Séance du 8 décembre 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Loi de finances pour 2000.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
1
).
Outre-mer (p. 2 )
MM. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances ; Rodolphe
Désiré, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ;
Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales, pour les aspects sociaux ; José Balarello, rapporteur pour avis de la
commission des lois, pour les départements d'outre-mer ; Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les territoires
d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie ; Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul
Vergès, Lylian Payet, Claude Lise, Marcel Henry, Edmond Lauret, Michel Duffour,
Georges Othily, Dominique Larifla, Victor Reux.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
MM. Rodolphe Désiré, Robert Laufoaulu.
Suspension et reprise de la séance (p. 3 )
M. le président.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Crédits du titre III. - Adoption (p.
4
)
Crédits du titre IV (p.
5
)
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis.
Adoption des crédits.
Crédits des titres V et VI. - Adoption (p.
6
)
Article 72. - Adoption (p.
7
)
Article additionnel après l'article 72 (p.
8
)
Amendement n° II-11 de M. Othily. - MM. Georges Othily, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Défense (p. 9 )
MM. Maurice Blin, rapporteur spécial de la commission des finances, pour
l'exposé d'ensemble et les dépenses en capital ; François Trucy, rapporteur
spécial de la commission des finances, pour les dépenses ordinaires ; Jean
Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées, pour le nucléaire, l'espace et les services
communs ; Paul Masson, rapporteur pour avis de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Gendarmerie »
; Serge Vinçon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées, pour la section « Forces terrestres » ;
André Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de
la défense et des forces armées, pour la section « Marine ».
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
MM. Jean-Claude Gaudin, rapporteur pour avis de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Air » ;
Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
3.
Organisation du Congrès du Parlement
(p.
10
).
4.
Dépôt d'un rapport en application d'une loi
(p.
11
).
5.
Loi de finances pour 2000.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
12
).
Défense (suite) (p. 13 )
MM. Philippe de Gaulle, Pierre Lefebvre, Aymeri de Montesquiou, Bertrand
Delanoë.
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
MM. Bernard Plasait, Serge Vinçon, André Rouvière, Roger Husson, Guy Penne,
Paul Girod, Jacques Peyrat.
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
M. Jacques Legendre.
M. Alain Richard, ministre de la défense.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
Article 40 (p.
14
)
Rejet des crédits du titre III.
Rejet de l'article.
Article 41 (p. 15 )
M. le ministre.
Rejet des crédits des titres V et VI.
Rejet de l'article.
Suspension et reprise de la séance
(p.
16
)
Jeunesse et sports
(p.
17
)
MM. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances ; James
Bordas, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; M.
Christian Demuynck, Mme Hélène Luc, MM. Bernard Joly, Serge Lagauche, André
Maman, Philippe Darniche, Dominique Leclerc, Aymeri de Montesquiou, Philippe
Madrelle.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.
Adoption des crédits.
6.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
18
).
7.
Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
19
).
8.
Dépôt de rapports
(p.
20
).
9.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
21
).
10.
Ordre du jour
(p.
22
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
LOI DE FINANCES POUR 2000
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000 (n° 88, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 89 (1999-2000).]
Outre-mer
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'outre-mer.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Torre,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget sur lequel nous
sommes aujourd'hui appelés à nous prononcer intervient dans un contexte
particulier, celui de la perspective de la future loi d'orientation pour
l'outre-mer.
A l'heure à laquelle nous parlons, le projet de loi n'a pas encore été rendu
public. En tout cas, la commission des finances du Sénat n'en a pas été
destinataire. Pourtant, nous sentons bien que, si le budget qui nous est soumis
se contente de reconduire l'existant et, si le projet de loi de finances et le
projet de loi de financement de la sécurité sociale ne comportent aucune
disposition spécifique à l'outre-mer, c'est parce que le Gouvernement semble se
réserver pour le projet de loi d'orientation.
Cette loi d'orientation, nous sommes impatients d'en connaître le contenu,
d'autant plus que le silence du Gouvernement tranche avec l'agitation sociale
qui a secoué récemment certains départements d'outre-mer.
Alors, ce budget, qui s'élève à 6,3 milliards de francs, que contient-il ? Il
n'est pas très différent de celui de l'année dernière. Il augmente d'un peu
moins de 1,8 % à structure constante, contre 7 % l'année dernière.
Il tire les conséquences des évolutions institutionnelles, en particulier du
nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie, qui bénéficiera désormais d'une
dotation globale de compensation et d'une dotation globale de fonctionnement,
qui sont naturellement les contreparties des compétences nouvelles qui lui ont
été transférées.
Ces deux dotations seront alimentées, pour partie, par des crédits qui
figuraient déjà au budget de l'outre-mer et, pour partie, par des crédits qui
étaient auparavant inscrits au budget d'autres ministères. Ces transferts
expliquent en grande partie le taux de progression de 13 % des crédits du
secrétariat d'Etat à l'outre-mer, taux qui est donc artificiel, monsieur le
secrétaire d'Etat, et qui se situe en réalité à 1,8 %, comme je l'indiquais.
Ce taux de progression est également dû au regroupement des crédits de la
politique de l'emploi outre-mer dans le budget du secrétariat d'Etat. Jusqu'à
l'année dernière, ces sommes étaient réparties entre le budget de l'outre-mer
et celui de l'emploi et de la solidarité. La lisibilité des documents
budgétaires s'en trouvera, pour une fois, améliorée.
Pour le reste, votre administration, monsieur le secrétaire d'Etat, n'échappe
pas aux conséquences des orientations budgétaires du Gouvernement. Les
rémunérations des personnels progressent de 3,4 % du fait des conséquences de
l'accord salarial dans la fonction publique de 1998, tandis que les moyens de
fonctionnement des services diminuent.
Les dépenses d'investissement, quant à elles, diminuent aussi. Je souligne
cependant d'emblée que cette baisse doit être relativisée. Elle s'explique, en
effet, par l'incorporation, dans la nouvelle dotation globale de fonctionnement
de la Nouvelle-Calédonie, de crédits qui figuraient jusqu'ici dans les dépenses
en capital du secrétariat d'Etat.
Mon collègue Jean-Louis Lorrain parlera sans doute de la politique du
logement. Je voudrais, pour ma part m'inquiéter pour les fonds d'investissement
créés par la loi Perben, c'est-à-dire le fonds d'investissement des
départements d'outre-mer le FIDOM, et le fonds d'investissement pour la
développement économique et social des territoires d'outre-mer, le FIDES.
Certes, leurs crédits progressent dans la loi de finances pour 2000, pour
s'établir à environ 360 millions de francs. Cependant, ils sont peu consommés,
et le stock des reports s'accroît.
Monsieur le secrétaire d'Etat, à l'heure où la manne des fonds structurels
européens - plus de 21 milliards de francs et des nouveaux contrats de plan -
plus de 5 milliards de francs dans les départements d'outre-mer - va devenir
accessible, il est fondamental d'améliorer la programmation des dépenses
d'investissement outre-mer.
Cela dit, les montants que je viens de citer valent pour sept ans et sont à
mettre en parallèle avec les flux des investissements drainés vers l'outre-mer
par le dispositif de la loi Pons, qui s'élèvent à plus de 17 milliards de
francs pour la période 1996-1998. La loi Pons reste donc bel et bien un
instrument très important de la politique d'investissement outre-mer.
Cependant, le « gros morceau » du budget de l'outre-mer n'est malheureusement
pas, et n'a jamais été, l'investissement : ce sont les crédits de l'emploi et
des politiques d'insertion qui représentent cette année encore, monsieur le
secrétaire d'Etat, la moitié de votre budget.
Ils comprennent les crédits de la créance de proratisation du RMI et ceux de
l'action sociale et culturelle, l'action culturelle ayant connu, cette année,
une sensible augmentation de ses crédits.
Les crédits de l'action sociale, ce sont surtout ceux du fonds pour l'emploi
dans les départements d'outre-mer, le FEDOM. Ils se caractérisent cette année
par un mouvement significatif. Les actions traditionnelles, comme les contrats
emploi consolidé ou les contrats d'accès à l'emploi voient leur place réduite
au profit des emplois-jeunes, qui bénéficient, il faut le dire, de la
principale mesure nouvelle de votre budget, avec 170 millions de francs
supplémentaires.
Les crédits destinés aux emplois-jeunes ont déjà triplé en trois ans.
Pourtant, en 1998 comme en 1999, les deux tiers seulement des sommes
disponibles ont été consommés. Alors je m'interroge : auriez-vous du mal à
trouver des candidats dans les départements d'outre-mer, monsieur le secrétaire
d'Etat ?
En tout état de cause, l'accent que vous mettez sur les emplois aidés dans le
secteur public illustre la différence entre l'approche qui est la vôtre et
celle de vos prédécesseurs, qui insistaient plutôt sur la création d'emplois
salariés liés à l'activité économique.
Je pense évidemment à la loi Perben de 1994. Cette loi avait deux volets : un
volet « politique de l'emploi », en direction des publics en difficulté,
concrétisé par la création du FEDOM, et un volet « création d'emplois marchands
», avec la mise en place d'une politique d'amélioration de la compétitivité des
entreprises par la réduction des charges patronales.
Cette politique a été un succès puisque, selon le bilan de la mise en oeuvre
de la loi établi par vos services, les effectifs de salariés exonérés ont crû
fortement.
Il est donc indispensable, monsieur le secrétaire d'Etat, que la future loi
d'orientation conserve un dispositif de ce type. A cet égard, l'article 72 du
projet de loi de finances, sur lequel nous aurons à nous prononcer tout à
l'heure, est de bon augure, puisqu'il prolonge d'un an la durée de vie des
exonérations de la loi Perben.
Mais j'insiste plus largement sur la nécessité de mettre les entreprises et la
création d'emplois marchands au coeur de votre future loi d'orientation, car
l'outre-mer est potentiellement créateur d'activités et donc d'emplois.
J'observe, d'ailleurs, que les taux de croissance de certains DOM sont
supérieurs à celui de la métropole et que c'est la croissance démographique qui
est l'un des principaux obstacles à la réduction du chômage.
Lors de sa mission à la Réunion, au nom de notre commission des finances,
notre collègue M. Roger Besse, rapporteur des crédits de l'aménagement du
territoire, a d'ailleurs pu constater que les créations de TPE, les très
petites entreprises, représentaient environ 10 % des créations d'emploi dans
l'île.
Il faut encourager ce potentiel, comme vous y invite aussi, d'ailleurs,
l'excellent rapport remis à M. le Premier ministre par MM. Lise et Tamaya.
Il faut également encourager le retour à l'activité des RMIstes. A cet égard,
nous suivrons de près le sort que vous réserverez à la proposition du rapport
Fragonard, qui préconise le remplacement du RMI par une allocation de retour à
l'activité dont bénéficieraient les RMIstes prenant le statut de travailleur
occasionnel ou, éventuellement, de créateur d'entreprise. Cette idée intéresse
beaucoup la commission des finances, car elle rejoint dans une certaine mesure
les propositions de M. le rapporteur général relatives au RMA, le revenu
minimum d'activité.
Encourager l'emploi marchand, c'est également limiter l'avantage dont
bénéficie l'emploi public outre-mer. Je fais bien entendu allusion à la
question des surrémunérations dans la fonction publique. Je dois le dire, nous
avons été un peu déçus d'entendre M. le Premier ministre, en déplacement
outre-mer, fermer la porte à une évolution de ce régime, dont les inconvénients
ont été bien mis en évidence par le rapport Fragonard et dont le coût annuel
pour l'Etat est de l'ordre de 4 milliards de francs.
Pour donner un ordre de grandeur, je dirai simplement que cela représente les
deux tiers du budget de votre département ministériel et plus de trois fois le
coût de la loi Pons en 1998.
Avant de conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais m'arrêter un
instant sur un tout autre sujet : la modernisation du droit applicable
outre-mer.
Une loi d'habilitation a été récemment votée dans cette assemblée. Vous avez
engagé un très vaste chantier et nous vous en félicitons. Cependant, j'attire
votre attention sur un point : le recours à la procédure des ordonnances doit
rester exceptionnel, car il n'est pas sain que le législateur se dessaisisse
trop souvent de ses prérogatives au profit de l'exécutif.
C'est pourquoi nous vous engageons à inciter vos collègues à toujours mieux
prévoir les modalités d'application à l'outre-mer des textes qu'ils soumettent
au Parlement.
J'en arrive au terme de mon propos, et il est temps pour moi de me prononcer
sur le budget que vous nous soumettez.
Vous l'avez compris, monsieur le secrétaire d'Etat, la commission des finances
ne partage pas toutes vos orientations. En particulier, elle ne pense pas que
le développement des emplois-jeunes doive constituer la principale mesure d'un
budget en faveur de l'outre-mer.
Cependant, voulant rester optimiste, j'interpréterai ce budget comme un simple
budget de transition, qui reconduit les dispositifs en place pour mieux les
réviser et - pourquoi pas ? - pour les améliorer dans la loi d'orientation.
Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, je vais me livrer à des hypothèses.
En prorogeant les exonérations de la loi Perben, vous laissez présager la
reconduction de ce dispositif dans la loi d'orientation. Vous avez aussi
inscrit à l'ordre du jour du Parlement les projets de loi de ratification
d'ordonnances, comme vous vous y étiez d'ailleurs engagé. Il y a donc bon
espoir, me semble-t-il, que nous puissions débattre du projet de loi
d'orientation dès cette session. Cette discussion, nous l'attendons vivement
et, comme d'habitude au Sénat, nous l'aborderons avec détermination et dans un
esprit constructif.
Dans l'attente de cette discussion, et pensant que mes hypothèses
correspondent, monsieur le secrétaire d'Etat, à vos intentions pour l'an 2000
concernant le projet de loi d'orientation, je propose à mes collègues, au nom
de la commission des finances, d'adopter les crédits de l'outre-mer inscrits
dans le projet de loi de finances pour 2000.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste. - M. Robert Bret applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Désiré, rapporteur pour avis.
M. Rodolphe Désiré,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
j'aborderai la présentation des crédits destinés à l'outre-mer en soulignant,
une fois encore, toute la difficulté de l'exercice qui consiste à faire la
synthèse entre des situations politiques et économiques d'autant plus diverses
que certaines collectivités territoriales, comme la Nouvelle-Calédonie ou la
Polynésie française, connaissent des évolutions institutionnelles majeures et
spécifiques sans comparaison avec les autres territoires.
S'agissant des départements d'outre-mer, force est de constater que leur
situation économique et sociale se dégrade. La production locale reste faible
et l'indice de confiance des entreprises est en baisse, notamment à cause de
l'effet des multiples conflits sociaux, longs et souvent durs, qui ont terni
l'image de marque des départements d'outre-mer, particulièrement aux
Antilles.
En ce qui concerne les territoires d'outre-mer et Mayotte, les évolutions
institutionnelles intervenues en 1998 concernant la Nouvelle-Calédonie et la
Polynésie française ont contribué au rétablissement d'un certain climat
d'optimisme chez les chefs d'entreprise qui ont cherché à investir, et la
progression de l'activité touristique est restée soutenue. Néanmoins, la
situation de l'emploi est toujours préoccupante.
Dans le projet de loi de finances pour 2000, le budget du secrétariat d'Etat à
l'outre-mer s'élève à 6,36 milliards de francs, soit une progression de 13,5 %,
qui résulte pour une large part du regroupement de dépenses antérieurement
gérées par d'autres ministères. A structure constante, les crédits pour 2000
progressent de 1,8 % et atteignent 5,7 milliards de francs.
Ainsi, en ce qui concerne l'action en faveur des collectivités locales, la
forte progression des crédits résulte exclusivement du regroupement de crédits
en provenance d'autres ministères pour financer le transfert progressif de
certaines compétences en faveur de la Nouvelle-Calédonie, en application de la
loi organique du 19 mars 1999.
Les aides à l'emploi et pour l'insertion sociale s'élèvent à 3,14 milliards de
francs, soit une hausse de 13,5 %, mais, là encore, à structure constante,
l'augmentation se limite à 1,5 %, si l'on neutralise le transfert des crédits
finançant les contrats emplois consolidés relevant jusqu'à présent du ministère
de l'emploi et de la solidarité.
Il faut, de plus, se féliciter de ce que l'article 72 du projet de loi de
finances proroge, jusqu'au 31 décembre 2000, le dispositif d'exonérations
patronales prévu par la loi Perben. On peut espérer qu'à cette date les
nouveaux mécanismes, visant le même objectif et prévus dans la future loi
d'orientation de l'outre-mer promise par M. le Premier ministre, seront
opérationnels.
Outre les crédits de la ligne budgétaire unique finançant les aides à la
pierre pour l'outre-mer, qui progressent grâce à l'augmentation de la part «
logement » de la créance de proratisation du RMI, il faut souligner l'effet
positif des mesures fiscales prises en matière de logement, notamment
l'application du taux réduit de TVA sur la rénovation et l'entretien, qui
permet de faire passer ce taux de 9,5 % à 2,1 %. Néanmoins, il semblerait que
la répercussion de la baisse du taux du livret A sur le taux des prêts
consentis aux organismes d'HLM ne soit pas totale pour l'outre-mer, ce qui me
paraît très regrettable compte tenu des besoins encore considérables en matière
de réhabilitation et de rénovation de l'habitat.
S'agissant des interventions de l'Etat pour soutenir l'investissement, on
constate qu'un effort important est consenti dans le cadre des nouveaux
contrats de plan. Pour les départements d'outre-mer, la première enveloppe
globale arrêtée en juillet 1999 porte sur 4,52 milliards de francs, dont 1,34
milliard de francs à la charge du budget de l'outre-mer.
Les crédits de paiement inscrits au fonds d'investissement pour les
départements d'outre-mer s'élèvent à 217,5 millions de francs, soit une
augmentation de 9,5 %, et ceux du fonds d'investissement pour le développement
économique et social consacrés aux territoires d'outre-mer progressent de 13,01
%.
De plus, il faut rappeler que, à l'échelon européen, la réforme des fonds
structurels, finalisée en juin 1999, est très favorable aux départements
d'outre-mer, qui relèvent toujours de l'objectif 1, lequel concerne les pays
dont le produit intérieur brut est inférieur à 70 % du produit intérieur brut
moyen des régions européennes. L'enveloppe qui leur est allouée a été fixée à
21,34 milliards de francs pour 2000-2006, soit une augmentation de 64 % par
rapport à la période précédente.
En marge de ce budget, on peut regretter de ne pas trouver de dispositif
réellement incitatif à l'investissement productif outre-mer, car force est de
constater que le mécanisme de déduction fiscale prévu par la loi Pons, maintes
fois modifié depuis 1986, ne joue plus son rôle d'effet de levier pour
l'investissement privé. Sur la base des statistiques transmises par
l'administration, le montant des investissements réalisés et déduits est passé
de 5,5 milliards de francs à 3,6 milliards de francs en 1998. La diminution
semble également très forte en 1999. Cela résulte des restrictions apportées au
dispositif par la loi de finances pour 1998 et de l'augmentation du volume des
investissements refusés par Bercy, où une véritable guerre semble être menée
contre la défiscalisation. Or, ce serait un mauvais calcul pour l'outre-mer de
laisser péricliter ce dispositif jusqu'à 2002 pour décider alors de ne rien
faire de plus. En effet, l'outre-mer a besoin d'investissements publics et
privés considérables pour effectuer son véritable décollage économique.
Par conséquent, il est urgent que la loi d'orientation de l'outre-mer promise
par le Premier ministre soit soumise au vote du Parlement et qu'elle prévoit un
ensemble de mesures réellement innovantes et pérennes afin de doper et de
viabiliser l'économie des départements d'outre-mer sur le long terme.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission des affaires
économiques considère que, pour l'immédiat, les crédits inscrits au budget de
l'outre-mer répondent aux besoins recensés et que ce budget est, en définitive,
un budget d'attente. Aussi, elle émet un avis favorable à son adoption.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.
- M. Robert Bret applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les aspects
sociaux.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, sur le plan social, 1998 restera une année noire pour l'outre-mer,
en dépit d'une relative amélioration de la conjoncture économique. L'année 1999
n'est, hélas ! que le prolongement de cette dégradation de la situation
sociale.
Le climat social s'est détérioré dans la plupart des départements d'outre-mer,
avec une hausse significative du nombre de journées de grève. Parallèlement, le
nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de 2 % dans ces départements, alors
qu'il diminuait de 5 % en métropole en 1998.
L'exclusion progresse également. En juin dernier, on dénombrait 124 000
allocataires du RMI, soit 15 % de la population active - la proportion n'est
que de 3 % environ en métropole.
C'est cette situation, que l'on peut qualifier d'urgence sociale, qu'une
partie de votre commission a pu vérifier sur le terrain cet été, lors d'une
mission d'information effectuée en Guyane.
Or, le projet de budget que vous nous présentez, monsieur le secrétaire
d'Etat, ne semble pas à la hauteur de cette urgence sociale.
Au-delà des chiffres rappelés par M. le rapporteur spécial de la commission
des finances, c'est l'orientation générale de la politique budgétaire du
Gouvernement pour l'outre-mer qui me paraît préoccupante. Je prendrai seulement
deux exemples : l'emploi et la solidarité, mais ils représentent tout de même
50 % des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Compte tenu du temps de parole qui m'est imparti, je me permets de vous
renvoyer à mon rapport écrit, plus particulièrement à la page 28 s'agissant de
l'habitat dégradé.
En ce qui concerne l'emploi, les crédits du FEDOM ne progressent que très
modestement en 2000, à structure constante, mais la nature de ce fonds évolue
rapidement.
Ainsi, les crédits consacrés au contrat d'accès à l'emploi, seul dispositif
orienté vers le secteur concurrentiel financé par le FEDOM, diminuent de 28 %.
En revanche, ceux qui sont alloués aux emplois-jeunes s'accroissent de 38 %.
Désormais, 83 % des crédits du FEDOM sont affectés aux aides à la création
d'emplois dans le secteur non concurrentiel.
La commission des affaires sociales ne peut que s'inquiéter de cette
réorientation de la politique de l'emploi vers le secteur non marchand.
J'observe d'abord que, dans les départements d'outre-mer, 42 % des salariés
travaillent déjà dans le secteur public.
En outre, contrairement à certaines idées reçues, l'emploi peut être développé
dans le secteur privé. Ainsi, en 1998, les effectifs salariés de celui-ci ont
augmenté de 5,5 %. Il existe donc des gisements d'emplois productifs.
Je note encore que, lors de votre audition par la commission des affaires
sociales, vous avez, monsieur le secrétaire d'Etat, reconnu l'efficacité des
aides à l'emploi dans le secteur privé. Il est vrai que la croissance de
l'emploi a été quatre fois plus rapide dans les secteurs bénéficiant de
l'exonération de charges sociales prévue par la loi Perben de 1994 que dans les
autres secteurs.
Dès lors, la priorité donnée aux emplois-jeunes me semble tout
particulièrement inadaptée aux spécificités de l'outre-mer.
Cette analyse est d'ailleurs partagée par M. Bertrand Fragonard, qui, dans son
récent rapport sur la politique de l'emploi dans les DOM, constate, à propos
des emplois-jeunes, qu'« il semble que l'on ait atteint aujourd'hui certaines
limites budgétaires ». La situation est en effet assez paradoxale : le
Gouvernement a réduit le nombre des contrats d'accès à l'emploi, au prétexte de
leur coût budgétaire, pour créer de nouveaux emplois-jeunes, qui pourtant
engendrent des dépenses plus importantes.
En outre, Mme Eliane Mossé constate, dans un rapport sur le développement
économique des départements d'outre-mer remis au Gouvernement, que l'« on peut
s'interroger sur la sortie du dispositif, dans la mesure où les emplois créés
n'entraînent pas le plus souvent une formation utilisable dans le secteur
marchand ».
Dans ces conditions, il nous semble plus pertinent de favoriser les contrats
d'accès à l'emploi. M. Fragonard le reconnaît d'ailleurs implicitement quand il
propose de viser un objectif de 10 000 contrats d'accès à l'emploi, contre
seulement 7 000 actuellement. Le Gouvernement, quant à lui, le reconnaît
explicitement quand il écrit, dans un rapport sur l'application de la loi
Perben, que « le contrat d'accès à l'emploi répond, pour l'ensemble des
secteurs de l'économie des départements d'outre-mer, à la réalité du marché du
travail, tant du point de vue des employeurs que des demandeurs d'emploi. Il
s'avère être un outil efficace de lutte contre le chômage. »
Il serait également préférable de favoriser les actions de formation
professionnelle des jeunes, notamment par la voie de l'alternance. C'est un
problème crucial, car il engage l'avenir. En 1998, seulement 3 700 jeunes ont
bénéficié d'un contrat d'apprentissage, soit 1 000 de moins qu'en 1996. Le
rapport Fragonard estime qu'il serait souhaitable de chercher à atteindre un
objectif de 8 000, voire 10 000 apprentis d'ici à trois ans. La commission des
affaires sociales ne peut qu'appuyer cette analyse, tout en observant que cela
impose de rendre les formations en alternance plus attractives pour les
employeurs locaux. On pourrait, par exemple, relever de 12 000 à 20 000 francs
par contrat le montant de l'aide de l'Etat à la formation des apprentis.
Il semble également nécessaire d'amplifier les effets des exonérations
sectorielles de charges sociales, en levant les verrous qui en limitent
l'efficacité.
Sur ces questions, nous attendons bien sûr avec impatience le dépôt d'un
prochain projet de loi d'orientation, mais nous ne pouvons pas, pour l'instant,
approuver la politique de l'emploi qui nous est proposée au travers de ce
projet de budget.
S'agissant de la solidarité, la commission des affaires sociales regrette que
la politique d'égalité sociale soit au point mort depuis 1996. Or le débat se
cristallise aujourd'hui sur la question de l'alignement du montant du RMI, qui
est, je vous le rappelle, inférieur de 20 % dans les départements d'outre-mer à
ce qu'il est en métropole.
La commission des affaires sociales estime qu'il faut progresser avec prudence
dans cette voie, même si cela répond à un souci d'approfondissement de la
politique d'égalité sociale, à laquelle elle est tout particulièrement
attachée.
En effet, procéder à un tel alignement soulève deux inconvénients majeurs.
D'une part, cela signifierait la disparition de la créance de proratisation du
RMI, censée justement compenser l'écart entre le RMI des départements
d'outre-mer et le RMI métropolitain. Il faudrait alors dégager l'équivalent de
862 millions de francs, soit plus de 13 % du budget du secrétariat d'Etat à
l'outre-mer, pour pouvoir maintenir au même niveau le financement des actions
d'insertion et de la politique du logement.
D'autre part, en rapprochant le montant du RMI de celui du SMIC, une telle
mesure risquerait de décourager les allocataires de chercher du travail et
d'amener un développement du travail illégal. Une étude menée à la Réunion en
1995 a évalué à 27 000 le nombre de personnes concernées par le travail
illégal, pour une population active de 175 000 personnes. D'autres enquêtes
laissent supposer que l'emploi illégal est plus développé encore aux Antilles
et en Guyane.
Ces arguments sont en partie fondés, mais ne peuvent justifier à eux seuls le
refus d'un alignement. Celui-ci doit intervenir pour des raisons d'équité, j'y
insiste, mais il doit être progressif, afin d'éviter de possibles effets
pervers.
Aussi la commission des affaires sociales estime-t-elle qu'il importe de
réorienter le RMI dans les départements d'outre-mer et d'accroître son
efficacité en matière d'insertion avant d'aligner son montant sur celui du RMI
métropolitain. Le rapport Fragonard relève ainsi qu'« un alignement prématuré,
sans que le RMI ait été au préalable maîtrisé et recentré sur des politiques
d'insertion plus effectives, serait une erreur économique et sociale, dont les
effets pervers seraient lourds et durables sur l'économie, aggravant les
phénomènes d'assistance et de travail informel ». Ce risque ne doit pas être
surévalué, mais ne doit pas non plus être négligé.
Au total, la commission des affaires sociales considère qu'il s'agit ici d'un
budget d'attente. Or, la situation de l'outre-mer est actuellement si
préoccupante qu'elle ne peut supporter une année d'inaction avant l'adoption de
la future loi d'orientation.
La commission des affaires sociales estime en outre que l'orientation de la
politique de l'emploi est particulièrement inquiétante.
Pour toutes ces raisons, elle a émis un avis défavorable à l'adoption des
crédits du volet social de budget de l'outre-mer. Elle a en revanche émis un
avis favorable à l'adoption de l'article 72 du projet de loi de finances,
rattaché aux crédits de l'outre-mer.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Balarello, rapporteur pour avis.
M. José Balarello,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour les départements d'outre-mer.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'avis que j'ai l'honneur de vous
présenter au nom de la commission des lois porte sur les crédits prévus par le
projet de loi de finances pour l'an 2000 au titre des départements d'outre-mer
et des deux collectivités territoriales à statut particulier, Mayotte et
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Dans notre rapport pour avis, après avoir exposé l'évolution des crédits,
notamment de ceux du ministère de l'intérieur, du ministère de la justice et du
secrétariat d'Etat à l'outre-mer, nous avons examiné plus particulièrement les
crédits afférents à la sécurité, à la justice, à la maîtrise de l'immigration
et à la fonction publique.
Nous avons également évoqué la place des départements d'outre-mer dans l'Union
européenne et, enfin, les perspectives d'évolution institutionnelle, objet du
futur projet de loi d'orientation, évolution institutionnelle dont la
commission des lois sera saisie au fond et qui a été à l'origine du déplacement
de plusieurs membres de la commission des lois en Guyane, en Martinique et en
Guadeloupe.
Nous avons aussi examiné l'évolution des crédits, notamment la forte
progression des crédits européens d'investissement. Vous trouverez en outre
dans le rapport, mes chers collègues, deux tableaux retraçant l'évolution des
crédits inscrits au projet de budget pour l'an 2000 par rapport à 1999.
La commission des lois s'est surtout attachée à l'étude des crédits du
ministère de la justice, qui sont en progression de 15 % s'agissant des moyens
de paiement et de 140 % en ce qui concerne les autorisations de programme.
Lors de notre déplacement outre-mer, nous avons entendu les chefs de cour et
de nombreux magistrats. Nous avons pu nous rendre compte de l'urgence des
besoins, et Mme le garde des sceaux, lors de son audition par la commission des
lois dans l'optique de l'examen des crédits de la justice, nous a précisé que
des travaux allaient être entrepris aux palais de justice de Basse-Terre et de
Fort-de-France et au service de l'état civil de Mayotte. Après nous être rendus
sur place, nous sommes amenés à souhaiter que le palais de justice de Cayenne
soit également rénové.
Ces crédits sont d'autant plus nécessaires que l'activité des juridictions se
développe très rapidement : le volume des affaires en instance s'est en effet
accru en cinq ans de 26,8 % à la cour d'appel de Fort-de-France et de 38,2 % à
celle de Saint-Denis-de-la-Réunion.
De même, la surpopulation carcérale pose problème, malgré la mise en service,
en 1996, de trois nouveaux établissements pénitentiaires, dont deux sont situés
aux Antilles et un en Guyane, et la promesse de Mme la ministre de la justice
d'en créer rapidement un autre de 600 places à la Réunion.
La délinquance trouvant souvent ses racines dans les difficultés liées à
l'emploi des jeunes et à l'immigration, notre rapport a également porté sur ces
deux problèmes. Les emplois-jeunes, les contrats emploi-solidarité, les crédits
du FEDOM, ont ainsi été analysés. A cet égard, il faut regretter, monsieur le
secrétaire d'Etat, que l'on ne crée pas davantage d'emplois durables par une
politique touristique et industrielle plus cohérente et plus dynamique.
L'immigration clandestine, quant à elle, est difficilement maîtrisable, compte
tenu des contraintes géographiques, en Guyane surtout, et des différences
considérables qui existent entre les produits intérieurs bruts annuels par
habitant. Celui-ci est par exemple de 15 882 dollars dans le département de
Guyane, contre 4 809 dollars au Surinam voisin ou 664 dollars à Haïti !
La maîtrise de l'immigration est donc un enjeu majeur dans les départements
d'outre-mer, pour le développement économique mais aussi pour la préservation
de l'ordre public et des équilibres sociaux.
La commission des lois a par ailleurs évoqué à nouveau la question de la
surrémunération des fonctionnaires, presque tous les élus locaux des DOM ayant
soulevé ce problème devant nous.
Deux chapitres de notre rapport sont en outre consacrés aux aides de l'Union
européenne, dans le cadre notamment du programme d'options spécifiques à
l'éloignement et à l'insularité des départements d'outre-mer, le POSEIDOM, et
des fonds structurels, pour lesquels les DOM sont éligibles à l'objectif I, qui
concerne, pour la période 2000-2006, les régions dans lesquelles le produit
intérieur brut par habitant est inférieur à 76 % à la moyenne communautaire, ce
qui est le cas dans les départements d'outre-mer.
L'enveloppe européenne pour la période 2000-2006 dépassera les 21 milliards de
francs. C'est une augmentation très importante, puisque, pour la période
1994-1999, elle atteignait 12 milliards de francs.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans mon rapport, je vous ai demandé de veiller
à la bonne consommation de ces crédits européens, qui n'est pas actuellement
satisfaisante. Chaque préfet de département devrait vous remettre un rapport
sur ce sujet tous les deux mois - c'est une suggestion que j'ai formulée lors
de votre audition par la commission des lois - car cette non-consommation des
crédits est peu admissible, et inciter les collectivités locales, les chambres
de commerce et les universités à affecter en priorité ces crédits au
financement de projets porteurs d'emplois dans le secteur privé, commercial,
industriel et touristique. Je pense notamment ici à la création de ports
pouvant recevoir les grands paquebots de croisière. Un tel équipement est en
cours de réalisation à Saint-Martin, mais il est situé dans la partie
néerlandaise de l'île.
Enfin, le dernier chapitre de notre rapport a été consacré brièvement aux
perspectives d'évolution institutionnelle ou statutaire des DOM. Il nous est
apparu, en nous rendant sur place, que chaque département d'outre-mer a ses
caractéristiques propres et qu'il nous faudra faire du « cousu main »,
département par département, l'un des dénominateurs communs des départements
d'outre-mer étant cependant la volonté d'entretenir des relations directes, sur
les plans culturel, économique et touristique - cette énumération n'étant pas
exhaustive - sans passer par Paris, avec leurs voisins de la Caraïbe ou le
Brésil.
Sous réserve de ces observations, la commission des lois, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, a donné un avis favorable à l'adoption
du projet de budget des départements d'outre-mer et de Saint-Pierre-et-Miquelon
et de Mayotte.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme chaque
année, l'examen du projet de budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer donne à
la commission des lois du Sénat l'occasion de dresser un bilan et d'évoquer les
perspectives offertes en matière d'évolution institutionnelle et normative pour
quatre de nos collectivités d'outre-mer : la Nouvelle-Calédonie, devenue une
collectivité
sui generis
depuis la réforme constitutionnelle du 20
juillet 1998 suivie de l'adoption du nouveau statut du 19 mars 1999 ; la
Polynésie française, appelée à devenir un pays d'outre-mer en janvier prochain
; les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises,
dernières collectivités continuant à appartenir à la catégorie des territoires
d'outre-mer visée par l'article 74 de notre Constitution.
Je n'insisterai pas sur les aspects proprement financiers, brillamment
présentés par le rapporteur spécial de la commission des finances.
Les crédits réservés à la Nouvelle-Calédonie sont, certes, en forte
augmentation dans votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, mais nous savons
bien que c'est parce que les transferts de compétence vers la
Nouvelle-Calédonie, à compter du 1er janvier prochain, prennent la forme de
deux dotations globales. C'est donc la traduction des évolutions
institutionnelles.
La commission des lois se félicite que les évolutions statutaires en cours
permettent de prendre en considération la grande diversité des situations.
Comme l'ont dit un certain nombre de collègues, dont M. Balarello, cette
démarche pourra sans doute inspirer les orientations qui seront retenues pour
les départements d'outre-mer.
Dans le respect de cette diversité et compte tenu des cinq minutes qui me sont
imparties, j'évoquerai simplement quelques points saillants dont on voudra bien
excuser l'allure d'inventaire.
S'agissant, tout d'abord de la Nouvelle-Calédonie, les élections au congrès et
aux assemblées de province ont eu lieu au début du mois de mai dernier. Le fort
taux de participation, 75 %, a marqué l'intérêt des Calédoniens pour le nouveau
statut.
Après une période de rodage apparemment quelque peu difficile, le gouvernement
collégial élu fin mai semble désormais fonctionner puisqu'il est à l'origine de
la première loi du pays, adoptée à l'unanimité du congrès le 19 octobre et
annexée au rapport pour avis de la commission des lois. Le Sénat ayant innové
en ce domaine, il y avait lieu, en effet, de marquer cet événement.
Le Sénat coutumier a été mis en place à la fin du mois d'août dernier.
Du point de vue de la politique contractuelle de soutien au développement,
j'insisterai, bien entendu, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la nécessité de
veiller à une répartition des sommes allouées permettant de poursuivre le
rééquilibrage entre les provinces, rééquilibrage dont la nécessité doit être
affirmée dans les contrats Etat - Nouvelle-Calédonie et Etat - provinces. Les
maires de Nouvelle-Calédonie que M. Jacques Larché, président de la commission
des lois, a reçus récemment nous ont fait part de leurs inquiétudes à ce
sujet.
Concernant la Polynésie française, nous souhaitons, bien entendu, que son
nouveau statut soit élaboré avec autant de célérité et d'efficacité que cela a
été le cas pour la Nouvelle-Calédonie. Notre collègue Lucien Lanier est prêt à
rapporter ce texte.
Je me permets également de réitérer la demande de la commission des lois
tendant à ce que la proposition de loi organique procédant à un rééquilibrage
de la répartition des sièges au sein de l'assemblée de la Polynésie française
soit rapidement inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale eu égard à
la proximité de la prochaine échéance électorale.
Pour le bilan relatif à la mise en oeuvre des dispositifs novateurs du statut
actuel, qui date d'avril 1996, je vous renvoie au rapport de la commission des
lois. Je regretterai seulement que la commission paritaire de concertation
entre l'Etat, le territoire et les communes, créée sur l'initiative du Sénat,
semble fonctionner au ralenti - et c'est un euphémisme !
Outre les aspects budgétaires et statutaires, la commission des lois a
également dressé un bilan de l'activité juridictionnelle en Nouvelle-Calédonie
et en Polynésie française. Si des informations complémentaires m'ont été
transmises, je tiens à faire part de mon étonnement d'avoir vu figurer sur les
fiches de réponse aux questionnaires budgétaires les dernières statistiques de
1995. Il semblerait que l'appareil statistique du ministère de la justice, sans
doute un peu partout en métropole mais plus encore dans les territoires
d'outre-mer, soit quelque peu obsolète ou ne fonctionne pas très bien !
Je rappelle que la justice demeure une compétence régalienne que l'Etat doit
continuer d'exercer dans sa plénitude !
Concernant les îles Wallis-et-Futuna, j'insisterai de nouveau sur la nécessité
d'engager dans les meilleurs délais les négociations devant conduire à la
conclusion d'un accord avec la Nouvelle-Calédonie. L'échéance, je le rappelle,
est fixée par la loi organique du 19 mars 1999 au 31 mars 2000.
Pour ce qui est du territoire des Terres australes et antarctiques françaises,
nous nous réjouissons de la naissance d'un
Journal officiel.
Je mentionnerai également l'installation prochaine, à la Réunion, de
l'administration des Terres australes et antarctiques françaises.
Je signale toutefois que la vétusté des bases scientifiques, qui contribuent
au rayonnement de la France, est pour nous source d'inquiétude. Les crédits
affectés à leur rénovation sont, de notre point de vue, insuffisants.
M. le rapporteur spécial a déjà évoqué les évolutions normatives.
L'actualisation du droit outre-mer est notre préoccupation. La procédure des
ordonnances facilite les choses, c'est vrai, dans la mesure où chaque ministère
n'est pas toujours en mesure de prévoir l'application de ses textes outre-mer.
Mais encore faudrait-il qu'il y ait un recueil clair et précis, faute de quoi,
c'est un véritable maquis, surtout quand, les ordonnances étant ratifiées, nous
modifions les textes ou lorsque d'autres textes interviennent entre deux, comme
je l'ai déjà dit lors de notre débat sur la ratification des ordonnances.
Enfin, dernier point, le régime d'association des pays et territoires
d'outre-mer, les PTOM, à l'Union européenne vient à expiration le 28 février
2000. Nous demandons au Gouvernement de veiller à ce que la spécificité des
PTOM français soit reconnue et, en particulier, que les conséquences des
évolutions institutionnelles de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie
française liées à l'avènement d'une nouvelle citoyenneté locale soient prises
en considération.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois est favorable à
l'adoption des crédits consacrés aux territoires d'outre-mer et à la
Nouvelle-Calédonie dans le projet de budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer
pour 2000.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 36 minutes.
Groupe socialiste, 31 minutes.
Groupe de l'Union centriste, 24 minutes.
Groupe des Républicains et Indépendants, 22 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes.
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de loi de finances pour l'outre-mer fait apparaître une augmentation de
crédits de 13,5 % par rapport à 1999. Ce taux de progression est spectaculaire
et résonne bien, mais, en réalité, il est artificiel. La vérité est tout autre
puisque l'augmentation de crédits pour l'an 2000 s'articule autour de 1,8 %.
Je note de nouveau que l'archipel guadeloupéen, compte tenu de sa situation
géographique, avec ses six îles, est victime d'une inégalité insupportable, car
la dotation de décentralisation et les crédits intéressant le transport sont
parfois même inférieurs à ceux de 1999.
Je pourrais également citer comme exemple, à ce titre, la dotation de la
santé, celle de l'enseignement supérieur, celle de l'emploi.
En 1999, la dotation et les crédits de paiement s'élevaient à 10 milliards de
francs pour la Martinique et à 8 milliards de francs pour la Guadeloupe ; en
2000, ils atteignent 11,140 milliards de francs pour la Martinique et 8,425
milliards de francs pour la Guadeloupe. Cette inégalité de traitement ne peut
se comprendre dans la mesure où nous avons à gérer six îles.
Monsieur le secrétaire d'Etat, après la visite du Premier ministre sur le
terrain, qui s'est rendu compte de ce que représentaient les déplacements entre
Pointe-à-Pitre et la Désirade, ou Saint-Martin, ou encore Saint-Barthélémy,
j'étais en droit d'espérer, surtout dans le domaine de la santé, autre chose
que des dotations aussi faibles.
Je dirai même que la Guadeloupe avait besoin d'un effort particulier.
Nous étions ensemble à Bruxelles, monsieur le secrétaire d'Etat. Vous avez pu
constater à la lecture du tableau comparatif qui a été notifié par les
instances communautaires, que la Guadeloupe est la région la plus pauvre, avec
un PIB égal à de 40 % de la moyenne communautaire par habitant, et un taux de
chômage officiel de 30 %. C'est insupportable !
Les cyclones successifs qui viennent de frapper l'archipel guadeloupéen
démontrent avec force, s'il en était besoin, les risques liés à notre
environnement, la fragilité de nos économies et l'incidence des intempéries sur
les coûts de construction.
En effet, la répétition des phénomènes cycloniques nous conduit à intégrer
davantage qu'ailleurs les facteurs de risque dans l'élaboration des
aménagements urbains, la construction des logements, la protection des berges
des rivières et du littoral.
Cela pose aussi avec acuité le problème de la maîtrise de l'aménagement des
cinquante pas géométriques.
Enfin, un autre facteur, humain celui-là, est en train de déstabiliser notre
région ; je veux parler du chômage, dû à la faiblesse chronique et structurelle
de nos entreprises de production, et qui entraîne la détérioration du climat
social.
Pourtant, les moyens de la Communauté économique européenne, ceux de l'Etat et
même ceux ces collectivités sont, dans ma région, parfaitement consommés.
Le projet ne tient pas compte du fait que la Guadeloupe est un archipel, d'où
la nécessité d'une dotation de transport. Je n'y vois pas non plus la moindre
trace d'un fonds de calamité.
Les deux lycées les plus importants ont été construits à l'époque coloniale,
monsieur le secrétaire d'Etat.
Au-delà des efforts régionaux, il est indispensable, pour des raisons de
sécurité, d'apporter une réponse - je le dis ici pour la deuxième fois - au
problème de la cité scolaire de Baimbridge, qui, tel un château de cartes, peut
s'effondrer à la moindre secousse. Or, les secousses telluriques sont
nombreuses en Guadeloupe, ne perdons pas de vue que nous sommes dans une zone à
la fois cyclonique et sismique.
Les constructions scolaires ont été bâties à la hâte lors des événements du
volcan de la Soufrière, en 1976.
Nous avons été reçus très aimablement par le ministre de l'éducation, M.
Allègre, qui connaît bien le volcan de la Soufrière. Il nous a fait des
promesses, notamment celle de nous accorder un prêt sans intérêt pour financer
la construction d'un nouveau lycée sur Baimbridge et réparer le lycée du
Lamentin. Depuis quatre mois, nous attendons la confirmation. Il semblerait que
la dotation des collèges ait été versée. Mais les élèves qui sont au collège
seront, demain, des lycéens !
Je le dis devant la Haute Assemblée, le contenu des rapports de la SOCOTEC, la
société de contrôle technique à la construction, et du BRGM, le bureau de
recherches géologiques et minières, sur la cité de Baimbridge et le lycée du
Lamentin est très préoccupant. Nul ne doit l'ignorer.
La cité de Baimbridge, sur laquelle nous avons déjà fait l'effort de
construire un lycée, représente un risque permanent pour une population de plus
de 3 000 étudiants.
Il faut savoir, en outre, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une construction
aux Antilles coûte 40 % plus cher qu'en métropole, parce qu'il faut respecter
les règles imposées en matière sismique et cyclonique, règles que Mme le
ministre de l'environnement nous a invités à respecter. Elle ignore sans doute
que la dotation de l'Etat représente peu de choses dans le coût de la
construction des établissements scolaires !
S'agissant de la santé, des efforts vont être faits, au niveau des dotations,
pour le centre hospitalier de Pointe-à-Pitre, de même que pour les cliniques,
je le reconnais.
Je tiens toutefois à faire état ici de la préoccupation de la population de la
Guadeloupe. Voilà déjà deux ans, un incident grave a entraîné la mort de
patients dans l'hôpital de Pointe-à-Pitre. Très récemment, un éminent
professeur guadeloupéen s'est suicidé, et il n'était pas fou ! Il y a, sur cet
hôpital, un rapport de l'inspection générale des affaires sociales. Mais tout
cela se fait dans le silence. Or, la population a le droit d'être informée, a
le droit d'être rassurée sur le projet qu'on entend mettre en place pour que le
CHU de Pointe-à-Pitre redevienne ce qu'il devrait être : un véritable CHU.
En ce qui concerne l'emploi, je réjoindrai les conclusions de M. le rapporteur
spécial : le RMI conduit la population à l'assistanat. Je l'avais déjà dit
alors que je siégeais sur les bancs de l'Assemblée nationale, en 1990.
Le RMI, c'est la rémunération sans le travail, c'est la perte de toute
volonté, de toute créativité, créativité qu'engendre, au contraire, l'activité.
Le RMI, c'est la pratique des jeux : les plus gros joueurs, chez nous, sont des
RMIstes. Le RMI, c'est le rêve et la drogue !
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans ce budget sont encore passés sous silence
l'aménagement du territoire et la zone des cinquante pas géométriques. Des
commissions seraient installées... elles travailleraient... Nous n'en savons
pas plus ! En tout cas, en tant que président de région, je ne suis pas
informée.
Ainsi, les rivières, depuis la loi coloniale, relèvent de la responsabilité de
l'Etat. Or qu'est-ce qui a débordé sinon les rivières ? L'arrêté qui a été pris
est pour le moins surprenant : après quatre jours d'ouragan, vous avez
classifié en zones inondées, risques coulées de boue et coups de boutoir des
houles ! L'hôtel de région a été endommagé à un point tel que la paierie
générale a dû déménager à cause non pas d'une inondation, mais d'une coulée de
boue entraînée par les rivières sortant de leur lit.
Cette question m'interpelle. Avec ce classement de Basse-Terre en zone
d'inondation, sans retenir les coulées de boue, l'assurance va-t-elle jouer ?
Je n'ai pas encore compris pourquoi on a cloisonné. J'ai vu des coulées de boue
au Moule : il n'y a eu aucun dégât dans cette commune... Comment tout cela
a-t-il été fait ? Nous n'en savons rien !
Nous constatons simplement que les berges des rivières sont en état d'abandon,
et ce sont les communes et les collectivités qui doivent prendre en charge leur
remise en état.
Nous constatons aussi que le littoral, pourtant propriété de l'Etat, ne fait
l'objet d'aucune attention particulière.
Et l'application de la loi sur le littoral traîne, et les étrangers continuent
à s'installer quasiment légalement sur les terres de l'Etat sans qu'aucune
décision vienne les sanctionner.
Les lenteurs administratives nous déroutent, nous épuisent et tuent parfois
nos énergies.
Je voudrais maintenant vous signaler quelques anomalies. La concession
aéroportuaire du Raizet est prolongée d'année en année depuis 1996 sans qu'un
règlement intervienne. La procédure d'utilité publique engagée sur cette zone
depuis 1993 n'a pas encore abouti dans la légalité. La plus grande fantaisie a
régné dans la procédure de basculement de l'aéroport du sud vers la nouvelle
aérogare.
Le budget qui nous est soumis aujourd'hui est un budget de transition. Nous
attendons la loi d'orientation, à l'occasion de laquelle nous allons formuler
des propositions pour que les choses bougent vraiment et qu'il y ait outre-mer
un véritable projet de développement bâti avec la population, dans l'intérêt de
la population, parce que, maintenant, je ne peux pas retourner dans ma région
en annonçant que j'ai voté un budget de transition.
Mme Hélène Luc.
Dommage que vous n'ayez pas fait bouger les choses avant, quand vous étiez au
Gouvernement !
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Je vous en prie, madame ! J'ai toujours fait bouger les choses car je n'ai
jamais été un croupion, ni à droite, ni à gauche ! Je ne ne serais pas un élu
comme je le suis si j'étais un croupion. Je suis une femme de décision, de
combat et de vérité !
Mme Hélène Luc.
Moi aussi !
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Alors, acceptez de venir faire un débat chez moi ! Je vous en ferai la
démonstration !
Je dis que c'est un budget de transition, tout le monde le reconnaît ici et
les rapporteurs l'ont dit. Croyez-vous que nous pouvons attendre la future loi
d'orientation et demander à nouveau à notre jeunesse de patienter encore un an
en acceptant ce budget de transition alors que la Guadeloupe subit des
inégalités et est en proie aux difficultés que nous connaissons ?
Nous attendons, nous, plus que des chiffres : une véritable dynamique qui nous
redonne de l'espoir. La loi Pons a lancé cette dynamique ; elle était peut-être
insignifiante et incompétente, mais elle a donné de l'espoir. Quant à la loi
Perben, elle est prolongée jusqu'à l'an 2000. Mais qui va investir dans une
région où les lois sont simplement prorogées d'année en année, sans aucune
garantie de leur pérennité ? Pour investir, il faut une visibilité à long
terme.
Notre jeunesse a besoin de se mobiliser, et elle ne va pas le faire uniquement
sur les emplois-jeunes, qui ne durent que cinq années et auxquels les
collectivités doivent apporter leur part, alors que l'on connaît leurs
difficultés.
Tout à l'heure, j'entendais M. Balarello, rapporteur pour avis, dire qu'il
faudrait, tous les ans ou tous les deux ans, que le préfet fasse un rapport sur
la consommation des fonds européens, et il a sans doute raison.
M. José Balarello,
rapporteur pour avis.
J'ai dit deux mois !
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Il faut savoir que nombreuses sont les collectivités qui sont dans
l'incapacité de mettre sur la table leur part de participation aux programmes
européens. Il faut savoir également que c'est dix-huit mois après que l'on
rembourse aux collectivités les sommes déjà perçues par Bercy en provenance des
fonds européens.
Ce n'est pas vous qui me contredirez, monsieur le secrétaire d'Etat, nous en
avons suffisamment parlé ensemble.
(M. le secrétaire d'Etat
approuve.)
La région Guadeloupe bénéficie de 140 millions de francs de fonds européens ;
nous attendons dix-huit mois avant qu'ils nous soient reversés, et nous devons
donc emprunter et payer des intérêts. Comment relancer quoi que ce soit dans de
telles conditions ?
Sachez que la collectivité régionale a déjà mis sur la table 50 millions de
francs pour faire face aux dégâts du dernier cyclone : la solidarité n'est pas
d'un seul côté, elle est aussi locale.
Reconnaissez que notre jeunesse, compte tenu de sa formation, compte tenu du
fait qu'elle a besoin, et c'est légitime, de participer davantage à
l'élaboration de projets pour son pays, ne peut pas se contenter de
l'assistanat, d'un RMI que délivre le facteur, de CES, de contrats
emplois-jeunes à durée déterminée. Elle a besoin, cette jeunesse, de se
mobiliser. Elle a besoin qu'on lui donne les moyens de s'exprimer, de créer,
d'investir dans son environnement géographique.
Et là, nous avons tout tenté. Mais la coopération régionale est en train de
devenir un leurre. Nous aurons très bientôt au Panama une réunion avec
l'ensemble des Etats de la Caraïbe. Nous en sommes quasiment exclus ! Et je
n'évoquerai pas les difficultés qu'ont connues mes collègues de la Réunion et
de la Martinique lors de la conférence qui s'est tenue à Saint-Domingue, où des
fonctionnaires du Quai d'Orsay ont littéralement empêché des élus de prendre
position !
C'est ce climat conflictuel, entretenu de façon permanente, qui ne favorise
pas chez les Guadeloupéens la volonté de travailler. C'est ce qui explique ces
espèces de grèves, qui sont l'expression du sentiment qu'outre-mer il faut,
hélas ! descendre dans la rue pour se faire entendre, le sentiment qu'il faut
arracher les moyens de régler des problèmes qui normalement pourraient être
traités dans la sérénité, autour d'une table.
Il faut redonner à nos populations la dignité par le travail, leur permettre
de retrouver ces valeurs fondamentales qui leur ont été léguées par leurs
ancêtres.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Vergès.
M. Paul Vergès.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'examen du budget des départements d'outre-mer s'inscrit, M. le rapporteur
vous l'a dit, dans un contexte particulier : l'élaboration de la loi
d'orientation pour les départements d'outre-mer, la signature des contrats de
plan pour la période 2000-2006, la signature des documents de programmation en
matière de fonds structurels européens et la définition des mesures découlant
de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, suite à la demande du sommet de
Cologne à la Commission, et ce pour le 31 décembre au plus tard.
Ces échéances relativement proches vont conditionner largement l'avenir des
départements d'outre-mer au cours de la prochaine décennie. Je voudrais dire
qu'à mes yeux cette décennie est celle de tous les espoirs comme celle de tous
les dangers pour les départements d'outre-mer.
Bien que la différenciation soit de plus en plus grande entre les quatre
départements d'outre-mer - ou les quatre régions ultra-périphériques, comme
vous voulez - on peut encore signaler certaines analogies dans leur situation
du fait de la politique commune qui leur a été appliquée jusqu'à maintenant.
C'est la décennie de tous les dangers si, dans les choix définis dans ces
documents à venir, se perpétue une politique d'immobilisme. Depuis des années,
en effet, le simple accompagnement d'une évolution a mené les sociétés
d'outre-mer vers de multiples impasses : impasse économique, impasse sociale,
impasse culturelle.
Mais cette décennie peut être, au contraire, celle de tous les espoirs, si la
loi d'orientation comme l'élaboration des documents de programmation et du
contenu de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam traduisent une réelle volonté
de changement et de mise en oeuvre de réformes audacieuses.
Cela nécessite une véritable révolution d'ordre conceptuel. Il s'agit d'être
convaincu des atouts importants des régions d'outre-mer et de se donner, par
conséquent, les moyens suffisants pour transformer chacune de ces impasses
actuelles en autant de défis à surmonter pour inscrire des succès significatifs
demain.
C'est dans ce contexte et dans ces perspectives que doit s'apprécier le budget
de l'outre-mer : c'est moins l'augmentation indéniable du budget qui est
décisive que la politique que l'on veut mener.
Ce budget s'élève à 6,3 milliards de francs. Il est en augmentation, dit-on,
de 13,6 %, du fait des transferts opérés des autres ministères vers celui de
l'outre-mer. Mais, même après déduction de ces transferts, ce budget conserve
un taux d'augmentation supérieur à celui du budget général.
L'emploi et le logement en constituent les deux priorités.
L'emploi représente 40 % de ce budget global. Il prévoit le financement de 58
000 nouvelles solutions d'insertion auxquelles il faut ajouter les contrats
emplois consolidés.
L'augmentation des crédits pour le logement est due essentiellement à la
croissance des crédits de la créance de proratisation prélevés sur ceux du RMI
outre-mer.
Pour souligner notre remarque liminaire, les efforts réalisés dans le domaine
de l'emploi pour répondre à la situation d'urgence sociale ont montré leurs
limites dans le passé.
Rappelons cette donnée fondamentale : pour 5 % de croissance annuelle, taux
largement supérieur à tout ce que l'on a connu en métropole, il a été créé
pendant des décennies 3 500 emplois nets par an ! Or, chaque année, 10 000
jeunes arrivent sur le marché du travail. Là est tout le problème.
Mme Hélène Luc.
C'est la grande question !
M. Paul Vergès.
Cela explique la progression constante du nombre d'inscrits à l'ANPE : 125 000
voilà quelques semaines, près de 40 % de la population active, avec une
proportion croissante de jeunes de plus en plus diplômés. Il en sera ainsi pour
les vingt ans à venir.
Pour être efficaces, les solutions préconisées, telles que les mesures
incitatrices à la création d'emplois dans le secteur marchand, doivent
s'inscrire dans une stratégie globale de développement. Le débat budgétaire
annuel se focalisant sur le bilan de l'année passée pour envisager l'année à
venir, il ne nous permet jamais de voir à dix, vingt ou vingt-cinq ans
d'avance. Or c'est pourtant la condition pour élaborer une véritable stratégie
de développement.
L'outre-mer a connu par le passé des tentatives gouvernementales pour relancer
le développement et l'emploi, on en a parlé à cette tribune. Mais quel qu'ait
pu être l'impact de ces mesures sur certains secteurs de l'économie, elles
n'ont pas permis le renversement de tendance.
C'est à la lumière de ces expériences que doivent être élaborées les nouvelles
mesures en faveur de l'emploi et du développement. Mais elles ne trouveront
toute leur efficacité que si elles s'inscrivent dans la durée, d'une part, et
dans le cadre d'une stratégie globale de développement d'autre part, stratégie
globale où l'exportation de marchandises et surtout de services doit jouer un
rôle essentiel.
C'est bien la prise en compte de cette vision globale qui conduit l'opinion
réunionnaise à ne pas dissocier la question de l'organisation des pouvoirs
publics de celle du développement.
Il ne peut y avoir de développement sans aménagement équilibré du territoire.
Compte tenu des mutations considérables qui sont intervenues depuis cinquante
ans dans l'économie et les structures de la Réunion, un schéma d'aménagement
régional, approuvé au Conseil d'Etat, a posé la nécessité absolue de corriger
d'urgence les déséquilibres entre les quatre micro-régions de l'île, entre le
littoral, d'une part, et la zone d'altitude, moyenne et plus élevée de l'île,
d'autre part.
De plus, il faut prévoir, dans les vingt-cinq ans à venir, l'installation
d'une population représentant 40 % de la population actuelle - 710 000
habitants en 1999 - soit l'équivalent de toute la population de l'île dans les
années soixante.
C'est pourquoi, pour la Réunion, la volonté d'un aménagement harmonieux du
territoire et d'un développement équilibré de l'île se concrétise dans une
revendication : la création de nouvelles communes, de nouveaux cantons et d'un
deuxième département, en un mot une réforme administrative générale.
Le Gouvernement étudie, nous le savons, cette réforme générale que le
Président de la République vient de définir, à l'île de la Réunion, comme une
mesure de sagesse pour se préparer à accueillir un million d'habitants dans un
quart de siècle.
Cette réforme administrative générale doit accompagner la réalisation des
mesures prévues au contrat de plan, au plan de développement régional établi
par la Commission européenne et à la prochaine loi d'orientation relative à
l'outre-mer.
Le temps est venu d'apporter des solutions ambitieuses et durables. Nous ne
bénéficierons d'aucun sursis. Il y a 125 000 chômeurs inscrits à l'ANPE,
c'est-à-dire 40 % de la population active. Plus de 50 000 personnes sont
affiliées aux ASSEDIC et 60 000 foyers sont allocataires du RMI. Force est de
constater également l'aggravation générale de la déliquance, surtout chez les
jeunes.
Tous ces chiffres augmentent d'année en année. Ce sont autant de clignotants
qui s'allument.
Au nombre des changements à venir, il faut prendre en compte les étudiants
dans les schémas de services collectifs. Aujourd'hui, ils sont près de 10 000 à
l'université, et ils seront près de 40 000 dans vingt ans. Tout est à l'avenant
!
C'est pourquoi nous nous devons d'ouvrir de nouvelles voies de développement.
Le pari du développement doit être relevé.
Il faut créer des conditions favorables à cette réussite et, parmi elles, il
faut à tout prix réaliser l'égalité sociale.
Il faut rattraper les retards en matière d'équipement en prenant en compte
l'évolution démographique. Il faut harmoniser les revenus, tous les revenus,
dans le secteur public tout comme dans le secteur privé. Il sera alors possible
de revaloriser tous les atouts de la Réunion, de reconquérir des parts d'un
marché intérieur dynamique qui est appelé à augmenter de près de 50 % dans les
décennies à venir.
Il est indispensable d'ouvrir la Réunion sur son environnement régional et de
répondre aux possibilités et aux demandes de codéveloppement avec nos voisins.
Nos voisins de la Commission de l'océan Indien, des cinq îles de l'archipel,
représentent 17 millions d'habitants aujourd'hui, mais ils en représenteront 32
millions en 2025. Nos voisins des quatorze pays regroupés dans la Communauté
des Etats de l'Afrique australe, qui représentent 180 millions d'habitants
aujourd'hui en représenteront 300 millions en 2025, ils appartiennent à une
zone qui sera demain une zone de développement régional d'importance
planétaire. Nos voisins des pays riverains de l'océan Indien, enfin, qui sont
regroupés dans l'
Indian ocean rim,
appartiennent à des pays dits «
émergents » et regroupent plus de 2,5 milliards d'habitants aujourd'hui.
Tel est le constat que nous devons avoir en tête, il faut tenir compte de
l'espace et du temps.
Nous sommes au coeur du dispositif d'échanges entre l'Afrique et l'Asie du
sud-est, une zone en pleine croissance. Nous avons des possibilités dans des
domaines à forte valeur ajoutée, comme l'agroalimentaire et les nouvelles
technologies. Par ailleurs, si nous traversons une crise grave, nous avons,
dans le domaine de la formation, une avance considérable par rapport à tous les
pays voisins.
A la Réunion, 6 000 bacheliers ont été reçus en 1999 et nous aurons 35 000
diplômés de l'enseignement supérieur à l'horizon 2020. La jeunesse réunionnaise
est l'une des mieux formée de l'océan Indien. Elle a un rôle à jouer dans tous
ces pays, notamment dans les pays francophones de son voisinage.
Il faut faire de la Réunion un pôle d'excellence, de développement et de
rayonnement du transfert du savoir, du savoir-faire technique, du savoir dans
tous les domaines. C'est le but que nous devons chercher à atteindre.
Nous avons d'autres atouts.
Avec le satellite géostationnaire, avec le câble sous-marin, nous avons en
effet aujourd'hui la possibilité de nous insérer dans le système mondial de
communication moderne.
Mais la réussite de cette politique suppose que les conditions d'une meilleure
insertion de la Réunion dans son environnement régional soient créées.
Sous une forme ou sous une autre, nous devons participer, nous sommes
condamnés à participer aux travaux des blocs régionaux, que ce soit la COI ou
de la SADC.
Si nous y parvenons, nous aurons une chance de résoudre l'ensemble des
problèmes qui nous paraissaient ne pas pouvoir trouver de solution.
