Séance du 4 décembre 1999
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : I. - Aménagement du territoire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la ministre, force est de constater que l'apport de votre ministère à la politique d'aménagement du territoire n'est pas budgétaire, puisque les crédits gérés par la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, s'élèvent à moins de 2 milliards de francs. Le rôle de votre administration consiste surtout à définir des orientations et à coordonner la mise en oeuvre d'une politique. Par conséquent, la proposition que je ferai tout à l'heure au Sénat dépendra moins de la manière dont vous gérez les crédits de la DATAR que des orientations du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire.
J'évoquerai tout d'abord les crédits gérés par la DATAR, qui figurent dans le fascicule budgétaire consacré à l'aménagement du territoire. Comme chaque année, ils concernent les moyens de fonctionnement de la DATAR, les crédits de la prime d'aménagement du territoire, la PAT, et ceux du Fonds national d'aménagement du territoire, le FNADT. Ils augmentent de 7 %, en raison surtout de l'accroissement de 105 millions de francs des crédits consacrés à la PAT. Les crédits de fonctionnement de la DATAR sont stables à structure constante et ceux du FNADT également.
Mon appréciation de la gestion des crédits qui dépendent directement de la DATAR est plutôt positive. Je n'en veux pour preuve que trois exemples.
En premier lieu, vous avez poursuivi, madame la ministre, la politique engagée par votre prédécesseur d'apurement du stock des crédits de la PAT, qui faisaient l'objet de reports d'année en année. Cette démarche arrive bientôt à son terme et, comme il n'a plus de report, il est légitime d'augmenter la dotation de la PAT pour maintenir constant le niveau des interventions.
Le deuxième exemple concerne la réforme des postes de la DATAR à l'étranger. J'approuve le projet de création d'une agence pour la promotion des investissements étrangers en France, qui permettra de mieux coordonner l'action de la DATAR avec celle de l'ambassadeur délégué aux investissements étrangers, qui dépend du ministère de l'économie et des finances. J'en profite pour saluer le travail réalisé par notre collègue Serge Vinçon, auteur cette année d'un remarquable rapport sur le dispositif public de promotion des investissements étrangers en France.
Au sujet de la future agence, je souhaiterais, madame la ministre, que vous puissiez nous dire quand sera déposé le projet de loi qui en permettra la création. J'aimerais également obtenir des précisions quant à la participation éventuelle des collectivités locales.
Le troisième et dernier exemple a trait au FNADT. Vous avez annoncé une réforme de l'emploi de ce fonds, afin de lui permettre de jouer son rôle d'appui à des projets territoriaux, et non pas de substitut aux défaillances des autres ministères. Nous attendons la nouvelle circulaire avec impatience. Je regrette cependant de n'avoir pas pu prendre connaissance du rapport sur le FNADT réalisé par l'Inspection générale des finances et à partir duquel est élaborée la nouvelle circulaire.
L'action de la DATAR et les crédits gérés par celle-ci ne résument pas l'ensemble de la politique du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire.
La tradition veut que l'on rappelle que les crédits de votre ministère ne représentent que 3,5 % de l'ensemble de l'effort financier de l'Etat en faveur de l'aménagement du territoire, effort qui est évalué par le « jaune » budgétaire à presque 55 milliards de francs.
L'ordre de grandeur me semble réaliste. Mais j'appelle votre attention sur le fait que ce document, auquel chacun se réfère pourtant, manque de clarté et de lisibilité.
Madame la ministre, vous êtes à la tête d'une administration à vocation interministérielle. Vous me pardonnerez donc, dans le rapide balayage de l'action du Gouvernement auquel je vais me livrer maintenant, de formuler des remarques relatives à des actions qui relèvent de la compétence de certains de vos collègues.
Je souhaite tout d'abord déplorer l'état de déshérence dans lequel se trouvent les fonds créés par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995. Certes, le Fonds de gestion de l'espace rural, le FGER, existe encore sur le papier, mais on ne sait plus très bien pourquoi. Il n'est plus doté et on ignore s'il a vocation ou non à être remplacé par les contrats territoriaux d'exploitation et le nouveaux fonds de gestion des milieux naturels.
Le Fonds de péréquation des transports aériens, quant à lui, est devenu le Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA. Or, au sein des crédits du FIATA, la péréquation devient, semble-t-il, un objectif marginal.
Le Fonds national de développement des entreprises, le FNDE, pour sa part, n'a jamais existé que dans les relevés de décisions des comités interministériels d'aménagement du territoire. Le FNDE est désormais un sigle « fourre-tout », dans lequel on range diverses actions en faveur des petites entreprises. Sur les 200 millions de francs dont il est censé être doté, seuls 30 millions de francs relèvent du budget de l'Etat, dont 20 millions de francs sont affectés au ministère de l'industrie, qui ne les a d'ailleurs pas consommés.
Mais c'est le Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, qui nous inquiète le plus. Ce fonds, destiné à financer des infrastructures d'aménagement du territoire, semble détourné de sa mission. Comme le relève la Cour des comptes, s'il permet surtout de débudgétiser des dépenses qui relevaient auparavant du budget du ministère des transports, la Cour constate également que ce fonds d'investissement finance, ce qui n'est pas sa vocation, des dépenses de fonctionnement.
Tous ces fonds, madame la ministre, ne sont pas gérés directement par votre ministère. En revanche, ils ont été créés par une loi d'aménagement du territoire. Il est donc, me semble-t-il, de votre devoir de mettre en garde vos collègues contre ces dérives. Le faites-vous ?
Les sujets que je vais à présent évoquer rapidement, laissant le soin à mes collègues d'entrer dans le détail, ont marqué la politique d'aménagement du territoire en 1999 et la conditionneront pour les années à venir.
Je pense d'abord à la nouvelle génération des contrats de plan, qui marque une rupture par rapport aux années précédentes, une rupture dans le bons sens puisque l'Etat favorise proportionnellement plus les régions à faible potentiel, dites pauvres, que celles qui sont dites riches, contrairement à ce qui s'était passé avec les contrats qui s'achèvent.
Je regrette, cependant, d'avoir à signaler que cette nouvelle génération de contrats de plan présente aussi une rupture dans le mauvais sens. En effet, les infrastructures, pourtant si nécessaires, ne sont plus une priorité du Gouvernement. Dans la première enveloppe des contrats de plan, les seuls crédits affectés d'une diminution notable relèvent du ministère de l'équipement.
Je pense également à la réforme des zonages européens et à celle de la carte des zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire. Je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles ces cartes ont été élaborées et révisées, pas plus que sur l'absence ou l'insuffisance notoire de consultation des élus locaux. Je ne reviendrai pas non plus sur les aberrations auxquelles aboutissent les nouvelles cartes, qui sont constatées dans maints départements et qui ont provoqué, vous le savez, même dans vos rangs, une vive réaction des élus.
Je souhaite de surcroît évoquer les incohérences de certaines décisions qui viennent d'être prises.
Vous avez décidé de réviser la carte de la PAT et, dans le même temps, vous avez procédé à une réforme de ses critères d'attribution. Cette réforme, qui se traduit par un abaissement des seuils d'éligibilité, va dans le bon sens puisqu'elle reprend les préconisations formulées depuis des années par le Sénat.
Toutefois, sa portée risque d'être limitée puisqu'un grand nombre de territoires qui auraient pu bénéficier de l'abaissement des seuils, les plus ruraux en particulier, seront désormais exclus des zones éligibles à la PAT.
Lorsque vous avez été reçue par notre commission des finances, madame la ministre, vous avez déclaré ne pas très bien comprendre pourquoi les élus locaux faisaient un aussi grand cas de l'éligibilité à une prime dont le montant est de moins de 500 millions de francs par an, crédits qui étaient par ailleurs, jusqu'à une période récente, mal consommés.
Une partie de l'explication réside, me semble-t-il, dans le fait que nous parlons improprement de réforme de la « carte PAT ». En réalité, il s'agit d'une réforme de la carte des zones d'aménagement du territoire. Or, vous le savez parfaitement, l'implantation dans une zone d'aménagement du territoire ouvre aux entreprises, quelle que soit leur taille, le bénéfice d'exonérations fiscales non négligeables.
La perte de l'éligibilité à la PAT des zones les plus rurales se traduira par un alourdissement de la fiscalité sur leur territoire, ce qui, à l'évidence, n'incitera pas les entreprises à venir s'y installer.
Cet effet secondaire de la révision de la carte de la PAT me conduit à déplorer le manque de suivi de l'ensemble des dispositifs fiscaux d'aménagement du territoire.
L'article 58 du projet de loi de finances proroge les exonérations d'impôt sur les sociétés dans les zones PAT, les territoires ruraux de développement prioritaire et les zones urbaines sensibles, qui arrivent à échéance à la fin de l'année. Je m'en félicite d'autant plus que vous vous étiez opposée à la même mesure lorsque le Sénat vous l'avait proposée, lors de la discussion de votre projet de loi. Sans la vigilance de nos collègues de la commission des finances de l'Assemblée nationale, la faculté pour les entreprises implantées en zones de revitalisation rurale de pratiquer un amortissement exceptionnel, qui arrive également à échéance au 31 décembre 1999, aurait été purement et simplement passée sous silence.
En passant, j'observe que la majorité de l'Assemblée nationale semble fort bien s'accommoder des zonages issus de la loi Pasqua. En effet, alors que le Sénat s'était contenté de proroger des dispositifs existants, la commission des finances de l'Assemblée nationale a carrément proposé de créer une nouvelle exonération fiscale en faveur des entreprises implantées dans les zones de revitalisation rurale.
J'observe également que la baisse des droits de mutation, prévue à l'article 5 du projet de loi de finances, remet en cause les exonérations que la loi de 1995 avait instaurées dans ce domaine.
Si je ne m'abuse, les conséquences de cette remise en cause n'ont fait l'objet d'aucune évaluation chiffrée de la part de votre ministère.
Il me semblerait salutaire, madame la ministre, d'utiliser votre force de conviction, que je sais grande, pour créer, chez vos collègues, ce que l'on pourrait appeler un « réflexe aménagement du territoire », plus que jamais indispensable.
Il serait également souhaitable qu'au sein de la DATAR soit créée une cellule de veille, destinée à mesurer et à surveiller les conséquences, sur les dispositifs d'aménagement du territoire, des différentes évolutions législatives. Cette « veille » me semblerait d'autant plus nécessaire et salutaire que, dans les années à venir, de nombreux dispositifs en cours viendront à échéance.
Dans le même ordre d'idée, je constate que votre collègue ministre de l'intérieur a déposé, fort à propos, un projet de loi relatif à la prise en compte des résultats du recensement dans la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales. Ce texte me paraît venir à point nommé compte tenu du fait que tous les découpages relatifs à la PAT et aux fonds structurels européens ont été conçus sur le fondement de données démographiques vieilles de près de dix ans. Comment concevoir qu'un plan à sept ans puisse s'appuyer sur des données démographiques forcément obsolètes ?
Cela revient à dire qu'en 2006 on utilisera encore des chiffres vieux de près de dix-sept ans, à une époque où l'informatique permet d'extrapoler et de se projeter dans l'avenir !
Comment votre ministère, madame la ministre, entend-il prendre en compte ces nouvelles données qui affectent la répartition de la population sur notre territoire national ?
Vous le savez, les résultats du recensement auront des conséquences sur le découpage des zonages d'aménagement du territoire, car l'éligibilité d'un territoire au statut de zone de revitalisation rurale, qui conditionne, là encore, le bénéfice d'exonération fiscale, dépend bien évidemment de la population cantonale.
Je crois, au travers des différents points que j'ai abordés, avoir montré que la commission des finances ne partage pas les orientations du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire. Ce n'est pas nouveau, ces divergences étant déjà apparues lors de la discussion de la loi que vous avez défendue au printemps dernier.
Quittant un instant mon rôle de rapporteur spécial du budget de l'aménagement du territoire et profitant de ma présence à cette tribune, il est de mon devoir, madame la ministre, d'appeler un instant votre bienveillante attention sur l'angoisse du monde rural face aux nouvelles dispositions qui, nous le constatons tous, ne lui sont pas favorables.
Elu moi-même depuis plus de trente ans d'une zone en fort déclin démographique, je suis intimement persuadé que si, sous votre responsabilité, des mesures drastiques et très fortes, seules susceptibles d'inverser la spirale du déclin, ne sont pas prises, la fracture territoriale viendra s'ajouter à la fracture sociale, faisant de notre pays, pour plus de la moitié de sa superficie, ce que certains appellent déjà le « Sahara vert » ou le « Disneyland de la désertification ».
