Séance du 22 décembre 1999
LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 1999
Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi
de finances rectificative pour 1999, adopté avec modifications par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, nous voici revenus en séance publique pour
examiner le collectif budgétaire de fin d'année.
Comme vous le savez, le texte initial du Gouvernement comportait vingt-quatre
articles. L'Assemblée nationale, en première lecture, en avait ajouté
vingt-neuf et nous avions été saisis, lundi matin, d'un texte riche de
cinquante-trois articles, dont beaucoup résultaient de l'initiative directe ou
indirecte du Gouvernement.
Nous avons eu l'occasion, dans le cours des débats, de nous étonner de la
précipitation avec laquelle certains sujets ont dû être abordés, le dernier
exemple en date, et peut-être le plus emblématique, ayant été celui de
l'amendement déposé lundi 20 décembre, à vingt-trois heures, amendement qui
portait sur un sujet difficile, délicat, voire douloureux - je veux parler des
activités de l'Etablissement français du sang - et que nous avons cru devoir
écarter.
Mais ce n'est qu'un exemple d'une méthode de législation qui nous a contraints
à des exercices difficiles car, bien entendu, nous nous sommes efforcés de
préserver le sérieux de notre examen et les qualités techniques qui doivent
être celles de nos travaux.
J'ai trouvé dans les propos du rapporteur général de l'Assemblée nationale une
phrase très élégante que je ne résiste pas au plaisir de citer une nouvelle
fois : « Le temps n'épargne pas ce qui se fait sans lui. » Si nous avions eu un
peu plus de temps, dans le cours de cette discussion budgétaire, nous aurions
sans doute, monsieur le ministre, fait encore un peu mieux !
Nous avons consacré à l'examen du collectif budgétaire dix heures, dont sept
heures cinquante minutes pour la discussion des articles, ce qui nous a amenés
jusqu'à près de trois heures du matin, mardi matin.
Quel est, tout d'abord, le bilan chiffré ?
Nous avons adopté vingt-huit articles conformes, nous en avons modifié quinze,
nous en avons supprimé dix et nous en avons ajouté dix-huit.
Nous avons en particulier supprimé tout le dispositif concernant les fonds
départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. Nous avons ajouté des
articles visant à parfaire l'information du Parlement et à faire progresser la
méthodologie budgétaire en annonçant, en quelque sorte, les lignes selon
lesquelles nous allons bâtir nos réflexions en vue d'une réforme indispensable,
et maintenant urgente, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 sur les finances
publiques.
La commission mixte paritaire s'est tenue hier matin et a été saisie de
quarante-trois articles, et ce moins de huit heures après la clôture de la
discussion. Malheureusement, malgré toute la bonne volonté de ses membres - et
elle a été grande - elle n'a pu parvenir à un accord.
Voyons, à présent, les aspects qualitatifs de ce bilan que nous sommes
susceptibles de faire avant de prendre une décision sur le collectif
budgétaire. Comme vous le verrez, cette appréciation qualitative est assez
équilibrée, ce qui rend la décision difficile, monsieur le ministre.
Tout d'abord, nous avons lieu, nous, sénateurs, de nous féliciter du fait que
le Gouvernement se soit ici, au Sénat, rallié, même partiellement, à nos
analyses concernant l'insuffisant réalisme du niveau prévisionnel des recettes
fiscales pour 1999. En d'autres termes, monsieur le ministre, c'est ici que
vous avez reconnu l'existence d'une part supplémentaire - probablement pas la
dernière - de ce que les journalistes appellent la « cagnotte » fiscale. Nous
pouvons nous réjouir que ce soit ici que vous ayez entamé votre chemin de
Damas, monsieur le ministre. Pour autant, je ne pense pas que vous méritiez
notre absolution complète !
Nous avons réévalué, à la suite de l'amendement que vous avez défendu, les
estimations de recettes de 11,3 milliards de francs. Nous avons souscrit à
cette modification, tout en la considérant comme vraisemblablement
insuffisante, mais les chiffres de la comptabilité seront, comme nous le
disions l'un et l'autre voilà quelques jours, notre juge de paix !