Comment intégrer la Réunion, région ultrapériphérique située à 10 000
kilomètres de la France, dans l'Europe, tout en respectant ses spécificités et
en la faisant bénéficier de tous les avantages ? L'article 299-2 du traité
d'Amsterdam nous donne cette possibilité, c'est à nous, avec le Gouvernement et
la Commission de Bruxelles, d'avancer.
Comment intégrer cette région ultrapériphérique de l'Europe aux blocs
régionaux en formation actuellement, qui sont l'avenir pour les siècles et les
siècles à venir ?
La Réunion peut être un véritable laboratoire des solutions à apporter à tous
les problèmes qui se posent tant dans les pays du tiers monde que dans les pays
développés : urbanisation rapide, assainissement de l'eau, transports et
surtout énergie.
A la Réunion, nous avons l'eau, le soleil et les alizés. Il y a aussi la
biomasse, le charbon et la bagasse. Avec la géothermie, l'énergie marine, les
énergies nouvelles, nous pouvons être un exemple pour le monde et pour le
siècle à venir en matière d'utilisation d'énergies renouvelables ; nous
pourrons en effet nous dispenser des combustibles fossiles.
Sur le plan de la culture, nous constituons, avec Madagascar, l'île Maurice,
les Seychelles, les Comores, une communauté forte de ses diversités
culturelles. Nous sommes un exemple vivant de la nécessité de la diversité
culturelle pour sauver le monde contre l'uniformité, de l'ouverture à
l'universel.
Tels sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, les problèmes que l'on peut évoquer à l'occasion de l'examen de ce
budget. Mais regardons vers l'avenir, ouvrons l'espace et replaçons notre pays
dans la perspective du xxie siècle !
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes. - M. Braun applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Payet.
M. Lylian Payet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
ne vous le cacherai pas : le premier budget du prochain millénaire pour
l'outre-mer me paraît bien décevant, tant par son manque d'ambition que par une
orientation de ses crédits inadaptée à la réalité socio-économique des
départements d'outre-mer.
L'augmentation annoncée de 13,6 % de la masse budgétaire par rapport à l'an
dernier n'est qu'apparente, car, si l'on retranche les transferts de crédits,
la progression à structure constante ne s'élève qu'à 1,8 %, soit bien moins que
les années précédentes.
Pourtant, la situation sociale et économique de nos départements d'outre-mer
est toujours aussi gravement préoccupante : le nombre de demandeurs d'emploi,
qui est évalué à 32 % de la population active pour la moyenne des quatre
départements, a augmenté de 2 % alors qu'il a baissé de 5 % en métropole, et 15
% de la population vit du RMI dans ces départements contre 3 % en métropole.
En ce qui concerne plus particulièrement la Réunion, les chiffres sont encore
plus alarmants, puisque mon département compte 37 % de chômeurs et 20 % de
RMIstes.
Chaque année, les parlementaires des départements d'outre-mer interviennent à
cette même tribune pour dénoncer cette situation intolérable et réclamer qu'au
nom de la solidarité nationale les efforts nécessaires soient entrepris pour
sortir les départements d'outre-mer de leur marasme, ou, comme on dit chez
nous, de leur « fénoir ».
Certes, on annonce, depuis maintenant un an, une vaste loi d'orientation,
dont, à ce jour, on ne connaît toujours pas les grandes lignes, si ce n'est des
pistes de réflexion, au travers de trois rapports rédigés à la demande du
Gouvernement et qui ont suscité des réactions pour le moins contrastées.
Il en est ainsi de la bidépartementalisation, qui vient d'être évoquée par mon
collègue M. Vergès et qui est considérée comme une chose acquise alors que ce
n'est pas, que ce ne doit pas être une priorité pour la Réunion, compte tenu
des grands défis économiques qui doivent être relevés pour un véritable
développement.
Mais peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, allez-vous satisfaire notre
impatience en dévoilant tout à l'heure les bases de ce futur projet de loi
d'orientation. Il commence à ressembler à l'Arlésienne : on en entend parler
mais on ne voit rien venir !
(Sourires.)
En attendant, ce n'est pas le projet de budget aujourd'hui soumis à notre
appréciation qui permettra de répondre à nos espérances. J'en prends pour
exemple les crédits consacrés à l'emploi et au logement, même s'ils
représentent 60 % de ce projet de budget.
S'agissant de l'emploi tout d'abord, le FEDOM, le fonds pour l'emploi dans les
départements d'outre-mer, augmente artificiellement par le rapatriement des
sommes affectées aux contrats emplois consolidés, jusque-là gérés par le
ministère des affaires sociales.
Quant aux solutions d'insertion prévues, elles sont prioritairement tournées
vers le secteur non marchand, au détriment du secteur concurrentiel, pourtant
très créateur d'emplois. Ce travers que j'avais déjà relevé l'an dernier
perdure cette année en s'amplifiant, puisque les crédits consacrés aux contrats
d'accès à l'emploi diminuent de près de 30 % alors que ceux qui sont affectés
aux emplois-jeunes progressent de près de 40 %.
Cette mauvaise répartition se heurte à deux constats :
D'une part, le secteur marchand est beaucoup plus productif en termes de
postes salariés, et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, avez reconnu,
lors de votre audition par notre commission des affaires sociales, que la
croissance de l'emploi avait été quatre fois plus forte dans les secteurs
bénéficiant des exonérations de charges sociales que dans les autres secteurs.
La preuve en est que l'article 72 du présent projet de loi de finances prolonge
d'un an ce dispositif d'exonérations né de la loi « Perben ».
D'autre part, les emplois-jeunes ne sont qu'un pis-aller et les rapports de
Mme Mossé et de M. Fragonard en ont dénoncé les inconvénients, liés à leur coût
budgétaire élevé et aux incertitudes sur la sortie de ce dispositif.
La question de l'emploi et du développement économique doit être traitée
prioritairement, avec la plus grande énergie, en tenant compte de la
localisation et de l'environnement des départements d'outre-mer éloignés de 10
000 kilomètres de la métropole.
A ce sujet, la récente tenue, à la Réunion, de la Commission de l'océan Indien
a rappelé la nécessité de renforcer la coopération régionale en matière
économique et commerciale. Or la Réunion n'est pas avantagée dans ce contexte
géographique. En effet, département français et région européenne, elle n'a pas
les moyens de conclure des accords avec les pays environnants sans passer par
Paris et Bruxelles. Les autres membres de la Commission de l'océan Indien en
revanche font partie des blocs régionaux - tels que la SADC, communauté des
Etats de l'Afrique australe, la COMESA, marché commun des Etats de l'Afrique de
l'Est et du Sud, ou encore l'
Indian Ocean Rim
-, tous beaucoup plus
importants et actifs que la Commission de l'océan Indien en termes de marchés
potentiels.
Les exportateurs réunionnais se plaignent souvent des barrières douanières
élevées dans les pays de la Commission de l'océan Indien alors que ces
derniers, en raison de leur statut d'Etats ACP, bénéficient d'un accès
préférentiel au marché réunionnais. En outre, un rapport de notre Conseil
économique et social régional a révélé que les produits fabriqués par les PME
et les PMI réunionnaises « ne sont pas complémentaires aux productions de la
zone » et souffrent du faible pouvoir d'achat des pays environnants où le
salaire minimum est de dix à soixante fois moins élevé.
J'en viens maintenant aux crédits du logement pour constater que la ligne
budgétaire unique ne permettra, l'an prochain, que de reconduire le volume des
programmes réalisés en 1999, ce qui s'avère nettement insuffisant face à
l'ampleur des besoins en ce domaine.
Il y a plus de dix ans, l'INSEE estimait qu'il fallait construire 12 000
logements par an pour combler le retard en matière de logement social à la
Réunion. Or ce sont à peine 4 000 logements en moyenne qui sont édifiés chaque
année. Le déficit s'accumule donc d'année en année et l'accroissement
démographique attesté par le dernier recensement ne permettra pas d'inverser la
tendance. Comme l'indiquait le numéro de novembre de la
Lettre de l'Institut
d'émission des départements d'outre-mer,
« la crise du logement est
toujours d'actualité, et pour de nombreuses années encore, à la Réunion ».
A cet aspect quantitatif s'ajoute une considération d'ordre qualitatif avec
une inadaptation de l'offre et de la demande : le système actuel d'allocations
logements excluent les faibles revenus de l'accession à la propriété.
La lecture détaillée des crédits nous apprend que, l'an prochain, la ligne
budgétaire unique sera encore abondée par la créance de proratisation du RMI,
ce qui témoigne - à mon grand regret - de la volonté du Gouvernement de ne pas
procéder sans plus attendre à l'alignement du RMI sur son niveau métropolitain
: c'eût été pourtant un geste fort à l'égard des populations ultramarines, qui,
cinquante ans après la départementalisation, attendent toujours de bénéficier
des mêmes prestations qu'en métropole. En effet, aucun argument ne s'oppose
plus désormais à ce rattrapage, au nom des principes d'équité et d'égalité.
Si la différence de niveau entre les DOM et la métropole s'expliquait à
l'origine par le niveau moins élevé du SMIC dans les DOM, je vous rappelle, mes
chers collègues, que depuis 1996, le montant du SMIC est le même, qu'il soit
versé dans un département d'outre-mer ou dans un département de métropole.
Certes, tout le monde est d'accord pour estimer que les moyens destinés à
l'insertion des RMIstes doivent être renforcés et rendus plus efficaces, mais
cela n'est en aucun cas incompatible avec un alignement immédiat de cette
allocation !
Je dirai même plus, m'opposant ainsi clairement à la position de M. Fragonard
et du rapporteur de notre commission des affaires sociales malgré toute
l'estime que je lui porte : le renforcement du dispositif d'insertion ne doit
pas être un préalable à l'alignement du RMI ; au contraire, l'alignement du RMI
doit être un préalable, au nom du principe intangible de l'équité.
Dès lors, si l'on ajoute que d'autres prestations, telles que l'allocation de
parent isolé et le complément familial, restent inférieures dans les DOM, vous
comprendrez, mes chers collègues, mon amertume à voir ce siècle s'achever sans
que soit assurée une parfaite égalité sociale entre tous les Français, alors
que nous sommes encore, à bien des égards, des Français à part.
Ce budget a pour les Réunionnais le goût amer de l'inégalité.
Je ne pourrai donc suivre l'avis de mes collègues Torre et Désiré, qui voient
dans ce budget un budget d'attente, donc acceptable. Voilà cinquante ans que
nous attendons ! C'est trop !
Je ne pourrai davantage suivre l'avis de mon collègue Lorrain sur la créance
de proratisation. En effet, cette créance est alimentée par des économies, à
mon sens sordides, faites sur le dos des plus démunis.
Je ne pourrai vous suivre pour ce budget, monsieur le secrétaire d'Etat, même
si de bonnes dispositions ont été prises dans certains secteurs.
M. le président.
La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
cette année, bien plus que les précédentes, j'ai la conviction que nous ne
pouvons nous enfermer dans le cadre strict d'un débat budgétaire.
Nous sommes en effet à quelques jours de l'ouverture d'une large consultation,
dans les quatre départements d'outre-mer, sur un texte contenant les lignes
directrices d'un projet très attendu : votre projet de loi d'orientation,
monsieur le secrétaire d'Etat.
Il s'agit là, de toute évidence, d'une phase décisive de l'élaboration de ce
texte, à propos duquel, il faut bien l'avouer, il a été jusqu'ici très
difficile d'engager un débat sérieux avec bien des responsables politiques.
Il importe donc, je le crois vraiment, de profiter de l'occasion qui nous est
donnée aujourd'hui pour rappeler le sens de la démarche que vous avez choisi
d'adopter et les raisons qui ont amené certains élus - dont je suis - à s'y
rallier, sans nullement renier pour autant les idées qu'ils ont toujours
défendues en matière institutionnelle.
C'est, vous l'avez compris, ce à quoi je veux essentiellement m'employer au
cours de mon intervention.
Je vais toutefois commencer par évoquer votre budget, monsieur le secrétaire
d'Etat.
A l'évidence, c'est un bon budget. J'ai même noté que certains de vos
détracteurs les plus virulents l'avaient voté à l'Assemblée nationale !
Je laisse bien entendu à d'autres le soin de chicaner sur le chiffre de 13,6 %
d'augmentation. En effet, même si l'on ne retient que celui de 1,76 % à
structure constante, il faut avouer qu'il n'y a pas de quoi se plaindre, une
année où le budget de l'Etat ne croît que de 0,9 %.
En ce qui concerne la répartition des crédits, je ne peux qu'approuver le
choix qui a été fait d'afficher très nettement une priorité : celle de l'emploi
et de l'insertion.
Ainsi, le FEDOM passe de 1,8 milliard à 2,1 milliards de francs, soit une
hausse de 16,2 %.
Je tiens d'ailleurs à souligner que le regroupement, opéré au sein de ce
budget, de l'ensemble des crédits consacrés à l'insertion est une excellente
chose, tant sur le plan de la lisibilité que sur celui de la cohérence des
politiques à mener dans ce domaine.
Je constate également avec satisfaction une progression de 2,3 % de la ligne
budgétaire unique.
Enfin, je me félicite de voir le FIDOM général recommencer à progresser de 9,5
% après une baisse régulière depuis 1995.
En revanche, je déplore, cette année encore, le fait que le FIDOM décentralisé
n'ait pas été rétabli.
Je regrette également la stagnation du budget de l'agence nationale pour
l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT, qui fait
suite, il est vrai, à une baisse continue depuis plusieurs années.
Voilà ce qu'il me paraît essentiel de relever dans ce budget, où l'emportent
donc largement les motifs de satisfaction.
Ce budget doit s'apprécier dans le contexte plus général dans lequel il
s'inscrit : celui de l'effort global de l'Etat en direction de l'outre-mer,
avec des crédits qui progressent de 2,85 % pour atteindre près de 58 milliards
de francs ; celui des contrats de plan 2000-2006, dans le cadre desquels l'Etat
engagera 5,6 milliards de francs, et du document unique de programmation, le
DOCUP, qui prévoit qu'en 2000-2006 l'Europe engagera plus de 21 milliards de
francs ; celui enfin de la future loi d'orientation dont les mesures de soutien
à l'économie devraient se traduire par plusieurs milliards de francs
supplémentaires.
J'en viens précisément maintenant à cette loi d'orientation que vous avez
annoncée il y a un an, monsieur le sectétaire d'Etat, et pour laquelle le
Premier ministre et vous-même avez tenu à engager, dès le départ, la plus large
concertation.
Je ne connais pas de dispositif législatif d'ordre institutionnel ou
économique concernant les départements d'outre-mer qui ait fait l'objet de tant
de consultations dans ces quatre départements !
Je ne connais pas de dispositif législatif concernant les DOM à propos duquel
on ait ouvert un espace de dialogue aussi vaste et cherché à ce point à
entendre ceux qui sont les premiers intéressés !
Je ne connais pas de dispositif législatif concernant les DOM pour la
préparation duquel un Premier ministre ait eu l'idée de demander, au préalable,
à un, voire à deux parlementaires d'outre-mer, mis en mission à cet effet, de
lui remettre un rapport !
Si quelqu'un ici a en mémoire un autre exemple, qu'il me le cite !
En réalité, ce à quoi nous étions habitués, nous le savons tous, c'était à
être mis devant le fait accompli.
Nous entendions dire qu'un projet était en préparation. Cela se passait
toujours dans le secret de quelque cabinet ministériel. Nous apprenions que des
experts avaient procédé à des études et remis des rapports, souvent
confidentiels, que certains représentants de milieux économiques, et parfois
sociaux, avaient été auditionnés.
Et puis, brusquement, nous assistions à un semblant de consultation des
assemblées locales, dans des conditions interdisant tout examen sérieux et,
bien entendu, toute possibilité réelle d'amendements ou de
contre-propositions.
Je pensais donc très naïvement que les responsables politiques de nos
départements seraient, dans leur ensemble, au moins d'accord pour saluer la
nouvelle méthode mise en oeuvre : une méthode qui témoigne déjà, à elle seule,
d'une nouvelle conception des rapports entre l'Etat et nos départements.
Hélas ! Ce n'a pas été le cas.
Je passe sur ceux qui, dès le départ, ont prétendu que le projet de loi était
déjà rédigé et que le reste n'était qu'une véritable mise en scène du
Gouvernement.
Ils ont choisi, de toute évidence, l'alibi le plus facile et, j'ai envie de
dire, le plus débile, pour refuser de participer à un débat démocratique et
pour se dispenser en fait de tout travail constructif.
Mais que dire de ceux qui, après avoir paru accepter d'apporter leur
contribution, ont assez rapidement versé dans les prises de positions purement
partisanes, les procès d'intention et parfois les manoeuvres politiciennes ?
Le résultat, c'est que beaucoup de temps a été perdu qui aurait pu être
utilement consacré à essayer de tirer tout le parti possible de la démarche
initiée par le Gouvernement.
Car enfin, qui peut sérieusement me dire qu'une avancée dans la responsabilité
locale ne présente pas d'intérêt pour nos départements, que nous n'avons aucun
bénéfice à tirer de la délégation de nouvelles compétences aux élus locaux, que
nous n'avons rien à faire d'une plus grande capacité d'initiative en matière de
coopération régionale, que cela ne servira à rien d'obtenir l'adaptation à nos
réalités locales d'un certain nombre de textes législatifs dont nous
connaissons les difficultés d'application et parfois même le caractère nocif ?
J'ai entendu parlé, tout à l'heure, des lois sur le littoral, sur les cinquante
pas géométriques, sur les transports, toutes lois qui posent problème...
Qui, par ailleurs, peut sérieusement me dire que nos départements ne gagneront
rien à disposer d'un ensemble de mesures destinées à soutenir et stimuler notre
tissu économique et, par conséquent, à favoriser la création d'emplois, qu'ils
ne tireront aucun parti d'un assainissement de la situation financière des
collectivités locales, qu'ils ne trouveront aucun intérêt dans l'instauration
d'un meilleur cadre relationnel avec la Communauté économique européenne,
prenant mieux en compte nos réalités, nos handicaps structurels mais aussi nos
atouts ?
Ce sont pourtant là les objectifs assignés à la loi d'orientation, qui,
faut-il le rappeler, n'a pas l'ambition d'être la panacée pour un futur
indéfini mais a celle d'être une réponse concrète, rapide à une situation que
tous qualifient de « situation d'urgence ».
Je sais bien que certains s'interrogent sur les possibilités offertes par
l'article 73. Jamais, disent-ils, il ne permettra d'atteindre tous ces
objectifs.
Cela a été longtemps, je l'avoue, ma propre position compte tenu de
l'interprétation toujours restrictive du Conseil constitutionnel.
Mais il faut reconnaître que s'amorce depuis quelque temps un certain
infléchissement de la jurisprudence du Conseil, que ne peut que favoriser
encore l'existence de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam.
Il faut également reconnaître que la classe politique elle-même a beaucoup
évolué sur ce point. Les prises de positions publiques du Président de la
République en témoignent très clairement et elles sont,
a priori,
très
rassurantes quant aux risques de saisine du juge constitutionnel.
On semble, en somme, en revenir à l'esprit du texte de 1958, qui permettait au
général de Gaulle d'évoquer devant Aimé Césaire, à propos de l'article 73, la
nécessité pour les départements d'outre-mer de disposer de ce qu'il appelait
des « franchises locales ».
Oui, mais nous disent certains, même avec la plus large interprétation, cet
article ne permet pas d'aller assez loin ; il ne permet pas de mettre en place
une assemblée unique. C'est vrai, et je suis le premier à le déplorer, car je
suis partisan depuis longtemps d'une certaine forme d'assemblée unique, en tout
cas pour la Martinique. Je parle bien d'« une certaine forme », car il existe
de multiples formes d'assemblées uniques. C'est là le paradoxe !
Oui, mais, nous disent-ils encore, cet article ne nous permet pas non plus
d'obtenir le pouvoir de légiférer localement sur certaines matières que nous
aimerions bien maîtriser. C'est vrai, et ce n'est pas d'aujourd'hui que
j'apprécie, comme d'autres, certains aspects institutionnels des Canaries, de
Madères ou des Açores, sans toutefois prétendre en tirer des conclusions
hâtives.
A tous ces arguments, on peut, en réalité, répondre très simplement que la loi
d'orientation n'est certainement pas la fin de l'histoire dans les départements
d'outre-mer. A aucun moment, je n'ai entendu dire qu'il y aurait une volonté du
Gouvernement actuel de fermer la porte à un débat institutionnel, pour peu
qu'il s'inscrive dans une procédure parfaitement démocratique.
C'est d'ailleurs pourquoi nous avons, Michel Tamaya et moi, proposé dans notre
rapport une disposition permettant aux élus locaux, réunis en congrès, de poser
le problème d'une évolution statutaire là où, à un moment donné, une telle
évolution pourrait paraître souhaitée par la population et d'enclencher ainsi
une procédure permettant la libre expression de la population à ce sujet.
Ce dispositif peut évidemment être amendé ou remplacé par un autre.
Ce qui importe - et vous me permettrez de reprendre les propos que j'ai tenus
en recevant le Premier ministre en Martinique - c'est d'« éviter tout ce qui
pourrait s'apparenter à une marche forcée, à une marche précipitée effectuée
sous l'injonction de minorités agissantes s'octroyant le droit de parler, de
négocier et de décider à la place du peuple. L'histoire nous a suffisamment
démontré ce que cela pouvait comporter de périls ! ».
Aujourd'hui, aucun élu des départements d'outre-mer n'a, à ma connaissance,
reçu mandat du peuple pour négocier quelque évolution statutaire que ce soit ;
j'en suis en tout cas absolument certain s'agissant de la Martinique.
Mais chacun peut encore, en participant à la nouvelle phase du débat qui va
s'engager, contribuer par des propositions concrètes et constructives, à
enrichir la future loi d'orientation, à faire en sorte qu'elle aille le plus
loin possible dans le renforcement de la responsabilité locale.
En même temps, elle doit répondre, le mieux possible, à l'attente des acteurs
économiques qui ont besoin de mesures fortes, lisibles et pérennes, notamment
en matière de financement de l'investissement, pour redynamiser le tissus
économique de nos départements et pour créer de l'emploi.
L'engagement dans cette démarche, qui prend en compte la nécessité d'agir
efficacement aujourd'hui même, sans attendre, ne contredit en rien la poursuite
d'objectifs plus ambitieux, voire plus radicaux.
Ce qui compte en définitive, c'est que, dans la nouvelle logique adoptée par
le Gouvernement à l'égard des départements d'outre-mer, et qui rompt
définitivement avec la vieille logique assimilationniste, sur cette voie de la
responsabilité que nous sommes enfin conviés à emprunter, nous sachions tous,
en permanence, nous montrer effectivement responsables.
C'est ce qu'attendent de nous ceux qui nous ont donné mandat de les
représenter et de dégager pour eux les plus sûres perspectives d'avenir.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Henry.
M. Marcel Henry.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de budget pour 2000 du secrétariat d'Etat à l'outre-mer est en
augmentation sensible si l'on tient compte des transferts venant d'autres
ministères. A structure budgétaire constante, la croissance des crédits est
beaucoup plus limitée : de l'ordre de 1,76 %.
Les priorités qui y sont affichées, à savoir la lutte pour l'emploi, le
logement et l'action sociale et culturelle, appellent à l'évidence
l'approbation de tous, tant il est vrai que la dégradation continue de l'emploi
outre-mer impose des mesures énergétiques, et ce dans tous les secteurs
d'activités.
Cependant, vous en conviendrez sans doute avec moi, monsieur le secrétaire
d'Etat, il s'agit non pas tant de dépenser plus que d'améliorer l'efficacité
des politiques de développement dans chacune de nos collectivités
d'outre-mer.
En effet, devant la situation, si souvent décriée, de trop grande dépendance
économique et d'assistance financière par rapport à la métropole, apparaît de
plus en plus la nécessité d'une conception « plus dynamique et plus responsable
» du développement local. Les principaux dispositifs d'action doivent être
mieux adaptés aux réalités et efficacement coordonnés, afin de mobiliser toutes
les énergies et de remédier à la crise politique, économique et sociale qui
agite nos différents départements, territoires, collectivités territoriales et
pays d'outre-mer.
Or le présent projet de loi de finances est examiné avant l'élaboration du
fameux projet de loi d'orientation pour les DOM et alors que n'est pas encore
clairement définie l'évolution statutaire attendue à Mayotte, qui doit
notamment tenir compte de la longue attente et des aspirations profondes de la
population mahoraise. On peut donc légitimement se demander dans quelle mesure
il répond à la situation particulière de notre « collectivité territoriale
».
Pour Mayotte, en tout cas, le projet de budget du secrétariat d'Etat chargé de
l'outre-mer se caractérise par un effort de présentation des crédits affectés
sous diverses rubriques à l'emploi et à la formation professionnelle, mais
aussi par une large incertitude sur les moyens d'équipement de l'île.
La création d'une ligne budgétaire spécifique regroupant l'ensemble des
mesures de lutte pour l'emploi dans une dotation intitulée « emploi, formation
et insertion à Mayotte » présente l'intérêt de faciliter l'appréciation à
l'avenir des efforts consentis dans ce secteur.
A cet égard, je ne peux que me réjouir de l'inscription nouvelle de 2,5
millions de francs prévue au chapitre 46-94 et destinée en particulier à
faciliter l'ouverture du centre de formation des adultes, programmée à Sada.
De même, je note avec intérêt la reconduction des crédits consacrés au fonds
de chantiers de développement local et l'augmentation sensible du nombre des
contrats emploi-solidarité et des contrats emploi consolidé.
Toutefois, je m'inquiète, au regard des données enregistrées l'année dernière,
de la baisse sensible du nombre des contrats emploi-jeunes dans une île où les
moins de trente ans représentent environ 60 % de la population.
Quant à la diminution du nombre des contrats de retour à l'emploi et des
stages d'insertion et de formation à l'emploi, elle signifie que le
Gouvernement privilégie, à Mayotte, le développement des emplois aidés dans le
secteur non marchand au détriment du secteur marchand. Or c'est au contraire
celui-ci qui doit être encouragé. J'espère donc que, pour l'année prochaine,
les réorientations nécessaires seront opérées afin de mettre l'accent sur les
dispositifs d'insertion par l'économique et les mesures d'exonération des
charges des entreprises créatrices d'emplois.
La nouvelle dotation globalisée pour l'emploi ne nous permet pas de renoncer à
notre demande ancienne d'extension du FEDOM pour lutter efficacement contre la
recrudescence du chômage, qui représente maintenant plus de 41 % de la
population active à Mayotte.
Nous sommes également favorables à l'adaptation du RMI en revenu minimum
d'activité, et j'appuie par avance les efforts déployés dans cette direction
par notre excellent collègue Alain Lambert, président de la commission des
finances du Sénat.
Quant aux autres actions pour l'emploi, il ne faudrait pas que la diminution
des crédits de fonctionnement du SMA, le service militaire adapté, en raison de
la professionnalisation de l'armée, constitue une menace pour la survie et les
progrès de l'unité du SMA de Combani, au moment même où ses performances en
matière de formation et surtout d'insertion professionnelles suscitent un
véritable engouement chez les jeunes Mahorais.
Le simple maintien à leur niveau de l'année dernière des crédits affectés à
l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs
d'outre-mer, l'ANT, alors que les originaires de Mayotte seront, à compter de
l'année prochaine, éligibles aux formations prises en charge par cet organisme,
requiert également notre vigilance.
Le blocage, depuis plusieurs années, du montant de la bourse allouée aux
étudiants mahorais, tandis que le nombre de bacheliers poursuivant des études
supérieures en métropole ne cesse d'augmenter, m'amène à vous suggérer la
création dans l'île des établissements d'enseignement supérieur nécessaires en
vue de limiter les coûts de formation universitaire.
S'agissant, enfin, de votre politique d'investissement à Mayotte, je crois
pouvoir affirmer, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'elle demeure marquée par de
nombreuses incertitudes.
Certes, la dotation exceptionnelle annoncée permettra de débloquer la
situation financière de notre « collectivité territoriale » mais, dans le
domaine du logement, il est urgent que la généralisation du FRAFU, le fonds
régional d'aménagement foncier et urbain, soit aussi étendue à Mayotte, où il
n'est guère envisageable, notamment pour la Société immobilière de Mayotte, de
construire sans aménagement préalable des terrains à bâtir.
Les appréhensions sont encore plus sérieuses s'agissant du financement des
opérations pluriannuelles d'investissement. Contrairement à ce qui se passe
pour les DOM, le futur plan Etat-Mayotte portera sur une programmation
quinquennale étalée sur la période 2000-2004 ; il est censé de substituer au
contrat de plan 1994-1999, mais aussi à la convention de développement
économique et social pour 1995-1999. Mayotte risque de perdre ainsi le bénéfice
de cet instrument indispensable de rattrapage de ses nombreux retards. Je
souhaite que, sur ce point, vous puissiez apporter aux élus mahorais tous les
apaisements nécessaires.
C'est dire que, pour maintenir le rythme de nos avancées, le nouveau contrat
de plan Etat-Mayotte devrait prévoir, au moins, l'engagement de projets aussi
importants que ceux qui ont été précédemment financés par les deux contrats
échus.
Or les enveloppes financières des contrats de plan pour les collectivités
autres que les DOM ne sont toujours pas arrêtées et les indications données par
le document préparatoire relatif à la stratégie de l'Etat à Mayotte s'avèrent
nettement en deçà des attentes de nos élus.
Pourtant, je le reconnais volontiers, le Gouvernement, qui tergiverse pour
répondre à la volonté mahoraise d'accession au statut de département
d'outre-mer, a souvent manifesté sa volonté d'accélérer le développement
économique et social de Mayotte. Il est donc grand temps de passer du stade des
déclarations incantatoires à celui de la concrétisation des intentions
affichées.
Vous le comprendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne saurais terminer
sans évoquer la crise politique et institutionnelle que nous connaissons à
Mayotte.
La consultation populaire sur l'avenir institutionnel de Mayotte, prévue par
la loi statutaire du 24 décembre 1976, modifiée par celle du 22 décembre 1979,
puis rappelée dans le préambule de la convention de développement économique et
social du 5 avril 1995 pour la période 1995-1999, et qui a été formellement
promise par les plus hautes autorités de l'Etat, n'est toujours pas
organisée.
Le projet de « document sur l'avenir de Mayotte », élaboré par une mission
interministérielle et diverses personnalités politiques de l'île, n'a pas
abouti au consensus escompté puisque les parlementaires mahorais - à commencer
par moi-même - ont refusé de l'approuver dans la mesure où il ne répond
manifestement pas aux attentes de la population ni aux engagements qui ont été
pris.
Face à un tel blocage, il est urgent de relancer le dialogue institutionnel
engagé en tenant compte, notamment, de l'avis rendu par la mission de la
commission des lois de l'Assemblée nationale qui a séjourné récemment dans
l'île.
En tout état de cause, il serait extrêmement fâcheux que la loi, le contrat et
les engagements solennels du Président de la République et du Premier ministre
puissent rester lettre morte. Il y va de la crédibilité des autorités de l'Etat
à Mayotte comme de nos chances de progrès dans la République.
La gravité de la crise politique, économique et sociale que traverse Mayotte
ne me semble pas suffisamment prise en compte par ce projet de loi de finances
pour 2000 du secrétariat d'Etat à l'outre-mer. Le vote du groupe de l'Union
centriste sera fonction, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse à nos
préoccupations budgétaires et de vos initiatives sur l'évolution statutaire de
Mayotte.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
ainsi donc, en l'an 2000, l'outre-mer redeviendrait une priorité
gouvernementale, avec un budget en hausse de 13,5 %...
Hélas ! quand on y regarde de plus près, les rêves s'estompent et la
désillusion est de mise, car votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, est
en réalité un budget de régression et ne contient aucune mesure nouvelle de
nature à montrer votre volonté de commencer à traiter, trente mois après votre
installation, les difficultés de l'outre-mer en général et de la Réunion en
particulier.
Je m'appuie sur le rapport de notre excellent collègue M. Henri Torre pour
vous rappeler que la hausse dont vous vous enorgueillissez est virtuelle ; elle
cache en fait une diminution des moyens mis à la disposition de l'outre-mer
l'an prochain.
Que dit, en effet, ce rapport ? « Ce taux de progression est artificiel : 660
millions - sur 760 - de francs correspondent à des dépenses prises en charge
par d'autres ministères, et qui sont transférées (...) A structure constante,
le montant des actions en faveur des collectivités locales diminue à nouveau,
en 2000, de 20,6 %. »
Sur les dotations destinées à la Nouvelle-Calédonie, voici ce qu'explique
notre rapporteur spécial : « Ces crédits ne doivent pas être considérés comme
un effort supplémentaire de l'Etat en faveur de l'outre-mer. »
Concernant l'emploi, M. Torre indique encore que la hausse des crédits du
FEDOM est « artificielle », car elle résulte du transfert au ministère de
l'outre-mer des crédits des contrats emploi consolidé auparavant inscrits au
budget du ministère de l'emploi et de la solidarité.
Notons ici que les crédits relatifs aux contrats d'accès à l'emploi baissent
en l'an 2000 de 28 %. Or chacun sait que ces crédits, qui ont déjà baissé de 35
% dans le budget précédent, constituent actuellement la seule véritable
insertion dans la mesure où ils permettent aux jeunes chômeurs d'apprendre un
métier, sous l'autorité des employeurs privés.
En matière de logement, si les crédits de paiement de la ligne budgétaire
unique progressent légèrement, de 2 %, il faut souligner que les autorisations
de programme sont stables, restant au niveau de 1998 et de 1999. Or le secteur
du logement social est prioritaire, compte tenu, d'une part, des retards
accumulés en la matière, d'autre part, des créations potentielles d'emplois
qu'une relance du bâtiment pourrait provoquer immédiatement.
Je passe sur l'investissement, qui diminue lui aussi de 1,2 %, pour vous
rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que, sur le plan
social, ce budget n'apporte aucune mesure nouvelle susceptible de parfaire
l'action en faveur de l'égalité sociale entreprise par le gouvernement Juppé en
1995 et 1996, sous l'impulsion du Président de la République.
Cet immobilisme gouvernemental a d'ailleurs fort logiquement entraîné un vote
négatif de la commission des affaires sociales de la Haute Assemblée.
Comment expliquer, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que,
dans un département qui connaît le triste record de France du chômage, où le
chômage des jeunes progresse, comment expliquer donc le gel, sur le budget
1999, de 180 millions de francs destinés à l'emploi ?
Comment admettre qu'à l'aube du troisième millénaire, dans un département
français, on puisse exiger des RMIstes qu'ils financent les dépenses du
logement social par prélèvement sur leurs aides mensuelles, quand on sait
qu'ils n'en profitent pas, les logements concernés étant trop chers pour eux
?
Y a-t-il une définition plus claire du détournement de fonds publics ? J'en
doute.
Si nous tenons compte de ces 180 millions de francs de crédits d'emploi gelés
en 1999, nous arrivons arithmétiquement à une baisse du volume des crédits de
l'an 2000 par rapport à l'année 1999. Cela me paraît inacceptable, et je ne
voterai pas votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat.
Mes chers collègues, la situation dans mon département est difficile. Elle est
difficile, mais elle n'est pas désespérée, car, chez nous, la croissance est
forte et crée des emplois à un niveau tel que, transposé à l'échelle de la
France métropolitaine, cela permettrait de résoudre le problème du chômage dont
vous souffrez ici.
En fait, une forte démographie met chaque année 10 000 jeunes sur le marché de
l'emploi et tendra encore la situation sociale jusqu'au moment où la transition
démographique sera réalisée, d'ici quinze à vingt ans, selon les experts. D'ici
là, nous devons, comme on dit, « gérer la situation » et faire preuve
d'imagination pour éviter l'explosion sociale tant redoutée.
Cela ne passe pas, à mon sens, par la modification du statut, l'article 73 de
la Constitution et l'article 299-2 du traité d'Amsterdam me paraissant
suffisants pour adapter notre spécificité au contexte économique, en
particulier en ce qui concerne l'abaissement des charges sociales, l'aide à
l'emploi et la protection de nos productions.
La solution est à chercher, en tout cas pour le département que je représente,
dans d'autres directions.
Premièrement, un plan spécifique contre le chômage, en particulier contre le
chômage des jeunes, devrait être mis en place. Le dispositif des emplois-jeunes
ayant exclu les jeunes non diplômés, très nombreux outre-mer, c'est à ce public
particulier qu'il faudrait d'urgence s'intéresser.
Deuxièmement, les charges patronales doivent diminuer afin que les PME
embauchent davantage. Seraient ainsi créés de vrais emplois dans le secteur
marchand.
Troisièmement, la mise en place d'un véritable plan « export » s'impose :
l'extension du dispositif des emplois-jeunes à ce secteur serait un moyen de
rendre nos produits compétitifs et de donner à nos jeunes une véritable
formation.
Quatrièmement, la restauration intégrale du dispositif prévu par la loi Pons
et la reconduction pour cinq ans de la loi Perben sont indispensables, car ce
sont les deux seuls outils de développement mis à notre disposition. Or le
Gouvernement réduit leur efficacité !
A toutes fins utiles, j'indique que les Réunionnais payent plus de « TVA
Perben » qu'ils ne profitent d'exonérations de charges sociales : le
différentiel est de 119 millions de francs pour les trois derniers
exercices.
Cinquièmement, l'égalité sociale passe par l'alignement du RMI, dont le niveau
actuel n'est plus justifié, car le SMIC outre-mer est aujourd'hui égal au SMIC
métropolitain, alors que les prix sont plus élevés qu'en France
continentale.
Bien entendu, cet alignement devrait être corrélé avec une véritable
insertion, pour restaurer la dignité des bénéficiaires, les former et éviter le
travail au noir.
Quand on sait que la dépense publique est de 40 % plus faible à la Réunion
qu'en métropole - je dis bien 40 % - on mesure l'injustice que subissent les
populations d'outre-mer du fait des choix du gouvernement français.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'an passé à la même époque, vous nous avez
annoncé une loi d'orientation pour cet automne. Dans quelques jours, nous
serons, de ce côté-ci de l'équateur, en hiver, mais nous ne connaissons
toujours rien des intentions du Gouvernement.
Comme soeur Anne, nous attendons !
(Sourires.)
Je vous réitère mes inquiétudes de l'an passé : cette loi et ses textes
d'application risquent d'arriver trop tard et, comme on dit chez nous, pendant
ce temps-là,
cabris i mang' salades
!
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
ne vais pas, dans les quelques minutes qui me sont imparties, me livrer à une
analyse de ce projet de budget. Mon collègue et ami Paul Vergès a démontré que
nous étions à la croisée des chemins et il a insisté sur la nécessité de
définir une stratégie d'avenir pour relever les défis.
Notre appréciation sur le projet de budget est positive et nous considérons
que le Gouvernement prend bien, mais en partie, la mesure de ce qu'il faut
entreprendre, en partie seulement, car la France doit, à terme, dégager encore
plus d'énergie pour éviter le pire.
Il est nécessaire de conjuguer énergie et fermeté. La modernisation des
échanges pousse à ce que les départements et territoires d'outre-mer soient
constamment présents dans nos préoccupations, dans les négociations, dans nos
prises de position. Sachant que la situation sociale est aujourd'hui
particulièrement sensible, les négociations commerciales internationales menées
ces temps derniers revêtent une importance cruciale.
Il est patent que les Etats-Unis tentent de remettre en question les liens qui
unissent nos départements antillais avec l'Union européenne, en particulier, et
il nous semble donc déterminant que la France ne cède pas aux injonctions qui
lui sont faites.
Une bonne vision d'avenir induit aussi un souci exceptionnel de concertation.
Nous pensons, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous vous inscrivez dans cette
voie.
Nous prenons acte de la volonté gouvernementale de faciliter, autant que faire
se peut, la concertation avec l'ensemble des élus et des forces vives de
l'outre-mer. Cette concertation doit conduire à l'adoption d'une loi
d'orientation permettant de favoriser l'émergence et l'expression des
potentiels de nos compatriotes d'outre-mer.
La France a une responsabilité exceptionnelle. « Aujourd'hui, à l'aune du
marché mondial n'est jugé recevable que ce qui se vend beaucoup et rapidement.
Réduites à des marchandises, les expressions multiples de la créativité humaine
sont annulées. » Cette dernière phrase est extraite de la déclaration que mon
collègue Paul Vergès a cosignée avec Marie-Claude Tjibaou sur la question de la
diversité culturelle au moment où allaient s'ouvrir les négociations de la
conférence de Seattle.
Que nous disent ces deux fortes personnalités ? S'appuyant sur les atouts de
leur territoire et sur les expériences de leurs peuples, elles concluent en ces
termes : « A la veille du sommet de Seattle, nous lançons donc un appel : pour
la sauvegarde de la diversité culturelle et contre l'uniformité appauvrissante,
pour la reconnaissance et l'expression des cultures dites minoritaires, pour
que la mondialisation du marché n'étouffe pas la dimension universelle de toute
culture humaine. La culture unique est la mort de toute culture. Oui à
l'universel, non à l'uniformité. »
Leur message interpelle l'ensemble des élus de la nation. Une partie de la
réponse nous appartient.
(M. le secrétaire d'Etat opine.)
Nous pouvons
beaucoup aider à ce que ce message universel soit entendu. Notre groupe
voulait, à l'occasion de ce débat budgétaire, insister sur cet appel et sur
l'importance qu'il revêt.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées
socialistes.)
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Il faut bien le reconnaître, et vous en conviendrez avec moi, monsieur le
secrétaire d'Etat, la tâche du Parlement est peu aisée, puisque l'on attend
pour l'an 2000 une loi d'orientation sur l'outre-mer. Le calendrier ne rend
donc pas commode notre exercice.
Nous sommes en effet aujourd'hui appelés à nous prononcer sur le crédits
inscrits dans le fascicule budgétaire de l'outre-mer. Les moyens consacrés aux
départements s'élèvent à un peu plus de 6 milliards de francs.
Quant à l'effort budgétaire global de l'Etat consacré aux départements, il
s'élève à 45 milliards de francs, beaucoup de crédits ne transitant pas par le
budget du secrétariat d'Etat, objet de notre débat.
Alors que le niveau du produit national brut dans les départements d'outre-mer
est partout supérieur à celui des Etats voisins, les informations brutes que je
viens de vous citer tendent, de prime abord, à une approbation du budget qui
nous est proposé.
Ce budget m'inspire toutefois plusieurs remarques.
Tout d'abord, il est en augmentation de 13,5 %. On ne peut que s'en féliciter,
mais, comme l'a d'ailleurs rappelé notre rapporteur spécial, notre excellent
collègue Henri Torre, cette hausse est purement artificielle, puisque ce sont,
en fait et pour l'essentiel, des dépenses antérieurement prises en charge par
d'autres ministères qui ont été transférées au budget de l'outre-mer. En
réalité, si l'on considère le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, il
apparaît peu élevé par rapport à celui des autres départements ministériels.
Néanmoins, comme vous me le rappellerez sans doute, monsieur le secrétaire
d'Etat, on doit ajouter à ce montant l'aide de l'Etat inscrite au sein des
budgets des autres ministères consacrée aux départements d'outre-mer. Si l'on
se rapporte aux chiffres contenus dans le rapport sénatorial, on doit arriver à
environ 50 milliards de francs. Au demeurant, ce montant est-il suffisant pour
permettre à la France d'outre-mer de combler le retard qui est le sien ? La
réponse est non, et ce non est sans appel.
Tout d'abord, le Gouvernement, vous nous l'avez rappelé, monsieur le
secrétaire d'Etat, tient à marquer son principal soutien à la croissance de
l'emploi et de la solidarité, en accompagnant l'outre-mer dans son
développement. L'emploi représente donc plus de 39 % du budget que vous nous
proposez. En ce sens, la dotation du FEDOM marque une augmentation de 16 %.
Si l'on ne peut que s'en féliciter, il faut toutefois regretter que ce procédé
traduise un simple système d'assistance, et non un système entraînant une
participation active de la population outre-mer. Ce sont, en effet, seulement
de nouvelles solutions d'insertion qui sont proposées, des aides du secteur
public, mais non des formules permettant à la population de se sentir
réellement concernée. Or, dès votre arrivée à la tête du secrétariat d'Etat à
l'outre-mer, votre premier mot a été celui de la responsabilité.
Certes, le nombre des bénéficiaires du RMI augmente, mais c'est le symbole du
système d'assistanat, gangrène des départements d'outre-mer. Chaque citoyen
vivant outre-mer devrait se sentir concerné et, surtout, associé aux procédés
proposés, comme le rappellent depuis longtemps les représentants des
départements d'outre-mer.
Les fonds relatifs au logement, quant à eux, connaissent une augmentation
relativement faible, d'autres intervenants l'ont déjà souligné. Pourtant, la
situation du logement dans les DOM est particulièrement préoccupante. A cet
égard, la Guyane ne fait pas exception.
Quant au domaine culturel, c'est un fait, le Gouvernement désire favoriser les
échanges entre l'outre-mer et la métropole. On ne peut que saluer la création
du fonds d'aide aux échanges artistiques et culturels. C'est d'ailleurs le
domaine qui connaît la plus forte augmentation. Un fonds similaire serait
nécessaire pour les disciplines sportives. En effet, monsieur le secrétaire
d'Etat, l'outre-mer, ce n'est pas seulement le muscle, celui qui permet à la
Marseillaise de retentir sur les terrains de sport
(Sourires),
c'est
aussi le cerveau, et la culture est un élément fondamental de notre
développement. C'est pourquoi j'applaudis à votre initiative. Quant à
l'utilisation concrète qui sera faite de ce fonds, laissez-moi dire, comme les
Anglais,
wait and see
!
(Nouveaux sourires.)
En définitive, il est difficile d'être résolument contre ce projet de budget
; on ne peut pas non plus être résolument pour, puisqu'il ne prévoit pas un
changement notable dans la politique gouvernementale.
Toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, laissez-moi vous interroger sur le
projet sucrier guyanais.
Pourquoi l'Etat tarde-t-il à approuver ce projet, d'autant qu'il ne prend
aucun risque ? En effet, si l'on veut développer le secteur agricole de la
Guyane, il est de toute façon nécessaire de réaliser un aménagement foncier des
savanes, quel que soit le type de culture qui y sera développé. Les terres
aménagées restent toujours propriété de l'Etat.
L'attribution de quotas au niveau initial des 45 000 à 50 000 tonnes
actuellement libres d'attribution est un acte purement formel qui ne deviendra
effectif que lors de la mise en marche de l'usine et, dans le cas contraire,
ces quotas restent disponibles. Alors, je ne comprends plus, et je ne suis pas
le seul à ne pas comprendre !
Monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il me soit permis de vous rappeler la
situation originale de chacun des départements d'outre-mer et de la Guyane en
particulier. En effet, chaque département connaissant une situation unique, il
doit se voir proposer des réponses différentes lui permettant d'évoluer en
fonction de ses particularismes historiques et économiques.
Je voudrais appeler votre attention sur quelques urgences anciennes et
déclarées qui s'imposent en Guyane. Monsieur le secrétaire d'Etat, une relation
sincère doit en ce sens être établie entre l'Etat et la Guyane et se traduire
par un pacte de développement, concrétisant le cadre des évolutions souhaitées
et définissant les moyens publics et privés.
Après les soulèvements populaires de novembre 1996, le corps social et
politique guyanais s'est réuni en états généraux. Le rapport final de janvier
1998, qui comporte tous les éléments permettant d'envisager un avenir plus
stable pour notre région, a été réalisé. Les assemblées départementale et
régionale se sont constituées en congrès et ont adopté un document appelé «
pacte de développement ».
Ce pacte de développement, monsieur le secrétaire d'Etat, doit être et peut
constituer la base de négocation. Les Guyanais ne souhaitent pas être invités
au dialogue avec le Gouvernement à la manière corse !
Je m'apprête aussi, comme m'y autorise la Constitution de la République, à
déposer une proposition de loi d'orientation, inspirée par ces doléances, dont
les éléments pourront nourrir le débat qui aura lieu lors de la discussion de
votre projet de loi d'orientation, ainsi qu'une proposition de loi sur le
statut de la Guyane.
Si certains n'ont pas vu d'un bon oeil la déclaration de Basse-Terre des
présidents des régions Guadeloupe, Guyane et Martinique, pour ma part, j'y
souscris, car je l'ai écrite avec des députés de votre majorité qui
aujourd'hui, peut-être, ne sont plus en vie. La réalité guyanaise nécessite,
selon moi, une prise en compte sérieuse.
Parallèlement, j'ai déposé un texte portant diverses mesures spécifiques à la
forêt guyanaise. Celle-ci constitue en effet un bien exceptionnel et
remarquable tant pour la Guyane que pour la France, et ce à de nombreux titres,
qu'il s'agisse de sa nature, de son état et de sa dimension. Or ce bien n'est
pas protégé convenablement car aucune législation forestière ne s'y applique.
Il n'y a aucun contrôle des défrichements qui entraînent des empiètements
patents sur ladite forêt, en méconnaissance de tous les principes de défense de
l'environnement. Il apparaît nécessaire d'offrir rapidement en Guyane une
législation adéquate permettant de mettre en oeuvre une gestion durable.
J'espère que cette initiative trouvera un écho auprès du Gouvernement, encore
que le ministre compétent en la matière, auquel ma courtoisie républicaine
m'avait conduit à présenter ce texte, m'a indiqué, pour toute réponse, qu'il
présenterait dans trois ans un projet de loi sur la forêt guyanaise.
S'agissant de la justice, tous les élus, les magistrats, les citoyens
réclament une cour d'appel de plein exercice, une chambre détachée du tribunal
de grande instance de Cayenne à Saint-Laurent. Si vous lisez les réponses du
cabinet du ministre compétent, vous constatez que, là encore, les décisions
sont renvoyées aux calendes grecques, me donnant ainsi le sentiment du plus
grand mépris à l'endroit de la représentation nationale. Aujourd'hui, je suis,
pour ma part, habitué à cette manoeuvre. Toutefois, j'ai encore l'espoir de
voir aboutir ces revendications, et nous ne saurons, vous et moi, faire mentir
ce
dolo
guyanais : ce qui est là pour vous, l'eau ne peut le charrier,
c'est-à-dire, en créole,
ça ki la pou dlo pa ka chariel.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il y a urgence.
Le taux de chômage est particulièrement inquiétant, notamment celui des
jeunes, puisqu'il représente 27 % de la population en Guyane.
Elu de la Guyane, je suis préoccupé, voire choqué, de constater que, dans
notre pays, tous les mouvements de rue trouvent des solutions alors que la voix
de l'outre-mer, par l'intermédiaire des députés et des sénateurs, est peu
écoutée par les gouvernements. Pourquoi applique-t-on la démocratie directe
outre-mer et la démocratie représentative en France métropolitaine ? Pourquoi
doit-on attendre les crises et les situations inextricables pour voir le
Gouvernement intervenir et accepter les doléances de la rue ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans le domaine qui relève de votre département
ministériel, comme dans tous les autres postes budgétaires, la prospective est
indispensable ; elle s'impose outre-mer alors que la population est sans
espoir.
L'évolution économique de la Guyane est marquée par des échecs répétés.
L'acuité de la crise est telle que les pouvoirs publics ne semblent pas avoir
de réponse. Les besoins collectifs croissants ne sont pas convenablement
satisfaits dans un environnement économique peu favorable. Il faut, pour la
Guyane, un véritable projet de société qui prévoie une transformation en
profondeur de l'organisation économique et sociale, ainsi qu'une modification
des règles politiques et administratives de gestion du territoire. C'est cela
le pacte de développement.
Me permettrez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous faire remarquer la
position particulière de la Guyane, le rôle stratégique qu'elle peut jouer pour
la France, permettant à l'Europe d'établir un contact direct avec d'autres
continents. Je peux encore dialoguer avec vous, nos enfants peuvent encore
dialoguer avec vous, mais ne le demandez pas à nos petits-enfants ! C'est
maintenant que cela se décide pour l'outre-mer !
Le développement doit se traduire par la volonté de la société guyanaise de
créer de la richesse. Il faut une véritable réorientation dans la durée,
mettant en exergue les éléments de dynanisme économique et social qui existent
dans notre région.
Sous l'Ancien Régime, à l'exception de quelques ministres comme Richelieu, les
responsables considéraient la France d'outre-mer, les colonies, comme des
dépendances, des possessions qui devaient rapporter à la métropole. Les choses
ont bien changé depuis !
La loi de départementalisation, sous la IVe République, a permis la naissance
des conditions juridiques du développement économique et social. L'article 73
de notre Constitution a corroboré ce mouvement. L'outre-mer a beaucoup évolué
depuis 1958. Alors que l'Europe connaît des entités dont l'économie est
florissante, les départements français, notamment la Guyane, désirent obtenir
aujourd'hui plus d'autonomie.
La dimension mondiale de la France passe par l'outre-mer. Monsieur le
secrétaire d'Etat, même si, je le sais, votre bonne volonté est évidente, je
crois qu'elle ne sera jamais à la hauteur des difficultés auxquelles sont
confrontés les départements d'outre-mer. Tant mieux pour vous, mais, hélas !
tant pis pour nous.
Après trois cent soixante-cinq ans pendant lesquels les princes qui nous
gouvernent n'ont pas su, ou voulu, développer leurs possessions, monsieur le
secrétaire d'Etat, si vous le voulez, relevez le défi de l'écoute et faites
droit aux demandes exprimées par la majorité des élus des régions antillaises
de la Caraïbe et du continent sud-américain.
Afin de ne pas vous effaroucher, je voterai le projet de budget que vous
présentez à la Haute Assemblée. Mais, rappelez-vous !
ça ki la pou dlo pa ka
chariel. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Larifla.
M. Dominique Larifla.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à
la fin novembre, l'ouragan
Lenny
s'est abattu sur l'ensemble des îles de
notre archipel, causant au passage des dégâts considérables aux personnes, aux
habitations et aux outils de production.
La solidarité nationale, alliée aux actions des collectivités locales et de la
caisse d'allocations familiales, la CAF, s'est spontanément mobilisée pour
venir en aide aux sinistrés. C'est dans ce contexte que nous sommes amenés à
délibérer sur votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat.
La Guadeloupe, département d'outre-mer et, comme tel, en situation de
mal-développement, se caractérise notamment par des handicaps structurels :
l'éloignement, la situation d'archipel, l'étroitesse du marché et un
environnement géographique qui, dans le contexte actuel, est peu propice aux
échanges porteurs de devises et de richesse.
La gravité de la situation économique et sociale de l'outre-mer en général, et
de la Guadeloupe en particulier, constitue un défi que le Gouvernement de
Lionel Jospin a décidé de relever.
Dans cet environnement économique et social dégradé, votre projet de budget
ouvre la voie à un développement qui s'inscrit dans la durée. Le développement
suppose la justice sociale ainsi que la responsabilité économique et politique.
Vous souhaitez que cette responsabilité soit davantage assumée dans chaque
département d'outre-mer.
Les mesures qui ont été prises traduisent une ambition politique, véritable
porte ouverte vers un dynamisme qui doit s'optimiser dans le long terme avec
une évolution statutaire de nos régions.
N'oublions pas que, de 1994 à 1997, a été votée, ici même, une baisse
importante du FIDOM et du FIDES. Le gouvernement de la gauche plurielle a remis
ces indicateurs à la hausse.
Ainsi, l'effort global de l'Etat pour l'outre-mer, tous ministères confondus,
progresse de 2,85 %, passant de 56,2 milliards de francs à 57,8 milliards de
francs. Cette progression est plus de trois fois supérieure à la moyenne
nationale.
Le budget de votre département ministériel affiche donc une croissance de 13,6
% par rapport à la loi de finance initiale précédente, avec un total de 6,36
milliards de francs, ce qui porte, depuis 1997, la progression des crédits pour
l'outre-mer à environ 31 %.
Les crédits inscrits pour l'an 2000 permettent d'afficher des objectifs
ambitieux et de dégager véritablement, dans nos départements et territoires,
des priorités en termes d'emploi, d'aide au logement et de promotion de
l'action sociale et culturelle. On n'avait jamais connu une telle augmentation
depuis le transfert, sous le gouvernement précédent, de la ligne budgétaire
unique et du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM.
En effet, les crédits du FEDOM progressent cette année de 16 %, ceux qui sont
relatifs au logement de 3,7 % et ceux qui sont destinés à l'action sociale et
culturelle de 30 %.
Même si on ne tient pas compte de ces transferts, votre budget augmente en
valeur réelle de 2 %, soit plus du double de la progression du budget de
l'Etat.
L'emploi bénéficie de l'inscription de moyens importants pour financer les
contrats emploi consolidé, les CIA, contrats d'insertion par l'activité, les
CAE, contrats d'accès à l'emploi, les CES et les emplois-jeunes. Il s'agit
d'une attitude énergique pour inverser la courbe du chômage qui, contrairement
à ce qui se passe en métropole, ne cesse d'augmenter. Ce mal endémique atteint
en effet en Guadeloupe le taux insupportable de 30 %.
Le nombre élevé d'allocataires du RMI dans les départements d'outre-mer révèle
la détérioration de la situation économique et sociale. C'est le signe d'une
société duale qui distingue, d'une part, les personnes incluses dans le système
productif et, d'autre part, celles qui relèvent du dispositif d'assistance.
En Guadeloupe, on dénombre 28 000 RMIstes, soit 14 % de la population
active.
Ces chiffres sont insupportables !
Les besoins en logements très sociaux sont immenses. Or la ligne budgétaire
unique stagne. Le Gouvernement doit à tout prix maintenir, voire amplifier les
dotations en faveur du logement social. L'égalité sociale passe par l'égalité
devant le droit au logement.
Les actions de l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des
travailleurs d'outre-mer, l'ANT, continueront à être financées à hauteur de
43,7 millions de francs, ainsi que la formation individualisée-mobilité, la
FIM, pour 28,9 millions de francs. Cette formation concernera environ 500
jeunes. Enfin, l'AFPA, l'Association nationale pour la formation
professionnelle des adultes, offrira 1 500 places. Je note cependant que le
budget de l'ANT reste faible au regard de l'étendue des problèmes auxquels sont
confrontées les personnes originaires des départements d'outre-mer qui vivent
en métropole.
S'agissant du service militaire adapté, le SMA, la professionnalisation,
commencée en 1999, sera poursuivie en 2000, par la substitution des volontaires
aux appelés. Compte tenu du rapide recrutement des 500 volontaires prévus, 600
nouveaux postes seront offerts l'an prochain.
Abondés par le Fonds social européen, le budget du SMA sera porté à 507
millions de francs.
Vous l'avez montré, monsieur le secrétaire d'Etat, l'emploi outre-mer est
votre priorité. Cependant, prenons garde, car un danger guette aujourd'hui nos
sociétés : la tentation de « salarier » l'exclusion. Il faut que les DOM
sortent de cette certitude fataliste, car ce consentement tacite mène à une
dissociation croissante entre l'économique et le social. Il est donc temps
d'élaborer un plan de développement économique porteur d'emplois durables et
créateur de richesse.
Pour cela, il faut fortifier notre tissu de PME et de PMI et renforcer les
activités de services.
Le développement de nos entreprises passe, évidemment, par un accès plus
facile au crédit. L'évolution des taux pratiqués outre-mer ne suit pas la même
courbe qu'en métropole, et ceux-ci restent vraiment trop élevés. Ainsi, nos
entreprises ont de plus en plus de mal à être compétitives, du fait de la
frilosité des banques.
Face à ce constat, le Gouvernement a décidé opportunément de substituer au
système de garantie géré par la Société française pour l'assurance du
capital-risque, la SOFARIS, le « Fonds DOM ». Le nouveau mécanisme, en place
depuis le 1er octobre, anticipe la fin du réescompte.
La contrainte européenne a également imposé la transformation du statut de
l'IEDOM, l'Institut d'émission des départements d'outre-mer. Il faudrait que
soient explicitement accordés aux personnels de celui-ci un statut à part
entière ainsi que la faculté de rejoindre l'AFD, l'Agence française de
développement, dans un délai raisonnable. Il faut également redéfinir dans la
clarté les missions nouvelles de l'IEDOM, qui a vocation à être l'intermédiaire
entre le monde économique et le système bancaire.
La loi Pons a engendré des effets positifs indiscutables ; mais elle a aussi
été « polluée » par de nombreux effets pervers. En effet, dans certains cas, la
défiscalisation a favorisé l'apparition d'une structure déséquilibrée de la
production, au profit du seul capital et au détriment du travail.
A l'échéance du 31 décembre 2002, un nouveau dispositif devra être trouvé, qui
avantagera l'exploitant tout en étant moins favorable à la défiscalisation et
aux intermédiaires. Nous pensons que chacun doit rester dans son rôle : aux
entrepreneurs d'évaluer les marchés et d'assurer la production et la
commercialisation, bref de prendre les risques sans lesquels il ne peut y avoir
d'entreprise ni de profit, et à l'Etat de fixer les règles générales de
concurrence et de moralité des affaires.
Dans ces conditions, pour moraliser la loi de défiscalisation, on devrait
créer des fonds communs de placement à risques, qui seront un support à la
collecte de l'épargne publique. Le capital pourrait être défiscalisé en
partenariat avec l'Agence française des banques, qui sélectionnerait les
dossiers.
Je voudrais, maintenant, mettre l'accent sur quelques sujets particuliers qui
intéressent notre quotidien.
La Guyane, la Guadeloupe et la Martinique sont des viviers de sportifs de haut
niveau, cela n'est plus à démontrer. Il est indispensable de doter le centre
régional d'éducation populaire et de sport, le CREPS, Antilles-Guyane de moyens
suffisants lui permettant de remplir correctement sa mission. Il est en
particulier urgent d'y installer un centre médico-sportif. Il faudrait, de
manière concomitante, aider à l'implantation de structures de proximité, qui
permettront à de jeunes talents de se révéler.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'an dernier, depuis la même tribune, je vous
avais alerté sur la nécessité, du fait de l'insularité de la Guadeloupe, d'y
maintenir un établissement de transfusion sanguine de plein exercice. Depuis
plusieurs années, je plaide pour que soient donnés au centre hospitalier et
universitaire de Pointe-à-Pitre - Abymes les moyens financiers qui lui ont
manqué dès sa création. Le Gouvernement a été sensible à nos appels, puisqu'une
décision positive a été prise en ce qui concerne le maintien de l'établissement
de transfusion sanguine et le redressement financier du CHU, en faveur duquel
un effort financier exceptionnel sera consenti. Nous nous en félicitons.
Pour conclure, je relève que le gouvernement issu de la gauche plurielle a
montré sa capacité à sortir des sentiers battus. Nous l'invitons à persister
dans cette voie, qui doit conduire nos peuples à la responsabilité et à une
révolution des mentalités.
Le déséquilibre des échanges avec la métropole, qui tend à s'aggraver, montre
à quel point les DOM sont amenés à réfléchir sur un modèle de développement
tourné aussi vers leur propre environnement géographique.
Les secteurs traditionnels doivent continuer d'assurer une part de la richesse
de nos économies, mais il nous faudra, pour cela, utiliser à fond les nouvelles
technologies, dont dépendent les emplois de demain.
Nos territoires sont riches d'une jeunesse nombreuse, dynamique, formée ou en
quête de formation diplômante. Cette jeunesse constitue un atout majeur, une
chance pour les DOM et pour la nation. La Guadeloupe reste attentive et ouverte
à toute initiative allant dans le sens du progrès. Vous vous êtes engagé à
poursuivre dans cette voie, monsieur le secrétaire d'Etat, et je voterai donc
votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux.
« Des priorités fortes pour le budget de l'outre-mer » : c'est ainsi, monsieur
le secrétaire d'Etat, que vous insistez sur l'accent mis, dans le projet de loi
de finances pour l'an 2000, sur les choix effectués en faveur du logement, dont
les crédits augmentent de 3,7 %, de l'emploi, avec le FEDOM, dont la dotation
s'accroît de 16,2 %, et, enfin, de l'action culturelle et sociale, dont les
crédits progressent de 30 %.
Le projet de loi de finances pour 2000 est marqué par une croissance des
crédits inscrits à la ligne budgétaire unique, qui atteignent 918 millions de
francs pour les quatre départements d'outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon,
qui, comme à l'ordinaire, en bénéficie.
