Séance du 26 janvier 2000
M. le président. « Art. 31 bis . _ Après le troisième alinéa de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les immeubles collectifs à usage d'habitation dont la demande de permis de construire est déposée à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° du modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, ce permis ne peut être délivré que si le pétitionnaire s'engage à poser sur la toiture de l'immeuble projeté une antenne collective de réception des programmes diffusés par satellite ou à raccorder l'immeuble à un réseau distribuant par câble des services de radiodiffusion sonore ou de télévision. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 93, M. Hugot, au nom de la commission des affaires culturelles, propose, après le mot : « délivré », de rédiger comme suit la fin du texte présenté par l'article 31 bis pour être inséré après le troisième alinéa de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme : « que si la demande prévoit les installations techniques permettant d'assurer dans chaque logement la réception des services de radiodiffusion sonore et de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre, par câble et par satellite. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 237, présenté par Mme Pourtaud, MM. Dreyfus-Schmidt, Collomb, Lagauche, Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant, à la fin du texte proposé par l'amendement n° 93, à remplacer les mots : « par câble et satellite » par les mots : « par câble ou par satellite ».
Par amendement n° 135, M. Pelchat propose, après les mots : « relative à la liberté de communication », de rédiger ainsi la fin du texte présenté par l'article 31 bis pour compléter l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme : « , le permis ne peut être délivré que si le pétitionnaire a prévu les installations techniques propres à assurer pour chaque logement la possibilité de recevoir les services de radiodiffusion sonore ou de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre, par câble ou par satellite. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 93.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. L'Assemblée nationale a inséré dans le projet de loi une disposition dont l'objet est de lutter contre la prolifération des paraboles individuelles sur les immeubles collectifs d'habitation. Ce dispositif impose l'établissement d'antennes paraboliques collectives dans les zones non câblées, ce qui fera obstacle à la création de nouveaux réseaux et au déploiement de la diffusion hertzienne terrestre numérique dont la réception ne nécessite pas la mise en place de paraboles.
Il est donc préférable d'adopter une rédaction imposant, dans les immeubles neufs, un système de réception collective raccordable indifféremment à une parabole, à une antenne pour le réseau hertzien terrestre ou au réseau câblé. Ce dispositif permet en effet de ne pas préjuger les choix des occupants des immeubles collectifs entre les systèmes de réception des services de communication audiovisuelle.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre le sous-amendement n° 237.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nos collègues députés ont eu, comme toujours, une excellente idée !... mais il semble tout de même que le mieux soit l'ennemi du bien.
Pour essayer d'empêcher la floraison des antennes, des paraboles, ils ont en effet prévu que, dans la demande de permis de construire des immeubles collectifs à usage d'habitation, le demandeur s'engage à poser sur la toiture de l'immeuble projeté une antenne collective de réception des programmes diffusés par satellite ou à raccorder l'immeuble à un réseau distribuant par câble des services de radiodiffusion sonore ou de télévision.
La commission des affaires culturelles, quant à elle, est allée encore beaucoup plus loin puisqu'elle demande que, dans chaque logement, soit assurée la réception de services de radiodiffusion sonore et de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre par câble et par satellite.
Tout d'abord, il faut penser qu'il existe des zones d'ombre et nous sommes un certain nombre à nous en préoccuper. Dans ces zones d'ombre, ce n'est peut-être pas la peine d'engager des frais supplémentaires qui ne serviront à rien.
Il faut ensuite penser aux autres zones où il n'est sans doute pas nécesaire d'engager des frais aussi importants.
Dans ces conditions, il paraît normal de prévoir la possibilité d'un choix, et tel est exactement le sens du sous-amendement n° 237 du groupe socialiste.
C'est d'autant plus justifié que les installations qui existent actuellement pour capter le satellite ne seront pas suffisantes pour recevoir de nouvelles chaînes par satellite, et qu'il faudra faire appel à de nouvelles installations, ce qui reviendra extrêmement cher.