Vous avez bien voulu vous engager sur ce point, monsieur le ministre, et nous
analyserons donc les rentrées impôt par impôt, mois par mois, de manière à en
tirer toutes les conséquences nécessaires.
Concernant maintenant l'article d'équilibre du collectif, le Sénat n'a pas
souscrit à la proposition du Gouvernement. Nous avons considéré que les 3
milliards de francs que vous vouliez inscrire sous la forme d'un relèvement du
plafond de dépenses pouvaient et devaient être financés par redéploiement, et
que vous en aviez la possibilité dans l'exercice budgétaire 1999.
Enfin, dans le domaine fiscal, le Sénat, sur l'initiative de la commission des
finances mais aussi d'un grand nombres de sénateurs, a introduit de nombreux
apports, qui, pour une part, ont été retenus par l'Assemblée nationale sur
proposition de sa commission des finances.
J'en viens maintenant au bilan, là encore équilibré, article par article, des
points d'accord entre les deux assemblées, puis des points de désaccord. Au
terme de cette analyse, monsieur le ministre, il faudra bien que nous trouvions
une solution pour ce collectif budgétaire et que, en termes de procédure, nous
sachions si nous sommes en mesure de l'améliorer encore ou si nous devons
constater que l'état actuel du texte est définitif et qu'une nouvelle approche
législative de la part du Sénat n'est donc pas nécessaire.
Voyons donc, tout d'abord, quels sont les points d'accord.
A l'article 11 A, notre amendement tendant à faciliter la clôture des plans
d'épargne retraite a été retenu par l'Assemblée nationale, de même que, à
l'article 12
ter
, l'exonération de TVA pour les opérations de cession de
créances ; à l'article 13, les précisions apportées en ce qui concerne les
taxes sur les boissons ont également fait l'objet d'un accord.
Un accord est intervenu à l'article 14
bis
, concernant la mise en place
d'une sanction plus réaliste en cas de non-respect des règles relatives au
report des plus-values, et à l'article 16, s'agissant du délai de mise en
oeuvre obligatoire du paiement par virement électronique.
Il en a également été de même à l'article 17
bis
, où nous souhaitions
éviter un risque de double sanction fiscale, et à l'article 19
bis
,
relatif à la prolongation d'une année - j'aurais tendance à dire, à titre
personnel, d'au moins une année - du régime déjà bicentenaire des arrêtés Miot.
S'agissant de ce dernier point, ont également le régime fiscal des successions
en Corse, l'Assemblée nationale s'est ralliée au texte que le Sénat avait
adopté en décembre 1998.
Les députés nous ont également rejoints sur l'article 21
bis
A, relatif
à la redéfinition du régime fiscal des sociétés de capital-risque et des fonds
communs de placement à risque, ainsi que sur l'article 21
septies
A
concernant l'exonération de taxe foncière pour les centres d'hébergement
d'urgence.
De même, l'Assemblée nationale a accepté l'essentiel des précisions que nous
avions apportées à l'article 21
septies
s'agissant de la création des
fonds de compensation des nuisances sonores autour des aéroports. Elle a
également accepté, à l'article 21
nonies
A, les précisions apportées,
sur l'initiative de M. Jean Arthuis, en matière de fiscalité locale. Bien
entendu, nous escomptions - mais cela a été fait - le maintien de la
suppression des articles quelque peu improvisés qui nous avaient été soumis
s'agissant du régime des fonds départementaux de péréquation de la taxe
professionnelle. L'Assemblée nationale a accepté d'aller dans le même sens que
nous et a compensé en quelque sorte, pour l'auteur de ces dispositions, M.
Gérard Fuchs, la suppression des articles par la prescription d'un rapport.
A l'article 21
septdecies
, nous avons obtenu une disposition apportant
un peu plus de souplesse pour certaines structures intercommunales devant gérer
les conséquences de la réforme portant suppression de la part salariale de la
taxe professionnelle.
Enfin, à l'article 26, l'Assemblée nationale nous a rejoints sur un point
technique concernant l'applicabilité de l'aide personnalisée au logement.
Tels sont les points d'accord.