Le FEDOM, dont les crédits sont destinés aux quatre départements d'outre-mer
et à l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, permettra de financer un plus
grand nombre de solutions d'insertion, qui seront 58 000 au total. De la sorte,
3 000 emplois-jeunes supplémentaires et 7 000 contrats emploi consolidé
devraient être créés.
Dans la collectivité que je représente, ce genre de mesures a pour effet de
stabiliser à peu près le chômage des jeunes. On note une baisse sensible de
l'effectif des RMIstes, mais une nette progression, notamment au sein de
l'éducation nationale, du nombre des emplois-jeunes, qui double.
Par ailleurs, dix-huit conventions d'appui-conseil ont été signées, tandis
qu'une douzaine d'entreprises ont entamé des négociations en vue de conclure
des accords sur la réduction du temps de travail.
S'agissant du passage aux 35 heures, l'OCDE souligne, dans son dernier
rapport, combien « il est hasardeux d'en estimer les effets potentiels à court
terme comme à moyen terme ». On peut prévoir que cette réduction du temps de
travail augmentera les coûts unitaires de main-d'oeuvre, comme en métropole,
entraînant ainsi des effets négatifs sur la compétitivité des entreprises, qui,
outre-mer, connaissent déjà bien des difficultés.
En ce qui concerne le bâtiment et les travaux publics, secteur d'une
importance majeure pour l'emploi, j'attire l'attention du Gouvernement sur le
fait que l'application de la loi sur les 35 heures à Saint-Pierre-et-Miquelon
nécessite des adaptations, afin que soient prises en compte nos spécificités
géographiques, météorologiques et techniques.
Le caractère obligatoirement saisonnier du travail à l'extérieur, limité au
mieux à huit mois de l'année, l'absence de mobilité des entreprises, la
nécessité de disposer d'un contingent d'heures supplémentaires, sans parler des
faibles effectifs des entreprises locales, sont autant de données qui
interdisent d'appliquer cette loi sans prévoir des aménagements préalables.
Pour le moment, la précarité de notre santé économique, et donc de celle de
l'emploi, exige que soient préservés, au profit des entreprises locales, les
avantages de la loi du 25 juillet 1994 relative aux exonérations sectorielles
de charges patronales, et ce au-delà même du 31 décembre 2000, prorogation
prévue par l'article 72 du projet de loi de finances pour 2000, auquel je suis
favorable.
Quant à la prime à la création d'emplois, il faudrait prévoir une modification
de ce dispositif, afin que puissent en bénéficier les entreprises nouvelles
orientées vers l'exportation avant qu'elles ne soient en mesure d'exporter 75 %
de leur production.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget vise particulièrement la
culture et l'action sociale, affichant une hausse de 30 % de l'enveloppe
correspondante, qui atteint 185,6 millions de francs. L'objectif est de «
favoriser les échanges entre l'outre-mer et la métropole ainsi que dans
l'environnement régional ». Je m'en réjouis, en notant que votre secrétariat
d'Etat double ses crédits de participation au nouveau fonds d'aide aux échanges
artistiques et culturels pour l'outre-mer.
Mais, en ce qui concerne Saint-Pierre-et-Miquelon, j'éprouve de vives
inquiétudes, compte tenu du changement de politique décidé, ou à tout le moins
envisagé par Air France, qui semble prête à dénoncer l'accord de tarification
jusqu'ici en vigueur sur la ligne Paris-Montréal. Pour les passagers empruntant
celle-ci pour aller à Saint-Pierre-et-Miquelon ou en revenir, il en résulterait
une augmentation du prix du billet de l'ordre de 8 000 francs, soit un
doublement en classe économique.
Or la compagnie nationale a toujours, me semble-t-il, une mission de service
public à remplir, du moins partiellement. Mes compatriotes qui vivent à des
milliers de kilomètres de la métropole ou sont établis dans l'hexagone ne me
paraissent pas dépasser les bornes en demandant à bénéficier, dans une certaine
mesure, du principe de la continuité territoriale. Nous ne sommes plus en 1960,
quand quelques personnes seulement effectuaient le trajet, essentiellement pour
venir en congé. Les temps ont bien changé ! Durant les dernières décennies,
très nombreux sont les jeunes de l'archipel à être demeurés en métropole après
leurs études et à y avoir fait souche.
Afin que soient maintenues la solidité et la vitalité du lien traditionnel et
des liens « nouveaux » ainsi tissés avec la métropole, je souhaiterais savoir
si le Gouvernement soutiendra notre démarche d'élus visant à trouver une
solution acceptable à ce problème.
S'agissant du FIDOM, dont les crédits sont en augmentation de 9,5 %, passant à
217,5 millions de francs, je constate, puisque le FIDOM « général » est
essentiellement consacré aux contrats de plan, que la ventilation est établie
pour les départements et territoires d'outre-mer, mais que pour les autres
collectivités, dont nous faisons partie, ces contrats feront l'objet d'une
programmation spécifique échelonnée de 2000 à 2004. Je souhaite, monsieur le
secrétaire d'Etat, que, dans cette optique, nos difficultés économiques soient
prises en compte d'une manière très attentive.
Au nombre des questions qui posent problème figurent notamment l'application
de la décision 91/492 du Conseil de l'Union européenne et le coup d'arrêt porté
par Bruxelles à nos opérations de libre pratique, qui nous avaient permis, au
cours des tout derniers exercices budgétaires, d'encaisser des rentrées
fiscales très appréciables, d'une trentaine de millions de francs à l'année, ce
qui correspond, en gros, à 16 % du budget de fonctionnement de la collectivité
territoriale. Nous avons ensuite investi ces crédits dans des actions de
développement économique, conformément aux directives européennes.
Vous nous avez tenus informés des démarches que vous aviez entreprises à la
suite du démarrage de l'enquête de l'OLAF, l'Office de lutte anti-fraude,
monsieur le secrétaire d'Etat.
J'aimerais que vous nous disiez aujourd'hui si le Gouvernement peut nous aider
à faire le point sur cette affaire, qui pour nous compte beaucoup.
En ce qui concerne le FIDOM « départemental », est-il raisonnable de nourrir
encore quelque espoir de voir renaître ce fonds, qui a été supprimé en 1996
mais qui était très apprécié de nos collectivités locales ?
Je reviens maintenant rapidement sur les foudres de Bruxelles, pour évoquer la
seconde intervention de la Commission européenne, qui a trait à l'exploitation
du paquebot de croisière
Le Levant,
dont les premières escales à
Saint-Pierre-et-Miquelon se sont déroulées au cours de l'été dernier.
Ce petit paquebot de luxe battant pavillon français et naviguant avec un
équipage français, ce qui est rare aujourd'hui, est basé en Guyane, sauf durant
l'été dans notre hémisphère. Les croisiéristes, américains pour la plupart,
sont alors attirés par les périples nordiques en direction du Labrador, de la
baie d'Hudson, du nord de Terre-Neuve, voire du Saint-Laurent et des Grands
Lacs canadiens, dans une ambiance totalement française.
Les activités naissantes du navire ne sont pas du goût de la Commission
européenne, du fait que l'Etat a contribué à la construction du
Le Levant,
faussant ainsi, selon Bruxelles, les règles de la libre concurrence. En
outre, les escales à Saint-Pierre de ce navire ne seraient pas assez nombreuses
pour permettre de renflouer l'économie locale.
De tels arguments ne portent pas la marque de l'objectivité, car ni les élus
de l'archipel ni l'armateur, président de la Compagnie des îles du Ponant,
n'ont vu dans l'activité de ce navire la solution à nos problèmes économiques,
et surtout pas en l'espace d'une seule saison. Mais
Le Levant
est sans
conteste l'un des arguments forts du développement touristique de notre
archipel, doublé d'un vecteur de rayonnement de la croisière française dans nos
régions.
Il s'agit donc, monsieur le secrétaire d'Etat, au travers de ce cas d'espèce,
d'une demande forte qui vous est adressée, pour que vous nous assuriez du
soutien gouvernemental vis-à-vis de Bruxelles dans ces affaires, notamment eu
égard aux dispositions de l'Union européenne relatives aux pays et territoires
d'outre-mer les moins favorisés, au rang desquels nous figurons depuis deux
ans.
Je mentionnerai enfin d'autres sujets à prendre en considération concernant la
vie de mes compatriotes insulaires.
Tout d'abord, s'agissant des améliorations de la desserte maritime, que l'Etat
subventionne, une attention particulière devra être portée aux conséquences de
l'ouverture prochaine d'une nouvelle ligne locale de transport entre
Terre-Neuve et Saint-Pierre-et-Miquelon. Il s'agit là d'une nouvelle donne.
Ensuite, il existe des dysfonctionnements en matière de sécurité sociale
affectant les fonctionnaires, magistrats et militaires de
Saint-Pierre-et-Miquelon.
En effet, le décret 99-631 et l'arrêté subséquent du 22 juillet 1999 du
ministère de l'emploi et de la solidarité sont en porte-à-faux avec le statut
des personnels que je viens de mentionner, et l'absence de consultation
préalable du Conseil supérieur de la fonction publique avant fixation des taux
de cotisations n'est pas admissible. Je ne procéderai pas ici à l'énumération
fastidieuse des entorses à la réglementation qui sont pratiquées depuis des
années, en contradiction avec l'ordonnance 77-1102 du 26 septembre 1977.
Pour en finir avec cette situation, sur laquelle votre ministère a été
largement informé, je souhaite vivement que vous favorisiez la venue sur place
d'une mission, afin que soit réglées une fois pour toutes les anomalies dont il
s'agit.
Cette mission pourrait se préoccuper également de la pertinence de
l'application dans l'archipel de la loi de 1975 sur les personnes
handicapées.
Par ailleurs, il conviendrait éventuellement d'alléger certaines contraintes
réglementaires systématiquement appliquées aux petites entreprises de pêche
artisanale qui se servent de navires de construction traditionnelle canadienne,
parfaitement adaptés aux conditions de la navigation dans la partie de
l'Atlantique où nous nous trouvons. Des arrangements dérogatoires devraient
pouvoir être trouvés en ce domaine.
Enfin, dans l'optique d'une marche en avant rationnelle et rigoureuse dans
l'effort de diversification de pêche que nous avons entrepris, une
identification aussi exacte que possible de la ressource - il s'agit,
notamment, du crabe des neiges - en vue d'en assurer la bonne gestion s'impose.
Il est donc indispensable de favoriser les actions de l'IFREMER vers
l'archipel, en coopération avec les acteurs locaux. C'est là une des
conclusions et suggestions du groupe sénatorial de la mer, réuni au mois
d'octobre dernier.
La question de la réforme du pavillon français est d'actualité. Il faut
freiner la dégradation avancée de sa compétitivité, qui a relégué notre flotte
au vingt-huitième rang mondial, tandis que nos concurrents européens vont de
l'avant.
Puisque le Gouvernement semble maintenant s'en préoccuper, je pense, monsieur
le secrétaire d'Etat, que le moment est venu d'appuyer auprès de votre collègue
ministre des transport le projet de loi visant à créer un registre
d'immatriculation à Saint-Pierre-et-Miquelon, élaboré par mon collègue député
de l'archipel. Le comité interministériel de la mer, que notre groupe de la mer
a demandé au Premier ministre de réunir au printemps 2000, sera peut-être
l'occasion choisie pour ce faire.
Je dirai quelques mots de la recherche pétrolière. En ce moment, se déroulent
à Saint-Pierre des conversations et des travaux entre, d'une part, des
industriels Nord-Américains du pétrole et du gaz
offshore,
qui mènent
des travaux d'exploration dans la zone depuis deux ans, et, d'autre part, les
acteurs locaux du monde économique, qui réalisent qu'il est temps de commencer
à se préparer, bien en amont, en vue des découvertes que l'on peut estimer
probables soit dans notre zone économique exclusive, soit en zone maritime
canadienne, où la proximité de l'archipel peut constituer un atout de poids
avec son port et son aéroport moderne.
Les représentants de quinze compagnies canadiennes sont présents, avec leur
savoir-faire et leur expérience en la matière.
Vous savez la part prise par le représentant de l'Etat dans ces contacts avec
des interlocuteurs investisseurs qui ne sont aucunement philanthropes et dont
les équipes, rompues à la négociation à l'anglo-saxonne, sont bien étoffées. Je
rappelle qu'ils ont déjà investi environ 160 millions de francs uniquement dans
la recherche.
Il importe qu'en face nous soyons à la hauteur, d'autant plus que nous n'avons
pas à traiter avec des compagnies françaises. Là aussi, le soutien logistique
du Gouvernement ne doit pas nous faire défaut puisque nous devons nous
développer dans notre environnement régional.
Cette évocation est pour moi l'occasion de vous redemander, comme l'an passé,
où en est l'établissement du cahier des charges quant au transfert de
compétences visant à modifier l'article 27 de notre loi statutaire de juin
1985, compte tenu de la modification du code minier intervenue l'an passé pour
la redevance prévue au bénéfice de la collectivité territoriale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, depuis le début de la décennie, nous ne sommes
pas parvenus, pour des raisons objectives dont nous n'avons pas la maîtrise, à
redresser notre économie locale, en dépit des avancées indéniables obtenues
grâce aux initiatives de l'Etat. Nos exportations sont sept fois plus faibles
que voilà dix ans et le trafic portuaire est toujours aussi moribond.
Nous vivons en quelque sorte sous perfusion, et le fait que nous ne soyons pas
les seuls dans ce cas n'est pas une consolation.
Nous avons besoin, comme ailleurs en outre-mer, pour assurer l'avenir,
d'attirer des investisseurs.
Or, qu'ils soient locaux ou « importés », les fonds que les projets
ultramarins sont susceptibles d'attirer doivent trouver des conditions
avantageuses. Dans le projet de loi de finances pour 2000, il n'est pas prévu
de modifier le dispositif de défiscalisation en vigueur, la loi Pons, qui doit
perdurer jusqu'en 2002, mais le texte initial a été modifié à deux reprises.
Il importe donc que de nouvelles mesures fiscales voient le jour - peut être
dans le cadre de la loi d'orientation ! - pour prendre en compte les attentes
des investisseurs potentiels en vue de la mise sur pied de projets nouveaux,
industriels ou artisanaux, générateurs d'emplois si nous voulons construire
notre avenir sur le long terme, bien au-delà de 2002.
Ainsi serait pris le relais du traitement social du chômage, en contrepoids du
renforcement du secteur public et parapublic, déjà largement pourvu à
Saint-Pierre-et-Miquelon, comme ailleurs en outre-mer.
Le budget annuel est important, mais, nous le savons, ce n'est qu'un élément
qui s'ajoute aux nombreuses autres actions économiques financées par l'Etat en
outre-mer. Je ne suis donc pas contre votre budget, monsieur le secrétaire
d'Etat. C'est, en fait, votre réflexion à la suite de nos interventions qui
guidera mon choix final.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste.)
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Jacques Valade au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Désiré.
M. Rodolphe Désiré.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget pour 2000 est en croissance de
13,6 % par rapport à celui de l'an dernier, ce qui représente une augmentation
de 31 % en trois ans.
Bien que résultant pour une large part de transferts venant d'autres
ministères, ces nouveaux moyens ont le mérite de vous permettre de mieux
exercer vos fonctions de coordination, d'impulsion et d'entraînement de
l'action globale du Gouvernement.
Cependant, ces crédits ne représentent que 10 % de l'ensemble des
interventions de l'Etat - 57,8 milliards de francs, cette année - et, une fois
encore, je regretterai le peu de lisibilité des sommes votées en faveur de
l'outre-mer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne m'étendrai pas plus longtemps sur ce
budget, que, bien évidemment, je voterai, m'étant déjà exprimé dans le rapport
pour avis de la commission des affaires économiques.
Je voudrais, toutefois, concernant l'action du Gouvernement en faveur des
départements français d'Amérique, exprimer ma satisfaction, après le voyage de
M. le Premier ministre aux Antilles, à la fois pour les avances à l'aide
compensatoire apportée aux producteurs de bananes, qui ont connu de très
grosses difficultés cette année du fait de la concurrence des bananes « dollars
» sur le marché européen et qui attendent du Gouvernement le renforcement de
mesures d'accompagnement, et pour le sauvetage du Crédit martiniquais par le
fonds de garantie des dépôts du ministère des finances, permettant ainsi la
reprise par la BRED de cette banque locale constituée de nombreux petits
porteurs.
Je veux par ailleurs attirer votre attention sur la nécessité de venir en aide
aux communes d'outre-mer en matière de financement, de la construction des
écoles primaires et des écoles maternelles, en faisant en sorte qu'elles
puissent bénéficier de fonds européens, au même titre que les départements pour
les collèges et les régions pour les lycées. En effet, le parc des
établissements primaires étant fort délabré au moment du transfert de
compétences lors de la décentralisation, en 1983, les moyens des collectivités
communales ne leur permettent pas de faire face toutes seules à leurs
responsabilités dans ce domaine.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'en viens maintenant à des observations plus
générales concernant la situation politique, économique et sociale des DOM, et
plus particulièrement de la Martinique.
En effet, notre discussion, aujourd'hui, se déroule dans le cadre de la
préparation de la loi d'orientation promise par M. le Premier ministre pour
bientôt et qui devrait répondre à l'essentiel de nos préoccupations dans ces
domaines.
Dans l'optique d'une évaluation des politiques menées par l'Etat en faveur des
DOM, trois rapports viennent d'être rédigés, à la demande de M. le Premier
ministre, qui devraient permettre d'élaborer de manière constructive cette loi
d'orientation. Il s'agit des rapports rédigés par Mme Eliane Mossé, économiste,
par M. Bertrand Fragonard, conseiller maître à la Cour des comptes, et par nos
collègues Claude Lise et Michel Tamaya.
Ces rapports contiennent de nombreuses propositions, une fois résumé le
mal-développement que connaissent aujourd'hui les départements d'outre-mer,
maldéveloppement accompagné d'un malaise social et d'une instabilité politique
de plus en plus préoccupante. Les conditions dans lesquelles s'est déroulé le
récent voyage de M. le Premier ministre en Martinique et en Guadeloupe en
témoignent.
On peut définir brièvement ce mal-développement par les caractéristiques
suivantes.
Un PIB équivalent à la moitié du PIB moyen des régions européennes, bien que
ce PIB soit parmi les plus élevés des pays de la Caraïbe.
Un chômage sans cesse croissant, dépassant généralement les 30 % de la
population active et touchant surtout les jeunes.
Une arrivée massive de jeunes diplômés, ces dix prochaines années, sur le
marché du travail : ce que M. Fragonard appelle « le choc démographique », mais
que j'appellerai, pour ma part, « la bombe démographique à retardement ».
Un taux de couverture des importations de l'ordre de 10 %, ce qui signifie que
le pouvoir d'achat de ces pays ne repose pratiquement que sur les transferts,
la demande publique et la consommation des ménages, et très peu ou trop peu sur
le secteur productif ;
Un commerce extérieur essentiellement orienté sur l'Europe et négligeable en
direction de la Caraïbe et du reste du continent américain.
Une crise de confiance des investisseurs, depuis les restrictions apportées à
la défiscalisation.
Enfin, une société à quatre vitesses qui se décompose ainsi : d'abord, en bas
de l'échelle, 30 % de sans-emploi, souvent chômeurs de longue durée, dépendant
du RMI, de l'allocation chômage et de multiples aides, et dont le revenu est,
généralement inférieur au SMIC ; puis, les personnes travaillant dans le
secteur privé, payées pour la plupart, au SPIC, qui est un SMIC local égal au
SMIC métropolitain depuis 1995 ; ensuite, les fonctionnaires autochtones, qui
bénéficient de la rémunération brute majorée de 40 % aux Antilles et de 53 % à
la Réunion ; enfin, les fonctionnaires d'origine métropolitaine, qui perçoivent
en plus une indemnité d'éloignement correspondant à douze mois de traitement
brut pour quatre années de service, ainsi que de nombreux autres avantages.
On voit bien qu'il s'agit là d'une structure sociale extrêmement perverse, qui
ne peut permettre un véritable développement économique et dont, tôt ou tard,
il faudra bien se préoccuper si l'on veut trouver des solutions durables.
Cette situation est malheureusement l'aboutissement de cinquante années
d'efforts de l'Etat, avec des interventions financières de plus en plus
massives. Et force est de constater que, loin de s'améliorer, elle
s'aggrave.
Depuis 1960, les gouvernements successifs de la France ont cherché des
réponses aux problèmes que pose l'intégration économique et sociale des DOM à
la métropole, écartant toute adaptation institutionnelle.
Aujourd'hui encore, on tergiverse, bien que l'on soit arrivé, en 1982, avec
l'adoption de la loi de décentralisation, au comble du ridicule avec la mise en
place sur un même territoire de deux exécutifs : un conseil régional et un
conseil général. Il est évident que jamais le législateur n'avait prévu un tel
cas de figure. Il s'agit bien d'un accident législatif, mais nous sommes,
aujourd'hui encore, incapables de le corriger.
Pourrait-on imaginer une réforme des collectivités locales qui aboutirait à
créer des communes avec deux maires, l'un pour l'investissement et l'autre pour
le social, ou encore une réforme de l'Etat avec deux Premiers ministres, l'un
s'occupant de l'économie et l'autre des affaires courantes ? Pourtant, c'est à
peu près ce que l'on a mis en place, à force de jacobinisme, en 1982, dans les
DOM !
Je crois que le moment est venu de mettre un terme à ce genre d'aberration,
d'autant que ce double exécutif ne peut qu'avoir des effets négatifs et pervers
sur notre économie.
J'en veux pour preuve le conflit actuel entre la région et le département de
la Martinique. La région Martinique est en train de mettre en péril le compte
administratif du département en refusant d'honorer 35 millions de francs de
dettes contractées lors de la construction d'un échangeur à l'entrée de
l'autoroute conduisant à Fort-de-France, alors qu'une convention avait été
signée entre les deux collectivités pour cet ouvrage au moment où la région
connaissait des difficultés financières.
En réalité, la situation actuelle, extrêmement compliquée sur le plan
administratif, est l'aboutissement d'une application trop stricte du droit
commun aux départements d'outre-mer, sans prise en compte de leurs handicaps
structurels : éloignement, insularité, étroitesse du marché, cadre géographique
de pays sous-développé, en retard ou en mal-développement, séquelles d'un passé
colonial.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'Etat, j'attire votre
attention sur la grave erreur qui consisterait à continuer d'ignorer la
nécessité d'adapter les institutions des DOM aux exigences modernes.
A ce propos, je veux vous signaler le danger qu'il y a à interpréter de
manière abusive l'enquête auprès des habitants d'outre-mer qu'a réalisée IPSOS
pour votre compte. Les conclusions peuvent être diamétralement opposées selon
la philosophie que l'on se fait de la notion de responsabilité.
C'est ainsi que, à la page 4, à la question : « Quel type de statut vous
paraît le mieux adapté : le statut actuel mais avec plus de responsabilités
données aux assemblées locales ? », une majorité de Martiniquais - 58 % -, de
Guadeloupéens - 52 % - et de Guyanais - 51 % - répondent favorablement. Cela
réponse me semble vouloir dire qu'ils veulent plus d'autonomie, ce que confirme
la réponse à l'autre question : « Voulez-vous du statut actuel sans changement
? ». La réponse est en effet négative pour 21 % des Martiniquais, 18 % des
Guadeloupéens et 20 % des Guyanais.
En revanche, à la question : « Voulez-vous un statut d'autonomie où la plupart
des lois métropolitaines ne s'appliqueraient plus, des lois spécifiques étant
alors décidées par les assemblées locales ? », ce qui, à mon sens, veut dire :
« Voulez-vous l'indépendance ? », 14 % de Martiniquais, 21 % de Guadeloupéens
et 16 % de Guyanais répondent « non ».
A la page 12, encore, à l'affirmation : « Les assemblées locales n'ont pas
assez de pouvoirs par rapport à l'Etat », souscrivent 60 % des Martiniquais, 58
% des Guadeloupéens et 54 % des Guyanais. Ou encore, « Les Assemblées locales
ont trop de pouvoir par rapport à l'Etat » : 10 % de Martiniquais, 11 % de
Guadeloupéens et 13 % de Guyanais disent non.
En tout état de cause, la lecture de cette enquête montre bien, contrairement
à ce que j'ai lu dans la presse, qu'on ne peut éluder plus longtemps la
question d'une évolution institutionnelle aux Antilles et en Guyane vers plus
d'autonomie.
C'est ce qui m'amène à penser que le rapport Lise-Tamaya, bien que remarquable
par l'analyse qu'il fait de la situation institutionnelle des DOM, ne va pas
assez loin, même si la proposition d'un congrès réunissant les deux assemblées
territoriales laisse une porte entrouverte à une possible évolution du
statut.
L'ambiance actuelle me fait penser à l'histoire du poisson de Tagore ; ce
grand poète indien racontait qu'il ne faut pas faire comme le poisson qui,
placé dans un bocal de verre, se met à faire le tour de la paroi, et qui
continue à faire des cercles alors qu'il est remis en liberté dans la mer.
Dans le cas qui nous concerne, « les deux poissons missionnaires du
Gouvernement » se sont mis à faire des cercles dans le bocal de verre du
jacobinisme français - article 73 de la Constitution - mais n'ont pas eu la
chance d'être remis en liberté dans la mer pour faire de plus grands cercles.
(Sourires.)
C'est la raison pour laquelle j'approuve sans hésitation la démarche de ceux
qui ont décidé de briser ce bocal. Je veux parler des trois présidents des
régions françaises d'Amérique, c'est-à-dire Mme Michaux-Chevry pour la
Guadeloupe, M. Karam pour la Guyane et M. Marie-Jeanne pour la Martinique, qui,
dans leur déclaration de Basse-Terre du 1er décembre 1999, réclament une
modification législative, voire institutionnelle, « visant à créer un statut
nouveau de région d'outre-mer, dotée d'un régime fiscal et social spécifique
dans le cadre de la République française d'une part, et de l'Union Européenne -
article 299-2 du traité d'Amsterdam - d'autre part : « Projet visant à rompre
avec le cycle infernal de "l'emploi assisté" pour favoriser la création et le
développement d'entreprises, orienter les jeunes vers les métiers à forte
plus-value, réaménager les formations vers les secteurs à fortes potentialités
».
Ces trois présidents de région réclament un statut comparable à celui des
autres régions ultrapériphériques de l'Europe, c'est-à-dire les Açores et
Madère pour le Portugal et les Canaries pour l'Espagne. Il s'agit d'une
proposition que j'ai déjà faite moi-même, il y a quatre ans, dans un mémoire
que j'avais transmis à tous les responsables politiques de nos régions.
Je souhaite que le Gouvernement tienne compte de ces propositions, qui, selon
moi, représentent un événement majeur de l'histoire contemporaine des Antilles
et de la Guyane françaises. Je considère donc que c'est dans cette direction
qu'il faut tendre.
Alexis de Tocqueville disait : « Les Français, incapables de faire de vraies
réformes sont amenés à faire des révolutions ». Parlant des Français
d'Amérique, je ne veux pas croire que cette phrase soit encore d'actualité.
Je terminerai mon intervention, monsieur le secrétaire d'Etat, par cette
pensée de Pierre Mendès-France que je répète chaque année : « L'immobilisme ne
protège point des périls ; il n'y a de salut que dans la marche en avant. »
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - Mme Michaux-Chevry applaudit
également.)
M. Georges Othily.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'année 2000 sera pour l'outre-mer celle des grandes mutations : la
Nouvelle-Calédonie commencera à exercer ses compétences transférées de l'Etat ;
la Polynésie française accédera au nouveau statut de pays d'outre-mer ; la
Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion seront dotées d'une loi qui
prendra mieux en compte leurs spécificités ; enfin, Mayotte se prononcera par
référendum sur son évolution institutionnelle. C'est un formidable
bouillonnement de vie et de belle santé démocratique, qui nous réjouit tous et
qui augure un avenir plein d'espérances. Nous en sommes fiers également, car
c'est celle-là, la France que nous aimons, ouverte et généreuse.
Aussi, pour l'année 2000, je souhaite à l'outre-mer dans son ensemble le plus
franc succès dans cette grande entreprise de rénovation et de refondation, pour
le bien-être et le bonheur de toutes nos populations.
Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna ne sont pas et ne doivent pas
être absents ou à l'écart de cette grande effervescence ultramarine.
Le premier semble avoir déjà commencé depuis plusieurs années - et j'espère
que mon collègue et amiVictor Reux ne me démentira pas - sa lente mais certaine
mutation en adoptant successivement différents statuts.
Pour ce qui concerne Wallis-et-Futuna, nombre d'observateurs de la vie de nos
îles parlent d'immobilisme, voire de conservatisme. Certains vont même plus
loin encore dans leur analyse pessimiste. A y regarder de plus près, je pense
que le mot qui convient le mieux pour qualifier la situation de notre
territoire, c'est le mot « stabilité », sachant que l'évolution peut tout à
fait se réaliser dans la stabilité.
Le statut de territoire d'outre-mer régissant nos îles depuis 1961, et qui a
reconnu et maintenu leurs spécificités, est à l'origine de cette stabilité. Son
article 3 est plein de respect et de sagesse insoupçonnables. Aussi oserai-je
l'assimiler, toutes proportions gardées, au préambule de l'accord de Nouméa. Et
pour cela, une fois de plus, je redis combien je suis fier, et combien les
Wallisiens et les Futuniens sont fiers d'être français dans le Pacifique.
La mise en place et l'exécution de ce statut n'ont pas toujours été à la
hauteur de sa grande ambition. Le texte aurait-il été en avance sur le hommes
ou les moyens ont-ils fait défaut ? Les deux peut-être ! En tout cas,
aujourd'hui, bien qu'il paraisse correspondre au moment et aux hommes, il est
nécessaire de l'aménager sur certains points pour l'adapter à notre époque et
aux évolutions qui en découlent. L'avenir du territoire de Wallis-et-Futuna
semble donc devoir se préciser à la fois dans une meilleure application et dans
une indispensable adaptation de son statut actuel.
Pour reprendre la métaphore du bouillonnement, qui, si elle n'est guère
littéraire, a tout du moins le mérite de la clarté, je dirai que la marmite
bout également à Wallis-et-Futuna, non de révolte ou d'amertume, mais bien de
désirs et de volonté de progrès et d'évolution. La stabilité n'y est pas
l'immobilisme, elle est l'âtre de la rénovation.
En matière de meilleure application du statut de 1961, le conseil du
territoire, qui n'avait jusqu'à présent jamais véritablement joué son rôle, en
prend conscience et souhaite se structurer ; l'assemblée territoriale, qui n'a
pas toujours fonctionné comme elle aurait dû le faire, a entamé une réflexion
qui semble vouloir aboutir sur le statut de l'élu. Je vois dans ces deux
chantiers une volonté claire de nos élus et dirigeants d'assumer leurs
responsabilités.
D'autres chantiers de réflexion et d'études dans plusieurs secteurs de la vie
du territoire semblent répondre à cette même et profonde aspiration à avancer,
à évoluer, à rénover et à assumer les responsabilités.
C'est le cas de l'élaboration du statut de la fonction publique territoriale,
qui avance bien, grâce au travail approfondi d'une commission composée des
services de l'administration, des représentants des personnels et des élus. Sa
mise en place contribuera à assainir le fonctionnement des services de
l'administration et à responsabiliser encore davantage ceux qui bénéficient de
la garantie de l'emploi pour le service du public.
C'est aussi le cas de la mise en place de l'agence de santé, qui contribuera,
mieux encore, à l'assainissement et à l'amélioration de la situation sanitaire
et sociale de la population.
C'est sans doute aussi le cas des difficiles négociations sur la convention de
l'enseignement primaire.
Enfin, et pour ne pas trop allonger la liste, j'évoquerai la réflexion
sérieuse qui s'est instaurée dans le cadre de la préparation de l'accord
particulier entre la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et l'Etat. C'est un
chantier qui est capital, d'abord parce que, au-delà de l'objet propre de cet
accord, la réflexion ne peut qu'aboutir à un questionnement global sur l'avenir
propre du territoire ; ensuite parce que c'est l'occasion unique et rêvée de
mobiliser les forces vives du territoire afin qu'il accomplisse son devoir de
préparation de l'avenir. Il serait opportun que les moyens soient alloués à
cette opération. Aussi, à la suite du préfet et du député, je vous demande,
monsieur le secrétaire d'Etat, de la facilier.
Comme vous le constatez, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
mon petit territoire est bien en piste pour le départ de la grande course du
troisième millénaire. Mais si plusieurs facteurs de la réussite sont présents,
comme on vient de l'évoquer - la stabilité, la volonté, le souci de l'avenir et
le désir d'assumer des responsabilités - son retard est important et il lui
manque donc beaucoup de moyens.
Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'Etat est déjà présent à ses
côtés, mais je souhaite qu'il le soutienne et l'accompagne encore davantage,
comme il le fait pour les autres collectivités d'outre-mer. Il doit lui
apporter l'aide et les moyens lui permettant de clarifier le mieux possible les
objectifs qui correspondent à ses besoins et de les atteindre dans la rigueur
et la responsabilité.
L'Etat a consenti des efforts ces mois derniers en poursuivant l'apurement de
la dette du service de santé, en augmentant de 500 000 francs l'enveloppe des
crédits affectés en 1999 aux « chantiers de développement local », en
revalorisant l'aide aux personnes âgées et handicapées, qui, il est vrai, était
anormalement insuffisante et est encore loin de correspondre aux besoins de ces
femmes et de ces hommes à qui seule la solidarité familiale permet de vivre.
Pour tout cela, je tiens à vous remercier très sincèrement, monsieur le
secrétaire d'Etat. Mais je regrette vivement que ces efforts ne soient ni
poursuivis ni amplifiés dans le projet de loi de finances pour l'an 2000, comme
je regrette que la subvention dite d'équilibre accordée au territoire ait été
maintenue à son niveau de 1999.
J'espère beaucoup qu'à la faveur du contrat de plan 2000-2004 qui doit être
signé entre l'Etat et le territoire, un effort substantiel sera consenti,
surtout dans les domaines de l'emploi, de la formation et de l'habitat social.
Le Premier ministre a annoncé le 15 avril dernier que la répartition des
crédits destinés au contrat de plan serait effectuée sur la base des priorités
que sont l'emploi, la cohésion sociale et territoriale et le développement
durable, avec la volonté de porter l'effort sur les régions pour lesquelles un
rééquilibrage s'impose.
J'estime que Wallis-et-Futuna fait partie de ces régions pour lesquelles un
effort d'équilibrage de l'Etat est nécessaire. Il faudrait envisager dans ce
cadre de renforcer sur place les effectifs de fonctionnaires métropolitains
pour accélérer la réalisation des opérations retenues.
Pour ce qui concerne l'emploi, le seul dispositif existant, bien qu'inadéquat,
demeure les « chantiers de développement ». L'Etat et le territoire doivent
réfléchir et mener ensemble une action plus volontariste pour améliorer cette
situation et la compléter par un système d'aide à l'insertion des jeunes
diplômés, car nous ne pouvons nous dédouaner en augmentant ponctuellement les
crédits au gré des revendications qui se font jour.
Qu'en est-il du rapport de la mission de l'ANPE de 1998 ? Une telle étude fera
très certainement avancer la réflexion sur l'emploi.
En matière de formation, il est indispensable que l'Etat et le territoire
réfléchissent et mettent en place un programme de formation de cadres locaux,
car le territoire a de plus en plus besoin de responsables préparés et
compétents. Si d'aucuns appellent de leurs voeux l'acte II de la
décentralisation en métropole, j'ai peur que Wallis-et-Futuna n'ait pas encore
connu l'acte premier...
D'autres dossiers, pourtant essentiels, ont été un peu laissés en suspens. Je
n'en citerai pour mémoire que quelques-uns : renforcement de la politique de
résorption de l'habitat insalubre, réhabilitation des bâtiments des écoles
primaires, dont beaucoup sont dans un état de délabrement avancé, amélioration
des collèges, surtout à Futuna, où il faut reconstruire tout un complexe, ou
encore création d'une chambre interprofessionnelle, que réclament les acteurs
économiques du territoire.
Oui, le secteur privé aussi donne des signes nets et volontaires pour assumer
ses responsabilités, et cela donne de l'espoir. L'Etat et le territoire ont, là
également, un rôle majeur à jouer pour que le développement se fasse et
s'intensifie enfin.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je termine en vous disant que je suis
foncièrement convaincu que le territoire est mûr pour affronter sans complexe
le millénaire qui commence. Je suis tout aussi convaincu qu'il réussira, parce
que le concours et le soutien de l'Etat ne lui feront pas défaut.
(Applaudissements.)
M. le président.
Mes chers collègues, M. le secrétaire d'Etat nous a habitués, y compris
lorsqu'il assurait l'intérim de M. le ministre de l'intérieur, à répondre très
précisément à tous les orateurs, ce qui témoigne d'une grande correction à
l'égard du Sénat. Je souhaiterais que nous fassions preuve de la même
courtoisie à son égard.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si je vous donne la parole maintenant, vous
serez nécessairement conduit à répondre trop brièvement aux intervenants. Je
vous propose donc d'intervenir à quinze heures ; vous disposerez ainsi de plus
de temps.
(M. le secrétaire d'Etat fait un signe d'assentiment.)
Nous allons donc interrompre maintenant nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze
heures.)
M. le président.
La séance est reprise.
Mes chers collègues, selon une dépêche de l'AFP, M. Daniel Vaillant, ministre
des relations avec le Parlement, a été victime d'un malaise au cours du conseil
des ministres de ce matin.
Au nom de M. le président du Sénat et, bien entendu, en notre nom à tous, je
demande à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer de transmettre à M. Daniel
Vaillant nos souhaits de prompt rétablissement et l'expression de notre
sympathie.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'outre-mer.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le président, messieurs les
rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord remercier les
différents rapporteurs des éclairages qu'ils ont apportés sur ce budget et,
plus généralement, débordant ce budget, sur la situation de l'outre-mer. Je
sais que leurs réflexions ont été nourries par des missions menées sur le
terrain. Il en va ainsi, notamment, de la commission des lois, mais aussi de
celles des finances et des affaires économiques, qui, toutes les trois,
recommandent, je m'en félicite, l'approbation du budget.
Comme les rapporteurs l'ont mentionné, le budget du secrétariat d'Etat à
l'outre-mer s'élèvera pour 2000 à 6,36 milliards de francs. Il est en
croissance par rapport à celui de 1999 de 13,6 %, ce qui porte la progression
des crédits de l'outre-mer enregistrée depuis la constitution de ce
Gouvernement à environ 31 %. Je veux ajouter que le projet de loi de finances
rectificative pour 1999, que vous examinerez bientôt, représente des ouvertures
de crédit égales à 3,6 % du budget initial du secrétariat d'Etat à
l'outre-mer.
L'effort global de l'Etat pour l'outre-mer, tous ministères confondus,
progresse de 2,85 %, passant de 56,2 milliards de francs à 57,8 milliards de
francs. Cette progression est plus que trois fois supérieure à la moyenne
nationale.
A ceux qui ont mentionné dans cet hémicycle que les transferts constituent une
part importante de cette croissance, j'indiquerai que la progression, à
périmètre constant - tout le monde s'accorde sur ce chiffre - représente un peu
plus de 1,8 %, soit plus du double de la progression enregistrée par le budget
de l'Etat.
J'ajouterai, comme l'a souligné M. Larifla, qu'au cours de la précédente
législature les crédits d'investissement n'ont cessé de diminuer, notamment le
FIDOM, de 43,5 %, et le FIDES, de 26 %, et que le seul facteur de croissance du
budget avait été le transfert de la ligne budgétaire unique, qui sert à
financer le logement, et du fonds pour l'emploi dans les DOM, qui regroupe les
crédits d'insertion.
Les transferts budgétaires répondent au souci d'acquérir une vision plus large
des moyens disponibles. Un peu paradoxalement, votre commission des affaires
sociales, tout en recommandant que d'autres crédits soient rattachés à mon
budget, fonde son hostilité à l'adoption de ce budget sur l'existence de ces
mêmes transferts.
Les crédits consacrés à l'emploi et à l'insertion représentent près de 40 % du
budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Fixé à 2,1 milliards de francs, contre 1,8 milliard de francs l'an dernier,
soit une progression de 16,2 %, le FEDOM permettra de poursuivre et d'amplifier
les actions d'ores et déjà entreprises en attendant que puissent être mises en
oeuvre les réformes attendues de la loi d'orientation pour l'outre-mer.
Effectivement, alors qu'en métropole on observe une diminution très nette,
d'environ 9 % en un an, du nombre des demandeurs d'emploi, la situation de
l'outre-mer, malgré une certaine stabilisation, demeure préoccupante.
Si le chômage a enregistré au cours de cette dernière année une légère baisse
en Guyane et à la Réunion, il continue de croître aux Antilles et reste à un
niveau plus élevé - deux à trois fois plus - qu'en métropole, pour des raisons
démographiques, que soulignaient MM. Désiré et Vergès, et donc
structurelles.
Le secrétariat d'Etat à l'outre-mer disposera en 2000 de l'ensemble des moyens
inscrits au budget de l'Etat en faveur de l'emploi dans les départements
d'outre-mer, puisqu'une dotation unique regroupera les actions en faveur de
l'emploi, de l'insertion et de la formation professionnelle à Mayotte. Il était
important que mon département maîtrise l'ensemble des moyens disponibles et ait
la capacité d'adapter les outils aux défis.
J'ai bien entendu les arguments développés par M. Lorrain qui ont conduit la
commission des affaires sociales à adopter une position hostile à ce projet de
budget. Ces arguments sont pour le moins paradoxaux, puisque, à la fois, le
rapporteur note la part importante consacrée à l'emploi, déplore l'insuffisance
de notre action et nous reproche de maintenir ce qu'il qualifie de politique
d'assistance !
Le FEDOM permettra de financer 58 000 solutions d'insertion en 2000, contre 56
000 cette année. Les contrats emploi consolidé, au nombre de 7 000, seront
désormais financés sur le FEDOM. S'agissant du nombre de contrats d'accès à
l'emploi, la perspective en 2000 est celle d'un accroissement.
Il est en effet incontestable que ces mesures ont connu un vrai succès,
notamment en raison d'un important effet d'aubaine. C'est pourquoi nous avons
modifié le dispositif en rendant plus rigoureux les critères d'attribution et
en modulant le montant de la prise en charge. Pour autant, il nous a paru
nécessaire, afin d'éviter toute rupture en attendant le vote de la loi
d'orientation, de prolonger jusqu'au 31 décembre 2000 les dispositions de la
loi du 25 juillet 1994, dite loi Perben, qui porte sur l'exonération des
charges sociales des entreprises. Vous aurez à vous prononcer sur l'article 72
rattaché, qui fera l'objet d'un vote distinct.
Le FEDOM permet également de financer 3 000 nouveaux emplois-jeunes, ce qui
portera leur nombre à presque 12 000 à la fin de l'année 2000, en plus des 137
emplois d'adjoints de sécurité et des 2 600 aides-éducateurs créés à ce jour
par les ministères de l'intérieur et de l'éducation nationale. La part de
l'outre-mer dans le nombre total des emplois-jeunes s'élève à 6,25 %, alors que
les DOM ne représentent que 3,6 % de la population nationale de moins de 25
ans. En 1999, l'objectif que nous nous étions fixé de 3 500 emplois sera
dépassé : on en attend 4 100.
Les créations d'emplois-jeunes répondent véritablement à des besoins qui
s'expriment outre-mer. Nous ne sommes pas dans l'assistance. Au contraire, ces
emplois-jeunes permettent d'engager dans un parcours professionnel des jeunes
qui n'ont aucune perspective. De plus, les nouveaux services qui ont été
retenus, notamment par les collectivités publiques et par les associations,
assurent des prises en charge qui sont parfaitement identifiées.
Cette politique répond, outre-mer, à une demande et à une situation sociale et
démographique évidente.
Le dynamisme et le sens de l'entreprise des jeunes des départements
d'outre-mer et des territoires d'outre-mer sont apparus de façon éclatante lors
du premier forum national des jeunes créateurs d'entreprises : 80 % des
lauréats des bourses Défi-jeunes y créent leurs entreprises, contre 30 % en
métropole ; 70 % des projets qui ont été primés sont portés par des femmes,
contre seulement 30 % en métropole.
En visitant l'exposition qui était organisée à cette occasion, j'ai constaté
que des initiatives de qualité étaient prises dans de très nombreux métiers -
agriculture, tourisme, restauration, artisanat d'art - et que les jeunes
étaient motivés. Ils sont la preuve vivante que les sociétés d'outre-mer ont un
esprit d'initiative, qu'elles ne souffrent ni de sclérose, ni d'assistanat, ce
qui va à l'encontre de l'image que l'on se plaît parfois à décrire en
métropole, à savoir des sociétés placées sous perfusion grâce aux transferts
financiers.
La réalité montre qu'en matière de créations d'emplois l'outre-mer a fait
proportionnellement beaucoup mieux que la métropole au cours de ces dernières
années. Evidemment, il faut faire face au défi, certains disent même à la «
bombe démographique », c'est-à-dire à l'arrivée de nombreux jeunes sur le
marché du travail.
Pour Mayotte, je veux indiquer à M. le sénateur Henry qu'une dotation nouvelle
d'un peu plus de 55 millions de francs est dégagée permettant une gestion plus
fine des contrats emploi-solidarité, des contrats emploi consolidé, des
chantiers de développement local et des actions de formation professionnelle. A
ce titre, une mesure nouvelle de 2,5 millions de francs est prévue pour le
Centre de formation professionnelle des adultes qui verra le jour en 2000 à
Sada.
L'Etat concours aussi aux actions en matière d'emplois et de formation
professionnelle dans les territoires et collectivités, bien que la compétence
dans ces domaines ait été décentralisée. Les chantiers de développement seront
ainsi dotés d'un peu plus de 35 millions de francs pour 2000. Ces mêmes actions
seront financées à Mayotte à raison de 8 millions de francs. Le Centre de
formation professionnelle créé à Wallis-et-Futuna disposera d'un budget de 500
000 francs ; les crédits de Saint-Pierre-et-Miquelon à ce titre seront portés à
700 000, ce qui représente une augmentation de 50 %.
Vous avez aussi évoqué la professionnalisation du service militaire adapté,
qui a commencé en 1999 et qui se poursuivra évidemment dans le cadre de
l'évolution du service national, puisque les volontaires se substituent
dorénavant aux appelés.
Compte tenu du succès rencontré dans le recrutement des 500 volontaires prévus
en 1999, 600 postes supplémentaires seront ouverts en 2000. En contrepartie, on
constatera une réduction de 1 000 appelés et la suppression de 80 emplois de
cadres, les emplois de volontaires étant évidemment, comme vous le savez, plus
onéreux pour le budget que les postes d'appelés du service national. Il s'agit
cependant d'une mesure qui se réalise sans suppression ni d'activité, ni de
centre ; je pense en particulier aux deux implantations de Guyane, à Cayenne et
à Saint-Laurent-du-Maroni, pour lesquelles les parlementaires étaient
inquiets.
En matière de formation, l'essentiel de l'effort est évidemment consenti par
le ministère de l'éducation nationale. Il représentera en 2000 un total de près
de 18 milliards de francs, en augmentation de 2,3 %.
Pour la troisième année consécutive, sera inscrit au FIDOM un crédit de 15
millions de francs destiné à contribuer aux constructions scolaires. La cité
scolaire de Bainbridge, en Guadeloupe, qui est jugée prioritaire au plan local,
et que Mme Michaux-Chevry a évoquée, devra, bien entendu, figurer dans le cadre
de la négociation en cours pour la préparation du contrat de plan et du DOCUP
afin que les travaux soient réalisés.
En 1999, l'Etat a contribué pour plus de 150 millions de francs aux
constructions scolaires alors que celles-ci relèvent pourtant de compétences
décentralisées. Pour la période 2000-2006, au titre des contrats de plan, un
montant de 300 millions de francs sera consacré aux travaux relatifs au second
degré et de 800 millions de francs à l'enseignement supérieur et à la
recherche.
J'ajoute que le Gouvernement a pris en compte les besoins scolaires de
l'outre-mer justifiés par la jeunesse de la population avec 1 253 créations
d'emploi en 1998 et 1 501 en 1999, qui ont permis un bon déroulement des
rentrées scolaires. L'effet a été positif et peut se mesurer sur le terrain.
Les moyens dont dispose le secrétariat d'Etat à l'outre-mer au titre de la
culture ainsi qu'à celui de la jeunesse et des sports ne sont qu'incitatifs.
Passant de 4 millions de francs en 1999 à 9 millions de francs en 2000, ces
crédits permettront de financer le fonds d'aide aux échanges artistiques et
culturels, qui a permis à un certain nombre de troupes d'artistes de réaliser
des tournées en métropole ou à l'étranger. Je pense ainsi à la troupe Talipot
de la Réunion, qui a été saluée au Festival d'Edimbourg et qui se produira dans
quelques jours au Théâtre de la Ville, ce qui montre la capacité de réussir de
ces troupes à partir du moment où elles sont aidées pour vaincre les problèmes
liés aux frais de transport et de déplacement. Comme M. Othily l'a souligné,
j'espère que nous réussirons à mettre sur pied, avec Mme Buffet, un fonds
analogue pour les échanges sportifs et pour les mouvements d'éducation
populaire ; en tout cas c'est notre souhait.
Dans le domaine de la santé, les dotations régionalisées des hôpitaux sont
fixées à plus de 7 milliards de francs, ce qui représente une augmentation
supérieure à la moyenne nationale, de 3,86 % outre-mer contre 2,2 % en
métropole. Les situations particulières sont prises en compte : en Martinique,
au cours du nouveau contrat de plan, les hôpitaux de Colson et du Lamentin
seront reconstruits au Lamentin ; en Guadeloupe, un effort exceptionnel a été
décidé pour assurer le redressement du centre hospitalier universitaire de
Pointe-à-Pitre-les Abymes ; en Guyane, le transfert des centres de santé du
conseil général à l'Etat est prévu pour le 1er janvier 2000 ; à
Saint-Pierre-et-Miquelon, le projet de reconstruction du centre hospitalier est
désormais bien avancé ; enfin, à Mayotte, l'ensemble Mère-enfant est achevé et
a, je crois, commencé à fonctionner.
J'ai signé, voilà trois semaines, une nouvelle convention avec la Polynésie
relative au régime de solidarité et à la formation de personnel sanitaire. Par
ailleurs, l'ordonnance sur le service de santé de Wallis-et-Futuna, pour lequel
nous avons été habilités à intervenir, est en préparation, comme vous le
savez.
Enfin, j'ai décidé d'attribuer une subvention de 2 millions de francs pour
permettre une déclinaison spécifique de la campagne nationale en faveur de la
contraception qui est conduite par le ministère de l'emploi et de la
solidarité.
Les crédits consacrés au logement représentent le second poste du budget pour
le secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
La ligne budgétaire unique qui, vous le savez, est abondée par la créance de
proratisation sera de l'ordre de 1,8 milliard de francs en 2000, ce qui devrait
permettre de réaliser 11 000 logements neufs, d'améliorer 2 400 logements et
d'aider 2 200 familles dans le cadre de l'opération de résorption de l'habitat
insalubre. Vous le voyez, ce sont donc 15 600 logements qui sont concernés. Là
encore, les besoins sont évidemment importants.
A ces crédits budgétaires s'ajoutent trois autres progrès importants.
Le premier a été évoqué par M. Désiré. Il s'agit de la baisse des taux des
prêts de la Caisse des dépôts et consignations, liée à celle du taux du livret
A, qui permettra une amélioration du financement du logement social ainsi que,
chaque fois que cela sera possible, un gel des loyers.
Nous avons obtenu l'allongement à cinquante ans des prêts pour la partie
foncière des constructions neuves de logements locatifs sociaux.
Enfin, la réduction du taux de TVA sur les travaux d'entretien, qui est passé
depuis le 15 septembre 1999 de 9,5 % à 2,1 %, devrait permettre d'accroître le
rythme de l'amélioration des logements sociaux. C'est là une mesure qui aura
aussi des effets sur l'activité économique.
S'agissant de la maîtrise du foncier, le FRAFU, le fonds régional
d'aménagement foncier et urbain, expérimenté à la Réunion depuis plusieurs
années, a fait ses preuves. L'ensemble des départements d'outre-mer et Mayotte
ont vocation à bénéficier de ce système.
On notera enfin, à l'article 47 du projet de loi de finances, une disposition
visant à permettre la mise en application de la loi sur les cinquante pas
géométriques, qui fera suite à la publication de l'ensemble des décrets prévus
par la loi de 1996, décrets dont la mise au point a pris du temps en raison des
nombreuses consultations nécessaires.
Les sénateurs de Guadeloupe, M. Larifla et Mme Michaux-Chevry, ont rappelé les
conséquences du passage du cyclone Lenny. Ainsi que le Premier ministre l'a
décidé, 2 millions de francs ont été délégués au titre des secours de première
urgence. L'état de catastrophe naturelle a été constaté le 29 novembre.
L'évaluation des dégâts, qui est en cours, permettra de répondre aux
demandes.
Sur le plan économique, le développement repose sur les investissements
publics et, surtout, sur le dynamisme des acteurs privés.
Pour les seuls départements d'outre-mer, l'enveloppe des contrats de plan
arrêtée par le Premier ministre s'élève à 5,64 milliards de francs, à comparer
à la précédente enveloppe de 3,8 milliards de francs, ce qui place les quatre
départements d'outre-mer en tête de la répartition des crédits sur les
vingt-six régions françaises.
Les fonds structurels de l'Union européenne seront également en très forte
croissance, puisqu'ils passeront de 12 milliards à 21 milliards de francs. Au
total, nos quatre départements d'outre-mer seront en mesure d'engager 30
milliards de francs d'investissements publics dans les sept prochaines
années.
Les enveloppes de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie, de Wallis-et-Futuna,
de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon ne sont pas encore définitivement
arrêtées ; elles tiendront compte des impératifs de développement propres à
chaque collectivité.
Mme Michaux-Chevry s'est livrée à une comparaison de chiffres concernant la
Martinique et la Guadeloupe. Certes, il existe une différence au détriment de
cette dernière ; mais si l'on fait la somme des crédits qui seront apportés par
l'Etat et des fonds européens dégagés pour la période 2000-2006, la Guadeloupe
recevra 6,2 milliards de francs, et la Martinique 5,2 milliards de francs. Nous
allons donc vers un rééquilibrage !
(Mme Michaux-Chevry fait un signe de
désaccord.)
En tout cas, nous serons attentifs sur ce point, car la
Guadeloupe a effectivement une population légèrement supérieure à celle de la
Martinique tout en connaissant les mêmes problèmes spécifiques aux îles.
M. Reux s'est interrogé sur le FIDOM décentralisé. Celui-ci avait été supprimé
pendant la précédente législature, au cours de laquelle on avait également
négligé d'inscrire des crédits de paiement à due proportion des autorisations
de programme. En attendant les résultats de l'expertise sur les investissements
engagés, une provision de 50 millions de francs est proposée dans la loi de
finances rectificative pour faire face à ces besoins.
J'ai été interrogé par M. Balarello sur la consommation des crédits européens.
Je partage avec lui le souci d'une meilleure maîtrise de ceux-ci.
Dans le cadre de la réforme de l'Etat, il a été décidé d'accentuer la
déconcentration des procédures et le rôle des préfets.
Il n'en demeure pas moins que des obstacles subsistent dans ce domaine et
qu'il faut améliorer la consommation des crédits en matière de fonds
structurels européens.
Monsieur Hyest, en application du nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie, des
dotations globales de compensation de 11,7 millions de francs et de
fonctionnement de 394 millions de francs ont été constituées. Par ailleurs,
toujours en vertu de ce statut, particulièrement de l'article 61 de la loi
organique du 19 mars 1999, le budget prévoit la titularisation de 87 agents
actuellement en poste en Nouvelle-Calédonie. Au demeurant, une commission
d'évaluation est en cours ; elle permettra éventuellement d'ajuster les
dotations, si cela est nécessaire.
M. Henry a évoqué la situation statutaire de Mayotte et les discussions qui
ont été engagées.
Je souhaite vivement qu'un accord intervienne entre les formations politiques
et les parlementaires, de façon que nous tracions les perspectives pour
Mayotte. Le Président de la République en déplacement à la Réunion, à
l'occasion du sommet de la Commission de l'océan Indien, a exprimé le voeu que
la consultation des Mahorais ait lieu au début de l'an 2000.
La situation financière de la collectivité de Mayotte retient également
l'attention du Gouvernement. Nous avons prévu une dotation exceptionnelle de 20
millions de francs en loi de finances rectificative en attendant les
conclusions de la mission de l'inspection générale des finances diligentée par
le ministre de l'économie et des finances, Christian Sautter, et moi-même.
La subvention de fonctionnement du territoire de Wallis-et-Futuna, qui avait
été plus que doublée l'an dernier, est consolidée à ce niveau. Le Gouvernement,
monsieur Laufoaulau, sera attentif aux propositions qui pourraient émaner de
Wallis-et-Futuna quant à l'adaptation du statut de 1961 ; là encore, il s'agit
de perspectives qui pourront se concrétiser dans les prochains mois.
Vous avez évoqué, mesdames, messieurs les sénateurs, les productions
industrielles ou agricoles, ainsi que les activités touristiques de chacun de
vos départements, territoires ou collectivités. Je ne reviendrai pas sur chacun
de ces domaines, et je ne pourrai évidemment pas répondre à toutes les
questions aujourd'hui ; je répondrai donc par écrit aux questions que je
n'aurai pas abordées.
Je tiens néanmoins à souligner la fermeté dont le Gouvernement a fait preuve,
au niveau européen, sur le contentieux de la banane. Si le rôle de l'Etat est
d'assurer un cadre stable au développement économique, il ne peut ni ne doit,
en revanche, se substituer aux entreprises ou aux responsables politiques
locaux.
M. Othily a évoqué le projet sucrier guyanais, projet ambitieux qui porte sur
une surface de près de 10 000 hectaces pour un coût prévisionnel de l'ordre de
1 milliard de francs et suppose la mobilisation d'aides publiques de l'Etat, de
l'Europe et des collectivités. Un crédit figurera au contrat de plan pour
financer les expertises nécessaires à la définition d'un projet de
développement agricole durable pour la Guyane. Ses conclusions seront soumises
aux parties prenantes afin que nous puissions nous engager sur un projet
maîtrisé dans toutes ses données, que ces dernières soient agricoles,
écologiques ou financières.
M. Reux a appelé mon attention sur l'exploitation des gisements pétroliers
situés au large de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les ministères des affaires
étrangères et de l'industrie ainsi que mes services mènent avec le préfet les
négociations nécessaires. Le cahier des charges indispensable à la mise en
place de la redevance dont le principe a été voté l'an dernier sera finalisé
début 2000.
Concernant les activités de transbordement, la Commission de Bruxelles semble
se montrer réceptive à l'argumentation présentée par le Gouvernement et par les
autorités de Saint-Pierre-et-Miquelon sur la régularité du système. Une
décision devrait intervenir rapidement.
Vous le savez, le Premier ministre s'est exprimé aux Antilles à propos de la
défiscalisation pour souhaiter que les réflexions sur son devenir se
poursuivent en association avec toutes les parties prenantes.
Le dispositif a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2002, mais certains
opérateurs considèrent que la défiscalisation, sous les formes que nous lui
connaissons, n'est plus appropriée eu égard aux besoins actuels de l'économie
et qu'il faudrait concevoir un nouveau dispositif de soutien à l'investissement
et à l'emploi qui serait plus centré sur l'avantage reçu par l'exploitant. M.
Larifla a fait des suggestions dans ce sens.
Le projet que nous devons élaborer, essentiellement en liaison avec le
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, devrait ainsi
permettre de maintenir le flux d'investissements outre-mer. En tout cas, sachez
que c'est une préoccupation majeure, car il faut effectivement garantir une
compétitivité par rapport aux pays voisins.
J'ai déjà mentionné la contribution attendue des contrats de plan ainsi que
leur forte croissance par rapport à la période précédente. Leur objectif est,
certes, d'accentuer l'effort d'équipement du territoire, dans un souci de mise
à niveau, mais aussi d'orienter le développement dans le sens de la justice,
bref, de promouvoir un modèle de croissance solidaire. C'est bien dans une
vision sur une décennie, voire plus, analogue à celle de M. Vergès, que se
situe notre propre réflexion.
Le projet de loi d'orientation, dont le contenu sera bientôt adressé, pour
consultation, aux partenaires locaux, marquera l'ambition du Gouvernement. Je
veux en préciser le calendrier.
Dans les prochains jours, le document arrêté par le Premier ministre sera
transmis aux parlementaires, aux élus locaux, aux responsables économiques,
culturels et sociaux.
Lorsqu'il sera « finalisé », le projet de loi sera soumis aux assemblées
locales, dans le respect des dispositions statutaires, avant d'être adopté par
le Gouvernement en conseil des ministres, puis soumis à votre examen au premier
semestre 2000. J'ai bien retenu le souhait exprimé par la commission des lois
de la Haute Assemblée d'un examen selon la procédure d'urgence, eu égard à
l'attente dont ce texte fait l'objet.
Chacun doit être maître de son destin. Le projet de loi a été largement
préparé par les rapports qu'ont établis Mme Mossé et M. Fragonard, ainsi, bien
sûr, que les deux parlementaires en mission, M. Tamaya et M. Lise.
Ce dernier, à la tribune, a insisté avec beaucoup de pertinence sur la logique
de la responsabilité : responsabilité des collectivités, responsabilité des
acteurs économiques et sociaux. C'est bien aussi dans cet esprit que le
Gouvernement, ainsi que l'a dit le Premier ministre aux Antilles, souhaite voir
accroître le rôle des élus dans la coopération régionale. Le Président de la
République s'est également prononcé dans ce sens à la Réunion, lors du sommet
de la Commission de l'océan Indien.
La logique de responsabilité concerne aussi l'Etat, dont l'engagement vise à
la croissance et à la solidarité. Le Gouvernement écarte résolument l'idée
selon laquelle la croissance de l'outre-mer peut être fondée sur le maintien
d'inégalités par rapport à la métropole.
Je m'efforce d'ailleurs de faire partager cette conviction à l'Union
européenne. Nous devons, certes, justifier les mesures prévues par l'article
299-2 tenant compte de la spécificité de l'outre-mer. Mais il nous faut
également montrer - et la réunion qui s'est tenue au niveau européen sous
l'autorité du président de la Commission, M. Prodi, a été riche de promesses
dans ce sens - que les départements d'outre-mer et les régions
ultra-périphériques constituent pour l'Europe de véritables atouts, car ils lui
assurent une présence dans des ensembles géographiques en pleine évolution.
Sur le plan économique, l'objectif de la loi d'orientation sera, par des
mesures positives, de favoriser le développement des entreprises, la création
d'activités et d'emplois à travers une action vigoureuse portant à la fois sur
l'offre et sur la demande. Nous avons besoin d'une économie vivante,
correspondant à l'esprit d'initiative outre-mer.
L'emploi et le développement économique nécessitent plus que jamais un soutien
actif et résolu de la puissance publique. Alors qu'en métropole se confirme
incontestablement une nette décrue du chômage, le Gouvernement est déterminé à
mettre en oeuvre pour l'outre-mer les mesures qui lui permettront d'assurer son
propre développement.
L'emploi est au coeur de notre projet. En 1988, tournant la page de la
politique de parité sociale globale, le Gouvernement s'était fixé l'objectif de
l'égalité sociale. Il s'agit bien, maintenant, de s'inscrire dans cette
démarche d'égalité sociale et de permettre à l'outre-mer de franchir, comme
vous l'avez souhaité, une étape décisive de son histoire.
(Applaudissements.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'outre-mer
et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III :
moins
8 307 562 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 780 688 860 francs. »
Sur ces crédits, la parole est à M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour
avis.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur pour avis.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la commission des affaires sociales ne
s'est pas réfugiée dans une attitude consistant à vous reprocher brutalement
une pratique d'assistanat. Vous le savez bien, notre position est plus
nuancée.
Nous souhaitions simplement que vous déployiez plus nettement vos efforts en
direction de l'emploi marchand et qu'il soit tenu compte des observations
contenues dans les rapports que vous avez demandés. Tel est l'état d'esprit
constructif qui nous anime.