Madame la ministre, les Français supportent de moins en moins que certaines régions soient florissantes et prospères alors que d'autres s'ensablent à l'écart du progrès. Pour les insuffisances signalées au début de mon propos et, plus encore, pour les motifs que je viens d'indiquer, conformément à la position de la commission des finances du Sénat, je demande à la Haute Assemblée de rejeter les crédits de votre ministère. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de l'aménagement du territoire intervient, cette année, dans un contexte particulier.
Tout d'abord, l'adoption de la loi du 25 juin 1999 pour l'aménagement et le développement durable du territoire a modifié sur de nombreux points la loi du 4 février 1995 qui, bien que partiellement inappliquée, servait jusqu'à présent de cadre conceptuel permettant d'appréhender les perspectives de l'aménagement du territoire.
La réforme a introduit de nouvelles logiques qui ont notamment abouti à la suppression du schéma national d'aménagement et de développement du territoire et à la mise en place des schémas de services collectifs qui - destinés à remplacer les schémas sectoriels prévus par la loi de 1955 - sont supposés mieux répondre à la demande des territoires et dont la philosophie a vocation à inspirer la nouvelle génération de contrats de plan Etat-région.
La commission spéciale chargée par le Sénat d'examiner le texte a émis des critiques de fond sur de nombreux aspects de la réforme et invité la Haute Assemblée à adopter un dispositif beaucoup plus équilibré qui, sans s'opposer à toutes les innovations proposées, traduisait les préoccupations majeures du Sénat quant au nécessaire développement économique, en particulier des zones les plus fragiles.
Après l'échec de la commission mixte paritaire, l'Assemblée nationale a adopté définitivement une rédaction qui reprend, pour l'essentiel, le texte qu'avait proposé initialement le Gouvernement.
Ainsi le cadre de référence de la politique d'aménagement du territoire se trouve-t-il sensiblement modifié avec des repères et des objectifs qui, dans une large mesure, ne sont plus ceux de la période précédente. Nous prenons donc acte de cette évolution.
En deuxième lieu, l'année 2000 sera la première année de mise en oeuvre de la nouvelle génération des contrats de plan Etat-région pour la période 2000-2006. Votre rapporteur, mes chers collègues, consacre dans son rapport écrit un développement important à ce qui constitue un partenariat essentiel entre les régions, chefs de file en matière d'aménagement du territoire, et l'Etat, qui s'engagera sur la période à hauteur de 120 milliards de francs puisque, à la première enveloppe de 95 milliards de francs, est venue s'ajouter, le 22 novembre dernier, une seconde enveloppe de 25 milliards de francs.
En troisième lieu, dans l'examen des crédits de l'aménagement du territoire, on ne peut faire l'impasse sur la nouvelle politique régionale et de cohésion de l'Union européenne. La France soumet à la Commission européenne une nouvelle carte des zones éligibles prenant en compte les nouveaux critères.
J'en viens maintenant au budget de l'aménagement du territoire lui-même.
Les dépenses ordinaires sont en hausse de 42 %, passant de 404,1 millions de francs votés en 1999 à 574,1 millions demandés pour 2000. Cette hausse concerne principalement les interventions publiques du titre IV, en augmentation de 54 %. Cette hausse s'explique mécaniquement par le fait que 2000 constituera la première année d'exécution des nouveaux contrats de plan Etat-région. La première année d'exécution de la précédente génération de contrats de plan avait, elle aussi, enregistré un bond apparemment « spectaculaire » des crédits du titre IV.
Quant aux effectifs budgétaires totaux de la DATAR demandés pour 2000, ils demeurent au niveau de 1999, soit 141 emplois, dont 113 en France et 28 à l'étranger, pour 58 titulaires et 83 contractuels.
Pour ce qui est des crédits d'investissement du titre VI demandés pour 2000, on constate une diminution aussi bien des autorisations de programme, qui baissent de 4,1 %, que des crédits de paiement, qui sont réduits de 3 %. Ces crédits regroupent les subventions consacrées à la prime d'aménagement du territoire, la PAT, et au fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, pour sa partie investissement.
S'agissant du « zonage PAT », qui, jusqu'à présent, concernait environ 40 % de la population française, soit 23,5 millions d'habitants, sa modification souhaitée par la Commission européenne rend nécessaire une nouvelle carte des aides à finalité régionale couvrant 34 % de la population française, soit 20,4 millions d'habitants.
Sur l'initiative du CNADT, deux mesures ont été arrêtés le 1er avril 1999.
Il s'agit, d'une part, de l'abaissemment des seuils d'éligibilité à la PAT à 15 millions de francs d'investissement et 15 emplois, contre 20 millions de francs d'investissement et 20 emplois aujourd'hui.
Il s'agit, d'autre part, de l'élargissement de l'éligibilité aux nouveaux services tels les centres d'appels, la logistique ou l'informatique.
Cependant, il y aurait beaucoup à dire sur la manière dont les élus nationaux et locaux ont été associés à l'élaboration des nouveaux critères. Votre rapporteur pour avis pense en particulier aux modalités de consultation du CNADT.
S'agissant du fonds national d'aménagement et de développement du territoire, les crédits demandés au titre de ce chapitre s'élèvent à 936 millions de francs en crédits de paiement, contre 1,083 milliard de francs en loi de finances initiale pour 1999, soit une réduction de 13,3 %, et à 1,186 milliard de francs en autorisations de programme, soit une baisse de 7,5 %.
C'est dire que les investissements diminueront fortement.
J'aborderai rapidement, parce que le temps nous manque, la politique communautaire et les fonds structurels.
En effet, plus que le budget de l'aménagement lui-même, c'est la politique communautaire des fonds structurels - ils représentent le tiers environ du budget de l'Union européenne - qui joue un rôle majeur dans l'aménagement du territoire, mais pour certaines régions françaises seulement.
A compter du 1er janvier 2000 et pour une période de sept ans, la politique régionale et de cohésion de l'Union européenne sera poursuivie conformément aux décisions du Conseil européen de Berlin, réuni en mars dernier.
Au terme de ce conseil, la dotation globale qui devrait revenir à la France avoisinerait 85 milliards de francs, soit sept fois plus que le budget de l'aménagement du territoire cumulé à l'identique sur la même période.
C'est tout dire de l'importance de ces crédits européens.
A cette occasion, on a aussi décidé de réduire le nombre d'objectifs fixés à trois, contre sept actuellement. Les critères de sélection des zones ont été définis de manière plus restrictive qu'auparavant.
Le nouvel objectif 1, destiné aux régions en retard de développement, est strictement réservé à celles dont le produit intérieur brut par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire. Pour la France, seuls les départements d'outre-mer seront concernés. La Corse et le Hainaut, qui perdent leur éligibilité, bénéficieront cependant d'un traitement transitoire privilégié pour lequel sont affectés 551 millions d'euros.
Le nouvel objectif 2, consacré à la reconversion économique et sociale, regroupe l'action en faveur des régions en proie à des difficultés structurelles, qu'il s'agisse de zones en mutation économique, de zones rurales en déclin, de zones en crise dépendant de la pêche ou des quartiers en difficulté. Il se substitue aux actuels objectifs 2 et 5 b et sera doté de masses importantes. Un maximum de 18 % de la population de l'Union sera couvert par cet objectif, contre 25 % actuellement.
Vingt-cinq millions de Français vivaient dans des zones couvertes par les actuels objectifs 2 et 5 b ; ils ne devraient plus être que 18,8 millions sous le régime du prochain objectif 2.
Sur cette base, la France propose à la Commission européenne une nouvelle carte des zones éligibles. La dotation pour l'objectif 2 attribuée à la France est fixée à 5,43 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter 613 millions d'euros affectés à titre de compensation. La nouvelle dotation enregistre une baisse de 1,5 milliard d'euros par rapport à la période précédente.
Quant au nouvel objectif 3, qui n'est pas zoné, il favorisera l'adaptation et la modernisation des systèmes d'éducation, de formation et d'emploi.
Enfin, le nombre des programmes d'initiatives communautaires, ou PIC, est limité. Trois des quatorze PIC existants sont maintenus : INTERREG, pour la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale, LEADER, pour le développement rural, et URBAN, pour les zones urbaines. On constate l'arrivée d'un nouveau programme, EQUAL, de coopération transnationale contre toute forme de discrimination et d'inégalité sur le marché du travail.
Avant de conclure, je souhaite exprimer quelques remarques, madame la ministre.
Dans mon rapport, je rappelle les grands axes de la nouvelle loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire ainsi que les positions respectives qui furent celles de l'Assemblée nationale et du Sénat.
On s'étonnera que, à la fin du mois d'octobre, le Gouvernement n'ait pas été en mesure de publier le moindre texte d'application de cette loi d'orientation, alors que l'urgence avait été déclarée sur le projet de loi et que, surtout, la réforme - en particulier les neuf schémas de services collectifs - est supposée « inspirer » les contrats de plan que les régions négocient actuellement et qui doivent être signés avant le 31 décembre 1999 ! Il y a là, me semble-t-il, un manque de cohérence auquel il serait bon de remédier rapidement.
J'évoque aussi, dans mon rapport, les schémas de services collectifs prévus par la nouvelle loi d'orientation. Ces schémas ne devraient être publiés qu'au dernier trimestre de 2000. Selon toute vraisemblance, on ne tiendrait pas grand compte des réflexions et propositions formulées par le Sénat lors du débat de la loi d'orientation, pas plus, d'ailleurs, que du rapport de la commission d'enquête sur les infrastructures de communication publié le 5 juin 1998. Il convient de regretter que le Gouvernement n'ait pas su ou voulu faire preuve de plus « d'ouverture » et d'écoute à propos de choix stratégiques qui sont supposés engager notre pays pour vingt ans.
Enfin, je rappellerai que 2000 sera la première année d'exécution des nouveaux contrats de plan Etat-région. La progression globale apparente des crédits du ministère chargé de l'aménagement du territoire, à savoir 7 %, reflète cette conjoncture particulière. Au-delà des apparences, il ne faut pas se cacher que de nombreux territoires vont être pénalisés par les nouveaux zonages, qu'il s'agisse de la PAT ou des fonds structurels, et que la mise au point des propositions françaises en la matière s'est effectuée très largement en dehors des élus.
Par ailleurs, le projet de budget pour 2000 de l'aménagement du territoire est aussi, dans une large mesure, la traduction budgétaire de la loi d'orientation du 25 juin 1999 que la Haute Assemblée avait vivement amendée, mais en vain.
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'aménagement du territoire inscrits au projet de loi de finances pour 2000. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants. - M. le rapporteur spécial applaudit également.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 10 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits inscrits au budget de l'aménagement du territoire connaissent cette année une progression sensible de plus de 7 %, à comparer à la hausse de 0,9 % des dépenses de l'Etat sur l'ensemble du projet de loi de finances.
Cela montre la volonté affichée par le Gouvernement de se doter d'une politique d'aménagement et de développement du territoire plus ambitieuse, appuyée sur des outils techniques et financiers à la hauteur des enjeux auxquels l'Etat devra répondre s'il souhaite ne pas abandonner à la seule loi du marché la conduite de l'économie nationale.
La progression des crédits du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement mérite toutefois d'être appréciée et nuancée, au regard de la part qu'il occupe dans l'ensemble des crédits affectés à l'aménagement du territoire et relevant d'autres ministères, ce qui représente 3,52 % du total. Ce taux serait ramené à 2,9 % si l'on intègre la totalité des crédits d'aménagement du territoire provenant des fonds et programmes européens.
C'est dire si les crédits inscrits dans ce projet de budget valent autant par la qualité des projets qu'ils contribuent à mettre en oeuvre que par le volume des aides consenties.
Comme aime à le répéter mon ami M. Félix Leyzour, rapporteur pour avis sur ce projet de budget à l'Assemblée nationale, une politique d'aménagement du territoire vise des objectifs contraires et contradictoires aux orientations du libre marché.
Là où les gouvernements précédents concevaient l'action territoriale en appui aux opérations de restructuration, de concentration des richesses, des populations et des activités productives autour de quelques pôles d'excellence, le Gouvernement de la majorité plurielle me paraît partagé entre le souci de réparer au mieux les dégâts du libéralisme et une certaine volonté de redonner ses lettres de noblesse à la puissance publique, dans la diversité de ses institutions.
