Séance du 16 décembre 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Candidatures à une commission mixte paritaire
(p.
1
).
3.
Remboursement des frais de secours.
- Adoption des conclusions du rapport d'une commission (p.
2
).
Discussion générale : MM. Jean-Paul Amoudry, rapporteur de la commission des
lois ; Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; Jean Faure,
Jean-Claude Carle, Roger Rinchet, Thierry Foucaud.
Clôture de la discussion générale.
Article unique (p. 3 )
MM. Jean Faure, le secrétaire d'Etat, Charles Descours, Nicolas About.
Adoption des conclusions du rapport de la commission.
4.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
4
).
5.
Acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant
dans l'armée française.
- Adoption d'une proposition de loi (p.
5
).
Discussion générale : MM. Alex Türk, rapporteur de la commission des lois ;
Jean-François Picheral, Serge Vinçon, Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à
la défense chargé des anciens combattants.
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er à 3. - Adoption (p.
6
)
Vote sur l'ensemble (p.
7
)
M. Hubert Durand-Chastel.
Adoption de la proposition de loi.
6.
Dispositif pénal à l'encontre des sectes.
- Adoption des conclusions du rapport d'une commission (p.
8
).
Discussion générale : M. Nicolas About, rapporteur de la commission des lois ;
Mme Dinah Derycke, MM. Thierry Foucaud, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat
à l'outre-mer.
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er à 3. - Adoption (p.
9
)
Vote sur l'ensemble (p.
10
)
M. Serge Lagauche.
Adoption des conclusions du rapport de la commission.
MM. le président, le rapporteur.
Suspension et reprise de la séance (p. 11 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
7. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 12 ).
INTÉGRATION DE LA TURQUIE
DANS L'UNION EUROPÉENNE (p.
13
)
MM. Xavier de Villepin, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
AVENIR DE FRANCE TÉLÉCOM (p. 14 )
MM. Nicolas About, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
NAUFRAGE DU PÉTROLIER ÉRIKA (p. 15 )
M. François Autain, Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
STATISTIQUES DE LA DÉLINQUANCE (p. 16 )
MM. Jean-Paul Hugot, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
PILULE DU LENDEMAIN (p. 17 )
M. Bernard Joly, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
SITUATION DANS LES HÔPITAUX (p. 18 )
M. Thierry Foucaud, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
ATTITUDE DU MEDEF À L'ÉGARD
DU MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ (p.
19
)
M. Claude Estier, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
PILULE DU LENDEMAIN (p. 20 )
M. Charles Descours, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
PROJETS DE VILLE (p. 21 )
M. Jacques Mahéas, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
TABLE RONDE DE MATIGNON SUR LA CORSE (p. 22 )
MM. Bernard Fournier, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.
TRIBUNAUX DE COMMERCE (p. 23 )
MM. Jean-Jacques Hyest, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.
Suspension et reprise de la séance (p. 24 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
8.
Conférence des présidents
(p.
25
).
9.
Actionnariat salarié.
- Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission (p.
26
).
Discussion générale : MM. Jean Chérioux, rapporteur de la commission des
affaires sociales ; René Trégouët, rapporteur pour avis de la commission des
finances ; François Autain, Philippe François, Guy Fischer, Francis Grignon,
Jean Arthuis, Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes
entreprises, au commerce et à l'artisanat.
M. le rapporteur.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 27 )
MM. le rapporteur, Guy Fischer, Jean Arthuis.
Adoption de l'article.
Articles 2 à 4 (p. 28 )
M. le rapporteur.
Adoption des trois articles.
Article 5
Amendements n°s 5 à 7 de M. René Trégouët, rapporteur pour avis. - MM. le
rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Jean Arthuis.
- Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.
Articles 6 à 10 (p. 29 )
M. le rapporteur.
Adoption des cinq articles.
Article additionnel après l'article 10 (p. 30 )
Amendement n° 1 rectifié de Mme Annick Bocandé. - Mme Annick Bocandé, M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 11 (p. 31 )
MM. le rapporteur, Jean Arthuis.
Adoption de l'article.
Articles 12 à 14 (p. 32 )
M. le rapporteur.
Adoption des trois articles.
Articles 15 et 16. - Adoption (p.
33
)
Article additionnel après l'article 16 (p.
34
)
Amendement n° 4 de M. Alain Gournac. - MM. Lucien Neuwirth, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles 17 et 18 (p. 35 )
M. le rapporteur.
Adoption des deux articles.
Article 19. - Adoption (p.
36
)
Article 20 (p.
37
)
Amendement n° 2 de Mme Annick Bocandé. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 20 (p. 38 )
Amendement n° 3 de Mme Annick Bocandé. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 21 (p. 39 )
M. le rapporteur.
Adoption de l'article.
Division et articles additionnels après l'article 21 (p. 40 )
Amendement n° 8 de M. René Trégouët, rapporteur pour avis. - Réserve.
Amendement n° 9 de M. René Trégouët, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur
pour avis, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement
insérant un article additionnel.
Amendement n° 10 de M. René Trégouët, rapporteur pour avis. - M. le rapporteur
pour avis. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 11 de M. René Trégouët, rapporteur pour avis. - M. le rapporteur
pour avis, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un
article additionnel.
Amendement n° 12 de M. René Trégouët, rapporteur pour avis, et sous-amendement
n° 17 rectifié de M. Jean Arthuis - MM. le rapporteur pour avis, Jean Arthuis,
Mme le secrétaire d'Etat, M. le rapporteur. - Adoption du sous-amendement et de
l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Amendements n°s 13 et 14 de M. René Trégouët, rapporteur pour avis. - MM. le
rapporteur pour avis, Jean Arthuis. - Adoption des amendements insérant deux
articles additionnels.
Amendement n° 15 de M. René Trégouët, rapporteur pour avis. - M. le rapporteur
pour avis, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un
article additionnel.
Amendement n° 8
(précédemment réservé)
de M. René Trégouët, rapporteur
pour avis. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle et
son intitulé.
Article 22. - Adoption (p.
41
)
Intitulé (p.
42
)
M. Jean Arthuis.
Vote sur l'ensemble (p. 43 )
Mme Annick Bocandé, MM. Lucien Neuwirth, Emmanuel Hamel, Jean Arthuis, François
Autain, Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales.
Le président.
Adoption, par scrutin public, des conclusions modifiées du rapport de la
commission.
10.
Remplacement d'un sénateur démissionnaire
(p.
44
).
11.
Décision du Conseil constitutionnel
(p.
45
).
12.
Dépôt de projets de loi
(p.
46
).
13.
Dépôt de propositions de loi
(p.
47
).
14.
Transmission de propositions de loi
(p.
48
).
15.
Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
49
).
16.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
50
).
17.
Ordre du jour
(p.
51
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CANDIDATURES
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a
procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte
paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs
relations avec les administrations.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
3
REMBOURSEMENT DES FRAIS DE SECOURS
Adoption des conclusions du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 31,
1999-2000) de M. Paul Amoudry, fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale, sur la proposition de loi (n° 267, 1998-1999) de M.
Jean Faure visant à permettre aux communes d'exiger des intéressés le
remboursement des frais de secours qu'elles ont engagés à l'occasion
d'accidents consécutifs à la pratique d'une activité sportive ou de loisir.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition
de loi déposée par M. Jean Faure et adoptée par la commission des lois
s'inscrit dans un contexte de fait et de droit qu'il est nécessaire de rappeler
pour avoir une bonne compréhension des mesures qu'elle contient.
Quel est ce contexte ?
Les activités sportives et de loisirs connaissent depuis quelques décennies
une véritable explosion due tout à la fois à l'élévation du niveau de vie, à
l'accroissement du temps de loisirs, au développement technologique et à la
médiatisation des exercices sportifs les plus spectaculaires.
Ce phénomène de société a un revers : l'accroissement des risques pris et des
accidents. Il faut en effet déplorer, en moyenne, chaque année, cinq cents
décès par noyade et trois cents en montagne.
Autre conséquence de cette évolution : un accroissement comparable des
interventions de secours, au niveau aussi bien des moyens humains et techniques
que des coûts.
De récentes interventions de secours fortement médiatisées, en Vanoise, dans
le Lot et ailleurs, ont relancé le débat sur l'opportunité d'adopter des
mesures susceptibles d'accroître l'esprit de responsabilité de certains
sportifs, notamment en élargissant les cas dans lesquels les communes peuvent
demander aux personnes secourues le remboursement de tout ou partie des
dépenses qu'elles ont engagées.
Or, une telle faculté exige une modification du droit en vigueur.
En effet, la règle en la matière demeure la gratuité des secours, même si ce
principe souffre déjà plusieurs exceptions.
Le secours, en France, est en effet gratuit en vertu d'un principe datant de
bientôt trois siècles. C'est une ordonnance royale du 11 mars 1733 qui a
instauré ce principe de gratuité à une période où l'incendie constituait un
péril redoutable et où il importait, d'une part, d'éviter que les victimes
renoncent à solliciter les secours pour des raisons financières et, d'autre
part, en conséquence, de prévenir l'extension éventuelle d'un sinistre.
Ce principe de gratuité a ensuite été étendu progressivement par la
jurisprudence à toutes les opérations de secours.
Corollaire du pouvoir de police du maire, le secours doit être supporté par le
budget communal, dont il constitue une dépense obligatoire.
Or, l'apparition plus récente de risques nouveaux a mis certaines
collectivités, dépourvues de moyens matériels et financiers suffisants, dans
l'incapacité de faire face à des opérations de secours parfois lourdes.
C'est pourquoi, avant même la loi, la jurisprudence en matière de secours
contre l'incendie a assoupli ce principe de gratuité.
Par un arrêt du 5 décembre 1984, le Conseil d'Etat a décidé que « la commune
doit supporter la charge financière des interventions des sapeurs-pompiers,
dans la limite des besoins normaux de protection des personnes et des biens
auxquels la collectivité est tenue de pourvoir dans l'intérêt général.
Toutefois, la commune est fondée à poursuivre le remboursement des frais
exposés pour des prestations particulières qui ne relèvent pas de la nécessité
publique ».
Ce principe a été repris par la loi de 1996 sur les services départementaux
d'incendie et de secours, les SDIS, devenue l'article L. 1424-42 du code généal
des collectivités territoriales : les SDIS peuvent désormais demander aux
bénéficiaires une participation aux frais pour les interventions ne se
rattachant pas à leurs missions. Tel est, par exemple, le cas de la destruction
des nids de guêpes et du déblocage des portes d'ascenseur.
Avant même cette loi de 1996 sur les SDIS, le législateur avait prévu d'autres
exceptions au principe de la gratuité : la loi du 22 juillet 1987 sur la
sécurité civile permet ainsi aux personnes publiques de se constituer partie
civile en cas de poursuites judiciaires engagées pour incendie volontaire de
forêt ; la loi du 3 janvier 1992 reconnaît le même droit à ces personnes
intervenant pour prévenir ou limiter un danger pour la qualité de l'eau.
Enfin, l'exception sans doute la plus importante résulte de la loi du 9
janvier 1985, qui donne la faculté aux communes de réclamer aux bénéficiaires
de secours le remboursement des frais consécutifs à la pratique d'activités
sportives figurant sur une liste établie par décret.
Le Gouvernement a limité cette faculté aux seules pratiques du ski alpin et du
ski nordique par un décret du 3 mars 1987.
Notons que ce régime fonctionne depuis douze ans de façon très satisfaisante
puisqu'il n'a pas donné lieu à un contentieux signalé.
C'est dans l'esprit et la continuité de cette loi, votée à l'unanimité, que
s'inscrit la proposition de loi de M. Jean Faure, adoptée, le 27 octobre 1999,
par la commission des lois du Sénat.
J'en viens à l'examen du contenu de cette proposition de loi.
En premier lieu, le texte adopté par la commission des lois ouvre la faculté
aux communes de demander une participation aux frais de secours. Il vise ainsi
à rétablir, principalement pour les petites communes, une meilleure égalité
face au coût des secours.
En deuxième lieu, toutes les activités sportives et de loisirs sont
concernées. Il est en effet de plus en plus difficile de distinguer, parmi des
activités toujours plus diverses, celles qui relèvent du sport et celles qui
relèvent du loisir. De surcroît, ce sont les opérations de secours qui sont
visées, qu'il y ait eu ou non accident, de façon à prendre en compte les
interventions demandées en dehors de tout péril.
En troisième lieu, une information préalable devra être assurée en mairie et
partout où sont habituellement apposées les consignes de sécurité.
Enfin, la proposition de loi affirme le principe selon lequel celui qui prend
un risque doit en assumer, corollairement, la responsabilité et donc souscrire,
le cas échéant, toutes assurances utiles.
Voyons maintenant la portée de la proposition de loi.
D'abord, ce texte ne crée aucune obligation nouvelle, ni pour l'usager, qui
n'est soumis à aucune obligation d'assurance, une telle obligation n'étant
d'ailleurs pas, en soi, garante d'une meilleure maîtrise du risque et d'une
responsabilisation, ni sur le plan pénal, puisqu'il ne crée pas d'infraction
nouvelle, notamment celle « d'imprudence sportive », parfois avancée, qui
serait difficile à mettre en oeuvre et qui s'avère peu adaptée dans un domaine
où chacun aspire à la liberté.
De plus, il est précisé que les communes ne sont pas obligées de demander le
remboursement des frais de secours ; ce n'est qu'une faculté.
Ensuite, la proposition de loi ne remet en cause ni le droit fondamental au
secours sans condition préalable, ni le caractère obligatoire pour les communes
des dépenses de secours et de leur inscription au budget.
La proposition de loi ne porte pas non plus atteinte au droit de pratiquer les
sports et loisirs de son choix.
Enfin, elle ne concerne que la part des dépenses engagées par les communes et
non celles qui incombent à l'Etat, dont les interventions pourront toujours
être assurées gratuitement, l'Etat ne souhaitant pas - M. le ministre de
l'intérieur nous l'a confirmé lors de son audition - répercuter les dépenses
qu'il engage.
Il faut, à cet égard, souligner le mérite qu'a cette proposition de loi de
refuser tout transfert des dépenses communales aussi bien vers l'Etat que vers
le département. En effet, la mutualisation des charges à l'échelon
départemental ne favorise pas la responsabilisation. Elle pourrait même
aggraver une inflation déjà constatée des dépenses de sécurité civile, qui
restent, dans cette hypothèse, à la charge des collectivités locales.
En conclusion, voilà un texte qui préserve les principes de liberté et de
droit au secours, auxquels nous sommes fondamentalement attachés, sans
comporter aucune mesure contraignante.
Voilà un texte qui laisse aux communes toute liberté de demander ou non une
participation financière totale ou partielle.
Voilà un texte qui assoit sa légitimité sur un processus d'aménagement du
principe de gratuité des secours en fonction de l'évolution de notre société et
en prenant appui sur une expérience de douze ans, en matière de ski, qui n'a
suscité aucun contentieux.
Voilà un texte qui tend à responsabiliser l'usager en associant la
responsabilité au risque.
Voilà un texte qui vise à une plus grande justice pour les petites communes
face aux dépenses de secours, sans accroître les charges supportées par les
contribuables.
Voilà, enfin, un texte qui contribue à faire évoluer notre droit en le
rapprochant des législations européennes, notamment allemande, autrichienne et
suisse.
En terminant, je veux lancer un appel à M. le ministre de l'intérieur, dont
nous connaissons les convictions républicaines.
Le Sénat déplore que, trop souvent, les propositions de loi qu'il adopte au
cours des « séances mensuelles réservées » ne soient pas, ensuite, examinées
par l'Assemblée nationale, alors que, à l'inverse, il arrive que le
Gouvernement inscrive à l'ordre du jour prioritaire du Sénat des propositions
de loi adoptées par l'Assemblée nationale lors de ses séances mensuelles.
Si je me réfère à une déclaration faite par M. Jean-Pierre Chevènement à
l'Assemblée nationale, le 7 décembre dernier, une heureuse exception pourrait
être faite pour la présente proposition de loi.
Ce jour-là, le ministre de l'intérieur, interrogé par M. Bernard Charles au
sujet de la responsabilité financière des sportifs, a indiqué que la question
nécessitait un large débat, auquel il n'était pas opposé.
Faisant allusion à la proposition de loi de M. Jean Faure, il a ajouté que
rien n'empêchait l'Assemblée nationale d'entreprendre ce débat « pour son
compte ».
Indépendamment de son sentiment sur cette question, M. le ministre de
l'intérieur est, par conséquent, convenu de l'importance de son traitement par
les deux assemblées.
Je veux donc croire que, si le Sénat adopte cette proposition de loi, le
Gouvernement utilisera ses prérogatives constitutionnelles pour que le texte
soit ensuite inscrit à l'ordre du jour prioritaire de l'Assemblée nationale
dans des délais raisonnables.
J'aimerais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez nous confirmer
l'ouverture ainsi faite par M. le ministre de l'intérieur.
(Applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui vous est soumise par M. Jean
Faure, sénateur de l'Isère, a pour objet de permettre aux communes d'exiger des
intéressés ou de leurs ayants droit une participation aux frais qu'elles ont
engagés à l'occasion « d'opérations de secours consécutives à la pratique de
toute activité sportive ou de loisir ».
C'est là un sujet de débat récurrent devant les assemblées. J'ai ainsi eu
l'occasion d'intervenir personnellement devant le Sénat le 4 mars dernier pour
répondre à une question d'actualité sur ce même thème. Par ailleurs, le 7
décembre dernier, M. le ministre de l'intérieur a répondu à une question posée
par M. Bernard Charles, député du Lot, concernant le sauvetage des sept
spéléologues bloqués dans un gouffre près de Gramat.
Entre-temps, le Premier ministre, lors du dernier conseil national de la
montagne à Ax-les-Thermes, le ministre de l'intérieur, M. Jean-Pierre
Chevènement, tout comme Mme Marie-Georges Buffet, ministre de la jeunesse et
des sports, ont fait part de leur attachement, d'une part, au principe de la
gratuité des secours et, d'autre part, mais c'est lié, à la liberté d'exercice
des sports et des loisirs.
En réalité, de quoi s'agit-il et quels sont les problèmes qui sont réellement
posés ?
Tout d'abord, je souhaite rappeler, mais c'est bien connu, et M. le rapporteur
vient de le rappeler, que les secours sont effectués en intégralité par des
services publics, soit d'Etat - je pense en particulier aux sauveteurs des CRS
ou de la gendarmerie nationale - soit des établissements publics d'incendie et
de secours - je veux dire les sapeurs-pompiers - auxquels on peut ajouter bien
sûr les services médicaux d'urgence, voire dans quelques cas des associations,
que ce soit dans le domaine de la spéléologie ou des secours en mer.
A proprement parler, les communes n'ont donc en charge aucune dépense liée aux
secours et sont plutôt les bénéficiaires de l'engagement opérationnel de
services qui ne leur facturent pas les prestations.
Certes, tous ces services sont à la charge des contribuables, mais on voit
bien qu'il y a là une sorte de mutualisation générale du risque.
En réalité, c'est le second point que je voudrais évoquer, je crains qu'on ne
se trompe de débat et qu'à défaut de vouloir ou de pouvoir traiter
raisonnablement de la responsabilité de quelques imprudents - ou malchanceux !
- on veuille aller trop loin avec des mesures trop globales ou trop
générales.
Je rappelle qu'à l'origine de ce projet il y a eu - déjà ! - la spéléologie,
avec le secours réalisé dans le gouffre Berger en 1998 et dont la « facture »,
pour une petite commune de l'Isère, Engins, dépassa 300 000 francs.
Ensuite, ce fut, au début de l'année 1999, l'épisode presque caricatural de la
Vanoise, où des « alpinistes », animés par un esprit plus mercantile que
sportif, avaient « monnayé » leur survie en altitude pendant que des
secouristes risquaient leur vie pour tenter de les sauver. L'odieux l'avait
alors disputé au ridicule, mais tout est finalement rentré dans l'ordre,
puisque les communes ont été remboursées de leur frais d'hélicoptères.
Enfin, il convient d'évoquer, toujours dans le domaine de la spéléologie, la
récente et lourde opération de secours du causse Gramat, dont les conséquences
financières seront importantes - on parle de 5 millions de francs - tout autant
pour l'Etat que pour les communes et le service départemental d'incendie et de
secours du Lot.
Le Gouvernement estime qu'il faut toutefois se garder de tirer trop vite et de
manière trop global des conséquences législatives des « cas particuliers » que
je viens d'évoquer.
Quant aux chiffres qui sont cités par M. le rapporteur - 600 morts par noyade
et 200 morts en montagne - ils appellent, me semble-t-il, quelques
précisions.
Sur les 600 morts par noyade, notons qu'il s'agit, pour les deux tiers, de
noyades en eau douce, dont les causes sont à la fois multiples et peu
cohérentes : accidents, suicides, chutes, par exemple.
Quant aux 200 morts en montagne, le SNOSM, le système national d'observation
de la sécurité en montagne, qui est géré en partenariat par le ministère de
l'intérieur et celui de la jeunesse et des sports avec le concours de beaucoup
d'acteurs de terrains, a permis d'affiner leur connaissance statistique.
Si l'on recense une quarantaine de décès en hiver et 150 en été, le plus
notable - c'est statistiquement établi depuis trois ans maintenant - c'est que
près de la moitié de ces décès sont dus, hiver comme été, à des accidents de
santé, des crises cardiaques notamment.
J'en viens à la proposition de loi de M. Jean Faure.
M. Charles Descours.
L'excellente proposition de loi !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Sur la forme, il est déjà discutable de modifier de
manière aussi radicale « toute activité sportive ou de loisir, quelle qu'elle
soit » - ce sont les termes de la proposition de loi de M. Jean Faure - une
disposition très précise introduite dans ce même code par la loi « montagne
».
Il faut en effet préciser que le dispositif réglementaire prévu en application
de ladite loi permettait déjà aux communes de demander le remboursement de
frais de secours, mais dans des domaines d'activité limités au « ski alpin et
au ski de fond », qui étaient donc bien des activités liées à la montagne et
qui, pour les communes, correspondaient bien à un service rendu », c'est-à-dire
le service des pistes.
Selon les services du ministère de l'intérieur, la centaine de communes
membres de l'association des maires des stations d'hiver et d'été ont pris les
arrêtés municipaux correspondant à cette possibilité légale.
Il est clair cependant que son application pratique échappe à la statistique,
puisqu'elle est liée au principe de libre administration des collectivités
locales et qu'à ce titre elle ne fait pas l'objet d'un véritable
recensement.
Mais il serait intéressant qu'avec votre accord l'association des maires des
stations d'hiver et d'été, dont M. Faure est l'un des dirigeants, puisse en
faire une étude fine en terme de retour.
Il s'agit donc de modifier un article d'une loi en s'extrayant complètement de
son contexte initial : M. Faure propose en effet de remplacer le dispositif
actuel, dont le principe repose sur la fixation de la liste des activités par
voie réglementaire, par une disposition législative nouvelle prévoyant le
remboursement des frais de secours à toutes les activités sportives et de
loisirs.
Sur le fond, comme je l'ai déjà indiqué, le principe de la « gratuité » des
secours a été clairement réaffirmé au plus haut niveau de l'Etat.
En effet, si la proposition de M. Faure a aussi le mérite de poser de bonnes
questions, telles que la responsabilisation des imprudents qui peuvent mettre
en danger la vie d'autrui, notamment celle des sauveteurs, il semble que la
solution préconisée soit plus discutable.
Au premier chef, il convient de relever qu'en France les communes sont très
peu impliquées financièrement dans les opérations de secours en montagne. En
effet, comme je l'ai déjà indiqué, ces opérations sont réalisées par des
services départementaux ou par les services de l'Etat. Ces derniers n'en
demandent en général pas le remboursement aux communes bénéficiaires, comme la
loi leur en donnerait la possibilité. Les sapeurs-pompiers, quant à eux, et ce
n'est d'ailleurs pas l'un des moindres avantages de la départementalisation,
peuvent ainsi faire jouer la solidarité départementale dans le cadre du service
départemental d'incendie et de secours.
On peut donc affirmer qu'à part quelques exceptions - j'en ai cité
quelques-unes tout à l'heure - les communes ne supportent pas de frais pour les
secours consécutifs aux accidents survenus lors de pratiques sportives ou de
loisirs. Le seul cas particulier est celui de la spéléologie, mission assumée
au plan national par une association spécialisée dénommée spéléo secours,
renforcée par les services de l'Etat - les CRS et les gendarmes - et les
sapeurs-pompiers.
Mais, même dans ce cas, les communes n'ont à leur charge que certains frais de
logistique qui ne sont pas directement des frais de secours ou des frais liés,
mais de manière très exceptionnelle, à des réquisitions d'entreprises
privées.
De la même manière, l'exemple de la facture de l'hélicoptère privé
réquisitionné par la direction des secours au profit de la commune de Pralognan
et payée par celle-ci, n'apparaît pas comme un argument déterminant. En effet,
la commune a réclamé, comme la loi le permet, le remboursement de cette dépense
aux trois personnes secourues qui pratiquaient du ski alpin de randonnée et l'a
obtenu.
On pourrait d'ailleurs ajouter que ces activités de loisirs sont aussi des
vecteurs économiques très forts pour ces communes et que leur faible
implication financière dans les secours d'urgence peut être considérée comme
une contrepartie des intérêts qu'elles retirent de ces activités. Mais il est
vrai que la spéléologie est peut-être un cas particulier et que je visais
surtout les activités en montagne.
Mais cette proposition de loi présente d'autres inconvénients.
Tout d'abord, elle instaurerait une inégalité des citoyens devant le service
public de secours s'il devenait payant - ce qui ne nous est pas proposé - car
le montant moyen des remboursements risque d'être très élevé. Mais, surtout,
elle pourrait concerner toutes les activités sportives et de loisirs, y compris
pour les personnes les plus modestes qui, en tant que contribuables,
participent déjà au financement des services publics, nationaux ou locaux.
Ces dispositions entraîneraient également la quasi-obligation pour l'Etat
d'appliquer les dispositions de l'article 13 de la loi du 22 juillet 1987. De
ce fait, les communes devraient rembourser les frais engagés pour les moyens
mis à leur disposition pour les secours spécialisés, ce qui ne pourrait pas
être sans incidences sur d'autres types de secours, je pense notamment aux
interventions sur les feux de forêts.
Troisième inconvénient : les charges administratives seraient accrues pour les
communes et l'Etat, puisqu'il faudrait organiser le recouvrement des factures
et gérer de nombreux contentieux liés aux étrangers, aux personnes non
solvables, aux contestations des sommes, notamment.
En outre, devenant une activité rémunérée ou compensée, avec obligation de
résultats, l'éthique qui sous-tend toutes les missions de secours risque de
disparaître infailliblement au profit d'une action de nature lucrative.
Les impacts sociaux et économiques d'un tel projet seraient tels qu'une large
consultation de toutes les parties prenantes serait indispensable afin de
dégager soit un accord consensuel, soit une opposition justifiée.
Enfin, je voudrais dire qu'il y a des risques de déséquilibre, puisque la
France a signé, en 1910, la convention de Bruxelles qui rend obligatoire la
gratuité totale des secours en mer. Ce serait donc un affichage très fort, et
sans doute malheureux, de la différence de traitement entre deux secteurs de
forte activité sportive et de loisir.
La spéléologie est un cas particulier, puisque cette activité regroupe des
personnes qui sont
a priori
plutôt initiées et organisées. Il est
probable qu'il suffirait d'inciter la fédération concernée à veiller à ce que
ses adhérents soient bien assurés.
L'objectif principal de M. Faure est de faire en sorte que des personnes au
comportement manifestement imprudent lors d'une pratique sportive ou de loisir
ne puissent bénéficier des mêmes prestations gratuites de secours que l'usager
respectueux des règles qui a un comportement responsable par rapport aux normes
édictées par les autorités publiques.
Une solution de remplacement possible à l'élargissement de l'exception à la
gratuité des secours est d'abord de continuer l'effort de prévention mis en
place par les services publics. Je pense aux campagnes de sécurité en montagne
placées sous l'égide du Conseil supérieur des sports de montagne et aux
campagnes de sécurité des baignades, cela en accord avec le monde sportif, les
professionnels, les élus et les usagers. Peut-être aussi faudrait-il ajouter
les assureurs.
J'observe aussi, mais sans vouloir polémiquer inutilement, car le sujet est
sérieux, qu'on ne peut que relever une contradiction forte de la part des
collectivités, qui demandent la responsabilisation des usagers, alors que -
c'était au début de cette année - elles rejetaient en bloc l'idée même d'une
réglementation de l'accès à la montagne !
Par ailleurs, il n'est pas impossible de réfléchir à une éventuelle solution
législative - il sera, certes, difficile d'en déterminer les contours -
orientée vers des actions pénales pour les imprudences commises lors de la
pratique d'activités sportives ou de loisirs.
En résumé, s'il apparaît utile que ce débat ait lieu, car les conséquences de
comportements parfois « légers » ou imprudents de quelques personnes peuvent
être très lourdes pour la collectivité, il n'est pas sûr qu'une mesure
législative aussi radicale et aussi globale permette réellement de régler la
question sans créer de graves difficultés. Il faut par conséquent les apprécier
avant d'aller plus avant dans une telle réforme. C'est ce que le Gouvernement
propose à la sagesse du Sénat.
J'ajoute un élément à l'attention de M. le rapporteur. Effectivement,
répondant à la question d'actualité de M. Charles le 7 décembre dernier, le
ministre de l'intérieur indiquait qu'il n'était pas opposé à la mise en
discussion de ce thème, d'autant que, disait-il à l'époque, « je crois savoir
que la Haute Assemblée a prévu de l'aborder bientôt. »
C'est chose faite aujourd'hui, et le ministre chargé des relations avec le
Parlement sera, je crois, attentif à votre demande de débat à l'Assemblée
nationale sur ce sujet difficile en raison des principes fondamentaux -
j'évoquais celui de la gratuité des secours, celui de la liberté d'exercice de
certaines activités - des grands risques et des frais importants qu'il vise.
Dans ce domaine, la proposition de loi de M. Jean Faure a le mérite d'inciter
à la réflexion, mais je tenais à marquer les réserves du Gouvernement quant à
la solution qui est avancée.
M. le président.
La parole est à M. Faure.
M. Jean Faure.
Monsieur le secrétaire d'Etat, en vous écoutant, je m'interrogeais : l'homme
de terrain que je côtoie dans ma région est-il devenu un bureaucrate uniquement
préoccupé par ses analyses ?
M. Jean-Claude Carle.
C'est un dédoublement de personnalité !
M. Jean Faure.
On ne peut pas dire qu'une commune rurale « bénéficie » des secours. Un tel
vocabulaire me paraît déjà presque relever de la provocation. Il serait plus
juste de dire qu'elle les supporte. Si l'Etat condescend à ne pas présenter la
facture, cela relève de sa libre appréciation. Mais s'il est vraiment désireux
d'affirmer la gratuité des secours, il convient de supprimer la disposition
législative qui lui permet de se faire rembourser. Sinon, c'est la gratuité
sous conditions !
Avant de revenir sur ce que vous avez dit, je ferai une observation
préalable.
De plus en plus fréquemment, les secours dont les communes sont amenées à
supporter la charge financière sont des secours organisés en vue de retrouver
des personnes en difficulté, et il ne s'agit pas là d'opérations
exceptionnelles. Vous n'avez cité, monsieur le secrétaire d'Etat, que des cas
exceptionnels, ceux qui sont rapportés dans les médias et qui mobilisent
l'opinion publique. Mais vous dont la commune est située près des Alpes, près
de grands espaces de loisirs, vous savez très bien que ce ne sont pas les cas
exceptionnels, mais les milliers de petits cas discrets, qui ne sont jamais
repris dans les médias, qui ne sont pas comptabilisés dans les statistiques,
qui ne sont pas des cas mortels, qui obligent les communes à organiser des
secours.
Le cas le plus fréquent est celui du promeneur qui, vers dix-huit heures, est
perdu. Il a peur de passer la nuit dehors, il est angoissé, il a froid, alors
il utilise son portable pour appeler. On déclenche aussitôt les secours. Bien
sûr, les médias n'en font pas état parce que ce n'est pas spectaculaire et que
l'intéressé est retrouvé entre vingt-deux heures et vingt-trois heures.
Mais ce sont tous les bénévoles de la commune, et non les services publics,
comme vous l'avez dit, qui abandonnent leur boulot, les pisteurs, les
secouristes, les moniteurs de ski, les commerçants et les pompiers bénévoles
qui se mobilisent dès le déclenchement de l'opération. On ne peut pas dire que
des sommes colossales sont en jeu. Il n'en reste pas moins que la mobilisation
est quotidienne dans les stations et dans les communes. Rien pourtant n'est
comptabilisé.
Actuellement, les gens sont fatigués, car ce n'est pas un service public qui
accomplit ce travail-là, ce sont les organisations locales.
Seuls les sauvetages périlleux défraient la chronique, et c'est sur ces
sauvetages que je me suis appuyé pour déposer ma proposition de loi car, bien
entendu, sur des sauvetages opérés dans l'indifférence générale, personne
n'aurait retenu ce texte !
Vous avez rappelé la situation quelque peu caricaturale de la Vanoise. Je
partage votre analyse, qui est exacte. Le cas d'Engins est beaucoup moins
caricatural. La spéléologie est un domaine vraiment à part, j'en conviens. Ceux
qui pratiquent ce sport sont pour la plupart compétents et capables d'organiser
eux-mêmes leurs propres secours. Il n'empêche que les secours ont coûté 1
million de francs et que la commune d'Engins, qui compte 300 habitants et dont
le budget s'élève à 900 000 francs, a dû avancer 300 000 francs ! Il n'y a pas
de problème, c'est le conseil général qui a payé, nous dit-on. Mais cela ne
relève pas de ses compétences ! Il l'a fait parce que la commune était en
difficulté.
M. Charles Descours.
Le conseil général est excellent !
(Sourires.)
M. Jean Faure.
Il ne faut pas considérer que c'est normal.
S'agissant du cas de Gramat, on attend de connaître le montant des secours
pour voir comment les choses vont se passer.
Cette hypothèse d'école est intéressante. Malheureusement, on focalise
toujours l'attention sur ces opérations un peu trop spectaculaires.
La difficulté est la même pour les communes du littoral. Notre collègue
Christian Bonnet a rappelé, au mois d'octobre dernier, à l'occasion d'une
question orale, l'augmentation du nombre d'interventions qui ont lieu en mer
pour porter secours à des personnes imprudentes ou négligentes, et qui ont pour
corollaire des coûts élevés partagés par les collectivités.
Rappelons qu'il s'agit non pas des 600 morts auxquels vous avez fait allusion,
mais de milliers de petites interventions destinées, sur l'initiative des
maires, à aller chercher, par exemple, un véliplanchiste qui dérive et qui
risque de s'écraser sur les rochers. Celui qui est ainsi ramené, au mieux,
remercie les sauveteurs, au pire les « engueule » car sa planche à voile a été
rayée sur les galets quand on l'a hissée sur la plage ! Ce n'est
malheureusement pas une caricature. Ce cas m'a été rapporté à plusieurs
reprises !
Les personnes imprudentes qui prennent des risques ne mesurent pas, souvent,
toutes les conséquences de leur comportement. Ce sont, par exemple, des
citadins qui appréhendent mal les données météorologiques, ou des amateurs qui
ne maîtrisent pas suffisamment le sport qu'ils pratiquent. On exige toujours
plus de rapidité de la part des sauveteurs, qui sont très dévoués et qui
disposent de moyens de secours de plus en plus sophistiqués, sans tenir compte
des autres impératifs qui leur incombent et des dangers qu'ils encourent.
Je vous ai également entretenu des nouvelles technologies qui permettent
effectivement de pratiquer des évacuations de confort.
Les maires réagissent en prenant des arrêtés qui réglementent, voire
interdisent telle ou telle pratique, ce qui va exactement dans le sens inverse
de ce que vous et moi souhaitons, à savoir la liberté de pratiquer une activité
et d'aller où l'on veut, quand on veut, à condition toutefois, bien entendu, de
respecter un minimum de précautions.
A cette fin, il faut améliorer la formation et l'information. Chaque personne
doit prendre conscience qu'elle engage sa vie et celle des autres, sans compter
des moyens, parfois considérables, dont le coût sera supporté non par
l'intéressé, mais par la commune.
Certes, les contrevenants encourent certaines peines. C'est ainsi que
l'article R. 610-5 du code pénal prévoit une amende maximale de 250 francs et
que le fait d'exposer autrui à un risque immédiat de mort, de mutilation ou
d'infirmité est passible d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 100 000
francs.
Un procureur que je ne citerai pas a envoyé une circulaire à tous les maires
de son ressort pour les inviter à prendre des arrêtés qui lui permettraient de
poursuivre les contrevenants en justice et de les faire payer.
Certes, on n'en est pas là, et c'est précisement pour éviter ces démarches
contradictoires et non coordonnées que j'ai déposé cette proposition de loi.
Ces démarches sont, de plus, à l'origine d'inégalités, puisqu'une activité
peut être ainsi permise dans une commune et interdite dans une autre, parce que
le maire est plus, ici que là, sensibilisé par ce problème !
Dans mon département, le maire d'une commune a pris un arrêté interdisant la
pratique d'une activité hors piste. Sur les 25 000 hectares de sa commune, 24
600 sont ainsi interdits d'accès. C'est grotesque !
Ces méthodes ne sont pas les bonnes. Il convient de responsabiliser les gens
et de leur dire que les frais de secours supportés par les communes peuvent
atteindre plusieurs millions de francs.
De plus, il n'y a pas de commune mesure entre la responsabilité des uns et
celle des autres.
Vous avez parlé d'inégalité entre les citoyens, mais la plus grande inégalité,
c'est celle qui existe entre les communes ! Dans une commune dont la superficie
est relativement modeste et dont le terrain présente des risques limités, vous
disposez de secours efficaces pour desservir vos contribuables, mais la commune
de Saint-Christophe-en-Oisans, dont la superficie est de 40 000 hectares et
dont le terrain est fréquenté par des centaines de milliers de randonneurs, ne
compte que 80 habitants pour faire face aux frais de secours ! L'inégalité
réside bien là et non dans les traitements aux bénéficiaires des secours.
Il convient aujourd'hui de réfléchir à ce problème. Je ne prétend pas que ma
proposition de loi est la meilleure. Mais qu'on me propose autre chose et qu'on
ne me réponde pas qu'il n'y a pas de problème, que l'Etat veille et que les
gens peuvent partir tranquilles puisqu'on ira de toute façon les chercher en
cas de difficulté !
Je ne remets nullement en cause le droit au secours, qui est sacré et qu'il
convient de respecter. Mais il faut quand même que les gens réfléchissent avant
de partir et qu'ils prennent leurs dispositions !
Sans revenir sur ce qu'a excellemment dit M. le rapporteur - il a fait plus
qu'un travail d'analyse, il a amélioré le texte en le rendant plus applicable
et plus souple pour tous - je rappelle qu'à l'époque où la gratuité des secours
a été affirmée par ordonnance royale, voilà maintenant 266 ans - combien y
avait-il alors de randonneurs, de promeneurs dans des zones perdues ?... - il
s'agissait simplement de faire face à des incendies. En effet, quand une maison
de bois brûlait, la personne qui l'habitait n'avait pas les moyens de payer les
secours pour éteindre l'incendie. Plutôt que de laisser brûler la maison et de
prendre le risque que le feu s'étende à l'ensemble du village, le feu prenant
vite des proportions irréversibles, l'ordonnance royale a donc affirmé la
gratuité des secours !
Aujourd'hui, tout a changé : les sports à risque se développent, du fait d'un
engouement pour les défis que l'on se lance soi-même, pour des gageures qui
sont amplifiées par les médias. Tout cela donne d'ailleurs une image
sympathique des sportifs et des jeunes qui pratiquent certains loisirs. Cette
liberté doit, bien sûr, être respectée, je l'ai déjà dit, mais il convient de
l'encadrer par la responsabilité.
Les communes ont été incitées par le ministre de l'intérieur, pour qu'elles ne
soient pas trop systématiquement amenées à supporter des dépenses de sauvetage,
à prévoir des règles de sécurité et à veiller à leur application. Mais cette
démarche s'est accompagnée de demandes automatiques de remboursement par les
compagnies d'assurance.
S'agissant de ces dernières, qui font un travail que je respecte, je rappelle
qu'elles se voient infliger une taxe qui rapporte plusieurs milliards de francs
à l'Etat : les estimations font état d'environ 35 milliards de francs. En
regard de cette recette, à combien se montent les dépenses que l'Etat engage au
titre de ces secours ? Selon les chiffres qui me sont communiqués, il s'agit
d'environ 300 millions de francs !
(M. Descours rit.)
Puisque la gratuité des secours est affirmée par l'Etat, il doit débloquer les
moyens de mettre réellement en oeuvre ! Et si l'Etat n'entend pas payer plus
qu'il ne le fait aujourd'hui, il convient de donner aux collectivités le
pouvoir de faire appel à une participation générale.
L'Etat participe. Très bien ! Les départements participent, à travers les
SDIS. Très bien ! Les communes participeront puisque, dans la présente
proposition de loi, il est prévu qu'elles peuvent - c'est laissé à la libre
appréciation du conseil municipal - demander une participation : les termes
sont tout de même très pesés !
Le conseil municipal décide au cas par cas, en fonction de la capacité de la
commune de faire face à ces charges et en fonction de la situation de la
personne. Je ne vois pas un élu responsable chercher à taxer à tout prix une
personne qui n'aura pas commis de graves imprudences et dont la conduite n'aura
pas forcément entraîné de très grosses dépenses.
Evidemment, vous pourriez dire que le conseil municipal se substitue, en
quelque sorte, au juge. En l'occurrence, il ne s'agit pas d'une sanction pénale
: c'est seulement une appréciation du remboursement de frais engagés par le
contribuable, et je pense qu'un conseil municipal est à même de se livrer à une
telle appréciation.
Lorsque, en 1984, le Parlement, Sénat et Assemblée nationale confondus, a voté
à l'unanimité la possibilité pour les communes de se faire rembourser les frais
de secours, il n'y avait pas, de la part du législateur, d'atteinte à la
liberté ; il était hors de question de porter préjudice à qui que ce soit ou de
permettre que des injustices soient commises.
La réglementation a limité au ski de fond, qui rapporte de l'argent, et au ski
de piste, qui rapporte également de l'argent, la possibilité pour les communes
de se faire rembourser.
En fait, ça ne résout rien !
Je donnerai l'exemple de ma commune. Son territoire s'étend sur 5 000 hectares
: sur 300 d'entre eux, elle peut se faire rembourser les frais engagés, mais
pour ce qui est des 4 700 restants, elle doit les assumer seule, parce qu'il
est rare qu'il soit fait appel aux grands secours pour venir en aide à de
simples promeneurs, aussi nombreux soient-ils.
Il y a tout de même là un problème qui mérite qu'on y réfléchisse ! Si vous
n'approuvez pas ma proposition de loi, vous pouvez au moins être d'accord sur
mon analyse. Dès lors, vous ne pouvez pas vous contenter de dire : « Tout va
bien, vous pouvez aller où vous voulez. De toute façon, on ira vous chercher.
En prime, cela ne vous coûtera rien et, éventuellement, vous pourrez même
commercialiser vos impressions auprès des grands médias ! »
Je demande donc à la Haute Assemblée, dans sa grande sagesse, de suivre la
proposition de M. le rapporteur, qui a très bien expliqué la situation. Ses
propos ont été mesurés. Cette proposition de loi n'aura de conséquence négative
pour personne.
Sans prolonger davantage mon propos, j'en appelle à mes collègues socialistes
et communistes, qui ont voté la proposition de loi en 1984, et qui étaient
alors bien d'accord avec moi. Et M. René Souchon, qui était au banc du
Gouvernement, avait estimé que c'était une bonne solution. Aujourd'hui, quinze
ans après, on a l'impression qu'on ne voit plus du tout les choses de la même
façon...
M. Charles Descours.
Bercy est passé par là !
M. Jean Faure.
... et que l'impératif est de rester dans la situation confortable de la
gratuité.
Ma conviction est qu'il faut trouver une solution adaptée à l'évolution de la
société. Le principe de la gratuité des secours a été posé au xviiie siècle et,
depuis, les données ont changé ! La civilisation des loisirs se développe, et
cette tendance ne va pas s'inverser avec la réduction du temps de travail. Si
l'on ne fait rien, les maires vont multiplier les réglementations restrictives
par le biais d'arrêtés.
Vous avez cité l'exemple du gouffre Berger. Je vous confirme que le maire
d'Engins en a interdit l'accès. Il l'a certes fait par provocation mais aussi
parce qu'il n'a pas d'autre moyen, dans la mesure où il ne peut pas se faire
rembourser les frais de secours ni réglementer l'entrée du gouffre. Je ne dis
pas qu'il a raison sur le fond mais, sur la forme, je comprends sa démarche.
J'espère donc que ma proposition recueillera non seulement l'adhésion du
Sénat, mais également celle du Gouvernement.
Je note avec satisfaction la position du ministre de l'intérieur qui,
répondant tout récemment à une question d'un député, a ouvert une porte en
déclarant que rien n'empêchait l'Assemblée nationale et le Sénat de réfléchir
sur ce thème et de formuler des propositions. C'est ce que nous faisons
aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, et j'espère vous avoir convaincu.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
permettez-moi tout d'abord de saluer l'initiative de notre collègue Jean Faure,
qui est à l'origine de la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui,
ainsi que le travail du rapporteur, Jean-Paul Amoudry, qui a longuement entendu
les différentes parties concernées, qu'il s'agisse des élus ou des
secouristes.
Je me réjouis de cette initiative, d'autant que j'ai eu l'occasion de défendre
un amendement allant dans le même sens, au sujet des secours en montagne, lors
du débat sur les services d'incendie et de secours, le 26 mars 1996, amendement
qui visait à élargir la liste des pratiques sportives dites « à risque ».
J'avais alors constaté combien il est difficile de dégager une ligne commune,
tant les pratiques et les problèmes rencontrés varient d'un massif à
l'autre.
Quelle question devons-nous résoudre ? Il s'agit de trouver l'équilibre entre
la liberté et la responsabilité, entre les droits et les devoirs de chacun.
Tout le mérite de la présente proposition de loi est précisément de prévoir un
dispositif qui respecte cet équilibre.
Je le constate en Haute-Savoie : l'apparition et la démocratisation de
nouvelles pratiques sportives ou de loisirs ont entraîné de nouveaux besoins en
matière d'information et de sécurité, en particulier dans les sites
touristiques à forte fréquentation. Par là même, nous sommes confrontés à un
paradoxe.
D'un côté, la montagne, tout comme la mer, représente un espace de liberté et
doit le rester. Il serait donc regrettable de trop encadrer et de normaliser
les activités sportives et touristiques.
De l'autre côté, nous devons donc avoir à l'esprit la responsabilisation et la
protection de la majorité face à des comportements parfois inciviques et
dangereux, mais qui demeurent minoritaires.
Qu'un touriste, un pratiquant ou un simple promeneur mette sa propre sécurité
en danger relève de sa responsabilité. Que son imprudence, consciente ou non,
conduise à mettre en cause la sécurité des autres, y compris celle des
secouristes, pose un problème d'une tout autre nature.
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen nous le rappelle : « La
liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. »
Gardons-nous, cependant, de tout catastrophisme et de tout amalgame.
Depuis les skieurs qui s'aventurent imprudemment dans un couloir d'avalanche
jusqu'aux familles entières - j'en ai vu - qui s'aventurent en short et baskets
sur les glaciers, il y a toute une palette de situations. La prise de risque et
la responsabilité engagée ne sont pas toujours les mêmes. Et je ne parle pas de
ceux qui, après avoir mis en danger la vie des secouristes, monnaient leur
aventure auprès des médias, ce qui est proprement scandaleux.
En mars dernier, notre collègue James Bordas l'avait parfaitement rappelé : «
Il convient de placer les amateurs d'émotions fortes face à leurs
responsabilités afin de mettre un terme à ces agissements inconscients qui ont,
par ailleurs, des conséquences de plus en plus lourdes pour le budget des
collectivités. »
De fait, la prolifération des moyens de communication, et en particulier des
téléphones portables, laisse croire à certains que toutes les pratiques sont
sans danger parce qu'ils ont le sentiment - comme l'a dit le président Faure -
que les secours arriveront à temps et qu'ils seront, bien entendu, sauvés.
Or, à ce jour, dans notre législation, en dehors du ski, ski alpin ou ski de
fond, la gratuité des secours impose souvent aux collectivités territoriales,
notamment aux petites communes, des engagements financiers, humains et
techniques fort lourds, parfois sans commune mesure avec leur budget.
Pour mémoire, dans le Lot, le coût de la récente opération de secours aux
spéléologues a dépassé 5 millions de francs ; et encore, s'agissait-il de
pratiquants chevronnés et bien préparés.
Il est donc nécessaire de responsabiliser, sans pour autant remettre en cause
l'égal accès au secours, quelle que soit l'origine ou la position sociale des
personnes concernées.
La solution se trouve dans les dispositions de la proposition de loi qui nous
est soumise. Elle tient en deux priorités : informer et responsabiliser.
Il est en effet proposé d'offrir aux communes la possibilité de se faire «
payer », en partie ou en totalité, les frais induits par les secours. En
contrepartie, les communes devront faire un effort d'information, ce qui
s'inscrit aussi dans cette perspective de responsabilisation. C'est tout
l'intérêt de ce texte que de placer justement le curseur entre responsabilité
et liberté tant pour l'individu que pour les personnes morales.
Dans un contexte de déresponsabilisation générale, ce texte est novateur : il
permet de servir d'exemple dans beaucoup d'autres domaines, à l'heure où de
plus en plus nombreux sont ceux qui estiment n'avoir que des droits sans se
soucier de leurs devoirs, tout en évitant aux communes d'assumer des
contraintes insurmontables.
Pour conclure, je dirai qu'il est difficile, nous le savons bien, de trouver
un juste équilibre entre liberté et responsabilité. La loi ne pourra pas, à
elle seule, mettre fin à des comportements inconscients ou irresponsables. La
solution proposée à travers le présent texte est pragmatique et de bon sens.
Elle marque un nouveau progrès dans le respect de l'intérêt général. Le groupe
des Républicains et Indépendants votera donc ce texte.
(Applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Rinchet.
M. Charles Descours.
C'est la solidarité de massif, à défaut de la solidarité de groupe !
(Sourires.)
M. Roger Rinchet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
proposition de loi qui est soumise aujourd'hui à notre examen intéresse bien
entendu au plus haut point l'élu de haute montagne que je suis. Au demeurant,
elle intéresse tout autant l'ensemble des sénatrices et sénateurs qui
représentent non seulement la montagne mais également les espaces naturels de
plaine et de bord de mer.
La montagne fut pendant très longtemps fréquentée uniquement par les
autochtones. Il y avait entre les montagnards et leur montagne une grande
complicité, faite d'humilité, de respect, de sagesse, mais aussi d'une bonne
connaissance des dangers et de beaucoup de courage.
Au début de ce siècle, quelques citadins ou gens de la plaine sont venus
rejoindre le cercle encore fermé des gens de montagne. Puis, à partir du début
de la deuxième moitié du xxe siècle, le nombre des pratiquants de la montagne a
connu une progression exponentielle en raison du développement des loisirs.
Leur accessibilité au plus grand nombre est devenu un phénomène de société,
entraînant l'apparition de nouveaux besoins et de nouveaux moyens.
Il faut savoir, par exemple, que le nombre de nuitées touristiques en Savoie
est passé de quelques dizaines de milliers d'unités en 1950 à près de 30
millions d'unités en 1998. Les élus de la montagne sont ravis d'un tel
développement, mais ils le seraient davantage s'ils ne constataient pas - et
tous les observateurs que nous sommes le constatent avec eux - un développement
parallèle de visiteurs particulièrement inexpérimentés, insconscients et
irresponsables, qui confondent trop souvent les immenses et difficiles espaces
de haute montagne avec les pelouses des jardins publics de leur ville !
Combien a-t-on déjà dû secourir d'apprentis alpinistes sur les pistes des
sommets de plus de 4 000 mètres dans des tenues vestimentaires faisant plus
penser à des accoutrements simplifiés portés sur les plages de la Méditerranée
qu'à une tenue réfléchie et sécurisante d'alpiniste ?
M. Jean-Claude Carle.
Eh oui !
M. Roger Rinchet.
N'a-t-on pas trouvé et secouru, il y a quelques années, sur l'un des accès au
Mont-Blanc, un homme poussant sa bicyclette ?
(Sourires.)
Toutes ces imprudences, toute cette irresponsabilité entraînent un nombre de
drames qui va croissant - même si, en pourcentage, j'en conviens, il reste
faible - et qui entraîne de plus en plus souvent des interventions longues,
difficiles, périlleuses pour les sauveteurs, qui peuvent coûter très cher aux
communes supports de ces drames et dont la presse ne se fait pas toujours
l'écho.
En montagne, ces communes sont souvent très vastes mais peu peuplées, et leurs
ressources sont donc très modestes.
Pour bien fixer les choses, sachez par exemple, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, que Termignon, charmante petite station savoyarde, s'étend
sur plus de 18 000 hectares - je crois qu'elle n'est battue que par Arles - ce
qui représente presque le double de la superficie de Paris pour quelque quatre
cents habitants, soit près de dix mille fois moins de population que notre
capitale. On comprend alors aisément qu'il sera plus facile de retrouver des
promeneurs égarés dans les jardins du Luxembourg ou du parc Montsouris que dans
les immensités désertes du parc de la Vanoise, dont Termignon fait partie.
(Sourires.)
Dans l'état actuel de la législation et malgré les avancées de la loi Besson,
dite « loi montagne », trop de menaces pèsent sur les budgets des communes
supports, d'autant que, chaque année, la montagne - ou la mer - inspire de
nouveaux créateurs de loisirs ou d'activités : le parapente, le surf, la
moto-neige, le ski acrobatique, le canoë, le kayak, le raft, la nage en eau
vive, les
via ferrata,
maintenant... et ce n'est sûrement pas fini !
Il serait d'ailleurs intéressant pour le Sénat de connaître, monsieur le
secrétaire d'Etat, le nombre de communes qui ont appliqué l'article 97 de la
loi Besson du 9 janvier 1985 et, si possible, le nombre de secours qui ont
donné lieu à remboursement, total ou partiel, et les montants ainsi encaissés
par les communes.
Face à cette situation, nous avons, au sein du groupe socialiste, essayé de
réfléchir aux voies et moyens à mettre en oeuvre pour réduire ces menaces, en
tenant compte du respect de la liberté, que l'on doit à chacun, de pratiquer le
sport ou l'activité de loisir de son choix et du principe de la gratuité des
secours, qui doivent rester un service public.
Nous avons pensé qu'il conviendrait peut-être de convaincre avant de
contraindre. C'est pourquoi nous proposons diverses pistes de réflexion.
Nous souhaitons, tout d'abord, qu'une information du grand public soit menée
sur les dangers potentiels et sur ce que ces dangers peuvent coûter. Cette
information pourrait être développée non seulement sur les lieux où il y a
risque, ce qui est généralement fait, mais aussi, grâce aux grands médias,
partout en France, en amont de l'événement, avant le départ sur les lieux de
loisirs ; après, c'est trop tard, me semble-t-il.
Par ailleurs, nous souhaitons vivement qu'une table ronde puisse être
organisée, sur l'initiative des services du ministère de l'intérieur, table
ronde autour de laquelle se retrouveraient, outre les services du ministère,
les élus concernés, les associations de loisirs en montagne, les professionnels
de la montagne - les guides, les moniteurs, etc. - les assurances, les
magistrats, les services de secours et de la protection civile, en un mot tous
ceux qui, de près ou de loin, ont la volonté et le devoir d'organiser une
partie de la vie de nos concitoyens qui, au xxie siècle, va connaître un
fantastique développement : l'organisation des loisirs dans des secteurs à
risques sur l'ensemble de notre territoire.
Nous souhaitons en particulier, sachant que le risque zéro n'existe pas,
mutualiser les risques et nous nous posons la question de savoir si ce genre de
risque ne pourrait pas être totalement être pris en charge dans le cadre de la
départementalisation des services de secours et d'incendie.
(M. le secrétaire d'Etat opine.)
Ne serait-il pas possible de fixer par décret le seuil au-dessus duquel
la solidarité nationale doit commencer à jouer ? Nous pourrions, en
particulier, imaginer un pourcentage du budget de fonctionnement au-dessus
duquel il n'est plus possible de demander d'effort à la commune, sauf à mettre
cette dernière en grave difficulté ou à demander au ministre de l'intérieur une
aide exceptionnelle.
Il arrive très souvent que les personnes à secourir soient à la charge de
communes qui ne tirent aucun profit du tourisme. Les imprudents partent, en
effet, de la station où ils sont hébergés pour aller se perdre dans une commune
voisine sans ressources.
Nous nous sommes également posé la question de savoir si les secours payants
n'entraîneront pas, dans l'esprit du public, dont la culture est de plus en
plus inspirée par le donnant-donnant, une plus grande exigence dans le niveau
des secours, une réflexion du genre : « Puisque nous payons, nous pouvons
prendre plus de liberté avec les règles ou les règlements. » C'est un risque
dans une société qui devient de plus en plus une société de consommation.
La proposition de loi de notre collègue Jean Faure, rapportée par Jean-Paul
Amoudry, a l'énorme mérite de très bien poser un vrai problème, mais nous
craignons que toutes les solutions à y apporter n'aient pas été suffisamment
évoquées et étudiées.
Il conviendra, en particulier, de fixer la conduite à tenir pour les cas de
personnes secourues à grands frais et qui, malheureusement, n'étaient pas
assurées s'il est décidé que l'assurance est obligatoire.
La montagne est un vaste espace, ouvert à tous, sans porte d'entrée où tout
pourrait être vérifié et il restera toujours des cas qui échappent à toute
règle que l'on pourrait raisonnablement imaginer et qu'humainement il faudra
traiter sans regret.
Ce sont toutes ces questions qui ont guidé notre choix d'une abstention dans
ce vote.
M. Charles Descours.
Abstention positive, bien sûr ?
M. Roger Rinchet.
Si vous voulez !
Cette abstention du groupe socialiste doit être considérée comme un
encouragement pour le Gouvernement, d'une part, et le Parlement, d'autre part.
Je souhaite, dans ce cas, que le Sénat joue pleinement son rôle et puisse, dans
les mois à venir, trouver un terrain d'entente et ainsi mettre un frein au trop
d'irresponsabilité de certains, qui peuvent entraîner des catastrophes dont
souvent ils n'imaginent pas les conséquences lourdes pour les uns et pour les
autres.
Personnellement, je suis directement en contact avec les situations difficiles
auxquelles sont confrontées beaucoup de communes de montagne en matière de
secours. Conscient de l'urgence de la nécessité d'associer en permanence, dans
le monde de demain, liberté et responsabilité, je ne résiste pas à la tentation
de rappeler une belle phrase de François Mitterrand, qui écrivait, dans son
ouvrage
La paille et le grain
: « La responsabilité est la forme
supérieure de la liberté. »
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Très bien !
M. Roger Rinchet.
A titre personnel, je voterai le texte tel qu'il nous est présenté, même s'il
est imparfait - ou parce qu'il est imparfait - en espérant qu'il sera le point
de départ d'un large débat entre toutes les parties prenantes de ce phénomène
heureux et prometteur qu'est le libre accès aux loisirs pour tous, dans le
respect de tous ceux qui en sont les acteurs.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, sur celles des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
dans ses conclusions sur la proposition de loi de M. Faure, la commission des
lois nous demande d'approuver ladite proposition de loi qui autorise les
communes à demander une participation financière aux personnes secourues à
l'occasion de toute activité sportive ou de loisir.
Ce débat a été fortement relancé voilà maintenant trois semaines avec les
opérations de secours des Vitarelles où sept spéléologues ont été coincés,
durant neuf jours, dans un gouffre, à la suite des pluies diluviennes qui se
sont abattues dans le Sud-Ouest.
Pour M. Jean-Pierre Labro, président du conseil d'administration des services
départementaux d'incendie et de secours du Lot, la note s'élèverait à près de 5
millions de francs.
Logiquement, c'est au SDIS, et par conséquent aux collectivités locales, de
payer les frais engagés. Au regard de l'évolution des dépenses depuis l'entrée
en vigueur de la loi du 3 mai 1996, on peut fort bien comprendre que certaines
personnes soulèvent, une nouvelle fois, le problème de la gratuité des secours,
principe qui trouve son origine en droit français dans une ordonnance du 11
mars 1733.
En février dernier, ce principe avait déjà été contesté, à la suite du
sauvetage de trois randonneurs dans le massif de la Vanoise. En plus d'avoir
fait preuve d'imprudence, ces derniers avaient frôlé l'insolence en vendant
l'exclusivité de leur récit à un journal à sensation. Cela avait d'ailleurs
créé une vive émotion chez les sauveteurs et soulevé la colère du maire de
Pralognan, qui a demandé aux rescapés le remboursement du coût des secours
incombant à sa commune, soit 150 000 francs.
Cet épisode, notamment, a motivé notre collègue Jean Faure, maire d'une
commune du Vercors, à déposer la proposition de loi que nous examinons
aujourd'hui. Nous comprenons son mécontentement, mais nous ne pouvons le
suivre. En effet, les dispositions qu'il propose rompent avec le principe de
gratuité des secours : celui-ci ne revêt plus, selon le rapport de la
commission des lois, un caractère absolu ; de nombreuses exceptions existent
déjà et il est temps de les étendre à toutes les activités sportives.
Cette proposition de loi est loin de faire l'unanimité chez les maires de
montagne et les spécialistes, comme la Compagnie des guides de Chamonix, la
refusent au nom de « l'esprit montagne » : la montagne doit rester un espace de
liberté.
Le principe de gratuité des secours en montagne et, plus généralement, pour
toutes les personnes en difficulté dans des sports de plein air, doit être
maintenu pour des raisons d'égalité et d'ordre public, afin d'éviter que les
victimes n'omettent de solliciter les secours pour des raisons financières.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, déclarait, au
mois de mars dernier, que « le service public de secours devait être maintenu,
c'est-à-dire qu'il faut que toute personne puisse être secourue, sans que les
problèmes financiers viennent s'en mêler ».
M. Lionel Jospin a également défendu « le principe de gratuité des secours en
montagne et la liberté de la pratique sportive, dont la remise en cause est une
question d'éthique pour les montagnards et d'égalité pour les citoyens ».
Vous aurez donc compris, mon cher collègue, que l'esprit général de votre
proposition de loi ne nous convient pas, même si nous adhérons tout à fait aux
propos que vous avez tenus s'agissant du constat. Pour notre part, nous
préconisons la prévention. Les programmes de prévention des risques se révèlent
en effet bien plus efficaces qu'un mécanisme répressif. Je rejoins là notre
collègue qui vient de rappeler un certain nombre de points à cet égard.
Il faut donc continuer à favoriser l'éducation du public, à informer, à
responsabiliser. Tel est le sens, bien entendu, des déclarations du Premier
ministre, qui propose la création d'un fonds neige qui instaurerait une
péréquation entre les stations.
L'autre motif qui amène les sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen à rejeter la proposition de loi est qu'il existe déjà des mécanismes
qui permettent aux secours de se retourner contre les sportifs imprudents.
En effet, le dispositif pénal existant permet aux victimes, ainsi qu'aux
autorités publiques concernées, d'engager des actions de recherche en
responsabilité pénale pour les pratiquants d'activités sportives.
En témoigne d'ailleurs le cas de Pralognan-la-Vanoise, dont la municipalité a
obtenu le remboursement des frais par les assurances des trois randonneurs.
Pour toutes ces raisons, mon cher collègue, les sénateurs du groupe communiste
républicain et citoyen ne voteront pas votre proposition de loi, tout en
comprenant les motivations qui vous inspirent.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion généale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
M. le président.
«
Article unique. -
Les neuvième et dixième alinéas de l'article L.
2321-2 du code général des collectivités territoriales sont ainsi rédigés :
« Toutefois, sans préjudice des dispositions applicables aux activités
réglementées, les communes peuvent exiger des intéressés ou de leurs ayants
droit une participation aux frais qu'elles ont engagés à l'occasion
d'opérations de secours consécutives à la pratique de toute activité sportive
ou de loisir. Elles déterminent les conditions dans lesquelles s'effectue cette
participation, qui peut porter sur tout ou partie des dépenses.
« Les communes sont tenues d'informer le public des conditions d'application
de l'alinéa précédent sur leur territoire, par un affichage approprié en mairie
et, le cas échéant, dans tous les lieux où sont apposées les consignes
relatives à la sécurité. »
Sur l'article unique, la parole est à M. Faure.
M. Jean Faure.
Je tiens tout d'abord à remercier M. Rinchet de son excellente analyse, dont
je regrette cependant la « chute », encore qu'il ait admis que l'abstention du
groupe socialiste serait plutôt positive.
(Sourires.)
Puisque l'on a fait allusion aux assurances, permettez-moi de rappeler
que ce sont des sommes colossales qui sont encaissées par les assureurs au
titre de cotisations diverses pour couvrir telle ou telle activité, notamment
périscolaire, au titre de la responsabilité civile, pour l'assurance générale
du domicile ou encore par le biais des cartes bancaires. Et ces sommes ne sont
jamais mobilisées pour des opérations de secours, même sur des sites bien
déterminés, comme des plages parfaitement surveillées ou le territoire des
stations de sports d'hiver, hors les pistes de ski. C'est dire si les
assurances considéreraient avec peu d'enthousiasme l'éventualité d'être amenées
un jour à contribuer.
Nous sommes tous ici d'accord sur le principe, y compris M. Foucaud : nous
nous inscrivons dans une démarche pédagogique, raison pour laquelle il faut,
tout en respectant la liberté de chacun, former et informer, et veiller à ce
que la pratique des sports dangereux soit encadrée par des professionnels.
Mais une fois que l'on s'est mis d'accord sur le principe, on n'a rien réglé
pour autant ! Ma proposition consiste donc à faire participer tout le monde à
un petit effort collectif.
L'Etat le fait à sa façon, tout comme le département, par les SDIS. Reste
l'assurance. Et savez-vous quel serait le coût de l'assurance pour de telles
activités si elle était répartie sur l'ensemble des Français ? Quinze francs
par personne et par an !
A défaut de cette effort collectif
via
l'assurance, monsieur le
secrétaire d'Etat, il convient que le Gouvernement renonce à se faire
rembourser les frais, comme il s'en est réservé le droit, et que donc ce soit
l'ensemble de la collectivité nationale qui assure, par le biais de la
péréquation, les frais de secours engagés par les communes. Il ne faut pas que
ce soit la petite commune qui assume, sur ses seules ressources, le poids des
risques courus par la foule des touristes déferlant sur son territoire. Tel est
l'objet de la proposition de loi.
Mais si ce n'est pas l'ensemble de la communauté nationale qui assume le coût,
alors ce sont les bénéficiaires des secours qui doivent contribuer.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Je veux apporter quelques précisions à la suite de ce
débat intéressant mais qui, nous le sentons bien, n'a pas été mené jusqu'à son
terme.
La proposition de la loi de M. Faure a le mérite d'aborder un problème réel.
Nous voyons bien le conflit entre la liberté et le développement prodigieux des
sports et des loisirs. Le législateur ne peut que constater l'engouement de
plus en plus grand de nos concitoyens pour les sports à risque. D'ailleurs,
votre proposition de loi, monsieur Faure, concerne non pas seulement les
communes de montagne, mais aussi toutes les communes à partir du moment où il
est possible de pratiquer sur leur territoire une activité sportive et de
loisir.
Adopter un dispositif trop contraignant en ce domaine reviendrait à contrarier
les grands principes qui sont les nôtres et qui ont été évoqués ici, à savoir
la gratuité des secours et la liberté de pratiquer une activité physique et
sportive.
Deux pistes ont été suggérées.
En premier lieu, il s'agit de la prévention et de l'information, thèmes
traités par vous-même ainsi que par MM. Rinchet et Foucaud.
Sur ce plan, des campagnes télévisées sont en cours, notamment en direction
des jeunes, avec, par exemple, une incitation au port du casque. Une campagne,
actuellement en préparation avec la SNCF, va être diffusée dans les gares, au
moment des départs en vacances, et d'autres sont relayées par la commission de
sécurité des consommateurs.
Nous avons saisi le bureau de vérification de la publicité à propos des spots
publicitaires qui peuvent inciter à l'imprudence, voire à des prises de risques
considérables. Je pense ici à ces belles images de saut à ski, sans parler de
films récents, comme le dernier
James Bond,
qui peuvent inciter les
jeunes à préférer des sports dits « extrêmes ».
En second lieu, M. Rinchet a proposé la réunion d'une table ronde avec les
services de l'Etat, les élus locaux, les assureurs et les fédérations
sportives. Ces dernières sont cependant moins concernées, si j'en juge par
l'attitude très responsable de certains, les spéléologues par exemple. Ainsi
dans l'affaire du gouffre de Gramat, on ne peut pas dire que les spéléologues
aient été imprudents. Les prévisions météorologiques n'étaient pas mauvaises.
On ne peut pas plus dire qu'il s'agissait de personnes inconscientes, car elles
se sont sauvées elles-mêmes dans des conditions difficiles, bien qu'il ait
fallu engager des frais pour leur porter secours.
Cette proposition de table ronde mérite d'être étudiée par le ministère de
l'intérieur, de façon que l'on essaie d'avancer sur des propositions
raisonnables.
Pour ce qui est de la proposition de loi de M. Faure, dont on comprend la
démarche, je crains qu'elle n'apparaisse comme une limite apportée, par
l'initiative communale, à la pratique de certains sports et qu'elle n'entraîne
des situations d'inégalités fortes. Je le ressens ainsi.
Je crains également que l'affichage prévu ne permette à certaines communes de
s'exonérer pour toute pratique sportive. Cela ne manquerait pas de susciter des
réactions de la part de nos concitoyens, dans les Alpes en particulier, et cela
mérite réflexion.
Intitulé
M. le président.
La commission propose de rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de
loi : « Proposition de loi tendant à permettre une participation des
pratiquants d'activités sportives ou de loisir aux frais de secours engagés par
les communes ».
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé est ainsi rédigé.
Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission, je donne
la parole à M. Descours, pour explication de vote.
M. Charles Descours.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
j'ai écouté ce débat avec beaucoup d'intérêt.
Je voudrais dire d'abord à ceux qui récusent la proposition de loi que je n'ai
pas été convaincu par leurs arguments, qui sont de trois ordres.
Premièrement, la prévention. Monsieur le secrétaire d'Etat, sur ce point, nous
sommes tous d'accord et, en tant que rapporteur du projet de loi de financement
de la sécurité sociale, moi aussi, je suis favorable à la prévention. Mais,
malgré la prévention, le budget de la sécurité sociale a plutôt tendance à
augmenter ! Donc, je crois que la prévention ne répondra pas à toutes les
situations.
Deuxièmement, la voie pénale. Mais, comme nos collègues l'ont expliqué, il ne
se passe pas de week-end, dans les régions de montagne, sans qu'un ou deux
promeneurs ou randonneurs se perdent. Or ce ne sont pas les grandes opérations
médiatiques qui posent problème, même si, globalement, elles coûtent fort cher.
Non, c'est la multiplication des petites opérations que les communes sont
amenées à engager qui pèse. Et, dans ces cas-là, on n'est pas dans le domaine
pénal.
Donc, je crois que, malheureusement, si la voie pénale, dans tel ou tel cas,
peut être opposée aux imprudents, dans la grande majorité des cas, le maire de
telle ou telle commune ne poursuivra pas au pénal un promeneur qui se sera
perdu entre dix-huit heures et minuit ! Le pénal ne se justifie que dans des
cas extrêmes.
Troisièmement, les grands principes. Moi, je veux bien qu'on me cite les
grands principes que rappelle le Premier ministre, mais l'un d'entre nous a
expliqué que l'Etat, avec la taxe sur les assurances, perçoit 35 milliards de
francs et que les secours lui coûte 300 millions. Eh bien ! que l'Etat applique
les grands principes et qu'il casse sa tirelire !
(Sourires.)
Qu'il dise
qu'il paie désormais les secours !
(M. Jean Faure applaudit.)
Alors, là,
l'Etat, pour une fois, mettra ses actions en concordance avec les grands
principes.
Je considère - mais cette critique ne vise pas spécialement ce gouvernement -
qu'on ne peut pas défendre les grands principes et faire une économie de 34,7
milliards de francs avec la taxe sur les assurances au nom de ces mêmes grands
principes. Il y a là une discordance absolue entre les grands principes que
l'Etat agite devant nous et la façon dont il agit lui-même.
Donc, encore une fois, les arguments qui nous ont été présentés par nos
collègues qui étaient soit très réticents, comme M. Foucaud, soit approbateurs
mais que la discipline de groupe oblige à s'abstenir, comme notre collègue M.
Rinchet, de Savoie, ne m'ont pas convaincu.
Que se passe-t-il aujourd'hui ? Le sénateur d'un département de montagne que
je suis n'oublie pas non plus qu'en tant que vacancier il constate chaque année
que l'on doit, au moindre coup de vent, aller chercher des véliplanchistes
imprudents. Et tout cela aux frais des communes du littoral ! Cette
multiplication d'incidents pèse sur les communes, surtout les plus petites.
De quelle égalité parle-t-on alors, si la commune d'Engins doit payer 300 000
francs sur un budget total de 900 000 francs ? Il faudra bien que le maire
augmente la pression fiscale locale pour boucler son budget.
Il y a là une véritable inégalité pour des communes dont les citoyens ne sont
pas forcément très fortunés, notamment les petites communes, que tout le monde
a évoquées et qui ont aujourd'hui à leur charge des coûts qu'elles ne peuvent
plus supporter.
C'est la raison pour laquelle le groupe du RPR soutiendra la proposition de
loi de M. Jean Faure.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Je crois tout de même me souvenir qu'à l'époque où le bien-aimé roi a pris son
ordonnance, c'était effectivement, comme le rappelait M. Jean Faure, pour
assurer la sécurité des villes et des villages contre le risque d'incendie. A
tel point que, lorsqu'on quittait les zones habitées, le dernier relais portait
le nom de : « A la grâce de Dieu ». Le roi connaissait donc bien ses limites !
(Sourires.)
Aujourd'hui, l'Etat veut maintenir l'ordonnance royale et assurer la gratuité
mais non plus, pour ce qui ne le concerne pas, à la grâce de Dieu, mais à la
grâce des communes, à la grâce des finances des communes ! Il y a donc là un
transfert, sans pour autant que les communes soient désormais d'essence divine
!
(Nouveaux sourires.)
Il faudrait donc revenir à la responsabilité de l'Etat.
C'est pourquoi, en espérant que les différentes lectures permettront de
parvenir à un accord, je voterai le texte présenté par M. Faure et excellemment
modifié et défendu par M. le rapporteur.
(Applaudissements sur les travées
du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Faure.
M. Jean Faure.
Je saisis cette ultime occasion d'interroger le Gouvernement. Avez-vous,
monsieur le secrétaire d'Etat, ou le Gouvernement a-t-il l'intention, comme le
laissait entendre M. le ministre de l'intérieur, de faire inscrire cette
proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ? Cela
permettrait de continuer à approfondir cette question, comme le suggéraient nos
collègues MM. Foucaud et Rinchet, et d'avoir un bon débat.
Il serait regrettable qu'après avoir probablement été adoptée par le Sénat -
c'est en tout cas ce que je souhaite - cette proposition de loi soit enterrée
et le débat arrêté.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, l'idée d'une
table ronde à organiser en début d'année me paraît tout à fait judicieuse.
Quant au calendrier parlementaire, je ne saurais m'engager sur ce point.
En tout cas, la réflexion que vous avez souhaité initier peut être utilement
prolongée par cette concertation et déboucher alors sur un texte qui recueille
un large agrément.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur la
proposition de loi n° 267 (1998-1999).
M. Jean-François Picheral.
Le groupe socialiste s'abstient !
(Ces conclusions sont adoptées.)
4
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept
membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux
droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée
conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires :
MM. Jacques Larché, Jean-Paul Amoudry, Patrice Gélard,
Jean-Pierre Schosteck, Paul Girod, Jacques Mahéas et Robert Bret.
Suppléants :
MM. Guy Allouche, Robert Badinter, Guy Cabanel, René
Garrec, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier et Jacques Peyrat.
5
ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ FRANÇAISE
PAR LES MILITAIRES ÉTRANGERS SERVANT
DANS L'ARMÉE FRANÇAISE
Adoption d'une proposition de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 104,
1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale, modifiant les conditions
d'acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant
dans l'armée française. [Rapport n° 132 (1999-2000).]
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alex Turk,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons
aujourd'hui une proposition de loi parvenant de l'Assemblée nationale et
tendant à modifier les conditions d'acquisition de la nationalité française
pour les militaires étrangers qui ont été blessés au cours d'opérations de
combat ou à l'occasion d'engagements opérationnels.
Il s'agit d'un dispositif spécifique, qui permettra de conférer la nationalité
française, par une décision de l'autorité publique et selon un régime différent
de celui de la naturalisation, aux étrangers servant sous le drapeau français,
en l'occurrence aujourd'hui les légionnaires.
Je précise d'emblée que l'effet pratique de cette disposition sera limité. En
effet, actuellement, près de 97 % des demandes sont satisfaites dans un délai
avoisinant six mois. Par ailleurs, au cours des onze dernières années, et c'est
heureux, seulement, si l'on peut dire, quatre-vingt-deux légionnaires ont été
blessés, dont cinquante sont d'origine étrangère, ce qui signifie que la
moyenne, si tant est que l'on puisse parler de moyenne en l'occurrence, est de
cinq légionnaires par an susceptibles d'être concernés par le texte.
Néanmoins, ce texte a une portée symbolique. De toute façon, rien ne présage
l'avenir en la matière et si des conflits devaient survenir ce texte pourrait,
hélas ! trouver un regain d'actualité.
La présente proposition de loi est hautement symbolique à un double point de
vue.
D'abord, ce texte, d'une certaine manière, s'inscrit dans le processus
d'intégration qui est mis en place par la Légion, qui s'efforce, depuis ses
origines, d'avoir une politique d'assimilation des étrangers qui rejoignent ses
rangs. A cet égard, quelques chiffres sont intéressants. Sur 8 500 candidats,
900 seulement sont retenus après une première sélection. Actuellement, la
Légion compte 138 nationalités pour 8 159 hommes. Si le taux moyen de
francophones est de 40 %, il est actuellement de l'ordre de 30 % pour le
recrutement.
Il est donc nécessaire de mener une politique d'intégration dont l'objectif
premier, d'après les représentants de la Légion, est la pratique de la langue.
On considère aujourd'hui que cet objectif est atteint puisque, au bout de
quatre mois, des soldats qui viennent d'être engagés pratiquent environ 600
mots de notre langue.
De manière plus symbolique encore et s'attachant beaucoup plus au cours de
l'histoire, ce texte aurait pour effet, d'une certaine manière, de permettre au
législateur d'affirmer solennellement qu'il n'y pas de doute - car il y a eu
quelques malentendus sur ce point - quant au degré d'attache de ces personnes
avec notre pays. D'une certaine façon, les 38 000 tués depuis la création de la
Légion et les 40 000 blessés depuis 1940 créent en quelque sorte un droit pour
que ceux qui, aujourd'hui, sont engagés sous nos couleurs puissent bénéficier
d'une procédure leur permettant d'acquérir plus facilement la nationalité
française.
Cela étant dit, le champ d'application de ce texte est précis mais limité.
Il est précis puisqu'il ne concerne que les légionnaires blessés au cours ou à
l'occasion d'engagements opérationnels, ce qui a une signification très précise
pour les autorités militaires mais suffisamment large pour répondre à notre
préoccupation puisqu'il s'agit à la fois des interventions qui ont lieu à
l'intérieur et à l'extérieur de nos frontières, dans le cadre de véritables
engagements armés ou lorsque la légion est engagée dans des opérations
humanitaires ou au titre du plan Vigipirate. On peut donc dire que, de ce point
de vue, toutes les hypothèses sont envisagées. Est bien entendu exclu le cas
d'un légionnaire qui serait blessé lors d'un accident complètement détachable
d'un engagement opérationnel. A cet égard, il appartiendra au ministre de
procéder à la vérification nécessaire.
La procédure est simplifiée, puisqu'il s'agit d'une acquisition quasi
automatique de la nationalité dans la mesure où il suffit qu'une proposition
soit formulée par le ministre de la défense. Cela a suscité quelques réflexions
de notre part. Nous avons toutefois admis ce point de vue dans la mesure où le
représentant du Gouvernement doit pouvoir vérifier que le légionnaire concerné
a été blessé dans des conditions permettant à celui-ci de bénéficier de cette
procédure. La nature de la blessure et les circonstances de la survenance de
celle-ci doivent être conformes à ce que nous attendons.
Enfin, il est précisé que les enfants sont, bien sûr, concernés. Il s'agit,
d'une part, des enfants mineurs qui résident avec le légionnaire au jour de la
blessure et qui bénéficieront
ipso facto
du même régime au titre de
l'effet collectif. Il s'agit, d'autre part, des enfants du légionnaire décédé,
qui pourraient se substituer à lui pour engager la procédure.
Par ailleurs, le champ d'application de ce texte est limité. Cela me conduit
à évoquer une autre question qui, en réalité, me semble être de même nature. Le
champ d'application est limité car ce texte ne vise que le présent et l'avenir.
En effet, seuls sont concernés les légionnaires « engagés », c'est-à-dire
engagés au moment où ils effectuent la demande d'acquisition de la nationalité
française. Cela conduit, indépendamment de ce texte - mais nous devons saisir
l'occasion de l'examen de celui-ci pour le faire devant vous, monsieur le
secrétaire d'Etat - à poser le problème du passé. En effet, nous sommes autant
redevables du passé sur ce point.
Comme vous le savez, une autre proposition de loi, émanant de M. Pelchat,
avait été déposée dans cet esprit. Celle-ci n'est pas soumise à la discussion
aujourd'hui, mais nous l'examinerons sans doute dans quelque temps. Aussi
n'est-il pas inutile de préparer le débat futur. Il s'agit non seulement de
tous les anciens légionnaires qui ont été blessés au service de la France, mais
aussi de l'ensemble des combattants qui ont servi sous les couleurs françaises
dans les différents conflits depuis la Seconde Guerre mondiale. Pour donner un
ordre d'idée, il est bon de rappeler que dans l'armée du maréchal Juin comme
dans l'armée du maréchal de Lattre les deux tiers ou les trois cinquièmes des
combattants étaient originaires de l'ensemble de l'empire, tout au moins des
pays issus de la décolonisation tels que nous les définissons aujourd'hui.
Ainsi, 40 % des combattants à Bir Hakeim et 60 % de ceux qui sont morts sous
les couleurs françaises pendant la Seconde Guerre mondiale étaient originaires
de l'empire.
A cet égard, nous considérons que la France a une dette. Il s'agit, bien sûr,
d'un cas de figure un peu particulier car plus nous attendons, plus le problème
sera facile à résoudre. En effet, par définition, la plupart de ces anciens
combattants ont un âge tel que, si nous repoussons le moment d'assumer notre
dette morale envers eux, cette dette sera, d'une certaine façon, éteinte
d'elle-même, mais nous n'en serons pas plus fiers pour autant.
En effet, quelle est la situation qui est réservée aujourd'hui à tous ceux qui
ont combattu pour nous permettre de rester libres ? Elle est difficilement
admissible sur le plan matériel et particulièrement choquante sur le plan
moral.
Sur le plan matériel, je rappelle que nous sommes confrontés au mur de ce l'on
appelle la « cristallisation » des pensions. En effet, s'agissant des trois
types de pensions possibles, à savoir la retraite du combattant, les pensions
d'invalidité et la pension militaire de retraite pour ceux qui ont servi
pendant plus de quinze ans, l'ensemble des taux sont gelés depuis la
décolonisation. Cela signifie, pour prendre le seul exemple de la retraite du
combattant, que, aujourd'hui, un ancien combattant issu d'un pays d'Asie du
Sud-Est touche 100 francs par an, alors qu'un Français perçoit 2 600 francs et
un Marocain quelque 300 francs. Il suffit d'appliquer cette proportion pour
avoir une idée de ce que cela peut représenter pour des pensions d'invalidité
qui, par définition, sont plus importantes. Donc, on voit bien dans quelle
situation sont les intéressés.
De plus, se pose le problème de la fragilité juridique de ce dispositif. En
effet, depuis 1989, tant le comité des droits de l'homme de l'ONU que certains
commissaires du gouvernement du Conseil d'Etat ou la cour administrative
d'appel de Paris se sont demandé s'il était légitime, en tout cas légal, que
nous maintenions une telle différence, fondée non pas sur des services rendus,
mais uniquement sur la nationalité de la personne.
De ce point de vue, une responsabilité morale nous incombe, et l'occasion nous
est donnée aujourd'hui d'en faire mention. Cette responsabilité morale existe
également en ce qui concerne le problème de la nationalité. Je ne reprendrai
pas le détail, qui est extrêmement complexe, de l'évolution du statut en
matière de nationalité pour ces personnes depuis l'origine, de 1946 en passant
par 1960 puis les lois de 1973 et 1993. Aujourd'hui, leur situation est
complexe, parfois disparate et, assez souvent, kafkaïenne. En effet, ces
personnes sont soumises à un régime qui a été rendu de plus en plus difficile
pour elles. On a progressivement fermé la porte jusqu'en 1993. Ainsi, certaines
personnes qui auraient souhaité garder la nationalité française l'ont perdue
sans vraiment le savoir et l'ont appris de manière fortuite. Certaines demandes
de réintégration sont systématiquement rejetées dans la mesure où elles ne
satisfont pas la condition de l'obligation de résidence, qui est le sens
général de notre législation sur ce point depuis une trentaine d'années.
Aussi, dans quelques semaines, nous nous interrogerons sur l'opportunité de
maintenir en dehors du dispositif tous ces anciens combattants dont la plupart
sont âgés de plus de soixante-dix ans et qui souhaitent tout simplement avoir
la possibilité d'être reconnus Français, effectivement de manière
exceptionnelle car cela est contraire à la jurisprudence et à notre
législation, le fondement étant le seul fait que, à un moment donné, la nation
française a eu besoin d'eux.
S'agissant des conséquences matérielles, et donc financières, qui pourraient
en résulter, je me tourne vers vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour vous
demander de bien vouloir faire une évaluation la plus précise possible en la
matière, afin que, à l'occasion du débat qui interviendra sur la proposition de
loi de M. Pelchat, vous puissiez nous apporter tous les éléments nécessaires,
et donc éclairer nos collègues.
Quoi qu'il en soit, s'agissant du texte que nous examinons aujourd'hui et qui
concerne les légionnaires, je vous demande, mes chers collègues, de l'adopter
conforme, c'est-à-dire tel qu'il nous est parvenu de l'Assemblée nationale.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Picheral.
M. Jean-François Picheral.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
c'est avec fierté que, dans les années soixante, le médecin appelé du
contingent affecté en Algérie que j'étais a eu la possibilité de vivre auprès
des légionnaires. Cela me permet de témoigner des situations qu'un médecin
militaire est appelé à rencontrer en temps de guerre, tout particulièrement au
côté de légionnaires.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. Jean-François Picheral.
Mon expérience m'a permis de découvrir qu'il s'agit pour eux d'un engagement
au cours duquel, tout en se familiarisant avec notre langue, ils sont appelés à
affronter des situations extrêmement dangereuses avec, pour seul devise, «
honneur et fidélité ».
Les récits de toutes les guerres qui ont jalonné notre histoire font état de
bataillons et de régiments étrangers. Cette pratique remonte à la guerre de
Cent Ans ; les premières unités, composées de soldats étrangers engagés par
contrat à servir le roi, ont été constituées à cette occasion. L'histoire
retient la phrase de Choiseul qui, en 1762, a réformé et modernisé l'armée
royale, expliquant qu'un soldat étranger équivaut à trois soldats français : un
soldat enlevé à l'ennemi, un soldat gagné pour l'armée française et un soldat
français épargné.
A la différence des troupes étrangères de l'Ancien Régime, constituées de
bataillons ou de régiments de même nationalité, la Légion étrangère, créée le
10 mars 1831 par une ordonnance de Louis-Philippe, adopte rapidement le
principe de l'amalgame des nationalités dans les unités. Cet « amalgame » est
resté, depuis, un principe de base de cette organisation.
Toutefois, ce n'est pas simplement le caractère particulier de toutes les
nationalités « amalgamées » dans ses rangs qui va faire de la Légion une troupe
spéciale ; c'est surtout le fait que ces hommes, venus des quatre coins du
monde pour les motifs les plus divers, n'aient rien, à l'origine, pour les
souder entre eux : ils n'ont, au tout début de leur engagement, aucun idéal
commun, aucun caractère commun. Et c'est là qu'intervient ce que l'on a appelé
le « mystère » de la Légion. En effet, l'homme qui a rompu avec son passé, avec
son cadre familial, va reporter sur la Légion son idéal et ses affections
déçues, sacrifiant ainsi tout à sa nouvelle patrie, la France.
Aujourd'hui, la Légion comprend 8 200 hommes, dont 350 officiers, et regroupe
des ressortissants de 138 pays, les francophones ne représentant que 42 % de
l'effectif total.
J'en viens à la proposition de loi proprement dite.
Lorsque Mme Guigou m'a reçu, le 8 septembre dernier, en compagnie de M.
Marceau Long, ancien vice-président du Conseil d'Etat, elle nous a exprimé tout
l'intérêt qu'elle attachait à nos nouvelles propositions et a immédiatement
fait procéder à l'étude de cette procédure en corrélation avec ses collègues
Alain Richard et Martine Aubry.
La volonté des auteurs de cette proposition de loi s'inscrit pleinement dans
nos traditions républicaines d'exprimer la reconnaissance concrète et légitime
de la France aux militaires étrangers, notamment aux légionnaires qui ont versé
leur sang au service des engagements opérationnels plus récents à l'occasion
desquels la France a mis en oeuvre, seule ou avec ses alliés, des unités des
armées afin de faire prévaloir le droit international.
Actuellement - M. le rapporteur, que je remercie de son intervention, l'a
d'ailleurs fort bien indiqué - les légionnaires étrangers souhaitant obtenir la
nationalité française bénéficient d'une procédure simplifiée : ils sont en
effet dispensés de la condition de stage de cinq ans en France prévue par le
droit commun. Ils doivent donc, au moment de l'acquisition, justifier de la
résidence en France, de leur assimilation à la communauté française, avoir «
bonne vie et moeurs » et ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation visée à
l'article 21-23 du code civil.
Depuis 1997, la procédure d'acquisition de la nationalité française par les
légionnaires a été centralisée au commandement de la Légion étrangère à
Aubagne, ce qui a eu pour conséquence de réduire les délais de traitement. Les
dossiers font l'objet d'une préinstruction par le commandement de la Légion,
qui vérifie les capacités d'intégration des demandeurs et leur maîtrise de la
langue française. Les délais d'obtention de la nationalité française pour les
légionnaires sont, en moyenne, de quatre mois à six mois, ce qui est nettement
inférieur à la moyenne nationale, qui est environ de deux ans. Par ailleurs, la
quasi-totalité des demandes font l'objet d'une décision favorable.
Toutefois, la naturalisation n'est pas un droit, elle peut toujours être
refusée, et les délais de traitement pourraient, dans les années à venir, se
dégrader.
Par ailleurs, la législation actuelle ne dispose pas d'une procédure
particulière pour les étrangers blessés au combat. Les propositions qui nous
sont soumises tentent de combler cette lacune de notre droit.
La proposition qui est la nôtre, aujourd'hui, reprend, en fait, le texte
adopté par l'Assemblée nationale le 30 novembre dernier, sur proposition de nos
collègues Mariani, Luca, Goasguen, Cova et Gaïa. Elle tend à accorder la
nationalité française, le plus rapidement possible, par décret, sur proposition
du ministre de la défense, à tout étranger engagé dans les armées françaises
qui a été blessé en mission au cours ou à l'occasion d'un engagement
opérationnel et qui en fait la demande.
J'ai souhaité, moi aussi, instaurer un filtre afin que l'autorité militaire
conserve ses droits et une marge d'appréciation sur la nature de la blessure,
les circonstances dans laquelle elle est intervenue et la manière de servir de
la personne concernée.
Comme M. le rapporteur l'a indiqué, en cas de décès de l'intéressé, cette
procédure sera ouverte à ses enfants mineurs qui, au jour du décès, remplissent
les conditions de résidence prévues à l'article 22-1 du code civil.
Mon collègue Michel Pelchat a retiré sa proposition de loi, ce dont je le
remercie, car il clarifie ainsi le débat de ce matin. Je tiens à lui faire
savoir que je serai à ses côtés, et j'espère, monsieur le secrétaire d'Etat,
que vous lui apporterez votre aide dans ce combat qui est le sien depuis fort
longtemps.
La proposition de loi dont nous discutons pourrait être adoptée définitivement
aujourd'hui et entrer dans notre droit dès le début de l'an 2000 ; je m'en
réjouis par avance.
Ce texte n'a pas l'ambition de régler les situations passées. Il n'a vocation
que pour l'avenir.
Cette proposition de loi, qui ne devrait concerner, en fait, que cinq
personnes par an, revêt à nos yeux, comme l'a dit tout à l'heure M. le
rapporteur, un caractère hautement symbolique pour la France. Je vous demande
donc, mes chers collègues, de voter cette proposition de loi dans les mêmes
termes que l'Assemblée nationale afin que ce texte puisse être appliqué dans
les meilleurs délais et que la France fasse ainsi preuve de reconnaissance pour
ceux qui la servent avec honneur et fidélité.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner une proposition de loi modifiant
les conditions d'acquisition de la nationalité française dans un cas bien
spécifique : celui des militaires étrangers ayant servi dans l'armée
française.
Pour ceux qui ne s'en souviennent pas, vous me permettrez de rappeler que
c'est sur l'initiative de notre groupe, par l'intermédiaire d'un amendement
présenté par l'amiral Philippe de Gaulle, lors de la discussion sur la réforme
du code de la nationalité, qu'a été lancé le débat sur l'octroi de la
nationalité française aux légionnaires blessés.
Au mois de septembre dernier s'était installée une polémique entre la
Chancellerie, qui souhaitait pouvoir vérifier « le degré d'attachement des
légionnaires à la France », et les représentants de la fédération des sociétés
d'anciens de la Légion étrangère qui revendiquaient le droit pour le
légionnaire blessé d'obtenir la nationalité française de façon quasi
automatique, sa carrière militaire témoignant par là même de son
attachement.
Cependant, cette demande, tout à fait légitime, s'était heurtée au refus de
Mme le garde des sceaux, qui déclarait ceci : « Il n'apparaît pas opportun de
créer une distinction supplémentaire entre un mécanisme d'acquisition de plein
droit à la suite de blessures et le régime actuel de la naturalisation par
décret. (...) Il importe que le Gouvernement conserve une marge d'appréciation
afin de vérifier le degré d'attache avec la France de ces personnes. »
Devenir Français par le sang versé ! Cela devrait être un exemple pour chaque
personne désireuse d'acquérir la nationalité française. Cela devrait signifier
pour chacun de nous qu'être Français c'est avoir certes des droits, mais
également des devoirs.
La Légion est une référence. Il n'existe pas un seul pays dans le monde qui ne
nous envie ce corps d'élite. Depuis 1831, plus de 35 000 légionnaires ont été
tués au combat et plus du double ont été blessés. Nous nous devons donc de leur
offrir la reconnaissance du sang versé.
Pour eux, cela représente une juste récompense dontils se montrent fiers et
honorés. Le cas du légionnaireNovakowski en est la preuve lorsqu'il répond à M.
François Léotard, alors ministre de la défense : « Monsieur le ministre, je ne
vous demande rien, je ne vous demande pas de décoration, je ne vous demande pas
d'argent : la seule chose que j'aimerais, c'est être Français. »
Même si cela ne concerne que cinq légionnaires par an, la démarche qu'ils
effectuent tous est un acte qui ne fait que renforcer et officialiser leur
attachement à notre nation. C'est un véritable symbole !
La Légion étrangère ou institution de la deuxième chance, comme certains l'ont
appelée, a toujours accueilli des hommes de tous horizons, comme cela a été
rappelé tout à l'heure : 138 nationalités sont présentes en son sein. Tous
doivent pouvoir devenir des citoyens à part entière.
La Légion, c'est l'école du courage, de la bravoure, de la fidélité. C'est un
sentiment de loyauté à une mission de sacrifice. La patrie à laquelle
appartiennent ces hommes, liés par la devise
legio patria nostra,
c'est
la France.
Il faut que tout le monde comprenne que ce que nous offrons par la loi aux
légionnaires blessés ou à leurs enfants, s'ils sont décédés, représente peu par
rapport à ce que la France leur doit.
N'oublions jamais Camerone : le 30 avril 1863, 3 officiers et 62 légionnaires
résistèrent toute une journée à 2000 Mexicains ! N'oublions jamais Diên Biên
Phu, où 687 légionnaires furent tués et 1 503 blessés. N'oublions jamais
Kolwezi : en mai 1975, la Légion étrangère saute sur cette ville pour sauver
des Européens menacés par les rebelles katangais ; cinq légionnaires y perdront
la vie. Mais depuis, il y a eu aussi la guerre du Golfe, le Rwanda,
l'ex-Yougoslavie et le Kosovo. La Légion est toujours présente, même si les
médias ont tendance à l'oublier.
Aujourd'hui, comment se déroule la procédure de naturalisation d'un
légionnaire ? Selon les informations obtenues auprès du commandement de la
Légion, 183 demandes de naturalisation ont été déposées en 1995, 156 en 1996,
276 en 1997, 233 en 1998 et 161 au 1er septembre 1999. Il faut savoir que, en
1998, la Légion étrangère comptait 8 200 hommes, dont 350 officiers. Elle
regroupait dix-huit nationalités, les francophones représentant 42 % de
l'effectif total.
Les dossiers de naturalisation des candidats font l'objet d'une préinstruction
par le commandement de la Légion, qui vérifie les capacités d'intégration des
demandeurs et leur maîtrise de la langue française. Une fois les dossiers
transmis à la préfecture, les délais d'obtention de la nationalité sont, en
moyenne, de cinq mois. Même si ce délai est bien inférieur au délai de droit
commun - en moyenne deux ans - la naturalisation n'est jamais de droit, elle
peut toujours être refusée, et c'est cela qui, pour nous, est inadmissible.
De plus, la législation actuelle ne prévoit rien en ce qui concerne le
légionnaire en mission. C'est une lacune regrettable que vient combler cette
proposition de loi. Même si, pour certains, elle ne survient que trop
tardivement, il s'agit presque d'une question d'honneur ! En effet, si la
France ne le faisait pas, n'aurait-elle pas perdu un peu de cet honneur pour
lequel la Légion a combattu ?
La Légion étrangère a toujours captivé l'imagination populaire et fasciné tous
les historiens, toutes nationalités confondues.
Aussi me permettrez-vous de citer M. Douglas Porch, professeur d'histoire
militaire en Caroline du Sud et à l'école navale des Etats-Unis, à Newport : «
Aucun corps n'est entouré d'un tel halo de romanesque, de légende, de
mystère... Il n'est pas difficile de découvrir pourquoi la Légion étrangère a
toujours été quelque chose d'unique : une force multinationale et polyglotte,
composée d'individus fuyant les lois de leur pays ou au bout du rouleau,
d'autres voulant pousser leur expérience de la vie jusqu'aux limites de
l'endurance et même au-delà, dispersés sur de multiples et lointaines terres
qui ont un temps constitué l'empire colonial français... Par beaucoup
d'aspects, la Légion est un miroir de la société, une illustration des normes
et des valeurs de l'Europe, de l'attitude de la France à l'encontre des
étrangers, un lieu où certains hommes pouvaient trouver ce que la vie civile ne
pouvait leur procurer... Le plus grand paradoxe de la Légion est peut-être
d'avoir réussi à former un corps d'élite à partir d'un matériau considéré comme
ingrat... Elle incarne un besoin essentiel de l'âme humaine, la conviction que
l'on peut recommencer une vie brisée, que l'on peut connaître une rédemption
par le danger et la souffrance... Tant qu'il y aura des hommes pour y croire,
la Légion aura un avenir aussi brillant que son passé. »
Avant 1914, le premier étranger engagé dans la Légion fut surnommé le premier
« mystérieux ». Alors, en mémoire de tous ces « mystérieux » blessés en
mission, pour leurs enfants, pour l'ensemble des légionnaires, le groupe du
Rassemblement pour la République du Sénat votera le présent texte.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement souscrit à la
proposition de loi qui vous est présentée ce matin et qui a été élaborée et
votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale.
Tous les orateurs, notamment M. le rapporteur, que je remercie de son
excellent rapport, l'ont dit, il s'agit de marquer un témoignage supplémentaire
de respect et de reconnaissance envers la Légion, cette arme qui, dans une
armée devenue professionnelle, est non plus l'exception mais l'élément de
référence.
Nous pouvons témoigner de l'engagement de la Légion au service de la France.
J'étais, au mois d'avril dernier, à Diên Biên Phu pour rendre un hommage à tous
nos soldats devant le monument érigé par un légionnaire d'origine allemande.
J'étais, il y a moins de huit jours, à Hao, à Mururoa, pour marquer, au nom du
Gouvernement, tout le respect et toute la reconnaissance que le pays a envers
les légionnaires qui travaillent là-bas, dans des conditions très difficiles,
depuis 1963, qui y travaillent encore et qui y travailleront jusqu'au 30 juin
prochain, date à laquelle le régiment sera dissous.
Cette reconnaissance de la nation est d'ailleurs inscrite dans le droit à
réparation. Le légionnaire, quelle que soit sa nationalité, a exactement les
mêmes droits que le soldat français s'il se trouve dans une situation qui
relève du code des pensions militaires d'invalidité. En outre, ses droits ne
sont pas cristallisés, quelle que soit sa nationalité, contrairement à ceux
qu'a évoqués M. le rapporteur.
Il est donc parfaitement légitime que, sans polémique aucune, le Sénat
souscrive également, à l'unanimité, à cette proposition de loi.
Lorsque Mme Guigou a répondu à des revendications, ou à une lettre, elle a
simplement rappelé le droit qui s'appliquait - et qui s'applique toujours tant
que cette proposition de loi n'est pas votée. La marge d'appréciation qu'elle
revendiquait, l'Assemblée nationale l'a, en fait, acceptée en reconnaissant au
ministre de la défense le droit d'intervenir avant l'attribution de la
nationalité. Nous avons donc fait, les uns et les autres, un parcours suffisant
pour nous rejoindre autour du principe que nous voulons affirmer
unanimement.
M. le rapporteur a évoqué un autre débat, et il est bon, à cet égard, que la
proposition de M. Pelchat n'ait pas été débattue, que nous soyons restés
centrés sur l'essentiel, à savoir ce texte concernant les légionnaires,
l'important étant que l'unanimité se fasse sur le principe du témoignage du
respect et de la reconnaissance de la nation envers eux.
Cela n'occulte en rien le débat que nous pourrons avoir sur le problème de la
cristallisation des pensions et des retraites accordées aux combattants ayant
eu un engagement sous le drapeau tricolore et qui sont aujourd'hui d'une autre
nationalité que la nôtre parce que ressortissants de pays souverains.
Les chiffres qui ont été cités font référence à des situations historiquement
tranchées. Si nous avons, certes, un devoir moral, il nous faut apprécier les
dossiers en tenant compte à la fois du pouvoir d'achat que donnent aujourd'hui
les prestations accordées dans les différents pays et des circonstances
historiques qui ont conduit à telle ou telle situation.
Quant à l'attribution de la nationalité évoquée dans la proposition de M.
Pelchat, je suis prêt à fournir tous les éléments d'appréciation permettant une
approche rationnelle du problème. Si cette proposition répond à une
préoccupation morale, je dois tout de même à la vérité de dire que le dossier a
été traité et résolu à partir de la décolonisation, des possibilités ayant été
ouvertes dans notre droit jusqu'en 1973 à ceux qui avaient combattu en ayant la
nationalité française, car il faut distinguer entre ceux qui avaient été
appelés sous nos drapeaux et qui, à l'époque, étaient de nationalité française
- je pense notamment aux Algériens, aux Sénégalais - et ceux qui intervenaient
sous le drapeau français tout en étant d'une nationalité autre.
Tout cela, nous devons le prendre en compte, et notamment le fait que
l'histoire a progressivement tranché, des opportunités de choix ayant été
offertes, je le répète, jusqu'en 1973.
M. Serge Vinçon, à l'instant, a fait allusion au débat qui s'était engagé, en
1998, sur l'amendement déposé par M. Philippe de Gaulle en commission des lois,
sous la houlette de M. le président Jacques Larché.
Finalement, devant les arguments de la commission, l'amendement avait, fort
justement, me semble-t-il, été retiré. En effet, le problème est beaucoup plus
compliqué que celui qui sous-tend le texte qui nous rassemble ce matin.
Je remercie donc M. Pelchat d'avoir retiré son texte pour permettre une
expression unanime du Sénat sur cette proposition de loi.
En cet instant, je veux dire combien, au travers de cette proposition de loi,
le pays entend témoigner très concrètement son respect et sa reconnaissance
pour le courage, le dévouement et l'héroïsme de ces légionnaires, de ces hommes
qui se sont engagés au service de la France.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art.1er. - Avant l'article 21-15 du code civil, il est inséré un article
21-14-1 ainsi rédigé :
«
Art. 21-14-1.
- La nationalité française est conférée par décret, sur
proposition du ministre de la défense, à tout étranger engagé dans les armées
françaises qui a été blessé en mission au cours ou à l'occasion d'un engagement
opérationnel et qui en fait la demande.
« En cas de décès de l'intéressé, dans les conditions prévues au premier
alinéa, la même procédure est ouverte à ses enfants mineurs qui, au jour du
décès, remplissaient la condition de résidence prévue à l'article 22-1. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles 2 et 3
M. le président.
« Art. 2. - L'article 21-15 du code civil est ainsi rédigé :
«
Art. 21-15.
- Hors le cas prévu à l'article 21-14-1, l'acquisition de
la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une
naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. »
(Adopté.)
« Art. 3. - I. - Dans le dernier alinéa de l'article 22-1 du code civil, les
mots : "de naturalisation" sont supprimés.
« II. - Sont insérés, dans l'article 27 du code civil, après les mots : "une
demande", les mots : "d'acquisition,".
« III. - Il est inséré, dans les articles 27-1 et 27-2 du code civil, après
les mots : "Les décrets portant", le mot : "acquisition,".
« IV. - Sont insérés, dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'article
28-1 du code civil, après les mots : "retrait du décret", les mots :
"d'acquisition,".
« V. - Sont insérés, dans l'article 30-1 du code civil, après les mots : "par
déclaration,", les mots : "décret d'acquisition ou de". »
(Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à M. Durand-Chastel pour explication de vote.
M. Hubert Durand-Chastel.
Il est un argument que je veux ajouter en faveur de l'adoption de la
proposition de loi que nous examinons.
Un légionnaire, en entrant dans la Légion, souscrit un engagement de cinq ans
minimum dans l'armée française. Or, cinq années, c'est précisément la condition
obligatoire de résidence sur le territoire français pour un étranger qui désire
acquérir la nationalité française. On peut, à mon sens, assimiler la présence
dans la Légion à cette condition de résidence.
Quant au fait d'être blessé dans une intervention opérationnelle, c'est un
élément complémentaire pour que le légionnaire ait le droit et non plus
seulement la faculté d'acquérir la nationalité française.
Je voterai, bien entendu, la proposition de loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président.
Je constate que le Sénat s'est prononcé à l'unanimité.
6
DISPOSITIF PÉNAL
À L'ENCONTRE DES SECTES
Adoption des conclusions du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 131,
1999-2000) de M. Nicolas About, fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur sa proposition de loi (n° 79, 1998-1999) tendant
à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des associations ou groupements à
caractère sectaire qui constituent, par leurs agissements délictueux, un
trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine ou la
sûreté de l'Etat.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en voulant
défendre la liberté, on risque, finalement, d'y porter atteinte. La lutte
contre les sectes est donc un sujet bien difficile.
La République française respecte de manière absolue deux principes
fondamentaux.
Le premier est la liberté de croyance, qui est affirmée par la Déclaration des
droits de l'homme, la Constitution de 1958 et la loi de 1905 sur la séparation
des églises et de l'Etat, mais aussi par des engagements internationaux, tels
que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales.
Le second principe est la liberté d'association, qui est reconnue de manière
très large dans la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat
d'association.
Le problème, c'est que des groupements très dangereux s'appuient sur ces
libertés fondamentales pour prospérer en toute quiétude. Ces groupements sont
communément qualifiés de sectes, sans qu'on parvienne de manière claire à
définir ce qu'est une secte. Etymologiquement, ce mot peut être rattaché à deux
racines latines, les verbes « suivre » et « couper ».
En 1995, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale a tenté d'utiliser
un faisceau d'indices permettant de qualifier un groupement de secte. Parmi ces
indices, elle a retenu la déstabilisation mentale, les exigences financières
exorbitantes, les atteintes à l'intégrité physique, les troubles à l'ordre
public, l'embrigadement des enfants... En fait la plupart de ces indices
constituent tout simplement des infractions pénales. Sur la base de ces
critères, cette commission d'enquête a recensé, dans une liste hétérogène, près
de 200 mouvements qu'elle a qualifiés de sectes.
Depuis quelques années, la lutte contre les sectes s'organise un peu mieux
dans notre pays.
D'abord, l'arsenal pénal est important. De nombreuses infractions permettent
de poursuivre les sectes, ou plutôt leurs dirigeants. On peut penser aux
violences, aux infractions sexuelles, à l'escroquerie, à l'exercice illégal de
la médecine et de la pharmacie. On peut surtout penser à l'abus frauduleux de
l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse.
Voilà un an, sur mon initiative, le Parlement a adopté une loi tendant à
renforcer le contrôle de l'obligation scolaire, qui doit nous permettre de
mieux lutter contre les mouvements qui écartent les enfants de la société.
Le nombre de procédures judiciaires contre des dirigeants de sectes tend à
augmenter. Ainsi 250 procédures judiciaires impliquant des mouvements sectaires
ont été dénombrées au 31 juillet 1999 : 134 enquêtes préliminaires et 116
informations judiciaires. Une quarantaine de condamnations ont été
prononcées.
Les gouvernements successifs ont commencé à prendre la mesure du problème.
Ainsi, une circulaire du 29 février 1996 invite les magistrats du parquet à une
grande vigilance à l'égard des sectes et rappelle les dispositions de droit
pénal existantes. Elle insiste sur la nécessité de développer la coordination
entre tous les services de l'Etat appelés à connaître la question des
sectes.
Une autre circulaire a été adressée par l'actuel garde des sceaux aux
procureurs, le 1er décembre 1998, elle insiste sur la nécessité d'associer
étroitement les associations de lutte contre les sectes aux actions engagées et
prévoit la nomination, dans chaque parquet général, d'un magistrat faisant
office de « correspondant-sectes », de manière à assurer la coordination des
procédures au niveau régional.
Mais ne nous leurons pas : les difficultés sont encore considérables. D'abord,
beaucoup de victimes ne portent pas plainte et le parquet n'a pas toujours des
éléments suffisants pour mettre en mouvement l'action publique. Les
dénonciations ou les plaintes sont souvent déposées tardivement en raison de
l'emprise des sectes sur les anciens adeptes. Ensuite, au cours des procédures,
on assiste souvent à des désistements qui s'expliquent soit par des
indemnisations proposées par la secte, soit par des pressions de la part de la
secte, soit par la combinaison de ces deux éléments.
Par conséquent, on prend conscience du phénomène à tous les niveaux, c'est
vrai, mais les sectes continuent à prospérer.
J'en viens maintenant à la question de la dissolution des sectes. En fait,
cette dissolution est déjà possible aujourd'hui dans certains cas. La loi sur
les associations prévoit que les associations ayant un objet illicite doivent
être dissoutes. En outre, le code pénal prévoit, depuis 1994, la responsabilité
des personnes morales pour de nombreuses infractions et, parmi les peines
encourues, figure la dissolution.
En pratique, on n'a jamais dissous une secte sur le fondement de ces
dispositions. En général, les plaintes concernent les dirigeants de sectes et
non les sectes elles-mêmes de sorte que les juges ne peuvent pas condamner la
personne morale. En plus, dans de nombreux cas, les sectes n'ont pas un statut
leur donnant la personnalité morale de sorte qu'on ne peut les atteindre.
Enfin, la responsabilité des personnes morales n'existe pas pour toutes les
infractions pénales, loin s'en faut.
La responsabilité pénale des personnes morales existe depuis 1994 et, à ce
jour, en pratique, les tribunaux n'ont prononcé que des peines d'amende. On
peut espérer qu'une montée en puissance de la mise en cause des personnes
morales se produira au cours des années à venir, mais, pour l'instant, les
sectes ne sont pas mises en cause en tant que telles.
Il n'existe actuellement qu'une seule procédure contre une secte, prise en sa
qualité de personne morale.
Or je crois que, dans certains cas d'urgence, la dissolution de groupements
dangereux est non seulement souhaitable, mais également nécessaire. C'est
pourquoi j'ai déposé une proposition de loi afin d'utiliser la loi du 10
janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées pour dissoudre
les groupements les plus dangereux.
Cette loi de 1936 est bien connue. Elle fait parfois peur, parce qu'elle a été
créée dans un contexte particulier, celui des ligues des années trente qui
espéraient renverser la République. Mais il ne faut pas oublier qu'elle a été
complétée à de nombreuses reprises pour permettre de dissoudre, par exemple,
les mouvements qui incitent à la haine raciale ou les mouvements
terroristes.
Comment cette loi fonctionne-t-elle ? Le Président de la République peut
dissoudre certaines catégories de mouvements par décret en conseil des
ministres. Cela signifie qu'il faut à la fois l'accord du Président et du
Gouvernement. De plus, le décret de dissolution peut faire l'objet d'un recours
devant le Conseil d'Etat.
Sur la base de cette loi, des mouvements très divers ont été dissous. On peut
citer les Croix-de-Feu, mais aussi le service d'action civique, le SAC, le
comité du Kurdistan, l'association Ordre nouveau...
La proposition de loi que vous soumet la commission des lois tend à compléter
cette loi de 1936 pour permettre la dissolution de groupements condamnés à
plusieurs reprises pour certaines infractions ou dont les dirigeants ont été
condamnés à plusieurs reprises et qui portent atteinte à l'ordre public ou
constituent un péril majeur pour la personne humaine.
Parmi les infractions qui pourraient justifier la dissolution d'un groupement
figurent naturellement les atteintes à la personne, en particulier les
violences, les atteintes sexuelles, mais aussi certaines atteintes aux biens,
qui donnent lieu à de nombreuses procédures contre des mouvements sectaires, en
particulier l'escroquerie, l'abus de faiblesse, l'exercice illégal de la
médecine et de la pharmacie.
Vous remarquerez que la commission des lois n'a employé le terme secte à aucun
moment et qu'elle ne tente en aucun cas de définir la secte. Toute tentative de
définition nous conduirait à des injustices, à mettre en cause des minorités
religieuses. Or, cette proposition de loi se veut respectueuse de la liberté de
croyance et de la liberté d'association.
On reconnaît l'arbre à ses fruits ! C'est pourquoi l'un des deux critères que
nous retenons pour permettre la dissolution des sectes est celui des
condamnations pénales déjà subies. Toutes les croyances sont respectables, mais
à condition qu'elles s'exercent dans le respect de la loi.
Pour moi, le mouvement sectaire coupe l'individu de lui-même, de son libre
arbitre, de ses biens, de sa famille qui, après tout, constitue sa protection
naturelle. Il coupe l'individu de la société qui a pour mission de lui assurer
le respect de sa sécurité et de sa liberté. Cela n'a donc rien à voir avec les
convictions religieuses.
Respectueux des libertés, ce texte ne comporte aucun risque pour la liberté
religieuse puisque seuls pourront être dissous des mouvements déjà condamnés
pénalement que la condamnation ait concerné la personne morale ou un, voire
plusieurs de leurs dirigeants.
Je crois profondément que ce texte constituera une incitation à mettre
davantage en cause les mouvements sectaires eux-mêmes plutôt que leurs
dirigeants comme c'est le cas actuellement.
Le texte proposé par la commission des lois est complété par deux autres
articles. L'article 3 tend à aggraver les peines encourues en cas de
reconstitution d'une association dissoute. Nous avons en effet constaté que les
peines étaient plus lourdes en cas de reconstitution d'un groupement dissous en
application de la loi de 1936 qu'en cas de reconstitution d'une association
dissoute en application de la loi de 1901. Nous proposons donc d'harmoniser les
peines.
L'article 2 tend, quant à lui, à prévoir la responsabilité des personnes
morales en matière d'exercice illégal de la médecine et de la pharmacie. Nous
avons constaté que, pour de nombreuses infractions, il n'était pas possible de
mettre en jeu la responsabilité des personnes morales. Or, encore une fois, il
me semble important de pouvoir attaquer les sectes elles-mêmes et pas seulement
leurs dirigeants. Dans le cadre limité de cette proposition de loi, nous avons
souhaité qu'on puisse mettre en cause la responsabilité d'une personne morale
pour une infraction très souvent commise par les sectes : l'exercice illégal de
la médecine.
Telles sont, mes chers collègues, les propositions formulées par la commission
des lois. Ce texte doit nous permettre de faire face à des situations d'urgence
et de disposer d'un instrument puissant de dissuasion à l'égard de groupes
dangereux. Le mérite de cet instrument, c'est qu'il ne pénalise aucune
croyance, aucune idéologie, aucune foi. Il ne pénalise que la violation des
lois de la République. Pour cette raison, il me semble qu'il devrait pouvoir
faire l'objet d'un consensus au sein de la représentation nationale.
(Applaudissements.)
M. le président.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de la qualité de ce rapport.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Je suis heureux, monsieur le président, d'avoir votre
soutien.
M. le président.
Il vous était acquis dès le départ, monsieur le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
C'est une preuve de confiance réciproque.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
France, pays des droits de l'homme, est devenue une référence en matière de
lutte contre les sectes.
Trois rapports parlementaires - les deux derniers en quatre ans - ont été
rendus publics et la mission interministérielle de lutte contre les sectes a
succédé l'année dernière, à l'observatoire des sectes.
Des débats parlementaires ont eu lieu, souvent dans un contexte troublé par
des drames. Celui de l'ordre du Temple solaire était dans tous les esprits en
1996 lors du débat à l'Assemblée nationale. L'affaire des scellés de Marseille
et les différents démêlés judiciaires de la scientologie ont suscité, il y a
trois mois, une nouvelle vague d'interrogations et d'indignation, et l'on s'est
à nouveau posé la question de la relative impuissance des pouvoirs publics face
aux sectes.
La France fait pourtant bonne figure dans le combat contre les sectes. Tout en
garantissant et en protégeant les libertés de conscience, de culte, de réunion
et d'association, nous disposons d'un arsenal légal permettant de sanctionner
les infractions commises par les groupements et les associations, même lorsque
ceux-ci se réfugient derrière le paravent religieux.
Cet équilibre n'a jamais été rompu et les conclusions du rapport sur la
liberté religieuse à travers le monde du département d'Etat américain, qui
compte dans ses membres des adeptes de la scientologie, sont à cet égard
inadmissibles.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Très bien !
Mme Dinah Derycke.
Le rapport montre du doigt l'Allemagne et la France, qui sont dénoncés comme
étant des pays totalitaires embarqués dans une guerre contre les sectes. Cette
tentative d'intimidation, loin de nous faire céder, doit nourrir notre
détermination à continuer le combat.
Ce combat, nous devons le livrer au niveau européen. C'est l'une des missions
de la MILS, la mission interministérielle de lutte contre les sectes, qui a
d'ailleurs été consultée par les pays de l'Est. Ces pays sont en effet en train
de découvrir l'étendue des dégâts sur les individus et le noyautage de leur
économie par les sectes. L'adoption à l'unanimité, par le Conseil de l'Europe,
au mois de juin dernier, de la recommandation « Nastase » sur les activités
illégales des sectes est un pas important, qui débouchera peut-être un jour sur
une coopération judiciaire efficace.
Dans cette lutte contre les sectes, un rôle fondamental échoit à
l'administration et au pouvoir judiciaire. Les deux rapports parlementaires ont
souligné que leurs pratiques n'étaient peut-être pas assez attentives au
phénomène sectaire.
Les gouvernements ont réagi : une première circulaire de M. Jacques Toubon en
1996, suivie d'une circulaire de Mme Elisabeth Guigou en décembre 1998, ont mis
l'accent sur la vigilance nécessaire des magistrats. Gageons que cette prise de
conscience et cette mobilisation pourront s'étendre à l'ensemble de
l'administration.
La lutte contre les sectes se fait également chaque jour dans les tribunaux.
La France possède - cela a déjà été dit - un dispositif juridique que la
commission parlementaire de 1995 a jugé globalement adapté aux problèmes posés
par les sectes.
Depuis 1994, le nouveau code pénal permet de traduire devant les tribunaux les
personnes morales, ce qui ouvre de nouveaux champs au combat contre les sectes.
L'article 2 de la présente proposition de loi permet d'étendre encore cette
disposition et de poursuivre une personne morale pour exercice illégal de la
médecine et de la pharmacie.
Un amendement de Mme Catherine Picard a introduit en première lecture à
l'Assemblée nationale du projet de loi sur la présomption d'innocence la
possibilité pour les associations de lutte contre les sectes de se porter
partie civile. Nous attendons tous que cette disposition prenne force de loi,
regrettant cependant que les associations, à condition d'être reconnues
d'utilité publique et dans ce domaine très spécifique de lutte contre les
sectes, n'aient pas le pouvoir de mettre en mouvement l'action publique.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
Mme Dinah Derycke.
Par ailleurs, la loi sur l'obligation scolaire entrée en vigueur l'année
dernière prévoit un contrôle strict, à la fois des familles qui ne scolarisent
pas leurs enfants et des écoles privées sans contrat avec l'Etat.
Malgré l'éventail des infractions qui peuvent être retenues contre les sectes,
malgré la lourdeur des peines qui peuvent être décidées, le rapport de forces
semble souvent inégal entre le pouvoir judiciaire et la mouvance sectaire,
laquelle n'hésite pas à faire durer en longueur les procédures et utilise, avec
un art consommé, les différents supports juridiques.
M. Raymond Courrière.
C'est vrai !
Mme Dinah Derycke.
Par ailleurs, les décisions judiciaires ne rendent compte que très
partiellement des multiples dangers que font courir les sectes à leurs adeptes
et à la société tout entière.
Notre collègue Claude Domeizel me faisait part, hier encore, de son
impuissance et de celle de tous les élus, et même de celle de l'administration,
à empêcher l'installation dans son département, les Alpes-de-Haute-Provence, de
sectes connues pour leur dangerosité.
Le seul pouvoir reste la vigilance sur les agissements de ces groupements.
Mais nous savons combien cette vigilance est difficile à exercer, tant ces
mouvements ont pour règle la loi du silence et de l'intimidation.
Les critères de dangerosité ont été établis par le rapport Gest. Parmi eux,
l'infiltration des pouvoirs publics mérite toute notre attention.
Notre discussion intervient en effet trois mois après la disparition des
scellés à Marseille. Cette disparition a créé un électrochoc dans l'opinion,
qui s'interroge sur une possible infiltration de cette secte dans le pouvoir
judiciaire.
En ce qui concerne le pouvoir législatif, la présence de la représentante
française de la scientologie dans la tribune d'honneur de l'Assemblée
nationale, le 8 février 1996, avait choqué les républicains que nous sommes. Je
suis donc heureuse aujourd'hui de saluer la présence, dans la tribune d'honneur
du Sénat, des membres de l'Union nationale des associations de défense des
familles et de l'individu, l'UNADFI, et du Centre de documentation, d'éducation
et d'action contre les manipulations mentales, le CCMM, les deux principales
associations de lutte contre les sectes, et, au banc du Gouvernement, la
présence des conseillers techniques de la MILS.
M. Raymond Courrière.
Bravo !
Mme Dinah Derycke.
L'infiltration des pouvoirs publics est une menace importante qu'il faut
considérer sans paranoïa excessive, mais sans légèreté non plus, car ces sectes
puissantes ne poursuivent rien d'autre qu'un but antidémocratique.
M. Alain Vivien, président de la MILS, déclarait au mois de septembre : «
Quand une organisation milite pour remplacer le système républicain par une
élite et cherche à mettre la main sur des services de l'Etat, elle doit être
dissoute. »
C'est sur les possibilités d'une telle dissolution que nous nous interrogeons
aujourd'hui.
D'aucuns voudront entretenir la confusion et nous forcer à faire l'amalgame.
Il s'agit non pas, bien évidemment, d'interdire les sectes, toutes les sectes,
mais bien de dissoudre les sectes dangereuses. Comme l'expliquait Mme Elisabeth
Guigou dans une intervention télévisée : « Ce n'est pas le fait d'être une
secte en soi qui est répréhensible, c'est le fait de se livrer à des actes sous
couvert de liberté d'opinion qui est répréhensible par la loi. »
Nous disposons de deux moyens pour dissoudre les sectes dangereuses :
l'article 7 de la loi de 1901 et l'article 131-39 du code pénal.
Il est prévu à l'article 3 de la présente proposition de loi, à juste titre
nous semble-t-il, une peine aggravée en cas de maintien ou de reconstitution
d'une association dissoute ; il est vrai que les sectes, déjà passées maîtres
dans l'art de l'autodissolution après contrôle fiscal, ne manqueront pas
d'imagination pour se reconstituer après dissolution judiciaire.
Mais, malgré ces dispositifs qui, sur le papier, semblent satisfaisants, le
constat est alarmant - vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur. Aucune
personne morale représentant un mouvement sectaire n'a été dissoute depuis
1994, et l'administration n'a jamais jugée nulle, à ma connaissance, une secte
constituée en association.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Tout à fait !
Mme Dinah Derycke.
L'intérêt principal de la proposition de loi réside donc dans l'institution
d'un troisième outil.
L'aménagement de la loi de 1936 permet la dissolution de mouvements condamnés
à plusieurs reprises pour des infractions à la loi pénale ou au droit pénal
spécial, infractions qui constituent le lot quotidien des sectes visées.
La dissolution par décret du Président de la République d'une secte puissante
et étendue serait un signal fort en direction des adeptes de ces sectes et de
l'opinion publique.
L'interdiction par certains
Länder
allemands de la Scientologie a
divisé en quelques années par trois le nombre de ses adeptes. Une telle
dissolution en France constituerait également un signal fort en direction de
l'opinion publique.
La dissolution, décision politique, présente également l'avantage de ne pas
emprunter les voies judiciaires dans lesquelles, on l'a vu, les sectes savent
manoeuvrer et faire durer les procédures.
Mais ne nous berçons pas d'illusions. Cette proposition de loi ne suffira pas,
à elle seule, à régler le problème des sectes dangereuses. Le rapport que le
président de la MILS remettra prochainement au Premier ministre permettra
peut-être d'apporter des solutions plus globales à cette question, dont on
mesure à la fois toute la gravité et toute la complexité.
Légiférer ne suffira pas. Il faut aussi mieux informer, prévenir, mieux
éduquer, apprendre à faire la part du religieux et de l'exploitation
financière, de la liberté de pensée et de l'avilissement moral. C'est une
mobilisation de tous et à tout moment qui doit avoir lieu contre l'emprise
sectaire.
C'est pourquoi, malgré ses réticences sur la forme et non pas sur le fond, le
groupe socialiste a décidé d'adopter cette proposition de loi qui nous est
présentée par M. About. Il considère en effet que le débat qui nous réunit
aujourd'hui fait partie de cette prise de conscience nécessaire.
(Applaudissements.)
M. Nicolas About,
rapporteur.
Remarquable ! Bravo !
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
phénomène sectaire prend, depuis plusieurs années, des proportions
inquiétantes, à la fois par son caractère international et par les violences
tant physiques que morales qu'il génère.
Récemment, comme le notait l'excellent rapport de notre collègue à l'Assemblée
nationale Jean-Pierre Brard, au nom de la commission d'enquête parlementaire
mise en place là-bas sur les sectes et l'argent, il indiquait que le phénomène
sectaire « a perdu en spiritualisme ce qu'il a gagné en mercantilisme ». Ce
faisant, il s'est « professionnalisé », en faisant appel à des montages de plus
en plus complexes, alliant associations, sociétés de commerce international et
sociétés à responsabilité limitée ; tel un parasite, il s'est niché dans tous
les espaces de liberté de notre droit pour y prospérer.
La société française apparaît à bien des égards impuissante à endiguer le
phénomène qui réussit à s'implanter dans toutes les couches de la société. On
savait déjà que, via les formations professionnelles notamment, la Scientologie
a pu prospérer dans les milieux économiques ou culturels. Aujourd'hui, avec la
disparition de scellés, il est à craindre que les milieux judiciaires ne soient
également touchés.
Les mécanismes sont connus : les manipulations, les escroqueries et les divers
délits s'effectuent parfois au grand jour.
Certains mouvements, qui ont fait l'objet de plusieurs condamnations civiles
ou pénales, continuent pourtant d'avoir pignon sur rue. Les sanctions
judiciaires, quand elles sont prises, le sont souvent trop tard pour des
victimes désemparées. Les récits judiciaires, souvent révoltants, nous font
tous bondir et nous dire : « On le savait et on a rien fait. »
M. Raymond Courrière.
C'est exact !
M. Thierry Foucaud.
« Comment avons-nous pu laisser faire ? »
Avec ce texte, sensiblement modifié par la commission des lois, M. About a la
volonté d'apporter une réponse à ce phénomène en permettant de prononcer plus
facilement la dissolution des sectes.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'associent
volontiers à cette démarche, qui s'inscrit dans leur combat et leur
préoccupation de ne pas voir perdurer des mouvements dont on sait combien ils
peuvent être dangereux pour la personne humaine et la société tout entière.
C'est dans cette optique que nous voterons le texte qui nous est soumis
aujourd'hui. Néanmoins, qu'il me soit permis de me faire l'écho d'un certain
nombre d'interrogations quant aux modalités préconisées pour la lutte
antisecte, notamment du point de vue de leur efficacité.
Je rappelle le mécanisme qui nous est proposé.
C'est par la voie d'une assimilation des sectes dangereuses à des « groupes de
combat et milices armées » régis par la loi du 10 janvier 1936 que le Président
de la République pourrait prononcer par décret en conseil des ministres la
dissolution de ces mouvements. Une association ou un groupement, dès lors qu'il
aurait fait l'objet de plusieurs condamnations pénales pour des délits qui
laissent soupçonner la présence d'une secte dangereuse - dont la liste a été
dressée en 1996 dans le rapport de la commission d'enquête sur les sectes en
France -, tomberait sous le coup de cette loi.
Par ailleurs, si le texte était adopté, serait sanctionnée plus fermement la
reconstitution d'associations dissoutes sur deux fondements juridiques : par
application des dispositions de la loi de 1936 et par un alignement des
sanctions prévues en cas de reconstitution d'une association dissoute en vertu
de l'article 4 de la loi de 1901 ; toute association dissoute et reconstituée
illégalement serait passible de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 francs
d'amende.
Parallèlement, la commission des lois a souhaité ouvrir la possibilité de
prononcer des sanctions pénales à l'encontre des sectes elles-mêmes, en tant
que personnes morales, dans deux domaines spécifiques : l'exercice illégal de
la médecine et l'exercice illégal de la pharmacie. Or ces dispositions peuvent
susciter un certain nombre de questions, voire d'inquiétudes, que je souhaite
exprimer ici.
On peut, d'abord, s'interroger sur l'opportunité d'un renforcement de notre
arsenal juridique. Nombre d'observateurs soulignent en effet, non sans raison,
que notre droit pénal, notamment, comporte un large panel de dispositions
permettant de sanctionner les dérives sectaires.
Qu'est-ce qui nous garantit que les nouvelles dispositions, notamment celles
qui sont relatives aux sanctions contre les personnes morales pour exercice
illégal de la médecine ou de la pharmacie, seront mieux appliquées ?
Il est vrai que le rattachement à la loi de 1936 modifie quelque peu la
problématique puisque le prononcé de la sanction relève alors du Président de
la République. Serait-il en mesure d'être plus vigilant que l'autorité
judiciaire dans la lutte contre le phénomène sectaire ?
On peut en douter eu égard à la portée politique, spécialement du point de vue
international, qu'une telle démarche entraîne, même si, en ce domaine, deux
gardiens, donc deux précautions, valent mieux qu'une !
Il reste que le rattachement à la loi de 1936 mérite d'être discuté.
Au-delà de ce que cette loi draine comme souvenirs pour le mouvement
populaire, pour le mouvement ouvrier - rappelons tout de même que c'est sur son
fondement que des mouvements révolutionnaires de gauche ont pu se trouver
interdits et n'oublions pas non plus son utilisation par le régime de Vichy -
ce rattachement peut soulever des problèmes à un double titre.
D'abord, la diabolisation du phénomène sectaire peut s'avérer
contre-productive en offrant à ces mouvements le luxe de s'ériger en
martyrs.
Ensuite, la référence à plusieurs condamnations ne nous semble pas
opérationnelle, car elle se base sur un critère quantitatif et induit une
distinction peu convaincante : en poussant la caricature à l'extrême, pourrait
se voir dissous, sur ce fondement, un groupement qui aurait été condamné par
deux fois pour falsification de chèque de deux cents francs, mais pas celui
dont le dirigeant aurait été condamné une seule fois pour viol.
La troisième réserve que je voudrais exprimer ici est la suivante : la
position de la commission me semble traduire une vision parcellaire du
phénomène sectaire.
En effet, elle se concentre essentiellement sur les associations, alors que
l'on sait que cette forme juridique, si elle est la plus employée par les
mouvements sectaires, est loin d'être exclusive : le statut de parti politique
ou celui d'organisation non gouvernementale constituent également, aujourd'hui,
des modes de constitution pour les groupements sectaires.
En outre, les sectes sont le plus souvent composées de plusieurs structures
qui s'additionnent et s'enchevêtrent pour mieux se dissimuler à l'opinion
publique.
On peut craindre, dès lors, que la proposition de loi ne fasse que déplacer le
problème, les groupements trouvant refuge, comme ils savent parfaitement le
faire, dans des structures parallèles.
Le rapport sur les sectes et l'argent avait ainsi pu observer : « Nombre de
mouvements sectaires sont passés maîtres dans l'art d'utiliser à leur profit
des cadres juridiques instaurés à toutes autres fins, telles que l'exercice de
libertés publiques ou le développement d'activités utiles à la société. Des
dispositifs prévus pour faciliter la vie associative, la pratique d'un culte,
l'organisation de la vie politique et la coopération internationale se trouvent
ainsi investis par des sectes qui en tirent des avantages indus. »
Je voudrais, enfin, formuler deux souhaits.
Tout d'abord, il convient avant tout de sauvegarder la liberté d'association
et la liberté de conscience : même si le but est aussi légitime que la lutte
contre les sectes, on peut toujours craindre que de telles restrictions ne
servent, en des temps futurs, d'autres causes.
Ensuite, il faut appréhender le problème de façon plus globale, en mettant en
particulier l'accent sur la prévention. Je salue les efforts de la chancellerie
pour sensibiliser les magistrats, tant à l'Ecole nationale de la magistrature
que dans les parquets, aux problèmes des groupements sectaires.
Cependant, la prévention, qui passe également par une meilleure information du
public, reste trop souvent timorée. Il nous semble que les pouvoirs publics
devraient être plus présents sur ce terrain.
« Les mesures proposées ici ne suffiront probablement pas à elles seules à
faire disparaître ces dangers. Reflet des difficultés du monde actuel, symptôme
d'un profond malaise social, image d'une crise morale autant que civique, le
phénomène sectaire appelle aussi, en effet, une réponse globale à l'ensemble
des grands problèmes de l'époque contemporaine. » C'est en ces termes que la
commission d'enquête de 1995 concluait son rapport sur les sectes en France, et
cette analyse me semble, plus que jamais, d'actualité. Ne la perdons pas de vue
si nous voulons mener une lutte efficace contre des mouvements qui utilisent la
détresse humaine pour s'enrichir.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, la proposition de loi présentée par M. Nicolas About
qui est soumise à votre assemblée tend à renforcer le dispositif pénal à
l'encontre des associations ou groupements de fait à caractère sectaire dont
les activités illégales peuvent constituer un trouble à l'ordre public et un
péril majeur pour la personne humaine.
L'exposé des motifs qui accompagne cette proposition de loi souligne à juste
titre la difficulté de définir juridiquement les sectes. Les différents
rapports et conclusions des commissions parlementaires sur les sectes qui ont
été mises en place dans le passé, de la commission Vivien en 1985 à la
commission Guyard en 1999, en passant par la commission Gest en 1996, avaient
déjà mentionné ce problème.
Cet exposé, tout comme le rapport de la commission des lois, souligne
également que cette difficulté ne doit pas nous faire renoncer à légiférer et à
protéger la société et le citoyen.
C'est sur cette seconde réflexion que je voudrais m'attarder.
Vous le savez sans doute, les rapports parlementaires sur les sectes, tout en
préconisant une meilleure application du dispositif législatif et
réglementaire, soulignent en majorité l'inopportunité d'une législation
spécifique sur les sectes.
Au-delà des restrictions aux libertés de culte et d'association,
constitutionnellement protégées, que serait susceptible de contenir une
législation spécifique aux sectes, elle pourrait en outre conduire l'Etat à
devenir l'arbitre entre des cultes identifiés et des croyances s'en démarquant
ou n'ayant aucun rapport avec eux. Une telle option porterait atteinte au
principe de laïcité.
Que l'on me comprenne bien : rejeter ici la tentation d'une législation
spéciale ne signifie pas l'inaction.
Bien au contraire, les pouvoirs publics se sont efforcés - il est vrai, d'une
manière accrue depuis les événements dramatiques liés à la disparition des
davidiens à Wako, au Texas, en 1993, et les suicides collectifs de l'ordre du
Temple solaire, en Suisse, en France et au Québec - de mettre en oeuvre tous
les moyens existants pour permettre à la société de se défendre et de garantir
à certains de ses membres la sécurité de vie qu'ils ne parviennent plus à
garantir par eux-mêmes.
C'est ainsi que le gouvernement précédent avait mis en place, en mai 1996,
l'Observatoire interministériel sur les sectes, conformément aux
recommandations du rapport Gest. Cette instance était chargée d'analyser le
phénomène des sectes, d'informer le Premier ministre du résultat de ses
travaux, de faire des propositions afin d'améliorer les moyens de lutte contre
les sectes.
La limitation de son champ d'action à la seule observation des phénomènes
sectaires est, cependant, rapidement apparue inadéquate. Cela a conduit à son
remplacement par la mission interministérielle de lutte contre les sectes, la
MILS, présidée par M. Alain Vivien et créée le 7 octobre 1998.
Cette instance comporte en son sein un conseil d'orientation et un groupe
opérationnel. Elle est chargée d'analyser le phénomène des sectes, d'inciter
les services publics à prendre les mesures appropriées pour prévenir et
combattre les actions préjudiciables susceptibles d'être commises par les
sectes, de contribuer à l'information et à la formation des agents publics sur
les méthodes de lutte contre les sectes.
En ce qui concerne le ministère de l'intérieur, une circulaire en date du 7
novembre 1997, adressée aux préfets et relative à la lutte contre les
agissements répréhensibles des mouvements sectaires, avait déjà sensibilisé les
administrations de l'Etat à l'échelon départemental aux agissements de
certaines associations, ainsi qu'à la nécessité de mobiliser tous les services
de l'Etat pour mettre en garde nos concitoyens contre les comportements
illégaux et délictueux susceptibles de recevoir une qualification pénale que de
telles associations peuvent décliner à leur encontre.
Parallèlement à cette action menée par les préfets, un important dispositif
national de formation a été mis en place, qui complète la formation initiale
des fonctionnaires de police. Ce dispositif est constitué par un module
consacré aux activités illégales des sectes.
Un dispositif de formation équivalent à celui de la police nationale a été
adopté par le ministère de la défense au profit de l'ensemble des militaires de
la gendarmerie nationale. Il est complété par un stage spécifique dispensé aux
enquêteurs des unités spécialisées en police judiciaire.
Enfin, les services opérationnels et spécialisés de la police nationale mais
aussi du ministère de la défense, avec la gendarmerie nationale notamment,
opèrent dans le cadre de leurs activités générales une surveillance constante
de ces mouvements.
Ce dispositif sera complété prochainement par la diffusion d'une nouvelle
circulaire rappelant notamment les missions de la MILS, le dispositif de lutte
et le rôle de coordination des préfets. Cette circulaire permettra, en outre,
de mieux articuler les dispositifs actuellement en vigueur.
D'autres départements ministériels, comme la défense et l'intérieur, ont en
effet, de leur côté, développé des actions comparables.
Ainsi une importante campagne de sensibilisation au danger du développement
des sectes a été engagée par le ministère de la jeunesse et des sports en
octobre 1996. Dans ce cadre, a été constitué un réseau de correspondants en
charge du dossier « associations coercitives à caractère sectaire » dans
chacune des directions régionales de la jeunesse et des sports.
Le garde des sceaux, pour sa part, a adressé en 1996 aux procureurs généraux
et aux procureurs de la République une circulaire qui recense les infractions
susceptibles d'être commises par les sectes : escroquerie, abus de
vulnérabilité, blessure ou homicide, enlèvement, séquestration, non-assistance
à personne en danger, proxénétisme, incitation à la débauche et corruption des
mineurs. Les parquets sont ainsi invités à engager les poursuites
nécessaires.
Confirmant ces instructions ministérielles, une deuxième circulaire de la
Chancellerie en date du 1er décembre 1998 est venue les compléter en demandant
la désignation d'un correspondant « sectes » au parquet général et en
organisant une meilleure concertation.
Ainsi, depuis près de trois ans les services de la Chancellerie suivent avec
une attention soutenue les procédures mettant en cause les mouvements
sectaires. Au 31 juillet 1999, pouvaient être dénombrées 250 procédures pénales
relatives aux agissements illégaux des sectes, soit 134 enquêtes préliminaires
et 116 informations judiciaires.
Le ministère de l'emploi et de la solidarité et le secrétariat d'Etat à la
santé et à l'action sociale exercent une vigilance particulière en ce domaine,
notamment au travers des directions des affaires sanitaires et sociales ainsi
que de la délégation à l'emploi et à la formation professionnelle, en tenant
compte des publics particulièrement fragiles qui entrent dans leur champ de
compétences.
Dans cette optique, en réponse aux interrogations exprimées par les présidents
de conseils généraux, une circulaire du 13 novembre 1997 a rappelé les
conditions dans lesquelles un agrément peut être refusé ou retiré à une
assistante maternelle.
Par ailleurs, une circulaire du 23 juin 1998 a appelé l'attention des préfets
sur la situation spécifique des enfants vivant en communauté fermée.
En outre, une priorité a été donnée à la sensibilisation et à la formation du
personnel du ministère et, plus généralement, de l'ensemble des professionnels
qui interviennent dans le champ de compétences du ministère, et ce en liaison
notamment avec l'Ecole nationale de la magistrature, l'Ecole nationale de la
santé et le Centre national de la fonction publique territoriale.
Pour l'année 1999, ces formations sont particulièrement axées sur la
protection de l'enfance. Une circulaire devrait être prochainement publiée afin
d'accroître la mobilisation de l'ensemble des services du ministère.
Enfin, depuis la fin de 1998, une expérimentation a été mise en oeuvre afin
d'assurer un suivi à des personnes sortant de sectes.
Mme la ministre déléguée à l'enseignement scolaire a, au nom du Gouvernement,
apporté son soutien à la proposition de loi tendant au renforcement du contrôle
de l'obligation scolaire présentée par M. About. Désormais, la loi du 18
décembre 1998, votée à l'unanimité par les deux assemblées, permet de vérifier
la conformité de l'enseignement dispensé à domicile ou dans les établissements
d'enseignement privés hors contrat avec les normes du droit de l'enfant à
l'instruction.
Le législateur a d'ailleurs prévu des sanctions pénales à l'encontre des
personnes morales, ce qui permet aux tribunaux de fermer les établissements en
infraction.
La circulaire d'application en date du 14 mai 1999 appelle l'attention des
recteurs, des préfets et des inspecteurs d'académie sur l'existence de ce
dispositif et la nécessité de sa pleine mise en oeuvre. Des contrôles ont
d'ailleurs commencé dès la rentrée de septembre 1999.
Il n'était pas inutile, à mon sens, mesdames, messieurs les sénateurs, de
procéder à l'ensemble de ces rappels : ils démontrent à quel point le
Gouvernement a su se mobiliser et mobiliser face à cette menace.
Pour autant, le Gouvernement reste réservé sur certaines dispositions de cette
proposition de loi relative aux sectes. S'il partage les réflexions et
objectifs de votre commission, certains des dispositifs juridiques proposés
pour y parvenir lui paraissent, en effet, inappropriés et difficiles à mettre
en oeuvre.
L'article 1er de la proposition de loi de M. About se fonde sur les
dispositions de la loi de 1936 relative aux groupes de combat et milices
privées et y ajoute la possibilité de dissoudre une association ou un
groupement dont le dirigeant ou ses structures auraient été plusieurs fois
condamnés à certaines infractions.
Or la loi de 1936, qui a été votée dans les circonstances que vous connaissez,
décide de la suppression d'une liberté à valeur constitutionnelle pour des
raisons précisément définies d'atteintes graves à l'existence même de l'Etat, à
sa forme républicaine ou à ses principes fondamentaux.
L'architecture de ce texte, dont le dernier complément date de 1986 et visait
les associations et groupements qui agissent en vue de commettre sur notre
territoire des actes de terrorisme, montre que le décret de dissolution est
pris sur des bases objectives qui sont l'analyse et le rapport, au travers de
leurs actions, des menées et buts affichés par ces associations dont les
activités troublent l'ordre public en portant atteinte aux principes de la
République ou à la sécurité du territoire national.
Or votre proposition de loi, n'arrivant pas à définir la nature de l'atteinte
à l'ordre public que pourraient porter les mouvements sectaires, ajoute à cette
exigence une condition liée à l'accumulation de sanctions pénales.
Le trouble à l'ordre public, facilement défini pour chacune des situations
visées par cette loi, ne serait ici constitué en réalité que par l'accumulation
de condamnations. L'un des objets de la sanction pénale est pourtant de faire
cesser, précisément, le trouble apporté à l'ordre public par l'infraction.
Il apparaît donc au Gouvernement que la rupture de conception dans l'économie
générale de ce texte ne répond pas aux attentes de votre commission, dans la
mesure où il ne permettra pas, notamment, de faire face à des situations
d'urgence, puisque l'un des fondements ce seront les condamnations prononcées à
plusieurs reprises de l'association ou des dirigeants et, de surcroît, du chef
de certaines infractions prédéfinies.
Par ailleurs, la rédaction proposée appelle également quelques interrogations
dans la mesure où elle pourrait signifier littéralement que, pour la prise en
compte de condamnations définitives, les associations ou groupements de fait,
ou leurs dirigeants, devraient avoir été condamnés sur le fondement de
l'ensemble des articles ou dispositifs cités. Ce n'est sans doute pas le sens
recherché par l'auteur de la proposition de loi.
Par ailleurs, au 9° de l'article 1er, on constate aussi une rupture dans le
mode de rédaction, puisque l'on passe d'une énumération précise d'articles du
code pénal et du code de la santé publique à un énoncé générique d'infractions
dites de « fraude fiscale » qui peuvent souffrir de quelques ambiguïtés.
Enfin, si nous comprenons le sens que veut donner votre commission à la notion
nouvelle de « péril majeur pour la personne humaine », nous ne pouvons que nous
interroger sur l'appréciation juridique qui pourra en être donnée
ultérieurement.
Aussi, si vous entendez utiliser le support de la loi de 1936 pour combattre
les activités illégales de ces associations, il nous paraîtrait plus efficace
de respecter la construction générale de ce texte et de viser, par exemple, la
menace à la sécurité intérieure, à la sécurité économique ou à la sécurité des
personnes portée par de tels agissements.
C'est en ce sens que le Gouvernement entend exprimer des réserves sur
l'article 1er.
Quant aux articles 2 et 3 de la proposition de loi telle qu'elle ressort de
l'examen de votre commission, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de votre
assemblée.
L'article 2 tend à permettre la mise en cause de la responsabilité d'une
personne morale dans le cas d'exercice illégal de la médecine ou de la
pharmacie.
Nous comprenons qu'il s'agit là de viser les personnes morales, notamment les
associations qui ont une responsabilité pénale directe dans ce cadre :
associations prescrivant des traitements en toute illégalité, par exemple, ou
encore associations utilisant des personnes physiques dans le but d'exercer
illégalement la médecine.
Il faut ici rappeler que ne sont pas visés par ces dispositions les
associations ou établissements de santé qui, en toute bonne foi, ont en leur
sein des personnes exerçant illégalement la médecine ou la pharmacie et qui
n'ont aucune responsabilité directe dans ces pratiques.
Après ce rappel de principe, j'indique que le Gouvernement est favorable à
cette mesure qui répond à un vrai besoin dans le secteur de la santé.
Quant à l'article 3, qui prévoit un alourdissement des sanctions en cas de
reconstitution d'associations dissoutes, qu'il me soit simplement permis de
vous rappeler qu'il n'existe pas d'identité entre les groupements tels qu'ils
sont définis par la loi du 10 janvier 1936 et les associations de la loi du 1er
juillet 1901. Cela explique, à mon sens, ces deux niveaux distincts de
répression qui existent actuellement dans notre système juridique quant à la
reconstitution de ces différentes structures. Il ne convient peut-être pas de
mettre sur le même pied la reconstitution de groupes de combat portant atteinte
à la légalité républicaine ou à l'intégrité du territoire, telle qu'elle est
prévue à l'article 435-1 du code pénal, et celle d'une association dissoute par
l'autorité judiciaire.
Ainsi, comprenant les préoccupations qui sont les vôtres et celle du
Gouvernement, sans doute faut-il, comme nous le propose M. About, et sans créer
de texte spécifique, penser à des modifications législatives qui donneraient
toute leur efficacité aux moyens déjà mis en oeuvre par les pouvoirs
publics.
L'une des idées fortes contenues dans votre proposition de loi, monsieur le
sénateur, est celle de la dissolution. Il y a là, probablement, une arme
efficace pour lutter contre les sectes qui développeraient des activités
délictuelles ou criminelles. Le Gouvernement a entamé une réflexion approfondie
afin d'explorer les pistes possibles, en liaison avec la mission
interministérielle de lutte contre les sectes. Cette réflexion est en cours,
elle n'est pas encore achevée.
L'ensemble de ces raisons, notamment les réserves juridiques que j'ai
exprimées sur l'article 1er, conduisent le Gouvernement à adopter une position
réservée et à s'en remettre à la sagesse de votre assemblée.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 1er de la
loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, deux
alinéas ainsi rédigés :
« 8° Ou qui, condamnés définitivement à plusieurs reprises en application des
articles 221-7, 222-21, 223-2, 223-9, 225-12, 225-16, 226-7, 226-12, 227-14,
227-17-2, 227-28-1, 311-16, 312-15, 313-9 et 314-12 du code pénal, L. 376 et L.
517 du code de la santé publique constitueraient un trouble à l'ordre public ou
un péril majeur pour la personne humaine ;
« 9° Ou dont les dirigeants ou responsables de fait ont été condamnés
définitivement à plusieurs reprises en application des articles 221-1 à 221-6,
222-1 à 222-20, 222-22 à 222-32, 223-1, 223-3 à 223-8, 223-13 à 223-15, 224-1 à
224-5, 225-5 à 225-11, 225-13 à 225-15, 226-1 à 226-6, 226-10, 226-11, 227-1 à
227-13, 227-15 à 227-28, 311-1, 311-3, 311-4, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-4,
314-1 à 314-2 du code pénal ou des articles L. 376 et L. 517 du code de la
santé publique, ou pour fraude fiscale, et qui constitueraient un trouble à
l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles 2 et 3
M. le président.
« Art. 2. - I. - L'article L. 376 du code de la santé publique est complété
par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans
les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, de l'infraction
définie à l'alinéa précédent.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code
pénal ;
« 2° Les peines prévues par l'article 131-39 du code pénal ».
« II. - L'article L. 517 du code de la santé publique est complété par quatre
alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans
les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, de l'infraction
définie à l'alinéa précédent.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code
pénal ;
« 2° Les peines prévues par l'article 131-39 du code pénal. »
-
(Adopté.)
« Art. 3. - Dans le deuxième alinéa de l'article 8 de la loi du 1er juillet
1901 relative au contrat d'association, les mots : "d'une amende de 30 000
francs et d'un emprisonnement d'un an" sont remplacés par les mots : "de trois
ans d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende". »
- (Adopté.)
Intitulé
M. le président.
La commission propose de rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de
loi : « Proposition de loi tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre
des associations ou groupements constituant, par leurs agissements délictueux,
un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine. »
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé est ainsi rédigé.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission, je donne
la parole à M. Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
depuis que le Parlement s'est saisi de la question des sectes, voilà quelques
années, le phénomène sectaire a beaucoup évolué et certaines sectes sont
devenues des professionnelles de la mue pour déjouer les contrôles des pouvoirs
publics et les décisions judiciaires. Aussi, le renforcement des peines
encourues en cas de reconstitution après dissolution constitue une excellente
mesure.
En revanche, je reste dubitatif quant à l'efficacité de l'article 1er,
d'autant qu'il ne permet pas de répondre aux situations d'urgence dans le cas
de mouvements dangereux jamais condamnés ou de procédures judiciaires en
cours.
Par ailleurs, notre pays dispose déjà d'un arsenal juridique contre les sectes
dangereuses, qu'il conviendrait de mettre en oeuvre à plein. Les événements
récents liés aux procès de la scientologie montrent avec force que ce n'est pas
toujours le cas. Certes, de nombreuses démarches, sur lesquelles je ne
reviendrai pas, ont été entreprises.
Mais ce sont sur tous les aspects illégaux et dangereux de leur pratique que
les dérives sectaires doivent être combattues, et avec toute la vigueur et la
fermeté que le respect des valeurs et des principes fondamentaux de notre
République exige.
Dès lors, même si une proposition de loi n'est pas le cadre le plus approprié
pour développer la réflexion indispensable à un sujet si épineux et si central
pour la défense de notre démocratie, même si aborder la lutte contre les sectes
dangereuses par la loi du 10 janvier 1936 n'est pas la démarche la plus
heureuse, cette lutte ne doit souffrir aucun atermoiement, aucune timidité.
En même temps, un combat qui ne serait que national serait vain. Aussi, je
compte sur la prochaine présidence française pour faire avancer la lutte
contres les sectes dangereuses au sein de l'Union européenne.
De même, une lutte contre les dérives sectaires fondée exclusivement sur la
répression manquerait son but ; elle doit s'appuyer en grande partie sur la
prévention. L'éducation nationale doit promouvoir, auprès de nos jeunes, une
culture de la vigilance fondée sur la responsabilité citoyenne, l'esprit
critique et le respect de l'intégrité physique et morale.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Très bien !
M. Serge Lagauche.
Elle doit mobiliser tous les segments de la société. Malheureusement, à
l'heure actuelle, hormis les personnes directement ou indirectement touchées et
les associations d'aide aux victimes, nous en sommes encore, me semble-t-il, au
stade de la prise de conscience préalable à la mobilisation. C'est pourquoi
nous avons besoin d'une politique volontariste, déterminée et continue.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste, malgré les réserves
exprimées par ma collègue Dinah Derycke et moi-même, soutiendra cette
proposition de loi, comptant sur la navette pour améliorer et enrichir le
texte.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur la
proposition de loi n° 79 (1998-1999).
(Ces conclusions sont adoptées.)
M. le président.
Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous dire que, sur ce sujet précis de
la lutte contre les phénomènes sectaires, j'ai l'intime conviction que vous
aurez toujours le soutien unanime du Sénat.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie
également de leur soutien M. le secrétaire d'Etat et mes collègues.
C'est un sujet qui n'appartient pas à un clan : il fait l'objet d'une
préoccupation commune. L'ensemble des propos que j'ai entendus dans cet
hémicycle m'ont fait extrêmement plaisir. Comme l'ont rappelé les orateurs, le
besoin de prévention se fait effectivement sentir.
Je souhaite que, lors d'une prochaine lecture de cette proposition de loi,
nous parvenions à une entente avec le Gouvernement. Je peux comprendre que le
dépôt rapide de ce texte ait pu surprendre, mais celui-ci a été considéré comme
bon dans sa mécanique.
Je conclurai, monsieur le président, en vous remerciant d'avoir accepté de
prolonger la séance, malgré la réunion de la conférence des présidents, afin
que nous achevions l'examen de ce texte.
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze
heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
7
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée par la conférence des présidents, je rappelle
que l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent chacun de
deux minutes trente.
Chaque intervenant aura à coeur, par courtoisie, de respecter le temps
imparti, afin que toutes les questions et toutes les réponses puissent
bénéficier de la retransmission télévisée.
INTÉGRATION DE LA TURQUIE
DANS L'UNION EUROPÉENNE
M. le président.
La parole est à M. de Villepin.
M. Xavier de Villepin.
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et porte sur la
décision du Conseil européen d'Helsinki d'accorder à la Turquie le statut
officiel de candidat à l'adhésion.
La perspective, pour ce grand pays allié qu'est la Turquie, d'intégrer, le
moment venu, l'Union européenne est, certes, de nature à accélérer les réformes
nécessaires dans ce pays, en particulier dans le domaine des droits de l'homme
et du respect des minorités.
De même cette perspective pourrait-elle contribuer à faciliter le règlement de
litiges bilatéraux anciens entre ce pays et la Grèce et à apaiser durablement
une région particulièrement sensible aux portes de l'Europe.
Il va de soi, enfin, que nous mesurons l'importance économique qui
s'attacherait à l'élargissement de l'Union européenne à la Turquie.
Pour toutes ces raisons, la démarche d'Helsinki peut être un facteur de
progrès.
Les perspectives ainsi ouvertes posent cependant à l'Union un problème, que je
crois essentiel à plus long terme et qui concerne son identité, sa cohésion et
ses frontières géographiques.
Tout d'abord, monsieur le ministre, s'agissant de la Turquie, quels seront la
séquence et le calendrier du processus d'adhésion auquel ce pays est désormais
associé ?
Ensuite, quelles réponses, et fondées sur quels critères, l'Union européenne
sera-t-elle à même de formuler à de nouvelles demandes d'adhésion émanant de
pays situés, comme la Turquie, aux marches de notre continent ? Quelles
réponses ferons-nous également à des pays du pourtour méditerranéen qui, comme
le Maroc, placent leur arrimage à l'Europe au premier rang de leurs priorités
internationales ?
Enfin, monsieur le ministre, la conception qui apparaît aujourd'hui d'un
élargissement concernant d'ores et déjà treize pays est-elle, à terme,
compatible avec l'approfondissement de la construction communautaire et la
réalisation du dessein européen que nous appelons de nos voeux ?
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le sénateur, vos
interrogations sur l'identité européenne et les conséquences de l'élargissement
sont à la fois très importantes et parfaitement légitimes. J'essaierai de dire
en quelques mots, de manière très condensée, par quel cheminement les Quinze
sont passés pour en arriver aux décisions d'Helsinki.
D'abord, les Quinze se sont voulus en cohérence avec leurs prédécesseurs. Il
faut se rappeler que, depuis 1963, on annonce que la Turquie a une vocation
européenne. On le disait d'ailleurs à l'époque aussi pour la Grèce. La question
avait été souvent posée à l'Union, qui avait toujours répondu : vous n'êtes pas
prêts, et jamais : vous n'êtes pas européens.
Par ailleurs, les Quinze ont tenu compte d'un élément nouveau, à savoir la
dynamique entre la Grèce et la Turquie, qui a changé le paysage à cet égard.
Ils se sont enfin voulus responsables. Rappelez-vous les réactions après le «
non » à la Turquie à Luxembourg, en 1997, et les craintes inverses que cela
avait suscitées en Europe.
Les Quinze ont pensé que dire de nouveau « non à la Turquie, ce serait briser
la dynamique d'amélioration des rapports entre la Grèce et la Turquie, se
priver de la coopération utile de la Turquie dans le Caucase, les Balkans ou au
Proche-Orient, priver les modernisateurs turcs de leurs moyens d'appui et,
enfin, laisser aux Etats-Unis le monopole de la politique occidentale envers la
Turquie. Ils ont donc cherché à se doter d'un levier pour la modernisation et
la démocratisation de ce pays.
J'ajoute qu'à Helsinki il a été rappelé que tout pays candidat devrait avoir
sérieusement progressé dans le respect des critères dits de Copenhague, qui
sont nos critères politiques et démocratiques, avant que la négociation ne
s'engage vraiment.
Pendant tout ce temps, l'Union suivra l'évolution de la Turquie à travers une
politique de préadhésion. Elle aura à décider ultérieurement de l'ouverture de
la négociation proprement dite. Il y aura ensuite une négociation qui sera, à
l'évidence, complexe et longue et, quand viendra le moment de dire « oui » ou «
non » à l'adhésion de la Turquie, l'Union ne sera probablement pas à quinze,
comme aujourd'hui, mais à vingt-sept. Le contexte sera donc tout à fait
différent.
Je répondrai à l'autre partie de votre question que, à mon sens, le cas de la
Turquie ne peut pas faire précédent. Même si la géographie ne définit pas aussi
sûrement les frontières de l'Europe que celles, par exemple, de l'Amérique,
elle doit rester le premier critère de l'appartenance éventuelle à l'Union
européenne.
La Turquie jouissait d'une position particulière, d'abord en raison de la
promesse faite depuis 1963, que j'ai rappelée, ensuite, parce qu'elle est à
cheval sur les Balkans, donc l'Europe, et sur l'Asie mineure. Si vous prenez
les autres pays qui ne sont à l'évidence pas européens et qui sont orientés
vers l'Europe, vous n'en trouverez aucun qui soit dans cette situation. Il
faudra donc, à l'avenir, que l'Union européenne définisse un grand partenariat
stratégique par rapport à ses voisins.
Pour conclure, j'évoquerai les conséquences de l'élargissement. C'est
naturellement par plus de souplesse, c'est-à-dire par la géométrie variable,
pour appeler les choses par leur nom, que nous poursuivrons, de manière
volontariste, l'approfondissement, même après l'élargissement.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
AVENIR DE FRANCE TÉLÉCOM
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie et concerne
l'avenir de France Télécom, c'est-à-dire son développement à l'international,
qui constitue la garantie de son maintien parmi les grands opérateurs mondiaux
de télécommunications.
France Télécom vient de subir un échec cuisant sur le marché allemand, dans sa
tentative de prise de contrôle du numéro 3 de la téléphonie mobile
outre-Rhin.
C'est le deuxième échec de France Télécom en Allemagne, après sa séparation
d'avec Deutsche Telekom. Or l'Europe est au coeur de la stratégie de France
Télécom, notamment l'Allemagne, premier partenaire économique de la France et
premier marché européen des télécommunications.
Ces revers sont graves pour l'opérateur public, dont le capital, je le
rappelle, est détenu à plus de 60 % par l'Etat.
Depuis quelques années, le marché des télécommunications s'est, en effet,
accéléré, et des opérations gigantesques de plusieurs milliards d'euros sont
réalisées. Cela s'explique notamment par l'essor du marché du téléphone mobile,
qui va devenir l'un des premiers supports d'accès au commerce électronique.
Les fusions et acquisitions se font à des niveaux de plus en plus élevés, à
l'avantage de groupes fortement capitalisés pour lesquels il est plus facile de
procéder à des échanges d'actions. Or la part prépondérante de l'Etat dans le
capital de France Télécom empêche l'opérateur français de recourir à cette
solution.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, comment France Télécom
peut-elle rester à l'écart d'une telle dynamique ?
Plus précisément, comment France Télécom pourra-t-elle disposer des moyens
nécessaires à sa croissance sans passer par un désengagement significatif de
l'Etat ? Son statut, en effet, est aujourd'hui un handicap à son
développement.
A ce titre, vous avez déclaré, voilà quelques mois, que vous étiez prêt à «
aller pas à pas vers l'ouverture de la concurrence ».
Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, si la progression au rythme de
l'escargot est encore de mise et si, par votre attentisme, vous ne faites pas
courir un grand risque à France Télécom, qui devra payer plus cher encore sa
prochaine tentative d'acquisition.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le sénateur, en effet,
l'évolution des opérations de France Télécom en Allemagne a été marquée
récemment non pas par l'échec de cette entreprise mais par l'échec de la
tentative de Deutsche Telekom de se rapprocher de l'entreprise italienne
Telecom Italia. Cette évolution pose également en des termes nouveaux le
problème de la participation croisée de 2 % que France Télécom a acquise dans
Deutsche Telekom et que Deutsche Telekom a acquise dans France Télécom.
Comme c'était d'ailleurs indiqué en filigrane de votre question, France
Télécom est, en effet, une grande réussite technologique. C'est aujourd'hui le
premier opérateur de téléphonie mobile en France et l'une des dix premières
entreprises mondiales du secteur pour l'ensemble de ces opérations.
Cette réussite doit beaucoup à la qualité de ses équipes.
Sa capitalisation boursière est aujourd'hui l'une des premières du marché de
Paris.
Enfin, grâce à ses moyens propres, elle est capable aujourd'hui d'être
présente sur des marchés européens, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en
Pologne et dans les autres pays de l'Est, bref, sur beaucoup de marchés, grâce
à des résultats qui sont considérables.
Cette réussite est d'autant plus remarquable que la conjoncture mondiale est
marquée, comme vous le signaliez, par un certain dérèglement dans les
acquisitions ce qui pousse les différents opérateurs à se livrer une véritable
guerre. C'est qu'un client, aujourd'hui, peut représenter jusqu'à 50 000 francs
ou 70 000 francs pour un opérateur mobile ! C'est, vous en conviendrez, au-delà
du raisonnable.
Dans ce contexte, le Gouvernement français n'envisage pas de faire évoluer la
situation statuaire de France Télécom. Ce n'est d'ailleurs pas un handicap. En
effet, l'opérateur allemand Deutsche Telekom est possédé par des capitaux
publics à 60 %, et personne ne s'en plaint comme d'un handicap lorsqu'il s'agit
d'évaluer les chances des uns et des autres sur le marché mondial. Ce n'est
donc pas plus un handicap en France qu'en Allemagne !
France Télécom a la capacité de consacrer les investissements nécessaires à
assurer son développement et sa présence commerciale et technologique dans le
monde entier. Le Gouvernement entend encourager cette entreprise dans la voie
de l'internationalisation, de la présence sur l'ensemble des marchés mondiaux,
qui est la voie de la réussite, réussite dont, d'ores et déjà, chacun ici se
félicite.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
NAUFRAGE DU PÉTROLIER
ÉRIKA
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Ma question s'adressait au ministre de l'équipement, des transports et du
logement, mais, en son absence, elle s'adressera à Mme la secrétaire d'Etat aux
petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat !
Monsieur le président, mes chers collègues, madame la secrétaire d'Etat,
dimanche 12 décembre, peu après 6 heures du matin, à 30 milles au sud de
Penmarch, l'
Erika
, pétrolier sous pavillon maltais, dont l'armateur est
italien, affrété par TotalFina et naviguant avec un équipage indien, s'est
brisé en deux. Pourtant, il avait fait l'objet de nombreux contrôles, dont l'un
il n'y a pas plus de quinze jours.
Il pourrait déverser jusqu'à 37 000 tonnes de fuel lourd, puisque c'est le
contenu de sa cargaison. Voilà pour les faits.
Je voudrais tout d'abord, à cette heure, saluer le courage et l'efficacité des
sauveteurs de la marine nationale et de l'équipage de l'
Abeille Flandre,
qui ont permis, malgré les conditions extrêmes, de sauver rapidement les
vingt-six marins qui étaient à bord de ce pétrolier. Certes, en mer, le risque
zéro ne peut exister, mais, aujourd'hui, plusieurs questions se posent face à
ces événements qui nous rappellent ceux qui ont conduit, entre autres
accidents, au naufrage du
Tanio,
en 1980, au nord du Finistère.
Hier, le ministre de l'équipement, des transports et du logement et la
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ont survolé les
nappes de pétrole et rencontré les autorités maritimes et scientifiques. Ces
nappes, dont l'évolution est difficilement prévisible, s'approchent des
côtes.
Pouvez-vous nous préciser, madame la secrétaire d'Etat, les dispositions que
le Gouvernement compte mettre en oeuvre pour anticiper au mieux les
conséquences de l'arrivée de ces nappes sur le littoral ?
Le transport maritime est un mode de transport sûr, qui a accompli ces
dernières années des progrès en matière de sécurité et de fiabilité des
matériels. Je pense notamment à l'obligation de construire des navires à double
coque. Toutefois, cette catastrophe démontre qu'il convient de prendre de
nouvelles initiatives, qui, pour être efficaces, doivent s'inscrire dans une
dimension internationale.
L'Organisation maritime internationale, l'OMI, les Etats signataires du
mémorandum de Paris, réunis en 1982 sur l'initiative de notre collègue Louis Le
Pensec, ne devraient-ils pas s'assurer de la réelle application des
recommandations qu'ils prennent et relever le niveau d'exigence des contrôles
?
La logique des pavillons de complaisance n'entraîne-t-elle pas des déficiences
précisément en termes de sécurité ? Il est évident que, en cas d'accident, ces
montages juridiques complexes entraînent des difficultés supplémentaires dans
la définition des responsabilités. Pourtant, dès 1958, une convention
internationale demandait qu'existe un lien substantiel entre l'Etat et le
navire.
Pouvez-vous, madame la secrétaire d'Etat, nous apporter quelques éléments de
réponse sur ces différents points. Nos concitoyens qui vivent et travaillent
sur le littoral y seront particulièrement attentifs.
(Applaudissements sur
les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à
l'artisanat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs,
l'action est engagée et M. Alain Richard, ministre de la défense, sera au côté
du préfet maritime demain matin pour suivre l'évolution des opérations.
Plusieurs navires sont présents sur la zone. Vous le savez, l'importance de la
houle, d'une part, et la viscosité du fioul, d'autre part, rendent extrêmement
difficiles les opérations.
Nous avons reçu, dans le cadre de l'accord de Bonn, l'aide annoncée de la
Grande-Bretagne, des Pays-Bas, de l'Allemagne et de la Norvège, si nous en
avions besoin. Je souhaite, comme vous, pour avoir vécu de très près la
catastrophe du
Tanio
et celle de l'
Amoco Cadiz
et les
conséquences socio-économiques et psychologiques terribles qui s'ensuivirent,
que nous réussissions à éloigner la nappe.
Il est important aussi de mettre sur le devant de la scène le Centre de
documentation, de recherche et d'expérimentation sur la pollution accidentelle,
le CEDRE, qui a d'ailleurs été mis en place après une intervention dans cette
enceinte de M. Alphonse Arzel, votre ancien collègue, et de M. Louis Le Pensec,
votre actuel collègue, ce qui a permis un déclenchement du plan POLMAR, le plan
de lutte contre les pollutions marines, beaucoup plus efficace.
Sont déjà en alerte des centres de stockage. On a déjà prééquipé les sites sur
lesquels auraient lieu en priorité les opérations de traitement des résidus.
Vous l'avez dit, les ministres étaient sur place hier. Le Gouvernement a
mobilisé l'ensemble des acteurs.
Monsieur le sénateur, il existe effectivement un risque de pollution non pas
de la côte mais d'un certain nombre d'îles pour lesquelles le travail sera plus
difficile, en particulier les îles qui sont plus au sud que celles qui,
croyait-on hier, seraient touchées.
S'agissant de votre réflexion plus générale, un groupe de travail mis en place
au sein de l'Organisation mondiale internationale a fait un certain nombre de
propositions sur la question des équipages et doit conduire l'ensemble des
autorités à prendre des initiatives d'urgence. La France, avec sa contribution
active, a décidé le développement d'une base de données informatique, EQUASIS,
qui a pour objet de mettre à la disposition des acteurs du transport maritime
via Internet l'ensemble des données disponibles sur les navires en circulation,
ces données pouvant être utiles dans le cadre de l'application du mémorandum de
Paris.
Mais il faut dire avec vous, monsieur le sénateur, que nous avons aussi besoin
d'un engagement fort des affréteurs. En effet, si ces données sont disponibles,
certains affréteurs font comme si elles ne l'étaient pas, ce qui n'est pas
acceptable.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées
du groupe communiste républicain et citoyen.)
STATISTIQUES DE LA DÉLINQUANCE
M. le président.
La parole est à M. Hugot.
M. Jean-Paul Hugot.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, ma question
s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et je remercie M. Jean-Jack
Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, de son attention.
La France connaît aujourd'hui, comme le confirme un institut de recherche
émanant du ministère de l'intérieur, une situation d'insécurité sans
précédent.
Sur l'ensemble du territoire, la délinquance augmente, en effet, de façon
continue et inquiétante. C'est dire si l'un de nos droits fondamentaux, le
droit à la sécurité, est menacé.
Depuis 1975, les faits constatés ont pratiquement doublé en matière de
délinquance sur la voie publique. Cette forme de délinquance, qui regroupe les
infractions les plus visibles pour nos concitoyens, augmente dans des
proportions alarmantes.
Parallèlement, alors que le nombre de crimes et délits avait baissé de plus de
6 % en 1995, de près de 3 % en 1996 et de près de 2 % en 1997, il a augmenté de
2,06 % en 1998. Cette année ne sera pas meilleure.
Il est donc urgent de se donner les moyens de rétablir l'ordre et la sécurité.
Or, le Gouvernement semble peiner dans sa capacité à réagir.
La police de proximité, qui nous était présentée par M. le ministre de
l'intérieur comme la panacée, ne répond pas à nos attentes. En effet, ce
dispositif est lancé à moyens constants s'agissant de l'effectif des policiers.
Or, en l'état, les départs massifs en retraite chez les gardiens de la paix
n'entraînent pas de remplacement.
De plus, sans entrer dans une vaine querelle de chiffres, on sait que seuls 20
000 fonctionnaires de police sont affectés à des tâches de police de proximité.
C'est vraiment peu !
Aussi, l'organisation des forces de l'ordre doit être revue, afin que les
effectifs soient augmentés dans les zones où la délinquance est la plus
importante, ce qui aurait l'avantage d'apporter une réponse au problème de la
pyramide des âges dans la police et de lutter contre le déficit important en
personnel.
En conséquence, que compte faire M. le ministre de l'intérieur pour que le
droit légitime de chaque citoyen à la sécurité soit garanti par l'Etat ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le sénateur, le ministre de
l'intérieur, qui ne peut être présent aujourd'hui dans l'hémicycle de la Haute
Assemblée, a déjà eu l'occasion de s'exprimer sur les chiffres relatifs à la
sécurité et il m'a demandé de vous communiquer les derniers éléments, qui
concernent les mois d'octobre et de novembre. Effectivement, au cours de ces
deux mois, nous constatons, tant à l'échelon national qu'à Paris, une baisse
des faits en matière d'insécurité, notamment de ceux qui sont commis sur la
voie publique.
(Protestations sur les travées du RPR.)
Je vais vous communiquer ces chiffres, qui restent à interpréter dans la
mesure où les faits constatés regroupent plusieurs types d'infractions.
M. Alain Gournac.
Tout va bien !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
En novembre, par exemple, le nombre des faits
constatés a baissé de 3,59 %...
M. Jean-Patrick Courtois.
Ce n'est pas sérieux !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
... et celui des faits commis sur la voie publique a
diminué de 5,86 %. Sur Paris, la même tendance est constatée.
Si l'on examine la situation d'ensemble, sur les onze premiers mois de 1999,
les faits constatés ne progressent que de 0,22 % par rapport à 1998 et la
délinquance sur la voie publique diminue de 2,64 %.
Vous avez insisté, monsieur le sénateur, après l'énoncé de ces chiffres, sur
la nécessité de mettre en oeuvre une police de proximité et de procéder à des
recrutements anticipés. Mais les mesures, qui sont déjà prises, en matière de
déploiement de cette police de proximité dans un certain nombre de zones ainsi
que les autorisations de M. le Premier ministre de recruter par anticipation
des gardiens de la paix pour faire face aux problèmes d'effectif et de départs
massifs de policiers à la retraite, prennent en compte cette démarche en
matière de sécurité.
De même, si l'on regarde la décennie et si on prend comme base de départ
l'indice 100 en 1990, on constate que, pour les dix premiers mois de l'année
1999 comparés à la même période de l'année 1990, l'indice en matière de
délinquance est de 102 % pour les faits constatés et de 103 % pour les faits
commis sur la voie publique. L'augmentation est donc mesurée.
M. Jean-Patrick Courtois.
Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Ce sont des chiffres significatifs.
En tout cas, je peux vous confirmer que la lutte pour la sécurité est au coeur
des priorités gouvernementales. C'est un droit pour nos concitoyens et nous
entendons bien le mettre en oeuvre, M. le Premier ministre l'a encore rappelé
hier.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
Pilule du lendemain
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Ma question, qui s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité,
concerne l'autorisation de prescription par les infirmières scolaires de la
pilule dite du lendemain aux élèves des collèges et des lycées.
Un sénateur socialiste.
C'est une bonne chose !
M. Bernard Joly.
Selon la loi de 1967 sur la contraception, les contraceptifs hormonaux ne
peuvent être délivrés que sur prescription médicale. Or, depuis le mois de juin
1999, le « NorLevo » est en vente libre. Si l'Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé a été saisie du dossier au printemps dernier,
elle n'avait été chargée que d'une mission d'évaluation.
Première question : cette pratique n'est-elle pas illégale ?
Si une concertation avec les associations de parents d'élèves, les acteurs
concernés du milieu scolaire et des juristes avait été menée, le problème
aurait été soulevé. Or, non seulement il se pose, mais ceux à qui on va faire
appel sont mis devant le fait accompli par l'annonce abrupte de Mme la ministre
chargée de l'enseignement scolaire, alors que leur responsabilité va être
engagée. Qu'adviendra-t-il en cas d'accidents ?
En supposant la mise en conformité de la procédure de prescription, comment un
effectif notoirement insuffisant de médecins scolaires et d'infirmières
pourra-t-il répondre sur-le-champ à des situations de détresse ? Certains
médecins sont chargés de quelque 9 000 élèves et, dans certains établissements,
il n'y a pas d'infirmière.
Parmi les jeunes de moins de dix-huit ans, on note quelque 10 000 grossesses,
dont près de 7 000 aboutissent à un avortement. La plupart du temps, ces
situations sont le résultat de violences impliquant, dans des proportions non
négligeables, un membre de l'entourage proche. Ainsi, qu'il puisse y avoir,
dans un univers habituel, un interlocuteur connu autre qu'un membre du milieu
familial serait certainement un recours dans des moments de grand désespoir.
Mais il faut être conscient qu'une fois faite l'annonce de la mise en place de
ce dispositif, celui-ci devra fonctionner sans faille, car toute lacune sera
pire que son absence. En effet, sont concernées des adolescentes meurtries, qui
cherchent une bouée de sauvetage face à une situation qu'elles ne maîtrisent
plus et dont les conséquences sont vécues comme un traumatisme.
En conséquence, et c'est ma seconde question, ne conviendrait-il pas de
reprendre la procédure à son début, afin d'engager le dialogue avec toutes les
parties concernées, de mettre en conformité les dispositions nécessaires et
d'assurer une mise en place satisfaisante de l'accueil ?
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Monsieur le sénateur,
vous souhaitez des précisions sur le NorLevo, la pilule du lendemain, produit
d'autant plus efficace qu'il est délivré rapidement après un rapport non
protégé afin d'empêcher le développement d'une grossesse.
Ce produit a été présenté à la commission à la fin de l'année 1998 et il a
obtenu une autorisation de mise sur le marché à la suite de l'avis de l'Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé au début de l'année 1999.
A l'époque, ce produit bénéficiait d'une autorisation de mise sur le marché
avec prescription médicale. Or, comme il est avéré que ce produit est d'autant
plus efficace qu'il est pris le plus rapidement possible après un rapport non
protégé - 100 % d'efficacité dans les douze premières heures et 55 % dans les
soixante-dix heures - il nous a paru important de permettre la délivrance de ce
produit sans autorisation médicale. C'est donc en conformité avec la directive
européenne transposée dans le droit français par un arrêté paru au
Journal
officiel
en mai, ou juin 1999 qu'une nouvelle autorisation de mise sur le
marché a été délivrée le 2 juin dernier pour que le NorLevo soit en vente libre
dans les pharmacies.
Dans le même temps, la volonté d'éviter des grossesses précoces non désirées
chez les jeunes filles qui, ensuite, peuvent être contraintes à une
interruption volontaire de grossesse, avec toutes les conséquences graves sur
leur santé, sur leur avenir, sur leur psychologie et d'un point de vue social,
a conduit à réfléchir à la mise à disposition de ce produit. C'est ainsi que
Mme Ségolène Royal a été amenée à proposer cette mise à disposition par les
infirmières aux jeunes filles, ce qui répond au souci de prendre le problème à
sa source. Cela permettra aux infirmières de dialoguer avec la jeune fille, son
environnement associatif et médico-social, et avec sa famille, afin de mettre
en place un processus de dialogue et d'information pour développer la
responsabilité dans le domaine de la sexualité et de la contraception.
C'est dans cette optique que cette décision a été prise, dans le respect total
du droit national et du droit européen, et en parfaite cohérence avec la
volonté de Mme Aubry de relancer, au mois de janvier prochain, une campagne
d'information sur la contraception.
(Applaudissements sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
SITUATION DANS LES HÔPITAUX
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Au cours de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale,
nous avons souligné le décalage qui existait avec les attentes exprimées lors
des états généraux de la santé.
Madame la ministre, l'hôpital public souffre, et, vous le savez, cette
souffrance est ancienne. Les hôpitaux sont pourtant un maillon essentiel de
notre système de soins. Confrontés à l'accumulation de difficultés de tout
ordre, les personnels, aujourd'hui, se mobilisent. Ils dénoncent en bloc
l'insuffisance du montant des enveloppes budgétaires, qui est à l'origine d'une
réduction drastique des effectifs et de fermetures de lits et de
services,...
M. Alain Gournac.
Pourquoi l'avoir voté ?
M. Josselin de Rohan.
Vous êtes dans la majorité !
M. Thierry Foucaud.
... alors que la demande de soins s'accroît. Il faut entendre, madame la
ministre, l'appel lancé par l'hôpital public en Ile-de-France,...
M. Jean Chérioux.
C'est vrai !
M. Josselin de Rohan.
Ah, il est dans l'opposition !
M. Thierry Foucaud.
... où la progression du budget est limitée à 1,25 %, où 14 000 lits ont été
supprimés ces cinq dernières années,...
M. Josselin de Rohan.
C'est abominable !
M. Alain Gournac.
Il fallait voter contre !
M. Thierry Foucaud.
... et où 11 000 suppressions supplémentaires de lits sont prévues.
La commission médicale d'établissement de l'Assistance publique des hôpitaux
de Paris vient de voter contre le budget proposé, ce qui constitue une
première.
MM. Jean Chérioux et Jean-Patrick Courtois.
C'est vrai !
M. Thierry Foucaud.
Confrontés qu'ils sont à une situation particulièrement préoccupante, en
Ile-de-France et dans de très nombreuses régions, y compris la mienne, tous les
personnels, je le répète, se mobilisent. Les propositions que nous avançons
pour augmenter les ressources de notre hôpital public, à savoir la taxation des
revenus financiers
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains
et Indépendants)
,...
M. Guy Fischer.
Alors, vous n'êtes plus d'accord ?
M. Thierry Foucaud.
... la réduction du taux de la TVA pour les hôpitaux ou l'attribution de prêts
à taux zéro pour les investissements hospitaliers, sont au coeur des
revendications des personnels, qui seront peut-être bientôt rejoints par les
usagers de l'hôpital.
Un débat sur notre système hospitalier est aujourd'hui incontournable.
Actuellement, les personnels nous rappellent que la santé, notamment la santé
publique, a un coût.
Madame la ministre, face à la détresse des hôpitaux et de leurs agents, face
aux besoins qui s'expriment partout dans le pays, nous souhaiterions savoir
quelles seront les réponses apportées par le Gouvernement en vue de conforter
l'hôpital public dans l'accomplissement de ses missions essentielles.
(Applaudissements et exclamations ironiques sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
La santé concerne le vivant et la condition des femmes et des hommes de
notre pays, et c'est pourquoi nous pensons que la croissance retrouvée doit
servir prioritairement à améliorer la situation dans ce domaine, ce qui passe
avant la réduction des déficits.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur celles du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, je
voudrais d'abord vous dire que, tout comme vous, le Gouvernement considère que
l'hôpital public est au coeur de notre système de santé.
Cela étant, je dois avouer que je suis un peu étonnée d'entendre des
applaudissements venant de la droite de l'hémicycle.
(Exclamations sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je rappelle en effet que, la première année de l'application du plan Juppé, le
budget de l'hôpital public avait régressé de 1 %, alors que la hausse atteint
cette année 2,5 %.
(Protestations sur les mêmes travées.)
M. Josselin de Rohan.
Nos collègues communistes ne sont pas contents !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je suis étonnée, mesdames,
messieurs les membres de la majorité sénatoriale, que vous applaudissiez le
refus de la commission médicale d'établissement de l'Assistance publique des
hôpitaux de Paris de voter le budget, alors que vous avez diminué celui-ci de
0,34 % en 1997
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles
du groupe communiste républicain et citoyen),
tandis que nous n'avons cessé
de l'augmenter.
Il faut être un tant soit peu cohérent !
Plusieurs sénateurs du RPR.
Nous le sommes !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
On ne peut pas, lors de
l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale, soutenir la
médecine libérale et expliquer qu'il faut favoriser les cliniques privées et
défendre ensuite, avec démagogie - quand ce n'est pas avec des visées
politiciennes - l'hôpital public.
(Exclamations sur les travées du RPR. -
Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
Pour notre part, à gauche, nous avons toujours considéré que l'hôpital public
jouait un rôle irremplaçable. C'est aujourd'hui un vecteur d'excellence,
reconnu aussi bien en France qu'à l'étranger.
Mme Hélène Luc.
Il faut qu'il le reste !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je sais que la situation est
difficile, même si nous avons pris des mesures importantes en faveur des
praticiens hospitaliers, des aides-soignantes et, très récemment, des
urgentistes. A cet égard, je regrette que l'Assistance publique des hôpitaux de
Paris n'ait pas appliqué aussi rapidement que les hôpitaux de province les
décisions qui avaient été prises. Mais c'est maintenant chose faite. Je déplore
que ceux qui appuient aujourd'hui la position adoptée par l'Assistance publique
des hôpitaux de Paris n'aient pas incité sa direction générale à mettre en
oeuvre les dispositions concernant les urgentistes. Il est vrai que ces
médecins sont peut-être mal considérés, alors que ce sont pourtant eux qui
prennent en charge toute la souffrance du public.
Je voudrais ajouter très simplement, monsieur Foucaud, que le Gouvernement est
très attentif à tous les mouvements et à tous les conflits...
M. Nicolas About.
Ah ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... ou plutôt, car il ne s'agit
pas de conflits, à toutes les revendications et à tous les problèmes qui
peuvent se poser.
Je sais par exemple que les « points ISA » qui permettent de répartir les
budgets ne prennent pas suffisamment en compte les activités de pointe
coûteuses et que nous devons, qu'il s'agisse de l'Assistance publique des
hôpitaux de Paris ou des centres hospitaliers et universitaires, évaluer la
situation.
J'avais rendez-vous ce matin avec les représentants des hôpitaux
d'Ile-de-France, car je sais qu'il existe aujourd'hui, au sein de cette région,
des inégalités flagrantes. J'ai entendu vos propositions, monsieur Foucaud, et
je peux vous indiquer que nous les étudions actuellement. Le Gouvernement est
très attentif à prendre, au moment où cela est nécessaire et pour chaque
hôpital, lorsqu'un vrai problème est soulevé, les mesures nécessaires pour
qu'il continue à remplir son rôle.
(Applaudissements sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
ATTITUDE DU MEDEF À L'ÉGARD DU MINISTRE
DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Ma question s'adresse également à Mme la ministre de l'emploi et de la
solidarité, mais elle est d'une nature différente de la précédente.
Madame la ministre, le conseil exécutif du MEDEF, le Mouvement des entreprises
de France, a refusé, lundi dernier, de vous recevoir
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants)
comme vous le lui aviez demandé, pour parler non seulement de la réduction de
la durée du travail, mais également de l'avenir de la protection sociale et, me
semble-t-il, de la réforme de la formation professionnelle.
Certains ont pris ce refus comme un camouflet à votre égard. Quant à nous,
nous considérons que ce refus de M. Seillière et de ses amis de vous rencontrer
est non seulement un geste d'une grande incorrection, dont nous savons
d'ailleurs qu'il est critiqué comme tel par de nombreux chefs
d'entreprise,...
M. Josselin de Rohan.
Pas du tout !
M. Claude Estier.
... mais aussi un acte profondément contraire aux usages républicains.
MM. Raymond Courrière et Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Claude Estier.
De tout temps, dans notre pays, et quelles que soient les divergences de vue,
il y a eu dialogue entre le Gouvernement et les organisations syndicales et
patronales.
Le MEDEF ne manque jamais de rappeler qu'il est hostile à la loi des 35
heures,...
MM. Alain Gournac et Josselin de Rohan.
Nous aussi !
M. Claude Estier
... comme l'était d'ailleurs son ancêtre, en 1936, à la loi des 40 heures !
(
Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Nicolas About.
A chacun ses ancêtres !
M. Claude Estier.
Mais, quoi qu'il en soit, après de longs mois de discussion à tous les
niveaux, cette loi est maintenant définitivement votée. Elle entrera en vigueur
dans quelques semaines,...
M. Alain Gournac.
Malheureusement !
M. Claude Estier
... et tous les sondages indiquent qu'elle est majoritairement approuvée par
les salariés.
(Mais non ! sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan.
Il y a des grèves partout !
M. Alain Joyandet.
La question !
M. Claude Estier.
Par son refus de débattre de ces questions avec vous, madame la ministre, et
par les menaces qu'il fait planer sur la poursuite de sa participation à la
gestion des organismes sociaux paritaires, le MEDEF confirme qu'il est devenu
un parti d'opposition systématique au Gouvernement et à la majorité issue des
urnes. Ce n'est pas cela qui grandira son image aux yeux de l'opinion !
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. Claude Estier.
J'aimerais savoir, madame la ministre, comment vous-même jugez ce
comportement, et, plus largement, ce que vous pensez des menaces que fait peser
le MEDEF sur l'avenir de la protection sociale, qui est l'un des fondements de
notre démocratie.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
socialistes et sur celle du groupe communiste républicain et citoyen. - M.
Hamel applaudit également.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, je crois
en effet, tout comme vous, qu'il est regrettable que le MEDEF ait refusé un
débat qui devait d'ailleurs faire suite aux larges concertations que nous avons
menées avec lui, comme avec l'ensemble des organisations patronales et
syndicales.
M. Hilaire Flandre.
Qui a commencé ?
M. Josselin de Rohan.
Et M. Gandois, qu'en pense-t-il ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais peut-être était-il
difficile, pour M. Seillière, d'entendre la ministre de l'emploi et de la
solidarité dire devant le conseil exécutif de son organisation que ces réunions
de concertation avaient eu lieu, qu'un certain nombre de demandes avaient été
prises en compte et que nous avons continué à discuter jusqu'au dernier jour,
contrairement à ce qui a été dit.
Peut-être était-il difficile, pour M. Seillière, d'entendre dire devant les
membres de son conseil exécutif, qui d'ailleurs le savent bien, que les accords
de branche qui ont été signés sont parfaitement applicables à la suite de
l'adoption de la seconde loi et que ce qui a été affirmé à cet égard n'est pas
conforme à la réalité.
D'une manière plus générale, je pense que nous aurions pu discuter de la
formation professionnelle, alors que le MEDEF refuse depuis plus d'un an, au
détriment de l'intérêt des entreprises, de s'asseoir à la table de négociation,
comme le lui avait proposé Mme Péry, pour mettre en place un système de
formation tout au long de la carrière professionnelle des salariés.
Nous aurions peut-être pu alors comprendre pourquoi le MEDEF envisage
aujourd'hui, ce qui n'est pas nouveau, d'abandonner ses responsabilités dans la
gestion de la Caisse nationale de l'assurance maladie, alors même que les
comptes de la sécurité sociale parviennent à l'équilibre et que nous confions à
la CNAM la régulation des soins de ville, comme elle l'avait demandé.
A-t-on peur d'assumer des responsabilités que l'on avait pourtant demandées ?
C'est l'une des questions que j'aurais peut-être été conduite à poser.
En tout cas, cette discussion n'a pu avoir lieu, et je le regrette. Pour ma
part, je continuerai à agir comme je l'ai toujours fait : ma porte reste
ouverte.
Nous avons pu débattre avec d'autres organisations professionnelles, notamment
l'Union professionnelle artisanale, qui représente aujourd'hui 830 000
entreprises. Je ne suis pas persuadée que les entreprises, dont le message sur
la durée du travail, sur l'abaissement des charges et sur l'état des comptes de
la sécurité sociale apparaît brouillé dans les documents publiés par le MEDEF,
aient intérêt à ne pas connaître la réalité des choses. Le Gouvernement, lui,
est soucieux de transparence.
J'ajoute que nous vivons en démocratie. Un projet de loi a été voté et c'est
tout à l'honneur du Gouvernement, quoi qu'en pensent certains, que de
l'appliquer !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes
et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
PILULE DU LENDEMAIN
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Mes chers collègues, ma question portera également sur la pilule du
lendemain.
Avant de la poser, je rappellerai à M. Foucaud que j'avais invité les membres
de son groupe à ne pas voter le projet de loi de financement de la sécurité
sociale. Le groupe communiste républicain et citoyen avait longuement hésité,
mais l'avait finalement voté. Il ne faut donc pas vous plaindre, monsieur
Foucaud ! Vous avez ce que vous avez voulu démocratiquement !
(Protestations
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer.
Nous nous sommes abstenus !
M. Charles Descours.
Madame la ministre, ma question ira dans le même sens que celle de M. Joly.
Que Mmes Gillot et Royal veuillent bien excuser ma remarque, mais nous ne
pouvons que constater que, depuis trois semaines, une polémique extraordinaire
fait rage dans la presse entre leurs deux ministères.
(Mme le secrétaire
d'Etat à la santé et à l'action sociale fait un signe de dénégation.)
Ne dites pas non, madame Gillot, j'ai lu vos communiqués... ou alors vous ne
contrôlez pas votre administration, puisque vous déclarez que l'autorisation de
mise en vente libre sur le marché est légale, normale, mais qu'il faudra «
toiletter » la loi Neuwirth - dont l'auteur est devant moi - pour que ce soit
tout à fait légal, et que vous faites allusion à l'emploi du temps du
Parlement.
Madame la ministre, puisque vous êtes accompagnée aujourd'hui de Mmes Gillot
et Royal, je voudrais que vous nous disiez si oui ou non la loi Neuwirth
s'applique s'agissant de la vente libre de la pilule du lendemain.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Elle n'existait pas en 1968 !
M. Charles Descours.
Je sais, monsieur Dreyfus-Schmidt, que vous êtes quelqu'un de tout à fait
éminent !
La loi Neuwirth s'applique-t-elle, ou faudra-t-il la revoir ? Nous assistons à
une cacophonie gouvernementale sur ce point.
(Non ! sur les travées
socialistes.)
Votre position de « numéro deux » du Gouvernement vous permet, madame la
ministre, d'arbitrer entre les autres membres de celui-ci. Nous vous écouterons
donc avec beaucoup d'attention.
(Applaudissements sur les travées du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, il ne
revient pas au Gouvernement d'arbitrer entre des articles de presse.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je tiens à vous rassurer :
l'ensemble des décisions qui ont été prises par Mme Royal l'ont été en parfaite
concertation avec Mme Gillot et moi-même.
Je peux vous dire que cela fait un an que, avec l'aide d'un comité de pilotage
comprenant des professeurs de médecine, des chercheurs de l'INSERM - l'Institut
national de la santé et de la recherche médicale - et des représentants de
l'ensemble des associations familiales, nous préparons cette campagne pour la
contraception qui sera menée, pour une part importante, dans les collèges et
dans les lycées.
Je voudrais redire ici, après Mme Gillot, que le NorLevo - l'expression «
pilule du lendemain » n'est d'ailleurs peut-être pas la bonne - permet d'éviter
la nidation. Ce n'est donc pas un contraceptif classique tel que le prévoyait
la loi Neuwirth, que je me permets d'ailleurs de saluer, car cette loi est une
grande conquête pour les femmes.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RPR.)
M. Charles Descours.
Je l'ai votée !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je ne vous attaque pas,
monsieur Descours ! Si, pour une fois, vous avez voté une loi innovante, je ne
peux que vous en féliciter.
(Rires sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du
RPR.)
M. Charles Descours.
J'ai aussi voté la loi Veil.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je défends fortement la loi
Veil, ce que tout le monde dans vos rangs n'a pas fait ! Heureusement que la
gauche était là pour la faire voter !
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Je terminerai en disant que la mise sur le marché a été faite selon les
procédures en vigueur, que nous avons pris un décret pour qu'il puisse être
possible de mettre en vente libre le NorLevo et que le Conseil d'Etat a
considéré que tout cela était légal au regard de l'ensemble des règles et des
lois tant nationales qu'internationales.
Mais je voudrais dire aussi que, pour nous, la pilule du lendemain n'est pas
un moyen de contraception comme les autres. Et c'est bien parce que Dominique
Gillot, Ségolène Royal et moi-même ne souhaitons pas que les jeunes filles en
arrivent à la pilule du lendemain ou, pis encore, à l'interruption volontaire
de grossesse - il s'agit, dans les deux cas, d'un échec de la contraception -
que nous lançons une campagne d'information sur la contraception.
Cela dit, quand les jeunes filles sont confrontées à une telle situation, ne
vaut-il pas mieux qu'une infirmière scolaire discute avec elles, leur propose
de prendre un rendez-vous avec le planning familial, de prendre contact avec
leurs parents et les revoie pour s'assurer qu'il existe une prise en charge
médicale plutôt que de les laisser seules aller acheter une pilule dans une
pharmacie ? Voilà le problème tel qu'il se pose.
Si certains, à notre époque, continuent à être contre la contraception, qu'ils
le disent clairement !
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. Charles Descours.
Vous ne pouvez pas me faire dire cela !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je parle non pas de vous,
monsieur Descours, mais des journaux ! Si certains sont opposés à la
contraception, qu'ils le disent clairement, et qu'ils n'essayent pas de créer
des polémiques là où elles n'existent pas !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
PROJETS DE VILLE
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le comité interministériel des villes, qui s'est tenu le 14 décembre 1999, a
défini les principes et les modalités de mise en oeuvre du plan gouvernemental
de rénovation urbaine et de solidarité, plan annoncé par le Premier ministre à
Strasbourg, le 27 septembre dernier.
Les mesures décidées s'inscrivent dans la cohérence d'ensemble de la politique
urbaine menée par ce gouvernement depuis 1997. Cette politique de la ville,
volontaire et ambitieuse, repose sur des axes prioritaires bien définis :
l'emploi, la restructuration urbaine, la sécurité et l'éducation. Elle n'hésite
pas à se doter de moyens à la hauteur de ses besoins, l'effort public global en
faveur de la ville étant passé de 21 milliards de francs en 1997 à 35 milliards
de francs prévus pour 2000.
M. Alain Gournac.
Et voilà la brosse à reluire !
M. Jacques Mahéas.
Je salue là une répartition des fruits de la croissance qui ne s'arrête pas
aux frontières des quartiers sensibles.
Faute de temps, je ne parlerai que de la restructuration urbaine et
d'emploi.
Tout d'abord, changer le visage des banlieues passe par la transformation de
certains quartiers qui doivent être mieux associés au développement de leur
agglomération et reconquérir une image positive. C'est l'enjeu du programme
national de renouvellement urbain, engageant la solidarité nationale autour de
cinquante grands projets de ville, pour les sites dont la requalification
nécessite des moyens exceptionnels, et de trente opérations de renouvellement
urbain. D'autres mesures visent à favoriser la réhabilitation des copropriétés
dégradées.
M. Hilaire Flandre.
C'est quoi, la question ?
M. Jacques Mahéas.
Je me réjouis de l'ensemble de ce dispositif. Les opérations de
démolition-reconstruction devront toutefois être menées avec discernement, afin
de ne pas déplacer les difficultés d'un quartier dégradé vers un quartier qui
pourrait ainsi le devenir.
M. le président.
Posez votre question, s'il vous plait !
M. Jacques Mahéas.
Une minute !
(Protestations sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
Par ailleurs, une politique de la ville solidaire ne se conçoit pas sans
un volet emploi significatif.
Je souhaiterais néanmoins, madame la ministre, que vous nous apportiez des
précisions sur trois points.
Comment, dans un souci d'équilibre social, le Gouvernement entend-il imposer
des logements sociaux aux municipalités qui n'en possèdent pas ou peu ?
Comment comptez-vous renforcer l'accès à l'emploi pour les habitants des
quartiers sensibles ?
M. le président.
Monsieur Mahéas, votre question !
M. Jacques Mahéas.
Je termine !
Comment comptez-vous mettre fin au développement des pôles économiques, des
pôles universitaires, des pôles culturels qui laissent, en particulier en
région parisienne, des villes interstitielles importantes sans emploi et sans
développement culturel ?
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Vous avez parlé pendant trois minutes treize : c'est excessif !
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ma réponse ne dépassera pas une
minute et demie, car M. Jacques Mahéas a remarquablement décrit la politique de
la ville menée par le Gouvernement.
(Exclamations sur les travées du RPR et
de l'Union centriste.)
Nous rattraperons donc le temps perdu !
M. Mahéas a eu raison de rappeler que l'effort public global en faveur de la
ville est passé de 21 milliards de francs, en 1997, à 35 milliards de francs
prévus pour l'an 2000.
En effet, si la politique de la ville change de dimension, elle change aussi
de mode d'appréhension : nous raisonnons désormais en termes de
multicommunalité, d'intercommunalité, d'agglomération ; nous traitons non plus
les quartiers pris indépendamment les uns des autres mais les quartiers reliés
à la ville. Nous voulons reconstruire de véritables villes, avec des fonctions
multiples et une mixité sociale, d'où l'importance que vous avez donnée à juste
raison, monsieur le sénateur, au rééquilibrage en matière de logement,
notamment de logement social.
Le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbain
comprendra un volet relatif à l'équilibre des agglomérations, en prévoyant,
notamment, un nombre minimum de logements sociaux dans toutes ces villes. Ce
projet est soutenu par MM. Gayssot et Besson. Les lois Voynet et Chevènement
définissent désormais des agglomérations qui nous ont permis de travailler au
plan présenté par M. Bartolone. Ce plan comprend trois axes.
Le premier concerne les conditions de vie, avec les cinquante grands projets
de ville dont vous avez parlé. Il convient - vous avez eu raison de le
souligner - non pas de démolir pour démolir mais d'avoir une vision de la ville
avec une mixité sociale et un lien avec le coeur de la ville.
Le deuxième axe est l'emploi. Nous allons intégrer dans les quartiers des
permanences de l'ANPE pour mener des actions d'insertion et de formation ; les
emplois-jeunes passeront de 15 % à 20 %.
Le troisième axe concerne les services publics. La fonction publique doit être
plus présente dans ces quartiers. Je suis convaincue que la réflexion sur les
35 heures doit nous conduire à un Etat plus efficace, plus présent, à des
services publics qui rendent des services à tous et qui soient plus proches des
citoyens, notamment dans ces quartiers en difficulté.
Voilà très rapidement résumé quel sera ce plan, qui apportera 20 milliards de
francs supplémentaires d'ici à 2006 à la politique de la ville autour, comme
vous l'avez souligné, d'une politique ambitieuse et globale.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
TABLE RONDE DE MATIGNON SUR LA CORSE
M. le président.
La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, madame la secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, ma question s'adressait à M. le Premier
ministre.
L'assassinat du préfet Erignac, le 6 février 1998, est l'action la plus
odieuse et la plus symbolique qu'une poignée de clandestins nationalistes
corses ait jamais porté contre la République.
Passant sur l'épisode tragico-comique de l'incendie d'une paillote, sur celui
de l'emprisonnement d'un préfet, sur la fuite, favorisée semble-t-il par un
service de police, de l'assassin présumé du préfet Erignac,...
M. Raymond Courrière.
On ne va pas revenir là-dessus !
M. Bernard Fournier.
... nous constatons que l'image de l'Etat en Corse est victime de
dysfonctionnements gravissimes.
M. Raymond Courrière.
Jospin, il vous donne des leçons !
M. Bernard Fournier.
Cette image, qui aurait dû être celle d'un Etat de droit, est un peu plus
bafouée aujourd'hui, avec l'aveu de faiblesse et d'impuissance que le
Gouvernement vient de faire en début de semaine.
(Oh là là ! sur les travées
socialistes.)
M. le Premier ministre affirmait, voilà peu de temps encore, qu'aucune
discussion institutionnelle n'était compatible avec le recours à la violence.
Il soulignait alors que la question corse était non pas une question de statut
mais un problème de violence.
Et que constatons-nous ? Que vous ouvrez les portes de Matignon à ceux qui ont
refusé...
M. Raymond Courrière.
Dites-le à Rossi !
M. Bernard Fournier.
... de condamner les assassins du préfet Erignac
(C'est vrai ! sur les
travées du RPR),
à ceux qui ne se sont jamais cachés de leur soutien aux
auteurs d'attentats.
M. Raymond Courrière.
Vous avez tellement réussi de votre côté ?
M. Bernard Fournier.
Pour tenter d'obtenir un simulacre de paix civile, vous semblez négocier un
changement institutionnel pour l'île. Vous oubliez que cette solution n'est pas
celle que les Corses souhaitent : les résultats de chaque élection manifestent
incontestablement l'attachement de la Corse à la France.
M. Raymond Courrière.
Dites-le à Rossi !
M. Bernard Fournier.
Mesdames, messieurs du Gouvernement, la Corse, c'est la République !
Compte tenu de votre revirement à l'égard de cette partie de notre territoire
national, pouvez-vous indiquer au Sénat si votre souhait est de conduire la
Corse vers un nouveau statut, un statut d'autonomie substantielle, qui
l'éloignerait un peu plus du continent ?
(Applaudissements sur les travées
du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement,
que nous retrouvons avec plaisir après ses ennuis de santé.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Merci, monsieur le président.
Le plaisir est réciproque.
M. Le Premier ministre, en voyage officiel au Japon, m'a chargé de répondre à
votre question, monsieur le sénateur.
M. Jospin a reçu à Matignon, lundi dernier, les élus de la Corse, les
présidents des exécutifs, les responsables des groupes représentés à
l'Assemblée de Corse et les parlementaires. Pourquoi une telle initiative sans
précédent, qui semble vous émouvoir, monsieur le sénateur ? Parce qu'il fallait
sortir d'une situation de blocage, parce qu'il fallait le faire par le dialogue
dans la transparence, au grand jour - là encore, c'est nouveau -...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Oui, c'est nouveau !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
... comme le souhaitent les
Corses et tous ceux qui sont attachés à ce qu'une réponse durable soit enfin
apportée au problème corse, resté sans solution - faut-il le rappeler, monsieur
le sénateur ? - depuis des années.
(Très bien ! sur les travées
socialistes.)
Ceux qui sont venus à cette réunion ont exprimé, avec une
grande liberté, leur diversité, leurs différences mais aussi des préoccupations
parfois communes.
Le Premier ministre a redit, bien sûr, que, en Corse, l'Etat condamnait et
combattait la violence et continuerait à le faire. Il a redit que notre
démarche commune, qui relevait de notre légitimité reçue du suffrage - le
Gouvernement et les élus de la Corse - impliquait que nous agissions selon les
règles de la démocratie et de la République.
Les thèmes abordés ont été extrêmement divers : la langue, la culture, les
problèmes de fiscalité, les problèmes de développement, la façon de travailler
ensemble, le statut, ses aménagements ou sa réforme plus profonde,
l'insularité.
A l'issue de cette longue discussion, chacun étant d'accord pour prolonger la
démarche engagée, le Premier ministre a proposé une méthode de travail fondée
sur une profonde conviction : le Gouvernement a besoin d'élus de la Corse qui
prennent leurs responsabilités, qui travaillent ensemble et qui font des
propositions.
C'est donc, dans un premier temps, aux élus de la Corse, dans leur diversité,
confrontés parfois à des contradictions ou à des divergences, mais aussi avec
un même vécu de l'île, de définir ensemble les thèmes qui doivent être abordés
pour la poursuite de cette concertation.
(M. du Luart s'exclame.)
Des propositions doivent être faites. Pourquoi ne pas envisager, ensuite, des
groupes de travail ? Une prochaine étape qui pourrait avoir lieu en février ou
en mars prochain permettra au Premier ministre de renouveler cette initiative à
l'hôtel Matignon.
Il est souhaitable que ce qu'on appelle les représentants de la société civile
ou les forces vives de l'île puissent aussi être associés à cette
discussion.
En tout cas, au-delà des interrogations, cette réunion a suscité aussi un
certain espoir. J'espère que cette aspiration est commune.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
TRIBUNAUX DE COMMERCE
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ma question s'adressait à Mme le garde des sceaux.
La réforme des tribunaux de commerce a été annoncée en octobre 1998, et le
projet de budget pour 2000 prévoit la création de 100 postes de magistrats.
Quand ces derniers seront-ils réellement nommés à leur poste ?
Vraisemblablement dans plusieurs mois !
Cette réforme non encore inscrite à l'ordre du jour du Parlement suscite le
découragement de nombreux juges consulaires, ulcérés par le mépris et
l'opprobre jetés sur leurs compétences et leur honnêteté.
M. Serge Lagauche.
A qui la faute ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Si des dysfonctionnements et même quelques comportements délictueux ont certes
existé
(Exclamations sur les travées socialistes)
- on pourrait se
demander ce qu'a fait le parquet indépendant ! - cela ne doit pas faire oublier
le dévouement et le sens de la justice de l'immense majorité des magistrats
consulaires, qui assurent avec dévouement leur mission depuis plus de quatre
siècles. Plus de 40 % d'entre eux ont démissionné à ce jour, et des
juridictions entières cesseront leur activité à la fin de l'année. Cela ne peut
qu'aggraver la lenteur de la justice économique et financière.
Comment le Gouvernement compte-t-il faire face à cette situation sans
précédent, nuisible à la vie des entreprises et à leur personnel, sans parler,
bien entendu, du rôle essentiel des tribunaux de commerce dans la prévention
des difficultés des entreprises ?
(M. Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
Je pense qu'il y a eu un immense gâchis et qu'une autre réforme aurait pu être
menée dans la concertation.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, Mme la ministre de la justice, retenue par
d'autres obligations, m'a chargé de répondre en son nom.
La réforme de la justice commerciale qui est en cours s'inscrit dans une
modernisation d'ensemble du droit économique, qui touchera également les lois
sur les sociétés ou le statut des professions réglementées - administrateurs et
liquidateurs judiciaires.
La réforme des juridictions consulaires vise à réunir deux compétences
différentes : celle des magistrats consulaires, tournée vers le secteur
économique, et celle des magistrats professionnels, tournée vers le secteur
juridique. Seront ainsi associées deux approches d'un même principe fondateur
des juridictions : la garantie juridique et l'impartialité renforcée par la
diversité.
Les juges consulaires continueront d'exercer des fonctions prépondérantes dans
les tribunaux de commerce rénovés, qu'il s'agisse de la prévention des
difficultés des entreprises ou des missions des juges commissaires dans les
redressements judiciaires, domaines qui resteront dévolus aux juges élus. Les
présidents de ces juridictions resteront des juges élus. Les magistrats
professionnels présideront seulement les audiences des chambres mixtes, qui
traiteront essentiellement les procédures de redressement judiciaire et
différentes matières qui toucheront à l'ordre public économique.
La mixité sera également étendue aux cours d'appel, où des juges consulaires
pourront, pour la première fois de leur histoire, accéder à des fonctions de
conseiller tout en conservant leur statut de juges élus.
La ministre de la justice rappelle enfin que cette réforme, annoncée par le
Gouvernement dès le mois d'octobre 1997, a fait l'objet depuis cette date d'une
concertation permanente et approfondie avec les représentants des juges
consulaires et que cette concertation se poursuivra.
Par ailleurs, en ce qui concerne le problème des démissions, il faut relever
d'abord que moins du quart des juridictions consulaires sont affectées par des
démissions de juges élus et qu'une moitié seulement des juges de ces
juridictions ont annoncé leur intention de démissionner.
M. Alain Gournac.
Une moitié « seulement » !
(Rires sur les travées du RPR.)
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur, vous avez
votre liberté d'appréciation !
M. le président.
Il vous faut conclure, monsieur le ministre !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Je termine en effet en ajoutant
que certaines de ces démissions concernent des juridictions qui seront
supprimées à compter du 1er janvier 2000, en vertu de la réforme de la carte
judiciaire opérée par le décret du 30 juillet 1999.
Des dispositions ont été prises pour assurer un certain avenir aux personnes
concernées alors qu'aucune mesure n'avait été prévue préalablement.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. le président.
Mes chers collègues, grâce aux efforts de chacun, toutes les interventions ont
pu bénéficier de la retransmission télévisée. Je vous remercie de votre aimable
concours.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos
travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix, sous la
présidence de M. Jean Faure.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat.
Lundi 20 décembre 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A dix heures, à quinze heures et le soir :
1° Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi de
finances pour 2000 ;
La conférence des présidents a fixé au samedi 18 décembre 1999, à seize
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
2° Projet de loi de finances rectificative pour 1999, adopté par l'Assemblée
nationale (n° 127, 1999-2000) ;
La conférence des présidents a fixé au samedi 18 décembre 1999, à seize
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Mardi 21 décembre 1999 :
A seize heures et, éventuellement, le soir :
1° Dix-sept questions orales sans débat ;
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 609 de M. Dominique Braye à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(application de la loi sur les animaux dangereux et errants) ;
N° 623 de M. Bernard Fournier à Mme le garde des sceaux, ministre de la
justice (avenir des tribunaux de commerce) ;
N° 629 de M. Jean Chérioux à M. le ministre des affaires étrangères (situation
au Timor-Oriental) ;
N° 630 de M. Adrien Gouteyron à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (contrat de plan en Haute-Loire) ;
N° 635 de M. François Marc à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(renouvellement de la flotte de pêche) ;
N° 636 de M. René Marquès transmise à Mme la ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement (danger de la chasse au sanglier dans les
Pyrénées-Orientales) ;
N° 637 de M. Joseph Ostermann à M. le ministre de l'intérieur (élargissement
des missions du Fonds de garantie contre les accidents de la circulation) ;
N° 641 de M. Serge Franchis à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (entretien des ouvrages d'art de franchissement de canaux) ;
N° 646 de M. Jacques Pelletier à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à
l'action sociale (indemnisation pour les victimes de l'hépatite C) ;
N° 648 de M. Claude Domeizel à M. le ministre de la défense (nuisances sonores
causées par l'entraînement des élèves de l'école de l'air de Salon-de-Provence)
;
N° 649 de M. Jean-Claude Carle à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (coût des interventions des collectivités locales sur le
domaine de l'Etat) ;
N° 651 de M. Jean-Pierre Demerliat à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche (prime compensatrice ovine) ;
N° 652 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie (situation du lycée Henri-Potez à Méaulte,
Somme) ;
N° 653 de M. Ivan Renar à Mme le ministre de la culture et de la communication
(concentrations dans la presse régionale) ;
N° 654 de Mme Josette Durrieu à M. le ministre de l'intérieur (financement des
services départementaux d'incendie et de secours) ;
N° 656 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (contribution représentative du droit de bail sur les locations
de chasse en Alsace-Moselle) ;
N° 657 de M. Jean-Claude Peyronnet à M. le ministre de l'intérieur (adhésions
des collectivités locales à des associations) ;
Ordre du jour prioritaire
2° Sous réserve de sa transmission, proposition de loi portant création de la
chaîne parlementaire (AN, n° 2007) ;
La conférence des présidents a fixé à l'ouverture de la discussion générale le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
3° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi modifiant
le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte
du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations
de l'Etat aux collectivités locales (n° 130, 1999-2000).
Mercredi 22 décembre 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de
loi de finances rectificative pour 1999 ;
La conférence des présidents a fixé à l'ouverture de la discussion générale le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Mardi 18 janvier 2000 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales sans débat ;
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 599 de M. Guy Vissac à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(situation des entrepreneurs de travaux forestiers) ;
N° 621 de M. Auguste Cazalet à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (recommandations de l'IATA concernant le contrôle aérien) ;
N° 626 de M. Gérard Delfau à Mme le ministre de la culture et de la
communication (situation des diffuseurs de presse et des libraires) ;
N° 634 de M. Nicolas About à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action
sociale (moyens de lutte contre la douleur) ;
N° 638 de M. Philippe Richert à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (conséquences de la baisse de la TVA à 5,5 % sur les travaux
d'entretien) ;
N° 640 de M. Yann Gaillard à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(titres exigés des médecins de prévention) ;
N° 645 de M. Alain Dufaut à M. le ministre de l'intérieur (découpage des
cantons) ;
N° 647 de M. Jean-Patrick Courtois transmise à M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie (assujettissement à la TVA des subventions
d'investissement) ;
N° 658 de M. Bernard Cazeau à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (monopole
de Gaz de France sur l'importation et l'exportation de gaz naturel) ;
N° 659 de M. Georges Mouly à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(financement des équipes de préparation et de suite du reclassement des
travailleurs handicapés) ;
N° 660 de M. Pierre-Yvon Tremel à M. le ministre de l'éducation nationale, de
la recherche et de la technologie (situation de l'enseignement bilingue
français-breton) ;
N° 661 de M. Jean-Pierre Raffarin à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et
moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat (développement des magasins
d'usine) ;
N° 663 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche (problèmes de l'élevage ovin) ;
N° 664 de Mme Danielle Bidard-Reydet à M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie (taxe professionnelle de Pantin) ;
N° 665 de M. Jean Pépin à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes
entreprises, au commerce et à l'artisanat (validation de la qualification
professionnelle des coiffeurs non diplômés) ;
N° 667 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie (réforme de la Caisse des dépôts et consignations)
;
N° 668 de M. Hubert Haenel à M. le ministre de l'équipement, des transports et
du logement (régionalisation du transport ferroviaire de voyageurs) ;
N° 670 de M. Josselin de Rohan à M. le ministre de l'intérieur (réglementation
des
rave parties.
)
A seize heures et, éventuellement, le soir :
2° Eloge funèbre d'Alain Peyrefitte.
Ordre du jour prioritaire
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 86-1067
du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (n° 392, 1998-1999)
;
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 18 janvier 2000 le délai limite pour le dépôt des amendements à ce
texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le lundi 17 janvier 2000.
Mercredi 19 janvier 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n°
86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (n° 392,
1998-1999).
Jeudi 20 janvier 2000 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi
n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (n° 392,
1998-1999) ;
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement ;
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Lundi 24 janvier 2000 :
A neuf heures trente et à quatorze heures quarante-cinq :
Réunion du Parlement en Congrès pour le vote sur :
- le projet de loi constitutionnelle, relatif au Conseil supérieur de la
magistrature ;
- le projet de loi constitutionnelle, relatif à la Polynésie française et à la
Nouvelle-Calédonie ;
Le temps de parole imparti à l'orateur de chaque groupe a été fixé à dix
minutes maximum ; les deux scrutins auront lieu dans les salles voisines de
l'hémicycle.
Mardi 25 janvier 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A dix heures trente et à seize heures :
Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif à
la modernisation et au développement du service public de l'électricité (AN, n°
1840) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 24 janvier 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt
des amendements à ce texte ;
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le lundi 24 janvier 2000.
Mercredi 26 janvier 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures :
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la
création d'un conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC)
(n° 19, 1999-2000) ;
La conférence des présidents a fixé au mardi 25 janvier 2000, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer
le rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais
traitements à enfants (n° 125, 1999-2000) ;
La conférence des présidents a fixé au mardi 25 janvier 2000, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Jeudi 27 janvier 2000 :
Ordre du jour réservé
A neuf heures trente et à quinze heures :
1° Proposition de loi de M. Pierre Fauchon tendant à préciser la définition
des délits non intentionnels (n° 9 rect., 1999-2000) ;
La conférence des présidents a fixé au mardi 25 janvier 2000, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
2° Proposition de loi de M. Serge Lagauche et des membres du groupe socialiste
et apparentés relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la
loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines
restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de
police, de gendarmerie et de douane (n° 444, 1998-1999) ;
La conférence des présidents a fixé au mercredi 26 janvier 2000, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Proposition de loi de M. Bernard Joly, tendant à permettre la dévolution
directe de tous les biens vacants et sans maître, à la commune en lieu et place
de l'Etat (n° 325, 1998-1999).
Mardi 1er février 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A dix heures et à seize heures :
Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit
communautaire dans le domaine des transports (n° 484, 1998-1999) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 31 janvier 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt
des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion
générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le lundi 31 janvier 2000.
Mercredi 2 février 2000 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures :
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accueil et à
l'habitat des gens du voyage (n° 460, 1998-1999) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 1er février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt
des amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le mardi 1er février 2000.
Jeudi 3 février 2000 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à
l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n° 460, 1998-1999) ;
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant création d'une
Commission nationale de déontologie de la sécurité (n° 480, 1997-1998) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 1er février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt
des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion
générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le mardi 1er février 2000 ;
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement ;
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures ;
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents relatives à la tenue des séances et à l'ordre du jour réservé
?...
Ces propositions sont adoptées.
9
ACTIONNARIAT SALARIÉ
Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 118,
1999-2000) de M. Jean Chérioux, fait au nom de la commission des affaires
sociales sur :
- la proposition de loi (n° 52, 1999-2000) de MM. Jean Chérioux, Jacques
Bimbenet, Paul Blanc, Louis Boyer, Jean Delaneau, Christian Demuynck, Charles
Descours, Jacques Dominati, Michel Esneu, Francis Giraud, Alain Gournac, André
Jourdain, Dominique Leclerc, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin,
MM. André Pourny, Henri de Raincourt, Louis Souvet, Martial Taugourdeau, Alain
Vasselle et Guy Vissac tendant à favoriser le développement de l'actionnariat
salarié ;
- la proposition de loi (n° 87, 1999-2000) de M. Jean Arthuis et les membres
du groupe de l'Union centriste, relative au développement du partenariat
social. [Avis (n° 129, 1999-2000).]
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
« Assez de ce système
absurde où, pour un salaire calculé au minimum, on fournit un effort minimum,
ce qui produit collectivement le résultat minimum. Assez de cette opposition
entre les divers groupes de producteurs qui empoisonne et paralyse l'activité
française. En vérité, la rénovation économique de la France et, en même temps,
la promotion ouvrière, c'est dans l'association que nous devons les trouver.
»
Ces mots, vous l'avez deviné, monsieur le président, madame la secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, sont du général de Gaulle. Il les a prononcés le 4
janvier 1948, aux heures les plus sombres de la reconstruction de notre pays,
devant les mineurs de Saint-Etienne.
Je n'irai pas jusqu'à dire, au risque d'être un peu provocateur, qu'ils
auraient aussi pu être ceux de Karl Marx.
M. Guy Fischer.
Très bien !
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je sais qu'au fond vous êtes de mon avis, monsieur Fischer
!
Ces deux analyses convergeaient très largement pour ce qui est du diagnostic.
Il y avait un affrontement entre le capital et le travail, mais un affrontement
stérile qui ne mène à rien, et qui ne résout rien.
Une analyse similaire n'implique pourtant pas des conclusions communes cela va
sans dire. Or, l'histoire a prouvé que l'application de la théorie marxiste
n'apportait pas la bonne solution. Le capitalisme d'Etat, voire l'autogestion,
n'ont pas permis d'assurer le développement économique ni même d'améliorer la
condition des travailleurs. Je ne serai pas féroce au point de donner des
exemples, mais ils sont nombreux. Je dirais même qu'ils sont légion.
On ne peut toutefois accepter un capitalisme sauvage, dont on aperçoit
aujourd'hui les méfaits sur le plan humain. Or, il se profile à l'horizon.
M. Lucien Neuwirth.
C'est la réalité.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Dans ce contexte, la vieille idée, chère au général de
Gaulle, de l'association retrouve, une fois encore, une actualité
renouvelée.
Dans ses
Mémoires d'espoir
, il écrit : « Cependant, depuis longtemps,
je suis convaincu qu'il manque à la société mécanique moderne un ressort humain
qui assure son équilibre. Le système social qui relègue le travailleur au rang
d'instrument et d'engrenage est, suivant moi, en contradiction avec la nature
de notre espèce. »
C'est pour sortir de cette contradiction que le général de Gaulle a mis en
place, à partir de 1959, le cadre d'une politique de participation. Celle-ci
s'est développée en trois étapes.
L'ordonnance du 7 janvier 1959 a institué l'intéressement.
Les ordonnances du 17 août 1967 ont fondé la participation financière.
Mais il importait aussi de favoriser l'actionnariat salarié. Et c'est ce
qu'ont permis les ordonnances de 1986 par l'effet conjugué des privatisations
et de la relance des plans d'épargne d'entreprise. Ces deux formules restent
d'ailleurs aujourd'hui encore le principal vecteur de l'actionnariat
salarié.
Dans le cas des privatisations, la loi offre des conditions préférentielles
aux salariés pour les inciter à devenir actionnaires : 10 % des actions mises
sur le marché leur sont réservées, ils bénéficient en outre d'une décote sur le
prix des actions, de délais de paiement et même de la possibilité d'obtenir des
actions gratuites.
Les plans d'épargne d'entreprise permettent, eux, d'affecter l'épargne
salariale à l'acquisition de titres de l'entreprise. Dans le cadre du plan, le
salarié bénéficie aussi de conditions attractives : l'employeur peut participer
au financement, la décote peut atteindre 20 %, le régime fiscal et social
favorable de l'épargne salariale s'applique à l'actionnariat avec notamment une
exonération d'impôt sur les plus-values. En contrepartie, les fonds recueillis
sur le plan sont bloqués pendant au moins cinq ans, ce qui permet d'assurer la
stabilité de l'actionnariat.
Aujourd'hui, les plans d'épargne sont devenus des vrais plans d'actionnariat.
De très nombreuses entreprises proposent à leurs salariés d'investir leur
épargne salariale, placée dans les plans d'épargne, dans des fonds communs de
placement d'entreprise composés principalement d'actions de la société.
La loi du 25 juillet 1994 relative à l'amélioration de la participation a, à
son tour, renforcé ces dispositifs en permettant notamment de mieux associer
les salariés actionnaires à la vie de leur entreprise. Ainsi, cette loi a prévu
que, lorsque les salariés détiennent plus de 5 % du capital de l'entreprise,
une assemblée générale extraordinaire est convoquée pour se prononcer sur une
modification des statuts permettant aux représentants des salariés actionnaires
de siéger au conseil d'administration de l'entreprise. C'est ce que j'ai appelé
le « rendez-vous obligatoire ».
On voit là tout le chemin parcouru depuis 1959. De pari improbable,
l'association, forme ultime de la participation, est devenue une réalité
vivante. Preuve en est donnée par le dynamisme actuel de l'actionnariat
salarié. Je pense que vous ne me démentirez pas sur ce point, madame la
secrétaire d'Etat.
Je donnerai quelques exemples chiffrés pour illustrer mon propos.
Ainsi, 3 % des ménages, soit environ 700 000 familles, possédaient en 1997 des
actions de leur entreprise.
A la fin de l'année 1998, la part du capital des entreprises cotées au fameux
CAC 40 détenue par leurs salariés s'élevait à environ 2,6 %.
Les émissions de titres réservés aux salariés sont passées de 3,9 milliards de
francs à 7 milliards de francs entre 1996 et 1998.
L'épargne salariale tend de plus en plus à être investie en actions de
l'entreprise. Ainsi, en 1998, 88 milliards de francs sur les 232 milliards
d'encours des fonds communs de placement d'entreprises étaient placés dans des
actions de l'entreprise.
Madame la secrétaire d'Etat, cela doit vous faire rêver, vous qui appartenez à
un gouvernement qui cherche quelques malheureux milliards de francs pour
constituer son fonds de réserve pour les retraites !
M. François Autain.
Il les a !
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Cela représente 38 % de l'encours de ces fonds salariaux
contre seulement 15 % en 1988.
Mais, au-delà de ces indicateurs statistiques qui auraient d'ailleurs besoin
d'être améliorés - et là, je m'adresse au Gouvernement - on assiste aujourd'hui
à de nouvelles pratiques des entreprises. Ainsi, pour s'en tenir à ces tout
derniers jours, un grand groupe du bâtiment et des travaux publics a lancé une
augmentation de capital réservée à ses salariés et correspondant à 3 % de son
capital. Un autre groupe, cette fois-ci du secteur des services collectifs,
vient d'annoncer un plan exceptionnel d'attribution d'options sur actions à
l'ensemble de ses 250 000 salariés, à hauteur de 0,4 % de son capital.
Ces exemples témoignent du dynamisme actuel de l'actionnariat salarié. Il est
vrai que celui-ci tend progressivement à devenir un thème fédérateur, dans un
contexte apparemment de plus en plus consensuel. J'ose croire que le débat de
ce soir ne le démentira pas.
Son développement apparaît en effet souhaitable.
Pour l'entreprise, il est d'abord un facteur de cohésion sociale. Il doit
renforcer le dialogue social et permettre l'essor des démarches contractuelles.
Il associe le salarié à la vie et à l'avenir de l'entreprise.
Il est également un moyen de redistribution de la richesse créée. Dans un
contexte financier qui accorde une place centrale à l'actionnaire,
l'actionnariat salarié permet de repositionner la politique participative en
faisant participer le salarié au mouvement de « création de valeur ».
Il est, enfin, un moyen efficace de contribuer à la stabilité du capital des
entreprises. Au moment où l'arrivée massive d'investisseurs étrangers rend le
capital des entreprises françaises plus volatil, l'actionnariat salarié
garantit un pôle de stabilité dans son capital.
M. Lucien Neuwirth.
Très bien !
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
On ne peut alors à la fois regretter la fragilité du capital
de nos entreprises, critiquer l'emprise croissante des fonds de pensions
étrangers et ne pas favoriser le développement de l'actionnariat salarié.
M. Lucien Neuwirth.
Très bien !
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
L'actionnariat permet également au salarié d'être mieux
associé à la marche de l'entreprise. En devenant actionnaire, le salarié est
désormais en mesure de peser sur les décisions les plus importantes qui
engagent le destin de son entreprise. Encore faut-il - c'est très important,
c'est même fondamental - que l'actionnariat salarié soit à la fois stable et
organisé.
C'est pour ces raisons qu'il importe aujourd'hui de franchir une étape
supplémentaire dans la voie du renforcement du partenariat social par un
nouveau développement de l'actionnariat salarié.
Votre commission des affaires sociales a engagé, depuis le mois de mars
dernier, un important travail sur ce thème de l'actionnariat salarié. A l'issue
d'un très large programme d'auditions, environ une cinquantaine, elle a publié
un rapport d'information, dont j'étais le rapporteur, dressant un bilan aussi
objectif et exhaustif que possible de la situation actuelle de l'actionnariat
salarié, de ses perspectives, de ses implications. C'est au regard de ce bilan
qu'elle a élaboré une série de vingt-huit propositions dont l'ambition est
d'accompagner la progression de l'actionnariat salarié, dans les meilleures
conditions, dans le respect du dialogue social et dans le souci de coller au
plus près de la réalité des entreprises et des attentes des salariés.
Ce travail a notamment permis de mettre en évidence la nécessité d'accompagner
le mouvement actuel.
Le développement récent de l'actionnariat salarié ne doit pas en effet cacher
la persistance de quelques faiblesses, ni l'existence de certains obstacles.
Certes, l'actionnariat salarié est plus développé en France que dans les
autres pays de l'Europe continentale. Il n'en reste pas moins en retard par
rapport à la Grande-Bretagne ou surtout aux Etats-Unis. Ainsi, on estime que 18
% des salariés représente là-bas 750 milliards de dollars, soit 9 % de la
capitalisation boursière.
De même, le développement de l'actionnarait salarié reste inégal en France. Il
concerne surtout les grandes entreprises et les PME dites « de croissance »,
celles qui sont positionnées sur des secteurs très pointus, souvent de haute
technologie. Les PME plus « classiques » restent pour beaucoup à l'écart de ce
mouvement.
Mais le développement de l'actionnariat salarié se heurte aussi à certains
obstacles qui pourraient ralentir sa progression.
Tout d'abord, les privatisations, qui ont tant contribué à l'essor de
l'actionnariat salarié, auront nécessairement un terme lorsque toutes les
entreprises du secteur public que le Gouvernement voudra privatiser l'auront
été.
Il existe ensuite un risque de dilution de l'actionnariat salarié. Face aux
évolutions très rapides qui transforment la structure du capital des
entreprises françaises, qu'il s'agisse de fusions, d'acquisitions, d'OPA,
d'OPE, l'entreprise doit mener une politique dynamique et régulière
d'actionnariat salarié afin que la part du capital social détenue par les
salariés ne diminue pas progressivement.
En outre, la législation actuelle a vieilli sur certains points. Il convient
donc de l'adapter aux évolutions actuelles du monde du travail pour accompagner
efficacement l'essor de l'actionnariat salarié.
L'entreprise aussi a évolué. Son succès repose désormais sur l'adhésion de
tous à un projet commun. La simple logique hiérarchique et verticale a vécu.
C'est est également fini du modèle français de capitalisme d'Etat, né des
nationalisations. C'en est fini aussi des montages subtils créés par les
entreprises pour assurer leur autocontrôle.
C'est donc pour résoudre ces difficultés qu'ont été déposées les deux
propositions de loi que votre commission des affaires sociales a été appelée à
examiner.
Comme je l'avais annoncé, la première de ces propositions, déposée le 4
novembre dernier et présentée par votre rapporteur, prolonge le travail
effectué par la commission depuis plus de huit mois. Je tiens ici à remercier
tous les commissaires qui ont bien voulu la cosigner. Cette proposition qui
tend à favoriser le développement de l'actionnariat salarié vise à transcrire
dans la loi les vingt et une des vingt-huit propositions qui sont présentées
dans mon rapport d'information et qui appellent des modifications d'ordre
législatif.
Je tiens également à remercier M. Jean Arthuis et les membres du groupe de
l'Union centriste qui ont souhaité, à leur tour, déposer une proposition de loi
sur ce sujet le 24 novembre dernier. Cette proposition de loi est relative au «
développement du partenariat social ». Comme le précise excellemment son exposé
des motifs, « l'organisation de l'entreprise doit reposer à la fois sur le
principe de la négociation et sur un véritable partenariat social. Cette
indispensable évolution des rapports sociaux nécessite de nouvelles avancées en
matière d'actionnariat salarié. Ainsi faut-il que l'accès au capital social
soit ouvert à tous les salariés, cela dans un cadre contractuel » - j'insiste
sur ces derniers termes - « et des conditions préférentielles ».
Ces deux propositions de loi relèvent, on le voit, d'une logique en très
grande partie identique. Elles visent, toutes les deux, à favoriser
l'actionnariat salarié, à corriger certaines lacunes de la législation de
manière non seulement à permettre son développement, mais aussi à mettre en
place un véritable partenariat social dans l'entreprise associant concrètement
les salariés aux décisions les plus importantes, celles qui engagent l'avenir
de l'entreprise.
Dans ces conditions, il n'est donc guère étonnant qu'environ les deux tiers
des dispositions de ces deux propositions de loi soient identiques ou presque.
Et ce sont ces dispositions qui constituent la ligne directrice des conclusions
que votre commission des affaires sociales vous présente aujourd'hui.
Toutefois, dans le souci de proposer des conclusions homogènes et de respecter
les compétences des autres commissions permanentes, votre commission des
affaires sociales a choisi de disjoindre de ses conclusions six des dix-sept
articles de la proposition de loi qui ne relèvent pas directement de
l'actionnariat salarié généralisé dans le cadre du partenariat social. Il
s'agit principalement des dispositions concernant le régime des plans d'options
sur actions. Il nous a semblé en effet préférable que la commission des
finances se saisisse pour avis de cette question. Son regard d'expert sur ce
sujet me paraît d'autant plus indispensable qu'elle a été, ces derniers mois, à
l'origine de plusieurs propositions en ce domaine. Nous nous sommes simplement
contentés, à la commission des affaires sociales, d'aborder l'actionnariat
salarié issu des options sur actions.
S'agissant de nos conclusions, je souhaite vous rappeler les principes qui ont
guidé la démarche de votre commission. Ils sont au nombre de trois.
D'abord, nous n'avons pas souhaité construire ici une nouvelle « cathédrale
législative ». Il existe déjà un cadre législatif qui a fait la preuve de son
efficacité - je pense notamment au plan d'épargne d'entreprise - et qu'il
importe donc de ne pas fragiliser en inventant des dispositifs de rechange,
lesquels pourraient, à terme, apparaître comme autant d'« usines à gaz ». Notre
démarche est plus pragmatique : nous avons simplement voulu renforcer
l'existant en levant certains obstacles et en ouvrant de nouvelles possibilités
de développement pour l'actionnariat salarié.
Ensuite, le développement de l'actionnariat salarié doit être favorisé dans un
cadre avant tout incitatif et contractuel. L'actionnariat, qui est par nature
un investissement risqué, doit rester prioritairement une démarche volontaire
des entreprises et des salariés, non seulement une démarche souple adaptée aux
spécificités de chaque entreprise, mais aussi une démarche contractuelle
permettant de mettre un terme à l'affrontement stérile entre le capital et le
travail, conformément à l'esprit qui préside à la mise en oeuvre de la
participation. Il importe alors de réserver une large place à la négociation
dans l'entreprise et au dialogue social.
Enfin, l'actionnariat salarié ne sera efficace que s'il est à la fois stable
et organisé. Un réel actionnariat doit en effet se traduire par un véritable
partenariat dans l'entreprise associant concrètement les salariés aux décisions
les plus importantes qui engagent le destin de l'entreprise.
C'est autour de ces trois principes que s'articulent les conclusions de la
commission des affaires sociales, lesquelles concrétisent le travail mené
depuis maintenant près d'un an.
Permettez-moi, au moment de conclure, mes chers collègues, de faire une
seconde fois référence à Karl Marx.
M. Guy Fischer.
Vraiment, aujourd'hui, on aura tout entendu !
M. Philippe François.
Il n'a jamais été communiste !
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Eh oui, monsieur Fischer ! Vous savez très bien que c'est
pour vous faire plaisir !
M. François Autain.
Quelle insistance !
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Cela fait tellement plaisir à M. Fischer que je cite Karl
Marx !
A l'époque où je faisais mes études, nous étions plongés dans ses oeuvres pour
développer notre connaissance du marxisme ! Il en reste quelque chose, et je
tiens à vous en faire profiter !
Ce prophète du socialisme s'est certes trompé dans ses prévisions, mais il
avait bien vu que le capitalisme était condamné à une concentration sans fin
des entreprises. Aujourd'hui, nous assistons en effet à un véritable
déferlement de projets de fusions et d'OPA dont l'objectif est de faire face
aux contraintes de la mondialisation de l'économie.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'était bien un visionnaire !
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Pour pallier les effets que ce phénomène risque de faire
subir à nos entreprises, l'épargne salariale, et plus particulièrement
l'actionnariat salarié, peut offrir un instrument efficace. C'est pourquoi il
convient de l'encourager et de la développer. C'est l'objet du texte que j'ai
l'honneur de vous présenter aujourd'hui.
N'oublions jamais que c'est l'économie qui doit être au service de l'homme, et
non l'homme au service de l'économie !
M. Guy Fischer.
Dites-le au MEDEF !
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
C'est pourquoi nous devons tout mettre en oeuvre pour
protéger nos entreprises face aux exigences d'une communauté financière
internationale uniquement préoccupée de rentabilité strictement boursière et
dont la bible n'est qu'une succession d'analyses, de statistiques, de
projections et de graphiques,...
M. Alain Gournac.
Très bien !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je pourrais vous applaudir !
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
... et les prophètes, des robots informatiques et des
ordinateurs trop souvent branchés sur les mêmes programmes !
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Oui, l'entreprise est une aventure humaine. Elle doit le
demeurer !
(Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Guy Fischer.
Bravo, camarade !
(Rires.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. René Trégouët,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour rendre
hommage à l'excellent travail accompli par MM. Arthuis et Chérioux, par les
cosignataires de leurs propositions de loi ainsi que par la commission des
affaires sociales pour ses conclusions sur ces deux textes.
Dans la nouvelle économie, les ressources humaines et la création de valeur
par l'entreprise sont primordiales. Les salariés, individuellement et
collectivement, ont tous vocation à devenir actionnaires de sociétés, à
commencer par leur propre entreprise.
L'opposition du capital et du travail se trouve ainsi totalement dépassée.
Avec le retour de la croissance et l'appréciation des valeurs mobilières qui
l'accompagne, le développement du partenariat social et de l'actionnariat
salarié devient non plus seulement nécessaire, mais aussi de plus en plus
opportun et motivant pour les intéressés.
La commission des finances a demandé à être saisie pour avis de l'excellente
proposition de loi de M. Arthuis sur le développement du partenariat social,
afin d'examiner son titre III, relatif à la régulation et au développement des
plans d'options sur actions - plus couramment appelés «
stock options
»
-, disjoint des conclusions de la commission des affaires sociales.
Mais elle ne pouvait pas pour autant se désintéresser de l'article 5 du texte
de la commission saisie au fond, et cela pour trois raisons.
Cet article réalise une sorte d'hybridation, au meilleur sens du terme, en
prenant ce qu'il y a de mieux dans chaque système entre les plans d'options sur
actions, d'une part, et les mécanismes d'actionnariat salarié généralisé,
d'autre part.
Cet article prévoit d'exonérer la décote spéciale qu'il instaure de
prélèvements fiscaux et sociaux dont notre commission demande par ailleurs la
suppression. Une harmonisation doit donc être effectuée.
Notre commission des finances reste-t-elle fidèle à elle-même en acceptant la
création de cette décote alors que nous sommes hostiles aux rabais sur les prix
d'attribution d'options d'achat ou de souscriptions d'actions ?
Oui, car il ne s'agit pas, à proprement parler, de stock-options et parce que,
s'agissant d'avantages généralisés à tous les salariés, cela ne soulève pas de
problème de transparence.
Concernant les plans d'options sur actions classiques, nous sommes d'accord
avec M. Arthuis sur les objectifs essentiels, à savoir l'allégement et la
transparence du système et sa simplification, dans toute la mesure du possible.
Par ailleurs, nos propositions sont exactement les mêmes sur la prévention des
délits d'initiés.
Il existe cependant des divergences, de nature technique, entre le titre III
de sa proposition de loi, dont nous reprenons l'intitulé, et les dispositions
dont nous demandons l'insertion, sous forme d'article additionnels, dans le
texte des conclusions de la commission des affaires sociales.
Ces divergences tiennent au fait que nous sommes attachés à la légitimation,
d'un point de vue fiscal, de l'application aux gains résultant des options sur
actions du régime d'imposition le plus favorable qui est celui des plus-values
sur valeurs mobilières.
Pour justifier, d'un point de vue fiscal, cet avantage, il faut, en effet,
selon nous, que le titulaire d'options, en tant qu'actionnaire, prenne un
engagement vis-à-vis de son entreprise et lui manifeste une certaine fidélité
en achetant ses titres et en les conservant un minimum de temps.
C'est la raison pour laquelle, tout en raccourcissant à trois ans, au lieu de
cinq, le délai total d'indisponibilité fiscale entre l'attribution et la
cession des actions, nous subordonnons l'octroi fiscal le plus avantageux au
respect d'un délai de portage d'un an, inclus les trois années
d'indisponibilité, entre la levée de l'option et la vente du titre.
Cette exigence nous empêche d'aller aussi loin que M. Arthuis dans la
simplification du régime actuel qui, telle qu'il la propose, est - je dois le
reconnaître - extrêmement séduisante.
Mais - qu'il nous pardonne ! - la commission des finances avait,
préalablement, très longuement réfléchi à ces questions et avait arrêté, à leur
sujet, des conclusions votées par le Sénat à l'occasion de la discussion du
projet de loi sur l'innovation et la recherche. Tous les travaux réalisés par
M. Arthuis, alors qu'il était membre de la commission des finances, nous ont
été fort utiles au moment de parvenir à nos propres conclusions.
Il ne nous a pas semblé possible, à la commission des finances, de changer de
position, surtout en de si brefs délais. J'ai donc reçu mission de proposer au
Sénat de rétablir le dispositif déjà voté par lui dans les circonstances que je
viens de rappeler.
Mes chers collègues, si nous sommes ainsi obligés, en quelque sorte, de vous
resservir le même plat, c'est tout simplement parce que le Gouvernement et la
majorité de l'Assemblée nationale ne l'ont pas encore goûté !
La commission des finances vous propose donc de voter le texte de la
commission des affaires sociales, modifié par ses amendements figurant, pour
l'essentiel, dans un titre additionnel sur la régulation et le développement
des plans d'options sur actions, issu de l'excellente proposition de loi de M.
Arthuis, mais reprenant aussi les résultats de nos conclusions précédentes sur
cette question.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains
et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
voudrais d'abord rendre hommage à la persévérance et à l'esprit de suite de nos
collègues Jean Chérioux et Jean Arthuis, qui nous présentent aujourd'hui leurs
propositions de loi relatives à l'actionnariat salarié et au partenariat
social.
Nous connaissons tous les convictions fortes de notre collègues Jean Chérioux
sur la participation, et aussi l'origine de ses convictions, puisées dans la
veine sociale du gaullisme, comme il vient de le rappeler avec éloquence à
l'instant.
J'ai été quelque peu surpris par la référence insistante à Karl Marx...
M. Emmanuel Hamel.
Vous n'êtes pas le seul !
M. Philippe François.
Absolument !
M. François Autain.
... à côté de la référence à l'héritage gaullien. Il s'agit d'une simple
remarque que je souhaitais faire au passage...
Nous connaissons également l'opinion de notre collègue Jean Arthuis quant à la
nécessité de développer l'actionnariat salarié afin de permettre aux
entreprises de renforcer leurs fonds propres et de stabiliser leur
capitalisation boursière.
De la rencontre de ces convictions qui n'ont pas à l'origine le même
fondement, naît aujourd'hui le texte qui nous est soumis, mi-social,
mi-économique.
Je ne surprendrai pas le Sénat en disant d'emblée que les convictions ainsi
exprimées ne vont pas dans le même sens que celles du groupe socialiste.
En effet, lorsqu'il est question, comme il est dit dans l'exposé des motifs de
l'un de ces deux textes, de « partager les fruits de la croissance », nous en
convenons sans difficulté ; mais l'intéressement, la participation et l'épargne
salarial ne sont, pour nous, que des aspects secondaires de ce partage.
La première façon de partager les fruits de la croissance passe, selon nous,
d'abord par l'emploi et par le salaire, qui constitue l'essentiel de la
rémunération des salariés et non une simple variable d'ajustement. Pour
affermir la croissance, nous mettons davantage d'espoir dans la réduction du
temps de travail, dans la création d'emplois stables et dans des niveaux de
salaires décents.
L'actionnariat salarié est, néanmoins, une réalité, il faut le reconnaître.
Vous le savez, ce n'est pas sur ce principe, auquel nous souscrivons, que
s'opposent la droite et la gauche, c'est sur ses modalités de mise en
oeuvre.
Il n'est pas injuste, par exemple, que les salariés puissent profiter, comme
le recommandent d'ailleurs les deux textes, d'achats d'actions de leur
entreprise à prix réduit, avec abondement de l'employeur.
Il serait même intéressant d'envisager le développement de l'épargne salariale
en direction des petites et moyennes entreprises grâce à un système
inter-entreprises ou de branche.
De même, nous ne pouvons qu'aprouver tout ce qui va dans le sens d'une
meilleure information des salariés des entreprises concernées, d'une meilleure
représentation des salariés actionnaires dans les instances de direction de
l'entreprise.
Il est en effet primordial que le développement hypothétique de l'actionnariat
salarié, ou de l'épargne salariale, ce qui n'est pas tout à fait la même chose
vous le reconnaîtrez, se réalise dans la plus grande transparence. Il est de la
responsabilité des partenaires sociaux de s'emparer de ce sujet relativement
nouveau pour en faire un élément de dialogue et d'avancée sociale. Il serait
regrettable que les syndicats de salariés ne se saisissent pas de ce levier
pour intervenir sur les grandes orientations de l'entreprise et battre en
brèche la dictature de l'actionnariat extérieur.
M. Jean Chérioux.
C'est ce que j'ai proposé !
M. François Autain.
Il existe bien aujourd'hui une dictature de l'actionnariat extérieur, et je
suis sûr que vous pensez comme moi aux fonds de pension américains.
Le développement de l'actionnariat salarié et de l'épargne salariale n'est
donc pas séparable d'une augmentation des droits des salariés et doit être géré
paritairement.
En effet, les salariés doivent être parfaitement à même d'exercer leur
contrôle sur les fonds qu'ils auront placés. Il convient de prévoir les moyens
et les instances pour ce faire. C'est une condition nécessaire, même si elle
n'est pas suffisante, à l'heure où le patronat remet en cause, pour ne pas dire
plus, le paritarisme. Voilà pourtant un nouveau champ d'action qui revient de
droit à ce paritarisme et qui devrait être soumis à la réflexion à laquelle le
patronat semble actuellement se livrer.
S'il ne s'agissait que de cela, le débat pourrait être ouvert, avec des
perspectives très fructueuses, puisqu'il viendrait compléter et prolonger celui
qui est en cours chez les experts, les partenaires sociaux, dans les partis
politiques.
Comme vous le savez tous, le Premier ministre a confié à MM. Balligand et de
Foucault un rapport sur l'épargne salariale, rapport qui doit lui être remis
dans les prochaines semaines.
Il y a manifestement nécessité - nous en convenons tous - de réformer les
textes sur le sujet. La législation date et n'est plus adaptée aux évolutions
qui ont eu lieu depuis sa mise en oeuvre ; chacun en est d'accord. Il y a une
occasion de renouvellement à saisir.
Malheureusement, dans les deux textes confondus qui nous sont présentés ce
soir, il ne s'agit pas que de cela. Au demeurant, je crains que le mot «
confusion » ne soit que trop approprié, tant les sujets abordés par ces deux
propositions de loi sont variés. Chacun de ces deux textes mériterait à lui
seul un long développement.
Je n'en veux pour preuve que l'allégement de la fiscalité des
stocks
options
, abordé au détour d'un article du texte de Jean Arthuis, ou
l'épargne-retraite, qui surgit à la fin de la proposition de notre collègue M.
Chérioux.
En réalité, derrière ces deux propositions apparemment à caractère social - le
mot est d'ailleurs souvent présent dans le texte - reviennent les
préoccupations traditionnelles de la droite et du patronat, que l'on pourrait
résumer ainsi : flexibiliser une partie des rémunérations en fonction des
résultats de l'entreprise ; favoriser l'épargne des salariés déjà les mieux
rémunérés ; défiscaliser ces sommes ; enfin, orienter l'épargne longue vers les
fonds de retraite assuranciels.
Je ne reprendrai pas le débat très riche et intéressant que nous avons eu, ici
même, le 14 octobre dernier sur l'épargne-retraite. Mais je regrette de devoir
souligner que, pour la droite sénatoriale, quel que soit le nom qu'on leur
donne, les fonds de pension sont manifestement le but final, l'objectif
principal de toute réflexion relative à l'épargne ou à l'actionnariat.
C'est un véritable amalgame, qui permet ainsi de mélanger le besoin
indiscutable de l'économie en épargne longue, le besoin pour les entreprises
d'un actionnariat stable et de fonds propres suffisants, et la nécessité pour
notre pays de modifier la structure de détention du capital des entreprises
françaises.
Toutes ces conditions peuvent mener au développement de l'actionnariat
salarié, mais c'est aller, me semble-t-il, un peu vite en besogne que de
décider, sans consultation des salariés, que les sommes épargnées par eux
seront utilisées pour alimenter des fonds de retraite privés. Il est primordial
que les salariés ou leurs représentants décident du devenir de ces sommes.
Pour notre part, nous estimons que les divers sujets abordés aujourd'hui ne
peuvent être ainsi amalgamés pour prendre des décisions hâtives. Le Parlement a
pour tâche de légiférer dans l'intérêt général, et l'on voit bien que cette
précipitation favoriserait, dois-je le dire, l'intérêt de quelques-uns,
actionnaires et gestionnaires de fonds d'épargne-retraite privés, cadres
dirigeants, mais certainement pas celui du plus grand nombre.
Nous refusons par conséquent l'établissement d'un lien organique entre
l'actionnariat salarié et l'épargne salariée, d'une part, et tout ce qui a
trait à la retraite par capitalisation, d'autre part, et ce quel que soit le
nom que l'on donne à ses instruments : épargne salariale, fonds de pension ou
fonds de retraite. Il s'agit non pas, vous l'aurez compris, de condamner
l'actionnariat salarié, mais de ne pas en faire un instrument de siphonnage des
régimes de retraite par répartition en lui octroyant un statut privilégié et en
orientant systématiquement les sommes vers des fonds privés.
L'enjeu est - vous vous en doutez - considérable, et il est tentant pour
certains, par des opérations de communication au demeurant remarquablement
menées - il faut bien le reconnaître -, d'amener l'opinion à se rallier à de
trompeuses évidences.
S'il y a un problème démographique au début du prochain siècle, rien n'indique
que les efforts actuels n'en atténueront pas largement l'effet par une
croissance durable, une amélioration importante de l'emploi et les rentrées de
cotisations correspondantes.
En toute hypothèse, la retraite doit rester l'affaire des partenaires sociaux,
même si le Gouvernement a déjà commencé à agir par la constitution du fonds de
réserve, largement abondé cette année. Il n'est pas inutile de le rappeler dans
cette enceinte tant les chiffres ont tendance à être oubliés ou minimisés.
C'est là travailler avec méthode, sans mélanger les questions mais en
s'efforçant de traiter les problèmes dans l'ordre, en s'entourant d'avis
éclairés et en s'assurant - sans jeu de mots - qu'aucun des partenaires
concernés n'est favorisé au détriment des autres et que nul n'est laissé au
bord de la route.
Qu'il s'agisse d'actionnariat salarié ou de retraite, l'enjeu, pour l'ensemble
des Français, est tel que des décisions devront être prises, certes rapidement,
mais dans des conditions de démocratie et de transparence conformes à la
hauteur des enjeux.
Nous ne trouvons pas aujourd'hui ces conditions réunies. C'est pourquoi le
groupe socialiste votera contre le texte qui nous est proposé.
M. le président.
La parole est à M. François.
M. Philippe François.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce
n'est pas la première fois, nous le savons tous ici, que notre collègue Jean
Chérioux dépose une proposition de loi favorisant la participation et
l'actionnariat des salariés dans l'entreprise.
Cette grande idée du général de Gaulle qui substitue au rapport antagoniste du
capital et du travail une association dans l'intérêt aussi bien des salariés
que des entreprises a longtemps été freinée par idéologie.
L'effondrement dans les faits des théories marxistes permet aujourd'hui
d'aborder avec sérénité le partenariat voulu par le général de Gaulle et de
faire, enfin, du salarié un associé.
A cet égard, je pense qu'il n'est pas inutile d'évoquer ce que furent Marx et
Engels, qui ont généré le communisme et le national-socialisme,...
M. Guy Fischer.
Quel amalgame !
M. Philippe François.
... quand on se rappelle que Staline et Hitler ont été les deux plus grands
criminels de l'Histoire.
M. Guy Fischer.
Ah non ! Pas ça !
M. Philippe François.
Depuis 1980, notre rapporteur, dont je voudrais souligner le remarquable
travail, oeuvre en faveur de la participation. Il a d'ailleurs été, cette
année-là, rapporteur d'un projet de loi relatif à l'intéressement des
travailleurs aux fruits de l'expansion et à la gestion des entreprises.
En 1986, sous le gouvernement de Jacques Chirac, est inscrite en première
lecture au Sénat une proposition de loi tendant à créer une faculté nouvelle de
participation des salariés au conseil d'administration ou au conseil de
surveillance d'une société anonyme, alors que l'ordonnance du 21 octobre 1986,
relative à l'intéressement et à la participation des salariés aux résultats de
l'entreprise et à l'actionnariat salarié, a profondément rénové le cadre
législatif de la participation.
A partir de cette date d'ailleurs, les privatisations et la relance des plans
d'épargne d'entreprise ont contribué à l'essor de la participation.
De même, la loi du 25 juillet 1994 relative à l'amélioration de la
participation des salariés dans l'entreprise, reprenant une proposition de loi
adoptée en mai 1993, poursuit le mouvement amorcé.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, mes chers collègues,
vient compléter une oeuvre législative déjà importante. Elle vise, en effet, à
associer les travailleurs et les apporteurs de capitaux qui se répartissent
paritairement les bénéfices sous forme d'actions nouvelles après versement d'un
dividende aux actionnaires.
La démarche du Sénat diverge d'ailleurs en ce sens des propositions du
Gouvernement. Alors que celui-ci veut partager, par des mesures législatives,
les profits au sein des entreprises et s'attaquer aux « abus des
stock
options
», les propositions de la commission des affaires sociales se
veulent contractuelles et incitatives.
Avant de réformer, il est nécessaire d'améliorer l'information, actuellement
mal coordonnée, entre le ministère de l'emploi, la Commission des opérations de
bourse et l'INSEE.
C'est ainsi l'association idéale du capital et du travail. Elle organise une
forme de répartition du profit qui consacre les droits des salariés sans léser
les apporteurs de capitaux.
On assiste aujourd'hui à une nouvelle accélération de la participation, mot
sacré du général de Gaulle.
Le nombre des salariés actionnaires de leur entreprise peut être chiffré à 700
000.
Si les fonds communs de placement d'entreprise constituent la forme principale
de gestion des sommes placées sur des plans épargne entreprise, si le
développement actuel de l'actionnariat salarié est porteur de perspectives
prometteuses, il n'en demeure pas moins que ce mouvement encore fragile mérite
d'être consolidé, et c'est tout l'objet de cette proposition de loi.
Certes, la société d'actionnariat salarié ne peut s'appliquer à tous les types
d'entreprise mais, comme l'a souligné notre rapporteur, ce modèle est
particulièrement intéressant dans les sociétés financières d'innovation telles
qu'elles sont définies par la loi du 11 juillet 1972.
Je n'entrerai pas dans le détail des articles du texte que nous examinons,
excellemment commenté par notre rapporteur, sinon pour approuver la réservation
aux salariés de 5 % des actions émises à l'occasion de toute augmentation du
capital, pour approuver aussi l'amélioration de la représentation des salariés
actionnaires et surtout pour me réjouir de la mise en place - à l'article 27 -
de nouvelles formes d'actionnariat salarié adaptées aux spécificités des
entreprises.
D'une manière générale, je veux souligner la grande sagesse de ce texte, qui
ne se limite pas à des dispositions d'ordre financier.
Ainsi, cette proposition de loi, au-delà de l'encouragement de l'actionnariat
salarié, s'attaque également à la question plus vaste de la participation des
salariées actionnaires à la vie des entreprises.
Les articles 11 à 16 permettent d'améliorer leur représentation dans les
conseils d'administration - c'est une première - et dans les conseils de
surveillance des entreprises ainsi que les modalités de leur consultation.
Notre collègue Alain Gournac a d'ailleurs déposé, au nom de notre groupe, un
amendement ayant pour objet de faciliter la participation des salariés aux
assemblées générales d'actionnaires, ce qui me semble très important sur le
plan psychologique et même sur le plan politique.
Ce texte tend donc à constituer un véritable pôle des responsabilités dans
l'entreprise. Il donne sa pleine mesure à l'idée que nous nous faisons de la
participation.
Pour conclure, je voudrais souligner qu'au moment où les Français s'inquiètent
des conséquences de la mondialisation, où certains craignent le règne absolu
d'un libéralisme débridé - que d'autres appellent au contraire de leurs voeux -
la participation se fixe la juste ambition de rendre l'entreprise à sa
vocation, sa vocation fondamentale, historique : être une communauté d'hommes
solidaires.
C'est la raison pour laquelle le groupe du RPR votera ce texte.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
regrette que notre collègue Philippe François ait quitté l'hémicycle, car je
tiens à condamner formellement l'amalgame qu'il a cru bon de faire entre le
communisme et le national-socialisme !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à
l'artisanat.
Moi aussi !
M. Guy Fischer.
Il y a tout de même eu Stalingrad !
Au demeurant, dans notre pays, certains n'ont pas hésité, naguère, à s'allier
à des élus dont l'idéologie s'inspire de l'idéologie nazie.
Cela étant dit, j'en viens à la discussion qui nous réunit cet après-midi et
qui constitue, non pas une première, mais une nouvelle étape d'un débat qui est
loin d'être clos.
A l'origine de cette discussion, se trouvent deux propositions de loi, tendant
à favoriser l'une le développement de l'actionnariat salarié, l'autre le
développement du partenariat social.
Par la grâce de l'échange de vues entre les signataires de la proposition de
la commission des affaires sociales et nos collègues de l'Union centriste, nous
sommes aujourd'hui invités à débattre d'un seul et même texte, tendant à
favoriser le partenariat social par le développement de l'actionnariat salarié,
expression qui illustre la qualité de la synthèse opérée !
De prime abord, on pourrait considérer le texte issu de la réflexion commune
des membres de la majorité sénatoriale comme la contribution au débat qui
traverse aujourd'hui le pays sur la question de la propriété des entreprises.
Ne nous a-t-on pas, en effet, annoncé un projet de loi sur le même sujet ? Il
est évident que les propositions contenues dans le rapport de MM. Balligand et
de Foucauld seront au coeur de la réflexion que nous mènerons en 2000.
Vous me permettrez cependant de m'interroger sur la place réelle de ce débat
dans les préoccupations des salariés, de l'ensemble de nos compatriotes, au
moment où l'actualité est plutôt à l'action citoyenne contre la libéralisation
des échanges internationaux ou contre l'exclusion sociale en France.
Nous aurions cependant mauvaise grâce à ne pas affronter l'ensemble des
questions qui nous sont soumises dans le cadre de cette discussion, et nous
nous attacherons donc à replacer ce débat, guidé surtout par l'opportunisme
politique, dans sa perspective et dans ses implications.
Pour en rester à l'actualité, soulignons d'abord que la question des rapports
entre salariés et actionnariat a pris, ces derniers mois, un tour nouveau.
Le débat relatif à la « moralisation » des plans d'option d'achat d'actions
est en fait la conséquence directe de certaines révélations dont la presse
s'est largement fait l'écho.
Ainsi, l'affaire Elf-Jaffré illustre spectaculairement la logique de ces
propositions. Au moment même où se négociait l'opération de fusion entre
Total-Fina et Elf Aquitaine, cette compagnie programmait la liquidation de son
centre de recherche de Pau.
L'échec de Philippe Jaffré, puis sa démission ont permis de révéler au grand
jour qu'il détenait un volume pour le moins important de
stock options,
qu'il a évidemment mis sur le marché, monnayant de plus son départ contre
une indemnité tout à fait substantielles. N'est-il pas scandaleux de donner une
telle prime aux perdants ?
Cette situation particulière a permis de stigmatiser un certain nombre des
dérives qui ont marqué, ces dernières années, les régimes de rémunération des
cadres dirigeants de grandes entreprises.
A ce propos, vous me permettrez de trouver quelque peu surprenant qu'une
personne qui a été au centre d'une de ces affaires ait été l'un des premiers
signataires de propositions de loi proches de celles dont nous débattons
aujourd'hui.
Le problème, c'est que le cas de Philippe Jaffré a contribué à raviver la
méfiance naturelle que le monde du travail nourrit vis-à-vis du monde de la
finance. L'affaire Jaffré a choqué et elle a éloigné nombre de salariés des
préoccupations qui animent nos collègues de la majorité sénatoriale, ramenant
le débat social sur un terrain plus directement perceptible : celui de
l'opposition entre salariés et dirigeants d'entreprise.
Le contexte socio-économique actuel contribue d'ailleurs à aiguiser ces
affrontements, et un rappel s'impose à ce sujet.
Le mouvement social connaît depuis quelque temps un développement sensible. Il
n'est en effet quasiment pas de secteur où ne se développent des luttes et des
actions rassembleuses.
C'est vrai pour les pompiers professionnels du service public territorial, qui
viennent d'obtenir, sous certaines conditions, la possibilité de partir à la
retraite à cinquante ans.
C'est vrai pour les agents et cadres hospitaliers, qui se mobilisent de
manière chaque jour plus spectaculaire contre une restructuration sans moyens,
dont les premières victimes sont les personnels et les malades.
C'est vrai pour les agents des impôts, les salariés de La Poste et de France
Télécom - lesquels sont pourtant devenus actionnaires de leur entreprise en
1996 - qui multiplient les actions, formulent des revendications et avancent
des propositions.
C'est vrai aussi dans de nombreuses entreprises privées dont il serait
fastidieux de dresser ici la liste, tant elle s'allonge tous les jours.
Ainsi, les salariés de l'ensemble du groupe Vivendi se sont mis en grève ces
dernières semaines à propos de l'application de la réduction du temps de
travail dans leurs entreprises respectives, et cela alors même qu'on leur
propose de nouvelles actions.
Que dire encore du divorce, qui semble consommé, entre les cadres et les
directions d'entreprise sur la question du forfait de jours de travail
découlant de l'application de la seconde loi relative à la réduction du temps
de travail ?
Quoi que l'on puisse dire de cette loi, les patients efforts d'intégration que
le patronat avait accomplis pendant plusieurs décennies pour s'attirer les
bonnes grâces du personnel d'encadrement se sont trouvés d'un seul coup réduits
à néant. Telle est bien la réalité ! L'encadrement s'est découvert, sinon une «
conscience de classe », selon une terminologie quelque peu dissonante ici -
mais c'est M. François lui-même qui a évoqué Marx ! -...
M. Emmanuel Hamel.
Marx est mort !
M. Guy Fischer.
... en tous cas une convergence d'intérêts avec les autres salariés qui ne
s'était pas manifestée depuis longtemps.
Tous ces mouvements recueillent aujourd'hui une large sympathie dans
l'opinion, ce qui tranche avec des attitudes passées et caractérise un appui
populaire dont les limites sont encore loin d'être atteintes.
Je ne peux évidemment manquer d'évoquer aussi le mouvement qui anime
aujourd'hui tous ceux qui luttent contre l'exclusion sociale et le chômage.
Il y eut, dans la foulée de la manifestation du 16 octobre dernier, encore
beaucoup de chômeurs, de femmes, de jeunes, de salariés, de militants
syndicaux, associatifs, politiques dans les rues de nos grandes villes en ce
samedi 11 décembre pour exiger le respect des droits et de la dignité de tous
ceux qui ne peuvent aujourd'hui tirer parti de la richesse de notre pays et
sont privés des droits les plus fondamentaux, dont le droit au travail.
Pourquoi de tels mouvements, alors que nous devrions discuter, dans le cadre
de notre assemblée, des conditions de l'association des salariés à la gestion
de leur entreprise ? Tout simplement parce qu'il y a la croissance et que les
inégalités, la pauvreté et l'exclusion sont encore plus insupportables quand
notre économie s'enrichit, que la production industrielle se développe et que
le volume de biens et de services disponibles sur le marché croît tous les
jours.
Se pose donc directement la question de la répartition des fruits de cette
croissance.
Pour le moment, force est de constater que le potentiel de croissance de notre
économie ne semble pas devoir être épuisé, pour peu que l'on analyse
l'évolution des principaux indices boursiers comme un paramètre d'évaluation de
la situation économique générale.
Je ne sais plus qui disait que « la politique de la France ne se fait pas à la
corbeille »...
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
C'est le général de Gaulle !
M. Guy Fischer.
Je le savais, bien sûr !
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Vous êtes un provocateur !
M. Guy Fischer.
... mais force est de constater qu'il y a au moins une trace tangible de la
croissance et que cette trace c'est la hausse de la capitalisation boursière.
Lorsque cette capitalisation exige un taux élevé de rémunération, commencent
alors à se créer les premiers problèmes.
La question est d'importance : oui ou non la croissance va-t-elle trouver sa
traduction dans l'explosion du CAC 40 et de la valeur des entreprises, ou bien
va-t-elle porter création d'emplois et revalorisation des salaires ? Cette
question est au coeur du débat qui nous anime aujourd'hui.
Derrière la discussion que nous allons avoir sur les modalités de cette
proposition de loi n° 118 se profile, en effet, la question de l'utilisation de
l'argent, notamment de l'affectation de la valeur ajoutée créée par le
travail.
Cette question doit être interprétée dans une mise en perspective que la
partie liminaire de mon intervention a commencé d'esquisser en partant de
données assez générales inscrites en arrière-plan du débat.
La lecture de la présente proposition de loi pose des questions de natures si
diverses que je suis un peu en peine d'en concevoir toutes les interactions,
mais je vais m'efforcer de le faire.
Premier élément de la situation : la participation des salariés au capital de
leur entreprise ou encore l'épargne salariale, indépendamment de son
intégration dans le capital même de l'entreprise, est loin d'être une
nouveauté.
Les premières lois sur le sujet, vous l'avez rappelé, monsieur Chérioux,
datent, en effet, de plusieurs décennies. Elles ont notamment inspiré une bonne
partie de ce que l'on a pu appeler le « gaullisme social », dont certains des
membres de cette assemblée - vous-même, monsieur Neuwirth - sont aujourd'hui à
la fois les héritiers et les témoins, à commencer par le premier signataire de
cette proposition de loi.
On notera, par ailleurs, que ce contexte législatif a été maintes fois modifié
depuis 1959, où il fut ébauché pour la première fois, et qu'il se situe en
parallèle avec la modernisation du droit des sociétés qui résulte de la loi du
24 juillet 1966 modifiée. Le débat qui nous occupe aujourd'hui est donc dans
cette filiation, mais il s'inscrit dans un climat économique et politique
renouvelé.
Je ne reviendrai pas inutilement sur cet aspect de la question. Permettez-moi
simplement de préciser que les premières formules de participation se sont
développées dans un contexte de forte croissance économique, de forte inflation
et d'indexation des salaires sur le mouvement des prix.
Aujourd'hui, nous sommes dans un cadre totalement différent : il y a de la
croissance, une tendance lourde à la réduction de la part des salaires dans la
valeur ajoutée, et une pratique assez largement répandue de la modération
salariale.
Pour préciser encore le contexte, on soulignera que le montant des sommes
aujourd'hui collectées dans le cadre des réserves spéciales de participation
est significatif. Il atteint, en effet, 360 milliards de francs,...
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Eh oui !
M. Guy Fischer.
... dont les deux tiers sont d'ailleurs mobilisés au sein de plans d'épargne
d'entreprise.
M. Lucien Neuwirth.
C'est vrai !
M. Guy Fischer.
La somme est cependant relativement faible au regard de la capitalisation
globale des entreprises françaises, ce qui limite, en termes de droit des
sociétés, la portée de la diffusion du capital des entreprises au sein du
personnel.
Nous soulignerons ici que les sommes concernées offrent aux salariés
l'opportunité de disposer parfois de certains compléments de rémunération qu'un
appareillage fiscal et social particulièrement incitatif a d'ailleurs tendance,
dans les faits, à majorer.
Pour s'en tenir, par exemple, au simple domaine de la fiscalité, on relèvera
que les dispositions des articles 163 AA et 163
bis
B du code général
des impôts génèrent une dépense fiscale de 1,1 milliard de francs au titre de
l'exonération des revenus tirés de l'épargne salariale, que l'exonération des
revenus de PEA coûte 2,5 milliards de francs au budget de l'Etat, que les
exonérations de gains de cession sur ces plans coûtent 5 milliards de francs,
tandis que les sommes versées par les entreprises au sein des plans d'épargne
d'entreprise, les PEE, sont assimilées à des charges déductibles de l'impôt sur
les sociétés.
Dans le domaine social, on soulignera que les produits de la participation et
de l'intéressement sont placés sous le régime des capitaux mobiliers et ne sont
donc soumis qu'à la contribution sociale généralisée au taux de 10 %, ce qui,
vous en conviendrez, n'a pas grand-chose à voir avec les taux de prélèvements
qui concernent les salaires.
On ne peut également manquer d'oublier le régime particulier d'imposition des
plus-values de cession d'actifs qui prend, chacun le sait ici, tout son relief
et tout son intérêt dès que le taux de prélèvement sur les revenus salariaux
excède 16 %. En s'en tenant à la lettre du barème de l'impôt progressif, cela
concerne des revenus dont le montant annuel est légèrement supérieur à 110 000
francs nets annuels, soit moins de 13 000 francs par mois.
Le régime d'imposition séparé des plus-values de cession d'actifs a évidemment
une tendance naturelle à être plus rentable dès lors que les revenus s'élèvent.
Le bonus fiscal est ainsi d'un peu plus de 7 100 francs pour un revenu salarial
soumis à l'impôt sur le revenu au sommet de la tranche taxée à 33 %, mais il
s'approche de 128 000 francs pour un revenu qui serait de 500 000 francs nets
annuels.
Le maintien de ce mode de traitement des revenus tirés de la participation et
de l'intéressement est donc, fondamentalement, un puissant levier d'inégalité
devant l'impôt entre les salariés aux revenus les plus modestes et les autres.
Il témoigne, en particulier, du peu de succès de la logique même de la
participation auprès des salariés sous-rémunérés et tend à souligner encore
plus le succès - le scandale ! - que peut constituer un dispositif comme celui
des
stock options
.
Peu de succès, mais, en fait, une sorte de succès obligé, puisque 5 millions
de salariés sont aujourd'hui actionnaires, en vertu des dispositions
législatives en vigueur, et que 3 millions - ce ne sont pas tout à fait les
mêmes - sont concernés par des dispositifs d'intéressement. Ces chiffres sont
évidemment à rapprocher de ceux que nous connaissons en matière de détention
d'actions ou de parts sociales au sein de la population de notre pays.
Le mouvement de privatisation d'une part importante du secteur public
industriel, commercial, bancaire ou assurantiel aurait pu conduire à une
augmentation sensible du nombre de nos compatriotes détenteurs de tels titres.
Sur la durée, il n'en a pas vraiment été ainsi puisque le nombre de Français
actionnaires n'a pas crû dans des proportions significatives.
Dans les faits, après un tel mouvement et près de quarante années
d'expérimentation, la participation et l'intéressement n'ont pas fait la
démonstration de leur parfaite pertinence. D'autant que la part du capital qui
est détenue est souvent infime et le poids des actions marginal dès lors que
l'on se retrouve en situation de décider en assemblée générale
d'actionnaires.
Pour nombre de salariés, la participation n'est qu'une modeste contribution à
l'amélioration de leur rémunération, ne résolvant la principale contradiction
que bien imparfaitement.
Une entreprise comme Peugeot peut fort bien distribuer quelques actions à ses
salariés dans le cadre de ses obligations légales. Il n'en demeure pas moins
que le principal problème des salariés de cette entreprise est plutôt fondé sur
la non-reconnaissance de leur qualification ou de leur ancienneté, comme l'a
montré la récente affaire d'indemnisation des délégués syndicaux, dont les
promotions étaient bloquées depuis plus de vingt ans.
La participation est donc bien souvent vécue - permettez-moi d'employer un
terme qui n'est nullement méprisant à votre égard, monsieur Chérioux, mais qui
me semble parfaitement adapté - comme un gadget.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Un gadget de 300 milliards de francs, ce n'est pas mal !
M. Guy Fischer.
Dans le vécu quotidien, c'est parfois difficile !
Je comprends, dès lors, que la proposition de loi qui nous est présentée vise
à redonner un peu de muscle à un système pour le moins limité dans sa
pertinence et son application.
Nous avons indiqué une partie des éléments du contexte dans lequel le débat se
situe. Permettez-moi d'en souligner d'autres.
Dans la proposition de loi, on nous invite à concevoir un nouveau partenariat
social. Ce concept mérite examen. Il est avancé au moment où la politique
contractuelle comme d'ailleurs le schéma de la négociation collective sont
remis en question par l'attitude du MEDEF, qui souhaite en particulier mettre
un terme au paritarisme de gestion et dénonce assez régulièrement les
conventions collectives régissant les relations sociales dans les branches.
Ce nouveau partenariat social serait-il, dès lors, une sorte de produit de
substitution à un dialogue social institutionnel tel que nous le connaissons
aujourd'hui et qui se déclinerait entreprise par entreprise, à géométrie
variable en quelque sorte ? Si tel était le cas, vous comprendriez que nous ne
vous suivrions pas tout à fait.
Les relations sociales doivent être régulées par le droit du travail et non
par le droit des sociétés.
Si le seul point d'accord existant entre salariés et employeurs réside dans
les modalités d'utilisation de la réserve spéciale de participation, il nous
sera difficile de vous suivre.
Pourtant, n'est ce pas la BNP qui propose aujourd'hui à ses salariés une forme
d'affectation en épargne longue de la réserve spéciale et qui, dans le même
temps, se situe au premier rang dans la dénonciation de la convention
collective des banques ou dans la mise en avant de la tarification des services
bancaires ?
Se pose ensuite la question de l'abondement de la réserve spéciale de
participation, dont nous avons souligné qu'il bénéficiait d'un important
accompagnement fiscal et social, et qui figure dans le texte de la proposition
de loi au premier rang des préoccupations de ses auteurs.
Cet abondement est un prélèvement sur la richesse créée par le travail, donc
sur la valeur ajoutée. Echappant assez largement aux prélèvements sociaux et
fiscaux, il est, par voie de conséquence, un facteur de stagnation, sinon de
régression, des ressources de la protection sociale. Il peut, si l'on suit la
logique des auteurs de la proposition de loi, s'assimiler bientôt à ce que nous
avons rejeté en 1997 et lors du débat de 1998 relatif aux fonds de pension de
la loi Thomas.
Il deviendrait une sorte de bombe à retardement pour l'équilibre des comptes
sociaux qui seraient ainsi « siphonnée », et singulièrement de ceux de
l'assurance vieillesse, générant une nouvelle inégalité entre ceux qui auraient
souscrit un PEE fructueux et ceux qui n'en auraient pas souscrit ou qui
auraient subi quelques moins-values. Conditionner sa retraite aux aléas de la
situation générale des marchés financiers est pour le moins risqué.
On ne peut évidemment manquer de souligner que l'incitation au développement
de l'actionnariat salarié, que l'on nous invite à favoriser ici, est également
placée dans un mouvement profond de renouvellement des cadres dirigeants des
entreprises de notre pays. Le départ en retraite de nombre de dirigeants, la
question de la maîtrise du capital de certaines entreprises constituées sous la
forme de groupe familiaux impliqueraient de favoriser des formules de diffusion
de ce capital au sein des salariés. La proposition de loi s'en fait l'écho,
même si nous pouvons souligner que l'on peut aussi faire le choix du statut
coopératif pour poursuivre une activité.
On peut encore souligner qu'il ne suffit pas nécessairement de maîtriser le
capital d'une entreprise pour s'en asurer le contrôle ou pour permettre sa
viabilité.
La question cruciale de l'accès au crédit est en effet directement posée,
puisque certains établissements bancaires ont ainsi largement investi dans les
entreprises de notre pays en conditionnant leur appui financier à un droit
d'entrée, même partiel, dans le capital de l'entreprise et ils ont fini par y «
mener la danse », en général au détriment de l'investissement direct et de
l'emploi.
Permettez-moi d'ailleurs, mes chers collègues, de souligner que je trouve
étonnant que vous nous proposiez de réduire la part de la réserve spéciale
consacrée à l'abondement des comptes courants bloqués qui pourraient,
judicieusement utilisés, constituer une forme d'autofinancement adaptée aux
besoins des entreprises.
Cela m'amène à poser la question de l'allocation des ressources de la réserve
spéciale de participation.
La différence existant entre les deux propositions de loi initialement
déposées réside en particulier dans le fait que la proposition de loi «
Chérioux » est centrée sur l'entreprise et la diffusion du capital de
l'entreprise, tandis que la proposition de loi « Arthuis » est plus directement
intégrée dans une logique de financiarisation de l'économie.
Il est vrai que la situation des entreprises de notre pays est fort diverse.
Certaines sont fortement capitalistiques et faiblement productrices de valeur
ajoutée, d'autres faiblement capitalistiques et fortement productrices de
valeur ajoutée, d'autres encore fortement capitalistiques et productrices de
valeur ajoutée, par exemple dans le secteur des biens d'équipement.
Il pourrait donc y avoir, dans la logique de nos collègues de l'Union
centriste, quelque intérêt à distraire les sommes de la réserve spéciale de
participation, la RSP, du strict cadre de l'entreprise pour les aventurer à
l'extérieur ; c'est ce que l'on appelle la volatilité.
Ce ne serait alors, ni plus ni moins, qu'une forme d'instrumentalisation de la
participation des salariés au profit d'une logique de diversification
stratégique de l'entreprise.
Pour autant, les problèmes du devenir des activités orginelles de
l'entreprise, du maintien et du développement de l'emploi, de la validation des
qualifications et des potentiels humains et créatifs des salariés seraient-ils
mieux pris en compte ? Pour nous, ce serait risquer la collecte de la réserve
spéciale de participation au jeu des moins-values financières, et donc remettre
en cause, sur le long terme, les atouts dont elle dispose aujourd'hui, surtout
si son utilisation tend à se matérialiser dans des plans d'épargne longue.
J'observerai qu'une part des propositions de la commission des finances vise à
faciliter ce « nomadisme capitalistique » et donc à dénaturer quelque peu le
sens initial de la participation. J'oserai dire que la proposition de loi de M.
Arthuis pervertit en quelque sorte celle de M. Chérioux.
(M. le rapporteur
s'étonne.)
J'en prendrai pour exemple l'amendement relatif aux délais de portage des
actions souscrites dans le cadre des plans d'options d'achat d'actions.
Comment peut-on prétendre valoriser la participation en favorisant la
volatilité du capital ? Je n'ai pas la réponse. Pour notre part, monsieur
Chérioux, nous ne sommes pas totalement fermés à l'existence de dispositifs de
participation.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. François Autain.
C'est Marx qui rejoint de Gaulle !
(Sourires.)
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Cela fait vingt-cinq ans qu'on l'attendait !
M. Guy Fischer.
Cette intervention est un peu conçue comme un état des lieux de la
situation.
S'agissant des perspectives offertes par le débat, vous nous permettrez de
nous interroger sur les véritables finalités de la proposition de loi qui nous
est soumise.
Ne serait-elle pas pour les salariés - ne le prenez pas en mal - comme la fine
couche de sucre dont on entourerait la pilule amère de la négation des
qualifications et des compétences, de la stagnation des rémunérations directes
?
Pour autant, on pourrait concevoir autrement la question de la participation
salariale.
Nous pensons, sans que cela soit encore aujourd'hui une proposition totalement
bouclée et strictement définie - nous poursuivons d'ailleurs notre réflexion -
que l'alimentation des comptes courants bloqués pourrait constituer un outil
adapté de financement de l'investissement des entreprises, dès lors
qu'interviendrait une bonification des taux de rémunération de ces comptes par
le biais de l'Etat.
Cette bonification, en réduisant le taux d'intérêt réel payé par l'entreprise,
se doublerait d'une évaluation de la portée des investissements en termes
d'emploi et de développement de nouvelles productions. Echapperait dès lors
quelque peu à la seule logique du crédit une partie du financement de
l'expansion de l'entreprise.
On pourrait également fixer des règles de distribution du portefeuille des
fonds communs de placement d'entreprise en vue d'éviter la volatilité dont j'ai
déjà parlé. Pour autant, notre position dans le débat de ce jour est une étape
de la réflexion, et nous serons sans doute amenés à en reparler de manière plus
approfondie encore lors de la discussion du projet de loi.
A cette occasion, nous aurons sans doute pu nous inspirer des enjeux des
débats antérieurs - ceux des années soixante et soixante-dix sur la
participation ou ceux qui ont entouré la loi de 1966 sur les sociétés
commerciales - et revenir encore sur la pratique.
Quant à la présente proposition de loi, pur produit d'un opportunisme
politique...
M. Jean Arthuis.
Ah !
M. Guy Fischer.
... destiné à marquer sa place dans le débat, sa nature nous conduit à son
rejet pur et simple.
M. le président.
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en
préambule, je dirai ma satisfaction et formulerai un souhait.
La satisfaction, c'est que le Sénat, en cette fin d'année 1999, aborde de
façon approfondie un des sujets qui domineront l'actualité économique et
sociale des prochaines années : l'affirmation en France d'un nouveau type de
capitalisme, que j'appellerai le « capitalisme participatif », avec des
salariés directement liés à la vie et aux résultats de l'entreprise.
Mon souhait est évidemment que le Gouvernement mette à profit ce débat pour
enrichir la réflexion en cours dans le cadre de la mission confiée à MM. de
Foucauld et Balligand.
De son côté, le Sénat n'est pas resté inactif ces dernières années : je pense
évidemment à l'excellent rapport sur l'actionnariat salarié de notre collègue
Jean Chérioux au nom de la commission des affaires sociales, travail le plus
récent qui fera date sur ce sujet, et n'aurais garde d'oublier un autre
rapport, de 1994, de nos collègues Jean Arthuis, Philippe Marini et Paul
Loridant sur la clarification indispensable des
stock-options,
ainsi que
la proposition de loi créant des fonds d'épargne retraite qui a été adoptée par
le Sénat, le 14 octobre dernier, sur l'initiative, notamment, de mon groupe
parlementaire, l'Union centriste.
La réconciliation entre l'homme et l'entreprise, son épanouissement pour et
dans l'entreprise, tel était le thème central de l'ouvrage que je publiais en
1998,
Richesse de l'homme, richesse de l'entreprise.
Cette
réconciliation passe en particulier par le développement de l'actionnariat
salarié. L'évolution des rapports sociaux en France n'a jamais été aussi
nécessaire : ce sera le premier point de mon propos. Il faut, par ailleurs,
définir quelques priorités. C'est l'objectif de la proposition de loi déposée
par mon groupe en faveur du développement du partenariat social.
Le projet d'association entre le capital et le travail, repris par le général
de Gaulle à partir de 1958, est, malgré tout, une idée ancienne. Elle remonte
au début de la révolution industrielle, dans les années 1840, lorsque naissent
le capitalisme français et la classe ouvrière dans notre pays.
Je pense en particulier aux promoteurs du catholicisme social, pour lesquels
le refus du capitalisme sauvage et la revendication de droits sociaux se
doublent d'une ambition : dépasser la lutte des classes et initier une forme de
partage du pouvoir économique entre, d'une part, les salariés qui apportent
leur force de travail et leur qualification et, d'autre part, les détenteurs du
capital, catégories toutes deux indispensables à la création de richesse et
donc au progrès technologique et économique de la nation.
Mais, avec la IIIe République, la consolidation du régime démocratique et la
conquête de nouvelles libertés politiques et de droits sociaux prendront le pas
sur cet idéal, notamment avec la reconnaissance des syndicats et du droit
d'association. Il faudra attendre la fin des années cinquante pour que soit
institué un système facultatif d'intéressement des salariés, alors que la
France commence à recevoir les dividendes des efforts de reconstruction et de
lutte contre l'inflation entrepris par les gouvernements de l'après-guerre. Il
fallait le rappeler !
Après quarante ans d'application des systèmes de participation et
d'intéressement, le bilan est intéressant, mais il prouve que beaucoup reste à
faire. Il est vrai que 5 millions de salariés bénéficient des fruits de la
participation et 3 millions de l'intéressement. Ces dispositifs constituent
avant tout un moyen de compléter des salaires qui augmentent très faiblement
depuis 1990. L'actionnariat des salariés dans leur propre entreprise reste
relativement marginal. Ainsi, 700 000 salariés sont actionnaires de leur
entreprise, soit seulement 5 % environ de la population active dans le secteur
privé. De plus, comme le note très justement dans son rapport d'information M.
Jean Chérioux, l'actionnariat salarié ne représente que 2 % de la
capitalisation boursière en France.
C'est peu par rapport à un pays comme les Etats-Unis, où la participation
financière des salariés constitue d'ailleurs plus un dispositif d'épargne en
vue de la retraite qu'un mécanisme de rémunération complémentaire. En Europe,
la Belgique, entre autres, a fait un effort particulièrement remarquable pour
développer la participation financière des salariés depuis le début des années
quatre-vingt, notamment avec une loi de 1983, dite « loi Monory
bis
»,
qui cherche à inciter les salariés à acheter des parts sociales de leur
entreprise grâce à des déductions fiscales significatives. Mais le problème
central du système d'actionnariat à la française n'est pas réellement la portée
limitée des incitations ou avantages financiers proposés aux salariés et aux
entreprises. Sa grande faiblesse réside sans doute, cela n'étonnera personne,
dans sa grande complexité, sa lourdeur, et, bien sûr, la multiplicité des
dispositifs : Qui trop embrasse, mal étreint ! A l'instar d'une grande partie
de notre législation, ce système d'actionnariat salarié ressemble, en quelque
sorte, à un mille-feuille constitué de dispositions souvent contradictoires et
économiquement contre-productives.
Or, plus que jamais, l'émergence d'un « capitalisme participatif » est
nécessaire dans notre pays pour accompagner de manière positive l'évolution
actuelle de l'économie de marché, dans un contexte de mondialisation et de
concurrence accrues. Face à l'influence grandissante des investisseurs
institutionnels étrangers, qui contrôlent plus de 40 % du capital des sociétés
françaises cotées, la création de fonds d'épargne-retraite mais aussi un
développement de l'épargne salariale peuvent constituer des moyens efficaces
pour renforcer les fonds propres des entreprises et pour stabiliser leur
capital dans la durée.
Dans cette perspective, nous devons réformer en profondeur l'ensemble de la
législation définissant les modes de participation financière des salariés et
définir des priorités : ce sera le second axe de mon propos.
L'amélioration des dispositifs existants, la clarification fiscale et la
simplification de l'ensemble sont les objectifs majeurs de la proposition de
loi qu'a déposée le groupe de l'Union centriste en faveur du partenariat
social.
La volonté de clarification inspire notre idée de créer des plans d'épargne
salariale qui, à côté de PEE destinés surtout à gérer des titres extérieurs à
l'entreprise, constitueraient un produit exclusivement composé d'actions de
l'entreprise du salarié et donc un outil privilégié de la participation du
personnel au capital et à la vie d'une société.
Nous souhaitons également améliorer certains des dispositifs existants, et
nous rejoignons là notre rapporteur. Nos deux propositions concordent en
particulier sur la nécessité de réserver aux salariés une partie des actions
émises en cas d'augmentation du capital. La plupart des partenaires sociaux
sont, eux aussi, d'accord sur le principe d'une telle mesure. Reste à trouver
un accord, notamment avec les syndicats de salariés, sur les modalités :
faut-il prévoir un rabais dégressif en fonction de la rémunération ? C'est la
question que nous nous sommes posée au sein de mon groupe. Mais des entreprises
utilisent déjà ce type de système. Ne serait-il pas plus équitable de raisonner
en termes de revenu fiscal par ménage ? Mais cela ne va pas sans poser des
problèmes pratiques pour ce qui est de l'application. Le délai d'acquisition
des actions est un autre problème. A cet égard, les syndicats souhaitent un
délai suffisamment long.
J'en viens maintenant à ce qui constitue l'un des points forts de notre
proposition de loi : la simplification et l'allégement de la taxation des
stock options
d'une part, la régulation par la transparence de ce qui
constitue une forme d'épargne de plus en plus répandue, d'autre part. Cessons
tous d'aborder ce sujet avec des préjugés d'un autre âge : les
stock
options,
qui se sont considérablement développés en France ces dernières
années, sont désormais indispensables, notamment dans les secteurs en fort
développement - les
start up
- ou en contact direct avec la concurrence
internationale. Il s'agit de motiver et de fidéliser certains salariés, mais
aussi de les récompenser de la confiance qu'ils ont placée dans l'entreprise à
son démarrage en y investissant certaines sommes. C'est la reconnaissance du
risque. Dans les faits, un tel système est actuellement réservé à des cadres
supérieurs et dirigeants. Toutefois, rien dans la loi n'interdit à l'entreprise
de distribuer des
stock options...
M. Emmanuel Hamel
Parlez français !
M. Francis Grignon.
... à l'ensemble des salariés ou à certains non-cadres, d'autant plus qu'un
récent sondage d'un hebdomadaire économique montre que 78 % des dirigeants des
PME sont aujourd'hui favorables à ce système de
stock options
pour
tous.
M. Emmanuel Hamel.
C'est de la provocation !
M. Francis Grignon.
C'est déjà le cas dans des PME du secteur de l'informatique et des nouvelles
technologies. Comment amplifier ce phénomène ? Il convient surtout de
simplifier le mode de taxation : notre système est particulièrement compliqué,
avec une double taxation au moment de la levée de l'option et à l'occasion de
la cession des titres.
La proposition de M. Jean Arthuis a le grand mérite de la simplicité et de
l'efficacité : les
stock options
ne seraient taxées que lors de leur
cession, la plus-value étant calculée par rapport au prix de souscription. La
taxation se ferait au taux de droit commun de 16 % en cas de respect d'un délai
de portage de cinq années. Dans le cas contraire, la plus-value serait taxée
comme un salaire. La commission des finances a porté un intérêt tout
particulier à ce dispositif qui, je crois, devra servir de référence à une
prochaine et utile réforme.
Mes chers collègues, nous devons absolument innover en ce domaine si nous
voulons éviter, par exemple, qu'un certain nombre de nos ingénieurs ou
chercheurs ne soient finalement attirés par des incitations financières plus
attractives dans d'autres pays européens ou, ce qui est plus grave,
outre-Atlantique. Je ne reviendrai pas sur le second volet de nos propositions
relatives à la prévention d'éventuels délits d'initiés ou à une meilleure
information sur les bénéficiaires de
stock options,
elles correspondent
globalement aux souhaits qui ont déjà été exprimés par la commission des
finances et son rapporteur M. René Trégouët, lors de l'examen du projet de loi
relatif à l'innovation et à la recherche. J'insiste néanmoins sur le fait que
l'information et la transparence sont les meilleurs outils de la régulation ;
la législation-sanction ne peut aboutir au même résultat.
En conclusion, et au risque d'être un peu trivial, mais je crois que vous me
le pardonnerez car nous sommes tous quelque part d'origine paysanne, je dirai
qu'il en va de l'argent et du capital un peu comme du fumier. En tas et
inutilisé, il sent mauvais, alors que si on l'épand et si on le mélange bien à
la terre, il fertilise et fait pousser et croître à souhait.
Il est nécessaire, maintenant, d'imaginer de nouvelles relations entre
l'homme, l'argent, l'entreprise et le travail.
Pour cela, il faut abandonner notre culture de conflit pour favoriser une
nouvelle expression collective des salariés par l'accès au capital. Si nous
voulons garder la compétitivité nécessaire pour rester dans le peloton de tête
d'un monde où le pouvoir économique est synonyme d'indépendance, de choix et de
liberté, il nous faut réconcilier un maximum d'hommes avec l'entreprise.
Je remercie les deux commissions du Sénat de l'ensemble de leur travail. Je
suis persuadé que ces propositions vont contribuer à mieux faire comprendre à
nos concitoyens que notre avenir passe d'abord par l'entreprise. Bien
évidemment, notre groupe votera sans réserve ce texte.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M.
Francis Grignon vient de dire l'essentiel s'agissant de la position de notre
groupe.
Je voudrais, à mon tour, me réjouir de la discussion des propositions de loi
relatives au partenariat social déposées, d'une part, par M. Chérioux et
plusieurs collègues et, d'autre part, par moi-même et les membres du groupe de
l'Union centriste.
Jusqu'à la fin des années quatre-vingt, les relations sociales se régulaient
largement par l'inflation des salaires. Depuis le début des années
quatre-vingt-dix, nous constatons une stabilité relative des salaires et
l'inflation des actifs. Aussi, il nous paraît essentiel d'associer les salariés
à la captation de ces plus-values, de cette inflation des actifs. Nous devons
par tous les moyens possibles, imaginer l'actionnariat salarié. Tel est l'objet
de la proposition de loi de M. Chérioux et de la nôtre.
Pour ce qui nous concerne, nous avons voulu instaurer un lien étroit avec
l'actionnariat salarié proprement dit, qui tend à revisiter la loi de 1973,
laquelle n'a pas eu un succès considérable. Il convient d'actualiser les
niveaux d'abondement consentis par la société et le montant des actions auquel
le salarié peut souscrire à titre privilégié. Cela nous paraît important.
Nous allons dans le même sens. Aussi, nous voterons sans hésitation les
propositions de la commission des affaires sociales. M. Chérioux était
certainement fondé à déposer ce texte. La référence gaulliste est évidente.
Pour sa part, la démocratie chrétienne a également de solides références
s'agissant de la participation et de la mobilisation des hommes au sein de
l'entreprise. Nous ne pouvons que nous réjouir que l'entreprise ne soit plus
aujourd'hui un lieu d'affrontements, mais qu'elle soit devenue un lieu de
partenariat, qu'il nous appartient de consolider.
Les options de souscription d'actions constituent également un très bon levier
de mobilisation. Dans notre esprit, il ne s'agit pas d'un actionnariat
sélectif, réservé à quelques collaborateurs que l'employeur voudrait gratifier.
Les options de souscription d'actions doivent être offertes à l'ensemble des
salariés.
La transparence en la matière nous paraît également fondamentale. Nous ne nous
estimons pas fondés à déterminer le montant à partir duquel tel régime ne
serait plus applicable. La transparence doit être la règle. C'est pourquoi nous
avons fixé les principes qui tendent à modifier les dispositions de la loi du
24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, qui a été visée par la
commission des finances mais qui aurait pu l'être tout autant par la commission
des lois. Nous voulons que les sociétés publient le nom des principaux
bénéficiaires lorsqu'ils sont administrateurs ou quant ils exercent des
fonctions de mandataire social ou de dirigeant, et ce à l'échelon du groupe
consolidé. L'ensemble des filiales doivent faire apparaître les options de
souscription d'actions éventuellement offertes. C'est une image globale qui
doit être mise à la disposition des partenaires de l'entreprise, les salariés,
bien sûr, mais aussi les actionnaires. Cela nous paraît fondamental.
Je voudrais rappeler à notre ami M. Fischer que, dès 1994, M. Marini, M.
Loridant et moi-même avions ouvert une réflexion sur la pratique des options
d'achat et de souscription d'actions. Aujourd'hui, nous tirons les conséquences
des principes que nous avions alors énoncés.
Je voudrais souligner à quel point ce que nous avions dit à cette époque, au
nom du Sénat, est toujours d'actualité. Nous l'avions fait, mon cher collègue
Fischer, au-delà de toute considération partisane. Nous voulons faire vivre un
authentique partenariat.
J'ai remercié M. Chérioux.
Je remercie également M. Trégouët et la commission des finances. Elle a su
préserver au moins une chose de notre proposition de loi : l'intitulé.
M. René Trégouët,
rapporteur pour avis.
Beaucoup d'autre chose aussi !
M. Jean Arthuis.
Cette attitude élégante nous va droit au coeur, cher rapporteur.
Sans doute, en cette fin d'année, l'emploi du temps a-t-il été
particulièrement chargé, ce qui n'a pas facilité le dialogue.
C'est vrai que nous devrons nous prononcer sur les propositions de la
commission des finances ; je n'aurai pas la possibilité de présenter des
amendements pour tenter de rétablir certaines des dispositions de notre
texte.
La présente discussion aura au moins l'avantage de mettre en évidence les
marges de progression dont nous disposons pour améliorer le débat interne dans
notre institution.
Mais, puisque nous convergeons sur l'essentiel, nous voterons ces
dispositions.
Cependant, j'exprime le souhait, cher René Trégouët, que, la prochaine fois,
nous puissons prendre le temps d'un échange constructif, car, sur certains
points, je ne suis pas sûr que vos propositions aillent dans le sens d'une
simplification et de la clarification, et qu'il n'y ait pas à redire sur le
raccourcissement à trois ans ou sur la suppression de la décote, autant de
sujets qui justifieraient un débat qui ne sera pas possible aujourd'hui, sauf à
repousser en bloc les propositions de la commission des finances.
Le groupe de l'Union centriste reconnaît dans ces propositions l'essentiel de
sa contribution, mais il ne la reconnaît que partiellement. Puisque les députés
auront l'occasion d'examiner ce texte, madame la secrétaire d'Etat, peut-être
pourrons-nous, en deuxième lecture, encore améliorer la rédaction !
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à
l'artisanat.
Monsieur Arthuis, vous avez quasiment dit que la position que
j'allais prendre aujourd'hui réglera ce qui, à mes yeux, est presque un léger
conflit interne.
C'est avec beaucoup de brio que tous les orateurs ont su aborder ce vaste
problème de société dans un climat d'intelligence, même si semble-t-il, la
compréhension réciproque n'a pas toujours régné au sein de la majorité
sénatoriale, et avec fougue, notamment de la part de M. Chérioux, et ce sur un
fond d'explication historique fine.
Je me félicite du large accord qui est intervenu dans cette enceinte, à
l'occasion de ce débat, entre les héritiers spirituels du général de Gaulle et
ceux de Maurice Thorez. D'ailleurs, cela ne me surpend pas puisque Maurice
Thorez a été ministre de la production dans le gouvernement du général de
Gaulle.
Pour clore ce bon moment qu'a constitué le rappel historique que vous avez
fait, je reprendrai simplement à mon compte ce que disait Maurice Thorez : «
Retroussons nos manches. »
M. Guy Fischer.
Très bien !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Arthuis, il est vrai que vos collègues
parlementaires auront fort à faire, comme le Gouvernement.
Comme tous les orateurs, j'aborderai ce thème dans un état d'esprit
constructif, même si je ne tire pas les mêmes conclusions que MM. Chérioux et
Arthuis du bilan de la situation actuelle.
J'ai cru comprendre, voilà un instant, que la cohérence de ce texte n'était
pas parfaite... Mais c'est l'affaire du Sénat.
Le Gouvernement - peut-être est-ce surprenant pour certains d'entre vous, mais
cela ne l'est pas pour vous, monsieur Chérioux - est favorable à l'actionnariat
des salariés, comme vous, monsieur le sénateur. En même temps, le Gouvernement
- et cela ne vous surprendra pas non plus, monsieur le sénateur - est
défavorable aux propositions de loi qui ont été fusionnées dans le texte que
vous examinez aujourd'hui.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
En effet, cela ne nous surprend pas non plus !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Pourquoi avons-nous pris ces deux positions ?
Oui, nous sommes favorables à l'actionnariat des salariés. C'est notre
conviction. Pour reprendre la formulation qu'utilisait M. Dominique
Strauss-Kahn, nous préférons « le risque à la rente ». Pour reprendre la
formulation du Premier ministre, « nous voulons construire la société du plein
emploi ».
Nous considérons que la croissance que nous avons suscitée doit d'abord se
traduire en emplois pour le plus grand nombre de nos concitoyens. Nous
considérons aussi que l'actionnariat des salariés peut permettre un meilleur
partage de la croissance. Il y a effectivement un moyen pour les salariés
d'acquérir une partie de la valeur qu'ils créent et d'être associés à la
croissance de leur entreprise.
Nous pensons aussi qu'il y a une possibilité d'ancrer en France les
entreprises françaises. En favorisant l'actionnariat salarié, les dirigeants
des entreprises peuvent aussi chercher à constituer un pôle d'actionnaires
stables pour se préserver d'actions boursières hostiles vous l'avez presque
tous rappelé.
Nous pensons enfin qu'il s'agit là d'un moyen d'associer plus étroitement les
salariés aux stratégies de leurs entreprises, voire de leur permettre de peser
sur celles-ci en faisant valoir leurs intérêts spécifiques d'actionnaires
salariés, même si - et j'y reviendrai ultérieurement, en essayant néanmoins de
ne pas trop allonger le débat - nous avons encore un énorme travail
d'explication à accomplir, puisque la moitié des actifs percevant moins de 9
000 francs par mois ne considèrent pas cette question comme prioritaire.
Cependant, au-delà des convictions, nous souhaiterions aussi vous faire
partager notre souci du concret.
Tout d'abord, mieux associer les salariés au partage de la valeur qu'ils
créent dans les entreprises est une pratique constante de ce gouvernement, qui,
pour la première fois, a enrayé le mouvement d'alourdissement des conditions
d'association des salariés à la croissance de leur entreprise.
Par la loi de finances de 1998, nous avions ainsi mis en place les bons de
souscription de parts de créateur d'entreprise, les BSPCE, afin de permettre
aux jeunes entreprises innovantes d'associer à leurs chances de succès leurs
salariés, qui partagent les risques d'échec. Ce dispositif, réservé à l'origine
aux entreprises de moins de sept ans, a été étendu par la loi de finances de
1999 aux entreprises de moins de quinze ans.
Par ailleurs, à chaque fois que le Gouvernement a ouvert le capital des
entreprises publiques, il a tenu à associer très largement les salariés à ces
opérations. Laissez-moi vous en donner deux illustrations : ce fut le cas pour
l'ouverture du capital de France Télécom, qui a permis à 75 % des salariés de
devenir actionnaires de leur entreprise et de détenir 3, 5 % de son capital ;
ce fut le cas également à Air France, où plus de 72 % des salariés sont devenus
actionnaires, faisant de cette compagnie l'entreprise française cotée dont
l'actionnariat salarié, qui représentera à terme plus de 10 % du capital, sera
le plus important.
C'est enfin ce gouvernement qui a étendu, lors des ouvertures de capital, la
participation des salariés aux opérations de gré à gré. Il en fut ainsi pour le
Crédit industriel et commercial, le CIC, et pour le Groupe des assurances
nationales, le GAN. Certains affirment d'ailleurs que l'échec de la procédure
de 1996 et la mobilisation sociale apparue à cette occasion étaient notamment
dus à l'absence de participation des salariés.
Pour répondre en quelques mots à l'intervention de M. Arthuis, je voudrais
rappeler ce que nous avons fait pour renforcer le capital des entreprises
françaises. Comme nous estimons qu'il convient de favoriser la détention du
capital des entreprises françaises par nos concitoyens, nous avons en effet
beaucoup agi.
Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que ceux-ci ont placé plus de 3
500 milliards de francs en contrats d'assurance-vie, ce qui représente la plus
grande partie de leur épargne. Par conséquent, dès novembre 1997, nous avons
créé des contrats d'assurance-vie investis principalement en actions, notamment
en capital-risque. Ces contrats, que l'on nomme désormais « contrats DSK »,
bénéficient d'un traitement fiscal très favorable et ont permis de lever plus
de 70 milliards de francs, dont la moitié ont été investis en actions
françaises. Le bilan de cette première mesure est donc intéressant.
L'intérêt de la commission des finances du Sénat, que relevait tout à l'heure
M. Arthuis, pour une réforme de ce que l'on appelle couramment les
stock
options
mérite d'être souligné. Là encore, je me permettrai de rappeler
quelques faits.
A l'époque de l'installation du gouvernement de M. Lionel Jospin, le régime
juridique, social et fiscal des
stock options
était assez paradoxal. Il
avait été durci en décembre 1996, sur votre propre initiative, monsieur
Arthuis.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Eh oui !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Dans le même temps, des abus subsistaient, et rien
n'avait été fait pour moraliser cet instrument et le rendre plus
transparent.
Qu'avons-nous fait face à cette situation ? Nous avons agi. Dès novembre 1997,
comme je l'ai indiqué tout à l'heure, nous avons créé, au profit des jeunes
entreprises innovantes, les bons de souscription de parts de créateur
d'entreprise, qui sont de véritables plans d'option pour une fiscalité
favorable, car ces entrepreneurs qui prennent des risques devaient pouvoir
associer à leurs chances de succès leurs collaborateurs qui acceptent de les
accompagner dans une entreprise dont l'avenir n'est pas assuré à 100 %. Ce
dispositif a été élargi, dans l'optique notamment de la loi sur l'innovation et
la recherche de M. Claude Allègre, dont les principales dispositions ont été
rappelées tout à l'heure.
En outre, par le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier adopté en 1998, nous avons remis en cause la
rétroactivité aberrante du durcissement social et fiscal décidé en décembre
1996. Cette mesure visait les entreprises de moins de quinze ans et, malgré le
recours formé par de nombreux membres de cette assemblée devant le Conseil
constitutionnel, ce dernier avait reconnu la spécificité des entreprises
innovantes de croissance.
Aux assises de l'innovation, en mai 1998, nous avons lancé d'immenses
chantiers pour que la science et la technologie amènent de la croissance et des
créations d'emplois et pour faire émerger de nouveaux entrepreneurs, de
nouveaux capitaux, de nouvelles technologies. Dans cette optique, nous avons
entamé une réflexion sur tous les mécanismes d'association des salariés à la
croissance.
Voilà encore des orientations et un bilan !
Certes, le texte aujourd'hui soumis au Sénat répond en partie aux critiques
qui avaient été formulées par le Gouvernement sur la proposition de loi de M.
Balladur, discutée en mai dernier à l'Assemblée nationale. En témoignent, par
exemple, l'alignement sur la durée de droit commun pour la participation ou les
plans d'épargne entreprise, les PEE, ou l'alignement de la décote sur les 20 %
prévus pour les augmentations de capital réservées dans le cadre du PEE.
Il n'en reste pas moins que les inconvénients principaux de ce texte
demeurent, et c'est pourquoi le Gouvernement y est défavorable.
Ainsi, l'obligation pour les entreprises de prévoir, lors de toute
augmentation de capital, une tranche réservée aux salariés serait à la fois
lourde et coûteuse, sans permettre d'atteindre à l'objectif visé.
Le caractère automatique et obligatoire de cette disposition est en
contradiction avec l'objectif affiché de la proposition de loi de développer «
l'esprit de la participation », et c'est peut-être la fusion des deux
propositions de loi initiales qui nous entraîne dans cette contradiction. Le
mécanisme actuel de l'offre réservée aux salariés est, en revanche, tout à la
fois plus souple et plus efficace, car il permet aux entreprises de décider du
moment et des caractéristiques du lancement d'une offre spécifique aux
salariés, et donc d'insérer au mieux l'actionnariat des salariés dans la
politique sociale de l'entreprise. Rien ne les empêche, d'ailleurs, d'organiser
simultanément une augmentation de capital de droit commun et une augmentation
de capital réservée aux salariés.
J'ajoute sur ce point qu'une augmentation de capital peut répondre à des
objectifs très différents : une augmentation de capital croisée entre deux
sociétés qui fusionnent ou prennent des participations l'une dans l'autre
doit-elle, par exemple, être soumise au même régime qu'une augmentation de
capital « classique », laquelle semble être visée par la proposition de loi
?
Les principes qui guident l'action du Gouvernement dans ce domaine sont bien
connus et inspirent, par exemple, la réflexion sur les fonds partenariaux,
menée au sein de la commission des finances de l'Assemblée nationale par Jérôme
Cahuzac. Nous souhaitons que ces fonds soient tout à la fois plus collectifs,
plus solidaires et plus centrés sur la protection des adhérents.
Je note par ailleurs qu'il est envisagé que les sociétés non cotées puissent
aussi appliquer une décote de 20 %. Or cela n'est pas souhaitable, dans la
mesure où les conditions de valorisation des sociétés non cotées peuvent
de
facto
inclure une décote importante.
Contrairement à ce que prévoyait la proposition de loi initiale de M. Jean
Arthuis, M. Chérioux préconise un relèvement du rabais de 20 % à 50 % pour les
actions incessibles pendant un délai de cinq à dix ans à compter de la
souscription. Je m'interroge sur l'intérêt, pour les actionnaires, d'accepter
un rabais aussi important et sur celui, pour les salariés dont l'épargne serait
bloquée pendant une période longue sans diversification de leur placement, en
particulier pour ceux des entreprises non cotées, de prendre un risque non
négligeable.
La proposition de loi comporte également des dispositions relatives au plan
d'épargne interentreprises.
Il est vrai que cet outil permettrait de développer l'épargne salariale au
sein des PME. Mais, là encore, il est nécessaire d'adopter une démarche
cohérente, afin d'identifier les vecteurs permettant le développement de
l'épargne salariale au sein des PME. A cet égard, il convient d'analyser plus
avant les raisons pour lesquelles assez peu de salariés des PME bénéficient à
l'heure actuelle de ces dispositifs : comme l'a souligné lui-même M. Chérioux,
le droit actuel est complexe et parfois même totalement inadapté.
Le développement de l'épargne salariale doit donc reposer sur une analyse
approfondie de la situation actuelle, en vue d'offrir aux PME un « véhicule »
qui leur soit adapté et, plus généralement, de moduler la mise en oeuvre de ces
mécanismes en fonction de l'évolution du monde de l'entreprise.
S'agissant maintenant des dispositions de la proposition de loi concernant les
droits de vote des fonds communs de placement d'entreprise, l'approche qui a
été retenue par MM. Arthuis et Chérioux doit être examinée en concertation avec
les partenaires sociaux et s'inscrire dans une reflexion plus large sur la
désignation et les pouvoirs des conseils de surveillance des FCPE.
J'observe enfin que les deux propositions de loi n'adoptaient pas la même
optique en matière de gouvernement d'entreprise, s'agissant, plus
particulièrement, de la désignation d'administrateurs ou de membres du conseil
de surveillance représentant les salariés actionnaires.
M. Arthuis, dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi, distinguait la
participation à la gestion et la participation financière, soulignant que les
entreprises françaises étaient dotées de « moyens institutionnels permettant
d'alimenter le dialogue social ».
M. Jean Arthuis.
C'est exact !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Pour sa part, M. Chérioux pense qu'« il est
indispensable de donner au personnel la possibilité de peser sur le destin de
son entreprise ».
Cette différence d'analyse se retrouve dans l'insertion dans la proposition de
loi de dispositions visant à faciliter la présence des représentants des
salariés actionnaires au sein des organes de gestion de l'entreprise,
dispositif qui n'était pas prévu dans la proposition de loi n° 87 de M.
Arthuis.
Ces imperfections s'expliquent par le fait que le dépôt de la proposition de
loi est sans doute prématuré.
J'ai entendu tout à l'heure parler de calendrier. Or le chantier en question
est très vaste : la participation aux augmentations de capital n'est qu'une
facette de l'actionnariat salarié, lequel n'est lui-même qu'un volet de
l'association des salariés à la croissance de leur entreprise.
C'est donc bien une réflexion globale que le Gouvernement entend mener sur
l'ensemble des mécanismes de participation et d'association des salariés au
partage de la valeur qu'ils créent dans leur entreprise, ainsi que sur leur
articulation.
L'épargne salariale apparaît en effet aujourd'hui comme une juxtaposition de
mécanismes, sans cohérence ni logique d'ensemble. Elle prend la forme d'un
mille-feuille qui regroupe la participation, l'intéressement, le plan d'épargne
entreprise, l'actionnariat salarié, les stock options, etc. Le résultat de cet
empilement est que l'épargne salariale est aujourd'hui complexe, insuffisante
et inégalitaire.
Un débat qui porterait sur tel ou tel mécanisme pris isolément n'aurait pas de
sens : c'est à une remise à plat de l'ensemble de ces mécanismes, sans interdit
ni exclusive, qu'il faut s'attacher. Cette remise à plat est l'objet de la
mission que le Premier ministre a confiée à MM. Balligand et de Foucauld sur
l'épargne salariale, dont la mise en cohérence doit répondre au double objectif
d'association des salariés aux décisions et à la croissance de leur entreprise
et de maintien des centres de décision en France.
C'est donc une réflexion transversale qui doit être menée, portant non pas sur
tel ou tel produit, mais sur les principes communs qui conduisent à définir un
cadre renouvelé et cohérent, juste socialement et efficace économiquement, au
travers de l'affirmation de son caractère social et solidaire - diffusion
auprès de tous les salariés, abondement équitable de l'entreprise, plus grande
transparence - des modalités d'association des partenaires sociaux à la gestion
des fonds dans l'entreprise et de représentation des salariés - on a bien senti
que ce débat n'était pas tranché - d'un horizon de placement suffisamment
large, du court au long terme, pour répondre aux besoins et aux demandes des
salariés, qui peuvent être divers, et enfin de règles d'investissement sûres et
répondant à l'objectif de renforcement des fonds propres des entreprises
françaises.
La mission menée par MM. Balligand et de Foucauld achèvera ses travaux d'ici à
janvier 2000 et formulera des propositions qui pourront alors trouver une
traduction législative dans la loi sur les nouvelles régulations
économiques.
Dans l'attente de la remise de ses conclusions, le Gouvernement ne peut
qu'être défavorable à la proposition de loi examinée aujourd'hui, dont la
discussion, que j'ai suivie avec la plus grande attention, a mis en évidence
quelques divergences de fond, de forme ou d'appréciation.
Cela étant, je vous remercie chaleureusement, mesdames, messieurs les
sénateurs, pour la qualité des débats et pour l'apport important qui a
aujourd'hui été le vôtre sur un sujet qui, effectivement, n'intéresse peut-être
pas encore assez les salariés de ce pays, lesquels connaissent peut-être moins
bien les avantages de l'actionnariat salarié que les apparentes incohérences
dont il a souffert jusqu'ici.
Nous avons à conduire non seulement une réflexion de fond sur l'actionnariat,
donc sur le capital, mais aussi une réflexion socio-économique pour comprendre
pourquoi, aujourd'hui, trop peu nombreux sont les salariés à répondre à des
possibilités qui pourtant, dans un certain nombre de cas, pourraient leur être
bénéfiques.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je voudrais, au terme de cette discussion générale qui a été
fort intéressant et extrêmement nourri, dire que, quelles que soient les
positions qui ont été prises, je suis très réconforté. En effet, depuis
vingt-cinq ans que je mène le combat pour la participation, c'est la première
fois que je constate sur toutes les travées de cette assemblée non pas un
accord, mais, en tout cas, une absence d'opposition systématique quant à l'idée
de participation. Je n'ai même observé, chez nos collègues de l'opposition
sénatoriale, qu'il s'agisse de M. Autain ou de M. Fischer, aucune opposition
fondamentale sur les propositions de la commission des affaires sociales
concernant l'actionnariat. En effet, ils ont tous deux parlé de tout, sauf de
l'actionnariat salarié !
Notre ami M. Autain a dit que nous faisions un amalgame. Je constate que, si
quelqu'un fait un amalgame, c'est lui et pas nous ! En effet, parlant des
conclusions de la commission des affaires sociales, il est parti dans des
digressions sur les plans d'épargne retraite, et j'ai cru me retrouver dans le
débat du 14 octobre dernier, alors que le Sénat était amené à voter un texte
sur ce point. C'était hors sujet, et le discours de M. Autain ne comportait, en
définitive, aucun argument contre l'actionnariat salarié.
Quant à M. Fischer, j'ai été heureux de l'entendre dire qu'il envisageait
d'être constructif sur ce point, même si cela ne se traduira pas aujourd'hui
dans les faits. C'est un progrès considérable par rapport à ce que je connais
depuis vingt-cinq ans, et cela m'a profondément réconforté.
Dans son propos, M. Fischer a parlé un peu de tout : des 35 heures, des
difficultés des chômeurs et de l'histoire de la participation, qu'il a
présentée un peu à sa façon. D'ailleurs, presque tous les arguments qu'il a
invoqués à l'appui de sa position négative visaient essentiellement la
participation, mais pas du tout l'actionnariat tel que proposé aujourd'hui.
Quant à Mme la secrétaire d'Etat, elle a émis, au fond, des observations fort
bienveillantes quant à notre proposition de loi. Certes, le Gouvernement
n'accepte pas de cautionner ce texte, et je n'en suis pas trop étonné dans la
mesure où il ne vient pas de lui. Le contraire eût été surprenant ! L'argument
invoqué est qu'une étude, qui débouchera sur des mesures de portée beaucoup
plus vaste, est en cours.
Néanmoins, cette attitude m'étonne quand même quelque peu dans la mesure où il
est possible de procéder par étapes et que, par ailleurs, une telle attitude
est en contradiction avec les positions fondamentales qui étaient celles du
Premier ministre. Je me souviens en effet avoir entendu ce dernier dire ceci, à
l'Assemblée nationale, le 19 juin 1997 : « Incarnation de la souveraineté
nationale, le Parlement doit pleinement exercer son rôle éminent au sein de nos
institutions. » Or, s'il est un domaine dans lequel le Parlement a une
responsabilité majeure, c'est bien celui du pouvoir législatif. Et alors qu'une
chambre du Parlement veut exercer ce dernier - d'ailleurs, des fenêtres
parlementaires ont été créées à cette fin - le Gouvernement s'insurge : c'est
lui qui veut être l'élément moteur et initiateur dans ce domaine législatif.
J'avoue que, d'un point de vue général, je suis un peu choqué.
Sur le plan particulier, je suis encore beaucoup plus étonné ! Vous avez bien
voulu reconnaître, madame la secrétaire d'Etat, qu'un pas était fait par
rapport au débat à l'Assemblée nationale dans la mesure où cette proposition de
loi reprenait des arguments qui y avaient été invoqués par le Gouvernement.
Ce n'est d'ailleurs pas du tout cette raison qui m'a amené à inscrire cette
disposition dans le texte. Ayant assisté aux travaux du conseil supérieur de la
participation, j'ai noté que c'était l'une des préoccupations des syndicats.
Estimant que l'actionnariat ne peut progresser que grâce à une démarche
contractuelle, j'ai introduit cette mesure.
Madame la secrétaire d'Etat, vous m'avez donné acte de cette avancée, à
laquelle vous vous êtes ensuite opposée. J'avoue avoir été étonné de votre
hostilité à la réservation obligatoire d'une part de l'augmentation du capital
au personnel, prévue dans le texte.
Les bras m'en tombent ! Que la droite de cette assemblée soit opposée à cette
disposition qui ne fera guère plaisir au MEDEF, on pourrait le comprendre !
Mais si l'on veut éviter une dilution du capital et développer l'actionnariat,
il faut prévoir une telle obligation pour que, à chaque augmentation de
capital, les salariés aient la faculté d'y souscrire. Je sais bien que les
entreprises peuvent toujours procéder à des augmentations de capital réservées,
mais l'un n'empêche pas l'autre. J'ai donc été étonné par cet argument, madame
la secrétaire d'Etat, de même que par votre propos sur les PME.
Comme vous l'avez reconnu vous-même, il ne se passe pas grand-chose dans les
PME. Certaines grandes PME, notamment dans le domaine de la distribution,
pratiquent tout de même la participation. La valeur des actions est alors
calculée chaque année avec toutes les garanties possibles et imaginables.
Dans la mesure où l'on veut susciter des acquisitions supplémentaires par les
salariés, il n'est à mon avis pas mauvais de prévoir une décote. En tout cas,
cela va dans le sens de ce que peuvent souhaiter les salariés. Ce système étant
avantageux pour ces derniers, je m'étonne donc que vous vous y opposiez.
Il semble que vous n'ayez pas très bien compris un autre point, madame la
secrétaire d'Etat. Vous avez évoqué la décote éventuelle de 50 %, sous
condition d'une conservation des titres pendant dix ans, prévue par le
texte.
Cette notion de décote est souvent mal comprise. Il ne s'agit pas de verser un
complément de rémunération par ce biais. On ne peut d'ailleurs pas considérer
qu'il s'agit d'un complément de rémunération dans la mesure où le poids n'est
pas supporté par l'entreprise : c'est un sacrifice réalisé par les actionnaires
et non par l'entreprise ; ce sont les actionnaires qui acceptent une diminution
de leurs avoirs à l'occasion d'une augmentation de capital ! Prévoir une décote
supplémentaire aboutit à augmenter la part que vont détenir les salariés avec
le montant d'argent qu'ils ont versé par rapport à ce qu'ils auraient été
amenés à verser s'ils avaient souscrit dans les mêmes conditions que les autres
actionnaires. Cela se fait au détriment des actionnaires et non des sociétés,
et ce n'est donc pas un complément de rémunération.
Surtout, cette décote se justifie par le fait que, dans le mécanisme du plan
d'épargne d'entreprise, on a toujours considéré qu'il n'était peut-être pas
souhaitable, comme le soutenait la CGT, de mettre tous les oeufs dans le même
panier et d'inciter systématiquement tous les salariés à détenir des actions de
leur société. Il existe en effet un risque accru par rapport à une gestion
diversifiée, et c'est pourquoi, en vue d'y faire face et de constituer en
quelque sorte une provision, est prévue une décote, qui doit être d'autant plus
forte que la détention des titres est plus longue.
L'idée est donc de faciliter l'investissement de l'épargne salariale dans les
actions par le biais de cette décote et de préserver, dans une certaine mesure,
les salariés des risques qu'ils prennent en souscrivant des actions. Cela va,
par conséquent, tout à fait dans le sens de ce que peuvent souhaiter les
salariés, c'est-à-dire prendre le minimum de risques.
D'autres arguments ont été invoqués, que nous retrouverons sans doute à
l'occasion de la discussion des articles. Mais, au bout du compte, je n'ai pas
été convaincu.
En réalité, madame la secrétaire d'Etat, vous voulez avoir votre réforme de
l'actionnariat salarié ; c'est votre droit. Mais le Sénat a aussi le droit
d'avoir sa propre conception de la réforme, d'autant qu'il a pour lui
l'antériorité dans la mesure où il a engagé cette opération au mois de mars
dernier, alors qu'il n'était question ni dans la presse ni même dans les
déclarations gouvernementales d'une réforme de l'actionnariat salarié.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
ACTIONNARIAT SALARIÉ
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - I. - Après l'article 180 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966
sur les sociétés commerciales, il est inséré un article 180-1 ainsi rédigé :
«
Art. 180-1.
- I. - A l'occasion de toute augmentation de capital par
émission d'actions nouvelles d'une société cotée ayant distribué au moins deux
dividendes au cours des trois derniers exercices, 5 % des actions nouvelles
doivent être proposées à l'ensemble des salariés, sous réserve d'une durée
minimum d'ancienneté dans l'entreprise qui ne peut excéder un an, à un prix de
souscription préférentiel, inférieur de 20 % au prix d'émission. Ces actions
sont incessibles pendant cinq ans à dater de leur souscription.
« Ce rabais peut cependant aller jusqu'à 50 % du prix d'émission si les
actions ainsi souscrites sont incessibles pendant un délai de 10 ans à compter
de leur souscription.
« Ce rabais peut être compris entre 20 % et 50 % du prix d'émission si les
actions ainsi souscrites sont incessibles pendant un délai allant de 5 à 10 ans
à compter de leur souscription, le rabais étant d'autant plus élevé que le
délai est long.
« L'assemblée générale extraordinaire est seule compétente pour décider, sur
le rapport du conseil d'administration ou du directoire selon le cas, et après
information préalable du comité d'entreprise, le montant de ce rabais.
« L'assemblée générale extraordinaire peut décider que la disposition prévue
au premier alinéa vise également les salariés des sociétés dont 50 % au moins
du capital est détenu, directement ou indirectement, par la société
émettrice.
« II. - Les actions proposées sont réparties entre les salariés sur le
fondement d'un accord collectif.
« Les actions doivent être souscrites dans un délai d'un mois à compter de la
décision de l'assemblée générale autorisant l'augmentation du capital.
« Les actions souscrites dans les conditions prévues par le présent article
sont obligatoirement nominatives. Les salariés peuvent souscrire à
l'augmentation du capital, soit individuellement, soit par l'intermédiaire d'un
fonds commun de placement d'entreprise régi par le chapitre III de la loi n°
88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en
valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances. Un
salarié ne peut souscrire que dans la limite d'une somme égale à la moitié du
plafond annuel retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.
« III. - Les dispositions prévues au I et au II peuvent s'appliquer aux
sociétés non cotées sur décision de l'assemblée générale extraordinaire. Mais,
dans ce cas, les actions ne peuvent être souscrites que par l'intermédiaire
d'un fonds commun de placement d'entreprise.
« IV. - Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du
présent article. »
« II. - L'article 92 D du code général des impôts est complété,
in
fine
, par un paragraphe ainsi rédigé :
« 7° A la cession des titres acquis dans les conditions prévues par l'article
180-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.
»
« III. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 442-7 du code du travail, il
est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ces délais ne s'appliquent pas si les droits constitués au profit des
salariés sont utilisés pour souscrire à une augmentation de capital dans les
conditions prévues à l'article 180-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur
les sociétés commerciales. »
« IV. - L'article L. 443-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Ce délai ne s'applique pas si la liquidation des avoirs acquis dans le cadre
du plan d'épargne d'entreprise permet au salarié de souscrire à une
augmentation de capital dans les conditions prévues à l'article 180-1 de la loi
n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. »
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Cet article 1er prévoit que 5 % des actions émises lors d'une
augmentation de capital doivent être réservées aux salariés à des conditions
préférentielles.
Une telle disposition se retrouve dans des rédactions très proches à la fois à
l'article 1er de la proposition de loi n° 52 et aux articles 4, 5 et 6 de
l'excellente proposition de loi n° 87 de M. Jean Arthuis.
En réalité, ce dispositif s'inspire directement d'une proposition de loi
présentée à l'Assemblée nationale par M. Edouard Balladur et un certain nombre
de ses collègues, proposition de loi qui a été rejetée lors de la séance
publique du 20 mai 1999.
La rédaction que propose la commission des affaires sociales prévoit cependant
quelques adaptations par rapport au dispositif présenté à l'Assemblée
nationale, comme vous l'avez souligné dans une certaine mesure, madame la
secrétaire d'Etat.
Premièrement les conditions préférentielles sont harmonisées avec celles des
dispositifs d'épargne salariale. Les salariés bénéficient d'une décote de 20 %,
mais les titres sont bloqués pendant cinq ans. La décote peut atteindre 50 %,
mais les titres doivent alors être bloqués dix ans. La décote doit se concevoir
en quelque sorte non pas comme un cadeau de l'entreprise mais comme une forme
de provision pour risque pour permettre au salarié de subir un moindre risque
dans la détention de ses titres : dix ans, c'est quand même long. Il est donc
logique que la décote soit fonction de la durée de blocage. En outre, elle ne
comporte pas d'exonération de cotisations sociales ni de prélèvements sociaux
autres que celles du PEE, puisqu'on ne fait que reprendre le régime de
celui-ci.
Deuxièmement, ce dispositif s'intègre dans le cadre de la négociation
d'entreprise et favorise le dialogue social, comme vous avez bien voulu le
souligner tout à l'heure. Tout d'abord, le montant de la décote est fixé après
information préalable du comité d'entreprise. Surtout, le fonctionnement du
dispositif exige un accord d'entreprise qui fixe les modalités de répartition
des actions. Les partenaires sociaux sont donc bien présents.
Troisièmement, ce dispositif n'affaiblit pas les mécanismes actuels d'épargne
salariale. Au contraire, il a vocation à s'y intégrer. Il prévoit en effet deux
types de souscription : une souscription individuelle ou, ce qui semble
préférable, une souscription par l'intermédiaire d'un fonds commun de placement
d'entreprise dans le cadre d'un PEE. Il est d'ailleurs clair que cette solution
sera la plus fréquente, car elle ouvre la voie à un abondement de l'entreprise,
conformément au droit commun du PEE. A des fins de prudence, seule une gestion
collective, et donc mutualisée, serait autorisée pour les entreprises non
cotées.
Quatrièmement, c'est un dispositif souple qui respecte les spécificités de
chaque entreprise et de chaque salarié. Le salarié est libre d'adhérer ou de ne
pas adhérer ; il faut choisir une gestion individuelle ou collective.
Cinquièmement, c'est un dispositif équitable, car il prévoit des possibilités
de financement de l'opération pour les salariés. Ceux-ci peuvent, en effet,
débloquer les sommes placées sur les PEE ou dans la participation pour acquérir
les actions, s'ils choisissent un actionnariat individuel.
Toutes ces dispositions garantissent alors le caractère équilibré de ce
dispositif, qui a un double intérêt : il permet, évidemment, l'émergence de
l'actionnariat salarié dans les sociétés où celui-ci n'existe pas ; il est un
remède - et c'est important, car c'est actuellement un souci - contre la
dilution de la part de l'actionnariat salarié que l'on constate au moment des
augmentations de capital, car les salariés ont tendance à ne pas utiliser leur
droit préférentiel de souscription.
J'observe d'ailleurs que le dispositif proposé par la commission des affaires
sociales n'ouvre la voie à aucune des critiques qu'avait émises le
Gouvernement, comme vous avez bien voulu le reconnaître tout à l'heure, madame
la secrétaire d'Etat.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cet article
1er.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article 1er.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, le groupe communiste
républicain et citoyen votera contre tous les articles, ainsi que contre
l'ensemble du texte.
M. Jean Arthuis.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Je voudrais faire deux observations.
Tout d'abord, lorsque l'on indique que, « à l'occasion de toute augmentation
de capital par émission d'actions nouvelles d'une société cotée ayant distribué
au moins deux dividendes au cours des trois derniers exercices, les options de
souscription devront être offertes à l'ensemble des salariés », il ne faut pas
oublier que ces sociétés sont des groupes ; les options de souscription devront
donc être offertes à l'ensemble des salariés du groupe, faute de quoi on
pourrait imaginer des manoeuvres visant à isoler la société cotée en bourse des
participations.
Nous souhaitons donc bien signifier, par notre vote, que ce dispositif - mais
peut-être faudrait-il trouver une rédaction encore plus satisfaisante - vise
l'ensemble des salariés d'un groupe.
Quant à l'idée d'une décote à 50 %, émise par notre excellent collègue Jean
Chérioux, elle me séduit. Toutefois, je ne suis pas sûr que sa mise en pratique
soit très facile. En effet, il faudra attendre dix ans pour valider les
conditions offertes au moment de la souscription, et lorsque, malheureusement,
on devra interrompre le processus, je ne sais pas très bien ce qui se
passera.
Néanmoins, parce que M. Chérioux est un homme de conviction, je ferai un acte
de foi en votant ce texte.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - I. - L'article L. 443-5 du code du travail est complété,
in
fine
, par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, le rabais accordé sur le prix de cession peut être supérieur à 20
% à la condition que les titres ainsi acquis ne soient délivrés aux adhérents
au plan d'épargne d'entreprise qu'à l'expiration d'un délai supérieur à celui
prévu à l'article L. 443-6 et qu'un accord collectif d'entreprise le prévoie.
Cet accord collectif détermine le montant du rabais applicable et le délai
minimum de conservation des titres, dans la limite d'un rabais de 50 % et d'un
délai de dix ans, le montant du rabais étant fonction de ce délai minimum. »
« II. - Le second alinéa de l'article L. 443-7 du même code est complété,
in fine
, par deux phrases ainsi rédigées :
« Cette majoration peut toutefois excéder 50 % à la condition que les titres
ainsi acquis ne soient délivrés aux adhérents du plan d'épargne d'entreprise
qu'après l'expiration d'un délai supérieur à celui prévu à l'article L. 443-6
et qu'un accord collectif d'entreprise le prévoie. Cet accord collectif
détermine le montant de la majoration et le délai minimum de conservation des
titres, dans la limite d'une majoration de 100 % et d'un délai de dix ans,
l'importance de la majoration étant fonction de ce délai minimum. »
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je tiens seulement à ajouter que, outre la décote, il est
également prévu que l'abondement maximum passerait de 22 500 francs pour un
blocage de cinq ans à 30 000 francs pour un blocage de dix ans.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 443-7 du
code du travail, la somme : "15 000 F" est remplacée par les mots : "10 % du
montant du plafond des cotisations de sécurité sociale". »
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Cet article vise à permettre l'actualisation du plafond
d'abondement de l'entreprise dans le cadre des PEE en l'indexant sur la plafond
des cotisations de sécurité sociale. Il introduit déjà une légère modification
de ce plafond, qui passerait de 15 000 francs à 17 364 francs.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - Le dernier alinéa de l'article L. 443-5 du code du travail est
complété,
in fine,
par une phrase ainsi rédigée :
« Le prix de souscription ne peut être ni supérieur au prix de cession
déterminé à chaque exercice, ni inférieur de plus de 20 % à celui-ci. »
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je veux simplement rappeler que cet article introduit la
possibilité d'une décote de 20 % sur le prix de souscription des actions d'une
société non cotée.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - I. - Après l'article 208-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966
précitée, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 208-1-1.
- Si l'assemblée générale extraordinaire autorise le
conseil d'administration ou le directoire selon le cas à consentir à l'ensemble
du personnel salarié de la société, proportionnellement à leur rémunération,
des options donnant droit à la souscription d'actions, le prix de souscription
de l'action peut être inférieur de 20 % au prix fixé à l'article 208-1 à la
condition que les actions, une fois les options levées, soient conservées au
moins cinq ans par le salarié. »
« II. - Après l'article 208-3 de la même loi, il est inséré un article ainsi
rédigé :
«
Art. 208-3-1. -
Si l'assemblée générale extraordinaire autorise le
conseil d'administration ou le directoire selon le cas à consentir à l'ensemble
du personnel salarié de la société, proportionnellement à leur rémunération,
des options donnant droit à l'achat d'actions, le prix d'acquisition de
l'action peut être inférieur de 20 % au prix fixé à l'article 208-3 à la
condition que les actions, une fois les options levées, soient conservées au
moins cinq ans par le salarié. »
« III. - L'article 80
bis
du code général des impôts est complété,
in fine
, par un paragraphe ainsi rédigé :
«
IV.
- Les dispositions du II ne s'appliquent pas lorsque l'option est
accordée dans les conditions prévues à l'article 208-1-1 ou à l'article 208-3-1
de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. »
« IV. - Le deuxième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité
sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les dispositions du présent alinéa ne s'appliquent pas si l'option est
accordée dans les conditions prévues à l'article 208-1-1 ou à l'article 208-3-1
de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 précitée. »
V. - L'article 81
ter
du code général des impôts est complété,
in
fine
, par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont affranchis de l'impôt dans la limite annuelle de 15 000 francs le
montant des prélèvements opérés sur les salaires à l'occasion de la
souscription ou de l'achat d'actions dans les conditions fixées par les
articles 208-1-1 et 208-3-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 précitée.
»
« VI. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 442-7 du code du travail, il
est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ces délais ne s'appliquent pas si les droits constitués au profit des
salariés sont utilisés pour lever les options consenties dans les conditions
prévues à l'article 208-1-1 ou à l'article 208-3-1 de la loi n° 66-537 du 24
juillet 1966 précitée. »
« VII. - L'article L. 443-6 du code du travail est complété,
in fine
,
par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce délai ne s'applique pas si la liquidation des avoirs acquis dans le cadre
du plan d'épargne d'entreprise sert à lever des options consenties dans les
conditions prévues à l'article 208-1-1 ou à l'article 208-3-1 de la loi n°
66-537 du 24 juillet 1966 précitée. »
Je suis saisi de trois amendements présentés par M. Trégouët, au nom de la
commission des finances.
L'amendement n° 5 tend, dans le texte proposé par le II de cet article pour
l'article 208-3-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés
commerciales, à remplacer les mots : « prix d'acquisition » par les mots : «
prix d'achat ».
L'amendement n° 6 vise à supprimer le III de l'article 5.
L'amendement n° 7 a pour objet de supprimer le IV de l'article 5.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre ces trois
amendements.
M. René Trégouët,
rapporteur pour avis.
Avant de présenter ces amendements, il me paraît
nécessaire de rappeler brièvement pourquoi la commission des finances a été
amenée à les déposer, non sans m'être adressé auparavant à M. Arthuis, chez qui
j'ai senti quelque amertume.
(M. Jean Arthuis fait un signe de
dénégation.)
Votre proposition, monsieur Arthuis, a été déposée le 24 novembre dernier,
c'est-à-dire il y a moins d'un mois, exactement à la veille de l'examen de la
loi de finances, examen que nous avons achevé voilà seulement deux jours. Vous
qui avez longtemps été rapporteur général savez combien la charge de la
commission des finances est lourde en cette période !
Les conclusions de la commission des affaires sociales nous ont été remises
seulement le 7 décembre. Nous avons siégé lundi dernier et, l'après-midi même,
je vous ai fait porter le texte sous forme dactylographiée et non encore
imprimée, pour bien vous montrer toute la considération que j'avais pour votre
travail. Vous le voyez, nous avons travaillé dans l'urgence. S'agissant
maintenant des plans d'options sur actions, dont il est question dans le
présent article, la commission des finances m'a chargé de rappeler très
rapidement l'équilibre général du système.
En février dernier, nous avons présenté un système équilibré et complexe.
Comme vous, monsieur Arthuis, nous estimons qu'il est nécessaire d'établir une
réelle transparence, et ce en allant très loin, jusqu'au niveau de
l'information nominative. Comme vous encore, nous voulons prévenir les délits
d'initiés. La divergence tient au fait que nous avons, pour notre part, incité
à la suppression de la possibilité de consentir un rabais.
En février, notre raisonnement était très clair, à cet égard. Il a été
d'ailleurs rappelé ici même par M. le rapporteur général voilà quelques
jours.
Pour nous, le rabais était contraire à la logique même du plan d'options sur
actions, qui doit être un pari sur l'avenir de l'entreprise et non pas un
cadeau sur la valeur passée. Mais en contrepartie, en quelque sorte, de ces
contraintes, nous avions prévu, pour équilibrer notre texte, un certain nombre
de compensations.
Sur le plan fiscal et social, nous ramenions de cinq ans à trois ans le délai
de la disponibilité fiscale entre l'attribution des options et la cession des
actions. Nous rétablissions le taux d'imposition au taux de droit commun de 16
% si un délai de portage d'un an était respecté entre la levée de l'option et
la cession des actions. A défaut, le taux majoré de 30 %, instauré en 1996,
restait applicable. Enfin, toujours pour contrebalancer les contraintes que
nous avions prévues dans notre texte, nous revenions à une situation
d'exonération de cotisations sociales antérieure à la loi de financement de la
sécurité sociale de 1997 et de diverses contributions sociales restant dues à
hauteur de 10 %.
C'est sur cet équilibre d'ensemble de la position adoptée par elle en février
que la commission des finances m'a demandé d'insister. La construction est
cohérente, et si j'en retirais une brique essentielle, par exemple celle du
rabais, c'est toute cette cohérence qui risquerait d'être mise à mal.
J'en viens aux amendements sur l'article 5.
L'amendement n° 5, de nature purement rédactionnelle, tend à lever ce qui
pourrait apparaître comme une légère ambiguïté dans la rédaction du nouvel
article 208-3-1 de la loi de juillet 1966 sur les sociétés commerciales
proposée par la commission des affaires sociales.
Les options peuvent donner lieu à souscription ou achat d'actions. Dans le
texte proposé par l'article 208-1-1, il est question de prix de souscription.
Il me paraît préférable, par symétrie, s'agissant d'achat, à l'article 208-3-1,
de parler de prix d'achat plutôt que de prix d'acquisition. L'acquisition,
fiscalement parlant, a lieu lors de la levée de l'option. Le rabais ou la
décote sont consentis lors de l'attribution d'options, de souscrition ou
d'achat.
Par ailleurs, les paragraphes III et IV tendent à exonérer l'avantage
résultant de la décote créée par la commission des affaires sociales de
l'imposition prévue par le II de l'article 80
bis,
du code des impôts,
d'une part, et des cotisations sociales exigées en vertu du deuxième alinéa de
l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, d'autre part.
Or, ce souhait d'exonération est satisfait par deux amendements que je
soumettrai ultérieurement au Sénat, puisque nous proposerons de supprimer les
prélèvements en question. Il faut donc, par coordination avec ces amendements,
supprimer par anticipation les paragraphes III et IV de l'article 5.
Pour ne pas compliquer l'organisation du débat, je demande donc au Sénat de
préjuger le résultat du vote futur de ces amendements en adoptant dès
maintenant les amendements de suppression des paragraphes III et IV de
l'article 5.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 5, 6 et 7 ?
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je rappelle que la position de principe de la commission des
affaires sociales a été de ne pas interférer dans ce qu'elle estimait être du
domaine éminent de la commission des finances. C'est pourquoi, hormis à propos
de l'amendement n° 5, sur lequel elle a émis un avis favorable, elle a décidé
de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
S'agissant de l'article 5, je note que ne sont pas mises en cause par la
commission des finances les dispositions que la commission des affaires
sociales considérait comme relevant de sa compétence, notamment celle qui
concerne la décote de 20 % accordée, toujours dans le souci de développer
l'actionnariat salarié, aux salariés qui, levant leur option, prennent
l'engagement de conserver leurs titres pendant cinq ans, l'une des conditions
de cette décote étant, bien entendu, que les options soient attribuées à
l'ensemble des salariés proportionnellement à leurs rénumérations.
Par ailleurs, je l'ai dit implicitement, la commission estime que les termes
« prix d'achat » sont préférables aux termes « prix d'acquisition ».
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 5, 6 et 7 ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Sans rouvrir le débat, je rappelle seulement que nous
attendons le dépôt d'un rapport pour pouvoir entamer une réflexion
d'ensemble.
Cela étant, le Gouvernement ne partage pas la volonté qui vient d'être
exprimée s'agissant du rabais de 20 %.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
M. Jean Arthuis.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Cette explication de vote fera justice de toute suspicion d'amertume de ma
part. Car il ne s'agit pas de cela, monsieur le rapporteur pour avis, vous
l'avez bien compris !
Je sais dans quelles conditions particulièrement difficiles nous avons dû
travailler, les uns et les autres, et en particulier la commission des
finances. Mais c'est aussi le calendrier parlementaire qui fait qu'aujourd'hui
nous pouvons, enfin, discuter du partenariat social.
Je me réjouis que la majorité du Sénat ait pu prendre l'initiative de ce débat
sur le partenariat social, dans lequel je veux proclamer notre foi.
Notre texte, sur l'essentiel, répond à une urgence.
S'agissant des options d'achat et de souscriptions d'actions - je parle sous
le contrôle de M. Hamel -...
M. Emmanuel Hamel.
Je vous remercie de parler notre langue !
M. Jean Arthuis.
... dans notre esprit, qu'il s'agisse d'actionnariat salarié ou d'options de
souscription, c'est la même logique. Le rabais consenti trouve la même
justification. Ce n'est pas la justification de la commission des finances.
Mais, sur le plan politique, ce que me paraît important, c'est que nous
puissions discuter simultanément des options de souscription et de
l'actionnariat salarié.
En effet, à traiter les options de souscription dans un cadre strictement
financier, on dénaturerait en quelque sorte l'instrument de mobilisation, de
collaboration qu'elles sont.
Donc, sur le fond, je n'arriverai pas, par conviction, à vous rejoindre,
monsieur Trégouët, parce que vous ne m'avez pas convaincu.
Mais puisqu'il s'agit de voter ensemble ce texte, je m'accommoderai de sa
rédaction. S'il y a rabais dans l'actionnariat salarié, il doit y avoir
possibilité de rabais également dans les options de souscription, d'autant que
ces dernières ne doivent pas être des instruments sélectifs, qu'elles doivent
pouvoir être offertes à l'ensemble des salariés dans un groupe de sociétés dès
lors que les titres de la société de tête sont cotés en bourse.
Pour le reste, trois ans ? cinq ans ?... On peut en discuter !
Voilà les précisions que je voulais apporter avant d'indiquer que le groupe de
l'Union centriste votera les amendements de la commission des finances.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - Le IX de l'article 90 de la loi n° 91-1322 du 30 décembre 1991
portant loi de finances pour 1992 est ainsi rédigé :
« IX - Le présent article s'applique aux sociétés nouvelles créées à compter
du 1er janvier 1992. »
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Il s'agit de rétablir les reprises d'entreprise par les
salariés, système instauré par la loi du 17 juin 1987 et qui a fort bien
fonctionné. D'ailleurs, un certain nombre de personnes que nous avons
auditionnées en commission nous ont demandé de rétablir ce dispositif. Nous
avons considéré que ce ne pouvait être que positif, notamment pour les petites
entreprises.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - L'article L. 443-1 du code du travail est complété,
in fine,
par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les plans d'épargne d'entreprise peuvent également être établis dans
plusieurs entreprises, avec un règlement commun, à l'initiative d'un groupement
d'employeurs institué en application de l'article L. 127-1 ou en vertu d'un
accord avec le personnel du groupement d'employeurs.
« En l'absence de groupement d'employeurs, plusieurs entreprises peuvent
établir, à l'initiative de celles-ci ou en vertu d'un accord avec le personnel,
dans chacune de ces entreprises, des plans d'épargne interentreprises. Ces
plans d'épargne interentreprises relèvent du même régime que celui des plans
d'épargne d'entreprise prévus par le présent chapitre.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application des deux
alinéas précédents. »
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Il s'agit de permettre le développement de l'actionnariat
salarié dans les PME, notamment au sein de groupements d'employeurs. Nous en
avons parlé tout à l'heure : je n'insiste pas.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - Dans l'article L. 444-3 du code du travail, après les mots : "au
sens de l'article L. 132-2" sont insérés les mots : "ou, en l'absence d'une
telle représentation syndicale, où sont présents des délégués du personnel".
»
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Il s'agit encore d'une disposition qui concerne les PME.
La loi du 25 juillet 1994 avait prévu une négociation obligatoire sur
l'opportunité de mettre en place un régime d'épargne salariale. Il s'agit
d'étendre cette obligation aux entreprises qui n'ont que des délégués du
personnel, en fait celles qui comptent de dix à cinquante salariés.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
M. le président.
« Art. 9. - L'article 885 O
bis
du code général des impôts est
complété,
in fine,
par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également considérées comme des biens professionnels les parts,
détenues par un salarié, de fonds commun de placement d'entreprise dont l'actif
est constitué au moins à 66 % par des actions de la société dans laquelle le
salarié exerce son activité professionnelle principale à la condition que ces
parts lui aient été délivrées dans les conditions prévues à l'article L. 443-6
du code du travail. »
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Il s'agit d'une disposition importante, puisqu'elle vise à
faire bénéficier les détenteurs d'actions obtenues dans le cadre de
l'actionnariat salarié ou par le biais des fonds de participation des
dispositions de l'ISF relatives aux biens professionnels.
Certains vont sourire. En réalité, l'expérience a prouvé que, grâce aux plans
d'actionnariat salarié, même des caissières d'entreprises de distribution
pouvaient avoir accumulé un capital de l'ordre de plus de 3 millions de francs.
En tout cas, cette disposition est extrêmement importante pour toutes les
entreprises du secteur de l'informatique, notamment, où les capitalisations
sont très élevées. Il n'y a pas de raison que les salariés aient moins
d'avantages que les dirigeants de grandes entreprises, qui ont parfois hérité
leurs actions de leurs parents.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
M. le président.
« Art. 10. - I. - Dans le troisième alinéa de l'article 208-10 de la loi n°
66-537 du 24 juillet 1966 précitée, le pourcentage : "10 %" est remplacé par le
pourcentage : "20 %".
« II. - Dans le second alinéa de l'article 208-14 de la même loi, les mots :
"ni celui des versements de chaque salarié, ni le maximum fixé par l'article 7
de l'ordonnance n° 67-694 du 17 août 1967" sont remplacés par les mots : "le
maximum fixé par l'article L. 443-7 du code du travail". »
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Cet article reprend une disposition de la proposition de loi
de M. Arthuis puisqu'il tend à actualiser les plans d'actionnariat issus de la
loi du 27 décembre 1973 en alignant notamment le plafond de l'abondement et le
montant de la décote sur ceux qui sont prévus dans le cadre des PEE.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article additionnel après l'article 10
M. le président.
Par amendement n° 1 rectifié, Mme Bocandé et les membres du groupe de l'Union
centriste proposent d'insérer, après l'article 10, un article additionnel ainsi
rédigé :
« Au début de l'article 639 du code général des impôts, après les mots : "A
défaut d'actes" ; sont insérés les mots : ", et à l'exception des cessions
réalisées au profit des salariés ou d'un fonds commun de placement d'entreprise
et des cessions réalisées par des salariés ou par un fonds commun de placement
d'entreprise, pour l'application d'un accord de participation des salariés aux
résultats de l'entreprise ou d'un règlement de plan d'épargne d'entreprise,".
»
La parole est à Mme Bocandé.
Mme Annick Bocandé.
La loi de finances pour 1999, dans son article 39, a introduit
l'assujettissement à l'enregistrement des cessions d'actions de sociétés non
cotées. Cela se traduit alors, en l'absence de constatation par un acte, par un
droit d'enregistrement d'un taux de 1 %.
Une telle disposition risque d'entraver le développement de l'actionnariat
salarié dans les sociétés non cotées. Cet amendement prévoit donc une
dérogation à cet enregistrement pour les cessions d'actions de sociétés non
cotées dans le cadre de l'actionnariat salarié.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
La commission est favorable à cet amendement car il va dans
le bon sens en favorisant l'actionnariat salarié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans les
conclusions du rapport, après l'article 10.
TITRE II
PARTICIPATION
DES SALARIÉS ACTIONNAIRES
Article 11
M. le président.
« Art. 11. - I. - Après le premier alinéa de l'article 93-1 de la loi n°
66-537 du 24 juillet 1966 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si l'assemblée générale extraordinaire ne s'est pas réunie dans un délai de
dix-huit mois à compter de la présentation du rapport établissant que les
actions détenues par le personnel de la société ainsi que par le personnel des
sociétés qui lui sont liées représentent plus de 5 % du capital social de la
société, tout actionnaire salarié de la société peut demander que soit inscrit
à l'ordre du jour, lors de la plus prochaine assemblée générale ordinaire, un
projet de résolution tendant à modifier les statuts dans le sens prévu à
l'alinéa précédent. En ce cas, l'inscription à l'ordre du jour du projet de
résolution est de droit et l'assemblée générale ordinaire devient une assemblée
générale mixte en application de l'article 153. »
« II. - Après le premier alinéa de l'article 129-2 de la même loi, il est
inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si l'assemblée générale extraordinaire ne s'est pas réunie dans un délai de
dix-huit mois à compter de la présentation du rapport établissant que les
actions détenues par le personnel de la société ainsi que par le personnel des
sociétés, qui lui sont liées représentent plus de 5 % du capital social de la
société, tout actionnaire salarié de la société peut demander que soit inscrit
à l'ordre du jour, lors de la plus prochaine assemblée générale ordinaire, un
projet de résolution tendant à modifier les statuts dans le sens prévu à
l'alinéa précédent. En ce cas, l'inscription à l'ordre du jour du projet de
résolution est de droit et l'assemblée générale ordinaire devient une assemblée
générale mixte en application de l'article 153. »
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
La loi du 25 juillet 1994 a instauré ce que j'appelle le «
rendez-vous obligatoire » : lorsque les salariés détiennent plus de 5 % du
capital de leur entreprise, les dirigeants doivent réunir une assemblée
extraordinaire dans les dix-huit mois afin de soumettre à l'assemblée une
motion tendant éventuellement à modifier les statuts de la société pour
permettre à des salariés actionnaires de siéger au conseil d'administration ou
au conseil de surveillance.
Il a été constaté que cette disposition n'était pas toujours appliquée. En
conséquence, la commission propose, au cas où, dans les dix-huit mois, une
assemblée n'aurait pas été convoquée par les dirigeants de l'entreprise, que
tout salarié actionnaire puisse déposer une motion de façon que le problème
soit réellement traité devant l'assemblée générale des actionnaires.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article 11.
M. Jean Arthuis.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
A titre personnel, je m'abstiendrai sur cet article car je n'ai pas pu me
faire une conviction.
Nous devons laisser les partenaires sociaux s'organiser. Un administrateur
assume des responsabilités importantes et je ne suis pas sûr que les
représentants des salariés ne seraient pas placés en porte-à-faux s'ils étaient
appelés à exercer de telles fonctions. En outre, les salariés sont déjà
représentés au sein des conseils d'administration.
Je ne veux pas faire de peine à M. Chérioux - il sait l'estime que je lui
porte - mais, sur cet article, je ne peux pas le suivre.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je crois que M. Arthuis n'a pas compris le sens de ma
proposition.
La loi prévoit ce que j'appelle le « rendez-vous obligatoire ». Or la loi,
dans certains cas, n'est pas appliquée, et cela est très regrettable. Envisager
des sanctions aurait été excessif, et c'est pourquoi nous proposons que les
salariés puissent évoquer le problème - l'assemblée décidant ensuite en toute
souveraineté - si les dirigeants d'entreprise avaient oublié de le faire.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12
M. le président.
« Art. 12. - Le Gouvernement adressera au Parlement, avant le 30 juin 2000, un
rapport présentant l'application des dispositions des articles 93-1 et 129-2 de
la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. » -
(Adopté.)
Article 13
M. le président.
« Art. 13. - Le deuxième alinéa de l'article 20 de la loi n° 88-1201 du 23
décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs
mobilières et portant création des fonds communs de créances est complété,
in fine,
par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, lorsque le fonds détient plus de 5 % du capital social de
l'entreprise ou de toute entreprise qui lui est liée au sens de l'article 208-4
de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, le
règlement prévoit que le conseil de surveillance est composé pour les trois
quarts au moins de représentants des salariés porteurs de parts. »
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Il s'agit d'abaisser de 10 % des droits de vote à 5 % du
capital de la société détenu par le Fonds commun le placement d'entreprise le
seuil à partir duquel le conseil de surveillance du fonds doit être composé de
75 % au moins de représentants des salariés, au lieu de 50 %.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 13.
(L'article 13 est adopté.)
Article 14
M. le président.
« Art. 14. - Après le quatrième alinéa de l'article 161 de la loi n° 66-537 du
24 juillet 1966 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette consultation est également obligatoire lorsque l'assemblée générale
extraordinaire doit se prononcer sur une modification des statuts en
application de l'article 93-1 ou de l'article 129-2 ou lorsque l'assemblée
générale doit se prononcer sur une éventuelle prise de contrôle de la société
au sens de l'article 355-1. »
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Il s'agit de la consultation des salariés actionnaires pour
favoriser la désignation de mandataires les représentant à l'assemblée
générale. Il est prévu, dans ce texte, que la consultation doit être
obligatoire dans un certain nombre de cas importants pour la vie de
l'entreprise.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
Articles 15 et 16
M. le président.
« Art. 15. - Le troisième alinéa de l'article 20 de la loi n° 88-1201 du 23
décembre 1988 précitée est complété,
in fine
, par une phrase ainsi
rédigée :
« Mais, dans ce cas, le règlement doit prévoir que le conseil de surveillance
exerce les droits de vote lorsque l'assemblée générale extraordinaire doit se
prononcer sur une modification des statuts en application de l'article 93-1 ou
de l'article 129-2 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés
commerciales, lorsque l'assemblée générale ordinaire doit nommer au conseil
d'administration ou au conseil de surveillance, selon le cas, un ou des
salariés actionnaires ou membres des conseils de surveillance des fonds communs
de placement d'entreprise détenant des actions de la société ou lorsque
l'assemblée générale doit se prononcer sur une éventuelle prise de contrôle de
la société au sens de l'article 355-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 19666.
» -
(Adopté.)
« Art. 16. - I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 444-1 du code du
travail, après les mots : "ou élus par les salariés", sont insérés les mots :
", ainsi que les membres du conseil de surveillance représentant les salariés
actionnaires des fonds communs de placement d'entreprise régis par le chapitre
III de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de
placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs
de créances,".
« II. - Dans le premier alinéa du même article, après les mots : "stage de
formation économique" sont insérés les mots : ", financière et juridique". »
-
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 16
M. le président.
Par amendement n° 4, M. Gournac et les membres du groupe du Rasssemblement
pour la République proposent d'insérer, après l'article 16, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 444-3 du code du travail, il est inséré un article L.
444-4 ainsi rédigé :
«
Art. L. 444-4. -
L'employeur est tenu de laisser à tout salarié,
désigné comme mandataire dans les conditions prévues à l'article 161 de la loi
n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, le temps nécessaire
pour se rendre et participer aux assemblées générales des actionnaires de la
société à la condition que le salarié mandataire ait reçu un nombre
significatif de pouvoirs émis par d'autres salariés actionnaires.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent
article. »
La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth.
Il s'agit de mettre fin à une situation à la fois absurde et injuste.
Actuellement, les salariés mandataires des salariés actionnaires sont dans
l'obligation de prendre des congés pour participer aux assemblées générales
d'actionnaires de leur entreprise, ce qui paraît quelque peu exagéré.
Cet amendement vise à permettre à ces salariés mandataires de bénéficier d'un
« crédit d'heures » afin qu'ils puissent se rendre et participer aux assemblées
générales, à la condition qu'ils aient reçu un nombre significatif de pouvoirs,
ce qui semble tout à fait légitime.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
L'avis de la commission est favorable car cet amendement va
dans le sens de l'article 16 que nous venons d'adopter. En effet, l'article 16
prévoit la possibilité de donner une formation aux représentants des salariés
actionnaires qui siègent dans les conseils de surveillance des fonds communs de
placements d'entreprise. En conséquence, il faut aussi leur donner le temps
nécessaire pour exercer leur mandat, et ce sans les pénaliser de quelque
manière que ce soit.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
La proposition contenue dans cet amendement serait une
bonne idée à creuser dans le cadre de la réforme.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans les
conclusions du rapport, après l'article 16.
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES
Articles 17
M. le président.
« Art. 17. - Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L.
444-2 du code du travail, après les mots : "plans d'épargne d'entreprise" sont
insérés les mots : ", l'actionnariat salarié". »
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Cet article vise à permettre au conseil supérieur de la
participation d'étendre sa compétence à l'actionnariat salarié, ce qui ne
figurait pas explicitement dans le texte de la loi qui l'a créé.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 17.
(L'article 17 est adopté.)
Article 18
M. le président.
« Art. 18. - L'article 157-2 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 précitée
est complété,
in fine,
par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret précise les sanctions applicables en cas de non-respect des
dispositions du présent article. »
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Cet article 18 est dans le même esprit que ce que nous avons
vu tout à l'heure en ce qui concerne le rendez-vous obligatoire, qui est
déclenché par la constatation que les salariés détiennent 5 % du capital.
Figure également dans le texte de la loi du 25 juillet 1994 une disposition qui
prévoit que les rapports du conseil d'administration doivent porter mention du
pourcentage de capital détenu par les salariés, disposition qui n'est pas
toujours respectée. Il est bon de prévoir une sanction, et l'article 18 renvoie
pour ce faire à un décret.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18.
(L'article 18 est adopté.)
Article 19
M. le président.
« Art. 19. - L'article L. 443-2 du code du travail est complété par deux
alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu'un salarié change d'entreprise, il peut verser sur le plan d'épargne
d'entreprise de sa nouvelle société les sommes issues de la liquidation des
avoirs acquis dans le cadre du plan d'épargne d'entreprise de la société qu'il
a quittée, sans qu'il soit tenu compte de la limite fixée à l'alinéa précédent.
Ce versement ne donne pas lieu au versement complémentaire prévu à l'article L.
443-7.
« Lorsqu'un salarié cesse d'exercer une activité professionnelle, il peut
verser sur le plan d'épargne d'entreprise de la dernière société avec laquelle
il a été lié par un contrat de travail les sommes issues de la liquidation des
avoirs acquis dans le cadre d'un ou de plusieurs plans d'épargne d'entreprise
auxquels il a adhéré. » -
(Adopté.)
Article 20
M. le président.
« Art. 20. - Le cinquième alinéa (3) de l'article L. 442-5 du code du travail
est complété, in fine, par une phrase ainsi rédigée :
« Ces sommes sont rémunérées pour tous les salariés à un taux identique qui ne
peut être inférieur à celui qui est fixé chaque année par arrêté ; ».
Par amendement n° 2, Mme Annick Bocandé et les membres du groupe de l'Union
centriste proposent de compléter
in fine
le texte proposé par cet
article pour le cinquième alinéa de l'article L. 442-5 du code du travail par
les mots : « du ministre chargé des finances ».
La parole est à Mme Bocandé.
Mme Annick Bocandé.
Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Avis favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 20, ainsi modifié.
(L'article 20 est adopté.)
Article additionnel après l'article 20
M. le président.
Par amendement n° 3, Mme Annick Bocandé et les membres du groupe de l'Union
centriste proposent d'insérer, après l'article 20, un article additionnel ainsi
rédigé :
« A la fin du deuxième alinéa de l'article L. 442-12 du code du travail, après
les mots : "à un taux fixé", sont insérés les mots : "chaque année". »
La parole est à Mme Bocandé.
Mme Annick Bocandé.
L'article 20 de la proposition de loi a prévu une révision annuelle du taux de
rémunération minimal des comptes courants bloqués pour le seul cas où un accord
de participation a été signé.
Cet amendement prévoit d'étendre, en l'absence d'accord de participation, ce
dispositif de révision annuelle de la rémunération des comptes courants
bloqués.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans les
conclusions du rapport, après l'article 20.
Article 21
M. le président.
« Art. 21. - Après l'article L. 443-6 du code du travail, il est inséré un
article ainsi rédigé :
« Art. L. 443-6-1 -
Lorsqu'un accord collectif le prévoit, le salarié
peut demander, après l'expiration du délai mentionné à l'article précédent et
sans pénalité, le transfert des sommes issues de la liquidation des avoirs
acquis dans le cadre du plan d'épargne d'entreprise vers un plan de retraite.
Dans ce cas, ces sommes sont exonérées des contributions et prélèvements prévus
aux articles L. 136-6 et L. 245-14 du code de la sécurité sociale. »
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Cet article tend à compléter les dispositions que le Sénat a
adoptées le 14 octobre dernier dans le cadre de la proposition de loi visant à
améliorer la protection sociale des salariés par le développement de l'épargne
retraite. Dans son article 7, celle-ci prévoit en effet la possibilité pour
tout salarié qui le souhaite de transférer les sommes placées sur son plan
d'épargne d'entreprise vers un plan de retraite.
Une telle solution est intéressante pour les salariés d'un certain âge, qui
n'auront pas le temps de se constituer une épargne importante dans le cadre
d'un éventuel futur plan de retraite.
Le présent article est donc un article de coordination avec cette disposition.
Ainsi le transfert sera-t-il possible, sans report d'imposition.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 21.
(L'article 21 est adopté.)
Division et articles additionnels après l'article 21
M. le président.
J'observe que, par un amendement n° 8, M. le rapporteur pour avis propose
d'insérer une division additionnelle après l'article 21.
Il m'apparaît qu'il convient de réserver cet amendement jusqu'après l'examen
de l'amendement n° 15.
Il n'y a pas d'opposition ?...
La réserve est ordonnée.
Par amendement n° 9, M. Trégouët, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 21, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 208-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés
commerciales est ainsi modifié :
« I. - Dans la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa, les mots : "80 % de"
sont supprimés.
« II. - Le dernier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Pour une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché
réglementé, les options ne peuvent être consenties :
« - dans le délai d'un mois précédant et suivant la date à laquelle les
comptes consolidés, ou à défaut les comptes annuels, sont rendus publics ;
« - dans un délai compris entre la date à laquelle les organes sociaux de la
société ont connaissance d'un événement qui, s'il était rendu public, pourrait
avoir une incidence significative sur le cours des titres de la société, et le
mois suivant la date à laquelle cet événement est rendu public. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. René Trégouët,
rapporteur pour avis.
Vient maintenant une petite « rafale »
d'amendements dans lesquels sont mis en forme ce que j'ai dit tout à l'heure à
propos de la volonté d'équilibre, dans les plans de souscription d'actions,
entre les contraintes et les avantages.
Ce premier article additionnel modifie sur deux points la rédaction de
l'article 208-1 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.
Tout d'abord, la possibilité de consentir un rabais sur le prix de
souscription dans la limite de 20 % de la moyenne des cours des vingt séances
de bourse précédentes est supprimée.
Défavorisés de par les prélèvements fiscaux et sociaux qu'ils subissent, et
assez rares dans la pratique, ces avantages, qui peuvent être néanmoins
discriminatoires, sont contraires à la logique même du plan d'options, qui doit
être un pari sur la valorisation future de la société, et non pas un cadeau sur
sa valeur passée.
D'autre part, nous reprenons telles quelles les dispositions de l'article 9 de
la proposition de loi de M. Arthuis - avec lesquelles nous sommes heureux
d'être en accord - relatives à la prévention des délits d'initiés.
Il s'agit de préciser dans la loi, sans que des décrets d'application soient
nécessaires, les périodes sensibles de la vie de l'entreprise durant
lesquelles, par souci de transparence, l'attribution d'options est
interdite.
L'ampleur de ce qu'on appelle les « fenêtres négatives » est ainsi précisée
soit un mois avant et après la publication des comptes consolidés ou annuels,
soit un mois avant que soient rendus publics des événements, dont les organes
sociaux ont eu connaissance, qui pourraient influer sur le cours des titres de
la société.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Comme je l'ai dit au début du débat, la commission des
affaires sociales a décidé, sur tous les amendements de la commission des
finances, de s'en remettre à la sagesse du Sénat, non pas qu'elle soit
dubitative, mais parce qu'elle considère tout simplement que c'est à la
commission des finances de prendre la responsabilité de ses choix.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est sensible aux préoccupations que
vous avez exprimées, mais ces deux sujets fondamentaux que sont les rabais et
les fenêtres négatives d'attribution d'options doivent faire l'objet du même
débat d'ensemble. Aussi le Gouvernement est-il défavorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. François Autain.
Le groupe socialiste vote contre.
M. Guy Fischer.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans les
conclusions du rapport, après l'article 21.
Par amendement n° 10, M. René Trégouët, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 21, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la première phrase du second alinéa de l'article 208-3 de la loi n°
66-537 du 24 juillet 1966 précitée, les mots : "2 et 4" sont remplacés par les
mots : "2, 3, 5, 6 et 7". »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. René Trégouët,
rapporteur pour avis.
Cet article additionnel est identique à l'article
10 de la proposition de loi de M. Arthuis.
Il est de pure coordination et tend à soumettre les options d'achat visées à
l'article 208-3 de la loi de juillet 1966 aux mêmes obligations que les options
de souscription s'agissant de la prévention des délits d'initiés, pour laquelle
nous suivons M. Arthuis, et de la suppression des rabais, que nous avons
ajoutée.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, pour lequel la commission s'en remet à la
sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans les
conclusions du rapport, après l'article 21.
Par amendement n° 11, M. René Trégouët, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 21, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le II de l'article 80
bis
du code général des impôts est supprimé.
»
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. René Trégouët,
rapporteur pour avis.
C'est un amendement de coordination fiscale.
Puisque nous supprimons le rabais, il nous semble logique d'abroger les
dispositions fiscales relatives à son imposition.
M. le président.
Nous connaissons l'avis de la commission.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, et
il aura la même position sur les amendements n°s 13 et 14.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans les
conclusions du rapport, après l'article 21.
Par amendement n° 12, M. René Trégouët, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 21, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 208-8 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 précitée est ainsi
rédigé :
«
Art. 208-8.
- L'assemblée générale extraordinaire fixe les
conditions dans lesquelles l'assemblée générale ordinaire est informée chaque
année des attributions nominatives d'options.
« Cette information nominative doit porter, au minimum, sur les options de
souscription ou d'achat d'actions de la société ou des sociétés ou groupements
qui lui sont liés consenties au cours de l'exercice écoulé et détenues par :
« - le président du conseil d'administration ou du directoire, les directeurs
généraux ou les gérants ;
« - les membres du conseil d'administration ou du directoire et du conseil de
surveillance ;
« - les dix salariés de la société et des sociétés ou groupements qui lui sont
liés, autres que les personnes mentionnées ci-dessus, pour lesquels le nombre
d'options consenties au cours de l'exercice écoulé est le plus élevé. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 17, présenté par M. Arthuis
et Mme Bocandé.
M. Grignon et les membres du groupe de l'Union centriste, et tendant à
compléter
in fine
le texte proposé par l'amendement n° 12 par un alinéa
ainsi rédigé :
« Une information générale sur les attributions d'options est par ailleurs
publiée en annexe du rapport de gestion annuel prévu par l'article 340, ainsi
qu'en annexe du bilan social lorsque ce dernier est obligatoire en application
de l'article L. 438-1 du code du travail. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
12.
M. René Trégouët,
rapporteur pour avis.
En ce qui concerne la transparence nominative des
options, la commission des finances réitère ses propositions que le Sénat avait
votées lors de la discussion du projet de loi sur l'innovation et la
recherche.
Actuellement, les conditions dans lesquelles l'assemblée générale ordinaire
est informée chaque année des attributions d'options sont déterminées par
décret.
Nous proposons que la loi elle-même charge l'assemblée générale extraordinaire
de le faire désormais et que l'article 208-8 de la loi de juillet 1966 soit
complété à cet effet.
Nous voulons faire préciser par la loi le minimum d'informations qui doivent
être communiquées à l'assemblée générale ordinaire.
Celle-ci devrait ainsi être tenue informée des options consenties aux
dirigeants, administrateurs et gérants de la société ou du groupe, ainsi qu'aux
dix salariés les plus avantagés en la matière.
Notre dispositif porte ainsi sur le contenu des informations nominatives
communiquées au sein de la société et du groupe.
L'article 11 de la proposition de loi de M. Arthuis concerne, lui, à première
vue, plutôt les modalités de publication de ces informations dans un rapport
spécial des commissaires aux comptes, ainsi qu'en annexe du rapport de gestion
annuel et du bilan social de l'entreprise.
Le texte de M. Arthuis renvoie à l'article 103 de la loi de juillet 1966,
relatif aux conventions passées entre une société et l'un de ses
administrateurs ou directeurs généraux.
Ces conventions, auxquelles M. Arthuis a l'excellente idée d'assimiler les
plans d'options sur actions, sont soumises à l'approbation du conseil
d'administration, de l'assemblée générale, et doivent faire l'objet d'un
rapport spécial des commissaires aux comptes.
Mais seuls semblent concernés les administrateurs et directeurs généraux,
alors que nous visons aussi les gérants et les dix salariés qui bénéficient des
plans les plus importants.
Cependant, tout en renvoyant à l'article 103, dont le champ d'application est
ainsi limité, M. Arthuis écrit, dans l'article 11 de sa proposition, que
l'information publiée « porte sur toutes les options accordées dans les
conditions prévues aux articles 208-1 à 208-7 », mais il précise bien dans son
exposé des motifs que l'article 11 ne crée une obligation d'information que sur
« les titulaires d'un poste de dirigeant ou d'administrateur ».
Une combinaison des deux dispositifs ne me paraît pas impossible, sous réserve
de la suppression de certaines redondances concernant l'extension aux sociétés
du groupe des mesures concernées.
Le contenu de l'information nominative serait celui, plus large, de la
commission des finances, et celui des modalités de publication, celui, plus
précis, de M. Arthuis.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis, pour défendre le sous-amendement n° 17.
M. Jean Arthuis.
Ce sous-amendement reprend le second alinéa de l'article 11 que j'avais
proposé au Sénat et qui est passé à la trappe en commission des finances, ce
que je comprends bien.
Monsieur le président, si M. René Trégouët n'y voit pas d'inconvénient, je
souhaite rectifier ce sous-amendement.
En effet, il est bon de prévoir, pour les dirigeants et pour les mandataires
sociaux, que les commissaires aux comptes visent le contenu relatif aux
dirigeants, cela en application des dispositions de l'article 103 de la loi du
24 juillet 1966.
En vue de la navette, il serait plus judicieux, à ce stade, d'ajouter un
premier alinéa précisant : « L'information nominative sur les attributions
d'options doit par ailleurs figurer dans le rapport spécial présenté par les
commissaires aux comptes en application de l'article 103. Cette information
concerne l'ensemble des sociétés entrant dans le périmètre de consolidation des
comptes. Elle porte sur toutes les options accordées dans les conditions
prévues aux articles 208-1 à 208-7. »
J'insiste sur la consolidation des comptes. En effet, vous pouvez avoir dans
un groupe - j'ai fait des constatations de cette nature - des options
consenties dans une autre société que celle qui emploie. Il est donc nécessaire
de lever toute ambiguïté.
De plus, cette idée de retenir la notion de consolidation me paraît aller dans
le sens de la transparence, transparence qui nous permettrait d'atteindre notre
objectif, qui est une meilleure régulation.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 17 rectifié, présenté par M.
Arthuis, Mme Bocandé, M. Grignon et les membres du groupe de l'Union centriste,
et tendant à compléter
in fine
le texte proposé par l'amendement n° 12
par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'information nominative sur les attributions d'options doit par ailleurs
figurer dans le rapport spécial présenté par les commissaires aux comptes en
application de l'article 103. Cette information concerne l'ensemble des
sociétés entrant dans le périmètre de consolidation des comptes. Elle porte sur
toutes les options accordées dans les conditions prévues aux articles 208-1 à
208-7.
« Une information générale sur les attributions d'options est par ailleurs
publiée en annexe du rapport de gestion annuel prévu par l'article 340, ainsi
qu'en annexe du bilan social lorsque ce dernier est obligatoire en application
de l'article L. 438-1 du code du travail. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
La commission n'a pas examiné ce sous-amendement. Elle s'en
remet, comme je l'ai précisé tout à l'heure, à la position que prendra M. le
rapporteur pour avis.
M. le président.
Quel est donc l'avis de la commission saisie pour avis ?
M. René Trégouët,
rapporteur pour avis.
La commission des finances est tout à fait
favorable à ce sous-amendement, qui améliorera la transparence, ce qui est
notre objectif.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement garde, bien sûr, la même position, à
savoir défavorable. Mais je confirme qu'il est déterminé à mettre, enfin, un
terme aux abus dont l'actualité récente a révélé de nouveaux exemples. Seules
des dispositions de moralisation permettant une plus grande transparence
mettront fin à ces abus, et le plus vite sera le mieux.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Je suis très heureux d'entendre Mme le secrétaire d'Etat
donner un coup de chapeau aux dispositions que nous venons d'examiner. Elle a
même terminé son intervention en souhaitant que ces dispositions entrent en
vigueur le plus rapidement possible.
La meilleure méthode pour qu'il en soit ainsi est donc que ce texte soit
adopté ! En effet, en attendant le résultat des études en cours, qui seront
certainement fort intéressantes, et l'application du texte, c'est une façon de
régler le problème, au moins à titre provisoire.
M. René Trégouët,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. René Trégouët,
rapporteur pour avis.
Je voudrais répondre à Mme le secrétaire d'Etat,
qui vient de reconnaître toute l'importance de notre proposition sur la
transparence, qu'il est selon moi très regrettable que le Gouvernement n'ait
pas accepté notre proposition en février dernier et qu'elle ne figure pas,
aujourd'hui, dans les plans de souscription d'options,...
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. René Trégouët,
rapporteur pour avis.
... car un événement s'est produit ces dernières
semaines qui aurait pu être évité si notre texte avait été adopté et appliqué
dès février dernier.
MM. Lucien Neuwirth et Jean Delaneau.
Très bien !
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Le mieux est l'ennemi du bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?... Je mets aux voix le sous-amendement n°
17 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 12.
M. Jean Arthuis.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Je me réjouis de ce vote qui est, selon moi, la bonne mesure pour assurer le
développement et la régulation de ces ouvertures d'options. Je ne sais pas si
cette disposition aurait conduit à éviter la situation que l'on a connue voilà
quelques semaines. Sans savoir à quoi fait référence M. Trégouët,...
M. Jean Delaneau.
Personne ne le sait !
(Sourires.)
M. Jean Arthuis.
... j'imagine quelques hypothèses !
Ce qui était choquant, au moment où on l'a su, c'est qu'apparemment personne
n'était au courant avant. Nous pensons que si cela avait été su une régulation
naturelle aurait peut-être eu lieu. En tout cas, elle eût été assumée par
l'ensemble des partenaires de l'entreprise en cause, qu'il s'agisse des
salariés ou des actionnaires.
Nous voulons lutter contre les décisions prises dans la pénombre et une
quasi-clandestinité. Si l'actionnariat doit être promu, il faut que ce soit
dans la transparence. Les différents partenaires, qu'ils soient salariés ou
actionnaires, doivent se reconnaître mutuellement et il est nécessaire que les
règles qui régissent leurs relations soient fondées sur la franchise et sur la
clarté.
Nous nous interdisons, en tant qu'hommes politiques élus de la nation, de
fixer quelque niveau que ce soit. Il appartient aux membres de la communauté
entreprenariale, dans la transparence, d'arbitrer les options de tel ou tel.
Ainsi, il n'y aurait plus, me semble-t-il, ces relents de soupçon et ce parfum
de scandale qui entourent certaines situations, parce que tout serait connu par
anticipation.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 12.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans les
conclusions du rapport après l'article 21.
Par amendement n° 13, M. Trégouët, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 21, un article additionnnel ainsi rédigé
:
« Dans le premier alinéa du I de l'article 163
bis
C du code général
des impôts, les mots : "cinq années" sont remplacés par les mots : "trois
années". »
Par amendement n° 14, M. Trégouët, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 21, un article additionnel ainsi rédigé :
« Au début du 6 de l'article 200 A du code général des impôts, sont ajoutés
les mots : "Si les actions sont cédées moins d'un an après la date de levée de
l'option". »
La parole est M. le rapporteur pour avis, pour présenter ces deux
amendements.
M. René Trégouët,
rapporteur pour avis.
Les amendements n°s 13 et 14 sont liés et nous
sommes là au coeur de la différence entre le dispositif de M. Arthuis et celui
de la commission des finances.
Nous sommes cependant d'accord pour que l'octroi du régime fisal le plus
avantageux, c'est-à-dire celui de l'imposition des plus-values sur valeurs
mobilières, soit subordonné à une certaine durée de détention des titres, ce
qu'on appelle une « indisponibilité fiscale ». M. Arthuis propose cinq ans
entre l'attribution des options et la cession des titres ; nous sommes
favorables à trois ans, pour tenir compte du raccourcissement des cycles
économiques et boursiers.
Cependant, nous sommes partisans du rétablissement, à l'intérieur de ces trois
ans, de ce qu'on appelle un délai de « portage » d'un an entre la levée de
l'option et la cession effective.
De ce fait, nous allons moins loin que M. Arthuis dans la simplication du
régime des plans d'options sur actions, car nous maintenons un distinction
entre plus-value d'acquisition, entre l'attribution et la levée de l'option, et
plus-value de cession, entre la levée de l'option et la cession du titre.
La proposition de M. Arthuis correspond, en fait, à la pratique, car, dans les
cas les plus fréquents, la levée de l'option et la vente du titre sont quasi
simultanées.
L'intéressé peut emprunter pour acheter au prix de souscription et revendre
immédiatement, en empochant la plus-value d'acquisition, sans avoir eu à
débourser la moindre somme. Ce gain s'apparente, dans cette hypothèse, à un
revenu différé.
Aussi, pour justifier, sur le plan fiscal, le bénéfice du régime des
plus-values sur valeurs mobilières nous paraît-il souhaitable que le titulaire
d'options se comporte un tant soit peu comme un actionnaire normal,
c'est-à-dire qu'il achète ses titres et les conserve un minimum de temps.
A condition qu'aient été respectés les trois ans d'indisponibilité, dont un an
de portage, l'ensemble de la plus-value réalisée entre l'attribution et la
cession de l'option serait taxé au taux réduit de 16 %-26 % avec les
prélèvements sociaux. En cas de non-respect du délai de portage, le taux
spécifique de 30 % applicable aux plus-values d'acquisition jouerait et,
lorsque les actions seraient vendues avant l'expiration de l'indisponibilité de
trois ans, la plus-value serait soumise, comme un salaire, à l'impôt sur le
revenu.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Jean Arthuis.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Je rassure tout de suite mon ami M. Trégouët : je voterai cette disposition.
Toutefois, je veux le rendre attentif à l'exigence de simplification.
En effet, pour ceux qui en ont les moyens, cette condition de portage d'un an
sera facilement contournée par de l'ingénierie financière.
Je ne suis donc pas certain qu'on atteigne véritablement l'objectif fixé. Je
souhaitais formuler cette réserve.
Le calcul à deux stades de la plus-value, le premier se situant au moment de
la levée de l'option, complique le système. Il serait plus simple de constater
la plus-value au moment de la cession. C'est la différence entre le prix de
cession et le prix d'achat.
La saisine d'une valeur intermédiaire complique considérablement le système et
je veux rendre M. Trégouët attentif à ces contraintes. Mais nous aurons
certainement l'occasion d'en reparler, mon cher collègue.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13.
M. François Autain.
Le groupe socialiste vote contre.
M. Guy Fischer.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans les
conclusions du rapport, après l'article 21.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14.
M. François Autain.
Le groupe socialiste vote contre.
M. Guy Fischer.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans les
conclusions du rapport, après l'article 21.
Par amendement n° 15, M. Trégouët, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 21, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est
abrogé. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. René Trégouët,
rapporteur pour avis.
Cet amendement tend à revenir à la situation
antérieure à la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997,
c'est-à-dire à une exonération totale de cotisations des plus-values
d'acquisition sur options de souscription ou d'achat d'actions. L'abrogation,
par cet amendement, du deuxième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la
sécurité sociale justifie la suppression, que le Sénat a adoptée, du paragraphe
IV de l'article 5 du texte de la commission des affaires sociales, dont l'objet
initial se trouve ainsi satisfait.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Cet amendement a pour objet de supprimer
l'assujettissement aux cotisations sociales des plus-values d'acquisition des
options qui ne respectent pas les conditions qui deviendraient légales. Le
Gouvernement ne peut que s'opposer à un tel amendement, qui va totalement à
l'encontre de ses orientations. Quelle que soit l'évolution des modalités, le
principe d'une contribution de ces plus-values au financement de la solidarité
doit demeurer.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.
M. François Autain.
Le groupe socialiste vote contre.
M. Guy Fischer.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans les
conclusions du rapport, après l'article 21.
Nous en revenons à l'amendement n° 8, précédemment réservé.
Par amendement n° 8, M. Trégouët, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 21, une division additionnelle ainsi rédigée
: « Titre IV. - Régulation et développement des plans d'options sur actions
».
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. René Trégouët,
rapporteur pour avis.
Cet amendement tend à rédiger l'intitulé de la
division dont le Sénat vient de voter l'insertion article par article.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans les
conclusions du rapport, après l'article 21.
Article 22
M. le président.
« Art. 22. - Les pertes de recettes pour l'Etat et pour les organismes de
sécurité sociale résultant de la présente loi sont compensées, à due
concurrence, par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts. »
- (Adopté.)
Intitulé
M. le président.
La commission des affaires sociales propose de rédiger comme suit l'intitulé
de la proposition de loi : « Proposition de loi tendant à favoriser le
partenariat social par le développement de l'actionnariat salarié. »
M. Jean Arthuis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Je souscris à cette proposition, quoique je trouve cet intitulé un tout petit
peu restrictif.
M. le président.
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé est ainsi rédigé !
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission, je donne
la parole à Mme Bocandé, pour explication de vote.
Mme Annick Bocandé.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous
arrivons au terme d'un débat sur l'épargne salariale. En un temps forcément
limité, nous avons su, je crois, aborder au fond les différentes questions en
suspens sans
a priori
politicien.
La première question était de savoir dans quelle mesure il fallait améliorer
les systèmes existants. En l'occurrence, le Sénat et sa majorité ont fait
preuve de responsabilité et de réalisme dans les différentes propositions ayant
un impact financier pour l'Etat et les entreprises. La tentation serait grande,
pourtant, de céder à la démagogie s'agissant d'une telle proposition de loi.
Or, au niveau de mon groupe parlementaire comme de la commission des affaires
sociales, en concertation avec les différents acteurs du système, syndicats et
chefs d'entreprise, nous sommes arrivés à la conclusion qu'une réforme efficace
doit être, dans un premier temps, relativement ciblée, qu'il s'agisse de la
distribution d'actions aux salariés dans des conditions privilégiées à
l'occasion d'une augmentation de capital ou de la relance des plans
d'actionnariat de la loi de 1973. Cela ne doit pas nous empêcher, évidemment,
de réfléchir à des évolutions plus ambitieuses dans l'avenir et, notamment, à
une refonte de certains dispositifs redondants ou d'un impact trop limité. J'ai
noté à ce sujet un certain consensus.
Notre souci a été également d'éviter de mettre en péril, d'une manière ou
d'une autre, un système qui a fait ses preuves, le plan d'épargne d'entreprise,
qui permet à près de trois millions de salariés de profiter directement de
l'embellie actuelle du marché boursier.
La deuxième question qui nous était posée était de savoir s'il fallait inclure
ou non dans le projet sénatorial un volet relativement plus complet sur les
options de souscriptions d'actions compte tenu de l'évolution économique. Jean
Arthuis et le groupe de l'Union centriste ont jugé que c'était
indispensable.
Le Sénat ne pouvait pas laisser dans l'ombre le problème de la fiscalité ou de
la transparence des plans d'options par actions, qui se développent de plus en
plus en France et à l'étranger. Le débat amorcé sur le projet « Innovation et
Recherche » avait fait long feu en toute fin de session en juin dernier.
Je tiens à saluer les propositions de la commission des finances, qui nous ont
permis d'approfondir ce débat, bien que, vous le savez, monsieur le président,
madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon groupe aurait souhaité
une avancée plus significative.
La troisième et dernière question qui nous était posée était relative à
l'indispensable développement de l'actionnariat salarié dans les PME et les
PMI.
Cette préoccupation est largement prise en compte dans les propositions du
Sénat, que ce soit en cas d'augmentation du capital ou grâce à la mise en place
de plans interentreprises.
Pour conclure, je féliciterai notre rapporteur, M. Jean Chérioux, ainsi que
les commissions des affaires sociales et des finances pour le travail
effectué.
Sous réserve de ces observations, je voterai avec le groupe de l'Union
centriste les conclusions de la commission des affaires sociales sur les
propositions de loi relatives au développement du partenariat social et de
l'actionnariat salarié.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
cosignataire de ce texte tendant à favoriser le développement de l'actionnariat
salarié, je veux expliquer notre vote.
Ce texte aurait dû venir en discussion voilà vingt ans. Que de bénéfices
communs n'en aurions-nous pas tirés !
M. François Autain.
Et pourtant vous étiez au pouvoir !
M. Lucien Neuwirth.
Mais ne pleurons pas sur le lait renversé !
Il faut quelquefois du temps, mon cher collègue Autain, pour que les
mentalités évoluent, et puis-je dire que certaines situations scandaleuses
aident à ce que des prises de conscience se produisent ?
Entre autres, comment obtenir le progrès dans la productivité sinon par la
coopération active de tous ceux qui travaillent dans l'entreprise ? Comment y
parvenir sans que chacun y ait intérêt ? C'est là une question de bon sens !
Le capital et le travail sont indispensables tous deux à l'entreprise, dont
l'avenir les concerne tous deux. Les deux ont une même vocation à en tirer
intérêt.
La proposition de loi de notre collègue Chérioux, que nous voulons féliciter
pour sa pugnacité et pour la conviction qu'il a mise dans ce combat, marque un
nouveau départ vers cet avenir qu'attendent depuis longtemps non seulement les
gaullistes sociaux, mais aussi bien d'autres.
L'essentiel était que le débat public s'ouvre au sein de la représentation
nationale, puis dans le pays tout entier.
La mondialisation est là, il faut que nous disions quelle place nous voulons
donner à l'homme qui travaille dans la société. Il n'y a qu'un combat qui
vaille : le combat pour l'homme.
Une nation qui porte ses antagonismes n'a pas d'avenir ; mais une nation qui
partage le fruit de son travail avance au pas du monde.
Voilà pourquoi nous voterons unanimement ce texte, qui est, je l'espère, un
signe des temps nouveaux.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Il arrive que les temps nouveaux soient des temps de nostalgie et de tristesse
!
M. François Autain.
Oh !
M. Emmanuel Hamel.
Avant le vote de cette importante et positive proposition de loi de notre
éminent collègue Jean Chérioux, je crois devoir exprimer publiquement mon
émotion d'avoir lu, à la page 6 du feuilleton de la séance d'aujourd'hui, que,
à compter du 16 décembre à minuit, soit dans moins de cinq heures, le mandat de
sénateur de notre éminent collègue M. Pasqua prendra fin.
Il nous quitte pour servir son idée de la France au Parlement européen.
Il laisse à notre assemblée un grand souvenir.
Je salue son départ avec nostalgie. Le scrutin public qui va intervenir sera
donc le dernier auquel il participera.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
groupe de l'Union centriste, Mme Bocandé vient de le dire, votera cette
proposition de loi telle qu'elle résulte des délibérations du Sénat.
Je me réjouis de ce que les deux propositions de loi, celle qui émanait de M.
Chérioux et la nôtre, aient pu converger et faire l'objet d'une discussion
commune. Je remercie d'ailleurs M. Chérioux, qui a rapporté les deux textes
avec objectivité et une extrême courtoisie.
Je veux également adresser des remerciements à M. Trégouët.
Mon cher collègue, si, au cours de la discussion, des nuances sont apparues
dans nos propos respectifs, sur le fond nous sommes en pleine cohérence, et le
Parlement n'est-il pas là pour que le débat ait lieu ?
Au demeurant, l'important est que nous ayons pris cette initiative.
Nous sommes en 1999. L'ouverture au marché européen, l'ouverture au monde,
doivent cesser d'inspirer la crainte et quelquefois le repli ou l'angoisse chez
certains de nos compatriotes. Il nous appartient de faire vivre des communautés
dynamiques. Les entreprises ne sont plus des lieux d'affrontement et, s'il y a
aujourd'hui inflation des actifs, veillons à ce que ces actifs soient répartis
entre tous les membres de la communauté, en particulier au profit des
salariés.
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
J'indiquerai simplement que les nombreux amendements qui ont finalement été
adoptés au cours de la discussion des articles n'ont pas modifié la position du
groupe socialiste, position que j'avais définie lors de la discussion
générale.
Je regrette que ce texte, qui sera sans aucun doute adopté par le Sénat,
interfère avec la concertation que le Gouvernement a mise en oeuvre et qui,
comme je l'indiquais tout à l'heure, va donner lieu à un rapport.
Ce que je souhaite c'est que le rythme de la navette, si navette il y a,
s'adapte aux délais que le Gouvernement s'est fixés pour mener à son terme
cette consultation absolument nécessaire qu'il a engagée avant de légiférer.
On pourrait, certes, lui reprocher d'avoir un peu tardé, mais je peux
garantir, notamment à mon collègue M. Neuwirth, qu'il ne lui faudra pas vingt
ans pour prendre des dispositions dans ce domaine très sensible !
Nous sommes tous d'accord pour considérer le sujet comme très important. Et,
soyez-en sûrs, dans des délais rapides, le Gouvernement prendra position.
Nous serons alors, bien entendu, à ses côtés.
Mais, aujourd'hui, nous nous trouvons dans l'obligation de voter contre ce
texte.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je tiens à saluer
l'enthousiasme et la ténacité de notre collègue Jean Chérioux, qui étudie ce
problème depuis de nombreux mois. Il a conduit la commission à réfléchir avec
lui en présentant un rapport d'information avant même que cette proposition de
loi ne voie le jour et que M. Arthuis et les membres du groupe de l'Union
centriste ne déposent une seconde proposition de loi, ce dont nous nous
réjouissons.
Je souhaite remercier la commission des finances, avec laquelle nous
entretenons d'excellents rapports. En effet, le budget, d'abord, la loi de
financement de la sécurité sociale, ensuite, représentent une grande part de la
masse financière qui circule dans notre pays et nous veillons scrupuleusement à
ce que les compétences des uns et des autres soient respectées, le tout dans un
excellent esprit.
Madame la secrétaire d'Etat, monsieur Autain, quel bel argument que le vôtre :
ce n'est pas mal, ce pourrait être bien, même,...
M. François Autain.
Ce pourrait être mieux !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
... mais nous sommes en
train de réfléchir... Nous n'allons donc pas laisser interférer une espèce de
petite loi dans le grand projet de société que prépare l'actuelle majorité.
Vous jetez un regard condescendant sur les propositions de MM. les rapporteurs
et vous dites : « Attendez de voir le texte qui va sortir !... » Mais quand
?
M. François Autain.
Avant vingt ans !
(Sourires.)
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Dans le programme d'ici
au mois de juin prochain présenté par le ministre des relations avec le
Parlement, je n'ai pas vu le moindre début de commencement d'un texte
strictement spécifique sur ce sujet. En revanche, il est d'ores et déjà
probable que d'autres textes qui y figurent seront reportés à la fin de
l'année, voire au début de l'année prochaine. Et je m'adresse là à mes
collègues de la commission des affaires sociales : le grand toilettage de la
politique de la santé qui nous était promis pour le printemps serait maintenant
repoussé probablement à 2001.
Ainsi, de report en report, l'emploi du temps de nos assemblées étant
surchargé, on ne voit rien venir. Ce n'est pas spécifique à l'actuel
gouvernement ! Nous avons pu également le constater à d'autres occasions.
Depuis la réforme de la Constitution, « une séance par mois est réservée par
priorité à l'ordre du jour fixé par chaque assemblée ». Vous n'empêcherez donc
pas le Sénat d'essayer de faire avancer les choses !
Nous ne vous croyons pas lorsque vous dites que ces propositions de loi feront
l'objet d'une navette. En effet, si le Gouvernement inscrit à l'ordre du jour
prioritaire du Sénat des textes qui sont proposés par la majorité de
l'Assemblée nationale, en revanche, très peu de textes présentés par le Sénat
sont soumis à l'Assemblée nationale. M. le ministre des relations avec le
Parlement nous en a promis deux aujourd'hui. C'est un événement, car voilà très
longtemps que nous le réclamions.
Par conséquent, nous savons que ce texte ne sera pas présenté à l'Assemblée
nationale, pour les raisons qui ont été exposées. Cela signifie qu'une grande
réflexion ne sera pas engagée sur ce sujet à l'Assemblée nationale !
M. le président.
Avant de consulter la Haute Assemblée, je souhaite à mon tour vous féliciter,
monsieur Chérioux, pour le travail réalisé. Je sais bien que le président de
séance est tenu au devoir de réserve, mais, d'après ce que j'ai cru comprendre,
mon propos ne devrait pas modifier profondément le résultat du vote. Je tiens
donc à souligner votre pugnacité et votre compétence, sous oublier, bien sûr,
la sportivité de M. Jean Arthuis, qui se range, après avoir lui-même déposé une
proposition de loi sur le même sujet, aux conclusions du rapport de la
commission.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions modifiées du rapport de la commission des
affaires sociales sur les propositions de loi n°s 52 et 87 (1999-2000).
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
26:
Nombre de votants | 312 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 214 |
Contre | 98 |
10
REMPLACEMENT
D'UN SÉNATEUR DÉMISSIONNAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat que M. Roger Karoutchi est appelé à remplacer en qualité de sénateur des Hauts-de-Seine, à compter du 17 décembre 1999, M. Charles Pasqua, démissionnaire de son mandat.
11
DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Président du Conseil constitutionnel, par
lettre en date du 16 décembre 1999, le texte de la décision rendue par le
Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi
portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption
de la partie législative de certains codes.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au
Journal
officiel
, édition des lois et décrets.
12
DÉPÔT DE PROJETS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'adhésion de
la République française à la Convention internationale d'assistance mutuelle
administrative en vue de prévenir, de rechercher et de réprimer les infractions
douanières (ensemble 11 annexes).
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 137, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la
ratification de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité
sur l'Union européenne, relative à l'assistance mutuelle et à la coopération
entre les administrations douanières (ensemble une annexe).
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 138, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
13
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Gérard Le Cam, Robert Bret, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM.
Guy Fischer, Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM.
Michel Duffour, Thierry Foucaud, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène
Luc, MM. Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi
tendant à instaurer un coefficient multiplicateur entre le prix d'achat et le
prix de vente des fruits et légumes périssables non stockables en cas de crise
conjoncturelle.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 139, distribuée et renvoyée à
la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de M. Guy Fischer, Mmes Nicole Borvo, Marie-Claude Beaudeau, M.
Jean-Luc Bécart, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Robert Bret, Michel Duffour,
Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc,
MM. Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi
relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et
décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 140, distribuée et renvoyée à
la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques
de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission
spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
14
TRANSMISSION DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à modifier l'article 6
ter
de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des
assemblées parlementaires.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 141, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires économiques et du plan.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale, portant création de la chaîne parlementaire.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 142, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.15
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 2658/87
relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier
commun.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1372 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous
forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et la République de
Malte modifiant l'accord créant une association entre la Communauté économique
européenne et Malte.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1373 et distribué.
16
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Pierre Plancade un rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification sur les conséquences macroéconomiques du vieillissement démographique.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 143 et distribué.17
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au lundi 20 décembre 1999, à dix heures, à quinze heures et le soir :
1. Sous réserve de sa transmission, discussion en nouvelle lecture du projet
de loi de finances pour 2000.
Rapport de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Délai limite pour le dépôt des amendements : samedi 18 décembre 1999, à seize
heures.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du projet de loi.
2. Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 1999 (n° 127,
1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale.
Rapport de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Délai limite pour le dépôt des amendements : samedi 18 décembre 1999, à seize
heures.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble de la première partie.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du projet de loi.
Délais limites pour le dépôt des amendements
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant création de la
chaîne parlementaire (n° 142, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion
générale.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de
loi de finances rectificative pour 1999 :
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion
générale.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ERRATUM
A la suite du compte rendu intégral
de la séance du 29 novembre 1999
Page 6457, 2e colonne, à la 17e ligne de la question orale n° 667 de Mme
Marie-Claude Beaudeau à M le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie :
Au lieu de :
« Elle lui demande si une loi n'est pas devenue nécessaire
instituant une véritable séparation entre activités d'intérêt général et
activités financières concurrentielles, assurant une transparence et un
contrôle démocratique de la CDC par les citoyens et le Parlement et conservant
les personnels de la CDC et leur statut. »,
Lire :
« Elle lui demande si une loi n'est pas devenue nécessaire
rejetant toute véritable séparation entre activités d'intérêt général et
activités financières concurrentielles, assurant une transparence et un
contrôle démocratique de la CDC par les citoyens et le Parlement, conservant
l'ensemble des personnels et leur statut. »
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du jeudi 16 décembre 1999 à la suite des
conclusions de la conférence des présidents
Lundi 20 décembre 1999,
à
10 heures,
à
15 heures
et le
soir :
Ordre du jour prioritaire
1° Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi de
finances pour 2000.
(La conférence des présidents a fixé au samedi 18 décembre 1999, à 16
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Projet de loi de finances rectificative pour 1999, adopté par l'Assemblée
nationale (n° 127, 1999-2000.)
(La conférence des présidents a fixé au samedi 18 décembre 1999, à 16
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Mardi 21 décembre 1999,
à
16 heures
et, éventuellement, le soir :
1° Dix-sept questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera
fixé ultérieurement) :
- n° 629 de M. Jean Chérioux à M. le ministre des affaires étrangères
(Situation au Timor-Oriental) ;
- n° 648 de M. Claude Domeizel à M. le ministre de la défense (Nuisances
sonores causées par l'entraînement des élèves de l'école de l'air de
Salon-de-Provence) ;
- n° 646 de M. Jacques Pelletier à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à
l'action sociale (Indemnisation pour les victimes de l'hépatite C) ;
- n° 652 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de l'éducation nationale, de
la recherche et de la technologie (Situation du lycée Henri-Potez à Méaulte
[Somme]) ;
- n° 623 de M. Bernard Fournier à Mme le garde des sceaux, ministre de la
justice (Avenir des tribunaux de commerce) ;
- n° 630 de M. Adrien Gouteyron à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Contrat de plan en Haute-Loire) ;
- n° 641 de M. Serge Franchis à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (Entretien des ouvrages d'art de franchissement de canaux) ;
- n° 609 de M. Dominique Braye à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche (Application de la loi sur les animaux dangereux et errants) ;
- n° 635 de M. François Marc à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(Renouvellement de la flotte de pêche) ;
- n° 651 de M. Jean-Pierre Demerliat à M. le ministre de l'agriculture et de
la pêche (Prime compensatrice ovine) ;
- n° 656 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (Contribution représentative du droit de bail sur les locations
de chasse en Alsace-Moselle).
- n° 649 de M. Jean-Claude Carle à M. le ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie (Coût des interventions des collectivités locales sur le
domaine de l'Etat) ;
- n° 636 de M. René Marquès transmise à Mme le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement (Danger de la chasse au sanglier dans les
Pyrénées-Orientales) ;
- n° 637 de M. Joseph Ostermann à M. le ministre de l'intérieur (Elargissement
des missions du fonds de garantie contre les accidents de la circulation) ;
- n° 654 de Mme Josette Durrieu à M. le ministre de l'intérieur (Financement
des services départementaux d'incendie et de secours) ;
- n° 657 de M. Jean-Claude Peyronnet à M. le ministre de l'intérieur
(Adhésions des collectivités locales à des associations) ;
- n° 653 de M. Ivan Renar à Mme le ministre de la culture et de la
communication (Concentrations dans la presse régionale).
Ordre du jour prioritaire
2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant création de
la chaîne parlementaire (n° 142, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé à l'ouverture de la discussion
générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi
modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise
en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des
dotations de l'Etat aux collectivités locales (n° 130, 1999-2000).
Mercredi 22 décembre 1999,
à
15 heures
et, éventuellement, le
soir :
Ordre du jour prioritaire
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de
loi de finances rectificative pour 1999.
(La conférence des présidents a fixé à l'ouverture de la discussion
générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Mardi 18 janvier 2000,
A
9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions
sera fixé ultérieurement) :
- n° 599 de M. Guy Vissac à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(Situation des entrepreneurs de travaux forestiers) ;
- n° 621 de M. Auguste Cazalet à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Recommandations de l'IATA concernant le contrôle
aérien) ;
- n° 626 de M. Gérard Delfau à Mme le ministre de la culture et de la
communication (Situation des diffuseurs de presse et des libraires) ;
- n° 634 de M. Nicolas About à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à
l'action sociale (Moyens de lutte contre la douleur) ;
- n° 638 de M. Philippe Richert à M. le ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie (Conséquences de la baisse de la TVA à 5,5 % sur les travaux
d'entretien) ;
- n° 640 de M. Yann Gaillard à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(Titres exigés des médecins de prévention) ;
- n° 645 de M. Alain Dufaut à M. le ministre de l'intérieur (Découpage des
cantons) ;
- n° 647 de M. Jean-Patrick Courtois transmise à M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie (Assujettissement à la TVA des subventions
d'investissement) ;
- n° 658 de M. Bernard Cazeau à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie
(Monopole de Gaz de France sur l'importation et l'exportation de gaz naturel)
;
- n° 659 de M. Georges Mouly à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(Financement des équipes de préparation et de suite du reclassement des
travailleurs handicapés) ;
- n° 660 de M. Pierre-Yvon Trémel à M. le ministre de l'éducation nationale,
de la recherche et de la technologie (Situation de l'enseignement bilingue
français-breton) ;
- n° 661 de M. Jean-Pierre Raffarin à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et
moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat (Développement des magasins
d'usine) ;
- n° 663 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche (Problèmes de l'élevage ovin) ;
- n° 664 de Mme Danielle Bidard-Reydet à M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie (Taxe professionnelle de Pantin) ;
- n° 665 de M. Jean Pépin à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes
entreprises, au commerce et à l'artisanat (Validation de la qualification
professionnelle des coiffeurs non diplômés) ;
- n° 667 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie (Réforme de la Caisse des dépôts et consignations)
;
- n° 668 de M. Hubert Haenel à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (Régionalisation du transport ferroviaire de voyageurs) ;
- n° 670 de M. Josselin de Rohan à M. le ministre de l'intérieur
(Réglementation des « rave party ») ;
A
16 heures
et, éventuellement, le soir :
2° Eloge funèbre d'Alain Peyrefitte.
Ordre du jour prioritaire
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n°
86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (n° 392,
1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 18 janvier 2000, à 18 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le lundi 17 janvier 2000.)
Mercredi 19 janvier 2000,
à
15 heures
et le soir :
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n°
86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (n° 392,
1998-1999).
Jeudi 20 janvier 2000 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi
n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (n° 392,
1998-1999).
A
15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance, avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Lundi 24 janvier 2000,
à
9 h 30
et à
14 h 45 :
Réunion du Parlement en Congrès pour le vote sur :
- le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la
magistrature ;
- le projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la
Nouvelle-Calédonie.
(Le temps de parole imparti à l'orateur de chaque groupe a été fixé à dix
minutes maximum ; les deux scrutins auront lieu dans les salles voisines de
l'hémicycle.)
Mardi 25 janvier 2000,
à
10 h 30
et à
16 heures :
Ordre du jour prioritaire
Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif à
la modernisation et au développement du service public de l'électricité (AN, n°
1840).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 24 janvier 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le lundi 24 janvier 2000.)
Mercredi 26 janvier 2000,
à
15 heures :
Ordre du jour prioritaire
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la
création d'un Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC)
(n° 19, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 25 janvier 2000, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer
le rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais
traitements à enfants (n° 125, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 25 janvier 2000, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Jeudi 27 janvier 2000,
à
9 h 30
et à
15 heures :
Ordre du jour réservé
1° Proposition de loi de M. Pierre Fauchon tendant à préciser la définition
des délits non intentionnels (n° 9 rect., 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 25 janvier 2000, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Proposition de loi de M. Serge Lagauche et des membres du groupe socialiste
et apparentés relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la
loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines
restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de
police, de gendarmerie et de douane (n° 444, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 26 janvier 2000, à 17
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Proposition de loi de M. Bernard Joly tendant à permettre la dévolution
directe de tous les biens vacants et sans maître à la commune en lieu et place
de l'Etat (n° 325, 1998-1999).
Mardi 1er février 2000,
à
10 heures
et à
16 heures :
Ordre du jour prioritaire
Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit
communautaire dans le domaine des transports (n° 484, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 31 janvier 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion
générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le lundi 31 janvier 2000.)
Mercredi 2 février 2000,
à
15 heures :
Ordre du jour prioritaire
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accueil et à
l'habitat des gens du voyage (n° 460, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 1er février 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le mardi 1er février 2000.)
Jeudi 3 février 2000 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à
l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n° 460, 1998-1999).
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant création d'une
commission nationale de déontologie de la sécurité (n° 480, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 1er février 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion
générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le mardi 1er février 2000.)
A
15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance, avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
A N N E X E I
Questions orales sans débat inscrites
à l'ordre du jour de la séance du mardi 21 décembre 1999
N° 629. - M. Jean Chérioux se propose d'interroger M. le ministre des
affaires étrangères sur la situation au Timor-Oriental. Il souhaite, en
particulier, connaître l'aide qu'apporte la France à ce pays et les
conséquences juridiques qu'elle a tirées de l'accession de ce nouvel Etat à
l'indépendance.
N° 648. - M. Claude Domeizel rappelle à M. le ministre de la défense les
nombreuses actions menées pour alerter son ministère sur les nuisances sonores
occasionnées par les avions Tucano de l'école de l'air de Salon. Les élus et
les habitants des quatre départements concernés se mobilisent régulièrement
sans qu'aucune réponse satisfaisante leur soit apportée. Ces avions, qui
décollent plusieurs fois par semaine de Salon pour différents exercices
(survols à basse altitude, voltige), engendrent des nuisances sonores dépassant
notablement les seuils admis par le code de la santé publique. Les tentatives
d'amélioration telles que l'étalement des exercices dans l'espace et dans le
temps, n'ont pas donné satisfaction. Les nuisances persistent et continuent à
dégrader les conditions de vie des habitants et à mettre en danger la vocation
touristique de ces régions. Aussi, il lui demande quels moyens pourraient être
mis en oeuvre dès à présent pour que cesse définitivement une situation qui
perdure et affecte gravement toute une région.
N° 646. - M. Jacques Pelletier appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat
à la santé et à l'action sociale sur la situation des victimes de l'hépatite C
contractée lors de transfusions sanguines. Il lui indique le cas malheureux
d'une personne de son département qui, ayant subi plusieurs transfusions en
1986 suite à un accident de la circulation, a découvert en 1990, à l'occasion
d'une intervention chirurgicale, qu'elle était porteuse du virus de l'hépatite
C. Selon les experts qui se sont penchés sur le dossier, il ne peut y avoir
d'autre cause de contamination que la transfusion. C'est pourquoi, il lui
demande si, comme pour les victimes du sida et selon l'avis du Conseil d'Etat,
une indemnisation des victimes de l'hépatite C contractée lors d'une
transfusion sanguine est prévue ?
N° 652. - M. Fernand Demilly attire l'attention de M. le ministre de
l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur la situation du
lycée professionnel Henry-Potez de l'Aérospatiale à Méaulte dans la Somme. Le
carnet de commandes d'Airbus n'a jamais été aussi bien garni et la quantité
d'avions à livrer assure du travail pour plusieurs années d'autant que
l'association récente Aérospatiale-Matra Dasa constitue un nouvel atout
considérable. Dans ces circonstances, il est indispensable d'amplifier la
formation des professionnels de l'Aéronautique. Or, depuis trois ans, le lycée
professionnel de l'Aérospatiale, à Méaulte dans la Somme, est prêt à développer
ses possibilités d'accueil et de formations dans le cadre d'un contrat
d'association. Cette demande n'a pu aboutir lors des rentrées de 1996, de 1997
et de 1998 en raison de l'insuffisante dotation destinée à l'académie d'Amiens.
En conséquence, il lui demande si l'on peut espérer que les moyens nécessaires
seront attribués à ce projet pour la prochaine rentrée.
N° 623. - M. Bernard Fournier demande à Mme le garde des sceaux, ministre de
la justice, de bien vouloir lui indiquer quel est l'état de la réflexion du
Gouvernement sur la question du devenir des tribunaux de commerce, notamment
sur la question des greffes, mais aussi sur la réforme de la carte judiciaire.
S'agissant des greffes, il la remercie de lui préciser si elle entend, compte
tenu des réformes des tarifs télématiques, revenir sur le statut d'officier
ministériel qui régit la profession. Sur le même sujet, il souhaite connaître
l'état d'avancement des travaux de la commission tarifaire qu'elle a annoncée
en février 1998. Concernant la réforme de la carte judiciaire, le décret du 30
juillet 1999 a annoncé la suppression de 36 des 227 tribunaux de commerce dans
le ressort de 8 cours d'appel. Si chacun s'accorde sur la nécessité d'une
réorganisation du paysage des juridictions consulaires, il lui demande de lui
confirmer que la concertation avec les professionnels et les élus locaux est à
la base de sa réflexion sur les suppressions de tribunaux et, subsidiairement,
il souhaite connaître l'avis de la chancellerie relativement au maintien du
tribunal de grande instance de Montbrison dans la Loire, qui, actuellement,
fait office de tribunal de commerce.
N° 630. - M. Adrien Gouteyron attire l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur les très graves conséquences
pour le département de la Haute-Loire du contrat de plan à venir dans
l'hypothèse où l'Etat s'en tiendrait à l'enveloppe annoncée de 875 millions de
francs pour sept ans. Il lui rappelle que pour le précédent contrat de plan,
une enveloppe de 1,350 milliard de francs avait été prévue. Il tient également
à lui rappeler que l'enveloppe annoncée ne permettra pas la réalisation
d'opérations routières absolument indispensables : raccordement de Brioude à
l'A 75, contournement du Puy-en-Velay, travaux entre Yssingeaux et le
Puy-en-Velay... Il lui demande donc si l'Etat envisage d'abonder ou non
l'enveloppe annoncée.
N° 641. - M. Serge Franchis attire l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur le problème de domanialité que
posent les ouvrages de franchissement des canaux. Depuis que VNF (Voies
navigables de France) ne participe plus financièrement à la réparation ou à la
reconstruction des ponts, sauf cas particuliers, certains de ces ouvrages
présentent un état d'entretien alarmant. En effet, la jurisprudence établit que
les ponts appartiennent au même domaine public que la voie portée et non à
celui de la voie franchie. Cependant, il était, jusqu'ici, de pratique courante
de réserver au gestionnaire de la voie routière la charge de l'entretien de la
chaussée, censée préexistante au canal, à l'exclusion de l'entretien de la
superstructure des ponts, partie du domaine public fluvial. Aucun transfert de
domanialité n'ayant été opéré par la loi, les collectivités territoriales
devraient demeurer exonérées de l'obligation d'entretien de ces ouvrages. Il
lui demande s'il partage cette manière de voir et s'il envisage d'intervenir
incessamment à ce sujet qui fait d'ailleurs l'objet d'une réflexion confiée au
conseil général des ponts et chaussées.
N° 609. - M. Dominique Braye appelle l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche au sujet des textes d'application de la loi n°
99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants. Plus de six
mois après la promulgation de cette loi, les décrets d'application ne sont
toujours pas publiés, alors que la mise en pratique de cette loi était, il y a
un an, présentée comme extrêmement urgente. On s'attendait donc à la
publication rapide des décrets d'application. Seul un arrêté du 27 avril 1999,
établissant la liste des types de chiens susceptibles d'être dangereux, a été
publié, mais il comporte de nombreuses zones d'ombre, rendant son application
hasardeuse. En conséquence, il souhaite savoir quand seront enfin pris par les
services du ministère les décrets d'application de la loi n° 99-5 du 6 janvier
1999.
N° 635. - M. François Marc souhaite attirer l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche sur les critères retenus pour le dispositif de
renouvellement de la flotte de pêche. Par circulaire du 25 septembre 1999, il a
annoncé la délivrance d'une enveloppe nationale de 5 000 kW (dont 2 010 kW pour
la région Bretagne), afin de permettre des opérations de renouvellement de
navires, à puissance équivalente au sein de la flotte de pêche. Les demandes
effectuées en ce sens en Bretagne, excédant l'enveloppe attribuée, ont fait
l'objet d'un classement par la commission régionale de modernisation et de
développement de la flotte de pêche artisanale et des cultures marines
(COREMODE). Au nombre des dossiers examinés figurent les cas des bateaux à
vocation mixte de « goémonier-coquiller ». Or, en application du décret du 8
janvier 1993 et en particulier de son article 7, un navire exerçant
exclusivement l'activité de goémonier ne nécessite pas de permis de mise en
exploitation. Par contre, un navire polyvalent, ayant une activité
complémentaire contingentée, doit obtenir ce permis. Dans ce cas, c'est la
puissance globale du navire et non celle utilisée effectivement pour les
activités contingentées qui est retenue pour son octroi. Il va de soi que, dans
un souci d'efficacité maximale, la COREMODE est naturellement tentée d'écarter
les dossiers des coquillers si fortement handicapants pour l'enveloppe globale
de kilowatts à répartir, puisque l'activité de pêche ne représente qu'une
période de trois à quatre mois par an, le reste du temps étant consacré au
goémon. Le problème ainsi soulevé crée une situation inéquitable pour les
activités plurielles. Il risque hélas de se reproduire à chaque COREMODE si un
biais n'est pas trouvé pour assurer une prise en considération de l'activité de
pêche contingentée, et d'elle seule, dans le dispositif de renouvellement de la
flotte. Par conséquent, il serait intéressant d'envisager, dans le cadre de ce
dispositif, que la puissance des navires ne soit prise en compte qu'au prorata
de l'activité de pêche effectivement contingentée. Cette modification de la
réglementation se traduirait en outre par une réduction de la puissance de la
flotte prise en compte dans le cadre plus général des plans d'orientation
pluriannuels, en harmonie avec les dispositions européennes.
N° 651. - M. Jean-Pierre Demerliat attire l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche sur l'avenir de la production ovine et plus
particulièrement sur les inquiétudes des éleveurs ovins du département de la
Haute-Vienne. L'année 1999 aura été marquée par une baisse des cours pour les
éleveurs ovins et la prime compensatrice ovine (PCO) s'avère insuffisante pour
rattraper la perte de revenus enregistrée. En Haute-Vienne, où le nombre
d'exploitants ovins est évalué à 2 800 pour un troupeau de 460 000 brebis,
l'inquiétude des éleveurs est donc grande. La réforme du calcul de la PCO
envisagée par la Commission européenne ne fait qu'accroître leurs craintes, car
la mise en place d'une prime forfaitaire ne permettrait pas de compenser une
chute des cours. Il lui demande donc si des moyens supplémentaires ne
pourraient pas être dégagés pour compenser les pertes subies, d'une part, et de
bien vouloir tout mettre en oeuvre pour garantir un montant de PCO permettant
de faire face aux aléas du marché dans le cadre de la modification éventuelle
du mode de calcul de cette prime, d'autre part.
N° 656. - M. Francis Grignon attire l'attention de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences de l'article 12
de la loi de finances rectificative pour 1998 (n° 98-1267 du 30 décembre 1998)
remplaçant les droits d'enregistrement à la charge des locataires par une
contribution annuelle représentative du droit de bail à la charge quant à elle
des bailleurs. Alors que le droit de bail était traditionnellement payé
directement par le locataire de la chasse, la commune doit désormais acquitter
la nouvelle contribution puis la récupérer auprès du locataire. Cette mesure
soulève un certain nombre de difficultés dans le cas des locations de chasse
par les communes d'Alsace et de Moselle. En effet, ces dispositions ne trouvent
pas une application satisfaisante du fait des dispositions particulières du
droit local, car les communes d'Alsace et de Moselle gèrent la chasse pour le
compte des propriétaires fonciers. De plus, ces nouvelles dispositions créent
un échelon supplémentaire dans la perception de la contribution, ce qui a pour
effet de transférer la responsabilité de la déclaration et du paiement de la
contribution à la commune. Ainsi, la mise en oeuvre de cette contribution
impose aux communes des procédures supplémentaires ce qui ne va pas dans le
sens d'une simplification administrative. Il lui demande donc s'il ne serait
pas envisageable de revenir à la situation antérieure d'un droit payé
directement par les locataires de la chasse.
N° 649. - M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur les conditions de prise en
charge par les collectivités territoriales de travaux se déroulant sur le
domaine de l'Etat. En raison du désengagement de l'Etat, et, souvent devant
l'urgence des situations, les communes et départements sont amenés à se
substituer à l'Etat et à prendre à leur charge des travaux routiers dont la
responsabilité lui incombe. Les collectivités assurent la maîtrise d'ouvrage,
mais la maîtrise d'oeuvre reste de la compétence des directions départementales
de l'équipement, ces dernières facturant au prix fort leurs prestations. Ces
opérations, selon une réponse récente fournie par la préfecture de Haute-Savoie
sur un cas précis, à savoir la réalisation de giratoires sur la RN 201, sont
réputées non éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur
ajoutée, la préfecture arguant que ces travaux ont été réalisés sur des biens
n'entrant pas dans le patrimoine des collectivités. En effet, l'article 54 de
la loi de finances pour 1977 n° 76-1232 du 29 décembre 1976, modifié par la loi
n° 88-1149 du 29 décembre 1988, exclut du bénéfice du FCTVA les dépenses
d'investissement qui ne sont pas effectuées sur des biens destinés à être
incorporés dans le patrimoine des collectivités locales. L'article 1er du
décret n° 89-645 du 6 septembre 1989 confirme ce principe général. Cette
situation paraît douteuse et, finalement, scandaleuse à un double titre : d'une
part, est-il normal que les collectivités territoriales aient à se substituer à
l'Etat pour la réalisation de travaux sur son domaine ? D'autre part, comment
accepter ce qu'il faut bien appeler un véritable « racket », à savoir la
non-éligibilité, au FCTVA, de ces travaux, travaux dont il tire profit sans
vergogne, d'une part, en encaissant la TVA y afférente, d'autre part en
facturant des honoraires au titre de la maîtrise d'oeuvre ? Ces travaux sont
normalement à la charge de l'Etat. Il lui rappelle que les nombreux élus
locaux, de tous bords, attendent une réponse précise. Il lui demande s'il va
mettre fin à cette situation totalement anormale, notamment en rendant
éligibles au FCTVA les dépenses sur les infrastructures routières d'Etat
réalisées par les collectivités territoriales ?
N° 636. - M. René Marquès attire l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche sur le grave danger que représente, dans le
département des Pyrénées-Orientales, la chasse au gros gibier que constitue le
sanglier. Le sanglier, espèce très prolifique depuis l'introduction des laies
espagnoles, suite à la peste porcine des années passées, a proliféré d'une
façon considérable, à telle enseigne que, malgré la destruction de plusieurs
milliers d'unités chaque année, les dégâts provoqués, au niveau agricole et au
niveau des biens, sont considérables. C'est la raison pour laquelle, trois à
quatre jours par semaine, des battues mobilisant plusieurs dizaines de
chasseurs par équipe ont lieu dans les forêts du département des
Pyrénées-Orientales. Le danger de ces battues est constitué par le fait que les
chasseurs, constituant chaque équipe, sont amenés à utiliser des projectiles à
balles, et non plus à chevrotine comme antérieurement, cela ayant été décidé
par le législateur. Antérieurement, une distance de 150 mètres était considérée
comme obligatoire entre les lieux de chasse et les sites bâtis, la portée des
projectiles à plomb étant très limitée (environ 100 mètres). Il n'en est plus
de même aujourd'hui, depuis l'utilisation des balles, d'autant plus que les
chasseurs ont acquis des carabines à canon rayé dont la portée des projectiles
atteint plus de 2 000 mètres. Chaque jour de chasse, des accidents et des
incidents se produisent en raison des dangers représentés par la distance
parcourue par les balles et, dans une année cynégétique, plusieurs morts sont à
déplorer soit parmi les chasseurs, soit parmi les promeneurs. Actuellement, la
crainte existe au niveau des populations sédentaires ou périodiques des
contreforts pyrénéens, ainsi que des promeneurs ou ramasseurs de champignons,
en raison de l'utilisation des projectiles à balles. Pour éviter tout nouvel
accident et pour rassurer les populations, il lui demande s'il compte revoir
cette législation pour exiger une distance minimale de 1 000 mètres entre les
lieux de tir et les habitations. -
Question transmise à Mme le ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement.
N° 637. - M. Joseph Ostermann attire l'attention de M. le ministre de
l'intérieur sur les charges croissantes supportées par les collectivités
locales en matière de services d'incendie et de secours. La loi n° 96-369 du 3
mai 1996 relative à la départementalisation des services d'incendie et de
secours prévoit le transfert à l'échelon départemental de tous les moyens
humains et matériels affectés à ces services. Les collectivités locales doivent
ainsi faire face à un alourdissement des charges qui leur incombent du fait de
la conjonction de trois facteurs principaux : le coût lié à la mise en place
des nouvelles structures départementales, le rattrapage des disparités de
moyens entre communes et, enfin, un accroissement des interventions sur
accidents de la route ; accroissement dû à l'augmentation constante du nombre
de véhicules à moteur en circulation et exigeant une plus grande disponibilité
des sapeurs-pompiers ainsi que l'acquisition de matériel de plus en plus
spécialisé et sophistiqué. Ainsi, afin de permettre aux collectivités locales
d'assurer leurs missions dans de bonnes conditions et d'alléger le poids de ces
charges, il lui demande s'il ne serait pas envisageable d'élargir les missions
du fonds de garantie contre les accidents de la circulation afin de prévoir le
versement d'indemnités aux services d'incendie et de secours en fonction du
nombre de leurs interventions lors d'accidents de la route et en fonction du
nombre de sapeurs-pompiers présents dans chacun des départements. Ce fonds,
prévu à l'article L. 421-1 du code de assurances, est alimenté, notamment, par
les contributions des entreprises d'assurance et des assurés assises sur les
primes et cotisations perçues ou versées. Une telle mesure ne grèverait
nullement le budget de ce fonds dont la mission initiale d'indemnisation des
victimes d'accidents dont l'auteur n'est pas assuré, perd de son acuité du fait
du renforcement de la législation et des contrôles en matière d'obligation de
souscription d'une assurance auto.
N° 654. - Mme Josette Durrieu attire l'attention de M. le ministre de
l'intérieur sur la croissance des budgets des services départementaux
d'incendie et de secours (SDIS) correspondant aux besoins de ressources
nouvelles induits par la départementalisation (intégration départementale et
harmonisation inéluctable des différents régimes de travail, application du
nouveau régime indemnitaire des sapeurs-pompiers volontaires...) et qui pèse
très lourdement sur les collectivités territoriales. Les conséquences de la loi
n° 96-370 du 3 mai 1996 ne semblent pas avoir été, à l'époque, correctement
évaluées. Pour illustrer ces difficultés, dans les Hautes-Pyrénées, l'effort
produit par les collectivités locales s'élèvera à 8 millions de francs, soit
une augmentation de la participation de 13 % au budget des services d'incendie
pour l'exercice 2000. En l'absence de prise en compte de ces difficultés et
d'un engagement significatif de l'Etat, les élus locaux, très fortement
impliqués dans le fonctionnement des SDIS, s'inquiètent du bon fonctionnement à
venir de ce service vital à la sécurité. En conséquence, elle lui demande
quelles sont les mesures d'affectation de ressources nouvelles au financement
de cette réforme qui peuvent être rapidement concrétisées afin d'alléger les
charges de plus en plus lourdes qui incombent aujourd'hui aux collectivités
locales ?
N° 657. - M. Jean-Claude Peyronnet attire l'attention de M. le ministre de
l'intérieur sur les adhésions par les collectivités locales à des associations.
En vertu du code général des collectivités territoriales, les collectivités
règlent par leurs délibérations les affaires de leur ressort (art. L. 2121-29
pour les communes, L. 3211-1 pour les départements, L. 4221-1 pour les
régions). Alors que les départements et les régions ont des compétences
largement spécialisées, le conseil municipal détient une compétence de droit
commun. Pour autant, la limite à l'action d'une collectivité reste l'intérêt
local dans le respect de la compétence des autres collectivités. Cette notion
d'intérêt local ne reçoit cependant pas de définition précise et il appartient
à la collectivité de décider, sous le contrôle du juge administratif, si telle
affaire relève de ses attributions. Cette situation est particulièrement vraie
pour les communes. Une difficulté apparaît lorsque, par délibération, une
collectivité décide d'adhérer à une association. En effet, alors que l'octroi
de subventions à une association est strictement encadré par le juge
administratif, l'adhésion ne fait pas l'objet de jurisprudence fournie. Le
problème s'accroît lorsque la collectivité souhaite adhérer à une association
dont l'objet dépasse l'intérêt local : le contrôle de légalité alors opéré par
le représentant de l'Etat dans le département risque de s'appuyer plus sur des
questions d'opportunité que de légalité. C'est ainsi qu'en Haute-Vienne la
commune d'Aixe-sur-Vienne a adhéré à l'association ATTAC (Association pour la
taxation des transactions financières pour l'aide aux citoyens). Le préfet a
alors fait part de ses doutes quant à la satisfaction d'un intérêt communal par
cette adhésion et a demandé au maire d'indiquer en quoi cette dernière
répondait à cette satisfaction. La limite entre la légalité et l'opportunité
devient ténue. En conséquence, il souhaiterait savoir dans quelle mesure une
collectivité peut adhérer à une association loi de 1901 à vocation nationale ou
internationale. La vocation nationale ou internationale de l'association ne
peut-elle pour la commune avoir un intérêt local ?
N° 653. - M. Ivan Renar attire l'attention de Mme le ministre de la culture et
de la communication sur les conséquences des phénomènes de concentration en
cours dans la presse écrite et notamment dans la presse quotidienne régionale.
Il lui demande quelle peut être l'intervention de l'Etat afin de garantir la
liberté de la presse, le pluralisme de l'information et des rédactions ?
A N N E X E I I
Questions orales sans débat
inscrites à l'ordre du jour du mardi 18 janvier 2000
N° 599. - M. Guy Vissac attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture
et de la pêche sur les difficiles conditions d'exercice du métier
d'entrepreneur de travaux forestiers (ETF). Il lui rappelle qu'actuellement
deux cas de figure se présentent pour cette profession : soit le travailleur de
travaux forestiers est employé d'entreprise et connaît les problèmes de bas
salaires, de formation, de saisonnalité, soit l'entrepreneur - souvent seul -
ne peut faire face aux dépenses induites par l'achat d'équipements ou le
règlement des charges. Il lui rappelle également que son chiffre d'affaires
varie dangereusement au regard des aléas du marché, des contraintes climatiques
et de la pression de la concurrence. Il lui rappelle enfin, dans la perspective
de la future loi sur la forêt et le bois, qu'un statut du travailleur et de
l'entrepreneur des travaux forestiers apparaît indispensable. Les travailleurs
de travaux forestiers (salariés et entrepreneurs) constituant le maillon le
plus sensible de la filière bois, il lui demande donc quelles mesures il entend
prendre afin d'apporter une solution aux graves difficultés de cette
profession.
N° 621. - M. Auguste Cazalet souhaite attirer l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur le mécontentement suscité
auprès des compagnies aériennes en raison de l'augmentation des vols retardés
par le contrôle de trafic aérien dans le ciel européen. Selon cette
association, qui regroupe 263 compagnies aériennes, ces retards auraient
progressé de 16 % en 1998 et, sur les six premiers mois de 1999, le nombre de
vols retardés par le contrôle aérien aurait augmenté de 74 % par rapport à la
même période de 1998. Dix millions de passagers voyageant dans les pays de
l'Union européenne seraient concernés en 1999. Les transporteurs, à qui ces
retards auront coûté 5,4 milliards de dollars en 1998, réclament une
amélioration des méthodes de gestion ainsi qu'un renforcement des
investissements, afin de pouvoir bénéficier d'un meilleur service. Tout en
recommandant la privatisation totale ou partielle du contrôle aérien, le
président de l'IATA reconnaît toutefois que cela ne réglerait qu'une partie des
problèmes et préconise la mise en place d'un espace aérien unique et une
planification permanente afin que la capacité de circulation soit augmentée sur
le réseau européen en temps voulu là où cela est nécessaire. Ces questions
seront vraisemblablement évoquées lors de la réunion des ministres des
transports de la conférence européenne de l'aviation civile qui se tiendra en
janvier prochain. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer la position de la
France sur ce sujet.
N° 626. - M. Gérard Delfau attire l'attention de Mme le ministre de la culture
et de la communication sur la dégradation continue des conditions de travail et
de la rémunération des diffuseurs de presse et des libraires. Le gonflement des
titres (périodiques et ouvrages), la gestion opaque des Nouvelles Messageries
de la presse parisienne (NMPP), la fuite en avant de la plupart des éditeurs
conduisent à des stocks excessifs (50 % d'invendus) et à un système de
facturation qui fait peser sur le petit dépôt l'avance de trésorerie qui
devrait incomber aux éditeurs et aux messageries. Si rien n'est fait, les
kiosques à journaux ainsi que les dernières librairies indépendantes vont
disparaître, l'écrit sera devenu pur objet de consommation et notre
civilisation sera atteinte en plein coeur. Il lui demande quelles mesures
d'urgence elle compte prendre pour faire face à cette situation alarmante.
N° 634. - M. Nicolas About attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la
santé et à l'action sociale sur les moyens actuellement mis en oeuvre dans la
lutte contre la douleur. Notre pays accuse un retard considérable en matière de
traitement de la douleur. Sans doute notre culture judéo-chrétienne, qui
considérait la souffrance physique comme une forme de rédemption, n'est pas
étrangère à ce phénomène. Mais le corps médical a également sa part de
responsabilité : enfermé dans une technicité toujours plus poussée, il a
négligé la prise en compte des souffrances du malade, occupé qu'il était à
soigner les causes du mal plutôt que ses effets. Trop longtemps, la lutte
contre la douleur est restée le parent pauvre de la médecine. Il lui rappelle
qu'un plan ministériel anti-douleur a été mis en place par son prédécesseur. Ce
plan comportait des mesures intéressantes, notamment l'utilisation
d'antalgiques puissants à destination des enfants et la disparition du carnet à
souches qui limitait, de manière absurde, les prescriptions de certains
produits morphiniques par les médecins. Il regrette néanmoins que ce plan
triennal fasse l'impasse sur le renforcement des moyens actuellement mis à la
disposition des services hospitaliers anti-douleur. Au sein des hôpitaux de
l'Assistance publique, ces centres sont encore rattachés aux services
d'anesthésie-réanimation. En conséquence, ils ne sont pas prioritaires dans
l'affectation des moyens qui sont globalement mis en oeuvre dans ces services.
Pourtant, dans certains centres, beaucoup de médecins font preuve d'un très
grand dévouement auprès de leurs patients et travaillent sans relâche pour les
soulager. Faute de moyens en personnel, ils sont aujourd'hui débordés, alors
que l'état de leurs patients nécessiterait un examen et des soins approfondis.
Est-il normal de faire patienter pendant des heures dans une salle d'attente
des personnes qui souffrent parfois le martyre, pour une simple consultation
avec un spécialiste ? Il lui demande donc quelles mesures elle entend prendre
pour améliorer les services anti-douleur de l'Assistance publique. A quand un
renforcement de leurs moyens financiers et humains ? A quand une véritable
reconnaissance de ces centres spécialisés qui réalisent un travail remarquable
et souvent méconnu auprès des malades ?
N° 638. - M. Philippe Richert appelle l'attention de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences inattendues
mais fâcheuses de la baisse de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 5,5 % sur les
travaux d'entretien. Cette mesure, salutaire pour l'activité de ce secteur et
la lutte contre le travail au noir, risque de mettre nombre d'artisans dans de
grandes difficultés, en asséchant leur trésorerie. En effet, alors qu'ils
achètent les matériaux à leurs fournisseurs avec une TVA de 20,6 %, ils la
facturent à leurs clients à 5,5 %. Ne pouvant récupérer cette TVA de 20,6 %
qu'avec un fort décalage dans le temps (les demandes de remboursement de TVA ne
peuvent être formulées que trimestriellement, voire annuellement au mois
d'avril pour les petites entreprises), ces professionnels se retrouvent
systématiquement créditeurs vis-à-vis des services fiscaux. Ces différentiels
de trésorerie se chiffreraient souvent à plusieurs centaines de milliers de
francs par an, mettant bon nombre d'artisans dans des situations financières
difficiles, notamment vis-à-vis de leurs banques. Il lui demande donc quelles
mesures le Gouvernement entend prendre pour parer au plus vite à ce problème,
et notamment s'il envisage de permettre aux professionnels de formuler leurs
demandes plus tôt, et d'accélérer les procédures de remboursement en
vigueur.
N° 640. - M. Yann Gaillard rappelle à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarié qu'un décret n° 82-453 du 28 mai 1982 a indiqué que les médecins
candidats à une fonction de médecin de prévention devaient être titulaires du
certificat d'études spéciales de médecine du travail. Toutefois, le décret
précise que le certificat n'est pas obligatoire pour le médecin se trouvant
déjà en fonction dans les administrations avant la date d'entrée en vigueur
dudit décret. Ensuite, un décret n° 95-680 du 9 mai 1995 a modifié le décret du
28 mai 1982 en reprenant exactement les mêmes articles. C'est-à-dire qu'il
précise que les dispositions en cause ne s'appliquent pas aux médecins se
trouvant déjà en fonction dans les administrations avant la date en vigueur du
décret, soit en conséquence le 9 mai 1995. Plus récemment, une loi n° 98-535 du
1er juillet 1998, dans son article 28, a repris les termes des décrets du 28
mai 1982 et du 9 mai 1995, mais en oubliant les dérogations. Elle précise qu'à
titre exceptionnel les docteurs en médecine exerçant en tant que médecin de
prévention ou médecin du travail pouvaient poursuivre leur activité à condition
de suivre un enseignement théorique sanctionné par des épreuves de contrôle.
Par circulaires, diverses autorités ministérielles ont indiqué que la loi du
1er juillet 1998 ne s'appliquait pas aux médecins recrutés avant le 9 mai 1995
- c'est-à-dire que ceux-ci pouvaient poursuivre leurs activités de médecin de
prévention ou du travail sans avoir à reprendre des études spéciales. Il lui
demande donc, faute d'avoir obtenu une réponse lors de la séance de questions
orales sans débat du mardi 26 octobre dernier, de bien vouloir confirmer cette
interprétation qui a pour conséquence d'éviter à des médecins exerçant dans
l'administration des fonctions de médecin de prévention ou du travail depuis de
nombreuses années, de reprendre des études dans des conditions au demeurant
encore mal organisées dans les universités, en vue d'obtenir un certificat
spécial qui n'était nullement exigé au moment de leur prise de fonction.
N° 645. - M. Alain Dufaut appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur
sur les échos parus dans la presse concernant un éventuel redécoupage des
cantons avant les élections cantonales de 2001. En effet, il semblerait, à la
lecture de ces articles, que le Gouvernement envisage de ne pas procéder à un
redécoupage global avant mars 2000, date butoir pour une telle opération selon
les dispositions de l'article 7 de la loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990,
interdisant tout redécoupage des circonscriptions électorales dans l'année
précédant l'échéance normale de renouvellement des assemblées concernées. Cette
décision serait motivée par une fiabilité insuffisante du contenu du
rencensement des populations effectué cette année, ce qui semble pour le moins
curieux. Par ailleurs, cette rumeur ne manque pas de surprendre si l'on se
réfère à la réponse apportée par monsieur le ministre des relations avec le
Parlement lors d'une séance de questions orales sans débat le mardi 15 juin
1999, lequel précisait : « s'agissant des cantons, le Gouvernement étudiera
également les inégalités démographiques entre cantons confirmées ou révélées
par le recensement. Il pourrait être amené à corriger, par décret en Conseil
d'Etat, conformément aux dispositions de l'article L. 3113-2 du code général
des collectivités locales, les inégalités de représentation les plus
importantes ». Le Conseil constitutionnel, dans une décision des 1er et 2
juillet 1986, précisait que le redécoupage électoral doit être déterminé sur
des « bases essentiellement démographiques ». Même si ce principe général est
appliqué de manière moins stricte aux conseils généraux afin d'assurer une
représentation des composantes territoriales du département, certaines
inégalités sont flagrantes. C'est le cas notamment pour le département de
Vaucluse, qui comprenait déjà, sur la base du recensement de 1990, 467 075
habitants, et qui, selon les estimations tirées du recensement de cette année,
franchirait la barre des 500 000 habitants. Or, les conseillers généraux de
Vaucluse sont seulement au nombre de 24, dans un département pourtant
essentiellement rural. Par comparaison, le département des
Alpes-de-Haute-Provence compte 30 conseillers généraux pour 130 888 habitants,
d'après les chiffres du recensement de 1990. Cet écart démographique
nécessiterait manifestement un redécoupage des cantons du département de
Vaucluse allant dans le sens d'une augmentation considérable du nombre de ses
représentants. Pour toutes ces raisons, il s'interroge sur les véritables
motivations du Gouvernement en la matière et lui demande, si ces rumeurs sont
confirmées, de reconsidérer sa position et de procéder à un redécoupage des
cantons dans les départements les plus sous-représentés en nombre de
conseillers généraux.
N° 647. - M. Jean-Patrick Courtois appelle l'attention de M. le ministre de
l'intérieur sur la question de l'assujettissement à la TVA des subventions
d'investissement. Dans le cas précis où une commune perçoit une subvention
d'investissement du conseil régional, du conseil général ou des fonds
européens, pour la construction d'une usine-relais et que celle-ci choisit
d'entrer dans le régime normal d'assujettissement à la taxe sur la valeur
ajoutée (TVA), les services fiscaux semblent considérer que cette subvention
est un montant toutes taxes comprises (TTC) et que, par conséquent, la commune
est redevable de la TVA sur la subvention octroyée par les collectivités
publiques citées précédemment. Ce raisonnement conduit à rendre imputable à la
TVA toutes les recettes d'investissement, ce qui paraît pour le moins
paradoxal. Lorsque les communes optent pour ce mode de fonctionnement, il
semblerait logique que seules les recettes de fonctionnement soient assujetties
à la TVA. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer l'action que le
Gouvernement entend mener dans ce domaine pour permettre aux communes de
bénéficier de subventions d'investissement d'autres collectivités locales non
imposables à la TVA.
N° 658. - M. Bernard Cazeau souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire
d'Etat à l'industrie sur la question du monopole, conféré par la loi de 1946 à
Gaz de France sur l'importation et l'exportation de gaz naturel. Il est connu
que Elf Aquitaine Gaz étudie actuellement la possibilité d'implanter un
terminal méthanier au Verdon, à l'embouchure de la Gironde. Avec une capacité
annuelle de réception de 3,5 milliards de mètres cubes de gaz naturel, cet
investissement d'environ 350 millions d'euros permettrait de fournir aux
industriels, et plus généralement aux consommateurs du Sud-Ouest, un
approvisionnement en gaz naturel à un coût compétitif. En effet, avec le déclin
du gisement de Lacq, l'éloignement des points d'importation existants situés
principalement dans le Nord de la France conduira, pour les prochaines années,
à une hausse sensible des coûts d'amenée du gaz dans le Sud-Ouest. Un terminal
méthanier au Verdon aurait donc un impact positif sur la compétitivité des
industries consommatrices de gaz dans la région. Mais sa faisabilité est
subordonnée à la possibilité pour Elf Aquitaine et ses filiales gazières, et en
particulier Gaz du Sud-Ouest, d'importer librement du gaz naturel, ce qui
implique la modification de la loi de 1946 qui confère à Gaz de France un
monopole sur l'importation de gaz naturel. Dans la mesure où l'intérêt du
terminal du Verdon ne fait aucun doute pour la région et le Grand Sud-Ouest,
mais aussi pour la sécurité de l'approvisionnement gazier de la France, il
souhaiterait connaître les mesures qu'il entend mettre en oeuvre.
N° 659. - M. Georges Mouly attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi
et de la solidarité sur le problème posé par les financements des EPSR (Equipes
de préparation et de suite du reclassement des travailleurs handicapés) qui, de
1975 à 1999, ont été financées par l'Etat à 75 %, les 25 % devant être trouvés
auprès d'autres partenaires, départements par exemple. Or, depuis le mois
d'août 1999, suite à la convention d'objectifs passée entre le ministère de
l'emploi et de la solidarité, le secrétariat d'Etat à la santé et à l'action
sociale et l'AGEFIPH (Association générale du fonds d'insertion pour les
personnes handicapées), celle-ci se substitue à l'Etat en cette matière. En
conséquence, s'il ne doute pas que l'AGEFIPH compte remplir ses engagements, il
s'inquiète du fait que l'Etat n'étant plus présent, les divers partenaires -
entre autres les départements - hésitent à maintenir leur participation.
N° 660. - M. Pierre-Yvon Trémel attire l'attention de M. le ministre de
l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur les moyens
nécessaires à mettre en oeuvre pour faire face à la croissance constatée de
l'enseignement bilingue français-breton. Le souhait de 88 % des habitants de
Basse-Bretagne de conserver la langue bretonne, l'avis favorable de 80 %
d'entre eux à son enseignement sont des signes évidents de la volonté des
habitants de Bretagne de maintenir un élément essentiel de leur culture. Dans
la partie bretonnante, les 5 000 élèves des classes bilingues (public, privé et
Diwan) représentent 1,7 % de la population scolaire. Au rythme actuel de 18 à
20 % d'augmentation annuelle des enfants dans les classes bilingues, cette
proportion sera vraisemblablement de 5 % en l'an 2005. Dès lors, il est
indispensable de prendre en compte les prévisions d'effectifs pour les années à
venir, et de créer ainsi des conditions favorables au développement de
l'enseignement bilingue, autant du point de vue de l'ouverture des classes que
du point de vue du recrutement et de la formation des enseignants. En ce qui
concerne l'école associative Diwan, il est utile de rappeler que son action est
complémentaire aux autres filières de l'enseignement bilingue, grâce notamment
à son système pédagogique par immersion. Malheureusement, son développement est
menacé par un statut mal adapté ; en témoigne la décision récente de M. le
préfet de la région Bretagne de porter devant la juridiction administrative une
délibération du conseil régional subventionnant la rénovation de bâtiments
municipaux de Carhaix, destinés notamment à l'accueil d'un lycée. Aussi, la
rentrée 2000-2001 se préparant dès à présent, l'association Diwan s'inquiète à
juste titre de son futur statut. En conséquence, il lui demande quelles mesures
il entend prendre pour répondre aux attentes des parents des filières
bilingues, en matière d'ouverture de classes, de recrutement et de formation
des enseignants. Il lui demande également de bien vouloir lui faire un point de
situation sur les négociations en cours avec l'association Diwan.
N° 661. - Le 19 novembre 1999, M. Jean-Pierre Raffarin demande à Mme le
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à
l'artisanat quelle est la politique de l'Etat quant au développement des
magasins d'usine en France.
N° 663. - M. René-Pierre Signé souhaite faire partager à M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche son inquiétude et ses réflexions sur la situation
très précaire de l'élevage ovin, tout particulièrement celui qui est implanté
dans la vaste zone du bassin d'élevage de bovins allaitants. En effet, dans ces
régions, l'élevage des ovins fut, et reste dans une certaine mesure, surtout le
fait d'éleveurs bovins à l'herbe, qui trouvaient là une activité idéalement
complémentaire à leur spéculation principale. Nul n'ignore l'évolution
désastreuse subie par cette activité. De la concurrence néo-zélandaise, dès la
fin des années soixante dix, à la politique agricole commune de 1992 en passant
par la trop faible organisation de producteurs morcelés et par le changement
des habitudes de consommation, les causes du déclin sont aussi anciennes que
multiples. Elles dépassent non seulement le cadre de cette question, mais
encore, hélas ! les possibilités d'une relance aussi déterminée soit-elle. La
concurrence entre les viandes n'oppose désormais que la viande bovine, d'une
part, le porc et la volaille, d'autre part. L'agneau et le mouton semblent à
présent voués à occuper une frange, non négligeable, mais néanmoins secondaire
du marché des produits carnés. Cependant, plusieurs éléments positifs pour
l'élevage ovin sont apparus ces dernières années. La baisse continue des cours
de l'agneau a conduit les éleveurs à réduire leurs coûts, en inventant par
exemple les bergeries tunnels ; elle a également accéléré l'émergence de
filières de produits de qualité. D'autre part, l'élevage d'ovins retrouve
beaucoup de sa pertinence dans le contexte des contrats territoriaux
d'exploitation. En effet, cette production permet de valoriser les surfaces
herbagères sans recourir à l'extensification quasi permanente dont on observe
les effets pervers en élevage bovin allaitant. Il revient aujourd'hui aux
partenaires publics et professionnels d'explorer ces pistes. Il souhaite donc
connaître son point de vue sur les perspectives des élevages mixtes d'ovins et
de bovins allaitants. Il aimerait aussi savoir si une action volontariste de
l'Etat en vue d'encourager et d'accompagner la relance de ce profil
d'exploitations agricoles semble pertinente au Gouvernement ?
N° 664. - Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur le contentieux existant entre la
ville de Pantin et son ministère, concernant le versement de recettes de taxe
professionnelle. En effet, dès 1992, la municipalité de Pantin a engagé une
procédure judiciaire pour obtenir le paiement des compensations prévues par la
loi, suite à la réforme de la taxe professionnelle et d'exonérations accordées
aux entreprises. Le ministre du budget accepte de verser la somme de 7,5 MF sur
la base de l'évaluation des services fiscaux, mais ne prend pas en compte
l'actualisation de cette somme. La ville a procédé à l'évaluation de son
préjudice et l'a estimé à 20 MF de l'époque soit 41 MF en francs d'aujourd'hui.
Elle lui demande de restituer à la ville de Pantin l'intégralité des
compensations réactualisées auxquelles elle a droit.
N° 665. - La loi n° 96-603 du 5 juillet 1996, en précisant la loi de 1946, a
introduit une possibilité pour les coiffeurs non diplômés mais justifiant d'une
grande qualification professionnelle de pouvoir, après validation de celle-ci
par une commission nationale, exploiter personnellement un salon de coiffure à
établissement unique. Il s'avère toutefois que les demandes de reconnaissance
de capacité professionnelle font dans de nombreux cas l'objet de refus alors
que leurs auteurs répondent aux conditions prévues par la réglementation et
présentent des dossiers probants. Ces situations engendrent de fréquentes
fermetures de fonds de commerce particulièrement regrettables en milieu rural.
En conséquence, M. Jean Pépin demande à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et
moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat si elle entend prendre des
mesures visant à faciliter la validation de la qualification professionnelle
des coiffeurs non diplômés.
N° 667. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur le projet de la Caisse des
dépôts et consignations de créer un établissement de crédit privé regroupant en
fait l'ensemble des activités financières concurrentielles de la caisse que
celles-ci soient filialisées ou non. Elle lui demande de lui préciser les
objectifs, l'origine et le montant du capital, les moyens en personnels de
cette société privée qui ne pourront que provenir de la CDC, donc des fonds et
des personnels de la République. Elle lui demande de lui préciser si un tel
projet ne menace pas l'avenir de l'établissement public qu'est la CDC, de ses
missions d'utilité publique, sociales et de ses emplois. Elle lui demande
également si ce projet CDC Finance ne s'oppose pas aux engagements du Premier
ministre de ne pas poursuivre le mouvement de démantèlement du secteur public
économique et financier dont la Caisse des dépôts demeure un des derniers
représentants et qui par son efficacité conserve la confiance des élus locaux.
Elle lui demande si une loi n'est pas devenue nécessaire instituant une
véritable séparation entre activités d'intérêt général et activités financières
concurrentielles, assurant une transparence et un contrôle démocratique de la
CDC par les citoyens et le Parlement et conservant les personnels de la CDC et
leur statut.
N° 668. - M. Hubert Haenel rappelle à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement l'intérêt de la démarche novatrice, communément
appelée expérimentation de la régionalisation du transport ferroviaire de
voyageurs, qui a été mise en oeuvre dans sept régions. Cette réforme, qui a
pour but un meilleur service public et une approche plus fine de l'aménagement
du territoire, a déjà eu plusieurs effets bénéfiques conséquents. Elle a permis
de démontrer que la décentralisation pouvait être expérimentée et négociée pour
s'adapter aux réalités géographiques, historiques, économiques des territoires.
Elle a contribué à mettre fin à la politique du tout TGV (train à grande
vitesse). M. le ministre a indiqué, le 14 octobre, sa volonté de déposer, dans
les plus brefs délais, un projet de loi pour la généralisation rapide de la
régionalisation. Depuis lors, de nombreux échanges ont eu lieu qui ont créé un
climat d'incertitude. L'annonce prématurée et incomplète d'un changement
éventuel de cap avec une accélération du calendrier législatif a entraîné des
interprétations souvent erronées et contradictoires des intentions de l'Etat,
des conseils régionaux et de la Société nationale des chemins de fer (SNCF),
qui ont eu pour effet de brouiller la perception que peuvent avoir les uns et
les autres des objectifs poursuivis, des délais impartis et des voies et moyens
pour y parvenir. M. Hubert Haenel, à l'origine de cette réforme, lui demande de
bien vouloir rappeler, comme il l'a fait à plusieurs reprises, son profond
attachement à la réforme et à la démarche retenue pour la mettre en oeuvre,
afin d'éviter à tout prix que les atermoiements actuels ne conduisent à une
démobilisation de l'ensemble des partenaires. Il lui demande de recadrer
rapidement l'ensemble du dispositif conduisant à sortir de l'expérimentation
pour entrer au plus vite dans la généralisation, tout en tenant compte du temps
nécessaire pour mener à bien la phase législative et du délai qu'impliqueront
la confrontation, le rapprochement et l'ajustement des points de vue et
interrogations des uns et des autres par rapport à la transparence, à la
lisibilité et à la certification des comptes Train express régional (TER),
opposables aux régions, cette situation pouvant nécessiter d'utiliser
temporairement des comptes provisoires : il insiste enfin sur la garantie que
l'Etat et la Société nationale des chemins de fer (SNCF) devront donner aux
régions pour ne pas unilatéralement rompre ou remettre en cause les engagements
financiers pris à l'égard de celles-ci et la nécessité de dresser un bilan
périodique de la réforme pour permettre les ajustements appropriés.
N° 670. - M. Josselin de Rohan appelle l'attention de M. le ministre de
l'intérieur sur les conséquences du développement du phénomène des « rave party
». En effet, ces manifestations échappent à l'exigence du respect des
conditions tenant à la sécurité et à l'ordre public. En conséquence, il lui
demande s'il envisage de prendre des dispositions afin de réglementer ce type
de rassemblement.
REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR
Conformément à l'article LO 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat, qu'en application de l'article LO 320 du code électoral, M. Roger Karoutchi est appelé à remplacer en qualité de sénateur des Hauts-de-Seine, à compter du 17 décembre 1999, M. Charles Pasqua, démissionnaire de son mandat.
MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE
(87 membres au lieu de 88)
Supprimer le nom de M. Charles Pasqua.
SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE
(8 au lieu de 7)
Ajouter le nom de M. Roger Karoutchi.
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES
M. André Boyer a été nommé rapporteur du projet de loi n° 107 (1999-2000)
autorisant l'adhésion du Gouvernement de la République française à la
convention internationale de 1989 sur l'assistance, faite à Londres le 28 avril
1989.
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL,
DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Pierre Jarlier a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 325
(1998-1999), présentée par M. Bernard Joly, tendant à permettre la dévolution
directe de tous les biens vacants et sans maître à la commune en lieu et place
de l'Etat.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Conditions d'extension de surfaces commerciales
682.
- 16 décembre 1999. -
M. Bernard Plasait
attire l'attention de
Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à
l'artisanat
sur le champ d'application de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée.
Il semble, en effet, que les commissions départementales d'équipement
commercial aient tendance, suivant l'interprétation de la circulaire du 16
janvier 1997 portant application des dispositions de la loi Royer, à faire une
application extensive de l'article 29-1 et à vouloir inclure toutes les
activités de prestation de service à caractère artisanal, comme les salons de
coiffure, de haute coiffure et d'esthétique, dans le champ d'application de la
loi. Pour justifier en pratique une telle extension, les commissions
départementales d'équipement commercial se fondent sur l'article 1-B de la
circulaire précitée, qui se réfère à deux décisions du Conseil d'Etat,
respectivement rendues les 30 septembre 1987 - SCAEX Interrégion parisienne -
et 4 novembre 1994 - Les 3 Sautets -. Or ni l'esprit de la loi qui vise à
contrôler l'installation de magasins de détail ayant une grande surface ni la
jurisprudence du Conseil d'Etat précitée ne confortent la position de
l'administration concernant le champ d'application extensif de la loi. En
effet, les décisions précitées du Conseil d'Etat soumettent les activités de
prestation de service à caractère artisanal aux dispositions de la loi du 27
décembre 1973 modifiée uniquement lorsqu'elles s'exercent dans des locaux qui
s'intègrent à un magasin de grande surface participant d'un même ensemble ou
centre commercial. Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer si le
projet d'extension d'un salon parisien de haute coiffure dont la surface est
supérieure à 300 mètres carrés, mais dont les locaux ne sont pas inclus dans un
ensemble commercial, est soumis au respect des dispositions de la loi précitée,
alors même que l'activité de ce salon n'a rien de comparable à celle d'une
grande surface, puisqu'une partie de sa superficie serait même réservée à une
clientèle privilégiée disposant de cabines de coiffage et d'esthétique
individuelles.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 16 décembre 1999
SCRUTIN (n° 26)
sur l'ensemble de la proposition de loi tendant à favoriser le partenariat
social par le développement de l'actionnariat salarié.
Nombre de votants : | 311 |
Nombre de suffrages exprimés : | 311 |
Pour : | 213 |
Contre : | 98 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
18.
Contre :
5. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin et Gérard Delfau.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
98.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
77.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Michel Charzat (député).
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
51.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean Faure, qui présidait la
séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
46.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
N'ont pas pris part au vote :
7.
Ont voté pour
Nicolas About
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Jacques Donnay, Hubert Durand-Chastel,
Alfred Foy, Bernard Seillier et Alex Türk.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la
séance.
Ne peut participer aux travaux du Sénat (en application de l'article LO 137 du
code électoral) : Michel Charzat.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 312 |
Nombre de suffrages exprimés : | 312 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 157 |
Pour l'adoption : | 214 |
Contre : | 98 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.