Une délégation de la commission des affaires sociales s'est aussi rendue sur
le terrain, en Guyane, où elle n'a pu que déplorer les difficultés rencontrées
dans l'utilisation des crédits d'insertion, que ce soit au niveau des
entreprises d'insertion ou à celui des associations intermédiaires. Des efforts
importants sont manifestement nécessaires dans ce domaine.
C'est pourquoi je ne voterai pas les crédits du titre IV, conformément à
l'avis qui a été rendu par notre commission.
En revanche, nous voterons l'article 72.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 39 500 000 francs ;
« Crédits de paiement : 22 220 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 1 805 188 000 francs ;
« Crédits de paiement : 602 638 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
J'appelle en discussion l'article 72, qui est rattaché pour son examen aux
crédits de l'outre-mer ainsi que, en accord avec la commission des finances,
l'amendement n° II-11 tendant à insérer un article additionnel après l'article
72.
Outre-mer
Article 72
M. le président.
« Art. 72. - Au II de l'article 4 de la loi n° 94-638 du 25 juillet 1994
tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les
départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, les mots :
"pendant cinq ans à compter de la publication du décret en Conseil d'Etat
susmentionné" sont remplacés par les mots : "jusqu'au 31 décembre 2000". »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 72.
(L'article 72 est adopté.)
Article additionnel après l'article 72
M. le président.
Par amendement n° II-11, MM. Othily et Bimbenet proposent d'insérer, après
l'article 72, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le II de l'article 9 de la loi de finances rectificative pour 1974 (n°
74-1114 du 27 décembre 1974) est supprimé. »
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Cet amendement vise à supprimer le prélèvement, par le département de la
Guyane, de 35 % du produit des droits d'octroi de mer perçus dans ce même
département.
En effet, instituée par le second alinéa de l'article 9 de la loi de finances
rectificative de 1974, et pour une période d'environ quatre ans, cette mesure
dérogatoire spécifique à la Guyane n'est plus justifiée aujourd'hui.
L'association des maires de Guyane, toutes tendances politiques confondues,
m'a instamment demandé de faire valoir ce point de vue devant la Haute
Assemblée, qui est le Grand Conseil des communes de France.
Ce prélèvement de 35 % pénalise, de fait, les communes et les empêchera de
financer les actions du contrat de plan ou de participer à leur financement.
Nous estimons que ce serait rendre justice aux communes de la Guyane que de
leur permettre de retrouver un équilibre budgétaire, d'autant que le
département y est parvenu dès la quatrième année d'application de la mesure.
Je demande à mes collègues de la Haute Assemblée de m'entendre, ne serait-ce
qu'en pensant aux enfants de Guyane. En effet, monsieur le secrétaire d'Etat,
vous avez dégagé des crédits pour financer les constructions scolaires de
l'enseignement pré-élémentaire et élémentaire. Or les communes de Guyane
n'entendent plus être des assistées : elles demandent simplement qu'on leur
donne le moyen de retrouver leur équilibre budgétaire afin de pouvoir, dans un
premier temps, participer au financement de ces constructions scolaires, puis,
éventuellement, dans un second temps, de l'assumer totalement, sans l'aide de
l'Etat.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Torre,
rapporteur spécial.
Je constate que cet amendement a déjà été examiné
lors de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de
finances mais qu'il a, alors, été repoussé par notre assemblée.
Il est vrai que l'octroi de mer revient normalement aux communes mais, voilà
quelques années, le Gouvernement, pour tenir compte des difficultés budgétaires
du département de la Guyane, avait demandé que 35 % du produit de cette taxe
soient affectés au département.
Notre collègue propose aujourd'hui de revenir sur cette décision. Il est bien
évident que cela peut poser des problèmes au département. Je souhaite donc
entendre le Gouvernement avant de me prononcer sur ce sujet.
M. le président.
Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
M. Othily a souligné que la Guyane constituait, à cet
égard, un cas particulier.
Je me dois de souligner que ces 35 % du produit de l'octroi de mer
représentent en Guyane une somme de 145 millions de francs. En priver le
département reviendrait à rayer brutalement 18 % de ses recettes de
fonctionnement dès le début de l'année 2000, l'obligeant à redéployer ses
activités, voire son personnel, ce à quoi il n'est pas préparé.
C'est pourquoi je pense qu'il ne faut pas, sur ce point, légiférer dans
l'urgence. Il convient de poser globalement le problème de l'équilibre des
ressources financières entre les différentes collectivités locales - région,
département et communes - de Guyane.
Nombre d'entre vous sont conseillers généraux ou même présidents de conseils
généraux et mesurent bien l'impact que pourrait avoir une telle décision sur la
gestion du département. Je vous laisse imaginer le déséquilibre que l'on
créerait si l'on décidait, par une mesure parlementaire, de priver soudainement
tous les départements de France de près de 20 % de leurs ressources !
Le Gouvernement n'est donc pas favorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?
M. Henri Torre,
rapporteur spécial.
La commission des finances n'ayant pas été consultée,
j'émettrai un avis personnel.
Comme l'a fait M. le rapporteur général lors de la discussion des articles de
la première partie, je m'en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président.
Monsieur Othily, maintenez-vous votre amendement ?
M. Georges Othily.
Je maintiens, bien sûr, mon amendement, monsieur le président, et j'attends de
notre assemblée qu'elle exprime sa sagesse dans un sens
positif.
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-11, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté).
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 72.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'outre-mer.
Défense
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la défense.
La parole est à M. Blin, rapporteur spécial.
M. Maurice Blin,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour l'exposé d'ensemble et les dépenses
en capital.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, un survol rapide du budget de la défense pour l'an 2000 conduit à
une série de constatations : l'intégration du secrétariat d'Etat aux anciens
combattants n'a qu'un effet très limité, pour ne pas dire nul, sur l'équilibre
général du budget des armées ; à structure constante, ce budget est en
diminution par rapport à celui de 1999 ; il s'éloigne, en ce qui concerne les
crédits de paiement des titres V et VI, des montants fixés par la loi de
programmation militaire ; il est inférieur aux engagements formulés il y a un
an pour les mêmes titres ; il a été, en 1999, l'objet d'abattements importants
; il est amputé de crédits non négligeables qui sont affectés à des domaines
qui n'ont que peu à voir avec les besoins de la défense ; enfin - et cela est
peut-être le plus important - il souffre d'une sous-consommation chronique des
crédits votés chaque année par le Parlement.
Au milieu de tant d'ombres, on constate cependant deux lumières : les crédits
de la gendarmerie augmenteront l'an prochain de 5,2 % et ceux de la Direction
générale de la sécurité extérieure, la DGSE, de 4 %.
Je reprendrai ces différents points, en essayant d'être le plus bref
possible.
En premier lieu, au sein d'un budget général qui bénéficie d'un excédent de
recettes fiscales de plusieurs milliards de francs, le budget de la défense est
en diminution. Il atteint en crédits de paiement, et compte non tenu du
transfert des crédits des anciens combattants, 241,9 milliards de francs. Hors
pensions, il s'élève à 187,4 milliards de francs, dont 104,5 milliards de
francs pour le titre III et 82,9 milliards de francs pour les titres V et VI,
soit une régression de 2,2 % en francs constants.
Le déséquilibre ne cesse donc de s'accroître, les chiffres en témoignent : le
titre III diminue de 0,4 % en francs constants, contre 2,27 % pour les titres V
et VI. On assiste même, mes chers collègues, à un renversement complet : le
titre III passe de 46,11 % du total en 1990 à près de 56 % en 2000, alors que
les titres V et VI régressent de près de 54 % à 44,1 % l'an prochain.
Toutefois, il convient d'observer que, en ce qui concerne ces derniers, les
autorisations de programme sont, pour la première fois depuis 1992, supérieures
aux crédits de paiement et ils s'élèvent à 87,4 milliards de francs.
En deuxième lieu, les crédits de paiement destinés à l'équipement des armées
sont très inférieurs au montant fixé par la loi de programmation militaire. Ils
étaient prévus à hauteur de 86 milliards de francs exprimés en francs 1995.
Actualisés pour 2000, ils devraient se monter à 90,9 milliards de francs.
L'écart est donc de près de 8 milliards de francs.
En troisième lieu, les crédits de paiement des titres V et VI ne correspondent
pas davantage à l'engagement exprimé par le Gouvernement il y a un an, à la
suite de la revue des programmes, de les porter à 86 milliards de francs.
Actualisé, ce montant aurait dû atteindre 86,77 milliards de francs. L'écart
est donc encore de 3,87 milliards de francs. Apparemment, la revue des
programmes n'aura eu d'effets bénéfiques que pour le budget de 1999.
En quatrième lieu, le budget d'équipement des armées a été l'objet, cette
année, d'un montant d'annulations de crédits important. Par un arrêté du 2
septembre 1999, 4 milliards de francs de crédits de paiement ont été annulés et
transférés sur le titre III pour couvrir des besoins non seulement en
rémunérations et charges sociales, mais aussi en fonctionnement, car les
crédits dans ce dernier domaine avaient été exagérément serrés dans le budget
de cette année.
De façon plus inattendue, en dépit de l'excédent des recettes fiscales de
cette année, un arrêté du 24 novembre 1999 a annulé purement et simplement 5,3
milliards de francs supplémentaires sur les titres V et VI, ce qui porte, pour
le moment, la somme des annulations sur ces titres en 1999 à 9,3 milliards de
francs.
En cinquième lieu, des sommes de plus en plus importantes sont affectées à des
dépenses qui n'ont que peu à voir avec les besoins de la défense. Au titre du
budget civil de recherche et de développement technologique, le BCRD, 500
millions de francs ont été versés au Centre national d'études spatiales, le
CNES, en 1998, 900 millions de francs en 1999 et 1 500 millions de francs le
seront en 2000. Ces versements, dont une partie infime est consacrée aux
recherches duales, c'est-à-dire civiles et militaires, sont - dois-je le
rappeler ? - contraires à une disposition expresse de la loi de programmation
militaire.
Enfin, en sixième lieu, à toutes ces amputations vient s'ajouter - mais ceci
explique sans doute cela - une sous-consommation chronique des crédits. La Cour
des comptes a pu établir en effet que, de 1995 à 1998, la dépense nette des
crédits des titres V et VI n'a été, en moyenne, que de 74,4 milliards de francs
pour un montant moyen de 81,6 milliards de francs de crédits disponibles.
La sous-consommation des crédits est ainsi supérieure, en moyenne et par an, à
7,2 milliards de francs. De nombreuses raisons sont avancées pour tenter de la
justifier : soit des changements de nomenclature budgétaire, soit des
engagements insuffisants d'autorisations de programme au cours d'années
antérieures, soit des difficultés dans le déroulement des programmes menés en
coopération, soit, enfin, des retards dans la passassion de marchés.
Ces explications ne sont cependant guère recevables, et ce pour deux motifs
d'inégale importance : d'abord, ces faits étaient déjà vrais voilà un an,
lorsque le montant des crédits de paiement des titres V et VI avait été relevé
après l'encoche de 1998 ; ensuite, ils sont imputables, en réalité, au
dysfonctionnement qui affecte les relations entre, d'une part, le ministère des
armées et, d'autre part, soit le ministère des finances soit celui de
l'industrie.
Certes, la réforme de la Délégation générale pour l'armement, la DGA, que vous
avez entreprise, monsieur le ministre, n'est pas chose facile et nous ne
sous-estimons ni vos efforts ni ceux du responsable de cette direction pour
corriger cette situation. Il reste qu'elle entraîne des retards qui risquent de
compromettre durablement la modernisation de nos forces.
C'est ainsi que pour les quatre premières années de la programmation,
c'est-à-dire pour les deux tiers de sa durée, les crédits de paiement des
titres V et VI, en francs constants, auraient dû s'élever à 358,6 milliards de
francs. En additionnant les dépenses nettes connues pour les années 1997 et
1998, les écarts entre programmation et lois de finances initiales pour 1999 et
2000, et les annulations de crédits de 1999, il apparaît que 304,5 milliards de
francs iront, au mieux, à l'équipement des armées, soit une perte de 54
milliards de francs, c'est-à-dire 15 % en pourcentage.
Les dépenses nettes de 1999 et 2000, lorsqu'elles seront connues, amèneront à
constater, sans doute, une dépense réelle encore inférieure à cette
prévision.
En toute rigueur, il conviendrait même d'ajouter aux sommes manquantes les 2,9
milliards de francs versés ou à verser au Centre national d'études spatiales,
le CNES, au titre du BCRD, et les 1 647 millions de francs versés ou à verser
au territoire de la Polynésie française à titre de compensation.
Certes, la Délégation générale pour l'armement annonce que d'importantes
économies résulteront de ses efforts de réduction des coûts d'acquisition des
équipements des armées et de ses propres coûts d'intervention. Nous en
acceptons l'augure. Mais ces économies ne seront véritablement engrangées que
lorsque les programmes en question auront été exécutés, c'est-à-dire parfois
longtemps après le terme de l'actuelle loi de programmation. De toute façon,
pour les quatre premières années de la programmation, elles ne sont pas à
l'échelle des 54 milliards de francs qui n'auront pas été consacrés à
l'équipement des armées.
De tout cela, il résulte, mes chers collègues, trois conséquences, dont deux
sont immédiates et la troisième un peu plus lointaine.
La première conséquence, c'est la réduction ou l'étalement de certains
programmes. Je citerai, à titre d'exemple, la réduction du programme de
rénovation des blindés AMX 10 RG, le retard et la réduction des livraisons
d'engins porte-blindés, le retard de deux ans de la commande de la première
frégate Horizon, le retard des livraisons d'avions Rafale pour la marine et
l'armée de l'air, le moratoire d'un an sur l'achat de certains avions de
surveillance maritime, etc.
La deuxième conséquence, c'est le coût accru de l'entretien d'un matériel qui
vieillit. Là aussi, je citerai quelques chiffres. L'âge moyen des chars AMX 30
B2, qui ne sont que des versions revalorisées de chars plus anciens, est de
onze ans, celui des bindés AMX 10 RC de quinze ans, celui des AMX 10 de vingt
ans, celui des hélicoptères légers équipés de missiles Hot et de canons de
vingt-trois ans, celui des hélicoptères Puma de dix-neuf ans.
Les frégates lance-missiles de la marine ont trente et trente et un ans. L'un
des quatre transports de chalands de débarquement a trente-quatre ans, l'autre
trente et un ans. Les frégates anti-sous-marins ont seize ans en moyenne. Les
avisos type A 69 ont dix-neuf ans.
Dans le domaine de l'armée de l'air, l'âge moyen des avions Jaguar est de
vingt ans, celui des Mirage F 1 va de quinze à dix-neuf ans selon les versions.
Les Transall de la première version ont un âge moyen de vingt-neuf ans selon
les versions. Les Transall de la première version ont un âge moyen de
vingt-neuf ans, ceux de la seconde version de seize ans. Pour cet avion de
transport, depuis 1995, les coûts de maintenance exprimés en heures augmentent
chaque année de 5 à 10 % en raison de l'âge de l'appareil.
Trouver des pièces de rechange pour ce matériel ancien est souvent difficile
et peut engendrer de longues périodes d'indisponibilité. Le personnel militaire
que nous avons rencontré et qui sert ou entretient ces équipements, malgré son
sens de l'effort et sa bonne volonté, est souvent découragé par de telles
situations. En outre, lorsque ce matériel doit être utilisé en opération, comme
ce fut le cas au Kosovo, il n'est pas rare qu'il fasse l'objet de programmes
d'urgence destinés à corriger ses défauts principaux ou ses inaptitudes les
plus grandes.
Or, au niveau des commandes de matériel neuf, on ne peut qu'être inquiet
lorsque l'on constate que, à l'exception d'un bâtiment hydrographique et d'une
frégate Horizon, aucun autre ne sera livré à la marine et que, pour l'armée de
l'air, hormis un hélicoptère Cougar, il en sera de même.
A un terme un peu plus lointain, il est à craindre que toutes les
insuffisances relevées dans la réalisation des programmes de l'actuelle loi de
programmation constitueront un handicap important dans l'élaboration de la
prochaine loi de programmation. La nécessité d'achever dans la prochaine loi ce
qui n'a pu l'être dans l'actuelle risque de minimiser les possibilités
d'atteindre, à terme, le « modèle d'armée 2015 ».
Je consacrerai la fin de mon propos à un sujet qui me paraît tout à fait
essentiel.
Sur la modernisation de nos forces plane une incertitude, qui je l'annonce
tout de suite ne vous est absolument pas imputable, monsieur le ministre, mais
qui n'en est pas moins grave : je veux parler de l'avenir de la coopération
européenne en matière de défense.
En effet, mes chers collègues, le contraste est patent entre, d'une part, les
propos rassurants tenus par les responsables politiques de France, de
Grande-Bretagne et d'Allemagne sur la nécessité de mettre sur pied une Europe
de la défense, la restructuration en cours des grands groupes industriels - ce
dont nous nous félicitons - la mise en place de l'Organisation conjointe de
coopération en matière d'armement, l'OCCAR, qui réunit pour le moment la
France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Italie et qui devrait permettre
une plus grande homogénéité des équipements, donc de sensibles économies
d'échelle, et, surtout, l'abandon du principe de juste retour, programme par
programme, ou encore la création à terme d'une force commune d'action rapide
autour du corps européen, tous signes d'une indiscutable volonté de renforcer
l'autonomie de l'Europe en matière de défense et, d'autre part, la traduction
de cette volonté dans les faits.
Celle-ci se heurte, en effet, à des obstacles qui sont loin d'être
surmontés.
Le premier, c'est le fléchissement de certains budgets nationaux. Il explique,
par exemple, le retard pris par le programme NH 90, l'hélicoptère de transport
et d'appui. En effet, le budget de l'Allemagne n'est plus, en pourcentage, que
la moitié des budgets français ou anglais, et les dépenses allemandes
d'équipement ne représentent que 30 % de l'ensemble du budget national. Ces
chiffres pèsent lourd, mes chers collègues. Au total, l'Union européenne
dépense pour ses armées la moitié de ce que consacrent les Etats-Unis à la
leur. Dans le domaine de la recherche, c'est même beaucoup moins. En 1998, les
crédits cumulés de la France, de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne se sont
élevés à 11 milliards de francs, contre 24 milliards de francs aux
Etats-Unis.
Le second obstacle tient à la divergence des besoins exprimés par les
partenaires. Ainsi s'explique le retrait de la Grande-Bretagne du programme de
la frégate antiaérienne Horizon. Les bâtiments nécessaires à la
Royal
Navy
étant largement supérieurs en nombre à ceux que souhaitaient acquérir
la France et l'Italie, la tentation était grande de ne pas en partager la
fabrication. Elle y a succombé. De même, le GIAT, dont la situation financière
et commerciale est pourtant aussi préoccupante que jamais, n'aura qu'une
participation partielle au programme anglo-allemand du VBCI, le véhicule blindé
de combat de l'infanterie, et développera un véhicule plus léger, plus conforme
à nos besoins nationaux.
On ne peut oublier, en effet - j'attire votre attention sur ce point, mes
chers collègues -, que l'intégration européenne ne saurait ni exclure ni
interdire des décisions de caractère national que notre pays aurait à prendre
pour protéger, par exemple, ses ressortissants en Afrique ou en application
d'accords bilatéraux.
Mais la discordance entre les programmes peut aussi tenir aux délais. C'est le
cas du remplacement des Transall, à bout de souffle, par l'avion de transport
futur, l'ATF, symbole et garantie de l'indépendance stratégique de l'Europe.
Son urgence est moindre pour l'Allemagne, dont les Transall ont moins servi que
les nôtres, que pour la France et, surtout, pour la Grande-Bretagne, qui a
d'ailleurs déjà passé une commande partielle aux Etats-Unis. Dans ces
conditions, on s'explique - et on regrette - que le démarrage du programme soit
aussi lent : une année se sera bientôt écoulée entre les appels d'offres et une
décision qui ne saurait plus tarder, et dont nous voulons croire - avec vous,
monsieur le ministre, je le sais - qu'elle sera favorable à l'A 400 M,
c'est-à-dire à une version militaire de l'Airbus.
Enfin, à la volonté politique qui s'affirme, et dont nous vous félicitons, de
renforcer en l'unifiant l'appareil de défense de l'Europe, les Etats-Unis
ripostent et multiplient aujourd'hui les initiatives en direction des pays
qu'ils sentent ou qu'ils croient les plus sensibles à leur double argumentation
: la baisse des coûts en cas de fabrication partagée et les avantages
technologiques d'une intégration industrielle plus poussée qui, en fait,
étoufferaient leurs velléités d'indépendance.
La manoeuvre, dans le passé, a réussi, avec l'abandon du radar Horus et du
satellite optique Hélios II par l'Allemagne, abandon qui maintient l'Europe,
aujourd'hui encore, dans la dépendance des Etats-Unis en matière de
renseignement tout temps, ou encore celui du satellite de communication
TRIMILSATCOM par la Grande-Bretagne. A cet égard, mes chers collègues, monsieur
le ministre, le sort qui sera fait demain à l'ATF sera révélateur.
Moins que jamais, donc, le moment est venu pour l'Europe de baisser sa garde.
Pour la France, la commission des finances, mes chers collègues, pense qu'elle
aurait dû, qu'elle aurait pu la relever, car la croissance revenue lui en
donnait les moyens.
Ce n'est malheureusement pas le cas ; c'est même l'inverse.
C'est pour exprimer son inquiétude face à une telle occasion manquée, pour
marquer sa volonté de ne pas consentir les yeux fermés au vieillissement
dangereux, et coûteux, de notre appareil militaire, c'est parce qu'elle refuse
que soit compromise la loi de programmation à venir et, enfin, parce qu'elle
récuse, alors que les circonstances permettaient son abandon, la mauvaise
habitude qui consiste à faire du budget des armées, plus particulièrement des
titres V et VI, la variable d'ajustement - c'est la formule traditionnelle - du
budget général, que, à regret, la commission des finances vous propose, comme
elle le fit pour 1998, comme elle ne le fit pas pour 1999, le rejet du budget
des armées pour l'an 2000.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les dépenses ordinaires.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vient
de le faire notre collègue Maurice Blin pour les crédits d'équipement, je ne
puis qu'exprimer aujourd'hui mes plus vives inquiétudes pour le titre III du
projet de budget de la défense.
Soyez convaincu, monsieur le ministre, que mes observations, pour désagréables
à entendre qu'elles peuvent être, ne remettent en cause ni la profonde estime
que je vous porte personnellement ni le respect que m'inspire votre action à la
tête du ministère de la défense. Mon appréciation aujourd'hui porte, non pas
sur le ministre de la défense, mais sur le projet de budget imposé par le
Gouvernement.
En apparence, le titre III paraît moins mal loti que les titres V et VI, et il
est exact que son poids dans l'ensemble dépasse à nouveau les 55 %, ce qui ne
traduit pas grand-chose, sinon la professionnalisation.
Cependant, l'augmentation des crédits du titre III n'est qu'apparente car, en
francs constants, il s'agit d'une diminution. La part du titre III dans
l'ensemble du budget ne fait que confirmer la domination, la contrainte que les
rémunérations et les charges sociales font peser sur les crédits d'une armée
professionnelle : pour la première fois, elles dépassent 80 % du titre III.
Même si les effectifs continuent à décroître selon la programmation, l'arrivée
d'un personnel nettement plus rémunéré que les appelés ne pourra que confirmer
cette tendance.
En outre - et tous les parlementaires le savent - l'ouverture de crédits en
cours d'année au profit des rémunérations et au détriment des titres V et VI
prouve bien que les besoins réels du titre III sont systématiquement
sous-estimés dans les projets de budget de la défense qui se succèdent.
Cette emprise considérable des dépenses de rémunérations permet-elle au moins
de satisfaire les besoins en personnel des armées ? A mon sens, la réponse est
négative ; quantitativement et qualitativement, la situation s'est même plutôt
dégradée depuis un an.
Le sous-effectif du personnel civil dans les armées persiste. Les causes en
sont parfaitement connues ; je citerai le très faible effet des incitations à
la mobilité du personnel en excédent dans les établissements de la délégation
générale pour l'armement ; l'inadaptation des qualifications détenues aux
emplois proposés et la longueur des procédures de recrutement.
Monsieur le ministre, le volume du sous-effectif en personnel civil dans les
armées ne diminue pas globalement, il est toujours de plus de 5 000 personnes,
soit, d'après nos calculs, 11 % dans l'armée de terre, plus de 10 % dans la
marine et 17 % dans la gendarmerie.
Derrière ces chiffres généraux, en tant que rapporteur, j'ai constaté
personnellement les très lourdes difficultés qui pèsent sur les unités. Ainsi,
lors d'un passage à la base aéronautique navale de Landivisiau, j'ai pu
constater que quarante-quatre emplois de personnel civil destinés à remplacer
des appelés n'étaient pas pourvus. Le service de restauration de cette base
était spécialement concerné, puisqu'il n'avait reçu que trois personnes sur les
trente-huit postes à pourvoir. Plus globalement, le déficit en personnel civil
de cette base était de quatre-vingt-six postes, soit 28 % de l'effectif
autorisé. Cela n'est qu'un exemple d'un sort largement partagé par les unités
militaires.
Ce sous-effectif est-il compensé par l'abondance d'une autre catégorie de
personnel, celle des appelés qui restent ? La réponse est négative. Le déficit
est, pour eux aussi, de l'ordre de 5 000 personnes, 12 % dans l'armée de terre
et 18 % dans la marine. La possibilité accordée, sous certaines conditions, aux
titulaires de contrats de travail de bénéficier de reports d'incorporation,
disposition dont il n'est pas question de contester l'utilité sociale et
économique, explique certainement en partie ces écarts. Certains emplois sont
néanmoins plus concernés que d'autres, notamment ceux des métiers de bouche.
Il n'est donc pas exagéré de dire qu'il manque 10 000 personnes dans les
armées par rapport à ce qui avait été fixé dans la programmation. Les
conséquences de cette situation ont déjà été largement décrites. La plus
spectaculaire, et la plus désastreuse, est l'obligation d'affecter des
militaires d'active à des tâches de soutien en les prélevant sur les unités de
combat. Il en résulte inéluctablement une réduction de la capacité d'action de
nos forces.
Je souhaite cependant aujourd'hui insister sur l'effet le moins visible de
cette mesure, mais sans doute le plus lourd d'inconvénients.
Vous vous réjouissez, monsieur le ministre, et vous avez bien raison, des
bonnes conditions dans lesquelles se déroule le recrutement des militaires du
rang engagés. Les taux de sélection sont bons et les volumes de recrutement
prévus sont atteints sans difficulté. Mais recruter est une chose, fidéliser le
personnel, c'est-à-dire faire en sorte qu'il choisisse de rester durablement
dans les armées, en est une autre.
A l'occasion de toutes les tables rondes que j'ai organisées au sein des
unités militaires rencontrées en 1999, j'ai enregistré les doléances de jeunes
militaires du rang qui se disent très déçus d'avoir à tenir des emplois de
soutien très différents, en fait, de ceux de combattants pour lesquels ils se
sont engagés. Ils sont rebutés par la nature de ces emplois, par la lourdeur de
la charge de travail qui leur est liée et par la multiplication des astreintes.
La déconvenue de beaucoup de ces jeunes gens est telle qu'ils déclarent
aujourd'hui qu'ils hésiteront à demander le renouvellement de leur contrat. Il
deviendra alors difficile aux armées de remplacer un personnel devenu trop
volatil, d'autant que la diffusion dans la jeunesse de ce sentiment de
déception aura un effet de contre-publicité pour les engagements à venir.
Parallèlement, et pour les mêmes raisons, la situation d'un certain nombre de
cadres n'est pas plus enviable. Elle s'est en effet dégradée, dans la mesure où
ils doivent assumer des tâches que remplissaient jusque-là des appelés, et ce
dans des proportions plus importantes que prévu.
Vous tentez d'atténuer une part de ces difficultés, monsieur le ministre, en
ajoutant 216 millions de francs - c'est un effort important - aux crédits qui
permettent d'externaliser des tâches de soutien, c'est-à-dire de les confier à
des entreprises extérieures. Cette mesure est ambiguë et insuffisante.
Ambiguë, car vous la présentez comme concernant des tâches « qu'il n'est pas
souhaitable de confier au personnel civil de la défense ou aux militaires
professionnels », tout en affirmant qu'elle est « réversible », c'est-à-dire
que les crédits en cause pourront revenir aux chapitres de rémunérations
lorsque le ministère pourra recruter du personnel pour ces emplois.
Elle est surtout notoirement insuffisante, puisqu'elle est assise - ce sont
les chiffres officiels - sur la vacance de 1 590 postes, alors que le déficit,
on vient de le voir, est bien supérieur. L'idée est donc bonne, les moyens
consacrés à sa réalisation sont simplement insuffisants, ce qui risque de la
discréditer.
Monsieur le ministre, nous craignons très sincèrement que ces sous-effectifs
chroniques de personnel dans les armées, par les conséquences multiples qu'ils
entraînent, ne compromettent durablement la réussite de la
professionnalisation. A la fin de l'année 2000, la transition - Dieu sait si
elle est difficile - sera achevée aux deux tiers. Quelles mesures
envisagez-vous de prendre pour donner aux armées le personnel nécessaire à
l'accomplissement de leurs missions ? Qu'envisagez-vous pour redresser la
situation ?
La gendarmerie est confrontée à un problème. Ses 12 000 gendarmes auxiliaires
appelés doivent être remplacés par 16 000 volontaires, qualifiés de « gendarmes
adjoints » et dotés de la qualité d'agents de police judiciaire. Ces
volontaires, malgré l'attrait que peut présenter la gendarmerie, n'arrivent pas
en nombre suffisant. En 1999, au dire même du directeur général de la
gendarmerie, 1 935 emplois n'ont pas été obtenus ; en 2000, il manquera 634
postes par rapport à la programmation. L'écart sera donc, à la fin de 2000,
supérieur à 2 500 volontaires.
En outre, alors que des responsabilités supérieures sont confiées à ces
volontaires, leur niveau est nettement inférieur à celui des gendarmes
auxiliaires, puisque la proportion de bacheliers ne dépasse pas 60 %, contre 85
% pour les gendarmes auxiliaires. Il est nécessaire de préciser que ce constat
décevant est fait alors qu'une partie des gendarmes volontaires est issue des
gendarmes auxiliaires. Quelles dégradations nouvelles enregistrerons-nous
lorsque ceux-ci auront disparu ?
Comment la gendarmerie sera-t-elle en mesure d'organiser son service et de
répondre quotidiennement pour assumer des missions importantes dans de telles
conditions ?
Les activités des forces constituent un autre sujet de préoccupation, et ce à
plusieurs titres.
Les unités d'une armée professionnelle doivent bénéficier d'un entraînement
régulier et soutenu afin d'être en mesure, sans délai, de répondre aux
missions, c'est bien évident. Cela implique des séjours au camp, des manoeuvres
nationales, interarmées ou internationales, de nombreux jours de mer et des
heures de vol suffisantes. Ce sont là les fonctions des soldats professionnels
d'aujourd'hui.
La responsabilité des militaires devant la nation est de déployer tous leurs
efforts pour atteindre ce niveau exigeant d'expertise. Encore faudrait-il que
les moyens leur en soient donnés. Vous avez accompli un effort important dans
le projet de budget pour 2000 en faisant passer de 70 à 73 le nombre de jours
passés par les unités de l'armée de terre sur le terrain. C'est là un progrès,
certes, mais cela reste malheureusement loin des 100 jours qui sont considérés
comme la norme, sauf à réformer la norme. Cela reste éloigné également des taux
d'activité des armées de terre professionnelles américaine et britannique.
S'enquérant de l'activité des pilotes d'hélicoptères de l'aviation légère de
l'armée de terre, l'ALAT, j'ai relevé qu'ils n'étaient en mesure de voler
annuellement que pendant 140 heures, alors que la norme admise est de 180
heures et que, il y a dix ans, le taux était de 240 heures par an. Les 90 jours
de mer des bâtiments de la marine, les 180 heures de vol des pilotes de combat
de l'armée de l'air sont bien éloignés, là aussi, de ce que connaissent les
Américains et les Britanniques.
Ces taux d'activité insuffisants pourront-ils même être tenus en 2000 ? En
effet, les crédits nécessaires à l'acquisition du carburant ont été calculés
sur la base d'un cours du baril de brut à 14,61 dollars et d'un taux de change
du dollar à 6 francs. Or, aujourd'hui, le taux de change du dollar est à 6,50
francs et le cours du baril est de 27 dollars.
Les activités des armées, qui sont au plancher que je viens de décrire, ne
souffriront-elles pas fortement de cette évolution des changes et du prix ?
Si l'on décide coûte que coûte de maintenir ce niveau minimal d'activités,
quels autres chapitres du budget de la défense souffriront-ils de ponctions ?
Ceux des titres V et VI, ceux des autres crédits de fonctionnement du titre III
? Vous le savez, monsieur le ministre, aucune de ces solutions ne sera
satisfaisante.
Est parfois avancé l'argument selon lequel les opérations extérieures
compenseraient la faiblesse des activités d'entraînement. Or, nous le savons
tous, ces deux activités ne sont pas comparables. Les opérations extérieures
confinent bien souvent les unités dans des activités très particulières et ne
permettent pas d'assimiler et de développer tout l'éventail des compétences
indispensables pour acquérir la capacité de répondre à l'ensemble des
missions.
Les militaires, et l'exposé sur les crédits des titres V et VI vient, hélas !
de le rappeler, sont souvent contraints de servir des équipements anciens, mal
adaptés aux nécessités actuelles, ce qui signifie que leur entretien, leurs
réparations par ce qu'ils sont usés, leur maintien à niveau exigent des
opérations coûteuses, séparées par des périodes d'indisponibilité plus ou moins
longues faute de pièces de rechange. L'effet de ces conditions d'utilisation et
d'entretien du matériel sur les militaires des unités - nous retrouvons le
titre III, c'est-à-dire la condition militaire - n'est pas bon. Ils déploient
beaucoup d'efforts pour tenter de conserver à leur unité sa valeur
opérationnelle mais leur découragement est souvent grand. Pour les plus jeunes,
la prise de conscience que les équipements, souvent vieux de plusieurs dizaines
d'années, n'ont que peu à voir avec le matériel présenté par les services de
recrutement pour susciter les candidatures à l'engagement est rapidement la
source d'une déception supplémentaire.
Monsieur le ministre, je vous avais instamment demandé, voilà un an, de
rétablir dès que possible les crédits à leur juste niveau. Comme M. Blin à
l'instant, je constate avec un profond regret que les moyens nécessaires à la
conduite des missions ne vous ont pas été donnés. Le passage d'une armée mixte
à une armée professionnelle est un processus ô combien complexe. Il engage
l'avenir de nos armées pour très longtemps. La loi de programmation a prévu d'y
consacrer des moyens qui sont loin d'être surabondants. Or ce minimum n'est pas
respecté, et cela conduit à douter de la volonté du Gouvernement de réunir
toutes les conditions pour réussir cette grande réforme de notre défense.
Au moment où la France devrait tout mettre en oeuvre pour apparaître comme le
promoteur actif et ambitieux d'une défense européenne dotée de capacités
militaires renforcées, on peut déplorer les caractéristiques du budget de la
défense.
Il ne s'agit pas d'un bon signal politique à l'adresse de nos partenaires
européens, alors que s'ouvre les 10 et 11 décembre prochain, le sommet
d'Helsinki.
Ce budget est de nature à entamer la crédibilité de notre pays, et donc à
affaiblir sa position dans les négociations sur la défense européenne. Il faut
le déplorer.
Pour toutes ces considérations, qui s'ajoutent à celles qui ont été
développées excellement voilà quelques instants par M. Maurice Blin, la
commission des finances, à sa majorité, préconise le rejet du budget de la
défense.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants,
du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Faure, rapporteur pour avis.
M. Jean Faure,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour le nucléaire, l'espace et les services communs.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos ne
sera guère plus optimiste que celui de mes prédécesseurs.
Les dotations consacrées au nucléaire, à l'espace et aux services communs
connaîtront en 2000, comme l'ensemble du budget de la défense, un recul des
crédits d'équipement, bien que M. le Premier ministre se soit engagé, l'an
dernier, à les stabiliser jusqu'en 2002.
J'évoquerai, en premier lieu, la dissuasion nucléaire. Son budget, d'un
montant de 15,8 milliards de francs, diminue une nouvelle fois et atteint un
niveau historiquement bas, inférieur de moitié à celui du début de la décennie.
Cette décrue beaucoup plus rapide que ne le prévoyait la loi de programmation
résulte, pour partie, des marges dégagées par certaines économies judicieuses,
comme l'aménagement du calendrier du quatrième sous-marin nucléaire
lance-engins de nouvelle génération, mais aussi d'une compression imposée aux
études-amont, aux crédits de maintien en condition opérationnelle et aux
dépenses d'assainissement des usines de la vallée du Rhône.
Dans l'immédiat, la commission des affaires étrangères s'inquiète des
conditions de passation de la commande globale de deux années de développement
du missile M51, qui nécessitera 7 milliards de francs alors que les
autorisations de programme inscrites au budget se limitent à 5 milliards de
francs.
Pour le futur, la modernisation des composantes océanique et aéroportée ainsi
que la mise en oeuvre du programme de simulation ne nous semblent pas pouvoir
s'accommoder d'une nouvelle érosion de l'effort financier consacré au
nucléaire. Celui-ci atteint donc un plancher au moment où nos programmes
apparaissent plus que jamais nécessaires, alors que le désarmement et la lutte
contre la prolifération nucléaire connaissent de sérieux revers, et vous savez
à quoi je fais allusion.
S'agissant du renseignement et de l'espace, s'il faut se féliciter du
renforcement, cette année encore, des effectifs des services de renseignement,
on ne peut que déplorer l'effondrement du budget spatial militaire, qui aura
reculé de 43 % en quatre ans.
Ce recul traduit l'échec de la coopération avec nos partenaires européens, qui
a déjà conduit au décalage du programme Hélios II et à l'abandon du programme
Horus.
Après le retrait du Royaume-Uni et la position d'attente de l'Allemagne, qui
se contentera, dans un premier temps, de louer des capacités, la France se
retrouve seule pour conduire la première phase du satellite de
télécommunications successeur de Syracuse II. Il risque d'en aller de même pour
Hélios II, après la défection de l'Allemagne et l'absence d'engagement de
l'Italie et de l'Espagne. Enfin, en matière d'observation radar, nous ne voyons
pas encore de perspectives concrètes de substitution au programme Horus, alors
que le conflit du Kosovo a montré l'urgence d'une capacité tous temps, compte
tenu des limites des systèmes optiques.
Dans ce domaine primordial pour l'autonomie stratégique, le manque de
volontarisme européen constitue un sérieux handicap pour la construction de
l'Europe de la défense.
J'en arrive à la délégation générale pour l'armement, dont le budget se trouve
une nouvelle fois grevé par une contribution au budget civil de recherche et de
développement technologique. Après avoir subi un prélèvement de 500 millions de
francs en 1998, puis de 900 millions de francs en 1999, le budget d'équipement
des armées sera ponctionné de 1,5 milliard de francs en 2000. Il s'agit là
d'une nouvelle entorse à la loi de programmation, d'autant que seule une part
infime, environ 5 %, de cette somme ira à des recherches d'intérêt
militaire.
Ma deuxième remarque porte sur la direction des constructions navales, la DCN.
Tout en saluant l'effort engagé par le plan d'entreprise et en prenant acte des
améliorations que pourrait procurer la charte de gestion destinée à alléger
diverses contraintes réglementaires, notre commission ne peut que marquer sa
très vive inquiétude face au report à une échéance ultérieure de la question de
l'évolution du statut de la DCN. Nous redoutons que la DCN ne demeure à l'écart
des restructurations européennes en cours dans l'industrie de la construction
navale, que l'indispensable transformation de ses modes de gestion ne soit
retardée et que, dans un contexte de concurrence accrue, sa position ne s'en
trouve affaiblie.
Enfin, je terminerai un évoquant le service de santé des armées. J'ai
souligné, dans un rapport d'information présenté au mois de juin dernier, le
rôle fondamental de ce service dans les nouvelles missions de projection des
armées, mais aussi les difficultés de sa professionnalisation, en particulier
pour le recrutement de médecins, qui ne donne pas les résultats escomptés.
Une nouvelle fois, ce service voit ses crédits budgétaires régresser
fortement, alors que les prévisions de recettes externes sont également en
baisse pour l'an prochain. J'ai souligné, dans mon rapport, les risques d'un
trop fort déséquilibre entre les crédits budgétaires, en très forte diminution
depuis 1998, et les crédits de fonds de concours. Compte tenu des tensions qui
s'exercent sur ce service confronté à un déficit en personnels et très
sollicité pour les opérations extérieures, le budget pour 2000 ne peut
qu'accentuer ses difficultés.
En conclusion, la nouvelle ponction opérée au titre du BCRD, nos inquiétudes
sur le financement du missile M51, l'effondrement du budget spatial militaire
et la nouvelle diminution des crédits du service de santé ont conduit la
commission des affaires étrangères et de la défense à émettre un avis
défavorable sur ce projet de budget.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Masson, rapporteur pour avis.
M. Paul Masson,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour la section « Gendarmerie ».
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comparé à la situation
des autres armes, le budget de la gendarmerie n'est pas mauvais. En effet, les
crédit progresseront de 2,3 % l'an prochain, pour atteindre un total de quelque
23 milliards de francs.
Toutefois, cette enveloppe doit être appréciée à l'aune des missions qui sont
confiées à la gendarmerie. Or, chacun sait que celles-ci se sont beaucoup
accrues et diversifiées dans la période récente, notamment en raison de
l'implication résolue de la gendarmerie dans le renforcement de la sécurité des
zones dites sensibles. Dans ce contexte, l'évolution de la dotation pour 2000
inspire deux sujets de préoccupation.
La première préoccupation, ce sont les moyens de fonctionnement courant des
unités.
L'an passé, déjà, le fonctionnement des unités avait été réduit de 60 millions
de francs. Certes, à la suite des réactions exprimées ici même en séance
publique, le dernier collectif de 1998 avait abondé les crédits de
fonctionnement d'un montant de 50 millions de francs.
Cette année, nous nous trouvons dans une situation encore plus préoccupante.
D'une part, les moyens supplémentaires retenus par le collectif de 1998 n'ont
pas été intégrés dans le projet de budget pour 2000. D'autre part, les besoins
ont augmenté : entre 1999 et 2001, 700 militaires doivent en effet, chaque
année, renforcer les unités situées dans les zones sensibles. Il faut donc
agrandir les locaux, trouver les hébergements, donner des moyens
supplémentaires d'action. Certes, au titre de la politique de la ville, la
gendarmerie bénéficiera d'une dotation de 50 millions de francs - 25 millions
de francs pour le fonctionnement des formations et 25 millions de francs pour
les locations immobilières - mais, parallèlement, le fonctionnement subit de
nouvelles ponctions, notamment un abattement de 17 millions de francs sur les
produits pétroliers au titre d'une économie sur les quantités consommées,
difficilement justifiable en temps normal et singulièrement plus injustifiable
par les temps qui courent.
Dès lors, la dotation prévue pour le fonctionnement n'augmentera que de 0,75 %
pour 2000. L'insuffisance des crédits de fonctionnement présente deux risques
potentiels, que personne ne peut nier. D'abord, comme d'habitude, les
collectivités locales pourraient être de nouveau sollicitées afin de pourvoir
aux besoins courants des brigades établies sur leur territoire. Ensuite, ces
restrictions risqueraient de décourager un personnel qui n'a pas besoin de
cela. On se demande ce qui peut conduire les services responsables du budget à
aller chercher ces économies « de bouts de chandelle » alors que la
justification de ces besoins est évidente aux yeux de tous.
Notre commission, monsieur le ministre, a formé le voeu que le Gouvernement
prenne de nouveau les mesures de correction indispensables dans le cadre du
prochain collectif. D'après les informations qui nous ont été données, elle
semble avoir été entendue. Et je pense, monsieur le ministre, que vous pourrez
nous donner tout à l'heure, à cet égard, quelques précisions qui nous
rassureront.
Nous souhaitons cependant que, à l'avenir, les moyens de fonctionnement
nécessaires puissent être inscrits une fois pour toutes dans le projet de
budget présenté au Parlement. L'inscription, tardive, des crédits au collectif
ne permet pas en effet de fixer le cadre clair et assuré dont la gendarmerie a
grand besoin pour son fonctionnement courant.
Mon deuxième sujet de préoccupation, c'est le nombre de postes budgétaires de
volontaires. Le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Trucy, a
déjà exposé ce point voilà un instant. La loi de programmation a en effet prévu
une montée en puissance du nombre de volontaires en parallèle avec la
disparition progressive du nombre d'appelés. Toutefois, depuis 1999, le nombre
de postes budgétaires de volontaires créés est inférieur à celui qui était
initialement prévu par la loi de programmation : ainsi, 3 000 postes ont été
créés en 1999, au lieu des 4 935 attendus, et 4 300 le seront en 2000, au lieu
de 4 934. Au total, la gendarmerie ne disposera donc, l'an prochain, que de 75
% des effectifs budgétaires prévus à l'origine.
A l'échéance, la gendarmerie devrait disposer de 16 232 postes de volontaire.
On peut se demander si cet objectif sera atteint ; en effet, la cadence
actuelle nous inquiète. Or, faut-il le rappeler, les volontaires représentent
la seule ressource supplémentaire dont disposera la gendarmerie pendant la
période de programmation. Prendre chaque année du retard ne paraît pas la
meilleure voie pour respecter cette programmation. J'ajoute que ce déficit
risque d'entraver le transfert prévu de 700 militaires supplémentaires par an
dans les zones sensibles.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées
souhaiterait enfin, monsieur le ministre, obtenir des éléments d'information
sur deux autres sujets qui, s'ils n'ont pas de lien direct avec le projet de
budget pour 2000, n'en ont pas moins des implications financières et ont par
ailleurs, nous le savons tous, un effet certain sur la cohérence de l'arme.
Le premier sujet de préoccupation concerne ce que l'on a appelé le «
redéploiement ».
Nous avons eu l'an passé, monsieur le ministre, un débat fructueux, me
semble-t-il, sur ce thème. Des pistes avaient été tracées, des solutions
exposées. Malheureusement, je crains que les choses n'aient pas beaucoup avancé
depuis. Selon les informations que nous avons pu obtenir, ce dispositif de
redéploiement semble en effet au point mort.
Le second sujet sur lequel j'aimerais que vous puissiez nous donner quelques
précisions, c'est ce que l'on appelle, d'un néologisme heureux, la «
fidélisation » d'une partie des effectifs dans certains départements
sensibles.
Une telle évolution rompt avec la vocation première de l'arme de la
gendarmerie mobile. Je rappelle le principe : l'engagement d'un escadron pour
une durée de six mois afin d'assurer une mission de sécurisation d'un secteur
déterminé. Douze escadrons seront à terme employés à ce titre, six l'étant
d'ores et déjà depuis le 1er octobre dernier.
A ce propos, nous nous sommes interrogés en particulier sur trois points.
Tout d'abord, quelle est l'articulation des responsabilités respectives de la
police et de la gendarmerie dans les zones de police où les escadrons de
gendarmerie sont employés ?
Ensuite, n'existe-t-il pas un risque de suremploi de ces unités ? En effet,
axées sur la sécurisation, les missions pourraient cependant dériver vers le
maintien de l'ordre ou, à l'inverse, vers des opérations sans caractère
opérationnel, telles que certaines gardes statiques.
Enfin, la fidélisation, à terme, de douze escadrons de gendarmerie mobile
risque, à mon sens, de peser sur la disponibilité d'ensemble de la gendarmerie
mobile, qui n'est pas faite pour cela. Cette fidélisation ne s'est révélée
indispensable que parce que les opérations de redéploiement, dont nous nous
étions déjà entretenus l'année dernière, n'ont pu, en raison de l'inadaptation
des méthodes envisagées, être engagées.
Telles sont, mes chers collègues, les conclusions que nous pouvons tirer de
l'étude de ce document. La gendarmerie, semble-t-il, se trouve aujourd'hui à un
tournant. Elle doit assumer des charges nouvelles tout en procédant à
d'importantes mutations internes. C'est pourquoi, même si l'effort consenti
pour la gendarmerie dans le projet de budget pour 2000 n'est pas négligeable,
il méritait d'être complété par la loi de finances rectificative pour 1999.
Compte tenu de la dégradation des crédits militaires dans leur ensemble, qui a
été exposée, à l'instant, par mes excellents collègues, je m'associerai
naturellement à l'avis défavorable émis par la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de budget de la
défense pour 2000.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Vinçon, rapporteur pour avis.
M. Serge Vinçon,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour la section « Forces terrestres ».
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'armée de terre est
engagée dans une transformation profonde, du fait de la professionnalisation,
qui la concerne plus que d'autres armes, de la réforme de son organisation et
de son commandement et, enfin, du changement de ses missions, désormais
orientées vers la projection sur les théâtres extérieurs.
J'ai présenté, au printemps dernier, au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées, un rapport d'information
dressant un bilan, à mi-parcours, de la professionnalisation. Le recrutement
satisfaisant des engagés ne suffit pas à compenser la décrue, plus rapide que
prévue, du nombre d'appelés et le nombre important de postes vacants pour les
emplois civils.
Ces deux difficultés se conjuguent pour provoquer un fort déficit en
personnels, qui pèse sur le fonctionnement des unités au moment où ces
dernières se trouvent en situation de « surchauffe » opérationnelle. En effet,
avec 20 000 hommes engagés hors de métropole au début de l'été, l'armée de
terre a atteint la limite actuelle de ses capacités de projection. Compte tenu
des relèves, ce sont ainsi 50 000 hommes, sur 60 000 théoriquement «
projetables », qui auront effectué cette année une mission d'au moins quatre
mois à l'extérieur du territoire métropolitain.
Cette situation me conduit à soulever une première question : quelles mesures
seront prises l'an prochain pour atténuer les conséquences de ce déficit en
personnels ? Nous constatons que la sous-traitance bénéficie de crédits
supplémentaires, gagés par des suppressions de postes, qui ne permettront
cependant de financer que des actions modestes. Devant l'échec de la mobilité
interne des personnels civils de la défense, des assouplissements seront-ils
apportés au recrutement de personnels ouvriers ?
J'en viens maintenant aux crédits des forces terrestres, qui, avec 48,7
milliards de francs, diminuent de près de 1 % par rapport à 1999. A ce propos,
je formulerai trois remarques.
Première remarque, ce montant rompt avec l'engagement pris l'an passé de
maintenir, de 1999 à 2002, les crédits d'équipement des armées. Les dépenses en
capital de l'armée de terre seront inférieures de 1,3 milliard de francs à
l'annuité actualisée de la programmation, elle-même inférieure au montant prévu
par la loi à la suite de la « revue de programmes ».
L'insuffisante capacité de consommation des crédits est régulièrement invoquée
pour justifier cette entorse aux engagements passés. On peut se demander si ce
type de raisonnement qui conduit, selon les années, à amputer tantôt les
autorisations de programme, tantôt les crédits de paiement, n'entretient pas
une sorte de spirale de la contraction budgétaire. En tout état de cause, on ne
voit pas comment cette nouvelle « encoche », sauf à être compensée dans les
années à venir, ne se répercuterait pas sur la réalisation du contenu physique
de la programmation.
Deuxième remarque, ce projet de budget laisse un certain nombre de besoins
insatisfaits, alors même que la reconduction des crédits au niveau de l'an
passé aurait permis d'éviter ces lacunes. Les crédits d'infrastructure et
d'entretien programmé des matériels, fortement réduits à l'issue de la « revue
de programmes », demeurent ainsi extrêmement restreints.
En ce qui concerne les moyens de fonctionnement, la brutale dégradation
enregistrée depuis deux ans a été enrayée, mais les quelques mesures nouvelles
prévues par le projet de budget sont très insuffisantes au regard des
rattrapages que le ministère de la défense jugeait lui-même indispensables,
après avoir effectué une revue détaillée du titre III. Je signalerai seulement
les difficultés prévisibles s'agissant des produits pétroliers, compte tenu des
cours, et les besoins non satisfaits en matière d'alimentation, de locations
immobilières et de frais de transport.
Mais, surtout, le projet de budget, en l'état actuel, ne permettra pas de
relever de manière significative le niveau d'activité des forces, qui est tombé
à soixante-dix jours annuels en 1999 et qui ne remontera qu'à soixante-treize
jours en 2000, ce qui nous laisse très loin du chiffre nécessaire de cent jours
qui devait être atteint en 2002.
Troisième remarque, ce projet de budget suscite une vive inquiétude quant au
montant des autorisations de programme, qui ne prend pas suffisamment en compte
la passation des commandes globales pluriannuelles. En l'absence de dotations
nouvelles, ces dernières doivent être financées par les stocks d'autorisations
de programme disponibles, qui ont fondu ces dernières années. Les difficultés
rencontrées pour passer la commande de quatre-vingt hélicoptères Tigre en 1999,
le report à 2000 de la commande globale du missile antichar moyenne portée
AC3G-MP de nouvelle génération et l'obligation de renoncer à la commande
globale - et donc aux perspectives d'économies correspondantes - des obus
antichars ACED illustrent cette situation préoccupante.
Il ne faudrait pas que, faute de mise en place des autorisations de programme
nécessaires, les commandes globales pluriannuelles conduisent à prélever les
ressources nécessaires sur d'autres programmes, notamment les programmes de
cohérence opérationnelle. Les conditions tendues qui s'annoncent pour
l'exercice 2000 sont loin de nous rassurer sur ce plan.
En conclusion, les insuffisances du projet de budget des forces terrestres ne
rendent que plus contestable le choix délibéré d'une diminution des crédits,
contrairement aux engagements qui avaient été pris l'an passé. Ce choix
traduit, aux yeux de la commission des affaires étrangères, de la défense et
des forces armées, un nouveau recul de la défense dans l'ordre des priorités
gouvernementales. C'est pourquoi celle-ci a émis un avis défavorable sur ce
projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. André Boyer, rapporteur pour avis.
M. André Boyer,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour la section « Marine ».
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la marine pour 2000
s'élève à 33 milliards de francs, soit une diminution de 2,65 % par rapport à
1999.
En dépit de cette tendance générale à la baisse, ce projet de budget
m'apparaît en demi-teinte : d'une part, les moyens accrus qui seront alloués au
fonctionnement courant et à l'entretien programmé des matériels permettront de
remédier partiellement aux insuffisances passées ; mais, d'autre part, il faut
en convenir, la diminution significative des moyens d'équipement ne laisse pas
d'inquiéter.
Dans le temps limité qui m'est imparti, et au-delà des chiffres eux-mêmes, je
crois devoir, monsieur le ministre, vous poser plusieurs questions de fond
relatives à la marine nationale.
Tout d'abord, s'agissant des carburants, le projet de budget qui nous est
présenté est bâti sur une évaluation du prix du pétrole de 14,6 dollars le
baril, avec un dollar valant 6 francs. Or, depuis plusieurs mois maintenant,
les prix du pétrole dépassent 25 dollars le baril et l'euro s'affaiblit. Face à
ces données fluctuantes, des crédits supplémentaires pourront-ils être
débloqués si nécessaire, ou faudra-t-il réduire le temps d'exercice des unités
?
Ne pourrait-on concevoir un mécanisme qui permette de soustraire
l'entraînement de nos forces aux conséquences des aléas des marchés
internationaux ? Une contractualisation n'est-elle pas envisageable avec le
secrétariat d'Etat au budget pour trouver une solution à un problème qui se
pose chaque année et qui suscite les mêmes appréhensions ?
Par ailleurs, la professionnalisation s'effectue jusqu'ici de manière
satisfaisante dans la marine, et les difficultés constatées les années passées
ont plutôt tendance à se résorber. Toutefois, nous abordons désormais une phase
délicate, que l'on pourrait qualifier de « charnière » entre l'ancien modèle
d'armées et le nouveau. Dans la marine, on constate un déficit important
d'appelés, de l'ordre de 18 %, sans que les formules de remplacement se
révèlent à même de garantir une prise de relais satisfaisante dans les deux ans
à venir.
En effet, le volontariat ne se développera vraiment que progressivement au
cours des deux prochaines années, et la formule des engagés « contrat-court »
pose par ailleurs certains problèmes, car si elle donne globalement
satisfaction, comme l'a prouvé l'engagement de certains de ces personnels sur
le
Foch
dans la guerre du Kosovo, l'insertion de jeunes en difficulté
dans les unités engendre inévitablement quelques interrogations.
Envisagez-vous, monsieur le ministre, de redéfinir les modalités de ce mode de
recrutement, dès lors que, pour les missions de protection des bases, le taux
de vacance des postes est actuellement supérieur à 40 % ?
Quelle sera en outre, s'agissant des personnels civils, la politique de votre
ministère au cours des prochaines années ? On peut constater que le déficit,
qui dépassait 12 % en 1998, est en voie d'être résorbé, puisqu'il ne devrait
plus être que de 6,4 % en 2000. Cependant, les ralliements en provenance de la
direction des constructions navales, la DCN, se tarissent désormais : ainsi, on
n'en compte plus que cinquante-huit en 1999.
Vous avez décidé, monsieur le ministre, et cela me paraît être une bonne
décision, d'une part d'ouvrir des postes au concours, et d'autre part de
développer la sous-traitance. Pour ce faire, 523 postes seront gagés de manière
réversible en 2000, c'est-à-dire que la marine disposera des crédits
correspondants sans recruter. La sous-traitance présente, elle aussi, un réel
intérêt pour la marine, qui l'utilise déjà largement depuis plusieurs
années.
En conséquence, pouvez-vous nous dire quels principes présideront à l'avenir à
la répartition entre les tâches à sous-traiter et les tâches qui seront
confiées à du personnel civil de la défense ?
Enfin, monsieur le ministre, on ne peut se cacher que le niveau des crédits
d'équipement est un réel sujet d'inquiétude. Les crédits de paiement du titre V
diminuent de 4,4 %, et les autorisations de programme de plus de 20 %, malgré
le « prêt » de 2 milliards de francs de l'armée de l'air. Cette faiblesse des
crédits se traduit par une limitation obligée des constructions neuves,
garantes du rajeunissement de la flotte.
En 2000, s'achèvera le programme majeur du porte-avions
Charles-de-Gaulle.
Dans le même temps, s'ouvrira un autre chantier, au
moins aussi important pour notre marine, celui du renouvellement de nos forces
de projection. En effet, on doit considérer comme une priorité des années à
venir de disposer, avec le porte-avions, et autour de lui, de forces de premier
plan : groupe aérien, frégates antiaériennes et multi-rôles, groupe
amphibie.
C'est l'enjeu des deux dernières années de la programmation et de la
préparation de la prochaine loi que d'assurer la cohérence entre les moyens et
les missions de la marine, que de donner à celle-ci une capacité accrue à
remplir sa mission dans la durée, au-delà d'une période limitée, comme ce fut
le cas dans la crise du Kosovo, où elle a, sur un laps de temps néanmoins assez
court, parfaitement rempli sa mission.
Dès lors, la question de la construction d'une seconde plate-forme aéronavale
n'est-elle pas inévitablement posée, mais ce dans une perspective de plus en
plus européenne et dans le cadre de coopérations interarmées et interalliées
?
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques indications sur votre
position en ce domaine ?
En conclusion, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, le budget qui est soumis à notre approbation ne me paraît pas
remettre en cause fondamentalement, cette année encore, la cohérence de nos
forces. Cela me conduira, personnellement, à le voter.
Je dois cependant rapporter fidèlement les inquiétudes et l'avis défavorable
de la majorité de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées devant le niveau réduit des crédits d'équipement, qui ne lui
paraissent pas correspondre aux engagements de la revue de programmes et ne lui
semblent pas suffisants pour garantir l'avenir.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
(M. Jean Faure remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Gaudin, rapporteur pour avis.
M. Jean-Claude Gaudin,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour la section « Air ».
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, l'appréciation que l'on peut porter
sur les crédits de l'armée de l'air pour 2000 est pour le moins contrastée. La
dotation de fonctionnement est cohérente avec la professionnalisation et répond
même à des besoins exprimés depuis plusieurs années par l'armée de l'air.
L'évolution des crédits d'équipement est, en revanche, préoccupante.
Les crédits de fonctionnement correspondent équitablement aux besoins liés, en
particulier, à la professionnalisation de l'armée de l'air. Celle-ci est, à 1 %
des effectifs près, pratiquement terminée sans avoir entraîné de problèmes
majeurs. La déflation des effectifs a atteint, en 1999, le niveau record de 7
340 personnels. Elle se limitera à 4 320 en l'an 2000, dont 1 300
sous-officiers.
Le recrutement des militaires techniciens de l'air, les MTA, qui s'est élevé à
2 300 en 1999 et qui sera de plus de 2 000 l'an prochain, est également
globalement conforme aux attentes de l'armée de l'air, même si certaines bases
rencontrent quelques difficultés à recruter dans la spécialité des
fusiliers-commandos de l'air.
Surtout, l'armée de l'air bénéficiera, dans le prochain budget, d'un
abondement de 183 millions de francs pour son fonctionnement courant. Elle sera
donc en mesure de commencer à rattraper un retard significatif dans deux
domaines essentiels, celui de la sous-traitance, tout d'abord, qui est pour
l'armée de l'air l'une des clés de la réussite de sa transition, qui l'oblige à
rationaliser ses supports, et celui de l'entraînement opérationnel, ensuite.
En effet, depuis quelques années, les insuffisances répétées de la dotation
affectée au fonctionnement courant ont empêché la participation de nos pilotes
à diverses périodes d'entraînement organisées dans un cadre interallié. Or, le
maintien en condition opérationnelle des équipages est un préalable essentiel à
tout engagement.
La réduction inattendue des crédits d'équipement en 2000 est, quant à elle,
préoccupante. Par rapport à l'an passé, les crédits de paiement seront en
retrait de presque 7 % et les autorisations de programme diminueront de plus de
10 %.
L'encoche opérée sur les autorisations de programme, due à un transfert de 2
milliards de francs concédés à la marine pour le programme de frégates Horizon,
entraîne le report à 2001 de la deuxième tranche de commande globale des douze
Rafale air, ainsi que le décalage de six mois à un an de certaines opérations
du Mirage 2000-D.
Certe, on objectera que la cohérence globale des programmes et les calendriers
initiaux ne sont pas remis en cause ; l'armée de l'air recevra bien, en l'an
2000, les équipements nouveaux qui lui étaient promis.
Il reste que, après l'encoche de 1998, la revue des programmes de 1999 et les
réductions prévues dans le présent projet de budget pour 2000, ce sont les
engagements financiers correspondant aux grandes opérations d'équipement
arrêtées lors du vote de la loi de programmation révisée qui se trouvent remis
en cause.
Surtout, si les deux prochains exercices de la programmation ne voient pas le
rattrapage des prélèvements effectués en 2000, c'est à de nouveaux reculs de
programmes que l'armée de l'air pourrait alors être confrontée.
C'est en effet dès l'an prochain que devront impérativement être inscrites les
autorisations de programme correspondant à la commande globale des Rafale et,
surtout, au financement de l'avion de transport futur.
Sur ce dernier point, monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer l'état
d'avancement de l'analyse, réalisée par les gouvernements européens, dont le
nôtre, des trois offres concurrentes déposées au début de cette année pour le
choix de l'ATF : les propositions européenne d'A 400 M, américaine de C 130 J
et C 17, et, enfin, russo-ukrainienne d'Antonov 70 ?
La constitution récente du pôle aéronautique franco-allemand EADS, récemment
élargi à l'espagnol CASA, est-elle de nature à favoriser le choix, que nous
souhaitons tous ici, de l'offre européenne ?
Ma conclusion fera référence au contexte dans lequel ce budget s'inscrit, soit
cinq mois après l'opération « Force alliée », où l'armée de l'air a pris la
part que l'on sait.
Ce fut, certes, l'occasion d'apprécier tant la qualité de nos pilotes, à
laquelle le Sénat rend hommage, que celle des équipements qui leur étaient
alloués, en particulier des Mirage 2000.
