Séance du 16 décembre 1999






REMBOURSEMENT DES FRAIS DE SECOURS

Adoption des conclusions du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 31, 1999-2000) de M. Paul Amoudry, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur la proposition de loi (n° 267, 1998-1999) de M. Jean Faure visant à permettre aux communes d'exiger des intéressés le remboursement des frais de secours qu'elles ont engagés à l'occasion d'accidents consécutifs à la pratique d'une activité sportive ou de loisir.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par M. Jean Faure et adoptée par la commission des lois s'inscrit dans un contexte de fait et de droit qu'il est nécessaire de rappeler pour avoir une bonne compréhension des mesures qu'elle contient.
Quel est ce contexte ?
Les activités sportives et de loisirs connaissent depuis quelques décennies une véritable explosion due tout à la fois à l'élévation du niveau de vie, à l'accroissement du temps de loisirs, au développement technologique et à la médiatisation des exercices sportifs les plus spectaculaires.
Ce phénomène de société a un revers : l'accroissement des risques pris et des accidents. Il faut en effet déplorer, en moyenne, chaque année, cinq cents décès par noyade et trois cents en montagne.
Autre conséquence de cette évolution : un accroissement comparable des interventions de secours, au niveau aussi bien des moyens humains et techniques que des coûts.
De récentes interventions de secours fortement médiatisées, en Vanoise, dans le Lot et ailleurs, ont relancé le débat sur l'opportunité d'adopter des mesures susceptibles d'accroître l'esprit de responsabilité de certains sportifs, notamment en élargissant les cas dans lesquels les communes peuvent demander aux personnes secourues le remboursement de tout ou partie des dépenses qu'elles ont engagées.
Or, une telle faculté exige une modification du droit en vigueur.
En effet, la règle en la matière demeure la gratuité des secours, même si ce principe souffre déjà plusieurs exceptions.
Le secours, en France, est en effet gratuit en vertu d'un principe datant de bientôt trois siècles. C'est une ordonnance royale du 11 mars 1733 qui a instauré ce principe de gratuité à une période où l'incendie constituait un péril redoutable et où il importait, d'une part, d'éviter que les victimes renoncent à solliciter les secours pour des raisons financières et, d'autre part, en conséquence, de prévenir l'extension éventuelle d'un sinistre.
Ce principe de gratuité a ensuite été étendu progressivement par la jurisprudence à toutes les opérations de secours.
Corollaire du pouvoir de police du maire, le secours doit être supporté par le budget communal, dont il constitue une dépense obligatoire.
Or, l'apparition plus récente de risques nouveaux a mis certaines collectivités, dépourvues de moyens matériels et financiers suffisants, dans l'incapacité de faire face à des opérations de secours parfois lourdes.
C'est pourquoi, avant même la loi, la jurisprudence en matière de secours contre l'incendie a assoupli ce principe de gratuité.
Par un arrêt du 5 décembre 1984, le Conseil d'Etat a décidé que « la commune doit supporter la charge financière des interventions des sapeurs-pompiers, dans la limite des besoins normaux de protection des personnes et des biens auxquels la collectivité est tenue de pourvoir dans l'intérêt général. Toutefois, la commune est fondée à poursuivre le remboursement des frais exposés pour des prestations particulières qui ne relèvent pas de la nécessité publique ».
Ce principe a été repris par la loi de 1996 sur les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, devenue l'article L. 1424-42 du code généal des collectivités territoriales : les SDIS peuvent désormais demander aux bénéficiaires une participation aux frais pour les interventions ne se rattachant pas à leurs missions. Tel est, par exemple, le cas de la destruction des nids de guêpes et du déblocage des portes d'ascenseur.
Avant même cette loi de 1996 sur les SDIS, le législateur avait prévu d'autres exceptions au principe de la gratuité : la loi du 22 juillet 1987 sur la sécurité civile permet ainsi aux personnes publiques de se constituer partie civile en cas de poursuites judiciaires engagées pour incendie volontaire de forêt ; la loi du 3 janvier 1992 reconnaît le même droit à ces personnes intervenant pour prévenir ou limiter un danger pour la qualité de l'eau.
Enfin, l'exception sans doute la plus importante résulte de la loi du 9 janvier 1985, qui donne la faculté aux communes de réclamer aux bénéficiaires de secours le remboursement des frais consécutifs à la pratique d'activités sportives figurant sur une liste établie par décret.
Le Gouvernement a limité cette faculté aux seules pratiques du ski alpin et du ski nordique par un décret du 3 mars 1987.
Notons que ce régime fonctionne depuis douze ans de façon très satisfaisante puisqu'il n'a pas donné lieu à un contentieux signalé.
C'est dans l'esprit et la continuité de cette loi, votée à l'unanimité, que s'inscrit la proposition de loi de M. Jean Faure, adoptée, le 27 octobre 1999, par la commission des lois du Sénat.
J'en viens à l'examen du contenu de cette proposition de loi.
En premier lieu, le texte adopté par la commission des lois ouvre la faculté aux communes de demander une participation aux frais de secours. Il vise ainsi à rétablir, principalement pour les petites communes, une meilleure égalité face au coût des secours.
En deuxième lieu, toutes les activités sportives et de loisirs sont concernées. Il est en effet de plus en plus difficile de distinguer, parmi des activités toujours plus diverses, celles qui relèvent du sport et celles qui relèvent du loisir. De surcroît, ce sont les opérations de secours qui sont visées, qu'il y ait eu ou non accident, de façon à prendre en compte les interventions demandées en dehors de tout péril.
En troisième lieu, une information préalable devra être assurée en mairie et partout où sont habituellement apposées les consignes de sécurité.
Enfin, la proposition de loi affirme le principe selon lequel celui qui prend un risque doit en assumer, corollairement, la responsabilité et donc souscrire, le cas échéant, toutes assurances utiles.
Voyons maintenant la portée de la proposition de loi.
D'abord, ce texte ne crée aucune obligation nouvelle, ni pour l'usager, qui n'est soumis à aucune obligation d'assurance, une telle obligation n'étant d'ailleurs pas, en soi, garante d'une meilleure maîtrise du risque et d'une responsabilisation, ni sur le plan pénal, puisqu'il ne crée pas d'infraction nouvelle, notamment celle « d'imprudence sportive », parfois avancée, qui serait difficile à mettre en oeuvre et qui s'avère peu adaptée dans un domaine où chacun aspire à la liberté.
De plus, il est précisé que les communes ne sont pas obligées de demander le remboursement des frais de secours ; ce n'est qu'une faculté.
Ensuite, la proposition de loi ne remet en cause ni le droit fondamental au secours sans condition préalable, ni le caractère obligatoire pour les communes des dépenses de secours et de leur inscription au budget.
La proposition de loi ne porte pas non plus atteinte au droit de pratiquer les sports et loisirs de son choix.
Enfin, elle ne concerne que la part des dépenses engagées par les communes et non celles qui incombent à l'Etat, dont les interventions pourront toujours être assurées gratuitement, l'Etat ne souhaitant pas - M. le ministre de l'intérieur nous l'a confirmé lors de son audition - répercuter les dépenses qu'il engage.