L'aménagement du territoire est, par nature, l'espace dans lequel l'intervention de l'Etat, des collectivités locales, doit prévaloir sans que celle-ci se laisse submerger, subordonner et dicter ses actes par les intérêts financiers qui ignorent les préoccupations émanant de la société en termes d'environnement, de qualité de la vie et de sécurité de l'emploi.
Aussi ne faut-il pas faire état d'une certaine contradiction entre la révision à la baisse des fonds structurels auxquels la France pourra prétendre, dans le cadre financier communautaire redéfini à Berlin en mars dernier, et une revalorisation assez considérable de la participation de l'Etat dans la nouvelle génération de contrats de plan Etat-région.
S'agissant de l'enveloppe financière réservée à notre pays sur la période 2000-2006, avec 14,68 milliards de francs programmés, provenant de l'Union européenne, on observe une baisse de près de 13 % de la dotation acquise sur la période plus courte allant de 1994 à 1999.
En ce qui concerne les contrats de plan Etat-région pour la première fois l'Etat s'engage auprès des régions dans des proportions jamais atteintes, de l'ordre de 120 milliards de francs. Notamment, l'intervention de l'Etat en direction des infrastructures routières et, surtout, ferroviaires, comme nous en avons débattu hier soir, apporte un démenti sévère à ceux qui, dans cet hémicycle, vilipendaient l'absence d'engagements du Gouvernement pour équiper le pays au niveau des besoins sans cesse croissants.
Pour cela, il nous suffit de relire les discours qui ont été tenus au sein de cette assemblée, dans le cadre du débat sur la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire. Il nous suffit également de parcourir les conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur les infrastructures terrestres, qui visaient à rendre responsable l'actuel Gouvernement des retards dans l'application de certains projets.
A l'instar du TGV Est, non seulement les projets sont maintenus, mais ils seront financés, sans que soient sacrifiées pour autant les dépenses de fonctionnement et la nécessaire prise en compte des contraintes territoriales, sociales et environnementales.
Madame la ministre, avec votre collègue M. Jean-Claude Gayssot, vous montrez que développement du territoire et aménagement peuvent converger dans une seule et même démarche, que le rail et la route peuvent se compléter utilement, que des investissements nouveaux peuvent ainsi permettre de mieux réguler le trafic et, ainsi, limiter les pollutions, tout en améliorant la sécurité des personnes.
Le projet de budget que vous nous présentez, madame la ministre, s'inscrit dans cette nouvelle conception. Je pense à l'augmentation de 7,06 % des crédits demandés au titre de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, soit 1,9 milliard de francs. Je pense également à la hausse de 9,4 % des crédits de la prime d'aménagement du territoire dont le montant s'élève à 380 millions de francs en autorisations de programme. Je pense, enfin, à la progression, certes plus limitée, des crédits du FNADT de 0,86 %.
Toutefois, je regrette que les conditions nouvelles d'attribution de la prime d'aménagement du territoire ne suivent de trop près le zonage plus ciblé imposé par la Commission européenne.
S'il est en effet légitime de vouloir favoriser les territoires les plus en difficulté, en soutenant les projets les plus modestes, gardons-nous cependant de négliger des régions dont le rattrapage économique et social reste loin d'être acquis à ce jour.
J'avais exprimé, l'an passé, le souhait que la prime d'aménagement du territoire soit rendue plus accessible aux petits commerces et à l'artisanat. L'abaissement des seuils d'éligibilité envisagé pour 2000 est, à cet égard, un élément positif s'il peut permettre d'encourager le développement de ces activités créatrices d'emplois. Il faudra encore poursuivre cet effort dans le budget pour 2001.
A ce propos, madame la ministre, je souhaiterais connaître l'état de votre réflexion sur la proposition de création de fonds régionaux pour l'emploi et le développement inscrite à l'article 34 de la loi du 25 juin 1999.
Dans l'esprit des parlementaires communistes, à l'origine de cette proposition, il s'agit de soutenir les PME-PMI, qui contribuent à entretenir le tissu économique local. En mobilisant des fonds publics - et pourquoi pas des fonds d'origine européenne - et des prêts bancaires à taux bonifié, cette mesure aurait pour mérite de réduire les charges financières qui pèsent sur les entreprises créatrices d'emplois et fortement implantées dans leurs territoires. Bien évidemment, les salariés des entreprises intéressées doivent prendre toute leur part à la gestion et au contrôle de ces fonds pour garantir l'efficacité et la transparence d'une disposition que nous appelons de nos voeux.
Un autre chantier sur lequel j'invite le Gouvernement à poursuivre sa réflexion est la nécessaire péréquation financière entre les collectivités locales, entre les régions elles-mêmes et à l'intérieur de chacune d'elles.
Sur ce point, nous attendons beaucoup de l'élaboration des différents schémas de services collectifs envisagés par la LOADDT, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, qui, en son article 2, précise parmi les objectifs visés : la correction des inégalités spatiales et la solidarité nationale envers les populations, par une juste péréquation des ressources publiques et une intervention différenciée, selon l'ampleur des problèmes de chômage, d'exclusion et de désertification rurale rencontrés et selon les besoins locaux d'infra-structures de transport, de communication, de soins et de formation.
Madame la ministre, peut-être pourrez-vous faire le point, six mois après la promulgation de cette loi, sur la publication des textes d'application et sur l'état d'avancement de la procédure devant aboutir à la formalisation des neuf schémas de services collectifs ?
J'aborderai, enfin, la question des services publics, qui jouent un rôle déterminant en faveur de l'aménagement des territoires urbains, périurbains et ruraux.
Développer le service public de proximité ne constitue pas seulement un objectif en soi, mais représente l'un des moyens pour renforcer la cohésion économique et sociale de nos territoires.
Pour ma part, je suis convaincu que, dans la plupart des cas, il est préférable et moins coûteux pour la nation de maintenir un service public, même déficitaire, plutôt que de verser des subventions pour susciter l'investissement privé qui, de toute façon, restera de portée limitée sans la présence des services publics faciles d'accès pour les citoyens.
Lors de l'examen de la LOADDT, notre groupe avait exprimé, vous le savez, certaines réserves sur la création des maisons de services publics. Si l'intention est louable - regrouper dans un même lieu différents services pour simplifier les démarches administratives des usagers - toutefois, dans la réalité, nous savons que ces maisons peuvent aussi conduire à réorganiser les services publics aux dépens de la qualité du service et avec le risque d'un effectif plus restreint et moins spécialisé.
S'agissant du financement de ces maisons, l'article 30, paragraphe IV, de la LOADDT dispose que « l'Etat rembourse aux collectivités territoriales concernées tout ou partie des rémunérations et des charges directes ou indirectes liées à la mise à disposition de personnels et de locaux ».
Nous veillerons à ce que l'Etat respecte cet engagement, qui garantit l'égalité de traitement des usagers mais aussi la continuité des missions du service public sur l'ensemble du territoire.
En conclusion, madame la ministre, nous souhaiterions connaître votre jugement sur la portée réelle du schéma de développement de l'espace communautaire, le SDEC, adopté le 11 mai 1999.
S'il apparaît de plus en plus clairement que le budget de l'aménagement du territoire traduit de plus en plus fidèlement les orientations de la politique régionale de l'Union européenne, ne faut-il pas craindre qu'à terme la politique nationale en ce domaine ne devienne un élément constitutif d'une doctrine européenne sans égard pour le principe de subsidiarité ?
Si, effectivement, le SDEC constitue pour l'instant un cadre non contraignant, il semble dessiner, néanmoins, les contours d'une Europe fédérale en construction qui ignore les spécificités nationales et régionales.
En réalité, l'intégration des territoires transfrontaliers participe à cette course à la déréglementation que la Commission de Bruxelles cherche à promouvoir avec opiniâtreté, notamment dans le domaine des transports.
Pour l'heure, le groupe communiste républicain et citoyen votera ce projet de budget, qui s'inscrit dans un contexte de transition, et souhaite obtenir des réponses aux préoccupations que je viens de formuler. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'aménagement du territoire est le pendant de la décentralisation. En tant que représentant des collectivités locales, le Sénat porte une attention toute particulière à ce procédé. Chacun, dans cet hémicycle, a bien conscience de la nécessité de ce procédé qui permet d'éviter la désertification tant décriée dans toutes les localités françaises. La démarche est ambitieuse. Que doit-on penser des efforts du Gouvernement en ce domaine ?
Je ferai un court rappel de ce qui a été dit par ceux qui m'ont précédé à cette tribune.
En augmentation de 7,1 %, le budget de l'aménagement du territoire devrait atteindre 2 milliards de francs en 2000.
A ce montant relativement modeste, il faut ajouter une partie des fonds gérés par les autres ministères ou figurant dans des comptes spéciaux du Trésor, pour un total de 53,3 milliards de francs pour l'année 2000. S'ajoutent également les apports constitués par les exonérations fiscales et sociales, de l'ordre de 1,73 milliard de francs, ainsi que les financements communautaires au titre des fonds structurels, qui devraient s'élever, l'année prochaine, à 13,7 milliards de francs.
Au total, les actions mises en oeuvre dans le cadre de la politique de l'aménagement du territoire devraient pouvoir mobiliser près de 75 milliards de francs de financements de sources nationales et européenne, qui viendront renforcer les versements des régions.
L'année à venir sera le moment de la mise en application de la loi d'orientation de juin 1999 sur l'aménagement et le développement durable du territoire, de la politique des fonds structurels pour les années 2000-2006 et de la nouvelle programmation des contrats de plan Etat-région.
Le budget de l'aménagement du territoire stricto sensu comporte très schématiquement trois volets de financements : les fonds alloués à la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, qui sont ceux destinés à la prime d'aménagement du territoire et ceux qui sont attribués aux contrats de plan Etat-région.
La dotation affectée à la DATAR s'élève à 119 millions de francs. Elle représente 6,7 % du budget de l'aménagement du territoire.
Si cette dotation est en augmentation de 9,5 % par rapport à 1999, l'essentiel de ces crédits supplémentaires seront destinés à la réalisation d'études dans le cadre de la relance des travaux de prospective et à la mise en oeuvre de projets informatiques.
En conséquence, les crédits de 58,52 millions de francs consacrés aux dépenses de personnel ne permettront au mieux que de rattraper le niveau de 1996.
Compte tenu des missions très étendues de la DATAR et de la faiblesse de ses effectifs, on ne peut que s'interroger sur la capacité de cette structure à assurer le suivi administratif de la période à venir au cours de laquelle seront mis en oeuvre les nouveaux contrats de plan Etat-région.
Je constate également que plus de 65 % du personnel de la DATAR sont employés à titre contractuel, facteur susceptible d'accroître sa fragilité. Je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous apportiez tous les éléments permettant de nous rassurer quant à la capacité de la DATAR à assurer l'ensemble de ses missions sur le long terme.
Les fonds alloués à la PAT s'élèvent à 420 millions de francs, soit une augmentation de 33,3 % par rapport à 1999.
Les zones concernées par l'attribution de cette prime seront modifiées à l'échelon européen à partir de l'an 2000, à l'issue des négociations en cours avec la Commission européenne, cette nouvelle carte de zonage étant alors imposée à la France.
Des différences de point de vue et de méthode opposent la France et la Commission en ce qui concerne la définition des critères d'éligibilité à la prime d'aménagement du territoire. La France est favorable à la prise en compte de données qualitatives, alors que la Commission impose une approche quantitative qui ne permet pas une analyse précise des difficultés et des spécificités locales.
En outre, et surtout, la France est favorable au recours aux données statistiques issues du dernier recensement et, donc, plus proches de la réalité, alors que la Commission européenne fonde ses conclusions sur des données plus anciennes qui ne permettent pas d'appréhender la situation présente.
Une forte limitation de la population éligible résulte ainsi du découpage de la Commission. Ce resserrement de l'attribution des aides est susceptible de s'exercer à l'encontre des impératifs de l'aménagement du territoire. Je souhaiterais, madame la ministre, que vous fassiez pour nous le point de dernières évolutions des négociations avec les autorités communautaires.
S'agissant des contours de la prime, vous vous êtes déjà exprimée cette année, madame la ministre, sur les modifications que vous souhaitez lui apporter : une baisse du seuil minimum d'investissements de 20 à 15 millions de francs, une réduction de vingt à quinze du nombre d'emplois créés immédiatement et une ouverture de cette prime aux entreprises du secteur tertiaire.