Certaines insuffisances ont cependant été identifiées, et on pouvait
légitimement attendre du projet de budget pour 2000 qu'il soit l'occasion d'y
remédier en partie. Cela ne semble pas être le cas.
La non-consommation des crédits de paiement pour les armées, avancée pour
justifier la réduction qui les affecte, devait davantage trouver sa solution
dans un aménagement des procédures financières que dans la diminution des
ressources, nous semble-t-il.
Au total, la diminution des crédits d'équipement, outre qu'elle prépare pour
demain des échéances difficiles, constitue un signal politique décalé par
rapport à nos ambitions européennes affichées. Tout laisse en effet à croire
que la logique du prélèvement opéré depuis trois années sur les ressources
d'équipement des armées ne sera, hélas ! pas inversée l'année prochaine.
Exprimant sa vive préoccupation pour l'avenir, la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées a donc émis un avis défavorable
à l'adoption des crédits de la défense pour l'an 2000.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous voudrez
bien me permettre d'évoquer, très rapidement, pour terminer, une question qui
préoccupe vivement l'élu que je suis d'un département où la société Eurocopter
tient une place importante.
Nous sommes en effet nombreux à avoir observé que le projet de loi de finances
pour 2000 ne prévoit pas explicitement la première commande pluriannuelle «
globale » de l'hélicoptère NH 90.
Or, compte tenu des besoins déjà exprimés et confirmés par la France,
l'Allemagne, l'Italie ou les Pays-Bas et des importants enjeux liés à
l'exportation future de cet appareil, la production devrait être lancée au
début de l'année 2000.
Certes, les premières livraisons aux armées françaises ne sont prévues qu'en
2005 pour la marine et en 2011 pour l'armée de terre, mais il me semble
essentiel que la première commande des 27 appareils navals soit concrétisée dès
le début de l'an prochain. Cela permettrait de sauvegarder la cohérence de ce
programme européen, dont, rappelons-le, la France assurera, dès le début, 31,25
% de la charge de travail.
Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir nous
indiquer votre position à ce sujet.
Un mot encore, monsieur le ministre, puisqu'il s'agit de militaires, sur la
situation financière du bataillon des marins-pompiers de la ville de
Marseille.
(Sourires.)
Ce bataillon, composé de plus de 2 000 personnes, assure la sécurité de
Marseille, de tout son port, de l'aéroport et de quatre communes proches de la
ville, et ce depuis une loi de 1939.
La technicité du bataillon, sa compétence, son dévouement exemplaire l'ont
conduit à participer aussi à des secours à la suite de terribles tremblements
de terre dans le monde entier : à Erevan, à Mexico, à El-Asnam et en Turquie
encore récemment.
Le bataillon est également intervenu, à la demande du Gouvernement de la
République, monsieur le ministre, en Albanie, au Kosovo, et vous lui avez
vous-même rendu hommage.
Le coût du bataillon est exclusivement, et depuis toujours, à la charge de la
ville de Marseille. Il s'élève annuellement à 300 millions de francs. Mais,
avec la professionnalisation des armées, il passera à 350 millions de
francs.
Alors, comme chaque année, inlassablement, invariablement, monsieur le
ministre de la défense, je m'incline respectueusement devant le Gouvernement de
la République, avec l'espoir qu'un jour un geste sera fait pour les Marseillais
!
(Sourires et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Josselin de Rohan.
On peut rêver !
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, c'est après mûre réflexion que la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées avait, l'an dernier, invité le
Sénat à voter les crédits du ministère de la défense pour 1999.
Cette décision avait été prise, avant tout, parce que les conclusions de la «
revue des programmes », que vous aviez vous-même initiée, monsieur le ministre,
prévoyaient la stabilisation, pour les quatre années à venir, des crédits
d'équipement militaires.
J'avais toutefois souligné, ici même, que l'équilibre, déjà tendu, sur lequel
reposait la loi de programmation pourrait être rompu par toute nouvelle
réduction des crédits d'équipement.
Notre espoir de voir respecter les objectifs de la programmation et les
conclusions de la revue des programmes nous paraissait, cette année, d'autant
plus légitime, et raisonnable, que la conjoncture économique donnait des marges
de manoeuvre auxquelles nous n'étions plus habitués depuis de longues années et
que le conflit du Kosovo venait, une nouvelle fois, de mettre cruellement en
lumière le fossé séparant les capacités militaires européennes et
américaines.
C'est dire combien la présentation du budget de la défense a constitué pour
notre commission une mauvaise surprise, un très mauvaise surprise. Et, je vous
le dis tout net, monsieur le ministre, sans esprit polémique mais avec gravité,
parce que je sais que notre objectif commun est de doter notre pays du système
de défense le plus efficace possible, notre déception est grande, à un triple
titre.
Nous déplorons d'abord la baisse, aussi substantielle qu'inattendue, des
crédits de paiement consacrés à l'équipement de nos forces. Avec 82,9 milliards
de francs, ils sont sensiblement inférieurs aux conclusions de la revue de
programmes et constituent, si l'on s'en tient aux chiffres, une nouvelle «
encoche » du même ordre de grandeur que celle que nous avons connue il y a deux
ans, même si les conséquences en sont différentes.
Disant cela, nous n'ignorons pas, monsieur le ministre, les efforts accomplis
pour améliorer la gestion des crédits militaires et réduire, autant que
possible, le coût des programmes.
J'ai ainsi souvent plaidé pour le développement des commandes pluriannuelles
et j'approuve leur mise en oeuvre pour plusieurs grands programmes. Certes, ces
commandes globales perturbent certaines habitudes financières, notamment à
Bercy, et rigidifient une partie non négligeable du budget des armées. Mais ces
contraintes doivent être acceptées et surmontées dès lors que ces commandes
pluriannuelles sont source d'économies substantielles - 10 % en moyenne -,
qu'elles donnent aux industriels la visibilité nécessaire et qu'elles cessent
de nous pénaliser de façon injustifiée par rapport à nos concurrents.
Nous relevons aussi l'accroissement des autorisations de programme, qui
s'élèveront à 87,5 milliards de francs. Je remarque toutefois que cette
augmentation ne donne aucune marge de manoeuvre puisque l'armée de l'air a dû
consentir à la marine un « prêt » de 2 milliards de francs pour préserver la
frégate Horizon.
Il est encore plus clair que si - comme nous le souhaitons fortement - le
programme d'avion de transport futur, ou ATF, était lancé en cours d'année, les
autorisations de programme correspondantes devraient nécessairement abonder le
budget qui nous est présenté.
Mais c'est, bien sûr, l'insuffisance des crédits de paiement qui constitue
notre principale préoccupation. Nous pensons - et ce point est important, mes
chers collègues - que le ministère de la défense aurait dû consommer le montant
de crédits prévu dans la revue de programmes pour respecter la loi de
programmation et mener à bien les programmes d'équipement indispensables à nos
forces.
Même si nous connaissons la difficulté du réglage extrêmement fin nécessaire à
une consommation intégrale des crédits, nous ne croyons pas, parce que nous
avons du respect pour notre défense, qu'il y ait une incapacité structurelle de
votre ministère, en particulier de la DGA, à effectuer les dépenses nécessaires
à l'équipement de nos armées.
Nous craignons, au contraire, que nos prévisions de consommation pour 2000 ne
soient trop contraintes et que des soldes de factures ne puissent être honorés
en fin d'année.
Pour répondre à cette inquiétude, vous nous avez indiqué, monsieur le
ministre, que, si l'enveloppe prévue, complétée par les reports de la fin de
l'année 1999, se révélait insuffisante, des crédits supplémentaires seraient
inscrits, à la fin de 2000, en loi de finances rectificative. Vous admettrez
cependant, vous qui êtes un connaisseur du sujet, que les parlementaires que
nous sommes ne peuvent pas être satisfaits de cette fragilité supplémentaire
qui pèse d'emblée sur la construction budgétaire.
Même si l'on accepte d'entrer dans cette logique, quelle garantie avez-vous
d'obtenir satisfaction lors de l'élaboration du collectif de 2000, surtout s'il
faut, comme c'est hautement probable, financer simultanément le surcoût des
opérations extérieures qui, une nouvelle fois, n'ont pas fait l'objet de
provisions satisfaisantes dans l'élaboration du budget ?
Bref, tout me semble se passer comme si le budget et la gestion du ministère
de la défense s'étaient, en quelque sorte, banalisés, j'allais dire - si vous
me permettez l'expression - « bercysés »...
Si cela signifie moins d'opacité et, surtout, plus d'efficacité dans la
gestion des crédits publics, il va sans dire que nous appuierons cette
démarche. Si cela devait, en revanche, signifier que les besoins des armées,
loin d'être prioritaires, devaient désormais s'effacer devant les contingences
du moment, au risque de compromettre les intérêts à long terme de notre
défense, nous ne pourrions naturellement que nous y opposer, avec la plus
extrême énergie.
Notre déception à l'égard du budget que vous nous présentez est renforcée par
les premiers enseignements militaires du conflit du Kosovo, enseignements tirés
et par les services de votre ministère et par la commission des affaires
étrangères du Sénat.
Je prendrai quelques exemples.
Les leçons de la campagne aérienne de l'opération « Force alliée »
justifiaient-elles, d'abord, une baisse des dotations de l'armée de l'air de
6,9 % en crédits de paiement, mais aussi de plus de 10 % en autorisations de
programme ? Alors que l'armée de l'air aura à financer à la fois, dans les
années à venir, la montée en puissance du Rafale et celle de l'ATF, est-il
opportun de réduire encore la part de l'aviation dans les crédits militaires,
déjà très inférieure à ce qu'elle est dans les pays comparables ?
Alors que les opérations au Kosovo ont, une nouvelle fois, souligné
l'importance majeure des questions de renseignement et de reconnaissance et -
surtout - l'extrême disproportion des moyens spatiaux européens et américains,
est-il acceptable de voir les moyens consacrés à l'espace militaire diminuer de
15 % en crédits de paiement et de 24 % en autorisations de programme ? Cet
effondrement est - nous le savons - principalement imputable au renoncement
britannique au programme Trimilsatcom et au renoncement allemand au satellite
radar Horus.
Reste qu'il est impératif de nous doter des capacités indispensables.
Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les solutions envisagées pour
compenser les échecs des programmes européens prévus ?
Dans bien d'autres domaines, la campagne aérienne dans l'ex-Yougoslavie a fait
apparaître des déficiences - qualitatives ou quantitatives - de nos
équipements. Je pense, par exemple, à l'insuffisance d'avions ravitailleurs ou
à l'acquisition de drones. Monsieur le ministre, quelles dispositions ont été
prises pour combler ces lacunes ? Des crédits mieux adaptés pour 2000
n'auraient-ils pas permis à nos forces armées de se doter plus rapidement des
capacités nécessaires ?
Le conflit au Kosovo a, en outre, donné une nouvelle actualité à la
problématique du second porte-avions. L'apport remarquable du groupe aéronaval
durant la campagne aérienne a illustré, une nouvelle fois, la nécessité de sa
permanence.
Permettez-moi de redire à cette tribune notre admiration devant la réalisation
exceptionnelle, qui fait honneur à notre pays, que constitue le
Charles-de-Gaulle.
Mais deux questions essentielles restent posées pour
l'avenir : sur le plan financier, d'abord, la question du financement du second
porte-avions se pose-t-elle à vos yeux, monsieur le ministre, dans le seul
cadre du budget de la marine ou ne faut-il pas nécessairement la situer dans le
cadre du budget de la défense dans son ensemble ? Par ailleurs, sous quelle
forme imaginez-vous une éventuelle coopération franco-britannique dans ce
domaine, et quelles économies pourraient en résulter ?
Enfin, le choix essentiel de la réforme des armées - celui de la
professionnalisation de nos forces - a été pleinement validé par les actions
militaires menées au Kosovo. Mais il a aussi souligné, pour atteindre le niveau
d'interopérabilité nécessaire, l'exigence d'une participation accrue à des
exercices avec nos alliés.
C'est pourquoi il me paraît aussi essentiel que les contraintes qui pèsent sur
le titre III ne compromettent en rien le niveau requis d'activité de nos
forces.
Pour le reste, si le très délicat processus de professionnalisation se
déroule, globalement - grâce au dévouement et à la compétence des personnels de
la défense - conformément aux prévisions, la situation demeure critique pour le
recrutement des personnels civils.
Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, où en est l'indispensable
levée des interdictions d'embauche, qui constituent sans doute le principal
obstacle au bon déroulement de la période de transition ? Par ailleurs,
jusqu'où vous paraît-il raisonnable d'aller dans le recours accru à la
sous-traitance ou à l'« externalisation » ?
Notre troisième préoccupation - et c'est sans doute la plus importante à long
terme - concerne les perspectives de construction d'une véritable capacité
européenne de défense.
Après la déclaration franco-britannique de Saint-Malo et la volonté politique
affichée par les chefs d'Etat et de gouvernement européens à Cologne, un nouvel
élan semble avoir été donné voilà quelques jours à peine, à l'occasion des
sommets franco-britannique et franco-allemand, afin de doter l'Union européenne
de moyens et de capacités tant décisionnels qu'opérationnels en matière de
défense. Mais où en est-on précisément, à la veille du Conseil européen
d'Helsinki ?
Cette impulsion politique semble en effet tarder à se traduire dans les faits,
alors même que des concrétisations rapides seraient indispensables.
Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, la nature et l'ampleur des
réserves formulées par certains de nos partenaires européens ? Où en est, en
particulier, l'idée - que notre commission avait jugée, comme vous, séduisante
- de « critères de convergence » dans le domaine de la défense ? Les Européens
ont démontré, avec l'euro, leur capacité à se mobiliser pour des enjeux
majeurs. Mais, je le répète, sans des procédures efficaces et des engagements
contraignants - même s'ils doivent, bien sûr, être progressifs et s'inscrire
dans la durée - l'Europe de la défense ne restera qu'un inépuisable sujet de
discours, et ce d'autant plus qu'elle continue, nous le savons bien, de
susciter aux Etats-Unis des réactions pour le moins mitigées.
Le principal événement positif - je tiens à le souligner - se situe sans
doute, pour l'heure, sur le plan industriel, avec la fusion des groupes
Aérospatiale-Matra, DASA et bientôt CASA, qui, quelle qu'en soit la complexité
- nous n'avons pas fini de la découvrir, vous aussi d'ailleurs - doit être une
étape majeure vers la constitution d'un véritable groupe européen
d'aéronautique et de défense et représente la première fusion transnationale de
grande envergure en Europe.
Pouvez-vous à cet égard nous préciser, monsieur le ministre, la signification
et la portée de la participation de l'Etat français, désormais très faible,
dans le capital du nouvel ensemble ?
Mais, dans le même temps, les difficultés rencontrées, par de nombreux
programmes conçus en coopération européenne - Horus, TRIMILSATCOM, mais aussi
Horizon ou le VCI - nous préoccupent gravement, et semblent en particulier
contredire les apparentes avancées politiques britanniques. C'est, pour nous,
un grave sujet de préoccupation, même si la Haute Assemblée a autorisé la
ratification du traité portant création de l'Organisation conjointe de
coopération en matière d'armement, l'OCCAR.
Votre budget, monsieur le ministre, reflète cette lourde incertitude qui pèse
sur les programmes en coopération. Cela a été, pour notre commission, une
raison supplémentaire de rejeter les crédits du ministère de la défense pour
l'an 2000.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Jean Faure au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
3
ORGANISATION DU CONGRÈS
DU PARLEMENT
M. le président.
Mes chers collègues, je vous rappelle que M. le président de la République a
convoqué le Parlement en Congrès le lundi 24 janvier 2000 pour voter sur deux
projets de loi constitutionnelle, le premier relatif au Conseil supérieur de la
magistrature, le second sur la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie.
M. le président de l'Assemblée nationale vient d'informer M. le président du
Sénat que le bureau de l'Assemblée nationale a examiné, en sa qualité de bureau
du Congrès, les modalités de déroulement de cette session, qui comportera deux
séances, à neuf heures trente et à quatorze heures quarante-cinq.
Le bureau du Congrès a décidé qu'il serait procédé pour les deux votes
inscrits à l'ordre du jour de ce Congrès selon les modalités déjà mises en
oeuvre en juin dernier, c'est-à-dire que le scrutin aura lieu dans les salles
voisines de l'hémicycle.
4
DÉPÔT D'UN RAPPORT EN
APPLICATION D'UNE LOI
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le président du Sénat a reçu le rapport du Conseil
national des assurances pour 1999 établi en application de l'article L. 411-2
du code des assurances.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
5
LOI DE FINANCES POUR 2000
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté
par l'Assemblée nationale.
DEFENSE
(suite)
M. le président.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la défense.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 42 minutes ;
Groupe socialiste, 36 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 27 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 25 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget qui nous est présenté par le Gouvernement n'est pas crédible dans ses
recettes, qui sont minorées, dans une conjoncture pourtant favorable, ni dans
ses dépenses sociales, insuffisamment orientées au bénéfice des familles et des
contribuables français.
Selon le graphique en volume fourni par le ministère de la défense lui-même,
depuis dix ans, le produit intérieur brut monte selon une courbe moyenne de 30
%, tandis que la chute du budget de la défense accuse une pente de 45 %.
Le budget d'équipement militaire sera diminué de 9,3 milliards de francs en
1999, a confirmé le 25 novembre dernier le porte-parole du ministère de la
défense, en soulignant toutefois que cette amputation de 12 % serait « sans
impact immédiat » sur les programmes d'armement engagés.
Je comprends que 4,5 milliards de francs devront être soustraits du titre V
pour les munitions et du titre III pour le reste, en paiement des interventions
extérieures. Dès lors que des Français ne sont pas menacés, je suis d'avis de
réduire ces interventions au minimum symbolique ou, mieux, de ne pas y
participer. Les conflits locaux sont continuels dans le monde. Il vaut mieux ne
pas les internationaliser. Le temps est venu de nous concentrer sur l'essentiel
de notre défense et de ne plus disperser nos moyens militaires.
Je ne reviens pas sur les chiffres du budget. D'autres collègues en traitent
excellemment dans les détails pour chaque armée. Permettez-moi, en qualité
d'officier général de marine, de centrer mon intervention sur certains aspects
concernant cette dernière.
La marine a joué un rôle important dans le conflit du Kosovo. Son aéronautique
navale a assumé sans erreur 40 % des objectifs et un de ses sous-marins
nucléaires d'attaque a bloqué la flotte yougoslave dans ses ports durant toute
la durée des opérations.
Le budget de la marine ne représente pourtant que 17,5 % du budget des armées,
avec une chute des autorisations de programme de 22 % et des crédits de
paiement diminués d'un milliard de francs.
Mille postes d'officiers mariniers sont supprimés et 330 postes tenus par des
officiers mariniers seront désormais tenus par des quartiers-maîtres et
marins.
Faute de crédits, l'industrialisation de l'hélicoptère est reportée. Le
quatrième sous-marin lance-missiles est retardé, ainsi que la mise en chantier
d'un nouveau transport de chalands de débarquement. La construction de la
sixième frégate du type
La Fayette
est annulée.
Procédé étonnant dans l'histoire des budgets militaires, pour relancer le
programme de la frégate Horizon la marine se voit prêter 2 milliards de francs
par l'armée de l'air, qui n'a, finalement, plus commandé d'appareils neufs
depuis neuf ans et qui voit son budget régresser de 3,6 %, régression qui va
retarder d'un an la commande de douze Rafale.
Je comprends tout à fait qu'on doive limiter les budgets à l'essentiel, mais
la défense de la France doit être axée sur deux pôles stratégiques.
D'abord et toujours, le nucléaire.
Ce siècle est nucléaire, comme le sera le prochain. Il est vain de vouloir
esquiver cette évidence. Bien plus, il est à prévoir qu'on trouvera, dans les
décennies à venir, encore autre chose de plus performant que le thermonucléaire
tel que nous le connaissons. De gré ou de force, il nous faudra entrer dans
cette évolution sous peine de sous-développement, d'autant que la
miniaturisation permet de vérifier ce que l'on sait déjà, mais pas de découvrir
du nouveau.
A ce propos, c'est une tromperie d'avoir fait signer aux Français un prétendu
traité d'interdiction des essais nucléaires alors que le Sénat américain le
refuse toujours, pour ne pas parler de la Russie, de la Chine, de l'Inde, du
Pakistan, de l'Iran...
C'est une erreur de démonter l'usine de recherche de Creys-Malville, démontage
qui coûtera d'ailleurs largement le prix de deux porte-avions nucléaires ! La
France renonce ainsi à faire des recherches et, par conséquent, des progrès
dans le domaine nucléaire, ce qui diminue d'autant notre perfectionnement de la
sécurité, soit dit en passant, et elle montre cette renonciation, aux yeux du
monde, ce qui est le contraire de la dissuasion.
Dans le domaine concret de la défense, cette conjoncture, qui est nucléaire,
que nous le voulions ou non, nous oblige à la priorité, sur tout autre moyen,
des sous-marins lance-missiles, sans lesquels la France n'aurait pas
grand-chose à dire stratégiquement. Elle ne serait même plus capable non
seulement de répondre au braquage d'une puissance, même du tiers monde, où
beaucoup de pays disposent déjà de cette arme, mais d'obliger nos bons alliés à
intervenir pour nous secourir avant deux ou trois ans, comme précédemment.
Les sous-marins sont, avec les missiles, les armes du pauvre, celles des
puissances qui ne peuvent pas acquérir ou conserver la maîtrise de la mer et de
l'air. Le sous-marin - et il ne peut être que nucléaire - c'est la dernière
arme que nous puissions abandonner.
Comme vous le savez, il est impératif que nous en conservions quatre - et
c'est bien juste : on devrait dire cinq - pour pouvoir en maintenir au moins
deux en permanence opérationnels. L'un de mes excellents collègues de
l'Assemblée nationale, M. Galy-Dejean, a cru bon de proposer récemment qu'on
retarde la construction du quatrième sous-marin en chantier, afin de pouvoir
commencer un deuxième porte-avions alternatif au
Charles-de-Gaulle
. Mais
hélas ! le budget qui nous est présenté retarde d'ores et déjà ce quatrième
sous-marin, sans autre avis !
Le deuxième pôle stratégique de la défense de la France est le porte-avions.
La décision de mettre en chantier celui que nous avons déjà, le
Charles-de-Gaulle
, remonte à près de vingt ans - c'était sous la
présidence de Valéry Giscard d'Estaing - avec les surcoûts que comprend ce
record historique des retards de constructions navales.
En 1981, sous la présidence de François Mitterrand, le gouvernement de M.
Pierre Mauroy a confirmé ce chantier. Le nouveau porte-avions est propulsé par
deux chaudières nucléaires du même type que celles qui ont déjà été bien
expérimentées sur nos sous-marins.
J'ai parlé de porte-avions, que nous sommes les seuls à mettre en oeuvre avec
les Américains, et non pas de porte-aéronefs, comme ceux à propulsion dite
classique des Anglais, des Russes, des Espagnols, etc., qui n'utilisent que des
hélicoptères ou des aéronefs à décollage vertical, inférieurs aux véritables
avions de combat.
C'est dire que le deuxième porte-avions, comme les sous-marins, et, à
l'avenir, tout bâtiment devant porter rapidement des armes de valeur ne pourra
être qu'à propulsion nucléaire, le mazout apparaîtra bientôt aussi périmé que
le charbon.
Son coût, à condition d'être mis en chantier dans les deux ans qui viennent et
sous réserve que sa construction ne dure pas plus de cinq ou six ans, sera
d'environ 16 milliards de francs, pour une durée prévisible de quarante ans de
service.
Un porte-avions à propulsion classique, dont le carburant propre ne peut pas
durer cinq ans comme le carburant nucléaire, obligerait d'ailleurs à construire
en même temps un grand pétrolier d'accompagnement. Il faut savoir en effet que,
parti en vitesse de croisière rapide de Brest, par exemple, à destination de la
Méditerranée ou des Antilles pour y intervenir, un porte-avions à propulsion au
mazout devra ravitailler avant d'arriver en zone opérationnelle. C'est dire que
la propulsion classique serait le contraire d'une simplification et d'une
économie, accroîtrait la vulnérabilité et serait le contraire de la rapidité de
manoeuvre qui permet de gagner.
Le gouvernement auquel appartient le ministre de la défense le met en grande
difficulté. Il est contraint de retarder les programmes minimaux des
sous-marins, des frégates, des hélicoptères et du porte-avions de complément.
Il lui faut accepter des entraves nuisibles à nos développements, dans le
domaine de la recherche et, partant, de la sécurité, mais aussi du progrès
économique, technologique et de défense. Il lui faut enfin admettre que c'est à
la seule défense nationale qu'on impose de servir de caisse de compensation
budgétaire aux surcroîts de dépenses des autres, et jamais l'inverse.
Aussi, quelles que soient les qualités du ministre qui sont incontestables et
que beaucoup qui appartiennent aux armées ou qui, comme moi, en sont toujours
proches, n'ont pas manqué de remarquer, comment faire, mes chers collègues,
pour approuver le budget qu'il est forcé de nous présenter ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des
crédits du ministère de la défense constitue un moment privilégié pour faire le
point sur la politique de sécurité de notre pays, à l'intérieur de nos
frontières comme à l'extérieur.
Je tiens d'emblée à affirmer notre désaccord sur la démarche qui prévaut
actuellement en Europe en matière de défense.
Cette démarche, c'est celle de l'intervention militaire, du déplacement sur
les lieux de conflits pour les résoudre par la force. Les sénateurs du groupe
communiste républicain et citoyen estiment au contraire que la priorité doit
aller à la construction d'une politique de sécurité collective fondée sur la
prévention.
Le volet militaire, nécessaire, ne doit constituer qu'un élément de cette
politique, au côté, notamment, de la diplomatie.
Il s'agit pour moi non pas de masquer la réalité d'un monde où,
malheureusement, l'utilisation de la force n'a pas reculé, loin s'en faut, mais
de souligner, à quelques jours de l'an 2000, que les peuples, notamment la
jeunesse et les enfants, aspirent à un monde sans guerre, à un monde de paix.
Cela mérite d'être dit avant d'examiner ce projet de budget.
La guerre au Kosovo a montré toutes les limites d'une politique de sécurité
axée principalement sur la force. Certains ont souligné un aspect essentiel
pour eux, le suivisme de l'Europe à l'égard des Etats-Unis. C'est une réalité.
Mais la solution ne réside certainement pas dans une nouvelle course aux
armements, totalement illusoire étant donné la puissance américaine.
Le récent rapport publié par l'organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe sur les violences terribles subies par les populations civiles du
Kosovo, dont le déchaînement a été noté après le début de l'intervention de
l'OTAN, ne confirme-t-il pas l'évidente nécessité de placer la prévention des
conflits au centre d'une politique de sécurité collective en phase avec les
aspirations de l'humanité du xxie siècle.
A notre sens, il faut travailler pour redonner tout le poids nécessaire aux
institutions internationales, pour permettre une meilleure anticipation des
crises. L'ONU et l'OSCE, sur le plan européen, doivent être réformées pour être
valorisées, pour contribuer à la mise en place d'une politique de défense au
service des droits de l'homme et de la paix dans le monde.
Dans ce cadre, nous estimons que l'idée d'une politique de coopération en
Europe en matière de défense est intéressante. La mise en commun de nos moyens
militaires pour des opérations de paix et de défense des droits de l'homme sont
acceptables sous l'égide d'une ONU rénovée.
Si nous ne respectons pas une telle attitude, nous nous dirigeons vers un
monde de potentats contrôlés par la puissance des Etats-Unis.
Alors que l'ONU a décidé de consacrer l'année 2000 à la culture de la paix,
les événements du Kosovo, de la Tchétchénie, de l'Inde et du Pakistan, pour ne
prendre que quelques exemples, montrent qu'il reste beaucoup de chemin à
parcourir et m'amènent à évoquer brièvement la question du désarmement
nucléaire.
Quelle initiative entendez-vous proposer pour notre pays, monsieur le
ministre, afin de relancer le processus de désarmement ?
Il faut, à notre sens, faire face à l'attitude des Etats-Unis qui, puissance
globale, ont, d'une part, refusé, par le vote du Sénat, la ratification du
traité d'interdiction des essais nucléaires et, d'autre part, remis en selle
leur projet de bouclier antimissile.
Le projet de budget dont nous discutons aujourd'hui, au-delà des améliorations
ponctuelles qui sont apportées s'inscrit dans la mise en oeuvre de la loi de
programmation militaire votée en 1996, que nous avions rejetée, pour notre
part. Il se fonde par ailleurs sur les orientations stratégiques du Président
de la République, qui, du fait de ses prérogatives constitutionnelles, conserve
en ce domaine un rôle essentiel. Or la clé de voûte de ces orientations est la
professionnalisation des armées et la projection de nos forces à l'extérieur,
dans une logique que je viens de critiquer.
Pour nous, ce qui doit constituer la priorité de notre politique de défense,
c'est la défense du territoire national. Comme je l'ai déjà dit, il n'est pas
question, au nom d'une Europe de la défense, de nous lancer, soit dans une
course aux armements avec les Etats-Unis, soit dans la construction de l'un des
bras armés de la puissance précitée, soit les deux à la fois, au grand bonheur
des multinationales de l'armement.
Avant d'entrer dans le vif du budget, et pour conclure sur les axes généraux
de notre politique de défense, je souhaite réaffirmer nos fortes interrogations
et réserves sur l'abandon pur et simple du service national, sans réflexion
aucune sur une nouvelle formule permettant de maintenir un lien civique fort
entre la jeunesse et la nation.
Cet abandon s'est effectué au profit d'une vision politique qui faisait peu de
cas du rapport du peuple à son armée. Bien entendu, le service national était
inadapté aux attentes des jeunes. Fallait-il pour autant tirer un trait sur la
recherche d'un moment privilégié entre la jeunesse et la société ? Je ne le
crois pas. Je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître votre analyse sur
ce point.
Je tiens à souligner l'impact important de la réforme du service national sur
le budget, puisque la disparition du corps des appelés du contingent réduit
l'ensemble des emplois militaires de 36 269 postes.
Du projet de budget de la défense dépendent des dizaines de milliers
d'emplois. Il ne faut jamais oublier, en effet, qu'avec les industries
d'armement, outre la question première de la maîtrise de notre
approvisionnement, c'est l'avenir de régions entières qui est en cause ainsi
que le devenir de bassins d'emplois.
Ces industries sont confrontées au défi de la coopération déjà évoqué.
A l'occasion du récent débat sur l'OCCAR, M. Jean-Luc Bécart, déclarait : «
Nous ne voulons pas que l'OCCAR s'inscrive dans une logique ultralibérale,
logique au nom de laquelle ne devraient subsister en Europe que deux ou trois
grands groupes privés transnationaux, capables d'être compétitifs vis-à-vis des
Américains. Au regard des privatisations et fusions intervenues dernièrement,
cette crainte est justifiée. Si l'OCCAR est marquée par cette logique, alors
l'avenir déjà incertain de nos arsenaux et établissements d'Etat se bouchera un
peu plus et le maintien, à brève échéance, du statut de la DCN et de
GIAT-Industries sera impossible à tenir. »
Or, monsieur le ministre, le budget doit justement permettre, à notre sens, de
concilier l'effort de coopération nécessaire et la préservation d'un secteur
public industriel efficace et solide sur lequel la France doit pouvoir
s'appuyer.
Nous avons noté avec intérêt, monsieur le ministre, vos déclarations
concernant l'application des 35 heures dans nos industries d'armement et votre
volonté de réduire le nombre de suppressions de postes de travail. A quel
niveau estimez-vous aujourd'hui les conséquences du passage aux 35 heures sur
les effectifs salariés ?
La création de 250 emplois d'ouvriers d'Etat et de 50 emplois de
fonctionnaires va dans ce sens.
Nous avons également noté avec intérêt les engagements pris quant à la
participation du GIAT dans la production du VCI. Les confirmez-vous ici, au
Sénat, monsieur le ministre ? Cofirmez-vous également que le GIAT-Bourges
restera un pôle national d'intégration pour les armes de moyen et gros
calibres.
La commande de cinq CAESAR sur camion est elle aussi intéressante.
Pour ce qui concerne la DCN, nous estimons qu'il est important de préserver,
pour cet établissement, l'entretien des sous-marins nucléaires au-delà de 2003.
Cela nécessite de bien maîtriser, pour l'avenir, le plan de charge du site
toulonnais.
Nous sommes, par ailleurs, étonnés de la baisse des crédits destinés à
l'espace.
Je note, par exemple, que les crédits du chapitre Espace sont réduits de plus
de 276 millions de francs. Est-ce ainsi que nous pourrons confirmer notre
volonté affichée d'autonomie vis-à-vis des Etats-Unis ? J'en doute fort et nous
risquons, à l'avenir, d'être totalement tributaire du parapluie américian en ce
domaine.
Les sénateurs communistes estiment que le budget doit constituer un moyen
d'envoyer un signe en matière de désarmement nucléaire.
Bien entendu, alors que la France consacre encore 2 milliards de francs pour
les essais en laboratoire, nous n'en demandons pas un arrêt unilatéral. Mais,
monsieur le ministre, ne pourrions-nous pas envisager des économies soit sur le
nouveau sous-marin nucléaire, soit sur le M51 ?
Je le répète, ces mesures devraient accompagner une grande initiative de la
France en faveur de la ratification du traité sur l'interdiction des essais
nucléaires.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le ministre, comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises, nous ne
partageons pas les options stratégiques de l'exécutif en matière de défense.
Pour autant, nous nous soucions fortement de l'état de nos armées et de leur
caractère opérationnel. Pouvez-vous à cet égard nous confirmer et nous informer
des difficultés d'approvisionnement internes lors du récent conflit du Kosovo,
difficultés telles que nous avons dû demander l'assistance des Etats-Unis sur
ce point.
La discussion de ce projet de budget se situe, monsieur le ministre, à l'orée
de la prochaine loi de programmation militaire qui, je l'espère, permettra de
mettre en harmonie la politique de défense de notre pays, qui est marquée
aujourd'hui par des choix anciens, avec la volonté de changement exprimée en
juin 1997.
Cette volonté de changement est axée, notamment, sur un rapprochement entre
les citoyens et leurs institutions.
Ce qui est vrai pour la justice, la police, les institutions politiques, l'est
aussi, à notre sens, pour l'armée.
Cette loi de programmation future devra permettre un débat réel et approfondi
sur l'Europe de la défense, sur ce que l'on entend par coopération et sur la
place de nos industries d'armement du secteur public face à la vague
ultralibérale. Nous sommes demandeurs, conjointement avec les députés
communistes, d'un débat sur l'avenir de nos industries d'armement, après un
travail de préparation citoyen, avec les élus locaux, les syndicats et les
responsables des armées.
Au regard de cet ensemble de remarques, composées de réserves fortes sur les
fondements de notre politique de défense, mais aussi d'une appréciation
positive de la prise en compte des remarques des syndicalistes, des élus
locaux, et des points de vue de la majorité plurielle, y compris les nôtres,
notamment sur les industries d'armement, les sénateurs du groupe communiste
républicain et citoyen s'abstiendront sur ce projet de budget.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
la défense qu'il nous est demandé d'examiner aujourd'hui ne s'illustre pas par
des choix clairs, à l'exception d'une mesure relative à l'organisation des
services.
Je me réjouis à ce titre que l'administration du secrétariat d'Etat aux
anciens combattants puisse être intégrée à celle du ministère de la défense,
comme le montrent les 949 millions de francs transférés sur le budget du
ministère de la défense. J'espère que cette volonté de rationalisation, que
l'on aurait mauvaise grâce à critiquer, n'affectera pas notre devoir de mémoire
et la reconnaissance que nous devons manifester à ceux qui se sont battus pour
notre pays.
Je souhaite que la création de la nouvelle direction de la mémoire et du
patrimoine soit particulièrement orientée vers la sensibilisation des citoyens
les plus jeunes. Nous pouvons tous nous réjouir de l'esprit de concorde qui a
permis la reconnaissance officielle de la qualification de la guerre d'Algérie
et des combats en Afrique du Nord cette année. Cette levée des ambiguïtés
facilitera sans nul doute une approche objective des faits.
Deux décisions majeures devaient être arrêtées dans les années
quatre-vingt-dix : la fin du service national, donc la professionnalisation qui
a été mise en place par le précédent gouvernement, l'intégration ou non dans
une défense européenne commune, qui doit être clairement exprimée.
Deux options s'ouvrent à nous : ou bien la France se considère encore comme
une grande puissance militaire, auquel cas le budget actuel est très largement
insuffisant pour envisager une action individuelle, ou bien elle se considère
comme une puissance moyenne, et elle envisage de renforcer sa coopération
européenne de manière significative, notamment par une mise en commun de ses
moyens avec ses partenaires de l'Union.
Examinons tour à tour ces deux propositions.
Dans la première hypothèse, la défense française ne doit compter que sur
elle-même. C'est toute l'illusion des « souverainistes », « un bien joli mot
pour des thèses dépassées », comme disait tout récemment M. Giscard
d'Estaing.
Les conséquences budgétaires d'un tel choix sont lourdes. Les 2,5 % de notre
produit intérieur brut utilisés pour la défense seront bien insuffisants. Qui,
aujourd'hui, peut sérieusement prétendre que la France peut intervenir seule,
de sa propre autorité et où elle veut ? Les Français seront-ils prêts à faire
cet effort financier ?
Le coût des matériels de défense a suivi une progression exponentielle. Il est
évident que l'opinion publique n'accepterait pas que celle-ci soit répercutée
sur le budget de la défense. Mais nous n'avons pas le courage, toutes tendances
confondues, de reconnaître que nous ne sommes plus une grande puissance
militaire.
Alors nous cherchons à masquer cet état de fait en amputant, de-ci de-là, de
quelques points, certaines lignes budgétaires, quitte à faire passer des
investissements concernés sous le seuil opérationnel.
Cette première hypothèse se heurte également à une insuffisance technologique
induite par le budget, comme le montre le récent rapport sur les «
Enseignements du Kosovo ». Celui-ci a souligné les lacunes françaises,
notamment en matière d'exploitation du renseignement en temps réel, des
systèmes de guidage de bombes par satellites, des capacités de pénétration des
défenses aériennes et de l'évaluation des dommages.
La seconde hypothèse s'appuie sur une vision réaliste des grands équilibres
mondiaux et souligne la nécessité d'une véritable mise en place de la politique
étrangère et de sécurité commune.
La PESC nécessite, elle aussi, des efforts financiers, mais surtout des
efforts de coordination. Si les dépenses militaires de l'ensemble des membres
de l'Union s'élèvent environ à 60 % du budget militaire américain, leur
capacité de projection n'est que de 10 % de celle des Etats-Unis ! Il y a une
perte en ligne considérable due à une quasi-absence de coordination.
Par ailleurs, dans le domaine de la recherche et du développement, le fossé
s'élargit sans cesse entre les Etats-Unis et l'Europe : les budgets
recherche-développement consacrés à la défense sont dotés de 36 milliards de
dollars par an aux Etats-Unis alors que les dix-huit autres alliés de l'OTAN y
consacrent dix milliards de dollars, sans coordination !
Dans la présentation écrite de votre budget, vous écriviez : « Aujourd'hui,
devant l'évidence des nouveaux conflits et la nécessité politique d'y faire
face, plusieurs pays européens choisissent de réorganiser leur défense selon
des principes voisins des nôtres. Cela influera positivement sur la capacité de
l'Europe à prendre collectivement ses responsabilités. Cela nous confirme dans
nos options. »
C'est vrai, mais, hélas ! la volonté politique n'est pas assez fortement
soulignée. Que n'avez-vous affirmé sans restriction votre choix d'une option
véritablement européenne ! On comprend combien il peut être difficile de
reconnaître la nécessité de s'intégrer dans une défense dont nous n'aurons
qu'une partie du contrôle, mais votre déclaration est trop circonstanciée pour
être mobilisatrice et gommer les hésitations.
L'idée de défense européenne s'est pourtant développée et affirmée tout au
long de l'année 1999. Mais elle semblait davantage être la conséquence d'un
constat, notre incapacité à agir seuls les uns et les autres, que l'expression
d'une volonté européenne à mettre en place une défense digne de ce nom.
Sur le terrain, l'expérience du Kosovo a bien marqué la faiblesse européenne
et la nécessité de se renforcer.
Sur le plan des intentions, il y a, certes, une évolution politique. Le sommet
franco-britannique de Saint-Malo en décembre 1998 a bien marqué une inflexion
positive. L'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam a rappelé l'engagement
européen sur les missions dites de Petersberg. Le Conseil européen de Cologne,
début juin, a fixé pour objectif la mise en place, d'ici à la fin de l'an 2000,
d'un dispositif de gestion de crise, comprenant les moyens militaires
nécessaires, conduit par l'Union.
Plus récemment, le 15 novembre 1999, votre présence au Conseil « Affaires
générales » était un signe fort de l'importance accordée par l'Union au sujet.
A ce propos, la France soutiendra-t-elle l'instauration rapide d'un conseil des
ministres européens de la défense ?
La nomination d'un Monsieur PESC, en la personne de Javier Solana, est une
décision concrète. Ses anciennes responsabilités à la tête de l'OTAN
garantissent ses aptitudes et en font un symbole des bonnes relations entre les
Etats-Unis et l'Europe. Cela pourrait être aussi une faiblesse. Il est donc
indispensable qu'il sache affirmer l'autonomie de décision de l'Europe, en
sachant parfois déplaire à notre partenaire outre-Atlantique.
De manière pragmatique, cette Europe de la défense passera par des achats
communs de matériel ; l'exemple de la commande globale de 160 hélicoptères
Tigre
, 80 pour l'Allemagne, 80 pour la France en juillet dernier, est
positif. Ces achats groupés devraient permettre de substantielles économies.
L'Europe de la défense passe également par des fusions européenne réussies.
La création de l'Europe de la défense figure en tête de l'ordre du jour du
Conseil européen d'Helsinki, qui se déroulera les 10 et 11 décembre prochain.
Monsieur le ministre, aborderez-vous la question des Etats neutres au sein de
l'Union européenne ? Cette neutralité est inacceptable, car elle est en
contradiction avec le traité de Maastricht. Les Etats qui étaient neutres
doivent respecter leur signature.
Pour être concrets et pragmatiques, nous devons aussi absolument définir les
territoires sur lesquels notre capacité de défense doit s'exercer : l'Europe,
bien sûr ; la Méditerranée, sans doute ; l'Afrique, en tout cas pour une partie
; pour ce qui est du reste de notre planète, certainement pas !
Ainsi, avec un budget européen de la défense atteignant la moitié de celui des
Etats-Unis, nous pouvons faire beaucoup mieux qu'eux dans le périmètre
défini.
Si les Américains veulent être les gendarmes du monde, cela leur coûtera très
cher et cela leur vaudra des problèmes politiques nombreux, car ils auront
toujours tendance à s'ingérer dans les affaires intérieures des autres pays.
Monsieur le ministre, votre Gouvernement a-t-il la volonté politique de faire
de la défense européenne un axe prioritaire durant la présidence française de
l'Union européenne ?
Pensez-vous que la mise en place de critères de convergence de chacune des
armées des Etats membres soit une méthode qui puisse s'appliquer à la défense,
qui, comme la monnaie, est au coeur de l'Etat ?
Soyons ambitieux ! Ne succombons pas à la « tentation suisse » en matière de
défense, pour reprendre la mise en garde de l'ambassadeur Bernard de
Montferrand : n'acceptons pas que la meilleure manière de s'entendre soit de «
rester au plus petit commun dénominateur, à une sorte de "neutralité" qui
limiterait la solidarité au minimum favorable de bien-être » !
Monsieur le ministre, je serai très attentif à vos réponses, en particulier
sur le calendrier d'une défense européenne.
La majorité de mes collègues du groupe du Rassemblement démocratique social et
européen suivra l'avis de la commission.
(Applaudissements sur la travées du
RDSE, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Delanoë.
M. Bertrand Delanoë.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quels que
soient les commentaires entendus depuis le début de ce débat, le projet de
budget que nous examinons aujourd'hui répond aux besoins de nos armées. S'il
n'est pas aussi élevé que nous aurions pu l'espérer, il s'inscrit toutefois
dans la fidélité aux principes de la revue des programmes et tient compte des
contraintes imposées par la professionnalisation. Il permet également à la
France d'assumer ses ambitions européennes. C'est là l'essentiel, selon moi.
Bien sûr, il comporte des imperfections et fait naître certaines inquiétudes.
Je crois cependant qu'il fait l'objet de critiques injustifiées, ou pour le
moins exagérées.
Si les crédits d'équipements diminuent cette année, cette baisse replacée dans
le contexte général n'est pas aussi préoccupante que certains ont pu le dire.
Notre pays conserve le deuxième budget européen de défense, puisqu'il y
consacre 2,5 points de son PIB, quand nos partenaires européens y consacrent en
moyenne 1,5 point.
Je fais remarquer, par ailleurs, que le pouvoir d'achat de nos armées reste le
même. En effet, l'effort de rationalisation de nos acquisitions d'armement a
permis de réaliser près de 10 % d'économies. Il est donc logique que cette
baisse du coût des matériels influe sur la part du budget qui leur est
affectée.
J'irai même plus loin : je vois dans ce budget un réel progrès car, pour la
première fois cette année, il n'y aura ni décalage, ni suspension, ni
annulation de programmes. Plusieurs rapporteurs le reconnaissent d'ailleurs,
notamment vous, monsieur Vinçon.
Des efforts ont donc été accomplis pour assainir les procédures financières et
améliorer la gestion des crédits du ministère de la défense. L'accélération du
rythme de consommation des autorisations de programme en est un bon exemple.
Certains rapports de la commission font état de préoccupations liées aux
crédits de fonctionnement courants. L'effort est reconnu, mais il est
généralement qualifié d'insuffisant. Pourtant, l'essentiel est préservé : les
crédits du titre III sont en hausse et permettent aux armées de poursuivre de
façon satisfaisante le processus de professionnalisation. J'en déduis donc que
ces rapports mettent en cause à demi-mot les conséquences budgétaires de la
professionnalisation. Si tel est le cas, alors je joins ma voix aux vôtres,
puisque, dès l'élaboration de la réforme, je m'étais permis de vous alerter sur
cette évidence.
En revanche, ce qui me préoccupe davantage, monsieur le ministre, c'est le
collectif budgétaire de fin d'année, qui prévoit le redéploiement de plus de 9
milliards de francs au sein du budget de la défense. Après un premier transfert
de 4 milliards de francs du titre V au titre III, les crédits d'équipement
seront à nouveau mis à contribution pour financer les opérations extérieures.
Je crois qu'il est plus que temps de créer une nouvelle méthode - et votre
expérience permettra certainement d'être créatif - susceptible de mettre un
terme à cette mauvaise, mais ancienne habitude.
La réduction du format des armées se poursuit conformément aux prévisions. Les
propos du chef d'état major des armées dans ce domaine sont rassurants. Il
estime que « la mutation profonde des forces armées françaises liée à la
professionnalisation est sur de bons rails ». Il ajoute même : « J'ai une
complète confiance dans sa réussite ».
Néanmoins, je partage la crainte de notre collègue Serge Vinçon pour ce qui
concerne le déficit en personnels civils qui frappe principalement l'armée de
terre. D'évidence, il faut obtenir plus de souplesse dans le recrutement.
D'ailleurs, monsieur le ministre, vous aviez ouvert plusieurs pistes à
l'Assemblée nationale : peut-être pourrez-vous aujourd'hui apporter de
nouvelles précisions sur ce sujet.
Ce projet de budget laisse également planer quelques incertitudes sur l'avenir
de programmes essentiels à la cohésion de notre modèle d'armée. Je pense ici à
l'ATF ou à l'hélicoptère NH 90. Bien entendu, nous serons donc attentifs à ce
qu'ils puissent bénéficier des crédits nécessaires au financement des futures
commandes.
Mais mon principal sujet d'inquiétude concerne nos capacités dans le domaine
spatial, et tout particulièrement en matière de renseignement. Les crédits de
paiement, comme les autorisations de programme, connaissent une forte baisse.
Je sais bien, monsieur le ministre, qu'elle est en grande partie liée au
retrait de nos partenaires européens de programmes menés en coopération. Il
n'en reste pas moins qu'elle demeure préoccupante pour nos capacités
satellitaires et pour l'avenir de l'Europe de la défense. Il faudra donc
trouver de nouvelles voies de coopération pour mener à bien ces programmes
essentiels à l'indépendance stratégique européenne. L'arrangement administratif
conclu avec l'Allemagne pour le satellite Syracuse III en est d'ailleurs une
première illustration.
Je voudrais justement saisir l'occasion que nous offre l'examen de ce budget
pour faire le point sur l'évolution industrielle et politique de la
construction d'une défense européenne.
En facilitant la fusion Aerospatiale-Matra, puis la constitution d'EADS, le
Gouvernement a permis de jeter les bases d'une industrie européenne de la
défense. Avec la naissance de cette société commune une étape décisive de
l'intégration de l'industrie aéronautique européenne, civile et militaire, a
été franchie. L'Europe dispose désormais de deux groupes capables de rivaliser
avec les géants américains Boeing et Loockheed Martin. C'est à mettre au crédit
de ce Gouvernement puisque cela n'avait pas été fait auparavant.
Autre avancée majeure : l'adoption de la convention portant création de
l'OCCAR.
Trop longtemps, nous avons négligé l'exigence du débat lié à l'émergence d'une
véritable identité européenne de défense. Que ce soit en matière d'armement, de
technologie ou d'exploitation, l'OCCAR répond à cette attente, en offrant un
cadre de coopération concret.
Notre pays a joué un rôle politique essentiel au cours des sommets
franco-britannique de Saint-Malo et franco-allemand de Toulouse. Le Conseil
européen de Cologne et les récents sommets entre Français, Britanniques et
Allemands en ont donné une nouvelle illustration en décidant de « doter l'Union
européenne d'une capacité d'action autonome soutenue par des forces militaires
crédibles ».
Des progrès ont également été accomplis au niveau institutionnel. La
nomination d'un « Monsieur PESC » chargé du secrétariat général de l'Union de
l'Europe occidentale participe de cette démarche. Elle témoigne de la volonté
de donner à l'Union européenne les moyens institutionnels et les capacités
militaires lui permettant d'agir chaque fois que nécessaire.
La première réunion des quinze ministres de la défense et des affaires
étrangères a apporté une nouvelle impulsion au projet politique de sécurité
commune. Cette démarche pragmatique avec les échéances et les objectifs que
vous avez fixés, monsieur le ministre, préparent l'Europe à assumer sans tarder
l'exécution des missions de Petersberg. Autant de signes encourageants survenus
cette année !
Pour autant, je pense, comme M. le Premier ministre, que nous devons aller
plus loin encore et que, à l'occasion de la préparation de la prochaine loi de
programmation militaire, il faudra construire « une programmation qui donne
corps à nos priorités nationales tout en contribuant à la construction d'un
outil de défense européen ».
Le temps est en effet venu d'engager une réflexion collective et, plus encore,
de tirer les conséquences, en termes d'équipements et de budget, qui en
découlent, de notre volonté de bâtir une identité européenne de défense.
Cela passe notamment par une meilleure coopération sur les programmes.
Disons-le franchement, aucun pays n'a aujourd'hui les moyens de développer seul
l'ensemble des systèmes d'armes qui lui sont utiles ni même de financer la
recherche et le développement.
Il est donc nécessaire de réfléchir ensemble, et le plus tôt possible, sur les
prochains programmes.
Cette observation fait naître chez moi plusieurs interrogations. Ne devrait-on
pas raisonner en termes de capacités européennes et non plus de capacité
nationale ? L'éventuel second porte-avions ne devrait-il pas alors être élaboré
dans ce cadre ?
Enfin, et j'ai posé la question à plusieurs reprises dans cette enceinte, ne
faudrait-il pas envisager l'élaboration d'un livre blanc européen de la défense
?
Je conclurai mon intervention en reprenant les propos du chef d'état-major des
armées : « Aux deux tiers du parcours, le processus de la professionnalisation
est positif et, malgré quelques insuffisances, le projet de budget 2000
n'entraîne pas de ruptures dans le domaine de la politique d'équipement, qui
conserve sa cohérence. »
L'action que mène le Gouvernement illustre en effet une cohérence et une
régularité qui dessinent des perspectives encourageantes, notamment pour la
poursuite de la modernisation des forces armées. C'est pourquoi, monsieur le
ministre, nous voterons le budget que vous nous présentez.
(Applaudissements
sur les travées socialistes.)
(M. Jacques Valade remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous vivons
des années budgétaires le plus souvent déprimantes. Le moins mauvais alterne
avec le pire et le budget de la défense que vous nous présentez confirme la
tendance de fond à la baisse.
L'embellie d'hier n'était donc qu'un leurre. C'est une déception. J'espérais
que votre conviction, que votre pugnacité, monsieur le ministre, vous
permettraient d'obtenir davantage. Hélas, comme aurait pu dire le slogan
publicitaire d'un fabricant de jeux vidéo : « Bercy, c'est plus fort que toi !
»
Avec un montant global de 242,8 milliards de francs, le projet de budget que
vous nous présentez, monsieur le ministre, pour l'année 2000 est en recul de
1,1 % par rapport à celui de 1999. En francs constants, les crédits du titre
III diminuent de 0,4 % alors que ceux des titres V et IV s'effondrent de 4,4
%.
La restriction des crédits de paiement affecte toutes nos armées, à
l'exception de la gendarmerie : l'armée de terre - moins 3,6 % - l'armée de
l'air - moins 6,92 % - et la marine - moins 4,37 % - voient leurs moyens très
largement amputés par rapport à 1999.
La recherche ne bénéficie toujours pas de moyens supplémentaires. Le domaine
spatial, pourtant le plus porteur, est profondément affecté par la diminution
des crédits. J'observe également, dans le domaine de la dissuasion nucléaire,
une baisse des crédits de paiement de 4,6 % par rapport à 1999.
Je n'entrerai pas davantage dans les détails des affectations, ils nous ont
été excellemment exposés par les rapporteurs.
Mais que penser de ce budget quand on se souvient des expériences passées, et
plus encore des engagements pris par le Gouvernement ?
Ainsi que l'a rappelé notre excellent collègue Jean Faure, le Premier ministre
s'était engagé, le 3 avril 1998, à maintenir les crédits d'équipement de la
défense à 85 milliards de francs constants 1998 pour les quatre prochaines
annuités de la programmation. Vous-même, monsieur le ministre, aviez affirmé,
le 2 décembre 1998, lors de la discussion budgétaire, « la volonté politique de
poursuivre la programmation de nos équipements de défense sur la base de 85
milliards de francs annuels », afin de rétablir « une continuité et une
visibilité de la politique d'équipement militaire, qui est indispensable à tous
les partenaires et qui garantit la crédibilité de notre effort de défense ».
Vous parliez d'or.
Mais par quel sortilège en un vil plomb l'or pur s'est-il changé ?
Le compte n'y est pas. Compte tenu de l'inflation, les seuls crédits
d'équipement devraient s'élever à 86,7 milliards de francs en 2000.
Cette nouvelle entaille est d'autant plus préoccupante que les engagements
pris par le Gouvernement constituaient la contrepartie de la révision à la
baisse de la loi de programmation décidée à l'issue de la « revue de programme
».
Elle est encore plus inquiétante si l'on considère le contexte économique et
financier actuel, qui est des plus favorables. L'excédent prévisible des
recettes de l'Etat pour 1999, sans doute de 40 milliards de francs, aurait dû
être massivement affecté à la baisse du déficit budgétaire ; il aurait aussi
pu, et dû, servir à rattraper le retard en matière d'équipement de notre
défense.
Non seulement ce n'est pas le cas, mais, plus grave encore, nos armées font
aujourd'hui les frais des errements de la politique économique et sociale du
Gouvernement.
Il faut bien financer les emplois-jeunes et les 35 heures !
On ne peut qu'être inquiet pour l'avenir, pour le moment où ces deux grands
chantiers gouvernementaux pèseront de tout leur poids sur les finances
publiques. Au rythme où vont les choses, dans peu de temps notre outil de
défense sera exsangue.
Et, je n'ose même pas imaginer, monsieur le ministre, les effets qu'aurait sur
votre budget un renversement de conjoncture !
Aussi, je partage pleinement les craintes déjà exprimées par les rapporteurs,
d'autant qu'il est urgent de tirer les enseignements de notre engagement récent
au Kosovo.
Bien évidemment, à cette occasion, je m'associe à l'hommage rendu à nos
soldats. C'est bien le moins. Mais je tiens à dire plus. Ces jeunes Français
ont fait preuve de courage et de caractère dans des missions particulièrement
difficiles, que d'autres ne savaient pas accomplir. Ils vivent leur métier
comme une vocation avec un très grand savoir-faire, un sens de l'initiative et
de l'innovation qui, je le sais, ont accru l'efficacité de leur mission. Voilà
une jeunesse qui porte haut les couleurs de notre pays ; c'est une belle
promesse pour notre avenir. Les Français doivent éprouver pour ces jeunes la
même fierté que nous.
Mais il nous faut aujourd'hui bien percevoir que, dans un monde où les
échanges s'intensifient chaque jour davantage, les risques ne cessent de
s'accroître, comme augmentent les occasions de conflits locaux ou régionaux.
Dans ces conditions, il est primordial que nos forces disposent des moyens
adéquats de projection et de combat. L'opération « Force alliée » au Kosovo a
mis en évidence le rôle essentiel de l'armée de l'air, qui a été à la pointe de
l'action conduite par l'OTAN. Pendant 78 jours ont été déployés 98 aéronefs,
dont 76 avions de combat, soutenus par moins d'un millier d'hommes.
Outre les prouesses réalisées, il importe de rappeler que, pour mener à bien
ses missions, l'armée de l'air a été contrainte de demander en urgence
l'accélération de certains programmes précédemment retardés pour des raisons
budgétaires. De même, de sérieuses insuffisances quantitatives sont apparues en
ce qui concerne tant les ravitailleurs en vol que les hélicoptères spécialisés
dans la récupération d'équipages abattus dans les lignes adverses, sans parler
des munitions, puisque nous avons été obligés de recourir à des achats aux
Etats-Unis pour compléter nos stocks.
Je souscris aux propos de notre excellent collègue Jean-Claude Gaudin quant à
la nécessité d'intensifier nos efforts en matière de renseignement et
d'accélérer les deux grands programmes d'équipement qui conditionnent l'avenir
de l'armée de l'air : le Rafale et l'avion de transport futur, l'ATF.
Concernant ce dernier, dont l'importance cruciale n'est plus à démontrer, je
souhaiterais plus particulièrement savoir, monsieur le ministre, quels moyens
exceptionnels vous comptez y consacrer, étant entendu qu'aucune dotation n'est
prévue pour l'année 2000 alors que la décision définitive est imminente.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Il n'était pas prévu non plus dans la loi de
programmation, comme vous le savez !
M. Bernard Plasait.
Bien que son budget d'équipement progresse de 5,3 %, la gendarmerie ne voit
pas pour autant tous ses problèmes résolus, loin s'en faut !
Aussi, je ne peux qu'insister sur la nécessité de respecter le calendrier
prévu pour l'acquisition et la livraison des hélicoptères biturbines que les
normes européennes rendent indispensables pour le survol des zones urbaines ou
de montagne. Tout retard ne pourrait qu'acccroître les tensions, déjà
existantes, dans les conditions d'exercice de la sécurité du territoire.
De plus, un effort soutenu devra être consenti, dans les années à venir, pour
la modernisation du parc immobilier de la gendarmerie. Le redéploiement des
brigades et la transformation des logements des gendarmes auxiliaires en
logements de gendarmes adjoints le rendent des plus nécessaires.
En outre, cette augmentation des crédits d'équipement ne parvient pas à
masquer les tensions prévisibles sur les moyens de fonctionnement des
unités.
Alors que ce budget est marqué par la création de 577 nouveaux emplois, les
crédits de fonctionnement ne progressent pas en conséquence. Cela est d'autant
plus regrettable que de nouvelles charges sont transférées à la gendarmerie. La
restriction de ses moyens peut également conduire à une démobilisation des
personnels, dont les qualités seraient appréciées en fonction des économies
réalisées et non plus des résultats obtenus en matière de sécurité publique.
D'ailleurs, telle n'est pas la vocation de la gendarmerie. A cet égard, il
importe de lever au plus vite les interrogations qui pèsent sur les missions de
l'arme. Notre collègue Paul Masson a très justement insisté sur les ambiguïtés
actuelles, notamment quant aux missions assignées aux escadrons de gendarmerie
mobiles « fidélisés ».
Si l'on peut comprendre les besoins en effectifs expérimentés dans le zones
sensibles, on ne peut que s'interroger sur l'engagement de ces personnels pour
des missions de sécurisation permanente qui n'entrent pas dans leur vocation
initiale.
Les risques de dérive des missions existent. Il importe de les prévenir, comme
il importe de veiller à la disponibilité d'ensemble des forces mobiles et à
leur formation permanente, qui doit rester une priorité.
Enfin, le redéploiement des forces de sécurité sur le territoire devra être
repris sur des bases entièrement nouvelles, telles que celles que notre
rapporteur a indiquées. Le souci de la concertation, associé à celui de
l'efficacité en termes de sécurité des populations, doit prévaloir.
Je vous l'ai dit sans ambages, monsieur le ministre, je suis déçu par ce
budget qui, me semble-t-il, ne prépare pas l'avenir. Au contraire, il
l'hypothèque, et gravement à mes yeux, au moment même où la France devrait tout
mettre en oeuvre pour apparaître comme le promoteur actif et ambitieux d'une
défense européenne dotée de capacités militaires renforcées.
Ce n'est pas un bon signal politique à l'adresse de nos partenaires européens
alors que s'ouvre le sommet d'Helsinki.
Je suis plein d'admiration devant la performance de notre collègue Bertrand
Delanoë,...
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Vous avez bien raison ! Et il vous étonnera
encore !
M. Bernard Plasait.
... qui, il y a un instant, réussissait à trouver un progrès dans ce
budget.
Pour ma part, ce budget, je le trouve si peu ambitieux qu'il me paraît de
nature à entamer la crédibilité de notre pays et, donc, à affaiblir sa position
dans les négociations sur la défense européenne. Je le déplore, et je regrette
beaucoup de ne pas pouvoir voter ce budget.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
la défense pour 2000 paraît marquer un nouveau recul dans les priorités
gouvernementales, dans la mesure où il passe du deuxième au troisième rang des
budgets de la nation.
Il révèle la contradiction du Gouvernement en matière de politique de défense,
tant est patente la distorsion entre les propos tenus et la pratique. Certes,
la nécessité d'accentuer l'effort dans le domaine de la défense apparaît
clairement dans tous les discours, mais les moyens financiers qui y sont
affectés démontrent que les intentions ne sont pas suivies d'actes.
Ainsi, en dépit d'un environnement économique marqué par la croissance, la
dotation des armées pour 2000 constitue bien une nouvelle encoche dans la loi
de programmation militaire. Cette première contradiction nous conduit au plus
grand scepticisme lorsque nous entendons qu'est envisagée l'instauration par
les Européens d'un critère de l'ordre de 0,7 % à 0,8 % du produit intérieur
brut pour les dépenses d'équipement militaire, alors que la part relative du
budget de la défense ne cesse de décroître, pour ne représenter que 2,04 % du
PIB en 2000.
A notre sens, les fruits de la croissance auraient pu profiter aux armées, qui
ont accepté de faire une véritable révolution culturelle, compte tenu de la
réforme indispensable engagée par le Président de la République. Il est
inacceptable qu'elles ne puissent obtenir, en contrepartie, les moyens de
renouveler et de moderniser leurs équipements.
On nous annonce un taux de croissance de 2,7 % pour 1999 et nous entendons que
le Gouvernement pense pouvoir dégager 115 milliards de francs pour financer les
35 heures. Mais nous constatons que le budget total alloué à la défense est en
baisse de 1,3 %. Comment pouvons-nous, dès lors, croire que la défense est une
priorité gouvernementale ?
Etait-il réellement inconcevable, par exemple, d'engager 15 milliards de
francs sur plusieurs années en faveur du programme du deuxième porte-avions ?
Sa construction s'impose tant sur le plan opérationnel que sur celui de la
souveraineté ; à défaut, nous serons incapables d'aligner à l'avenir un groupe
aéronaval.
Une autre contradiction nous apparaît. La revue de programmes avait conduit le
Gouvernement à augmenter l'enveloppe du titre V, la faisant passer de 81
milliards à 86 milliards de francs.
L'an dernier, le Premier ministre s'était engagé à maintenir à un niveau
constant les crédits d'équipement des armées durant les quatre dernières années
de la programmation. Tel n'est pas le cas dans la mesure où ils s'élèvent à
82,9 milliards de francs en 2000, accusant un recul de 4 % par rapport à
l'annuité fixée par la loi de programmation.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que la diminution des crédits de
paiement résultait de la faiblesse des engagements opérés lors des années
antérieures. Le délégué général pour l'armement annonce pourtant que le taux
d'exécution budgétaire du titre V pour 1999 sera, comme l'année précédente, de
96 %.
Vous comptez par ailleurs que les reports de crédits de l'année 1999, qui
devraient, estime-t-on, se situer entre 5 milliards et 6 milliards de francs,
seront mis à la disposition de votre ministère dès la fin du premier trimestre
2000. Nous sommes dubitatifs.
En juin dernier, en effet, vous avez obtenu une somme équivalente de reports
de crédits de l'exercice 1998 qui ont, en réalité, financé des opérations
extérieures, contrairement aux engagements. Nous décelons là une autre
contradiction puisque le conflit au Kosovo a coûté 1,6 milliard de francs au
titre V.
Ensuite, pour expliquer le faible montant alloué au titre V, vous mettez en
avant l'augmentation de 1,7 % des autorisations de programme, qui devrait
permettre de poursuivre la politique de commandes globales pluriannuelles. Si
les autorisations de programme excèdent, il est vrai, de 4,5 milliards de
francs les crédits de paiement, nous n'ignorons pas qu'ils restent insuffisants
pour lancer l'ensemble des commandes globales prévues.
Ils ne permettront pas de couvrir les engagements au titre des programmes de
missile M 51 et d'hélicoptère NH 90. Faut-il rappeler que la commande globale
de 80 hélicoptères Tigre n'a pu être passée en juin dernier qu'au prix
d'importants transferts ? En définitive, je crains que le projet de budget pour
2000 ne permette de passer qu'une seule commande globale, celle du missile
antichar de troisième génération à moyenne portée, déjà décalée cette année.
La baisse des crédits du titre V est inquiétante, tant il est vrai que le
paiement des factures est,
in fine,
la traduction comptable du niveau
d'équipement de nos armées. Mais elle devient alarmante lorsque le manque à
gagner de ce poste est évalué à 59 milliards de francs, soit 11 % du montant
des dotations d'équipement initialement prévu par la loi de programmation.
Si le Gouvernement n'a pas tenu les engagements qu'il a pris dans le cadre de
la revue de programmes, il n'a pas davantage tenu compte des enseignements de
la guerre du Kosovo, qui ont pourtant mis en lumière certaines limitations.
Nous soulignons cette nouvelle contradiction, qui se décline en trois points
principaux : l'espace, l'aviation et la simulation.
Alors que tous les experts ont mis en exergue des insuffisances en matière de
renseignement satellitaire, nous constatons que le budget de l'espace est en
chute libre, avec une dotation de 2,3 milliards de francs, soit une baisse de
15,3 % par rapport à 1999. Nous notons surtout le décalage du programme Hélios
II et le quasi-arrêt du programme devant succéder à Syracuse II.
L'insuffisance de la coopération européenne dans le domaine de l'espace
militaire ne peut nous satisfaire. Elle nous oblige en effet à recourir aux
moyens que les Etats-Unis veulent bien mettre à notre disposition au moment où
ils affichent l'ambition de dominer tous les créneaux du domaine spatial.
Par ailleurs, l'importance de l'aviation dans les conflits modernes ne fait de
doute pour personne. Néanmoins, alors que l'armée de l'air a été chaudement
félicitée pour la place qu'elle a tenue dans la résolution de la crise au
Kosovo, elle accuse une chute des dépenses d'équipement notable, avec une
baisse de 6,9 % en crédits de paiement.
Pour la huitième année consécutive, elle ne commandera aucun appareil neuf.
Cette baisse des crédits va bien évidemment se traduire par des retards dans le
développement de certains programmes.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
C'est totalement inexact.
M. Serge Vinçon.
Que dire de l'avion de transport futur ?
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Ce que l'on peut en dire, c'est qu'il n'était pas
dans la loi de programmation !
M. Serge Vinçon.
C'est vrai, mais nous intervenons souvent pour des opérations extérieures et
nous avons besoin, vous le savez bien, de renouveler notre parc d'avions
Transall et Hercules. Ce renouvellement s'impose pour garantir notre capacité
de projection, c'est évident.
Là encore, l'écart continue de se creuser entre la France et les deux
principales puissances aériennes occidentales, les Etats-Unis et la
Grande-Bretagne. En effet, sur la base du projet de budget pour 2000, la part
des crédits d'équipement et de recherche consacrés à l'aviation n'est plus que
de 24 %, alors qu'elle demeure supérieure à 30 % dans les deux autres pays.
Un dernier point nous préoccupe pour ce qui est du titre V : il s'agit du vote
négatif du Sénat américain sur le traité d'interdiction complète des essais
nucléaires. Bien que le maintien de notre capacité de dissuasion passe par la
simulation, qui doit se substituer aux essais nucléaires, le budget
correspondant est en régression de 3,5 %, avec une dotation de 1,7 milliard de
francs.
Face à une telle réalité, nous affirmons que la cohérence est menacée et que
la rupture de la politique d'équipement est d'ores et déjà annoncée.
Pour terminer, il nous faut évoquer la gendarmerie, dont la capacité
opérationnelle risque d'être altérée par une insuffisance constatée de 420
millions de francs sur le titre III en fin d'année, sans amélioration pour
2000.
Cette nouvelle encoche dans la loi de programmation est inacceptable au moment
où nos armées relèvent le défi de la professionnalisation, où nos industries de
défense s'allient avec des partenaires européens, où l'Europe de la défense
doit se mettre en place.
Nous le savons, la défense détermine la position de la France sur la scène
internationale et, par là même, le rang qu'elle tient dans la résolution des
conflits. Peut-elle rester une puissance respectée si elle ne dispose pas
d'équipements militaires adaptés aux enjeux de la défense ?
Les hommes et les femmes qui font nos armées ont démontré, s'il en était
besoin, les qualités qui sont les leurs lors du dernier conflit. Il est de
notre devoir de leur exprimer notre gratitude en appelant le Gouvernement à
mener, en matière de défense, une politique budgétaire cohérente.
Pour toutes ces raisons nous voterons contre ce budget.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos
se limitera au budget de la gendarmerie.
Il est facile de constater que les problèmes de sécurité sont partout
présents, même s'ils ne se posent pas partout avec la même acuité, c'est
évident. Dans une commune rurale de 100 habitants, les agressions ne peuvent
pas atteindre l'ampleur que l'on constate dans des villes ou des banlieues
regroupant plusieurs milliers d'habitants.
Cependant, à l'échelle de l'individu, la différence entre milieu rural et
milieu urbain disparaît, car chacun a droit à la sécurité. C'est ainsi que le
sentiment d'insécurité peut être aussi fort dans une commune rurale que dans
une grande ville. Il est même parfois plus fort dans le monde rural, quand il
n'y a ni police ni gendarmerie à proximité.
J'évoquerai le cas de la commune d'Alzon, dans le Gard, commune rurale des
Cévennes comptant 208 habitants. Sa brigade de gendarmerie a été supprimée
voilà quelques années. Ainsi, ce canton de moins de 1 000 habitants n'a plus de
brigade de gendarmerie. Il est rattaché à la brigade du Vigan. Dans ces
conditions, il n'est pas évident que les gendarmes, à moins d'avoir des
qualités de pilote de rallye, puissent intervenir en moins de trente minutes.
Certes, ils n'ont que dix-sept à vingt kilomètres à parcourir, mais la route a
de nombreux virages et, en hiver, le trajet peut se révéler très délicat.
C'était jadis un canton tranquille. Si tranquille que sa brigade a été
supprimée ! Mais le vide laissé par les gendarmes a vite été comblé par les
fauteurs de violence et les délinquants, si bien que, voilà quelques semaines,
la quasi-totalité de la population d'Alzon a signé une pétition intitulée : «
L'insécurité à Alzon : trop c'est trop ! » et énumérant la liste des agressions
subies.
A partir de cet exemple regrettable, je formulerai plusieurs remarques.
Tout d'abord, déshabiller Pierre pour habiller Paul serait une très grave
erreur. Cette pratique ne résout pas les problèmes; elle ne fait que les
déplacer. La gendarmerie doit conserver son maillage territorial. En effet, dès
qu'elle quitte un canton, l'espace libéré devient, comme à Alzon, une zone
d'insécurité.
Le redéploiement, qu'avait accentué ce que j'appellerai le « phénomène Alzon
», a mobilisé les élus. Ils se sont adressés à vous, monsieur le ministre. Vous
les avez écoutés, vous les avez entendus : vous avez stoppé le redéploiement
des brigades. C'est bien ! Les élus ruraux vous en félicitent et vous en
remercient.
Ces élus ruraux sont attachés à leur brigade de gendarmerie, car ils savent,
par expérience, que c'est sa présence qui assure la sécurité : si elle
disparaît, l'insécurité s'installe.
Mais ces maires, ces conseillers généraux, ces élus ruraux veulent une brigade
avec des gendarmes. Ce serait une grave erreur, à plusieurs titres, de laisser
des brigades sans gendarmes. Quand je dis « sans gendarmes », j'exagère, mais,
de six, il ne faudrait pas tomber à cinq, à quatre ou à trois. Une coquille
vide serait pire qu'une suppression de brigade.
Ma deuxième remarque porte sur l'évolution du travail des gendarmes.
Je tiens à rendre hommage à leur dévouement et à leur efficacité. Trop
souvent, hélas ! leur efficacité est jugée sur les résultats constatables,
c'est-à-dire, par exemple, le nombre d'affaires éclaircies, le nombre
d'arrestations effectuées ou le nombre de procès verbaux dressés. Mais on
oublie les résultats, difficiles à évaluer, de la prévention.
Pis encore, lorsque la prévention assure la tranquillité, on a tendance à dire
que le gendarme et sa brigade ne servent à rien : il n'ont rien à faire
puisqu'il ne se passe rien... la brigade ne dresse que quelques procès-verbaux
dans l'année. C'est la situation qu'a connue Alzon : il ne s'y passait rien,
tant que les gendarmes étaient présents.
Monsieur le ministre, je vous suggère de ne pas ignorer la valeur
irremplaçable d'une prévention efficace, notamment dans le monde rural.
Ma troisième remarque découle des deux précédentes.
Le budget de la défense, parce qu'il est un élément essentiel de la sécurité
des Françaises et des Français, intéresse tout le monde, aussi bien les ruraux
que les urbains. Il est donc important d'en souligner les aspects
essentiels.
Premièrement, c'est un budget en augmentation - je n'y insisterai pas trop,
certains l'ont dit, même si, ensuite, ils l'ont critiqué et proposé de le
rejeter - de 2,30 %, ses crédits passant de 22,65 milliards de francs à 23,17
milliards de francs, comme il est indiqué à la page 4 du rapport de M. Masson.
Ce budget témoigne ainsi éloquemment et concrètement de la volonté du
Gouvernement d'aborder les problèmes de sécurité avec des moyens accrus et
adaptés à l'évolution non seulement de la gendarmerie, mais également de la
société.
Deuxièmement, c'est un budget qui respecte la loi de programmation militaire,
et ce n'est pas facile ! En effet, je ne suis pas convaincu que les auteurs de
cette loi aient bien évalué
a priori
le coût financier de la disparition
progressive des appelés du contingent.
Troisièmement, c'est un budget qui progresse dans d'autres domaines, par
exemple celui de l'équipement : plus 5,2 % au titre des crédits de paiement.
D'ailleurs, dans son rapport écrit, M. Masson juge cette progression
globalement satisfaisante.
Quatrièmement, en ce qui concerne les réserves, la provision prévue permet,
précisément, à M. le rapporteur pour avis de souligner qu'il s'agit là d'un
effort particulier.
Cinquièmement, c'est un budget complexe, car il doit répondre à de nombreuses
exigences qui ne sont pas toujours faciles à concilier. Le coût de la loi de
programmation militaire est lourd. Les missions des gendarmes se diversifient
et s'étendent à de nouveaux secteurs géographiques. Il est donc probable que
l'acroissement de 1,06 % des crédits de fonctionnement soit un peu juste.
Pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, si cette augmentation sera
suffisante, par exemple pour répondre à nos engagements à l'étranger et pour
assurer le succès des nouvelles mesures que vous mettez en place, notamment la
fidélisation ?
M. Masson s'est montré critique et sceptique quant à l'efficacité de la
fidélisation. Il est un peu trop tôt, me semble-t-il, pour porter un jugement
objectif. En revanche, il n'est pas prématuré, monsieur le ministre, de vous
féliciter de votre esprit innovant dans un domaine où le poids de la tradition
rend l'exercice difficile.
Vos propositions budgétaires pour la gendarmerie sont, globalement, très
positives. Certes, votre projet de budget n'est pas parfait. J'ai moi-même
formulé quelques interrogations. Mais qui pourrait raisonnablement vous
reprocher, monsieur le ministre, de ne pas présenter aujourd'hui quelque chose
qui n'existe pas ? Les budgets parfaits existent-ils ? Qui peut prétendre en
avoir un jour rencontré ?
Il faut donc faire la part des interrogations et des mesures concrètes et
positives. Objectivement, ces dernières l'emportent. Malgré cela, la majorité
du Sénat fait preuve de sévérité et d'injustice envers votre budget et envers
vous-même.
Elle fait preuve de sévérité, car, dans un passé qui n'est pas très éloigné,
la majorité sénatoriale a soutenu et voté des budgets moins positifs que le
vôtre, monsieur le ministre.
Elle fait également preuve d'injustice. En effet, d'abord la majorité
sénatoriale refuse d'adopter un budget dont M. le rapporteur pour avis, à
plusieurs reprises dans son rapport écrit, a justement souligné les avancées -
je relève d'ailleurs la contradiction qu'il y a entre l'exposé et la conclusion
- ensuite, elle condamne un comportement qui vous honore, monsieur le ministre.
En effet, lors du redéploiement, vous avez su remettre en cause votre décision.
C'est non pas une faiblesse, mais, au contraire, la marque d'une préoccupation
démocratique.
Nous avons tous connu des ministres soutenus hier par la majorité sénatoriale
pour qui toute prise en compte de l'opinion des élus du terrain semblait
équivaloir à un reniement, à une sorte de hara-kiri politique. Je regrette, je
déplore, je condamne cette attitude, que je juge partisane, car elle ne permet
pas d'avoir l'objectivité indispensable pour reconnaître les mérites d'un
budget de la gendarmerie maîtrisé et en augmentation importante.
Vos initiatives, vos propositions budgétaires, monsieur le ministre, montrent
votre volonté d'adapter la gendarmerie à une société en perpétuel changement.
Voilà qui mérite d'être soutenu et encouragé. C'est la raison pour laquelle le
groupe socialiste votera votre budget.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Husson.
M. Roger Husson.
Monsieur le ministre, le projet de budget de la défense que vous nous proposez
respecte, mais avec retard par rapport aux besoins, la loi de programmation
militaire pour les années 1997-2002.
Ce projet de budget représente, hors transfert des crédits destinés au
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants et hors pensions,
187,4 milliards de francs répartis entre 104,5 milliards de francs pour le
titre III - fonctionnement - et 82,9 milliards de francs pour le titre V -
équipement - soit une baisse de 1,3 % par rapport à 1999. Certes, cette
diminution n'est pas encore dramatique. Mais si ce budget n'est pas notablement
relevé dès 2001, nous irons droit vers l'incohérence stratégique et
opérationnelle.
Par ailleurs, si, dans cette quatrième année d'application de la loi de
programmation, les engagements relatifs à la professionnalisation sont
globalement respectés, on ne peut en dire autant de la politique d'équipement.
En effet, la subtilité est grande entre des crédits de paiement qui diminuent
fortement - moins 3,6 % - et grèvent ainsi la dotation des armées, et des
autorisations de programme qui augmentent - plus 1,6 % - mais qui ne sont pas
destinées aux domaines qui en auraient besoin, à savoir les moyens classiques
et les capacités de renseignement.
Pour la première fois depuis 1992, la dotation en autorisations de programme
est supérieure à celle des crédits de paiement. Or il faut savoir que, pour
l'année budgétaire, ce sont bien les crédits de paiement qui comptent, car ils
permettent aux armées de gérer leurs moyens.
De plus, la non-adéquation entre autorisations de programme et crédits de
paiement risque de provoquer, à terme, des retards dans le déroulement des
programmes.
Enfin, le niveau des autorisations de programme, tout en étant supérieur à
celui des crédits de paiement, reste insuffisant pour relancer l'ensemble des
commandes globales prévues telles que le missile M 51, l'hélicoptère NH 90 et
le Rafale.
Je constate donc que le titre V est sérieusement amputé par rapport à l'année
dernière et que, dans toutes les autres armées, en dehors de la gendarmerie qui
voit ses moyens réellement augmenter, les équipements sont sacrifiés.
Après cette brève analyse, je souhaite formuler trois remarques principales
sur le bugdet de l'armée de terre et une observation sur celui de l'espace, de
la communication et du renseignement.
S'agissant de l'armée de terre, la première remarque porte sur les titres III
et V.
Si le titre III du budget 2000 de l'armée de terre est en légère progression,
ce qui permettra une augmentation des jours d'entraînement, en revanche, le
titre V est en diminution de 3,8 % en crédits de paiement, ce qui sera de
nature à fragiliser notre industrie d'armement terrestre.
La deuxième remarque concerne les blindés. Le programme du char Leclerc se
poursuit normalement. La cible de quatre cent six chars reste, pour le moment,
inchangée et je m'en félicite. En effet, utilisé pour la première fois de
manière opérationnelle au Kosovo, ce blindé a montré son efficacité.
Avec la livraison de vingt-deux chars prévue en 2000, l'arme blindée cavalerie
pourra aligner deux cent trente-trois chars au 1er janvier 2001. Cependant,
leur déploiement nécessite leur accompagnement par des véhicules blindés de
combat d'infanterie, les VBCI, ce qui préoccupe au plus haut point les généraux
de l'armée de terre.
En effet, sans revenir sur l'historique de l'échec des tentatives de
coopération européenne, je rappelle qu'un appel d'offres, lancé en décembre
1998 par la Délégation générale à l'armement, est actuellement en cours. Un
choix définitif ne devrait pas intervenir avant le début du printemps
prochain.
Or le fabricant du char Leclerc, Giat Industries, et celui du véhicule blindé
léger, Panhard-Levassor, qui ont fait leurs preuves depuis longtemps en matière
de blindés, sont les entreprises les mieux placées pour enlever ce marché. De
plus, elles sont complémentaires. Leur qualité est donc un atout à utiliser et
c'est le moment de leur donner le coup de pouce industriel nécessaire, y
compris en anticipant, par exemple, des commandes pour le char Leclerc et le
VBL.
Ma troisième et dernière remarque a trait à l'aéromobilité.
La commande de cent soixante hélicoptères Tigre pour l'aviation légère de
l'armée de terre et la
Bundeswehr
est satisfaisante, mais l'absence
d'autorisations de programme pour la fabrication et la commercialisation de
l'hélicoptère de transport NH 90 suscite des interrogations, car il n'est pas
certain que le blocage allemand soit seul en cause. Quatre prototypes de ce
matériel existent ; le NH 90 est donc prêt.
Pourtant, lors du salon du Bourget, en juin dernier, aucune vente n'a été
enregistrée. Si, comme il se dit dans les milieux avisés, ce programme est
reporté à 2011, le risque de décourager nos partenaires italiens et néerlandais
est évident. Je souhaite, monsieur le ministre, avoir des précisions sur ce
dossier.
J'en viens maintenant au budget de l'espace, de la communication et du
renseignement.
Le conflit du Kosovo a montré que l'utilisation de l'espace, des
communications et du renseignement était indispensable à l'efficacité de nos
forces. Ce conflit a validé la pertinence des choix d'équipements effectués
depuis plus de dix ans. Il s'agit des programmes de satellites d'observation
Hélios I et II, et du programme de télécommunication spatiale Syracuse II.
Or cet enseignement ne reçoit, cette année, aucune traduction budgétaire. En
effet, je constate que le budget de l'espace est le plus touché par les
restrictions : sa dotation chute de 15,25 %.
D'autre part, je note une réduction des dépenses pour Hélios I, qui sera
remplacé par Hélios I B et, surtout, le décalage d'Hélios II, dont le lancement
n'est prévu qu'en 2003.
Enfin, je découvre que le programme devant succéder à Syracuse II est presque
arrêté.
Je veux bien admettre que l'abandon du projet de satellite d'observation radar
Horus, qui devait être mené avec l'Allemagne, explique en partie la diminution
des crédits consacrés à l'espace, mais cette situation n'est pas satisfaisante,
car elle oblige nos forces armées, lors d'opérations extérieures, à recourir
aux moyens que les Américains veulent bien mettre à leur disposition. Ce fut le
cas, d'ailleurs, au Kosovo, où un satellite d'observation Horus a manqué.
Enfin, je regrette que l'effort budgétaire pour la recherche-développement sur
les drones soit modeste au regard de leur potentiel. Quant au remplacement des
cinq drones perdus au Kosovo, je m'inquiète qu'il ne soit pas prévu dans ce
budget.
Avant de conclure, je souhaiterais dire quelques mots sur l'armée de l'air,
dont la situation se dégrade et dont la part dans le budget ne cesse de
diminuer.
A un moment où l'arme aérienne apparaît comme l'outil de gestion des crises et
des conflits, votre gouvernement, monsieur le ministre, lui alloue 34,5
milliards de francs, soit une diminution de 3,6 % par rapport au budget de l'an
dernier.
L'armée de l'air accuse donc une chute des dépenses d'équipement notable, avec
une baisse de 6,9 % de ses crédits de paiement et de 10,3 % de ses
autorisations de programme.
Certes, seize avions - un Rafale, douze Mirage 2000-D et trois Mirage 2000-5 -
seront livrés à l'armée de l'air en 2000, mais, pour la huitième année
consécutive, celle-ci ne commandera aucun appareil neuf.
Par ailleurs, la diminution des autorisations de programme a obligé à reporter
en 2001 la deuxième commande groupée de douze avions Rafale.
Quant à l'indispensable avion de transport futur, l'ATF, aucune commande n'est
prévue avant 2002, et ce malgré l'usure constatée de notre flotte de
Transall.
Enfin, les capacités d'entraînement de nos pilotes pourraient connaître une
nouvelle dégradation, compte tenu du calcul de la dotation de carburant.
Aux deux tiers de la loi de programmation, l'armée de l'air française alignera
donc quatre-vingt-dix avions de combat nouvelle génération sur les trois cents
prévus, et il en sera de même en 2002. Il faudra attendre la fin de 2005 pour
que l'armée de l'air constitue son premier escadron opérationnel de vingt
Rafale, portant ainsi sa force aérienne de combat à cent dix appareils de la
dernière génération sur les trois cents prévus.
Face à cette situation, je me demande quelles pourront être sa place et ses
missions dans une éventuelle défense européenne si elle doit s'y associer avec
des moyens aussi limités.
Bien entendu, j'espère que les travaux de préparation de la nouvelle loi de
programmation militaire comporteront une réflexion d'ensemble sur le rôle
actuel et futur de l'arme aérienne d'où devront découler la définition et le
volume des équipements nécessaires.
En conclusion, je dirai que ce budget est lourd de menaces pour l'avenir et
que vous avez du mérite, monsieur le ministre, de le défendre !
Compte tenu d'une croissance économique exceptionnelle, il aurait dû être
celui du rattrapage. Il marque au contraire une étape supplémentaire dans un
processus d'affaiblissement de nos forces armées et constitue donc une nouvelle
encoche à la loi de programmation militaire.
Cette encoche, d'environ 3 milliards de francs, est d'ailleurs en flagrante
contradiction avec l'engagement pris, l'année dernière, par le Premier ministre
de maintenir jusqu'en 2002 à 86 milliards de francs le montant des crédits
d'équipement. Déjà, en 1998, l'encoche avait fait chuter le titre V à 81
milliards de francs.
La France peut-elle rester une grande puissance respectée si elle ne dispose
pas d'équipements militaires neufs, performants et adaptés aux nouveaux enjeux
de la défense ?
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez, monsieur le ministre, que je ne
vote pas ce budget.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat
budgétaire me donne l'occasion d'intervenir sur un sujet d'une très grande
actualité, en sachant que je prends le risque d'être peut-être dépassé au
moment même où je parle par des événements qui se succèdent à très grande
vitesse. Ce sujet, vous l'aurez deviné, c'est la défense européenne.
Il est heureux que notre débat ait lieu aujourd'hui. Il nous permet de vous
interroger, monsieur le ministre, sur les propositions françaises que vous
formulerez lors du sommet d'Helsinki, qui aura lieu les 10 et 11 décembre.
Un consensus certain existe pour signaler que l'instauration d'une paix
durable sur le continent européen est l'un des fondements de la construction
politique européenne. Et, en effet, dans ce sens, ce projet politique a été une
réussite. Depuis 1945, les pays de l'Union européenne vivent en paix. On ne le
répétera jamais assez !
Cependant, l'effondrement et la disparition du bloc soviétique, les tensions
sociales et politiques accumulées autour de notre continent, à l'Est et au Sud,
peuvent nous poser des problèmes de sécurité. Les conflits dans les Balkans et
la situation actuelle dans le Caucase nous incitent à la vigilance.
Or disposer des moyens adaptés pour ces crises éventuelles ou probables est
une nécessité inéluctable pour une Europe qui se veut active dans un monde
incertain. D'ailleurs, la prévention des conflits et la gestion des crises sont
inscrites dans le traité d'Amsterdam.
Les crises récentes ont renforcé notre conviction que les nations européennes
doivent accroître leurs capacités de défense leur permettant de conduire des
opérations dirigées par l'Union européenne de manière efficace ou de jouer
pleinement leur rôle dans les opérations de l'Alliance. L'énorme changement
réside dans le fait que les Européens semblent être disposés à agir d'une façon
autonome, avec ou sans l'Alliance atlantique, en fonction des circonstances.
Saint-Malo, Toulouse, Cologne, Londres, Paris, depuis un an les déclarations
se suivent et les actes commencent à prendre forme. C'est une accélération
bienvenue après les événements que nous avons connus ces dix dernières années
sur notre continent !
Aujourd'hui, un noyau dur des pays européens, dont la France, a décidé de
prendre ce problème récurrent à bras-le-corps.
D'abord, félicitons le Gouvernement, qui a su faire oeuvre de réalisme et de
patience là où d'autres avaient, encore récemment, échoué. La méthode choisie
depuis 1997, qui mêle pragmatisme, persuasion, volonté politique ferme et
clairement affichée, donne aujourd'hui ses premiers fruits.
Il y a deux ans, il était impensable d'espérer des résultats comme ceux que
l'on attend du Conseil européen d'Helsinki. Les récents sommets
franco-britannique et franco-allemand ont permis de peaufiner les propositions
qui seront discutées lors de ce Conseil européen.
Le constat a déjà été établi à maintes reprises : en Europe, il y a un million
de soldats, mais nous n'avons pas été capables d'en mobiliser 40 000 dans les
Balkans !
L'UEO s'est livrée à la confection d'un audit des capacités européennes
actuelles. Le résultat de cet utile inventaire montre que les Européens
possèdent, en principe, les niveaux de forces et de ressources nécessaires pour
préparer et mettre en oeuvre des opérations militaires sur tout l'éventail des
missions de Petersberg, c'est-à-dire des missions humanitaires et d'évacuation
de ressortissants, des missions de maintien de la paix et des missions de
forces de combat pour la gestion des crises, y compris des opérations de
rétablissement de la paix.
L'UEO a aussi précisé les domaines sur lesquels doivent porter les efforts les
plus urgents : le renseignement stratégique ; la planification stratégique ; la
disponibilité et la mobilité des forces, leur interopérabilité et la nécessité
d'états-majors multinationaux interarmées.
Selon cette étude, les forces armées des pays européens souffrent d'un manque
de déploiement rapide ainsi que de lacunes en matière de renseignement, de
transport aérien et naval et de structures de commandement. Les pays européens
ont des carences, l'audit l'a montré, mais il a aussi montré l'existence de
capacités dont les pays concernés ne sont pas tous conscients. Il s'agit, et ce
n'est pas simple, de mettre en place des politiques communes pour profiter des
capacités et des compétences aujourd'hui éparpillées. Voilà l'enjeu du prochain
sommet d'Helsinki et des mois à venir !
Or les décisions déjà prises à Cologne ne peuvent être mises en oeuvre que si
les mécanismes de décision politique se fondent sur un dispositif d'expertise
et sur des moyens militaires crédibles.
Je prends l'exemple du renforcement des capacités européennes de transport
stratégique aérien qui apparaît comme une nécessité majeure.
Ce constat s'accompagne bien évidemment de son corollaire opérationnel et
industriel : il existe un besoin commun européen d'un nouvel avion de
transport. Cet avion, l'ATF, intéresse au plus haut point l'industrie
aéronautique européenne, et sa fabrication aurait des retombées très
importantes pour notre pays, d'autant qu'il s'agit d'un projet sur lequel la
nouvelle société EADS pourrait montrer tout son savoir-faire, et faire ainsi la
preuve de la pertinence de sa création.
En effet, et c'est un autre aspect de la construction d'une identité
européenne de défense, le rapprochement de nos industries d'armement s'est
soldé, au moins provisoirement, par la création de la nouvelle EADS. La fusion
de Aérospatiale-Matra et de DASA devrait faciliter les coopérations autour de
programmes communs.
Pour parachever cet aspect de la construction européenne, il serait nécessaire
d'harmoniser les besoins futurs des pays concernés. Concrètement, et je pense
que c'est un point très positif, nos amis britanniques et allemands semblent
d'accord pour que cette harmonisation puisse se faire sur le renforcement des
capacités de renseignement, le renforcement de la mobilité stratégique et le
renforcement des capacités de commandement et de communications.
Les leçons de la crise et du conflit du Kosovo avaient conclu à la nécessité
d'apporter des solutions sur ces trois aspects. Ainsi, le développement de nos
capacités militaires dans ces domaines pourrait se faire dorénavant dans un
cadre industriel plus européen.
Monsieur le ministre, les mesures comprises dans le « plan de travail »
proposé par la France aux partenaires de l'Union européenne conjuguent une
approche pragmatique avec une attitude très ambitieuse sur le fond.
Je retiendrai deux éléments qui prouvent, à mon sens, cette orientation.
Tout d'abord, il est notamment proposé, au niveau stratégique et opératif, que
les Etats disposant de structures de commandement interarmées adaptées puissent
permettre une utilisation de ces structures par l'Union européenne. Le maintien
intégral, à tout moment, des capacités nationales de commandement sera
strictement assuré. Voilà pour l'aspect pragmatique.
Voyons maintenant un aspect très ambitieux de ce plan de travail - mais ce
n'est pas le seul.
A court terme, c'est-à-dire d'ici à 2002, « nous devons être en mesure de
déployer, sur une durée au moins égale à un an et hors le territoire de
l'Union, une force terrestre de réaction rapide avec un accompagnement
permettant d'obtenir la maîtrise de l'espace aérien et une force navale
comprenant à la fois un groupe aéronaval et un groupe amphibie. En termes de
volume, cela devrait représenter l'équivalent d'un corps d'armée de 50 000 à 60
000 hommes, 300 à 500 avions, dont 150 de combat, et une quinzaine de grands
bâtiments de combat. »
Toutefois, il faut constater aujourd'hui l'écart existant entre Etats
européens, en ce qui concerne aussi bien leurs budgets militaires que leurs
capacités opérationnelles. Certains Etats dépensent très peu pour leur
sécurité, dans la mesure où ils se reposent sur la puissance américaine.
Or nous savons bien qu'il est illusoire d'augmenter les ressources et de faire
croître les dépenses de défense des pays membres - la tendance va dans le sens
contraire - et qu'il s'agit plutôt d'utiliser les ressources existantes, avec
davantage de bon sens, et de rationaliser les dépenses. Je crois que c'est ce
que vous pensez aussi, monsieur le ministre.
Alors, comment va-t-on faire pour donner un caractère cohérent et homogène aux
contributions des pays membres et, surtout, quel devra être l'apport de chacun
?
Un constat s'impose : l'Europe ne deviendra une véritable puissance autonome
que lorsqu'elle disposera des moyens, notamment militaires, de faire respecter
ses valeurs et ses intérêts. La décision de développer des capacités militaires
sera une étape importante, en phase avec le rôle croissant de l'Europe dans le
monde. Il est évident que l'élaboration d'une politique européenne de sécurité
et de défense renforcera l'aptitude de l'Europe à influer sur le cours des
événements et à devenir, dans tous les domaines, un acteur d'envergure
mondiale, capable de diffuser et de faire respecter les valeurs qui nous sont
chères, en tout cas à nous, Français.
Votre projet de budget représente pour la France un effort souvent supérieur à
ceux de bien d'autres pays. Aussi, pour mener la politique qui convient à la
France, au nom du groupe socialiste, je vous apporte notre confiance.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis de
ceux qui auraient aimé voter le budget de la défense, et ce pour plusieurs
raisons. Certaines tiennent à votre personne, monsieur le ministre, à l'amitié
que nous vous vouons, au respect que nous avons pour la manière dont vous
assumez, non sans difficulté, nous le savons, les tâches qui sont les vôtres.
Mais vous êtes enfermé dans un système global qui s'appelle le Gouvernement,
lequel vous impose probablement quelques contraintes sur le plan des
équipements comme du fonctionnement.
C'est pourquoi je suis bien sûr amené à m'associer à la décision des deux
commissions compétentes en la matière, qui, l'une et l'autre, ont conclu que,
malgré vos qualités et votre dévouement, le présent projet de budget n'était
pas acceptable en l'état. Je le regrette, d'autant que j'ai le sentiment que,
sur un certain nombre de points, nous partageons les mêmes préoccupations.
Le 13 octobre dernier, lors de l'examen du projet de loi sur l'organisation de
la réserve militaire et du service de défense, je suis intervenu car j'ai
quelques responsabilités en matière de défense civile. S'agissant de
l'organisation générale de nos réserves, j'ai alors rappelé - M. Serge Vinçon,
qui rapportait le texte, s'en souvient - que, compte tenu des dangers auxquels
notre pays est exposé, de manière évidente ou subreptice, la notion de réserve
militaire et la notion de défense civile ne peuvent être dissociées, et qu'il
convient de préparer une réserve civile pouvant, à la limite, être mobilisée à
côté ou avec la réserve militaire.
Depuis, la situation a évolué et un certain nombre de faits ont été exposés
sur la place publique. Je pense, en particulier, à l'incidence de la réforme du
service militaire sur les deux grands corps de protection civile que sont le
bataillon des marins-pompiers de Marseille et la brigade des sapeurs-pompiers
de Paris. La disparition des appelés du contingent conduira à une modification
de fond du recrutement de ces deux corps, et donc à une modification du coût
réel de la protection de la population.
Il convient tout de même de rappeler que, entre Paris et la petite couronne,
d'une part, Marseille et son environnement, d'autre part, cela concerne, si mes
souvenirs sont exacts, quelque 9 millions d'habitants, en tout cas sûrement
plus de 6 millions, soit une partie importante de la population de notre pays.
Alors que nous examinons le projet de budget de la défense, on ne peut pas ne
pas rappeler qu'il y a là un problème.
Je n'ai pas le sentiment d'avoir trouvé, où que ce soit dans les bleus
budgétaires, l'amorce d'une solution au problème financier qui ne manquera pas
de se poser aux collectivités territoriales qui bénéficient de ce service
assuré par un corps militaire, mais dont elles remboursent les dépenses de
fonctionnement. Je le répète : je n'ai pas vu, ni dans votre projet de budget,
ni dans celui du ministère de l'intérieur, la réponse à une préoccupation que
je sens monter chez les responsables de ces deux grandes collectivités
urbaines.
J'en viens au deuxième point de mon intervention.
Le 13 octobre dernier, vous m'avez répondu d'une manière qui m'a satisfait
s'agissant de votre souci d'ouvrir les préoccupations de votre ministère à
celles du ministère de l'intérieur en matière de préparation de réserves
civiles. J'en prends acte. Comment ont évolué depuis cette date la réflexion et
les propositions du Gouvernement ?
A cette occasion, je voudrais attirer votre attention sur un point. Entre les
préoccupations de défense civile ou de protection civile telles qu'on les
connaît - mais se pose également le problème des unités d'intervention de
sécurité civile - et la réalité du mode d'action des armées, il y a une très
grande différence s'agissant de la préparation de l'intervention. Aussi, je
voudrais savoir si vous avez eu un dialogue sur ce sujet avec votre collègue de
l'intérieur.
Je m'explique. Lorsque, pour une raison ou pour une autre, les militaires
montent un exercice, ils le font en secret et avec le souci de créer une
difficulté événementielle pour celui qui sera chargé de mener l'exercice. Il
n'en va pas de même lorsqu'il s'agit d'exercices de défense civile, du moins
tels qu'ils sont actuellement menés par le ministère de l'intérieur. Or, vous
allez être amenés, à un moment ou à un autre, à réunir vos préoccupations et
vos forces. A cet égard, j'ai des lettres fort intéressantes de M. le
secrétaire général de la défense nationale dans lesquelles il suggère, sur ce
point précis, un certain nombre de pistes. Aussi, je souhaiterais savoir si
vous avez eu des échanges suffisamment complets avec votre collègue de
l'intérieur pour que, dans ce type d'exercices, l'événement intervienne sans
préparation.
Je sais bien que cela pose des problèmes plus difficiles qu'avec les
militaires. En effet, quand un événement inattendu se produit au cours d'un
exercice civil, on risque d'affoler la population. Cependant, la déclinaison,
pendant toute une journée, de documents préparés à l'avance sur des événements
pratiquement connus par les intervenants avant même qu'ils ne soient proposés à
leur sagacité est un système qui, me semble-t-il, ne prépare pas notre pays
comme il convient. C'est pourquoi je souhaiterais connaître les
complémentarités que vous envisagez de mettre en place entre l'expérience qu'a
votre ministère et les soucis de bonne éducation que peut avoir le ministère de
l'intérieur sur un sujet aussi sensible.
(Applaudissements sur les travées
du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Peyrat.
M. Jacques Peyrat.
Monsieur le ministre, je suis le dix-neuvième et avant-dernier orateur. J'ai
entendu certains exprimer leur inquiétude et leur morosité, adoptant parfois
une attitude un peu dure à l'égard de votre budget. D'autres, au contraire,
paraissaient se réjouir, estimant qu'il s'agissait d'un bon budget. Certains
semblaient penser que vous alliez même un peu fort.
De quoi s'agit-il, disait le maréchal Foch ?
En 1996, le Président de la République a eu le courage de décider le passage à
une véritable armée de métier et de penser parallèlement une nouvelle doctrine
de défense mieux adaptée à l'évolution internationale et conférant un rôle
majeur, à côté de la dissuasion, au principe de projection des forces, et de
forces professionnelles. Notre devoir est donc de mener à son terme cette
professionnalisation, qui constitue pour l'armée française une véritable
révolution culturelle, qu'elle a d'ailleurs acceptée.
Monsieur le ministre, je me place tout simplement dans la position d'un
observateur.
Pour réussir une armée de métier, il est nécessaire de réunir trois
conditions.
D'abord, il faut des effectifs militaires et civils en nombre suffisant.
Est-ce le cas ? Non ! Ensuite il faut des crédits de fonctionnement suffisants
pour permettre à tout le moins l'entraînement optimal des forces. Est-ce le cas
? Non plus ! Enfin, il faut des équipements modernes qui permettent à la France
de tenir son rang dans le concert international. Là encore, ce n'est pas le cas
!
J'examinerai d'abord les effectifs.
Ce budget, comme le précédent d'ailleurs, fragilise la marche vers la
professionnalisation puisque plus de 5 000 postes de civils ne sont toujours
pas pourvus dans les armées. Aussi, ce sont les militaires du rang qui sont
affectés à ces postes, et donc autant d'emplois de combattant qui ne sont plus
tenus. En l'occurrence, la loi de programmation militaire n'est pas respectée.
La conséquence directe de cette situation est une charge de travail accrue pour
les militaires en place et une moindre capacité d'action des unités. La marche
vers la professionnalisation est donc rendue incertaine.
C'est également vrai du fait de l'insuffisance des crédits de fonctionnement
et de la part toujours plus importante des crédits de rémunération, qui
dépassent, pour la première fois, 80 % du titre III. Cela signifie que les
crédits affectés à l'entraînement de nos forces sont bien insuffisants et,
surtout, très en deçà des normes d'une armée professionnelle.
Les crédits de carburant, il y a été fait allusion, sont en diminution. Ils
ont été évalués sur la base d'un certain coût du baril et d'un certain taux de
change du dollar. Or, le coût du baril et le cours du dollar ont évolué à la
hausse. Aussi, le maintien ou l'accentuation de cette différence reviendrait à
ponctionner les volumes, et donc à réduire l'activité des forces.
Il en va de même, cela a également été dit, pour le stock de munitions, qui a
été considérablement diminué après l'opération du Kosovo, même si
l'augmentation des crédits correspondants devrait permettre sa
reconstitution.
A ce sujet, il faut d'ailleurs regretter que le titre V serve de variable
d'ajustement au gré des impondérables pour payer la consommation importante de
munitions due aux opérations extérieures.
La dernière preuve de la fragilisation de la marche vers la
professionnalisation des troupes, c'est la réduction des activités et de
l'entraînement des forces.
En effet, si l'activité de l'armée de terre augmentera légèrement, selon vos
prévisions, pour passer de soixante-dix jours sur le terrain à soixante-treize
jours, on est loin encore des cent jours qui sont considérés comme la norme des
taux d'activité des armées professionnelles.
Il en va de même dans la marine et dans l'armée de l'air, où le nombre moyen
de jours de mer ou d'heures de vol est très inférieur à celui des marins et des
pilotes britanniques et américains.
Monsieur le ministre, c'est un peu comme si un avocat d'assises désertait les
prétoires et ne parlait plus suffisamment dans l'année, comme si un médecin
généraliste ne recevait plus de malades, ne faisait plus de visites à
l'hôpital, ou comme si un chirurgien ou un pianiste renonçait à s'entraîner
quotidiennement pour mieux opérer ou jouer Bach ou Mozart. C'est ça, en
réalité, l'entraînement, et les professionnels quels qu'ils soient ne peuvent
exercer que grâce à celui-ci.
Les effectifs des civils et des appelés ne sont pas assez nombreux pour
permettre aux militaires du rang d'être opérationnels en nombre suffisant. Les
crédits de fonctionnement, qu'il s'agisse du carburant ou des munitions, sont
insuffisants pour permettre l'entraînement optimal des forces.
Qu'en est-il des crédits d'équipement ?
On constate toujours la même insuffisance, ce qui obère notre capacité de
projection, fragilise notre autonomie d'action et menace la cohérence de notre
politique de défense.
Tout le monde semble s'accorder pour dire que le montant des crédits manquants
par rapport à ce qui était prévu dans la loi de programmation militaire s'élève
à plus de 50 milliards de francs, un orateur a même parlé de 59 milliards de
francs.
Or, 50 milliards de francs, c'est le prix de trois porte-avions
Charles-de-Gaulle
, alors qu'un seul porte-avions supplémentaire
suffirait pour que le groupe aéronaval, sur lequel repose toute la stratégie de
projection des forces, soit opérationnel douze mois sur douze, ce qui n'est pas
le cas aujourd'hui avec le seul
Charles-de-Gaulle
.
Avec ces 50 milliards de francs, nous n'aurions pas non plus à arbitrer, par
exemple, entre ce deuxième porte-avions et un quatrième sous-marin lanceur
d'engins, comme l'envisageait, tout à l'heure, l'amiral Philippe de Gaulle.
Nous pourrions également enfin engager ce projet indispensable de l'Avion de
transport futur, dont nous avons tant besoin. Voilà treize ans que nous en
parlons, tantôt avec les Espagnols, tantôt avec les Allemands. Ni ceux qui vous
ont précédé ni vous-même, semble-t-il, n'ont résolu ce problème.
Pour s'en persuader, il n'est que de constater le nombre de jours qui a été
nécessaire à nos pauvres Hercules C 130 pour rallier le Timor à partir
d'Orléans, en étant obligés de faire cinq escales. Pour l'opération de Kolwesi,
il avait fallu faire appel à des avions de ligne et nos parachutistes du 2e REP
avaient dû sauter avec des brellages plus ou moins défectueux, ce que
l'inspection du travail aurait certainement condamné !
En matière d'équipement, tous les budgets sont donc en baisse, la palme, si
j'ose dire, revenant au budget de l'espace, dont les crédits sont en chute
libre.
Cette baisse est d'autant plus incompréhensible qu'elle est en complète
contradiction avec les besoins mis en lumière par le conflit du Kosovo.
Elle entraîne - cela a été souligné - le report ou l'arrêt de la réalisation
de certains programmes, comme Hélios II, dont le lancement n'est prévu qu'en
2003, ou celui du satellite devant succéder à Syracuse II.
Comme à toute chose malheur est bon, pourquoi ne pas profiter de cette pause
forcée pour réfléchir à la construction de petits satellites radars, efficaces
par tout temps et qui ont la préférence, semble-t-il, de nos voisins italiens,
espagnols et allemands ?
Enfin, je ne voudrais pas conclure mon intervention sans évoquer les crédits
consacrés à la dissuasion, notamment cette baisse inquiétante du budget alloué
au projet « simulation », laquelle n'est pas encore opérationnelle et doit donc
demeurer une priorité.
Ce serait une faute grave que de baisser la garde et de relâcher notre effort
dans ce domaine à l'heure où les Etats-Unis, en refusant de signer le traité
d'interdiction des essais nucléaires et en reprenant leur projet de « guerre
des étoiles », risquent de relancer la course à l'armement.
Monsieur le ministre, passer à une armée de métier, équipée d'armes modernes,
composée d'hommes aguerris, entraînés et « projetables » sur des théâtres
d'opération éloignés, cela à un coût, j'en conviens, sûrement plus important
que celui qui était prévu initialement. Mais c'est le prix à payer pour
préserver l'indépendance de la France, maintenir son rang sur la scène
internationale et, par là même, lui conserver la place qu'elle tient dans la
résolution des conflits. Y renoncer serait une erreur, mais pis encore serait
d'y renoncer tout en continuant d'affirmer que la défense est une priorité
gouvernementale, alors que, hélas ! tel n'est pas le cas.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
(M. Paul Girod remplace M. Jacques Valade au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis le
dernier orateur à intervenir dans ce débat. Disposant de peu de temps, je dois
donc aller à l'essentiel.
La France est encore un acteur important dans les affaires du monde. Elle est
encore une puissance, et nous entendons qu'elle le reste. Or le débat
budgétaire est l'occasion de vérifier que nous conservons un instrument
militaire digne d'une puissance.
Notre pays est-il toujours capable d'assurer par lui-même son ultime
protection en cas de menace vitale, grâce à la dissuasion ? A cette question,
vous répondez, monsieur le ministre, qu'il en est bien ainsi, et quand je vous
ai interrogé, au nom du groupe du Rassemblement pour la République, vous nous
avez donné en outre des garanties quant à la réalisation du laser Mégajoule,
qui est indispensable pour assurer la mise à niveau et l'avenir de notre
dissuasion.
Si j'insiste sur ce point, c'est parce que des voix s'élèvent, ici et là, pour
remettre en cause la nécessité de cette réalisation ou pour réclamer un
moratoire. Ceux qui réclament un moratoire dissimulent mal leur dessein
permanent : priver la France de sa capacité de dissuasion nucléaire. Au moment
où le Sénat des Etats-Unis refuse de ratifier le traité sur l'interdiction des
essais nucléaires, nous ne saurions en aucun cas accepter que l'adaptation de
notre force de dissuasion soit rendue impossible. Tant que ce sera nécessaire,
la France doit rester une puissance nucléaire.
Notre pays doit aussi être capable de mener, seul ou avec des alliés, les
opérations qu'il estime conformes à ses intérêts et à ses engagements.
Or, comment ne pas être encore sous le choc, monsieur le ministre, de
l'humiliation, de l'extraordinaire aveu d'impuissance que représente l'affaire
du Kosovo ?
Ainsi donc, pour mettre un terme aux exactions commises sur un territoire de
moins de deux millions d'habitants inclus dans un pays de dix millions
d'habitants, la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne,
associées à bien d'autres pays européens, n'ont pas suffi ? Il a fallu faire
appel aux Etats-Unis d'Amérique, qui ont apporté l'essentiel des moyens et
assumé la plus grande part des opérations. Quel aveu d'impuissance !
Imagine-t-on le président Clinton demandant à l'Europe d'intervenir pour lui
permettre de rétablir la démocratie au Nicaragua ?
Impuissance collective de l'Europe, et donc impuissance de chaque Etat
européen, y compris le nôtre... Quelle révélation de l'ampleur de l'écart qui
se creuse entre les Etats-Unis d'Amérique et une Europe aux visées confuses et
à l'organisation militaire embryonnaire !
Depuis cet événement, l'idée de défense européenne progresse, les gestes se
multiplient : déclaration franco-anglaise de Saint-Malo, échanges
franco-allemands, nomination de l'ancien secrétaire général de l'OTAN au poste
de responsable de la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union
européenne, mais aussi à celui de secrétaire général de l'Union de l'Europe
occidentale... Fort bien ! Les Européens, dont nous-mêmes, s'agitent et
parlent. Mais la réalité est dans les chiffres.
Les budgets militaires des Etats européens ne traduisent pas la nécessité d'un
effort, et l'un des grands pays de l'Union européenne, l'Allemagne, réduit
fortement le sien.
La réalité, c'est lord George Robertson, le nouveau secrétaire général de
l'OTAN, qui l'évoquait en disant qu'ensemble les pays européens membres de
l'OTAN dépensent l'équivalent des deux tiers du budget américain de la défense
mais que l'affaire du Kosovo a démontré qu'ils étaient loin de disposer des
deux tiers des capacités américaines actuelles.
Alors, comment être crédibles ? Comment obtenir des Etats-Unis que les Etats
européens, rassemblés dans le pilier européen de l'OTAN ou dans l'UEO, soient
considérés comme une véritable puissance, si la contribution financière de
chacun de nos pays ne se hisse pas à la hauteur, en pourcentage, de l'effort
américain ? Notre ministre des affaires étrangères, M. Hubert Védrine, a
déclaré à juste titre que le renforcement des capacités militaires de l'Europe
doit s'accompagner d'un partage effectif de la décision. Mais comment
pouvons-nous justifier cette revendication sans consentir en même temps un
effort budgétaire suffisant ? L'histoire nous apprend que les politiques
proclamées doivent se fonder sur la réalité d'un effort consenti.
Ce budget aurait dû marquer le début d'un effort militaire qui nous rende plus
crédibles et nous permette d'être un exemple pour les pays européens et de nous
montrer plus exigeants vis-à-vis des Etats-Unis. Il n'en est pas ainsi, et
c'est pourquoi je voterai aujourd'hui contre ces crédits.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, la discussion des crédits du ministère de la défense inscrits au
projet de loi de finances pour 2000 intervient, plusieurs orateurs l'ont
souligné, à mi-chemin de l'exécution de la loi de programmation militaire, qui
sous-tend la transformation en profondeur de notre outil de défense. Le moment
est donc bien choisi, me semble-t-il, pour dresser un bilan venant compléter
les informations contenues dans le rapport qui a été remis au Parlement à la
fin du mois d'octobre.
Je tiens tout d'abord à réaffirmer que les engagements pris seront tenus.
Comme le Premier ministre l'a confirmé, le 22 octobre dernier, à l'Institut des
hautes études de défense nationale « l'exécution de la programmation en cours
et la professionnalisation des armées seront conduites dans les conditions et
selon le calendrier retenus ».
J'observe d'ailleurs que ce sera la première fois depuis bien longtemps que
l'exécution d'une loi de programmation sera menée à son terme, ce qui permet
peut-être de relativiser la pertinence des discussions pointilleuses à propos
d'un milliard de francs ici ou là, sur une masse totale de 500 milliards de
francs. En effet, point n'est besoin de remonter très loin dans le passé pour
retrouver la trace de certaines annulations de 20 milliards de francs de
crédits par rapport à ce qui avait été prévu par la loi de programmation alors
en vigueur et de l'interruption avant terme de l'exécution de plus de la moitié
des lois de programmation votées par le Parlement au cours des deux dernières
décennies !
L'adaptation de notre outil de défense est rendue nécessaire par l'évolution
du contexte géopolitique.
Pour cette année 1999, notre environnement international aura été
particulièrement marqué par deux faits majeurs : la crise du Kosovo, d'une
part, et la convergence des politiques européennes de défense, d'autre part.
Ces deux événements, qui confortent les choix que notre pays a opérés depuis
plusieurs années, depuis la parution du Livre blanc de 1994, confirment donc
une orientation qui dépasse, bien entendu, l'horizon de l'exercice en cours,
celui du projet de loi de finances pour 2000, et même celui de l'actuelle loi
de programmation. Il s'agit d'un engagement à long terme, qui ne néglige
absolument pas, monsieur Lefebvre, les efforts de prévention et
d'accompagnement politique et civil des conflits. Cependant, une puissance
pacifique et une puissance incapable d'agir, ce n'est pas la même chose ! Je
crois que nous pouvons tomber d'accord sur le fait que notre dispositif de
défense a vocation, dans l'avenir, à rester pleinement cohérent avec une
orientation politico-stratégique approuvée d'ailleurs par la grande majorité
des membres de cette assemblée.
Je voudrais revenir d'un mot sur la récente crise du Kosovo.
Les enseignements qui en ont été tirés ont permis de dégager des motifs de
satisfaction, très loyalement rappelés par nombre d'intervenants, mais
également d'identifier les efforts qui restent à fournir.
Ce conflit a confirmé le bien-fondé de nos principaux choix en matière de
défense, qui trouvent leur traduction dans l'actuelle loi de programmation : la
professionnalisation de nos forces, l'effort porté sur le renseignement et
l'accent mis sur les capacités et les moyens de projection.
Nous sommes aujourd'hui réunis pour la première discussion budgétaire suivant
cette opération, qui a vu l'engagement résolu de nos forces et de nos
personnels. Je crois donc l'heure bien choisie pour exprimer notre satisfaction
que notre pays ait pris une part significative dans l'action des alliés et
qu'il ait été le premier, et de loin, des contributeurs européens aux
opérations aériennes, qui ont été décisives. Aujourd'hui encore, nous tenons
une place tout à fait déterminante dans le dispositif terrestre, qui est
constitué aux trois quarts par des Européens solidaires. Cela a été souligné
par certains orateurs, mais peut-être pas autant que je l'aurais souhaité.
Certes, des lacunes ont été constatées, qui concernent certaines de nos
capacités techniques. Bien plus encore, nous ne disposons pas de certains
matériels en quantité suffisante. Cela nous conduit à déterminer quelles seront
nos priorités dans l'avenir, mais, pour l'essentiel, nos choix antérieurs se
trouvent confortés.
Mais le conflit a également démontré une fois de plus - nous le savions de
longue date, monsieur Legendre, et si des mesures avaient été prises plus tôt
dans ce domaine, nous ne serions pas en train d'en débattre aujourd'hui - que
l'Europe doit se doter de capacités stratégiques conjointes, que nous devrons
définir ensemble.
Je remarque d'ailleurs la diversité des opinions qui se sont exprimées
aujourd'hui : certains orateurs se sont montrés très soucieux de la cohésion
européenne en matière de défense, d'autres pas du tout. Il me semble donc que,
sur un sujet comme celui-ci, l'opposition républicaine est largement aussi
plurielle que la majorité !
En ce qui concerne la politique du Gouvernement, nous estimons être entrés,
depuis le sommet de Saint-Malo de l'année dernière et, pour l'ensemble de
l'Union européenne, depuis le sommet de Cologne du mois de juin, dans une phase
fondamentalement nouvelle de l'édification de l'Europe de la défense et de la
sécurité qui avait été permise par certaines clauses - pourtant critiquées à
l'époque - du traité d'Amsterdam.
Concrètement, afin de renforcer l'influence de la politique étrangère et de
sécurité commune sur la scène internationale, nous engageons l'Union européenne
à se doter d'une capacité d'action autonome, soutenue par des forces militaires
crédibles.
Je ne reviendrai pas sur la succession de rencontres internationales de ce
dernier mois, qui s'achèvera dès demain avec le sommet des chefs d'Etat et de
gouvernement d'Helsinki. Mais j'appelle l'attention du Sénat sur l'élément tout
à fait considérable que constitue le rapport de la présidence finlandaise qui
sera présenté à cette occasion. Ce rapport montre en effet que l'élan imprimé
par le conseil européen de Cologne porte ses fruits et que l'Union européenne
va se doter d'outils de décision politiques et militaires, ainsi que des
capacités correspondantes, en vue de pouvoir mener, si nécessaire, des actions
autonomes pour le maintien de la paix en Europe.
Certes - plusieurs orateurs m'ont, de façon judicieuse, interrogé sur ce point
- des nuances subsistent entre certains des partenaires européens. Le débat
sera donc riche à cet égard après-demain à Helsinki. Mais le document qui a été
préparé et approuvé lors de la dernière réunion des ministres des affaires
étrangères avant-hier, ainsi que les prises de position très convergentes de
beaucoup de gouvernements européens qui étaient jusqu'à présent partagés, nous
montrent que l'élan imprimé il y un an par l'initiative franco-britannique est
déjà significatif et que, très vraisemblablement - j'en apporte en tout cas
l'augure au Sénat ce soir - la réunion d'Helsinki préparera pour l'année 2000
tout un mandat de travail dont la présidence portugaise puis la présidence
française auront ensuite à réaliser les étapes.
Il est clair - M. le Premier ministre l'a dit, et j'avais personnellement
souhaité que cela soit exprimé officiellement - que cette dimension européenne
et ses répercussions en termes de capacités militaires aussi interopérables et
modulables que possible au sein de forces multinationales seront prises en
compte dans la future loi de programmation, que j'ai l'intention de préparer en
dialogue avec mes collègues des principales nations européennes.
Avant d'évoquer le projet de loi de finances pour 2000, je souhaiterais
revenir brièvement - vous me pardonnerez d'être sommaire puisque notre temps
est compté - sur l'exécution du budget de 1999, qui a subi, bien sûr,
l'influence des engagements internationaux que je viens de rappeler.
A cet effet, des apports complémentaires en titre III ont été nécessaires : 4
milliards de francs ont été dégagés cet été grâce à un décret d'avances et 800
millions de francs vont être ouverts dans la loi de finances rectificative qui
est en discussion aujourd'hui même à l'Assemblée nationale, afin de poursuivre
l'apurement de la situation financière du ministère. Nous achèverons ainsi
cette année 1999 avec les reports de dépenses sur l'année suivante les plus
faibles de la décennie.
Ces apports ont, certes, été gagés par le titre V en crédits de paiement - j'y
reviendrai - mais pas en autorisations de programme, cela aussi pour la
deuxième fois seulement de la décennie.
La capacité d'engagement et de réalisation des programmes des budgets de la
défense dans le cadre de la présente loi de programmation n'est pas entamée. Au
demeurant, ma tâche serait plus facile s'il en avait été ainsi au cours des
lois de programmation précédentes !
Les mesures prises en cours d'année ont été décidées avec le souci de ne pas
perturber la gestion en cours et, surtout, de ne pas obérer notre capacité à
engager les programmes et opérations nécessaires.
J'ajoute, sans entrer dans le détail de dispositions qui sont assez techniques
- mais les sénateurs qui examinent de près la gestion financière des 190
milliards de francs de mon ministère le savent - que les services du ministère,
mon équipe et moi-même apportons un soin tout particulier à rendre beaucoup
plus lisibles nos outils de gestion, à en faire un moyen de dialogue avec le
Parlement mais aussi de comparaison avec nos partenaires européens.
Nous essayons aussi d'améliorer nos procédures financières, comme cela a été à
nouveau recommandé par plusieurs orateurs, de manière, en particulier, à
assurer un partenariat efficace avec l'industrie.
Une nouvelle fois, les reports de charges seront réduits et le montant des
intérêts moratoires atteindra un nouveau record minimal de la décennie, ce qui
n'a pas toujours été le cas antérieurement.
J'en viens au projet de loi de finances pour 2000, au travers duquel nous nous
attachons à poursuivre la réalisation de la loi de programmation, dans les
conditions redéfinies par la revue de programmes. Il vise donc à financer la
nouvelle défense professionnelle et la modernisation de ses équipements.
L'adaptation de notre système de défense concerne d'abord les hommes, et je
remercie les nombreux sénateurs qui, dans leurs interventions, positives ou
critiques, ont souligné l'engagement, le dévouement, le professionnalisme des
personnels militaires et civils de la défense qui, aujourd'hui, contribuent à
la réussite de cette transformation profonde, démontrent leur motivation comme
ils ont démontré, lorsqu'il a fallu les engager au combat, leur courage et leur
esprit de service.
Le chemin parcouru depuis trois ans nous permettra, grâce au budget proposé,
d'atteindre les objectifs de la programmation. L'évolution du nombre d'appelés
mais aussi d'officiers et de sous-officiers est conforme à la programmation.
Par ailleurs, les départs de cadres s'effectuent dans de bonnes conditions, sur
la base du volontariat, grâce aux moyens financiers qui ont été prévus.
Chacun a à l'esprit qu'une professionnalisation réussie ne doit pas
s'accompagner d'un vieillissement des effectifs et qu'il faut pouvoir - la
situation du marché du travail nous facilite d'ailleurs la tâche - inciter les
professionnels à partir en cours de carrière afin de maintenir une pyramide des
âges équilibrée.
La professionnalisation est également conditionnée par la montée en puissance
des effectifs de militaires du rang engagés et de volontaires. Les effectifs
d'engagés augmentent, au titre de cette loi de finances, de 8 500 postes. Nous
atteindrons ainsi, en conformité avec la loi de programmation, l'objectif de 76
340 militaires du rang engagés en 2000.
Comme l'ont souligné plusieurs intervenants, les recrutements se déroulent
dans de bonnes conditions. Les objectifs pour 1999 ont ainsi été atteints à 100
% dès le mois d'octobre dernier.
Pour ce qui est de la réalisation des effectifs de personnel civil, qui sont
essentiels afin de réaliser le recentrage de chaque catégorie de personnels de
défense sur ses métiers fondamentaux, je note avec intérêt que leur accueil
dans les unités se déroule dans d'excellentes conditions, alors que c'était
auparavant une vraie révolution. Chacun a le souci de comprendre l'autre et
d'aménager, dans le respect des missions et des droits des uns et des autres,
la collaboration.
Se pose cependant la question du nombre d'emplois non pas créés mais pourvus
en personnels civils. Nous nous sommes déjà expliqués sur ce point lors de
discussions précédentes : il est légitime de demander au ministère de la
défense, qui enregistre des sureffectifs de personnels civils dans un certain
nombre de spécialités et d'établissements, de s'efforcer de les reclasser, de
les reconvertir. Mais cela demande du temps ! C'est la cause principale, chacun
le comprend, de la proportion, légèrement inférieure à 10 %, des postes civils
aujourd'hui non encore pourvus.
Cette proportion va être réduite en 2000 grâce à l'intensification des
recrutements de fonctionnaires parmi les personnels civils. Ainsi, 4 300 postes
vont être mis au recrutement au cours des premières semaines de l'année 2000,
et l'effort en matière d'organisation des concours est maximal.
Il existe toutefois des facteurs de rigidité, dont certains correspondent à
des pesanteurs sociales, aux droits statutaires des personnels concernés, et,
pour organiser une mobilité qui impose à la fois des déplacements géographiques
et des changements de spécialité professionnelle, nous devons prendre des
mesures de transition.
