Séance du 4 décembre 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Saisine du Conseil constitutionnel
(p.
1
).
3.
Loi de finances pour 2000.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
2
).
Aménagement du territoire et environnement
I. - AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (p.
3
)
MM. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean Pépin,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Gérard Le Cam,
Bernard Joly, Mme Yolande Boyer , M. Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, M.
Jacques Oudin.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement.
Rejet des crédits.
Suspension et reprise de la séance (p. 4 )
II. - ENVIRONNEMENT (p. 5 )
MM. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean
Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ;
Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles
; Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles ;
Bernard Joly, Paul Raoult, Pierre Hérisson, José Balarello, Serge Lepeltier,
Gérard Le Cam, Mme Yolande Boyer, MM. Daniel Eckenspieller, René-Pierre Signé,
Jacques Oudin, Marcel Vidal.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement.
Crédits du titre III. - Rejet (p.
6
)
Crédits du titre IV (p.
7
)
M. Paul Raoult.
Rejet des crédits.
Crédits du titre V. - Rejet (p.
8
)
Crédits du titre VI (p.
9
)
Amendement n° II-13 du Gouvernement. - Mme le ministre, le rapporteur spécial.
- Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
4.
Ordre du jour
(p.
10
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à onze heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
SAISINE
DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel
une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a
été saisi le 3 décembre 1999, en application de l'article 61, alinéa 2, de la
Constitution, par plus de soixante députés, d'une demande d'examen de la
conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale
pour 2000.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de
la distribution.
3
LOI DE FINANCES POUR 2000
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 2000 (n° 88, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 89
(1999-2000).]
Aménagement du territoire et environnement
I. - AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant
l'aménagement du territoire et l'environnement : I. - Aménagement du
territoire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Besse,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Madame la ministre, force est de
constater que l'apport de votre ministère à la politique d'aménagement du
territoire n'est pas budgétaire, puisque les crédits gérés par la Délégation à
l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, s'élèvent à
moins de 2 milliards de francs. Le rôle de votre administration consiste
surtout à définir des orientations et à coordonner la mise en oeuvre d'une
politique. Par conséquent, la proposition que je ferai tout à l'heure au Sénat
dépendra moins de la manière dont vous gérez les crédits de la DATAR que des
orientations du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire.
J'évoquerai tout d'abord les crédits gérés par la DATAR, qui figurent dans le
fascicule budgétaire consacré à l'aménagement du territoire. Comme chaque
année, ils concernent les moyens de fonctionnement de la DATAR, les crédits de
la prime d'aménagement du territoire, la PAT, et ceux du Fonds national
d'aménagement du territoire, le FNADT. Ils augmentent de 7 %, en raison surtout
de l'accroissement de 105 millions de francs des crédits consacrés à la PAT.
Les crédits de fonctionnement de la DATAR sont stables à structure constante et
ceux du FNADT également.
Mon appréciation de la gestion des crédits qui dépendent directement de la
DATAR est plutôt positive. Je n'en veux pour preuve que trois exemples.
En premier lieu, vous avez poursuivi, madame la ministre, la politique engagée
par votre prédécesseur d'apurement du stock des crédits de la PAT, qui
faisaient l'objet de reports d'année en année. Cette démarche arrive bientôt à
son terme et, comme il n'a plus de report, il est légitime d'augmenter la
dotation de la PAT pour maintenir constant le niveau des interventions.
Le deuxième exemple concerne la réforme des postes de la DATAR à l'étranger.
J'approuve le projet de création d'une agence pour la promotion des
investissements étrangers en France, qui permettra de mieux coordonner l'action
de la DATAR avec celle de l'ambassadeur délégué aux investissements étrangers,
qui dépend du ministère de l'économie et des finances. J'en profite pour saluer
le travail réalisé par notre collègue Serge Vinçon, auteur cette année d'un
remarquable rapport sur le dispositif public de promotion des investissements
étrangers en France.
Au sujet de la future agence, je souhaiterais, madame la ministre, que vous
puissiez nous dire quand sera déposé le projet de loi qui en permettra la
création. J'aimerais également obtenir des précisions quant à la participation
éventuelle des collectivités locales.
Le troisième et dernier exemple a trait au FNADT. Vous avez annoncé une
réforme de l'emploi de ce fonds, afin de lui permettre de jouer son rôle
d'appui à des projets territoriaux, et non pas de substitut aux défaillances
des autres ministères. Nous attendons la nouvelle circulaire avec impatience.
Je regrette cependant de n'avoir pas pu prendre connaissance du rapport sur le
FNADT réalisé par l'Inspection générale des finances et à partir duquel est
élaborée la nouvelle circulaire.
L'action de la DATAR et les crédits gérés par celle-ci ne résument pas
l'ensemble de la politique du Gouvernement en matière d'aménagement du
territoire.
La tradition veut que l'on rappelle que les crédits de votre ministère ne
représentent que 3,5 % de l'ensemble de l'effort financier de l'Etat en faveur
de l'aménagement du territoire, effort qui est évalué par le « jaune »
budgétaire à presque 55 milliards de francs.
L'ordre de grandeur me semble réaliste. Mais j'appelle votre attention sur le
fait que ce document, auquel chacun se réfère pourtant, manque de clarté et de
lisibilité.
Madame la ministre, vous êtes à la tête d'une administration à vocation
interministérielle. Vous me pardonnerez donc, dans le rapide balayage de
l'action du Gouvernement auquel je vais me livrer maintenant, de formuler des
remarques relatives à des actions qui relèvent de la compétence de certains de
vos collègues.
Je souhaite tout d'abord déplorer l'état de déshérence dans lequel se trouvent
les fonds créés par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement
du territoire du 4 février 1995. Certes, le Fonds de gestion de l'espace rural,
le FGER, existe encore sur le papier, mais on ne sait plus très bien pourquoi.
Il n'est plus doté et on ignore s'il a vocation ou non à être remplacé par les
contrats territoriaux d'exploitation et le nouveaux fonds de gestion des
milieux naturels.
Le Fonds de péréquation des transports aériens, quant à lui, est devenu le
Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA. Or,
au sein des crédits du FIATA, la péréquation devient, semble-t-il, un objectif
marginal.
Le Fonds national de développement des entreprises, le FNDE, pour sa part, n'a
jamais existé que dans les relevés de décisions des comités interministériels
d'aménagement du territoire. Le FNDE est désormais un sigle « fourre-tout »,
dans lequel on range diverses actions en faveur des petites entreprises. Sur
les 200 millions de francs dont il est censé être doté, seuls 30 millions de
francs relèvent du budget de l'Etat, dont 20 millions de francs sont affectés
au ministère de l'industrie, qui ne les a d'ailleurs pas consommés.
Mais c'est le Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies
navigables, le FITTVN, qui nous inquiète le plus. Ce fonds, destiné à financer
des infrastructures d'aménagement du territoire, semble détourné de sa mission.
Comme le relève la Cour des comptes, s'il permet surtout de débudgétiser des
dépenses qui relevaient auparavant du budget du ministère des transports, la
Cour constate également que ce fonds d'investissement finance, ce qui n'est pas
sa vocation, des dépenses de fonctionnement.
Tous ces fonds, madame la ministre, ne sont pas gérés directement par votre
ministère. En revanche, ils ont été créés par une loi d'aménagement du
territoire. Il est donc, me semble-t-il, de votre devoir de mettre en garde vos
collègues contre ces dérives. Le faites-vous ?
Les sujets que je vais à présent évoquer rapidement, laissant le soin à mes
collègues d'entrer dans le détail, ont marqué la politique d'aménagement du
territoire en 1999 et la conditionneront pour les années à venir.
Je pense d'abord à la nouvelle génération des contrats de plan, qui marque une
rupture par rapport aux années précédentes, une rupture dans le bons sens
puisque l'Etat favorise proportionnellement plus les régions à faible
potentiel, dites pauvres, que celles qui sont dites riches, contrairement à ce
qui s'était passé avec les contrats qui s'achèvent.
Je regrette, cependant, d'avoir à signaler que cette nouvelle génération de
contrats de plan présente aussi une rupture dans le mauvais sens. En effet, les
infrastructures, pourtant si nécessaires, ne sont plus une priorité du
Gouvernement. Dans la première enveloppe des contrats de plan, les seuls
crédits affectés d'une diminution notable relèvent du ministère de
l'équipement.
Je pense également à la réforme des zonages européens et à celle de la carte
des zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire. Je ne reviendrai
pas sur les conditions dans lesquelles ces cartes ont été élaborées et
révisées, pas plus que sur l'absence ou l'insuffisance notoire de consultation
des élus locaux. Je ne reviendrai pas non plus sur les aberrations auxquelles
aboutissent les nouvelles cartes, qui sont constatées dans maints départements
et qui ont provoqué, vous le savez, même dans vos rangs, une vive réaction des
élus.
Je souhaite de surcroît évoquer les incohérences de certaines décisions qui
viennent d'être prises.
Vous avez décidé de réviser la carte de la PAT et, dans le même temps, vous
avez procédé à une réforme de ses critères d'attribution. Cette réforme, qui se
traduit par un abaissement des seuils d'éligibilité, va dans le bon sens
puisqu'elle reprend les préconisations formulées depuis des années par le
Sénat.
Toutefois, sa portée risque d'être limitée puisqu'un grand nombre de
territoires qui auraient pu bénéficier de l'abaissement des seuils, les plus
ruraux en particulier, seront désormais exclus des zones éligibles à la PAT.
Lorsque vous avez été reçue par notre commission des finances, madame la
ministre, vous avez déclaré ne pas très bien comprendre pourquoi les élus
locaux faisaient un aussi grand cas de l'éligibilité à une prime dont le
montant est de moins de 500 millions de francs par an, crédits qui étaient par
ailleurs, jusqu'à une période récente, mal consommés.
Une partie de l'explication réside, me semble-t-il, dans le fait que nous
parlons improprement de réforme de la « carte PAT ». En réalité, il s'agit
d'une réforme de la carte des zones d'aménagement du territoire. Or, vous le
savez parfaitement, l'implantation dans une zone d'aménagement du territoire
ouvre aux entreprises, quelle que soit leur taille, le bénéfice d'exonérations
fiscales non négligeables.
La perte de l'éligibilité à la PAT des zones les plus rurales se traduira par
un alourdissement de la fiscalité sur leur territoire, ce qui, à l'évidence,
n'incitera pas les entreprises à venir s'y installer.
Cet effet secondaire de la révision de la carte de la PAT me conduit à
déplorer le manque de suivi de l'ensemble des dispositifs fiscaux d'aménagement
du territoire.
L'article 58 du projet de loi de finances proroge les exonérations d'impôt sur
les sociétés dans les zones PAT, les territoires ruraux de développement
prioritaire et les zones urbaines sensibles, qui arrivent à échéance à la fin
de l'année. Je m'en félicite d'autant plus que vous vous étiez opposée à la
même mesure lorsque le Sénat vous l'avait proposée, lors de la discussion de
votre projet de loi. Sans la vigilance de nos collègues de la commission des
finances de l'Assemblée nationale, la faculté pour les entreprises implantées
en zones de revitalisation rurale de pratiquer un amortissement exceptionnel,
qui arrive également à échéance au 31 décembre 1999, aurait été purement et
simplement passée sous silence.
En passant, j'observe que la majorité de l'Assemblée nationale semble fort
bien s'accommoder des zonages issus de la loi Pasqua. En effet, alors que le
Sénat s'était contenté de proroger des dispositifs existants, la commission des
finances de l'Assemblée nationale a carrément proposé de créer une nouvelle
exonération fiscale en faveur des entreprises implantées dans les zones de
revitalisation rurale.
J'observe également que la baisse des droits de mutation, prévue à l'article 5
du projet de loi de finances, remet en cause les exonérations que la loi de
1995 avait instaurées dans ce domaine.
Si je ne m'abuse, les conséquences de cette remise en cause n'ont fait l'objet
d'aucune évaluation chiffrée de la part de votre ministère.
Il me semblerait salutaire, madame la ministre, d'utiliser votre force de
conviction, que je sais grande, pour créer, chez vos collègues, ce que l'on
pourrait appeler un « réflexe aménagement du territoire », plus que jamais
indispensable.
Il serait également souhaitable qu'au sein de la DATAR soit créée une cellule
de veille, destinée à mesurer et à surveiller les conséquences, sur les
dispositifs d'aménagement du territoire, des différentes évolutions
législatives. Cette « veille » me semblerait d'autant plus nécessaire et
salutaire que, dans les années à venir, de nombreux dispositifs en cours
viendront à échéance.
Dans le même ordre d'idée, je constate que votre collègue ministre de
l'intérieur a déposé, fort à propos, un projet de loi relatif à la prise en
compte des résultats du recensement dans la répartition des dotations de l'Etat
aux collectivités locales. Ce texte me paraît venir à point nommé compte tenu
du fait que tous les découpages relatifs à la PAT et aux fonds structurels
européens ont été conçus sur le fondement de données démographiques vieilles de
près de dix ans. Comment concevoir qu'un plan à sept ans puisse s'appuyer sur
des données démographiques forcément obsolètes ?
Cela revient à dire qu'en 2006 on utilisera encore des chiffres vieux de près
de dix-sept ans, à une époque où l'informatique permet d'extrapoler et de se
projeter dans l'avenir !
Comment votre ministère, madame la ministre, entend-il prendre en compte ces
nouvelles données qui affectent la répartition de la population sur notre
territoire national ?
Vous le savez, les résultats du recensement auront des conséquences sur le
découpage des zonages d'aménagement du territoire, car l'éligibilité d'un
territoire au statut de zone de revitalisation rurale, qui conditionne, là
encore, le bénéfice d'exonération fiscale, dépend bien évidemment de la
population cantonale.
Je crois, au travers des différents points que j'ai abordés, avoir montré que
la commission des finances ne partage pas les orientations du Gouvernement en
matière d'aménagement du territoire. Ce n'est pas nouveau, ces divergences
étant déjà apparues lors de la discussion de la loi que vous avez défendue au
printemps dernier.
Quittant un instant mon rôle de rapporteur spécial du budget de l'aménagement
du territoire et profitant de ma présence à cette tribune, il est de mon
devoir, madame la ministre, d'appeler un instant votre bienveillante attention
sur l'angoisse du monde rural face aux nouvelles dispositions qui, nous le
constatons tous, ne lui sont pas favorables.
Elu moi-même depuis plus de trente ans d'une zone en fort déclin
démographique, je suis intimement persuadé que si, sous votre responsabilité,
des mesures drastiques et très fortes, seules susceptibles d'inverser la
spirale du déclin, ne sont pas prises, la fracture territoriale viendra
s'ajouter à la fracture sociale, faisant de notre pays, pour plus de la moitié
de sa superficie, ce que certains appellent déjà le « Sahara vert » ou le «
Disneyland de la désertification ».
Madame la ministre, les Français supportent de moins en moins que certaines
régions soient florissantes et prospères alors que d'autres s'ensablent à
l'écart du progrès. Pour les insuffisances signalées au début de mon propos et,
plus encore, pour les motifs que je viens d'indiquer, conformément à la
position de la commission des finances du Sénat, je demande à la Haute
Assemblée de rejeter les crédits de votre ministère.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Pépin,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen des
crédits de l'aménagement du territoire intervient, cette année, dans un
contexte particulier.
Tout d'abord, l'adoption de la loi du 25 juin 1999 pour l'aménagement et le
développement durable du territoire a modifié sur de nombreux points la loi du
4 février 1995 qui, bien que partiellement inappliquée, servait jusqu'à présent
de cadre conceptuel permettant d'appréhender les perspectives de l'aménagement
du territoire.
La réforme a introduit de nouvelles logiques qui ont notamment abouti à la
suppression du schéma national d'aménagement et de développement du territoire
et à la mise en place des schémas de services collectifs qui - destinés à
remplacer les schémas sectoriels prévus par la loi de 1955 - sont supposés
mieux répondre à la demande des territoires et dont la philosophie a vocation à
inspirer la nouvelle génération de contrats de plan Etat-région.
La commission spéciale chargée par le Sénat d'examiner le texte a émis des
critiques de fond sur de nombreux aspects de la réforme et invité la Haute
Assemblée à adopter un dispositif beaucoup plus équilibré qui, sans s'opposer à
toutes les innovations proposées, traduisait les préoccupations majeures du
Sénat quant au nécessaire développement économique, en particulier des zones
les plus fragiles.
Après l'échec de la commission mixte paritaire, l'Assemblée nationale a adopté
définitivement une rédaction qui reprend, pour l'essentiel, le texte qu'avait
proposé initialement le Gouvernement.
Ainsi le cadre de référence de la politique d'aménagement du territoire se
trouve-t-il sensiblement modifié avec des repères et des objectifs qui, dans
une large mesure, ne sont plus ceux de la période précédente. Nous prenons donc
acte de cette évolution.
En deuxième lieu, l'année 2000 sera la première année de mise en oeuvre de la
nouvelle génération des contrats de plan Etat-région pour la période 2000-2006.
Votre rapporteur, mes chers collègues, consacre dans son rapport écrit un
développement important à ce qui constitue un partenariat essentiel entre les
régions, chefs de file en matière d'aménagement du territoire, et l'Etat, qui
s'engagera sur la période à hauteur de 120 milliards de francs puisque, à la
première enveloppe de 95 milliards de francs, est venue s'ajouter, le 22
novembre dernier, une seconde enveloppe de 25 milliards de francs.
En troisième lieu, dans l'examen des crédits de l'aménagement du territoire,
on ne peut faire l'impasse sur la nouvelle politique régionale et de cohésion
de l'Union européenne. La France soumet à la Commission européenne une nouvelle
carte des zones éligibles prenant en compte les nouveaux critères.
J'en viens maintenant au budget de l'aménagement du territoire lui-même.
Les dépenses ordinaires sont en hausse de 42 %, passant de 404,1 millions de
francs votés en 1999 à 574,1 millions demandés pour 2000. Cette hausse concerne
principalement les interventions publiques du titre IV, en augmentation de 54
%. Cette hausse s'explique mécaniquement par le fait que 2000 constituera la
première année d'exécution des nouveaux contrats de plan Etat-région. La
première année d'exécution de la précédente génération de contrats de plan
avait, elle aussi, enregistré un bond apparemment « spectaculaire » des crédits
du titre IV.
Quant aux effectifs budgétaires totaux de la DATAR demandés pour 2000, ils
demeurent au niveau de 1999, soit 141 emplois, dont 113 en France et 28 à
l'étranger, pour 58 titulaires et 83 contractuels.
Pour ce qui est des crédits d'investissement du titre VI demandés pour 2000,
on constate une diminution aussi bien des autorisations de programme, qui
baissent de 4,1 %, que des crédits de paiement, qui sont réduits de 3 %. Ces
crédits regroupent les subventions consacrées à la prime d'aménagement du
territoire, la PAT, et au fonds national d'aménagement et de développement du
territoire, le FNADT, pour sa partie investissement.
S'agissant du « zonage PAT », qui, jusqu'à présent, concernait environ 40 % de
la population française, soit 23,5 millions d'habitants, sa modification
souhaitée par la Commission européenne rend nécessaire une nouvelle carte des
aides à finalité régionale couvrant 34 % de la population française, soit 20,4
millions d'habitants.
Sur l'initiative du CNADT, deux mesures ont été arrêtés le 1er avril 1999.
Il s'agit, d'une part, de l'abaissemment des seuils d'éligibilité à la PAT à
15 millions de francs d'investissement et 15 emplois, contre 20 millions de
francs d'investissement et 20 emplois aujourd'hui.
Il s'agit, d'autre part, de l'élargissement de l'éligibilité aux nouveaux
services tels les centres d'appels, la logistique ou l'informatique.
Cependant, il y aurait beaucoup à dire sur la manière dont les élus nationaux
et locaux ont été associés à l'élaboration des nouveaux critères. Votre
rapporteur pour avis pense en particulier aux modalités de consultation du
CNADT.
S'agissant du fonds national d'aménagement et de développement du territoire,
les crédits demandés au titre de ce chapitre s'élèvent à 936 millions de francs
en crédits de paiement, contre 1,083 milliard de francs en loi de finances
initiale pour 1999, soit une réduction de 13,3 %, et à 1,186 milliard de francs
en autorisations de programme, soit une baisse de 7,5 %.
C'est dire que les investissements diminueront fortement.
J'aborderai rapidement, parce que le temps nous manque, la politique
communautaire et les fonds structurels.
En effet, plus que le budget de l'aménagement lui-même, c'est la politique
communautaire des fonds structurels - ils représentent le tiers environ du
budget de l'Union européenne - qui joue un rôle majeur dans l'aménagement du
territoire, mais pour certaines régions françaises seulement.
A compter du 1er janvier 2000 et pour une période de sept ans, la politique
régionale et de cohésion de l'Union européenne sera poursuivie conformément aux
décisions du Conseil européen de Berlin, réuni en mars dernier.
Au terme de ce conseil, la dotation globale qui devrait revenir à la France
avoisinerait 85 milliards de francs, soit sept fois plus que le budget de
l'aménagement du territoire cumulé à l'identique sur la même période.
C'est tout dire de l'importance de ces crédits européens.
A cette occasion, on a aussi décidé de réduire le nombre d'objectifs fixés à
trois, contre sept actuellement. Les critères de sélection des zones ont été
définis de manière plus restrictive qu'auparavant.
Le nouvel objectif 1, destiné aux régions en retard de développement, est
strictement réservé à celles dont le produit intérieur brut par habitant est
inférieur à 75 % de la moyenne communautaire. Pour la France, seuls les
départements d'outre-mer seront concernés. La Corse et le Hainaut, qui perdent
leur éligibilité, bénéficieront cependant d'un traitement transitoire
privilégié pour lequel sont affectés 551 millions d'euros.
Le nouvel objectif 2, consacré à la reconversion économique et sociale,
regroupe l'action en faveur des régions en proie à des difficultés
structurelles, qu'il s'agisse de zones en mutation économique, de zones rurales
en déclin, de zones en crise dépendant de la pêche ou des quartiers en
difficulté. Il se substitue aux actuels objectifs 2 et 5 b et sera doté de
masses importantes. Un maximum de 18 % de la population de l'Union sera couvert
par cet objectif, contre 25 % actuellement.
Vingt-cinq millions de Français vivaient dans des zones couvertes par les
actuels objectifs 2 et 5 b ; ils ne devraient plus être que 18,8 millions sous
le régime du prochain objectif 2.
Sur cette base, la France propose à la Commission européenne une nouvelle
carte des zones éligibles. La dotation pour l'objectif 2 attribuée à la France
est fixée à 5,43 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter 613 millions
d'euros affectés à titre de compensation. La nouvelle dotation enregistre une
baisse de 1,5 milliard d'euros par rapport à la période précédente.
Quant au nouvel objectif 3, qui n'est pas zoné, il favorisera l'adaptation et
la modernisation des systèmes d'éducation, de formation et d'emploi.
Enfin, le nombre des programmes d'initiatives communautaires, ou PIC, est
limité. Trois des quatorze PIC existants sont maintenus : INTERREG, pour la
coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale, LEADER, pour le
développement rural, et URBAN, pour les zones urbaines. On constate l'arrivée
d'un nouveau programme, EQUAL, de coopération transnationale contre toute forme
de discrimination et d'inégalité sur le marché du travail.
Avant de conclure, je souhaite exprimer quelques remarques, madame la
ministre.
Dans mon rapport, je rappelle les grands axes de la nouvelle loi d'orientation
pour l'aménagement et le développement durable du territoire ainsi que les
positions respectives qui furent celles de l'Assemblée nationale et du
Sénat.
On s'étonnera que, à la fin du mois d'octobre, le Gouvernement n'ait pas été
en mesure de publier le moindre texte d'application de cette loi d'orientation,
alors que l'urgence avait été déclarée sur le projet de loi et que, surtout, la
réforme - en particulier les neuf schémas de services collectifs - est supposée
« inspirer » les contrats de plan que les régions négocient actuellement et qui
doivent être signés avant le 31 décembre 1999 ! Il y a là, me semble-t-il, un
manque de cohérence auquel il serait bon de remédier rapidement.
J'évoque aussi, dans mon rapport, les schémas de services collectifs prévus
par la nouvelle loi d'orientation. Ces schémas ne devraient être publiés qu'au
dernier trimestre de 2000. Selon toute vraisemblance, on ne tiendrait pas grand
compte des réflexions et propositions formulées par le Sénat lors du débat de
la loi d'orientation, pas plus, d'ailleurs, que du rapport de la commission
d'enquête sur les infrastructures de communication publié le 5 juin 1998. Il
convient de regretter que le Gouvernement n'ait pas su ou voulu faire preuve de
plus « d'ouverture » et d'écoute à propos de choix stratégiques qui sont
supposés engager notre pays pour vingt ans.
Enfin, je rappellerai que 2000 sera la première année d'exécution des nouveaux
contrats de plan Etat-région. La progression globale apparente des crédits du
ministère chargé de l'aménagement du territoire, à savoir 7 %, reflète cette
conjoncture particulière. Au-delà des apparences, il ne faut pas se cacher que
de nombreux territoires vont être pénalisés par les nouveaux zonages, qu'il
s'agisse de la PAT ou des fonds structurels, et que la mise au point des
propositions françaises en la matière s'est effectuée très largement en dehors
des élus.
Par ailleurs, le projet de budget pour 2000 de l'aménagement du territoire est
aussi, dans une large mesure, la traduction budgétaire de la loi d'orientation
du 25 juin 1999 que la Haute Assemblée avait vivement amendée, mais en vain.
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, mes chers collègues, la
commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à l'adoption des
crédits de l'aménagement du territoire inscrits au projet de loi de finances
pour 2000.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants. - M. le rapporteur spécial applaudit également.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 10 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
5 minutes.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits
inscrits au budget de l'aménagement du territoire connaissent cette année une
progression sensible de plus de 7 %, à comparer à la hausse de 0,9 % des
dépenses de l'Etat sur l'ensemble du projet de loi de finances.
Cela montre la volonté affichée par le Gouvernement de se doter d'une
politique d'aménagement et de développement du territoire plus ambitieuse,
appuyée sur des outils techniques et financiers à la hauteur des enjeux
auxquels l'Etat devra répondre s'il souhaite ne pas abandonner à la seule loi
du marché la conduite de l'économie nationale.
La progression des crédits du ministère de l'aménagement du territoire et de
l'environnement mérite toutefois d'être appréciée et nuancée, au regard de la
part qu'il occupe dans l'ensemble des crédits affectés à l'aménagement du
territoire et relevant d'autres ministères, ce qui représente 3,52 % du total.
Ce taux serait ramené à 2,9 % si l'on intègre la totalité des crédits
d'aménagement du territoire provenant des fonds et programmes européens.
C'est dire si les crédits inscrits dans ce projet de budget valent autant par
la qualité des projets qu'ils contribuent à mettre en oeuvre que par le volume
des aides consenties.
Comme aime à le répéter mon ami M. Félix Leyzour, rapporteur pour avis sur ce
projet de budget à l'Assemblée nationale, une politique d'aménagement du
territoire vise des objectifs contraires et contradictoires aux orientations du
libre marché.
Là où les gouvernements précédents concevaient l'action territoriale en appui
aux opérations de restructuration, de concentration des richesses, des
populations et des activités productives autour de quelques pôles d'excellence,
le Gouvernement de la majorité plurielle me paraît partagé entre le souci de
réparer au mieux les dégâts du libéralisme et une certaine volonté de redonner
ses lettres de noblesse à la puissance publique, dans la diversité de ses
institutions.
L'aménagement du territoire est, par nature, l'espace dans lequel
l'intervention de l'Etat, des collectivités locales, doit prévaloir sans que
celle-ci se laisse submerger, subordonner et dicter ses actes par les intérêts
financiers qui ignorent les préoccupations émanant de la société en termes
d'environnement, de qualité de la vie et de sécurité de l'emploi.
Aussi ne faut-il pas faire état d'une certaine contradiction entre la révision
à la baisse des fonds structurels auxquels la France pourra prétendre, dans le
cadre financier communautaire redéfini à Berlin en mars dernier, et une
revalorisation assez considérable de la participation de l'Etat dans la
nouvelle génération de contrats de plan Etat-région.
S'agissant de l'enveloppe financière réservée à notre pays sur la période
2000-2006, avec 14,68 milliards de francs programmés, provenant de l'Union
européenne, on observe une baisse de près de 13 % de la dotation acquise sur la
période plus courte allant de 1994 à 1999.
En ce qui concerne les contrats de plan Etat-région pour la première fois
l'Etat s'engage auprès des régions dans des proportions jamais atteintes, de
l'ordre de 120 milliards de francs. Notamment, l'intervention de l'Etat en
direction des infrastructures routières et, surtout, ferroviaires, comme nous
en avons débattu hier soir, apporte un démenti sévère à ceux qui, dans cet
hémicycle, vilipendaient l'absence d'engagements du Gouvernement pour équiper
le pays au niveau des besoins sans cesse croissants.
Pour cela, il nous suffit de relire les discours qui ont été tenus au sein de
cette assemblée, dans le cadre du débat sur la loi d'orientation pour
l'aménagement et le développement durable du territoire. Il nous suffit
également de parcourir les conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur
les infrastructures terrestres, qui visaient à rendre responsable l'actuel
Gouvernement des retards dans l'application de certains projets.
A l'instar du TGV Est, non seulement les projets sont maintenus, mais ils
seront financés, sans que soient sacrifiées pour autant les dépenses de
fonctionnement et la nécessaire prise en compte des contraintes territoriales,
sociales et environnementales.
Madame la ministre, avec votre collègue M. Jean-Claude Gayssot, vous montrez
que développement du territoire et aménagement peuvent converger dans une seule
et même démarche, que le rail et la route peuvent se compléter utilement, que
des investissements nouveaux peuvent ainsi permettre de mieux réguler le trafic
et, ainsi, limiter les pollutions, tout en améliorant la sécurité des
personnes.
Le projet de budget que vous nous présentez, madame la ministre, s'inscrit
dans cette nouvelle conception. Je pense à l'augmentation de 7,06 % des crédits
demandés au titre de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action
régionale, la DATAR, soit 1,9 milliard de francs. Je pense également à la
hausse de 9,4 % des crédits de la prime d'aménagement du territoire dont le
montant s'élève à 380 millions de francs en autorisations de programme. Je
pense, enfin, à la progression, certes plus limitée, des crédits du FNADT de
0,86 %.
Toutefois, je regrette que les conditions nouvelles d'attribution de la prime
d'aménagement du territoire ne suivent de trop près le zonage plus ciblé imposé
par la Commission européenne.
S'il est en effet légitime de vouloir favoriser les territoires les plus en
difficulté, en soutenant les projets les plus modestes, gardons-nous cependant
de négliger des régions dont le rattrapage économique et social reste loin
d'être acquis à ce jour.
J'avais exprimé, l'an passé, le souhait que la prime d'aménagement du
territoire soit rendue plus accessible aux petits commerces et à l'artisanat.
L'abaissement des seuils d'éligibilité envisagé pour 2000 est, à cet égard, un
élément positif s'il peut permettre d'encourager le développement de ces
activités créatrices d'emplois. Il faudra encore poursuivre cet effort dans le
budget pour 2001.
A ce propos, madame la ministre, je souhaiterais connaître l'état de votre
réflexion sur la proposition de création de fonds régionaux pour l'emploi et le
développement inscrite à l'article 34 de la loi du 25 juin 1999.
Dans l'esprit des parlementaires communistes, à l'origine de cette
proposition, il s'agit de soutenir les PME-PMI, qui contribuent à entretenir le
tissu économique local. En mobilisant des fonds publics - et pourquoi pas des
fonds d'origine européenne - et des prêts bancaires à taux bonifié, cette
mesure aurait pour mérite de réduire les charges financières qui pèsent sur les
entreprises créatrices d'emplois et fortement implantées dans leurs
territoires. Bien évidemment, les salariés des entreprises intéressées doivent
prendre toute leur part à la gestion et au contrôle de ces fonds pour garantir
l'efficacité et la transparence d'une disposition que nous appelons de nos
voeux.
Un autre chantier sur lequel j'invite le Gouvernement à poursuivre sa
réflexion est la nécessaire péréquation financière entre les collectivités
locales, entre les régions elles-mêmes et à l'intérieur de chacune d'elles.
Sur ce point, nous attendons beaucoup de l'élaboration des différents schémas
de services collectifs envisagés par la LOADDT, la loi d'orientation pour
l'aménagement et le développement durable du territoire, qui, en son article 2,
précise parmi les objectifs visés : la correction des inégalités spatiales et
la solidarité nationale envers les populations, par une juste péréquation des
ressources publiques et une intervention différenciée, selon l'ampleur des
problèmes de chômage, d'exclusion et de désertification rurale rencontrés et
selon les besoins locaux d'infra-structures de transport, de communication, de
soins et de formation.
Madame la ministre, peut-être pourrez-vous faire le point, six mois après la
promulgation de cette loi, sur la publication des textes d'application et sur
l'état d'avancement de la procédure devant aboutir à la formalisation des neuf
schémas de services collectifs ?
J'aborderai, enfin, la question des services publics, qui jouent un rôle
déterminant en faveur de l'aménagement des territoires urbains, périurbains et
ruraux.
Développer le service public de proximité ne constitue pas seulement un
objectif en soi, mais représente l'un des moyens pour renforcer la cohésion
économique et sociale de nos territoires.
Pour ma part, je suis convaincu que, dans la plupart des cas, il est
préférable et moins coûteux pour la nation de maintenir un service public, même
déficitaire, plutôt que de verser des subventions pour susciter
l'investissement privé qui, de toute façon, restera de portée limitée sans la
présence des services publics faciles d'accès pour les citoyens.
Lors de l'examen de la LOADDT, notre groupe avait exprimé, vous le savez,
certaines réserves sur la création des maisons de services publics. Si
l'intention est louable - regrouper dans un même lieu différents services pour
simplifier les démarches administratives des usagers - toutefois, dans la
réalité, nous savons que ces maisons peuvent aussi conduire à réorganiser les
services publics aux dépens de la qualité du service et avec le risque d'un
effectif plus restreint et moins spécialisé.