Si de telles mesures me semblent comporter des éléments positifs pour l'amélioration de la situation de l'emploi, je crains que l'afflux éventuel des dossiers ne se heurte à l'incapacité matérielle des services de la DATAR de les traiter en temps voulu, faute de personnel suffisant.
La DATAR dispose du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire pour financer les interventions relatives aux initiatives locales pour l'emploi, aux restructurations et aux délocalisations, à l'aménagement rural et aux zones de montagne.
Les crédits de ce fonds suivent une tendance globale à la stagnation, bien que les financements inscrits au titre IV progressent de 54 %, passant de 295 à 455 millions de francs. Ces montants seront affectés aux contrats de plan Etat-région.
A l'occasion du dernier comité interministériel à l'aménagement et au développement du territoire du 22 novembre 1999, le Gouvernement s'est engagé à consacrer une enveloppe totale de 120,3 milliards de francs à ces contrats de plan.
Ce montant est en augmentation de 10 % par rapport aux crédits de la précédente génération. Notons cependant que les crédits de la période 1994-1999 avaient été affectés, pour leur part, d'une hausse de 32 %, même si l'intégralité des sommes n'a pas pu être consommée.
Confirmant les orientations du comité interministériel de juillet 1999 qui avait augmenté les fonds alloués aux réseaux ferrés de 1 à 3,5 milliards de francs, la réunion du 22 novembre a accentué cette tendance par l'attribution d'un total de 8 milliards de francs de financement d'Etat aux transports ferroviaires.
Je note que les travaux importants de régénération des réseaux tels que ceux de Toulon ou du Havre, de même que les transports collectifs urbains de province, seront réalisés hors contrats de plan Etat-région et pris en charge directement par l'Etat.
Nonobstant ces notables contributions et compte tenu de l'énorme retard relatif au fret ferroviaire et au transport combiné accumulé par la France, je me demande, madame la ministre, si cette prise de conscience et cet engagement budgétaire sont bien à la hauteur du déficit engendré par plusieurs années d'incohérence. Je souhaiterais que vous donniez à notre assemblée toutes les explications attendues en la matière.
Les fonds alloués au réseau routier sont dotés de 25,7 milliards de francs, soit le quart des montants accordés par l'Etat, contre le tiers des sommes dans la précédente programmation.
Les projets destinataires des financements privilégient l'amélioration des grands axes afin de pallier l'inadaptation du réseau routier actuel au transport des marchandises récemment, comme l'a démontré l'engorgement de l'autoroute A 7.
Les fonds destinés au réseau routier seront-ils suffisants pour remédier aux conditions de difficultés et d'insécurité imposées aux conducteurs sur le territoire français ? J'en doute fortement, et j'attire votre attention, madame la ministre, sur le vieillissement des voies et sur l'obsolescence des modes de sécurité du réseau routier français qui sont à l'origine d'une part importante des accidents de la circulation, dont mon département, la Haute-Saône, détient un triste record.
Notons enfin que les régions investiront en moyenne autant que l'Etat dans les actions mises en oeuvre dans le cadre des contrats de plan Etat-région, augmentant ainsi leur apport de 20 %. En effet, pour chaque franc de l'Etat, les régions apporteront un franc en moyenne, alors que leur contribution n'était que de quatre vingts centimes pour un franc de l'Etat dans la précédente programmation.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, intéressant à bien des égards, le projet de budget qui nous est aujourd'hui soumis présente plusieurs éléments qui nécessitent approfondissement et précision.
Tout d'abord, faute d'une plus grande concertation avec les élus lors de son élaboration, la carte du nouveau zonage de la prime à l'aménagement du territoire n'est pas satisfaisante.
Force nous est de constater, et je le regrette, que le nouveau découpage ne tient pas compte des zones en déclin démographique et économique. La carte néglige dans de trop nombreux cas les zones rurales les plus en difficulté.
Je citerai un exemple : au moment où la Haute-Saône allait pouvoir bénéficier de cette nouvelle PAT, elle ne peut plus y prétendre du fait du zonage. Décidément, les plus pauvres resteront les plus pauvres !
En outre, l'existence de différents zonages, celui de la prime à l'aménagement du territoire, celui des fonds structurels européens, ou encore celui des zones de revitalisation rurale, induit une complexité qui empêche les porteurs de projets potentiels de bénéficier pleinement des aides. Ce processus a des effets qui vont à l'encontre de l'efficacité de la politique d'aménagement du territoire.
Au demeurant, le zonage actuel ne répond pas à des critères totalement objectifs. Mon département n'est pas dans une situation équitable à propos de l'attribution de la PAT par rapport aux départements voisins, compte tenu des compensations auxquelles l'Etat s'était engagé après divers replis de sa part.
Je souhaiterais également savoir, madame la ministre, quand seront publiés l'ensemble des textes d'application permettant enfin la mise en oeuvre effective de la loi d'orientation du 25 juin 1999. A défaut de leur justification, l'aménagement du territoire restera encore longtemps l'Arlésienne des projets gouvernementaux !
Enfin, je voudrais attirer votre attention sur l'importance du maintien des services publics de l'Etat au regard des impératifs de l'aménagement du territoire. Les décisions prises dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire des tribunaux de commerce ont entériné au 1er janvier 2000 la suppression de trente-six tribunaux de commerce. Ces décisions causent le déclin de trente-six villes de petite importance sur le terrritoire français.
Faire disparaître une juridiction, ce n'est pas seulement supprimer les emplois directs du tribunal et de son greffe, c'est aussi nuire gravement à tous les emplois secondaires, professions juridiques et judiciaires, et commerces situés à proximité du tribunal.
Permettez-moi de vous demander, madame la ministre, si vous avez été associée aux réflexions qui ont précédé ces décisions lourdes de conséquences pour l'économie locale et pour l'aménagement du territoire. Sont-elles réversibles ? Dans la négative, quelles mesures de compensation envisagez-vous de prendre pour endiguer l'érosion économique causée par la suppression de tribunaux de commerce de petites villes comme Autun, Charolles, Billom ou Flers ?
A toutes mes questions j'attends vos réponses, madame la ministre. De vos explications dépendront la nature des votes positifs ou négatifs des sénateurs du RDSE, qui réservent leur position jusqu'à l'issue de notre débat.
M. le président. La parole est à Mme Boyer.
Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me revient, au nom du groupe socialiste, d'intervenir sur le projet de budget 2000 pour l'aménagement du territoire que vous nous proposez au nom du Gouvernement.
Ma première remarque concerne sa forte progression, à hauteur de 7,2 %. A ma connaissance, il est, avec le projet de budget de l'environnement dont nous parlerons cet après-midi, l'un des budgets sectoriels en plus forte progression. Nous nous réjouissons vivement car cette évolution traduit la volonté du Gouvernement de faire de la politique d'aménagement du territoire une priorité du troisième millénaire.
La discussion de ce projet de budget arrive à un moment déterminant.
D'une part, la LOADDT votée le 25 juin 1999, sera mise en oeuvre en 2000. Au cours de la discussion de ce texte, j'avais eu l'occasion de dire qu'elle était au coeur d'un dispositif constitué par la loi sur l'intercommunalité, la loi d'orientation agricole et le projet de loi sur les interventions économiques des collectivités locales.
Cet ensemble constitue une deuxième étape de la décentralisation, dix-huit ans après les lois de 1982. Depuis, le Premier ministre a institué une commission chargée de formuler des propositions sur l'avenir de la décentralisation. Cette commission pluraliste est d'ailleurs présidée par un de nos collègues, M. Pierre Mauroy.
D'autre part, c'est un moment déterminant, avec la mise en place de la nouvelle génération des contrats de plans Etat-région pour 2000-2006, avec la réforme des fonds structurels et de la PAT.
La coordination de ces différentes mesures - et c'est pour cela que je les énumère à nouveau - permet d'assurer une plus grande cohérence des choix, et nous considérons qu'elle est un gage d'efficacité.
Si l'on ajoute que bien d'autres secteurs d'activités concourent à l'aménagement du territoire et que d'autres ministères participent à son financement, on comprend que les fonds consacrés sont très supérieurs à ceux qui sont présentés dans ce projet de budget.
Avant d'en aborder certains aspects, je souhaite affirmer que l'aménagement du territoire est au coeur des préoccupations des socialistes, car il est synonyme de solidarité entre des territoires plus ou moins riches, plus ou moins dotés et d'égalité des chances entre les citoyens, quel que soit le lieu où ils vivent.
Je veux redire ici que le débat ville-campagne est d'un autre temps, qu'il n'y a pas d'un côté les ruraux et de l'autre les urbains, mais que nous contribuons tous, hommes et femmes, ruraux et urbains, à la vie équilibrée de notre territoire.
Nous sommes aujourd'hui, avec les négociations de l'Organisation mondiale du commerce, confrontés aux mouvements de l'économie libérale de concentration financière et territoriale.
Il est vrai que les enjeux de la politique d'aménagement du territoire sont bien plus complexes aujourd'hui qu'hier, car nous vivons dans un environnement mondialisé et les délocalisations ne se résument pas à un transfert de l'Ile-de-France vers les régions.
J'en viens maintenant à quelques éléments de ce projet de budget.
Je parlerai en premier lieu de la DATAR, pour me réjouir de la forte progression des crédits d'études, ce qui traduit une relance significative des travaux de prospective.
Cette politique nous paraît indispensable, mais nous nous interrogeons sur les moyens en personnel dont dispose cet organisme pour remplir ses missions : la gestion des fonds structurels européens, des contrats de plan et de la localisation des activités. Peut-il réellement faire face ?
J'en viens à la prime à l'aménagement du territoire. La réforme annoncée, c'est-à-dire le soutien aux investissements modestes et l'élargissement aux services, me paraît aller dans le bon sens, en rendant la PAT plus attractive.
Néanmoins, la réduction du nombre des zones éligibles ne risque-t-elle pas d'atténuer l'effet positif de cette réforme et donc, d'entraîner la réapparition de problèmes de sous-consommation ?
Le volet territorial des contrats de plan Etat-région suffira-t-il à éviter le déclin des zones auparavant éligibles et qui ne le sont plus ?
Le seuils retenus ne sont-ils pas encore trop élevés pour rendre la PAT attractive dans les zones rurales et, ainsi, dynamiser l'emploi ?
Pouvez-vous nous rassurer sur tous ces points, madame la ministre ?
J'évoquerai, enfin, la mise en place de la LOADDT, et plus particulièrement la création des pays.
La France a la particularité de compter plus de 36 000 communes, ce qui constitue à la fois une richesse et une faiblesse.
Nos concitoyens sont particulièrement attachés à leur commune, nous le savons tous. Maire moi-même d'une commune de 5 000 habitants, je considère que c'est bien le premier lieu où s'exerce la citoyenneté. Mais, nous le constatons sur le terrain, l'intercommunalité peut faire peur. C'est pourquoi elle ne doit pas se faire de manière autoritaire.
Tout l'intérêt de la LOADDT repose sur le volontariat des différents acteurs d'un territoire autour d'un projet commun qui préside à la création d'un pays et qui sait fédérer les énergies.
Le pays est une réponse à la faiblesse que peut constituer l'émiettement communal. Il bouscule cependant un paysage établi que certains peinent à voir évoluer et progresser. C'est pourquoi il convient de conforter les collectivités qui se sont engagées dans cette réflexion.
Il convient aussi de se donner les moyens d'expliquer cette loi et de nous informer sur la sortie des décrets, comme l'ont déjà dit ceux qui m'ont précédée à cette tribune. Aucun décret, à ce jour, n'a été publié. Je sais que c'est normal pour ce qui touche aux schémas des services collectifs ; mais concernant les autres, pouvez-vous, madame la ministre, nous donner quelques précisions ?
Il convient, enfin, de préciser les modalités de mise en oeuvre et de soutien, y compris, bien sûr, financier.
La loi a créé des délégations parlementaires à l'aménagement du territoire. J'ai l'honneur de faire partie de celle du Sénat et je souhaite, madame la ministre, qu'avec vous-même et vos services nous puissions réaliser un travail efficace.
Je ne veux pas terminer mon intervention sans évoquer les dynamiques locales, déjà organisées et porteuses de projets de développement, que sont les pays d'accueil touristiques. Ces derniers ont fait la preuve de la pertinence de leur action, tant dans les limites de leur périmètre d'intervention que par leur adéquation aux attentes des acteurs locaux du tourisme.
Il faut préciser, aujourd'hui, les modalités de travail entre pays et pays d'accueil touristique, moteurs d'une dynamique du tourisme fédérée et relayée à l'échelon national par une organisation qui s'impose comme interlocutrice compétente des ministères concernés.
J'aimerais beaucoup voir prochainement affirmé le soutien renouvelé à la dynamique des pays d'accueil touristiques et à leur fédération nationale.
Je dirai, pour conclure, que la politique d'aménagement du territoire que vous nous proposez, madame la ministre, remplace la logique de guichet par celle de projet et qu'elle ne considère pas que les infrastructures et les zonages constituent, à eux seuls, une politique d'aménagement du territoire, même s'ils y contribuent fortement.
Vous l'aurez compris au travers de mon intervention, le groupe socialiste soutient votre budget et il le votera. En effet, la politique qu'il sous-tend traduit une volonté de création d'emplois, de solidarité et de développement durable. Elle concourt à l'égalité des chances pour les femmes et les hommes où qu'ils vivent sur notre territoire. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'aménagement du territoire doit être une priorité parmi les politiques de l'Etat.
Depuis les lois de décentralisation, les collectivités locales - régions, départements, établissements publics de coopération intercommunale, communes - assurent ensemble cette lourde responsabilité pour les territoires qui les concernent.
Ces collectivités négocient la mise en oeuvre de leurs projets, de leurs programmes de développement ou, au pire - c'est malheureusement de plus en plus souvent le cas ! - de leurs programmes de lutte contre leur propre déclin.
Les outils sont multiples : contrat de pays, contrat de territoire, contrat de ruralité. Tous ont cette qualité qu'ils mettent en cohérence les initiatives des uns et des autres et qu'ils permettent d'additionner les moyens pour rendre possible la réalisation des projets.
Ces territoires se battent, innovent, expérimentent, investissent - quand ils le peuvent !
Mais les collectivités locales, qui sont les soldats avancés de cette lutte pour l'aménagement du territoire, ne peuvent pas grand-chose, madame la ministre, s'il n'y a pas un état-major pour assurer leur subsistance, leur fournir armes et munitions. Cet état-major, c'est vous.
Et que faites-vous ? Dans la logique de la politique du Gouvernement, confirmée par votre loi d'orientation de l'aménagement et du développement durable du territoire, vous avez décidé de concentrer vos efforts sur 20 % du territoire national, c'est-à-dire les agglomérations, laissant aux jardiniers du territoire rural le soin d'entretenir, selon votre propre expression, l'« espace récréatif » destiné aux loisirs des urbains.
Madame la ministre, comprenez que ceux qui ont la charge de ces territoires ruraux, qui représentent 80 % du territoire national, ne puissent accepter vos orientations politiques !
Nous les acceptons d'autant moins que, selon nous, c'est le développement harmonieux et équilibré de l'ensemble du territoire qui permettra de répondre aux problèmes structurels que rencontre aujourd'hui notre société.
La ville est congestionnée, la campagne exsangue. Par surconcentration, les points de rupture se multiplient en ville et dans les quartiers. Ne parle-t-on pas de « dédensifier » ? Par manque de densité, les points de rupture se multiplient en zone rurale. Ne parle-t-on pas de « désertification » ?
N'opposons surtout pas l'urbain au rural, parce qu'ils sont complémentaires, parce qu'ils sont les éléments d'un même tout : la campagne a besoin de villes fortes, équilibrées, dynamiques ; la ville a besoin d'une campagne peuplée, active, autonome. Nous sommes à l'opposé de ce schéma.
Pour sortir du cercle vicieux dans lequel nous sommes et entrer dans le cercle vertueux de la reconquête de l'espace rural, les communes rurales demandent non pas des privilèges mais des mesures adaptées.
Est-il normal que, pour maintenir tel ou tel service public, on demande aux communes pauvres de payer une contribution ? Où est l'équité, où est la solidarité nationale, ou est le rôle péréquateur que l'Etat devrait assumer ?
L'Etat, par des mesures incitatives fortes, devrait favoriser l'implantation d'activités en milieu rural, aider les communes à mettre en place des services aux personnes dans les domaines de l'éducation, du social et des loisirs.
Le constat est tout autre. Comment expliquer, par exemple, que, sans concertation, des territoires fragiles aient été exclus du zonage PAT, que d'autres encore, parmi les plus déshérités, aient été exclus du zonage européen pour le bénéfice du nouvel objectif 2, alors même que les critères européens rendaient ces territoires éligibles ? Pour quelles raisons objectives ont-il été exclus ?
Parce que vous avez préféré, sur la répartition laissée à votre discrétion, servir d'abord les agglomérations, prétextant, ensuite, qu'il y avait un manque de projets sur les territoires les plus pauvres ! Mais c'est bien ceux-là qu'il fallait aider prioritairement à faire émerger des projets et à financer leur réalisation !
N'oubliez pas, madame, que ces communes rurales sont les plus lourdement obérées par la mise en oeuvre obligatoire de la loi sur l'eau, par exemple, que leurs moyens sont totalement absorbés par l'assainissement, la collecte sélective et le traitement des déchets, par les mises aux normes de leurs divers équipements accueillant du public, qu'il s'agisse de la restauration scolaire ou des jeux collectifs.
Sur ces lourds dossiers, vous auriez pu les aider. N'y a-t-il pas eu, en effet, création d'une taxe générale sur les activités polluantes ? Cette TGAP, mise à votre disposition, aurait utilement et logiquement pu aider à financer les équipements nécessaires au traitement des pollutions en tout genre.
Or, à quoi sert cette écotaxe ? A financer les 35 heures ! Madame la ministre, comment avez-vous fait pour laisser échapper cette ressource ?
Au-delà des moyens financiers, certes nécessaires, nous avons besoin de souplesse, de règles adaptées à la situation rurale, de prise en compte de notre spécificité, pas de mesures dérogatoires. C'est vrai, par exemple - mais pas seulement dans ce domaine -, pour ce qui est de l'urbanisme, dont nous parlions, ici même, hier.
Vous devriez, madame la ministre, vous battre pour nous sur ce terrain, et cela ne vous coûterait rien. Mais on peut se demander - veuillez me pardonner ! - si les femmes et les hommes qui vivent sur notre territoire rural intéressent bien votre ministère.
En conclusion, je dirai que, à l'aube du troisième millénaire, votre stratégie nous semble davantage confirmer le crépuscule de cette fin de siècle qu'éclairer l'avenir par l'espoir.
Dès lors, vous comprendrez, madame la ministre, que nous ne puissions pas approuver votre budget. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste.) et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui l'examen du budget de l'aménagement du territoire, qui revêt pour les zones rurales, comme le département de la Lozère, que je représente ici, un caractère déterminant.
Aussi, à cette occasion, je souhaite évoquer plus particulièrement le dossier, toujours très sensible, de la prime d'aménagement du territoire.
En effet, comme bien d'autres territoires, la Lozère n'est pas inscrite sur la future carte de la PAT, ce qui signifie une perte de son attractivité pour l'implantation future d'entreprises, aussi bien en termes d'image qu'en termes financiers.
Je ne vous cacherai pas, madame la ministre, que cette décision a provoqué incompréhension, inquiétude, mais aussi sentiment d'injustice.
En effet, la PAT a été supprimée, le plus souvent, dans les régions les plus fragiles, sous le prétexte que les crédits n'avaient pas été suffisamment utilisés.
Je reconnais volontiers que, dans les zones rurales, les dossiers de création d'entreprises de plus de vingt salariés ne sont pas le lot quotidien. Mais il en existe ! La Lozère en est un exemple puisque l'attribution de cette prime a permis l'installation d'une entreprise innovante, performante, apportant plus de trente emplois, dans la filière bois, installation qui n'aurait jamais pu voir le jour sans l'octroi de cette aide.
De plus, en parallèle, le milieu rural, qui n'est pas sans projets, comme on le dit trop souvent, enregistre de nombreuses créations de petites entreprises, notamment artisanales. Sans doute de taille modeste, ces entreprises forment cependant un véritable réseau économique que l'on ne peut négliger, car, grâce aux aides publiques induites par le classement en zone PAT majorée, elles ont pu développer leurs activités et créer plusieurs dizaines d'emplois.
Si la PAT ne semblait pas adaptée, plutôt que de la faire disparaître, n'aurait-il pas mieux valu en assouplir les critères d'attribution, comme nous l'avons si souvent demandé, pour permettre à ces entreprises de bénéficier de l'ensemble des aides ? La question reste posée et, vous-même, madame la ministre, avez reconnu, l'année dernière, la nécessité d'y apporter une réponse.
Je souhaite, à ce propos, souligner que circule trop souvent l'idée que ces régions fragilisées par leur démographie ou par leur géographie, comme la montagne, n'auraient pas un grand avenir économique et que les aides seraient donc mieux utilisées ailleurs.
Comme toute idée reçue, celle-ci est, à mon sens, tout à fait dépassée, car ces régions ont, au contraire, une économie réelle souvent très dynamique, adaptée à leur environnement et qui s'inscrit dans un processus de développement. Malheureusement, cette micro-économie à la mesure des territoires n'entre pas dans cette notion de « toujours plus grand » si chère à nos économistes !
La question que l'on pourrait se poser est de savoir s'il y a encore une place dans notre environnement économique pour cette micro-économie ?
Ma deuxième remarque portera sur les conséquences de la nouvelle carte PAT, car, au-delà de la prime elle-même, la carte PAT avait un effet déclencheur indispensable permettant d'accéder à d'autres mesures incitatives, telles que l'exonération de la taxe professionnelle et les taux dérogatoires.
Ainsi demeure entier le problème des aides indirectes liées à la modification de la carte et, plus précisément, de son incidence sur le taux plafond d'aide publique aux entreprises.
En l'état actuel des textes, le plafonnement des aides exprimées en pourcentage des investissements s'échelonne entre 7,5 et 30 % selon les zones considérées.
Les zones de rénovation rurale, les ZRR, ayant été largement privées de PAT au motif de l'inadaptation de l'instrument PAT au mode de développement économique des territoires peu denses, il importe qu'elles n'en subissent pas les conséquences en matière de politique économique des collectivités.
La nouvelle carte PAT entrant en vigueur au 1er janvier 2000, il y a urgence en la matière. C'est pourquoi, madame la ministre, je me permettrai de vous poser plusieurs questions.
Au moment où vous affichez dans votre projet de budget une progression significative des moyens consacrés à la PAT de 9,4 % en autorisations de programme et de 33 % en crédits de paiement, et où les critères d'éligibilité ont été assouplis, le nombre d'emplois passant de vingt à quinze et les investissements envisagés de 20 millions de francs à 15 millions de francs, toutes ces zones privées de PAT se sentent d'autant plus exclues.
Quelles mesures compensatoires comptez-vous mettre en place pour le monde rural et la montagne ?
Peut-on espérer un dispositif de transition ?
Allez-vous donner suite, et sous quelle forme, à l'idée de constitution d'un zonage intermédiaire entre les bénéficiaires de la PAT et les autres ?
Enfin, madame la ministre, vous semblez compter fortement sur les primes régionales, en particulier pour les micro-projets : ne doit-on pas y voir un désengagement de l'Etat par rapport à la politique d'aménagement du territoire et un nouveau transfert de charges insidieux à l'égard des collectivités locales ?
Il ne faut pas, madame la ministre, nous fermer toutes les portes au moment où l'instrument de la PAT aurait pu devenir plus accessible même à ces zones peu denses qu'il faut, bien au contraire, soutenir et encourager. En effet, quelle entreprise ira s'installer dans les secteurs privés de PAT lorsque les départements environnants continueront de bénéficier de la PAT ? L'effet frontière sera désastreux.
Ne plus faire bénéficier de la PAT certains secteurs fragiles, c'est mettre en péril toute la politique de développement économique qui a été menée jusqu'à présent et qui a remporté un notable succès.
On ne peut imaginer que ces zones rurales commençant à enrayer leurs difficultés économiques soient privées d'un outil indispensable à leur développement. L'une des vocations de votre ministère est de corriger les disparités territoriales persistantes.
Le 1er janvier prochain, le problème se posera dans toute son ampleur. Il est donc urgent de donner toutes les chances à chaque territoire, les zones peu denses, comme les autres, ayant droit à une attention toute particulière des pouvoirs publics. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Madame la ministre, l'aménagement du territoire est un sujet qui a toujours passionné la Haute Assemblée parce que cette dernière représente l'ensemble de notre territoire et de nos collectivités territoriales.
J'axerai mon propos sur trois points : il est nécessaire de mener une politique à la fois cohérente au niveau national, coordonnée au niveau interministériel et concertée au niveau local.
Il nous faut tout d'abord mener une politique cohérente d'aménagement du territoire au niveau national.
Nous avons quarante ans d'histoire d'aménagement du territoire derrière nous. Je profite d'ailleurs de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour rendre hommage à Olivier Guichard, l'un des créateurs de l'aménagement du territoire, aux côtés de qui j'ai travaillé pendant de longues années : avec lui et d'autres, nous avons jeté les bases d'un aménagement du territoire dans un pays qui bouge beaucoup.
Ainsi, le département de la Vendée, que je représente ici, est passé, en quarante ans, d'une terre d'émigration à une terre d'immigration - les Vendéens ne vont plus travailler à l'extérieur du département, et ce sont au contraire des personnes extérieures au département qui viennent s'installer en Vendée -, d'un territoire jeune à un territoire vieillissant, d'un territoire agricole à un territoire équilibré, notamment industriel.
Tout cela nécessitait une réflexion au niveau national, avec, bien entendu, des choix politiques qui peuvent bouger d'une loi à l'autre.
La loi du 4 février 1995 a été adoptée à l'unanimité par la Haute Assemblée. J'y insiste, car il n'y a pas de politique d'aménagement du territoire si elle n'est pas soutenue par un très large consensus.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Jacques Oudin. Cette unanimité n'a pu être obtenue que grâce à une concertation qui a duré dix-huit mois, avec des voyages en province, des prérapports, des rapports d'étape, etc.
A l'inverse, j'ai beaucoup regretté les débats préalables à la loi du 25 juin dernier qui, si elle a certes marqué un tournant, a cependant suscité des polémiques sur au moins deux sujets : d'une part, l'opposition entre le rural et l'urbain et, d'autre part, le rôle et la place des infrastructures dans l'aménagement du territoire.
Croyez-en mon expérience, sans un large consensus, la politique a peu de chances d'être pérenne. C'est là le problème.
La loi de finances de 1999 - et je laisse là l'opposition rural-urbain - a traduit une nouvelle approche en matière d'infratructures, avec la suppression du schéma national d'aménagement du territoire et des schémas sectoriels, remplacés par des schémas de services, lesquels, hélas ! n'ont pas encore vu le jour.
Nous avons longuement débattu, hier, avec votre collègue Jean-Claude Gayssot, des infrastructures, qu'il s'agisse des transports maritimes, de la route, du rail ou de l'avion. En définitive, le Gouvernement a pris de nouvelles orientations. C'est son droit : il y a eu un changement de majorité, et donc de politique.
Ces nouvelles orientations sont de trois ordres : limiter la croissante routière, donner la priorité au transport ferroviaire et mettre l'accent sur l'intermodalité. Ce sont des choix que nous respectons, même si nous en contestons certains ; mais un constat est obligatoire : comment faire une politique intermodale si l'on n'a pas d'abord une politique modale sérieuse, solide et dynamique ? C'est vraiment un choix sur lequel nous nous interrogeons, car il y a des évidences incontournables.
Comme je l'ai dit hier à votre collègue Jean-Claude Gayssot, nous vivons dans une société d'échanges, une société de plus en plus mobile et motorisée, une société où la part de la route, surtout en interurbain, a une prépondérance considérable qui va croissant.
Je vous poserai donc la question suivante : pourrez-vous modifier profondément les tendances lourdes de notre société ?
Pour le réseau routier, toutes les études sur l'évolution passée comme sur les tendances futures montrent que la demande ne se ralentira pas. Le réseau routier concédé est le seul mode, en France, qui s'équilibre financièrement, et la sécurité que ce type d'infrastructures apporte est incontournable. Vous avez d'ailleurs pu constater, au travers des contrats de plan Etat-région, la demande pressante, forte et insistante de toutes les régions pour disposer de plus d'infrastructures de ce type.
Sur ce point, le Gouvernement nous répond qu'il est plutôt favorable au développement du réseau ferré. Nous aimons, bien sûr, la SNCF et les cheminots, comme je l'ai dit à M. Gayssot. Encore faudrait-il que la politique soit possible. Est-il possible de remplir les objectifs que vous vous êtes fixés ? Si nous avons certes gagné la bataille technologique du TGV, nous avons en revanche perdu la bataille du fret. Alors, pouvons-nous réussir maintenant dans cette nouvelle politique ? Peut-être, dirai-je, à condition d'y mettre des moyens, du temps et de mettre en oeuvre les réformes nécessaires.
Les faits sont têtus, la demande est ce qu'elle est, et ce n'est pas vous qui la changerez. Et il y a ensuite les possibilités financières.
Que doit-on faire pour utiliser au mieux les finances publiques ? Hier, nous avons eu des batailles de chiffres considérables. Nous avons démontré que le réseau autoroutier concédé, non seulement n'est pas financièrement menacé, mais qu'il est au contraire équilibré et qu'il finance l'intermodalité. Nous avons démontré que la SNCF avait une demande de contributions publiques, c'est-à-dire - disons-le clairement - un déficit de 62 milliards de francs auquel on doit ajouter les 233 milliards de francs d'endettement. Bref, est-il possible de financer cette politique d'aménagement du territoire selon sa nouvelle formule ? C'est la question que nous posons.
Il nous faut mener par ailleurs une politique coordonnée au niveau interministériel. Madame la ministre, vous avez, à mon avis, à jouer un rôle tout à fait considérable, que personne ne mésestime. En effet, si l'on veut mener à bien une politique d'aménagement du territoire fondée en partie sur une politique d'infrastructures, il faudra engager des réformes profondes dans tous les domaines.
S'agissant du secteur autoroutier, M. Gayssot a dit qu'il allait déposer un projet de loi pour réformer les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes, les SEMCA.
En ce qui concerne le transport ferroviaire, le processus de réforme a été amorcé avec la séparation de la SNCF et de l'établissement Réseau ferré de France ; mais il faudra encore bouleverser considérablement un système qui se caractérise par sa rigidité dans un monde qui est essentiellement mobile.
En ce qui concerne le transport maritime et les ports, le rapport de la Cour des comptes du 16 novembre dernier nous a apporté des éléments d'information très importants. Nous devons réformer totalement nos infrastructures portuaires, car elles sont obsolètes et en très fort déclin à l'échelon européen. Quant aux voies navigables, leur situation n'est pas brillante, et il faut revoir leur financement.
S'agissant des transports aériens, il faut là encore financer des équipements, et le ciel européen est complètement saturé.
Le bilan que l'on peut dresser pour tous les types d'infrastructures fait donc apparaître l'importance et l'urgence qu'il y a à mener des réformes et à mettre en oeuvre une politique interministérielle.
Je voudrais enfin attirer votre attention sur le problème du littoral. Là aussi, une politique interministérielle est indispensable, puisque douze ministères sont concernés par les questions relatives à la mer et au littoral, alors que notre situation dans ce secteur est intéressante à certains égards, mais désastreuse à d'autres.
En effet, notre flotte est en mauvais état et nos ports, comme je l'ai déjà indiqué, sont en déclin à l'échelon européen.
Face à cette situation, nous demandons deux choses.
Tout d'abord, nous souhaitons que le comité interministériel de la mer, qui s'est réuni pour la dernière fois en 1998 et, auparavant, en 1996, puisse se mettre rapidement au travail. Le groupe d'études de la mer de cette assemblée, que je préside, a d'ailleurs établi un programme d'action complet et cohérent. Par ailleurs, nous souhaitons que le Gouvernement puisse progresser dans la mise en oeuvre de cette politique maritime et littorale dont vous êtes, madame la ministre, un acteur important. Quand je considère le port des Sables-d'Olonne, dont l'avenir me semble un peu sombre, je constate qu'il n'est desservi que par une route nationale à deux voies totalement saturée et qu'il ne dispose d'aucun réseau ferré électrifié. Je crains donc que son avenir ne soit pas assuré.
En ce qui concerne le littoral, nous demandons de la concertation. Comment se fait-il, alors qu'il y a une loi « montagne » avec un conseil national de la montagne, qu'il y ait une loi « littoral » mais pas de conseil national du littoral ? Nous le demandons pourtant depuis longtemps. Il existe seulement une commission spécialisée du Conseil national d'aménagement du territoire. A égalité de situation, nous souhaitons une égalité de traitement. Le littoral mérite une commission nationale du littoral dans laquelle siégeraient des représentants de l'administration, des élus et des professionnels. C'est là une revendication forte.
Il nous faut enfin mener une politique concertée au niveau local.
J'ai parlé des contrats de plan Etat-région. Ces contrats ont donné lieu à des polémiques sur des enveloppes financières, entre autres. Mais, en fait, le malaise profond qui a présidé à tous ces débats tient à l'absence de clarté de la situation et au fait que les élus locaux ne peuvent donc voir l'avenir de façon tout à fait lucide.
Nous n'avons plus de schémas sectoriels, nous le savons, mais nous n'avons pas encore les schémas de services. Comment, dès lors, cadrer le développement des contrats Etat-région ? Cela a été une des grandes difficultés que nous avons rencontrées.
Enfin, je voudrais parler des différents contrats locaux, des difficultés à cet égard, mais aussi de leur nécessité. Il n'y aura pas d'aménagement du territoire sans une politique contractuelle locale développée et diversifiée. Vous le savez d'ailleurs, madame la ministre, puisque, comme vos prédécesseurs, vous l'avez mise en oeuvre. Mais les contrats locaux se heurtent souvent à des difficultés administratives sur lesquelles je me permets d'attirer votre attention.
Tout d'abord, les schémas de mise en valeur de la mer, idée généreuse née en 1983, développée par la loi « littoral » de 1986 et le décret de décembre 1986, sont un échec. Il n'en existe qu'un seul, uniquement axé sur l'étang de Thau et, en fait, sur l'assainissement. Tous les autres sont en panne ! Et combien de zones littorales ont renoncé à se lancer dans ce système, compte tenu de sa complexité et du taux d'échec élevé de la négociation !
Le deuxième exemple que je ne manquerai pas d'évoquer cet après-midi à propos de l'environnement ce sont les schémas d'aménagement et de gestion des eaux.
Nous avons beaucoup oeuvré en faveur du développement des SAGE et si quatre-vingts sont en cours de préparation, deux seulement ont été approuvés.
Je suis moi-même président d'une commission locale de l'eau et je prépare un tel schéma. Ce n'est pas facile, je peux vous l'assurer.
Je traiterai enfin des contrats de pays.
Ces contrats sont une excellente chose, madame le ministre, parce que vous mêlez les projets, le territoire et la dynamique contractuelle. Ainsi, les initiatives locales peuvent se développer.
En Vendée - il est quelque peu fâcheux que je parle tout le temps de mon département, mais c'est l'exemple que je connais le mieux - nous avons réussi à fédérer 94 communes du sud de mon département et 84 communes du littoral. Et, ce matin même, un conseiller général m'a téléphoné pour m'informer que tous les maires de son canton voulaient y adhérer.
Madame le ministre, je souhaite que, avec ces contrats de pays, nous puissions instaurer une dynamique qui ne soit pas bloquée par des contraintes administratives trop lourdes.
Les circulaires d'application de ces contrats sont en préparation. Elles tardent à être publiées et peut-être beaucoup d'élus seront découragés par la lourdeur des procédures.
Madame le ministre ne vous laissez pas entraver par les lenteurs et les lourdeurs administratives et laissez-vous guider par la volonté de réussir.
Comme je le disais au début de mon propos, on n'impose pas une politique d'aménagement du territoire, on la bâtit ensemble : Gouvernement, ministères, collectivités territoriales, régions, départements et communes ou groupements de communes.
Il faut un consensus. Les affrontements sont mortels dans ce type de situation. Or, je me permets de vous le dire, nous nous sommes engagés ces deux dernières années dans une voie qui n'est pas satisfaisante : nous avons mis l'aménagement du territoire sur le plan de la polémique et de l'affrontement, alors que nous aurions dû rester sur le plan du consensus et de la dynamique commune.
Tel est le message que je tenais à délivrer. Je souhaite simplement que la sagesse puisse prévaloir dans le développement de la politique d'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier M. Besse, rapporteur spécial, et M. Pépin, rapporteur pour avis de ce projet de budget de l'aménagement du territoire, de leur travail et leurs exposés.
Je dresserai le bilan de l'année 1999 qui aura été, pour l'aménagement du territoire, une année charnière, marquée par l'ouverture de chantiers dont l'ambition a été soulignée par M. Gérard Le Cam.
La promulgation de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999 instaure le cadre d'une politique de l'aménagement du territoire conforme aux enjeux et aux défis contemporains.
L'examen de ce projet de loi a été l'occasion de débats passionnés. Les enjeux ont été rappelés tour à tour par plusieurs d'entre vous.
Nous avons su, en dépit de l'intervention, que je persiste à considérer comme tout à fait caricaturale, de M. Philippe Arnaud, dépasser le clivage entre le monde urbain et le monde rural et confirmer le besoin de revoir les moyens de l'intervention des collectivités locales dans les différentes dimensions de l'aménagement du territoire.
Nous sommes en passe de surmonter des clivages simplistes concernant la place des infrastructures de transport dans la stratégie d'aménagement du territoire.
J'aurai l'occasion d'y revenir.
L'approche contractuelle établie par cette loi privilégie la logique de projets, les pays et agglomérations, facteurs de recomposition des territoires. Eléments phares de la loi, ces espaces de projets traduisent notre volonté politique d'une nouvelle approche territoriale.
Parallèlement, la mise en place des schémas de services collectifs viendra fonder notre appréhension du territoire sur une logique de satisfaction de la demande sociale : services collectifs de transport de personnes et de marchandises, services culturels, services de l'énergie, de l'enseignement supérieur et de la recherche, de l'information et de la communication, des espaces naturels, de la santé et du sport.
Tout comme vous, j'aurais aimé que ces documents puissent être disponibles au moment d'aborder la discussion des contrats de plan. Mais nous avons souhaité, pour ces documents comme pour l'ensemble des textes d'application de la loi d'orientation du 25 juin 1999, ne pas passer trop vite sur la phase de consultation et d'élaboration à partir de la réalité du terrain.
Parallèlement, la première phase d'élaboration des schémas de services collectifs a été une phase de collecte des contributions régionales qui a donné lieu à une concertation assez longue au niveau local et a été une occasion de mobiliser les forces vives des territoires, les collectivités elles-mêmes, les services de l'Etat, le monde économique et associatif.
La mise en place effective de la loi du 25 juin 1999 nécessite dix décrets d'application, qui sont en cours de préparation dans mes services. Les textes concernant le Conseil national d'aménagement et de développement du territoire, le schéma régional d'aménagement et de développement du territoire, la conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire ainsi que les décrets relatifs à l'organisation territoriale des services publics, aux chemins ruraux, au système de référence géographique national et au groupement d'intérêt public « environnement » devraient être publiés dans les toutes prochaines semaines. Ils seront soumis au CNADT pour avis le 7 décembre prochain. Il en va de même des décrets sur les pays - le décret général, mais aussi le texte fixant les modalités de mise en oeuvre du label pays - tandis que la publication du décret sur les agglomérations est attendue pour le mois de février 2000.
L'année 1999 aura également été marquée par la refonte en profondeur du système d'aide communautaire au développement régional, au travers de la réforme des fonds structurels. Les négociations de l'Agenda 2000, selon le vocable retenu par la Commission, conduisent à une nouvelle cartographie de l'éligibilité aux objectifs régionalisés, dont l'incidence est notable sur le développement des territoires, j'aurai l'occasion de revenir sur ce point.
Enfin, je ne saurais dresser un bilan de l'année 1999 sans m'arrêter sur la négociation des contrats de plan Etat-région pour les années 2000 à 2006, dont M. Pépin a souligné l'importance. Je voudrais ici rappeler que le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire d'Arles, le 23 juillet dernier, n'avait arrêté qu'une première enveloppe de 95 milliards de francs pour la part de l'Etat dans cette nouvelle contractualisation. La réunion des ministres du 22 novembre dernier a porté à 120 milliards de francs la part de l'Etat à l'issue de la répartition de la seconde enveloppe.
M. Besse a évoqué la diminution de la part de l'équipement dans la première enveloppe. Elle correspondait aux priorités de l'Etat, qui avait d'ores et déjà affiché son intention de tenir compte le plus largement possible des priorités des régions dans l'élaboration de la deuxième enveloppe. C'est pourquoi cette dernière fait, elle, la part beaucoup plus belle aux infrastructures de transport, singulièrement aux routes.
Je souligne également qu'une vingtaine de milliards de francs doivent être ajoutés à cette enveloppe de 120 milliards de francs. Ils correspondent, non pas à la part hors contrat, mais à la part non régionalisée des contrats de plan : grands équipements, grandes infrastructures. On y trouve aussi bien le TGV Est que « Port 2000 », la route nationale 19, la route Centre-Europe-Atlantique et d'autres équipements qui contribuent encore à renforcer la part de l'Etat dans le maintien à niveau de la France en matière de grandes infrastructures publiques.
M. Joly a cependant eu raison d'insister sur la nécessité de ne pas seulement réaliser de nouvelles routes, mais aussi d'entretenir le réseau existant et d'améliorer, notamment, la sécurité de ce réseau. Il ne l'a pas évoqué, mais j'aurais volontiers ajouté un autre enjeu important, celui de la résorption des 3 000 « points noirs » du bruit répartis sur le territoire national.
Enfin, M. Le Cam a insisté sur l'intérêt que revêtait l'intensification de l'effort en faveur du rail et des voies navigables. Les investissements ferroviaires publics sont passés de 1,2 milliard de francs à 8,4 milliards de francs, ce qui me paraît très intéressant.
Je n'insisterai pas davantage sur le travail effectué au cours de l'année 1999 et j'en reviens au budget pour 2000.
Avec un total de 1 930 millions de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, le budget de la DATAR enregistre une progression de 7,2 % en 2000. Il s'agit de la deuxième forte hausse de crédits dont bénéficie cette délégation depuis 1998, année de revalorisation marquant une inversion de tendance à l'issue d'une longue période de déshérence. Je vous rappelle que les crédits consacrés à l'aménagement du territoire ont accusé une diminution de 27 % environ entre 1994 et 1997.
L'importance de l'accroissement du budget de la DATAR doit toutefois être relativisée, d'une part, au regard des sommes en jeu, bien évidemment, le budget de la DATAR plafonnant à 0,14 % du budget civil de l'Etat, d'autre part, au regard de l'ensemble des autres moyens, tant nationaux que communautaires, dont nous disposons pour conduire une politique territoriale : une évaluation globale de l'effort financier consenti par la nation et l'Union européenne au bénéfice du territoire français conduit ainsi à des montants de l'ordre de 70,7 milliards de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement et de 37,7 milliards de francs en autorisations de programme, soit trente-sept fois le budget du ministère.
Je veux rassurer M. Gérard Le Cam et Mme Yolande Boyer qui ont manifesté quelques inquiétudes. Il faut mobiliser l'ensemble du Gouvernement, des ministères, des administrations et des collectivités locales pour réparer, dans un même élan, la fracture territoriale et la fracture sociale dans un contexte connu, et d'ailleurs contesté, à la fois à Seattle, où les modalités de fonctionnement de l'Organisation mondiale du commerce ont fait l'objet d'un large débat citoyen, que sur le terrain.
Si les moyens des grands groupes excèdent, en général, ceux de la DATAR et des pouvoirs publics, nous ne sommes pas pour autant dépourvus. Les motivations des entreprises dans le choix de leur localisation ne sont pas seulement liées au montant des primes ou aux outils financiers mobilisés par les pouvoirs publics, elles sont de plus en plus souvent liées à la qualité des infrastructures, au sens large, à la qualité des services publics, à la qualité des personnels - à leur formation - à la possibilité de disposer de larges zones de chalandise.
Il est indispensable de ne pas opposer les moyens dont disposerait l'Etat par le biais des outils gérés par la DATAR, la prime à l'aménagement du territoire ainsi que le Fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire. Avec l'ensemble des collectivités, nous sommes bien en train de tirer dans le même sens.
M. Oudin a, involontairement, souligné la difficulté de l'exercice. Il a tout à la fois insisté sur l'efficacité toute relative, voire l'inefficacité des démarches purement incitatives, en citant tour à tour les schémas de mise en valeur de la mer ou les schémas d'aménagement et de gestion des eaux, et souligné l'intérêt de bâtir ensemble sans imposer quoi que ce soit d'en haut. Dans la période à venir, nous devrons préciser les responsabilités des uns et des autres et procéder enfin à la clarification des compétences des différentes collectivités.
M. Jacques Oudin. Tout à fait !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. C'est un enjeu sur lequel nous reviendrons.
L'augmentation du budget propre de l'aménagement du territoire traduit, dans son contenu, les priorités de la nouvelle politique que j'entends conduire.
S'agissant des effectifs de la DATAR, j'ai beaucoup insisté l'an dernier ainsi que l'année précédente sur le fait que ce gouvernement n'avait pas choisi de mener à bien le plan de réduction pluriannuel des effectifs de la DATAR.
La stabilisation des effectifs depuis 1998 n'est pas suffisante. J'ai demandé une augmentation de ces effectifs pour faire face aux besoins existant depuis des années et répondre à votre attente, monsieur Joly, mais je ne l'ai pas obtenue.
La mise en place des deux délégations parlementaires à l'aménagement du territoire se traduira par un effort accru de la DATAR, non seulement de communication en direction des parlementaires, mais aussi d'évaluation de ses propres politiques pour répondre à vos questions. Je reviendrai à la charge l'an prochain.
J'insisterai davantage sur les deux instruments de la DATAR que sont la prime d'aménagement du territoire, la PAT, et le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT.
En ce qui concerne la PAT, je remercie M. Besse d'avoir bien voulu reconnaître le travail d'apurement des fonds accumulés depuis plusieurs années. Les crédits dévolus à la PAT progresseront de 30 millions de francs en autorisations de programme et de 105 millions de francs en crédits de paiement, pour atteindre respectivement 350 millions de francs et 420 millions de francs, à comparer respectivement aux 320 millions de francs et aux 315 millions de francs en 1999, soit des progressions de 9 % et de 33 %.
Ses moyens, dont l'accroissement est significatif, accompagneront la définition d'un nouveau zonage et la réforme de la doctrine d'emploi de la PAT autour de ses deux axes principaux : le soutien au financement d'investissements de taille plus modeste - comme vous le savez, les seuils d'éligibilité, en emplois comme en investissements, seront abaissés - et l'élargissement des critères d'éligibilité aux services et aux entreprises, en particulier en matière de logistique.
Mais le travail n'est pas terminé.
Nous n'avons pas pu tenir - je l'ai déploré - l'engagement que nous avions pris l'année dernière de réformer les zonages au cours de l'année 1999, car nous n'avons pas disposé des résultats du recensement qui sont indispensables pour procéder à une réforme crédible.
Les problèmes auxquels nous nous heurtons ne sont pas comparables à ceux que connaît Jean-Pierre Chevènement. En effet, pour réformer la répartition des dotations de l'Etat, le ministre de l'intérieur a besoin de données quantitatives telles que la population des communes, des cantons et des régions, alors que nous avons besoin, nous, de données qualitatives beaucoup plus complexes telles que la proportion des emplois ruraux, l'âge de la population, les taux de chômage, ses causes, sa durée, autant d'éléments qui, si j'en crois le directeur de l'INSEE, ne seront pas disponibles avant la fin du premier trimestre 2000. Ce n'est donc qu'au cours de l'année 2000 que nous procéderons à la réforme des zonages et, à l'occasion du projet de loi de finances pour 2001, nous soumettrons des propositions qui tiendront compte non seulement des résultats du recensement, mais aussi des négociations en cours au niveau communautaire sur le régime d'exonération de taxe professionnelle en zonage.
Nous avions également pris l'engagement, Gérard Le Cam l'a rappelé, de travailler à la faisabilité de fonds régionaux pour l'emploi et le développement. Janine Bardou a évoqué la nécessité de mettre en place des outils qui soient accessibles pour des projets moins importants en nombre d'emplois créés et en investissements.
J'avais marqué mon intérêt pour des aides régionales à l'emploi destinées à des entreprises, à des artisans, à des commerçants créant un, deux, trois emplois, aides ne relevant donc pas d'une politique nationale d'aménagement du territoire. C'est, là encore, un chantier qu'il nous faudra approfondir.
Quant à la couverture territoriale de la nouvelle PAT, j'ai conscience que la définition d'un nouveau zonage est un moment délicat de la vie publique. Nous avons travaillé sur des hypothèses différentes pour faire face à cet exercice.
J'ai entendu les inquiétudes des élus de communes amenées à perdre le bénéfice de l'éligibilité à la PAT du fait du resserrement du volume total de population éligible, en application des règles communautaires de concurrence. Les communes qui cesseront d'être éligibles ne doivent pas pour autant se considérer comme dépourvues de tout soutien de la part de l'Etat. Je voudrais ici évoquer le volet territorial des contrats de plan Etat-région, qui sera consistant, ou, pour les zones qui sont éligibles, les fonds structurels communautaires.
Il faut unir nos efforts afin de recréer des conditions d'attractivité locale pour les territoires. Je souhaite que nous puissions travailler, notamment, sur le découplage entre les zonages de la PAT et les mécanismes de discrimination positive, comme l'exonération de taxe professionnelle. Ce couplage était dû à une initiative du gouvernement auquel appartenait M. Pasqua.
Le projet de loi dit Zuccarelli, relatif à l'intervention économique des collectivités locales au bénéfice des PME-PMI, pourrait servir de vecteur à une disposition d'exonération généralisée, hors zonage, de la taxe professionnelle, si toutefois le calendrier parlementaire permet son examen avant la présentation du projet de loi de finances pour 2001.
En tout état de cause, madame Bardou, l'exonération de taxe professionnelle ne devrait pas poser problème en Lozère, car ce département situé en zone de revitalisation rurale en bénéficie indépendamment de tout zonage de la PAT.
Quant aux autres mesures de discrimination positive liées à la PAT, telles que les majorations de taux d'aides autorisées pour les PME et PMI et pour le fonds de développement des PMI, il s'agit d'une dérogation autorisée par la Communauté européenne dans des territoires bien identifiés qui relèvent du zonage de la PAT.
Aucun découplage n'est possible en dehors de ces zones, la seule mesure autorisée par la Commission étant une mise à niveau de tous les territoires par la suppression de cet avantage. Nous n'y songeons bien sûr pas. Nous souhaitons que le travail engagé sur le plan interministériel en liaison avec la Commission européenne sur le renforcement du dispositif de primes régionales à l'emploi se poursuive. Ce dispositif qui est attendu par les conseils régionaux permettra donc de répondre à vos inquiétudes.
Ces nouvelles modalités feront l'objet d'un décret, à l'issue des négociations en cours avec la Commission européenne. Une nouvelle proposition de zonage lui sera transmise en début de semaine prochaine.
Le second instrument majeur d'intervention dans le domaine de l'aménagement du territoire, le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, progressera également de 63 millions de francs, en dépenses ordinaires et en autorisations de programme, accroissant d'autant nos capacités d'intervention. Il passera ainsi de 1 578 millions de francs en dépenses ordinaires et en autorisations de programme à 1 641 millions de francs en 2000.
Le FNADT devra être l'outil majeur d'incitation à l'émergence, puis à l'installation, des projets de territoire, il devra agir comme catalyseur de cette politique. Il contribuera ainsi au financement du volet territorial des contrats de plan, participant au développement des pays et des agglomérations.
Toutefois, comme Mme Boyer l'a souligné, le financement des projets de pays ne devra pas se faire seulement à partir du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ce sont bien l'ensemble des ministères qui sont appelés à financer les projets au-delà de la première phase, qui correspond souvent au montage de ces projets et à l'animation des territoires.
A cette fin, nous avons souhaité cette année concentrer nos moyens sur le titre IV, pour favoriser l'émergence de ces projets territoriaux. Les crédits inscrits au titre IV s'élèveront ainsi à 455 millions de francs en 2000, en progression de 54 %, soit 160 millions de francs de plus que l'année passée.
Sur la durée du prochain contrat de plan, plus de la moitié du FNADT devrait être contractualisée.
Vous avez souligné le renforcement du budget d'études, qui progresse de 9,4 millions de francs. C'est un autre élément marquant du projet de loi de finances pour 2000, témoin du développement des travaux de prospective. Il s'accompagne de la mise en place d'un nouveau conseil scientifique, gage de qualité des études et des travaux de prospective.
M. Pépin a souligné tout à l'heure qu'à l'augmentation du titre IV correspondait aussi la baisse du titre VI, mais il a bien noté que cette baisse s'expliquait en partie par le transfert de ces crédits d'études, à partir du chapitre FNADT en titre VI, vers des crédits de fonctionnement. En effet, personne ne peut imaginer que des études équivalent à des investissements, et il s'agissait donc pour nous de mieux respecter les règles d'imputation budgétaire, mais aussi d'assurer une meilleure information de la représentation nationale par une identification précise des crédits d'études.
La baisse des crédits du titre VI s'expliquait aussi par la mécanique toute particulière des contrats de plan. Dans les premières années, les phases de montage de projets et d'animation relèvent plus du fonctionnement, alors que les projets des espaces que sont les pays, les agglomérations ou les parcs naturels régionaux n'arriveront à maturité que progressivement, ce qui devrait se traduire, en ciseaux, par une baisse du titre IV dans le temps et une augmentation du titre VI.
L'Etat a fait preuve de défaillances coupables, depuis de longues années, en matière de gestion des fonds structurels : sous prétexte de ne pas augmenter, visuellement, ses effectifs budgétaires, il a refusé de doter les secrétariats généraux aux affaires régionales des moyens humains nécessaires à une bonne gestion des crédits communautaires. Des mesures réelles devront être prises pour que les errements passés ne puissent se reproduire au cours de la prochaine génération des aides communautaires.
Il faut bien reconnaître que ce comportement critiqué par M. Joly s'explique également par le fait que la Commission européenne n'entend pas rémunérer des fonctionnaires pour assurer la gestion des fonds. Les crédits prévus par la Commission européenne pour la gestion de ces fonds ne pouvaient être utilisés que pour rémunérer des contractuels. Il nous faudra revoir ces modalités de gestion, et faire en sorte que les 15,6 milliards d'euros sur sept ans destinés aux fonds structurels hors développement, c'est-à-dire environ 103 milliards de francs, soient bien utilisés et que l'on puisse améliorer leur efficacité sur le terrain.
L'impact de la réforme décidée à Berlin sur les régions françaises se traduit par une relative stabilité. Les départements d'outre-mer en sont les principaux bénéficiaires. Ils verront en effet leurs retours progresser de 55 %. C'est considérable et cela pose d'ailleurs quelques problèmes liés à la qualité des projets, d'une part, et à la nécessité de mobiliser des contreparties financières qui sont tout à fait importantes, d'autre part.
Cet équilibre global se réalise toutefois au détriment de la part territorialisée des fonds, qui accuse une diminution des 24 %, comparable à celle de la population éligible à l'objectif 2. Cette diminution est toutefois compensée par l'affectation, d'une part, des crédits consacrés au développement rural, pour un montant de 720 millions de francs par an déterminé à l'issue de difficiles arbitrages et, d'autre part, d'une proportion plus importante que par le passé de la part déconcentrée du Fonds social européen, qui devrait atteindre 60 % de la programmation de l'objectif 3.
La situation la plus difficile tient indéniablement à la réduction drastique de population éligible à l'objectif 2 qui nous a été imposée, le plafond de 18 760 000 habitants représentant une perte de 24,3 % de population. Maigre satisfaction, cette baisse demeure toutefois inférieure à la moyenne communautaire, laquelle enregistre 27 % de diminution.
Les propositions de zonage ont été transmises à la Commission à l'issue d'une large période de consultation régionale conduite sous l'autorité des préfets de région.
Monsieur Joly, vous conviendrez avec moi qu'il est particulièrement difficile à la ministre de l'aménagement du territoire de contester des zonages, qui lui apparaissent, à elle aussi, peu satisfaisants, surtout quand le préfet de région insiste sur le fait qu'ils sont le fruit d'un consensus dans la région concernée !
Nous sommes actuellement dans la dernière ligne droite des négociations avec le commissaire européen chargé de la politique régionale. A cette heure, je puis vous dire que certaines propositions, pourtant consensuelles sur le terrain, sont contestées par la Commission, qui n'entend pas les retenir. Il s'agit notamment de zones d'emploi qui sont situées en zone urbaine, mais dont la taille est considérée comme étant inférieure à la taille critique qui a été retenue par la Commission pour les autres pays. Nous serons donc amenés à apporter des modifications à la marge respectant l'équilibre général des propositions qui nous ont été présentées.
Je voudrais dire à M. Arnaud qu'au-delà de ses métaphores martiales son discours m'est apparu largement caricatural et démagogique s'agissant de la répartition des moyens dont nous disposons, notamment des populations éligibles.
Il m'a accusée de servir d'abord les agglomérations. Je trouve cette accusation d'autant plus infondée que nous avons été félicités par la Commission - je le souligne - pour avoir précisément respecté l'équilibre qu'elle suggérait en matière de répartition des moyens ! Nous étions invités à retenir une population de 10 millions d'habitants au titre de la reconversion industrielle, de 5 millions au titre des zones rurales, de 2 millions au titre de la ville et de un million au titre des reconversions liées à la pêche. Nous avons respecté cet équilibre et il n'y a donc pas eu de déshabillage des « misérables zones rurales » au profit des « villes tentaculaires » !
Les difficultés générées par la perte d'éligibilité seront par ailleurs amorties par la mise en place d'un mécanisme de transition dont l'anglicisme phasing out traduit bien, de façon cynique, l'objet. Ce mécanisme est toutefois relativement généreux.
Les habitants de ces zones continueront de percevoir en moyenne, sur la période, un montant de 14 euros par habitant et par an, contre 41 euros pour les populations situées en zone d'éligibilité pleine.
Je dois ici être honnête et reconnaître que certaines des zones concernées par le dispositif de transition ne consommaient pas les moyens dont elles pourront disposer dans la période à venir.
En ce qui concerne le Hainaut, qui sort de l'objectif 1 des fonds structurels, il bénéficiera encore - en moyenne, sur la période, car cela varie d'une année sur l'autre - de 64 euros par habitant et par an, ce qui est largement supérieur aux moyennes de l'objectif 2.
L'autre réforme de structure a trait à la rationalisation du réseau de prospection et d'accueil des investissements étrangers créateurs d'emplois. J'appelle de mes voeux la création, à cet effet, d'un établissement public à caractère industriel et commercial permettant l'intégration des différents partenaires impliqués et mettant fin à l'éclatement des dispositifs et des moyens actuels.
La réorganisation de ce réseau est en cours. Mes services travaillent en liaison étroite avec ceux du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, les collectivités territoriales et les acteurs économiques. L'étude de faisabilité juridique du projet est en voie d'achèvement. La décision de principe est déjà prise et la décision opérationnelle devrait être rendue dans les prochaines semaines.
En conclusion, j'évoquerai brièvement le programme de travail du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement pour 2000 : bouclage des contrats de plan Etat-région, les premiers devant être prêts avant la fin de l'année de façon effective - la majorité d'entre eux doivent être signés au cours ou à la fin du premier semestre 2000 - élaboration du document unique de programmation européen, réforme des zonages et conclusion du chantier d'élaboration des schémas de services collectifs, pour lesquels nous continuons de souhaiter qu'un seul décret permette de valider l'ensemble de l'exercice. Bien évidemment, je suis à la disposition de la Délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire pour venir présenter l'état d'avancement de chacun de ces schémas lorsqu'elle le jugera utile.
S'agissant des chantiers de l'Agence pour la promotion des investissements étrangers en France et des chantiers du littoral, monsieur Oudin, nous avons déjà évoqué ce sujet. J'indiquerai simplement que, s'il n'existe pas de conseil national du littoral, un comité interministériel de la mer traite traditionnellement de ces questions d'une façon plus cohérente que chacun des ministères ne peut le faire.
Nous traitons également des questions liées au devenir de l'Ile-de-France et, plus généralement, du grand bassin parisien, comme le CIAT de la fin du mois de décembre 1998 l'avait souhaité.
S'agissant du travail lié à l'intégration de la France dans le territoire européen, M. Le Cam a évoqué le SDEC. Ce n'est pas un document contraignant. Ses options vont plutôt dans le bon sens : elles prévoient un rééquilibrage en ce qui concerne les infrastructures de transport en faveur du rail et des grands moyens de transport collectif.
Je me souviens bien avoir promis au Sénat un débat sur la place du territoire national au sein d'un territoire européen qui évolue. Il évoluera d'autant plus que l'Union européenne s'élargira encore à d'autres partenaires au cours des années à venir. Nous serons donc conduits à nous revoir pour préparer ce débat. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : I. - Aménagement du territoire.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 10 225 946 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 164 740 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 1 543 150 000 francs.
« Crédits de paiement : 467 950 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'aménagement du territoire.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente-cinq, est reprise à quinze heures
cinquante.)