C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de consacrer une partie des sommes
rendues disponibles par les emplois non pourvus à des postes de sous-traitance,
qui représentent au moins l'équivalent de mille emplois supplémentaires. Ces
postes permettront une adaptation plus rapide des recrutements locaux et
complèteront les mesures de dégel des recrutements que j'ai pu annoncer à
l'Assemblée nationale voilà quelques semaines représentent trois cents postes
pour la fin de cette année.
La situation au regard des postes non pourvus de personnels civils est donc en
voie d'amélioration. Je remercie d'ailleurs ceux d'entre vous qui ont souligné
cette difficulté, car ce n'est pas parce que nous sommes en train, globalement,
de réussir la professionnalisation qu'il ne faut pas examiner avec beaucoup de
soin et de rigueur les points qui sont encore difficiles.
J'ajoute, en ce qui concerne la préparation de nos forces, qu'un autre volet
est aujourd'hui finalisé au plan législatif : je veux parler du dispositif des
réserves, qui a été adopté par les deux chambres du Parlement au cours des
dernières semaines et qui est entré dans sa phase de mise en oeuvre,
bénéficiant à cet effet de nouveaux crédits complémentaires. La dotation totale
de fonctionnement des réserves s'établira ainsi à 350 millions de francs pour
l'année 2000.
En matière de fonctionnement, à la suite de la « revue du titre III » qui a
été conduite au sein du ministère au cours des premiers mois de cette année,
des marges de manoeuvre ont été dégagées : elles permettent d'abonder les
dotations d'alimentation et de fonctionnement courant.
Le projet de loi de finances pour 2000 prévoit ainsi une forte augmentation
des crédits de fonctionnement de l'armée de l'air et de la marine : 21,4 % pour
la marine, 14,8 % pour l'armée de l'air.
L'armée de terre, dont les effectifs sont en baisse compte tenu du processus
de professionnalisation et des restructurations d'unités, voit malgré tout sa
dotation de fonctionnement stabilisée, ce qui, compte tenu de ses nouveaux
effectifs, lui permettra d'élever son taux d'activité dès l'année 2000 de
soixante-dix jours à soixante-treize jours.
En ce qui concerne les temps d'activité ou d'entraînement au sein de l'armée
de l'air - sujet évoqué par plusieurs d'entre vous - je voudrais rappeler que
le bilan est le suivant : les heures d'activité prévues étaient de 315 000 en
1998, dont 308 000, c'est-à-dire 98 %, ont été réalisées. En 1999, le nombre
d'heures prévues était également de 315 000, et il sera réalisé. En 2000, les
crédits prévus permettront de passer le nombre d'heures à 317 000. Il n'y a
donc pas d'altération de la capacité d'entraînement de l'armée de l'air. Et,
puisque des comparaisons internationales ont été esquissées par certains
d'entre vous, je rappelle que la norme d'entraînement des pilotes pour les
avions de combat français est de 180 heures annuelles par pilote - ce
contingent d'heures est réalisé - tandis que cette même norme est de 190 heures
aux Etats-Unis, soit un niveau extrêmement comparable, et de 146 heures en
Allemagne fédérale.
J'en viens aux équipements.
Le budget pour 2000 garantit la modernisation des équipements de nos forces
tout en tenant compte des enseignements de la gestion des années
antérieures.
Ainsi, la dotation en autorisations de programme - 87,5 milliards de francs -
sera, en 2000, supérieure à ce qu'elle a été en 1998 et en 1999. Cela nous
permet de poursuivre l'effort accompli depuis plus de deux ans pour moderniser
notre politique d'acquisition et, en particulier, pour mettre en oeuvre les
commandes globales pluriannuelles qui étaient souhaitées depuis bien des années
sur toutes les travées de cette assemblée et qui sont maintenant une
réalité.
Vous avez pu me faire la remarque que cette politique de commandes
pluriannuelles, entamée dans les derniers mois de 1997, avait démarré avec une
certaine modestie. A ce jour, depuis la fin 1997, en 1998 et en 1999, nous
avons engagé au total plus de 45 milliards de francs à cette fin. De plus, nous
allons engager de l'ordre de 15 milliards de francs supplémentaires au cours de
l'année 2000, dont 7 milliards de francs pour le programme de missiles M 51.
Par conséquent, en trois ans et demi, 60 milliards de francs auront été
engagés sur des commandes pluriannuelles. C'est une ponction importante sur nos
disponibilités en autorisations de programme, puisque nous avons anticipé -
cela a été le cas avec le marché du
Tigre,
dont plusieurs intervenants
ont bien voulu saluer la signature au cours de l'année 1999 - sur des crédits
de paiement qui vont parfois s'étaler sur sept, huit ou dix ans. Quoi qu'il en
soit, cet effort budgétaire important a été accompli.
La dotation en crédits de paiement a été calculée en fonction des engagements
qui ont pu être réalisés au cours des années précédentes, car il ne suffit pas
d'inscrire des autorisations de programme dans le document budgétaire le jour
où celui-ci est soumis à l'approbation du Parlement, encore faut-il être
capable de conclure des engagements avec l'industrie sur la base de programmes
véritablement aboutis et permettant d'en faire démarrer l'application.
A cet égard, que s'est-il passé ? Les exercices 1995 et surtout 1996, où moins
de 70 milliards de francs ont pu être engagés, nous ont handicapés dans la
réalisation de programmes que nous avons dû engager plus tard parce qu'ils ne
l'étaient pas.
En revanche, au cours des deux années 1997 et 1998, près de 90 milliards de
francs ont été engagés et ce niveau sera dépassé au cours de l'exercice 1999.
Les autorisations de programme disponibles depuis tant d'années parce que du
retard avait été pris sont donc aujourd'hui mieux consommées. Chacune de ces
trois dernières années, le Gouvernement aura ainsi réellement engagé, pour des
programmes débouchant sur des réalisations d'équipements militaires, des sommes
plus importantes que celles dont il disposait en autorisations des programme
pour l'année considérée.
Vous pouvez être assurés que cet effort de rattrapage qui a, là encore, dû
être fait parce qu'il était à faire, aboutira au cours des années qui viennent
à une remontée de niveau des crédits de paiement consommés. Il n'aurait pas été
de bonne gestion financière d'inscrire dans la loi de finances pour 2000 des
crédits de paiement correspondant à un montant supérieur à ce que nous savons
pouvoir consommer.
Malgré les propos sympathiques qui ont été tenus par certains, mais qui
tendaient à me ramener au statut de chèvre de M. Séguin, condamnée à être
dévorée par le loup de Bercy au petit matin
(Sourires),
j'assume
pleinement le niveau des crédits de paiement pour l'année 2000, qui me semble
correspondre à un choix judicieux en matière de gestion financière et qui sera
complété, chacun le sait ici, par des reports de crédits qui seront encore
relativement importants à l'issue de l'exécution de 1999.
Je me réjouis d'avance des bilans que nous pourrons tirer, lors de la
discussion du projet de loi de finances pour 2001, des résultats pratiques qui
seront issus de ce choix d'inscriptions budgétaires.
Je ferai maintenant quelques constats sur les principaux grands programmes.
Dans le domaine de la dissuasion, les dotations prévues permettent la
poursuite des grands programmes tels qu'ils ont été définis par la loi
elle-même et après la revue de programmes de 1998. Sont ainsi prévues en 2000
la commande du quatrième sous-marin nucléaire de nouvelle génération, la
poursuite des travaux, avec un engagement majeur, sur les programmes de
missiles M 51 et ASMP-A, dont les mises en service restent prévues aux dates
programmées. Nos engagements en matière de dissuasion sont donc pleinement
respectés.
Dans le domaine spatial, avec la même volonté, nous mettons l'accent sur
l'étude des nouvelles technologies. A cet égard, la diminution en 2000 des
crédits de paiement consacrés aux programmes spatiaux résulte de deux faits
déjà connus de tous.
D'une part, les dépenses de maintien en condition opérationnelle du deuxième
satellite de la série Hélios I ne sont plus nécessaires, puisque, comme vous
avez pu vous en réjouir avec moi, nous avons salué vendredi dernier la réussite
de son lancement. Par définition, il n'est donc plus besoin d'un centime pour
assurer son maintien en position de disponibilité au cours de l'année 2000.
D'autre part, nous avons dû tirer les conséquences de la renonciation, que
j'espère temporaire, de nos amis allemands à une coopération sur le programme
de satellite radar, ainsi que de la renonciation, indéniablement définitive, de
nos amis britanniques à un programme commun en matière de télécommunications
spatiales.
Il reste qu'un travail est en cours pour compenser ces deux lacunes, qui ne
sont pas de notre fait.
Comme Bertrand Delanoë l'a fort justement remarqué tout à l'heure, nous
venons, lors du sommet franco-allemand, de signer un accord de coopération sur
la reprise du programme Syracuse III de télécommunications par satellite. C'est
une avancée importante et nos amis allemands prennent leurs responsabilités sur
ce choix financier majeur, qui se répercutera sur les lois de finances à
venir.
En ce qui concerne les matériels d'observation radar des perspectives restent
ouvertes avec certains partenaires européens. Je ne souhaite pas vous en dire
plus car nous en sommes encore aux phases exploratoires. Mais, indéniablement,
au terme de contacts entre les services et entre les gouvernements concernés,
les réflexions induites par la crise du Kosovo et par les insuffisances
reconnues entre Européens en matière de capacité autonome d'observation ont
amené plusieurs gouvernements européens à envisager une approche différente,
d'autant que la nouvelle technologie des petits satellites laisse entrevoir la
possibilité de développer un matériel d'observation radar à un coût nettement
inférieur à celui qui était envisagé dans le programme Horus.
J'en viens aux matériels classiques.
Avec la dissuasion et l'espace, les matériels classiques constituent le
troisième axe de modernisation de l'équipement de nos forces. L'acquisition de
ces matériels se poursuit conformément à la loi de programmation militaire en
vigueur.
En ce qui concerne l'armée de terre, les autorisations de programme, comme a
bien voulu le souligner M. Husson tout à l'heure, seront consacrées à la
commande de 44 chars Leclerc, mais également à la modernisation des réseaux de
transmissions et à l'achat de munitions qui permettront de rétablir nos
stocks.
En outre, les programmes de valorisation des systèmes sol-air Roland de
l'armée de terre et des véhicules AMX 10 RC débuteront également au cours de
cette année.
S'agissant de l'armée de l'air, le budget 2000, contrairement à une analyse
que je continue à ne pas comprendre et qui a été encore reprise dans cet
hémicycle cet après-midi, prévoit la livraison de seize avions de combat neufs
au cours de l'année 2000 - c'est une réalité, monsieur Blin ! - dont douze
Mirage 2000 D et les trois derniers Mirage 2000-5, en plus d'un Rafale.
Je suis un peu surpris, ayant entendu plusieurs intervenants évoquer l'absence
de commandes au cours des huit dernières années, qu'ait échappé à leur
attention la signature cette année de la commande de 48 Rafale ! Mais vous
a-t-elle vraiment échappé ?... Cette commande est financée par un montant
respectable d'autorisations de programme sur l'année 1999 ; elles font partie
des 45 milliards d'autorisations de programme que nous avons consommées.
J'ajoute qu'il était entendu, dès la signature du contrat, que la deuxième
tranche de cette livraison de 48 appareils serait à financer sur l'année 2001.
Il n'est donc pas exact de dire que cette tranche a été retardée : elle viendra
exactement à l'heure prévue aux termes du contrat signé avec la société
Dassault, c'est-à-dire au début de l'année 2001. N'ayez donc aucun souci : il y
a bien cohérence entre la place, d'ailleurs déjà tout à fait appréciable, qui a
été celle de notre armée de l'air, avec son équipement actuel, dans le conflit
du Kosovo et les perspectives d'équipement qui sont les siennes.
Je voudrais d'ailleurs souligner qu'aussi bien en ce qui concerne - M. Husson
l'a dit tout à l'heure - les chars Leclerc qui sont aujourd'hui en opération au
Kosovo qu'en ce qui concerne nos matériels aériens pendant la phase des frappes
aériennes, les conditions de maintenance et les niveaux de disponibilité de nos
matériels ont retenu l'intérêt de nos partenaires européens : ils sont très
nettement supérieurs à la moyenne des leurs.
S'agissant de la marine, l'année 2000 - plusieurs intervenants l'ont dit -
verra l'admission au service actif du porte-avion
Charles-de-Gaulle
et
le lancement de la réalisation de la première frégate
Horizon.
A cet égard, permettez-moi de souligner que ce n'est pas tant en fonction d'un
choix gouvernemental de nos partenaires britanniques que la frégate
Horizon
est une coopération seulement bilatérale avec l'Italie et non
pas une coopération trilatérale France-Grande-Bretagne-Italie. La preuve en est
que notre partenaire britannique a décidé de s'engager dans une coopération
trilatérale sur le système d'arme des frégates
Horizon
, qui représente,
à lui seul, 35 % de la valeur des bâtiments.
En revanche, il est vrai - je reviendrai sur ce point dans un instant - que la
réorganisation industrielle a abouti en Grande-Bretagne à une firme très
intégrée dans la compétition mondiale : BAe, aujourd'hui BAe System. Cette
dernière a posé des conditions à la coopération industrielle avec les firmes
françaises et italiennes qui n'ont pas paru réalistes aux autres partenaires
européens. C'est donc en fonction d'un choix d'entreprise et non pas d'un choix
politique que cette coopération a été ramenée à une coopération partielle à
trois et globale à deux partenaires seulement.
Je vous apporterai maintenant quelques précisions sur l'équipement de la
gendarmerie nationale et je ferai quelques commentaires sur le fonctionnement
de cette arme au cours de l'année 1999 et pour l'année 2000.
Les moyens d'équipement de la gendarmerie nationale permettent, comme c'était
prévu, la mise en place totale du réseau de transmission RUBIS entièrement
modernisé au cours de l'année 2000, ainsi que le développement de l'équipement,
notamment en matière bureautique, des unités périurbaines qui sont en cours de
développement, conformément aux décision du conseil de sécurité intérieure.
La politique de redéploiement, comme l'ont souligné MM. Masson et Rouvière, a
été « réinfléchie », « réanalysée » compte tenu des observations et des
objections qui ont été faites par les élus locaux. Cette politique nous a
permis d'aligner, en 1999, 700 militaires supplémentaires dans les zones
prioritaires. Cela s'est traduit par le renforcement de plusieurs dizaines de
postes, représentant souvent 10 % des effectifs du groupement dans les
départements les plus chargés.
Cette politique pourra être poursuivie. Elle nous épargne le risque de devoir
aligner, dans les zones les plus chargées ou les plus soumises à la pression,
les jeunes les plus récemment recrutés. Nous pouvons les affecter dans les
brigades les moins chargées et ainsi nommer des sous-officiers expérimentés
dans les zones les plus difficiles.
Monsieur Masson, l'expérience de fidélisation est encadrée par un protocole
conclu entre les deux institutions, police nationale et gendarmerie nationale,
sous la signature de M. Jean-Pierre Chevènement et de la mienne.
Les missions imparties aux unités mobiles stabilisées auprès des
circonscriptions de sécurité publique pendant une période de six mois sont
définies par les textes. Elles sont maintenant formalisées dans un décret.
Les conditions de commandement ne rompent pas la cohérence du commandement par
la gendarmerie nationale. Le mécanisme de coordination est en voie d'être testé
puisque les unités « fidélisées » sont sur le terrain depuis à peu près deux
mois. Il est convenu avec le ministère de l'intérieur de faire un bilan au
cours de l'année 2000.
Il s'agit là d'un effort supplémentaire, qui a permis de déployer, au service
des circonscriptions de sécurité publique où les besoins sont les plus forts,
plus de 1 500 personnels supplémentaires, et ce en quelques mois, du début à la
fin de l'année 1999. Cet effort sera poursuivi.
La fidélisation réduit-elle à l'excès la disponibillité des forces mobiles
?
D'une part - et le choix heureux du terme « fidélisation » appartient à M.
Jean-Pierre Chevènement - il s'agit non pas d'une sortie des forces mobiles
mais d'une affectation temporaire de six mois. Pendant les six autres mois de
l'année, ces unités continuent à s'entraîner et à intervenir en tant que forces
mobiles.
D'autre part, le constat objectif de l'emploi de ces forces ces dernières
années montre que - heureusement, au fond, pour le signe de santé que cela
représente pour notre société - les besoins en emplois pour le maintien de
l'ordre s'étaient tout de même allégés. Nous pouvions donc faire, pour une
fraction d'ailleurs limitée de l'effectif des forces mobiles, ce choix de
nouvelle affectation qui, j'y insiste, n'est pas irréversible.
Je voudrais enfin aborder brièvement un dernier aspect de ce projet de loi de
finances dont plusieurs orateurs ont relevé l'importance au cours de cette
année 1999, c'est celui des transformations de notre outil économique et
industriel, lequel est l'une des bases indispensables de notre système de
défense.
Dans le contexte très mobile où les chefs d'Etat et de gouvernement de la
Grande-Bretagne, de la France et de l'Allemagne s'étaient exprimés en décembre
1997 pour souhaiter des regroupements européens, nous avons, au cours de cette
année 1999, obtenu des accomplissements importants. Le groupe EADS, issu du
regroupement d'Aérospatiale-Matra et de DASA, récemment rejoints par l'Espagnol
CASA, constitue maintenant un des éléments majeurs du paysage industriel
mondial en matière d'aéronautique et de défense.
Nous avons également achevé la constitution d'un pôle électronique
professionnel et de défense, possédant lui aussi un potentiel de rayonnement
mondial, avec Thomson-CSF, ayant, aux côtés de l'Etat, le groupe Alcatel comme
premier actionnaire privé ; ce pôle permet de réaliser une synergie de plus de
27 milliards de francs annuels d'investissement, de recherche et
d'innovation.
J'ajoute que, de son côté, l'ensemble industriel britannique qui a été
constitué avec BAe System complète la structuration nouvelle du paysage
industriel européen.
Bien entendu, force est de constater qu'il existe aujourd'hui une forme de «
duopôle » dans l'industrie de défense européenne. Je pense que la taille et le
niveau technologique de nos industries justifient pleinement la présence de ces
deux grands groupes, qui sont en situation de collaborer.
J'attire votre attention sur le fait que, compte tenu des engagements dans des
groupements déjà constitués que sont Airbus ou encore Matra-BAe Dynamics, en
réalité, sur le chiffre d'affaires d'EADS, plus des deux tiers du chiffre
d'affaires d'EADS sont réalisés en collaboration avec BAe System.
De manière pragmatique, en préservant un certain potentiel de compétition qui
est naturellement utile pour stimuler l'innovation sur le territoire européen,
nous avons eu, en deux ans, une recomposition du paysage industriel de défense
sur lequel, je crois, bien peu auraient fait des paris voilà un an ou un an et
demi.
Nous devons continuer à travailler pour les industries d'armement nationales,
dont M. Lefebvre a rappelé l'importance.
Pour ce qui concerne la DCN, les réflexions menées ont permis au Gouvernement
de l'engager sur la voie de la modernisation, avec sa transformation en service
à compétence nationale. En effet, les mesures prises dans le cadre du plan
d'entreprise vont permettre à la DCN de répondre durablement aux besoins de la
marine nationale dans des conditions satisfaisantes de prix, de délai, de
performances et de qualité, grâce, en particulier, à la rénovation en
profondeur de son système de gestion. Ainsi, la DCN se place désormais dans une
logique d'opérateur industriel, qui, j'en suis convaincu, lui permettra de
nouer des partenariats porteurs d'avenir.
De même, GIAT Industries poursuit sa restructuration dans le cadre du plan
stratégique, économique et social, qui s'opére de façon satisfaisante.
La réponse à l'appel d'offres sur le véhicule de combat d'infanterie est en
cours de dépouillement, avec la diligence nécessaire. Le choix de ce matériel
devrait intervenir dans quelques semaines, et l'industrie française de
l'armement terrestre aura, bien entendu, une part majeure dans ce programme.
Pour soutenir les efforts du GIAT CAESAR à l'export sur ce programme
prometteur qu'est le canon automoteur, la décision de commander de cinq à dix
de ces équipements en faveur de l'armée de terre a été prise.
Le Sénat s'intéresse de très près aux impacts territoriaux de toutes ces
transformations. L'accompagnement de ces restructurations reste une priorité
pour le ministère ; j'en veux pour preuve l'augmentation des crédits consacrés
au fonds pour les restructurations de la défense, qui finance les mesures de
reconversion.
Il va de soi que le contexte économique que nous connaissons aujourd'hui et
auquel bon nombre d'orateurs de l'opposition ont peut-être naïvement rendu
hommage en soulignant à de multiples reprises le taux de croissance de notre
pays cette année et celui qui est prévu pour l'année prochaine - ce dont nous
ne pouvons que nous réjouir - ce contexte facilite naturellement les
reconversions auxquelles nous devons encore procéder et limite les impacts
douloureux dans les bassins d'emploi les plus concernés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'avais indiqué, l'an dernier dans cette
enceinte, qu'il était de notre devoir de rénover en profondeur l'outil de
défense de notre pays afin de l'adapter aux exigences des temps futurs, qui ne
seront pas nécessairement aussi calmes que nous le souhaiterions. Nous devons
poursuivre aujourd'hui notre effort. Tel est l'objectif du budget qui vous est
présenté. Le mouvement de rénovation est inscrit dans la durée.
Nous voulons donner à cet outil de défense, qui sera appelé, demain, à jouer
un rôle essentiel au coeur de l'Europe de la défense, des fondements solides et
durables.
Je sais que certains groupes, compte tenu de leur orientation politique, que
je respecte, souhaitent voter contre ce budget. J'ai cru percevoir dans les
motivations qu'ils ont affichées un effet de ricochet, puisqu'ils mettaient en
avant le contraste entre les bons résultats économiques de notre pays, dont
nous pouvons tous nous réjouir, je le répète et qui sont quelque peu dus à la
politique économique menée par ce gouvernement depuis deux ans - en tout cas,
si c'était le contraire, tout le monde serait d'accord pour établir un lien de
causalité - et les priorités politiques retenues par le Gouvernement en faveur
de la solidarité sociale.
Permettez-moi de penser que ces deux orientations ne sont pas sans rapport et
qu'une bonne politique de solidarité sociale nourrit et consolide la
croissance. Beaucoup d'économistes sont arrivés à cette conclusion, notamment
après l'observation des orientations de politique économique qui avaient marqué
la législature précédente en France.
Je constate en tout cas que ceux qui ont l'intention de voter contre comme
ceux qui ont l'intention de voter pour partagent des préoccupations légitimes
de priorité nationale et la volonté de faire jouer à notre pays le rôle qui
doit être le sien en Europe et dans le monde.
Quelle que soit l'issue de ce scrutin, naturellement influencé par des
considérations de politique générale qui sont parfaitement respectables, je
suis convaincu que le Gouvernement et le Sénat continueront à développer un
dialogue constructif et positif en faveur de la modernisation de notre outil de
défense et de l'accomplissement de nos intérêts stratégiques, ce dont je veux,
mesdames, messieurs les sénateurs, vous remercier.
(Applaudissements sur les
travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union centriste.)
(M. Jean Faure remplace M. Paul Girod au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
de la défense et figurant aux articles 40 et 41.
Article 40
M. le président.
« Art. 40. - I. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 2000, au titre
des mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires, des
autorisations de programme s'élevant à la somme de 1 108 692 000 francs,
applicables au titre III "Moyens des armes et services".
« II. - Pour 2000, les crédits de mesures nouvelles de dépenses ordinaires des
services militaires applicables au titre III "Moyens des armes et services"
s'élèvent au total à la somme de 714 621 745 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Pierre Lefebvre.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient sur l'ensemble des
crédits.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 40.
(L'article 40 n'est pas adopté.)
Article 41
M. le président.
« Art. 41. - I. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 2000, au titre
des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des
autorisations de programme ainsi réparties :
« Titre V : "Equipement" : 84 211 100 000 francs.
« Titre VI : "Subventions d'investissement accordées par l'Etat" : 3 254 370
francs.
« Total : 87 465 470 000 francs.
« II. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 2000, au titre des
mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des
crédits de paiement ainsi répartis :
« Titre V : "Equipement" : 18 705 140 000 francs.
« Titre VI : "Subventions d'investissement accordées par l'Etat" : 2 573 914
francs.
« Total : 21 279 054 000 francs. »
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
A l'Assemblée nationale, par le biais d'un
amendement du Gouvernement, nous avons essayé de régler un problème catégoriel
qui, je le sais, préoccupe beaucoup de parlementaires sur le plan social :
celui de la retraite des anciens sous-officiers passés sous-lieutenants, qui se
trouvaient nettement défavorisés par rapport aux anciens sous-officiers qui
avaient poursuivis complètement leur carrière, notamment après le
rétablissement du grade de major.
L'article introduit par cet amendement a été, de notre point de vue, inscrit
par erreur aux crédits des anciens combattants. Le Sénat le retrouvera donc à
l'occasion de l'examen des dispositions du projet de loi de finances relative
aux anciens combattants. Mais il va de soi que c'est bien un acquis du budget
de la défense et que cette erreur sera rectifiée.
M. le président.
Monsieur le ministre, nous en prenons acte.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 41.
(L'article 41 n'est pas adopté.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la défense.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures
vingt.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour
2000, adopté par l'Assemblée nationale.
Jeunesse et sports
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la jeunesse et les sports.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Sergent,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
ministre, mes chers collègues, les crédits budgétaires de la jeunesse et des
sports dans le projet de loi de finances pour 2000 s'élèvent à 3 154 millions
de francs, en hausse de 3,5 %, mais augmentent de près de 5 % à structure
constante, puisque des transferts de crédits importants sont effectués, en
particulier vers le fonds d'intervention pour la ville.
Je rappelle que les moyens globaux attribués à la jeunesse et aux sports
comprennent également deux comptes spéciaux du Trésor : le fonds national pour
le développement du sport, FNDS, et le fonds national pour le développement de
la vie associative, FNDVA.
Le FNDS voit ses crédits reconduits à 1 014 millions de francs malgré la
diminution du prélèvement sur le pari mutuel urbain, PMU, et la suppression de
l'excédent du produit de la taxe sur les débits de boisson, car ses recettes
étaient systématiquement supérieures aux prévisions des lois de finances au
cours des dernières années. Le FNDVA verra, quant à lui, ses crédits passer de
24 millions à 40 millions de francs.
Je ne reviendrai pas ici sur la nécessité de réformer les modalités de gestion
et de clarifier les missions de ces deux fonds, en particulier du FNDS, dont
l'existence reste menacée. Je connais, madame la ministre, votre volonté de
défendre le FNDS ainsi que votre ouverture d'esprit pour engager rapidement sa
réforme.
Avec ces comptes spéciaux, les moyens dont disposera le ministère de la
jeunesse et des sports s'élèveront donc à 4 218 millions de francs dans le
projet de loi de finances pour 2000. Cette somme ne tient cependant pas compte
de l'augmentation des crédits du FNDS liée au fonds « Fernand Sastre » qui est
doté des bénéfices du comité d'organisation de la Coupe du monde de football,
soit environ 300 millions de francs - et n'inclut pas les recettes du « fonds
de mutualisation », issu de l'instauration d'un prélèvement sur les droits de
retransmission télévisée des manifestations sportives proposé dans le cadre du
présent projet de loi de finances, mais que la majorité sénatoriale a supprimé
lors de l'examen des articles de la première partie.
En revanche, je ne comprends pas que l'amendement de cohérence visant à
supprimer l'article 44
bis
n'ait pas été voté par le Sénat lors de
l'examen des comptes spéciaux du Trésor. Je ne pourrais l'expliquer que par
l'embarras de nombreux sénateurs qui ne souhaitent pas la diminution du FNDS,
tant il est vrai que la Haute Assemblée a toujours veillé, par le passé, à
l'abondement de ces crédits mis au service du monde sportif, notamment des
petits clubs.
Le projet de budget de la jeunesse et des sports est marqué par une
progression des dépenses de personnel largement inférieure à celle qui avait
été enregistrée en 1999 et par une diminution des crédits de fonctionnement.
Les crédits d'intervention augmentent de 120 millions de francs tandis que les
dépenses en capital diminuent du fait de la fin des opérations engagées lors
des contrats de plan.
On constate, dans le projet de budget pour 2000, une grande continuité par
rapport aux actions engagées précédemment.
Les actions de formation sont développées, avec une progression et une
déconcentration importante des crédits.
Le ministère de la jeunesse et des sports s'implique particulièrement dans la
formation et la professionnalisation des emplois-jeunes, avec une mesure
nouvelle de 4 millions de francs pour 2000. Il convient cependant de souligner
que la gestion des formations sportives doit être réformée afin de rendre le
système plus cohérent et conforme aux principes du service public.
Les moyens d'information de la jeunesse sont également renforcés, avec la mise
en place de 500 points « cyber-jeunes » offrant aux jeunes un accès gratuit à
Internet afin de les aider dans leurs recherches.
Les crédits des contrats éducatifs locaux, les CEL, qui permettent aux enfants
et aux jeunes de bénéficier des loisirs éducatifs, sportifs et culturels,
augmentent de 11,5 % par rapport à l'année 1999, pour financer de nouveaux
contrats, car les demandes de moyens financiers supplémentaires sont
importantes. Ces nouveaux contrats permettent une rationalisation de la
contractualisation mise en place par le ministère, en harmonisant l'ensemble
des dispositifs antérieurs.
Le développement de l'accès au sport pour tous et le soutien de la vie
associative constituent des axes fort de votre politique, madame la ministre.
Le « coupon sport » permet aux jeunes défavorisés de participer aux activités
sportives dans les clubs et connaît un succès remarquable.
Des mesures nouvelles concernent le développement du sport dans les
entreprises et la féminisation des pratiques et des structures sportives.
En matière de sport de haut niveau, votre projet de budget comporte des
mesures nouvelles importantes destinées à accroître les moyens de la lutte
contre le dopage, en application de la loi du 23 mars 1999. L'ensemble de ces
mesures vise notamment à mettre en place le suivi biologique longitudinal des
sportifs.
Des antennes médicales régionales agréées par les ministères de la santé et de
la jeunesse et des sports seront créées, et le laboratoire national de
dépistage du dopage bénéficiera d'une importante subvention supplémentaire pour
mettre en oeuvre ce suivi biologique longitudinal.
Je me félicite que l'Etat prenne les moyens de mener une politique ambitieuse
de lutte contre le dopage, pour laquelle la France joue un rôle déterminant et
exemplaire auprès des autres pays, et notamment auprès de ses partenaires de
l'Union européenne.
L'impulsion forte donnée par notre pays, par vous-même, madame la ministre, a
ainsi permis la création d'une agence internationale de lutte contre le dopage,
outil indispensable pour coordonner l'action des différents pays.
En ce qui concerne le Stade de France, c'est, je crois, le point le plus noir
de ce budget, l'Etat continue à assumer le coût budgétaire provenant de
l'absence de club résident. Les dépenses s'élèvent à 112 millions de francs
pour l'année 2000, car l'Etat est contraint de payer aujourd'hui pour les
sommes dont il avait retardé le paiement les années passées.
Je considère qu'il devient urgent de trouver une solution afin que l'Etat
n'ait plus à prendre en charge le coût de fonctionnement de l'ouvrage pour les
années à venir. L'utilisation des montants des indemnités pour favoriser
l'installation d'un club résident serait préférable à la situation actuelle,
car elle permettrait une meilleure utilisation des finances publiques et de
l'équipement construit.
Des discussions doivent avoir lieu cette année, elles pourraient aboutir à un
aménagement de la convention, ce que je souhaite vivement, car il me semble
difficilement acceptable que le consortium Stade de France puisse faire des
bénéfices - de 20 millions de francs cette année - grâce à l'argent des
contribuables.
Enfin, le ministère de la jeunesse et des sports donne à notre pays les moyens
de participer aux jeux Olympiques, en finançant la préparation des sportifs de
haut niveau pour les jeux de Sydney et en subventionnant la campagne en faveur
de l'organisation des jeux olympiques à Paris en 2008.
Je considère que le projet de budget de la jeunesse et des sports pour 2000
est satisfaisant puisqu'il permet de poursuivre et d'accroître les actions
précédemment engagées en faveur de l'accès au sport, de renforcer les actions
de l'emploi et de la formation, et d'augmenter de manière significative les
crédits en faveur de la lutte contre le dopage.
Je me félicite également de la faible progression des dépenses de
fonctionnement au profit des dépenses d'intervention en faveur de la jeunesse,
de la vie associative et du sport, qui augmentent fortement.
Pour terminer, je voudrais vous encourager, madame la ministre dans votre
volonté de réforme, qui, je le souligne, s'effectue dans une concertation très
étroite avec l'ensemble du mouvement sportif et avec le Parlement.
Au bénéfice de ces observations, la commission des finances a donné un avis
favorable aux crédits du budget de la jeunesse et des sports pour 2000, que je
vous invite à adopter, mes chers collègues.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. James Bordas,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Je ne
dispose, madame la ministre, que de cinq petites minutes pour m'exprimer devant
vous, au nom de la commission des affaires culturelles, sur le projet de budget
de votre ministère pour l'an 2000. C'est une compétition qui ne figure pas dans
la très longue liste des disciplines sportives qui sont l'objet de votre
attention, pas plus du reste que dans la plaquette, particulièrement réussie,
réalisée pour présenter vos projets.
(Sourires.)
Mme Hélène Luc.
C'est vrai ! Elle est très belle !
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Merci.
M. James Bordas,
rapporteur pour avis.
Comme ces jeunes qui en font la couverture, je me
permettrai, à mon tour, de pousser l'obstacle qui symbolise le passage à cette
année olympique en vous faisant part de mes réflexions sur votre projet de
budget pour 2000 : il est en progression de 3,5 % par rapport à 1999, ce qui
porte à 3 154 millions de francs les moyens dont vous allez disposer pour mener
à bien vos actions.
Bien entendu, il convient d'ajouter à cette somme les crédits figurant sur
deux comptes d'affectation spéciale : le Fonds national de développement du
sport et le Fonds national de développement de la vie associative.
Les ressources du FNDS pour 2000 sont estimées à 1 014 millions de francs, ce
qui correspond à la réduction des ressources de 1999. Le prochain collectif
budgétaire doit cependant y ajouter les 300 millions de francs de bénéfices
tirés de l'organisation de la Coupe du monde de football. Quant aux crédits du
FNDVA, ils enregistrent un quasi-doublement, passant de 24 millions à 40
millions de francs.
Au total, madame la ministre, les moyens dont disposera votre ministère
s'élèveront donc à 4 208 millions de francs, contre 4 085 millions en 1999,
soit une progression globale de 3 %.
Il me faut évoquer à ce propos les menaces récurrentes sur la structure
budgétaire du FNDS.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Vous avez raison !
M. James Bordas,
rapporteur pour avis.
En effet, le statut de compte d'affectation
spéciale, qui permet une gestion souple des fonds collectés, à laquelle le
mouvement sportif est associé, suscite de longue date les réticences du
ministère des finances. Sur ce point, l'orthodoxie budgétaire conduisant à
réintégrer les comptes d'affectation spéciale au sein du budget général de
l'Etat se conjugue opportunément aux tentations que suscite le montant des
fonds recueillis au profit du FNDS et que certains verraient sans réticence
améliorer le solde des comptes de l'Etat.
Une sérieuse menace a pesé en ce sens durant l'année 1999 ; une forte
mobilisation du milieu sportif, relayée par les élus intéressés par cette
question, a permis de la dissiper. Le
statu quo
prévaut donc dans le
projet de loi de finances pour 2000, mais les menaces subsistent, et nous
sommes nombreux à nous en inquiéter.
Quant aux moyens en personnel, ils restent stables au sein du ministère, avec
6 731 postes budgétaires.
En revanche, la lutte contre le dopage, renforcée par la loi du 23 mars 1999,
bénéficie de créations de postes : trois emplois administratifs supplémentaires
seront créés au Laboratoire national de dépistage du dopage, et la création
d'antennes médicales régionales sera appuyée par le recrutement, sur contrat,
de vingt-quatre médecins à temps plein.
A cet égard, il faut relever que les moyens budgétaires affectés à la lutte
contre le dopage sont passés de 21,5 millions de francs en 1998 à 39,7 millions
de francs en 1999, et que 89,3 millions de francs sont prévus pour 2000. Il
s'agit d'un effort considérable, qui place notre pays en tête de cette lutte au
niveau mondial.
Je remarque que cet effort de la France est bien relayée par l'Union
européenne, qui a rendu public, le 1er décembre dernier, un plan d'action
antidopage destiné à moraliser la pratique du sport dans l'ensemble des Etats
membres.
La mise en ordre législative du secteur sportif, secteur où règne parfois de
la loi de la jungle, se poursuit, notamment avec l'accord intervenu en
commission mixte paritaire mercredi dernier sur la proposition de loi portant
diverses mesures relatives à l'organisation d'activités physiques et
sportives.
La prochaine étape nous est annoncée pour le printemps, et j'aimerais, madame
la ministre, que vous nous donniez quelques indications sur ce futur texte et
le calendrier de son examen.
Je ne peux terminer mon intervention sans évoquer les réserves que j'avais
déjà formulées l'an passé sur le caractère réaliste de l'ensemble des actions
que vous nous annoncez : leur foisonnement est, certes, sympathique, mais
est-il compatible avec les moyens dont vous disposez ? Permettez-moi d'en
douter parfois.
En revanche, j'estime que les actions à mener sur le terrain, notamment dans
le cadre des contrats éducatifs locaux, sont insuffisantes. Mais cette
situation est largement due aux rigidités inhérentes à l'administration et aux
personnels du ministère de l'éducation nationale.
Sachez, madame la ministre, que, dans ce combat inégal, le soutien de tous les
élus locaux vous est acquis.
Ayant insisté sur plusieurs points d'interrogation dans mon rapport écrit, je
pense qu'il ne serait guère utile d'y revenir maintenant. Je souhaite seulement
que vous nous apportiez quelques précisions sur le calendrier prioritaire de
vos actions.
J'indiquerai, pour conclure, que la commission enfin que la commission des
affaires culturelles s'en est remise à la sagesse du Sénat sur les crédits de
la jeunesse et des sports pour 2000.
(Applaudissements.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 24 minutes ;
Groupe socialiste : 19 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 13 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 12 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 6 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe :
12 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre
actualité est en permanence guidée par la vie du sport, et nombreux sont nos
concitoyens qui y portent un intérêt croissant.
Le sport est devenu un moyen de se divertir, de s'épanouir ou de s'intégrer.
Personne ne peut nier qu'il est aujourd'hui un facteur essentiel d'équilibre
social, familial ou personnel.
Le budget que nous examinons nous est présenté comme prioritaire, affichant
une progression de 3,5 % par rapport à la loi de finances de 1999. Ce chiffre
masque, en vérité, une insuffisance des efforts en direction du sport.
Je ne remets pas en cause la nécessité des crédits accordés à la jeunesse.
Mais votre action, madame la ministre, se résume trop à la lutte contre le
dopage, que vous avez décidé de médiatiser au maximum. C'est un peu l'arbre qui
cache la forêt !
Car les sommes consacrées à la lutte antidopage, celles qui sont dévolues au
Stade de France, celles qui sont prévues pour les jeux Olympiques de Sydney et
celles qui sont destinées à favoriser la candidature de Paris pour les jeux de
2008 absorbent l'essentiel des crédits nouveaux pour le sport, dont mes
collègues maires connaissent toute l'importance à l'échelon local. A cet égard,
il est nécessaire de déployer des moyens bien plus importants.
Nous regrettons la faiblesse de ce budget pour la construction, la rénovation
et la mise aux normes des équipements sportifs. De nombreux stades dans les
banlieues sensibles ont été, cette année, le théâtre de graves violences. Il
est urgent de les réaménager afin d'assurer une plus grande sécurité. L'Etat ne
peut laisser les collectivités assumer seules ces dépenses indispensables.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Tout à fait !
M. Christian Demuynck.
Bien sûr, les petits clubs peuvent recourir à des emplois-jeunes pour des
tâches d'organisation ou d'encadrement. On se demande d'ailleurs toujours ce
que ces emplois-jeunes deviendront dans cinq ans. Il convient surtout de
signaler leur manque de formation.
En tout cas, ce ne sont pas ces jeunes qui vont régler les problèmes de
violence qui gangrènent le sport.
Il est vrai que vous avez annoncé des mesures pour y remédier comme la
création de postes d'officier de police de prévention, d'adjoint de sécurité ou
d'agent local de médiation sociale. Mais il est urgent d'aller plus loin et de
rechercher des solutions plus innovantes.
Pourquoi ne pas envisager de changer les règles des commissions de discipline
dans les sports collectifs ? Ces dernières, composées de bénévoles, hésitent
souvent à prendre des sanctions adaptées.
Pourquoi ne pas réfléchir à la mise en place d'une sorte de licence à points,
comparable au système du permis de conduire, applicable aux sportifs violents
?
Je dois ajouter qu'il n'est pas normal que, dans certaines disciplines, un
sportif radié pour des exactions graves arrive à obtenir une nouvelle licence
sans que soit exercé de contrôle sur son identité, et cela avec la complicité
des responsables des clubs sportifs.
Ce qu'attendent les associations sportives, ce sont des réformes de fond sur
leur mode de fonctionnement.
Dans le milieu du football, une équipe qui émet une réserve sur l'identité
d'un joueur durant un match doit payer environ 200 francs.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Eh oui !
M. Christian Demuynck.
Si elle veut un délégué de district, il lui en coûtera 300 francs. On ne peut
continuer avec de tels systèmes comptables.
Je sais bien, madame la ministre, que cela ne relève pas de votre compétence
directe, mais il faut intervenir fermement et rapidement. Le sport doit être,
pour nos jeunes, une école de vie, une école où les notions d'efforts, de
respect d'autrui et d'humilité sont essentielles ; pas une école de la
violence, pas une école de la triche, pas une école de l'insulte.
Cette réflexion m'amène également à rappeler la nécessité de créer un statut
pour les bénévoles, et en particulier pour les dirigeants. De la qualité de
leur intervention et de leur compétence dépend la réussite de la vie sportive
locale.
Par ailleurs, on ne saurait admettre que le sport ne puisse pas bénéficier des
mêmes moyens que ceux qui sont dévolus à la culture : celle-ci représente
pratiquement 1 % du budget de l'Etat, contre à peine 0,2 % pour la jeunesse et
le sport.
Permettez-moi de faire une autre comparaison : le taux de TVA appliqué au
sport est de 20,6 %, alors que l'on applique le taux réduit dans le domaine
culturel.
Ces différences montrent que le sport, qui s'affirme aujourd'hui comme une
valeur d'avenir mais qui, il faut bien le reconnaître, est en grand danger,
n'est pas traité prioritairement et que les véritables problèmes, comme celui
de l'insécurité dans les stades, ne sont pas abordés.
Le monde sportif aurait, comme moi-même, souhaité un budget plus ambitieux,
plus réaliste et mieux adapté à ses besoins.
(Applaudissements sur les
travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
En progression de 4 %, ce projet de budget de la jeunesse et des sports
concrétise une nouvelle fois la place que le Gouvernement et vous-même, madame
la ministre, souhaitez accorder à ces deux secteurs.
Le rééquilibrage du budget en faveur de la jeunesse est, à nos yeux, un atout
supplémentaire. La richesse des conseils permanents de la jeunesse atteste
l'intérêt des millions de jeunes de notre pays pour la démocratie et leur
volonté de s'investir dans de nouvelles formes de citoyenneté.
Si l'on ajoute à cela la place prise par notre pays dans les différentes
manifestations sportives de niveau international au cours de la période récente
- bien sûr, nous aurions aimé gagner la coupe dimanche dernier, mais... - il y
a tout lieu de penser que nous devons faire, pour le secteur dont vous avez la
charge, bien plus encore.
Ainsi, le développement de l'emploi à une plus grande échelle est
indispensable.
Tout en saluant l'effort réalisé avec la création de cinquante postes FONJEP -
Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire - alors que les
gouvernements précédents en supprimaient, je note que l'emploi public reste,
comme dans bien d'autres budgets, le maillon à consolider.
La vie associative est un élément indispensable en matière de politique
sportive, mais aussi de politique menée en direction de la jeunesse. Et je me
réjouis du succès des dernières rencontres de la jeunesse, potentiellement
pleines de promesses.
La progression des crédits consacrés au Fonds national de développement de la
vie associative, à hauteur de 16 millions de francs, est donc à souligner.
Madame la ministre, nous savons pouvoir compter sur vous, car vous êtes
consciente de l'enjeu, pour appuyer la mise en oeuvre d'un véritable statut du
bénévolat, sous une forme ou sous une autre, et peut-être pourrez-vous nous en
dire quelques mots. D'ailleurs, M. le Premier ministre, lors des assises de la
vie associative, en faisait une priorité.
Comment, à si peu de temps du sommet de Seattle, rester muet sur les attaques
du marché contre la vie associative ? Celle-ci est l'objet de menaces tant sur
le plan fiscal que sur le plan social. Les tenants du libéralisme savent qu'il
y a là quelques enjeux financiers pour le futur. Nous devons rester vigilants
dans la défense et la promotion de ce troisième secteur, le secteur associatif,
qui reste absolument vital pour le mouvement sportif, le mouvement de
l'éducation populaire ou, encore, la vie culturelle.
A cet égard, la notion d'exception sportive, que vous vous employez à
promouvoir, madame la ministre, mérite d'être largement admise en France, et il
faut la faire partager à nos partenaires en Europe et au-delà.
Parmi les progressions notables qu'enregistre le budget de votre ministère, il
convient également de signaler la hausse des crédits consacrés à la formation.
Cette augmentation devrait permettre d'améliorer et de démocratiser les
conditions d'accès au brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur.
A de multiples reprises, vous avez insisté sur votre volonté de faire de la
formation des emplois-jeunes l'une de vos priorités, et nous vous en
félicitons.
Grâce aux emplois-jeunes, des filles et des garçons ont retrouvé l'espoir et
la joie de vivre. Il faut donc aller jusqu'au bout.
Toujours à propos des actions prioritaires pour la jeunesse, nous
souhaiterions un effort plus grand pour la rénovation des structures de loisirs
et de vacances. L'effort demandé aux associations en matière de mise en
conformité ou de rénovation de ces centres est encore, dans bien des cas,
insurmontable, et les collectivités locales ne peuvent seules assurer cette
dépense.
L'information de la jeunesse est, nous le savons, un enjeu d'insertion pour
grand nombre de jeunes, à commencer par ceux qui sont issus des milieux
défavorisés. Le budget consacré à développer le réseau « information jeunesse »
fait l'objet d'une mesure nouvelle de 2,5 millions de francs - ce n'est pas
rien, monsieur Demuynck ! Cette disposition devra être reconduite et amplifiée
compte tenu des retards pris.
J'en viens à présent - nous avons eu l'occasion, lors de différents projets de
budget, d'en débattre ici même longuement - au volet sportif du projet de
budget que nous examinons.
Avec la Coupe du monde de rugby 1999, le rugby français rejoint aujourd'hui le
rang des grands sports médiatiques. La finale de rugby fut, à l'égale de la
Coupe du monde de football, un grand moment qui a rassemblé quatorze millions
de spectateurs. De nombreux enfants s'inscrivent dans les clubs de rugby. Or
nous n'avons pas tous les animateurs nécessaires.
Cette finale nous rappelle que, derrière le sport, il y a la richesse du
mouvement sportif et un savant dosage fait d'éthique du sport et d'une vision
de la compétition partagée par tous ceux qui concourent à promouvoir notre pays
au niveau où il est.
La Coupe du monde de football a même motivé des jeunes pour l'enseignement
professionnel, par la voix d'Aimé Jacquet, lors de la promotion de cet
enseignement à la télévision. Malheureusement, tous n'ont pas pu avoir une
place dans les lycées professionnels. C'est dire l'impact de cet événement !
D'un point de vue budgétaire, le rééquilibrage du sport de haut niveau au
profit du sport de masse est à poursuivre absolument.
Le Fonds national pour le développement du sport doit aider mieux
qu'aujourd'hui l'ensemble du mouvement sportif, notamment les plus petits
clubs, j'y insiste, madame la ministre.
La suppression, par la majorité sénatoriale, de l'article 31
bis
du
projet de loi de finances, qui prévoyait le principe de la mutualisation des
droits audiovisuels, ne va pas dans cette direction d'un rééquilibrage des
droits au profit des clubs les plus modestes. J'espère que l'Assemblée
nationale va rétablir cet article.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Le Sénat va le rétablir !
Mme Hélène Luc.
Nous sommes à vos côtés, madame la ministre, pour défendre ce principe. Nous
sommes également à vos côtés pour renforcer la lutte contre le dopage ; et le
projet de budget s'y emploie : les crédits passent, en effet, de 54 à 113
millions de francs. Là encore, ce n'est pas rien ! La lutte contre le dopage
est à intensifier encore à l'échelon et européen et international et je sais
que vous vous y employez courageusement.
Nous sommes encore à vos côtés pour la promotion du sport au travail et pour
oeuvrer à donner aux femmes une place digne de ce nom au sein du mouvement
sportif.
Le sport de haut niveau serait bien peu de chose sans l'existence, sans la
prééminence, souterraine mais réelle, du sport de masse.
Certes, il en est du budget comme de bien des choses : nous souhaiterions
avoir plus. Il faudra plus, à l'avenir : plus pour les petits clubs, plus pour
les bénévoles, plus pour la vie associative, plus, enfin, pour notre
jeunesse.
Comment nier néanmoins que les avancées de votre budget n'ont rien de commun
avec les politiques menées jusqu'à votre arrivée au ministère de la jeunesse et
des sports ?
(Murmures sur les travées du RPR.)
Pour l'ensemble de ces raisons, vous trouverez en notre groupe un soutien
actif tant pour le vote du projet de budget qui nous est soumis que pour les
orientations en direction de la jeunesse et des sports qui sont les vôtres.
L'intérêt et la pondération de la commission et de la Haute Assemblée, dont je
peux personnellement témoigner, lors de chacun des examens des projets
concernant le sport...
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
C'est vrai !
Mme Hélène Luc.
... conduiront le Sénat, à n'en pas douter, à un examen attentif et
bienveillant des crédits qui nous sont soumis.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, MM. les
rapporteurs ont souligné l'augmentation des crédits inscrits pour la jeunesse
et les sports. Néanmoins, nous sommes encore loin d'être à la hauteur de tous
les besoins, et l'objectif de 1 % du budget consacré à la jeunesse et aux
sports reste toujours lointain.
Trois priorités sont affichées dans votre budget : l'action en faveur des
jeunes, la promotion de l'éducation populaire et l'aide au mouvement
sportif.
Dans un contexte où la mondialisation prend, là aussi, sa place au travers des
médias, des événements sportifs et du sport de haut niveau, vous essayez de
fixer des règles de cohabition de l'argent et du sport. En effet, il est
essentiel de préserver le sport d'une commercialisation excessive.
Cette ambition se traduit dans les faits par la création de l'agence mondiale
pour la lutte contre le dopage, par la reconnaissance des qualifications
françaises à l'échelle européenne, par la création d'un dispositif d'aide
financière aux associations locales et par la préparation des jeux Olympiques
de Sydney.
Je ne suis pas sûr que ce projet de budget, bien qu'en augmentation de 3,5 %,
permette de faire face aux besoins nouveaux engendrés par les enjeux de l'année
2000 : le renforcement d'une politique résolument engagée en faveur des jeunes,
la préparation des grandes rencontres internationales, la mise en oeuvre d'une
législation sur la préservation de la santé des sportifs et la lutte contre le
dopage.
Cela suscite de nombreuses inquiétudes : inquiétude, d'abord, des fédérations
sportives dirigeantes, qui vont être amenées à aider à la mutualisation des
recettes télévisées au profit des petites associations ; inquiétude, ensuite,
des collectivités locales, qui présentent une estimation des rénovations des
équipements sportifs de l'ordre de 40 milliards de francs, alors que les
crédits du contrat de plan s'élèvent seulement à 800 millions de francs ;
inquiétude, enfin, des jeunes issus du dispositif « nouveaux
services-emplois-jeunes », qui devrait s'appuyer sur une nouvelle architecture
des formations aux brevets d'Etat pour se professionnaliser à l'avenir. Or ce
nouveau dispositif tarde à arriver.
Par ailleurs, je regrette que, dans l'ensemble des services, les délégations
de crédits d'intervention arrivent trop tardivement. C'est notamment manifeste
en ce qui concerne la lutte contre la toxicomanie.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
C'est vrai !
M. Bernard Joly.
Ne pourrait-on faire en sorte, madame la ministre, qu'ils soient versés au
printemps et non à l'automne ?
M. Christian Demuynck et M. Dominique Leclerc.
Très bien !
M. Bernard Joly.
En effet, l'efficacité des actions s'en trouverait grandement améliorée.
Sur le plan contractuel, vous avez mis en place, par la circulaire
interministérielle signée le 9 juillet 1998, des contrats jeunesse et sports
qui sont conclus avec les communes. Ces contrats visent à définir des projets
éducatifs respectant la diversité des rythmes de vie et d'apprentissage des
enfants et des adolescents et favorisant leur accès à la diversité des
connaissances en dehors des heures scolaires.
Dans l'hypothèse où l'aménagement des rythmes scolaires serait appelé à se
généraliser, je crains que ces contrats ne reviennent très chers. Plus de mille
de ces contrats, qui concerneront plus d'un million d'enfants et de jeunes,
seront agréées d'ici à la fin de l'année 2000. Pour leur financement, seulement
264,5 millions de francs sont prévus, ce qui est insuffisant.
De plus, si le principe de ces contrats est louable, on note, sur le terrain,
une certaine réticence des cadres et des personnels de l'éducation nationale à
mettre en place des projets venant d'un autre ministère que le leur.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
C'est vrai !
M. Bernard Joly.
En dehors de ces légitimes interrogations, ce budget va dans la bonne
direction : il pose les fondements d'une réelle politique pour la citoyenneté
des jeunes, à laquelle je souscris.
Je me félicite également que des crédits du ministère de la jeunesse et des
sports participent à la lutte contre l'exclusion susceptible de menacer des
publics jeunes. Plusieurs mesures qui tendent à faciliter l'accessibilité des
enfants et des adolescents aux activités sportives et culturelle - les
opérations « coupons sport », les tickets sport, les aides au BAFA - me
paraissent aller dans le bon sens.
Telles sont les raisons pour lesquelles je déterminerai mon vote en fonction
des réponses que vous apporterez, madame la ministre, aux interrogations que
j'ai exprimées.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget pour
2000 consacré à la jeunesse et aux sports s'inscrit dans la continuité de la
politique ambitieuse menée par le Gouvernement, tant à l'échelon national que
sur le plan européen ou international.
Pour la troisième année consécutive, le budget de la jeunesse et des sports
est en augmentation : il atteint 3,154 milliards de francs en moyens de
paiement. Il consolide les priorités du Gouvernement dans son action en faveur
des jeunes et de la vie associative, tout en maintenant l'effort sur le
sport.
En ce qui la jeunesse, le développement d'une citoyenneté active, l'égal accès
de tous à l'information et à la pratique sportive et éducative, l'aide à
l'insertion et la formation sont des priorités que l'on ne peut
qu'approuver.
La mise en place des conseils locaux de jeunes, grâce à un crédit de deux
millions de francs, est un élément important pour la promotion citoyenne des
jeunes. A l'instar du conseil permanent de la jeunesse ou des conseils
départementaux, leurs moyens doivent être accrus, afin de leur permettre de
lancer des projets d'envergure sur le plan local, avec l'aide des collectivités
territoriales, qui ne peuvent qu'appuyer une telle initiative.
Votre réponse favorable, madame la ministre, à la demande du conseil permanent
de la jeunesse d'organiser un festival de la citoyenneté du 18 au 25 mars 2000,
sur la base d'initiatives locales sélectionnées, portant sur le thème des
rapports entre les jeunes et les institutions, montre l'attachement du
Gouvernement à l'écoute de notre jeunesse.
Ce rendez-vous sera l'occasion d'amplifier le dialogue et de mieux comprendre
les aspirations des jeunes. Cela justifie l'augmentation de la subvention à
l'opération « défi-jeunes » et le maintien de l'opération « 1, 2, 3... à vous
de jouer » qui remporte un vif succès.
Le développement de la citoyenneté nécessite un renforcement de l'accès des
jeunes à l'information. A cet effet, 2,5 millions de francs sont inscrits au
budget, ils permettront, notamment, de généraliser l'accès à Internet au sein
des bureaux d'information jeunesse.
Au-delà, la formation des jeunes aux nouvelles technologies de l'information
doit être amplifiée : le nombre de points cyber-jeunes, même si l'effort est
déjà important, pourrait être augmenté.
De plus, il faudrait multiplier les opérations « bus-info » qui permettent de
toucher la jeunesse là où elle est.
Enfin, la conception d'un guide des droits des jeunes, mais aussi des devoirs
à ne pas oublier, est un projet à développer.
L'insertion et la formation sont d'autres éléments de la priorité accordée par
le Gouvernement à la jeunesse et, là encore, le projet de budget pour 2000
reflète ces préoccupations. Une mesure nouvelle de 4 millions de francs
permettra de renforcer la formation et la professionnalisation des
emplois-jeunes. Madame la ministre, il est important que votre ministère
continue de s'impliquer fortement dans ce dispositif.
En outre, 9 millions de francs supplémentaires sont octroyés à la formation
des animateurs, dont 3 millions de francs sont affectés plus spécifiquement à
l'octroi de bourses de préparation au BAFA. L'accès des plus défavorisés à ce
brevet est primordial et l'effort budgétaire consenti atteindra 23 millions de
francs en 2000. On ne peut que vous encourager dans cette voie.
Plus de dialogue, un encadrement renforcé et de meilleure qualité, autant de
priorités qui vont de pair avec la nécessaire égalité de tous quant à l'accès
aux pratiques sportives et éducatives. Le succès du coupon sport, qui a
bénéficié en 1998 à cinquante mille jeunes, sera couvert par une mesure
nouvelle de 2 millions de francs.
Quant aux contrats éducatifs locaux, ce dispositif, renforcé par l'octroi de
30 millions de francs supplémentaires, permettra de développer l'accès des
jeunes à la culture, aux savoirs et aux loisirs collectifs.
Si leur mise en oeuvre n'a pas encore permis d'atteindre les objectifs
attendus, je ne doute pas, madame la ministre, que vous saurez rapidement
résoudre les quelques difficultés qui subsistent encore. Celles-ci tiennent
souvent non seulement à des problèmes de coordination entre l'ensemble des
partenaires concernés, mais aussi au corps enseignant qui ne comprend pas
toujours l'intérêt du dispositif que de nombreuses collectivités locales sont
prêtes à soutenir fortement.
Pouvez-vous néanmoins, madame la ministre, faire devant nous le point sur ce
dispositif et nous rassurer quant à sa généralisation ?
Pour le soutien à l'éducation populaire, votre projet de budget prévoit de
nouvelles mesures en faveur des associations, en termes tant de subventions que
d'emplois, avec la création de cinquante nouveaux postes FONJEP.
Cet effort devra être poursuivi non seulement pour rattraper les suppressions
massives de postes effectuées par les gouvernements précédents, mais aussi pour
renforcer l'action des bénévoles par la présence d'animateurs et l'offre de
formation. La hausse de 66,7 % des crédits du FNDVA montre la volonté de votre
ministère de remédier à la crise du bénévolat.
Cette volonté sera renforcée dès l'année prochaine, je l'espère, par les
suites qui seront données aux assises nationales de la vie associative qui se
sont tenues à Paris au mois de février dernier.
Madame la ministre, il importe qu'à ce sujet le travail interministériel
aboutisse rapidement. Je sais que c'est aussi votre souhait. Des dispositifs
portant sur les congés de représentation, les congés de formation ou sur la
reconnaissance de l'acquis associatif sont aujourd'hui des mesures très
attendues.
A l'occasion de la réduction du temps de travail, la rénovation du bénévolat
peut permettre au citoyen de s'engager davantage dans la vie associative.
En ce qui concerne la politique du sport, les 2,3 milliards de francs répartis
entre le budget général et le FNDS signent la continuité de l'action menée par
votre ministère visant à promouvoir le sport pour tous, à renforcer la
solidarité entre les différents sports et les niveaux de pratique sportive,
dans un souci de préserver l'éthique sportive. Saluons votre budget record,
madame la ministre, en espérant que la performance ne s'arrêtera pas là.
S'agissant du développement du sport féminin, il faut poursuivre la réflexion
entamée en mai dernier lors des assises nationales du sport féminin. Plusieurs
points méritent d'être discutés, en particulier : l'adaptation du matériel ou
de l'équipement sportif, les budgets réservés par les clubs aux équipes
féminines, leur représentation au sein des instances dirigeantes, ce qui ne
devrait pas coûter très cher.
Madame la ministre, vous avez signé en février, dans l'Allier, la première
charte départementale de développement du sport féminin. Pouvez-vous nous
indiquer quels effets a eus cette initiative et si elle a été suivie par
d'autres départements ?
A quand la parité dans le sport ? Elle ne saurait être aussi utopique que dans
notre assemblée.
(Sourires.)
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires cuturelles.
Prenons exemple sur
le RPR, monsieur Lagauche !
(Nouveaux sourires.)
M. Serge Lagauche.
La promotion du sport en entreprise, qui concerne 2 500 000 pratiquants
répartis dans 8 000 clubs, est effectivement, et vous avez raison de le
rappeler, madame la ministre, le parent pauvre et oublié d'une politique qui
valorise la pratique sportive à tous les niveaux, dans toutes les structures,
nationales comme internationales. Y seront donc consacrés 1 million de francs
en 2000, et les 17 et 18 juin prochain les premières journées nationales du
sport en entreprise se tiendront au parc de Choisy, dans le Val-de-Marne qui
m'est très cher.
Elément majeur de la démocratisation de la pratique sportive, le FNDS
atteindra de nouveau 1 014 millions de francs en 2000. La réforme de son mode
de gestion et son éventuelle budgétisation ont suscité une grande inquiétude de
la part du mouvement sportif, très attaché à la cogestion du fonds, et même si
dans un premier temps l'abandon de ce projet était nécessaire, il convient
toutefois de poursuivre la réflexion afin que ce fonds soit mieux redistribué
et retrouve sa vocation première : le financement du sport de masse.
Pour 2000, les ressources du FNDS sont augmentées de façon significative par
l'affectation des bénéfices réalisés par le comité d'organisation de la Coupe
du monde de 1998 et par la création d'un fonds de mutualisation du sport qui,
alimenté par un prélèvement de 5 % sur les contrats des droits télévisés,
représentera environ 150 millions de francs. Ils seront, en accord avec le
mouvement sportif, consacrés à des bourses de fonctionnement pour les clubs
amateurs.
A ce propos, il est regrettable que la majorité sénatoriale ait supprimé, lors
des débats sur le projet de loi de finances pour 2000, ce projet qui vise à
soutenir le sport de masse et les petits clubs.
Enfin, la lutte contre le dopage est un axe majeur réaffirmé dans le cadre de
ce budget. Les crédits passent ainsi de 54 millions de francs à 113 millions de
francs, ce qui permettra de renforcer les moyens du laboratoire national de
dépistage du dopage, d'améliorer la situation des antennes médicales, de
poursuivre les actions de prévention et, à l'échelon international, de financer
la création de l'Agence mondiale de lutte contre le dopage. A ces mesures doit
être ajouté le recours contractuel à vingt-quatre médecins-inspecteurs,
intervenant dans chaque région pour la lutte contre le dopage. Au passage, je
vous remercie de votre action auprès de vos homologues de l'Union
européenne.
Madame la ministre, votre budget est le reflet de votre implication et de
votre action, donc de celles du Gouvernement, en faveur de la jeunesse, de la
vie associative et du sport, quels que soient les niveaux de pratique.
S'agissant du vote qui interviendra à l'issue de nos débats, la commission des
affaires culturelles et son rapporteur s'en remettent à la sagesse du Sénat.
J'invite donc notre Haute Assemblée à réaffirmer aujourd'hui encore, en votant
les crédits de la jeunesse et des sports, son soutien à votre action qui,
jusqu'à présent, madame la ministre, a largement fait ses preuves. C'est en
tout cas dans cet esprit que le groupe socialiste du Sénat votera votre projet
de budget.