Si l'idée est bonne, elle mérite d'être appronfondie. Il nous semble en tout cas que notre proposition constitue un progrès par rapport aux suggestions de la commission, qui en a rajouté dans la recherche du toujours plus par rapport à une Assemblée nationale qui était déjà allée bien loin, nous semble-t-il.
M. le président. La parole est à M. Pelchat, pour présenter l'amendement n° 135.
M. Michel Pelchat. Il faut que, parmi les contraintes imposées aux constructeurs d'immeuble, figure la possibilité de recevoir tous les systèmes de réception collective.
Il est cependant exact que nous pouvons éviter d'installer certains équipements dans les zones d'ombre.
Je note cependant, mes chers collègues, que si l'hertzien numérique ne doit être reçu que par moins de 70 % de nos concitoyens, un effort exceptionnel doit être réalisé, notamment en faveur du secteur public. Il faut dégager les moyens pour répondre aux besoins de l'intégralité de la population. Mais je reconnais que cela représente un effort considérable.
Quant aux opérateurs privés, ils iront, comme ils le font toujours, là où la population est la plus importante, car ils ne vont pas investir des milliards pour une diffusion limitée à quelques habitations, à moins qu'ils n'y trouvent un intérêt économique. Mais c'est un autre problème !
Je le rappelais tout à l'heure à l'occasion de l'examen d'autres amendements, il faut établir des conditions d'équité, parce qu'ils sont concurrents, entre la diffusion par câble et la diffusion par satellite, et les moyens collectifs de réception doivent par conséquent être intégrés tant pour l'un que pour l'autre. Ces deux points me paraissent importants.
Tel est l'objet de l'amendement que je vous propose d'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 237 et sur l'amendement n° 135 ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement n° 237.
Bien que l'amendement n° 135 est un objet identique, la commission ne peut y être favorable, car il porte sur un alinéa du projet de loi que l'amendement n° 93 de la commission des affaires culturelles modifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 93, sur le sous-amendement n° 237 et sur l'amendement n° 135 ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. L'amendement n° 93 tend à favoriser la mise en place d'installations techniques collectives dans les immeubles neufs lors de la délivrance des permis de construire.
Le sous-amendement n° 237 et l'amendement n° 135 en tendant à remplacer la conjonction « et » par « ou », engagent moins le choix définitif de l'installation collective.
Une mise au point est nécessaire, car plusieurs amendements comparables ont été déposés devant l'Assemblée nationale.
Cet article 31 bis me paraît inutile pour plusieurs raisons.
D'abord, vous savez que l'installation des antennes collectives doit, selon l'article 34 de la loi de 1986, être autorisée par les communes. Comment concilier cette obligation avec celle que vous voulez aujourd'hui imposer dès la construction de l'immeuble ?
Ensuite, nous ne pouvons envisager d'imposer une solution quelconque de réception des programmes lors de la construction d'un immeuble neuf. Le constructeur ne peut se substituer au choix que les occupants seront ultérieurement et légitimement amenés à faire quant aux programmes qu'ils souhaitent recevoir. Vous savez que ce libre choix répond à un impératif de libre réception des programmes garanti par l'article 10 de la Déclaration européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
J'ajoute que ce qui vaut pour le choix collectif des copropriétaires ou des locataires vaut également à titre indididuel. Je sais que nombre d'élus locaux, au rangs desquels je suis, souhaitent limiter la prolifération des paraboles individuelles pour des motifs esthétiques...
M. Michel Pelchat. C'est vrai !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. ... surtout lorsque des investissements ont été faits pour le câble.
M. Michel Pelchat. Absolument.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je partage entièrement cet avis. Mais nous ne devons pas perdre de vue que le juge judiciaire garantit à tout particulier la possibilité d'installer une antenne individuelle de réception, même lorsqu'une antenne collective est installée, si cette solution collective ne lui offre pas les programmes qu'il souhaite recevoir. C'est bien là que le problème se pose, en particulier lorsqu'il y a un réseau câblé.
