Séance du 20 décembre 1999







M. le président. « Art. 1er bis. - La créance détenue sur l'Agence France-Presse, au titre du prêt participatif accordé en 1991 et imputé sur le compte de prêts n° 903-05, est abandonnée à hauteur de 45 millions de francs. Les intérêts courus et échus depuis l'échéance 1996 jusqu'à l'échéance 1999 incluse sont également abandonnés. »
Par amendement n° 31, M. Marini, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le problème qui est ici soulevé est celui de l'avenir de l'Agence France-Presse, l'AFP.
Cette agence, dont le statut juridique est quelque peu atypique, doit être en mesure de savoir dans quel contexte elle va être amenée à assurer son développement.
L'AFP intervient à présent sur un marché compétitif à l'échelle mondiale et doit optimiser sa situation à partir de son patrimoine, de son savoir-faire, de ses atouts.
Son nouveau président, Eric Giuily, récemment nommé, a fait, il y a quelques mois, toute une série de propositions tendant à une ouverture de l'AFP vers le monde extérieur et à un alignement de ses statuts sur le droit commun des entreprises.
Pour différentes raisons - que nous ne connaissons pas très bien, n'ayant eu sur ce sujet que des échos de presse - M. Giuly a été, en quelque sorte, abandonné en rase campagne par son autorité de tutelle et à dû retirer son plan de redressement et de développement face à l'hostilité des forces syndicales et à l'appui qui leur a apparemment été donné.
M. Michel Charasse. On recule toujours devant les journalistes !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, et on ne peut que le déplorer.
Le fait est que ce président courageux, qui s'efforçait vraiment d'avoir une vision réaliste du devenir de l'établissement placé sous sa responsabilité, a dû faire machine arrière.
Pour donner l'impression de répondre, au moins partiellement, aux préoccupations ainsi exprimées, le Gouvernement nous propose, avec l'article 1er, d'abandonner une créance de 45 millions de francs sur l'Agence France-Presse, au titre d'un prêt participatif datant de 1991.
Si la commission des finances propose la suppression de cet article, ce n'est évidemment pas en vertu d'une quelconque hostilité à une amélioration de la structure « bilantielle » de l'Agence France-Presse, amélioration qui est sans aucun doute nécessaire.
Ce que notre commission veut signifier, c'est que le Gouvernement, en proposant une simple disposition comptable, aborde ce problème par le « petit côté », alors qu'il faut s'interroger globalement sur les moyens propres à faire évoluer l'AFP et lui permettre de disposer d'une bonne position, non seulement en tant qu'agence de presse francophone, mais aussi en tant qu'agence de presse à ambitions mondiales. Car elle est effectivement présente en de très nombreux points de la planète. En Asie, notamment, monsieur le ministre, l'Agence France-Presse, grâce à l'ingéniosité de ses équipes, a fait des prodiges pour exister à côté de concurrents disposant certainement de moyens financiers beaucoup plus considérables qu'elle.
Ainsi, par cet amendement, nous voulons appeler l'attention du Gouvernement sur la nécessité impérieuse d'aller au-delà d'une mesure comptable et de prendre à bras-le-corps la réforme de l'AFP, quelles que puissent être les réticences, les réactions, les manoeuvres de retardement vis-à-vis d'évolutions assurément inéluctables,...
M. Michel Charasse. Le corporatisme !
M. Philippe Marini, rapporteur général ... oui, en un mot, les corporatismes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, je crois que le rapporteur général vient d'illustrer de façon brillante le proverbe : Qui aime bien châtie bien !
En effet, après avoir tenu des propos élogieux, auxquels je ne peux d'ailleurs que souscrire, sur l'Agence France-Presse, qui, en dépit d'une concurrence anglo-saxonne particulièrement pressante, diffuse à l'échelle mondiale des informations en langue française, M. Marini a invité le Sénat à priver cette agence des 45 millions de francs que le Gouvernement se propose de lui accorder à travers l'abandon de créance prévu à l'article 1er bis , une disposition votée par l'Assemblée nationale avec le concours d'une partie de l'opposition, je le fais remarquer au passage.
Je comprends, monsieur le rapporteur général, que vous souhaitiez mieux connaître la stratégie de l'Agence France-Presse, mais ce n'est pas en privant de 45 millions de francs cet instrument fondamental du pluralisme de l'information que vous lui permettez de progresser. Cette somme lui est nécessaire pour financer un effort de modernisation, d'adaptation aux évolutions rapides du marché, en Asie et ailleurs, et au passage au multimédia.
Je demande donc le rejet de cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 31.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le dénouement provisoire du conflit engagé au sein de l'Agence France-Presse entre, d'une part, les journalistes et les autres personnels et, d'autre part, son nouveau directeur, se traduit notamment par l'abandon d'une des créances de l'Etat envers cet organisme.
Ce dénouement étant intervenu ces dernières semaines, il n'est pas surprenant que nous retrouvions cet article dans un collectif de fin d'année.
Nous devons simplement constater qu'une fois de plus, monsieur le rapporteur général, il ne fait pas bon être salarié et obtenir dans l'action un résultat tangible, fût-il insuffisant au regard de la stratégie générale de l'entreprise.
Pour notre part, nous estimons que, de temps en temps, il est juste que l'action des intéressés reçoive une traduction législative. Que le rapport des forces ait penché cette fois-ci en ce sens ne nous paraît donc pas scandaleux. C'est la raison essentielle qui nous conduit à voter contre cet amendement.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Ma religion n'est pas faite sur l'amendement n° 31, mais je voudrais poser une simple question à M. le ministre.
L'agence a-t-elle provisionné ces 45 millions de francs pour les rembourser ? Si c'est le cas, l'abandon de créance en discussion est effectivement une aide pour financer d'autres dépenses. Si, en revanche, l'AFP était de toute façon dans l'incapacité de payer ces 45 millions de francs, c'est une subvention d'équilibre.
Autant je suis tout à fait favorable à ce que l'Agence France-Presse reçoive des moyens supplémentaires s'il s'agit d'assurer son développement, autant je suis réticent s'il s'agit de lui accorder une subvention d'équilibre pour éponger une mauvaise gestion. Je souhaiterais que M. le ministre puisse nous éclairer sur ce point.
M. Christian de La Malène. Très bien !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La gestion d'une grande maison comme l'Agence France-Presse est complexe. Au-delà des péripéties, notre volonté collective doit être que l'Agence France-Presse survive et se développe. Tel est le sens des 45 millions de francs que le Gouvernement a proposés et que la commission des finances veut supprimer.
M. Michel Charasse. A-t-elle les moyens de payer ou pas ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il vaut mieux voter avec la commission ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?
Je mets aux voix l'amendement n° 31, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er bis est supprimé.

Article 2 et état A