S'agissant du financement de ces maisons, l'article 30, paragraphe IV, de la
LOADDT dispose que « l'Etat rembourse aux collectivités territoriales
concernées tout ou partie des rémunérations et des charges directes ou
indirectes liées à la mise à disposition de personnels et de locaux ».
Nous veillerons à ce que l'Etat respecte cet engagement, qui garantit
l'égalité de traitement des usagers mais aussi la continuité des missions du
service public sur l'ensemble du territoire.
En conclusion, madame la ministre, nous souhaiterions connaître votre jugement
sur la portée réelle du schéma de développement de l'espace communautaire, le
SDEC, adopté le 11 mai 1999.
S'il apparaît de plus en plus clairement que le budget de l'aménagement du
territoire traduit de plus en plus fidèlement les orientations de la politique
régionale de l'Union européenne, ne faut-il pas craindre qu'à terme la
politique nationale en ce domaine ne devienne un élément constitutif d'une
doctrine européenne sans égard pour le principe de subsidiarité ?
Si, effectivement, le SDEC constitue pour l'instant un cadre non contraignant,
il semble dessiner, néanmoins, les contours d'une Europe fédérale en
construction qui ignore les spécificités nationales et régionales.
En réalité, l'intégration des territoires transfrontaliers participe à cette
course à la déréglementation que la Commission de Bruxelles cherche à
promouvoir avec opiniâtreté, notamment dans le domaine des transports.
Pour l'heure, le groupe communiste républicain et citoyen votera ce projet de
budget, qui s'inscrit dans un contexte de transition, et souhaite obtenir des
réponses aux préoccupations que je viens de formuler.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'aménagement
du territoire est le pendant de la décentralisation. En tant que représentant
des collectivités locales, le Sénat porte une attention toute particulière à ce
procédé. Chacun, dans cet hémicycle, a bien conscience de la nécessité de ce
procédé qui permet d'éviter la désertification tant décriée dans toutes les
localités françaises. La démarche est ambitieuse. Que doit-on penser des
efforts du Gouvernement en ce domaine ?
Je ferai un court rappel de ce qui a été dit par ceux qui m'ont précédé à
cette tribune.
En augmentation de 7,1 %, le budget de l'aménagement du territoire devrait
atteindre 2 milliards de francs en 2000.
A ce montant relativement modeste, il faut ajouter une partie des fonds gérés
par les autres ministères ou figurant dans des comptes spéciaux du Trésor, pour
un total de 53,3 milliards de francs pour l'année 2000. S'ajoutent également
les apports constitués par les exonérations fiscales et sociales, de l'ordre de
1,73 milliard de francs, ainsi que les financements communautaires au titre des
fonds structurels, qui devraient s'élever, l'année prochaine, à 13,7 milliards
de francs.
Au total, les actions mises en oeuvre dans le cadre de la politique de
l'aménagement du territoire devraient pouvoir mobiliser près de 75 milliards de
francs de financements de sources nationales et européenne, qui viendront
renforcer les versements des régions.
L'année à venir sera le moment de la mise en application de la loi
d'orientation de juin 1999 sur l'aménagement et le développement durable du
territoire, de la politique des fonds structurels pour les années 2000-2006 et
de la nouvelle programmation des contrats de plan Etat-région.
Le budget de l'aménagement du territoire
stricto sensu
comporte très
schématiquement trois volets de financements : les fonds alloués à la
délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, qui sont ceux
destinés à la prime d'aménagement du territoire et ceux qui sont attribués aux
contrats de plan Etat-région.
La dotation affectée à la DATAR s'élève à 119 millions de francs. Elle
représente 6,7 % du budget de l'aménagement du territoire.
Si cette dotation est en augmentation de 9,5 % par rapport à 1999, l'essentiel
de ces crédits supplémentaires seront destinés à la réalisation d'études dans
le cadre de la relance des travaux de prospective et à la mise en oeuvre de
projets informatiques.
En conséquence, les crédits de 58,52 millions de francs consacrés aux dépenses
de personnel ne permettront au mieux que de rattraper le niveau de 1996.
Compte tenu des missions très étendues de la DATAR et de la faiblesse de ses
effectifs, on ne peut que s'interroger sur la capacité de cette structure à
assurer le suivi administratif de la période à venir au cours de laquelle
seront mis en oeuvre les nouveaux contrats de plan Etat-région.
Je constate également que plus de 65 % du personnel de la DATAR sont employés
à titre contractuel, facteur susceptible d'accroître sa fragilité. Je
souhaiterais, madame la ministre, que vous nous apportiez tous les éléments
permettant de nous rassurer quant à la capacité de la DATAR à assurer
l'ensemble de ses missions sur le long terme.
Les fonds alloués à la PAT s'élèvent à 420 millions de francs, soit une
augmentation de 33,3 % par rapport à 1999.
Les zones concernées par l'attribution de cette prime seront modifiées à
l'échelon européen à partir de l'an 2000, à l'issue des négociations en cours
avec la Commission européenne, cette nouvelle carte de zonage étant alors
imposée à la France.
Des différences de point de vue et de méthode opposent la France et la
Commission en ce qui concerne la définition des critères d'éligibilité à la
prime d'aménagement du territoire. La France est favorable à la prise en compte
de données qualitatives, alors que la Commission impose une approche
quantitative qui ne permet pas une analyse précise des difficultés et des
spécificités locales.
En outre, et surtout, la France est favorable au recours aux données
statistiques issues du dernier recensement et, donc, plus proches de la
réalité, alors que la Commission européenne fonde ses conclusions sur des
données plus anciennes qui ne permettent pas d'appréhender la situation
présente.
Une forte limitation de la population éligible résulte ainsi du découpage de
la Commission. Ce resserrement de l'attribution des aides est susceptible de
s'exercer à l'encontre des impératifs de l'aménagement du territoire. Je
souhaiterais, madame la ministre, que vous fassiez pour nous le point de
dernières évolutions des négociations avec les autorités communautaires.
S'agissant des contours de la prime, vous vous êtes déjà exprimée cette année,
madame la ministre, sur les modifications que vous souhaitez lui apporter : une
baisse du seuil minimum d'investissements de 20 à 15 millions de francs, une
réduction de vingt à quinze du nombre d'emplois créés immédiatement et une
ouverture de cette prime aux entreprises du secteur tertiaire.
Si de telles mesures me semblent comporter des éléments positifs pour
l'amélioration de la situation de l'emploi, je crains que l'afflux éventuel des
dossiers ne se heurte à l'incapacité matérielle des services de la DATAR de les
traiter en temps voulu, faute de personnel suffisant.
La DATAR dispose du Fonds national d'aménagement et de développement du
territoire pour financer les interventions relatives aux initiatives locales
pour l'emploi, aux restructurations et aux délocalisations, à l'aménagement
rural et aux zones de montagne.
Les crédits de ce fonds suivent une tendance globale à la stagnation, bien que
les financements inscrits au titre IV progressent de 54 %, passant de 295 à 455
millions de francs. Ces montants seront affectés aux contrats de plan
Etat-région.
A l'occasion du dernier comité interministériel à l'aménagement et au
développement du territoire du 22 novembre 1999, le Gouvernement s'est engagé à
consacrer une enveloppe totale de 120,3 milliards de francs à ces contrats de
plan.
Ce montant est en augmentation de 10 % par rapport aux crédits de la
précédente génération. Notons cependant que les crédits de la période 1994-1999
avaient été affectés, pour leur part, d'une hausse de 32 %, même si
l'intégralité des sommes n'a pas pu être consommée.
Confirmant les orientations du comité interministériel de juillet 1999 qui
avait augmenté les fonds alloués aux réseaux ferrés de 1 à 3,5 milliards de
francs, la réunion du 22 novembre a accentué cette tendance par l'attribution
d'un total de 8 milliards de francs de financement d'Etat aux transports
ferroviaires.
Je note que les travaux importants de régénération des réseaux tels que ceux
de Toulon ou du Havre, de même que les transports collectifs urbains de
province, seront réalisés hors contrats de plan Etat-région et pris en charge
directement par l'Etat.
Nonobstant ces notables contributions et compte tenu de l'énorme retard
relatif au fret ferroviaire et au transport combiné accumulé par la France, je
me demande, madame la ministre, si cette prise de conscience et cet engagement
budgétaire sont bien à la hauteur du déficit engendré par plusieurs années
d'incohérence. Je souhaiterais que vous donniez à notre assemblée toutes les
explications attendues en la matière.
Les fonds alloués au réseau routier sont dotés de 25,7 milliards de francs,
soit le quart des montants accordés par l'Etat, contre le tiers des sommes dans
la précédente programmation.
Les projets destinataires des financements privilégient l'amélioration des
grands axes afin de pallier l'inadaptation du réseau routier actuel au
transport des marchandises récemment, comme l'a démontré l'engorgement de
l'autoroute A 7.
Les fonds destinés au réseau routier seront-ils suffisants pour remédier aux
conditions de difficultés et d'insécurité imposées aux conducteurs sur le
territoire français ? J'en doute fortement, et j'attire votre attention, madame
la ministre, sur le vieillissement des voies et sur l'obsolescence des modes de
sécurité du réseau routier français qui sont à l'origine d'une part importante
des accidents de la circulation, dont mon département, la Haute-Saône, détient
un triste record.
Notons enfin que les régions investiront en moyenne autant que l'Etat dans les
actions mises en oeuvre dans le cadre des contrats de plan Etat-région,
augmentant ainsi leur apport de 20 %. En effet, pour chaque franc de l'Etat,
les régions apporteront un franc en moyenne, alors que leur contribution
n'était que de quatre vingts centimes pour un franc de l'Etat dans la
précédente programmation.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, intéressant à
bien des égards, le projet de budget qui nous est aujourd'hui soumis présente
plusieurs éléments qui nécessitent approfondissement et précision.
Tout d'abord, faute d'une plus grande concertation avec les élus lors de son
élaboration, la carte du nouveau zonage de la prime à l'aménagement du
territoire n'est pas satisfaisante.
Force nous est de constater, et je le regrette, que le nouveau découpage ne
tient pas compte des zones en déclin démographique et économique. La carte
néglige dans de trop nombreux cas les zones rurales les plus en difficulté.
Je citerai un exemple : au moment où la Haute-Saône allait pouvoir bénéficier
de cette nouvelle PAT, elle ne peut plus y prétendre du fait du zonage.
Décidément, les plus pauvres resteront les plus pauvres !
En outre, l'existence de différents zonages, celui de la prime à l'aménagement
du territoire, celui des fonds structurels européens, ou encore celui des zones
de revitalisation rurale, induit une complexité qui empêche les porteurs de
projets potentiels de bénéficier pleinement des aides. Ce processus a des
effets qui vont à l'encontre de l'efficacité de la politique d'aménagement du
territoire.
Au demeurant, le zonage actuel ne répond pas à des critères totalement
objectifs. Mon département n'est pas dans une situation équitable à propos de
l'attribution de la PAT par rapport aux départements voisins, compte tenu des
compensations auxquelles l'Etat s'était engagé après divers replis de sa
part.
Je souhaiterais également savoir, madame la ministre, quand seront publiés
l'ensemble des textes d'application permettant enfin la mise en oeuvre
effective de la loi d'orientation du 25 juin 1999. A défaut de leur
justification, l'aménagement du territoire restera encore longtemps
l'Arlésienne des projets gouvernementaux !
Enfin, je voudrais attirer votre attention sur l'importance du maintien des
services publics de l'Etat au regard des impératifs de l'aménagement du
territoire. Les décisions prises dans le cadre de la réforme de la carte
judiciaire des tribunaux de commerce ont entériné au 1er janvier 2000 la
suppression de trente-six tribunaux de commerce. Ces décisions causent le
déclin de trente-six villes de petite importance sur le terrritoire
français.
Faire disparaître une juridiction, ce n'est pas seulement supprimer les
emplois directs du tribunal et de son greffe, c'est aussi nuire gravement à
tous les emplois secondaires, professions juridiques et judiciaires, et
commerces situés à proximité du tribunal.
Permettez-moi de vous demander, madame la ministre, si vous avez été associée
aux réflexions qui ont précédé ces décisions lourdes de conséquences pour
l'économie locale et pour l'aménagement du territoire. Sont-elles réversibles ?
Dans la négative, quelles mesures de compensation envisagez-vous de prendre
pour endiguer l'érosion économique causée par la suppression de tribunaux de
commerce de petites villes comme Autun, Charolles, Billom ou Flers ?
A toutes mes questions j'attends vos réponses, madame la ministre. De vos
explications dépendront la nature des votes positifs ou négatifs des sénateurs
du RDSE, qui réservent leur position jusqu'à l'issue de notre débat.
M. le président.
La parole est à Mme Boyer.
Mme Yolande Boyer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me revient,
au nom du groupe socialiste, d'intervenir sur le projet de budget 2000 pour
l'aménagement du territoire que vous nous proposez au nom du Gouvernement.
Ma première remarque concerne sa forte progression, à hauteur de 7,2 %. A ma
connaissance, il est, avec le projet de budget de l'environnement dont nous
parlerons cet après-midi, l'un des budgets sectoriels en plus forte
progression. Nous nous réjouissons vivement car cette évolution traduit la
volonté du Gouvernement de faire de la politique d'aménagement du territoire
une priorité du troisième millénaire.
La discussion de ce projet de budget arrive à un moment déterminant.
D'une part, la LOADDT votée le 25 juin 1999, sera mise en oeuvre en 2000. Au
cours de la discussion de ce texte, j'avais eu l'occasion de dire qu'elle était
au coeur d'un dispositif constitué par la loi sur l'intercommunalité, la loi
d'orientation agricole et le projet de loi sur les interventions économiques
des collectivités locales.
Cet ensemble constitue une deuxième étape de la décentralisation, dix-huit ans
après les lois de 1982. Depuis, le Premier ministre a institué une commission
chargée de formuler des propositions sur l'avenir de la décentralisation. Cette
commission pluraliste est d'ailleurs présidée par un de nos collègues, M.
Pierre Mauroy.
D'autre part, c'est un moment déterminant, avec la mise en place de la
nouvelle génération des contrats de plans Etat-région pour 2000-2006, avec la
réforme des fonds structurels et de la PAT.
La coordination de ces différentes mesures - et c'est pour cela que je les
énumère à nouveau - permet d'assurer une plus grande cohérence des choix, et
nous considérons qu'elle est un gage d'efficacité.
Si l'on ajoute que bien d'autres secteurs d'activités concourent à
l'aménagement du territoire et que d'autres ministères participent à son
financement, on comprend que les fonds consacrés sont très supérieurs à ceux
qui sont présentés dans ce projet de budget.
Avant d'en aborder certains aspects, je souhaite affirmer que l'aménagement du
territoire est au coeur des préoccupations des socialistes, car il est synonyme
de solidarité entre des territoires plus ou moins riches, plus ou moins dotés
et d'égalité des chances entre les citoyens, quel que soit le lieu où ils
vivent.
Je veux redire ici que le débat ville-campagne est d'un autre temps, qu'il n'y
a pas d'un côté les ruraux et de l'autre les urbains, mais que nous contribuons
tous, hommes et femmes, ruraux et urbains, à la vie équilibrée de notre
territoire.
Nous sommes aujourd'hui, avec les négociations de l'Organisation mondiale du
commerce, confrontés aux mouvements de l'économie libérale de concentration
financière et territoriale.
Il est vrai que les enjeux de la politique d'aménagement du territoire sont
bien plus complexes aujourd'hui qu'hier, car nous vivons dans un environnement
mondialisé et les délocalisations ne se résument pas à un transfert de
l'Ile-de-France vers les régions.
J'en viens maintenant à quelques éléments de ce projet de budget.
Je parlerai en premier lieu de la DATAR, pour me réjouir de la forte
progression des crédits d'études, ce qui traduit une relance significative des
travaux de prospective.
Cette politique nous paraît indispensable, mais nous nous interrogeons sur les
moyens en personnel dont dispose cet organisme pour remplir ses missions : la
gestion des fonds structurels européens, des contrats de plan et de la
localisation des activités. Peut-il réellement faire face ?
J'en viens à la prime à l'aménagement du territoire. La réforme annoncée,
c'est-à-dire le soutien aux investissements modestes et l'élargissement aux
services, me paraît aller dans le bon sens, en rendant la PAT plus
attractive.
Néanmoins, la réduction du nombre des zones éligibles ne risque-t-elle pas
d'atténuer l'effet positif de cette réforme et donc, d'entraîner la
réapparition de problèmes de sous-consommation ?
Le volet territorial des contrats de plan Etat-région suffira-t-il à éviter le
déclin des zones auparavant éligibles et qui ne le sont plus ?
Le seuils retenus ne sont-ils pas encore trop élevés pour rendre la PAT
attractive dans les zones rurales et, ainsi, dynamiser l'emploi ?
Pouvez-vous nous rassurer sur tous ces points, madame la ministre ?
J'évoquerai, enfin, la mise en place de la LOADDT, et plus particulièrement la
création des pays.
La France a la particularité de compter plus de 36 000 communes, ce qui
constitue à la fois une richesse et une faiblesse.
Nos concitoyens sont particulièrement attachés à leur commune, nous le savons
tous. Maire moi-même d'une commune de 5 000 habitants, je considère que c'est
bien le premier lieu où s'exerce la citoyenneté. Mais, nous le constatons sur
le terrain, l'intercommunalité peut faire peur. C'est pourquoi elle ne doit pas
se faire de manière autoritaire.
Tout l'intérêt de la LOADDT repose sur le volontariat des différents acteurs
d'un territoire autour d'un projet commun qui préside à la création d'un pays
et qui sait fédérer les énergies.
Le pays est une réponse à la faiblesse que peut constituer l'émiettement
communal. Il bouscule cependant un paysage établi que certains peinent à voir
évoluer et progresser. C'est pourquoi il convient de conforter les
collectivités qui se sont engagées dans cette réflexion.
Il convient aussi de se donner les moyens d'expliquer cette loi et de nous
informer sur la sortie des décrets, comme l'ont déjà dit ceux qui m'ont
précédée à cette tribune. Aucun décret, à ce jour, n'a été publié. Je sais que
c'est normal pour ce qui touche aux schémas des services collectifs ; mais
concernant les autres, pouvez-vous, madame la ministre, nous donner quelques
précisions ?
Il convient, enfin, de préciser les modalités de mise en oeuvre et de soutien,
y compris, bien sûr, financier.
La loi a créé des délégations parlementaires à l'aménagement du territoire.
J'ai l'honneur de faire partie de celle du Sénat et je souhaite, madame la
ministre, qu'avec vous-même et vos services nous puissions réaliser un travail
efficace.
Je ne veux pas terminer mon intervention sans évoquer les dynamiques locales,
déjà organisées et porteuses de projets de développement, que sont les pays
d'accueil touristiques. Ces derniers ont fait la preuve de la pertinence de
leur action, tant dans les limites de leur périmètre d'intervention que par
leur adéquation aux attentes des acteurs locaux du tourisme.
Il faut préciser, aujourd'hui, les modalités de travail entre pays et pays
d'accueil touristique, moteurs d'une dynamique du tourisme fédérée et relayée à
l'échelon national par une organisation qui s'impose comme interlocutrice
compétente des ministères concernés.
J'aimerais beaucoup voir prochainement affirmé le soutien renouvelé à la
dynamique des pays d'accueil touristiques et à leur fédération nationale.
Je dirai, pour conclure, que la politique d'aménagement du territoire que vous
nous proposez, madame la ministre, remplace la logique de guichet par celle de
projet et qu'elle ne considère pas que les infrastructures et les zonages
constituent, à eux seuls, une politique d'aménagement du territoire, même s'ils
y contribuent fortement.
Vous l'aurez compris au travers de mon intervention, le groupe socialiste
soutient votre budget et il le votera. En effet, la politique qu'il sous-tend
traduit une volonté de création d'emplois, de solidarité et de développement
durable. Elle concourt à l'égalité des chances pour les femmes et les hommes où
qu'ils vivent sur notre territoire.
(Applaudissements sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'aménagement
du territoire doit être une priorité parmi les politiques de l'Etat.
Depuis les lois de décentralisation, les collectivités locales - régions,
départements, établissements publics de coopération intercommunale, communes -
assurent ensemble cette lourde responsabilité pour les territoires qui les
concernent.
Ces collectivités négocient la mise en oeuvre de leurs projets, de leurs
programmes de développement ou, au pire - c'est malheureusement de plus en plus
souvent le cas ! - de leurs programmes de lutte contre leur propre déclin.
Les outils sont multiples : contrat de pays, contrat de territoire, contrat de
ruralité. Tous ont cette qualité qu'ils mettent en cohérence les initiatives
des uns et des autres et qu'ils permettent d'additionner les moyens pour rendre
possible la réalisation des projets.
Ces territoires se battent, innovent, expérimentent, investissent - quand ils
le peuvent !
Mais les collectivités locales, qui sont les soldats avancés de cette lutte
pour l'aménagement du territoire, ne peuvent pas grand-chose, madame la
ministre, s'il n'y a pas un état-major pour assurer leur subsistance, leur
fournir armes et munitions. Cet état-major, c'est vous.
Et que faites-vous ? Dans la logique de la politique du Gouvernement,
confirmée par votre loi d'orientation de l'aménagement et du développement
durable du territoire, vous avez décidé de concentrer vos efforts sur 20 % du
territoire national, c'est-à-dire les agglomérations, laissant aux jardiniers
du territoire rural le soin d'entretenir, selon votre propre expression, l'«
espace récréatif » destiné aux loisirs des urbains.
Madame la ministre, comprenez que ceux qui ont la charge de ces territoires
ruraux, qui représentent 80 % du territoire national, ne puissent accepter vos
orientations politiques !
Nous les acceptons d'autant moins que, selon nous, c'est le développement
harmonieux et équilibré de l'ensemble du territoire qui permettra de répondre
aux problèmes structurels que rencontre aujourd'hui notre société.
La ville est congestionnée, la campagne exsangue. Par surconcentration, les
points de rupture se multiplient en ville et dans les quartiers. Ne parle-t-on
pas de « dédensifier » ? Par manque de densité, les points de rupture se
multiplient en zone rurale. Ne parle-t-on pas de « désertification » ?
N'opposons surtout pas l'urbain au rural, parce qu'ils sont complémentaires,
parce qu'ils sont les éléments d'un même tout : la campagne a besoin de villes
fortes, équilibrées, dynamiques ; la ville a besoin d'une campagne peuplée,
active, autonome. Nous sommes à l'opposé de ce schéma.
Pour sortir du cercle vicieux dans lequel nous sommes et entrer dans le cercle
vertueux de la reconquête de l'espace rural, les communes rurales demandent non
pas des privilèges mais des mesures adaptées.
Est-il normal que, pour maintenir tel ou tel service public, on demande aux
communes pauvres de payer une contribution ? Où est l'équité, où est la
solidarité nationale, ou est le rôle péréquateur que l'Etat devrait assumer
?
L'Etat, par des mesures incitatives fortes, devrait favoriser l'implantation
d'activités en milieu rural, aider les communes à mettre en place des services
aux personnes dans les domaines de l'éducation, du social et des loisirs.
Le constat est tout autre. Comment expliquer, par exemple, que, sans
concertation, des territoires fragiles aient été exclus du zonage PAT, que
d'autres encore, parmi les plus déshérités, aient été exclus du zonage européen
pour le bénéfice du nouvel objectif 2, alors même que les critères européens
rendaient ces territoires éligibles ? Pour quelles raisons objectives ont-il
été exclus ?
Parce que vous avez préféré, sur la répartition laissée à votre discrétion,
servir d'abord les agglomérations, prétextant, ensuite, qu'il y avait un manque
de projets sur les territoires les plus pauvres ! Mais c'est bien ceux-là qu'il
fallait aider prioritairement à faire émerger des projets et à financer leur
réalisation !
N'oubliez pas, madame, que ces communes rurales sont les plus lourdement
obérées par la mise en oeuvre obligatoire de la loi sur l'eau, par exemple, que
leurs moyens sont totalement absorbés par l'assainissement, la collecte
sélective et le traitement des déchets, par les mises aux normes de leurs
divers équipements accueillant du public, qu'il s'agisse de la restauration
scolaire ou des jeux collectifs.
Sur ces lourds dossiers, vous auriez pu les aider. N'y a-t-il pas eu, en
effet, création d'une taxe générale sur les activités polluantes ? Cette TGAP,
mise à votre disposition, aurait utilement et logiquement pu aider à financer
les équipements nécessaires au traitement des pollutions en tout genre.
Or, à quoi sert cette écotaxe ? A financer les 35 heures ! Madame la ministre,
comment avez-vous fait pour laisser échapper cette ressource ?
Au-delà des moyens financiers, certes nécessaires, nous avons besoin de
souplesse, de règles adaptées à la situation rurale, de prise en compte de
notre spécificité, pas de mesures dérogatoires. C'est vrai, par exemple - mais
pas seulement dans ce domaine -, pour ce qui est de l'urbanisme, dont nous
parlions, ici même, hier.
Vous devriez, madame la ministre, vous battre pour nous sur ce terrain, et
cela ne vous coûterait rien. Mais on peut se demander - veuillez me pardonner !
- si les femmes et les hommes qui vivent sur notre territoire rural intéressent
bien votre ministère.
En conclusion, je dirai que, à l'aube du troisième millénaire, votre stratégie
nous semble davantage confirmer le crépuscule de cette fin de siècle
qu'éclairer l'avenir par l'espoir.
Dès lors, vous comprendrez, madame la ministre, que nous ne puissions pas
approuver votre budget.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union
centriste.) et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons
aujourd'hui l'examen du budget de l'aménagement du territoire, qui revêt pour
les zones rurales, comme le département de la Lozère, que je représente ici, un
caractère déterminant.
Aussi, à cette occasion, je souhaite évoquer plus particulièrement le dossier,
toujours très sensible, de la prime d'aménagement du territoire.
En effet, comme bien d'autres territoires, la Lozère n'est pas inscrite sur la
future carte de la PAT, ce qui signifie une perte de son attractivité pour
l'implantation future d'entreprises, aussi bien en termes d'image qu'en termes
financiers.
Je ne vous cacherai pas, madame la ministre, que cette décision a provoqué
incompréhension, inquiétude, mais aussi sentiment d'injustice.
En effet, la PAT a été supprimée, le plus souvent, dans les régions les plus
fragiles, sous le prétexte que les crédits n'avaient pas été suffisamment
utilisés.
Je reconnais volontiers que, dans les zones rurales, les dossiers de création
d'entreprises de plus de vingt salariés ne sont pas le lot quotidien. Mais il
en existe ! La Lozère en est un exemple puisque l'attribution de cette prime a
permis l'installation d'une entreprise innovante, performante, apportant plus
de trente emplois, dans la filière bois, installation qui n'aurait jamais pu
voir le jour sans l'octroi de cette aide.
De plus, en parallèle, le milieu rural, qui n'est pas sans projets, comme on
le dit trop souvent, enregistre de nombreuses créations de petites entreprises,
notamment artisanales. Sans doute de taille modeste, ces entreprises forment
cependant un véritable réseau économique que l'on ne peut négliger, car, grâce
aux aides publiques induites par le classement en zone PAT majorée, elles ont
pu développer leurs activités et créer plusieurs dizaines d'emplois.
Si la PAT ne semblait pas adaptée, plutôt que de la faire disparaître,
n'aurait-il pas mieux valu en assouplir les critères d'attribution, comme nous
l'avons si souvent demandé, pour permettre à ces entreprises de bénéficier de
l'ensemble des aides ? La question reste posée et, vous-même, madame la
ministre, avez reconnu, l'année dernière, la nécessité d'y apporter une
réponse.
Je souhaite, à ce propos, souligner que circule trop souvent l'idée que ces
régions fragilisées par leur démographie ou par leur géographie, comme la
montagne, n'auraient pas un grand avenir économique et que les aides seraient
donc mieux utilisées ailleurs.
Comme toute idée reçue, celle-ci est, à mon sens, tout à fait dépassée, car
ces régions ont, au contraire, une économie réelle souvent très dynamique,
adaptée à leur environnement et qui s'inscrit dans un processus de
développement. Malheureusement, cette micro-économie à la mesure des
territoires n'entre pas dans cette notion de « toujours plus grand » si chère à
nos économistes !
La question que l'on pourrait se poser est de savoir s'il y a encore une place
dans notre environnement économique pour cette micro-économie ?
Ma deuxième remarque portera sur les conséquences de la nouvelle carte PAT,
car, au-delà de la prime elle-même, la carte PAT avait un effet déclencheur
indispensable permettant d'accéder à d'autres mesures incitatives, telles que
l'exonération de la taxe professionnelle et les taux dérogatoires.
Ainsi demeure entier le problème des aides indirectes liées à la modification
de la carte et, plus précisément, de son incidence sur le taux plafond d'aide
publique aux entreprises.
En l'état actuel des textes, le plafonnement des aides exprimées en
pourcentage des investissements s'échelonne entre 7,5 et 30 % selon les zones
considérées.
Les zones de rénovation rurale, les ZRR, ayant été largement privées de PAT au
motif de l'inadaptation de l'instrument PAT au mode de développement économique
des territoires peu denses, il importe qu'elles n'en subissent pas les
conséquences en matière de politique économique des collectivités.
La nouvelle carte PAT entrant en vigueur au 1er janvier 2000, il y a urgence
en la matière. C'est pourquoi, madame la ministre, je me permettrai de vous
poser plusieurs questions.
Au moment où vous affichez dans votre projet de budget une progression
significative des moyens consacrés à la PAT de 9,4 % en autorisations de
programme et de 33 % en crédits de paiement, et où les critères d'éligibilité
ont été assouplis, le nombre d'emplois passant de vingt à quinze et les
investissements envisagés de 20 millions de francs à 15 millions de francs,
toutes ces zones privées de PAT se sentent d'autant plus exclues.
Quelles mesures compensatoires comptez-vous mettre en place pour le monde
rural et la montagne ?
Peut-on espérer un dispositif de transition ?
Allez-vous donner suite, et sous quelle forme, à l'idée de constitution d'un
zonage intermédiaire entre les bénéficiaires de la PAT et les autres ?
Enfin, madame la ministre, vous semblez compter fortement sur les primes
régionales, en particulier pour les micro-projets : ne doit-on pas y voir un
désengagement de l'Etat par rapport à la politique d'aménagement du territoire
et un nouveau transfert de charges insidieux à l'égard des collectivités
locales ?
Il ne faut pas, madame la ministre, nous fermer toutes les portes au moment où
l'instrument de la PAT aurait pu devenir plus accessible même à ces zones peu
denses qu'il faut, bien au contraire, soutenir et encourager. En effet, quelle
entreprise ira s'installer dans les secteurs privés de PAT lorsque les
départements environnants continueront de bénéficier de la PAT ? L'effet
frontière sera désastreux.
Ne plus faire bénéficier de la PAT certains secteurs fragiles, c'est mettre en
péril toute la politique de développement économique qui a été menée jusqu'à
présent et qui a remporté un notable succès.
On ne peut imaginer que ces zones rurales commençant à enrayer leurs
difficultés économiques soient privées d'un outil indispensable à leur
développement. L'une des vocations de votre ministère est de corriger les
disparités territoriales persistantes.
Le 1er janvier prochain, le problème se posera dans toute son ampleur. Il est
donc urgent de donner toutes les chances à chaque territoire, les zones peu
denses, comme les autres, ayant droit à une attention toute particulière des
pouvoirs publics.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Madame la ministre, l'aménagement du territoire est un sujet qui a toujours
passionné la Haute Assemblée parce que cette dernière représente l'ensemble de
notre territoire et de nos collectivités territoriales.
J'axerai mon propos sur trois points : il est nécessaire de mener une
politique à la fois cohérente au niveau national, coordonnée au niveau
interministériel et concertée au niveau local.
Il nous faut tout d'abord mener une politique cohérente d'aménagement du
territoire au niveau national.
Nous avons quarante ans d'histoire d'aménagement du territoire derrière nous.
Je profite d'ailleurs de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour rendre
hommage à Olivier Guichard, l'un des créateurs de l'aménagement du territoire,
aux côtés de qui j'ai travaillé pendant de longues années : avec lui et
d'autres, nous avons jeté les bases d'un aménagement du territoire dans un pays
qui bouge beaucoup.
Ainsi, le département de la Vendée, que je représente ici, est passé, en
quarante ans, d'une terre d'émigration à une terre d'immigration - les Vendéens
ne vont plus travailler à l'extérieur du département, et ce sont au contraire
des personnes extérieures au département qui viennent s'installer en Vendée -,
d'un territoire jeune à un territoire vieillissant, d'un territoire agricole à
un territoire équilibré, notamment industriel.
Tout cela nécessitait une réflexion au niveau national, avec, bien entendu,
des choix politiques qui peuvent bouger d'une loi à l'autre.
La loi du 4 février 1995 a été adoptée à l'unanimité par la Haute Assemblée.
J'y insiste, car il n'y a pas de politique d'aménagement du territoire si elle
n'est pas soutenue par un très large consensus.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Jacques Oudin.
Cette unanimité n'a pu être obtenue que grâce à une concertation qui a duré
dix-huit mois, avec des voyages en province, des prérapports, des rapports
d'étape, etc.
A l'inverse, j'ai beaucoup regretté les débats préalables à la loi du 25 juin
dernier qui, si elle a certes marqué un tournant, a cependant suscité des
polémiques sur au moins deux sujets : d'une part, l'opposition entre le rural
et l'urbain et, d'autre part, le rôle et la place des infrastructures dans
l'aménagement du territoire.
Croyez-en mon expérience, sans un large consensus, la politique a peu de
chances d'être pérenne. C'est là le problème.
La loi de finances de 1999 - et je laisse là l'opposition rural-urbain - a
traduit une nouvelle approche en matière d'infratructures, avec la suppression
du schéma national d'aménagement du territoire et des schémas sectoriels,
remplacés par des schémas de services, lesquels, hélas ! n'ont pas encore vu le
jour.
Nous avons longuement débattu, hier, avec votre collègue Jean-Claude Gayssot,
des infrastructures, qu'il s'agisse des transports maritimes, de la route, du
rail ou de l'avion. En définitive, le Gouvernement a pris de nouvelles
orientations. C'est son droit : il y a eu un changement de majorité, et donc de
politique.