J'aurais aimé pouvoir développer d'autres points importants de l'action de
votre ministère - le sport de haut niveau, le contrat de plan, les schémas de
services collectifs, les sports des handicapés... Mais je sais que, dans le
cadre de votre projet de loi, que nous attendons avec impatience, l'occasion
m'en sera donnée.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l'ont
dit MM. les rapporteurs, les crédits budgétaires du ministère de la jeunesse et
des sports pour l'an 2000 s'élèvent à 3,1 milliards de francs, en progression
de 3,5 %.
Si nous considérons les deux comptes spéciaux du Trésor - le Fonds national de
développement du sport et le Fonds national pour le développement de la vie
associative - le ministère de la jeunesse et des sports disposera de 4,2
milliards de francs. Nous pouvons noter que la taxe de 5 % sur les droits de
retransmission télévisée des émissions sportives, votée lors de la première
partie de la loi de finances à l'Assemblée nationale, pourrait rapporter 75
millions de francs l'année prochaine.
Le budget de l'an 2000, année des jeux Olympiques, s'inscrit dans un contexte
particulièrement flatteur pour le sport français. Les bons résultats de nos
sportifs montrent à quel point la France est capable de former des jeunes et de
les hisser au plus haut niveau. Espérons qu'aux jeux Olympiques de Sydney nos
athlètes pourront prendre leur revanche sur les Australiens, car une Coupe du
monde de rugby et une coupe Davis, c'est un peu trop !
(Sourires.)
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
C'est ça, le sport !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et le
fair play
?
M. André Maman.
Cependant, ces performances ne doivent pas faire oublier les problèmes
quotidiens rencontrés par les sportifs et les sportives, ainsi que par les
jeunes. Si votre budget, madame la ministre, traduit indéniablement une volonté
de les résoudre, il laisse aussi planer quelques incertitudes.
En effet, votre budget affiche trois objectifs majeurs, que j'ai beaucoup
appréciés. Il s'agit, d'abord, de favoriser la citoyenneté, l'égalité d'accès,
l'emploi et la formation des jeunes, et cela nous ramène au système éducatif
français, puisque les deux sont liés. Il s'agit, ensuite, de développer la vie
associative et l'éducation populaire ; pour ma part, je dirai l'éducation en
général. Il s'agit, enfin, de lutter contre le dopage.
Tout d'abord, j'évoquerai quelques motifs de satisfaction.
Votre action en faveur de la lutte contre le dopage va incontestablement dans
la bonne direction. Votre projet de budget comporte d'importantes mesures
nouvelles, destinées à accroître les moyens de cette lutte, qui paraît à chacun
d'entre nous capitale. Vous l'avez très bien montré, madame la ministre, et
nous vous en sommes reconnaissants.
Ensuite, je tiens à rendre hommage à l'action que vous avez menée pour
favoriser la création de l'Agence mondiale de lutte contre le dopage, qui
commencera ses activités dès le 1er janvier 2000. Entité transparente et
indépendante, créée sur l'initiative commune du Comité international olympique,
le CIO, et des gouvernements, elle devra mettre en place les premiers éléments
d'une politique et d'une activité antidopages, efficaces et globales. Mais pour
mener à bien cette lutte contre le dopage sportif, la contribution de tous les
gouvernements est nécessaire, en sus de celle des fédérations et des
associations sportives.
En outre, la Commission européenne vient de proposer un plan européen
d'actions contre le dopage, axé sur la recherche et la détection, la prévention
et la lutte contre les trafiquants. Cette lutte est très importante car on
oublie souvent que les trafiquants, notamment internationaux, sont la cause de
nos difficultés. En effet, ils sont difficiles à attraper et trouvent toujours
d'autres moyens de se « remettre en selle ». C'est donc en ce domaine que la
lutte doit se concentrer.
L'Union européenne a également confirmé sa participation à l'Agence mondiale
de lutte contre le dopage. Il est regrettable que la lutte contre le dopage
soit entravée par une harmonisation insuffisante des pratiques, au sein des
Etats membres de l'Union européenne. Bruxelles propose aux Quinze une approche
commune, qui prendrait en compte à la fois la gravité du problème du dopage
dans le milieu sportif et l'importance que revêt le sport comme activité
économique et sociale. Nous avons observé que toutes les réflexions conduites à
l'échelon européen n'ont pas jusqu'à présent eu de suites concrètes. Nous
espérons, madame la ministre, que la France pourra donner une suite concrète à
ces propositions.
Par ailleurs, dans le domaine de la jeunesse, j'approuve la création de
cinquante nouveaux postes FONJEP. En effet, plus de 22 millions de francs
seront destinés à recruter des animateurs-coordinateurs, chargés de développer
des projets locaux. En outre, votre projet de budget met l'accent sur un
renforcement des moyens d'information en direction de la jeunesse. J'attire
votre attention, madame la ministre, sur l'avenir du réseau information
jeunesse. Ce réseau, qui a reçu le label de la Charte européenne de
l'information jeunesse, souffre d'un certain manque d'évolution de ses
dotations.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
C'est vrai !
M. André Maman.
Je souhaite, madame la ministre, que vous nous apportiez quelques éléments
d'information et que vous nous indiquiez quelles sont vos intentions dans ce
domaine.
Enfin, la réorganisation de l'aménagement des rythmes de vie et des contrats
locaux était vraiment indispensable. Une croissance importante des crédits
permettra de financer de nouvelles vagues de contrats, et ce dès le mois de
janvier 2000.
Par ailleurs, la dotation concernant la vie associative est en forte
augmentation. Vous donnez ainsi un signe très fort au tissu associatif et vous
reconnaissez de cette façon son rôle primordial pour l'éducation et l'insertion
des jeunes.
A ce sujet, madame la ministre en tant que sénateur représentant les Français
établis hors de France, j'aimerais que vous vous intéressiez au cas des
associations sportives françaises à l'étranger et aux activités sportives des
440 écoles françaises à l'étranger. Je sais que ces diverses activités ne
dépendent pas directement de votre ministère, vous me l'avez souvent dit en
commission, mais j'aimerais que, en accord avec le ministre des affaires
étrangères et le ministre de l'éducation nationale, vous puissiez venir en aide
aussi bien à ces associations qu'à ces écoles.
On a beaucoup parlé des bénévoles ; nous en avons un grand nombre à l'étranger
; nous avons des dizaines, voire des centaines d'associations. Je rappelle que
ces associations et ces écoles jouent un rôle capital dans la présence
française à l'étranger, pour la francophonie, dans la vitrine de la France face
à nos amis étrangers. En effet, ces associations sportives renforcent le point
sur lequel vous insistez, c'est-à-dire le tissu associatif. Quand vous vivez
loin de la France, que vous êtes un peu isolé, ce tissu associatif est encore
plus nécessaire, et il vous est alors très cher.
Je tiens beaucoup à ces 440 écoles, qui sont établies dans le monde entier.
Lors de mes déplacements à l'étranger, je les vois et souvent les crédits
manquent pour les sports. Nous aimerions bien faire des sports, mais nous
n'avons pas l'équipement nécessaire me dit-on. Mes collègues sénateurs
représentant les Français établis hors de France et moi-même tenons à ce que
les jeunes gens français qui font leurs études à l'étranger soient traités de
la même façon que s'ils étaient en France.
J'en viens aux éléments qui m'inspirent quelques inquiétudes.
Les moyens consacrés à la réhabilitation des équipements sportifs et
socio-éducatifs demeurent nettement insuffisants. Les redéploiements des moyens
des fédérations ne contribuent pas au renforcement du financement des petits
clubs. A ces insuffisances, s'ajoute votre refus de baisser à 5,5 % le taux de
la TVA sur le droit d'utilisation des installations sportives. Pourtant, la
directive 92/77 sur l'harmonisation des fiscalités indirectes au sein de
l'Union européenne donne la faculté d'appliquer un taux réduit de TVA aux
droits d'utilisation d'installations sportives.
Par ailleurs, il est dommage que l'Etat supporte le coût budgétaire provenant
de l'absence de « Club résident » au Stade de France. Les sommes consacrées par
le ministère de la jeunesse et des sports auraient pu être utilement affectées
à d'autres actions.
Enfin, je dirai un mot sur les droits de retransmission télévisée des
événements sportifs. La taxe de 5 % sur ces droits, votée dans la précipitation
lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2000,
à l'Assemblée nationale, me laisse perplexe.
Il s'agit d'une mesure prise de manière unilatérale, sans débat préalable
entre les différentes parties intéressées. Nous pensons qu'elle peut avoir sa
place dans le futur projet de loi sur le sport, annoncé pour l'année
prochaine.
Sur le fond, cette mesure ne répond pas véritablement aux problèmes qui sont
posés par le développement du sport professionnel. Peut-on en effet croire que
les 75 millions de francs dégagés permettront de répondre aux attentes du
milieu sportif ?
Le problème du financement de la pratique sportive de proximité, de son
encadrement et de ses équipements ne peut guère être résolu par une simple
mesure fiscale.
D'autres solutions doivent être imaginées.
Je rappelle que, voilà quelques jours, Viviane Reding, commissaire européen en
charge de l'éducation et de la culture, a proposé qu'une partie des droits de
retransmission, versés par les chaînes de télévision aux fédérations qui
organisent de grands événements sportifs, servent à payer la formation des
jeunes sportifs, et, je l'espère, des jeunes sportives ; M. Lagauche a évoqué
ce point, et j'y reviendrai.
Une solution éventuelle, d'après Viviane Reding, serait que les fédérations
acceptent de reverser aux clubs, y compris aux clubs amateurs, une partie des
droits télévisés pour financer la formation des jeunes. Elle a précisé que ce
dossier ferait l'objet de négociations approfondies entre l'Union européenne et
les fédérations sportives, au début de l'année prochaine. Madame la ministre,
allez-vous en tenir compte dans l'élaboration de votre projet de loi, au
risque, si vous ne le faisiez pas, d'isoler la France d'une solution éminemment
européenne ?
Il serait souhaitable que le sport féminin reçoive toute l'aide possible de
votre ministère et bénéficie de toute la publicité qu'il mérite. Je sais que
vous avez déjà engagé une action en ce sens, madame la ministre, mais elle
reste encore très timide.
Pourtant, le sport féminin prend de plus en plus d'importance à l'étranger,
non seulement, comme nous le savons, en ce qui concerne le tennis, la natation
ou l'athlétisme, mais également dans le domaine des sports d'équipe, qu'il
s'agisse du football, du rugby ou du basket-ball. Dans certains pays, le public
des compétitions féminines est plus nombreux que celui des compétitions
masculines du même sport.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
C'est vrai !
M. André Maman.
Or je sens toujours, madame la ministre, une sorte de réticence vis-à-vis du
sport féminin.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Vous avez raison !
M. André Maman.
La pratique sportive serait en quelque sorte l'apanage des hommes, tandis que
les femmes feraient mieux de rester tranquillement à la maison.
Pour lutter contre ces préjugés, il faut donc consentir un effort beaucoup
plus important en faveur du sport féminin, afin qu'il soit placé sur le même
plan que le sport masculin.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Je suis d'accord !
M. André Maman.
Malgré ces quelques critiques, je voudrais, madame la ministre, vous exprimer
mon admiration pour le travail que vous accomplissez.
M. Ivan Renar.
Très bien !
M. André Maman.
Bien que votre projet de budget ne soit pas tout à fait à la hauteur de vos
ambitions, les sénateurs du groupe de l'Union centriste et moi-même considérons
que vos efforts sont louables. C'est pourquoi nous voterons les crédits de
votre ministère.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche.
Madame le ministre, comme nombre de mes collègues, j'estime que la jeunesse et
le sport sont deux domaines complémentaires, qu'il ne faut donc pas opposer. Il
en va de même pour les sports de loisirs, les sports de masse et de plein air
et les sports de haut niveau, que je considère comme étant étroitement liés et
devant, en conséquence, faire l'objet d'un effort tonique, dynamique et, pour
tout dire, sportif.
Les chiffres sont incontournables : avec 3,154 milliards de francs hors FNDS,
votre projet de budget représente moins de 0,2 % des dépenses de l'Etat, alors
que - d'autres orateurs l'ont souligné - l'objectif du 1 % pour la culture est
atteint. Cette situation est anormale, même si je ne veux pas opposer le sport
à la culture. Comme nombre de vos prédécesseurs, vous aurez beau tenter de nous
présenter ce projet de budget sous tous les angles, il reste insuffisant -
chacun le reconnaîtra - et peu digne d'un grand pays comme le nôtre.
Madame le ministre, le montant de vos crédits pour 2000 progresse de 3,5 % par
rapport à 1999, pour atteindre environ 120 millions de francs. Cependant, 60
millions de francs sont consacrés aux frais de gestion du Stade de France, 30
millions de francs au financement de la participation française aux jeux
Olympiques de Sydney, et 12,5 millions de francs au soutien à la candidature de
Paris pour l'organisation des jeux Olympiques de 2008. En réalité, s'agissant
du sport, le projet de budget que vous nous présentez ne marque aucune
progression.
Il s'agit de plus en plus du budget de la jeunesse et de l'éducation
populaire, et peut-être de moins en moins de celui du sport. Je ne veux
nullement pénaliser les jeunes, mais je pense qu'il faut tendre à un équilibre
entre les deux branches du ministère. Or, comme l'an passé, la ventilation des
crédits favorise la jeunesse, au détriment des sports. Par ailleurs, je
m'inquiète de ne pas voir traduites dans vos crédits les incidences de votre
future loi sur le sport.
Dans le détail, pour ce qui est du chapitre « jeunesse », j'aurais souhaité
que votre ministère octroie des crédits supplémentaires aux centres
d'information de la jeunesse, les CIJ. En ce qui concerne les crédits alloués
au sport, on voit bien, en de nombreux points, que le sport et le mouvement
sportif ne sont pas aussi prioritaires que vous le prétendez, alors qu'ils sont
les meilleurs vecteurs du sens de l'effort, de la citoyenneté et de l'esprit
d'équipe.
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. Philippe Darniche.
C'est la raison pour laquelle je veux vous faire part de plusieurs
remarques.
Ma première remarque, c'est qu'il faut élaborer un statut pour les bénévoles,
en particulier pour les dirigeants.
A cet égard, vous ne soutenez peut-être pas suffisamment les associations et
tous les bénévoles qui, dans tout le pays, donnent tant d'eux-mêmes. On leur
demande d'être disponibles, d'exercer des responsabilités et de prendre par là
même beaucoup de risques. Le monde associatif est inquiet, à la veille de
l'application de la circulaire « Sautter » sur la fiscalité des associations,
et il est donc de votre devoir de rassurer le secteur associatif sportif,
source d'emplois et gage essentiel de cohésion sociale, et de réduire les
inégalités observées entre les départements.
Deuxième remarque : il faut renforcer, davantage que les moyens humains, les
moyens techniques et financiers.
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. Philippe Darniche.
Ainsi, je regrette certaines insuffisances de ce projet de budget, en
particulier en ce qui concerne la rénovation des équipements et du patrimoine
sportifs. A ce propos, la baisse des crédits destinés aux installations
sportives m'inquiète. Au titre V, qui concerne les investissements effectués
par l'Etat, les crédits de paiement diminuent de 7,7 %, et les autorisations de
programme de 26,9 % ! Les collectivités territoriales ont pourtant des besoins
considérables en matière de rénovation des équipements. Finalement, si l'on
soustrait les sommes consacrées au Stade de France, à la lutte contre le dopage
- ô combien nécessaire ! - et à la délégation française aux jeux Olympiques, on
constate que les crédits consacrés au sport local sont en net recul.
M. Dominique Leclerc.
Eh oui !
M. Philippe Darniche.
De même, les crédits du titre VI, qui regroupe les subventions d'équipement,
accusent une baisse de 31,1 %, que vous justifiez par la fin des opérations
engagées dans l'optique de l'exécution des contrats de Plan.
Ma troisième remarque, c'est qu'il faut certainement continuer à privilégier
la présence de la France dans les compétitions internationales et renforcer la
lutte contre le dopage.
Il faut persévérer, comme vous le faites - nous nous en félicitons tous dans
cette assemblée - à lutter contre le dopage et à protéger la santé des
sportifs. Mais ces initiatives françaises doivent être relayées sur le plan
international et prolongées par une action européenne coordonnée. Ainsi, les
règles communautaires doivent reconnaître la spécificité des activités
sportives et le sport professionnel ne doit pas être réduit à une simple
activité économique, soumise sans restriction aux règles de la concurrence.
Je sais que vous avez fixé comme objectif le « zéro erreur » en matière de
contrôle antidopage - c'est ambitieux et certainement nécessaire - avec la
création d'antennes médicales régionales et de vingt-quatre postes de médecin
inspecteur, et l'extension du suivi des sportifs de haut niveau. Cela constitue
un effort digne de la France. Mais, trop souvent, il faut en convenir, les
résultats des contrôles antidopage sont contestés par les sportifs eux-mêmes.
Des progrès peuvent certainement être réalisés sur ce point.
La politique gouvernementale en matière de sport doit tendre à lutter contre
la disparition des valeurs éthiques, en favorisant l'ouverture de débats et
l'engagement d'actions à l'échelon tant national qu'international.
Nous le savons tous, le sport de haut niveau engendre des dépenses
importantes, mais il garantit aussi la présence de la France dans les
compétitions et manifestations sportives internationales, et il représente
surtout, pour la jeunesse, une incitation à s'engager dans la pratique
sportive.
Ma quatrième remarque concernera le Fonds national pour le développement du
sport. Le FNDS est nécessaire au monde sportif, et il faut qu'il reste ce qu'il
est. Ses crédits doivent être renforcés, et son existence ne doit en aucun cas
être contestée par le Gouvernement.
Même si les crédits sont en augmentation pour la deuxième année consécutive,
je ne suis pas dupe de votre action, madame le ministre, qui vise à une reprise
en main du mouvement sportif. En effet, cet été, vous avez tenté d'intégrer le
Fonds national pour le développement du sport au budget de votre ministère !
Certes, cet artifice budgétaire vous aurait permis de respecter l'engagement
que vous aviez pris de porter le budget de la jeunesse et des sports à hauteur
de 0,5 % du budget de l'Etat. Mais la mobilisation forte du mouvement sportif,
particulièrement surpris par cette initiative, a mis le Premier ministre au
pied du mur et l'a obligé à faire machine arrière en annonçant le maintien de
ce fonds, exemple de gestion paritaire réussie entre associations sportives et
services de l'Etat, dont la création remonte, si je m'en souviens bien, à
1979.
Quoi qu'il en soit, les comptes d'affectation spéciale du FNDS viendront au
secours de votre projet de budget. Cependant, avec l'amputation de la recette
tirée du pari mutuel urbain, le PMU, et la disparition de la taxe spéciale sur
les débits de boissons, un « manque à gagner » de 20 millions à 25 millions de
francs est à craindre.
Par ailleurs, vous avez promis de revoir les attributions du FNDS, tant dans
sa part nationale que dans sa part régionale ; je souhaite vivement que la part
régionale soit plus rapidement affectée.
Enfin, de nombreuses questions restent toujours en suspens.
Ainsi, quelles mesures entendez-vous prendre pour développer le sport en
entreprise et le sport des handicapés ? Quand favoriserez-vous une baisse
rapide et ciblée du taux de la TVA pour les installations sportives, comme cela
a pu être fait en matière culturelle ? Autorisée par la directive européenne
92/77 - mon collègue André Maman y a fait allusion tout à l'heure - elle nous
permettrait de redresser la barre, alors que de nombreux pays de l'Union
européenne appliquent déjà cette mesure. Selon des évaluations récentes, un
taux de TVA de 5,5 % aurait permis de créer 6 000 emplois en quatre ans et
aurait procuré 200 millions de francs de recettes à l'Etat. Au lieu de cela, le
monde sportif continuera d'être taxé au taux plein, même sur les subventions
des collectivités locales. Nous attendons beaucoup des contributions régionales
au schéma des services collectifs du sport. La déconcentration est gage
d'efficacité, mais tout cela aura bien entendu un coût, que vous n'aurez
peut-être pas immédiatement les moyens d'assumer.
Vous affirmiez l'an dernier, madame le ministre, qu'un budget de 3,8 milliards
de francs était nécessaire « pour bien faire ». Nous nous félicitons de ce que
la culture bénéficie d'un taux réduit de TVA et d'un projet de budget dont le
montant est proche de 1 % du total des crédits de l'Etat. Toutefois, les
millions de jeunes et de sportifs ne mériteraient-ils pas un sort comparable
?
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. Philippe Darniche.
Cela aurait été souhaitable, alors que les résultats obtenus par le sport
français méritent davantage de reconnaissance et que la France doit préparer
activement les grandes rencontres internationales, au premier rang desquelles
les jeux Olympiques, l'année prochaine.
En quelques mois, madame le ministre, la France vient de remporter des succès
sportifs remarquables. Presque toutes les disciplines de sport collectif seront
représentées aux jeux Olympiques. Tout cela suscite parmi les enfants de
nombreuses vocations, qu'il faut soutenir. Les plus petits clubs des plus
petites communes ressentent cet engouement, et il faut pouvoir les aider.
Comment votre projet de budget permettra-t-il de répondre aux attentes des plus
jeunes ?
Pour conclure, madame le ministre, je dirai que si vous avez accompli des
efforts louables, notamment en matière de lutte contre le dopage, il est
regrettable que vous n'ayez pu nous présenter un projet de budget plus
dynamique et conforme aux ambitions sportives de nos compatriotes. Je suis
certain que vous êtes la première à le déplorer.
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, à l'occasion
de l'examen du projet de budget du ministère de la jeunesse et des sports, je
souhaiterais m'attarder sur la situation du sport amateur en France.
Sa pratique n'est possible, comme l'ont souligné certains des orateurs qui
m'ont précédé, que grâce à des bénévoles qui acceptent de se dévouer pour
encadrer les jeunes et pour gérer les petits clubs. Or, à l'heure actuelle, le
bénévolat traverse une véritable crise.
De nombreux clubs ont ainsi perdu une partie de leurs dirigeants, notamment
parce que les plus âgés d'entre eux se sont retirés et que d'autres sont
partis, fatigués de se heurter à des difficultés administratives ou financières
ou à un manque de moyens ou encore découragés par les risques encourus. Quant
aux jeunes, ils sont peu désireux, face à ce constat, de se dévouer et de
devenir eux-mêmes des dirigeants bénévoles.
La situation est donc très grave. Que deviendra le mouvement sportif dans
notre pays sans ces bénévoles qui en sont la force vive ?
Aussi est-il urgent de prendre des mesures afin d'encourager le bénévolat et
de faire en sorte que les jeunes fassent ce choix. La mise en place d'un statut
des bénévoles, et plus particulièrement des dirigeants bénévoles, est selon moi
la première mesure à prendre.
Cela étant, le soutien au sport de masse passe également par le soutien
financier aux petits clubs, notamment par le biais du FNDS. Ce dernier a été
créé par la loi de finances pour 1979, afin de renforcer les moyens alloués par
le budget de l'Etat au sport de masse.
En dépit de sa vocation initiale, ce fonds a cependant été peu à peu
transformé par les ministres qui se sont succédé à la place que vous occupez
aujourd'hui, madame le ministre, en une réserve de trésorerie ou, plus encore,
en un « budget
bis
» de leur ministère ce qui a estompé ainsi sa
finalité et sa spécificité. Au cours de l'été, il a même été envisagé de
l'intégrer au sein du budget de la jeunesse et des sports. Une telle décision
aurait été inacceptable, car la gestion paritaire du FNDS est une originalité
de notre pays, qui marque notre attachement au mouvement sportif et à la vie
associative. Mais vous y avez renoncé, et nous nous en réjouissons.
Il n'en demeure pas moins que la frontière séparant les dépenses financées par
le budget de la jeunesse et des sports de celles qui sont financées par le FNDS
reste beaucoup trop floue.
C'est pourquoi je partage l'opinion de nos deux rapporteurs quant à la
nécessité de réformer le FNDS afin d'en rendre les modalités de gestion plus
transparentes et plus démocratiques.
Au sein du groupe d'études « sport » du Sénat présidé par M. Jean Faure, nous
avons réfléchi sur ce problème à partir de l'excellent travail de notre
collègue Michel Sergent, et nous avons tenté de dégager des orientations visant
à assurer la pérennité de ce fonds.
Permettez-moi d'évoquer certaines de ces orientations.
Il nous semble que le FNDS ne pourra être pérennisé que si ses missions sont
rigoureusement définies et encadrées. Un tel effort de clarification devrait, à
notre sens, permettre un certain nombre d'avancées.
Le réexamen du périmètre des crédits du budget de la jeunesse et des sports,
d'une part, et du FNDS, d'autre part, conduirait à rebudgétiser certaines
dépenses prises en charge par le FNDS, ou inversement à transférer certains
chapitres budgétaires sur le FNDS. Cela permettrait, par ailleurs, que les
crédits finançant des activités de même nature soient regroupés soit sur le
FNDS soit sur le budget, facilitant ainsi un recentrage du FNDS vers sa
vocation initiale qui est bien d'aider et de soutenir les petits clubs, qui ne
reçoivent actuellement que 53 % des crédits de ce fonds.
Il faudrait également réintégrer dans le budget général des dépenses qui lui
incombent. Je pense notamment à l'entretien des équipements appartenant à
l'Etat, tels que les centres régionaux d'éducation physique et sportive.
Il nous est, enfin, apparu important que le contrôle des élus locaux et la
concertation avec ces derniers soient développés. En effet, alors que des
parlementaires siègent aux réunions de la commission nationale du FNDS, aucun
élu ne participe aux conférences régionales ou départementales qui décident de
l'affectation des crédits déconcentrés du FNDS.
Vous l'aurez compris, madame le ministre, nos propositions s'inscrivent
totalement dans la réflexion actuellement menée et tendent à ce que l'esprit
même du FNDS ainsi que ses objectifs, ses contrôles et ses partages soient
revus afin d'en améliorer l'efficacité.
Pour conclure, j'aimerais brièvement revenir sur la lutte contre le dopage.
Celle-ci implique une activité poussée et ciblée que seul le laboratoire de
Châtenay-Malabry est habilité, à l'heure actuelle, à effectuer. Or, comme je
vous l'avais déjà signalé lors de l'examen de votre projet de loi sur ce sujet,
cela me semble fort peu pour répondre à toutes les demandes. Par ailleurs, ce
laboratoire aura-t-il la souplesse d'adaptation nécessaire pour suivre et même
anticiper l'approche des nouveaux produits ?
Pour améliorer le suivi médical longitudinal que nécessite cette lutte, ne
pourrions-nous pas imaginer un réseau de structures d'accueil d'analyses afin
de satisfaire tous les besoins des fédérations sportives ?
Je vous remercie, madame le ministre, de l'attention que vous voudrez bien
porter à toutes ces réflexions.
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Madame la ministre, malgré vos souhaits, votre budget est encore trop modeste
; je suis néanmoins heureux que ses crédits augmentent de 3,5 %, pour atteindre
un peu plus de 3 milliards de francs.
Investir dans la jeunesse, c'est-à-dire dans ce qui nous est le plus cher,
développer la pratique du sport, c'est sans doute contribuer à l'édification
d'une société meilleure, car plus confiante en ses capacités.
Je souhaite vous faire part de quelques réflexions concernant une partie des
crédits alloués au sport.
Qui n'est pas favorable à la rationalisation de l'administration ? Personne,
bien sûr, mais votre politique de « regroupement fonctionnel » des services,
qui vise à réunir les directions régionales et départementales implantées dans
une capitale régionale, ne me paraît pas pertinente. Elle est, de plus,
coûteuse. Ainsi, pour l'an 2000, vous prévoyez en Midi-Pyrénées l'acquisition
d'un immeuble pour un montant de plus de 14 millions de francs. Est-ce bien
utile ?
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Non !
M. Aymeri de Montesquiou.
De nombreux clubs sportifs de la région auraient été bien heureux de se
partager une telle subvention !
Surtout, cette concentration éloigne du terrain, car l'échelon régional
absorbe
de facto
l'échelon départemental.
Quand nous exposerez-vous vos prévisions quant aux résultats de votre
politique de regroupement ?
Vous cherchez, par ailleurs, à rendre le sport plus populaire, notamment en
menant des actions en faveur des jeunes les moins favorisés. Le « ticket sport
» pour les jeunes qui ne partent pas en vacances et le « coupon sport »
permettant d'abaisser le coût d'adhésion à un club sportif voient leurs crédits
augmenter. Je trouve ces mesures tout à fait utiles et généreuses, je suis
favorable à l'extension que vous proposez.
En revanche, je suis un peu surpris car, d'un côté, vous prévoyez la « fête du
sport » en septembre 2000 et, de l'autre, vous voulez mettre en place une «
fête du sport en entreprise » en mai 2000. Pourquoi organiser ces événements à
des dates différentes ? Pourquoi ne pas les fusionner ? Je n'ose voir dans ce
choix quelque réticence idéologique à intégrer le monde de l'entreprise dans ce
qu'on pourrait appeler la « vraie vie ».
Enfin, permettez-moi de me réjouir de la non-intégration du fonds national
pour le développement du sport dans votre budget et de vous remercier d'avoir
ainsi pris en compte ma question écrite. Qu'en sera-t-il l'an prochain et
quelles mesures comptez-vous prendre pour prévenir toute tentative de dilution
de ce milliard de francs dans le budget de l'Etat ?
Concernant l'utilisation de ce fonds, la part régionale du FNDS, qui concerne
directement les actions menées par les ligues régionales, les comités
départementaux et les clubs locaux, atteint aujourd'hui 33 %. C'est encore
insuffisant au regard des 51 % de la part nationale ! Veillerez-vous à
développer la part régionale du FNDS ?
D'autres sujets pourraient être abordés au cours de l'examen de votre budget,
mais j'aurai d'autres occasions de revenir sur la mise aux normes des
installations sportives, sujet qui préoccupe beaucoup les élus locaux.
Madame la ministre, vous menez des actions multiples, foisonnantes, mais je
regrette que leurs financements soient rarement simples. Néanmoins, il me
paraît difficile de s'opposer à votre budget.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle.
Madame la ministre, pour la troisième année consécutive, votre projet de
budget, qui est en augmentation, traduit parfaitement votre volonté et celle du
Gouvernement de répondre aux attentes de la jeunesse, aux besoins du monde
sportif ainsi qu'aux nouveaux défis de l'an 2000.
S'élevant à 3 154 millions de francs, en augmentation de 3,5 %, votre budget
bénéficie d'une progression supérieure à l'augmentation moyenne du budget de
l'Etat.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
C'est vrai !
M. Philippe Madrelle.
Avant de détailler ce projet de budget, je voudrais, madame la ministre,
saluer vos efforts et toute l'énergie que vous déployez pour rechercher et
préserver l'éthique du sport. C'est ainsi que la loi du 23 mars 1999 relative à
la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage, mais
aussi le futur projet de loi sur les activités physiques et sportives ainsi que
votre volonté d'une harmonisation européenne des politiques sportives sont
autant de preuves encourageantes.
Votre budget, madame la ministre, a le mérite d'avoir institué un juste
équilibre entre la jeunesse et la vie associative, d'un côté, et le monde
sportif, de l'autre.
Nous approuvons les priorités que vous entendez donner à votre budget. Nous ne
pouvons que soutenir les actions et toutes les mesures nouvelles menées en
faveur des jeunes.
Ainsi, on note avec satisfaction que les associations pourront bénéficier d'un
supplément de 5,5 millions de francs, que 2 millions de francs seront affectés
à la création d'associations de petite taille et que 9 millions de francs
supplémentaires seront octroyés à la formation des animateurs.
Les 6 millions de francs affectés à l'office franco-allemand pour la jeunesse
devraient permettre non seulement d'améliorer les échanges entre les jeunes des
deux pays, mais également d'intensifier les rencontres avec d'autres pays
européens.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous apporter des précisions sur l'activité
et les missions des conseils départementaux de la jeunesse ? Pourriez-vous
également nous en dire plus sur ce « Festival de la citoyenneté » annoncé pour
mars prochain ? Quel sera son contenu, et selon quelles modalités se
déroulera-t-il ?
Une somme de 4 millions de francs devrait permettre la constitution de
conseils locaux de jeunes. Comment ceux-ci fonctionneront-ils ?
Une mesure nouvelle de 2,27 millions de francs permettra de financer la
création de 50 nouveaux postes FONJEP, ce qui portera leur nombre à 3 265. Ces
postes permettront à l'Etat de cofinancer avec les collectivités territoriales
de nombreux contrats pour les associations.
Ce nouvel effort en faveur des postes FONJEP prolonge celui qui a été initié
en 1999, permettant ainsi au monde associatif, très touché par les suppressions
massives de postes effectuées par les gouvernements Balladur et Juppé, de
remonter la pente. Au total, ce sont quelque 170 associations qui devraient
bénéficier de postes FONJEP en 2000.
Une mesure nouvelles de 30 millions de francs est destinée aux contrats
éducatifs locaux ; gérés en partenariat avec le ministère de l'éducation
nationale, ces contrats permettent à de nombreux jeunes de bénéficier
d'activités éducatives périscolaires, notamment en milieu rural et dans
certains départements prioritaires.
Destinés à se substituer aux dispositifs antérieurs, les contrats éducatifs
locaux auraient besoin d'une somme d'au moins 3 milliards de francs pour
pouvoir irriguer l'ensemble du territoire. Dans quels délais un tel dispositif
pourra-t-il bénéficier de moyens supplémentaires et jouer ainsi pleinement son
rôle ?
En ce qui concerne la vie associative, et au niveau des comptes d'affectation
spéciale, il ne faut pas oublier le fonds national de développement de la vie
associative, qui enregistre cette année une hausse exceptionnelle de près de 67
%. Ses crédits passent de 27 à 40 millions de francs, permettant ainsi
d'améliorer la formation des bénévoles.
Vous me permettrez, mes chers collègues, de rendre hommage à Mme la ministre,
qui, au travers de toutes ces mesures nouvelles en faveur de la jeunesse,
respecte les engagements pris - je pense notamment à la pérennisation des
emplois-jeunes - et montre ainsi son intérêt en faveur du monde associatif,
tentant de corriger les conséquences des choix politiques effectués par les
gouvernements précédents. Toutes les associations d'éducation populaire se
félicitent d'avoir été ainsi associées à la concertation engagée par votre
ministère.
On retrouve cette même ambition pour le mouvement sportif, et on peut se
féliciter de l'équilibre réalisé entre le sport de haut niveau et le sport de
masse. Nous sommes sensibles à ce choix consistant à préserver l'unité du monde
sportif, en encourageant la politique associative et en préservant
l'éthique.
Nous ne pouvons qu'approuver le développement du sport en entreprise, le
développement du sport féminin et la poursuite de l'opération « Coupon sport »,
qui permet d'aider financièrement les jeunes à pratiquer une activité
sportive.
A la veille de la préparation des grandes rencontres internationales, il est
logique de trouver dans votre projet de budget une mesure exceptionnelle de 30
millions de francs pour les jeux Olympiques de Sydney, et je sais que vous
mettez beaucoup d'espoir dans la délégation française, qui sera très importante
compte tenu des résultats obtenus par nos équipes.
Vous « mettez le paquet », madame la ministre, si vous me permettez
l'expression, pour soutenir la candidature de Paris aux jeux Olympiques de
2008. C'est ainsi que 8 millions de francs doivent financer les projets
d'animation relatifs à cette candidature autour du thème de l'olympisme. Par
ailleurs, le ministère contribue pour 12,5 millions de francs au groupement
d'intérêt public destiné à promouvoir cette candidature.
Une mesure de 4,5 millions de francs doit permettre le financement de la
participation aux compétitions internationales et aux grandes manifestations
telles que championnats d'Europe et du monde.
Je voudrais, madame la ministre, saluer le caractère exemplaire du combat que
vous avez entrepris dans la lutte contre le dopage.
Pourriez-vous nous dire dans quels délais sera publiée l'intégralité des
décrets relatifs à ce texte ? Nous nous réjouissons de l'accroissement des
moyens de lutte contre le dopage et nous nous félicitons de voir notre pays
jouer un rôle d'impulsion face à nos partenaires européens.
Vous avez annoncé, madame la ministre, que l'année à venir serait l'occasion
d'une réflexion sur le FNDS. Sa réforme apparaît effectivement nécessaire, dans
la mesure où ce compte d'affectation spéciale va bénéficier de recettes
nouvelles.
Evaluées à 1 014 millions de francs, les ressources du FNDS sont effectivement
augmentées, d'une part, par les bénéfices réalisés par le comité d'organisation
de la Coupe du monde de football - 300 millions de francs dotent le fonds «
Sastre » grâce à une taxe de 5 % - et, d'autre part, par la contribution sur
les droits de cession de retransmission télévisée des grandes manifestations
sportives, pour 75 millions de francs.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous apporter des précisions quant à votre
réflexion sur le mode de fonctionnement du FNDS, dont la mission essentielle
est d'abord l'aide aux petits clubs ? Il va sans dire, en effet, que ce soutien
accordé aux petits clubs profite à l'ensemble du monde sportif.
Je crois que nous sommes d'accord pour reconnaître qu'il est nécessaire
d'assurer plus de transparence dans la gestion de ce fonds et de vérifier ainsi
que la part régionale profite bien aux clubs. Nous vous faisons confiance,
madame la ministre, pour mener à bien ce travail de clarification avec le
mouvement sportif.
Je ne voudrais pas terminer cette intervention sans insister à nouveau sur le
rôle irremplaçable des bénévoles, qui font un travail remarquable dans cet
indispensable maintien du lien social. Vous avez évoqué, madame la ministre, la
possibilité d'un statut pour ces bénévoles, qui exercent de lourdes
responsabilités avec une totale disponibilité. Toutefois, ce statut ne
serait-il pas en contradiction avec la définition même du bénévolat ? Il nous
faut réfléchir à des mesures incitatives permettant d'encourager le
bénévolat.
Madame la ministre, nous ne pouvons que vous suivre sur la révision de la
législation en matière de financement des clubs sportifs par les collectivités
territoriales.
Seul point noir de votre projet de budget : la diminution de 27 % par rapport
à l'an passé des crédits destinés à la rénovation des installations sportives.
En tant que maire et président d'un conseil général, je suis confronté
quotidiennement aux besoins considérables des collectivités locales en matière
d'équipements notamment aux inévitables charges, estimées à plusieurs dizaines
de milliards de francs, concernant les travaux d'homologation des piscines, des
stades et des gymnases. Il s'agit là d'une question essentielle qui peut mettre
gravement en cause la responsabilité des élus. Les collectivités locales ont
besoin du soutien de l'Etat pour mener à bien ces travaux de rénovation.
Une politique budgétaire est toujours affaire de choix et de volonté. La
diversité des actions menées, l'importance du travail législatif entrepris
illustrent bien votre détermination. Le groupe socialiste du Sénat votera votre
budget parce qu'il vous fait confiance pour continuer ce combat pour la
jeunesse de notre pays.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, le budget de la jeunesse et des sports pour l'an 2000
est le troisième budget en augmentation que j'ai l'honneur de vous présenter :
3,5 % de plus par rapport à 1999.
Je ne pense pas qu'il faille s'arrêter là. Oui, monsieur Joly, ce n'est pas
suffisant ! Les besoins d'intervention publique en matière de sport, de
jeunesse et d'éducation populaire sont en effet considérables. En faisant de ce
budget un de ses budgets prioritaires, le Gouvernement montre sa volonté de
répondre à ces besoins.
Vous l'avez noté, monsieur le rapporteur spécial, nos moyens en personnel
augmentent peu et nos moyens de fonctionnement diminuent légèrement. C'est vrai
et cela constitue à mes yeux non pas une optimisation de nos dépenses mais une
insuffisance, notamment en matière de personnel des services déconcentrés.
Nous avons une administration de terrain qui travaille directement avec les
associations et nous avons besoin de plus d'hommes et de femmes capables
d'effectuer ce travail de conseil et de contrôle.
Vous avez abordé, monsieur de Montesquiou, les problèmes de la refonte des
directions régionales et des directions départementales. Cette décision n'est
pas de mon fait. Je pense pour ma part que nous avons besoin de directions
départementales qui soient bien armées pour répondre aux besoins sur le
terrain.
Je tiens à vous rassurer, monsieur Madrelle, les crédits d'investissement
consacrés à la rénovation des équipements sportifs locaux seront en
augmentation, avec plus de 20 millions de francs.
La même somme ira au patrimoine associatif des centres de vacances et de
loisirs, madame Luc. Un certain nombre de ces opérations d'investissement sont
d'ailleurs inscrites dans les contrats de plan. Plusieurs d'entre vous ont
rappelé leur importance : j'y suis moi-même particulièrement attachée, tout en
reconnaissant l'immense effort financier à accomplir.
Tous les intervenants ont souligné la nette augmentation de nos crédits du
titre IV. Ils profitent à tous les domaines d'intervention du ministère, de
façon équilibrée. Le chapitre « sports » augmentera de plus de 21 % sur 1999 :
il n'est donc pas défavorisé par rapport à la jeunesse.
Souvent j'évoque deux chiffres : les conventions d'objectifs avec les
fédérations sportives représentent 500 millions de francs ; les conventions
d'objectifs avec les fédérations d'éducation populaire et de jeunesse
représentent 50 millions de francs. En continuant à aider le mouvement sportif,
mais aussi en aidant de façon importante le mouvement d'éducation populaire et
de jeunesse, nous essayons simplement de rétablir modestement un semblant
d'équilibre.
Monsieur Joly, les crédits « toxicomanie » nous sont transférés du budget de
la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Nous
ne pouvons déléguer qu'après les avoir reçus ces crédits et nous les avons
reçus cette année au mois de septembre ! Je le regrette comme vous je
préférerais que ce soit plus rapide, mais c'est un fait.
L'ensemble de nos moyens sera mis au service de quelques priorités fortes qui
caractérisent mon action.
Je voudrais d'abord évoquer notre action en faveur des jeunes, et plus
précisément pour le développement de la citoyenneté, l'accessibilité des
pratiques sportives, l'emploi et la formation.
Le développement de la citoyenneté, c'est l'objectif des conseils
départementaux de la jeunesse, qui bénéficieront de moyens nouveaux.
M. le Premier ministre, le week-end dernier, a donné à ces conseils de jeunes
le rôle d'interlocuteur institutionnel du Gouvernement. Dès le mois de mars
prochain, le Premier ministre et les ministres iront devant les jeunes faire le
point des mesures sur lesquelles ils s'étaient engagés à Marly-le-Roi ; les
jeunes pourront nous exposer les mesures qu'ils attendent de nous pour répondre
à leurs besoins.
Le festival de la citoyenneté, qui se tiendra du 18 au 25 mars 2000, a été
voulu et conçu par les jeunes. Je trouve formidable que les jeunes aient
souhaité se mobiliser sur ce thème de la citoyenneté.
Le contenu de ce festival est très clairement défini : des initiatives partout
labellisées par les jurys départementaux porteront sur le dialogue entre les
jeunes et les institutions. Nous soutiendrons également la création de conseils
locaux de jeunes et de « junior-associations » sous le tutorat d'associations
d'adultes.
Nous expérimentons ce tutorat dans une dizaine de départements.
Nombre d'associations et de clubs sportifs sont prêts à s'engager pour aider
des jeunes mineurs à se prendre en main et à développer leurs projets.
Concernant l'accessibilité des pratiques sportives, les actions « ticket-sport
» et « coupon-sport » seront poursuivies.
Par ailleurs, plus de 11 500 jeunes pourront recevoir une bourse BAFA.
Aujourd'hui, l'acquisition de ce premier diplôme « d'entrée » dans l'animation
socioculturelle est parfois difficile, étant donné son coût, de l'ordre de 4
500 à 5 000 francs.
Enfin, un effort nouveau sera fait en faveur de la gratuité des formations
initiales aux métiers du sport et de l'animation.
Dans le cadre du plan « nouveaux services - emplois-jeunes », la formation
professionnelle des 38 366 jeunes qui ont été embauchés aujourd'hui par les
associations sportives, les associations dites de gestion populaire et de
jeunesse, se développera pendant l'an 2000. Un effort de formation extrêmement
important sera fait dans le cadre d'une collaboration avec les régions,
Uniformation et l'AGEFOS-PME.
Je souhaite réellement qu'aucun jeune embauché dans ce dispositif n'en sorte
sans une formation professionnelle lui permettant de pérenniser son emploi ou
d'en trouver un autre. Il s'agit d'une responsabilité essentielle que nous
avons prise en engageant ces jeunes et qu'il nous faut mener à son terme.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Comme vous l'avez souligné,
monsieur Sergent, nos crédits consacrés à la formation augmentent de façon
considérable pour la deuxième année consécutive. Ce ministère sera de plus en
plus celui de l'emploi et de la formation.
L'information des jeunes sera soutenue par une mesure nouvelle de 2,5 millions
de francs en faveur du réseau d'information jeunesse.
Enfin, nous aiderons à la mise en place de 500 points « cyber-jeunes ». C'est
une question importante ; tant de choses passent aujourd'hui par Internet, mais
peu de jeunes y ont un accès direct, chez eux, dans leur famille. Evitons de
créer une société à deux vitesses et permettons à tous les jeunes d'accéder à
ces nouvelles technologies dans des espaces libres.
Le deuxième grand axe de mon action vise à soutenir le sport dans la diversité
de ses pratiques et de ses publics, à renforcer sa dimension associative, à
préserver son éthique.
Le sport pour tous, besoin social de première importance, constitue la base
indispensable de tout l'édifice sportif. Sans lui, la France pourrait-elle être
une grande nation sportive ?
Je dis souvent aux jeunes que Zinedine Zidane, avant d'être champion du monde
de football, a été accueilli très jeune par des bénévoles au sein d'une
association locale. Sans eux, la France n'aurait pas pu obtenir les résultats
qu'elle a obtenus ces dernières années.
Vous avez raison, messieurs les rapporteurs, il faut soutenir les petits
clubs. C'est l'objectif du prélèvement de 5 % que je propose d'instituer sur
les droits de retransmission audiovisuelle des événements sportifs. Il faut
soutenir tous ceux qui travaillent à favoriser l'accès de tous les publics aux
pratiques sportives dans leur diversité. Les conventions d'objectifs conclues
avec les fédérations sportives répondent à ce souci.
Quand je pense accessibilité, je pense aussi aux handicapés. Le sport
handicapé aura bénéficié en 1999 de 1 million de francs de plus qu'en 1998. Les
jeux paralympiques seront l'occasion de renforcer ces subventions.
Je tiens également à soutenir spécifiquement le sport féminin et le sport en
entreprise.
J'insiste sur le sport féminin. Son développement ne se fera pas tout seul.
Dans ce domaine comme dans tous ceux qui touchent à la vie des femmes, il nous
faut rompre avec des décennies de discrimination.
Ce matin, en conseil des ministres, avec l'appui du Président de la
République, nous avons examiné deux projets de loi sur la parité en politique.
On ne peut ignorer que cette question se pose aussi dans le sport.
Il est donc particulièrement « adapté » de développer, au niveau du ministère,
un effort en faveur de la réflexion, du débat, de la communication et de la
coordination de toutes les initiatives permettant de développer la pratique
féminine du sport et de lui donner de la visibilité. Les « assises nationales
du sport féminin », que je suis fière d'avoir lancées et présidées, y ont
contribué fortement.
Dans cette perspective, monsieur Lagauche, je trouve exemplaire la charte du
développement du sport féminin signée dans l'Allier. Cet exemple commence à
être suivi par d'autres conseils généraux.
Le prochain projet de loi sur le sport placera l'accès égal des femmes et des
hommes aux responsabilités dans les instances dirigeantes du sport comme une
condition de leur agrément.
Monsieur Maman, je suis prête à apporter mon soutien plein et entier à la
pratique sportive des Français de l'étranger. J'accueillerai favorablement tous
les projets qui pourraient m'être présentés. En 1999, aucun projet ne m'a été
soumis. J'appelle vivement les clubs intéressés à m'en transmettre.
Dans le domaine des publics jeunes, les animations « 1, 2, 3, ... à vous de
jouer », qui ont connu un grand succès en 1999, seront poursuivies en 2000.
L'objectif est de les mener jusqu'aux jeux de Sydney, autour du thème de
l'esprit de l'olympisme.
Monsieur Demuynck, je partage votre souci de mettre fin à la violence dans les
stades. Je le ressens d'ailleurs comme une de mes premières responsabilités.
J'ai décidé, en accord avec M. le ministre de l'intérieur et avec les
dirigeants du mouvement sportif local, de prendre des mesures immédiates tant
en matière de dissuasion que de prévention. Par exemple, en Ile-de-France, nous
avons mis en place un correspondant sport par département. En
Seine-Saint-Denis, cela a d'ores et déjà permis de réduire les violences sur
les stades de 40 %.
Je me félicite qu'aujourd'hui SOS-Racisme et le Paris-Saint-Germain aient
signé une sorte de convention aux termes de laquelle les supporteurs qui auront
injurié des joueurs de couleur même de leurs propres équipes pourront être
exclus des stades.
Je précise que la loi Alliot-Marie, renforcée lors de la préparation de la
Coupe du monde de football, nous donne tous les instruments nécessaires pour
mettre fin à la violence des supporteurs si les clubs s'engagent fortement dans
cette démarche.
Nous allons lancer avec le ministre de l'intérieur, le ministère de
l'équipement ainsi qu'avec la RATP et la SNCF une grande campagne sur le thème
« Non à la violence dans le sport et dans les transports », car nous y
retrouvons les mêmes acteurs. Nous devons nous mobiliser ensemble face à ce
phénomène.
Le FNDS conservera son statut de compte d'affectation spéciale. Ce fonds sera
renforcé en 2000 par les quelque 300 millions de francs de bénéfices du Comité
français d'organisation de la Coupe du monde de football.
Nous aurons une première réunion informelle avec la famille du football demain
après-midi, au cours de laquelle nous allons pouvoir préciser les critères
d'attribution de ces 300 millions de francs.
Je pense qu'il faut travailler sur la base de projets, et non pas sur la base
de subventions aveugles, des projets qui, tous, doivent être ouverts sur
l'accessibilité à la pratique sportive. Nous pourrons, je crois, distribuer les
fonds dès 2000.
Si le projet de loi sur le sport est adopté, un fonds de mutualisation du
sport sera créé, alimenté par un prélèvement de 5 % sur les droits de
retransmission audiovisuelle des événements sportifs.
Ce fonds répond à une très grande attente du mouvement sportif amateur. Cela
fait près de deux ans que nous débattons dans les forums sportifs. Pour les
clubs locaux, les sports peu médiatisés, il y a urgence.
J'ai répondu aux attentes du sport professionnel. Hier, à l'Assemblée
nationale - ce sera peut-être le cas, le 15 décembre prochain, dans cette
assemblée, car je sais que votre rapporteur y est attaché - nous avons adopté
un élargissement du statut des clubs professionnels, le maintien des
subventions publiques aux clubs professionnels ; nous avons renforcé la défense
des clubs formateurs et la protection des jeunes sportifs professionnels. Nous
avons considéré qu'il y avait urgence et c'est pourquoi le Gouvernement a
déclaré l'urgence pour la proposition de loi relative aux activités physiques
et sportives. S'il y a urgence pour défendre le sport professionnel, il y aussi
urgence pour défendre le sport amateur.
Le prélèvement de 5 % ne se perdra pas dans les caisses de l'Etat. Ce n'est
pas la vignette automobile ! Il ira directement au FNDS, qui est cogéré par le
mouvement sportif. Nous travaillons, à l'heure actuelle, avec M. Sérandour,
président du Comité national olympique et sportif français, pour que cet argent
soit distribué le plus vite possible aux clubs sportifs amateurs qui en ont
besoin.
D'ailleurs, dans le rapport de M. Prodi qui sera présenté au sommet des chefs
d'Etat qui se tiendra à Helsinki dans quelques jours, la Commission européenne
s'est dite prête à reconnaître la spécificité du mouvement sportif, à condition
que l'argent qui lui est destiné soit redistribué à l'ensemble des activités
sportives. En prévoyant ce prélèvement sur les droits de télévision, le
Gouvernement français devance la décision que prendra l'Union européenne.
Concernant la gestion du FNDS, monsieur Leclerc, nous sommes convenus avec le
président du CNOSF, M. Sérandour, d'apporter très rapidement les améliorations
nécessaires sur la base du rapport de MM. Sergent et Loridant. On ne peut que
se féliciter de cette initiative sénatoriale.
Le travail entrepris avec le mouvement sportif devra trouver sa conclusion
pour la séance de janvier 2000 du conseil de gestion du FNDS.
Je suis favorable à une TVA à taux réduit s'agissant de l'utilisation des
installations sportives, même si cette mesure n'a pas été retenue comme
prioritaire en 2000. Cela pourrait en effet favoriser l'emploi et concourir à
l'abaissement des tarifs pour les publics.
Le sport de haut niveau sera, quant à lui, particulièrement soutenu en 2000,
pour permettre à la France de confirmer ses très bons résultats actuels.
Je tiens à cet égard à exprimer le plaisir que j'ai eu à recevoir cet
après-midi même l'équipe de France d'escrime. Les résultats qu'elle a obtenus
sont un peu passés inaperçus dans les médias ; ce sont pourtant les meilleurs
que la France ait obtenus depuis quelques années. Je souhaite à cette équipe la
même réussite pour les jeux Olympiques de Sydney.
La délégation française aux jeux Olympiques de Sydney sera peut-être la plus
importante de notre histoire.
Une dotation exceptionnelle de 30 millions de francs permettra d'assurer
l'accueil de cette délégation dans les meilleures conditions.
Enfin, voir Paris ville olympique pour les jeux de 2008 est une perspective
pour laquelle j'oeuvre avec détermination : 12,5 millions de francs seront
versés au groupement d'intérêt public qui soutient cette candidature. Comme je
l'ai dit à la presse, je souhaite la relance de cette candidature, avec le plus
grand soutien du mouvement sportif.
J'espère que nous pourrons accueillir ces jeux au Stade de France, lequel,
vous le savez, a réalisé un bénéfice de 20 millions de francs. On ne peut que
s'en féliciter, puisque mon ministère paie encore le financement des jeux
Olympiques d'Albertville ! Cela montre que les clauses de la concession doivent
être renégociées car, malgré cet excédent, le ministère de la jeunesse et des
sports doit, selon le contrat, verser 112 millions de francs cette année.
Par ailleurs, nous allons poursuivre la lutte contre le dopage. A ce titre,
113 millions de francs sont inscrits dans mon budget et représentent une somme
dont n'a jamais disposé à ce titre le ministère de la jeunesse et des
sports.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous manifestez votre souci au sujet des
décrets d'application de la loi pour la protection de la santé des sportifs et
de la lutte contre le dopage. Vous avez raison.
Les deux décrets concernant le Conseil national de prévention et de lutte
contre le dopage sont parus au
Journal Officiel.
Le travail avec le
ministère chargé de la santé avance avec beaucoup de rigueur, car nous ne
pouvons nous permettre aucune erreur en la matière. Les textes autorisant la
mise en place des médecins préleveurs devraient être communiqués au Conseil
national de prévention et de lutte contre le dopage dans les jours prochains.
La saisine du Conseil d'Etat, nécessaire pour certains décrets, a commencé et
devrait s'étaler sur les six prochains mois.
Je voudrais vous assurer que, toutes les semaines, au ministère, nous faisons
le point sur l'application de cette loi.
Au niveau international, il faut vraiment se féliciter, monsieur le
rapporteur, de la création de l'Agence mondiale antidopage. C'est la France qui
est à l'origine de cette création. Dès janvier 2000, je serai amenée à y
siéger, et j'apporterai vraiment toute la détermination dont la France a fait
preuve jusqu'à présent dans cette lutte.
Au sommet des chefs d'Etat à Helsinki, il y aura une communication sur la
reconnaissance de la singularité du sport et une autre sur la lutte contre le
dopage. Il est important d'en parler à chaque réunion au niveau de l'Union
européenne.
Le troisième axe est le soutien à la vie associative.
Nos subventions aux associations nationales de jeunesse et d'éducation
populaire augmenteront de 5,5 millions de francs. Nous allons créer cinquante
nouveaux postes FONJEP et permettre, je pense, avec le doublement des fonds du
FNDVA, une meilleure formation des bénévoles.
Enfin, je veux souligner que le ministère a renforcé sa politique
contractuelle avec les collectivités, qu'elles soient régionales,
départementales ou locales, notamment avec les contrats de plan, qui vont
représenter une multiplication par six par rapport aux précédents. Je suis
d'ailleurs soucieuse de respecter cet engagement, qui va nous permettre de
prendre de nombreuses initiatives au niveau des régions.
Le 27 janvier prochain, nous organisons avec le CNOSF une réunion sur le thème
« Sport et régions » pour travailler à partir du schéma collectif du sport,
puisque maintenant le sport fait partie des schémas de services collectifs
définis dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement
durable du territoire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à ces quelques éléments, j'espère
avoir répondu à la plupart de vos interpellations.
(Applaudissements.)
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la jeunesse
et les sports, et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III :
moins
4 723 269 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 155 001 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 40 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 27 500 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 66 550 000 francs ;
« Crédits de paiement : 54 550 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la jeunesse et les sports.
Je vous félicite, madame le ministre, d'avoir obtenu l'adoption de vos
crédits. Cela n'est pas arrivé souvent depuis le début de l'examen de ce projet
de loi de finances pour 2000 ! Je m'en réjouis pour vous et pour le sport
français, auquel, vous le savez, je suis très attaché.
6
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Philippe Marini une proposition de loi tendant à favoriser
l'octroi de la Légion d'honneur aux résistants.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 124, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
7
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION,
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 517/94 du
Conseil relatif au régime commun applicable à l'importation de produits
textiles originaires de certains pays tiers non couverts par des accords,
protocoles ou autres arrangements bilatéraux, ou par d'autres régimes
communautaires spécifiques d'importation.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1361 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil sur l'application provisoire d'un accord
bilatéral entre la Communauté européenne et la République du Bélarus sur le
commerce de produits textiles.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1362 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil sur l'application provisoire d'un accord
bilatéral entre la Communauté européenne et l'Ukraine sur le commerce de
produits textiles.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1363 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil sur l'application provisoire d'un
mémorandum d'accord entre la Communauté européenne et la République arabe
d'Egypte sur le commerce de produits textiles.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1364 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil sur l'application provisoire d'un accord
bilatéral entre la Communauté européenne et certains pays tiers (Arménie,
Azerbaïdjan, Géorgie, Kazakhstan, Moldova, Ouzbékistan, Tadjikistan et
Turkménistan) sur le commerce de produits textiles.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1365 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil sur l'application provisoire d'un
mémorandum d'accord entre la Communauté européenne et l'ancienne République
yougoslave de Macédoine sur le commerce de produits textiles.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1366 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant l'application provisoire de
l'accord sous forme d'échange de lettres modifiant les accords entre la
Communauté européenne et la République populaire de Chine sur le commerce de
produits textiles et d'habillement.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1367 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil autorisant les Etats membres à continuer
d'appliquer des réductions ou des exonérations de droits d'accises sur
certaines huiles minérales, utilisées à des fins spécifiques, conformément à la
procédure prévue dans la directive 92/81/CEE.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1368 et distribué.
8
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Paul Masson un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République
française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération
transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière (ensemble une
déclaration) (n° 490, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 119 et distribué.
J'ai reçu de M. Hubert Durand-Chastel un rapport fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de
loi autorisant l'approbation du protocole d'entente entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement du Québec relatif à la protection
sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération (n° 7,
1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le n° 120 et distribué.
J'ai reçu de M. Hubert Durand-Chastel un rapport fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur :
- le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide
judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay (n° 33, 1999-2000) ;
- et le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition
entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
République orientale de l'Uruguay (n° 34, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le n° 121 et distribué.
J'ai reçu de M. André Rouvière un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi
autorisant l'approbation de la convention du 15 juillet 1982 portant création
de l'Organisation européenne de télécommunications par satellite (EUTELSAT)
telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Cardiff le 20 mai 1999 (n° 66,
1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le n° 122 et distribué.
9
DEPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Xavier de Villepin, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel
Pelchat et Gérard Roujas un rapport d'information fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à la suite d'une
mission effectuée au Maroc du 30 septembre au 3 octobre 1999.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 123 et distribué.
10
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au jeudi 9 décembre 1999.
A neuf heures trente :
1. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 88 et 89, 1999-2000). - M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. -
Moyens des services et dispositions spéciales :
- Agriculture et pêche (et articles 64 A, 64 B, 64 C, 64 D, 64 et 64
bis
) :
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial (rapport n° 89, annexe n° 3) ;
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (agriculture, avis n° 91, tome I) ;
M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (pêche, avis n° 91, tome II) ;
M. Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
et du Plan (développement rural, avis n° 91, tome III) ;
M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (industries agricoles et alimentaires, avis n° 91, tome
IV) ;
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (enseignement agricole, avis n° 90, tome VII).
- Budget annexe des prestations sociales agricoles :
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial (rapport n° 89, annexe n° 42) ;
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(avis n° 93, tome V).
- Affaires étrangères (et coopération) :
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial (affaires étrangères, rapport n° 89,
annexe n° 1) ;
M. Michel Charasse, rapporteur spécial (coopération, rapport n° 89, annexe n°
2) ;
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées (affaires étrangères, avis n°
92, tome I) ;
M. Guy Penne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées (relations culturelles extérieures et
francophonie, avis n° 92, tome II) ;
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées (aide au développement, avis n°
92, tome III) ;
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (relations culturelles, scientifiques et techniques, avis n° 90,
tome XII) ;
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (francophonie, avis n° 90, tome XIII).
A quinze heures et le soir :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen
des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 2000
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2000 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen
des crédits du projet de loi de finances pour 2000
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour
2000, est fixé au vendredi 10 décembre 1999, à seize heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise
en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des
dotations de l'Etat aux collectivités locales (n° 56, 1999-2000) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
jeudi 9 décembre 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 9 décembre 1999, à seize
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 9 décembre 1999, à zéro heure dix.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Avenir de l'usine Alsthom de Lys-lèz-Lannoy
679.
- 8 décembre 1999. -
Mme Dinah Derycke
souhaite attirer l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie
sur les inquiétudes très fortes des salariés d'Alsthom, entreprise qui vient
de fusionner, pour sa partie énergie, avec l'entreprise ABB. Des documents
émanant de la direction mentionnent un nombre très important de suppressions
d'emplois. Pour la seule usine de Lys-lèz-Lannoy, unique lieu de production de
chaudières en France, un projet de la direction en voie de finalisation prévoit
une suppression de 346 postes. A cette occasion, les instances de
représentation des salariés n'ont pas été consultées et ces défaillances ont
donné lieu à une procédure juridictionnelle récente, à la suite de laquelle les
organisations syndicales ont obtenu gain de cause. Elle souhaite que le
Gouvernement porte la plus grande attention à cette réorganisation par produits
qui, en désolidarisant juridiquement les diverses activités d'une entreprise et
leur multidisciplinarité, remet en cause des savoir-faire et sape ce qui fait
la force et assure la pérennité de certains lieux de production. Compte tenu de
l'ampleur de cette réorganisation et de ses implications notamment en matière
d'emploi, et particulièrement au coeur du versant nord-est de l'agglomération
lilloise frappée de plein fouet par les restructurations industrielles, elle
demande au ministre quelle position il compte prendre face à cette
situation.
Gestion des déchets par les collectivités locales
680. - 8 décembre 1999. - M. Guy Vissac attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences pour les communes de la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992. Il lui rappelle que lesdites communes devront fermer, combler et paysager leurs décharges municipales afin de se mettre en conformité avec les dispositions de la loi précitée. Il lui demande, d'une part, de lui indiquer si les communes pourront inscrire dans leur budget, en dépenses d'investissement, éligibles au fond de compensation de la TVA, les frais qu'elles engagent d'ores et déjà pour fermer, combler et paysager leurs décharges municipales afin de se conformer aux exigences de la loi de 1992, laquelle interdit la mise en décharge des déchets non ultimes après le 1er juillet 2002. Il lui demande, d'autre part, en cas de réponse négative, de lui préciser quels concours - et à quelles conditions - l'Etat entend apporter aux travaux effectués pour la mise en conformité avec les dispositions de la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992.