Il existe, hélas ! des points de désaccord. Ainsi, à l'article 1er
bis
,
comme il était naturel, l'Assemblée nationale a rétabli la cession de créance
au bénéfice de l'Agence France-Presse. Chacun avait bien compris que la
position du Sénat consistait à soutenir que l'avenir de l'Agence ne dépend pas
seulement d'un abandon de créance et passe plus vraisemblablement par un
véritable plan stratégique. Nous, sénateurs, qui croyons à cet organisme, à son
avenir et à la place qu'il doit occuper, avions estimé qu'il n'était pas
possible d'avoir une vision suffisamment clair sur ce sujet, et c'est ce qui
avait motivé la suppression de l'abandon de créance.
A l'article 2, qui est l'article d'équilibre, l'Assemblée nationale a rétabli
les 3 milliards de francs de dépenses supplémentaires.
Aux articles 7 et 10, elle n'a pas cru devoir souscrire à nos propositions,
notamment quant à la répartition des excédents de redevance de l'audiovisuel.
Plus exactement, elle est revenue en arrière par rapport aux 200 millions de
francs, pourtant très probables, dont nous avions affiché la répartition
souhaitable. Cela se traduira par des programmes amputés pour les sociétés de
l'audiovisuel public, et notamment Radio France internationale qui sera réduite
à la portion congrue.
M. Jacques Chaumont.
Ça c'est vrai !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
A l'article 11
bis
A, l'Assemblée nationale
n'a pas cru devoir accepter l'exonération d'impôt sur le revenu des sorties en
rente viagère des contrats d'assurance-vie dits DSK. De même, elle n'a pas
accepté l'extension aux valeurs de l'Union européenne des plans d'épargne en
actions. Il est dommage de construire l'Europe à pas aussi comptés.
A l'article 14, relatif à l'adaptation de la structure juridique de certaines
professions libérales, l'Assemblée nationale n'a pas accepté, et c'est
regrettable, les quelques amendements que nous avions adoptés.
Bien sûr, nos propositions concernant les progrès dans la transparence des
comptes publics, par exemple en matière de privatisation, n'ont pas franchi le
cap de l'Assemblée nationale, ce qui est bien dommage.
A l'article 18, nous sommes déçus de voir revenir des mesures de validation
législative, principe contre lequel nous continuerons à nous battre.
De même, à l'article 21
bis
B, à l'article 21
quinquies
, et à
l'article 21
septies
B, l'Assemblée nationale n'a pas partagé nos
appréciations, notamment en ce qui concerne la modulation du taux pour les
vignettes fixé par chaque département.
Bien sûr, l'article sur l'indemnisation des porteurs d'emprunts russes a été
rétabli, comme il était vraisemblable.
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Heureusement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous regrettons particulièrement le rejet de
l'amendement de M. Jacques Valade, qui, selon nous, assurait opportunément un
meilleur traitement des villes centres de communauté urbaine au regard des
droits à la dotation de solidarité urbaine. Nous regrettons aussi
particulièrement le refus d'étendre le régime Besson aux locaux loués à des
ascendants ou descendants, de même que le maintien du prélèvement de l'Etat
pour frais de recouvrement de la contribution sociale généralisée.
Vous constatez donc que, en ce qui concerne les articles fiscaux, le bilan est
équilibré. Vous constatez aussi que, malgré le progrès que traduit la
réestimation des recettes fiscales de 11 milliards de francs, il reste encore
du chemin à faire pour aboutir à quelque chose de raisonnable.
J'en viens aux appréciations que je peux porter en conclusion.
Tout d'abord, en ce qui concerne la réestimation des recettes, il ne vous aura
pas échappé, mes chers collègues, que le Gouvernement n'a pas réalisé
spontanément cet effort de transparence. Il l'a fait parce qu'il y a été
contraint par un ensemble de facteurs : crainte de l'inconstitutionnalité pour
non-sincérité du niveau des recettes,...
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Oh là là !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... pression institutionnelle de la Haute Assemblée,
qualité de ses travaux,...
