Séance du 20 décembre 1999
M. le président. Par amendement n° 35, M. Marini, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - II est inséré à l'article 157 du code général des impôts un 5° quater ainsi rédigé :
« 5° quater . La rente viagère d'un contrat ayant satisfait pendant au moins huit ans aux conditions fixées au septième alinéa du I de l'article 125-0 A, qui se dénoue par le versement d'une rente ; »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet article additionnel tend à exonérer d'impôt sur le revenu les sorties en rente viagère des contrats d'assurance vie investis en actions - et seulement ces contrats - selon les conditions définies par le code des assurances et le code général des impôts.
Dès lors qu'il s'agit de placements à long terme et que des risques sont pris par les soucripteurs s'agissant d'actifs devenus ainsi non liquides pendant de longues durées, si l'on veut encourager cette épargne particulièrement saine, puisqu'elle vient en renfort des fonds propres des entreprises, il est légitime de prévoir une telle exonération. D'ailleurs, monsieur le ministre, cette exonération vient compléter le dispositif mis en place en 1998 lors de la création de ce que l'on avait à l'époque appelé les « contrats DSK » en matière d'assurance vie. C'est dans cet esprit que la commission propose cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le Gouvernement partage deux orientations qui ont inspiré cet amendement. La première consiste à « pousser » l'épargne de nos concitoyens, qui est très massivement investie en obligations, vers les actions. Cela est positif. La seconde orientation est de donner plus d'essor à ces nouveaux contrats d'assurance vie qui sont pour moitié investis en actions et qui portent le nom familier de « contrats DSK ».
La double orientation de cet amendement est certes bonne, mais il me semble qu'il faudrait prendre le temps de la réflexion, parce qu'il subsiste quelques petites difficultés techniques que je mentionnerai.
Par exemple, monsieur le rapporteur général, votre texte ne traite pas du sort de la rente viagère au regard des prélèvements sociaux, dont je rappelle qu'ils ont été expressément maintenus pour les rentes viagères en sortie de plan d'épargne en actions ou de plan d'épargne populaire.
Par ailleurs, votre amendement aboutit à une situation paradoxale dans laquelle les contrats qui ont été de façon continue investis en actions jusqu'à leur dénouement ouvriraient droit à une exonération d'impôts sur le revenu sur les produits et la rente viagère, alors que les contrats investis en actions durant seulement huit ans bénéficieraient de l'exonération sur la rente viagère mais non sur les produits.
En fait, la raison principale de mon avis défavorable est que le Gouvernement est en train de réfléchir au grand sujet de l'épargne des salariés et de son orientation possible vers une épargne longue, pour permettre soit l'accession à la propriété, soit de mieux préparer la retraite, et qu'il attend les conclusions de la mission confiée à MM. Baligand et de Foucauld, avant de prendre toute décision.
En conséquence, monsieur le rapporteur général, bien que je comprenne bien le sens de votre amendement, je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut j'en demanderai le rejet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 35.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. M. le ministre a soulevé un certain nombre d'objections tout en disant que, sur le fond, la démarche ne lui déplaisait pas, s'agissant en particulier de la situation de la rente par rapport aux prélèvements sociaux.
Comment le rapporteur général voit-il le problème dans cet amendement puisque le texte ne règle pas cette question ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je réponds avec plaisir à la question qui vient d'être posée. Je ne suis pas sûr que nous puissions régler en loi de finances ce point, qui devrait plutôt faire l'objet d'une disposition en loi de financement de la sécurité sociale.
M. Michel Charasse. Mais vous l'avez réglé dans l'amendement précédent en précisant : « Les sommes ou les valeurs figurant sur ces plans sont réputées acquises en exonération d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux par les titulaires des plans pour leur valeur à cette même date. » !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette remarque étant effectivement frappée au coin du bon sens et extrêmement judicieuse, j'ai l'honneur de rectifier l'amendement n° 35 en reprenant la formule de l'amendement n° 34, de telle sorte que le régime fiscal des rentes viagères résultant d'un contrat d'assurance vie investi en actions soit identique à celui des autres rentes viagères exonérées de l'impôt sur le revenu.
Certes, nous nous autorisons ainsi une seconde entorse au principe de spécialité de la loi de financement de la sécurité sociale, d'un côté, de la loi de finances, de l'autre. Mais, dans la mesure où il s'agit de contribuer au succès de produits investis en actions à plus de 50 % de leur actifs et de leur permettre de continuer à engranger des souscriptions supplémentaires, il est préférable de ne pas attendre le texte sur l'épargne salariale et les produits de retraite qui nous est annoncé pour les mois qui viennent.
Je pense que la rectification ainsi suggérée par M. Charasse doit permettre de faire adopter encore plus largement l'amendement n° 35 de la commission.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 35 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, et tendant à insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré à l'article 157 du code général des impôts un 5° quater ainsi rédigé :
« 5° quater . - La rente viagère d'un contrat ayant satisfait pendant au moins huit ans aux conditions fixées au septième alinéa du I de l'article 125-0 A, qui se dénoue par le versement d'une rente ; »
« II. - Au 10° du II de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, après les mots : "au 5°", sont insérés les mots : "et au 5° quater". »
« III. - Il est inséré à l'article 1600-0 J du code général des impôts un 5 bis ainsi rédigé :
« 5 bis . La rente viagère visée au 5° quater de l'article 157 du code général des impôts ; »
« IV. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I est compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 35 rectifié ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est toujours défavorable. Ce texte est prématuré.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 35 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
M. Paul Loridant. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, avant l'article 11.
Article 11 bis