Ainsi, un mode collectif de réception des programmes - satellite ou câble et, demain, numérique terrestre - n'empêchera jamais nos concitoyens de recevoir d'autres programmes par le biais d'une antenne individuelle.
Enfin, je souhaite vous rappeler que le code de la construction et de l'habitation, en son article R. 111-14, prévoit déjà que les immeubles « doivent être munis des dispositifs collectifs nécessaires à la distribution des services de radiodiffusion sonore et de télévision dans les logements et des gaines ou passages pour l'installation des câbles correspondants. Ces dispositifs collectifs doivent permettre la fourniture des services diffusés par voie hertzienne terrestre reçus normalement sur le site, être raccordables à un réseau câblé et conformes aux spécifications techniques d'ensemble (...) ».
Ce dispositif me paraît suffisant et conforme, dans son objet, à ce que vous souhaitez, à savoir que des dispositifs techniques soient prévus lors de la construction de l'immeuble pour qu'ensuite les habitants puissent collectivement et librement choisir un mode de réception.
Pour ces raisons, je suis défavorable à l'adoption des amendements n°s 93 et 135 ainsi qu'à celle du sous-amendement n° 237.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Madame la ministre, faut-il prendre votre propos introductif comme étant l'amorce, qui n'a pas abouti, d'une demande de suppression de l'article 31 bis du projet de loi ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Exactement !
M. Michel Pelchat. Si vous supprimez cet article, nous retirons nos amendements.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Il serait en effet souhaitable de supprimer l'article 31 bis .
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Déposez un amendement tendant à cette suppression !
M. le président. Madame la ministre, soit vous déposez au nom du Gouvernement un amendement de suppression, soit le Sénat modifie cet article 31 bis .
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, si vous m'y autorisez, je préfère déposer oralement un amendement de suppression de l'article 31 bis .
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 264, présenté par le Gouvernement, et tendant à supprimer l'article 31 bis .
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement et elle retire l'amendement n° 93.
M. le président. L'amendement n° 93 est retiré.
En conséquence, le sous-amendement n° 237 n'a plus d'objet.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. L'amendement n° 135 n'ayant pour seul objet que de contrer la disposition qui privilégie, à l'article 31 bis , la réception par satellite, je le retire bien volontiers au profit du vôtre, madame la ministre, puisque vous rétablissez l'équité que nous demandions.
M. le président. L'amendement n° 135 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 264.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mme la ministre a clairement démontré que le mieux était en effet l'ennemi du bien. L'Assemblée nationale voulait qu'il y ait obligatoirement ou le satellite ou le câble. C'est ce à quoi nous revenons avec notre sous-amendement n° 237 à l'amendement n° 93, lequel précise en plus « ou la voie hertzienne terrestre ».
Notre collègue M. Pelchat a raison, il n'y a pas lieu de favoriser les uns par rapport aux autres, car imposer tous les systèmes de réception nuit à une liberté première à laquelle nous tenons tous.
Espérons pour l'environnement que la technique fera des progrès et que les paraboles seront plus petites et les antennes moins multiples. Mais nous sommes tout à fait reconnaissants au Gouvernement de déposer un amendement tendant à supprimer l'article 31 bis introduit par l'Assemblée nationale et nous espérons que l'unanimité qui se dessine au Sénat pour voter cet amendement impressionnera suffisamment les députés pour les convaincre à leur tour.
M. Louis de Broissia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Madame la ministre, je voterai votre amendement de suppression.
Je fais observer à notre collègue M. Dreyfus-Schmidt que je n'ai pas très bien compris son argumentation sur les zones d'ombre. Le quart-monde audiovisuel mérite de recevoir les mêmes services. Il n'est pas question d'imposer la réception par satellite dans les zones d'ombre et d'autres systèmes dans les zones plus peuplées, plus urbaines. Nous votons un texte sur la liberté de communication accessible à tous, liberté fondamentale inscrite dans la Constitution !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 264, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 31 bis est supprimé.
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