Séance du 19 janvier 2000
M. le président. Par amendement n° 8, M. Hugot, au nom de le commission des affaires culturelles, propose, à la fin du quatrième alinéa (3°) du texte présenté par l'article 4 pour l'article 47-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, de supprimer les mots : «, dont une au moins est issue du mouvement associatif et une autre au moins du monde de la création ou de la production audiovisuelle ou cinématographique ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel nomme quatre des douze membres au conseil d'administration de France Télévision. A notre sens, il faut lui laisser une totale liberté dans l'exercice de ce pouvoir. On voit mal, du reste, comment il pourrait, sans arbitraire, choisir de désigner un membre de telle association familiale, ou de téléspectateurs, ou de contribuables, plutôt que de telle autre. Comment une association pourrait se considérer comme suffisamment représentative pour prétendre déléguer un de ses membres au conseil d'administration de France Télévision ?
On ne voit pas davantage ce qui justifierait de transformer les relations strictement commerciales qui existent entre France Télévision et les productions en une sorte de partenariat déséquilibré.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je m'en remets à la sagesse du Sénat.
Le Sénat lui-même, me semble-t-il, s'en remet à la sagesse du CSA pour désigner des personnalités qualifiées au sein du conseil d'administration des chaînes.
Il est souhaitable que le monde de la création audiovisuelle et cinématographique, d'une part, mais aussi le monde associatif, d'autre part, soient représentés dans les organes dirigeants des chaînes. Est-ce à la loi de la prévoir ou au CSA d'y veiller ? Je vous laisse en juger.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Finalement, c'est la même question que celle qui a été évoquée tout à l'heure à propos de l'amendement de M. Diligent.
Nous avons vraiment intérêt quand il s'agit de la télévision, qui concerne des millions de personnes, à faire en sorte que les experts et les « experts du quotidien » soient représentés. Si une des parties manque, il s'ensuit un déséquilibre. La lecture de ce phénomène social et culturel incontournable et de masse, au sens le plus élevé du mot, nous y oblige.
C'est pourquoi je suis très sensible à l'argument de Mme la ministre sur la représentation de la création. M. Hugot nous dit qu'il s'agit plutôt d'opérations commerciales. Mais même quand il s'agit d'opérations commerciales, les représentants de la création ont leur mot à dire : ce sont leurs oeuvres qui passent à l'écran.
Il est nécessaire que la diversité de la société soit reflétée dans une telle instance. C'est pourquoi, de la même manière que j'ai voté l'amendement de M. Dilligent, ici, je suivrai l'Assemblée nationale.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Nous ne voterons pas l'amendement de la commission parce qu'il nous semble qu'il serait dommage de supprimer la précision qu'a apportée l'Assemblée nationale en prévoyant que, parmi les personnalités qualifiées nommées par le CSA, une au moins soit issue du monde associatif et une au moins du monde de la création ou de la production audiovisuelle ou cinématographique.
Je pense qu'il n'y a absolument aucun inconvénient - je n'y vois au contraire que des avantages - à prévoir cette représentation des professionnels et de la société civile, dont notre collègue Jack Ralite a souligné tout l'intérêt. Par ailleurs, je ne crois pas que la liberté de choix du CSA s'en trouverait véritablement restreinte.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Si je comprends bien, la commission, souhaite qu'on s'en tienne à l'expression « personnalités qualifiées », sans qu'il soit précisé qui doit ou peut faire partie desdites personnalités qualifiées.
En tout cas, c'est dans le domaine de l'audiovisuel qu'elles doivent être qualifiées. Car, on ne voit pas très bien dans quel autre domaine elles pourraient l'être ! Sinon, la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel pourrait faire l'objet d'un contentieux aboutissant à une annulation des nominations au titre de ce que le Conseil d'Etat appelle l'« erreur manifeste d'appréciation ».
Une partie de la phrase que M. Hugot nous propose de supprimer vise les personnalités du monde de la création ou de la production audiovisuelle ou cinématographique, mais on peut penser que ce « monde » sera de toute façon représenté parmi les personnalités qualifiées. Il aura naturellement sa place au sein du conseil d'administration.
Dès lors, c'est en fait le monde associatif que l'amendement de M. Hugot aboutit à exclure de la représentation au sein du conseil d'administration de France Télévision.
Ce que je voudrais voir bien précisé à l'occasion de cette discussion, c'est que le CSA ne doit pas s'interdire de considérer comme personnalités qualifiées des représentants du monde associatif qualifiés dans le domaine de l'audiovisuel ou ayant une compétence particulière dans ce domaine.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !
M. Michel Charasse. Si tel est bien le cas, la précision écrite ne se justifie pas, mais il serait tout de même préférable qu'on l'inscrive dans le texte. Cela étant, s'il est entendu, dans l'esprit du rapporteur, que cette absence de précision n'exclut pas que le CSA puisse nommer une personnalité qualifiée issue du monde associatif - un membre d'une association intervenant dans le domaine de l'audiovisuel -, son amendement aurait, à mon avis, une connotation moins désagréable pour le monde associatif.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mieux vaut voter contre !
M. Michel Charasse. Je vais voter contre, mais je voulais quand même expliquer qu'en réalité cet amendement aboutit à exclure le monde associatif du conseil d'administration puisque les autres y ont naturellement leur place.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Alain Joyandet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet Je ne comprends pas du tout l'analyse du texte qui est faite par M. Charasse. En quoi la rédaction proposée par la commission conduirait-elle à exclure le monde associatif ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eventuellement !
M. Alain Joyandet. Une personnalité peut tout à fait être reconnue comme « qualifiée » dans le domaine de l'audiovisuel pour avoir menée une action intéressant ce domaine au sein d'une association régie par la loi de 1901.
M. Michel Charasse. Il faudrait que ce soit bien entendu ! Ce n'est pas le cas !
M. Alain Joyandet. Pourquoi le préciser pour le monde associatif et pas pour le monde professionnel ?
M. Michel Charasse. Il y sera de toute façon !
M. Alain Joyandet. Je crois, au contraire, que la rédaction proposée par Jean-Paul Hugot n'est exclusive de rien.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je me permettrai de faire remarquer à M. Joyandet que, jusqu'à présent, dans ce débat, il n'y a pas eu d'opposition systématique. Personne n'a voté pour tel texte ou contre tel autre simplement pour faire de l'opposition. Jusqu'à présent, nous avons eu un vrai débat, chacun essayant de convaincre ceux qui, a priori, n'étaient pas d'accord avec lui.
Mon cher collègue, vous avez à votre tour mal compris Michel Charasse ou, plus exactement, vous avez apporté, avec beaucoup de talent, une nuance en expliquant que, si le Sénat suivait le rapporteur, il resterait possible que le monde associatif soit représenté. Cela resterait possible mais cela ne serait pas certain !
M. Michel Charasse. S'il est qualifié !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. A l'inverse, si nous maintenons le texte que propose, à tort selon nous, de supprimer le rapporteur, on supprime l'obligation faite au Conseil supérieur de l'audiovisuel de désigner, sur les quatre personnalités qualifiées qu'il nomme, au moins une personne appartenant au monde de la création ou de la production audiovisuelle ou cinématographique, c'est-à-dire une personne du métier, et au moins une qui soit issue du mouvement associatif.
Autrement dit, là où l'Assemblée nationale a prévu une obligation, le rapporteur nous propose de prévoir une possibilité.
Je pense que, pour être logique avec vous-même, monsieur Joyandet, maintenant que nous nous sommes bien expliqués, vous allez refuser de voter l'amendement n° 8. En tout cas, nous vous y invitons.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Moi, je vais voter l'amendement n° 8 parce que je fais confiance au CSA. Au cours de très nombreux débats, ici même, nous avons, les uns et les autres, regretté que le CSA ne soit qu'un gendarme, qu'il n'ait que très peu de pouvoir d'interprétation. Eh bien, moi, en l'espèce, je veux lui donner cette totale liberté de choix.
Sa composition nous autorise à lui faire confiance pour choisir lui-même des personnalités réellement qualifiées et réellement représentatives. Aucune obligation ne doit lui être imposée à cet égard.
M. Alain Gournac. Voilà ! Il est libre !
M. Michel Pelchat. C'est pourquoi je voterai sans hésiter cet amendement, tout en souhaitant que, dans ces nominations, le monde associatif soit représenté, de même que le monde de la création audiovisuelle.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Autant le préciser !
M. Michel Pelchat. Excusez-moi, mon cher collègue, mais vous n'êtes pas membre du CSA. Je préfère laisser les membres du CSA, à qui je fais confiance, choisir avec tact et intelligence les personnes qu'il convient de désigner.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Michel Pelchat. On verra après que, sur d'autres points, je continuerai de manifester cette confiance aux membres du CSA.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, à cette heure, afin de permettre à chacun de se rendre à l'invitation de M. le président du Sénat pour la traditionnelle présentation des voeux, et dès que j'aurai procédé à deux communications, je vais suspendre la séance.
Le Sénat reprendra donc la discussion de ce projet de loi à vingt et une heures trente.
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