Séance du 21 décembre 1999
M. le président. La parole est à M. Pelletier, auteur de la question n° 646, adressée à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. Jacques Pelletier. Madame la secrétaire d'Etat, j'attire votre attention sur la nécessité de créer un fonds d'indemnisation des victimes de l'hépatite C lorsque ce virus a été contracté lors d'une transfusion sanguine.
J'ai le cas malheureux dans mon département, mais il y en a beaucoup d'autres, d'une personne qui a subi plusieurs transfusions en 1986 à la suite à d'un accident de la circulation. C'est en 1990, à l'occasion d'une intervention chirurgicale, que l'on découvre qu'elle est porteuse du virus de l'hépatite C.
Dans le cadre du procès que cette personne a intenté contre le centre de transfusion sanguine, les experts chargés de son dossier ont conclu à l'absence d'autre cause de contamination. Et pourtant, les jugements ont établi que, en l'absence de preuve formelle du lien de causalité entre la transfusion et l'hépatite, le requérant ne pourrait bénéficier de l'indemnisation laissée aux soins des tribunaux. Cette personne se voit de plus dans l'obligation de pourvoir aux frais de justice des deux parties, ce qui me semble un comble.
Les victimes du sida contaminées par des produits sanguins bénéficient d'un fonds d'indemnisation. Depuis 1992, 4 000 dossiers ont été traités et les victimes perçoivent une indemnité importante.
L'hépatite C est un problème de santé publique, elle touche tous les milieux sociaux et au premier rang les milieux les plus défavorisés et les exclus.
Selon les estimations, entre 130 000 et 200 000 personnes auraient été contaminées, en France, par l'hépatite C suite à une transfusion sanguine.
Ces victimes présentent des séquelles physiques et psychologiques qui nuisent considérablement à leur bien-être et amenuisent de manière significative leur espérance de vie.
En l'état actuel des choses, l'indemnisation des victimes de l'hépatite C est laissée à la seule appréciation des tribunaux.
Or, la différentiation entre la jurisprudence civile, pour les victimes transfusées dans un centre privé, et la jurisprudence administrative, pour les transfusés des centres publics, crée une iniquité dans le traitement des affaires.
En effet, au sein des tribunaux administratifs, il appartient aux centres d'apporter la preuve que le sang qu'ils ont transmis était exempt de vice, tandis qu'au sein des tribunaux civils, c'est à la victime de fournir la preuve de sa contamination.
Il semble évident, vous en conviendrez, que les malades ne sont pas en mesure de choisir le centre de transfusion, privé ou public. Mais ils subissent, en conséquence, une réelle iniquité dans les jugements de leurs recours.
De plus, nombre de ces victimes voient leurs recours en justice traîner et les réponses des gouvernements successifs sont insatisfaisantes.
Devons-nous laisser les malades dans le flou alors qu'ils ont subi un préjudice grave dont la faute ne leur incombe évidemment pas ?
La création d'un fonds d'indemnisation, oeuvre de solidarité nationale, aurait le mérite, en outre, de pallier cette inégalité et de remédier à la longueur du traitement judiciaire.
Même si Mme la ministre de la justice oeuvre - nous lui en sommes très reconnaissants - pour accélérer les délais d'instruction, l'attente de nombreux jugements est encore très longue, trop longue.
Comme pour le processus d'indemnisation des victimes du sida, fondé sur la présomption de causalité, les victimes de l'hépatite C devraient apporter la preuve de leur chronicité hépatique et leur justification qu'ils ont subi une transfusion sanguine.
Parce que, trop souvent, la victime ne peut fournir la preuve irréfutable du lien de causalité entre le virus et la transfusion et parce que le doute doit toujours bénéficier à la victime, la présomption de causalité doit être identique.
Comme le préconise le Conseil d'Etat dans son rapport annuel de 1998, « lorsqu'une affection frappe un grand nombre de personnes - ce que l'on appelle le risque sériel dont l'exemple est celui de l'hépatite C - sans qu'aucune faute soit imputable à quiconque, il paraît souhaitable que l'indemnisation soit prise en charge au nom du principe de solidarité qui est du ressort de législateur ».
Même si l'indemnisation des personnes contaminées est un sujet complexe et financièrement lourd, il existe, à n'en pas douter, une parade à l'obstacle du coût imputé à l'Etat par la fixation éventuelle d'un plafond d'indemnisation.
Cette solution offre l'avantage de répondre au problème de l'indemnisation tout en l'insérant dans des limites raisonnables et connues par avance.
C'est pourquoi je souhaiterais, madame la secrétaire d'Etat, que vous nous disiez si le Gouvernement entend prochainement favoriser une indemnisation par l'Etat des victimes de l'hépatite C contractée lors d'une transfusion sanguine.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le sénateur, il est vrai que plusieurs de nos concitoyens sont aujourd'hui porteurs du virus de l'hépatite C, alors qu'ils ont subi par le passé des transfusions sanguines qui ont pu être à l'origine de la contamination. Mais, dans le cas que vous exposez, la preuve n'en a pas été apportée, et c'est une des difficultés que rencontre votre administré.
Plus généralement, le problème des accidents médicaux qui surviennent dans le cadre de la dispensation de soins est effectivement préoccupant, au-delà de la transmission de l'hépatite C. Comme vous le savez, ils ne sont pas l'apanage exclusif de la transfusion sanguine. Ils peuvent survenir à l'occasion de tout acte médical, diagnostique ou thérapeutique comportant un geste invasif.
La médecine n'est pas infaillible. Le risque médical existe. Son augmentation récente est la contrepartie des progrès de la médecine et de sa plus grande efficacité globale. Lorsqu'il y a faute, il doit y avoir réparation. Mais il existe aussi un aléa médical, des accidents sans faute. La jurisprudence des tribunaux admet, dans certains cas, l'indemnisation du préjudice subi. Le Gouvernement est en train de travailler ardemment sur la question de l'indemnisation du risque thérapeutique dans la perspective du projet de loi qu'il présentera au début de l'année 2000.
Cela dit, je tiens à vous rappeler que, depuis la loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, « le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat à la victime ». La difficulté est évidemment de prouver la responsabilité du producteur.
A ce titre, les centres de transfusion sanguine sont réputés responsables des contaminations, notamment par le virus C, dont il serait prouvé qu'elles sont secondaires à un acte transfusionnel. Ainsi, dès aujourd'hui, et sans attendre les prochains textes législatifs, une victime peut, auprès de la juridiction compétente, demander et obtenir réparation d'un tel préjudice si elle l'a subi.
L'exemple que vous citez montre bien, et nous en sommes conscients, que l'accès à la réparation par ce procédé est difficile du fait de la lourdeur de la procédure qu'il faut engager et du coût qu'elle représente pour le plaideur. Le rapport de l'IGAS et l'IGSJ qui a été remis récemment au Gouvernement ainsi qu'au Parlement nous incite à réfléchir à une voie d'accès facilitée, pré-contentieuse, à l'expertise et à la réparation pour toutes les victimes d'accidents médicaux.
La manière dont vous avez argumenté votre question et la parfaite connaissance que vous avez montrée de ce cas difficile me laissent présager, monsieur le sénateur, que vous serez l'un des ardents défenseurs de cette idée.
M. Jacques Pelletier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Je voudrais remercier Mme la secrétaire d'Etat de sa réponse qui, loin d'être négative, est encourageante.
Je pense que nous pourrions profiter de l'embellie économique et financière que nous connaissons actuellement pour essayer de régler définitivement ce problème.
Ce qui me heurte beaucoup, c'est la différence de traitement entre la jurisprudence civile et la jurisprudence administrative ; suivant que l'on va devant tel ou tel tribunal, on obtient une réponse différente. J'avais été saisi à plusieurs reprises de cette iniquité lorsque j'étais Médiateur de la République ; il faudrait y mettre un terme.
Il s'agit là d'une question de solidarité à laquelle le Gouvernement et le Parlement ne peuvent pas rester insensibles.
SITUATION DU LYCÉE HENRY-POTEZ
A` MÉAULTE (SOMME)