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ah !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... pression politique de vos amis de la majorité
plurielle, monsieur le ministre, pression médiatique qui s'est accentuée. Il
n'en reste pas moins que l'effort de transparence a résulté du débat
démocratique, ce dont il faut, d'une certaine manière, se réjouir. C'est
finalement le jeu heureux des poids et des contrepoids qui caractérisent la
Constitution.
Néanmoins, la situation budgétaire demeure marquée par un double record :
d'une part, le record des prélèvements obligatoires et, d'autre part, le record
des niveaux de déficit public. Il faut rappeler que, après l'année 1999, il y
aura l'année 2000 et que, cette année-là, la dette de l'Etat augmentera encore
de 220 milliards de francs, dont près de 50 milliards de francs sont
indispensables pour solder les seules opérations courantes, le seul
fonctionnement.
Faut-il rappeler que, lorsque nous connaissons cette situation, d'autres pays
sont en excédent budgétaire et peuvent engager de vrais programmes de
diminution de la fiscalité ? La fiscalité et les prélèvements obligatoires sont
le sujet clé pour les Français, aujourd'hui. Monsieur le ministre, vous avez vu
dans les enquêtes d'opinion publique l'attente en matière de baisse des impôts
et des prélèvements obligatoires. Or, en France, nous avons non seulement les
impôts d'aujourd'hui, mais aussi les impôts cachés, pour reprendre la
formulation du président Lambert, c'est-à-dire les impôts de demain, qui
résulteront inéluctablement du niveau d'endettement encore très préoccupant que
nous connaissons.
Mes chers collègues, à la suite de ces quelques propos, que puis-je vous
recommander ? Faut-il poursuivre l'examen du texte, article après article, en
veillant à lui rendre un aspect plus agréable pour nous ? Ou bien faut-il
constater qu'il n'est pas possible d'aller plus loin dans les rapprochements
avec l'Assemblée nationale ?
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
C'est cornélien
!
M. Jean Chérioux.
Non, c'est évident !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le ministre, nous pouvons considérer que, si
le projet de loi de finances rectificative pour 1999 réduit le montant du
déficit budgétaire en 1999 en le fixant à 225 milliards de francs, cela reste
insuffisant, notamment par rapport aux efforts de nos partenaires. Cette
situation entraîne une nouvelle progression des dépenses publiques, dont le
plafond est majoré de 3 milliards de francs, soit au total 8,5 milliards de
francs au titre du présent collectif.
Par ailleurs, s'agissant de l'estimation des recettes de l'Etat, tous les
éléments dont nous avons connaissance nous conduisent à valider notre prévision
d'une plus-value nette de recettes de l'Etat se situant non pas à 23 milliards
de francs, comme vous voulez bien le reconnaître ou l'avouer aujourd'hui,
monsieur le ministre, mais plutôt dans une fourchette de 30 à 40 milliards de
francs.
Vous avez réévalué les chiffres en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés.
Vous ne l'avez pas fait pour l'impôt sur le revenu, alors que le mois de
décembre et une partie du mois de novembre voient s'accumuler des sommes
supérieures à la prévision initiale de l'exercice. Vous ne l'avez pas fait
davantage pour la TVA, alors que, on le voit bien, la mesure de baisse ciblée
portant sur le secteur du bâtiment s'étant traduite - et c'est une bonne chose
- par des apports supplémentaires d'activité, son incidence à la baisse du
rendement de la TVA est en réalité très faible, du moins si l'on en croit les
situations à la fin septembre et à la fin octobre 1999.
En ce qui concerne les articles fiscaux, nous avons eu satisfaction sur
certains points, mais pas sur des points qui nous tenaient particulièrement à
coeur, qu'il s'agisse du progrès de la transparence comptable et budgétaire, ou
de l'amorce d'une vraie réforme de la méthodologie des finances publiques.
Après le débat difficile qui a eu lieu au sein de la commission des finances
voilà quelques instants,...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Débat cruel !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... je vais vous livrer la conclusion que celle-ci
préconise : elle estime qu'il n'y a pas lieu de débattre à nouveau du projet de
loi de finances rectificative pour 1999 et elle vous invite, mes chers
collègues, à voter la motion tendant à opposer la question préalable, que
j'aurai l'honneur de présenter tout à l'heure.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste
et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le ministre, j'entends comme une sorte
de délire à propos de ce que certains qualifient de « cagnotte », mot qui ne me
semble d'ailleurs pas adapté à la situation.
