personnes en situation précaire ou d'exclusion. Les caisses sont devenues des intervenants essentiels dans la lutte contre la pauvreté et contre l'exclusion. C'est toujours un constat.
Parallèlement à l'évolution de leurs missions, les caisses ont dû faire face à l'accroissement de la complexité des règles de droit. Aujourd'hui, vingt-cinq prestations légales généreraient un nombre extrêmement important de règles de droit alors que plusieurs prestations différentes recouvrent en fait les mêmes objectifs.
De plus, les caisses doivent prendre en compte en temps réel les modifications intervenues dans la situation des allocations et elles sont aujourd'hui confrontées aux effets pervers d'un objectif très louable : coller au plus près à la situation des bénéficiaires.
Mais cet objectif a des limites : cette complexité rend difficile la gestion des dossiers et provoque souvent l'incompréhension des bénéficiaires dont le plus grand nombre attendent des caisses l'essentiel de leurs revenus : 40 % des allocataires ne sont plus des familles et 30 % d'entre eux ne vivent que de prestations.
Des dispositions qui sont, c'est évident, les bienvenues, ont été introduites par la loi portant sur la lutte contre les exclusions pour tenir compte des situations multiples. A titre d'exemple, on peut citer le cumul du RMI avec la rémunération du travail, qui induit autant de calculs que de contrats de travail - contrats à durée déterminée, contrats à durée indéterminée, contrats emploi-solidarité, contrats emplois consolidés. On peut également citer le fait que l'allocation logement perçue par un chômeur varie selon que le bénéficiaire perçoit l'allocation spécifique de solidarité au taux maximun en raison de la neutralisation partielle des ressources, ou, s'il entre en formation, l'allocation de formation reclassement.
Ces situations multiples provoquent souvent l'incompréhension des bénéficiaires, multiplient les risques d'erreur et se traduisent parfois par des versements indus. Ce n'est pas un phénomène mineur. J'ai d'ailleurs déjà demandé s'il ne serait pas possible d'abandonner les créances inférieures à un certain montant en cas de bonne foi de l'allocataire. Ma question est demeurée sans réponse, mais le problème subsiste.
A l'évidence, le dispositif législatif est complexe et difficilement lisible. La réglementation très lourde qui en découle n'est pas toujours un outil approprié à la lutte contre la pauvreté. Parce que les caisses sont des partenaires de la mise en oeuvre de cette politique, il paraît important de les repositionner dans leur rôle de service public, de façon à limiter notamment les temps d'attente et les erreurs dues aux difficultés de gestion des dossiers. J'ai conscience qu'il est plus facile de poser la question que de trouver la solution, mais c'est une vraie question.
Une réelle simplification du système des prestations ne peut-elle être engagée pour tendre vers une réglementation recentrée sur les objectifs les plus essentiels, pour redonner à l'action publique du sens et de la clarté, pour la rendre plus accessible et donc plus compréhensible ? Là aussi, le problème est plus facile à poser que la solution à trouver.
Ma dernière question porte sur un point précis, madame la secrétaire d'Etat : dans l'optique d'un traitement plus égalitaire, ne pourrait-il être tenu compte des revenus des allocataires pour le calcul de leurs droits, et non de leur statut, le but étant : à revenus égaux de parvenir à des avantages identiques.
Il est urgent de simplifier les règles de droit, c'est un enjeu social majeur.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, aujourd'hui, les caisses d'allocations familiales gèrent des prestations qui appartiennent à des catégories très différentes. Vous me permettrez de les rappeler d'une façon très synthétique.
Il y a d'abord les prestations familiales, qui représentent la partie la plus importante des allocations versées, puisqu'elles concernent 5,5 millions de foyers pour un total de 120 milliards de francs. S'y ajoutent les aides au logement, dont bénéficient 6 millions de personnes pour un total de 80 milliards de francs. Enfin, certains minima sociaux, au nombre de trois, sont également gérés par ces caisses : il s'agit du revenu minimum d'insertion, de l'allocation aux adultes handicapés et de l'allocation de parent isolé. Près de 2 millions de personnes perçoivent l'un de ces minima sociaux, pour un total de 60 milliards de francs par an.
Monsieur le sénateur, chacune de ces prestations a évidemment un objet propre. Dès lors, les conditions d'attribution et les montants de ces prestations sont nécessairement différents.
Uniformiser toutes les prestations reviendrait à ne plus répondre de la manière la plus appropriée aux cas individuels. La complexité est ici le gage d'une plus grande efficacité.
Pour autant, monsieur le sénateur, il est certain qu'une amélioration du système actuel est possible. C'est pourquoi le Premier ministre, lors de la conférence de la famille du 7 juillet dernier, a engagé deux grands chantiers de réflexion. Le premier se rapporte aux aides à la petite enfance, le deuxième concerne l'harmonisation et la simplification des aides au logement.
Les travaux sur ces deux thèmes sont actuellement en cours.
Pour les aides au logement en particulier, le but est de progresser notamment vers un barème harmonisé entre les trois types d'aides au logement. Une première étape dans l'alignement des loyers plafond de ces différentes aides au logement est d'ailleurs intervenue le 1er juillet dernier. Ces réflexions permettront d'améliorer la lisibilité des différentes aides pour les allocataires.
Parallèlement, un groupe de travail réunissant des personnels de la Caisse nationale des allocations familiales et des représentants de l'Etat s'emploie à alléger les procédures de traitement de ces dossiers par les caisses d'allocations familiales afin de simplifier la gestion administrative des prestations.
Plusieurs avancées ont déjà été réalisées, notamment en ce qui concerne les procédures de contrôle de l'allocation de garde d'enfants à domicile. Ces simplifications permettent d'améliorer la qualité du service fourni par le personnel des caisses, au niveau tant de la disponibilité à l'égard des allocataires que des délais de traitement des demandes.
Je voudrais profiter de cette occasion, monsieur le sénateur, pour saluer les efforts quotidiens effectués par les agents des caisses d'allocations familiales, qui sont confrontés à des situations bien souvent difficiles et qui assument un rôle clef sur le front de la précarité.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'Etat. Vous avez rappelé en citant des chiffres que les actions que doivent conduire les caisses d'allocations familiales sont multiples, variées et importantes. A mon tour, je voudrais rendre hommage aux agents de ces caisses, dont la tâche est très délicate.
Il n'est pas question de penser à une uniformisation des cas individuels. Ce n'est pas possible. Il ne faut pas rêver !
Je note que des améliorations ont effectivement été apportées. Vous avez cité, entre autres, la simplification des aides au logement, l'harmonisation des barèmes d'aide au logement. Il est d'autres exemples qui vont dans le sens d'une meilleure lisibilité. Le souci du bénéficiaire est en effet de savoir, le plus rapidement et le plus clairement possible, ce à quoi il a droit.
J'ai également noté l'allégement des procédures.
Tout cela va dans le bon sens. Je souhaite, madame la secrétaire d'Etat, que ce mouvement s'amplifie ou, pour le moins, se poursuive. Par ailleurs, j'insiste sur la dernière question que j'ai posée, qui est une question de fond : il importe de tenir compte non pas seulement du statut des allocataires, mais des prestations dont ils bénéficient.
CARTE HOSPITALIÈRE DE LA MANCHE