Ces nouvelles orientations sont de trois ordres : limiter la croissante
routière, donner la priorité au transport ferroviaire et mettre l'accent sur
l'intermodalité. Ce sont des choix que nous respectons, même si nous en
contestons certains ; mais un constat est obligatoire : comment faire une
politique intermodale si l'on n'a pas d'abord une politique modale sérieuse,
solide et dynamique ? C'est vraiment un choix sur lequel nous nous
interrogeons, car il y a des évidences incontournables.
Comme je l'ai dit hier à votre collègue Jean-Claude Gayssot, nous vivons dans
une société d'échanges, une société de plus en plus mobile et motorisée, une
société où la part de la route, surtout en interurbain, a une prépondérance
considérable qui va croissant.
Je vous poserai donc la question suivante : pourrez-vous modifier profondément
les tendances lourdes de notre société ?
Pour le réseau routier, toutes les études sur l'évolution passée comme sur les
tendances futures montrent que la demande ne se ralentira pas. Le réseau
routier concédé est le seul mode, en France, qui s'équilibre financièrement, et
la sécurité que ce type d'infrastructures apporte est incontournable. Vous avez
d'ailleurs pu constater, au travers des contrats de plan Etat-région, la
demande pressante, forte et insistante de toutes les régions pour disposer de
plus d'infrastructures de ce type.
Sur ce point, le Gouvernement nous répond qu'il est plutôt favorable au
développement du réseau ferré. Nous aimons, bien sûr, la SNCF et les cheminots,
comme je l'ai dit à M. Gayssot. Encore faudrait-il que la politique soit
possible. Est-il possible de remplir les objectifs que vous vous êtes fixés ?
Si nous avons certes gagné la bataille technologique du TGV, nous avons en
revanche perdu la bataille du fret. Alors, pouvons-nous réussir maintenant dans
cette nouvelle politique ? Peut-être, dirai-je, à condition d'y mettre des
moyens, du temps et de mettre en oeuvre les réformes nécessaires.
Les faits sont têtus, la demande est ce qu'elle est, et ce n'est pas vous qui
la changerez. Et il y a ensuite les possibilités financières.
Que doit-on faire pour utiliser au mieux les finances publiques ? Hier, nous
avons eu des batailles de chiffres considérables. Nous avons démontré que le
réseau autoroutier concédé, non seulement n'est pas financièrement menacé, mais
qu'il est au contraire équilibré et qu'il finance l'intermodalité. Nous avons
démontré que la SNCF avait une demande de contributions publiques, c'est-à-dire
- disons-le clairement - un déficit de 62 milliards de francs auquel on doit
ajouter les 233 milliards de francs d'endettement. Bref, est-il possible de
financer cette politique d'aménagement du territoire selon sa nouvelle formule
? C'est la question que nous posons.
Il nous faut mener par ailleurs une politique coordonnée au niveau
interministériel. Madame la ministre, vous avez, à mon avis, à jouer un rôle
tout à fait considérable, que personne ne mésestime. En effet, si l'on veut
mener à bien une politique d'aménagement du territoire fondée en partie sur une
politique d'infrastructures, il faudra engager des réformes profondes dans tous
les domaines.
S'agissant du secteur autoroutier, M. Gayssot a dit qu'il allait déposer un
projet de loi pour réformer les sociétés d'économie mixte concessionnaires
d'autoroutes, les SEMCA.
En ce qui concerne le transport ferroviaire, le processus de réforme a été
amorcé avec la séparation de la SNCF et de l'établissement Réseau ferré de
France ; mais il faudra encore bouleverser considérablement un système qui se
caractérise par sa rigidité dans un monde qui est essentiellement mobile.
En ce qui concerne le transport maritime et les ports, le rapport de la Cour
des comptes du 16 novembre dernier nous a apporté des éléments d'information
très importants. Nous devons réformer totalement nos infrastructures
portuaires, car elles sont obsolètes et en très fort déclin à l'échelon
européen. Quant aux voies navigables, leur situation n'est pas brillante, et il
faut revoir leur financement.
S'agissant des transports aériens, il faut là encore financer des équipements,
et le ciel européen est complètement saturé.
Le bilan que l'on peut dresser pour tous les types d'infrastructures fait donc
apparaître l'importance et l'urgence qu'il y a à mener des réformes et à mettre
en oeuvre une politique interministérielle.
Je voudrais enfin attirer votre attention sur le problème du littoral. Là
aussi, une politique interministérielle est indispensable, puisque douze
ministères sont concernés par les questions relatives à la mer et au littoral,
alors que notre situation dans ce secteur est intéressante à certains égards,
mais désastreuse à d'autres.
En effet, notre flotte est en mauvais état et nos ports, comme je l'ai déjà
indiqué, sont en déclin à l'échelon européen.
Face à cette situation, nous demandons deux choses.
Tout d'abord, nous souhaitons que le comité interministériel de la mer, qui
s'est réuni pour la dernière fois en 1998 et, auparavant, en 1996, puisse se
mettre rapidement au travail. Le groupe d'études de la mer de cette assemblée,
que je préside, a d'ailleurs établi un programme d'action complet et cohérent.
Par ailleurs, nous souhaitons que le Gouvernement puisse progresser dans la
mise en oeuvre de cette politique maritime et littorale dont vous êtes, madame
la ministre, un acteur important. Quand je considère le port des
Sables-d'Olonne, dont l'avenir me semble un peu sombre, je constate qu'il n'est
desservi que par une route nationale à deux voies totalement saturée et qu'il
ne dispose d'aucun réseau ferré électrifié. Je crains donc que son avenir ne
soit pas assuré.
En ce qui concerne le littoral, nous demandons de la concertation. Comment se
fait-il, alors qu'il y a une loi « montagne » avec un conseil national de la
montagne, qu'il y ait une loi « littoral » mais pas de conseil national du
littoral ? Nous le demandons pourtant depuis longtemps. Il existe seulement une
commission spécialisée du Conseil national d'aménagement du territoire. A
égalité de situation, nous souhaitons une égalité de traitement. Le littoral
mérite une commission nationale du littoral dans laquelle siégeraient des
représentants de l'administration, des élus et des professionnels. C'est là une
revendication forte.
Il nous faut enfin mener une politique concertée au niveau local.
J'ai parlé des contrats de plan Etat-région. Ces contrats ont donné lieu à des
polémiques sur des enveloppes financières, entre autres. Mais, en fait, le
malaise profond qui a présidé à tous ces débats tient à l'absence de clarté de
la situation et au fait que les élus locaux ne peuvent donc voir l'avenir de
façon tout à fait lucide.
Nous n'avons plus de schémas sectoriels, nous le savons, mais nous n'avons pas
encore les schémas de services. Comment, dès lors, cadrer le développement des
contrats Etat-région ? Cela a été une des grandes difficultés que nous avons
rencontrées.
Enfin, je voudrais parler des différents contrats locaux, des difficultés à
cet égard, mais aussi de leur nécessité. Il n'y aura pas d'aménagement du
territoire sans une politique contractuelle locale développée et diversifiée.
Vous le savez d'ailleurs, madame la ministre, puisque, comme vos prédécesseurs,
vous l'avez mise en oeuvre. Mais les contrats locaux se heurtent souvent à des
difficultés administratives sur lesquelles je me permets d'attirer votre
attention.
Tout d'abord, les schémas de mise en valeur de la mer, idée généreuse née en
1983, développée par la loi « littoral » de 1986 et le décret de décembre 1986,
sont un échec. Il n'en existe qu'un seul, uniquement axé sur l'étang de Thau
et, en fait, sur l'assainissement. Tous les autres sont en panne ! Et combien
de zones littorales ont renoncé à se lancer dans ce système, compte tenu de sa
complexité et du taux d'échec élevé de la négociation !
Le deuxième exemple que je ne manquerai pas d'évoquer cet après-midi à propos
de l'environnement ce sont les schémas d'aménagement et de gestion des eaux.
Nous avons beaucoup oeuvré en faveur du développement des SAGE et si
quatre-vingts sont en cours de préparation, deux seulement ont été
approuvés.
Je suis moi-même président d'une commission locale de l'eau et je prépare un
tel schéma. Ce n'est pas facile, je peux vous l'assurer.
Je traiterai enfin des contrats de pays.
Ces contrats sont une excellente chose, madame le ministre, parce que vous
mêlez les projets, le territoire et la dynamique contractuelle. Ainsi, les
initiatives locales peuvent se développer.
En Vendée - il est quelque peu fâcheux que je parle tout le temps de mon
département, mais c'est l'exemple que je connais le mieux - nous avons réussi à
fédérer 94 communes du sud de mon département et 84 communes du littoral. Et,
ce matin même, un conseiller général m'a téléphoné pour m'informer que tous les
maires de son canton voulaient y adhérer.
Madame le ministre, je souhaite que, avec ces contrats de pays, nous
puissions instaurer une dynamique qui ne soit pas bloquée par des contraintes
administratives trop lourdes.
Les circulaires d'application de ces contrats sont en préparation. Elles
tardent à être publiées et peut-être beaucoup d'élus seront découragés par la
lourdeur des procédures.
Madame le ministre ne vous laissez pas entraver par les lenteurs et les
lourdeurs administratives et laissez-vous guider par la volonté de réussir.
Comme je le disais au début de mon propos, on n'impose pas une politique
d'aménagement du territoire, on la bâtit ensemble : Gouvernement, ministères,
collectivités territoriales, régions, départements et communes ou groupements
de communes.
Il faut un consensus. Les affrontements sont mortels dans ce type de
situation. Or, je me permets de vous le dire, nous nous sommes engagés ces deux
dernières années dans une voie qui n'est pas satisfaisante : nous avons mis
l'aménagement du territoire sur le plan de la polémique et de l'affrontement,
alors que nous aurions dû rester sur le plan du consensus et de la dynamique
commune.
Tel est le message que je tenais à délivrer. Je souhaite simplement que la
sagesse puisse prévaloir dans le développement de la politique d'aménagement du
territoire.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je
tiens tout d'abord à remercier M. Besse, rapporteur spécial, et M. Pépin,
rapporteur pour avis de ce projet de budget de l'aménagement du territoire, de
leur travail et leurs exposés.
Je dresserai le bilan de l'année 1999 qui aura été, pour l'aménagement du
territoire, une année charnière, marquée par l'ouverture de chantiers dont
l'ambition a été soulignée par M. Gérard Le Cam.
La promulgation de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement
durable du territoire du 25 juin 1999 instaure le cadre d'une politique de
l'aménagement du territoire conforme aux enjeux et aux défis contemporains.
L'examen de ce projet de loi a été l'occasion de débats passionnés. Les enjeux
ont été rappelés tour à tour par plusieurs d'entre vous.
Nous avons su, en dépit de l'intervention, que je persiste à considérer comme
tout à fait caricaturale, de M. Philippe Arnaud, dépasser le clivage entre le
monde urbain et le monde rural et confirmer le besoin de revoir les moyens de
l'intervention des collectivités locales dans les différentes dimensions de
l'aménagement du territoire.
Nous sommes en passe de surmonter des clivages simplistes concernant la place
des infrastructures de transport dans la stratégie d'aménagement du
territoire.
J'aurai l'occasion d'y revenir.
L'approche contractuelle établie par cette loi privilégie la logique de
projets, les pays et agglomérations, facteurs de recomposition des territoires.
Eléments phares de la loi, ces espaces de projets traduisent notre volonté
politique d'une nouvelle approche territoriale.
Parallèlement, la mise en place des schémas de services collectifs viendra
fonder notre appréhension du territoire sur une logique de satisfaction de la
demande sociale : services collectifs de transport de personnes et de
marchandises, services culturels, services de l'énergie, de l'enseignement
supérieur et de la recherche, de l'information et de la communication, des
espaces naturels, de la santé et du sport.
Tout comme vous, j'aurais aimé que ces documents puissent être disponibles au
moment d'aborder la discussion des contrats de plan. Mais nous avons souhaité,
pour ces documents comme pour l'ensemble des textes d'application de la loi
d'orientation du 25 juin 1999, ne pas passer trop vite sur la phase de
consultation et d'élaboration à partir de la réalité du terrain.
Parallèlement, la première phase d'élaboration des schémas de services
collectifs a été une phase de collecte des contributions régionales qui a donné
lieu à une concertation assez longue au niveau local et a été une occasion de
mobiliser les forces vives des territoires, les collectivités elles-mêmes, les
services de l'Etat, le monde économique et associatif.
La mise en place effective de la loi du 25 juin 1999 nécessite dix décrets
d'application, qui sont en cours de préparation dans mes services. Les textes
concernant le Conseil national d'aménagement et de développement du territoire,
le schéma régional d'aménagement et de développement du territoire, la
conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire ainsi que
les décrets relatifs à l'organisation territoriale des services publics, aux
chemins ruraux, au système de référence géographique national et au groupement
d'intérêt public « environnement » devraient être publiés dans les toutes
prochaines semaines. Ils seront soumis au CNADT pour avis le 7 décembre
prochain. Il en va de même des décrets sur les pays - le décret général, mais
aussi le texte fixant les modalités de mise en oeuvre du label pays - tandis
que la publication du décret sur les agglomérations est attendue pour le mois
de février 2000.
L'année 1999 aura également été marquée par la refonte en profondeur du
système d'aide communautaire au développement régional, au travers de la
réforme des fonds structurels. Les négociations de l'Agenda 2000, selon le
vocable retenu par la Commission, conduisent à une nouvelle cartographie de
l'éligibilité aux objectifs régionalisés, dont l'incidence est notable sur le
développement des territoires, j'aurai l'occasion de revenir sur ce point.
Enfin, je ne saurais dresser un bilan de l'année 1999 sans m'arrêter sur la
négociation des contrats de plan Etat-région pour les années 2000 à 2006, dont
M. Pépin a souligné l'importance. Je voudrais ici rappeler que le comité
interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire d'Arles,
le 23 juillet dernier, n'avait arrêté qu'une première enveloppe de 95 milliards
de francs pour la part de l'Etat dans cette nouvelle contractualisation. La
réunion des ministres du 22 novembre dernier a porté à 120 milliards de francs
la part de l'Etat à l'issue de la répartition de la seconde enveloppe.
M. Besse a évoqué la diminution de la part de l'équipement dans la première
enveloppe. Elle correspondait aux priorités de l'Etat, qui avait d'ores et déjà
affiché son intention de tenir compte le plus largement possible des priorités
des régions dans l'élaboration de la deuxième enveloppe. C'est pourquoi cette
dernière fait, elle, la part beaucoup plus belle aux infrastructures de
transport, singulièrement aux routes.
Je souligne également qu'une vingtaine de milliards de francs doivent être
ajoutés à cette enveloppe de 120 milliards de francs. Ils correspondent, non
pas à la part hors contrat, mais à la part non régionalisée des contrats de
plan : grands équipements, grandes infrastructures. On y trouve aussi bien le
TGV Est que « Port 2000 », la route nationale 19, la route
Centre-Europe-Atlantique et d'autres équipements qui contribuent encore à
renforcer la part de l'Etat dans le maintien à niveau de la France en matière
de grandes infrastructures publiques.
M. Joly a cependant eu raison d'insister sur la nécessité de ne pas seulement
réaliser de nouvelles routes, mais aussi d'entretenir le réseau existant et
d'améliorer, notamment, la sécurité de ce réseau. Il ne l'a pas évoqué, mais
j'aurais volontiers ajouté un autre enjeu important, celui de la résorption des
3 000 « points noirs » du bruit répartis sur le territoire national.
Enfin, M. Le Cam a insisté sur l'intérêt que revêtait l'intensification de
l'effort en faveur du rail et des voies navigables. Les investissements
ferroviaires publics sont passés de 1,2 milliard de francs à 8,4 milliards de
francs, ce qui me paraît très intéressant.
Je n'insisterai pas davantage sur le travail effectué au cours de l'année 1999
et j'en reviens au budget pour 2000.
Avec un total de 1 930 millions de francs en dépenses ordinaires et en crédits
de paiement, le budget de la DATAR enregistre une progression de 7,2 % en 2000.
Il s'agit de la deuxième forte hausse de crédits dont bénéficie cette
délégation depuis 1998, année de revalorisation marquant une inversion de
tendance à l'issue d'une longue période de déshérence. Je vous rappelle que les
crédits consacrés à l'aménagement du territoire ont accusé une diminution de 27
% environ entre 1994 et 1997.
L'importance de l'accroissement du budget de la DATAR doit toutefois être
relativisée, d'une part, au regard des sommes en jeu, bien évidemment, le
budget de la DATAR plafonnant à 0,14 % du budget civil de l'Etat, d'autre part,
au regard de l'ensemble des autres moyens, tant nationaux que communautaires,
dont nous disposons pour conduire une politique territoriale : une évaluation
globale de l'effort financier consenti par la nation et l'Union européenne au
bénéfice du territoire français conduit ainsi à des montants de l'ordre de 70,7
milliards de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement et de 37,7
milliards de francs en autorisations de programme, soit trente-sept fois le
budget du ministère.
Je veux rassurer M. Gérard Le Cam et Mme Yolande Boyer qui ont manifesté
quelques inquiétudes. Il faut mobiliser l'ensemble du Gouvernement, des
ministères, des administrations et des collectivités locales pour réparer, dans
un même élan, la fracture territoriale et la fracture sociale dans un contexte
connu, et d'ailleurs contesté, à la fois à Seattle, où les modalités de
fonctionnement de l'Organisation mondiale du commerce ont fait l'objet d'un
large débat citoyen, que sur le terrain.
Si les moyens des grands groupes excèdent, en général, ceux de la DATAR et des
pouvoirs publics, nous ne sommes pas pour autant dépourvus. Les motivations des
entreprises dans le choix de leur localisation ne sont pas seulement liées au
montant des primes ou aux outils financiers mobilisés par les pouvoirs publics,
elles sont de plus en plus souvent liées à la qualité des infrastructures, au
sens large, à la qualité des services publics, à la qualité des personnels - à
leur formation - à la possibilité de disposer de larges zones de chalandise.
Il est indispensable de ne pas opposer les moyens dont disposerait l'Etat par
le biais des outils gérés par la DATAR, la prime à l'aménagement du territoire
ainsi que le Fonds national pour l'aménagement et le développement du
territoire. Avec l'ensemble des collectivités, nous sommes bien en train de
tirer dans le même sens.
M. Oudin a, involontairement, souligné la difficulté de l'exercice. Il a tout
à la fois insisté sur l'efficacité toute relative, voire l'inefficacité des
démarches purement incitatives, en citant tour à tour les schémas de mise en
valeur de la mer ou les schémas d'aménagement et de gestion des eaux, et
souligné l'intérêt de bâtir ensemble sans imposer quoi que ce soit d'en haut.
Dans la période à venir, nous devrons préciser les responsabilités des uns et
des autres et procéder enfin à la clarification des compétences des différentes
collectivités.
M. Jacques Oudin.
Tout à fait !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
C'est un
enjeu sur lequel nous reviendrons.
L'augmentation du budget propre de l'aménagement du territoire traduit, dans
son contenu, les priorités de la nouvelle politique que j'entends conduire.
S'agissant des effectifs de la DATAR, j'ai beaucoup insisté l'an dernier ainsi
que l'année précédente sur le fait que ce gouvernement n'avait pas choisi de
mener à bien le plan de réduction pluriannuel des effectifs de la DATAR.
La stabilisation des effectifs depuis 1998 n'est pas suffisante. J'ai demandé
une augmentation de ces effectifs pour faire face aux besoins existant depuis
des années et répondre à votre attente, monsieur Joly, mais je ne l'ai pas
obtenue.
La mise en place des deux délégations parlementaires à l'aménagement du
territoire se traduira par un effort accru de la DATAR, non seulement de
communication en direction des parlementaires, mais aussi d'évaluation de ses
propres politiques pour répondre à vos questions. Je reviendrai à la charge
l'an prochain.
J'insisterai davantage sur les deux instruments de la DATAR que sont la prime
d'aménagement du territoire, la PAT, et le Fonds national d'aménagement et de
développement du territoire, le FNADT.
En ce qui concerne la PAT, je remercie M. Besse d'avoir bien voulu reconnaître
le travail d'apurement des fonds accumulés depuis plusieurs années. Les crédits
dévolus à la PAT progresseront de 30 millions de francs en autorisations de
programme et de 105 millions de francs en crédits de paiement, pour atteindre
respectivement 350 millions de francs et 420 millions de francs, à comparer
respectivement aux 320 millions de francs et aux 315 millions de francs en
1999, soit des progressions de 9 % et de 33 %.
Ses moyens, dont l'accroissement est significatif, accompagneront la
définition d'un nouveau zonage et la réforme de la doctrine d'emploi de la PAT
autour de ses deux axes principaux : le soutien au financement
d'investissements de taille plus modeste - comme vous le savez, les seuils
d'éligibilité, en emplois comme en investissements, seront abaissés - et
l'élargissement des critères d'éligibilité aux services et aux entreprises, en
particulier en matière de logistique.
Mais le travail n'est pas terminé.
Nous n'avons pas pu tenir - je l'ai déploré - l'engagement que nous avions
pris l'année dernière de réformer les zonages au cours de l'année 1999, car
nous n'avons pas disposé des résultats du recensement qui sont indispensables
pour procéder à une réforme crédible.
Les problèmes auxquels nous nous heurtons ne sont pas comparables à ceux que
connaît Jean-Pierre Chevènement. En effet, pour réformer la répartition des
dotations de l'Etat, le ministre de l'intérieur a besoin de données
quantitatives telles que la population des communes, des cantons et des
régions, alors que nous avons besoin, nous, de données qualitatives beaucoup
plus complexes telles que la proportion des emplois ruraux, l'âge de la
population, les taux de chômage, ses causes, sa durée, autant d'éléments qui,
si j'en crois le directeur de l'INSEE, ne seront pas disponibles avant la fin
du premier trimestre 2000. Ce n'est donc qu'au cours de l'année 2000 que nous
procéderons à la réforme des zonages et, à l'occasion du projet de loi de
finances pour 2001, nous soumettrons des propositions qui tiendront compte non
seulement des résultats du recensement, mais aussi des négociations en cours au
niveau communautaire sur le régime d'exonération de taxe professionnelle en
zonage.
Nous avions également pris l'engagement, Gérard Le Cam l'a rappelé, de
travailler à la faisabilité de fonds régionaux pour l'emploi et le
développement. Janine Bardou a évoqué la nécessité de mettre en place des
outils qui soient accessibles pour des projets moins importants en nombre
d'emplois créés et en investissements.
J'avais marqué mon intérêt pour des aides régionales à l'emploi destinées à
des entreprises, à des artisans, à des commerçants créant un, deux, trois
emplois, aides ne relevant donc pas d'une politique nationale d'aménagement du
territoire. C'est, là encore, un chantier qu'il nous faudra approfondir.
Quant à la couverture territoriale de la nouvelle PAT, j'ai conscience que la
définition d'un nouveau zonage est un moment délicat de la vie publique. Nous
avons travaillé sur des hypothèses différentes pour faire face à cet
exercice.
J'ai entendu les inquiétudes des élus de communes amenées à perdre le bénéfice
de l'éligibilité à la PAT du fait du resserrement du volume total de population
éligible, en application des règles communautaires de concurrence. Les communes
qui cesseront d'être éligibles ne doivent pas pour autant se considérer comme
dépourvues de tout soutien de la part de l'Etat. Je voudrais ici évoquer le
volet territorial des contrats de plan Etat-région, qui sera consistant, ou,
pour les zones qui sont éligibles, les fonds structurels communautaires.
Il faut unir nos efforts afin de recréer des conditions d'attractivité locale
pour les territoires. Je souhaite que nous puissions travailler, notamment, sur
le découplage entre les zonages de la PAT et les mécanismes de discrimination
positive, comme l'exonération de taxe professionnelle. Ce couplage était dû à
une initiative du gouvernement auquel appartenait M. Pasqua.
Le projet de loi dit Zuccarelli, relatif à l'intervention économique des
collectivités locales au bénéfice des PME-PMI, pourrait servir de vecteur à une
disposition d'exonération généralisée, hors zonage, de la taxe professionnelle,
si toutefois le calendrier parlementaire permet son examen avant la
présentation du projet de loi de finances pour 2001.
En tout état de cause, madame Bardou, l'exonération de taxe professionnelle ne
devrait pas poser problème en Lozère, car ce département situé en zone de
revitalisation rurale en bénéficie indépendamment de tout zonage de la PAT.
Quant aux autres mesures de discrimination positive liées à la PAT, telles que
les majorations de taux d'aides autorisées pour les PME et PMI et pour le fonds
de développement des PMI, il s'agit d'une dérogation autorisée par la
Communauté européenne dans des territoires bien identifiés qui relèvent du
zonage de la PAT.
Aucun découplage n'est possible en dehors de ces zones, la seule mesure
autorisée par la Commission étant une mise à niveau de tous les territoires par
la suppression de cet avantage. Nous n'y songeons bien sûr pas. Nous souhaitons
que le travail engagé sur le plan interministériel en liaison avec la
Commission européenne sur le renforcement du dispositif de primes régionales à
l'emploi se poursuive. Ce dispositif qui est attendu par les conseils régionaux
permettra donc de répondre à vos inquiétudes.
Ces nouvelles modalités feront l'objet d'un décret, à l'issue des négociations
en cours avec la Commission européenne. Une nouvelle proposition de zonage lui
sera transmise en début de semaine prochaine.
Le second instrument majeur d'intervention dans le domaine de l'aménagement du
territoire, le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire,
progressera également de 63 millions de francs, en dépenses ordinaires et en
autorisations de programme, accroissant d'autant nos capacités d'intervention.
Il passera ainsi de 1 578 millions de francs en dépenses ordinaires et en
autorisations de programme à 1 641 millions de francs en 2000.
Le FNADT devra être l'outil majeur d'incitation à l'émergence, puis à
l'installation, des projets de territoire, il devra agir comme catalyseur de
cette politique. Il contribuera ainsi au financement du volet territorial des
contrats de plan, participant au développement des pays et des
agglomérations.
Toutefois, comme Mme Boyer l'a souligné, le financement des projets de pays ne
devra pas se faire seulement à partir du ministère de l'aménagement du
territoire et de l'environnement. Ce sont bien l'ensemble des ministères qui
sont appelés à financer les projets au-delà de la première phase, qui
correspond souvent au montage de ces projets et à l'animation des
territoires.
A cette fin, nous avons souhaité cette année concentrer nos moyens sur le
titre IV, pour favoriser l'émergence de ces projets territoriaux. Les crédits
inscrits au titre IV s'élèveront ainsi à 455 millions de francs en 2000, en
progression de 54 %, soit 160 millions de francs de plus que l'année passée.
Sur la durée du prochain contrat de plan, plus de la moitié du FNADT devrait
être contractualisée.
Vous avez souligné le renforcement du budget d'études, qui progresse de 9,4
millions de francs. C'est un autre élément marquant du projet de loi de
finances pour 2000, témoin du développement des travaux de prospective. Il
s'accompagne de la mise en place d'un nouveau conseil scientifique, gage de
qualité des études et des travaux de prospective.
M. Pépin a souligné tout à l'heure qu'à l'augmentation du titre IV
correspondait aussi la baisse du titre VI, mais il a bien noté que cette baisse
s'expliquait en partie par le transfert de ces crédits d'études, à partir du
chapitre FNADT en titre VI, vers des crédits de fonctionnement. En effet,
personne ne peut imaginer que des études équivalent à des investissements, et
il s'agissait donc pour nous de mieux respecter les règles d'imputation
budgétaire, mais aussi d'assurer une meilleure information de la représentation
nationale par une identification précise des crédits d'études.
La baisse des crédits du titre VI s'expliquait aussi par la mécanique toute
particulière des contrats de plan. Dans les premières années, les phases de
montage de projets et d'animation relèvent plus du fonctionnement, alors que
les projets des espaces que sont les pays, les agglomérations ou les parcs
naturels régionaux n'arriveront à maturité que progressivement, ce qui devrait
se traduire, en ciseaux, par une baisse du titre IV dans le temps et une
augmentation du titre VI.
L'Etat a fait preuve de défaillances coupables, depuis de longues années, en
matière de gestion des fonds structurels : sous prétexte de ne pas augmenter,
visuellement, ses effectifs budgétaires, il a refusé de doter les secrétariats
généraux aux affaires régionales des moyens humains nécessaires à une bonne
gestion des crédits communautaires. Des mesures réelles devront être prises
pour que les errements passés ne puissent se reproduire au cours de la
prochaine génération des aides communautaires.
Il faut bien reconnaître que ce comportement critiqué par M. Joly s'explique
également par le fait que la Commission européenne n'entend pas rémunérer des
fonctionnaires pour assurer la gestion des fonds. Les crédits prévus par la
Commission européenne pour la gestion de ces fonds ne pouvaient être utilisés
que pour rémunérer des contractuels. Il nous faudra revoir ces modalités de
gestion, et faire en sorte que les 15,6 milliards d'euros sur sept ans destinés
aux fonds structurels hors développement, c'est-à-dire environ 103 milliards de
francs, soient bien utilisés et que l'on puisse améliorer leur efficacité sur
le terrain.
L'impact de la réforme décidée à Berlin sur les régions françaises se traduit
par une relative stabilité. Les départements d'outre-mer en sont les principaux
bénéficiaires. Ils verront en effet leurs retours progresser de 55 %. C'est
considérable et cela pose d'ailleurs quelques problèmes liés à la qualité des
projets, d'une part, et à la nécessité de mobiliser des contreparties
financières qui sont tout à fait importantes, d'autre part.
Cet équilibre global se réalise toutefois au détriment de la part
territorialisée des fonds, qui accuse une diminution des 24 %, comparable à
celle de la population éligible à l'objectif 2. Cette diminution est toutefois
compensée par l'affectation, d'une part, des crédits consacrés au développement
rural, pour un montant de 720 millions de francs par an déterminé à l'issue de
difficiles arbitrages et, d'autre part, d'une proportion plus importante que
par le passé de la part déconcentrée du Fonds social européen, qui devrait
atteindre 60 % de la programmation de l'objectif 3.
La situation la plus difficile tient indéniablement à la réduction drastique
de population éligible à l'objectif 2 qui nous a été imposée, le plafond de 18
760 000 habitants représentant une perte de 24,3 % de population. Maigre
satisfaction, cette baisse demeure toutefois inférieure à la moyenne
communautaire, laquelle enregistre 27 % de diminution.
Les propositions de zonage ont été transmises à la Commission à l'issue d'une
large période de consultation régionale conduite sous l'autorité des préfets de
région.
Monsieur Joly, vous conviendrez avec moi qu'il est particulièrement difficile
à la ministre de l'aménagement du territoire de contester des zonages, qui lui
apparaissent, à elle aussi, peu satisfaisants, surtout quand le préfet de
région insiste sur le fait qu'ils sont le fruit d'un consensus dans la région
concernée !
Nous sommes actuellement dans la dernière ligne droite des négociations avec
le commissaire européen chargé de la politique régionale. A cette heure, je
puis vous dire que certaines propositions, pourtant consensuelles sur le
terrain, sont contestées par la Commission, qui n'entend pas les retenir. Il
s'agit notamment de zones d'emploi qui sont situées en zone urbaine, mais dont
la taille est considérée comme étant inférieure à la taille critique qui a été
retenue par la Commission pour les autres pays. Nous serons donc amenés à
apporter des modifications à la marge respectant l'équilibre général des
propositions qui nous ont été présentées.
Je voudrais dire à M. Arnaud qu'au-delà de ses métaphores martiales son
discours m'est apparu largement caricatural et démagogique s'agissant de la
répartition des moyens dont nous disposons, notamment des populations
éligibles.
Il m'a accusée de servir d'abord les agglomérations. Je trouve cette
accusation d'autant plus infondée que nous avons été félicités par la
Commission - je le souligne - pour avoir précisément respecté l'équilibre
qu'elle suggérait en matière de répartition des moyens ! Nous étions invités à
retenir une population de 10 millions d'habitants au titre de la reconversion
industrielle, de 5 millions au titre des zones rurales, de 2 millions au titre
de la ville et de un million au titre des reconversions liées à la pêche. Nous
avons respecté cet équilibre et il n'y a donc pas eu de déshabillage des «
misérables zones rurales » au profit des « villes tentaculaires » !
Les difficultés générées par la perte d'éligibilité seront par ailleurs
amorties par la mise en place d'un mécanisme de transition dont l'anglicisme
phasing out
traduit bien, de façon cynique, l'objet. Ce mécanisme est
toutefois relativement généreux.
Les habitants de ces zones continueront de percevoir en moyenne, sur la
période, un montant de 14 euros par habitant et par an, contre 41 euros pour
les populations situées en zone d'éligibilité pleine.
Je dois ici être honnête et reconnaître que certaines des zones concernées par
le dispositif de transition ne consommaient pas les moyens dont elles pourront
disposer dans la période à venir.
En ce qui concerne le Hainaut, qui sort de l'objectif 1 des fonds structurels,
il bénéficiera encore - en moyenne, sur la période, car cela varie d'une année
sur l'autre - de 64 euros par habitant et par an, ce qui est largement
supérieur aux moyennes de l'objectif 2.
L'autre réforme de structure a trait à la rationalisation du réseau de
prospection et d'accueil des investissements étrangers créateurs d'emplois.
J'appelle de mes voeux la création, à cet effet, d'un établissement public à
caractère industriel et commercial permettant l'intégration des différents
partenaires impliqués et mettant fin à l'éclatement des dispositifs et des
moyens actuels.
La réorganisation de ce réseau est en cours. Mes services travaillent en
liaison étroite avec ceux du ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie, les collectivités territoriales et les acteurs économiques.
L'étude de faisabilité juridique du projet est en voie d'achèvement. La
décision de principe est déjà prise et la décision opérationnelle devrait être
rendue dans les prochaines semaines.
En conclusion, j'évoquerai brièvement le programme de travail du ministère de
l'aménagement du territoire et de l'environnement pour 2000 : bouclage des
contrats de plan Etat-région, les premiers devant être prêts avant la fin de
l'année de façon effective - la majorité d'entre eux doivent être signés au
cours ou à la fin du premier semestre 2000 - élaboration du document unique de
programmation européen, réforme des zonages et conclusion du chantier
d'élaboration des schémas de services collectifs, pour lesquels nous continuons
de souhaiter qu'un seul décret permette de valider l'ensemble de l'exercice.