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Nous sommes
d'accord !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Pour vous aider, puisque, comme
vous le savez, cela demeure ma préoccupation permanente, je voudrais rappeler,
y compris à M. de Raincourt qui nous fait l'honneur d'être près du banc des
commissions en l'instant, que la France est en déficit de fonctionnement. Cela
n'est pas le cas du département de l'Yonne, j'imagine, monsieur de
Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Ah, ça, non !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Le déficit de fonctionnement de
la France s'élève à 69 milliards de francs. S'il s'agissait d'un ménage ou
d'une famille, son compte bancaire serait dans le rouge, et on lui aurait même
retiré son chéquier.
M. Jean Chérioux.
Eh oui !
M. Roland du Luart.
Sauf avec le PACS !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Or, alors que la France vient
d'avoir une ressource nouvelle, certaines forces politiques n'ont qu'une idée :
la dépenser immédiatement ! Monsieur le ministre, le Sénat vous protégera de
vos amis.
(M. le ministre sourit.)
Il ne vous incitera pas à engager des
dépenses nouvelles. En effet, lorsqu'on a son compte bancaire dans le rouge et
que l'on dispose d'une ressource nouvelle, on doit essayer de revenir à
l'équilibre.
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Donc, monsieur le ministre,
grâce aux ressources fiscales nouvelles, il faut impérativement que notre pays
retourne au plus vite à l'équilibre.
Nous connaissons l'été de la croissance. Monsieur le ministre, après l'été, il
y a l'hiver...
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Il y a l'automne
!
(Sourires.)
M. Jean Chérioux.
L'automne est court !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
L'été peut être long, le bel
automne parfois dure, mais l'hiver revient ; et si vous croyez que le monde vit
désormais sans hiver, nos compatriotes connaîtront alors des réveils
difficiles.
Telle est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je souhaite vraiment
que le Sénat amplifie le message que nous avons voulu délivrer.
Réjouissons-nous de disposer de ressources nouvelles, presque inespérées, et
faisons-en bon usage ! Sinon, nous ne servirions pas notre pays et nous
pourrions compromettre l'avenir des générations futures.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du
RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'a fort bien expliqué M.
le rapporteur général, le projet de loi de finances rectificative qui vous est
soumis en nouvelle lecture a été examiné ce matin même par l'Assemblée
nationale, laquelle a confirmé la hausse des recettes en 1999 que je vous avais
présentée lors de la première lecture et que vous aviez approuvée à
l'unanimité.
Cependant, l'Assemblée nationale souhaite utiliser de façon différente cette
nouvelle marge de manoeuvre : alors que vous aviez affecté ces 11,3 milliards
de francs à la réduction du déficit budgétaire, l'Assemblée nationale a prévu
qu'une partie de cette somme, à savoir 3 milliards de francs, servirait à
financer des mesures de solidarité importantes annoncées par M. le Premier
ministre en faveur des allocataires de minima sociaux.
Le Sénat, d'une part, le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale,
d'autre part, ont donc adopté des logiques différentes à cet égard. Il est bon,
à mon avis, que les plus démunis de nos concitoyens aient leur part, toute leur
part, des fruits fiscaux de la croissance.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a maintenu certaines dispositions adoptées
par le Sénat qui allaient dans le bon sens - M. le rapporteur général en a
dressé la longue liste - s'agissant en particulier du report d'un an de
l'abrogation des arrêtés Miot,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous irez au-delà !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... afin de
laisser aux élus corses le temps de réfléchir de façon globale à l'évolution de
la fiscalité dans l'île, à la suite de la concertation et du dialogue que le
Premier ministre a engagés avec eux le 13 décembre dernier.
Dans cette optique, je voudrais également citer certaines mesures adoptées par
la Haute Assemblée relatives au capital-risque et aux fonds communs de
placement à risque, qui tendent à favoriser l'innovation.