Il faut, à cet égard, souligner le mérite qu'a cette proposition de loi de refuser tout transfert des dépenses communales aussi bien vers l'Etat que vers le département. En effet, la mutualisation des charges à l'échelon départemental ne favorise pas la responsabilisation. Elle pourrait même aggraver une inflation déjà constatée des dépenses de sécurité civile, qui restent, dans cette hypothèse, à la charge des collectivités locales.
En conclusion, voilà un texte qui préserve les principes de liberté et de droit au secours, auxquels nous sommes fondamentalement attachés, sans comporter aucune mesure contraignante.
Voilà un texte qui laisse aux communes toute liberté de demander ou non une participation financière totale ou partielle.
Voilà un texte qui assoit sa légitimité sur un processus d'aménagement du principe de gratuité des secours en fonction de l'évolution de notre société et en prenant appui sur une expérience de douze ans, en matière de ski, qui n'a suscité aucun contentieux.
Voilà un texte qui tend à responsabiliser l'usager en associant la responsabilité au risque.
Voilà un texte qui vise à une plus grande justice pour les petites communes face aux dépenses de secours, sans accroître les charges supportées par les contribuables.
Voilà, enfin, un texte qui contribue à faire évoluer notre droit en le rapprochant des législations européennes, notamment allemande, autrichienne et suisse.
En terminant, je veux lancer un appel à M. le ministre de l'intérieur, dont nous connaissons les convictions républicaines.
Le Sénat déplore que, trop souvent, les propositions de loi qu'il adopte au cours des « séances mensuelles réservées » ne soient pas, ensuite, examinées par l'Assemblée nationale, alors que, à l'inverse, il arrive que le Gouvernement inscrive à l'ordre du jour prioritaire du Sénat des propositions de loi adoptées par l'Assemblée nationale lors de ses séances mensuelles.
Si je me réfère à une déclaration faite par M. Jean-Pierre Chevènement à l'Assemblée nationale, le 7 décembre dernier, une heureuse exception pourrait être faite pour la présente proposition de loi.
Ce jour-là, le ministre de l'intérieur, interrogé par M. Bernard Charles au sujet de la responsabilité financière des sportifs, a indiqué que la question nécessitait un large débat, auquel il n'était pas opposé.
Faisant allusion à la proposition de loi de M. Jean Faure, il a ajouté que rien n'empêchait l'Assemblée nationale d'entreprendre ce débat « pour son compte ».
Indépendamment de son sentiment sur cette question, M. le ministre de l'intérieur est, par conséquent, convenu de l'importance de son traitement par les deux assemblées.
Je veux donc croire que, si le Sénat adopte cette proposition de loi, le Gouvernement utilisera ses prérogatives constitutionnelles pour que le texte soit ensuite inscrit à l'ordre du jour prioritaire de l'Assemblée nationale dans des délais raisonnables.
J'aimerais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez nous confirmer l'ouverture ainsi faite par M. le ministre de l'intérieur. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui vous est soumise par M. Jean Faure, sénateur de l'Isère, a pour objet de permettre aux communes d'exiger des intéressés ou de leurs ayants droit une participation aux frais qu'elles ont engagés à l'occasion « d'opérations de secours consécutives à la pratique de toute activité sportive ou de loisir ».
C'est là un sujet de débat récurrent devant les assemblées. J'ai ainsi eu l'occasion d'intervenir personnellement devant le Sénat le 4 mars dernier pour répondre à une question d'actualité sur ce même thème. Par ailleurs, le 7 décembre dernier, M. le ministre de l'intérieur a répondu à une question posée par M. Bernard Charles, député du Lot, concernant le sauvetage des sept spéléologues bloqués dans un gouffre près de Gramat.
Entre-temps, le Premier ministre, lors du dernier conseil national de la montagne à Ax-les-Thermes, le ministre de l'intérieur, M. Jean-Pierre Chevènement, tout comme Mme Marie-Georges Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, ont fait part de leur attachement, d'une part, au principe de la gratuité des secours et, d'autre part, mais c'est lié, à la liberté d'exercice des sports et des loisirs.
En réalité, de quoi s'agit-il et quels sont les problèmes qui sont réellement posés ?
Tout d'abord, je souhaite rappeler, mais c'est bien connu, et M. le rapporteur vient de le rappeler, que les secours sont effectués en intégralité par des services publics, soit d'Etat - je pense en particulier aux sauveteurs des CRS ou de la gendarmerie nationale - soit des établissements publics d'incendie et de secours - je veux dire les sapeurs-pompiers - auxquels on peut ajouter bien sûr les services médicaux d'urgence, voire dans quelques cas des associations, que ce soit dans le domaine de la spéléologie ou des secours en mer.
A proprement parler, les communes n'ont donc en charge aucune dépense liée aux secours et sont plutôt les bénéficiaires de l'engagement opérationnel de services qui ne leur facturent pas les prestations.
Certes, tous ces services sont à la charge des contribuables, mais on voit bien qu'il y a là une sorte de mutualisation générale du risque.
En réalité, c'est le second point que je voudrais évoquer, je crains qu'on ne se trompe de débat et qu'à défaut de vouloir ou de pouvoir traiter raisonnablement de la responsabilité de quelques imprudents - ou malchanceux ! - on veuille aller trop loin avec des mesures trop globales ou trop générales.
Je rappelle qu'à l'origine de ce projet il y a eu - déjà ! - la spéléologie, avec le secours réalisé dans le gouffre Berger en 1998 et dont la « facture », pour une petite commune de l'Isère, Engins, dépassa 300 000 francs.
Ensuite, ce fut, au début de l'année 1999, l'épisode presque caricatural de la Vanoise, où des « alpinistes », animés par un esprit plus mercantile que sportif, avaient « monnayé » leur survie en altitude pendant que des secouristes risquaient leur vie pour tenter de les sauver. L'odieux l'avait alors disputé au ridicule, mais tout est finalement rentré dans l'ordre, puisque les communes ont été remboursées de leur frais d'hélicoptères.
Enfin, il convient d'évoquer, toujours dans le domaine de la spéléologie, la récente et lourde opération de secours du causse Gramat, dont les conséquences financières seront importantes - on parle de 5 millions de francs - tout autant pour l'Etat que pour les communes et le service départemental d'incendie et de secours du Lot.
Le Gouvernement estime qu'il faut toutefois se garder de tirer trop vite et de manière trop global des conséquences législatives des « cas particuliers » que je viens d'évoquer.
Quant aux chiffres qui sont cités par M. le rapporteur - 600 morts par noyade et 200 morts en montagne - ils appellent, me semble-t-il, quelques précisions.
Sur les 600 morts par noyade, notons qu'il s'agit, pour les deux tiers, de noyades en eau douce, dont les causes sont à la fois multiples et peu cohérentes : accidents, suicides, chutes, par exemple.
Quant aux 200 morts en montagne, le SNOSM, le système national d'observation de la sécurité en montagne, qui est géré en partenariat par le ministère de l'intérieur et celui de la jeunesse et des sports avec le concours de beaucoup d'acteurs de terrains, a permis d'affiner leur connaissance statistique.
Si l'on recense une quarantaine de décès en hiver et 150 en été, le plus notable - c'est statistiquement établi depuis trois ans maintenant - c'est que près de la moitié de ces décès sont dus, hiver comme été, à des accidents de santé, des crises cardiaques notamment.
J'en viens à la proposition de loi de M. Jean Faure.
M. Charles Descours. L'excellente proposition de loi !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Sur la forme, il est déjà discutable de modifier de manière aussi radicale « toute activité sportive ou de loisir, quelle qu'elle soit » - ce sont les termes de la proposition de loi de M. Jean Faure - une disposition très précise introduite dans ce même code par la loi « montagne ».
Il faut en effet préciser que le dispositif réglementaire prévu en application de ladite loi permettait déjà aux communes de demander le remboursement de frais de secours, mais dans des domaines d'activité limités au « ski alpin et au ski de fond », qui étaient donc bien des activités liées à la montagne et qui, pour les communes, correspondaient bien à un service rendu », c'est-à-dire le service des pistes.
Selon les services du ministère de l'intérieur, la centaine de communes membres de l'association des maires des stations d'hiver et d'été ont pris les arrêtés municipaux correspondant à cette possibilité légale.
Il est clair cependant que son application pratique échappe à la statistique, puisqu'elle est liée au principe de libre administration des collectivités locales et qu'à ce titre elle ne fait pas l'objet d'un véritable recensement.
Mais il serait intéressant qu'avec votre accord l'association des maires des stations d'hiver et d'été, dont M. Faure est l'un des dirigeants, puisse en faire une étude fine en terme de retour.
Il s'agit donc de modifier un article d'une loi en s'extrayant complètement de son contexte initial : M. Faure propose en effet de remplacer le dispositif actuel, dont le principe repose sur la fixation de la liste des activités par voie réglementaire, par une disposition législative nouvelle prévoyant le remboursement des frais de secours à toutes les activités sportives et de loisirs.
Sur le fond, comme je l'ai déjà indiqué, le principe de la « gratuité » des secours a été clairement réaffirmé au plus haut niveau de l'Etat.
En effet, si la proposition de M. Faure a aussi le mérite de poser de bonnes questions, telles que la responsabilisation des imprudents qui peuvent mettre en danger la vie d'autrui, notamment celle des sauveteurs, il semble que la solution préconisée soit plus discutable.
Au premier chef, il convient de relever qu'en France les communes sont très peu impliquées financièrement dans les opérations de secours en montagne. En effet, comme je l'ai déjà indiqué, ces opérations sont réalisées par des services départementaux ou par les services de l'Etat. Ces derniers n'en demandent en général pas le remboursement aux communes bénéficiaires, comme la loi leur en donnerait la possibilité. Les sapeurs-pompiers, quant à eux, et ce n'est d'ailleurs pas l'un des moindres avantages de la départementalisation, peuvent ainsi faire jouer la solidarité départementale dans le cadre du service départemental d'incendie et de secours.
On peut donc affirmer qu'à part quelques exceptions - j'en ai cité quelques-unes tout à l'heure - les communes ne supportent pas de frais pour les secours consécutifs aux accidents survenus lors de pratiques sportives ou de loisirs. Le seul cas particulier est celui de la spéléologie, mission assumée au plan national par une association spécialisée dénommée spéléo secours, renforcée par les services de l'Etat - les CRS et les gendarmes - et les sapeurs-pompiers.
Mais, même dans ce cas, les communes n'ont à leur charge que certains frais de logistique qui ne sont pas directement des frais de secours ou des frais liés, mais de manière très exceptionnelle, à des réquisitions d'entreprises privées.
De la même manière, l'exemple de la facture de l'hélicoptère privé réquisitionné par la direction des secours au profit de la commune de Pralognan et payée par celle-ci, n'apparaît pas comme un argument déterminant. En effet, la commune a réclamé, comme la loi le permet, le remboursement de cette dépense aux trois personnes secourues qui pratiquaient du ski alpin de randonnée et l'a obtenu.
On pourrait d'ailleurs ajouter que ces activités de loisirs sont aussi des vecteurs économiques très forts pour ces communes et que leur faible implication financière dans les secours d'urgence peut être considérée comme une contrepartie des intérêts qu'elles retirent de ces activités. Mais il est vrai que la spéléologie est peut-être un cas particulier et que je visais surtout les activités en montagne.
Mais cette proposition de loi présente d'autres inconvénients.
Tout d'abord, elle instaurerait une inégalité des citoyens devant le service public de secours s'il devenait payant - ce qui ne nous est pas proposé - car le montant moyen des remboursements risque d'être très élevé. Mais, surtout, elle pourrait concerner toutes les activités sportives et de loisirs, y compris pour les personnes les plus modestes qui, en tant que contribuables, participent déjà au financement des services publics, nationaux ou locaux.
Ces dispositions entraîneraient également la quasi-obligation pour l'Etat d'appliquer les dispositions de l'article 13 de la loi du 22 juillet 1987. De ce fait, les communes devraient rembourser les frais engagés pour les moyens mis à leur disposition pour les secours spécialisés, ce qui ne pourrait pas être sans incidences sur d'autres types de secours, je pense notamment aux interventions sur les feux de forêts.
Troisième inconvénient : les charges administratives seraient accrues pour les communes et l'Etat, puisqu'il faudrait organiser le recouvrement des factures et gérer de nombreux contentieux liés aux étrangers, aux personnes non solvables, aux contestations des sommes, notamment.
En outre, devenant une activité rémunérée ou compensée, avec obligation de résultats, l'éthique qui sous-tend toutes les missions de secours risque de disparaître infailliblement au profit d'une action de nature lucrative.
Les impacts sociaux et économiques d'un tel projet seraient tels qu'une large consultation de toutes les parties prenantes serait indispensable afin de dégager soit un accord consensuel, soit une opposition justifiée.
Enfin, je voudrais dire qu'il y a des risques de déséquilibre, puisque la France a signé, en 1910, la convention de Bruxelles qui rend obligatoire la gratuité totale des secours en mer. Ce serait donc un affichage très fort, et sans doute malheureux, de la différence de traitement entre deux secteurs de forte activité sportive et de loisir.
La spéléologie est un cas particulier, puisque cette activité regroupe des personnes qui sont a priori plutôt initiées et organisées. Il est probable qu'il suffirait d'inciter la fédération concernée à veiller à ce que ses adhérents soient bien assurés.
L'objectif principal de M. Faure est de faire en sorte que des personnes au comportement manifestement imprudent lors d'une pratique sportive ou de loisir ne puissent bénéficier des mêmes prestations gratuites de secours que l'usager respectueux des règles qui a un comportement responsable par rapport aux normes édictées par les autorités publiques.
Une solution de remplacement possible à l'élargissement de l'exception à la gratuité des secours est d'abord de continuer l'effort de prévention mis en place par les services publics. Je pense aux campagnes de sécurité en montagne placées sous l'égide du Conseil supérieur des sports de montagne et aux campagnes de sécurité des baignades, cela en accord avec le monde sportif, les professionnels, les élus et les usagers. Peut-être aussi faudrait-il ajouter les assureurs.
J'observe aussi, mais sans vouloir polémiquer inutilement, car le sujet est sérieux, qu'on ne peut que relever une contradiction forte de la part des collectivités, qui demandent la responsabilisation des usagers, alors que - c'était au début de cette année - elles rejetaient en bloc l'idée même d'une réglementation de l'accès à la montagne !
Par ailleurs, il n'est pas impossible de réfléchir à une éventuelle solution législative - il sera, certes, difficile d'en déterminer les contours - orientée vers des actions pénales pour les imprudences commises lors de la pratique d'activités sportives ou de loisirs.
En résumé, s'il apparaît utile que ce débat ait lieu, car les conséquences de comportements parfois « légers » ou imprudents de quelques personnes peuvent être très lourdes pour la collectivité, il n'est pas sûr qu'une mesure législative aussi radicale et aussi globale permette réellement de régler la question sans créer de graves difficultés. Il faut par conséquent les apprécier avant d'aller plus avant dans une telle réforme. C'est ce que le Gouvernement propose à la sagesse du Sénat.
J'ajoute un élément à l'attention de M. le rapporteur. Effectivement, répondant à la question d'actualité de M. Charles le 7 décembre dernier, le ministre de l'intérieur indiquait qu'il n'était pas opposé à la mise en discussion de ce thème, d'autant que, disait-il à l'époque, « je crois savoir que la Haute Assemblée a prévu de l'aborder bientôt. »
C'est chose faite aujourd'hui, et le ministre chargé des relations avec le Parlement sera, je crois, attentif à votre demande de débat à l'Assemblée nationale sur ce sujet difficile en raison des principes fondamentaux - j'évoquais celui de la gratuité des secours, celui de la liberté d'exercice de certaines activités - des grands risques et des frais importants qu'il vise.
Dans ce domaine, la proposition de loi de M. Jean Faure a le mérite d'inciter à la réflexion, mais je tenais à marquer les réserves du Gouvernement quant à la solution qui est avancée.
M. le président. La parole est à M. Faure.
M. Jean Faure. Monsieur le secrétaire d'Etat, en vous écoutant, je m'interrogeais : l'homme de terrain que je côtoie dans ma région est-il devenu un bureaucrate uniquement préoccupé par ses analyses ?
M. Jean-Claude Carle. C'est un dédoublement de personnalité !
M. Jean Faure. On ne peut pas dire qu'une commune rurale « bénéficie » des secours. Un tel vocabulaire me paraît déjà presque relever de la provocation. Il serait plus juste de dire qu'elle les supporte. Si l'Etat condescend à ne pas présenter la facture, cela relève de sa libre appréciation. Mais s'il est vraiment désireux d'affirmer la gratuité des secours, il convient de supprimer la disposition législative qui lui permet de se faire rembourser. Sinon, c'est la gratuité sous conditions !
Avant de revenir sur ce que vous avez dit, je ferai une observation préalable.
De plus en plus fréquemment, les secours dont les communes sont amenées à supporter la charge financière sont des secours organisés en vue de retrouver des personnes en difficulté, et il ne s'agit pas là d'opérations exceptionnelles. Vous n'avez cité, monsieur le secrétaire d'Etat, que des cas exceptionnels, ceux qui sont rapportés dans les médias et qui mobilisent l'opinion publique. Mais vous dont la commune est située près des Alpes, près de grands espaces de loisirs, vous savez très bien que ce ne sont pas les cas exceptionnels, mais les milliers de petits cas discrets, qui ne sont jamais repris dans les médias, qui ne sont pas comptabilisés dans les statistiques, qui ne sont pas des cas mortels, qui obligent les communes à organiser des secours.
Le cas le plus fréquent est celui du promeneur qui, vers dix-huit heures, est perdu. Il a peur de passer la nuit dehors, il est angoissé, il a froid, alors il utilise son portable pour appeler. On déclenche aussitôt les secours. Bien sûr, les médias n'en font pas état parce que ce n'est pas spectaculaire et que l'intéressé est retrouvé entre vingt-deux heures et vingt-trois heures.
Mais ce sont tous les bénévoles de la commune, et non les services publics, comme vous l'avez dit, qui abandonnent leur boulot, les pisteurs, les secouristes, les moniteurs de ski, les commerçants et les pompiers bénévoles qui se mobilisent dès le déclenchement de l'opération. On ne peut pas dire que des sommes colossales sont en jeu. Il n'en reste pas moins que la mobilisation est quotidienne dans les stations et dans les communes. Rien pourtant n'est comptabilisé.
Actuellement, les gens sont fatigués, car ce n'est pas un service public qui accomplit ce travail-là, ce sont les organisations locales.
Seuls les sauvetages périlleux défraient la chronique, et c'est sur ces sauvetages que je me suis appuyé pour déposer ma proposition de loi car, bien entendu, sur des sauvetages opérés dans l'indifférence générale, personne n'aurait retenu ce texte !
Vous avez rappelé la situation quelque peu caricaturale de la Vanoise. Je partage votre analyse, qui est exacte. Le cas d'Engins est beaucoup moins caricatural. La spéléologie est un domaine vraiment à part, j'en conviens. Ceux qui pratiquent ce sport sont pour la plupart compétents et capables d'organiser eux-mêmes leurs propres secours. Il n'empêche que les secours ont coûté 1 million de francs et que la commune d'Engins, qui compte 300 habitants et dont le budget s'élève à 900 000 francs, a dû avancer 300 000 francs ! Il n'y a pas de problème, c'est le conseil général qui a payé, nous dit-on. Mais cela ne relève pas de ses compétences ! Il l'a fait parce que la commune était en difficulté.
M. Charles Descours. Le conseil général est excellent ! (Sourires.)
M. Jean Faure. Il ne faut pas considérer que c'est normal.
S'agissant du cas de Gramat, on attend de connaître le montant des secours pour voir comment les choses vont se passer.
Cette hypothèse d'école est intéressante. Malheureusement, on focalise toujours l'attention sur ces opérations un peu trop spectaculaires.
La difficulté est la même pour les communes du littoral. Notre collègue Christian Bonnet a rappelé, au mois d'octobre dernier, à l'occasion d'une question orale, l'augmentation du nombre d'interventions qui ont lieu en mer pour porter secours à des personnes imprudentes ou négligentes, et qui ont pour corollaire des coûts élevés partagés par les collectivités.
Rappelons qu'il s'agit non pas des 600 morts auxquels vous avez fait allusion, mais de milliers de petites interventions destinées, sur l'initiative des maires, à aller chercher, par exemple, un véliplanchiste qui dérive et qui risque de s'écraser sur les rochers. Celui qui est ainsi ramené, au mieux, remercie les sauveteurs, au pire les « engueule » car sa planche à voile a été rayée sur les galets quand on l'a hissée sur la plage ! Ce n'est malheureusement pas une caricature. Ce cas m'a été rapporté à plusieurs reprises !
Les personnes imprudentes qui prennent des risques ne mesurent pas, souvent, toutes les conséquences de leur comportement. Ce sont, par exemple, des citadins qui appréhendent mal les données météorologiques, ou des amateurs qui ne maîtrisent pas suffisamment le sport qu'ils pratiquent. On exige toujours plus de rapidité de la part des sauveteurs, qui sont très dévoués et qui disposent de moyens de secours de plus en plus sophistiqués, sans tenir compte des autres impératifs qui leur incombent et des dangers qu'ils encourent.
Je vous ai également entretenu des nouvelles technologies qui permettent effectivement de pratiquer des évacuations de confort.
Les maires réagissent en prenant des arrêtés qui réglementent, voire interdisent telle ou telle pratique, ce qui va exactement dans le sens inverse de ce que vous et moi souhaitons, à savoir la liberté de pratiquer une activité et d'aller où l'on veut, quand on veut, à condition toutefois, bien entendu, de respecter un minimum de précautions.
A cette fin, il faut améliorer la formation et l'information. Chaque personne doit prendre conscience qu'elle engage sa vie et celle des autres, sans compter des moyens, parfois considérables, dont le coût sera supporté non par l'intéressé, mais par la commune.
Certes, les contrevenants encourent certaines peines. C'est ainsi que l'article R. 610-5 du code pénal prévoit une amende maximale de 250 francs et que le fait d'exposer autrui à un risque immédiat de mort, de mutilation ou d'infirmité est passible d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 100 000 francs.
Un procureur que je ne citerai pas a envoyé une circulaire à tous les maires de son ressort pour les inviter à prendre des arrêtés qui lui permettraient de poursuivre les contrevenants en justice et de les faire payer.
Certes, on n'en est pas là, et c'est précisement pour éviter ces démarches contradictoires et non coordonnées que j'ai déposé cette proposition de loi.
Ces démarches sont, de plus, à l'origine d'inégalités, puisqu'une activité peut être ainsi permise dans une commune et interdite dans une autre, parce que le maire est plus, ici que là, sensibilisé par ce problème !
Dans mon département, le maire d'une commune a pris un arrêté interdisant la pratique d'une activité hors piste. Sur les 25 000 hectares de sa commune, 24 600 sont ainsi interdits d'accès. C'est grotesque !
Ces méthodes ne sont pas les bonnes. Il convient de responsabiliser les gens et de leur dire que les frais de secours supportés par les communes peuvent atteindre plusieurs millions de francs.
De plus, il n'y a pas de commune mesure entre la responsabilité des uns et celle des autres.
Vous avez parlé d'inégalité entre les citoyens, mais la plus grande inégalité, c'est celle qui existe entre les communes ! Dans une commune dont la superficie est relativement modeste et dont le terrain présente des risques limités, vous disposez de secours efficaces pour desservir vos contribuables, mais la commune de Saint-Christophe-en-Oisans, dont la superficie est de 40 000 hectares et dont le terrain est fréquenté par des centaines de milliers de randonneurs, ne compte que 80 habitants pour faire face aux frais de secours ! L'inégalité réside bien là et non dans les traitements aux bénéficiaires des secours.
Il convient aujourd'hui de réfléchir à ce problème. Je ne prétend pas que ma proposition de loi est la meilleure. Mais qu'on me propose autre chose et qu'on ne me réponde pas qu'il n'y a pas de problème, que l'Etat veille et que les gens peuvent partir tranquilles puisqu'on ira de toute façon les chercher en cas de difficulté !
Je ne remets nullement en cause le droit au secours, qui est sacré et qu'il convient de respecter. Mais il faut quand même que les gens réfléchissent avant de partir et qu'ils prennent leurs dispositions !
Sans revenir sur ce qu'a excellemment dit M. le rapporteur - il a fait plus qu'un travail d'analyse, il a amélioré le texte en le rendant plus applicable et plus souple pour tous - je rappelle qu'à l'époque où la gratuité des secours a été affirmée par ordonnance royale, voilà maintenant 266 ans - combien y avait-il alors de randonneurs, de promeneurs dans des zones perdues ?... - il s'agissait simplement de faire face à des incendies. En effet, quand une maison de bois brûlait, la personne qui l'habitait n'avait pas les moyens de payer les secours pour éteindre l'incendie. Plutôt que de laisser brûler la maison et de prendre le risque que le feu s'étende à l'ensemble du village, le feu prenant vite des proportions irréversibles, l'ordonnance royale a donc affirmé la gratuité des secours !
Aujourd'hui, tout a changé : les sports à risque se développent, du fait d'un engouement pour les défis que l'on se lance soi-même, pour des gageures qui sont amplifiées par les médias. Tout cela donne d'ailleurs une image sympathique des sportifs et des jeunes qui pratiquent certains loisirs. Cette liberté doit, bien sûr, être respectée, je l'ai déjà dit, mais il convient de l'encadrer par la responsabilité.
Les communes ont été incitées par le ministre de l'intérieur, pour qu'elles ne soient pas trop systématiquement amenées à supporter des dépenses de sauvetage, à prévoir des règles de sécurité et à veiller à leur application. Mais cette démarche s'est accompagnée de demandes automatiques de remboursement par les compagnies d'assurance.
S'agissant de ces dernières, qui font un travail que je respecte, je rappelle qu'elles se voient infliger une taxe qui rapporte plusieurs milliards de francs à l'Etat : les estimations font état d'environ 35 milliards de francs. En regard de cette recette, à combien se montent les dépenses que l'Etat engage au titre de ces secours ? Selon les chiffres qui me sont communiqués, il s'agit d'environ 300 millions de francs ! (M. Descours rit.)
Puisque la gratuité des secours est affirmée par l'Etat, il doit débloquer les moyens de mettre réellement en oeuvre ! Et si l'Etat n'entend pas payer plus qu'il ne le fait aujourd'hui, il convient de donner aux collectivités le pouvoir de faire appel à une participation générale.
L'Etat participe. Très bien ! Les départements participent, à travers les SDIS. Très bien ! Les communes participeront puisque, dans la présente proposition de loi, il est prévu qu'elles peuvent - c'est laissé à la libre appréciation du conseil municipal - demander une participation : les termes sont tout de même très pesés !
Le conseil municipal décide au cas par cas, en fonction de la capacité de la commune de faire face à ces charges et en fonction de la situation de la personne. Je ne vois pas un élu responsable chercher à taxer à tout prix une personne qui n'aura pas commis de graves imprudences et dont la conduite n'aura pas forcément entraîné de très grosses dépenses.
Evidemment, vous pourriez dire que le conseil municipal se substitue, en quelque sorte, au juge. En l'occurrence, il ne s'agit pas d'une sanction pénale : c'est seulement une appréciation du remboursement de frais engagés par le contribuable, et je pense qu'un conseil municipal est à même de se livrer à une telle appréciation.
Lorsque, en 1984, le Parlement, Sénat et Assemblée nationale confondus, a voté à l'unanimité la possibilité pour les communes de se faire rembourser les frais de secours, il n'y avait pas, de la part du législateur, d'atteinte à la liberté ; il était hors de question de porter préjudice à qui que ce soit ou de permettre que des injustices soient commises.
La réglementation a limité au ski de fond, qui rapporte de l'argent, et au ski de piste, qui rapporte également de l'argent, la possibilité pour les communes de se faire rembourser.
En fait, ça ne résout rien !
Je donnerai l'exemple de ma commune. Son territoire s'étend sur 5 000 hectares : sur 300 d'entre eux, elle peut se faire rembourser les frais engagés, mais pour ce qui est des 4 700 restants, elle doit les assumer seule, parce qu'il est rare qu'il soit fait appel aux grands secours pour venir en aide à de simples promeneurs, aussi nombreux soient-ils.
Il y a tout de même là un problème qui mérite qu'on y réfléchisse ! Si vous n'approuvez pas ma proposition de loi, vous pouvez au moins être d'accord sur mon analyse. Dès lors, vous ne pouvez pas vous contenter de dire : « Tout va bien, vous pouvez aller où vous voulez. De toute façon, on ira vous chercher. En prime, cela ne vous coûtera rien et, éventuellement, vous pourrez même commercialiser vos impressions auprès des grands médias ! »
Je demande donc à la Haute Assemblée, dans sa grande sagesse, de suivre la proposition de M. le rapporteur, qui a très bien expliqué la situation. Ses propos ont été mesurés. Cette proposition de loi n'aura de conséquence négative pour personne.
Sans prolonger davantage mon propos, j'en appelle à mes collègues socialistes et communistes, qui ont voté la proposition de loi en 1984, et qui étaient alors bien d'accord avec moi. Et M. René Souchon, qui était au banc du Gouvernement, avait estimé que c'était une bonne solution. Aujourd'hui, quinze ans après, on a l'impression qu'on ne voit plus du tout les choses de la même façon...
M. Charles Descours. Bercy est passé par là !
M. Jean Faure. ... et que l'impératif est de rester dans la situation confortable de la gratuité.
Ma conviction est qu'il faut trouver une solution adaptée à l'évolution de la société. Le principe de la gratuité des secours a été posé au xviiie siècle et, depuis, les données ont changé ! La civilisation des loisirs se développe, et cette tendance ne va pas s'inverser avec la réduction du temps de travail. Si l'on ne fait rien, les maires vont multiplier les réglementations restrictives par le biais d'arrêtés.
Vous avez cité l'exemple du gouffre Berger. Je vous confirme que le maire d'Engins en a interdit l'accès. Il l'a certes fait par provocation mais aussi parce qu'il n'a pas d'autre moyen, dans la mesure où il ne peut pas se faire rembourser les frais de secours ni réglementer l'entrée du gouffre. Je ne dis pas qu'il a raison sur le fond mais, sur la forme, je comprends sa démarche.
J'espère donc que ma proposition recueillera non seulement l'adhésion du Sénat, mais également celle du Gouvernement.
Je note avec satisfaction la position du ministre de l'intérieur qui, répondant tout récemment à une question d'un député, a ouvert une porte en déclarant que rien n'empêchait l'Assemblée nationale et le Sénat de réfléchir sur ce thème et de formuler des propositions. C'est ce que nous faisons aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, et j'espère vous avoir convaincu. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer l'initiative de notre collègue Jean Faure, qui est à l'origine de la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui, ainsi que le travail du rapporteur, Jean-Paul Amoudry, qui a longuement entendu les différentes parties concernées, qu'il s'agisse des élus ou des secouristes.
Je me réjouis de cette initiative, d'autant que j'ai eu l'occasion de défendre un amendement allant dans le même sens, au sujet des secours en montagne, lors du débat sur les services d'incendie et de secours, le 26 mars 1996, amendement qui visait à élargir la liste des pratiques sportives dites « à risque ».
J'avais alors constaté combien il est difficile de dégager une ligne commune, tant les pratiques et les problèmes rencontrés varient d'un massif à l'autre.
Quelle question devons-nous résoudre ? Il s'agit de trouver l'équilibre entre la liberté et la responsabilité, entre les droits et les devoirs de chacun. Tout le mérite de la présente proposition de loi est précisément de prévoir un dispositif qui respecte cet équilibre.
Je le constate en Haute-Savoie : l'apparition et la démocratisation de nouvelles pratiques sportives ou de loisirs ont entraîné de nouveaux besoins en matière d'information et de sécurité, en particulier dans les sites touristiques à forte fréquentation. Par là même, nous sommes confrontés à un paradoxe.
D'un côté, la montagne, tout comme la mer, représente un espace de liberté et doit le rester. Il serait donc regrettable de trop encadrer et de normaliser les activités sportives et touristiques.
De l'autre côté, nous devons donc avoir à l'esprit la responsabilisation et la protection de la majorité face à des comportements parfois inciviques et dangereux, mais qui demeurent minoritaires.
Qu'un touriste, un pratiquant ou un simple promeneur mette sa propre sécurité en danger relève de sa responsabilité. Que son imprudence, consciente ou non, conduise à mettre en cause la sécurité des autres, y compris celle des secouristes, pose un problème d'une tout autre nature.
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen nous le rappelle : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. »
Gardons-nous, cependant, de tout catastrophisme et de tout amalgame.
Depuis les skieurs qui s'aventurent imprudemment dans un couloir d'avalanche jusqu'aux familles entières - j'en ai vu - qui s'aventurent en short et baskets sur les glaciers, il y a toute une palette de situations. La prise de risque et la responsabilité engagée ne sont pas toujours les mêmes. Et je ne parle pas de ceux qui, après avoir mis en danger la vie des secouristes, monnaient leur aventure auprès des médias, ce qui est proprement scandaleux.
En mars dernier, notre collègue James Bordas l'avait parfaitement rappelé : « Il convient de placer les amateurs d'émotions fortes face à leurs responsabilités afin de mettre un terme à ces agissements inconscients qui ont, par ailleurs, des conséquences de plus en plus lourdes pour le budget des collectivités. »
De fait, la prolifération des moyens de communication, et en particulier des téléphones portables, laisse croire à certains que toutes les pratiques sont sans danger parce qu'ils ont le sentiment - comme l'a dit le président Faure - que les secours arriveront à temps et qu'ils seront, bien entendu, sauvés.
Or, à ce jour, dans notre législation, en dehors du ski, ski alpin ou ski de fond, la gratuité des secours impose souvent aux collectivités territoriales, notamment aux petites communes, des engagements financiers, humains et techniques fort lourds, parfois sans commune mesure avec leur budget.
Pour mémoire, dans le Lot, le coût de la récente opération de secours aux spéléologues a dépassé 5 millions de francs ; et encore, s'agissait-il de pratiquants chevronnés et bien préparés.
Il est donc nécessaire de responsabiliser, sans pour autant remettre en cause l'égal accès au secours, quelle que soit l'origine ou la position sociale des personnes concernées.
La solution se trouve dans les dispositions de la proposition de loi qui nous est soumise. Elle tient en deux priorités : informer et responsabiliser.
Il est en effet proposé d'offrir aux communes la possibilité de se faire « payer », en partie ou en totalité, les frais induits par les secours. En contrepartie, les communes devront faire un effort d'information, ce qui s'inscrit aussi dans cette perspective de responsabilisation. C'est tout l'intérêt de ce texte que de placer justement le curseur entre responsabilité et liberté tant pour l'individu que pour les personnes morales.
Dans un contexte de déresponsabilisation générale, ce texte est novateur : il permet de servir d'exemple dans beaucoup d'autres domaines, à l'heure où de plus en plus nombreux sont ceux qui estiment n'avoir que des droits sans se soucier de leurs devoirs, tout en évitant aux communes d'assumer des contraintes insurmontables.
Pour conclure, je dirai qu'il est difficile, nous le savons bien, de trouver un juste équilibre entre liberté et responsabilité. La loi ne pourra pas, à elle seule, mettre fin à des comportements inconscients ou irresponsables. La solution proposée à travers le présent texte est pragmatique et de bon sens. Elle marque un nouveau progrès dans le respect de l'intérêt général. Le groupe des Républicains et Indépendants votera donc ce texte. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Rinchet.
M. Charles Descours. C'est la solidarité de massif, à défaut de la solidarité de groupe ! (Sourires.)
M. Roger Rinchet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi qui est soumise aujourd'hui à notre examen intéresse bien entendu au plus haut point l'élu de haute montagne que je suis. Au demeurant, elle intéresse tout autant l'ensemble des sénatrices et sénateurs qui représentent non seulement la montagne mais également les espaces naturels de plaine et de bord de mer.
La montagne fut pendant très longtemps fréquentée uniquement par les autochtones. Il y avait entre les montagnards et leur montagne une grande complicité, faite d'humilité, de respect, de sagesse, mais aussi d'une bonne connaissance des dangers et de beaucoup de courage.
Au début de ce siècle, quelques citadins ou gens de la plaine sont venus rejoindre le cercle encore fermé des gens de montagne. Puis, à partir du début de la deuxième moitié du xxe siècle, le nombre des pratiquants de la montagne a connu une progression exponentielle en raison du développement des loisirs. Leur accessibilité au plus grand nombre est devenu un phénomène de société, entraînant l'apparition de nouveaux besoins et de nouveaux moyens.
Il faut savoir, par exemple, que le nombre de nuitées touristiques en Savoie est passé de quelques dizaines de milliers d'unités en 1950 à près de 30 millions d'unités en 1998. Les élus de la montagne sont ravis d'un tel développement, mais ils le seraient davantage s'ils ne constataient pas - et tous les observateurs que nous sommes le constatent avec eux - un développement parallèle de visiteurs particulièrement inexpérimentés, insconscients et irresponsables, qui confondent trop souvent les immenses et difficiles espaces de haute montagne avec les pelouses des jardins publics de leur ville !
Combien a-t-on déjà dû secourir d'apprentis alpinistes sur les pistes des sommets de plus de 4 000 mètres dans des tenues vestimentaires faisant plus penser à des accoutrements simplifiés portés sur les plages de la Méditerranée qu'à une tenue réfléchie et sécurisante d'alpiniste ?
M. Jean-Claude Carle. Eh oui !
M. Roger Rinchet. N'a-t-on pas trouvé et secouru, il y a quelques années, sur l'un des accès au Mont-Blanc, un homme poussant sa bicyclette ? (Sourires.)
Toutes ces imprudences, toute cette irresponsabilité entraînent un nombre de drames qui va croissant - même si, en pourcentage, j'en conviens, il reste faible - et qui entraîne de plus en plus souvent des interventions longues, difficiles, périlleuses pour les sauveteurs, qui peuvent coûter très cher aux communes supports de ces drames et dont la presse ne se fait pas toujours l'écho.
En montagne, ces communes sont souvent très vastes mais peu peuplées, et leurs ressources sont donc très modestes.
Pour bien fixer les choses, sachez par exemple, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que Termignon, charmante petite station savoyarde, s'étend sur plus de 18 000 hectares - je crois qu'elle n'est battue que par Arles - ce qui représente presque le double de la superficie de Paris pour quelque quatre cents habitants, soit près de dix mille fois moins de population que notre capitale. On comprend alors aisément qu'il sera plus facile de retrouver des promeneurs égarés dans les jardins du Luxembourg ou du parc Montsouris que dans les immensités désertes du parc de la Vanoise, dont Termignon fait partie. (Sourires.)
Dans l'état actuel de la législation et malgré les avancées de la loi Besson, dite « loi montagne », trop de menaces pèsent sur les budgets des communes supports, d'autant que, chaque année, la montagne - ou la mer - inspire de nouveaux créateurs de loisirs ou d'activités : le parapente, le surf, la moto-neige, le ski acrobatique, le canoë, le kayak, le raft, la nage en eau vive, les via ferrata, maintenant... et ce n'est sûrement pas fini !
Il serait d'ailleurs intéressant pour le Sénat de connaître, monsieur le secrétaire d'Etat, le nombre de communes qui ont appliqué l'article 97 de la loi Besson du 9 janvier 1985 et, si possible, le nombre de secours qui ont donné lieu à remboursement, total ou partiel, et les montants ainsi encaissés par les communes.
Face à cette situation, nous avons, au sein du groupe socialiste, essayé de réfléchir aux voies et moyens à mettre en oeuvre pour réduire ces menaces, en tenant compte du respect de la liberté, que l'on doit à chacun, de pratiquer le sport ou l'activité de loisir de son choix et du principe de la gratuité des secours, qui doivent rester un service public.
Nous avons pensé qu'il conviendrait peut-être de convaincre avant de contraindre. C'est pourquoi nous proposons diverses pistes de réflexion.
Nous souhaitons, tout d'abord, qu'une information du grand public soit menée sur les dangers potentiels et sur ce que ces dangers peuvent coûter. Cette information pourrait être développée non seulement sur les lieux où il y a risque, ce qui est généralement fait, mais aussi, grâce aux grands médias, partout en France, en amont de l'événement, avant le départ sur les lieux de loisirs ; après, c'est trop tard, me semble-t-il.
Par ailleurs, nous souhaitons vivement qu'une table ronde puisse être organisée, sur l'initiative des services du ministère de l'intérieur, table ronde autour de laquelle se retrouveraient, outre les services du ministère, les élus concernés, les associations de loisirs en montagne, les professionnels de la montagne - les guides, les moniteurs, etc. - les assurances, les magistrats, les services de secours et de la protection civile, en un mot tous ceux qui, de près ou de loin, ont la volonté et le devoir d'organiser une partie de la vie de nos concitoyens qui, au xxie siècle, va connaître un fantastique développement : l'organisation des loisirs dans des secteurs à risques sur l'ensemble de notre territoire.
Nous souhaitons en particulier, sachant que le risque zéro n'existe pas, mutualiser les risques et nous nous posons la question de savoir si ce genre de risque ne pourrait pas être totalement être pris en charge dans le cadre de la départementalisation des services de secours et d'incendie. (M. le secrétaire d'Etat opine.)
Ne serait-il pas possible de fixer par décret le seuil au-dessus duquel la solidarité nationale doit commencer à jouer ? Nous pourrions, en particulier, imaginer un pourcentage du budget de fonctionnement au-dessus duquel il n'est plus possible de demander d'effort à la commune, sauf à mettre cette dernière en grave difficulté ou à demander au ministre de l'intérieur une aide exceptionnelle.
Il arrive très souvent que les personnes à secourir soient à la charge de communes qui ne tirent aucun profit du tourisme. Les imprudents partent, en effet, de la station où ils sont hébergés pour aller se perdre dans une commune voisine sans ressources.
Nous nous sommes également posé la question de savoir si les secours payants n'entraîneront pas, dans l'esprit du public, dont la culture est de plus en plus inspirée par le donnant-donnant, une plus grande exigence dans le niveau des secours, une réflexion du genre : « Puisque nous payons, nous pouvons prendre plus de liberté avec les règles ou les règlements. » C'est un risque dans une société qui devient de plus en plus une société de consommation.
La proposition de loi de notre collègue Jean Faure, rapportée par Jean-Paul Amoudry, a l'énorme mérite de très bien poser un vrai problème, mais nous craignons que toutes les solutions à y apporter n'aient pas été suffisamment évoquées et étudiées.
Il conviendra, en particulier, de fixer la conduite à tenir pour les cas de personnes secourues à grands frais et qui, malheureusement, n'étaient pas assurées s'il est décidé que l'assurance est obligatoire.
La montagne est un vaste espace, ouvert à tous, sans porte d'entrée où tout pourrait être vérifié et il restera toujours des cas qui échappent à toute règle que l'on pourrait raisonnablement imaginer et qu'humainement il faudra traiter sans regret.
Ce sont toutes ces questions qui ont guidé notre choix d'une abstention dans ce vote.
M. Charles Descours. Abstention positive, bien sûr ?
M. Roger Rinchet. Si vous voulez !
Cette abstention du groupe socialiste doit être considérée comme un encouragement pour le Gouvernement, d'une part, et le Parlement, d'autre part. Je souhaite, dans ce cas, que le Sénat joue pleinement son rôle et puisse, dans les mois à venir, trouver un terrain d'entente et ainsi mettre un frein au trop d'irresponsabilité de certains, qui peuvent entraîner des catastrophes dont souvent ils n'imaginent pas les conséquences lourdes pour les uns et pour les autres.
Personnellement, je suis directement en contact avec les situations difficiles auxquelles sont confrontées beaucoup de communes de montagne en matière de secours. Conscient de l'urgence de la nécessité d'associer en permanence, dans le monde de demain, liberté et responsabilité, je ne résiste pas à la tentation de rappeler une belle phrase de François Mitterrand, qui écrivait, dans son ouvrage La paille et le grain : « La responsabilité est la forme supérieure de la liberté. »
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Très bien !
M. Roger Rinchet. A titre personnel, je voterai le texte tel qu'il nous est présenté, même s'il est imparfait - ou parce qu'il est imparfait - en espérant qu'il sera le point de départ d'un large débat entre toutes les parties prenantes de ce phénomène heureux et prometteur qu'est le libre accès aux loisirs pour tous, dans le respect de tous ceux qui en sont les acteurs. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans ses conclusions sur la proposition de loi de M. Faure, la commission des lois nous demande d'approuver ladite proposition de loi qui autorise les communes à demander une participation financière aux personnes secourues à l'occasion de toute activité sportive ou de loisir.
Ce débat a été fortement relancé voilà maintenant trois semaines avec les opérations de secours des Vitarelles où sept spéléologues ont été coincés, durant neuf jours, dans un gouffre, à la suite des pluies diluviennes qui se sont abattues dans le Sud-Ouest.
Pour M. Jean-Pierre Labro, président du conseil d'administration des services départementaux d'incendie et de secours du Lot, la note s'élèverait à près de 5 millions de francs.
Logiquement, c'est au SDIS, et par conséquent aux collectivités locales, de payer les frais engagés. Au regard de l'évolution des dépenses depuis l'entrée en vigueur de la loi du 3 mai 1996, on peut fort bien comprendre que certaines personnes soulèvent, une nouvelle fois, le problème de la gratuité des secours, principe qui trouve son origine en droit français dans une ordonnance du 11 mars 1733.
En février dernier, ce principe avait déjà été contesté, à la suite du sauvetage de trois randonneurs dans le massif de la Vanoise. En plus d'avoir fait preuve d'imprudence, ces derniers avaient frôlé l'insolence en vendant l'exclusivité de leur récit à un journal à sensation. Cela avait d'ailleurs créé une vive émotion chez les sauveteurs et soulevé la colère du maire de Pralognan, qui a demandé aux rescapés le remboursement du coût des secours incombant à sa commune, soit 150 000 francs.
Cet épisode, notamment, a motivé notre collègue Jean Faure, maire d'une commune du Vercors, à déposer la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. Nous comprenons son mécontentement, mais nous ne pouvons le suivre. En effet, les dispositions qu'il propose rompent avec le principe de gratuité des secours : celui-ci ne revêt plus, selon le rapport de la commission des lois, un caractère absolu ; de nombreuses exceptions existent déjà et il est temps de les étendre à toutes les activités sportives.
Cette proposition de loi est loin de faire l'unanimité chez les maires de montagne et les spécialistes, comme la Compagnie des guides de Chamonix, la refusent au nom de « l'esprit montagne » : la montagne doit rester un espace de liberté.
Le principe de gratuité des secours en montagne et, plus généralement, pour toutes les personnes en difficulté dans des sports de plein air, doit être maintenu pour des raisons d'égalité et d'ordre public, afin d'éviter que les victimes n'omettent de solliciter les secours pour des raisons financières.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, déclarait, au mois de mars dernier, que « le service public de secours devait être maintenu, c'est-à-dire qu'il faut que toute personne puisse être secourue, sans que les problèmes financiers viennent s'en mêler ».
M. Lionel Jospin a également défendu « le principe de gratuité des secours en montagne et la liberté de la pratique sportive, dont la remise en cause est une question d'éthique pour les montagnards et d'égalité pour les citoyens ».
Vous aurez donc compris, mon cher collègue, que l'esprit général de votre proposition de loi ne nous convient pas, même si nous adhérons tout à fait aux propos que vous avez tenus s'agissant du constat. Pour notre part, nous préconisons la prévention. Les programmes de prévention des risques se révèlent en effet bien plus efficaces qu'un mécanisme répressif. Je rejoins là notre collègue qui vient de rappeler un certain nombre de points à cet égard.
Il faut donc continuer à favoriser l'éducation du public, à informer, à responsabiliser. Tel est le sens, bien entendu, des déclarations du Premier ministre, qui propose la création d'un fonds neige qui instaurerait une péréquation entre les stations.
L'autre motif qui amène les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen à rejeter la proposition de loi est qu'il existe déjà des mécanismes qui permettent aux secours de se retourner contre les sportifs imprudents.
En effet, le dispositif pénal existant permet aux victimes, ainsi qu'aux autorités publiques concernées, d'engager des actions de recherche en responsabilité pénale pour les pratiquants d'activités sportives.
En témoigne d'ailleurs le cas de Pralognan-la-Vanoise, dont la municipalité a obtenu le remboursement des frais par les assurances des trois randonneurs.
Pour toutes ces raisons, mon cher collègue, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne voteront pas votre proposition de loi, tout en comprenant les motivations qui vous inspirent.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion généale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.

Article unique