Bien évidemment, je suis à la disposition de la Délégation du Sénat à
l'aménagement et au développement durable du territoire pour venir présenter
l'état d'avancement de chacun de ces schémas lorsqu'elle le jugera utile.
S'agissant des chantiers de l'Agence pour la promotion des investissements
étrangers en France et des chantiers du littoral, monsieur Oudin, nous avons
déjà évoqué ce sujet. J'indiquerai simplement que, s'il n'existe pas de conseil
national du littoral, un comité interministériel de la mer traite
traditionnellement de ces questions d'une façon plus cohérente que chacun des
ministères ne peut le faire.
Nous traitons également des questions liées au devenir de l'Ile-de-France et,
plus généralement, du grand bassin parisien, comme le CIAT de la fin du mois de
décembre 1998 l'avait souhaité.
S'agissant du travail lié à l'intégration de la France dans le territoire
européen, M. Le Cam a évoqué le SDEC. Ce n'est pas un document contraignant.
Ses options vont plutôt dans le bon sens : elles prévoient un rééquilibrage en
ce qui concerne les infrastructures de transport en faveur du rail et des
grands moyens de transport collectif.
Je me souviens bien avoir promis au Sénat un débat sur la place du territoire
national au sein d'un territoire européen qui évolue. Il évoluera d'autant plus
que l'Union européenne s'élargira encore à d'autres partenaires au cours des
années à venir. Nous serons donc conduits à nous revoir pour préparer ce
débat.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : I. - Aménagement
du territoire.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 10 225 946 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 164 740 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 1 543 150 000 francs.
« Crédits de paiement : 467 950 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'aménagement du territoire.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente-cinq, est reprise à quinze heures
cinquante.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté
par l'Assemblée nationale.
II. - ENVIRONNEMENT
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant
l'aménagement du territoire et l'environnement : II. - Environnement.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
ministre, mes chers collègues, le budget de l'environnement est, cette année
encore, l'un des budgets les plus favorisés, puisqu'il enregistre la troisième
plus forte hausse de tous les budgets civils.
Les crédits demandés s'élèvent à 4,3 milliards de francs, soit une progression
de 8,6 % par rapport à l'année dernière, alors qu'en application du pacte de
stabilité européen les dépenses globales de l'Etat n'augmentent pas en moyenne
de plus de 0,9 %.
Madame la ministre, pourquoi le ministère de l'environnement est-il exonéré de
tout effort de rigueur budgétaire ? A-t-il la capacité de mettre en oeuvre tous
ses moyens, compte tenu, par ailleurs, de la faible consommation des crédits
que nous avons pu constater ?
Vous avez annoncé quatre priorités pour 2000, qui recouvrent les quatre
agrégats dont est composé ce budget. On remarquera que l'aisance financière
vous permet d'afficher comme prioritaires toutes les grandes actions du
ministère.
La première priorité vise au renforcement des capacités d'expertise et de
contrôle du ministère, avec notamment la création d'une inspection générale de
l'environnement et d'une nouvelle direction d'administration centrale, la
direction des études économiques et de l'évaluation environnementale. Il s'agit
de faire du ministère de l'environnement un « ministère de plein exercice ».
Cette montée en puissance de votre ministère se traduit essentiellement par un
renforcement des structures administratives, particulièrement en administration
centrale.
En effet, on observe d'emblée, à l'examen de ce budget, que l'évolution des
crédits est très déséquilibrée entre, d'une part, des dépenses de
fonctionnement qui explosent - les crédits de personnel et de fonctionnement
augmentent de 22 % - et, d'autre part, des dépenses d'investissement en
relative stagnation, puisqu'elles ne croissent que de 2 %.
Cette envolée des crédits de fonctionnement est principalement due à
l'augmentation de vos effectifs, de 210 emplois budgétaires, dont 14 créations
nettes. Cette augmentation des effectifs a, de plus, un impact induit sur les
dépenses de fonctionnement, puisqu'il est prévu 45 000 francs pour chaque
nouveau poste. Or on s'aperçoit que c'est l'administration centrale qui est
privilégiée, car elle connaît une augmentation de 19,3 % de ses effectifs en
2000, contre seulement 3 % pour les directions régionales de
l'environnement.
Cette évolution, qui va entraîner une rigidification des dépenses de l'Etat,
me semble aller à contre-sens de la réforme de l'Etat en cours, qui privilégie
le moins d'administration centrale et le plus de déconcentration. On peut donc
craindre un certain nombre de déconvenues si la conjoncture se retourne.
Le ministère de l'environnement semble être entré dans une logique de pouvoir,
de concurrence avec les autres départements ministériels qui le conduisent, sur
le thème du « ministère de plein exercice », à reproduire les erreurs du
passé.
Plutôt que de renforcer ainsi l'architecture administrative du ministère, ne
pouvait-on pas faire porter l'effort, par exemple, sur la recherche, dont
l'augmentation des crédits sera inférieure à 1 % l'année prochaine, avec
seulement 82 millions de francs ?
S'agissant de l'action internationale de votre ministère, je souhaiterais
également savoir quelles actions vous avez engagées pour répondre au phénomène
d'appropriation privée du patrimoine environnemental que l'on observe
actuellement. Vous le savez, un certain nombre de chercheurs américains,
notamment, se livrent à une véritable traque mondiale à la recherche de plantes
susceptibles de déboucher sur des brevets. Voilà qui est extrêmement grave, et
j'aimerais savoir ce que vous avez prévu de faire à cet égard.
J'en viens à votre deuxième priorité, qui consiste en un effort accru en
faveur de la prévention des risques. Dans cette optique, les crédits accordés à
l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, et à
l'institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS,
sont renforcés. Ils le sont modérément pour l'instant, mais je crois savoir que
les choses doivent changer.
L'émotion des collectivités locales confrontées, d'une part, au détournement
de 400 millions de francs de la taxe générale sur les activités polluantes, la
TGAP, au détriment de l'agence, d'autre part, de manière concomitante à la
baisse drastique des taux de soutien de l'ADEME dans le secteur des déchets
ménagers, vous a conduite, madame la ministre, à faire deux gestes : l'un de
100 millions de francs d'autorisations de programme supplémentaires à
l'Assemblée nationale, l'autre de 300 millions de francs aujourd'hui même,
puisque vous avez déposé un amendement en ce sens devant le Sénat.
Entre la mesure nouvelle annoncée dans le projet de loi initial et ce que vous
proposez aujourd'hui, il y a un quintuplement des crédits. Nous y sommes
sensibles, pourquoi ne pas le reconnaître ? Toutefois, je fais remarquer que
vous rétablissez un équilibre que vous avez vous-même compromis. En effet, si
le régime ancien de la TGAP avait continué, nous aurions exactement les mêmes
crédits. Par conséquent, il s'agit non pas véritablement d'une augmentation des
crédits mais d'un rééquilibrage parfaitement normal.
La troisième priorité concerne les actions de péréquation et de solidarité
dans le secteur de l'eau. Il s'agit uniquement de la création d'un fonds
national de solidarité pour l'eau, le FNSE, doté, cette année, de 500 millions
de francs par prélèvement sur les ressources des agences. Ce prélèvement sera,
dès l'an prochain, fixé en loi de finances, ce qui revient à dire que la
direction de l'eau du ministère s'est octroyé un droit de tirage illimité sur
les ressources des agences. Petit à petit, à défaut d'intégrer les redevances
des agences dans la TGAP, on « recentralise » la politique de l'eau.
Enfin, la quatrième et dernière priorité vise au renforcement du réseau de
protection des zones naturelles sensibles avec, en particulier, une
augmentation des crédits accordés au fonds de gestion des milieux naturels pour
la poursuite de Natura 2000.
En tant que rapporteur spécial des crédits de l'environnement, je ne peux pas
ne pas insister sur la fameuse taxe générale sur les activités polluantes, que
le Gouvernement nous propose d'étendre à de nouvelles assiettes polluantes et
dont le produit serait affecté au financement des 35 heures.
Il est curieux de constater que l'on a retenu, pour les nouveaux compartiments
de la TGAP, des assiettes larges, avec des taux bas et des produits
prédéterminés pour les besoins de financement des 35 heures.
En somme, le Gouvernement a choisi des taxes acceptables pour tous, d'un bon
rendement, mais absolument pas incitatives en termes de diminution de la
pollution ! En procédant ainsi, il nous prouve noir sur blanc que la fiscalité
écologique, c'est fini, et que la TGAP est désormais un impôt de rendement ! A
cet égard, l'amendement n° 119 adopté par l'Assemblée nationale et qui augmente
les taxes sur les lessives sans phosphates en diminuant les taxes sur les
lessives en comportant beaucoup, est assez démonstratif.
C'est donc parce que les crédits dont vous disposez et dont nous pourrions
tout à fait nous satisfaire avec vous, ne reçoivent pas une bonne affectation,
parce qu'ils sont d'abord destinés au fonctionnement et non à l'investissement,
parce que nous constatons une dérive des structures ministérielles qui nous
semble décalée par rapport à ce que doit être, à l'heure actuelle, la priorité
de l'Etat, parce que la TGAP prive l'environnement de crédits qui pourraient
lui être destinés et aussi parce que la recherche est le parent pauvre de votre
budget, que la commission des finances, madame la ministre, tout en
reconnaissant le réajustement que vous opérez pour l'ADEME, propose au Sénat de
rejeter ce projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits
demandés au titre de l'environnement pour 2000 s'élèvent à 4,29 milliards de
francs, soit une progression de 8,6 % par rapport à 1999.
Vous avez obtenu, madame la ministre, que l'environnement reste une véritable
priorité gouvernementale, essentiellement à travers une augmentation très forte
de vos moyens de fonctionnement. Celle-ci se traduit par un accroissement
important des effectifs du ministère et des moyens des services avec la
création d'une nouvelle direction des études économiques et de l'évaluation
environnementale. Elle se traduit également par un important mouvement net de
créations de poste, qui s'élèvent à 139 pour renforcer notamment l'inspection
des installations classées, mais la priorité reste à l'administration centrale,
dont les effectifs augmentent de 20 %.
Comme l'an dernier, la commission des affaires économiques s'inquiète de
l'importance croissante des dépenses d'administration générale et regrette que
l'augmentation des postes ne se fasse par par seul redéploiement ou tranfert.
Cette pratique aurait été plus conforme à la nécessaire maîtrise des dépenses
publiques.
Ainsi, je ne partage pas, madame la ministre, votre volonté d'obtenir un
ministère de plein exercice, car je considère que l'environnement constitue
désormais une priorité qui doit être intégrée dans la politique mise en oeuvre
par chaque ministère. Je crains que votre volonté d'hégémonie ne se traduise en
définitive par plus d'administration, plus de rivalités internes et, en
définitive, par moins d'action positive sur l'environnement.
En ce qui concerne les crédits consacrés à la protection de la nature, ils
vont notamment financer le Fonds de gestion des milieux naturels, et
l'essentiel des mesures nouvelles de ce fonds va à la mise en oeuvre du réseau
Natura 2000, dont les crédits augmentent de 50 % pour être fixés à 107 millions
de francs. Il s'agit de poursuivre l'élaboration des documents d'objectifs et
de soutenir, sur une base contractuelle, des actions menées par les
propriétaires et les exploitants dans les sites du réseau.
Toutefois, je regrette de ne pas disposer de suffisamment d'éléments sur la
répartition de ces crédits, d'autant que le processus juridique, tant de
désignation des sites que de transposition de la directive, a pris beaucoup de
retard. S'agissant des propositions envoyées par la France, l'arrêt du Conseil
d'Etat du 27 septembre 1999 - qui annule pour défaut de concertation les listes
partielles envoyées en 1997, mais sans remettre en cause, semble-t-il, les
listes récapitulatives envoyées depuis - illustre les critiques anciennes
formulées par la commission des affaires économiques.
Le contenu de l'avant-projet de loi de transposition ne répond d'ailleurs pas
complètement à nos attentes, car il n'institutionnalise pas des structures de
concertation adéquates. J'aurais en effet souhaité que cette décision du
Conseil d'Etat soit de nature à corriger les rapports que les élus locaux ont
toujours désiré établir avec votre ministère sur ce sujet délicat.
Quant aux crédits affectés à la politique de l'eau, vos moyens propres, madame
la ministre, diminuent globalement de 0,49 %, mais ils sont complétés par un
compte spécial du Trésor intitulé Fonds national de l'eau, composé de deux
sections, dont l'une, rattachée au ministère de l'environnement, est alimentée
par un prélèvement de 500 millions de francs sur les agences de l'eau et en
contrepartie les deux fonds de concours créés en 1997 et 1999 sont supprimés.
Je reste très réservé sur ce nouveau dispositif, qui, lui aussi, porte atteinte
à l'autonomie des agences de l'eau. Il multiplie par deux le prélèvement opéré,
alors que les crédits budgétaires de l'Etat affectés à la protection de l'eau
ne progressent pas depuis 1997. L'ampleur même du prélèvement ne va-t-il pas
remettre en question la capacité de certaines agences à honorer leurs
engagements programmés jusqu'à la fin du VIIe programme ? De plus, par ce
fonds, l'Etat va financer des mesures qui seraient sans doute aussi bien
traitées au niveau décentralisé des agences.
En ce qui concerne la prévention des pollutions, force est de constater,
notamment, que les crédits de la filière « déchets » sont simplement
reconduits, à 811 millions de francs en crédits de paiement, même si le montant
des autorisations de programme, quant à lui, progresse de 12 %.
Ces chiffres sont à comparer avec la très forte progression attendue de la
part « déchets » de la TGAP. En 1998, le produit de la taxe « mise en décharge
» s'est élevé à 920 millions de francs ; la prévision de la part « déchets » de
la TGAP est de 1 294 millions de francs pour 1999 et de 1 479 millions de
francs pour 2000. Ce décrochage est d'autant plus inacceptable que les
investissements à la charge des collectivités locales tenues de mettre leurs
filières de traitement des déchets en conformité avec les normes européennes
sont évalués à 20 milliards de francs d'ici à 2002.
Certes, l'application du taux réduit de TVA sur la collecte sélective et la
forte revalorisation des barèmes d'Eco-Emballages sont de bonnes mesures pour
le fonctionnement de ces filières.
Il n'en demeure pas moins que l'ADEME a revu à la baisse, de manière
unilatérale et en méconnaissance totale d'engagements souscrits pour 1998 et
1999, ces taux d'interventions pour 1999, 2000 et 2001.
De plus, il semble que l'ADEME aura les plus graves difficultés, même en
appliquant son nouveau barème, à répondre au nombre de dossiers présentés par
les collectivités locales.
Je prends acte, madame la ministre, des 100 millions de francs votés à
l'Assemblée nationale pour l'ADEME, et de l'amendement déposé par vous-même, ce
matin, qui vise à majorer cette ligne budgétaire de 300 millions de francs,
toujours au titre des autorisations de programme.
Je salue ce geste, qui nous donne raison
a posteriori
en justifiant
les critiques émises par le Sénat, représentant des collectivités locales. Avec
325 millions de francs, les autorisations de programme sont désormais fixées à
environ 1,3 milliard de francs, ce qui se compare plus honorablement au produit
attendu de la part « déchets » de la TGAP pour 2000, évalué à 1,5 milliard de
francs.
Sur la forme, madame la ministre, cet épisode nous conforte dans notre crainte
vis-à-vis des « appétits » de Bercy qui se mesurent à l'aune des efforts et de
l'énergie que vous avez dû déployer pour « arracher » 400 millions de francs
supplémentaires. Mais nous craignons que cette même bataille ne soit à
reprendre chaque année.
Enfin, je voudrais très brièvement vous faire part de l'hostilité de la
commission des affaires économiques s'agissant de la nouvelle étape franchie en
matière de fiscalité écologique. La taxe générale sur les activités polluantes
prend désormais une ampleur nouvelle avec le relèvement du taux de certaines
taxes existantes, qu'il s'agisse des lubrifiants et des substances polluantes
émises dans l'atmosphère, et, surtout, la création de nouvelles assiettes, à
savoir : une augmentation et un regroupement des taxes sur les installations
classées ; la taxation des grains minéraux, quel que soit leur mode
d'extraction ; la taxation des lessives, produits adoucissants et
assouplissants, avec une surtaxe selon la teneur en phosphates ; enfin, la
taxation des produits phytosanitaires à usage agricole et assimilés.
Au total, ces quatre nouvelles taxes devraient rapporter entre 1 milliard et
1,3 milliard de francs.
L'effet de cette taxe écologique « revue et corrigée » sera négatif pour
l'environnement, pour plusieurs raisons.
L'an dernier, les partisans de la TGAP soulignaient une de ses qualités, à
savoir sa non-affectation, en dénonçant les effets pervers des taxes affectées,
notamment le droit au juste retour. Or, cette année, l'intégralité de la TGAP
est affectée au financement de la sécurité sociale et son mode de calcul tient
peu compte des préoccupations environnementales. Pour répondre à une obligation
de rendement fiscal, la TGAP est assise sur des assiettes larges avec un taux
faible et elle n'offre plus de « signal prix » réellement efficace à l'encontre
des comportements les plus polluants : toutes les lessives sont taxées, avec ou
sans phosphates, ainsi que tous les granulats, qu'ils proviennent des rivières
ou de carrières.
De surcroît, cette forte progression de la TGAP ne s'accompagne pas d'un
effort de l'Etat important en faveur de l'environnement dans des secteurs aussi
prioritaires que l'eau ou les déchets, même si les amendements déposés,
concernant l'ADEME, tempèrent ce propos.
En conséquence, monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, malgré certaines orientations positives, au rang desquelles il faut
compter les 400 millions de francs supplémentaires pour l'ADEME, la commission
a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'environnement tels
qu'ils figurent dans le projet de budget pour l'année 2000.
(Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président.
La parole est à M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, madame le ministre, mes chers collègues, après les deux
excellents rapports de nos collègues MM. Adnot et Bizet, j'ai maintenant
l'honneur de vous exposer l'avis de la commission des affaires culturelles sur
les crédits de l'environnement pour 2000. J'indique d'emblée qu'il sera, lui
aussi, défavorable.
Pour la deuxième année consécutive, les moyens du ministère de l'environnement
sont en forte croissance. Je ne rappellerai pas les chiffres que viennent de
donner MM. Adnot et Bizet, mais je voudrais souligner que c'est en 1999 que la
TGAP a été introduite dans le budget du ministère de l'environnement, se
substituant à cinq taxes antérieures. Le détournement de son produit au profit
de réductions de charges sans rapport avec l'environnement vient d'être dénoncé
avec vigueur par notre collègue M. Adnot. Je n'y reviens dont pas, mais je
m'intéresse toujours, madame le ministre, à l'application du principe «
pollueur-payeur », dont j'ai peur, encore une fois, qu'elle ne grève le prix
acquitté par le consommateur.
Par ailleurs, je ne peux que m'interroger sur l'emploi efficace des crédits
bénéficiant de la progression qui a été évoquée. Il y a cependant, dans votre
projet de budget, des décisions qui donnent satisfaction à tous ceux qui
s'intéressent à la préservation de l'environnement. Ainsi, les parcs nationaux
ou régionaux, la gestion des zones humides et l'application de la directive
Natura 2000 voient croître les moyens qui leur sont affectés.
Le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres, à la gestion pourtant
exemplaire, demeure toutefois à l'écart de cette évolution, puisque ses crédits
restent stables. En tant que membre de son conseil d'administration, je pense
que votre ministère, madame le ministre, ne lui accorde pas assez de moyens,
malgré cette croissance généralisée des crédits, alors que le champ de ses
compétences a été élargi par la loi Barnier aux estuaires de nos fleuves, qui
comportent souvent de vastes zones humides dont l'intérêt pour les grandes
respirations de la nature n'est plus à démontrer. Les récentes et dramatiques
inondations doivent nous amener à réfléchir sur ces phénomènes.
L'augmentation des crédits inscrits à votre projet de budget permet les
créations d'emploi suivantes : 50 emplois à l'administration centrale, 36
emplois dans les directions régionales de l'environnement, les DIREN, 34
emplois dans les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de
l'environnement, les DRIRE, et 20 emplois dans les directions des services
vétérinaires.
Le renforcement des capacités de contrôle des installations classées, qu'elles
soient industrielles ou agricoles, ne me semble pas critiquable. En revanche,
je crains, comme mes collègues, une « fonctionnarisation » du ministère avec la
croissance des effectifs de son administration centrale.
Passant à l'examen des actions menées par votre ministère, je constate que la
protection des espaces naturels est la grande bénéficiaire de l'augmentation
des crédits pour 2000. Il s'agit d'un point positif. Je me félicite en effet de
la poursuite du processus de constitution du réseau européen Natura 2000, dont
les consultations en cours se feraient, m'a-t-on dit, dans de bonnes
conditions.
En revanche, je dois constater que d'autres domaines d'action du ministère
sont globalement délaissés, en particulier la politique de l'eau ainsi que le
traitement des déchets et des boues des stations d'épuration, le cadre de vie
et la publicité. On discerne mal, dans tous ces cas, quel bénéfice ils
retireront de l'augmentation de votre projet de budget.
Les agences de bassin ont, depuis leur création, fait un travail reconnu de
gestion des eaux, dans le domaine de la quantité et dans celui de la stabilité
des approvisionnements, ainsi qu'en matière de traitement des eaux usées.
Le projet de loi de finances pour 2000 prévoit d'instituer un prélèvement de
solidarité sur l'eau, qui s'accompagnera d'une modification du Fonds national
pour développement des adductions d'eau, le FNDAE. Ce fonds devient le Fonds
national de l'eau, dont une section reprend les crédits et les actions du
FNDAE.
Les agences de l'eau contribueront à financer le FNSE pour 500 millions de
francs en 2000.
J'avoue n'être pas totalement convaincu du bien-fondé de cette nouvelle
redevance demandée aux agences de l'eau ni de l'opportunité des clés retenues
pour sa répartition, alors même que la préservation de la ressource et
l'amélioration de l'assainissement devraient mobiliser tous leurs moyens,
surtout dans la perspective de l'an 2005.
Il m'a été indiqué, par le ministère, que l'agence de l'environnement et de la
maîtrise de l'énergie, qui avait affecté 300 millions de francs par an à ce
secteur de 1992 à 1998, se voit actuellement sollicitée de façon très forte par
les collectivités locales. Votre décision d'abonder ces crédits me paraît mieux
prendre en compte les besoins réels, et je m'en félicite.
La baisse, à 5,5 %, de la TVA qui frappe cette activité aboutissant à une
réduction appréciable du coût de la tonne de déchets triés quelque 16 %, est
également permise par une baisse du coût des barèmes. Il s'agit là d'éléments
positifs.
Cependant, madame le ministre, je m'interroge sur l'avancement des plans
départementaux d'élimination des déchets. Où en sont les révisions que vous
aviez demandées et quels sont les choix techniques du traitement préconisé ?
Pour ma part, il me semble que, tant que les périmètres des « gisements » ne
seront pas arrêtés, on ne pourra pas faire les choix techniques appropriés.
S'agissant du sort des boues résiduelles des stations d'épuration, la
situation reste toujours bloquée entre les intérêts divergents des
collectivités territoriales, qui estiment que leur épandage agricole constitue
leur traitement le plus économique, sans comporter de risque, et les
agriculteurs, qui réclament désormais l'institution d'un fonds de garantie pour
permettre la poursuite de ces épandages.
Le résultat de cette opposition est la concentration des rejets sur certains
sites, ce qui n'est en aucun cas satisfaisant. J'aimerais, madame le ministre,
que vous nous apportiez des précisions sur les conditions dans lesquelles cet
affrontement peut, selon vous, se résoudre.
Je terminerai mon intervention en évoquant un sujet auquel j'attache une
attention toute particulière : les entrées de nos villes et villages,
encombrées comme à plaisir par la multiplication de panneaux publicitaires et
enseignes sans aucune ligne directrice pour y remédier.
La publicité n'est pas la seule cause de cette dégradation. L'urbanisme,
abandonné au profit du droit à vendre, en est le principal motif. Il s'agit là
d'un problème majeur qui ne pourra être résolu que par une volonté forte et
durable.
Le moment y est particulièrement propice, car les professionnels de la
publicité et de la grande distribution que j'ai rencontrés et souhaitent
assainir la situation actuelle en diminuant la taille des panneaux et en
améliorant la qualité de la prestation. Cette reconquête pourrait, me
semble-t-il, se faire par les contrats de plan Etat-région.
Les intervenants économiques jugent la situation actuelle très préoccupante
et, finalement, contraire à leurs intérêts. Les élus locaux sont également très
sensibles à la dégradation des abords de leur commune, qui n'apparaît plus
inexorable. Je n'en veux pour preuve que le soutien des présidents de
l'association des maires des grandes villes et de l'association des maires des
villes moyennes.
C'est pourquoi l'absence de votre ministère sur ce sujet me semble
particulièrement préoccupante, car le moment est venu où l'ensemble des acteurs
impliqués dans une possible démarche d'amélioration de ces secteurs, auparavant
abandonnés aux seuls intérêts commerciaux, sont disposés à réfléchir à une
stratégie et aux moyens à mobiliser pour une reconquête des entrées de
ville.
Sachant que la France constitue en Europe une fâcheuse exception et que les
acteurs intéressés à cette reconquête - élus, industriels, commerçants,
publicitaires - sont désormais conscients de sa nécessité, il faut en définir
au plus tôt les intruments d'action. Ce sont, en effet, trente ans d'anarchie
urbanistique qui ont abouti à ces résultats consternants. L'amélioration
souhaitée ne pourra s'opérer que dans la durée.
La stratégie de rupture que j'avais proposée dans mon rapport de 1994 visait à
une interdiction de construire le long des principaux axes routiers, sauf après
étude, et constituait une incitation à entreprendre une réflexion sur la nature
de l'urbanisme souhaité pour ce type de zones. C'est la mise en oeuvre du
principe de précaution en quelque sorte.
Elle a eu des effets très positifs, car elle a conduit à la réalisation
d'études de grande qualité, menées par des architectes privés, des CAUE,
conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement, ou par des
paysagistes.
Il s'agit, désormais, de passer véritablement au stade de la reconquête, et il
importe de ne pas perdre de temps car cette reconquête des entrées de villes
est une oeuvre de longue haleine. Sans doute faudra-t-il autant de temps pour
leur réhabilitation qu'il en aura fallu pour leur dégradation. Mais il n'est
pas trop tard.
J'évoquerai enfin le comité national des entrées de ville, créé sur
l'initiative des ministres MM. Barnier et Besson. Son objet est de soutenir les
efforts des élus qui se sont engagés dans une politique de reconquête de leur
entrée de ville, de les promouvoir en exemple et de faire se rencontrer tous
les acteurs du cadre bâti, administrations compétentes, acteurs économiques,
élus, associations... pour en tirer des enseignements.
En conclusion, madame la ministre, au moment où chacun est convaincu de la
nécessité de soutenir les efforts entrepris, j'espère que vous confirmerez, sur
ce sujet, qui touche bien à la qualité de notre environnement quotidien,
l'engagement que vous avez affirmé en présentant vos précédents budgets.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Madame la ministre,
il n'est évidemment pas question pour moi de revenir sur les rapports qui
viennent d'être excellemment présentés par Philippe Adnot, au nom de la
commision des finances, Jean Bizet, au nom de la commission des affaires
économiques et Ambroise Dupont, au nom de la commission des affaires
culturelles. Je voudrais seulement, au nom de la commission des affaires
culturelles, exprimer un regret.
Depuis trente ans ou presque qu'existe le ministère dont vous avez la
responsabilité éminente et la charge, sans doute lourde, la commission des
affaires culturelles a toujours pu entendre le ministre compétent avant la
discussion en séance publique des crédits de ce ministère.
Or, pour la première fois, cette année, madame la ministre, nous n'avons pas
réussi à trouver une date qui vous permette de venir devant notre commission.
Les cinquante-deux membres de la commission des affaires culturelles n'ont donc
pas pu vous entendre sur le budget de l'environnement. Trois commissions
saisies pour un budget, cela peut paraître, il est vrai, beaucoup mais, quand
il s'agit d'un budget de cette importance, vous conviendrez, madame la
ministre, que c'est tout à fait nécessaire.
Je voudrais vous assurer que la commission des affaires culturelles se sent
parfaitement compétente pour traiter de ces crédits. La notion d'environnement
est vaste et touche de si nombreux domaines que la commission des affaires
culturelles ne peut pas y être étrangère. Nous nous sentons concernés par la
réflexion sur les effets de l'environnement pour le citoyen, sur la possibilité
qu'il a d'agir pour l'améliorer, ainsi que sur les règles qui doivent encadrer
cette action. C'est pourquoi, madame la ministre, nous nous sommes sentis
frustrés, et même très frustrés.
Cestes, madame la ministre, il y a eu un concours de circonstances, notamment
la préparation de Seattle et, comme votre cabinet nous l'a expliqué, celle de
la présidence française de l'Union européenne.
Mais, si les ministres n'inscrivent pas au premier rang de leurs
préoccupations leurs relations avec les parlementaires, la démocratie ne pourra
pas bien fonctionner.
C'est pourquoi je me permets de faire part de cette remarque en souhaitant ne
pas avoir à la renouveler l'année prochaine.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 27 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 15 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l'ont
souligné les rapporteurs, ce projet de budget pour 2000, en hausse de 8,6 %,
confirme la priorité reconnue par le Gouvernement à l'environnement, même si sa
progression est nettement inférieure à celle de l'année dernière et doit être
relativisée à l'aune du budget total de l'Etat.
Les orientations retenues pour cette année présentent certes des aspects
positifs mais suscitent également des observations, des interrogations et
quelques critiques.
En première orientation, vous avez souhaité réformer les structures de votre
ministère, notamment en créant une nouvelle direction des études économiques et
de l'évaluation environnementale. Vous avez également souhaité accroître ses
effectifs. Les crédits de l'administration générale augmentent donc à eux seuls
de 20,9 %, après une hausse déjà importante l'an dernier.
Si je me félicitais à l'époque de voir se consolider les missions d'un
ministère qui a joué depuis sa création un rôle d'incitation, de persuasion et
de coordination, je suis aujourd'hui inquiet de son évolution
centralisatrice.
S'il est un domaine où la subsidiarité doit jouer pleinement, c'est bien celui
de l'environnement. Le succès des actions à mener dépend plus largement de
l'implication sur le terrain des collectivités locales, des entreprises et des
établissements déconcentrés que des moyens et des effectifs du ministère.
Par ailleurs, ces derniers ont besoin, pour programmer leurs investissements
coûteux, d'une certaine lisibilité à moyen terme du champ réglementaire. La
tendance actuelle à la multiplication des normes rend cette lecture souvent
difficile.
Sans contester, bien sûr, la nécessité d'un renforcement de structures de
contrôle et d'évaluation, nous espérons que la vigilance de vos services
s'exercera en se fondant sur des réalités techniques, économiques et humaines
et non sur une vision essentiellement écologique qui favorise cette
tendance.
Au-delà de cette critique, je prends acte avec satisfaction, dans le document
intitulé « Soutien aux politiques environnementales », de l'effort fait en
faveur de la recherche et de la connaissance de l'environnement, à travers
l'augmentation sensible des crédits de l'Institut national de l'environnement
industriel et des risques, l'INERIS, et de l'Institut français de
l'environnement, l'IFEN.
Votre deuxième orientation concerne la protection et la mise en valeur du
patrimoine biologique, notamment avec le renforcement significatif des moyens
du Fonds de gestion des milieux naturels. Là encore, j'approuve cette démarche
ambitieuse qui permettra, je l'espère, de rattraper les retards accumulés par
la France dans ce domaine.
La troisième orientation de ce budget se traduit par l'instauration d'un Fonds
national de solidarité pour l'eau, le FNSE, alimenté par les agences de bassin
à hauteur de 500 millions de francs. Après une tentative de « nationalisation »
de la politique de l'eau par l'intégration des redevances des agences dans la
taxe générale sur les activités polluantes, contre laquelle beaucoup d'entre
nous se sont élevés, ce dispositif pourrait sembler un moindre mal. Pourtant,
les inquiétudes demeurent, à juste titre.
Par son ampleur et par l'utilisation qui en est proposée, ce nouveau
prélèvement de 250 millions de francs ne tient aucun compte de l'action de
programmation à moyen terme des agences et risque de remettre sérieusement en
cause le caractère décentralisé de la politique de l'eau, qui a pourtant fait
ses preuves. J'approuve donc tout à fait la suppression du compte d'affectation
spéciale qui a été votée lors de la discussion de la première partie de ce
projet de loi de finances.
Enfin, madame la ministre, vous nous présentez la prévention des risques et
des pollutions comme la dernière orientation de votre budget. Pour ma part, je
trouve que sa traduction budgétaire reste modeste, puisque les crédits ne
progressent que de 4,5 %. Elle ne me semble pas, en tout état de cause, à la
hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés, notamment en ce qui
concerne le traitement des déchets.
L'an dernier, j'avais salué votre volonté de réorienter la politique des
déchets vers une revalorisation plutôt que vers l'incinération qui coûte cher
aux collectivités locales.
J'avais également applaudi à l'abaissement du taux de TVA sur la collecte
sélective et à la revalorisation des barèmes d'Eco-Emballages.
Malheureusement, les effets positifs de ces mesures ont été annulés en partie
par la décision de l'ADEME, peut-être justifiée mais mal ressentie, de diminuer
de 38 % son taux de subvention à l'investissement des collectivités locales.
Pour 2000, alors que le produit attendu de la TGAP, notamment sur les déchets
ménagers et assimilés, progresse très fortement, on espérait que les crédits de
cet organisme pour cette filière suivraient la même évolution.
Tel n'est pas le cas. Si l'on considère l'effort d'investissement que devront
fournir les collectivités pour respecter les échéances fixées par la loi de
1992, on peut également regretter que le produit de cette taxe ne profite pas à
l'environnement. Je suis certain que vous êtes de mon avis, madame la
ministre.
En revanche, je souhaiterais évoquer un point qui me tient à coeur, je veux
parler des liens entre l'agriculture et l'environnement.