En revanche, l'Assemblée nationale a rétabli dans leur version initiale nombre
de dispositions que la Haute Assemblée avaient modifiées,...
M. Jean Chérioux.
Hélas !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... allant ainsi
à l'encontre des orientations générales définies par le Gouvernement et sa
majorité, monsieur Chérioux.
Je souhaiterais montrer que l'Assemblée nationale a su prolonger sur un point
les réflexions de la Haute Assemblée, en adoptant, dans une rédaction
appropriée, un amendement visant à l'exonération des taxes foncières sur les
propriétés bâties pour les centres d'hébergement d'urgence, qui avait été
présenté par le groupe socialiste.
M. Michel Moreigne.
Très bien !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Dans
l'intervalle, une rédaction juridiquement correcte a été établie. Tout cela
prouve bien que l'objection que j'avais présentée, au nom du Gouvernement,
était bien de nature technique et ne portait pas sur le principe. Je voulais
insister là-dessus.
Je voudrais maintenant répondre brièvement à quelques affirmations de M.
Marini, qui a dit notamment qu'il n'y a pas seulement les impôts d'aujourd'hui.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur général. M. le président de la
commission des finances a parlé de l'été ; or nous avons hérité des impôts
d'hier, de ceux de l'hiver 1995.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous êtes bien contents de les encaisser !
M. Claude Estier.
Ils oublient toujours cela !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Non, nous ne n'oublions pas,
nous commençons à 1992 !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Les Français se
souviennent encore de cette hausse de deux points de la TVA qui les a frappés
et qui a brisé net l'élan de la croissance.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Rendez-les !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Vous les appréciez tellement que
vous les conservez !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Voilà l'exemple
caractéristique d'un impôt qui tue l'impôt, puisque cette hausse de la TVA a
freiné la croissance, et donc la consommation, ce qui a nui au rendement de la
fiscalité.
De ce point de vue, le déficit de fonctionnement, qui a été évoqué aussi bien
par M. le rapporteur général que par M. le président de la commission des
finances, était supérieur, en 1997, à 120 milliards de francs. Nous le
réduisons, et ce avec énergie. Il est heureux, pour reprendre la métaphore de
M. le président Lambert, qu'à l'époque l'Etat ne se soit pas vu retirer son
chéquier !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Tel a été le cas en 1992 !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Des changements
sont intervenus en 1997, mais ce n'étaient pas des changements de chéquier !
Tels sont les commentaires que je souhaitais livrer au Sénat sur ce collectif
budgétaire.
Puisque c'est la dernière fois de l'année que je m'exprime devant vous,
mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à adresser des remerciements très
sincères à la présidence, ainsi qu'au président de la commission des finances,
qui a toujours su, même si l'échange d'arguments était parfois aiguisé,
manifester une courtoisie et une cohérence parfaites à l'égard du Gouvernement.
Quant à M. le rapporteur général, je ne lui ferai pas trop de compliments, car
il en rougirait !
(Sourires.)
Je voudrais saluer les sénateurs de la vaillante minorité du Sénat, qui
ont marqué ces débats par leur souci de la solidarité et leur imagination, mais
aussi par la rigueur de leur analyse quand cela était nécessaire. Je rends bien
sûr hommage à la vigilance de la majorité sénatoriale, qui, dans la défense de
certaines idées, n'a pas hésité à manifester un conservatisme de bon aloi.
(Rires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
De bon aloi, en effet ! Très bien !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je voudrais enfin
saluer nos collaborateurs et les personnels de la Haute Assemblée, ainsi que la
presse, qui a suivi nos travaux avec une particulière attention. En effet, des
événements nouveaux sont survenus au cours de nos débats, ce dont je me réjouis
vivement.
Je vous laisse maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, le soin de
débattre - il s'agira, je l'ai bien compris, d'un choix cornélien !
(Sourires.)
- de l'opportunité d'adopter une motion tendant à opposer la
question préalable.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines
travées du RDSE. - M. le président de la commission des finances et M. le
rapporteur général applaudissent également.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable