Séance du 2 février 2000






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Gens du voyage. - Discussion d'un projet de loi (p. 1 ).
Discussion générale : MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Jean-Paul Delevoye, rapporteur de la commission des lois ; Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Jean-Claude Carle, Philippe Darniche, Jacques Peyrat, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. André Vallet, Jean-Claude Peyronnet, Daniel Hoeffel, Bernard Murat, Pierre Laffitte, Serge Lagauche, Jean-Jacques Hyest, Joseph Ostermann, Aymeri de Montesquiou, Dominique Braye, Alain Gérard.
Clôture de la discussion générale.
MM. le secrétaire d'Etat, Jacques Larché, président de la commission des lois.

Article 1er (p. 2 )

M. Patrick Lassourd.
Amendement n° 54 de M. Dominique Braye. - MM. Dominique Braye, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Serge Lagauche. - Rejet.
Amendements n°s 28 de M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, et 1 de la commission. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Dominique Braye. - Retrait de l'amendement n° 28 ; adoption de l'amendement n° 1.
Amendement n° 2 de la commission et sous-amendement n° 56 rectifié bis de M. Dominique Braye. - MM. le rapporteur, Dominique Braye, le secrétaire d'Etat. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendement n° 55 rectifié de M. Dominique Braye. - M. Dominique Braye. - Retrait.
Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 4 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendements n°s 6 de la commission et 37 de Mme Yolande Boyer. - M. le rapporteur, Mme Yolande Boyer, M. le secrétaire d'Etat. - Retrait de l'amendement n° 37 ; adoption de l'amendement n° 6.
Amendements n°s 46 de M. Jean-Claude Carle, 7 et 8 de la commission. - MM. Jean-Claude Carle, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Jean-Claude Peyronnet. - Rejet de l'amendement n° 46 ; adoption des amendements n°s 7 et 8.
Renvoi de la suite de la discussion.

3. Dépôt de propositions de loi (p. 3 ).

4. Dépôt de rapports (p. 4 ).

5. Dépôt d'un rapport d'information (p. 5 ).

6. Dépôt d'avis (p. 6 ).

7. Ordre du jour (p. 7 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

GENS DU VOYAGE

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi n° 460 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage. [Rapport n° 188 (1999-2000) et avis n° 194 (1999-2000).]
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui est aujourd'hui soumis au Sénat, après son adoption par l'Assemblée nationale le 24 juin dernier, tend à apporter des réponses efficaces et équilibrées à des problèmes auxquels les élus locaux sont souvent confrontés.
Les tensions liées à l'accueil des gens du voyage, qu'ils soient itinérants toute l'année ou quelques mois par an, sont en effet nombreuses et parfois vives.
La presse et le courrier que des élus, mais aussi des gens du voyage m'adressent témoignent de ces tensions.
L'Association des maires de France - je parle sous le contrôle de son président - à l'occasion de son avant-dernier congrès, en novembre 1998, avait consacré à cette question un débat auquel j'avais été invité à participer. Cette réunion avait témoigné du vif intérêt des maires, des élus, tant par le nombre des participants que par la richesse et la diversité des interventions.
Cette situation donne tout son sens à la volonté du Gouvernement de permettre une cohabitation harmonieuse de toutes les composantes de la population. Il nous faut pour cela permettre aux personnes itinérantes d'être accueillies par les communes dans des conditions dignes.
L'article 28 de la loi du 31 mai 1990, issu, je le rappelle, d'un amendement parlementaire, constitue le cadre législatif actuel. Il institue un schéma départemental d'accueil des gens du voyage ; il crée l'obligation pour toutes les communes de plus de 5 000 habitants d'aménager une aire d'accueil ; il permet au maire d'une commune ayant aménagé une aire d'interdire par arrêté le stationnement des gens du voyage sur le reste du territoire communal.
Cet article a permis des avancées, en particulier l'adoption d'un certain nombre de schémas départementaux et la réalisation de quelques milliers de places dans des aires d'accueil.
Ces avancées ne doivent pourtant pas dissimuler les importantes limites de la mise en oeuvre de ce cadre législatif : un tiers seulement des départements ont un schéma approuvé par le préfet et le président du conseil général, et un quart seulement des 1 800 communes de plus de 5 000 habitants ont une aire. Ce point est évidemment particulièrement préoccupant. Les communes qui ne remplissent pas leurs obligations légales « se défaussent » sur les autres, si je puis dire.
M. Nicolas About. Et l'Etat se défausse sur les communes !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Cela va être corrigé, monsieur le sénateur, vous le savez.
M. Nicolas About. J'en doute !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Alors qu'il faudrait environ 30 000 places de caravanes, seules 10 000 existent - c'est là le vrai problème - dont à peine un peu plus de 5 000 correspondent aux normes. Il manque donc 25 000 places pour répondre aux besoins.
Le projet qui vous est soumis tient compte de ces enseignements. Il tient aussi compte des réflexions qui ont été menées sur ce sujet, notamment de celles qui ont débouché sur la proposition de loi que votre assemblée a adoptée au mois de novembre 1997. Manifestement, on ne peut en rester au statu quo : il faut un nouveau cadre législatif.
Le projet de loi repose sur un équilibre des droits et des devoirs de chacun des acteurs concernés : les collectivités locales, qui « participent à l'accueil des gens du voyage », selon les termes de l'article 1er, les gens du voyage, qui doivent respecter les règles collectives, et l'Etat, qui est garant de cet équilibre et qui doit exprimer la solidarité nationale.
Ce projet de loi privilégie d'abord et avant tout le partenariat et les incitations, financières notamment. Il organise l'action de toutes les communes dans des délais précis - adoption du schéma puis aménagement des aires - afin qu'aucune commune n'attende que d'autres agissent à sa place.
La concertation, le partenariat et l'incitation sont de loin préférables à la contrainte, nous le savons tous. Mais l'Etat doit pouvoir jouer son rôle de garant, et il disposera des moyens juridiques de le faire.
Quels sont les grands axes du projet de loi ?
Le schéma départemental sera le pivot de l'analyse partagée des besoins d'accueil des gens du voyage et des réponses à apporter. Une bonne concertation, en particulier au sein de la commission consultative départementale qu'il est proposé de créer, permettra d'apporter des réponses adaptées et cohérentes au sein d'un territoire. Le schéma prévoira les communes où les aires doivent être réalisées, ainsi que leur destination, leur capacité et les interventions sociales nécessaires. Il prévoira des terrains sommairement aménagés pour accueillir les grands ensembles de caravanes - cent, voire deux cents caravanes - qui sont désormais nombreux à circuler en France.
M. Nicolas About. C'est de la folie !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le schéma départemental prévoira aussi les emplacements à mobiliser temporairement pour les quelques grands rassemblements nationaux, traditionnels ou non ; certains peuvent, en effet, concerner actuellement plusieurs dizaines de milliers de gens du voyage. Il définira également les conditions dans lesquelles l'Etat intervient pour assurer le bon déroulement de ces rassemblements.
M. Nicolas About. Ce seront des zones de non-droit !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le préfet et le président du conseil général disposeront d'un délai de dix-huit mois maximum après la publication de la loi pour approuver le schéma. Faute de cette approbation conjointe, le préfet pourra adopter seul le schéma.
Par ailleurs, le projet de loi favorise les réponses intercommunales pour la réalisation et la gestion des aires. A cet égard, l'accord entre communes pour répondre aux besoins est, à mes yeux, la meilleure solution.
Cependant, le projet de loi maintient l'obligation spécifique créée par l'article 28 de la loi de 1990, à savoir l'obligation qui est faite à toutes les communes de plus de 5 000 habitants d'aménager et de gérer une ou des aires, ou de contribuer financièrement à cet aménagement et à cette gestion.
Les communes devront aménager les aires d'accueil dans un délai de deux ans après l'adoption du schéma. A défaut, l'Etat devrait réaliser et gérer ces aires, et ce ne pourrait être qu'aux frais des communes défaillantes.
Pour aider les communes, l'Etat assume désormais ses responsabilités sur le plan financier.
M. Nicolas About. Ce n'est pas le problème !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Non exclusives d'autres aides, les subventions de l'Etat aux communes pour l'investissement doubleront pendant la durée de mise en oeuvre du schéma : 70 % des dépenses dans la limite d'un plafond, contre 35 % auparavant. Cela se traduira pour l'Etat par un effort financier estimé à 1,75 milliard de francs en quatre ans.
M. Nicolas About. Ce n'est pas le problème de fond !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. En outre, une aide à la gestion des aires sera créée ; c'est une avancée significative. Cette aide représentera environ la moitié du coût annuel estimé de la gestion d'une place, soit, à terme, environ 300 millions de francs par an. Elle sera complétée par une aide à la gestion versée par le département, laquelle sera cependant plafonnée au quart des dépenses, et par un droit d'usage payé par les gens du voyage qui utiliseront l'aire. (Rires et exclamations sur les travées du RPR.)
M. Gérard César. C'est du rêve !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Quant au calcul de la DGF, il tiendra compte du nombre de places de caravanes sur la ou les aires de la commune.
Enfin, des moyens nouveaux pour faire face aux stationnements illicites seront donnés aux maires des communes qui auront rempli leurs obligations de création et de gestion d'une ou plusieurs aires, et à ces maires seulement. Ce point est décisif, vous le savez. Les élus concernés ont besoin de moyens juridiques plus efficaces.
M. Alain Gournac. Oh oui !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement en convient tout à fait, dès lors qu'ils ont contribué à apporter des réponses adaptées à l'accueil des gens du voyage.
Un maire dont la commune s'est dotée d'une aire peut déjà interdire par arrêté le stationnement des caravanes sur le reste du territoire de la commune.
M. Nicolas About. Exact !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Cette possibilité, qui n'est pas liée à la taille d'une commune, sera élargie aux maires des communes participant à des solutions intercommunales.
Lorsqu'un stationnement contreviendra à cet arrêté du maire, notamment sur un terrain privé, le maire pourra s'adresser au tribunal pour obtenir de la justice l'évacuation forcée de la ou des caravanes, bien évidemment dans le respect constitutionnel des libertés individuelles.
M. Nicolas About. Mais pas tous les trois jours !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Il faut souligner que le juge sera doté de pouvoirs renforcés : sa décision sera rendue en la forme des référés et elle poura être exécutoire au seul vu de la minute, afin de raccourcir les délais.
M. Patrick Lassourd. Si le préfet le veut bien !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le juge pourra assortir son ordonnance d'évacuation d'une injonction de rejoindre l'aire d'accueil à défaut de quitter le territoire communal.
Si une ou des caravanes se déplacent alors de quelques centaines de mètres sur le territoire de la commune, le maire n'aura pas à recommencer l'ensemble de la procédure d'expulsion : c'est une forte innovation.
M. Nicolas About. Il fera quoi ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je prendrai le temps de parvenir à vous convaincre, monsieur le sénateur !
Ce projet de loi, vous l'avez compris, est centré sur l'accueil des itinérants, pour lequel - chacun en convient - il faut un dispositif législatif nouveau.
Le Gouvernement connaît aussi les difficultés rencontrées par les gens du voyage en voie de sédentarisation. Il va de soi que, par « sédentarisation », j'entends une sédentarisation qui corresponde à leur demande : ni le Gouvernement ni les collectivités locales n'ont à décider à leur place qu'ils devraient se sédentariser.
Lorsqu'ils se sédentarisent, ils deviennent pleinement des habitants des communes dans lesquelles ils vivent.
M. Alain Gournac. Sans permis de construire !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Les réponses à leurs besoins doivent donc être apportées par des politiques locales de l'habitat, en utilisant pour l'essentiel des outils de droit commun qui existent, tout particulièrement le prêt locatif aidé d'intégration.
Il a cependant semblé utile de créer un outil nouveau, et spécifique celui-ci, pour favoriser la sédentarisation. Il s'agit du projet de création de « terrains familiaux » sur lesquels pourront stationner, durablement et dans le respect des règles de l'urbanisme, les caravanes des gens du voyage qui entendent se sédentariser.
Concertation et schéma départemental, aménagement d'aires d'accueil par les communes dans des délais identiques pour toutes, accompagnement financier significatif de l'Etat, renforcement sensible des moyens juridiques pour faire face aux stationnements illicites...
M. Nicolas About. Manquent les moyens pour expulser !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. ... Le projet de loi se donne les moyens de son ambition de cohabitation harmonieuse des diverses composantes de la population, avec un équilibre, auquel il faut veiller, des droits et devoirs de chacun.
Ce projet de loi, qui s'inscrit dans la lignée des réflexions qui ont déjà été menées, notamment par le Sénat, tout en les complétant, en particulier par l'engagement financier de l'Etat, répond aux nécessités de la situation.
Dans le débat que nous allons avoir, le Gouvernement sera attentif aux contributions qui conforteront la logique du texte qui vous est proposé pour permettre de mieux répondre aux difficultés rencontrées et aux attentes de tous les intéressés. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Hoeffel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Sur ce sujet ô combien délicat, nous tenons, monsieur le secrétaire d'Etat, à exprimer un regret, relever des points positifs et présenter des propositions pour tenter d'apporter une réponse à un problème que les élus vivent dans la douleur, la population dans l'incompréhension et les gens du voyage dans l'interrogation.
Le regret, c'est d'avoir peut-être perdu deux ans !
M. Philippe François. Eh oui !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Le 6 novembre 1997, le Sénat avait en effet adopté une proposition de loi qui tentait d'apporter une réponse en matière d'accueil des gens du voyage. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui reprend d'ailleurs en grande partie son architecture.
M. Jean-Claude Carle. Pas totalement !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Il nous faut agir en fixant très clairement les principes auxquels chacun des acteurs est attaché.
Il s'agit, tout d'abord, du respect des traditions et de la liberté de choix des nomades, dans le respect des lois républicaines.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Il s'agit aussi de la responsabilité des collectivités locales : elles doivent offrir des conditions d'accueil, mais en ayant l'assurance d'être protégées de toute intrusion sur le reste de leur territoire.
Par ailleurs, l'Etat doit prendre ses responsabilités pour garantir le respect de la loi et mobiliser tous les acteurs pour restaurer le « vivre ensemble ».
Monsieur le secrétaire d'Etat, ce projet de loi ne peut pas être un effet d'annonce car, aujourd'hui, beaucoup d'acteurs vivent dans la méfiance et la suspicion,...
M. Alain Gournac. Oui !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. ... chacun cherchant soit à renvoyer le problème au voisin, soit à l'ignorer, soit à le régler par des rapports de forces.
Les gens du voyage pensent que les contraintes qui vont leur être imposées sont incompatibles avec leur mode de vie.
M. Nicolas About. Tout à fait !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Mais le fait d'être sur un territoire national impose un minimum de respect de la loi républicaine.
Les élus locaux, eux, pensent que les efforts qu'ils fourniront pour aménager et entretenir des aires d'accueil seront vains, car ces aires seront détruites, et ils seront seuls, ensuite, pour résoudre les problèmes posés.
M. Nicolas About. C'est le cas aujourd'hui !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Quant à la population, elle ne comprend pas que des personnes qui bravent impunément la loi fiscale, la loi pénale, puissent bénéficier d'une liberté de circulation.
M. Dominique Braye. Deux poids, deux mesures !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Cependant, s'il n'existe pas d'aires d'accueil, les nomades ne peuvent organiser leur stationnement que dans un rapport de forces ; c'est le vrai problème. Vous indiquiez que l'un des éléments de déséquilibre est le manque de place.
Par ailleurs, sans l'assurance de disposer de moyens d'ordre juridique, le maire cherche à mobiliser les forces publiques pour tenter de déplacer le problème, sans le régler ; on le retrouve donc chez le voisin. La population préfère aussi voir s'éloigner le problème plutôt que d'y être confrontée.
Pourtant, comme je l'indiquais en commission des lois, il m'est impossible d'affirmer qu'il n'y aura plus de gens du voyage sur le territoire national et donc de garantir aux maires que des gens du voyage ne s'installeront pas sur leur territoire.
L'ensemble des acteurs s'interrogent - nous aurons l'occasion d'en reparler, monsieur le secrétaire d'Etat - sur la capacité qu'a l'Etat de faire respecter la loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Aujourd'hui, ne rien faire, ne rien proposer créerait effectivement un climat de tension, de violence, sur fond de délinquance, de destruction, d'insalubrité, car cela ferait naître chez les nomades un sentiment de rejet occasionnant une blessure d'autant plus injuste qu'ils ont été nombreux à servir notre pays, et, parmi la population et les élus, un sentiment d'exaspération en constatant le laxisme de l'Etat, voire son incapacité à faire respecter la loi.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Or le climat de violence auquel on aboutirait est inacceptable pour tout républicain.
Nous voulons et nous pouvons prévenir une telle situation en proposant une solution équilibrée entre droits et devoirs, entre nombre de places et besoins d'accueil, entre respect des traditions et respect des populations, une solution concertée entre les nomades, les élus et l'Etat - justice, police et gendarmerie - donc sur la base de négociations et non de contraintes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'attire votre attention sur les propos que, à notre grande surprise, nous avons entendus tenir - et je souhaite que vous pesiez de toute votre autorité gouvernementale pour restaurer la confiance dans l'Etat pour faire appliquer la loi - par un membre du corps préfectoral,...
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Un ancien membre du corps préfectoral !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. ... par un ancien membre...
M. Nicolas About. Mais illustre !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. ... du corps préfectoral, selon lequel, quels que soient les engagements que prendrait l'Etat de faire interdire le stationnement en dehors des aires d'accueil, lorsque celles-ci existent, le préfet n'aura malheureusement pas à sa disposition les moyens de faire respecter cette interdiction.
M. Jean-Claude Carle. C'est grave !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Vous le comprenez bien - et c'est, nous le savons, la seule piste - à partir du moment où le contrat de confiance ne peut s'appuyer que sur la concertation, celle-ci ne peut se concevoir qu'avec la garantie que tous les acteurs respecteront la règle du jeu résultant d'une telle concertation. (Très bien ! sur les travées des Républicains et Indépendants.)
Enfin, il convient que la loi tienne également compte de l'évolution des moeurs - la sédentarisation est un fait - notamment des comportements nouveaux dans le temps et dans l'espace. Il faut aussi - je l'entendais tout à l'heure et c'est tout à fait important - que les documents d'urbanisme soient compatibles avec cette évolution des moeurs,...
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. ... et que les schémas départementaux, en particulier, intègrent les terrains familiaux.
Pour que cette future loi soit efficace, elle doit donc être élaborée par tous les acteurs, grâce à la négociation et non pas sous la contrainte. Je vois mal le préfet approuver de plein droit un schéma que les élus n'auraient pas signé. Cela inciterait en effet ces derniers à s'en remettre complètement à l'Etat, au point de lui demander d'assumer ses responsabilités jusqu'au bout en prenant en charge la construction et la gestion des aires (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants), certains élus allant jusqu'à déclarer qu'ils sont prêts à ne pas signer pour que le préfet en vienne là ! Je ne partage pas cette analyse, car je suis convaincu que c'est dans la concertation que des réponses peuvent être trouvées. (M. Peyronnet applaudit.) J'attire néanmoins votre attention sur le fait que se pose là un vrai problème de crédibilité.
Beaucoup d'élus pensent - je suis, en tant que rapporteur, obligé de vous faire part de cet état d'esprit - que cette discussion est un leurre, du fait que l'Etat sera, je le répète, dans l'incapacité de faire respecter la loi.
M. Dominique Braye. Ils n'ont pas tort !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. C'est une notion fondamentale que celle d'un climat de confiance qu'il nous faut instaurer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre engagement sera déterminant pour l'application de ce texte qui, au-delà des réponses que nous pouvons apporter aux gens du voyage et de leur accompagnement, est un véritable contrat de confiance entre les élus, les nomades et l'Etat.
Il ne s'agit pas d'engager de nouveau un débat que nous connaissons bien, tant dans cette enceinte que dans le cadre du congrès de l'Association des maires de France, à l'occasion duquel vous êtes venu dialoguer avec les élus. Mais il est un chantier que la commission des lois n'a pas ouvert, même si elle entend poser la question, c'est celui du statut.
Nous vivons sous le régime de la loi de 1969, qui distingue trois catégories. Il faudra réfléchir, monsieur le secrétaire d'Etat, à la possibilité d'élaborer à l'échelon européen un livret de circulation. Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne réponse, car les communautés elles-mêmes ne sont pas d'accord entre elles.
M. Nicolas About. Eh oui !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Cette réflexion est d'autant plus opportune qu'apparaissent des populations nomades des pays de l'Est et un besoin d'identification avec des communes de rattachement, et que la France va assurer la présidence de l'Union européenne.
D'autres chantiers concernent la transparence fiscale et le statut citoyen, débats que nous ne pouvons pas aborder ici.
M. Dominique Braye. Et respect des lois républicaines !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Nous constatons actuellement une augmentation du nombre de schémas départementaux. Le processus est donc enclenché et la moitié des départements s'en sont déjà dotés. Nous proposons d'instaurer une coordination régionale, notamment en Ile-de-France, ainsi qu'une coordination interdépartementale.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est indispensable !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Nous saluons l'effort financier de l'Etat, qui avait fait l'objet d'un certain nombre de débats. Reconnaissons que cette incitation financière à hauteur de 70 % pour l'investissement est un geste significatif. La commission des lois, ce matin, a souhaité supprimer la notion de plafond.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Nous avons aussi pris acte de l'aide forfaitaire au fonctionnement et de la proposition que vous faites sur la dotation globale de fonctionnement. Mais nous n'avons pas retenu cette solution. Une telle disposition pèserait sur les sommes disponibles pour la dotation d'aménagement et, en son sein, pour la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale.
Il aurait été logique de vous demander un abondement de la DGF. Mais le système est déjà tellement compliqué qu'il nous a semblé plus judicieux, à partir du moment où nous mettons en place un contrat, d'augmenter l'aide forfaitaire à hauteur de 15 000 francs par an et par place, ce qui permettra de contractualiser l'investissement entre l'Etat et les collectivités locales, le fonctionnement n'étant pas abordé.
Une réflexion sera ouverte sur la mutualisation des coûts de réparation en cas de destruction.
Nous avons supprimé le seuil de 5 000 habitants, car l'approche territoriale est incompatible avec la dimension démographique, même s'il est nécessaire de réfléchir aux moyens des uns et des autres de faire face à leurs obligations.
Nous restaurons le schéma national, car nous estimons que, pour les grands déplacements, l'Etat doit s'engager. Vous aviez proposé une solution qui se décline à l'échelon départemental, mais nous maintenons cette notion de schéma national.
Nous privilégions la négociation plutôt que la contrainte. Nous avons donc supprimé la possibilité donnée au préfet d'assumer seul l'élaboration du schéma. Nous sommes convaincus que la concertation aboutira. Au pouvoir de substitution du préfet, nous préférons un système de coresponsabilité.
Nous maintenons l'obligation du délai de deux ans, car nous sommes convaincus - c'est un débat que nous avons eu à la commission des lois - que cette loi ne peut être appliquée avec succès que si un délai est imposé et que s'il y a une coordination, voire une relative harmonisation dans le temps de l'action de l'ensemble des départements pour élaborer leur schéma, pour aménager leurs places et pour y recevoir les gens du voyage.
Nous sentons bien, et c'est ce sur quoi je veux terminer, que d'autres définitions à caractère juridique interviendront sur le plan urbanistique.
Nous avons aujourd'hui à trouver un équilibre, mais aussi à faire face à un problème de comportement. Or la responsabilisation des uns et des autres dépendra de la crédibilité du dispositif, laquelle reposera sur l'engagement des acteurs de l'Etat à se mobiliser, et sur certains aspects judiciaires.
Vous aviez fait des avancées significatives. Vous aviez permis que les créations des zones d'accueil s'accompagnent de la création de zones d'interdiction sur l'ensemble d'un territoire, y compris intercommunal.
M. Nicolas About. Cela change quoi ?
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Nous proposons d'accélérer les procédures judiciaires de façon à pouvoir obtenir par référé, à toute heure, l'intervention de l'Etat. Cependant, le débat, vous le verrez, s'ouvrira sur la question suivante : les dispositifs prévus iront-ils jusqu'à traiter de l'exécution des décisions ?
M. Nicolas About. Impossible !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Or, j'attire l'attention sur le fait qu'aujourd'hui un grand nombre de personnes s'interrogent, et c'est inquiétant, sur la capacité de l'Etat à exercer son autorité. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
Si le législateur doit être sensible à cette interrogation, il doit aussi s'interroger sur la nécessité de faire des lois s'il est convaincu que celles-ci ne pourront être appliquées. (Très bien ! sur les mêmes travées.)
Je crois qu'il nous appartient aujourd'hui, au travers du présent projet de loi, de relever un enjeu de société que nous ne pourrions régler en l'ignorant. Nous ne pourrons pas répondre à un besoin d'habitat traditionnel sans offrir un nombre de places suffisant, ni faire face au mouvement de rejet de la différence par la population sans qu'un équilibre soit bien perçu entre les droits et les devoirs. C'est toute la noblesse et le sens de l'autorité de l'Etat qui doivent être exercés aujourd'hui, et ce débat dépasse largement la problématique des gens du voyage. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, voici près de dix ans qu'est entré en vigueur l'article 28 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990, premier texte de loi à avoir aménager les modalités d'accueil des gens du voyage en permettant aux communes qui ont réalisé des aires de stationnement d'interdire le stationnement sur le reste de leur territoire.
Le bilan d'application de ce texte est mitigé, comme vient de le dire M. le rapporteur de la commission des lois, à qui je rends hommage pour le travail considérable qu'il a accompli - puisqu'il a été l'auteur d'une proposition de loi en 1997 - dans le cadre de la préoccupation qui est la sienne, comme parlementaire bien sûr, mais également comme président de l'Association des maires de France.
On ne compte pas moins de 27 000 occupations illicites en France chaque jour et, dans certains départements, seul un tiers d'entre elles font l'objet d'expulsions.
Comment, monsieur le secrétaire d'Etat, concilier trois principes essentiels garantis par la Constitution : la liberté d'aller et venir, le droit de propriété et, enfin, le droit à un logement décent ? Comment permettre aux gens du voyage d'être des citoyens à part entière, soumis aux mêmes droits et aux mêmes devoirs que les autres Français ? Telles sont les deux équations qu'il nous faut aujourd'hui résoudre.
Certes, les maires sont prêts à considérer les gens du voyage comme des citoyens à part entière à condition, monsieur le secrétaire d'Etat, que ceux-ci se comportent eux-mêmes comme des citoyens à part entière. (Très bien ! sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
La commission des affaires économiques estime souhaitable de préciser le texte qui est transmis au Sénat sur plusieurs points. Mais, avant de développer ses observations sur ce sujet, je souhaiterais insister sur certaines lacunes du projet de loi.
En premier lieu, ce texte ne règle en rien les difficultés quotidiennes posées par les dispositions de la loi du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixes. Cette loi prévoit en effet que les personnes se trouvant dans la situation des nomades au sens de la loi de juillet 1912 sont tenues de disposer d'un carnet de circulation, qui doit être visé régulièrement par l'autorité administrative. Comme l'observait notre collègue Jean-Paul Delevoye en 1997, le régime de ces titres de circulation, de même que celui des titres délivrés aux commerçants ambulants et aux caravaniers, est « inutilement complexe et mal adapté à la situation des gens du voyage ».
Lors de visites sur le terrain que j'ai effectuées en Seine-et-Marne - je profite de l'occasion pour remercier M. Jacques Larché, président du conseil général, de l'accueil qui nous a été réservé et du concours que nous ont apporté les services du département - j'ai constaté par moi-même combien les gens du voyage éprouvent de réelles difficultés certes, mais aussi combien les services des communes, des départements et de l'Etat éprouvent, eux aussi, de difficultés devenues quasiment insurmontables.
Ne serait-il pas nécessaire, par exemple - c'est un point particulier qui est ressorti de nos auditions - de faciliter l'accès des gens du voyage à des comptes bancaires, sur lesquels seraient versées les indemnités dont ils bénéficient ? Cela permettrait en outre, en cas de problème, comme pour la plupart des citoyens de notre pays, de suivre l'utilisation des fonds, ce qui n'est pas possible aujourd'hui. Je crois que nous pourrons ouvrir un débat sur ce sujet au sein de l'Association des maires de France, car une grande partie de ceux-ci nous reprochent aujourd'hui un manque d'efficacité, s'agissant de cette population, en matière de suivi, de contrôle fiscal et d'emploi des indemnités à caractère social.
Cela étant, les problèmes sociaux rencontrés par les gens du voyage méritent une attention particulière. Ainsi, les auditions auxquelles j'ai pu procéder montrent que les jeunes nomades sont souvent moins bien alphabétisés que leurs aînés, malgré la scolarité obligatoire. Je rappelle à cet égard que le versement des allocations familiales est subordonnée à la scolarisation des enfants. Malheureusement, cette conditon est difficile à faire respecter, bien qu'il existe, je le reconnais, des tentatives allant en ce sens.
Par ailleurs, la drogue a fait son apparition chez les gens du voyage comme dans le reste de la population française, en particulier dans les quartiers les plus défavorisés. Elle y occasionne les mêmes ravages et le même cortège de délinquance et d'exclusion, et favorise l'émergence de zones de non-droit, qui, au surplus, sont des zones de non-droit itinérantes, encore plus difficiles à traiter que les zones de non-droit situées dans les banlieues.
En outre, il semble que l'insertion sociale des gens du voyage se soit dégradée.
Les activités traditionnelles telles que la collecte des métaux usagés sont de moins en moins exercées par ces populations, ou servent purement et simplement de couverture. Pour que les gens du voyage se considèrent et soient considérés comme des citoyens à part entière, il est donc souhaitable de les encourager à s'insérer dans le circuit économique.
Permettez-moi en outre, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous inviter à régler les problèmes susceptibles de résulter de l'élargissement de l'Union européenne compte tenu de l'importance de la population des gens du voyage qui résident dans les nouveaux Etats membres. Je crois que l'ouverture de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale, au 1er janvier 2002, va augmenter de manière tout à fait sensible la population des gens du voyage ; nous devrons donc être encore plus attentifs à partir de cette date.
Des auditions auxquelles nous avons procédé, j'ai conclu que, actuellement, pour un citoyen roumain qui souhaite venir en France, il est plus difficile est plus de trouver les 1 000 dollars de caution pour obtenir le visa que d'obtenir le visa lui-même.
Mes chers collègues, je voudrais maintenant attirer votre attention sur quatre points qui ont plus particulièrement retenu l'attention de la commission des affaires économiques : les grands rassemblements, la notion de résidence principale mobile, la prise en compte des besoins des petites communes, enfin, le respect des documents d'urbanisme.
Les grands rassemblements doivent relever de la seule compétence de l'Etat et non de celle des communes. En effet, ces manifestations, parfois de plusieurs milliers de personnes, occasionnent d'importants mouvements de population dans toute la France. La gestion de ces flux nécessite une organisation qui dépasse très largement le cadre des schémas départementaux prévus par le projet de loi et doit être fondée sur un régime d'autorisation dépendant des personnes responsables organisatrices des rassemblements.
Par ailleurs, sur le site même d'un grand rassemblement, les collectivités locales, qui ont, certes, un rôle à jouer, ne peuvent en aucune façon faire face seules à l'afflux de ces voyageurs.
Il n'est pas rare, en secteur péri-urbain ou en milieu rural, de trouver des communes dans lesquelles la population des gens du voyage est supérieure à la population sédentaire ; elle est parfois double ou triple !
Le libellé du projet de loi est trop imprécis en ce qui concerne la définition de la résidence occupée par les gens du voyage. Celle-ci repose sur deux critères fixés au 1er alinéa de l'article 1er : le caractère d'habitat traditionnel, le caractère de résidence mobile.
C'est pourquoi il est nécessaire de préciser que les caravanes affectées à l'habitat permanent des gens du voyage ont le caractère de « résidences principales mobiles ». Cette rédaction permet d'opérer une distinction claire entre les personnes dont la résidence principale est sédentaire et qui utilisent des caravanes à des fins de tourisme et de loisir, et les gens du voyage, dont le domicile permanent est situé dans une caravane.
Nous souhaitons en outre étendre le champ d'application de la loi.
L'article 2 du projet n'institue une obligation de créer des aires de stationnement que pour les communes de plus de 5 000 habitants. Il ne vise pas le cas des petites communes qui doivent cependant toujours accueillir les voyageurs au moins quarante-huit heures, en vertu de la jurisprudence du Conseil d'Etat « Ville de Lille » de 1983.
Les maires des petites communes rurales ne sont donc ni tenus de créer des aires, ni fondés, dans ce cas, à interdire le stationnement des gens du voyage sur le territoire de leur commune. C'est bien là que se pose le problème.
On peut craindre, en conséquence, que les gens du voyage qui ne trouveront pas de places de stationnement dans les villes de plus de 5 000 habitants ne s'installent dans ces petites communes souvent rurales. C'est pourquoi il est nécessaire, lorsqu'un tel besoin est constaté dans le schéma départemental, d'étendre l'obligation de créer des aires aux communautés de communes de plus de 5 000 habitants dont aucune commune membre n'atteint ce chiffre.
Enfin, nous considérons comme indispensable d'encourager au respect des dispositions des plans d'occupation des sols.
Les dispositions du III de l'article 8 du projet de loi relatives à la délivrance d'une autorisation d'aménager un terrain pour y installer des caravanes ne soulignent pas clairement la nécessité de respecter les dispositions du plan d'occupation des sols ou du document en tenant lieu. Cette omission, qui s'ajoute à la référence floue à des terrains « bâtis ou non bâtis », sur laquelle je souhaiterais obtenir des précisions, monsieur le secrétaire d'Etat, est de nature à susciter des difficultés d'interprétation du texte et, par voie de conséquence, des contentieux.
Courage et lucidité, telles sont les deux qualités qu'exigera la mise en oeuvre de ce texte. Puisse-t-il, s'il est débattu dans la dignité et la solidarité, permettre de résoudre une question déterminante pour l'intégration des gens du voyage à la société française. En tout cas, il faudra faire preuve de la même fermeté à l'égard de ces citoyens qu'à l'égard de tous les autres ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 45 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'accueil des gens du voyage est devenu un problème d'intérêt général, pour ne pas dire un problème de société ; notre collègueNicolas About l'a souvent rappelé à cette tribune.
Dans nombre de communes, les incidents entre habitants et nomades se sont multipliés, les difficultés sur le terrain se sont amplifiées, les conditions se sont dégradées.
Face à une telle évolution, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement a quelque peu tardé à agir et, pourtant, ce n'est pas faute d'avoir été alerté ou prévenu.
En effet, en novembre 1997, le Sénat soulignait déjà l'urgence en la matière ; il avait pris l'initiative de discuter de deux propositions de loi sur le sujet, déjà rapportées par notre collègue Jean-Paul Delevoye, aujourd'hui excellemment secondé par notre collègue Pierre Hérisson.
Nous avions alors adopté un dispositif réaliste tendant à rechercher une amélioration des conditions d'accueil des gens du voyage et à renforcer, en contrepartie, les moyens de répression du stationnement illégal.
Par la suite, malgré nos demandes répétées, le Gouvernement s'est défaussé pendant deux ans et demi en n'inscrivant pas ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Il a délibérément ignoré cette intéressante initiative parlementaire, préparée en concertation avec les services des différents ministères concernés.
Le constat est pourtant unanime, et ce depuis longtemps : le dispositif prévu à l'article 28 de la loi de 1990 portant votre nom, monsieur le secrétaire d'Etat, article créant une obligation « pour toute commune de plus de 5 000 habitants, de prévoir les conditions de passage et de séjour des gens du voyage sur son territoire par la réservation de terrains aménagés à cet effet » a montré ses insuffisances et son inadaptation à la réalité.
Le projet de loi que vous présentez aujourd'hui à la Haute Assemblée a au moins un mérite, celui de relancer ce débat.
Pour le reste, il m'apparaît risqué et inapproprié.
Le projet de loi est tout d'abord risqué car, au lieu d'inciter, il impose la réalisation d'aires d'accueil pour les communes de plus de 5 000 habitants sans donner aux maires les armes juridiques adéquates pour sanctionner le stationnement irrégulier. Or, les deux doivent aller de pair. Le danger est donc que le dispositif mette les élus en difficulté en se retournant contre eux.
Dans mon département, que vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, les maires soulignent leur impuissance face à de nombreux problèmes qui touchent leurs concitoyens dans leur vie quotidienne et dont ils ont la charge au premier chef : problèmes d'insécurité, problèmes d'hygiène, conflits de voisinage que la présence des gens du voyage peut engendrer.
En outre, même lorsque le maire a fait construire des aires d'accueil, en appliquant la législation actuelle, il n'a pas toujours résolu toutes les difficultés. Il a d'abord pris une mesure souvent impopulaire au sein des riverains concernés. Il n'est pas non plus à l'abri de stationnements sauvages, contre lesquels il dispose de peu de moyens efficaces et rapides.
Je ne suis pas seul à le dire. Lors de la discussion du projet de loi à l'Assemblée nationale, Michel Meylan avait déjà interpellé le Gouvernement sur les dysfonctionnements que les élus dénoncent : tout d'abord, l'inapplication de la loi par la non-intervention de la force publique lors de stationnements sauvages ou d'actes délictueux ; ensuite, les délais trop longs dans l'application des procédures de demande d'expulsion en référé - reconnaissons au passage que ces procédures ne font très souvent que déplacer les problèmes sans les résoudre, enfin, le coût qui en résulte pour la collectivité.
Dans ces conditions, comment ne pas comprendre le découragement, voire l'exaspération des élus et de leurs mandants, ce qui les conduit parfois à des actes maladroits à l'égard de ces populations de gens du voyage ?
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vais poser clairement une question à laquelle je souhaiterais que vous répondiez tout aussi clairement : si le projet de loi est adopté tel qu'il nous est proposé, quelle sera la situation du maire ?
La réponse me paraît être la suivante : non seulement le maire sera toujours dans l'incapacité de faire évacuer les campements sauvages dans de brefs délais - si les tribunaux et la force publique font preuve, aujourd'hui, d'une certaine réticence, pourquoi en irait-il autrement demain - mais, en outre, les habitants de la commune ne manqueront pas de lui imputer les perturbations causées par les gens du voyage. Il sera reconnu comme « responsable, voire coupable » d'avoir doté la commune d'une aire d'accueil. Que pourra-t-il alors répondre ?
Par ailleurs, le projet de loi est inapproprié à plusieurs titres et, tout d'abord, dans les méthodes retenues.
L'éventuelle adoption unilatérale du schéma départemental par le préfet est inacceptable, tout comme est inacceptable la possibilité pour l'Etat de se substituer aux communes, mais à leurs frais, pour la réalisation des aires d'accueil.
Après le racket qu'opère l'Etat vis-à-vis des collectivités locales en n'assumant pas ses responsabilités dans un certain nombre de domaines - celui des routes nationales est un exemple patent - mais en encaissant honoraires et TVA, c'est un véritable diktat qu'il leur impose aujourd'hui.
Ces mesures portent en effet atteinte à la libre administration des collectivités territoriales : elles substituent les représentants de l'Etat aux titulaires de mandats électifs. Curieuse conception du fonctionnement de la démocratie !
Au moment où le Gouvernement proclame le lancement de l'acte II de la politique de décentralisation, on ne peut que s'étonner de la mise en place de procédures qui recentrent la décision au niveau de l'Etat et aboutissent à nier les acquis de la décentralisation. Gaston Deferre doit se retourner dans sa tombe !
En conséquence, je ne peux qu'approuver les propositions de la commission des lois tendant à supprimer les facultés ici reconnues au préfet.
Enfin, il est bien évident que le dialogue et la concertation entre les différents acteurs - Etat, collectivités, représentants des gens du voyage - sont indispensables, comme l'a rappelé M. Delevoye, pour la réalisation des infrastructures, même si cela implique des délais un peu plus longs que ceux qui sont prévus dans le projet de loi.
Dans un tel domaine, particulièrement sensible, la contrainte conduirait inévitablement à l'échec de la politique arrêtée.
Comme l'a souligné M. Delevoye, ce projet de loi est inapproprié quant aux méthodes, mais aussi dans la définition qu'il donne des droits et devoirs de chacun. En effet, il ne parvient pas à établir un équilibre entre les droits et obligations des collectivités, d'une part, et ceux des nomades, d'autre part.
Le « droit d'usage », tel qu'il est défini dans le texte et que devront acquitter les usagers des aires d'accueil aménagées, est un premier pas pour responsabiliser les gens du voyage. Mais il ne paraît pas réellement suffisant au regard des investissements et des frais de fonctionnement qu'engendrent les aires de stationnement ainsi que les dégradations qui sont souvent commises.
A ce déséquilibre ne manquera pas de s'ajouter le fait que les gens du voyage, qui revendiquent leur différence - et nous devons la respecter -, sont, quant à eux, peu enclins à respecter la loi.
Pour illustrer mon propos, je rapporterai simplement la réflexion faite en juin dernier par un délégué départemental d'une des grandes associations représentatives des gens du voyage, l'Association sociale nationale et internationale tzigane, l'ASNIT. Alors qu'on lui demandait si l'obligation, prévue dans le projet de loi, de créer des aires d'accueil le satisfaisait, celui-ci a répondu : « L'aire d'accueil, nous la subissons. »
Le projet de loi pèche, enfin, en confondant les problèmes liés aux regroupements d'ordre familial et ceux qui tiennent aux grandes migrations, lesquelles suscitent des besoins en termes de stationnement et d'équipement très différents.
Or cette confusion n'est pas sans conséquences au regard des enjeux financiers. Le texte défendu par M. Delevoye et voté par le Sénat en 1997 prenait en compte cette situation : il instaurait un schéma national pour les grandes migrations traditionnelles.
Toutes ces remarques m'amèneront, monsieur le secrétaire d'Etat, à ne pas approuver votre texte en l'état, à soutenir les propositions d'amélioration de la commission des lois, excellemment exposées par notre rapporteur, car elles vont dans le bon sens, et enfin à dénoncer l'insuffisance criante du projet de loi en matière de transparence financière. Car là se situe bien le fond du problème.
Je me demande, en effet, comment des gens qui, bien souvent, ne remplissent pas de déclaration d'impôt ou ne sont pas imposables peuvent se payer des biens de consommation onéreux tels que des voitures de grosse cylindrée et des caravanes qui sont de véritables maisons mobiles.
Les moyens de contrôle de l'administration fiscale à l'égard des populations nomades ne sont pas insuffisants : ils sont en fait totalement absents !
M. Alain Gournac. Exactement ! Totalement absents !
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jean-Claude Carle. Le coût des procédures est tel que l'Etat ferme les yeux depuis longtemps sur les illégalités. Cette injustice est de plus en plus mal acceptée par nos concitoyens, et c'est bien normal.
Il n'est pas ici question de montrer du doigt tel ou tel. Il s'agit simplement de rappeler que les lois s'appliquent à tout le monde, quel que soit son statut social et professionnel et quel que soit son mode de vie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
Aujourd'hui, les services fiscaux demandent à tout citoyen de justifier l'origine des sommes lorsque le règlement d'une transaction s'opère en partie en espèces.
Afin de s'assurer que les revenus déclarés ou non par ces contribuables particuliers correspondent effectivement à leur train de vie, que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Dominique Braye. Il y a les « signes extérieurs de richesse » !
M. Jean-Claude Carle. J'ai déjà interrogé à ce sujet votre collègue en charge du budget. Je n'ai obtenu qu'une réponse extrêmement évasive. Je le regrette, même si je reconnais que c'est un problème difficile.
Il reste que c'est un point capital pour la bonne application de ce projet de loi. S'il n'est pas réglé, nous risquons de ne voir que les effets pervers du dispositif, ceux que j'ai décrits précédemment.
Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour faire respecter l'état de droit en France, dans le cas des gens du voyage comme dans celui - mais c'est un autre problème - des petits délinquants de banlieue ?
Ce débat, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, est révélateur des déséquilibres qui menacent notre pays. Qu'il s'agisse de l'accueil des gens du voyage ou, au-delà, du maintien de l'ordre public, de la sécurité des personnes et des biens, les élus locaux sont, quoi qu'il arrive, les premiers responsables et les premiers interlocuteurs aux yeux de la population.
Pour autant, ils ne disposent pas de pouvoirs et de moyens suffisants pour conduire une action de proximité.
La question des gens du voyage n'échappe pas à cette règle, car de deux choses l'une, monsieur le secrétaire d'Etat : soit l'Etat fait confiance aux collectivités et leur laisse l'autonomie de décision et de moyens pour assumer leurs responsabilités vis-à-vis de la loi et de leurs administrés, soit l'Etat veut s'approprier ou conserver la maîtrise de la procédure, mais alors qu'il en assume les conséquences et, surtout, qu'il ne compte plus sur les maires pour payer les pots cassés à sa place. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendant, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la libre circulation des personnes ne date pas d'hier, et c'est heureux. Pendant de nombreux siècles, en Occident, les gens du voyage - chevaliers, mendiants ou brigands - étaient accueillis dans les églises et les monastères. C'est ce que l'on appelait le « droit d'asile ». Victor Hugo, notre illustre prédécesseur en ces lieux,...
M. Jean-Claude Carle. Bonne référence !
M. Philippe Darniche. N'est-ce pas ?
... écrivait ainsi dans Notre-Dame de Paris : « Toute ville au Moyen Age, et, jusqu'à Louis XII, toute ville en France avait ses lieux d'asile... Les palais du roi, les hôtels des princes, les églises surtout, avaient droit d'asile. Quelquefois, d'une ville tout entière qu'on avait besoin de repeupler, on faisait temporairement un lieu de refuge. Ainsi Louis XI déclara-t-il Paris asile en 1467. »
Aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, la problématique à laquelle nous sommes confrontés n'est pas si simple.
Longtemps, notre société a considéré que le choix de vie des gens du voyage ne nécessitait aucune mesure particulière. C'était un erreur. Aujourd'hui, nos sentiments balancent entre la volonté du respect de la culture et des traditions de ces communautés, la volonté de les sédentariser si elles le souhaitent, de scolariser leurs enfants et, enfin, la volonté que soient respectées les propriétés privées ou publiques dans le cadre d'une réglementation s'imposant à tous.
De nos jours, la loi pose le principe selon lequel les communes ont l'obligation d'assurer cette mission d'accueil des gens du voyage. C'est un acte honorable mais le contrat est, par nature, déséquilibré.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous proposez d'imposer aux communes des devoirs stricts, des obligations et des responsabilités, tandis que les gens du voyage, qui manquent souvent à leurs devoirs, ne font valoir que leurs droits, sans contrepartie.
Si ce projet de loi est attendu et nécessaire, il passe impérativement par une réglementation plus rigoureuse et la mise en place de dispositions civiles renforcées. Je développerai l'exemple des communes du littoral où les gens du voyage violent en masse, chaque été, le domaine public, en dressant illégalement d'immenses campements.
Le stationnement des gens du voyage qui, de tout temps, a été malaisé, pose aujourd'hui des problèmes de plus en plus pressants. Monsieur le secrétaire d'Etat vous avez décidé de chercher à régler ce problème récurrent en proposant une démarche participative mais déséquilibrée en ce qu'elle est fondée sur le principe : qui ne veut pas accueillir, ne peut interdire.
Nous savons tous que l'urbanisation repousse toujours plus loin les possibilités de stationnement. Il est souhaitable, pour tous, qu'en accroissant le nombre des aires - comme vous le suggérez - on réduise le nombre d'infractions. Mais dès lors que des aires de stationnement ont été créées par des communes ou des communautés de communes, les sanctions prévues en cas de stationnement illégal des gens du voyage doivent absolument être sensiblement renforcées.
M. Nicolas About. Et elles doivent être instantanées !
M. Philippe Darniche. De même, doit être traité le problème, chaque jour constaté, du vandalisme quasi systématique des aires déjà mises à disposition, un problème qui coûte fort cher aux collectivités.
M. Jean Huchon. Très juste !
M. Philippe Darniche. A la lecture de ce projet de loi, monsieur le secrétaire d'Etat, aucune avancée n'apparaît en matière d'expulsion des gens du voyage, alors que, trop souvent, ces derniers ne respectent pas les règles qui s'imposent à tout citoyen.
En effet, garantir la liberté constitutionnelle d'aller et venir et l'aspiration culturelle des gens du voyage à pouvoir stationner dans des conditions décentes est louable et naturellement nécessaire. Bien sûr, nul ne doit ignorer les droits fondamentaux de chacun de choisir son mode de vie ou de circuler librement. Mais nul ne peut non plus s'opposer à la garantie du droit de propriété.
Il est indispensable, nous le pensons tous, de favoriser une démarche constructive vers la sédentarisation des gens du voyage et la scolarisation de leurs enfants, en respectant leurs spécificités culturelles, en particulier le phénomène des « grands rassemblements » traditionnels et religieux annuels.
Cependant, j'estime que la liberté constitutionnelle d'aller et venir est indissociable du souci des élus locaux, lui aussi bien compréhensible, d'éviter des installations illicites, qui occasionnement des difficultés de coexistence avec leurs administrés. L'objectif des maires des petites communes est de faire respecter la loi au regard des droits et devoirs de chacun.
M. Dominique Braye. Exactement !
M. Philippe Darniche. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais vous interpeller sur deux aspects concrets de ce dossier.
Le premier concerne la grande préoccupation des maires liée au stationnement illicite et massif des gens du voyage, en période estivale, sur le littoral atlantique ou méditerranéen. On voit ainsi parfois se rassembler jusqu'à 1 000 caravanes ! N'est-ce pas, monsieur le président ?
Cette situation est particulièrement difficile pour les communes qui voient, chaque année, et hors de toute tradition religieuse, déferler sur leurs plages ces chapelets de caravanes dont les occupants s'approprient une dune, voire une plage, au grand désespoir des touristes et des populations sédentaires. Les référés, nombreux et coûteux, régulièrement intentés par les maires n'aboutissent hélas ! à rien. Le malaise qui s'ensuit a des conséquences pouvant troubler l'ordre public. Dans la plupart des cas, ces communes littorales sont pourtant dotées d'aires d'accueil, mais celles-ci n'ont évidemment pas la taille adéquate pour de tels rassemblements.
Comment comptez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, faire appliquer et renforcer les moyens juridiques des communes pour lutter contre les stationnements illicites, qu'elles aient ou non rempli leurs obligations ?
Sans doute faut-il qu'en cas de refus de quitter le site illégalement occupé le préfet, garant du schéma départemental, selon le projet de loi, puisse faire exécuter les ordonnances d'expulsion dans les délais les plus brefs et en ayant recours, le cas échéant, à la force publique.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé - en particulier à l'article 9 - un certain nombre d'amendements dont l'esprit rejoint celui qui sous-tend les amendements du rapporteur de la commission des lois et d'un certain nombre de nos collègues.
Il m'apparaît en effet indispensable d'améliorer les procédures judiciaires pour faire respecter les règles d'urbanisme, ainsi que les arrêtés municipaux relatifs au stationnement, et de renforcer les pouvoirs du maire en matière d'interdiction de stationner. Cela passe notamment par la réduction sous vingt-quatre heures du référé du juge civil en cas d'occupation illégale de terrains, ainsi que par l'inscription de la compétence, pour le préfet, de faire exécuter les ordonnances d'expulsion en ayant recours à la force publique.
Le second aspect sur lequel je veux insister concerne le cas des communautés de communes qui ont réalisé des aires de stationnement conformes aux dispositions du projet de loi que vous nous proposez. Pouvez-vous nous confirmer qu'une communauté de communes peut, au même titre qu'une commune, prendre tout arrêté interdisant le stationnement sur le reste du territoire intercommunal, afin de prendre les mesures nécessaires contre tout envahissement intempestif et répétitif ?
J'indiquerai pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, que je ne peux, non plus que l'ensemble de mes collègues non inscrits souscrire au texte que vous nous proposez. Seules les améliorations suggérées par un certain nombre d'entre nous - et particulièrement les réponses concrètes proposées par notre excellent rapporteur, M. Jean-Paul Delevoye, qui représente ici tous les maires de France - seront de nature à infléchir notre position. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Peyrat.
M. Jacques Peyrat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'on ne saurait disconvenir que le projet de loi proposé par le Gouvernement a le mérite de tenter d'apporter des solutions au rude problème auquel sont confrontés les gestionnaires territoriaux mais également, d'une façon plus large, l'ensemble de notre pays.
Certes, l'intérêt de ce débat n'est pas le même pour ceux qui gèrent des communes, au contact permanent avec les affrontements découlant du stationnement souhaité, voire voulu par « les gens du voyage », dans toutes leurs disparités d'ailleurs, et pour ceux qui ne gèrent pas de collectivités territoriales ou qui, les gérant, ne sont pas destinataires des migrations de ces nomades.
La loi du 31 mai 1990 était irréaliste. Elle ne connut d'ailleurs qu'une application très modérée.
Il était nécessaire de redéfinir de nouvelles dispositions et, partant, pour nous, de légiférer.
Le texte qui nous est proposé est-il satisfaisant pour les maires de petites et grandes communes ? Non, je ne le crois pas, malgré les avancées sérieuses et incontestables qu'il comporte.
L'hétérogénéité est la caractéristique qu'il faut prendre en compte pour espérer légiférer de manière efficace. Les gens du voyage ne peuvent en effet être rangés dans une seule et même catégorie. Une distinction doit, par exemple, être opérée entre, d'une part, des populations appartenant, tels les Tziganes, à un groupe ethnique défini - il faut d'ailleurs savoir qu'à l'intérieur des Tziganes les Manouches ne s'entendent pas avec les Rom, auprès desquels ils ne veulent pas se trouver - et, d'autre part, les populations autochtones, tels les Yéniches en Alsace.
Chaque groupe a ses propres coutumes, en vertu desquelles certains refuseront, par exemple, telle aire d'accueil à tel endroit au motif que des esprits mauvais y rôdent.
Faut-il, dès lors, prévoir une aire d'accueil pour chaque type d'ethnie ?
Tout cela pose le problème plus général que les élus locaux rencontrent depuis de nombreuses années dès qu'ils veulent essayer de dialoguer pour examiner les conditions de règlement des conflits systématiquement rencontrés.
Nous n'avons pas d'interlocuteurs représentatifs et je ne pense pas que la multiplication de commissions nationales ou départementales consultatives des gens du voyage y changera quoi que ce soit.
Enfin, autre considération préalable essentielle à l'élaboration d'une loi efficace sur le sujet, ces populations ont bien changé et n'ont plus rien à voir avec l'image romanesque du Romanichel tirant avec une vieille haridelle sa roulotte pour se livrer à des travaux de vannerie et voler quelques poules. Aujourd'hui, on a plutôt affaire à des familles roulant en grosses berlines, tirant de superbes caravanes, l'ensemble valant d'ailleurs aisément le prix d'un logement, sans que l'on soit, la plupart du temps, en mesure de connaître précisément leurs revenus.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Jacques Peyrat. Ce que l'on sait, en revanche, c'est que, malgré un niveau de vie élevé en apparence, nombreux sont ceux qui bénéficient du RMI...
M. Alain Gournac. Comme c'est vrai !
M. Jacques Peyrat. ... au mépris total de la philosophie de cette allocation, qui suppose, en contrepartie, un effort d'insertion, ce qui n'est, bien sûr, pas le cas de ces populations.
Ce que l'on sait aussi, c'est que les nouveaux flux migratoires provoqués par la chute du mur de Berlin et la situation politique et sociale de certains pays de l'Est, conjugués à la construction européenne actuellement en cours, doivent être pris en compte, tant d'un point de vue strictement comptable qu'en matière d'immigration, et d'immigration clandestine notamment.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. C'est incroyable !
M. Jacques Peyrat. Ce qui manque essentiellement à votre projet, c'est ce travail d'immersion au sein de ces différentes communautés qu'il me paraît essentiel d'avoir à l'esprit avant d'engager un quelconque travail législatif visant à régler, si possible de manière consensuelle, le stationnement des gens du voyage.
Au-delà de ces remarques fondamentales, je dois reconnaître que vous avez eu le mérite de tirer les leçons de l'échec de la loi de 1990 pour élaborer des dispositions que vous nous annoncez soucieuses d'équilibre puisque les efforts importants demandés aux communes ont - peut-être ! - pour contrepartie une mutualisation des coûts et une répression effective du stationnement illicite.
Je ne suis pas certain que l'équilibre soit aussi parfait que vous voulez bien nous le dire. C'est en effet à la commune de supporter les nuisances, ce qui n'est pas rien quand on connaît le sentiment de rejet des populations locales vis-à-vis des gens du voyage. C'est à la commune aussi de trouver un terrain, ce qui n'est pas simple dans les grandes villes ou dans une région très fortement urbanisée, un terrain qui, de surcroît, soit accepté par toutes les ethnies susceptibles d'y stationner.
Et c'est à la commune, enfin, d'entretenir cet espace et de supporter les dégradations considérables que nous constatons après le départ des plus grands rassemblements à la fin de l'hiver.
Votre projet de loi prévoit, certes, monsieur le secrétaire d'Etat, des participations - que j'ai bien notées - s'agissant notamment de l'investissement et du fonctionnement. A ce propos, je partage l'avis de M. le rapporteur.
La solution qui consiste à prendre en compte, dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement des communes, le financement des places réservées aux gens du voyage n'est pas satisfaisante dès lors que le montant global de cette dotation n'aura pas été abondé, car elle entraînerait une baisse des sommes disponibles pour les autres dotations composant cette DGF.
Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement prenne en compte cet argument de bon sens et d'honnêteté. Je souhaite également qu'il contribue à la réparation des dommages causés aux installations, voire à leur reconstruction, mettant ainsi en oeuvre une véritable mutualisation entre partenaires.
Autre grief à l'encontre de ce projet de loi, celui qui concerne le caractère contraignant, voire coercitif, de la procédure d'élaboration du schéma départemental. Cela n'est pas conforme au principe de partenariat entre l'Etat et les collectivités locales qui doit régir la prise en charge du stationnement des gens du voyage.
Cette démarche autoritaire imposée aux collectivités locales ira, à mon sens, à l'encontre de l'objectif visé et risque de nourrir, au lieu de les apaiser, les tensions susceptibles d'apparaître sur le plan local.
M. Jean-Claude Carle. C'est tout à fait vrai !
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jacques Peyrat. Au-delà de tout affrontement politique, qui n'a pas sa place ici, ce que nous souhaitons, c'est que cette loi soit un instrument utile pour chacun des maires. Cette dimension est fondamentale. En effet, si le sentiment d'un laxisme de l'Etat et d'une impuissance des maires à mettre un terme à ces situations se répandait dans la population, on pourrait craindre de graves conséquences auprès de nombre de nos concitoyens, pour lesquels l'élaboration d'un tel projet de loi uniquement consacré à l'amélioration de l'habitat des gens du voyage, alors même que toutes les demandes de logement à loyer modéré ne peuvent être satisfaites, est déjà susceptible d'apparaître comme un traitement préférentiel inacceptable.
Je l'ai dit, monsieur le secrétaire d'Etat, le fait que votre projet de loi, existe constitue déjà une première avancée. Pour autant, il est un principe de base que nous devons, que vous devez, avoir constamment à l'esprit : rien ne sert de bâtir des textes, de les amender, de les discuter et de les voter s'ils ne peuvent être réellement appliqués sur le terrain par ceux-là même qui les attendent.
M. Alain Gournac. Absolument ! C'est encore pire !
M. Jean-Claude Carle. Très vrai !
M. Jacques Peyrat. Toute la crédibilité du texte qui sortira du parcours législatif reposera sur la capacité réelle de l'Etat à faire respecter la réglementation imposée par la loi à ceux qu'elle vise.
Ainsi, le véritable débat, qui dépasse la discussion d'aujourd'hui, concerne la responsabilité de l'Etat dans l'exécution par les forces de police des décisions rendues par les tribunaux de l'ordre judiciaire.
C'est tout l'enjeu de l'article 9 de ce projet de loi, qui est la clé de voûte de votre dispositif.
Soit sa mise en oeuvre permettra effectivement de lutter avec efficacité contre le stationnement illégal, et votre projet de loi aura gagné toute sa crédibilité ; soit rien de décisif n'aura changé, c'est-à-dire qu'il sera toujours aussi difficile, voire impossible à un maire de faire cesser une occupation illégale, auquel cas vous aurez échoué et votre projet comme notre vote n'auront servi à rien.
M. Dominique Braye. Ce sera pire !
M. Jacques Peyrat. Tout le problème est là aujourd'hui. Non seulement la procédure judiciaire est longue et contraignante, mais en plus, vous le savez, cela a été dit et ce sera répété, neuf fois sur dix, la décision de justice ordonnant l'expulsion n'est pas appliquée, le préfet ne mettant pas à la disposition de la justice les forces de sécurité nécessaires.
Vous pouvez donc améliorer considérablement les procédures, notamment en simplifiant les démarches des maires en matière de référé, mais rien de tout cela n'a d'intérêt si, dans le même temps, vous ne vous assurez pas, si vous ne nous assurez pas que l'Etat appliquera, dans un délai très court, toutes les ordonnances d'expulsion.
Si, par malheur, la carence de l'Etat qui se manifeste au quotidien persistait, nous nous efforcerions alors de mettre en oeuvre des moyens qui font aujourd'hui défaut. C'est donc un contrat de confiance auquel il nous faut souscrire, et, en l'état, on le peut difficilement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans l'impossibilité de venir devant vous aujourd'hui, Mme Odette Terrade m'a demandé de vous présenter tout à la fois ses excuses et son intervention.
Près de trois cent cinquante années séparent le premier dispositif relatif aux gens du voyage du texte que nous examinons aujourd'hui. C'est en effet l'ordonnance de Colbert de 1662 qui définissait comme délit le nomadisme, l'oisiveté et l'errance.
Tout au long de ces trois siècles, la législation a certes évolué, mais les pratiques et les mentalités sont encore trop souvent empreintes d'un jugement négatif à l'égard des personnes itinérantes. Il y a, bien entendu, la peur de ce qui est différent, la méconnaissance des autres, mais également une certaine jalousie d'un mode de vie qui rime avec absence de contraintes, liberté totale et irresponsabilité.
Les situations de tension dans notre pays témoignent bien de la nécessité de faire évoluer les mentalités afin que le libre choix de vie de chacun soit respecté. Comme vous le déclariez, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est « une affaire de cohérence avec les valeurs dont nous nous réclamons », valeurs inscrites sur le fronton de nos édifices : liberté, égalité et fraternité.
Ces situations de tension témoignent également de la nécessité de faire évoluer la loi, d'abord pour des raisons de justice sociale, d'égalité de traitement, mais également, j'en suis persuadée, parce que la loi contribue, dans bien des domaines, à faire évoluer les mentalités.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez certes la charge de ce projet de loi, mais cette question relève également de la compétence de plusieurs autres ministères : ceux de la justice, de l'intérieur et de l'emploi et de la solidarité.
La diversité de la réalité des gens du voyage exigerait des mesures dépassant le cadre de cette loi car elles ne relèvent pas du strict domaine de l'accueil et du stationnement.
Je pense avant tout à l'obligation pour les gens du voyage de posséder et de présenter tous les trois mois un carnet de circulation, alors que la plupart d'entre eux sont de nationalité française. Cet élément a d'ailleurs été évoqué précédemment.
La loi du 3 janvier 1969 instituait le rattachement administratif sur une commune donnée, qui entraîne des conséquences importantes pour de nombreux actes de la vie quotidienne, notamment le mariage, le devoir fiscal, l'aide sociale ou le service national.
J'ai en mémoire le témoignage d'un membre de la communauté du voyage s'exprimant à un colloque à Bourg-en-Bresse. Il faisait part de l'atteinte à la dignité que ce carnet de circulation représentait pour lui. (Murmures de protestation sur les travées du RPR.) Il disait simplement combien il se sentait un « sous-citoyen » par rapport au reste de la population. Comment ne pas le comprendre !
M. Dominique Braye. A Vernouillet, ils sont fichés !
Mme Danielle Bidard-Reydet. La loi, dans ce domaine, doit évoluer.
M. Dominique Braye. Et ceux qui ne respectent pas la loi, qu'en fait-on ?
Mme Danielle Bidard-Reydet. Le débat doit avoir lieu, le plus largement possible.
Pour ce qui concerne les aides sociales, autre domaine qu'il convient de faire progresser,...
M. Dominique Braye. L'enfer est pavé de bonnes intentions !
Mme Danielle Bidard-Reydet. ... mon groupe aura l'occasion d'intervenir ultérieurement sur l'article 6.
Aujourd'hui, sur le plan législatif, la référence est la loi du 31 mai 1990. Ce texte comportait des avancées non négligeables. Tout d'abord, il mettait en place les schémas départementaux prévoyant les conditions d'accueil spécifiques des gens du voyage, en ce qui concerne le passage et le séjour, en y incluant les conditions de scolarisation des enfants et les conditions d'exercice d'activités économiques. De surcroît, il prévoyait que toutes les communes de plus 5 000 habitants réservent des terrains aménagés à cet effet. Seule cette obligation rendait possible l'interdiction de stationnement des gens du voyage sur le reste du territoire communal, par le maire.
Le texte avait pour défaut majeur de ne prévoir ni obligation, ni sanction, ni délai. Aujourd'hui, nous pouvons dire que cet appel à la bonne volonté n'a pas suffi.
M. Hilaire Flandre. C'est bien de le reconnaître !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Des chiffres déjà cités montrent les difficultés d'application de ce texte.
La première difficulté réside, comme je viens de le dire, dans l'absence de contrainte et de délai. Cela est à mettre en parallèle avec une réelle pénurie de terrains pour certaines communes ou avec d'autres motifs.
Nous constatons, dix ans après l'adoption de la loi de 1990 et son fameux article 28, monsieur le secrétaire d'Etat, un très grand déficit en ce qui concerne le nombre d'aires d'accueil. Il en résulte une très forte pression sur les communes qui, dotées d'un équipement, se sentent pénalisées alors qu'elles ont joué le jeu, et cela dissuade encore davantage les communes les moins coopérantes.
Aussi était-il nécessaire de mettre en oeuvre un outil législatif pour contraindre ces dernières à agir. Nous saluons donc votre initiative, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Patrick Lassourd. Vive la liberté !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Le présent projet de loi vise à une cohabitation harmonieuse de toutes les catégories de la population, sur l'ensemble du territoire national. Ce texte tend à créer les conditions d'un équilibre satisfaisant entre, d'une part, la liberté constitutionnelle d'aller et de venir, l'aspiration légitime des gens du voyage à pouvoir stationner dans des conditions décentes et, d'autre part, le souci, également légitime, des élus locaux d'éviter les installations sauvages qui occasionnent des difficultés de coexistence avec leurs administrés. Cet équilibre entre droits et devoirs est de la responsabilité de l'Etat, en partenariat avec les collectivités locales, les gens du voyage et les populations sédentaires concernées.
En ce qui concerne les conditions de vie décentes auxquelles les gens du voyage doivent avoir droit, comme toutes les autres catégories de la population, ne conviendrait-il pas, à l'identique de ce qui se produit pour le logement traditionnel, de fixer non seulement les normes d'hygiène, de sécurité, de confort, mais également les normes de compatibilité avec leur activité professionnelle, souvent le ferraillage, qui devraient être prises en compte lors de la réalisation des aires d'accueil ? Il conviendra de veiller à ce que les décrets d'application prennent effectivement en compte l'ensemble de ces problèmes ainsi que la question des lieux d'implantation devant offrir un cadre de vie de qualité.
Enfin, s'agissant du pouvoir des maires de lutter contre les stationnements illicites, la loi de 1990 permettait déjà au maire d'interdire, par arrêté, le stationnement des caravanes sur le reste du territoire de sa commune, dès lors que celle-ci satisfaisait aux obligations de l'article 28. La jurisprudence a d'ailleurs confirmé ces données.
Toutefois, de nombreux maires qui ont satisfait à l'obligation de construction d'aires d'accueil font état, à juste titre, de délais trop longs entre le signalement d'un stationnement illicite et le départ des personnes ayant commis l'infraction. Ce projet de loi devrait corriger ces anomalies, tout d'abord parce qu'il aura comme conséquence directe l'augmentation significative du nombre d'aires, mais également parce qu'il renforce le dispositif existant en confiant au juge judiciaire l'ordonnance de l'évacuation des terrains, y compris sur le domaine public, et en rendant possible l'exécution « au seul vu de la minute ».
Au-delà de la réalisation des aires d'accueil, l'évolution du mode de vie nécessite une diversification des réponses. Outre les 100 000 gens du voyage déjà sédentarisés, 70 000 peuvent être considérés comme semi-sédentarisés puisqu'ils aspirent à rester plusieurs mois dans un même lieu. Cette tendance à la sédentarisation correspond bien entendu à la disparition de nombreuses activités traditionnelles des gens du voyage. Le choix d'une vie totalement itinérante, semi-sédentarisée ou sédentarisée appartient à chaque individu. Toutefois, la loi se doit d'appréhender toutes ces réalités afin d'y apporter des solutions efficaces.
La commission des lois de la Haute Assemblée a adopté un amendement visant à prévoir l'élaboration d'un schéma national dans le cadre de rassemblements traditionnels ou occasionnels. Si ces grandes migrations entraînent des déplacements d'une ampleur particulière soulevant des problèmes spécifiques, elles ne constituent néanmoins que des déplacements ponctuels. Or, ce sont les déplacements plus fréquents que les maires doivent gérer au quotidien. De plus, le paragraphe IV de l'article 1er répond, me semble-t-il, à la nécessité de coordonner, à l'échelon de la région, les travaux d'élaboration des schémas départementaux. Enfin, il nous paraît que le schéma national éloigne des lieux de décision les problèmes rencontrés sur le terrain par les élus locaux.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, d'aborder une autre facette de la vie en caravane.
Nous assistons au développement du mode de vie, ou plutôt de survie, dans des caravanes, voire des camions ou des voitures, à défaut de pouvoir se loger dans un appartement. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Bernard Murat. Ils ne veulent pas y aller !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Toutes ces personnes vivent dans une très grande précarité, en dessous du seuil de pauvreté.
M. Dominique Braye. Merci la gauche !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Leurs candidatures à un logement sont rejetées par tous les bailleurs sociaux.
M. Dominique Braye. Merci la gauche !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Ces personnes doivent-elles être assimilées aux gens du voyage ? Ne conviendrait-il pas plutôt, dans nos politiques d'accompagnement social, d'appréhender cette réalité de très grande exclusion ?
La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions devait résoudre une partie de ces situations.
M. Dominique Braye. La fracture sociale s'accroît chaque jour, mais la cagnotte augmente !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Or, dans les faits, il n'en est rien. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que le Gouvernement compte faire pour s'attaquer à ce phénomène qui, me semble-t-il, s'amplifie ?
M. Dominique Braye. La cagnotte serait bienvenue !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Vous l'aurez compris, mes chers collègues, les membres du groupe communiste républicain et citoyen approuvent globalement le projet de loi qui nous est soumis. Nous formulons néanmoins quelques remarques, qui prendront la forme d'amendements afin d'enrichir le texte, et quelques réflexions, que nous souhaitons verser au débat.
Le principe d'une large consultation à l'échelon départemental nous agrée.
M. Dominique Braye. Vous avalez tout !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Il faut cependant que la commission comprenant, notamment, des représentants des communes concernées et des représentants des gens du voyage ait de réels pouvoirs de proposition et d'intervention, au-delà du rôle consultatif que lui attribue l'article 1er.
En ce qui conerne la question du financement, je note avec satisfaction que le projet de loi contient des dispositions financières substantielles à la charge de l'Etat, pour le financement de l'investissement et pour la compensation des charges de fonctionnement. Toutefois, les départements et les communes y contribueront de façon importante, ce qui provoque, avec raison, beaucoup d'inquiétude parmi les maires.
Aussi, nous proposons au Sénat de déplafonner l'aide de l'Etat, afin que celle-ci corresponde effectivement à 70 % des dépenses réelles engagées par les collectivités locales pour la mise en place d'aires de stationnement.
L'article 7 instaure une majoration de la population prise en compte au titre du calcul de la dotation globale de fonctionnement, des dotations de solidarité ou du fonds de péréquation. Ne serait-il pas envisageable de prévoir également une prise en compte du nombre d'emplacements réalisés, au même titre que le nombre de logements sociaux, par exemple, pour la répartition des dotations de solidarité ?
Les membres du groupe communiste républicain et citoyen soutiennent toutes les mesures permettant de concilier le droit à un habitat adapté et la libre circulation des personnes dans un rapport équilibré entre les droits et les devoirs de chacun. C'est, nous le pensons, l'esprit qui a présidé à l'élaboration de ce texte, que nous soutenons. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si nous examinons ce texte aujourd'hui, c'est vraisemblablement parce que la loi de mars 1990 est un échec. En effet, vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, elle n'a été appliquée que par un quart des communes. C'est pourquoi vous nous présentez aujourd'hui un nouveau dispositif visant à la corriger.
Cette loi est un échec pour plusieurs raisons. D'abord, les coûts étaient trop importants pour les communes, qu'il s'agisse du montant de l'investissement ou des frais de fonctionnement. Mais, nonobstant ces coûts élevés, il était difficile d'expliquer à la population locale que l'ensemble de ces investissements et frais de fonctionnement devait être financé par le budget municipal.
Comme cela a été dit à plusieurs reprises au cours de nombreuses interventions, nos concitoyens portent en effet souvent - certains diront hélas ! - un regard soupçonneux sur les nomades qui s'installent dans leur cité. Ils constatent - n'y voyez point une discrimination, monsieur le secrétaire d'Etat, car je fais simplement état des statistiques locales - que des exactions suivent souvent l'implantation d'une aire réservée aux nomades.
Par ailleurs, ce qui ne manque pas d'intriguer la population locale - et cela ne relève pas, je crois, de la grande exclusion, contrairement à ce que je viens d'entendre - ce sont les conditions de vie des nomades.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai souvent l'occasion, dans ma commune, parce que je suis alerté par mes concitoyens, d'aller voir de près ce qui se passe : qu'elle n'est pas ma stupéfaction devant la qualité des caravanes, la marque des voitures, alors que, quand je demande à ces gens quelle profession ils exercent ils me répondent qu'ils sont rempailleurs de chaises !
Le texte que vous nous présentez vise à doubler la participation de l'Etat relative à l'investissement. C'est beaucoup mieux que précédemment. En effet, 70 % du montant de l'investissement, c'est important. Cependant, l'Etat laisse encore une charge importante à la commune au titre du fonctionnement : environ 10 000 francs par place, a dit tout à l'heure M. le rapporteur. En revanche, je n'ai pas d'indication précise - peut-être pourrez-vous nous éclairer, monsieur le secrétaire d'Etat - sur la réalité des frais de fonctionnement : s'agit-il de 20 000 francs, de 30 000 francs, de 40 000 francs ou de 50 000 francs, comme j'ai pu le lire ? En tout cas, cette participation communale qui subsiste n'apaisera certainement pas les frictions entre les populations sédentaires et les populations nomades.
Aujourd'hui, certaines aires d'accueil sont peu ou mal utilisées, et, malgré l'existence de ces dernières, il est des terrains publics ou privés qui sont constamment occupés de façon illicite. Je crains que les dispositions envisagées visant à une augmentation des pouvoirs de police du maire et les procédures de référé plus directes et plus larges ne restent essentiellement théoriques. Il est très difficile - cela a été dit à plusieurs reprises, et je me permets de le souligner de nouveau - de faire exécuter ces arrêtés. Tout à l'heure, mon collègue de la Haute-Saône me demandait comment il était possible de faire face à l'installation de 30 000 habitants dans sa commune de Pesmes, qui compte 1 000 habitants. Les 100 CRS envoyés par la préfecture pour les faire partir font en effet rapidement demi-tour, ce qui est facilement compréhensible !
Aujourd'hui, les églises ne suffiraient plus à accueillir toutes ces personnes, et je continue à penser qu'il sera extrêmement difficile de faire exécuter les arrêtés de justice.
M. Jacques Peyrat. De plus en plus !
M. André Vallet. Notre groupe votera tout de même ce projet de loi, sous réserve, bien entendu, de l'adoption des amendements présentés par la commission des affaires économiques et par la commission des lois, parce que ce texte constitue une avancée par rapport à la loi de 1990.
Mais nous aimerions, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette assemblée puisse, un jour, évoquer tous les aspects, très divers, de ce problème : les lieux de vie, certes, mais aussi l'éducation des enfants, les problèmes de santé, les problèmes fiscaux, l'organisation des déplacements. En effet, on ne peut, actuellement, être en marge de tout ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi dont nous entamons la discussion est un texte attendu. Le débat sur ce sujet est, quant à lui - on le sait - souvent passionnel. La question de l'accueil des gens du voyage est en effet une question ancienne, récurrente, souvent douloureuse en raison des tensions qu'elle suscite au niveau local.
Ces tensions, dont la presse se fait l'écho à l'occasion, mais bien en deçà de la réalité quotidienne, montrent, si besoin est, que le statu quo n'est satisfaisant ni pour les gens du voyage ni pour les maires. Je suis, sur ce point, monsieur le rapporteur, tout à fait d'accord avec vos déclarations.
Certes, des efforts louables ont été réalisés, en particulier par vous, monsieur le secrétaire d'Etat. Mais l'article 28 de la loi du 31 mai 1990, malgré les progrès qu'il induit, ne suffit pas : nombreuses sont les communes encore réticentes à réaliser des aires d'accueil, lesquelles suscitent l'opposition des riverains ; fréquentes sont les difficultés à faire respecter, une fois l'aire réalisée, l'interdiction des stationnements irréguliers ; insurmontables, par faute de moyens et donc de surveillance, sont les coûts de réparation des aires dégradées par leurs occupants.
Aussi, une évolution législative est nécessaire et même urgente ; mais évolution ne veut pas dire précipitation, et, de ce point de vue, la maturation de votre texte par rapport à la proposition de loi de 1997 est un incontestable progrès.
L'urgence, à coup sûr, concerne d'abord le stationnement des gens du voyage.
Actuellement, 10 000 places de stationnement sont disponibles. C'est insuffisant puisque, semble-t-il - c'est un chiffre que vous avez vous-même avancé, monsieur le secrétaire d'Etat - quelque 30 000 places seraient nécessaires pour assurer de façon décente le stationnement des populations qui ont conservé leur mode d'habitat traditionnel dans des résidences mobiles.
Pour résoudre le problème du stationnement, ou essayer de le faire, il existe un véritable préalable, que nous étions d'ailleurs plusieurs à avoir souligné lors de la discussion de 1997 : il faut d'abord se donner les moyens de créer un nombre de places suffisant, et le faire de la façon la plus concomitante possible. C'est tout le pari du texte, car on ne peut faire entrer 30 000 caravanes dans des aires de stationnement ne pouvant en recevoir que 10 000 ! Du reste, l'intitulé initial du texte était uniquement relatif à l'accueil. C'est donc bien l'objet essentiel du présent projet de loi.
Toutefois, en aucun cas, cette politique d'accueil ne doit faire oublier la nécessité d'appréhender le problème dans sa globalité. La question n'est pas complètement traitée dans ce texte, et il faudra donc sans doute y revenir, même si un traitement global à cet égard est difficile à mettre en oeuvre, comme le savent bien les départements.
Pour le reste, monsieur le secrétaire d'Etat, s'agissant de l'accueil, nous ne pouvons que vous féliciter d'avoir su tenir compte de la réalité.
Répondre aux préoccupations des élus quant au stationnement constitue tout autant une priorité. Les élus sont en effet désemparés face aux stationnements illicites et à l'incompréhension et à la colère que de tels agissements suscitent au sein de la population. Trop fréquemment encore, l'arrivée de caravanes sur le territoire d'une commune entraîne immédiatement une tension entre les habitants et les gens du voyage, les élus essayant de désamorcer les conflits. Cette tension est le terreau d'un ostracisme difficile à accepter, même si on peut le comprendre. Mais, pour vaincre ces appréhensions, il faut, certes, une volonté politique, peut-être même un certain courage politique, mais aussi des moyens.
En effet, nous sommes confrontés à un problème qui ne peut être réglé que si chacun accepte de jouer le jeu, et même de se mobiliser : je pense aux collectivités locales - les maires en particulier - qui sont les acteurs de terrain et qui doivent être soutenues bien au-delà du nécessaire dialogue préconisé à bon droit dans le texte entre les collectivités locales, l'Etat, les personnalités qualifiées, les pouvoirs publics en général et les représentants des nomades.
Certains diront que le dialogue est un leurre, qu'il n'existe pas dans ce texte en raison des pouvoirs reconnus au préfet, qui sont, il est vrai, peu communs, très contraignants ; mais ils sont, je le crois, l'essence de ce texte. Même s'il s'agit d'un texte de dialogue, il est parfois nécessaire - c'est le rôle du législateur - d'anticiper les situations de blocage. Il faut alors comprendre que la faculté reconnue au préfet d'approuver seul le schéma départemental ne devra pas être et ne sera pas, si chacun accepte les responsabilités qui sont les siennes, la règle, mais bien l'exception.
De même, le pouvoir reconnu au représentant de l'Etat de se substituer aux communes est l'application du principe selon lequel il est inadmissible que certaines communes puissent ne pas remplir leurs obligations en se déchargeant sur les autres. Supprimer ces dispositions, ce serait supprimer ce qui fait l'équilibre de ce texte et oublier les leçons que la pratique de la loi du 31 mai 1990 nous a enseignées.
Si je devais commenter ces aspects à la lumière des propos que j'ai entendus tout à l'heure, je dirais que l'on ne peut tenir deux discours : on ne peut crier à l'inefficacité de la loi de 1990 et, en même temps, refuser les moyens permettant de lui conférer une certaine efficacité ; on ne peut crier à la recentralisation par les pouvoirs donnés aux préfets et affirmer simultanément que l'on se satisferait tout à fait de voir l'Etat prendre l'entière responsabilité du logement, de l'installation et du contrôle des gens du voyage. Il me semble que ces discours contradictoires ne sont pas satisfaisants, contrairement à ce texte, qui est équilibré et raisonnable. (M. Gournac s'exclame.)
L'action collective que ce projet de loi vise à mettre en place par des mesures incitatives - financement, délais, pouvoir de substitution du préfet - et le dialogue qu'il permet d'instaurer feront avancer les choses et, je l'espère, rassureront les maires qui, aujourd'hui, ont le sentiment d'être seuls.
Les communes ayant investi dans la réalisation d'aires d'accueil, il est normal de reconnaître des pouvoirs importants aux maires ; mais - j'y insiste, monsieur le secrétaire d'Etat - ceux-ci doivent être soutenus. Vous avez compris leurs préoccupations, nous semble-t-il, et je crois qu'il vous en sauront gré ; mais le soutien de l'Etat devra s'exercer dans la durée. Je veux dire par là que l'Etat aura un rôle majeur à jouer dans l'exécution dans la durée des dispositions de ce texte (M. Gournac s'exclame de nouveau), et non pas seulement dans leur élaboration et leur vote.
Trois axes principaux charpentent ce projet de loi, en vue d'atteindre l'objectif d'accueil.
Sur le plan institutionnel, tout d'abord, le texte que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'Etat, répartit harmonieusement les rôles entre les communes, les départements et l'Etat. Ainsi, les communes auront l'obligation de créer des aires de stationnement et de les entretenir, comme le prévoyait la loi de 1990 pour les communes de plus de 5 000 habitants. Ce seuil me semble nécessaire, d'autant que rien n'interdit à une commune de moins de 5 000 habitants de participer à la réalisation d'une aire, ce qui lui permettra alors de bénéficier des dispositions visant à faire respecter le stationnement. Il appartiendra au schéma départemental de tenir compte de cette possibilité et de renforcer une gestion intercommunale qui, du reste, est expressément prévue par le texte, et c'est bien ainsi.
L'apport essentiel du texte réside dans l'instauration d'un délai contraignant afin de tenir compte des leçons du passé. Ainsi, dans quatre ans environ, lorsque la loi aura pris son plein effet, les places de stationnement devraient être suffisamment nombreuses pour assurer un accueil correct des gens du voyage. A ce sujet - mais nous en reparlerons certainement - il nous faut réfléchir dès à présent au suivi de ces aires. A quoi bon, en effet, les construire si, le temps passant, elles ne remplissent plus leurs fonctions à la suite de défauts d'entretien ou de dégradation dont on sait bien qu'ils se produiront.
Par ailleurs, les départements auront la responsabilité de jouer pleinement leur rôle essentiel en matière de solidarité et de favoriser une approche concertée de l'accueil des gens du voyage. Cette concertation sera réalisée par leur action dans l'élaboration d'un schéma départemental et dans la mise en place d'une commission consultative départementale dont il serait certainement nécessaire de préciser la composition en s'assurant, notamment, de la présence des groupements de communes concernés et des personnes qualifiées.
Le rôle du département est déjà reconnu par la loi visant à la mise en oeuvre du droit au logement au travers du schéma départemental ; il est ici précisé, et je crois en effet ce rôle indispensable.
Je m'interroge, en revanche, sur le rôle des régions. Ce n'est pas faire du départementalisme forcené, mais, au vu de la géographie des régions, je m'interroge sur la pertinence des commissions régionales. Je me demande si, au contraire, des commissions interdépartementales, dont je vois bien qu'elles seraient très nombreuses et donc lourdes à manipuler, ne seraient pas plus efficaces. Il me semble que la concertation entre les Bouches-du-Rhône, par exemple, et l'Hérault ou le Gard est probablement plus importante que la concertation entre les Bouches-du-Rhône et les Alpes-Maritimes. Dans un cas, ce sont deux régions différentes ; dans l'autre cas, c'est la même région ; mais les circuits de circulation des gens du voyage se moquent des circonscriptions administratives !
Enfin, il reviendra à l'Etat le devoir de mettre sur pied, dans la concertation, les schémas départementaux.
Nous attendons la discussion des articles pour nous prononcer sur l'opportunité du schéma national pour les grands déplacements, schéma national dont le rétablissement, par retour au texte de 1997, ne nous semble pas stupide à ce stade.
Certaines communes, du fait de l'installation massive de caravanes sur leur territoire, sont confrontées à de très gros problèmes : outre les questions habituelles d'état sanitaire et de maintien de l'ordre, des problèmes lourds d'écologie peuvent ponctuellement se poser : je pense en particulier à des sites protégés, et notamment à la Bretagne. Mme Yolande Boyer a d'ailleurs déposé un amendement qui permettra d'évoquer ce problème lors de la discussion des articles.
Enfin, la participation financière de l'Etat passe de 35 % à 70 % en matière d'investissement, dans les limites d'un plafond fixé par décret. Si le montant en cause est bien de 100 000 francs, comme l'étude d'impact l'a prévu, cela constitue un effort important.
Par ailleurs, la participation de l'Etat au fonctionnement devrait être de l'ordre de 50 %, ce qui, dans l'hypothèse d'un coût de 10 000 francs par place, représente un effort certain. Au demeurant, la DGF, qui tiendra compte de la réalisation des aires, devrait être majorée non plus seulement en fonction du nombre d'emplacements existants mais du nombre d'occupants par emplacement, ce qui aboutirait non pas à retenir l'unité mais le quadruple de l'unité.
Le département sera également un financeur important puisqu'il pourra intervenir au titre des dépenses d'investissement et qu'il participera par convention aux frais de fonctionnement. Je souligne d'ailleurs que la participation de la plupart des départements est déjà très large dans ces deux domaines.
Le troisième axe essentiel est la pérennisation du dispositif, qui passe par le respect des droits et des devoirs de chacun.
Les gens du voyage doivent pouvoir circuler librement, bien sûr, et stationner dans des conditions décentes, mais il ne faut pas céder aux tentations de l'angélisme - et je ne crois pas l'avoir fait plus que d'autres - ou tomber dans le travers du manichéisme - et je pense l'avoir fait un peu moins que d'autres.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Sûrement !
M. Jean-Claude Peyronnet. Aussi, les maires doivent pouvoir prendre des mesures efficaces contre les gens du voyage irrespectueux, ils doivent pouvoir prévenir ou faire cesser de manière efficace les stationnements illicites.
Les mécanismes instaurés sont garants de cette efficacité : possibilité d'interdire le stationnement dès lors que la commune a respecté ses obligations en matière d'accueil des gens du voyage, possibilité pour le maire de se substituer, sous certaines conditions, au propriétaire défaillant, saisine d'un juge selon les procédures du référé, possibilité pour le juge d'enjoindre aux gens du voyage de rejoindre l'aire aménagée ou, à défaut, de quitter le territoire de la commune.
Sur tous ces points, les moyens établis par la loi constituent un progrès considérable par rapport à la loi de 1990, mais aussi par rapport au texte avorté de 1997. Toutefois, je le répète avec force, monsieur le secrétaire d'Etat, rien ne se fera sans une mobilisation très forte de tout l'appareil d'Etat - justice, police, gendarmerie - et au premier chef des préfets. Il faudra que le Gouvernement veille à cette mobilisation !
Vous aviez fait adopter en 1990, monsieur le secrétaire d'Etat, un texte prévoyant l'obligation pour les communes de plus de 5 000 habitants de se doter d'une aire d'accueil. Il est maintenant temps d'achever ce que l'article 28 de la loi du 31 mai 1990 avait ébauché !
En s'inspirant de ce socle, le projet de loi que vous nous soumettez établit un équilibre entre les droits et les devoirs de chacun, et opte pour une solution pérenne. C'est pourquoi le groupe socialiste votera avec satisfaction un texte qui constitue une avancée considérable et donne de vrais moyens aux pouvoirs publics, dans le cadre communal et départemental. Nul ne pourra désormais raisonnablement dire que les moyens n'existent pas ! Il restera à manifester, à tous les niveaux, la volonté politique de mettre ces moyens en oeuvre. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, trouver une solution efficace et équitable au problème du stationnement des gens du voyage relève de l'urgence. Rares sont les régions de France qui ne sont pas concernées.
La loi de mai 1990 a le mérite d'avoir prévu des mesures. Ces dernières se sont cependant révélées insuffisantes au regard de l'ampleur et de l'évolution du problème.
C'est pour remédier à cette situation que le Sénat a adopté, en novembre 1997, la proposition de loi Delevoye, qui suggérait des mesures que je crois raisonnables et équilibrées.
On ne peut que regretter qu'il ait fallu attendre plus de deux ans pour que ce problème soit réexaminé par le Parlement, par le biais du projet de loi que vous nous soumettez aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat.
Je n'évoquerai que deux aspects du problème qui nous préoccupe aujourd'hui : la nécessité d'adapter notre législation aux insuffisances et aux lacunes qui se dégagent de la réalité vécue par les maires, et la nécessité de prévoir des mesures efficaces pour faire respecter la loi.
Un maire de mon département, dont l'ouverture d'esprit ne saurait être mise en doute, résume ainsi cette problématique : « Les maires qui respectent le droit veulent pouvoir faire respecter le droit. »
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Les insuffisances qui se dégagent de la situation actuelle sont liées à des facteurs très divers : le manque d'aires de stationnement, certes, mais aussi, souvent, le refus des gens du voyage de s'installer sans s'adresser à la mairie et sans respecter les règles de tranquillité et de salubrité.
Les groupes sont diversifiés quant à leur origine et de plus en plus nombreux, mais les séjours sont souvent courts, ce qui ne permet pas d'agir efficacement en cas d'installation illicite. En effet, il est de plus en plus malaisé de trouver des responsables parmi les groupes de gens du voyage et, de ce fait, négocier s'avère, faute d'interlocuteurs clairement identifiables, compliqué.
Enfin, en cas d'occupation illicite, la mission d'un maire devient vite insurmontable : les interprétations du code de procédure civile par les magistrats sont variables quant aux procédures mises en oeuvre et obtenir communication de l'identité des gens du voyage est difficile.
M. Alain Gournac. C'est très vrai !
M. Daniel Hoeffel. Quant au délai nécessaire à la délivrance d'une ordonnance d'expulsion, puis à l'obtention du concours de la force publique, il est tel que l'exécution de la décision de justice n'intervient guère avant le départ des gens du voyage.
En conclusion, saisi d'un réel sentiment d'impuissance, découragé, seul face aux problèmes, le maire apparaît, vis-à-vis de l'opinion, comme incapable de faire respecter l'ordre public.
M. Jean-François Picheral. Bravo !
M. Daniel Hoeffel. Quant à son autorité pour faire respecter par chacun, dans sa commune, les règles de l'urbanisme et de la construction,...
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Daniel Hoeffel. ... elle se trouve sérieusement ébranlée auprès de ses concitoyens, qui ont le sentiment qu'en groupe et par la force on peut échapper à la loi.
Face à ce constat, de nouvelles dispositions législatives étaient inévitables.
Votre projet de loi, monsieur le secrétaire d'Etat, a le mérite de répondre à une attente. Nourri par les expériences vécues sur le terrain, le rapport de notre collègue Jean-Paul Delevoye l'enrichit et le complète dans un sens que je considère comme réaliste en insistant sur l'aspect partenarial entre l'Etat et les collectivités locales ainsi que sur la nécessité de la concertation pour éviter les décisions unilatérales. En rappelant que les départements et les communes ont des responsabilités à assumer mais que l'Etat doit prendre les siennes à l'occasion des grandes migrations traditionnelles et religieuses, la commission des lois va dans la bonne direction.
La suppression du pouvoir de substitution reconnu dans le projet de loi au représentant de l'Etat pour la réalisation des aires d'accueil me paraît, à cet égard, tout à fait nécessaire, et je voterai l'amendement allant dans ce sens.
Partenariat et concertation supposent confiance et respect réciproque. La décentralisation, c'est l'acceptation par les communes des principes de solidarité et de mutualisation, mais c'est en contrepartie le respect de la liberté de décision des communes.
Cette position pourra être tenue dans la mesure où les schémas départementaux seront rapidement généralisés.
Quant au deuxième volet des propositions qui nous sont soumises et qui concerne le renforcement des moyens relatifs au stationnement illicite, il est tout aussi indispensable. Les communes accepteront d'autant mieux leurs responsabilités que les maires auront le sentiment qu'ils pourront s'appuyer sur un dispositif concret et applicable leur permettant de faire respecter la loi.
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Daniel Hoeffel. A cet égard, les amendements tendant à autoriser l'interdiction du stationnement sur le reste du territoire d'une commune qui a réalisé une aire d'accueil ainsi que l'amendement prévoyant une procédure de référé accéléré vont dans la bonne direction et sont indispensables.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Jean-François Picheral. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. En approuvant les propositions de la commission, je conclurai par deux remarques.
La première concerne la compatibilité entre la notion de tolérance et la notion d'autorité, problème ô combien difficile. La tolérance exige que nous acceptions d'accueillir les gens du voyage et de respecter la liberté de circuler, la culture, les coutumes, le mode de vie de ceux qui sont sur notre territoire ; mais elle exige, en contrepartie, que tous ceux qui viennent en France respectent nos lois et l'autorité indispensable à toute vie harmonieuse en société.
M. Hilaire Flandre. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. La tolérance sans respect de l'autorité conduit inévitablement à l'intolérance.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Le respect des droits sans le respect des devoirs - et cela ne concerne pas que les gens du voyage...
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Daniel Hoeffel. ... conduit inévitablement à l'impasse et à la violence.
M. Hilaire Flandre. A la chienlit !
M. Daniel Hoeffel. Ma deuxième remarque reprend un souhait que j'avais exprimé ici même à l'occasion de la discussion de la proposition de loi présentée par M. Delevoye le 6 novembre 1997 : veillons à ce que la France ne soit pas le maillon faible en Europe, qu'elle ne soit pas le pays où l'autorité de l'Etat s'exerce moins qu'ailleurs, qu'elle ne soit pas un pays qui maîtrise moins que ses partenaires le flux de ceux qui viennent et qui passent.
M. Hilaire Flandre. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Puissent les dispositions que nous nous apprêtons à adopter aujourd'hui contribuer à apporter une réponse crédible à cette interrogation. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur les travées du RDSE et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la liberté d'aller et venir et le droit de propriété constituent deux principes à valeur constitutionnelle. Leur exercice doit être garanti de façon identique par notre société. Aussi, je souhaite qu'une solution prenant en compte à la fois le droit légitime des gens du voyage à pouvoir stationner et la préservation de la paix publique soit élaborée.
La notion de gens du voyage englobe, d'une part, les commerçants ambulants, c'est-à-dire les marchands ambulants ainsi que les forains, et, d'autre part, les nomades.
Toutefois, même si leurs modes de vie sont identiques, leurs rapports à la société sont diamétralement opposés : les commerçants ambulants respectent notre corps social, ils en font partie, ils participent à son épanouissement, alors que les nomades refusent toute intégration, au nom de leur histoire et de leurs coutumes.
Le mode de vie des gens du voyage, même s'il est respectable, ne justifie pas que certains d'entre eux bafouent nos lois en toute impunité. S'ils veulent être des citoyens à part entière, ils doivent se comporter comme tels.
Il devrait y avoir un équilibre entre droits et devoirs ; tel n'est pas le cas à l'heure actuel. De plus, jusqu'à aujourd'hui, les lois et règlements ne permettent pas de réprimer efficacement les infractions commises par les nomades et laissent les maires seuls devant ce problème récurrent et le courroux de leurs administrés.
La loi de 1990 a rendu obligatoire la création d'une aire d'accueil, et, dans ma commune de Brive-la-Gaillarde, j'ai respecté la loi. Cette aire existe donc, et elle doit être réhabilitée tous les six mois aux frais des contribuables brivistes.
Dans ma collectivité, la volonté d'accueillir dans la dignité les gens du voyage est une réalité. Mais, lorsque des nomades s'installent sans autorisation sur une place publique, un espace vert, un terrain de sport, un terrain privé non bâti ou une zone d'activité, la loi de 1990 n'apporte aucune réponse satisfaisante quant à la préservation du droit de propriété. Le maire ne peut que demander l'expulsion des contrevenants et faire face au ras-le-bol de ses administrés durant le manque d'empressement de l'Etat.
Il en résulte un rejet pouvant donner lieu à des scènes de violence entre nomades et riverains. Ces scènes de violence, aggravées par l'alcool et, aujourd'hui, par la drogue, deviennent de plus en plus préoccupantes, sans parler des désaccords entre les différentes ethnies et familles qui comparent les populations nomades.
De façon cyclique, nos concitoyens se plaignent des feux allumés inconsidérément contre des bâtiments, des détritus, des désordres des campements, des étendages sauvages du linge, voire des menaces, injures, coups et vols de certains nomades.
Ces troubles ont des effets économiques dévastateurs pour les communes, les entreprises, l'environnement. Ils créent un sentiment d'insécurité chez l'ensemble de nos administrés. De même, ces atteintes ont un impact sur le tourisme et l'économie en général.
Or, et c'est peut-être ce qui peut nous différencier de certains de nos collègues, la sécurité de nos concitoyens constitue la première de nos préoccupations.
Les maires n'acceptent plus la démagogie. Même s'ils ont le souci de la solidarité, voire de la générosité, ils ne peuvent plus admettre les troubles de l'ordre public occasionnés par ces nomades inassimilables et qui considèrent les aires d'accueil comme une contrainte contraire à leur culture.
L'opacité qui entoure leurs ressources financières, leur refus de s'intégrer sont difficilement gérables par les collectivités locales. En effet, les maires sont accusés de laxisme par leurs concitoyens, qui rendent responsable l'élu des défaillances de l'Etat, comme c'est d'ailleurs le cas dans certains quartiers devenus des zones de non-droit.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ce projet de loi doit être une réponse adaptée aux problèmes des maires.
Le Sénat, en 1997, avait formulé une réponse équilibrée aux difficultés rencontrées par les communes. Il est regrettable que le Gouvernement ait préféré attendre deux ans avant de soumettre un texte à l'Assemblée nationale, texte dont, d'ailleurs, plusieurs dispositions peuvent être rapprochées de celles qui ont déjà été élaborées par le Sénat.
Je tiens à rendre hommage à la commission des lois ainsi qu'à son rapporteur, notre ami Jean-Paul Delevoye, qui, par leurs travaux, ont permis d'envisager une véritable mutualisation des coûts et une répression effective du stationnement illicite. En outre, je les remercie d'avoir privilégié une approche intercommunale pour la réalisation des aires d'accueil.
Mais, monsieur le secrétaire d'Etat - veuillez m'excuser de vous interpeller ainsi - pourquoi légiférer si l'Etat ne se donne pas les moyens de faire respecter cette loi ? Je peux vous assurer que tous les maires attendent qu'une réponse sans ambiguïté sorte du débat de cet après-midi. Leur réaction sera à la hauteur de leur attente. Si vous prenez, si le Sénat prend le risque de les décevoir, alors la violence s'instaurera effectivement dans nos communes.
Pour ma part, je souhaite aborder plus particulièrement la question de la répression du stationnement illicite. En la matière, les moyens légaux des maires existent, mais ils ne sont que théoriques.
La répression pénale est à elle seule insuffisante. En effet, outre les problèmes posés par la verbalisation et le paiement des amendes, les sanctions ne suffisent pas toujours à faire partir ceux qui stationnent irrégulièrement.
J'en veux pour preuve l'inobservation des arrêtés de police sanctionnée d'une amende de 30 francs à 250 francs. Croyez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une telle sanction soit vraiment dissuasive pour des gens qui se déplacent en Mercedes 500 ?
M. Jean-Claude Peyronnet. Démago !
M. Bernard Murat. J'estime que cela ne peut qu'inciter les gens du voyage à persévérer et à se moquer de nos lois.
Le relèvement du montant des contraventions de police appartient au pouvoir réglementaire. Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de bien vouloir indiquer à la Haute Assemblée l'intention du Gouvernement sur cette question, et ce avec la plus grande précision.
Ensuite, le maire peut saisir les tribunaux pour faire cesser le trouble à l'ordre public. Mais la procédure est toujours longue, sujette bien souvent à la sensibilité personnelle du juge, alors que la situation en cause nécessite une réaction immédiate, dans l'urgence. Entre la saisine de l'huissier, la remise du constat à un avocat, le jugement, la notification aux intéressés, la mobilisation des forces de police, une procédure d'expulsion dure en moyenne trois semaines, durée qui peut encore être augmentée si le juge octroie des délais de huit à quinze jours avant l'exécution de la décision d'expulsion.
Au regard de cette situation, je me demande s'il ne serait pas opportun de donner aux maires le pouvoir d'ordonner eux-mêmes l'expulsion. Une telle procédure aurait l'avantage d'être rapide et n'entrerait pas en opposition avec le respect de la liberté individuelle, puisque - j'insiste sur ce point - s'agissant de nomades, on procède non pas à une expulsion du domicile mais uniquement à un déplacement de la famille avec son domicile.
Le projet de loi donne le pouvoir au juge d'obliger les contrevenants, le cas échéant sous astreinte, à rejoindre l'aire d'accueil ou à quitter le territoire communal. Pour ma part, je suis favorable à cette disposition, qui évite aux maires de recommencer l'ensemble de la procédure si les nomades concernés bougent de 100 mètres seulement.
Mais encore faudra-t-il que les services de police, ou les autorités judiciaires modifient leur perception de cette question et soient plus prompts à réagir aux violations de l'état de droit. L'Etat se doit d'assumer réellement ses responsabilités régaliennes.
L'argument qui consiste à dire que faire respecter notre loi aux gens du voyage est matériellement impossible est inadmissible pour les républicains que nous sommes. Chaque fois que l'Etat est bafoué, c'est la France que l'on bafoue !
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je dirai que toute la crédibilité de ce projet de loi repose sur la volonté de l'Etat de faire respecter la loi, et uniquement sur cette volonté.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de prendre l'engagement que, dorénavant, le Gouvernement veillera à fournir aux élus, dans les meilleurs délais, les jugements des tribunaux et les moyens de police ou de gendarmerie nécessaires pour rendre effective l'application stricte et rapide tant de la loi que des réglementations communales.
M. Nicolas About. C'est la vraie question ! C'est tout à fait vrai !
M. Bernard Murat. Je vous rappelle que, si nous ne réussissons pas l'accueil des populations nomades au sein de nos communes, c'est la République que nous mettons en danger. Comme le disait Paul Valéry : « Si l'Etat est fort, il nous écrase. S'il est faible, nous périssons. »
Monsieur le secrétaire d'Etat, si vous n'avez pas le pouvoir de faire appliquer cette loi, que je voterai, une fois amendée, comme un moindre mal, elle ne servira à rien, et votre autorité, comme celle de votre Gouvernement, sera profondément altérée aux yeux des élus et des Français, que nous représentons ici ce soir. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le présent projet de loi et le rapport de notre collègue Jean-Paul Delevoye marquent un progrès dans le traitement d'un problème difficile.
Ne nous cachons pas la réalité : s'il y avait un référendum sur ce sujet, les positions extrémistes - je le crains - se manifesteraient de façon extraordinairement forte, surtout dans les régions, départements et communes de France où les gens du voyage séjournent de plus en plus fréquemment et en nombre de plus en plus grand.
En effet - je tiens à le préciser, car on ne l'a pas encore dit à cette tribune - le problème ne se pose pas de façon homogène sur l'ensemble du territoire. Aussi faudrait-il sans doute prévoir une certaine souplesse dans les schémas départementaux pour tenir compte, si l'on veut être réaliste, de cette réelle disparité.
Tout le monde comprend qu'en hiver le séjour pour des gens en caravane soit plus attractif sur les rives de la Méditerranée que dans d'autres régions de France. Quelques semaines, en janvier, sur la Côte d'Azur pourquoi pas ? Représentant ici les Alpes-Maritimes, je constate chaque hiver que le nombre de caravanes y croît de façon tout à fait extraordinaire. Dans mon village natal, à Saint-Paul, la population augmente pratiquement de 50 % pendant les quelques semaines d'hiver où quantité de caravanes viennent s'installer de manière tout à fait illégale. Toute la vie locale en est perturbée, comme l'ont bien dit les orateurs précédents.
Ce que l'on a dit aussi, c'est que, bien entendu, il faut des aires d'accueil correctes et modernes.
Les auteurs du présent projet de loi, constatant que la loi du 31 mai 1990 était inadaptée, et donc inappliquée, ont prévu des mesures sages, tout comme l'ont fait nos rapporteurs.
On a évoqué, à cette tribune, la liberté, l'égalité, la fraternité. On doit, y ajouter, en République, l'état de droit et le respect des droits et des devoirs, notamment le respect des lois, à commencer par celle que nous allons voter.
Mais peut-être faut-il aussi se demander pour quelles raisons les populations sont si réticentes. Cela ne tient pas uniquement à la différence des modes de vie ; la population française, dans son ensemble, est désormais ouverte à la différence et tolérante.
Par-delà les moyens mis à la disposition des collectivités, qui, je le répète, doivent être envisagés dans un cadre assez souple, il faut se préoccuper aussi de l'égalité des devoirs.
Sur le plan fiscal, par exemple, les populations pensent souvent, à tort ou à raison, que le fisc, si pointilleux vis-à-vis des artisans, des commerçants, des PME, des travailleurs sédentaires, semble, en ce qui concerne divers impôts et taxes, y compris ceux qui concernent les signes extérieurs de richesse, moins pointilleux vis-à-vis des gens du voyage. C'est peut-être faux. Dans certains cas, c'est peut-être vrai !
Sur le plan social, les populations ont souvent le sentiment que les prestations sociales ne sont pas aussi facilement données aux personnes sédentaires qu'aux gens du voyage. Là encore, c'est probablement faux, mais cela se dit.
En matière de délits et de respect de la propriété et de la législation, bien des orateurs se sont exprimés ; je n'ajouterai donc pas à ce qui a été dit, et fort bien dit.
Il m'apparaît nécessaire que les décrets d'application de la loi traitent de ces points si l'on veut éviter que l'ostracisme, qui croît avec le nombre et les mouvements, ne se poursuive et ne se développe.
Il est également nécessaire que nous sachions un peu plus précisément combien de personnes sont concernées et quels sont leurs trajets et leurs modes de déplacement. Sinon, comment pourra-t-on prendre la mesure de ce phénomène, puisque les gens du voyage sont par nature mobiles et que leur nombre a tendance à s'accroître ? Un véritable problème de cohésion sociale risque de se poser en France. Je crois que cette question concerne toutes les travées de notre assemblée, elle n'est pas de droite ou de gauche. J'ai entendu tout à l'heure quelques ricanements quand un intervenant a parlé de « grosses voitures ». Or cela correspond à une réalité, et la population, qu'elle soit de droite ou de gauche, y est sensible. Il s'agit vraiment d'un problème de fond. En cette matière, je crois qu'il serait bon que nous disposions d'une forme d'observatoire, de façon que les gens du voyage puissent être considérés comme intégrés dans la communauté nationale, même s'ils ne veulent pas adopter les habitudes liées à la sédentarité.
Notre groupe, compte tenu de l'excellent travail de la commission, votera, dans sa majorité, ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ces dernières années, c'est surtout sous l'angle des problèmes répétitifs soulevés par leur accueil que nos concitoyens ont été confrontés aux gens du voyage. Ces situations ont suscité beaucoup d'incompréhensions et de peurs ainsi qu'un fort sentiment de rejet.
Nous connaissons mal cette population très diversifiée et nous avons des difficultés pour prendre en compte ses besoins.
Aussi est-il important de réaffirmer des principes essentiels : les gens du voyage en France, dont le nombre est estimé à 300 000 personnes, sont des citoyens comme les autres. Ils sont à 95 % français. Ces citoyens ont simplement un mode de vie différent. C'est ce que la République doit prendre en compte afin d'assurer les conditions de réalisation de ce mode de vie itinérant.
C'est pourquoi le texte que nous examinons aujourd'hui est fondé avant tout sur ces principes essentiels de citoyenneté, de droits et de devoirs, et ce dans le cadre du droit commun. Il vise à répondre non pas à l'ensemble des questions liées à la vie des gens du voyage mais à la question plus spécifique du stationnement de ceux qui vivent et de déplacent en caravanes et ne souhaitent pas se sédentariser.
En qualité de sénateur du Val-de-Marne, j'insisterai sur les situations spécifiques à la région parisienne et aux grandes agglomérations. Cet été, par exemple, quatre-vingt-cinq familles se préparaient à s'installer sur le parc interdépartemental des sports de Choisy afin de rester auprès de leur pasteur, hospitalisé au centre anticancéreux de Villejuif. Malgré l'intervention immédiate des forces de police, la situation s'est envenimée. Les gens du voyage, ne se résignant pas à partir, ont bloqué le noeud routier du carrefour Pompadour en immobilisant cent cinquante caravanes sur les voies. Toute la soirée, le secteur a été totalement paralysé : le trafic des bus a été interrompu, la bretelle de sortie de l'autoroute A 86 fermée. Ce n'est qu'un exemple, certes assez exceptionnel.
Moins exceptionnels sont les rassemblements familiaux dans les enceintes des hôpitaux, en cas d'hospitalisation d'un membre de la famille. La solidarité familiale est très forte chez les gens du voyage, au point que le malade est veillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tout particulièrement lorsque le pronostic vital est en jeu. Dans ce cas, c'est l'établissement hospitalier et son activité normale qui se trouvent déstabilisés par ce rassemblement. Aussi, faudrait-il pouvoir mettre en place, avec les hôpitaux concernés, un dispositif satisfaisant pour les deux parties.
Plus régulièrement, ce sont les mêmes quartiers qui sont investis par les caravanes et, à force, il est difficile de contenir l'exaspération des habitants. Il est vrai qu'en Ile-de-France 65 communes de plus de 5 000 habitants sur 327, soit moins de 20 %, offrent un terrain aménagé aux gens du voyage. Dans mon département, seules 11 communes sur 47 ont un terrain, et le schéma départemental se fait encore attendre. Or, une étude qui a précisément été réalisée dans la perspective de l'élaboration de ce schéma montre que 250 à 300 caravanes parcourent ordinairement le département, et en particulier le sud.
Outre les parkings publics et les terrains de sport occupés de manière récurrente, surtout l'été, les occupations illégales concernent principalement des zones industrielles ou des centres commerciaux, ce qui ajoute aux problèmes d'ordre public une gêne non négligeable pour l'activité économique.
Il s'agit, la plupart du temps, non pas de quelques caravanes mais de regroupements importants, parfois dans l'objectif de faire masse face aux autorités locales. Cela implique forcément, en cas de procédure d'expulsion, une intervention en nombre des forces de police, pas toujours mobilisables en temps voulu. Au final, l'addition est lourde : ramassage des ordures, remise en état des lieux, frais de justice à répétition. Et les expulsions ne font que déplacer le problème !
Aujourd'hui, les mesures proposées dans le projet de loi sont de nature à mettre fin à ce type de situations, précisément parce qu'elles partent du refus qu'une commune soumise à l'obligation d'accueil des gens du voyage s'en exonère.
A ce titre, le pouvoir de substitution donné au représentant de l'Etat pour faire réaliser une aire d'accueil en cas de refus des communes mentionnées par le schéma départemental est une avancée contre la volonté de certaines communes de s'affranchir de leur obligation. C'est bien pour cette raison que la majorité sénatoriale s'empresse de supprimer ce pouvoir de substitution.
Mais accepter cette suppression, c'est revenir à la situation créée par l'article 28 de la loi du 31 mai 1990 relative au droit au logement, c'est accepter de ne pas avancer d'un iota et donc de légiférer pour rien. Il n'y aura de réglement du problème du stationnement que si un maximum d'aires d'accueil sont réalisées en un minimum de temps car, en fin de compte, c'est bien la pénurie actuelle qui est la cause des blocages et des tensions.
Personnellement, j'aurais même tendance à juger cette avancée insuffisante. Il ne faudrait pas qu'une commune ou qu'un EPCI, une fois l'aire d'accueil construite, s'en lave les mains en toute légalité et impunité. Certes, on rétorquera qu'il y a tout un volet financier subordonné à la gestion de l'aire. C'est exact ; mais certains préféreront renoncer à ces aides et laisser l'aire de stationnement se dégrader, et ainsi s'exonérer dans les faits de leur obligation d'accueil.
C'est pourquoi je suis très attaché à l'amendement du groupe socialiste qui vise à instaurer un contrôle bisannuel des aires par le préfet et la possibilité pour le représentant de l'Etat de se substituer à la commune ou à l'EPCI défaillant pour réaliser les travaux d'entretien.
M. Alain Gournac. Et l'Etat paie !
M. Serge Lagauche. Nous ne pourrons être légitimement sévères en cas d'infractions que si nous-mêmes, élus locaux, respectons les obligations qui nous incombent !
Par ailleurs, il ne faut pas non plus, comme cela a été trop souvent le cas jusqu'à maintenant, traiter la question du stationnement des gens du voyage sous le seul angle de l'ordre public, car une telle approche conduit à réaliser, sans concertation, des aires mal situées et mal adaptées au mode de vie des gens du voyage. Le dialogue doit se développer, même s'il est parfois malaisé de trouver des interlocuteurs représentatifs.
Le présent projet de loi nous y invite. En outre, la nomination du président de la commission nationale consultative des gens du voyage parue aujourd'hui au Journal officiel va dans le bon sens. Il est essentiel que cette commission, soit réactivée, pour mieux prendre en compte les besoins des populations itinérantes.
De même, les aires d'accueil ne doivent pas constituer des zones de relégation, où les gens vivraient comme dans un ghetto, repliés sur eux-mêmes. Nous devons, au contraire, encourager autant que possible la socialisation.
Il faudrait pouvoir apporter des réponses diversifiées selon les besoins, en termes d'accompagnement social s'il est nécessaire, d'accès à l'éducation et à la formation, car ce sont là les droits de tout citoyen.
Veillons donc à ne pas ériger des « camps pour nomades » à l'écart de la ville, mais des lieux d'habitat intégrés à la ville, afin de faciliter le dialogue et les relations de bon voisinage avec les autres habitants, même si, dans un premier temps, la démarche peut paraître difficile.
Pour l'entreprendre, il faut une volonté politique forte. Ce n'est qu'au prix de cette volonté politique forte que nous parviendrons à faire évoluer les mentalités, tomber les préjugés et éliminer les comportements de rejet à l'égard des gens du voyage. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après avoir salué les excellents rapports de nos collègues Jean-Paul Delevoye et Pierre Hérisson, je ne ferai que quelques brèves observations puisque beaucoup de nos collègues se sont déjà exprimés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons déjà eu ce débat ici même et nous avions posé un certain nombre de principes en adoptant une proposition de loi. Mais vous aviez estimé qu'il fallait approfondir la réflexion avant de présenter un projet d'ensemble. Il est heureux, que vous soyez à nouveau au banc du Gouvernement puisque c'est sur votre initiative qu'avait été votée la loi de 1990, ce qui prouve qu'au bout de dix ans il faut savoir revisiter les lois, qui n'ont pas toujours l'efficacité qu'on en attend sur l'instant.
Cette loi a eu d'autant moins d'efficacité que, lorsque les maires l'ont respectée, ils en ont souvent été marris, puisque, bien qu'offrant des aires de stationnement, leurs communes sont néanmoins envahies par de nombreuses caravanes. Bien souvent, les aires sont détruites et abîmées. De plus, certains groupes disent que ces aires ne leur conviennent pas et qu'ils préféreraient s'installer ailleurs, comme le disait M. Lagauche, dans le centre des villes notamment, ce qui ne peut manquer de poser certains problèmes.
Dans certains départements, cela prend des proportions considérables, ce sont non pas seulement les communes qui sont touchées mais tout le tissu économique. Combien de parkings d'entreprises et même maintenant de friches agricoles sont occupés dans nos départements ? Sans parler des réunions de maires, il n'y a pas une seule réunion d'agriculteurs ou de chefs d'entreprise dans mon département où ceux-ci ne nous font part de leurs vives protestations et nous disent : « Au nom de quoi supportons-nous ce qui devrait revenir à d'autres ? »
C'est vrai.
Imaginez un peu l'embarras d'une entreprise de haute technologie, comme nous en comptons heureusement dans les villes nouvelles de Marne-la-Vallée et de Sénart, qui offre à la vue des visiteurs ou des clients qu'elle accueille son parking envahi de caravanes ! Il n'y a pas de solution puisqu'il est très difficile de mettre en oeuvre des procédures d'expulsion sur des terrains privés.
En outre, et c'est toute la difficulté de la tâche, nous naviguons entre deux écueils : on dénombre actuellement 10 000 places d'accueil, dont 5 000 réglementaires, alors que, selon les estimations, il en faudrait 30 000 pour résoudre le problème au moins, en partie. Nous ne parvenons pas à contourner cette difficulté.
Il faut certainement aménager des aires plus vastes que celles qui sont prévues au niveau de la commune : fixer un seuil de 5 000 habitants n'a pas grand sens ; il faudrait disposer d'aires définies à partir de périmètres beaucoup plus larges que celui de la commune.
Si je crois à la responsabilité du département dans ce domaine, en étroite collaboration avec l'administration de l'Etat, je ne crois pas du tout, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous aboutirions à des solutions heureuses - d'ailleurs, il faudrait voir si c'est possible, et dans quelles conditions de conflit cela se passerait - si le préfet devait imposer, en définitive, l'implantation d'aires de stationnement. Un certain nombre de schémas départementaux ont déjà été élaborés ; il faut inciter vivement les collectivités et faire en sorte que le département soit parfaitement associé.
Il n'en demeure pas moins que les charges ne sont pas égales entre les départements.
Par ailleurs, j'ai parfois l'impression que nous ne connaissons pas bien le monde des gens du voyage, son évolution. Celle des mentalités est évidente.
La formation, la scolarisation passent obligatoirement par la sédentarisation. Il faut procéder par étapes, mais il ne sera pas possible de faire progresser ces populations dans tous les domaines si nous ne facilitons pas leur sédentarisation.
Cela ne signifie pas pour autant qu'il faut, du jour au lendemain, installer les gens du voyage dans des tours ou des immeubles collectifs. D'ailleurs, personne n'y vit très bien, nous l'avons bien vu, notamment dans les quartiers difficiles. La sédentarisation, qui s'est développée plus rapidement dans beaucoup d'autres pays, devrait être une voie à privilégier.
Reste un problème que ce projet de loi a évacué mais sur lequel la proposition de loi du Sénat avait mis l'accent : je veux parler des grands rassemblements, qui posent un réel problème. A mon avis, cette question relève de la responsabilité de l'Etat. Peut-être pourrait-on aménager les camps militaires, ou les terrains dont l'armée ne veut plus pour permettre aux gens du voyage, à l'occasion de ces grands rassemblements, de stationner pendant quelques jours. Il est dommage, monsieur le secrétaire d'Etat, que le projet de loi n'ait pas repris les dispositions prévues par la commission des lois et par le Sénat. Il faut résoudre la question.
Par ailleurs, et beaucoup l'ont dit, on a de plus en plus l'impression qu'il n'y a plus d'interlocuteur. C'est d'ailleurs une évolution de notre société qui n'est pas propre aux gens du voyage.
L'autorité, notamment celle du chef de famille, n'est plus guère respectée. Certaines affaires judiciaires nous prouvent aussi, hélas ! que certains camps ou certains rassemblements sont l'occasion d'actes de grande criminalité et de grande délinquance. Voilà quelques mois, un remarquable reportage réalisé dans le Sud-Ouest sur le travail effectué par la section de recherche de la gendarmerie à Bordeaux avait démontré qu'il y avait du grand banditisme.
Il faut veiller à ce que ne se développent pas des zones de non-droit dans des camps ou des lieux de rassemblement. Nous savons bien que de telles zones existent dans de grandes cités, même si je n'en nommerai aucune ; ce serait injuste !
On peut, bien entendu, accroître les moyens juridiques. En l'occurrence, ils existent. Le recours au référé est possible. Mais on peut l'améliorer.
Le problème, c'est l'application de la loi. Bien souvent, les décisions de justice ne sont pas appliquées. C'est un vrai problème de notre société.
Ce n'est pas le secrétaire d'Etat chargé du logement qui pourra y remédier, mais il pourra au moins répercuter au Gouvernement notre souhait que les mesures de contrainte soient plus efficaces.
Selon moi, on ne peut pas retirer, partout et à tout moment, aux gens du voyage le droit d'aller et venir et de séjourner. Mais il faut que l'ensemble des collectivités et, avant tout, la nation prennent en compte les besoins.
Le projet de loi tel que les commissions proposent de l'amender correspond bien à nos préoccupations. Je ne suis cependant pas certain qu'il donne totalement satisfaction, notamment aux élus locaux. Il faudrait que nous ayons le courage de poser les vrais problèmes et d'envisager l'évolution de ces populations, qui sont aussi respectables que d'autres. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il n'est pas de sujet plus passionnel et controversé que l'accueil des gens du voyage. Il est à l'origine de multiples difficultés pour les maires, qui sont tiraillés entre leur obligation d'accueil, leur mission de contrôle du respect par les nomades de la réglementation et, enfin, la pression de leurs administrés.
Après un premier essai de règlement de cette question peu concluant - c'était il y a dix ans, au détour d'un article de sa loi relative au droit au logement - M. Besson, de nouveau au Gouvernement, récidive au travers d'un projet de loi, cette fois spécifique.
Malgré ces dix ans de réflexion, force est de constater, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre projet de loi est décevant. Il n'aborde en effet que certains aspects d'une question aux facettes multiples.
Ainsi ne traitez-vous que du stationnement des gens du voyage, alors que les aspects économique et social du problème et, plus généralement, la question de l'intégration des nomades dans une société majoritairement composée de sédentaires sont tout aussi importants. Seul l'article 6 y fait référence, en se contentant de faire relever les interventions sociales de conventions départementales alors qu'elles relèvent bien souvent de la responsabilité de l'Etat.
Je traiterai de l'intégration économique, tout d'abord.
Il faut reconnaître que les mutations économiques récentes ont touché de plein fouet ces populations. Une partie de leurs activités traditionnelles, comme la cueillette des agrumes ou les vendanges, ont pratiquement disparu du fait de la mécanisation. Les gens du voyage ont également souffert d'une réglementation de plus en plus restrictive du commerce ambulant.
Ces personnes sont fragilisées et, bien souvent à contre coeur, elles doivent se sédentariser. Elles perdent ainsi leurs repères culturels.
Elles doivent par ailleurs avoir recours aux secours publics : plus de 20 % d'entre elles seraient allocataires du RMI.
En outre, même si les vertus de l'école républicaine en matière d'intégration économique et sociale ne sont plus à démontrer, force est de constater que, sur ce point encore, des progrès restent à accomplir : en effet, seuls 50 % à 60 % de la population tzigane en âge scolaire fréquentent l'école.
Le troisième facteur d'intégration et de citoyenneté, c'est le respect par chacun de ses droits et de ses devoirs. Là encore, beaucoup reste à accomplir pour permettre à ces populations d'exercer leurs droits, mais aussi d'assumer leurs devoirs envers la société en appliquant les lois et en contribuant aux charges publiques par l'impôt.
C'est cette question de l'intégration dans son ensemble qui doit être réglée, sous peine de voir se poursuivre les conflits et les actes délictueux.
Il est regrettable que vous n'ayez pas saisi l'occasion de ce projet de loi spécifique aux gens du voyage pour faire progresser l'un ou l'autre de ces dossiers.
Par ailleurs, même en ce qui concerne son objet unique, le stationnement, votre texte se révèle décevant.
L'article 28 de la loi de 1990 avait été adopté dans la précipitation, sans évaluation chiffrée et sans connaissance des besoins des populations concernées. Dix ans après son adoption, les problèmes de suroccupation et de stationnement sauvage ne sont toujours pas réglés. Il est donc regrettable que le projet se contente de reprendre l'esprit de la loi de 1990, sans véritablement tenir compte des données du rapport Delamon.
Savez-vous qu'aujourd'hui 40 à 50 % des gens du voyage sont sédentarisés, que 20 à 35 % d'entre eux voyagent dans une zone restreinte - département ou région - et que 25 à 35 % d'entre eux sont de grands voyageurs, ces catégories étant perméables ?
Par ailleurs, l'excellent rapport rédigé par notre collègue Jean-Paul Delevoye en 1997 souligne la tendance à la concentration plus forte dans les zones urbanisées en période hivernale, tendance qui se heurte à la raréfaction des terrains disponibles du fait de l'urbanisation accrue.
Au regard de ces données, le présent projet de loi présente de nombreuses lacunes.
Le seuil de 5 000 habitants, par exemple, est tout à fait inadapté. Il revient à appliquer une règle uniforme à l'ensemble du territoire alors que les besoins varient d'un département à l'autre et se concentrent sur certaines zones en fonction des trajectoires de migration. La suppression de ce seuil, comme le propose notre commission, me semble relever du bon sens.
Par ailleurs, si les schémas départementaux doivent être maintenus et coordonnés au niveau régional, comme le propose le texte, il convient également d'intervenir à d'autres échelons, qu'ils soient intercommunal, national, ou même communautaire.
Comme le propose notre collègue M. Jean-Paul Delevoye, il convient d'ores et déjà d'établir un schéma national afin d'organiser l'accueil des gens du voyage lors des grandes migrations saisonnières, manifestations qui nécessitent une logistique hors normes.
De plus, au sein de chaque département, plutôt que de prévoir une obligation pour les communes de plus de 5 000 habitants, il serait plus efficace et plus judicieux de valoriser la coopération intercommunale.
J'y vois deux avantages. Tout d'abord, seule l'intercommunalité permettra d'assurer un bon équilibre entre la taille des aires d'accueil et la densité de la population locale. Ensuite, l'intercommunalité étant à mi-chemin entre le pouvoir central et les communes, elle permettra à ces dernières, de par son caractère administratif et non politique, de prendre du recul par rapport à la pression constante exercée sur les maires par les administrés.
Enfin, il est à mon sens urgent que l'Etat s'implique dans la planification des migrations tant à l'échelon national que, aussi et surtout, au niveau communautaire. J'insiste sur ce point car un rapport de la Cour européenne des droits de l'homme rédigé en 1995 suscite l'inquiétude et mérite de faire l'objet d'une vigilance particulière.
Ce rapport conclut en effet qu'au nom du droit à la différence et à la protection des minorités, le droit pour les gens du voyage de vivre dans leur caravane sans respecter la réglementation d'urbanisme visant à protéger les sites doit prévaloir. Cette position, adoptée par certains juges, est discutable dans la mesure où la création d'un droit discriminatoire au profit des nomades serait en conflit avec le droit des communes de défendre leur espace naturel par le biais des plans d'occupation des sols.
Il apparaît nécessaire, au vu de ces éléments, que l'Etat s'implique davantage et qu'il ne se contente pas d'imposer aux communes de régler la question de l'accueil des gens du voyage. Chacun doit assumer ses responsabilités.
J'en viens maintenant au volet répressif de ce texte.
Malgré des avancées notables, il gagnerait à être enrichi de dispositions supplémentaires pour être plus efficace. En effet, si la concertation s'impose en amont, il est important qu'en aval les mesures soient prises pour faire respecter les décisions adoptées. L'un ne va pas sans l'autre.
Si les mesures visant au renforcement de la procédure d'expulsion constituent un progrès, il n'en demeure pas moins que, bien souvent, le problème réside non pas dans le contenu de la procédure mais dans son application. D'un côté, les préfets se montrent parfois réticents à faire usage de la force publique pour faire exécuter les décisions du juge, de l'autre côté, les juges refusent souvent de prononcer une ordonnance d'expulsion.
Rappelons par ailleurs que la procédure d'expulsion a un coût important pour les communes, coût qui n'est pas pris en compte. Chaque référé coûte en effet environ 6 000 francs. Ainsi, la ville de Strasbourg, qui, de 1994 à 1997, a engagé de multiples procédures d'expulsion pour stationnement illicite, a dû dépenser à ce titre 2,5 millions de francs, auxquels s'ajoutent près de 5 millions de francs de réparation de dégâts.
Ce coût n'est malheureusement pas évoqué par le présent projet de loi, qui prévoit pourtant un renforcement de l'aide financière aux collectivités.
J'ajoute qu'en ce qui concerne les dégradations la proposition de notre collègue Marie-Jo Zimmermann mériterait toute notre attention. Elle prévoit que, dans les communes ayant rempli leurs obligations en matière de création d'aires d'accueil et qui se voient contraintes de remettre en état des équipements ou des terrains publics dégradés par des gens du voyage, le maire ait la possibilité de mettre sous séquestre les véhicules des nomades concernés jusqu'à ce qu'ils aient remboursé ces frais. Il en va de même pour les frais de fonctionnement.
Il est important que les maires soient dotés des moyens nécessaires pour répondre aux attentes très fortes de leurs administrés quant au respect de la réglementation. Ce n'est en effet ni au juge ni au préfet qu'ils s'adressent en cas de problème - et il y a problème ! - mais à leur maire, qui est souvent bien impuissant.
Telles sont les remarques que je souhaiterais formuler à l'égard de ce texte malheureusement en demi-teinte.
C'est pourquoi je me rallierai aux corrections et aux enrichissements proposés par notre rapporteur, dont je tiens à saluer l'excellent travail. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen du présent projet de loi, je voudrais me faire l'écho des interrogations et même des inquiétudes des maires et des citoyens.
L'objet de ce texte est assurément la mise en pratique d'un droit à l'accueil des gens du voyage, droit lié à celui du logement, qui est un droit essentiel. Certes, il est évident que beaucoup de nos concitoyens éprouvent quelque réticence à cohabiter avec des populations dont le style de vie est très différent du leur. Cependant, cette liberté de choisir, en l'occurrence une vie sédentaire, semi-sédentaire ou nomade, est un principe républicain.
On peut vous suivre, monsieur le secrétaire d'Etat, dans votre souci d'une plus grande égalité de droits. En effet, ce texte pallie certaines carences. Au regard du manque de structures - comme nous l'avons constaté, moins du quart des besoins sont couverts à ce jour - obligation est faite aux communes de plus de 5 000 habitants de créer des aires d'accueil. Les gens du voyage doivent avoir la possibilité de trouver une aire de résidence. En conséquence, on peut comprendre cette obligation faite aux communes de créer des aires d'accueil, mais je nuancerai ma position.
Le présent projet de loi durcit la loi de 1990 en rendant obligatoire la création d'aires d'accueil. Cette obligation risque de susciter des réactions fortes chez les maires. Pour modérer ces réactions, vous devriez faire plus grand cas, monsieur le secrétaire d'Etat, de la volonté des élus, qui ne sont que consultés pour avis.
Si je ne m'élève pas contre cette obligation, je m'interroge en revanche sur deux points : d'une part, sur l'équilibre entre les nouvelles obligations imposées aux communes et les nouveaux pouvoirs accordés au maire, d'autre part, sur l'équilibre entre ce droit à l'accueil pour les gens du voyage et le respect des devoirs imposés à l'ensemble des citoyens.
Pour les communes de plus de 5 000 habitants ayant rempli leurs obligations d'accueil ou celles de moins de 5 000 habitants qui choisissent de créer une aire d'accueil, si les maires pourront désormais interdire le stationnement sur le reste de leur commune, ils doivent aussi pouvoir effectivement faire évacuer les contrevenants en saisissant directement le tribunal de grande instance et leur faire payer une astreinte journalière. J'insiste sur ce point, car il leur est très difficile aujourd'hui de faire appliquer la loi, nombre de mes collègues l'ont souligné.
Votre projet de loi, monsieur le secrétaire d'Etat, fixe des délais très précis pour que les communes remplissent leurs obligations. Quels moyens prendrez-vous pour garantir l'application stricte des procédures d'évacuation ? Quelles contreparties garantissez-vous aux maires ? Pour choisir un exemple, un délai impératif d'obtention du référé, par exemple de 24 heures, serait efficace.
Je le répète, monsieur le secrétaire d'Etat, face aux nouvelles obligations qui leur incombent, les maires doivent être rassurés sur les moyens réels qui seront mis en oeuvre pour permettre l'application de la loi lorsqu'ils feront appel à la gendarmerie et à la justice.
Pour les communes de moins de 5 000 habitants, tenues d'accepter le stationnement des gens du voyage pendant 48 heures sans être obligées de créer des aires de stationnement, la commission des affaires économiques propose que l'obligation de création s'applique également aux communautés de communes de plus de 5 000 habitants dont aucune des communes n'a une population supérieure à ce chiffre.
Cette proposition ne me paraît pas appropriée à l'heure où les maires des petites communes ont parfois bien du mal à accepter une intercommunalité pourtant souvent fondée sur des projets qui leur sont familiers, car testés dans des syndicats intercommunaux. Il n'est pas acceptable en effet qu'une petite commune d'une ou de quelques centaines d'habitants puisse se voir imposer une aire d'accueil dans le cadre de l'intercommunalité. Aujourd'hui, malgré les fortes incitations fiscales, seules 136 communautés de communes se sont créées depuis la loi du 12 juillet dernier. Ne freinons pas ces créations de communautés de communes en inscrivant dans cette loi de nouvelles contraintes !
Je voudrais insister sur le nécessaire équilibre numérique entre la population communale et la population accueillie sur les aires. Le nombre de places en aire d'accueil pourrait très utilement être défini en pourcentage de la population de la commune. Monsieur le secrétaire d'Etat, que pensez-vous de cette proposition, qui me semble s'appuyer sur le bon sens ? Etes-vous prêt à la faire appliquer par les préfets dans les schémas départementaux ?
Le deuxième point concerne les obligations des citoyens. La quasi-totalité des 220 000 à 250 000 personnes entrant dans la catégorie des gens du voyage est de nationalité française. Ce texte permet la concrétisation d'un droit à l'accueil. Souligne-t-il l'obligation des devoirs ? Je n'en suis pas certain.
Pour que la cohabitation se déroule bien avec les habitants sédentaires des communes, il est pourtant essentiel que les gens du voyage, comme l'ensemble des citoyens, remplissent également leurs devoirs. Je souhaite rappeler, de manière sans doute trop rapide mais pragmatique, les deux faces de la citoyenneté avec, d'un côté, les droits, par exemple des droits sociaux comme le RMI, l'assurance maladie, les allocations familiale et, de l'autre côté, les devoirs, par exemple, l'impôt et la scolarisation des enfants.
En ce qui concerne l'impôt, le fossé entre le niveau de vie réel, évalué par des signes extérieurs de richesse, même si l'expression n'est pas vraiment appropriée, et le niveau de vie légal, déclaré à l'administration fiscale, est flagrant. Ainsi, de nombreux collègues l'ont rappelé, la profession de rempailleur de chaises et le statut de RMIstes ne semblent pas compatibles avec la possession de voitures de forte cylindrée et de caravanes spacieuses et équipées des dernières innovations. Cela exaspère les habitants des communes qui, pour leur part, ont du mal à payer les mensualités de remboursement de leurs modestes logement ou véhicule et doivent bien sûr s'acquitter de leurs impôts. Ces situations engendrent un sentiment d'injustice.
Pour ce qui est de l'obligation de scolarisation, qui, en théorie, conditionne le versement des allocations familiales, il est évident que des formes adaptées d'enseignement doivent être mises en oeuvre pour que ces enfants puissent être scolarisés de manière permanente. A ce jour, la moitié des enfants de gens du voyage n'est pas du tout scolarisée ! Certes, l'accroissement du nombre d'aires d'accueil permettra également de faciliter la scolarisation, comme l'indique le projet de loi, mais la subordination réelle des allocations à la scolarisation me semble parfaitement efficace, pour peu qu'elle soit mise en application.
Ce projet de loi répond à une situation d'urgence - la nécessité de créer des aires d'accueil -, mais ne permet pas de faire entrer les gens du voyage dans une logique globale de responsabilité qui permettrait à la population sédentaire de mieux les accepter. L'objectif final est bien de définir un savoir-vivre ensemble sur un territoire partagé. Ce ne sera possible qu'avec l'observation de règles communes et des principes de la République.
Membre du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, je voterai ce texte amendé, sous réserve qu'il garantisse un équilibre entre les devoirs et les droits respectifs des communes et des gens du voyage. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce projet de loi était attendu depuis longtemps par tous les élus locaux et par tous les acteurs de terrain, régulièrement confrontés aux problèmes posés dans de nombreuses communes par le stationnement illicite des gens du voyage.
A ce titre, comme beaucoup d'entre nous, je regrette que la proposition de loi qui faisait suite à des initiatives de nos collègues Philippe Marini et Louis Souvet et qui a été votée le 6 novembre 1997 par la Haute Assemblée n'ait pas fait l'objet d'une discussion à l'Assemblée nationale. Nous aurions ainsi évité de perdre un temps précieux, deux ans, ce qui est considérable quand il s'agit de problèmes qui nuisent presque quotidiennement à la qualité de vie et à la tranquillité de nos concitoyens.
Ce texte était donc très attendu, dans la mesure où il devait apporter des réponses adéquates et satisfaisantes à ces problèmes. Mais je fais partie de ceux qui restent persuadés que ce n'était pas d'une énième loi que nous avions besoin, car l'arsenal législatif et réglementaire existant était suffisant, si toutefois il était appliqué, ce qui n'est manifestement pas le cas, comme l'ont rappelé tous les intervenants, faute d'une volonté politique suffisante au niveau de l'Etat.
Cela dit, et puisque nous devons néanmoins nous prononcer sur le projet de loi qui nous est soumis, je considère pour ma part que le texte adopté par l'Assemblée nationale, s'il comporte quelques dispositions intéressantes, pèche cependant par son absence de réalisme quant à l'analyse des problèmes posés par les déplacements et le stationnement des gens du voyage et par son absence d'efficacité quant aux solutions qu'il envisage pour résoudre ces problèmes.
Grâce à l'excellent travail de nos rapporteurs, nos éminents collègues Jean-Paul Delevoye et Pierre Hérisson (M. Jean Chérioux applaudit), notre Haute Assemblée sera heureusement en mesure de corriger la plupart des imperfections de ce texte.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous m'objecterez que nombre des problèmes liés au mode de vie et à l'habitat des gens du voyage proviennent de l'actuelle absence d'aires de stationnement adaptées, ce que le présent texte doit contribuer à corriger. Je n'en disconviens pas totalement, encore que je sois persuadé que les gens du voyage, par habitude, par goût de leur indépendance et aussi, parfois, par facilité, continueront à stationner là où ils le souhaitent, sans toujours se préoccuper de ces aires de stationnement.
M. François Trucy. Tout à fait !
M. Dominique Braye. Mais surtout, si je me réfère à ma propre expérience de maire et à celle de nombreux maires des Yvelines, dont je suis le représentant, je constate que les problèmes récurrents que nous subissons du fait des gens du voyage relèvent de toute une série de dysfonctionnements que le présent texte n'aborde que peu ou pas du tout. Les élus locaux se rendent compte que ces dysfonctionnements sont graves et souvent sans solution. En voici quelques-uns, et cette liste est loin d'être exhaustive.
Problème de stationnement illicite sur la voie publique, sur les parkings et les terrains communaux ou privés, et même dans les zones d'activité économique ou commerciale importantes, je pense à la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines et plus particulièrement aux communes de Coignières, Maurepas et Elancourt, où de telles situations créent des tensions très fortes, qui sont bien connues de notre collègue Gérard Larcher.
Problème de stationnement anarchique, souvent en surnombre évident par rapport à la taille des communes, comme à Bazoches-sur-Guyonne, pour ne prendre que ce seul exemple, tranquille petite commune rurale de 423 habitants sur le territoire de laquelle 800 personnes réparties dans 200 caravanes viennent régulièrement s'installer illicitement. Je vous laisse imaginer la cohabitation paisible qui s'instaure ainsi chaque année !
Problèmes récurrents de tension avec les habitants des communes concernées, problèmes d'hygiène et de salubrité publique, problèmes de sécurité publique.
Problème de non-scolarisation des enfants, donc de refus d'une véritable intégration à notre communauté nationale.
Problème de la sédentarisation partielle, avec des constructions illicites en zones inconstructibles, avec agrandissement et solidification progressive des constructions, sans permis de construire évidemment. Allez ensuite, quand vous êtes maire, expliquer à l'un de vos administrés que le permis de construire de sa véranda lui est refusé pour quelques centimètres en trop, alors que les gens du voyage construisent ce qu'ils veulent et où ils le veulent en toute impunité, la jurisprudence consacrant parfois la supériorité du droit au logement sur le respect du plan d'occupation des sols...
Problème du coût pour les petites communes des référés afin de faire cesser un stationnement interdit ou une construction illicite : démarches longues, multiples et coûteuses pour aboutir à des décisions judiciaires qui ne sont pratiquement jamais appliquées.
Problème des branchements sauvages sur les bouches d'incendie pour l'eau et sur les lignes d'EDF ou sur l'éclairage public pour l'électricité, ce qui entraîne un coût pour la commune et donc pour les contribuables, sans, bien sûr, aucune contrepartie.
Problème du non-contrôle fiscal des revenus des gens du voyage, dont il est permis de s'étonner - je le fais comme tous mes collègues - eu égard à leur mode de vie et à leurs activités déclarées, qu'ils leur permettent de s'acheter des voitures de grosse cylindrée et des caravanes grand luxe du dernier cri, tout en percevant, paradoxalement, le RMI.
Problème plus grave encore, celui de certains camps, notamment celui, bien connu dans notre département, du plateau de Verneuil-Vernouillet, qui sont de véritables viviers de la très grande délinquance et qui mobilisent manifestement une grande partie de nos services de gendarmerie.
Voilà un constat non exhausif de ces graves dysfonctionnements. A notre époque où, je le sais, il est de bon ton d'utiliser un langage « politiquement correct », j'ai bien conscience que toutes les vérités ne sont pas toujours bonnes à dire. Néanmoins, je crois que toutes ces vérités doivent être entendues, car elles sont connues de tous nos administrés.
Il ne sert à rien de se voiler la face. Nos concitoyens attendent de nous le langage de la vérité et ils veulent des solutions concrètes des problèmes concrets.
Or, à mon sens, ce projet de loi mésestime une fois de plus, dans son esprit et dans sa lettre, ces réalités et les solutions qu'il préconise sont insuffisantes et inadaptées.
Monsieur le secrétaire d'Etat, faire appliquer les lois et les réglementations déjà existantes aurait été un préalable nécessaire et bienvenu à l'adoption de ce nouveau texte. Il convient de le souligner une nouvelle fois, la question des gens du voyage relève avant tout de la compétence de l'Etat, qui ne doit pas se défausser une fois de plus de ses responsabilités sur les collectivités locales, qui ne peuvent faire face seules à ce genre de problème.
Que se passe-t-il lorsque l'Etat n'est pas en mesure de faire respecter les lois, comme dans ce cas-là ?
Tout d'abord, les citoyens et les élus se retrouvent seuls et dénués de moyens de défense face à des exactions accomplies sans crainte d'aucune sanction, d'où leur sentiment d'isolement, de découragement et d'impuissance.
Ensuite, les gens du voyage sont évidemment marginalisés et rejetés par une grande majorité de nos concitoyens.
Enfin, cela entraîne de facto la création plus ou moins provisoire de véritables zones de non-droit, qui sont le pendant rural et péri-urbain des zones de non-droit de certains de nos quartiers urbains sensibles, et tout cela, monsieur le secrétaire d'Etat, simplement parce que l'Etat se refuse à faire appliquer les lois de la République !
M. Daniel Goulet. Très bien !
M. Dominique Braye. Nous ne saurions évidemment, nous, législateurs, cautionner cet état de fait et ce laxisme. C'est donc sans illusion excessive quant à son efficacité à résoudre les problèmes posés par les gens du voyage que je soutiendrai ses amendements présentés par nos rapporteurs, qui améliorent sensiblement un texte qui se caractérisait par de bonnes intentions de principe, mais aussi par un angélisme peu pragmatique.
L'enfer, dit-on, est pavé de bonnes intentions. Car une bonne intention ne devient une bonne action que si on se donne les moyens de la mettre en oeuvre. Notre République suppose un équilibre égal entre droits et devoirs pour tous nos concitoyens. Or les gens du voyage, prompts à réclamer le bénéfice de leurs droits, voire l'exercice de droits spécifiques, oublient systématiquement la contrepartie que constituent leurs devoirs de citoyens. Prenez donc garde, monsieur le secrétaire d'Etat, de ne pas oublier que le respect de l'état de droit est le premier pilier de notre République.
Nous pouvons, mes chers collègues, amender et voter toutes les lois que nous soumettra le Gouvernement, mais il est bien plus important de lui rappeler que l'Etat doit prendre ses responsabilité, rien que ses responsabilités, mais toutes ses responsabilités.
Nous verrons rapidement ce qu'il en sera de l'application de cette nouvelle loi. Je ne vous fais pas de procès d'intention, monsieur le secrétaire d'Etat, mais je souhaite néanmoins prendre date avec vous, sans préciser le temps qu'il faut, pour constater ensemble si cette nouvelle législation est réellement appliquée et si force reste enfin à la loi dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme l'ont souligné les collègues qui m'ont précédé, le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui est très attendu par tous les maires de France. Pour cette raison, je remercie le Gouvernement de l'avoir inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée.
Le texte qui nous est proposé reprend les dispositions existantes issues de la loi du 31 mai 1990, relative à la mise en oeuvre du droit au logement. Il a pour objet d'assurer une offre plus importante en aires d'accueil et de stationnement pour les quelque 30 000 caravanes qui souhaitent trouver des emplacements adaptés lors de leurs déplacements.
Il précise, notamment, les conditions de définition et d'adoption du schéma départemental prévu par la loi de 1990, les rôles respectifs du représentant de l'Etat dans le département et du président du conseil général, les obligations incombant aux communes inscrites au schéma, ainsi que les aides susceptibles d'être apportées par l'Etat.
Il faut le dire : ce texte apporte quelques améliorations sensibles aux procédures permettant aux communes et à leurs groupements de saisir le président du tribunal de grande instance et de recourir au juge des référés en cas de stationnement illicite en dehors des aires d'accueil.
Pour autant, le texte que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat, présente, à mes yeux, des insuffisances. En effet, essentiellement centré sur l'accueil des gens du voyage lors de leur déplacements habituels, il ne traite pas, ou très incomplètement, la question des déplacements massifs occasionnels.
De plus, si votre texte cherche à mieux définir les obligations respectives des communes, dont le rôle, j'en conviens parfaitement, est l'accueil, s'il définit également les obligations de l'Etat, qui doit faire respecter la loi et l'ordre public, il me semblerait fort souhaitable qu'il définisse également des devoirs qui, selon toute logique, devraient incomber aux gens du voyage.
Il me semble qu'au droit légitime de ces personnes à choisir le mode de vie qu'ils souhaitent devrait être associé le devoir qu'ils devraient assumer de respecter les règles collectives. Or, je n'ai rien vu dans votre texte qui fasse référence à cet équilibre qu'il me paraît souhaitable d'instituer entre les droits mais aussi les devoirs des gens du voyage. En un mot, pour employer une formule qui semble malheureusement d'une autre époque : pouvons-nous faire en sorte que ces populations adoptent un comportement citoyen ?
A ce propos, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, d'apporter le témoignage d'une commune de 773 habitants située sur le littoral nord du Finistère. Cette commune, Tréflez, possède sur son territoire le site naturel inscrit de Keremma, de 184 hectares, et compte parmi les plus importants sites naturels placés sous la protection du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres.
Au cours de l'été 1999, les dunes de Keremma ont subi une agression particulièrement violente avec l'arrivée totalement inopinée de plusieurs centaines de caravanes appartenant à des communautés tziganes. En moins de quatre heures, ce sont plus de 3 000 personnes et 500 caravanes qui se sont installées sur dix hectares de dunes sablonneuses, en bord de mer, sur un terrain appartenant au Conservatoire du littoral et strictement interdit à toute forme de camping. Le siège, si je puis employer ce terme, a duré du 11 au 19 juillet. Je vous épargnerai une énumération fastidieuse des dégâts constatés. Je dresserai juste quelques constats : un bilan écologique sévère, avec destruction de la faune et de la flore sur cette zone, l'amoncellement de plus de vingt-sept tonnes de déchets, des branchements électriques illicites, la destruction d'équipements publics, etc. Je m'arrête là ; la liste serait trop longue.
A ce moment du débat, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, vous interroger sur un point. Le texte que vous nous présentez comporte-t-il, selon vous, des mesures préventives suffisantes pour empêcher qu'un tel événement ne se reproduise, cet été, l'année prochaine, à Tréflez ou ailleurs ? Des mesures préventives propres à empêcher les irruptions de véhicules et de caravanes notamment sur des sites naturels classés - sont-elles annoncées ?
Enfin, quelles réponses, quels conseils pourrai-je apporter aux maires des petites communes pour les rassurer, eux qui redoutent déjà l'arrivée des beaux jours ?
Bien entendu, je ne manquerai pas de communiquer à tous les maires de mon département les dispositions qui pourraient être susceptibles de les aider dans l'exercice, si difficile, de leurs missions.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de remercier les très nombreux intervenants, qui ont pu observer avec quelle attention j'écoutais leurs propos. Je ne pourrai revenir sur tous ce soir, mais j'ai gardé douze pages entières de notes auxquelles, soyez-en sûr, je me reporterai utilement.
Bien entendu, j'ai été sensible au soutien exprimé par quelques intervenants souscrivant à l'approche du Gouvernement : Mme Bidard-Reydet, qui s'est exprimée au nom de Mme Terrade, MM. Peyronnet et Lagauche. Je tiens également à saluer tout spécialement les rapporteurs, MM. Jean-Paul Delevoye et Pierre Hérisson, pour leur travail, ainsi que pour la tonalité de certains de leurs propos, MM. Vallet, Hoeffel, Laffitte, Hyest, Ostermann, Darniche et Gérard. De toute façon, je remercie tous les intervenants pour l'intérêt qu'ils portent à cette question, même si leurs doutes me paraissent a priori difficiles à concilier avec l'approche du Gouvernement, qui est également celle de très nombreuses associations. Je m'adresse là plus particulièrement à MM. Carle, Peyrat, de Montesquiou et Braye.
Vous avez, les uns et les autres, évoqué bien des situations difficiles. Permettez-moi de vous dire que je les connais pour avoir assumé les responsabilités de maire pendant un peu plus de trois décennies. Mais si je me suis retrouvé dans certaines descriptions, je ne me suis pas senti concerné par certaines conclusions.
Certes, ces semi-sédentarisations familiales, semisédentarisations sauvages qui sont plutôt le fait de groupes en difficulté, que nous devons progressivement amener à une sédentarisation convenable, nous posent bien des difficultés.
Certes, nous sommes confrontés à des passages en nombre et à des voies de fait. A ce propos, monsieur Gérard, je comprends votre souci de savoir si des mesures préventives pourraient être prises. Pour ma part, je pense que c'est cas par cas que nous devons essayer de trouver ces dispositions préventives qui pourraient s'appliquer localement.
La ville dont je suis l'élu a eu à faire face, en dehors de tous les problèmes dus à des petits groupes, à des passages massifs au cours de l'année 1999. Lors de deux de ces passages, des dégradations importantes ont été causées à des terrains de sport sans que les intéressés aient eu conscience du coût que cela entraînait.
Vous connaissez la fragilité de ce genre de terrain ! Après une installation de huit jours, par temps de pluie, la ronde des véhicules sur le terrain, vous imaginez le désastre !
Nous n'avons pas réussi à établir le dialogue avec le premier groupe. L'expulsion a été prononcée, mais au bout de huit jours seulement, juste au moment où il avait décidé de partir.
Avec le second groupe, les choses se sont passées différemment. Nous avons pu nous adresser à deux personnes qui se disaient pasteurs, devant qui nous avons mis en parallèle les références dont ils se réclamaient et certains comportements. Après un dialogue approfondi, nous avons obtenu le nom et l'adresse des responsables, à qui nous avons envoyé la facture des dégâts. Ils l'ont honorée. Vous le voyez : toutes les situations ne sont pas désespérées ! Mais il faut déployer énormément de ténacité et de conviction.
M. Dominique Braye. Ne généralisons pas l'exception !
M. Hilaire Flandre. Vous avez vraiment eu la chance de tomber sur quelqu'un de bien !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Il faut dire aussi que, parfois, courent des rumeurs qui grossissent considérablement les faits. Après le passage du premier groupe dont j'ai parlé, toute la ville évoquait le dépôt de 69 plaintes pour vols. Je me suis renseigné auprès du procureur de la République : aucune plainte n'avait été déposée !
Nous sommes tous confrontés à des difficultés de ce genre. Au lieu d'amplifier les conséquences de tels passages, aidons chacun à revenir à la raison !
Nous savons qu'il est extrêmement difficile d'établir le dialogue avec certains groupes. J'ai cherché moi-même à aborder un tel groupe - je crois qu'il s'agissait de Roms. A mon approche, tous les enfants ont fait cercle autour des caravanes dans lesquelles se trouvaient les adultes, si bien que je n'ai pu approcher ces derniers. J'ai bien compris qu'il s'agissait d'une technique de barrage.
Un tel comportement de rejet a sans doute son origine dans le traitement qu'ont subi ces populations en certains moments de l'histoire où, comme d'autres hélas ! elles ont connu des génocides. Evidemment, ce n'est qu'une explication, non une justification. En tout cas, nous devons persister dans la recherche du dialogue.
Quant aux attelages luxueux et aux grosses voitures, certes ils existent, mais la misère aussi est là.
Comment ne pas évoquer en cet instant l'appel que j'ai reçu, voilà près de deux ans, de la présidente en exercice de ATD Quart-Monde, Mme Genevière de Gaulle, me suppliant d'être présent aux obsèques d'un enfant de deux ans qui s'était noyé dans la mare d'un chantier ?
Il s'agissait d'une famille yéniche alsacienne, groupe rejeté depuis des siècles. On m'a dit qu'elle faisait partie d'un groupe qui se trouvait parmi les derniers à avoir conservé l'usage de l'idiome alsacien et à s'exprimer, paraît-il, dans cette langue mieux que beaucoup d'Alsaciens. Cette famille, croyez-moi, vivait dans une misère indiscutable.
Elle était présente dans la commune depuis sept ou huit ans. Elle avait été obligée de quitter la masure qu'elle habitait au moment de la construction d'une voie et n'avait pu être relogée que dans des bungalows du chantier.
Cette famille vivait donc au bord de la route en construction. Or, chaque fin de semaine, le conducteur d'une pelle mécanique enfonce celle-ci dans la terre pour que son engin résiste au vent ; quand il la retire chaque lundi, un trou se forme à l'emplacement. S'il pleut, l'eau peut stagner. C'est ce qui s'est passé dans le cas que je vous rapporte : l'enfant est tombé dans le trou et a trouvé la mort.
N'ayons donc pas une vision unilatérale des réalités ! Elles sont parfois très constrastées.
Bien sûr, vous avez évoqué des tensions, des phénomènes de rejet, vous avez parlé d'intolérance. C'est un débat qui pourrait nous retenir très longtemps ! Cela étant, nous ne pourrons pas progresser dans la voie de la tolérance et de l'apaisement, j'en suis convaincu, si nous ne modifions pas la situation.
M. Braye est intervenu avec beaucoup d'impétuosité et s'est fait le porte-parole du département des Yvelines.
M. Gérard Larcher. Eh oui !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Voici quelques informations dont je dispose à propos de ce département, monsieur le sénateur : sur les soixante communes concernées par l'obligation instituée par la loi de 1990, huit ont réalisé une aire d'accueil !
M. Gérard Larcher. Dont Rambouillet !
M. Dominique Braye. Et ce sont celles qui souffrent le plus ! Les autres n'ont pas voulu !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Huit communes en règle sur soixante, cela représente 138 places pour tout le département des Yvelines !
Dans ces conditions, je comprends que la tension puisse atteindre le niveau que vous avez évoqué ! Comment pourrait-il en être autrement ?
M. Nicolas About. Mais ils ne veulent pas aller sur les aires d'accueil !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Nous pourrons y revenir lors de la discussion des articles.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Justement, nous voudrions y venir, à la discussion des articles !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Nous y viendrons demain matin, monsieur le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Non, tout de suite !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Vous avez été nombreux à déplorer un retard de deux ans. Mais je dirais volontiers que le retard est d'au moins dix ans. En effet, l'article 28 de la loi du 31 mars 1990 a résulté d'un amendement parlementaire, dont j'avais, au nom du Gouvernement, demandé le rejet pour la bonne raison que ce texte ne me paraissait pas avoir fait l'objet d'une étude suffisamment approfondie. A l'époque, on pouvait effectivement espérer voir les travaux d'une commission animée par un ancien préfet, M. Delamon, déboucher sur des propositions qui auraient permis l'élaboration d'un texte législatif d'ensemble. Hélas ! depuis 1990, ce texte législatif d'ensemble n'est pas venu, ce dont un certain nombre de gouvernements peuvent être rendus responsables...
Quoi qu'il en soit, si le texte de 1990 a été insuffisant, c'est essentiellement parce que l'obligation n'était assortie d'aucun délai et d'aucune sanction. Il n'en appelait qu'à la bonne volonté.
Si nous devions y revenir en supprimant les délais ainsi que la possibilité de substitution, seule garantie du respect de ces délais, où serait l'efficacité d'un nouveau texte ? Cela mérite tout de même qu'on y réfléchisse honnêtement !
Vous avez été nombreux à dire que ces obligations et cette substitution pouvaient recéler une atteinte à la décentralisation. C'est un vaste débat !
J'ai été, dès mon entrée dans la vie publique, un militant de la décentralisation. J'ai voté les lois de Gaston Deferre avec conviction. J'y ai toujours vu des capacités nouvelles données aux élus pour prendre davantage d'initiatives et exercer plus de responsabilités locales. Je n'y ai jamais vu une possibilité, pour quelque commune que ce soit, de s'affranchir des obligations de la loi.
Et c'est heureux, car que deviendrait « la » République si la décentralisation signifiait qu'on en a fait 36 000 dans notre pays ? Non, la République est une ! La loi doit pouvoir s'appliquer partout, et c'est l'honneur de chaque acteur local que d'en assumer la responsabilité. Pour ma part, je ne dévierai pas de cette conception républicaine de la décentralisation.
M. Dominique Braye. Que l'Etat donne l'exemple ! Qu'il respecte la loi !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. M. Murat a dit : « Chaque fois que l'Etat est bafoué, c'est la France que l'on bafoue. » M. Braye a dit : « Le respect de l'état de droit est un pilier de la République. » Mais, si les collectivités publiques sont les premières à s'affranchir de la loi, où va-t-on ?
M. Dominique Braye. Elles suivent l'exemple de l'Etat !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je crois qu'elles doivent donner l'exemple !
M. Nicolas About. Vous voulez qu'elles se livrent pieds et poings liés !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, laissez s'exprimer M. le secrétaire d'Etat !
M. Nicolas About. Qu'il n'accuse pas les communes ! Elles font ce qu'elles peuvent !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, d'habitude, la Haute Assemblée se fait surtout remarquer par sa sérénité et son souci de l'équilibre.
M. Dominique Braye. A condition qu'elle ne soit pas agressée.
M. Nicolas About. Et que les communes ne le soient pas !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je ne voudrais pas, en abordant un sujet délicat, qu'il y ait...
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Monsieur le secrétaire d'Etat, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois, avec l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Sans me départir de la sérénité qui sied à la Haute Assemblée ni de la courtoisie qui vous est due, monsieur le secrétaire d'Etat, je me permettrai simplement de vous faire remarquer que ce texte est long et complexe et que tous les problèmes que vous êtes en train d'évoquer pourront être traités, au moment de la discussion des articles, que nous souhaitons vivement aborder dès ce soir.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. C'est au président de séance d'en décider, monsieur le président de la commission des lois !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Si les communes sont en première ligne - et, encore une fois, je suis moi-même élu local depuis 1965 - c'est pour une raison bien simple : elles maîtrisent l'espace puisque l'Etat n'exerce, à cet égard, quelques prérogatives que dans le cadre des projets d'intérêt général, et que ni la région ni le département ne gèrent des espaces. Ce sont donc nécessairement les communes qui sont en première ligne lorsque la solution d'un problème implique la mobilisation d'une certaine superficie.
M. Dominique Braye. Et le schéma directeur de la région d'Ile-de-France ?
M. Nicolas About. Et la police ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je rappelle que ce texte ne vise à régler que le problème de l'accueil. Les autres questions relèvent d'autres ministères - intérieur, justice, solidarité, éducation, notamment - et doivent être débattus au sein de la Commission nationale consultative des gens du voyage, dont les membres ont été nommés au mois de décembre. Je souhaite que cette commission, placée sous la tutelle de ma collègue ministre de l'emploi et de la solidarité, puisse travailler dans les meilleures conditions.
S'agissant du problème de l'accueil, point central de ce texte, il doit pouvoir être résolu par les dispositions que nous proposons. En effet, il doit être possible pour un pays comme le nôtre, si tout le monde s'y met, de réaliser 30 000 emplacements pour caravanes, l'Etat prenant en charge quelque 70 % des coûts.
S'agissant de l'évaluation des coûts, je veux rendre ici hommage au travail du président de l'Association des maires de France, aujourd'hui rapporteur de ce texte devant le Sénat. C'est en effet dans son rapport que nous avons puisé les références de coûts : 100 000 francs par place au titre de l'investissement et 20 000 francs au titre du fonctionnement. Le Sénat a donc contribué à l'enrichissement de la réflexion.
Il me semble qu'il s'agit d'un texte équilibré, garantissant que l'Etat assumera sa part de l'effort.
Cela dit, j'ai bien compris que votre préoccupation première concernait l'application des décisions de justice.
M. Dominique Braye. C'est effectivement la première !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Permettez-moi, monsieur le président Larché, d'apporter d'ores et déjà une réponse sur ce point, qui a été au coeur de toutes les interventions.
La liberté d'aller et venir est constitutionnellement reconnue et n'est pas dissociable de la liberté de stationner. Le Conseil d'Etat l'a affirmé dès le début du siècle s'agissant de la liberté pour les automobilistes de stationner là où ils l'entendent.Concernant le stationnement des gens du voyage, il l'a expressément confirmé dans un arrêt que l'un d'entre vous a cité, l'arrêt Ville de Lille, du 2 décembre 1983.
Ce serait donc porter atteinte à une liberté constitutionnelle que de vouloir empêcher les gens du voyage de stationner sur le territoire d'une commune.
Cependant, c'est précisément pour empêcher le stationnement sauvage, source de nombreuses difficultés avec les populations et de nombreux contentieux, que le projet de loi organise ce stationnement dans des aires aménagées et adaptées aux besoins.
Le Gouvernement n'est pas naïf au point d'imaginer que toutes les occupations illégales cesseront instantanément. Mais, en multipliant les aires, donc les places - puisqu'il en manque actuellement 25 000 - la loi aura pour effet la diminution des occupations illégales, sauf à considérer qu'aucune aire ne serait utilisée, ce qui n'est, vous en conviendrez, guère plausible.
Certains intervenants ont mis en doute la capacité de l'Etat à mettre en oeuvre les dispositifs tendant à lutter contre les occupations illégales. Qu'ils sachent que le Gouvernement est déterminé à se donner les moyens d'y parvenir.
Je rappelle que l'intervention du juge préalablement à une expulsion est une garantie fondamentale, compte tenu de l'atteinte portée à la personne et, éventuellement, à son intégrité qui peut résulter de l'expulsion. Cette intervention du juge est donc indispensable. Le Gouvernement n'entend pas qu'il y soit dérogé, sous la seule réserve, consacrée par la jurisprudence, des cas d'urgence caractérisée.
Le projet de loi, je le rappelle, prévoit une intervention rapide du juge. Celui-ci peut être saisi, et c'est une nouveauté importante, par le maire alors même que le terrain irrégulièrement occupé est un terrain privé. Bien souvent, en effet, le propriétaire privé préfère ne pas prendre la responsabilité des formalités en raison de leur coût et éventuellement par crainte de représailles. C'est donc pour libérer le propriétaire privé que cette possibilité sera donnée aux maires. Le juge statue en la forme d'un référé, qui est la plus rapide des procédures civiles. Sa décision est exécutoire par provision, c'est-à-dire sans attendre l'expiration des délais d'appel. L'exécution peut avoir lieu au seul vu de la minute, ce qui évite la procédure de signification du jugement et les frais qui y sont liés.
Le Gouvernement reprend d'ailleurs à son compte - il le confirmera demain matin, monsieur le rapporteur - la proposition de la commission des lois tendant à rappeler que le référé d'heure à heure est possible, ce qui signifie que le maire peut obtenir une décision dans la journée. Le garde des sceaux prendra une circulaire à destination des juridictions sur l'application de ces dispositions, la Chancellerie m'en a donné l'assurance.
S'agissant de la mise en oeuvre des décisions d'expulsion, les préfets sont tenus de prêter le concours de la force publique à leur exécution. C'est ce que rappelle l'article 16 de la loi du 16 juillet 1991 sur les procédures civiles d'exécution.
M. Patrick Lassourd. Cela ne se fait jamais !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Mais vous comprenez qu'il soit impossible d'inscrire dans la loi que ce concours doit être systématique. En effet, le principe de séparation des pouvoirs conduit à respecter la marge qui a toujours été laissée par les textes au préfet d'apprécier le risque pour l'ordre public que pourrait entraîner l'exécution par la force d'une décision d'expulsion.
M. Daniel Goulet. Donc, il ne passe rien !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. C'est, mesdames, messieurs les sénateurs, un principe consacré de très longue date par la jurisprudence.
Néanmoins, en matière d'occupation illégale de terrain par les gens du voyage, le ministre de l'intérieur m'a donné l'assurance que les préfets seraient particulièrement sensibilisés aux dispositions de la loi.
Il va sans dire que les communes disposant de telles aires d'accueil, répondant aux prescriptions du schéma départemental, devraient bénéficier de la mise en oeuvre, des moyens qui sont à la disposition des préfets pour exécuter l'expulsion ordonnée par le juge.
M. Gérard Larcher. C'est bien le moins !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, des éléments très précis qui figureront au procès-verbal de cette séance, auquel chacun pourra se reporter.
La discussion des articles me permettra de répondre sur les autres points qui ont été soulevés.
Je conclurai en formant le souhait que la référence à l'humanisme, qui doit transcender les clivages partisans, puisse nous réunir.
M. Dominique Braye. L'enfer est pavé de bonnes intentions !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Soyons-en bien convaincus, il n'y a pas humanisme là où il y a rejet de quelque humain que ce soit, aussi différent soit-il.
Bien sûr, tout serait plus simple si tous nos prochains nous ressemblaient ! Mais, si tous nous ressemblaient, ne serions-nous pas, d'une certaine façon, appauvris ? Si toutes les différences s'effaçaient, ne serions-nous pas conduits à le regretter ?
M. Jean Chérioux. Ils peuvent respecter la loi même s'ils sont différents !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Plusieurs intervenants ont souligné qu'il s'agissait d'une population aussi respectable que d'autres.
M. Dominique Braye. Qu'elle le prouve !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, oublieriez-vous que c'est dans vos rangs même qu'ont été tenus de tels propos ? Sachez que j'y adhère. Ils nous dictent un devoir certes délicat mais qui débouchera sur des résultats qui seront d'autant plus à hauteur de ceux auxquels nous aspirons tous que nous nous mobiliserons.
Je crois que c'est bien grâce à l'état d'esprit qui nous animera, grâce à notre détermination, au-delà de l'adoption de cette loi, pour sa mise en oeuvre, que nous réussirons à la rendre vivante et efficace. Dès lors, nous pourrons en effet prendre date, nous donner rendez-vous.
Comme vous l'avez compris, le plan dispositif prévu s'accompagne des financements de l'Etat sur quatre ans.
Si les délais sont respectés, s'il est tiré profit de ces quatre années grâce à une mobilisation totale, je suis convaincu de l'efficacité de ce dispositif.
Soyez assurés qu'au terme de ce délai - même si je n'ai pas l'ambition d'une longévité gouvernementale me conduisant en 2004, alors que j'occupais déjà ce banc voilà dix ans, comme quelqu'un l'a obligeamment rappelé - je resterai attentif, à la place que j'occuperai alors - dont nous aurons sans doute l'occasion de reparler. Je souhaite que ce soit pour constater la pertinence de notre choix, sur lequel nous aurons eu raison de nous engager résolument tous ensemble, par-delà les clivages. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. _ I. _ Les communes participent à l'accueil des personnes dites gens du voyage et dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles.
« II. _ Dans chaque département, en fonction des données existantes et des besoins constatés, notamment de la fréquence et de la durée des séjours des gens du voyage, des possibilités de scolarisation des enfants, d'accès aux soins et d'exercice des activités économiques, un schéma départemental prévoit les secteurs géographiques d'implantation des aires permanentes d'accueil et les communes où celles-ci doivent être réalisées. Il précise la destination de ces aires et leur capacité. Il définit la nature des interventions sociales en direction des gens du voyage qui les fréquentent.
« En outre, le schéma départemental détermine les emplacements susceptibles d'être occupés temporairement à l'occasion de rassemblements traditionnels ou occasionnels et définit les conditions dans lesquelles l'Etat intervient pour assurer le bon déroulement de ces rassemblements.
« III. _ Le schéma départemental est élaboré par le représentant de l'Etat dans le département et le président du conseil général. Après avis du conseil municipal des communes concernées et de la commission consultative prévue au IV, il est approuvé conjointement par le représentant de l'Etat dans le département et le président du conseil général dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi. Passé ce délai, il est approuvé par le représentant de l'Etat dans le département. Il fait l'objet d'une publication et est opposable.
« Le schéma départemental est révisé dans les mêmes conditions au moins tous les six ans à compter de sa publication.
« IV. _ Dans chaque département, une commission consultative, comprenant notamment des représentants des communes concernées et des représentants des gens du voyage, est associée à l'élaboration et à la mise en oeuvre du schéma. Elle est présidée conjointement par le représentant de l'Etat dans le département et par le président du conseil général, ou par leurs représentants.
« La commission consultative établit chaque année un bilan d'application du schéma. Elle peut désigner un médiateur chargé d'examiner les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de ce schéma et de formuler des propositions de règlement de ces difficultés. Le médiateur rend compte à la commission de ses activités.
« V. _ Le représentant de l'Etat dans la région coordonne les travaux d'élaboration des schémas départementaux. Il s'assure de la cohérence de leur contenu et de leurs dates de publication. Il réunit à cet effet une commission constituée des représentants de l'Etat dans les départements, du président du conseil régional et des présidents des conseils généraux, ou de leurs représentants. »
Sur l'article, la parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes nombreux sur ces travées, élus à la fois nationaux et locaux, à souscrire au principe d'aménager, sur le territoire de nos communes, des aires d'accueil réservées aux gens du voyage. Vous ne pouvez douter de notre attachement aux libertés fondamentales que sont le droit de choisir son mode de vie, le droit à la pratique de sa culture, la liberté de circulation.
M. Daniel Goulet. Absolument !
M. Patrick Lassourd. Mais si l'article 1er de votre projet de loi définit la philosophie de cette loi, notamment en déclinant les responsabilités des communes, s'il précise la mise en place des schémas départementaux exécutés et réalisés par les communes, s'il encadre les communes dans l'exercice de l'obligation consistant à réaliser les aires d'accueil, il ne dit pas un mot - pas un seul ! - sur la responsabilité de l'Etat ni sur les devoirs que les nomades doivent respecter.
M. Daniel Goulet. Très bien !
M. Patrick Lassourd. Pourtant, à ces droits qui sont reconnus aux nomades, il faut le dire haut et fort, et cela n'apparaît en rien dans le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui, correspondent des devoirs, aussi bien de la part des gens du voyage que de la part de l'Etat.
Cette loi inégale fait en effet peser lourdement sur les épaules du maire la charge de la gestion du problème posé par ces transits de population.
Or, c'est le devoir des gens du voyage, comme de tout citoyen français, de respecter la légalité de la République, particulièrement dans les communes qui les accueillent et qui mettent des équipements à leur disposition.
Et c'est la responsabilité de l'Etat de collaborer, aussi bien en matière financière que de police, avec les élus locaux en leur donnant les moyens financiers et humains de gérer ces aires d'accueil et d'en assurer la légale occupation.
M. Daniel Goulet. Très bien !
M. Patrick Lassourd. Je dirai un mot sur les devoirs que doivent observer les gens du voyage.
Certes, ils ont choisi un mode d'existence particulier, mais ils n'en sont pas pour autant soustraits aux devoirs impartis à tous, comme le respect du droit de propriété et, plus largement, du droit commun. Les maires souhaitent - c'est leur mission et leur responsabilité de par la loi - assurer le respect de la tranquillité, la sécurité, et la salubrité publiques.
Or, que constatons-nous ? Les maires se plaignent régulièrement de stationnements sauvages, de dégradations, de saccages, en particulier des équipements destinés aux gens du voyage. Ces aires d'accueil sont devenues des zones de non-droit, où l'on déplore, de la part des gens du voyage, un véritable mépris des lois.
Il y a un problème réel à poser : celui de l'impunité croissante des gens du voyage, là où ils devraient, juste et élémentaire contrepartie des efforts consentis en leur faveur, se plier aux lois applicables à tous.
Première conséquence de cette impunité, l'autorité communale se sent isolée. Le maire se sent en effet trop souvent seul pour faire appliquer la loi.
M. Daniel Goulet. Très bien !
M. Patrick Lassourd. Il utilise certes la voie du référé et du recours à la force publique. Mais le concours de celle-ci lui fait trop souvent défaut.
M. Daniel Goulet. Absolument !
M. Patrick Lassourd. La justice refuse en effet de considérer le stationnement illicite comme une infraction pénale, tandis que le préfet refuse fréquemment de mobiliser les forces de l'ordre, de sorte que la légalité républicaine n'est pas appliquée.
Deuxième conséquence de cette impunité, la population locale se sent menacée et spoliée.
En cela, votre loi, monsieur le secrétaire d'Etat, en son article 1er, n'est pas crédible, faute de prendre en compte le nécessaire équilibre entre les droits et les devoirs de chacun. Si les droits sont du côté des gens du voyage, les devoirs sont du côté des communes. Quant à l'Etat, il compte les points. C'est injuste et inéquitable.
Nous souhaitons, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous preniez la mesure du désarroi et de l'indignation des maires de France, quelle que soit leur appartenance politique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Par amendement n° 54, MM. Braye et Darniche proposent, dans le I de l'article 1er, de remplacer le mot : « accueil » par les mots : « organisation du stationnement ».
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet amendement est le premier d'une série qui tend à remplacer la conception d'accueil par celle de stationnement, que ce soit dans l'intitulé du projet de loi ou dans l'ensemble de ses articles.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les uns et les autres allons essayer de ne pas nous laisser déborder par la passion au cours de ce débat, mais l'exercice sera parfois difficile alors que deux élus, respectivement maires de Poigny-la-Forêt et de Coignières, dans les Yvelines, ont été hospitalisés à la suite d'une agression. Comment demander à ceux qui doivent s'interposer pour éviter des dégradations publiques face auxquelles il est difficile de rester parfaitement serein de ne pas être passionnés ?
C'est précisément dans un esprit d'apaisement que je propose de remplacer le mot « accueil » par le mot « stationnement ».
Je suis au regret, mes chers collègues, de devoir procéder à une petite leçon de sémantique et de grammaire, mais je la crois indispensable car les mots ont un sens, qu'il faut toujours respecter.
Jusqu'à ce projet de loi, le terme consacré en cette matière a toujours été, pour de multiples raisons objectives, le mot « stationnement ».
En premier lieu, ce terme décrit bien un phénomène : les gens du voyage, au cours de leurs déplacements à travers notre pays, sont amenés à faire halte dans des communes. Ils stationnent avec leurs véhicules et leurs caravanes, comme ils stationnaient jadis avec chevaux et roulottes, ainsi que l'a rappelé M. Darniche. Stationnement étant le terme adéquat pour décrire leur action, il me paraît important d'employer la voix active : ils stationnent.
En effet, le mot « accueil » ne décrit aucunement l'action des gens du voyage. Ils sont accueillis : c'est la voix passive. En matière d'accueil, l'action n'est pas du côté des gens du voyage ; ils subissent cette action.
C'est pourquoi j'estime dangereux de modifier le terme couramment employé et que je juge préférable de s'en tenir à l'expression active du point de vue des gens du voyage, ce qui est plus pertinent et plus légitime : ce sont eux qui habitent et qui stationnent sur ces aires, deux termes actifs qui se situent sur le même plan.
En second lieu, le mode de vie, très particulier dans nos sociétés urbanisées et sédentaires, des gens du voyage, qui vivent en se déplaçant sans cesse et en subsistant d'activités qui tombent aujourd'hui, il faut bien le reconnaître, en désuétude, posent pour tous les élus locaux des problèmes de fond très concrets qui se résument à ces deux notions de stationnement et d'habitat : où et combien de temps peuvent-ils stationner quand ils sont en contact avec les populations sédentaires ? Où et dans quelles conditions matérielles peuvent-ils habiter ?
Voilà des problèmes objectifs, très concrets, qu'une loi est capable de résoudre et que ce projet de loi s'essaye honnêtement à résoudre, même si, à mon sens, comme je l'ai rappelé, il n'y réussit pas.
En revanche, l'accueil est un terme subjectif, qui fait référence à l'attitude que peuvent avoir les élus, les représentants de l'Etat, mais aussi, plus largement, nos concitoyens vis-à-vis des gens du voyage qui stationnent près de chez eux. En, rentrant dans le domaine du subjectif, on se place rapidement aussi dans celui de la polémique et de la passion, monsieur le secrétaire d'Etat. J'en veux pour preuve qu'un accueil peut être bon, voire chaleureux, ou mauvais, pis, glacial.
Il faut, en revenir au stationnement, car on ne peut légiférer sur une attitude : on ne commande pas l'accueil. La loi ne saurait opérer que sur des éléments objectifs. Par conséquent, le terme d'accueil ne convient pas.
C'est pourquoi je vous propose d'en revenir, dans l'intitulé comme dans la totalité du texte, au terme originel de stationnement, comme vous l'avez d'ailleurs fait, vous aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, au quatrième alinéa l'article 9 où vous parlez « d'aire de stationnement ».
Même si la confusion n'a sans doute pas été délibérée, cela prouve bien qu'on a mélangé les deux termes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 54.
La notion d'accueil est plus large que celle de stationnement. J'ai soigneusement analysé la proposition de notre collègue : force est de constater que le stationnement peut avoir lieu partout dès lors que sont créées des aires d'accueil. Le terme est donc parfaitement justifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement partage tout à fait le point de vue de la commission. Il est défavorable à l'amendement n° 54.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 54.
M. Serge Lagauche. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Il me semble que l'objectif poursuivi par cette loi consiste à « accueillir » des citoyens et non pas des véhicules. Or, c'est aux véhicules que s'applique le terme « stationnement », tandis que celui d'« accueil » vise les citoyens.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 54, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 28, M. Hérisson, au nom de la commission des affaires économiques, propose, dans le I de l'article 1er, après les mots : « est constitué de résidences », d'insérer le mot : « principales ».
Par amendement n° 1, M. Delevoye, au nom de la commission des lois, propose de compléter in fine le I de l'article 1er par un alinéa ainsi rédigé :

« Sont considérées comme des résidences mobiles, au sens de la présente loi, les caravanes affectées à l'habitat permanent de leurs occupants ainsi que tout autre abri mobile ayant la même destination. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 28.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Il importe que les aires de stationnement utilisées par les gens du voyage ne soient pas occupées par des vacanciers ou encore squattées par des personnes sédentaires qui, victimes de l'exclusion, habitent en caravane.
Les gens du voyage ne sauraient subir les conséquences de l'incapacité des pouvoirs publics à loger des populations sédentaires dont la situation s'est précarisée.
J'ajoute enfin que la définition de résidence principale mobile constituerait un premier pas dans la perspective d'une meilleure intégration des gens du voyage au sens fiscal. Il s'agit de bien définir leur résidence comme résidence principale, par rapport aux résidences secondaires, qui ont également une acception fiscale pour un certain nombre de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 28.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Une nouvelle notion juridique est apparue avec celle de résidence mobile, dont l'absence de définition juridique est d'autant plus fâcheuse qu'elle conditionne la procédure d'évacuation forcée. C'est la raison pour laquelle la commisison des lois a estimé nécessaire de préciser cette notion en indiquant qu'il s'agit de « caravanes affectées à l'habitat permanent de leurs occupants ainsi que tout autre abri mobile ayant la même destination ».
Si l'évolution proposée par l'amendement n° 28, qui vise la transparence fiscale, est intéressante, nous craignons toutefois qu'il ne fasse surgir un problème de caractère fiscal portant sur la commune de rattachement.
Cette proposition ne nous paraît donc nullement adaptée à la situation qui à laquelle répond en revanche la définition de la résidence mobile contenue dans l'amendement n° 1.
Nous souhaitons le retrait de l'amendement n° 28, tout en étant conscients de l'opportunité d'ouvrir ce chantier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 28 et 1 ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement considère que la précision « habitat traditionnel » suffit pour différencier les gens du voyage des occupants d'habitats de loisir. L'introduction du terme « principal » présenterait un intérêt s'il y avait lieu de distinguer une résidence principale d'une résidence secondaire, ce qui, pour les gens du voyage, ne correspond à aucune réalité concrète. Dans ces conditions, je ne souhaite pas l'adoption de l'amendement n° 28.
En ce qui concerne l'amendement n° 1, les termes « abri mobile » risquent de poser quelques difficultés en raison de l'absence de définition juridique et du fait qu'ils sont souvent employés pour désigner des habitations légères de loisir. Il y a là un risque de confusion.
Mais si la Haute Assemblée veut prendre ce risque que le Gouvernement lui signale, elle en est évidemment pleinement libre !
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 28 est-il maintenu ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Avant de retirer cet amendement, je voudrais insister auprès de M. le secrétaire d'Etat sur un point qu'un certain nombre d'orateurs ont déjà exprimé ici : les maires de France et nos concitoyens ne comprennent pas pourquoi, aujourd'hui, aucun contrôle ni aucune action à caractère ne sont engagés à l'encontre d'une population qui a pourtant, manifestement, des signes extérieurs de richesse.
L'amendement n° 28 visait donc à ouvrir une première porte en direction d'une définition à caractère fiscal. M. le rapporteur a compris le sens du message, et je retire donc cet amendement, au bénéfice de l'amendement n° 1.
M. le président. L'amendement n° 28 est retiré.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. M. le secrétaire d'Etat oppose à la notion d'« abri mobile », qui figure dans le code de l'urbanisme, celle de « résidence mobile ». Le problème, c'est qu'aucune définition juridique des termes « résidence mobile » n'est donnée, alors que ces derniers vont conditionner toute l'action judiciaire, et que c'est en fonction de cette qualité que l'évacuation pourra être demandée. On comprend immédiatement que, dans ce flou, les contentieux vont exploser !
C'est la raison pour laquelle la commission des lois a souhaité proposer, par l'amendement n° 1, une définition juridique des termes « résidence mobile », lesquels ne figurent dans aucune loi. Nous acceptons les termes, et nous précisons la notion juridique.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 28.
M. Dominique Braye. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Je souhaite demander une précision à M. le rapporteur afin d'éclairer les membres de la Haute Assemblée : que se passe-t-il pour les personnes, que je considérais jusqu'à maintenant comme des gens du voyage, qui vivent neuf mois dans une caravane et trois mois dans une maison ? La rédaction de l'amendement n° 1 - « les caravanes affectées à l'habitat permanent de leurs occupants » - induit-elle que les aires de stationnement ne sont pas faites pour ces gens-là, et que ces derniers ne sont pas considérés comme des gens du voyage ? M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Les résidences mobiles, ce sont « les caravanes affectées à l'habitat permanent de leurs occupants ainsi que tout autre abri mobile ayant la même destination ». Il s'agit donc bien de l'habitat permanent.
M. Dominique Braye. Et s'ils vivent trois mois dans une maison et neuf mois dans une caravane ?
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. S'ils sont dans une maison, ils ne sont pas sur une aire d'accueil !
M. Dominique Braye. Alors, ils ne sont pas de façon permanente dans leur caravane !
M. Hilaire Flandre. C'est le terme « permanent » qui nous gêne !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 2, M. Delevoye, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, après le I de l'article 1er, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« I bis . - Un schéma national d'accueil des gens du voyage définit les conditions d'accueil des gens du voyage dans le cadre de rassemblements traditionnels ou occasionnels.
« Dans le respect des orientations de la politique nationale d'aménagement et de développement du territoire, le schéma national fixe la liste des terrains susceptibles d'être utilisés à cette fin et prévoit les aménagements nécessaires qui devront être réalisés sur ces terrains.
« Le conseil national de l'aménagement et du développement du territoire, créé par la loi n° 95-115 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 et la commission nationale consultative des gens du voyage sont associés à l'élaboration du projet de schéma national d'accueil des gens du voyage. Ils donnent leur avis sur ce projet. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 56 rectifié, présenté par MM. Braye, Doublet, Goulet, Gournac, Gérard Larcher et Lassourd et tendant à compléter le texte de l'amendement n° 2 par un alinéa ainsi rédigé :
« Les directives territoriales d'aménagement mentionnées à l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme lorsqu'elles précisent les objectifs de l'Etat en matière de localisation des terrains de stationnement des gens du voyage dans le cadre des grandes migrations traditionnelles prennent en compte les orientations du schéma national prévu à l'article 1er de la présente loi. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Cet amendement vise tout simplement à réintroduire dans le texte de loi une disposition qui avait été votée par le Sénat, c'est-à-dire un schéma national d'accueil des gens du voyage...
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. ... déterminant les conditions d'accueil pour les grands déplacements et impliquant donc la totale responsabilité de l'Etat qui définit les étapes et les conditions d'accompagnement de ces grands déplacements qui sont connus.
M. le président. La parole est à M. Braye, pour défendre le sous-amendement n° 56 rectifié.
M. Dominique Braye. Ce sous-amendement reprend les travaux menés par la commission des lois voilà deux ans.
De même que l'amendement n° 2 organise la cohérence du schéma national d'accueil avec les différents documents de la politique nationale d'aménagement du territoire, le sous-amendement n° 56 rectifié tend à instaurer la réciproque : les directives territoriales doivent tenir compte des éléments retenus par le schéma national d'accueil des gens du voyage.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 56 rectifié ?
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. La commission émet un avis favorable sous réserve que M. Dominique Braye, dans la logique du texte présenté par la commission, accepte de remplacer, dans son sous-amendement, les mots « terrain de stationnement » par les mots « terrain d'accueil ».
M. le président. Monsieur Braye, acceptez-vous de rectifier votre sous-amendement ?
M. Dominique Braye. Je me plie à la rédaction adoptée précédemment par la majorité de la Haute Assemblée, et je modifie donc mon sous-amendement en ce sens.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 56 rectifié bis , présenté par MM. Braye, Doublet, Goulet, Gournac, Gérard Larcher et Lassourd et tendant à compléter le texte de l'amendement n° 2 par un alinéa ainsi rédigé :
« Les directives territoriales d'aménagement mentionnées à l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme lorsqu'elles précisent les objectifs de l'Etat en matière de localisation des terrains d'accueil des gens du voyage dans le cadre des grandes migrations traditionnelles prennent en compte les orientations du schéma national prévu à l'article 1er de la présente loi. ».
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2 et sur le sous-amendement n° 56 recrifié bis ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. La notion de schéma national pose un problème au Gouvernement. En effet, les grands rassemblements nationaux dont il s'agit ont longtemps concerné un site unique que tout le monde connaît et qui n'est pas très éloigné de votre ville, monsieur le président.
Cependant, comme l'ont souligné plusieurs intervenants, les choses ont changé, des références religieuses nouvelles sont apparues, et les pratiques ne privilégient plus, désormais, un site unique. Ainsi, on constate une sorte de mobilité de ces grands rassemblements, qui regroupent souvent plusieurs dizaines de milliers de personnes et ne peuvent pas être improvisés. Une évolution doit être possible.
L'Etat joue déjà son rôle et continuera bien sûr à le jouer pleinement pour que ces grands rassemblements puissent se dérouler dans de bonnes conditions. Mais il semble au Gouvernement que l'échelon départemental présente l'avantage d'impliquer les communes. Il convient en effet de ne pas adopter à l'échelon national, sans concertation possible avec celles-ci, des solutions qui, de plus, ne peuvent pas, comme je viens de l'indiquer, être immuables. Il nous semble donc que le schéma national manquerait de souplesse et d'adaptabilité à cette réalité nouvelle de lieux de rassemblement religieux qui bougent d'année en année et rendrait plus compliquée la prise en compte des préoccupations des communes d'accueil, l'échelon départemental facilitant le dialogue.
Pour cette double raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 2 et sur le sous-amendement n° 56 rectifié bis . M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 56 rectifié bis, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 55 rectifié, MM. Braye et Darniche proposent :
I. - Dans la première phrase du II de l'article 1er, de remplacer les mots : « aires permanentes d'accueil » par les mots : « aires permanentes de stationnement » ;
II. - En conséquence, dans l'ensemble des autres dispositions du projet de loi, de remplacer les mots : « aire d'accueil » par les mots : « aire de stationnement » et les mots : « aires d'accueil » par les mots : « aires de stationnement ».
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye La Haute Assemblée s'est déjà prononcée sur le sujet.
Avant de retirer l'amendement, je voudrais, pour conclure le débat sur les aires d'accueil et les aires de stationnement, indiquer que, à la suite de l'intervention de M. Lagauche contre mon amendement n° 54, je suis maintenant tout à fait rassuré ! Nous débattons actuellement du schéma national, et nous examinerons ensuite le schéma départemental. Comme notre collègue vient de nous le faire savoir, nous en sommes au stade de l'accueil et non du stationnement. Manifestement, monsieur le secrétaire d'Etat, vous allez devoir vous battre pour arbitrer entre les différentes communes qui, d'après ce que j'ai compris, voudront accueillir les nomades en question ! (Sourires.) Ainsi, les schémas seront manifestement faciles à mettre en oeuvre, et nous aurons donc, à partir de maintenant, à prendre des décisions dans le sens contraire ! Je suis sûr que la décision qui vient d'intervenir va changer complètement la problématique que nous avions jusqu'à ce jour sur ce problème des gens du voyage ! M. le président. L'amendement n° 55 rectifié est retiré.
Par amendement n° 3, M. Delevoye, au nom de la commission des lois, propose, dans la première phrase du premier alinéa du II de l'article 1er, de remplacer les mots : « en fonction des données existantes et des besoins constatés » par les mots : « au vu d'une évaluation préalable des besoins et de l'offre existante ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. La rédaction du projet de loi prévoit que le schéma départemental doit tenir compte « des données existantes » - ces dernières ne sont cependant pas désignées - « et des besoins constatés ».
L'amendement n° 3 vise à prévoir que le schéma sera élaboré « au vu d'une évaluation préalable des besoins et de l'offre existante », ce qui me paraît plus rationnel par rapport aux éléments qui sont en possession des acteurs sur le terrain.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est réservé, mais pas hostile, sur cet amendement dans la mesure où la formulation de ce dernier lui paraît plus restrictive que celle du projet de loi. En effet, aux termes de ce dernier, l'étude préalable du schéma départemental s'appuie non seulement sur l'offre existante d'aires, mais aussi sur des données relatives à la population concernée.
Cette restriction m'amène à m'en remettre, avec réserve, à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, sur lequel le Gouvenement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 4, M. Delevoye, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, avant la dernière phrase du premier alinéa du II de l'article 1er, une phrase ainsi rédigée :
« Il recense les autorisations délivrées sur le fondement de l'article L. 443-3 du code de l'urbanisme. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Les représentants des gens du voyage nous ont indiqué qu'une évolution vers des terrains familiaux, propriétés privées des gens du voyage sur lesquelles trois, quatre ou cinq caravanes sont installées, est observée.
Cet amendement vise tout simplement à ce que, dans l'analyse de l'offre des terrains disponibles, les terrains familiaux soient comptabilisés dans le schéma départemental.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement souhaite que ce texte ne crée pas une ambiguïté. Mais je pense que nous pouvons arriver à clarifier ce point avec M. le rapporteur.
En effet, il ne faudrait pas que cette formulation de recensement des terrains familiaux donne à penser que la prise en compte des nomades sédentarisés se déduit d'éventuelles obligations du schéma départemental. Il y a là un problème. Si notre position est claire sur ce point, mieux vaut que nous en prenions acte les uns et les autres.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 5, M. Delevoye, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit la dernière phrase du premier alinéa du paragraphe II de cet article 1er :
« Il définit la nature des actions à caractère social menées au bénéfice des gens du voyage qui fréquentent les aires permanentes d'accueil. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. C'est un amendement de clarification rédactionnelle : nous préférons remplacer la notion d'« interventions sociales » par celle d'« actions à caractère social menées au bénéfice des gens du voyage ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 6, M. Delevoye au nom de la commission des lois, propose de supprimer le second alinéa du paragraphe II de l'article 1er.
Par amendement n° 37, Mme Yolande Boyer et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le second alinéa du paragraphe II de l'article 1er, après le mot : « occasionnels », d'insérer les mots : « en préservant les espaces terrestres maritimes et lacustres visés à l'article L. 146-1 du code de l'urbanisme ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. C'est un amendement de coordination. Il s'agit simplement des grands rassemblements.
M. le président. La parole est à Mme Boyer, pour défendre l'amendement n° 37.
Mme Yolande Boyer. La question de l'accueil des gens du voyage suscite l'intérêt et l'attention de tout élu ayant en charge la gestion d'une commune. Le principe même de l'obligation d'accueillir ponctuellement, dans toute commune, des populations itinérantes est à mon sens fondamental. Certes, le sujet est sensible - on l'a constaté cet après-midi - et la volonté affichée par le Gouvernement dans ce projet de loi mérite d'être saluée : organiser globalement et durablement l'accueil des gens du voyage, dans un souci de respect et de préservation des intérêts des uns et des autres.
Elue du Finistère, je suis fréquemment interrogée par certains de mes collègues, confrontés à la gestion parfois délicate de la présente sur leur commune de populations itinérantes, notamment dans le cadre de grands rassemblements.
Les gens du voyage sont attirés par l'importante frange littorale de notre département. Le libre accès pour tous au littoral et à la mer ne peut cependant être admis sans veiller à appliquer à chacun les mêmes devoirs et obligations.
Le littoral fait l'objet de mesures strictes de protection. Sa fragilité a conduit le législateur à le soumettre à des mesures spécifiques d'utilisation, principalement par le biais de la loi « littoral ».
Cet espace est constitué notamment de dunes, d'espaces non urbanisés, de lagunes et de marais qui abritent une faune et une flore souvent menacées. Il fait l'objet de réglementations précises. Les communes littorales comme les utilisateurs de ces espaces sont tenus à certaines obligations, en particulier concernant les modalités d'occupation de la bande côtière, notamment sur les terrains privés.
Les règles existent, mais il apparaît important de mettre en exergue cette nécessaire prise en compte des espaces littoraux dans la constitution des schémas départementaux, notamment en ce qui concerne les aires destinées à une occupation temporaire. Il faut, en effet veiller à préserver ces espaces fragiles des grands rassemblements temporaires qui peuvent contribuer de manière importante à leur dégration.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 37 ?
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. M. Gérard et Mme Boyer ont exprimé la grande émotion des maires lorsque les espaces fragiles qu'ils administrent sont occupés par les gens du voyage. Néanmoins, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, car il faudra tenir compte des lois d'urbanisme pour l'élaboration des schémas départementaux.
Il faudra néanmoins, monsieur le secrétaire d'Etat, que, lorsque l'expulsion est ordonnée, les préfets fassent d'autant plus preuve de vigilance et de rapidité qu'il s'agit de terrains fragiles.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 6 et 37 ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. L'amendement n° 6 tirant les conséquences d'un amendement sur lequel j'ai émis un avis défavorable, le Gouvernement, cohérent avec lui-même, ne peut qu'y être défavorable.
Il est également hostile à l'amendement n° 37, dans la mesure où, s'il était adopté, on pourrait en déduire que les schémas départementaux n'ont pas à prendre en compte les règles d'urbanisme et de protection, ce qui n'est bien évidemment pas le cas. Cet amendement est donc satisfait, et j'ai bien entendu les propos de M. le rapporteur : les terrains fragiles méritent une vigilance particulière lors de l'exécution des décisions de justice.
Mme Yolande Boyer. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Boyer.
Mme Yolande Boyer. Les propos de M. le secrétaire d'Etat m'ont satisfaite. Par conséquent, je retire l'amendement n° 37.
M. le président. L'amendement n° 37 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 46, M. Carle et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent de rédiger comme suit le premier alinéa du paragraphe III de l'article 1er :
« Le schéma départemental est élaboré par le représentant de l'Etat dans le département et les communes du département. Après avis du président du conseil général et de la commission consultative prévue au IV, il est approuvé conjointement par le représentant de l'Etat dans le département et les communes concernées dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi. Il fait l'objet d'une publication. »
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Delevoye, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 7 vise à supprimer l'avant-dernière phrase du premier alinéa du III de l'article 1er.
L'amendement n° 8 tend, à la fin de la phrase du premier alinéa du III de l'article 1er, à supprimer les mots : « et est opposable ».
La parole est à M. Carle, pour présenter l'amendement n° 46.
M. Jean-Claude Carle. Cet amendement vise à clarifier les responsabilités de chacun : dans ce domaine, il s'agit de celles de l'Etat et de celles des communes. Il ne nous paraît pas souhaitable d'instaurer une tutelle quelconque des départements, voire des régions.
Cependant, cela n'empêche pas les départements et les régions qui le souhaitent de participer financièrement, aux côtés des communes, aux investissements de ces dernières, comme c'est déjà le cas dans d'autres domaines, en particulier en ce qui concerne les terrains de sport.
Cet amendement respecte donc un principe auquel nous sommes très attachés, à savoir le principe de subsidiarité.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 7 et 8 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 46.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Avec l'amendement n° 7, nous demandons la suppression de la faculté pour le représentant de l'Etat d'approuver seul le schéma départemental.
Avec l'amendement n° 8, nous proposons de supprimer le caractère opposable du schéma, notion qu'a introduite l'Assemblée nationale et qui nous paraît inopportune.
Concernant l'amendement n° 46, si nous entendons bien l'argument développé par M. Carle, ce dernier exclut cependant le département de l'élaboration du schéma, ce qui ne nous paraît pas du tout adapté à l'efficacité du dispositif. Dans la mesure où il ne s'agit pas d'une tutelle, nous souhaitons l'implication du département dans ce dispositif.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 46.
M. le président. Monsieur Carle, maintenez-vous l'amendement n° 46 ?
M. Jean-Claude Carle. Certes, le département pourra donner son avis. Toutefois, je le répète, cette disposition ressortit essentiellement à la responsabilité de l'Etat et des communes.
Parce que je suis très attaché au principe de subsidiarité, je maintiens cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 46, 7 et 8 ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 46 pour la raison bien simple que, de toute manière, les communes seront bien évidemment associées à l'élaboration du schéma départemental. En effet, il est prévu que des représentants des communes seront associés à ce travail de préparation.
Néanmoins, une vision d'ensemble est bien nécessaire, et c'est bien naturellement au préfet et au président du conseil général de l'avoir ; sinon, nous nous trouverions devant les difficultés que signalait précédemment votre collègue des Yvelines, à savoir que les communes volontaires seraient exaspérées par le fait que d'autres, non volontaires, pourraient mettre en échec leurs efforts. A cet égard, un point d'équilibre est nécessaire pour l'exercice d'une solidarité à bonne échelle.
Sur l'amendement n° 7, je me suis déjà exprimé. M. le président Larché a estimé que, sur ce point - décentralisation et mesures nouvelles de ce type - j'avais été trop précis, mais la question me paraissait très forte. Je crois au demeurant que vous avez compris les raisons de l'opposition exprimée par le Gouvernement à l'encontre d'un amendement qui réduirait beaucoup la portée de ce texte et qui nous ramènerait à la faiblesse que nous avons constatée avec l'article 28 de la loi du 31 mai 1990.
S'agissant des amendements n°s 7 et 8, le Gouvernement n'avait pas été hostile à l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale sur l'opposabilité, essentiellement parce que cette notion juridique est liée à la publication de l'acte : un acte administratif à caractère réglementaire n'est opposable aux tiers que s'il a été publié par l'administration.
Votre commission des lois semble lier l'opposabilité à la notion de documents d'urbanisme, mais ce lien me paraît erroné, ou pour le moins réducteur. En effet, le régime particulier d'opposabilité des plans d'occupation des sols est seulement lié à leur mode de publication. Cette mention dans le projet de loi a donc essentiellement pour objet de clarifier et de préciser les choses. Le schéma départemental est en effet, en droit, un acte administratif puisqu'il a un caractère nominatif - il prévoit les aires d'implantation des accueils - et qu'il est signé conjointement par le préfet et le président du conseil général ou par le préfet seul. Il n'est donc opposable aux tiers - aux communes, mais aussi aux particuliers et aux gens du voyage - que s'il a été publié.
Telles sont les raisons pour lequelles cette précision ne semble pas inutile au Gouvernement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 46.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je considère qu'il ne s'agit pas ici d'un problème de tutelle, mais d'un problème de connaissance de la situation sur l'ensemble d'un territoire concerné. Même réunies, les communes n'ont pas nécessaire une vision globale. C'est pourquoi l'assemblée départementale doit être partie prenante dans la définition du schéma, aux côtés du préfet.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.).
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, en application des décisions de la conférence des présidents, nous allons maintenant interrompre nos travaux.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. André Dulait, Jean-Paul Amoudry, Philippe Arnaud, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Michel Bécot, Claude Belot, Daniel Bernardet, Jean-Pierre Cantegrit, Marcel Deneux, Gérard Dériot, André Diligent, Jean Faure, Serge Franchis, Yves Fréville, Francis Grignon, Pierre Hérisson, Rémi Herment, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Claude Huriet, Jean-Jacques Hyest, Henri Le Breton, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Philippe Nogrix, Jacques Machet, Kléber Malécot, André Maman, Louis Mercier, Louis Moinard, René Monory, Philippe Richert, Michel Souplet, Albert Vecten et Xavier de Villepin, une proposition de loi portant sur l'organisation d'audiences publiques lors de la réalisation de grandes infrastructures.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 196, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Daniel Goulet, Jean Bizet, Joël Bourdin, Jean-François Le Grand, Jean-Luc Miraux et Ladislas Poniatowski une proposition de loi tendant à la réunification de la Normandie.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 197, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

4

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Henri Revol un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à modifier l'article 6 ter de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (n° 141, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 198 et distribué.
J'ai reçu de M. Robert Del Picchia un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national (n° 179, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 199 et distribué.
J'ai reçu de M. José Balarello un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption (n° 135, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 202 et distribué.
J'ai reçu de M. Charles Jolibois un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur :
- le projet de loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique (n° 488, 1998-1999) ;
- la proposition de loi de MM. Louis Souvet, Louis Althapé, Pierre André, Paul Blanc, Jean Bernard, Louis de Broissia, Robert Calmejane, Auguste Cazalet, Charles de Cuttoli, Xavier Darcos, Désiré Debavelaere, Luc Dejoie, Jacques Delong, Robert Del Picchia, Charles Descours, Michel Esneu, Bernard Fournier, Yann Gaillard, Patrice Gélard, Alain Gérard, Charles Ginésy, Daniel Goulet, Alain Gournac, Georges Gruillot, Hubert Haenel, Jean-Paul Hugot, Roger Husson, André Jourdain, Christian de La Malène, Lucien Lanier, Robert Laufoaulu, Guy Lemaire, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Jacques Oudin, Jacques Peyrat, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Valade et Guy Vissac, visant à valider l'évolution jurisprudentielle en matière de preuve par écrit (n° 244, 1998-1999) ;
- la proposition de loi de MM. Louis Souvet, Louis Althapé, Pierre André, Paul Blanc, Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Robert Calmejane, Auguste Cazalet, Xavier Darcos, Désiré Debavelaere, Luc Dejoie, Jacques Delong, Robert Del Picchia, Charles Descours, Yann Gaillard, Patrice Gélard, Alain Gérard, Charles Ginésy, Daniel Goulet, Alain Gournac, Georges Gruillot, Hubert Haenel, Jean-Paul Hugot, Roger Husson, André Jourdain, Christian de La Malène, Lucien Lanier, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Guy Lemaire, Bernard Murat, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Jacques Peyrat, Jean-Jacques Robert, Jean-Pierre Schosteck, Martial Taugourdeau et René Trégouët, visant à reconnaître la valeur probatoire d'un message électronique et de sa signature (n° 246, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 203 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Léonce Dupont un rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer le rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants (n° 125, 1999-2000).

Le rapport sera imprimé sous le numéro 204 et distribué.5

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Bernard Angels un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur les missions fiscales de la direction générale des impôts.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 205 et distribué.

6

DÉPÔT D'AVIS

M. le président. J'ai reçu de M. Joseph Ostermann un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur les conclusions de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi de MM. Jean-Pierre Raffarin, Francis Grignon, Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Georges Berchet, Jean Bizet, Jean Boyer, Marcel Deneux, Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Jean François-Poncet, Alain Gérard, François Gerbaud, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Jean Huchon, Patrick Lassourd, Jean-François Le Grand, Guy Lemaire, Paul Natali, Louis Moinard, Jean Pépin, Charles Revet et Raymond Soucaret, tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires (n° 189, 1999-2000).
L'avis sera imprimé sous le numéro 200 et distribué.
J'ai reçu de M. Paul Girod un avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur les conclusions de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi de MM. Jean-Pierre Raffarin, Francis Grignon, Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Georges Berchet, Jean Bizet, Jean Boyer, Marcel Deneux, Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Jean François-Poncet, Alain Gérard, François Gerbaud, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Jean Huchon, Patrick Lassourd, Jean-François Le Grand, Guy Lemaire, Paul Natali, Louis Moinard, Jean Pépin, Charles Revet et Raymond Soucaret, tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires (n° 189, 1999-2000).
L'avis sera imprimé sous le numéro 201 et distribué.

7

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 3 février 2000 :
A neuf heures trente :
1. Suite de la discussion du projet de loi (n° 460, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.
Rapport (n° 188, 1999-2000) de M. Jean-Paul Delevoye, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Avis (n° 194, 1999-2000) de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
2. Discussion du projet de loi (n° 480, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité.
Rapport (n° 173, 1999-2000) de M. Henri de Richemont, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
A quinze heures et, éventuellement le soir :
3. Questions d'actualité au Gouvernement.
4. Suite de l'ordre du jour du matin.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à modifier l'article 6 ter de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (n° 141, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 7 février 2000, à dix-sept heures.
Projet de loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique (n° 488, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 7 février 2000, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 7 février 2000, à dix-sept heures.
Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption (n° 135, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 7 février 2000, à dix-sept heures.
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les conséquences et les suites des intempéries et de la marée noire intervenues fin décembre 1999 :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 8 février 2000, à dix-sept heures.
Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national (n° 179, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 8 février 2000, à dix-sept heures.
Proposition de loi de M. Bernard Joly tendant à permettre la dévolution directe de tous les biens vacants et sans maître à la commune en lieu et place de l'Etat (n° 325, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 9 février 2000, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Raffarin et de plusieurs de ses collègues tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires (n° 189, 1999-2000) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 9 février 2000, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 9 février 2000, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Schéma régional d'organisation sanitaire
de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur

711. - 2 février 2000. - M. Robert Bret appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le schéma régional d'organisation sanitaire (SCROS) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Si ce schéma restait en l'état, il conduirait notamment à une réorganisation des hôpitaux marseillais prévoyant la fermeture des hôpitaux Sud (Sainte-Marguerite et Salvador) et donc la suppression d'un site d'urgences sur Marseille. Les sites Nord et Centre sont maintenus. Or il faut savoir que Marseille est une ville très étendue (26 kilomètres du nord au sud) avec des problèmes de circulation considérables et que les trois pôles hospitaliers, tenant compte de ces spécificités, ont montré leur efficacité. La fermeture des hôpitaux Sud s'avère donc inconcevable et ceci à plusieurs titres. En premier lieu, les personnels et la population des quartiers Sud de Marseille, attachés à l'hôpital public de Sainte-Marguerite, sont fortement mobilisés face à une telle éventualité. Ensuite, cet hôpital a été restructuré il y a trois ans et des sommes importantes ont été consacrées à sa rénovation. Il est par ailleurs très performant avec un taux de remplissage moyen de 87 %. Son service d'urgences est en augmentation de 39 %. Enfin, cet hôpital est implanté dans les quartiers Sud de Marseille, lesquels représentent près de 300 000 habitants. Il s'agit pour l'essentiel de quartiers résidentiels qui accueillent aussi de nombreuses activités : la technopôle de Luminy, le stade vélodrome, le palais des sports. Le dernier recensement témoigne du développement croissant de ces quartiers. L'hôpital Sainte-Marguerite fait donc partie d'un centre hospitalo-universitaire et travaille en parfaite complémentarité avec ses voisins que sont l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l'institut Paoli-Calmettes. Il est au coeur du pôle scientifique du Sud de Marseille. Dans ces conditions, sa fermeture handicaperait fortement un secteur de recherche médicale très performant. En outre, les dispositions préconisées par le SCROS provoqueraient un réel recul en matière de santé publique sur l'ensemble de la ville. Si une réorganisation du secteur hospitalier public sur Marseille est souhaitable et nécessaire, elle doit se faire avant tout en conservant les trois sites géographiques Nord, Centre et Sud, et donc les trois sites d'urgences. Il lui demande en conséquence de bien vouloir ouvrir une renégociation au SCROS et donner à Marseille, seconde ville de France, les moyens d'assumer pleinement sa mission de santé publique dans la région PACA.

L'avenir du secteur fruitier français

712. - 3 février 2000. - M. Bernard Piras attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conséquences de la sharka sur l'avenir du secteur fruitier français. La sharka est une maladie virale des arbres fruitiers à noyau, tels que sont les pêchers, abricotiers et pruniers. Elle est originaire des pays de l'Est, signalée pour la première fois en Bulgarie en 1916. Au cours du xxe siècle, elle a envahi la plupart des régions européennes et eurasiennes, et a été détectée en France en 1970. Les progrès dans la connaissance de ce virus sont très lents, celui-ci n'ayant été découvert qu'en 1975. Cette maladie constitue une menace grave pour la production de fruits à noyau, étant inguérissable et induisant des épidémies rapides en vergers, elle rend les fruits touchés non commercialisables. Les régions plus particulièrement affectées en France sont le Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur. Le seul moyen de lutte connu à ce jour est l'arrachage et la destruction par le feu des arbres contaminés. A cet égard, des campagnes sont menées dans les régions touchées afin de recenser les plantations concernées. Dans une circulaire du 13 décembre dernier émanant du ministère de l'agriculture, il est indiqué les mesures d'indemnisation relatives à ce virus, que ce soit pour des arbres isolés ou des parcelles entières. Cette indemnisation varie selon l'âge des plantations contaminées. Néanmoins, il s'avère que les sommes annoncées sont considérées comme notablement insuffisantes pour les producteurs et les organisations les représentant. Pour être incitative, l'indemnité pourrait, par exemple, être dégressive sur trois ans. Pour le département de la Drôme, les surfaces à contrôler représentant 4 500 hectares, la prospection plus l'indemnisation nécessitent un budget évalué entre 160 et 200 millions de francs sur trois ans. Un autre problème semble s'ajouter dans la mesure où les surfaces arrachées bénéficient jusqu'à présent des aides compensatoires aux surfaces cultivées. Mais des informations récentes laissent entendre que ces aides seraient remises en cause à compter de l'année 2000. Une faible indemnisation conjuguée à la disparition des aides compensatoires pour les surfaces touchées risquent, soit de ne pas inciter les producteurs à collaborer à la campagne d'arrachage, soit mettre dans une situation financière non viable ceux qui auront arraché. La profession arboricole subit depuis plusieurs années de nombreuses crises qui mettent son avenir en péril, celle de 1999 ayant à ce titre été particulièrement dramatique. Les conséquences du virus de la sharka viennent s'ajouter aux inquiétudes de ces agriculteurs, qui pour beaucoup sont dans la plus totale expectative quant à leur avenir. Le département de la Drôme possède une grande tradition en matière d'arboriculture. Il est l'un des principaux producteurs français, notamment pour ce qui est de la pêche, ce secteur étant le plus concerné par la maladie de la sharka. Il est donc indispensable que les indemnisations pour l'arrachage soient fortement réévaluées et que l'aide compensatoire aux surfaces cultivées soit maintenue. Il lui demande s'il est en mesure de lui apporter des précisions qui permettront de rassurer la profession.