J'ai lu avec intérêt le rapport intitulé :
Agriculture, monde rural et
environnement : qualité oblige,
qui vous a été remis par la cellule
Prospective et stratégie du ministère. Celui-ci souligne les excès d'une
agriculture portant l'héritage d'un mission productiviste et qui a, de ce fait,
généré des pollutions parfois inquiétantes à l'égard du développement
durable.
Mais le rapport reconnaît que ces points noirs ne sont pas irrémédiables s'ils
sont traités rapidement. Il affirme même que des initiatives, des expériences
ou des pratiques agricoles existantes favorisent déjà une bonne gestion de
l'eau, le développement de la biodiversité et l'entretien des fonctionnements
biologiques des sols et des paysages.
Madame la ministre, vous avez souvent dénoncé avec véhémence les pratiques
agricoles dans votre combat pour l'environnement. Cette attitude a peut-être
contribué d'une certaine manière à faire évoluer les esprits mais elle a aussi
attisé les rancoeurs chez les agriculteurs déjà malmenés par la mondialisation
et les crises sectorielles successives. Ceux-là vous les ont fait connaître,
parfois avec une violence que je désapprouve, mais qui traduit sans doute leur
désespoir.
Aujourd'hui, il est temps de reconnaître que les agriculteurs sont conscients
de la nécessité de mieux maîtriser leurs rapports avec l'environnement. Les
actions de conseil et de formation, telles que Ferti-Mieux, Phyto-Mieux,
Irri-Mieux, Pic Agri, Farre, engagées depuis de nombreuses années par la
profession en faveur de la reconquête de la qualité des eaux, mobilisent un
nombre croissant d'entre eux. Par ailleurs, on assiste aujourd'hui à une
progression forte de l'agriculture biologique.
Le Gouvernement doit privilégier et accompagner ces démarches volontaristes et
responsabilisantes. Dans ce contexte, l'extension de la taxe sur les activités
polluantes aux produits phytosanitaires n'est pas une solution adaptée - telle
que conçue aujourd'hui - à cette forme de pollution. Elle manque de
discernement en ce qui concerne les taux de toxicité.
Il est un autre sujet qui touche les agriculteurs et sur lequel j'aimerais
avoir votre avis, madame la ministre, car il y a là une véritable ambiguïté :
les boues d'épuration.
Sur 800 000 tonnes de boues produites par an en France - on prévoit 1,2
million de tonnes en 2002 - les deux tiers font actuellement l'objet d'un
recyclage agricole par épandage dans les champs. Cette filière d'élimination
des boues est, semble-t-il, privilégiée, car elle est moins onéreuse que celle
de la mise en décharge ou de l'incinération et elle s'inscrit clairement dans
une perspective de développement durable.
Mais, aujourd'hui, ce service rendu par les agriculteurs à la collectivité
semble se retourner contre eux. L'innocuité de cette filière est en effet de
plus en plus souvent mise en cause ; l'Institut national de la recherche
agronomique a même parlé de « bombe à retardement ». Ainsi, de grands groupes
agroalimentaires, tels que Bonduelle, refusent les produits issus de terres
enrichies aux boues, et la charte du charolais en interdit, elle aussi,
l'utilisation, ainsi que la filière bio.
En Haute-Saône, par exemple, le plan d'épandage de 3 500 tonnes de résidus
issus des eaux usées de la nouvelle station d'épuration du district de Belfort
a été refusé par les élus d'un canton de trente-six communes. Faisant fi de ces
avis et du rapport défavorable du commissaire enquêteur lors de l'enquête
publique, les services départementaux ont donné, dans un premier temps, leur
feu vert à ce plan, se défendant de faire courir un quelconque risque aux
populations. Tout récemment, un plan d'épandage a été gelé pour cause de
pollution au polychlorobiphényle. Cela prouve, s'il en est besoin, le malaise
des autorités dans ce dossier.
La profession agricole a demandé la création d'un fonds de garantie dont
l'objet serait double : assurer une indemnisation rapide pour les dommages
ordinaires imputables à une qualité défectueuse des boues ; garantir le risque
environnemental à long terme, au-delà du jeu normal de la responsabilité civile
de la collectivité locale.
En l'absence de réponse des pouvoirs publics, les représentants nationaux ont
appelé les agriculteurs à suspendre tout épandage dans leurs champs, mot
d'ordre national particulièrement bien suivi dans les départements.
Ne pourrait-on pas envisager que l'Etat garantisse au moins le risque de
développement lié à la valorisation agricole des boues lorsque la
responsabilité de la collectivité locale ou de son délégataire ne peut plus
être recherchée ? Les sommes affectées au fonds national de solidarité pour
l'eau permettraient, sans constituer de réserves, et donc sans augmenter le
prix de l'eau, de couvrir ce risque.
Cette question de la valorisation agricole des déchets mérite, en tout état de
cause, sinon un vrai débat, du moins une vraie prise de position de la part du
Gouvernement.
Je serais également heureux, madame la ministre, que vous me donniez des
assurances concernant le plan d'épandage envisagé en Haute-Saône. Après les
boues de Belfort, allons-nous aussi accueillir celles de Besançon ?
Pour conclure, j'évoquerai rapidement le dossier du TGV Rhin-Rhône.
D'une part, l'avenir de la liaison Paris-Bâle reste toujours aussi
hypothétique, les élus nationaux de Franche-Comté ayant été exclus des
concertations avec le ministre des transports lors des dernières
consultations.
Dautre part, le tracé du TGV entre Auxonne et Petit-Croix retenu le 5 juillet
dernier par le comité de pilotage du projet ne dessert pas Dôle. Il me semble
pourtant, comme à vous, que cette ville constitue un pôle important. Alors que
l'on s'attache à mettre en place un réseau de communication servant un
développement du territoire équilibré, l'élimination délibérée de ce pôle
semble non raisonnable, voire irréaliste.
Par ailleurs, il convient d'articuler désenclavement des zones rurales et
protection des sites naturels. La vallée de l'Ognon, que vous connaissez, ne
doit pas être sacrifiée sur l'autel du dieu « Rail ».
Madame la ministre, compte tenu des observations que j'ai formulées, la
majorité des membres du RDSE n'est pas favorable à votre budget.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult.
Madame la ministre, votre budget pour l'année 2000 confirme l'ambition du
Gouvernement dans le domaine de l'environnement. Le renforcement très sensible
des moyens humains et financiers que vous nous proposez permettra de poursuivre
vos actions lancées déjà par la loi de finances de 1999, et donc d'inscrire
dans la continuité, pour la seconde année consécutive, cet effort sensible.
En accordant au budget de l'environnement une croissance environ quatre fois
supérieure à celle des dépenses générales de l'Etat, le Gouvernement entend
concrétiser une priorité et l'émergence d'un ministère de plein exercice, même
si l'environnement demeure une politique transversale et interministérielle par
excellence.
Votre budget voit ses crédits augmenter de 8,6 %, pour atteindre 4,298
milliards de francs, contre 3,957 milliards de francs l'année dernière, et
représenter désormais 0,30 % des dépenses de l'Etat.
Trois points forts le marquent.
Premier point : il y a nécessité, j'en suis convaincu, de renforcer
raisonnablement les moyens de votre ministère et des établissements
déconcentrés. Sont ainsi programmées les créations de 380 emplois et d'une
direction des études économiques et de l'évolution environnementale, qui
constituera un véritable outil d'expertise et de conseil au service du
développement durable.
Le deuxième point auquel je suis particulièrement sensible au regard de mes
responsabilités locales, est la redéfinition des moyens de l'Etat dans le
domaine de la politique de l'eau. Les refontes préfigurent votre future loi sur
l'eau, actuellement en préparation. L'eau sera l'enjeu du xxie siècle.
Le nouveau fonds national de l'eau reprend le FNDAE, auquel les communes
rurales sont très attachées, lequel sera complété par un fonds national de
solidarité pour l'eau, FNSE, doté de 500 millions de francs, avec une mission
de péréquation.
Les agences de l'eau seront mises à contribution par un prélèvement de 5 % de
leurs ressources. Si l'argent de l'eau doit aller à l'eau - c'est un principe
fondamental, madame la ministre - il me semble également essentiel que soit
préservée une certaine territorialisation des actions à travers les bassins. Je
compte sur vous pour veiller à ce que ne soit pas mis à mal le financement du
septième programme en cours des agences de l'eau et le futur huitième
programme. Sachons, dans l'intérêt général, préserver cet outil d'aménagement
et de concertation que beaucoup de pays nous envient.
Enfin, troisième point, j'évoquerai la fiscalité écologique, envisagée et
appliquée, en 1999, avec la TGAP et que certains critiquent ou condamnent
injustement. Pourtant, cette réforme est indispensable et illustre une nouvelle
prise de conscience de nos modes de consommation. Cet instrument de prévention
des comportements polluants qu'est la TGAP, vous souhaitez l'élargir aux
domaines de la pollution de l'eau, des grains minéraux naturels et des
pollutions d'origine agricole. La TGAP affirmera également son rôle en faveur
de l'emploi, en finançant la baisse de charges pesant sur le travail dans le
cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ecologie,
fiscalité et développement économique peuvent ainsi se marier.
Pour conclure, madame la ministre, par-delà ces trois points essentiels et
nouveaux que vous proposez, je souhaite insister sur le fonds de gestion des
milieux naturels, le FGMN. Il progresse, pour atteindre 241,9 millions de
francs en crédits de paiement et dépenses ordinaires, et 105,5 millions de
francs en autorisations de paiement.
Pour avoir vécu la gestation longue et parfois difficile du parc naturel
régional de l'Avesnois, créé en mars 1998, pour avoir animé la mise en place de
la directive Natura 2000 à travers le programme LIFE, ligne d'instrument
financier pour l'environnement, en forêt de Thiérache et suivi les actions
financées par le fonds de gestion de l'espace rural, il me semble indispensable
de souligner l'effort que votre ministère a souhaité consentir en faveur de la
protection du milieu et des paysages, des parcs naturels régionaux et
nationaux.
Il faut répondre, dans ce domaine, aux attentes légitimes de nos concitoyens
et transmettre un capital naturel aux générations futures.
Il reste, dans tous ces domaines, beaucoup à faire pour soutenir les
initiatives locales et régionales.
Notre pays dispose de solides atouts de développement, à travers ses richesses
naturelles et son cadre de vie.
La responsabilité de l'aménagement du territoire que vous assumez
conjointement avec celle de l'environnement permet de concilier, enfin, nos
moyens et nos actions autour d'enjeux majeurs. A travers ce projet de budget,
vous poursuivez le dessein d'une véritable politique de développement durable,
citoyenne, solidaire et porteuse d'emplois.
Madame la ministre, partageant votre ambition et vos préoccupations, le groupe
socialiste, en accord avec la volonté clairement affichée du Gouvernement,
votera votre budget pour l'année 2000.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Il y a un an, presque jour pour jour, puisque c'était le 3 décembre 1998,
madame la ministre, la majorité sénatoriale exprimait ses inquiétudes à l'égard
de votre budget pour 1999, qui comportait de multiples aspects négatifs.
Les crédits de l'environnement pour 1999 avaient fait le bond le plus
spectaculaire du projet de loi de finances, avec une augmentation de 110 %. Ce
budget de 1999 aurait donc dû susciter auprès de tous les parlementaires
attachés à l'environnement et à la qualité de la vie un enthousiasme sans
limite. Or, la majorité sénatoriale avait voté contre.
Nous nous étions en effet insurgés contre l'instauration, par le biais d'un
article de la loi de finances pour 1999, de la taxe générale sur les activités
polluantes. Il s'agissait déjà d'un changement fondamental dans la façon
d'aborder la protection de l'environnement et les relations
pollueurs-payeurs.
Il était, en fait, plus aisé pour vous et votre Gouvernement de noyer le
dispositif dans le débat sur le projet de loi de finances pour faire, en
quelque sorte, « passer la pilule ».
L'article 45 de la loi de finances pour 1999 a donc unifié les cinq taxes
auparavant affectées à l'agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie, taxes frappant la mise en décharge des déchets ménagers, le stockage
et l'élimination des déchets industriels spéciaux, la consommation d'huiles, la
pollution industrielle de l'air et le bruit provoqué par le trafic aérien.
La création de la TGAP avait alors officiellement pour objet d'améliorer
l'incitation à la protection de l'environnement et de conférer au système
existant une plus grande souplesse, avec la rupture du lien entre les recettes
et les dépenses afférentes à chacun des objectifs visés par l'ADEME.
La TGAP est donc devenue, en quelque sorte, un impôt d'Etat, et ce sont près
de 1,8 milliard de francs qui alimentent aujourd'hui le budget général.
Nous assistons ainsi au détournement, que nous redoutions ici même l'année
dernière, du produit de cette taxe, un an à peine après sa création. C'est
plutôt de mauvais augure et cela laisse présager des difficultés pour
l'avenir.
Noyés dans le budget de l'Etat, les fonds récoltés n'iront pas alimenter les
recherches nécessaires non plus que les moyens techniques pour réduire les
sources de pollution, alors qu'
a priori
une écotaxe, de par sa nature,
est appelée à financer des opérations de dépollution ou des programmes de
reconversion ou de recherche.
Le niveau de cette taxe évoluera, en fait, en fonction des besoins financiers
du budget de l'Etat, et il y a de grands risques que ce prélèvement augmente au
gré de la « gourmandise » financière du financement de la réduction
hebdomadaire du temps de travail.
En effet, entre le vote de la loi de finances pour 1999 et l'examen du projet
de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, le financement des 35
heures est devenu une priorité pour le Gouvernement.
Le rendement attendu, dès 2001, de la TGAP serait de 12,5 milliards de francs,
somme presque équivalente à la contribution annuelle de l'Etat aux contrats de
plan Etat-région.
Le Gouvernement souhaite, en outre, améliorer le rendement des taxes composant
la TGAP, objectif clairement budgétaire, afin que le produit des taxes sur les
huiles usagées et sur la pollution atmosphérique connaisse une augmentation de
plus de 50 %.
Par ailleurs, il est prévu d'instaurer en 2000 quatre nouveaux compartiments
de cet impôt qui n'ont pas tous intégralement trait aux pollutions : les
lessives, plus 500 millions de francs ; les produits phytosanitaires, plus 300
millions de francs ; les granulats, plus 300 millions de francs ; les
installations classées, plus 100 millions de francs.
S'agissant des lessives, l'assiette de la nouvelle taxe est particulièrement
large puisqu'il s'agit de taxer non pas les seules lessives contenant des
phosphates, mais bien toutes les lessives, ainsi que divers autres produits
auxiliaires, qu'ils contiennent ou non des phosphates. A l'évidence, la future
taxe sur les lessives sera une taxe de rendement ou une taxe au rendement.
S'agissant des produits phytosanitaires, la taxe viendra renchérir le coût des
productions dans des secteurs déjà affectés par des crises récurrentes ou dont
le cadre économique est bouleversé par la réforme de la politique agricole
commune. Ce nouvel impôt restera essentiellement à la charge des
agriculteurs.
Il faut également rappeler que le monde agricole ne sera que très peu
bénéficiaire des allégements de charges financés par cette taxe.
La TGAP sur les produits phytosanitaires est un impôt injuste et inefficace
pour l'environnement. Un retour financier en faveur de l'environnement, via les
agences de l'eau, eût été préférable. Nous vous donnons rendez-vous, madame la
ministre, lors de l'examen du projet de loi sur l'eau qui devrait être soumis
au vote du Parlement dans le courant du premier semestre 2001.
S'agissant des granulats, l'affectation du produit de cette taxe au fonds de
financement des 35 heures ne permettra pas de dégager de crédits
supplémentaires pour la réparation des dommages environnementaux.
Les carrières alluvionnaires ont été visées depuis de longues années dans le
cadre de négociations pour la mise en place d'une redevance servant de recette
aux agences de l'eau et visant exclusivement les matériaux alluvionnaires.
Toutefois, le Gouvernement a décidé de soumettre à cette taxe toutes les
carrières, y compris celles qui sont en roches massives, ce qui est d'une
incohérence totale.
L'instauration de ce compartiment de TGAP vise donc à pénaliser une activité
qui cause des dommages environnementaux, sans l'inciter aucunement à réduire
ces dommages. Il est en effet peu probable que la TGAP sur les carrières
réorientera les processus de production les plus polluants vers les moins
polluants, en raison notamment des différentiels de coûts qui subsistent. Et le
report d'activité entre carrières alluvionnaires plus polluantes et carrières
de roches massives n'est pas du tout assuré en raison de ce taux unique.
S'agissant de la politique de l'eau et des problèmes créés par la mise en
place du Fonds national de solidarité pour l'eau, l'accroissement sensible,
pour 2000, des moyens mis à la disposition du ministère de l'environnement
s'expliquent en partie par un prélèvement de 500 millions de francs sur les
recettes des agences de l'eau.
Les agences de l'eau ont donné la preuve de l'efficacité d'une gestion
décentralisée de l'environnement. On ne peut donc que s'insurger contre un
nouveau prélèvement au moyen duquel l'Etat récupère une partie des redevances
dans lesquelles les collectivités territoriales et les acteurs
socio-économiques participent à la protection et à la gestion de l'eau.
Il s'agit bien là d'une atteinte aux pratiques d'autonomie de gestion de ces
organismes, et donc d'une reprise en main par l'Etat, alors que les
collectivités locales et les collectivités territoriales sont soumises à des
règles très strictes et compartimentées entre la fiscalité locale et le
financement de la distribution et de l'assainissement.
L'an dernier, nous avions déjà dénoncé la politique centralisatrice du
Gouvernement, en rappelant que les agences de l'eau avaient donné la preuve de
l'efficacité d'une gestion décentralisée et partenariale de l'environnement.
Le mouvement de centralisation s'est confirmé cette année avec la
budgétisation des ressources de l'ADEME, dont on ne voit, pour l'instant, que
les effets négatifs, en l'occurrence le rationnement des crédits, la baisse des
pourcentages d'intervention.
(Mme le ministre proteste),
en particulier au profit du traitement des
fumées, de la collecte et du tri sélectifs.
Le Gouvernement va donc fiscaliser la redevance des agences de l'eau au sein
de la TGAP. Cette décision, madame la ministre, soulève l'inquiétude des élus
locaux, en particulier des maires, et je me fais ici l'interprète de
l'Association des maires de France. Cette nouvelle fiscalité indirecte sur
l'eau potable pèsera sur les redevances de l'eau, soit à 80 % sur l'eau à usage
domestique. Le système des vases communicants, tel qu'il est conçu par le
Gouvernement, risque d'assécher les ressources allouées à la politique de
l'eau. Il en résultera une augmentation des coûts de production, et donc une
nouvelle hausse du prix de l'eau pour le consommateur : c'est une autre manière
d'annoncer des baisses de prélèvements obligatoires tout en alourdissant, de
façon moins visible, les dépenses liées à la consommation.
Le seul type de fiscalité acceptable est la parafiscalité, dont on a vu un
exemple de fonctionnement satisfaisant à propos des agences de l'eau. Les
ressources procurées par la parafiscalité doivent toutefois naturellement
diminuer au rythme de la réduction de la pollution, ce qui ne sera pas le cas
avec l'écotaxe, qui n'a pas pour vocation de diminuer, qu'il y ait ou non
réduction de la pollution.
Pourquoi démanteler un système qui fonctionne, madame la ministre ?
Malheureusement, pour opérer un prélèvement, pour ne pas dire un hold-up, sur
les ressources des agences de bassin.
La fiscalité écologique peut certes être un instrument de lutte contre la
pollution. Elle doit cependant rester incitative et non punitive.
L'affectation du produit de la TGAP au financement du passage aux 35 heures
constitue un dévoiement de la fiscalité écologique et pose la question de la
légitimité de son utilisation comme outil d'une prétendue politique de
l'emploi, au détriment d'une politique de l'environnement.
L'an dernier, la majorité sénatoriale avait rejeté votre projet de budget,
principalement en raison de la création de la TGAP, symbole d'une approche
budgétaire centralisatrice. Nous avions en effet analysé la budgétisation des
ressources qui, jusqu'à présent étaient affectées à l'ADEME, comme une
véritable captation étatique. La présentation du projet de budget nous a
apporté la confirmation de la justesse de notre analyse.
La mainmise de l'Etat s'accroît. Si nous assistons à une augmentation
spectaculaire des crédits, c'est uniquement au service d'une logique de
pouvoir, au détriment d'une logique d'incitation et d'action.
Où sont les grands discours sur la gestion de proximité, madame la ministre ?
Si l'on relit les propos que vous avez pu tenir voilà quelques années sur ce
sujet, on ne peut que beaucoup s'interroger. Mais il est vrai que, depuis, vous
êtes devenue membre du Gouvernement...
La TGAP s'inscrit donc dans une logique budgétaire et non dans une logique
environnementale. De plus, l'absence d'affectation des prélèvements fiscaux à
des actions d'environnement pénalisera, de fait, le développement des pratiques
respectueuses de l'environnement.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que mes collègues du groupe de l'Union
centriste et moi-même ne pourrons voter les crédits de l'environnement inscrits
au projet de loi de finances pour 2000.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
.
M. le président.
La parole est à M. Balarello.
M. José Balarello.
Madame la ministre, le projet de budget de l'environnement que vous nous
présentez a des aspects à la fois positifs et négatifs.
Parmi les aspects positifs, notons votre volonté de faire du ministère de
l'environnement un ministère à part entière doté d'un véritable budget à la
fois de fonctionnement et d'investissement.
Cela nous rappelle les balbutiements, au cours des années soixante et
soixante-dix, du ministère de la culture, qui est maintenant, fort
heureusement, un département ministériel de plein exercice, même si ses
principales actions sont tributaires de financements croisés des collectivités
locales. Il en ira de même d'ailleurs du vôtre.
C'est ainsi que, parmi les aspects positifs de votre projet de budget, nous
enregistrons une augmentation des crédits, portés de 3 956 millions de francs à
4 697 millions de francs, puisque vous nous avez annoncé tout à l'heure 400
millions de francs supplémentaires, ce qui représente une progression de 8,6 %,
les autorisations de programmes bénéficiant, quant à elles, d'une augmentation
de 5,9 %.
Cependant, vous êtes encore loin d'obtenir que le ministère de l'environnement
soit un ministère de plein exercice puisque votre projet de budget ne
représente que 0,25 % ou 0,30 % du budget de l'Etat.
Un autre aspect positif est, d'une part, la création de cent quarante postes -
je ne la critiquerai pas, contrairement à certains, car elle me paraît
indispensable pour créér un ministère de plein exercice qui puisse ensuite être
doté d'un budget d'investissement raisonnable - dont cinquante sont destinés à
mettre en place une inspection générale de l'environnement et une direction des
études économiques et de l'évaluation environnementale, et, d'autre part, le
transfert de soixante-dix emplois, dont sept du ministère de l'environnement et
soixante-trois du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
L'effort est également important en ce qui concerne la DRIRE, la direction
régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, ainsi que les
services vétérinaires.
De même, nous vous approuvons lorsque vous mobilisez la recherche au service
des politiques environnementales par des subventions en hausse de 11,8 % à
l'Institut national de l'environnement industriel et des risques ou lorsque
vous créez 20 000 à 30 000 emplois-jeunes dans le secteur de l'environnement.
Nous avons vu, dans d'autres pays, qu'il s'agit d'un secteur porteur engendrant
des emplois durables et de qualité.
Au 31 juillet 1999, 13 979 jeunes étaient déjà embauchés. Je vous indique à ce
propos que ma commune, en étroite collaboration avec le parc national du
Mercantour, a participé à cette action à hauteur de 16 emplois-jeunes.
Il est indispensable d'augmenter les crédits pour l'action internationale,
particulièrement pour les actions de coopération. Vous l'avez fait : ils sont
de 22,7 millions de francs dans le projet de budget pour 2000, soit une
progression de 11 % par rapport à 1999.
Un récent colloque, qui s'est tenu à Menton et à l'occasion duquel je suis
intervenu, a montré l'utilité de la coopération, notamment entre les parcs
nationaux transfrontaliers. Vous nous aiderez, j'en suis persuadé, à faire
classer dans le patrimoine national les deux parcs nationaux français et
italien du Mercantour et de l'Argentera, dans les Alpes-Maritimes, puisque,
comme vous le savez, ces deux parcs sont jumelés.
Comme l'ont souligné MM. les rapporteurs, la progression de 14,2 %, dans votre
projet de budget, des crédits consacrés à la protection de la nature, des sites
et des paysages constitue également un aspect positif, tout comme le
développement du réseau d'espaces naturels protégés.
En revanche, le renforcement de 6 % par rapport à 1999 des crédits affectés
aux parcs nationaux, crédits qui s'établissent à 186,38 millions de francs, est
à mon avis insuffisant. J'y reviendrai pour le parc national du Mercantour.
De même, les crédits affectés au Conservatoire du littoral ne sont pas à la
hauteur du défi à relever. Ils stagnent à 149 302 144 francs au moment où les
médias ne parlent plus que de paillotes, en méconnaissant souvent le droit,
l'impact économique des installations existantes et les droits accquis avant la
loi « littoral » de janvier 1986 et, surtout, la loi du 28 novembre 1963
relative au domaine public maritime. Le renforcement de l'action du
Conservatoire du littoral permettrait peut-être de mettre tout le monde
d'accord.
Dans ce chapitre budgétaire, nous avons noté également des transferts de
crédits du compte d'investissement vers le compte de fonctionnement, ce qui
nous paraît critiquable.
Les côtés négatifs de votre projet de budget, soulignés par MM. les
rapporteurs, sont nombreux. Même si, comme nous en avons le sentiment, ils
résultent d'arbitrages vous ayant été imposées au sein du Gouvernement, le
Parlement a le devoir de les mettre en avant.
Votre projet de budget conforte le rôle des associations : en 1999, on a
recensé 1 500 associations agréées au titre de l'environnement parmi lesquelles
plus de 300 avaient bénéficié de subventions pour 345 millions de francs.
Mais quels sont les critères d'éligibilité ? Il y a là une absence de
lisibilité.
Les associations regroupent en effet en leur sein non seulement beaucoup de
personnes de qualité mais également un grand nombre de démagogues
irresponsables souvent rejetés par le suffrage universel, dont le seul but est
de régler des comptes et de déposer plainte contre des élus locaux, alors que
les moyens financiers des communes ne permettent pas à ces derniers de faire
face à tout, tout de suite.
Par ailleurs, madame la ministre, les élus locaux que nous sommes quasiment
tous dans cette assemblée ne peuvent assister sans protester à l'accroissement
des prélèvements opérés sur les budgets des agences de l'eau, ce « processus
portant atteinte au principe fondamental de l'autonomie de gestion des
organismes de bassin ».
Il n'est pas admissible que, pour l'an 2000, on prélève 500 millions de francs
pour alimenter le nouveau Fonds national de solidarité pour l'eau, lequel
financera, entre autres dépenses, la maîtrise de la consommation d'eau dans le
logement social. Par conséquent, les différents programmes des agences de l'eau
prévus pour la période 1997-2001 devant permettre de financer un montant de
travaux estimé à 105 milliards de francs devront être revus à la baisse.
Maire d'une commune de 2 000 habitants, mais la plus vaste des Alpes-Maritimes
par son territoire, j'ai déjà fait réaliser une nouvelle station d'épuration ;
une deuxième est en travaux, et je viens d'acheter les terrains d'une
troisième. Comment voulez-vous, madame la ministre, que les collectivités
locales rurales puissent financer ces travaux si l'aide de l'Etat, de l'agence
de l'eau, des régions et des départements n'est pas massive et n'atteint pas 80
% de la dépense hors taxes ?
Ma critique portera également sur le problème du financement de la réduction
des pollutions à travers le traitement des déchets ménagers et assimilés : 434
kilogrammes par habitant et par an, en moyenne, dans notre pays.
L'ADEME prévoit que les collectivités locales y consacreront 20 milliards de
francs d'investissements jusqu'à l'échéance de 2002. Les maires sont conscients
du problème, bien qu'un manque d'informations subsiste quant à l'application
dans le temps de la loi du 13 juillet 1992 ayant transposé la directive
européenne du 18 mars 1991.
Cependant, en mai 1999, l'ADEME a décidé unilatéralement de réviser à la
baisse ses taux d'intervention avec effet rétroactif au 1er janvier 1999. En
moyenne, les taux de subvention sont réduits de 38 % : sur les usines
d'incinération, le taux est réduit à 5 %, et, sur les plates-formes machefer, à
20 % au lieu de 50 % en 1998. En même temps, l'ADEME va encaisser 400 millions
de francs supplémentaires au titre de la TGAP.
Je suis heureux d'apprendre, madame la ministre, que vous avez pu obtenir ce
jour une progression de 400 millions de francs de votre budget. L'ADEME
va-t-elle augmenter son aide aux communes ? Nous aimerions connaître votre
réponse sur ce point qui nous paraît très important.
La TGAP n'est qu'un impôt supplémentaire, alourdissant la fiscalité écologique
et pénalisant les entreprises. La défense de l'environnement et votre budget en
tireront peu de crédits, puisque les sommes ainsi collectées financeront la
hausse du coût du travail résultant de la mise en place de la loi sur les 35
heures au travers du budget de la sécurité sociale.
Madame la ministre, après cet examen non exhaustif de votre projet de budget,
je veux attirer votre attention sur quatre points.
Le premier concerne les parcs nationaux, en particulier celui du Mercantour
dont je préside la commission permanente.
J'ai pris connaissance avec intérêt de la question qui vous a été posée par
notre commission des finances sur les parcs nationaux et leurs objectifs, et de
votre réponse. Il est bon que les parcs élaborent chacun un programme
d'aménagement sur cinq ans, que l'on modernise les équipements situés en zone
centrale, que l'on crée de nouveaux parcs, notamment en Guyane, département
d'ailleurs méconnu, aux potentialités touristiques très importantes avec ses
grands fleuves.
Mais les crédits affectés aux parcs nationaux sont insuffisants. Je vous
rappelle que la loi du 22 juillet 1960 créant les parcs nationaux précise en
son article 3 que « le décret de classement peut délimiter autour du parc une
zone dite périphérique où les diverses administrations publiques prennent...
toutes mesures pour permettre un ensemble de réalisations et d'améliorations
d'ordre social, économique et culturel...» Or, depuis 1960 - cela ne date pas
de votre ministère, je vous en donne acte - cette disposition est restée lettre
morte, et cela continue.
Le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement met chaque
année à la disposition de l'ensemble des zones périphériques des parcs
nationaux 9 millions de francs - somme on ne peut plus symbolique que doivent
s'arracher les sept parcs nationaux français - qui servent seulement à financer
des actions telles que la sauvegarde du patrimoine naturel, la réhabilitation
du petit patrimoine rural, des actions de communication-pédagogie et
l'aménagement de grands sites, sans que quoi que ce soit soit prévu pour
fertiliser ces zones périphériques en termes économiques et sociaux, comme l'a
précisé la loi portant création des parcs nationaux.
En outre, les parcs nationaux ne sont pas pour l'instant intégrés aux contrats
de plan Etat-région, d'où la nécessité de mettre en oeuvre un vrai programme
pluriannuel pour la zone périphérique des parcs. Je sais que vous essayez de
mettre en route ce programme. C'est ce que les élus des communes qui ont donné
des territoires aux parcs vous demandent.
Je profite de cette intervention, madame la ministre, pour vous demander
d'affecter des crédits significatifs afin de terminer l'aménagement de la
maison du parc de Tende, commune dont je suis maire, et qui a tout de même
donné plus de 5 000 hectares au parc national du Mercantour ; les travaux ont
commencé voilà trois ans et ils traînent faute de crédits. J'espère que mon
appel sera entendu !
Un deuxième point me préoccupe. Je vous ai adressé, le 28 juillet dernier,
madame la ministre, une question écrite restée à ce jour sans réponse,
concernant l'existence de bâtiments en ruines datant pour la plupart de la
Seconde Guerre mondiale, qui défigurent le paysage de la vallée de la Roya,
notamment en bordure de la route nationale 204, voie sur laquelle transite un
flot de touristes très important venant non seulement d'Italie mais aussi de
Suisse ou d'Autriche.
Tous ces bâtiments sont situés dans la zone périphérique du parc national du
Mercantour sur la commune de Breil-sur-Roya et donnent aux touristes une image
négative de l'entrée dans le territoire français. Ne vous semble-t-il pas
souhaitable, madame la ministre, s'agissant de la zone périphérique du parc
national, de charger le parc de se préoccuper de ce problème et de coordonner
ces démolitions avec l'aide de la région, du conseil général et de la SNCF,
propriétaire de ces biens puisqu'il s'agit d'anciens transformateurs
électriques, en lui accordant pour ce faire des crédits spécifiques ?
D'autres orateurs avant moi ont évoqué la directive Habitat ou Natura 2000.
Ne pourriez-vous pas obtenir de l'Union européenne qu'elle précise aux
décideurs locaux, notamment, quelles en seront les contraintes ? On ne peut, au
cours de réunions de concertation, délivrer des chèques en blanc à
l'administration !
Enfin, je terminerai - soyez rassurés, je serai bref - par le problème du loup
que les éleveurs et les bergers du Mercantour, appuyés par la plupart des
municipalités de montagne - et je préside aux destinées d'une municipalité de
montagne depuis plus de trente ans - souhaiteraient mieux contrôler.
Je ne vous apprendrai pas qu'à ce jour ce sont plus de 5 000 brebis qui ont
été tuées par les loups dans l'Arc alpin, dont la majeure partie dans les
Alpes-Maritimes et un très grand nombre sur le territoire de ma commune, depuis
leur réapparition en France, dans le Mercantour. Je ne suis pas de ceux qui
demandent leur éradication, la convention de Berne assurant leur protection et
cet animal sauvage méritant de vivre. Mais cette même convention, dans son
article 9, permet de déroger à cette préservation pour prévenir des dommages
importants aux cultures et au bétail.
Si la convention de Berne elle-même prévoit de telles atténuations à la
protection des loups, pourquoi ne pas adopter une position de sagesse, qui
serait de créer, pour ce qui est du Mercantour, une zone de 150 hectares
clôturée dans laquelle le loup pourrait s'ébattre en toute liberté, la sécurité
des élevages étant assurée au-delà ?
J'avais proposé cette solution de bon sens il y a trois ans déjà au conseil
d'administration du parc national et tous les élus de la zone périphérique
avaient voté une motion en ce sens.
Nous serons bien obligés, madame la ministre, d'adopter une telle démarche,
faute de quoi les bergers feront des battues et personne n'osera les traduire
en justice ou les condamner, même de façon symbolique, vous le savez fort bien
!
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, le groupe des Républicains et
Indépendants ne pourra pas voter le budget de votre ministère.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lepeltier.
M. Serge Lepeltier.
Madame la ministre, c'est en ayant à l'esprit la nouvelle dynamique dans
l'opinion pubique, et dont nous nous réjouissons, des questions touchant à
l'environnement qu'il nous appartient d'examiner le projet de budget que vous
nous présentez.
Votre budget a toutes les apparences d'un bon budget. Tout d'abord, il est en
hausse significative puisqu'il affiche une progression de 8,6 %.
Cette hausse permet la création de 140 emplois nouveaux, dont 54 postes dans
le corps de l'inspection des installations classées, 36 dans les DIREN, ce dont
on ne peut que se réjouir, et 50 dans l'administration centrale, ce qui
peut-être nous pose plus de problème.
Cette création de postes répond à votre souhait de faire de votre ministère un
ministère de plein exercice.
Ce choix, vous l'avez fait à l'évidence en ne voulant pas rester un ministre
virtuel, ce qui ne correspond sûrement pas à votre personnalité, comme vous me
l'aviez indiqué dans votre réponse l'année dernière.
Cette croissance des crédits nous réjouit puisqu'elle est surtout consacrée à
la protection de la nature et des espaces naturels. Mais tout cela, même si ce
n'est naturellement pas négligeable, ne doit pas masquer les faiblesses, voire
les contradictions auxquelles est confrontée votre politique.
L'augmentation à laquelle je faisais référence doit tout d'abord être
relativisée puisque votre budget, madame la ministre, ne représente, en dépit
des efforts consentis, que 0,3 % environ du budget civil de l'Etat et reste
l'un des plus faibles des pays de l'Union européenne.
M. René-Pierre Signé.
C'est mieux qu'avant !
M. Serge Lepeltier.
C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles votre politique, même si
elle bénéficie sur le plan médiatique du caractère emblématique de votre
personnalité, ne va pas assez loin dans certains cas en matière
environnementale ou, plus grave, fait fausse route dans d'autres cas.
Je citerai brièvement deux exemples pour préciser les domaines dans lesquels
elle ne va pas assez loin et un exemple pour rappeler ceux où elle fait fausse
route.
Ces deux exemples concernent deux secteurs que je souhaite rappeler. Le
premier a trait au bruit. Les nuisances sonores sont très légitimement
considérées par nos concitoyens comme la cause principale d'insatisfaction à
l'égard de leur cadre de vie et affectent principalement les catégories
sociales les moins favorisées.
Dans le présent projet de budget, même s'il est vrai que les autorisations de
programme en faveur de la lutte contre le bruit augmentent sensiblement, les
dépenses ordinaires et les crédits de paiement alloués en ce domaine dépassent
en l'état à peine 20 millions de francs, soit seulement 0,9 % des dépenses
consacrées par le ministère de l'environnement à la prévention des pollutions
et des risques.
C'est dire, madame la ministre, à quel point la lutte contre le bruit reste le
parent pauvre de l'environnement et combien il est nécessaire d'agir pour en
faire une véritable priorité nationale.
Chargée d'impulser une telle politique, vous venez, très récemment, de faire,
avec le ministre de l'équipement, des transports et du logement, une
communication relative aux bruits des transports terrestres. Je ne peux que
m'en féliciter, même si je suis assez réservé sur les moyens dont le
Gouvernement dispose pour l'application concrète d'un tel programme.
Vous venez, certes, de déposer un amendement de dernière minute proposant une
rallonge budgétaire en faveur de l'ADEME, à hauteur de 300 millions de francs.
Je le note naturellement avec intérêt, tout en vous remerciant de nous préciser
la part qui pourrait être réservée dans ces crédits supplémentaires à la lutte
contre le bruit.
Mon second exemple, dans un autre secteur, concerne la lutte contre les
émissions de gaz à effet de serre.
Vous le savez, vous l'avez d'ailleurs rappelé, madame la ministre, lors de la
conférence de Bonn, cette lutte est une priorité internationale et ce doit être
une priorité nationale que de tenir nos engagements de Kyoto. Il faut aller
vite. L'enjeu est clair : si l'on ne fait rien aujourd'hui, il deviendra de
plus en plus difficile d'agir.
Quelque 20 % de la population du globe consomme, à elle seule, 80 % de
l'énergie mondiale. La planète émet aujourd'hui six milliards de tonnes de
carbone, elle en émettra vingt milliards en 2050 si nous ne faisons rien.
Face à un tel enjeu international, la France doit apparaître en pointe avec
une politique très volontariste. Elle renforcerait ainsi son crédit auprès des
pays émergents et retrouverait une place dans le concert des nations en jouant
un rôle moteur dans le domaine de l'environnement.
Or, que constate-t-on ? De l'attentisme. Un programme national de lutte contre
les gaz à effet de serre sans cesse annoncé mais toujours repoussé. On imagine
aisément les luttes d'intérêt auxquelles ce programme doit faire face. Les
derniers arbitrages tardent à intervenir et il ne faudrait pas que l'essentiel
du plan, c'est-à-dire, en quelque sorte, tout ce qui est difficile à mettre en
oeuvre ne soit écartée. Il ne faudrait pas que ce plan, au fur et à mesure des
navettes entre les divers ministères, ne se réduise comme une peau de chagrin
et qu'il ne devienne plus qu'un plan virtuel.
Que faire ? A mes yeux, ce plan, pour être efficace, devra forcément être
multipolaire et toucher l'ensemble des secteurs concernés.
Où en est, madame la ministre, la question essentielle du réchauffement
climatique sur laquelle, encore une fois, la France doit, sur le plan
international, prendre des positions fortes ? Vous avez dans ce domaine, comme
dans d'autres, un rôle à jouer, un rôle de sensibilisation, un rôle pédagogique
pour que les populations se sentent très directement concernées et puissent
progressivement changer leur comportement.
A ce sujet, je voudrais, vous faire une suggestion. A l'instar de ce qui
existe en matière de défense nationale avec l'Institut des hautes études de
défense nationale et en matière de sécurité intérieure avec l'Institut des
hautes études de la sécurité intérieure, ne pourrait-on pas envisager la
création d'un Institut des hautes études de l'environnement ? Placé sous
l'autorité du ministère de l'environnement, cet institut pourrait avoir pour
mission de réunir des responsables de haut niveau appartenant à la fonction
publique et à tous les secteurs d'activité de la nation en vue d'approfondir
leur connaissance en matière d'environnement par l'étude en commun des
problèmes qui se posent dans ce domaine. Et c'est un ancien auditeur de l'IHEDN
qui vous le dit !
Il s'agirait de promouvoir le plus largement possible à travers la société
française une véritable culture de l'environnement, d'en développer le
caractère transversal et, par là même, plus mobilisateur. J'aimerais, madame la
ministre, connaître votre sentiment sur cette proposition.
Je voudrais terminer en citant un exemple, qui est d'ailleurs plus que cela,
tant il est au coeur de votre politique, qui fait que, dans certains domaines,
et notamment dans celui-ci, vous me semblez faire fausse route. Il s'agit de la
TGAP.
Je ne veux pas trop insister, pusique beaucoup a déjà été dit dans ce domaine,
mais simplement rappeler que ce n'est pas le principe d'une écotaxe qui est en
cause - elle peut être utile dans certains secteurs - mais l'utilisation qu'on
en fait.
Une écotaxe est une taxe qui prend pour principal objectif un objectif
environnemental pour faire en sorte que les industries s'adaptent et
aboutissent à une moindre nuisance en matière d'environnement. Pour cela, il
faut donc que l'écotaxe soit directement ciblée et de façon précise sur les
secteurs très - on va le dire comme cela - polluants, avec un taux suffisamment
significatif pour qu'il ait une répercussion en matière de choix industriel.
Or, la TGAP est en quelque sorte l'inverse de cette écotaxe.
Est-il en effet vraiment concevable qu'une taxe destinée à l'origine à lutter
contre les nuisances se voit
de facto
assigner un objectif de rendement
fiscal au risque évident de perdre une part de sa lisibilité et de son
caractère éducaitf ?
Madame la ministre, ces quelques exemples ne peuvent que nous inciter à
regretter que, pour le moins dans certains domaines, vous n'alliez pas assez
loin et pas assez vite.
On ne peut que regretter que, malgré votre grande force de conviction, les
arbitrages ne se fassent pas plus souvent en votre faveur.
Attention, madame la ministre, dans vingt ans, on ne jugera pas votre image,
on jugera les changements structurels que vous aurez apportés à la politique
environnementale. Je souhaite pour ma part, même si cela peut vous surprendre,
que ce jugement soit positif, ce qui est loin d'être assuré aujourd'hui.
A vous donc d'en convaincre vos collègues et peut-être plus encore le Premier
ministre.
C'est donc en ayant un peu l'impression de vous soutenir dans de nombreux cas
que je voterai contre votre budget.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.
- Exclamations sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en progression
de 8,6 %, comme l'ont déjà signalé nombre de mes collègues, le budget du
ministère de l'environnement connaît une hausse importante, qu'il convient de
saluer, dans un contexte où le budget de la nation ne connaît qu'une
augmentation de 0,9 %.
Cette progression annoncée bel et bien amorcée manifeste l'attachement de la
majorité plurielle pour une politique environnementale ambitieuse.
Reste à s'interroger, madame la ministre, sur les axes de la politique que
vous souhaitez conduire. Je le ferai en parcourant, au gré de quelques crédits,
les priorités dont témoigne le document budgétaire de votre ministère.
J'aborderai enfin les questions environnementales, qui nous semblent
essentielles.
De prime abord et à l'inverse de bien des budgets qui nous sont présentés, on
observe l'accroissement des moyens en personnel de votre ministère : 210
emplois, dont 140 créations de postes.
Or une politique environnementale efficace appelle le renforcement du nombre
des emplois publics de ce secteur.
Et nous savons bien que l'effort devra être poursuivi afin que la législation
écologique, notamment, bénéficie des moyens humains nécessaires à son
application.
Nous nous réjouissons également de la création d'une nouvelle direction dite «
des études économiques et de l'évaluation environnementale ».
Cette direction devrait permettre d'associer la politique et la réflexion
environnementales à la politique économique.
La protection de l'environnement doit pouvoir s'apprécier en termes d'impact
économique sans pour autant en être l'otage de l'économie.
Nous pensons, quant à nous, qu'une politique environnementale peut être
génératrice non seulement d'emplois, mais également, et ce sera encore plus
vrai dans les années à venir, génératrice de plus-values.
Nous souhaitons que cette nouvelle direction fournisse, dans une perspective
de développement durable qui a notre soutien, un instrument d'expertise pour
les politiques publiques.
La politique de recherche environnementale reste, à notre sens, le maillon à
consolider.
Avec 2,1 % d'augmentation en dépenses ordinaires et en crédits de paiement,
l'effort en faveur de la recherche n'est pas de nature à permettre l'innovation
nécessaire à la recherche écologique.
Des politiques publiques sont un instrument incontournable de la recherche
dans bien des secteurs où l'on sait le peu de volonté de quelques grands
groupes. Les énergies fossiles ou renouvelables, les modes de transport et
l'eau en sont les exemples les plus remarquables.
S'agissant du programme « emplois-jeunes », votre ministère s'est fixé
l'objectif de créer de 20 000 à 30 000 emplois durables. Est-ce à dire que ces
emplois seront pérennisés au-delà des cinq ans prévus par le texte ?
S'ils sont pérennisés, ce que nous souhaitons, cela témoignera des besoins du
secteur environnemental. Mais sous quelles formes le seront-ils ?
Les enjeux de l'écologie débordent le cadre strictement national. Les crédits
de l'action internationale sont en progression de 11 %, ce dont nous nous
félicitons, tout en rappelant qu'il reste beaucoup à faire ne serait-ce que
pour amorcer des chantiers comme la biodiversité, les conventions « climats »,
etc.
J'en viens à présent à plusieurs questions qui nous semblent justifier
l'existence d'un débat particulier, la dernière d'entre elles pouvant figurer
au thème de la recherche publique.
L'Etat consacre 364 millions de francs à la politique de l'eau. Le projet de
loi de finances crée un Fonds national de solidarité pour l'eau. Contrairement
à notre collègue M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, nous ne pensons pas
qu'une politique de l'eau nationale et une politique de l'eau décentralisée
soient incompatibles.
Permettez-moi, à ce titre, madame la ministre, de mentionner le dépôt d'une
proposition de loi sur l'eau par notre groupe, sur l'initiative de mon ami
Robert Bret.
La gestion de l'eau figure au premier rang des préoccupations de nos
compatriotes. De multiples initiatives associatives voient le jour pour
dénoncer, avec raison, les coûts de la ressource, l'arbitraire du prix des
abonnements de base, le quasi-monopole de quelques grands groupes qui réalisent
d'importants bénéfices sur un bien commun indispensable à tous.
Lors d'une réunion de présentation de cette proposition de loi, nous avons
associé des représentants des usagers, des membres des personnels et des élus.
Notre proposition de loi découle de cette démarche. Madame la ministre, nous
pensons que l'Etat se doit d'intervenir aujourd'hui dans la mise en oeuvre
d'une politique nationale de l'eau. A cette fin, nous préconisons la création
d'une Agence de l'eau. Faute de temps, je n'entrerai pas dans le détail. Mais
je tiens ce texte à votre disposition, et je souhaite que ce débat soit ouvert
au plus vite.
Comme l'a souligné notre rapporteur, non sans humour, nous sommes en l'an II
de la taxe générale sur les activités polluantes. Mais, entre sa création et
son application, combien la détournent ?
Pour mémoire, je rappellerai notre désaccord de fond sur le principe «
pollueur-payeur », qui établit un véritable droit à polluer.
Ce principe posé, nous assistons à une extension de ce concept qui fait de
chacun de nous un pollueur potentiel.
En cela, cette taxe nous éloigne déjà de la notion de développement durable,
sauf à concevoir le développement sans l'homme.
Ainsi, l'utilisateur de produits lessiviels est un pollueur, l'agriculteur
aussi, et aucune des activités humaines n'échappera dans les années à venir à
l'extension de cette taxe.
En ce qui concerne les agriculteurs, qui sont aujourd'hui en plein désarroi
face à la crise, face à une baisse durable des cours, j'invite le Gouvernement
à reconsidérer, entre autres mesures nécessaires, les taxations
environnementales qui les frappent. La majorité d'entre eux sont aujourd'hui
dans une situation catastrophique, il faut en tenir compte.
J'ose espérer que la nomination d'un chargé de mission, d'un « M. Crise »
auprès du préfet de la région Bretagne, contribuera à apaiser le climat qui
règne actuellement et à rouvrir une brèche d'espoir. Il y a urgence car la
situation financière des agriculteurs s'aggrave de jour en jour. Certains
exploitants désespérés vont même jusqu'à mettre fin à leurs jours.
Une large majorité des agriculteurs accepte volontiers de contribuer à
l'amélioration de l'environnement, ils l'ont déjà démontré ; encore faut-il que
des revenus dignes de ce nom leur permettent de le faire !
On pourrait s'accommoder de la TGAP si celle-ci était utilisée au
développement de la politique environnementale ; mais, au lieu de cela, ce
nouvel impôt est affecté au budget de la nation, mieux, au financement des 35
heures
via
des réductions de cotisations sociales sur les salaires.
Une part des prélèvements de la TGAP pourrait conforter les crédits de l'ADEME
dont l'insuffisance bloque la création d'un centre de tri départemental des
déchets dans les Côtes-d'Armor. A cela s'ajoute la baisse de participation,
soulignée par mon collègue M. Bernard Joly.
En bas de la chaîne, l'usager, du plus aisé au plus modeste, n'enregistrera
pas les effets de la théorie du « double dividende », puisqu'il devra
acquitter, à travers sa consommation, ce nouvel impôt.
J'en viens au troisième thème, la gestion des déchets radioactifs. Ces déchets
nucléaires, ils existent, ils existeront pour de nombreuses années encore.
Où en sommes-nous aujourd'hui de la politique de recherche conduite en matière
d'enfouissement des déchets ? Quand aurons-nous une définition précise de la
perturbation dans les zones Natura 2000 ?
Le temps de parole qui nous est imparti, bien que supérieur à celui des années
précédentes, ne nous permet pas d'aborder certains thèmes que nous aurions
voulu évoquer.
Nous souhaiterions ainsi que la politique environnementale associe, plus
qu'elle ne le fait aujourd'hui, notre représentation nationale.
Nous pensons, en outre, que le siècle à venir doit s'attacher, bien plus qu'il
ne l'a fait jusqu'à aujourd'hui, au fait urbain.
L'environnement doit prendre en compte cette nouvelle dimension pour rendre à
la ville de son humanité.
Ces observations faites, notre groupe soutiendra le budget que vous nous
présentez, madame la ministre.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste, républicain et citoyen, ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Boyer.
Mme Yolande Boyer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au même titre
que les crédits de l'aménagement du territoire, les crédits de l'environnement
connaissent une augmentation majeure, avec une hausse de 8,6 %, c'est-à-dire
une croissance quatre fois supérieure à l'évolution moyenne des dépenses de
l'Etat.
Cela reflète de manière forte le caractère prioritaire de ce secteur pour le
Gouvernement. Nous nous en félicitons.
Cela reflète également un nouveau pas vers un vrai ministère de plein exercice
du fait du renforcement des moyens humains de ses services et de la création
d'une direction consacrée aux études économiques et à l'évaluation
environnementale.
Ce projet de budget s'articule autour de quatre axes majeurs qui ont été
rappelés par les orateurs précédents.
Pour ma part, j'évoquerai trois aspects : la TGAP, l'eau et la maîtrise des
pollutions, ainsi que le littoral.
La taxe générale sur les activités polluantes est, depuis sa création, un
instrument de prévention des comportements polluants. Elle va par ailleurs
permettre d'alléger les charges sociales, liant ainsi la lutte pour
l'environnnement et la lutte contre le chômage. Au-delà du symbole, notons que
les modifications de taux de la TGAP et l'extension de son champ d'application
vont dans le bon sens.
L'an prochain, son assiette sera élargie, mais faisons très attention à ce que
cette modification s'insère concrètement dans d'autres dispositifs. Je prendrai
un exemple concret en citant ma région, la Bretagne, à laquelle M. Gérard Le
Cam vient de faire allusion.
Des agriculteurs tentent de sortir de la logique productiviste développée
jusqu'ici. Or, les coûts engendrés par les mises aux normes pèsent très lourd
sur les budgets de leurs exploitations, dans un contexte de crise pour
plusieurs secteurs de production, et même de situations dramatiques dans
certains cas.
La TGAP doit donc être appliquée avec discernement, afin de ne pas pénaliser
ceux qui tentent de faire évoluer notre modèle agricole.
Je parlais à l'instant de la Bretagne, et cela m'amène à évoquer la politique
de l'eau. A ce propos, je me réjouis de la préparation d'une loi sur l'eau en
2001. Le Fonds national de l'eau et sa composante le Fonds national de
solidarité pour l'eau, sont les prémisses.
Dans ma région, en particulier, nous savons à quel point la reconquête de la
qualité est un enjeu majeur, vital pour notre avenir. Le constat s'impose : il
existe un véritable état d'urgence. La Bretagne a le triste privilège d'avoir
des eaux fortement polluées ; elle est aussi très attentive, notamment par le
biais de ses associations et de ses collectivités territoriales, aux évolutions
prises en compte pour sa reconquête. Le volonté des citoyens de s'emparer de ce
sujet est déterminante.
Cette démarche existe aussi chez nos voisins européens, et le rapport de
l'Agence européenne de l'environnement du 24 juin 1999 soulignait que l'état
des lieux est préoccupant, malgré 315 directives en vingt-cinq années de
politique environnementale communautaire. Cela m'amène, madame la ministre, à
vous poser la question de l'harmonisation des volontés politiques en matière
d'environnement pour l'ensemble des pays de l'Union européenne, les règles n'y
étant pas forcément les mêmes, notamment en ce qui concerne les mesures
correctives déclinées dans le programme de maîtrise des pollutions d'origine
agricole.
Les collectivités locales montrent, elles aussi, leur volonté d'agir en ce
domaine. Par exemple, les Etats généraux de l'eau se sont tenus dans mon
département, le Finistère, en avril 1999. L'une de ses conclusions porte sur la
prise en compte prioritaire du dossier de l'eau dans le prochain contrat de
plan Etat-région. Elle a également mis en avant la nécessité de mener de
multiples actions auprès des industriels, des agriculteurs, des associations,
notamment, pour qu'ils coordonnent leur travail sur le terrain. Je suis
certaine que, dans l'optique de la préparation de la loi sur l'eau, vous
associerez à vos réflexions tous les acteurs qui oeuvrent sur ce sujet depuis
de nombreuses années.
Je tiens également à évoquer le littoral, pour me féliciter de l'ouverture de
cinq postes supplémentaires au bénéfice du Conservatoire du littoral, ce qui
permettra de poursuivre la mise en place de meilleures conditions de gestion de
son patrimoine, et ce en association étroite avec les collectivités
territoriales. Il est cependant dommage que ses moyens n'augmentent pas en
matière d'acquisition foncière. En Bretagne, chacun a en effet pu mesurer les
bienfaits des acquisitions faites par le Conservatoire pour la protection des
rivages.
Je souhaite enfin évoquer un problème relevant à la fois de la politique de la
lutte contre les pollutions et de la politique de l'eau et du littoral, celui
des algues vertes. Cette question se pose, chaque fois avec plus d'acuité sur
les espaces littoraux bretons et nous semblons malheureusement bien impuissants
face à ce phénomène grave, récurrent et dramatique pour notre environnement,
mais également pour notre économie touristique.
Les communes littorales concernées, alors qu'elles ne sont que le dernier
maillon de la chaîne, se sentent et sont réellement pénalisées de façon
importante.
Malgré un réel effort pour limiter les apports en azote, les concentrations et
les flux continuent d'augmenter.
Le contrôle des marées vertes sera une affaire de longue haleine. Nous avons
besoin de l'aide accrue et constante de votre ministère dans ce domaine.
Je disais à l'instant que les questions d'environnement sont au coeur des
préoccupations des Français. Mais les élus que nous sommes le savent bien, il
faut dépenser des trésors d'énergie pour convaincre tous nos concitoyens de
l'intérêt qu'il y a pour eux-mêmes, pour la collectivité et pour la société en
général, à adopter des comportements écologiques.
Je salue l'objectif ambitieux de création d'emplois-jeunes que vous nous
annoncez et, en tant qu'enseignante, je crois aussi beaucoup à l'éducation. Je
pense que des actions faites en direction des jeunes s'imposent, car l'avenir
passera par eux. Il me paraîtrait intéressant qu'avec votre collègue, ministre
de l'éducation nationale, vous favorisiez des actions permettant une prise de
conscience des jeunes et une éducation. C'est par là, j'en suis persuadée, que
passent non seulement la réussite de la politique de l'environnement, mais
aussi notre avenir.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu du
temps qui m'est imparti, je limiterai mon propos au problème des déchets, à
celui des boues des stations d'épuration et à celui des relations
qu'entretiennent les services de l'Etat avec les acteurs locaux en charge de
ces secteurs de notre politique environnementale.
Le Gouvernement - mais sans doute aucun gouvernement n'échappe-t-il à cette
règle - fait valoir très largement les efforts qu'il consent en faveur de
l'environnement. Mais on parle beaucoup moins, sauf quand c'est pour les mettre
en accusation, des collectivités locales qui, à travers notre pays,
s'investissent également dans ce domaine, d'une manière extraordinaire,
notamment pour prendre en compte les problèmes liés aux déchets ménagers, aux
déchets industriels banals et au traitement des eaux usées.
On pourrait citer dans cette enceinte - on devrait d'ailleurs le faire - des
centaines d'exemples d'initiatives originales, innovantes, volontaristes, qui
non seulement se traduisent par une réelle efficacité opérationnelle, mais
encore conduisent, avec beaucoup de pédagogie, les hommes, les femmes et les
jeunes vers une attitude plus responsable et plus citoyenne à l'égard de leur
environnement.
Il a été décidé que le problème des déchets relevait de la compétence des
collectivités locales. Elles ne sont pas, elles-mêmes à l'origine de la
production de ces déchets. Il n'entre dans leur démarche aucune préoccupation
mercantile. Pourtant, elles sont soucieuses du meilleur service public et du
respect de la réglementation en constante évolution.
On leur impose des contraintes pour lesquelles on n'admet ni retard ni
défaut.
On leur impose également des échéances, dans le temps, des quotas en termes de
valorisation, des normes en matière d'impact sur l'environnement, des
injonctions, des menaces également, y compris sur le plan pénal.
Je ne suis pas persuadé que l'on mesure toujours à leur véritable dimension
les problèmes administratifs, juridiques, techniques, financiers et politiques,
auxquels les élus ont à faire face pour atteindre les objectifs qui leur sont
imposés et qu'ils ont, eux aussi, la volonté d'atteindre.
Parlons des difficultés administratives d'abord.
L'élaboration des plans départementaux d'élimination des déchets a pris des
retards considérables, ce qui a conduit à différer des projets, à en modifier
la consistance, à en redéfinir le plan de financement et, dans le même temps, à
subir des admonestations pour un allongement des délais dont, pourtant, la
responsabilité se situe le plus souvent ailleurs qu'au niveau des collectivités
locales.
De nombreux projets sont aujourd'hui bloqués dans ce contexte de flou
persistant.
J'en viens aux difficultés financières.
Il est vrai que la baisse de la TVA sur le traitement des déchets ménagers
faisant l'objet d'un tri préalable a écrêté l'accroissement des dépenses et que
la révision des barèmes d'Eco-Emballage et d'Adelphe a, elle aussi, apporté un
certain soulagement.
Relevons, néanmoins, que la véritable explosion des dépenses liées aux
services de l'eau, de l'assainissement et du traitement des déchets élargit
singulièrement l'assiette sur laquelle est prélevée la TVA. Même au taux de 5,5
%, cela représente pour l'Etat des sommes qui sont considérables et qui ne
cessent de croître.
En contrepartie des allégements acquis par les collectivités, les aides de
l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ont subi une chute
spectaculaire, passant de 50 % à 20 % pour les déchetteries, de 50 % à 20 %
pour les centres de tri, de 50 % à 30 % pour les dispositifs de collecte
séparative, de 10 % à 5 % pour les équipements d'incinération avec valorisation
énergétique.
En 1999, les investissements des collectivités locales se sont élevés à quatre
milliards de francs environ au titre du traitement des déchets. En 2000, ils
devraient se situer entre sept milliards et huit milliards de francs. Le volume
de leur investissement s'accroît donc de près de 50 %, alors que, dans le même
temps, les moyens d'intervention de l'ADEME augmentent dans une proportion
sensiblement moindre, nonobstant l'amendement qui nous sera soumis tout à
l'heure. Il y a là un recul difficilement acceptable.
On nous rétorque que l'Etat est dans l'impossibilité de faire davantage. Les
collectivités territoriales pourraient tenir le même langage, d'autant plus que
les mises aux normes diverses, la départementalisation des services d'incendie
et de secours, le poids de l'action sociale et les coûts de fonctionnement
engendrés par les exigences environnementales les placent dans une situation
financière de plus en plus tendue. L'effort demandé est, en effet, énorme.
Après avoir évoqué les difficultés administratives et les difficultés
financières auxquelles les acteurs de terrain sont confrontés, je voudrais
évoquer celles qui sont liées aux problèmes techniques qui ne sont pas
moindres.
Le parcours qui conduit de l'analyse de la situation aux choix stratégiques, à
celui des équipements et à celui des sites d'implantation est long, difficile
et semé d'embûches. L'expérience montre qu'il ne faut pas moins de dix ans pour
mettre en oeuvre un dispositif multifilière complet et efficace de gestion des
déchets.
Il arrive qu'un incident imprévu vienne perturber l'ordre des choses. Il faut
donc trouver, dans l'urgence, des solutions de substitution.
Nous aimerions que, dans ces circonstances, les services de l'Etat
s'emploient, dans un esprit de partenariat, à accompagner la recherche des élus
locaux, en vue de trouver une voie qui permette de concilier les différents
impératifs en jeu, plutôt que de se contenter de manier le bâton des
contraintes réglementaires.
Avant de conclure, je voudrais évoquer encore le problème des boues des
stations d'épuration, qui se pose en termes de plus en plus pressants, auquel
aucune réponse technique n'est apportée et qui ne fait l'objet d'aucune
inscription budgétaire spécifique.
En 1999, ce sont 850 000 tonnes de matière sèche qui seront retirées de nos
stations. Compte tenu des exigences réglementaires, notamment en matière de
traitement de l'azote et du phosphore, cette quantité s'élèvera, en 2005, à 1,3
million de tonnes, soit une augmentation de plus de 50 %.
Actuellement, de 20 % à 25 % des boues sont conduites en décharge, 60 % sont
épandues et de 15 % à 20 % font l'objet soit d'une incinération spécifique,
soit d'une co-incinération.
Le souci légitime de sécurité sanitaire et de traçabilité des produits
alimentaires ne permet pas d'envisager que l'épandage puisse être considéré
comme une solution pérenne. Il conviendrait me semble-t-il, d'accorder des
moyens importants à la recherche des techniques les mieux appropriées.
Il faudra conduire cette recherche sans
a priori
, notamment à l'égard
de l'incinération, que l'on a sans doute eu trop tendance à diaboliser, alors
que c'était l'insuffisance des dispositifs de traitement des fumées qu'il
convenait de condamner.
La coincinération des boues et des déchets ménagers après tri, ne nécessitant
aucun apport extérieur d'énergie, semble constituer, aujourd'hui, une solution
intéressante, de mieux en mieux maîtrisée et mettant en oeuvre des technologies
relativement innovantes.
Sachant quel délai sépare la prise de décisions de la mise en marche des
équipements, il me semble qu'il n'est plus permis d'attendre, faute de quoi
nous risquerions, ensemble, de porter une lourde responsabilité à l'égard de
nos concitoyens.
Compte tenu de l'insuffisance de l'accompagnement de l'Etat dans les combats
que mènent les élus locaux au service de l'environnement, ainsi que pour les
autres raisons invoquées par mes collègues, je confirme que le groupe du
Rassemblement pour la République ne pourra pas voter le budget qui est soumis à
son appréciation.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. René-Pierre Signé.
C'est dommage !
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis
d'observer, tout comme l'année passée, que l'environnement est de plus en plus
consacré budgétairement, c'est-à-dire politiquement.
Votre opiniâtreté, madame la ministre, combinée à celle du Gouvernement,
répond de manière forte aux préoccupations et aux attentes de nos concitoyens.
La progression de 8,6 % des crédits de votre département ministériel ne dit pas
autre chose. L'environnement accède ainsi à sa majorité politique.
C'est un fait établi : l'environnement n'est plus une administration de
mission. Derrière cette affirmation, se trouve un véritable choix politique. Il
est donc tout à fait logique et heureux que ses moyens humains et techniques et
ses services déconcentrés soient renforcés.
Le projet de budget pour 2000 prévoit donc légitimement la création de 140
emplois nets et le transfert de 70 autres. Ils seront essentiellement consacrés
à la mise en place d'une nouvelle structure au sein de l'administration
centrale du ministère, la D4E, la direction des études économiques et de
l'évaluation environnementale.
Cette direction se voit attribuer près de dix millions de francs de crédits
pour assurer sa mise en place. Elle sera chargée de l'évaluation des politiques
publiques ayant un impact sur l'environnement ou touchant le développement
durable du territoire. Elle mènera également des missions de sensibilisation et
de conseil auprès des acteurs socio-économiques. Cette direction permettra en
somme d'affermir l'expertise globale, donc l'efficacité de la politique de
l'environnement, que ce soit au niveau interministériel ou dans les
négociations internationales. Rappelons à ce titre l'existence du volet «
environnement » dans le nouveau cycle de l'OMC.
A propos de l'action internationale, je souligne l'effort particulier qui est
fait dans la perspective de la présidence française au second semestre de l'an
2000. Il paraît, en effet, indispensable d'assurer la prise en compte des
exigences environnementales au sein des instances européennes.
Dans un autre registre, l'augmentation de 13 % des dotations que le ministère
de l'environnement consacre à la protection de la nature, des sites et du
paysage mérite également d'être soulignée. Ces crédits atteignent environ 750
millions de francs.
Ainsi, le Fonds de gestion des milieux naturels progresse de 47 % par rapport
au budget de 1999. Il s'agit de renforcer encore un peu plus le réseau des
espaces protégés et des zones naturelles sensibles. Je suis tout à fait
partisan d'une politique qui assure la préservation des milieux naturels et de
la diversité biologique. Ce patrimoine constitue en effet un bien collectif
essentiel, mais aussi une chance inestimable de développement écologique et
économique du monde rural. L'environnement n'est plus un boulet pour
l'économie, il en devient au contraire l'allié et le tremplin.
Les dotations affectées aux parcs naturels régionaux et aux conservatoires
régionaux des espaces naturels augmentent également. Cela ne peut que
satisfaire l'ensemble des trente-sept parcs naturels régionaux qui couvrent
notre territoire. Je ne peux, étant moi-même président d'un parc, que m'en
réjouir.
Dès leur création, les parcs naturels régionaux ont fait apparaître les liens
qui unissaient l'environnement naturel et l'environnement socio-économique.
L'émergence de bassins d'emploi et la mise en valeur du patrimoine écologique
dans les zones rurales sont en effet au centre du développement durable de
notre territoire, auquel participent les parcs naturels régionaux. Ils méritent
donc d'être encouragés et rassurés, serais-je tenté d'ajouter, face à
l'apparition des pays.
Un mot tout de même sur la TGAP. Cette taxe, fondée sur le principe de
responsabilité du pollueur-payeur, permet d'adopter une démarche incitative,
favorisant l'apparition d'une véritable conscience écologique dans notre pays.
Cette ressource a été rattachée au budget de la sécurité sociale, afin de
financer l'allégement des cotisations sociales, signe, s'il en était besoin,
que l'environnement peut servir la solidarité nationale.
Avant de conclure, j'aimerais attirer votre attention sur la maîtrise du coût
des déchets ménagers. Le coût de la collecte et du traitement des déchets
ménagers a presque doublé depuis 1990. La modernisation de la gestion des
déchets explique ce phénomène. Les collectivités locales sont très mobilisées.
Il semblerait, malgré les efforts fournis - et le redéploiement de 300 millions
de francs vers la politique des déchets témoignent que de tels effets existent
- que l'ampleur des besoins nécessite des crédits supplémentaires.
J'aurais souhaité souligner, madame la ministre, la pertinence de nombreuses
autres mesures de ce budget, à l'instar du Fonds national de solidarité pour
l'eau, qui marque la véritable reconnaissance du secteur de l'eau, nouvel enjeu
écologique, mais aussi géopolitique majeur. Ce budget suscite de façon générale
mon adhésion ; je le voterai donc sans hésitation avec l'ensemble de mes
collègues du groupe socialiste.
(Applaudissements sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, comme bien
d'autres nations développées et donc riches, notre société est confrontée à
quatre enjeux majeurs : l'emploi, la solidarité nationale, l'environnement, qui
résulte d'une prise de conscience tardive mais souhaitable du fait que notre
monde est limité face à des moyens technologiques qui, eux, sont quasiment sans
limite, et enfin, la compétitivité, qui doit concilier deux principes
contradictoires, celui du toujours plus et donc toujours plus cher avec celui
du toujours mieux et donc du toujours moins cher.
S'agissant de l'environnement, je ferai d'abord deux observations :
premièrement, un véritable consensus se dégage sur les finalités ;
deuxièmement, une divergence apparaît sur les modalités d'action. Je traiterai
ensuite brièvement de la politique de l'eau.
Il y a un consensus sur les finalités.
Le bilan du travail législatif accompli depuis vingt-cinq ans est
considérable. Du ministère de l'impossible décrit par Robert Poujade à celui
d'aujourd'hui, il y a un monde ! Des lois sur les paysages, sur l'eau, l'air et
les bruits ont été adoptées. Des organismes, des agences, des institutions et
des administrations ont été créés. Des collectivités territoriales se sont
mobilisées pour financer cette action. Désormais, les grands projets sont mieux
étudiés, mieux intégrés et les populations sont davantage consultées.
Tout cela est l'oeuvre de tous les gouvernements successifs, nos concitoyens
l'ont souhaité et accepté, et nous ne reviendrons jamais sur le passé.
Permettez-moi de citer un exemple parmi d'autres : à la suite de toutes ces
mesures, un kilomètre d'autoroute coûte aujourd'hui deux fois plus cher
qu'avant mais c'est une bonne chose, et nous devons l'accepter.
En revanche, des divergences notables sont apparues sur les modalités
d'action.
Qu'attendons-nous ? Nous avons besoin de clarté et de lisibilité dans
l'action. Nous aspirons à une plus grande concertation et à une meilleure
sécurité juridique. Il faut concilier les obligations qui nous sont imposées
avec les moyens financiers qui nous sont octroyés. Enfin, le contractualisation
doit se développer.
Il faut une plus grande clarté et une meilleure lisibilité.
Prenez l'exemple de Natura 2000, qui a été lancé, arrêté, puis repris, et a
jeté le trouble.
Pourquoi ? Parce qu'on a demandé aux élus et aux responsables de se prononcer
sur des zonages de protection avant même de connaître les contraintes, les
obligations et les compensations.
Il faut une plus grande concertation.
Aucun élu ne refusera de s'asseoir à une table pour discuter, mais cela à deux
conditions : tout d'abord, que les jeux ne soient pas faits d'avance ; ensuite,
que l'assemblée ne se transforme pas en tribunal contre les élus, d'où une
aspiration profonde à la parité dans les organismes qui discutent, tels que le
comité départemental des sites, perspectives et paysages, qui n'était par
paritaire, qui l'a été, qui maintenant ne l'est plus, parité que nous avons
obtenue pour les commissions locales de l'eau.
Nous aspirons à une meilleure sécurité juridique.
L'insécurité juridique pose un problème grandissant aux élus. Elle résulte de
l'imprécision des textes, de l'intervention accrue des associations dites de
défense, de l'extrême sévérité des juges ; la loi « littorale » est, à cet
égard, un exemple tout à fait frappant.
Lorsque 100 % des ZAC sont annulées dans un département, c'est qu'il y a un
petit problème : soit les élus sont tous des incapables, soit les textes sont
mal faits, soit les juges sont trop sévères.
Les procédures d'enquêtes publiques sont à revoir : des dérives, que vous
connaissez d'ailleurs, sont apparues et il faut noter des abus de la part des
associations qui, dans le domaine financier, utilisent certaines pratiques
totalement répréhensibles, qui pourraient être sanctionnées.
Il faudrait mieux concilier obligations et moyens financiers.
Nombre de mes collègues ont parlé des déchets. Les collectivités sont noyées
sous les déchets et le coût des plans départementaux est exorbitant. On ne
trouve pas de solution au traitement des boues et il n'y a pas assez d'argent
pour faire face aux obligations.
Enfin, la contractualisation est à développer.
Ce matin, madame la ministre, j'ai évoqué le problème des schémas de mise en
valeur de la mer. Voilà une intention louable qui a abouti à un échec patent.
C'est dommage !
Je mentionnerai également - c'est un point de détail - l'article 49 de la loi
« Barnier », qui a créé les taxes départementales de passage sur les ponts.
Dans mon département, nous sommes favorables à la création d'une telle taxe,
qui implique que nous passions une convention d'objectifs pour les actions en
faveur de l'environnement. Nous avons adressé à vos services des projets en ce
sens. Malheureusement, nous n'avons jamais eu de réponse ; c'est bien dommage
également !
J'en viens à la politique de l'eau, politique qui est à compléter.
Vous avez annoncé la réforme de la politique de l'eau le 27 octobre dernier.
Depuis un an, nous débattons de l'eau avec l'idée que la TGAP allait être
étendue aux redevances des agences comme vous en aviez exprimé la volonté. A
cet égard, il est bon de dire clairement les choses.
Première observation, avec notre politique de l'eau, nous avons un acquis
exemplaire à préserver. Les lois de 1964 et de 1992 ont été votées à la
quasi-unanimité du Parlement et, comme je le disais ce matin à propos de
l'aménagement du territoire, l'unanimité, c'est cela qui fait les bonnes lois
!
Les agences de l'eau et les comités de bassin reposent sur trois principes
auxquels maintenant nous tenons tous de façon très ferme : premier principe, la
gestion par bassin, lieu de solidarité ; deuxième principe, le comité de
bassin, lieu de concertation, petit parlement régional de l'eau ; enfin,
troisième principe, le système de redevance est un moyen de mutualiser les
ressources du bassin pour développer les investissements en faveur de l'eau.
Deuxième observation, l'effort d'investissement doit être poursuivi. Il n'y a
pas de qualité sans investissement. La qualité a un coût, il faut le savoir et
tirer les conséquences.
Le cinquième programme des agences avait coûté 40 milliards de francs ; le
sixième programme, 90 milliards, le septième programme 105 milliards de francs.
Nous allons en rester là, et, si vous maintenez ce système, la bataille de
l'eau risque d'être gagnée dans les dix ans qui viennent. Toute réduction de
cet effort serait contraire, je crois, à l'intérêt général.
Troisième observation, la politique de l'eau doit avoir un prolongement local
avec la mise en oeuvre rapide des SAGE, les schémas d'aménagement et de gestion
des eaux. D'ailleurs des SDAGE, les schémas directeurs d'aménagement et de
gestion des eaux aux SAGE, il y a toute une philosophie d'application de la loi
sur l'eau. Le SAGE, c'est la marche vers une meilleure gestion à la fois
locale, globale, concertée et à long terme de la politique de l'eau ; c'est
donc extrêmement important. A ce propos, madame la ministre, j'appelle votre
attention sur trois points qui méritent d'être étudiés tout
particulièrement.
Premier point, il faut améliorer le fonctionnement des commissions locales de
l'eau. Actuellement, elles n'ont pas les moyens de leur action ni ceux de leur
ambition.
Deuxième point, il faut mettre en oeuvre le schéma d'aménagement et de gestion
des eaux par des contrats pluriannuels d'investissement. Vous ne réaliserez
aucune politique de l'eau sans investissement.
Troisième point, il faut donner une prime aux investissements inclus dans ces
schémas et inclus dans ces contrats.
Je reprends le cours de mes observations.
Quatrième observation : des avatars de la TGAP à la réforme des redevances,
vous avez beaucoup évolué.
L'année dernière, cette taxe figurait à l'article 30 de la loi de finances
pour 1999. Cette année, nous l'avons examinée non plus dans le cadre de la loi
de finances, mais dans celui de la loi de financement de la sécurité sociale.
Je peux vous dire que nombre de parlementaires ont estimé que le Gouvernement
avait fait dans ce domaine une erreur. Changer de texte financier pour
introduire ou développer la TGAP n'a pas été apprécié par tout le monde.
L'année dernière, le Gouvernement avait dit que la TGAP serait étendue au
domaine de l'eau. Vous avez noté que la plupart des acteurs de l'eau étaient
défavorables à cette mesure. Vous en avez tenu compte et nous devons vous en
donner acte. En compensation, la ponction sur les agences a été accrue, mais la
TGAP ne portera pas sur les redevances, lesquelles seront d'ailleurs réformées,
vous l'avez annoncé.
Alors, maintenant, qu'en est-t-il de cette TGAP et de l'environnement ?
La TGAP a fait évoluer le principe : de pollueur-payeur on passe au
producteur-payeur ou au consommateur-payeur, puisque le producteur répercute
toujours son coût sur le consommateur.
Mais, à la limite, peu importe les principes, le fait est là. Il est quelque
peu fâcheux que l'environnement impose des normes et des contraintes
financières supplémentaires sans donner aux collectivités les moyens
correspondants. Or le produit de la TGAP n'ira pas à l'environnement, il n'ira
pas à ceux qui investissent dans l'environnement, voilà ce qui nous choque
profondément. A ce propos, d'ailleurs, bien des personnes s'interrogent :
Comment Mme Voynet, dont nous connaissons la caractère, la pugnacité et
l'ardeur, a-t-elle pu accepter un tel arbitrage ?
Enfin, ma conclusion sera un appel à la raison et à la concertation.
Comme pour l'aménagement du territoire, une politique de l'environnement ne
saurait réussir vraiment que si elle fait l'objet d'un accord général, d'un
consensus, d'une adhésion à la fois des acteurs et des auteurs, je dirai même
des assujettis. Plus il y aura de polémiques, plus les risques d'échec seront
grands.
L'adhésion se gagne par la concertation.
Tout à l'heure, M. Gouteyron vous a adressé un appel à la concertation. En
tant que président du groupe d'étude de l'eau du Sénat, je réitère ce même
appel. Nous souhaitons que toutes les mesures prises dans le domaine de l'eau,
comme dans le domaine de l'environnement, soient discutées, étudiées en commun
entre le Gouvernement, le Parlement et toutes les instances concernées.
L'environnement est une politique à laquelle nous adhérons. Elle est le
résultat d'une longue histoire. Je souhaite que l'avenir nous donne raison, et
que le peuple français soit d'accord avec la politique de l'environnement
menée, pour peu qu'il se sente acteur et concerné par elle.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est M. Vidal.
M. Marcel Vidal.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la protection
de l'environnement représente un enjeu considérable dans une société moderne,
enjeu qui justifie l'existence d'un ministère de plein exercice en mesure de
proposer une réflexion d'ensemble et des arbitrages significatifs pour la prise
en compte d'un meilleur cadre de vie.
Le projet de loi de finances pour 2000 que vous présentez devant le Sénat,
madame la ministre, répond parfaitement à cette ambition et traduit, en crédits
et en emplois, une priorité affirmée en faveur des politiques de protection de
la nature, de prévention des pollutions et des risques, de solidarité et de
péréquation dans le domaine de l'eau.
Les crédits de l'environnement progressent, en effet, de 8,6 % par rapport à
la loi de finances de 1999.
Le Premier ministre tient ainsi ses engagements dans la durée, puisque, déjà,
l'année précédente, votre budget, avait enregistré une très forte hausse en
réponse aux attentes concrètes de nos concitoyens.
Je consacrerai le temps qui m'est imparti à l'examen de deux projets
collectifs à long terme : la prévention des risques naturels et la gestion des
déchets ménagers.
Les graves inondations qui ont frappé ces derniers jours les départements de
l'Aude, des Pyrénées-Orientales, du Tarn et de l'Hérault ont entraîné le décès
de 31 personnes et occasionné des dommages estimés à ce jour à plus de 1
milliard de francs.
Grâce à l'efficacité des secours et des services de l'Etat, qui fut saluée
unanimement, l'effort de solidarité nationale consenti par le Gouvernement
permettra, nous l'espérons dans les plus brefs délais, de limiter la portée
dramatique de ces catastrophes naturelles dans le sud de la France.
Je souligne avec satisfaction que la Commission de Bruxelles a indiqué qu'elle
apporterait le soutien de l'Europe, dans le cadre des fonds structurels, pour
la réparation des infrastructures agricoles et le renforcement du dispositif de
prévention des risques d'inondation.
Vous avez rappelé récemment, madame la ministre, le principe de la législation
en vigueur dans notre pays.
En vertu de l'application de la loi de 1987, modifiée en 1995, plus de 2 000
communes sont d'ores et déjà couvertes par un plan de prévention des risques,
pour lesquels les crédits sont passés de 25 millions à 75 millions de francs
entre 1993 et 2000. Ces plans doivent déboucher sur la maîtrise de
l'urbanisation en zones inondables et concerner dans les mois et les années à
venir, environ 10 000 communes.
En outre - et cela est extrêmement important - il faudrait que l'Etat impose
aux compagnies d'assurances qu'une partie des 5 milliards de francs qu'elles
versent chaque année pour l'indemnisation des sinistres soit affectée à la
restauration des cours d'eau, à des programmes de construction de digues et
d'aménagement de zones d'expansion pour l'écoulement des crues, car le constat
qui, aujourd'hui, s'impose est contraire à l'intérêt général. Le même scénario
se répète depuis les inondations de Nîmes, en 1998, et de Vaison-la-Romaine en
1992. Nous dépensons trop pour indemniser et pas assez pour prévenir.
A cet égard, nous enregistrons favorablement qu'un tiers des crédits qu'il est
prévu d'allouer à l'environnement dans les prochains contrats de plan
Etat-région, soit 1,8 milliard de francs, sera consacré à la prévention des
risques naturels.
Par ailleurs, en ma qualité de sénateur de l'Hérault, je me réjouis
naturellement de voir le Languedoc-Roussillon doté de 180 millions de francs,
dont 40 millions de francs pour des travaux de protection et d'entretien dans
les basses plaines de l'Aude, qui furent parmi les plus touchées lors des
dernières intempéries.
Ce débat budgétaire est pour nous l'occasion de rappeler ces dispositions
d'urgence et ces choix opportuns en souhaitant, madame la ministre, que la loi
d'orientation sur l'aménagement du territoire nous conduise à relever le défi
de la prévention des risques naturels et à sensibiliser le public sur la base
d'un développement durable et concerté au niveau des futurs « pays ».
Par ailleurs - et c'est le second point de mon intervention - vous n'êtes pas
sans savoir que le délai imposé par la loi de 1992 relative à la gestion des
déchets ménagers est un sujet d'inquiétude et une réelle préoccupation pour les
nombreux partenaires de l'ADEME - aujourd'hui sur la sellette à juste titre -
que sont les collectivités territoriales, auxquelles le législateur a confié la
responsabilité de la collecte et du traitement. En ce sens, certaines
tracasseries administratives devraient être évitées, si l'on souhaite que les
objectifs de la réglementation soient atteints avant 2002.
Depuis 1993, 20 milliards de francs ont déjà été investis pour la suppression
des décharges non autorisées et pour la mise en conformité des équipements avec
la norme européenne relative au recyclage des déchets d'emballages ; 20 autres
milliards de francs seront affectés, d'ici à 2001, à des projets de
déchetterie, de tri sélectif et de valorisation des matériaux.
Cette évolution est le résultat de la politique conduite sur le terrain. Les
conseils généraux et les communes, sous l'impulsion des syndicats
intercommunaux, accomplissent depuis plus de vingt ans un travail considérable
que nous devons saluer.
Il y a là un mouvement irréversible, qu'il est essentiel de consolider au
moment où s'élaborent les schémas départementaux de traitement des déchets.
Avant de conclure, je souhaiterais attirer votre attention sur l'importance
que revêt le
design
des colonnes et des conteneurs, qui doivent à la
fois être visibles et s'intégrer dans le paysage des agglomérations ou des
cantons ruraux. Un effort de recherche supplémentaire portant sur la forme et
sur les couleurs de ce mobilier serait le bienvenu ; il pourrait donner lieu à
une campagne de sensibilisation, notamment au niveau des syndicats
intercommunaux et des districts qui souhaitent resserrer la cohésion
géographique, économique et culturelle de leur territoire.
Voilà, madame la ministre, brièvement formulées, les quelques remarques et
propositions que je tenais à vous soumettre.
Nous voterons votre budget, car il répond aux engagements qu'a pris le Premier
ministre devant notre pays.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances
pour 2000 consolide l'action entreprise par le Gouvernement en matière
environnementale, lui confère une amplitude nouvelle et l'inscrit dans la
durée. Les trois rapporteurs, quelle que soit la vigueur de leurs arguments,
l'ont d'ailleurs noté, et je les en remercie.
Après une première étape de mise à niveau en 1999, le caractère prioritaire du
budget de l'environnement est en effet confirmé pour 2000 : le budget du
ministère affiche une progression de 8,6 % par rapport à sa dotation pour 1999,
pour s'établir à 4 298 millions de francs, contre 3 957 millions l'an
dernier.
Il est, de surcroît, complété par un instrument additionnel, qui revêt la
forme d'une section d'un compte spécial du Trésor, dotée de 500 millions de
francs : le Fonds national de solidarité pour l'eau, ou FNSE. Contrairement à
ce qu'a affirmé M. Pierre Hérisson, le FNSE n'explique pas donc l'augmentation
du budget de l'environnement, puisqu'il n'y figure pas.
Cette augmentation mérite évidemment d'être relativisée et appréciée à l'aune
des sommes en jeu ; le budget du ministère de l'environnement ne réprésente en
effet aujourd'hui que 0,25 % du budget civil de l'Etat.
Les crédits nouveaux seront ainsi mobilisés en faveur des actions suivantes :
une réorientation de la politique menée dans le domaine de l'eau en direction
d'un renforcement de la péréquation entre bassins et de la solidarité nationale
; un renforcement des moyens consentis à la gestion et à la valorisation des
espaces et milieux naturels ; une prise en compte toujours accrue des mesures
de prévention des risques naturels, industriels ou technologiques et des
pollutions de toutes origines. Toutes ces politiques sont soutenues par la
poursuite du renforcement du socle du ministère, qui trouve sa traduction dans
des réformes de structure d'une grande ampleur.
Dans tous ces domaines, vous l'aurez noté, nous sommes en mesure d'afficher
des créations d'emplois durables, décentralisés, rentables, qui correspondent
souvent à de nouveaux métiers. Nous croyons beaucoup à la consolidation de ces
nouveaux métiers dans le cadre du programme « nouveaux emplois, nouveaux
métiers » et apportons beaucoup de soin à ne pas décrédibiliser ces nouveaux
secteurs économiques par le souci de faire du chiffre. Gérard Le Cam a insisté
à juste titre sur ce point.
Il se trouve que toutes les politiques que je viens de citer contribuent à la
mise en oeuvre de la priorité du Gouvernement, à savoir la lutte contre le
chômage et la création d'emplois.
J'en viens au projet de loi de finances proprement dit.
J'évoquerai d'abord, et bien qu'elle ne figure pas au budget de mon ministère,
la création du Fonds national de solidarité pour l'eau, étape importante de la
politique du Gouvernement dans le domaine de la protection de l'eau et des
milieux aquatiques.
Ce fonds revêt, je l'ai dit, la forme d'une section d'un nouveau compte
spécial du Trésor intitulé « Fonds national de l'eau », alimenté à hauteur de
500 millions de francs en 2000 par un versement des agences de l'eau. Il se
substitue aux deux fonds de concours créés en 1997 et 1999, dont les montants
étaient respectivement de 110 millions et 140 millions de francs. Il permettra
de doubler la capacité d'intervention de la direction de l'eau.
Ce sont, hors redéploiements, 250 millions de francs de crédits nouveaux qui
seront affectés à la politique nationale de l'eau en 2000. On est loin du droit
de tirage illimité sur les agences dénoncé par M. Adnot.
Ce fonds contribuera au financement d'actions d'intérêt général au bénéfice du
secteur de l'eau, au travers du soutien à la restauration des rivières et des
zones d'expansion des crues, à la solidarité nationale dans des domaines comme
l'habitat social et la connaissance de l'eau et des milieux aquatiques.
Ce sont là des missions d'intérêt général, communes à toutes les agences de
l'eau. Je voudrais donc rassurer M. Jean Bizet et affirmer, après M. Raoult,
notre attachement à celles-ci. Il s'agit ici de mettre en commun des moyens
pour remplir des missions d'intérêt collectif, et non de taxer les agences de
l'eau pour recentraliser la politique de l'eau.
L'année 2000 verra également, grâce à la création du Haut Conseil du service
public de l'eau et de l'assainissement, la mise en place des instances de
concertation que les élus locaux et les associations de consommateurs
appelaient de leurs voeux.
L'ensemble des crédits consacrés à la politique de l'eau - protection de la
ressource et protection des milieux - progresse ainsi de 48,5 % en 2000,
conférant une dimension nouvelle à notre intervention.
J'entends, à cet égard, utiliser pleinement les contrats de plan pour mieux
protéger, face aux risques d'inondations, les zones urbanisées et pour mieux
entretenir les ouvrages de protection. Ainsi, 1,3 milliard de francs, sur les
3,8 milliards de francs que mon ministère contractualisera globalement au cours
de la période 2000-2006, seront consacrés à ces actions.
La deuxième priorité de cet exercice, cette fois dans le secteur de la
protection de la nature, des sites et des paysages, est le renforcement du
réseau des espaces protégés, destiné à améliorer la protection des zones
naturelles sensibles.
M. Bizet a évoqué un incident juridique récent. Cet incident n'aura pas de
conséquences.
Comme vous le savez, le Conseil d'Etat a annulé une circulaire devenue en
partie obsolète, qui visait à permettre la transmission rapide d'une liste de
sites à la Commission européenne. Nous avions le choix entre deux solutions :
soit nous exposer à une condamnation à l'échelon européen pour ne pas avoir
respecté les prescriptions de la directive « Habitats » ; soit transmettre
rapidement la liste des sites sans respecter totalement les termes d'un décret
de 1995. J'ai décidé, avec l'accord du comité national de suivi et de
concertation de Natura 2000, d'envoyer une première liste de sites, tout en
sachant que le décret n'était pas complètement respecté. Nous avons ensuite
procédé à une consultation site par site en respectant strictement les termes
du décret et les formes de présentation des dossiers imposées par la Commission
européenne, ce qui nous a conduits à retirer de la liste initialement transmise
à Bruxelles un certain nombre de sites pour lesquels la consultation n'avait
pas permis de confirmer notre intuition de départ.
Je crois pouvoir dire maintenant que ce dossier a redémarré dans des
conditions satisfaisantes.
L'année 1999 a vu la contribution de la France à la mise en oeuvre du réseau
Natura 2000 s'améliorer considérablement. Nous avons pu notifier 1029 sites,
couvrant 4,9 % de la superficie du territoire. La Commission continue à penser
que la France pourrait mieux faire. Un certain nombre de sites sont toujours en
cours d'examen et correspondent d'ailleurs souvent à des demandes
complémentaires d'acteurs locaux.
En vérité, il nous a fallu beaucoup de temps pour surmonter ce que M. Oudin a
appelé le « trouble » suscité par l'interruption du processus : nous avons dû
expliquer et démontrer que le choix d'une approche contractuelle et
partenariale opéré par le Gouvernement pour la gestion des sites Natura 2000
nous permettrait de répondre aux demandes des collectivités locales, des
acteurs locaux et des gestionnaires traditionnels de ces milieux.
La mise en place, l'an dernier, du fonds de gestion des milieux naturels, et
son renforcement cette année, puisque ses moyens augmenteront de 27 % pour
atteindre 242 millions de francs, nous aideront également.
Ce sont 52 millions de francs de moyens nouveaux qui seront consacrés à la
préservation des espaces naturels et au développement des territoires, dont
plus de la moitié est destinée au financement du réseau Natura 2000.
Je voudrais indiquer clairement que nous ne sommes pas encore dans une phase
de gestion opérationnelle des sites ; nous sommes tout au plus dans une phase
d'élaboration des cahiers d'objectifs. Ces moyens nous paraissent donc
largement suffisants compte tenu de la possibilité de mobiliser des fonds au
titre des programmes européens LIFE, qui ont été reconduits. Mais, dans
l'avenir, nous assisterons à une montée en puissance des moyens destinés à la
gestion de ces milieux.
Les dotations affectées aux parcs naturels régionaux et aux conservatoires
régionaux d'espaces naturels augmentent également de manière sensible : de près
de 10 millions de francs au total.
Les moyens consacrés au développement du réseau des espaces naturels protégés
progressent pour leur part de 24 millions de francs pour s'établir à 436
millions de francs, au bénéfice tant des parcs nationaux, qui disposeront de 10
millions de francs de crédits nouveaux, que du Conservatoire du littoral, dont
la dotation passera de 147 à 149 millions de francs en dépenses ordinaires et
crédits de paiement, mesure incluant la création de cinq emplois au sein de cet
établissement.
J'ai été un peu étonnée de l'intervention de M. Ambroise Dupont concernant les
grands estuaires. En effet, vous le savez, le Conservatoire du littoral a
d'ores et déjà acquis 58 768 hectares, ce qui paraît considérable. Cela permet
de protéger à peu près 795 kilomètres de rivage préservés dans leur richesse
naturelle.
Au cours de l'année 1998, le programme prévu a été respecté. Année après
année, nous sommes en contact étroit avec le Conservatoire du littoral pour
nous assurer que nous dégageons les moyens en investissements permettant de
faire face aux dossiers parvenus à maturité. C'est le cas, cette année, d'un
dossier très important, qui sera fort onéreux et qui appellera la mobilisation
financière de l'Etat,
via
le Conservatoire, mais aussi celle des
collectivités locales.
En 1999, nous avons considéré comme une priorité le fait de remédier à la
précarité désastreuse des employés du Conservatoire. Les moyens dégagés en
fonctionnement devraient nous permettre de répondre à cette priorité.
S'agissant des grands estuaires, ce ne sont pas les moyens financiers qui nous
manquent pour permettre la gestion de certains sites par le Conservatoire. Il
nous faut, au préalable, clarifier les enjeux liés à la vocation des grands
estuaires.
Nous sommes en discussion depuis plusieurs années avec la Commission
européenne, qui nous demande de placer en zone de protection spéciale une
partie importante de l'estuaire de la Seine. Mais il s'agit d'un espace
concerné par le projet « Port 2000 ». Nous ne sommes donc pas en train de
chercher de l'argent pour protéger des sites : nous cherchons à clarifier une
discussion sur le partage à faire entre la vocation économique de l'estuaire et
sa protection.
Il en est de même pour l'estuaire de la Loire : l'extension du port de Donges
est un enjeu qui suscite des discussions avec la Commission européenne.
Je voudrais aussi dire quelques mots de l'estuaire du Rhône. Malgré
l'accumulation de mesures de discrimination positive et de protection, on peut
estimer que la situation de la Camargue se dégrade plutôt au regard des espaces
naturels. Je serai amenée à y revenir.
En tout cas, j'ai bien noté le plaidoyer non seulement de M. Ambroise Dupont,
mais aussi de M. Balarello et de Mme Boyer en faveur du Conservatoire du
littoral. C'est une structure à laquelle nombre d'élus sont légitimement
attachés.
Selon une approche globalisée, les crédits consacrés à la protection de la
nature enregistrent ainsi une croissance de 14,2 % en 2000, témoignant de notre
volonté d'aller de l'avant en construisant une politique des espaces naturels
qui s'inscrive dans la durée.
Le troisième pilier de l'intervention du ministère en charge de
l'environnement est la prévention des pollutions et des risques. Le projet de
budget initial pour 2000 enregistre dans ce domaine une croissance de 4,5 % de
ses crédits en dépenses ordinaires et crédits de paiement, de 9 % en dépenses
ordinaires et autorisations de programme. Cela traduit la conscience de nos
responsabilités en matière d'actions préventives, gages d'une politique
citoyenne.
Une politique efficace de prévention des risques suppose, au préalable, un
niveau de connaissance pertinent tant des milieux que des méthodologies
d'évaluation des risques. Aussi ai-je décidé, pour la seconde année
consécutive, de renforcer les moyens de l'IFEN, l'Institut français de
l'environnement, et de l'INERIS, l'Institut national de l'environnement
industriel et des risques.
L'IFEN, qui a pour mission de fournir des statistiques au ministère de
l'environnement, disposera en 2000 d'un budget de fonctionnement de 30,8
millions de francs, en progression de 8 %, conforté par la création de cinq
emplois nouveaux, tandis que ses crédits d'investissement connaîtront une
croissance de 11 %.
Les moyens de l'INERIS progresseront également. M. Adnot a souligné la
faiblesse de ces moyens. Je voudrais insister sur leur augmentation de 25 % en
dépenses ordinaires et en crédits de paiement, soit un accroissement de 27
millions de francs afin de développer les moyens d'études, de recherches et
d'intervention dans le domaine des risques chroniques et accidentels, pour
s'établir à 157 millions de francs en l'an 2000.
Comme vous, j'attends beaucoup de l'INERIS dans des domaines essentiels comme
l'ecotoxocologie, la gestion des risques et les relations
santé-environnement.
Le budget de l'ADEME se verra également conforté de manière très sensible. M.
Hérisson n'est plus là, j'éprouve donc quelques scrupules à l'attaquer. Mais je
vais le faire quand même, parce que, tout en sachant qu'on a le droit de tout
dire à cette tribune, je ne suis pas certaine qu'il soit utile d'énoncer des
contrevérités.
M. René-Pierre Pigné
On lui transmettra !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et l'environnement.
M. Hérisson a
affirmé que l'ADEME était étranglée par la TGAP. Je crois utile de lui citer
quelques chiffres. En effet, entre le budget de 1998 et celui pour 2000, les
moyens de l'ADEME ont progressé de 36 %. J'irai un peu plus dans le détail,
puisque la vivacité de son ton m'y invite : ont été affectés, en matière de
déchets, 464 millions de francs d'aide en 1997 et plus d'1 milliard de francs
en 1999, soit deux ans plus tard ; en maîtrise de l'énergie, 100 millions de
francs en 1997 et 600 millions de francs en 1999 ; pour la politique du bruit,
42 millions de francs en 1997 et 85 millions de francs en 1999. Il n'y a
vraiment pas à rougir du travail accompli par les agents de l'ADEME !
En ce qui concerne le bruit, M. Lepeltier a insisté sur l'urgence de conduire
une politique dans ce domaine. Il s'agit, effectivement, d'une préoccupation
pour nombre de Français et c'est le premier motif du courrier qui est adressé
au ministère de l'environnement.
La lutte contre le bruit a mobilisé, année après année, le ministère de
l'environnement. Mais les actions engagées par le passé ont été de peu
d'envergure. Le caractère très interministériel et très transverssal de ces
actions l'explique sans doute. A la suite du rapport Lamure, qui a permis
d'identifier près de trois mille points noirs du bruit, j'ai entrepris de
définir, avec le concours des autres ministres concernés - je citerai ici
Jean-Claude Gayssot pour les transports et Louis Besson pour le logement - un
programme d'action qui traduise la volonté du Gouvernement de changer d'échelle
dans le traitement du problème. La communication que Jean-Claude Gayssot et
moi-même avons présentée en conseil des ministres en témoigne.
Nous souhaitons traiter, sur dix ans, au moins deux cent mille logements
subissant des nuisances sonores dues au réseau national d'infrastructures de
transports. Ce programme, qui démarrera dè le début de 2000, montera en
puissance régulièrement, mobilisant du côté de l'Etat des crédits routiers, des
crédits ferroviaires et des aides aux logements.
Plusieurs régions ont souhaité contractualiser avec l'Etat une politique de
lutte contre le bruit. Cette opportunité a été présentée par les préfets à la
totalité d'entre elles, mais seules quelques régions ont souhaité la
retenir.
En ce qui concerne les transports aériens, beaucoup de retard avait été pris
dans la gestion des dossiers. Aujourd'hui, c'est l'ADEME qui est chargée de
relayer cette politique que Aéroports de Paris s'est révelé incapable
d'assumer. L'ADEME consacre à l'instruction des dossiers les moyens nécessaires
au rattrapage du retard et elle redéploiera, si nécessaire, les moyens
adéquats.
S'agissant de la politique des déchets, vous avez été nombreux à évoquer les
difficultés financières auxquelles nous sommes confrontés en ce domaine. Mais,
auparavant, je souhaite dire quelques mots sur cette politique proprement
dite.
Monsieur Eckenspieller, vous avez évoqué le flou persistant dans le domaine
des déchets et vous avez souhaité que l'Etat apporte aide et conseils aux
collectivités locales, en se privant d'utiliser de façon trop exclusive le
bâton, la norme, le règlement, la loi. C'est la politique que nous avons
constamment suivie ! Nous avons souhaité apporter aux collectivité locales une
aide individualisée. Chacun des plans départementaux de traitement des ordures
ménagères a fait l'objet d'un examen précis, et non d'une simple circulaire
générale, avec des suggestions, des préconisations et un suivi tout à fait
consistant de la part de la Direction de la prévention des pollutions et des
risques ainsi que de l'ADEME.
A ce jour, quatre-vingt-douze plans sont pratiquement en phase de finalisation
et de révision. Mais je vous rappelle que nous partions d'une situation
particulièrement néfaste, la plupart des départements ayant, jusqu'à une époque
récente, limité leur travail à la mise en place d'un gros incinérateur ruineux
par département. Cela ne constituait pas vraiment une politique.
Aujourd'hui, la plupart des départements sont engagés dans une politique
cohérente : réduction des déchets à la source, collecte sélective, tri,
valorisation des matières et valorisation énergétique, incinération des seuls
déchets qui ne peuvent pas être valorisés et mise en décharge de déchets
ultimes. C'est l'une des politiques dont je suis le plus fière. En deux ans et
demi, nous avons réalisé un travail considérable et, aujourd'hui, rien ne
permet de dire que le rendez-vous de 2002 ne sera pas tenu. Bien sûr, ce sera
difficile et l'effort ne doit pas être relâché.
En ce qui concerne les ressources mobilisées par l'ADEME, j'ai évoqué avec
beaucoup de liberté devant vous, comme devant l'Association des maires de
France, par exemple, la nécessité de maintenir une intervention financière
importante dans la période à venir. M. Bizet, rapporteur pour avis de la
commission des affaires économiques, s'est inquiété de la pérennité de ces
ressources. Je crois pouvoir affirmer que nous sommes confrontés à une montée
en puissance de la politique des déchets, qui est liée au rendez-vous de 2002,
mais aussi à la proximité de rendez-vous électoraux dont l'importance n'échappe
à personne. Je m'attends donc à la pousuite de cette montée en puissance
pendant encore un an ou deux. Mais, ensuite, nous devrions voir les
investissements se tasser. Telle est en tout cas l'interprétation de l'ADEME
!
Utilisant ses ressources annuelles et les souplesses des redéploiements
internes auxquelles l'autorise son statut, l'ADEME a été en mesure d'affecter,
dès 1999, 1 130 millions de francs à la politique des déchets, pour une
dotation initiale de 811 millions de francs.
Ce n'était pas suffisant. Elle a été conduite a réviser ses barèmes de
subventions, tout en maintenant un barème d'intervention supérieur à ce qu'il
était en 1997. Bien sûr, vous l'avez regretté ; MM. Joly et Eckenspieller ont
notamment évoqué cette question.
Je crois que nous sommes plus près d'une politique responsable aujourd'hui que
l'an dernier. En effet, certaines interventions étaient un peu excessives ; je
pense, par exemple, aux barèmes de financement des déchetteries, qui n'était
pas très responsabilisants pour les collectivités locales. On pouvait, dans
certains cas, aboutir à un surfinancement qui incitait à mettre en place des
équipements dont l'utilité n'était pas majeure.
Cela étant dit, les besoins sont importants. C'est pourquoi, en complément des
143 millions de francs de crédits nouveaux initialement inscrits dans le projet
de loi de finances, j'ai proposé d'accroître les moyens d'intervention de
l'établissement de 400 millions de francs pour faire face aux demandes de mises
aux normes tant dans le domaine des déchets - plus 325 millions de francs - que
dans celui de la protection contre les nuisances sonores : plus 75 millions de
francs.
Un premier amendement, à hauteur de 100 millions de francs, a déjà été adopté
par l'Assemblée nationale. Un second amendement vous est présenté ce jour, à
hauteur de 300 millions de francs.
Je tiens à souligner que les aides directes de l'ADEME ne constituent pas la
seule forme de soutien à cette politique. Nous avons, en effet, augmenté les
contributions d'Eco-emballages et réduit, dès 1999, le taux de TVA applicable
en matière de collecte sélective et de tri des déchets. Cette réduction de TVA
aura un effet d'équivalent-subvention estimé à 500 millions de francs en 1999
et atteindra vraisemblablement 1 milliard de francs à 1,5 milliard de francs en
année pleine. Pour résumer, le coût de la tonne triée aura baissé de 16 % en
deux ans, ce qui n'est pas négligeable.
L'autre axe essentiel de notre action, sur lequel M. Vidal a insisté, concerne
l'effort en faveur de la mise en place de nouveaux plans de prévention des
risques naturels prévisibles, les PPR. Cet effort sera poursuivi. Nous avons
franchi, au cours de l'été passé, le seuil des deux mille PPR que nous
souhaitions respecter avant le 31 décembre.
Depuis mon arrivée au ministère de l'environnement, j'ai augmenté de 80 %
environ les crédits consacrés à l'élaboration des PPR. J'entends poursuivre cet
effort dans la durée et me fixe comme objectif l'approbation de cinq mille PPR
en 2005. Ce chiffre peut paraître élevé eu égard aux difficultés de conduite de
cet exercice sur le terrain, mais il est encore insuffisant si l'on considère
que dix mille communes sont exposées, notamment, au risque d'inondations.
A cet effet, outre les moyens budgétaires traditionnels mobilisés en faveur de
la prévention des risques et qui sont en forte augmentation, je souhaite, avec
l'accord des autres ministres concernés, mettre le Fonds de prévention des
risques majeurs à contribution pour le cofinancement des plans de prévention
des risques naturels et prévisibles.
Cette opération trouvera également une traduction législative par amendement
gouvernemental dans le cadre du collectif budgétaire déposé à l'Assemblée
nationale. Elle permettra de développer la réalisation et l'approbation des
plans sur les communes les plus exposées aux risques naturels à partir des
disponibilités actuelles de ce fonds, alimenté par un prélèvement sur les
polices d'assurance, à ressources constantes. Dans ce domaine comme dans
beaucoup d'autres, l'objectif est de disposer de moyens accrus pour prévenir et
non pas toujours de moyens pour indemniser lorsque les dégâts sont survenus.
Alors que, sur le plan international, la conférence de Bonn vient de
s'achever, j'entends consolider notre effort dans la lutte contre la pollution
atmosphérique et la prévention de l'effet de serre. Les crédits consacrés en
2000 sur mon budget à la mise en oeuvre de la loi sur l'air et l'utilisation
rationnelle de l'énergie s'élèveront à 241 millions de francs en dépenses
ordinaires et en autorisations de programme, dont 14 millions de francs pour la
réalisation d'études préalables à l'élaboration des plans prévus par la loi,
comme les plans de déplacements urbains ; 55 millions de francs d'aide au
fonctionnement des associations de gestion des réseaux de surveillance de la
qualité de l'air ; 57 millions de francs de crédits d'études dans le domaine de
la pollution de l'air ; enfin, 115 millions de francs pour la surveillance du
niveau de pollution atmosphérique, notamment par le financement, par
l'intermédiaire de l'ADEME, des équipements de surveillance de la pollution
atmosphérique.
M. Lepeltier a plaidé en faveur d'une position forte de la France en matière
de lutte contre l'effet de serre. Je dois vous dire, pour avoir lu une
interview que vous avez donnée à un quotidien, monsieur le sénateur, que je ne
suis pas aussi inquiète que vous quant à la position française : elle a été
très forte à Kyoto et à Buenos Aires. Nous savions que la réunion de Bonn avait
essentiellement pour objet de préparer la sixième conférence des parties : elle
se tiendra l'an prochain à La Haye et nécessitera une mobilisation importante
de notre part.
Je ne souhaite pas, cette année, me livrer à l'exercice trop rituel des effets
d'annonce, mais le travail se poursuit en ce qui concerne le plan national de
lutte contre l'effet de serre. Ce dernier présente d'ailleurs l'originalité
d'être complémentaire à celui qui a été réalisé l'an dernier. Le plan national
de lutte contre l'effet de serre existe déjà ! Il s'agit d'aller au-delà de ce
qui a été décidé l'an dernier.
L'an dernier, vous vous en souvenez sans doute, nous avions souhaité retenir
essentiellement des mesures bonnes pour l'emploi, bonnes pour l'économie et
bonnes pour l'environnement ; c'est ce que l'on appelle des mesures
win-win
dans le jargon des négociations internationales où,
malheureusement, le français n'a pas toute la place qu'il mérite.
Cette fois-ci, il s'agit d'aller au-delà et d'arrêter des dispositions qui,
sans doute, ne feront pas plaisir à tout le monde. Par exemple, en matière
routière, il faudra prendre le risque de fâcher M. Oudin, en taxant les
émissions polluantes dans le domaine des transports, le secteur qui, à cette
heure, inquiète le plus et la ministre de l'environnement et le ministre de
l'équipement et des transports. Nous sommes en effet inquiets de l'explosion
des émissions dans ce domaine, alors que le secteur industriel, celui de la
production d'énergie, celui du logement et de l'immobilier en général,
maîtrisent beaucoup mieux leurs émissions.
Le dernier axe, et non des moindres, est le renforcement des moyens du
ministère, qui demeure une priorité.
J'ai bien entendu le plaidoyer de M. Adnot : moins d'administration centrale,
plus de déconcentration. C'est un raisonnement qui tient évidemment plus
facilement pour les grands ministères traditionnels que pour un petit ministère
comme celui de l'environnement, dont l'administration reste indigente au regard
de ses missions.
L'explosion des dépenses de fonctionnement que vous avez dénoncé monsieur
Adnot, correspond non seulement à l'augmentation des moyens de ce ministère,
mais également à un effort de transparence que vous saluerez avec moi : il
s'agit de la budgétisation des primes des fonctionnaires. Cet effort de
transparence se traduit par l'augmentation de près de 10 % des dépenses de
fonctionnement que vous avez soulignée tout à l'heure.
Le renforcement de la place du ministère passe par une consolidation de ses
moyens humains : 140 créations d'emplois, 70 transferts en provenance d'autres
départements ministériels. Je remercie José Balarello d'avoir bien voulu
reconnaître ici et les besoins et les efforts réalisés.
Les effectifs de mon ministère s'élèvent désormais à 2 760 agents, hors
établissements publics, ce qui représente une croissance de 16 % sur les trois
dernières années, alors que celle-ci s'élevait à 2 % sur les trois années
précédentes.
L'efficacité d'une politique ne pouvant se mesurer à la seule aune des moyens
financiers qui y sont consacrés, j'ai fait du renforcement des capacités
d'expertise et d'évaluation des politiques publiques ma priorité pour l'an 2000
: mieux évaluer pour mieux gérer, pour être plus efficace et pour être plus
rigoureux dans la dépense publique.
Cette orientation se retrouve dans ce qui constitue deux événements majeurs de
la vie d'une administration avec, d'une part, la création d'une nouvelle
direction d'administration centrale, d'autre part, la mise en place d'un
service d'inspection de l'environnement.
Comme l'a souligné M. Raoult, la direction des études économiques et de
l'évaluation environnementale sera un instrument d'expertise et d'aide à la
décision en matière tant économique qu'environnementale. Mais nous devons faire
davantage.
Je ne sais si le moment est venu d'annoncer la création d'un éventuel institut
des hautes études de l'environnement. Monsieur Lepeltier, nous travaillions
jusqu'à présent sur l'idée d'un institut ou d'un institut des hautes études
mais du développement durable plutôt que de l'environnement, ce qui nous
permettrait de mettre en cohérence le travail mené, par exemple, dans les
domaines de la prévention de l'effet de serre, de la gestion des espèces
naturelles ou de la gestion des risques. Mais rien n'est encore arrêté à cette
heure, et je ne verrais que des avantages à ce que vous contribuiez à notre
réflexion.
M. Le Cam a insisté sur l'effort de recherche. Les crédits inscrits au budget
du ministère proprement dit ne témoignent pas réellement de l'ampleur des
efforts de recherche, et le budget civil de recherche et développement est bien
modeste. Cependant, de nombreux organismes et établissements publics
développent, pour le compte de mon ministère, des programmes de recherche.
C'est vrai, bien sûr, de l'ADEME, des agences de l'eau ou du muséum national
d'histoire naturelle, mais c'est vrai aussi de l'INSERM, du CNRS, du CEA
(Sourires)
- vous pouvez sourire, le CEA travaille aussi pour le
ministère de l'environnement ! - ainsi que de bien d'autres établissements
publics.
Les différents services déconcentrés de mon ministère - DIREN, DRIRE, DSV -
verront également leurs effectifs confortés afin d'accroître leur capacité
d'intervention en matière environnementale, notamment dans les domaines de la
prévention des risques et du contrôle des installations classées.
Enfin, 2000 marquera l'an II de la fiscalité écologique, dont je tiens à
rappeler qu'elle constitue non pas un prélèvement supplémentaire, contrairement
à ce qu'a dit M. Balarello, mais une façon différente de percevoir l'impôt et
de répartir le poids des prélèvements obligatoires.
Elle contribue ainsi à réorienter la fiscalité en faveur de la protection de
l'environnement, par le signal « prix » que permet d'adresser le niveau de la
taxe. Ce signal en fait l'outil par excellence de l'application du principe
pollueur-payeur. Il doit conduire à décourager les comportements polluants, à
susciter une conscience écologique, comme l'a dit M. Signé, et non pas
simplement à dégager les financements nécessaires à la réparation des dommages
ou acheter le droit à polluer, comme l'a souligné M. Le Cam.
Je connais vos préoccupations sociales, monsieur Le Cam. Je suis convaincue
que le choix qui consiste à privilégier, en ce qui concerne les pollutions, la
prévention sur la réparation a aussi un effet social. Actuellement, on préfère
équiper les stations d'épuration d'installations de déphosphatisation et de
dénitratisation plutôt que d'agir en amont de la pollution. Malheureusement, le
coût, considérable, est répercuté sur la facture des usagers modestes, usagers
qui paient aujourd'hui l'essentiel des redevances.
En appliquant le principe pollueur-payeur à d'autres secteurs - le secteur
industriel, c'est fait ; le secteur de l'agriculture, c'est en cours ; le
secteur de la production énergétique, c'est en préparation - nous pourrons
faire en sorte que l'usager domestique n'assume plus 60 % de la redevance,
alors qu'il n'est responsable que d'une partie beaucoup plus modeste de la
pollution.
L'affectation de la fiscalité écologique au projet de loi de financement de la
sécurité sociale, par la réduction des prélèvements sur l'emploi qu'elle
autorise, permet, d'autre part, de réorienter la fiscalité en faveur de
l'emploi, constituant ce que nous qualifions le « second dividende ».
Je voudrais remercier les sénateurs qui ont tour à tour salué ma pugnacité, ma
ténacité, mon ardeur - n'est-ce pas, monsieur Oudin ? - et je voudrais les
rassurer complètement.
M. Jacques Oudin.
Mais vous avez tout perdu !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Non, je
n'ai pas « tout perdu » ! La TGAP n'est pas un impôt de rendement, ou alors
nous sommes vraiment très mauvais, nous, c'est-à-dire non seulement le
ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement mais aussi Bercy
!
Convenez-en avec moi : 500 millions de francs plus 300 millions de francs plus
200 millions de francs, cela fait un petit milliard de francs. C'est très
insuffisant pour financer des mesures de baisse des charges en faveur des
entreprises qui assument leurs responsabilités en termes de lutte contre le
chômage et de création d'emploi. En réalité, il s'agit non pas de financer les
35 heures mais d'alléger des charges, mesure dont nous étions convenus qu'elle
s'adressait prioritairement aux entreprises qui s'engagent dans les 35
heures.
M. Jacques Oudin.
Ce n'est pas l'objet de cette discussion !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mais si,
monsieur Oudin. D'ailleurs, ce n'est pas moi qui ai la première abordé le sujet
: c'est vous !
Aussi, loin d'être noyée dans le budget de l'Etat, la TGAP permet de diminuer
les charges qui pèsent sur l'emploi. C'était un engagement pris par le
Gouvernement : ne pas taxer plus, mais taxer différemment.
Si le budget de l'ADEME a été singulièrement augmenté - j'en ai fait la
démonstration tout à l'heure - c'est aussi le cas du budget de mon ministère.
Vous le voyez, il s'agit donc non pas d'abord, avant tout, et exclusivement de
financer des projets de dépollution, mais bien de décourager les pollueurs.
Comme vous, je salue le caractère exemplaire de la TGAP sur les produits
phytosanitaires. La taxation, strictement corrélée au potentiel polluant, ne
manque pas de discernement. D'une part, les produits les moins polluants ne
sont pas taxés, d'autre part, la somme est bien modeste, n'est-ce pas, monsieur
Lepeltier ? Trois cents millions de francs, comparés aux 60 milliards de francs
de primes agricoles annuelles, ce n'est peut-être pas suffisant pour dissuader
les plus pollueurs.
Reste que cette taxe est exemplaire dans sa construction. En effet, celui qui
choisira d'utiliser des classes moins polluantes de produits ne sera pas taxé.
On peut donc imaginer que non seulement les industriels mais aussi les
agriculteurs vont réorienter leur gamme vers les produits les moins polluants.
Celui qui, en effet, choisirait les produits les plus polluants et donc les
plus chers serait amené à en répercuter le coût sur le consommateur, lequel se
détournerait de ces produits plus chers qui ne seraient pas synonymes de
qualité meilleure.
Je crois donc que cette taxe n'est pas mauvaise en termes d'exemplarité
écologique.
En revanche, je suis d'accord avec vous quand vous soulignez que le dispositif
tel qu'il a été arrêté par l'Assemblée nationale concernant la taxe sur les
lessives détergentes brouille le message. J'avais souhaité en effet que les
lessives les plus polluantes, celles qui contiennent des phosphates, soient
beaucoup taxées ; ce ne sera malheureusement peut-être pas le cas. Je regrette
que les sénateurs n'aient pas pris l'initiative de déposer un amendement en ce
sens ; il aurait été adopté, je n'en doute pas, par les différents groupes, ce
qui nous aurait permis de rendre une inspiration plus écologique à cette
taxe.
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial.
A l'occasion de la discussion de la loi de
financement de la sécurité sociale, nous avons supprimé cet article : il y aura
donc discussion !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Très bien
! Alors, à vous d'en discuter !
En ce qui concerne les boues, sujet qui préoccupe nombre d'entre vous,
notamment MM. Daniel Eckenspieller, Ambroise Dupont et Bernard Joly, j'espère
que vous n'êtes pas dupes de l'attitude des grands groupes de l'agroalimentaire
et de la grande distribution, qui préfèrent faire peser sur d'autres des
contraintes à tonalité environnementale éventuellement coûteuses.
Imposer des cahiers des charges aux agriculteurs qui excluent les boues de
façon totalement déconnectée de leur dangerosité réelle est un mauvais coup
porté au monde agricole et aux élus qui essaient de les valoriser.
J'espère que vous n'êtes pas plus dupes de l'attitude d'une certaine partie du
monde agricole. La négociation sur les boues avait un caractère éminemment
politique, dans une logique de donnant-donnant : « Allez ! ne nous embêtez pas
trop avec la TGAP, et on continuera à prendre vos boues ! »
Cela dit, je ne veux pas fuir la discussion. Je veux simplement rappeler
qu'une nouvelle réglementation a été mise en place en 1997 qui donne des
garanties de qualité des boues, de traçabilité, d'organisation et de suivi des
épandages. Dans ces conditions, l'épandage agricole est une bonne pratique.
Dès février 1998, le ministère chargé de l'environnement a mis en place un
comité qui associe l'ensemble des acteurs de la filière, des producteurs de
boues aux consommateurs. Le comité national sur les épandages de boues a fait
un gros travail. Il a réalisé une synthèse des connaissances scientifiques
disponibles, il a pris en compte les conclusions d'un audit environnemental et
économique comparant les différentes filières d'élimination et de
revalorisation, et il a défini les conditions permettant de rétablir la
confiance et la sérénité.
Il s'agit de conclure un accord national par lequel l'ensemble des acteurs
concernés, y compris en aval de la production agricole, pourraient reconnaître
l'intérêt et le bien-fondé de cette filière en agriculture. Une charte de
qualité et un dispositif d'assurance des collectivités productrices de boues
constituent des améliorations importantes.
Il y a certainement matière à aller plus loin, mais je voudrais tout de même
relativiser quelque peu l'ampleur du problème.
Les boues des stations d'épuration urbaines ne représentent que 3 % du total
des boues épandues sur les champs, et les stations d'épuration industrielles 3
% également. Donc, 94 % de ces boues viennent des déchets agricoles et des
effluents d'épandage essentiellement. Des études connues montrent que l'immense
majorité des métaux lourds transférés dans les sols par les déchets provient
des effluents d'élevage. En tout cas, nous ne pouvons pas affirmer que les
substances potentiellement à risque proviendraient exclusivement des boues de
stations d'épuration urbaines ; c'est même rarement le cas !
Nous devons donc consentir un important effort d'explication à l'échelon
local, sans pour autant surévaluer le risque lié aux boues.
Un mot encore concernant les entrées de ville. Je m'attendais, monsieur
Ambroise Dupont, à ce que l'on aborde ce problème plutôt ce matin, lors de
l'examen des crédits de l'aménagement du territoire. Je ne suis pas aussi
certaine que vous que les professionnels de la grande distribution et de la
publicité soient aujourd'hui plus sensibles à nos préoccupations. En tout cas,
je voudrais ici insister sur le fait que les élus locaux sont en première ligne
dans cette politique.
Avec la décentralisation, nombre de responsabilités en matière d'urbanisme, et
des responsabilités importantes, leur ont été confiées. Je ne suis pas du tout
hostile à l'idée de prendre ma part du fardeau, mais je ne vois pas bien
comment mon ministère pourrait agir seul, alors que le développement anarchique
des zones artisanales et commerciales se poursuit, que les cahiers des charges
élaborés lors de l'installation de ces zones ne sont guère contraignants et que
rien n'est fait par les élus locaux pour réglementer l'implantation des
panneaux publicitaires, aujourd'hui abusive.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis bien consciente de n'avoir pas
répondu à toutes vos préoccupations. Cependant, comme vous, d'ailleurs, je suis
convaincue que je serai jugée sur le long terme, sur les actes et non sur les
effets d'annonce, les sourires et l'image.
M. Jacques Oudin.
Le sourire, c'est important !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
La
création de la cinquième direction du ministère, la réforme de la politique de
l'eau, la mise en place de la fiscalité écologique ou encore le travail
accompli cette semaine à l'OMC, M. Bizet le confirmera, pour faire en sorte que
l'environnement soit pris en compte, qu'il s'agisse du principe de précaution
ou des accords multilatéraux sur l'environnement arrêtés dans le cadre des
Nations unies, sont des éléments tout à fait importants.
Cela dit, je crois que le moment est venu de s'interroger sur les orientations
et l'efficacité de la politique française en matière de protection de
l'environnement.
Notre pays est doté d'un arsenal législatif très consistant. Nous disposons de
grandes lois dont il m'arrive de penser qu'on ne les voterait plus aujourd'hui,
à l'heure où tout obstacle aux projets locaux relatifs à l'activité économique,
qu'il s'agisse de projets des collectivités territoriales ou des acteurs
privés, fait scandale. Ainsi, je ne suis pas certaine que l'on pourrait voter
la loi littoral, la loi montagne ou la loi sur la protection de la nature, mais
je constate que cet arsenal législatif ne nous protège pas contre de nombreuses
violations qui s'expliquent non pas seulement par l'absence d'agents dédiés à
la police de l'environnement, mais aussi par une certaine indifférence, voire
une certaine légèreté de nombre d'acteurs publics et privés.
Les moyens dégagés sont considérables, mais je remarque qu'il est plus facile
de les mobiliser pour réparer que pour prévenir.
Je voudrais enfin évoquer les zonages, nombreux, et les mesures de
discrimination positive. J'ai cité tout à l'heure le cas de la Camargue, mais
bien d'autres sites sont en théorie protégés par des zonages qui peuvent
parfois handicaper l'activité sans apporter le degré de protection souhaité.
Je suis d'autant plus à l'aise pour évoquer ces difficultés que ces outils ont
été mis en place progressivement, sous des gouvernements de couleurs politiques
fort variées, par stratification, sans que nous soyons en mesure d'évaluer
complètement l'efficacité de ces moyens. Et je constate que la qualité de
l'environnement continue à se dégrader, qu'il est de plus en plus souvent
demandé à l'Etat de vider l'océan avec une petite cuillère et qu'à la
détermination et à la vertu affichées dans les discours répond souvent la
réticence dès qu'une action d'ampleur et d'envergure supposerait un
bouleversement des comportements quotidiens.
Je souhaite que nous consacrions une partie de l'année 2000 à réfléchir à ces
questions, pour que nous n'ayons pas à nous les poser de nouveau l'année
prochaine.
Je conclurai mon propos en rassurant M. Gouteyron, qui a dû nous quitter. Je
crois savoir qu'il doit assumer une lourde responsabilité dans les prochaines
trente-six heures
(Sourires)
. Seules des contraintes d'agenda, liées non
pas à la préparation de la conférence de Seattle, mais à la tenue d'un Conseil
européen à Bruxelles et de la cinquième conférence des parties sur l'effet de
serre à Bonn expliquent que je n'aie pu venir plancher devant la commission des
affaires culturelles du Sénat. Mais j'espère que vous ne doutez pas que je me
plierai de bonne grâce à l'exercice l'année prochaine.
(Applaudissements sur
les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : II. -
Environnement.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 219 277 846 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 74 440 394 francs. »
La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult.
J'interviens en lieu et place de mon collègue M. Gérard Miquel, qui est retenu
dans son département du Lot.
Le débat budgétaire est l'occasion d'un débat sur la politique d'un ministère.
Tous les sujets qui ont été évoqués au cours de cette séance méritent
attention, mais il en est un qui me paraît absolument fondamental, parce qu'il
intéresse tous les élus de France et toutes les collectivités locales, les
petites communes rurales comme les grandes régions : je veux parler de la
politique des déchets.
Nous avons devant nous une grande échéance et un grand objectif.
L'échéance, c'est le 1er juillet 2002 puisque, à cette date, la mise en
décharge cessera d'être un mode courant de traitement des déchets et sera
réservée aux seuls déchets ultimes.
Le grand objectif, c'est la valorisation des déchets. L'objectif, rappelé dans
votre circulaire du 28 août 1998, madame la ministre, est que la moitié de la
production des déchets soit collectée pour récupérer des matériaux en vue de
leur recyclage et de leur réutilisation industrielle, biologique ou agricole.
Cet objectif part d'une idée simple : les déchets sont des matières premières
secondaires qui peuvent parfaitement être réutilisées.
J'ai rapporté récemment, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des
choix scientifiques et technologiques, une étude sur ce sujet. En partant des
aspects techniques, nous avons évoqué les questions d'ordre juridique,
économique, budgétaire, fiscal et culturel. J'en citerai quelques-unes pour
mémoire : la qualification des déchets, les moyens de l'ADEME, le partage
taxation-redevance, le sort des décharges internes, la fiscalité des décharges
contrôlées, le recyclage des plastiques, notamment des plastiques agricoles, le
« serpent de mer » des journaux gratuits qui, je le rappelle, coûtent 300
millions de francs aux collectivités locales, la collecte des vieux papiers
dans les administrations qui permettrait d'économiser plusieurs millions de
francs, les nouvelles techniques de traitement thermique et les moyens de
sensibilisation de nos concitoyens. Sur chacune de ces questions, l'Office a
réfléchi et ouvert des pistes.
A l'occasion de cette explication de vote et après avoir sollicité l'avis du
président de l'office, je voudrais donc dire à Mme la ministre que j'ai
l'intention de demander au président de notre groupe et au président de la
commission des affaires économiques de proposer, à une prochaine conférence des
présidents, d'organiser un débat public en séance sur ce thème.
Quels sont les modes possibles de valorisation des déchets ? L'échéance de
juillet 2002 sera-t-elle tenue ?
Ces questions intéressent tous les élus, et le Sénat en particulier. Une
déclaration du Gouvernement me paraîtrait bienvenue.
J'espère que cette initiative recueillera votre assentiment, madame le
ministre. Ces orientations figurent dans votre projet de budget. Je voterai
donc les crédits qui nous sont soumis aujourd'hui.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 341 785 000 francs ;
« Crédits de paiement : 116 020 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 455 708 000 francs ;
« Crédits de paiement : 1 903 824 000 francs. »
Par amendement n° II-13, le Gouvernement propose de majorer ces autorisations
de programme de 300 000 000 francs.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Avant
d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais brièvement répondre à la question du
coût du traitement des journaux gratuits qui a été évoquée à l'instant.
L'année dernière, nous avions souhaité mettre en place une taxe sur les
journaux gratuits pour aider les collectivités à faire face aux coûts générés
par ces journaux. Or, les parlementaires ont souhaité que le produit de cette
taxe soit considéré comme une aide à la presse, ce que mon ministère a vivement
déploré.
J'en viens à l'amendement, que j'ai présenté de façon indirecte tout à
l'heure.
La majoration de 300 millions de francs des autorisations de programme est
destinée, à titre non reconductible, d'une part à aider les collectivités
territoriales à réaliser les équipements nécessaires pour le traitement des
déchets ménagers, conformément à la loi du 13 juillet 1992 relative à
l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées pour la
protection de l'environnement, qui fixe à 2002 l'échéance d'interdiction de
mise en décharge, et, d'autre part, à solder le retard constaté dans le domaine
de l'aide à l'insonorisation des riverains des aéroports, en particulier aux
abords des aéroports d'Orly et de Roissy compte tenu de la mise en service de
la troisième piste de Roissy, décidée par le Gouvernement en 1998.
Les collectivités locales, dont le Sénat aime se faire l'écho, apprécieront la
manière dont la Haute Assemblée aura, ou n'aura pas, soutenu leurs efforts en
matière de traitement des déchets.
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial.
Tout à l'heure, nous avons démontré que, si le
produit des anciennes taxes avait continué de suivre la filière habituelle, les
crédits de l'ADEME auraient été beaucoup plus importants. Avec l'affectation de
ces 300 millions de francs, vous arrivez exactement au produit qui aurait
résulté des anciennes taxes. Nous ne pouvons donc qu'émettre un avis favorable,
même s'il s'agit en l'occurrence d'autorisations de programme.
Je souhaiterais ajouter quelques mots sur les boues des stations d'épuration,
puisque vous avez évoqué ce point, madame le ministre. Vous avez fait une
assimilation entre les effluents agricoles et les boues des stations
d'épuration. Je ne pense pas que l'on puisse dire que les rejets organiques et
les boues de stations d'épuration soient exactement la même chose. Nous aurons
l'occasion d'y revenir.
A l'heure actuelle, aucun agriculteur ne peut épandre des boues sans prendre
le risque de mettre en cause sa capacité à vendre les produits qu'il tire de
son exploitation et l'avenir même de celle-ci, dans la mesure où il existe
désormais une véritable psychose en ce domaine. C'est un sujet sur lequel nous
devrons revenir.
MM. Jacques Oudin et Pierre Hérisson.
Très bien !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
En ce qui
concerne la TGAP, nous en sommes tous conscients, on se tient par la
barbichette. En effet, je peux renverser votre argumentation.
M. Philippe Adnot.
rapporteur spécial.
Allez-y !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Le fait
que l'on puisse mobiliser 300 millions de francs du jour au lendemain parce que
l'on constate qu'il y a un besoin important, au-delà du produit de la taxe,
valide l'idée selon laquelle la TGAP permet une fluidité, une souplesse, donc
une augmentation des moyens quand le besoin est important et, éventuellement,
une déconnexion entre le montant de la taxe et le montant affecté au budget de
l'environnement. Dans le cas d'espèce, vous l'aurez noté, n'étant pas certaine
d'obtenir les moyens supplémentaires, je n'ai pas demandé cette année
d'augmentation de la taxe de mise en décharge des ordures ménagères. Donc, on
n'aurait pas obtenu cette année d'augmentation des moyens avec une
stabilisation de la taxe.
En ce qui concerne les boues des stations d'épuration, si j'insiste sur
l'importance toute relative en quantité des boues des stations d'épuration
urbaines, ce n'est pas pour montrer du doigt les problèmes liés à l'épandage
des déchets d'origine agricole, notamment aux effluents d'élevage - c'est un
dossier différent qui est bien connu - c'est aussi pour inviter peut-être les
élus locaux dans leur discussion avec la grande distribution, avec les filières
d'aval et de transformation des produits agricoles à ne pas se focaliser sur un
problème qui est aujourd'hui bien cadré en raison de la modernisation des
textes qui le concerne.
Les déchets d'élevage ne sont pas exempts de métaux lourds ni de résidus
d'antibiotiques, qui posent aussi parfois des problèmes mais qu'il est question
de traiter dans un autre cadre.
Pour ce qui concerne les boues de stations d'épuration urbaines, la
réglementation actuelle répond aux besoins. Le caractère irrationnel et
passionnel des contestations que vous avez pointées nous invite à objectiver
les problèmes, à répondre argument pour argument aux difficultés qui sont
générées par la grande distribution. Je peux vous le dire aujourd'hui, le
cahier des charges du champagne qui exclut l'utilisation de boues de stations
d'épuration ou les exigences de Bonduel ou de telle ou telles filiale de grande
distribution ne sont pas justifiés du point de vue environnemental. Il n'y a
aucune raison que l'on cède. La grande distribution, qui se révèle parfois
incapable de respecter des normes et des règlements, n'a pas à inventer ses
propres normes et ses propres règles d'une façon purement publicitaire et
déconnectée des problèmes objectifs que nous constatons.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-13, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'environnement.
4
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au lundi 6 décembre 1999, à neuf heures trente, à quinze heures et le
soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 88 et 89, 1999-2000).
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
- Emploi et solidarité :
I. - Emploi (et article 70) :
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial (rapport n° 89, annexe n° 18) ;
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(Travail et emploi, avis n° 93, tome IV) ;
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales (Formation professionnelle, avis n° 93, tome IV).
II. - Santé et solidarité (et article 70
bis
) :
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial (rapport n° 89, annexe n° 19) ;
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(Solidarité, avis n° 93, tome I) ;
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(Santé, avis n° 93, tome II).
- Education nationale, recherche et technologie :
II. - Enseignement supérieur :
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial (rapport n° 89, annexe n° 16)
;
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (avis n° 90, tome V) ;
III. - Recherche et technologie :
M. René Trégouët, rapporteur spécial (rapport n° 89, annexe n° 17) ;
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (Recherche scientifique et technologique, avis n° 90, tome VIII)
;
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 91, tome VII).
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen
des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 2000
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2000 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen
des crédits du projet de loi de finances pour 2000
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2000 est fixé au vendredi 10 décembre 1999, à seize heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise
en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des
dotations de l'Etat aux collectivités locales (n° 56, 1999-2000) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
jeudi 9 décembre 1999, à
dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 9 décembre 1999, à
seize
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON