Séance du 2 décembre 1999







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen des crédits de la fonction publique appelle deux analyses distinctes : la première est juridique et porte sur la présentation des crédits du ministère chargé de la gestion de la fonction publique, qui sont individualisés dans le budget des services généraux du Premier ministre au sein de l'agrégat « Fonction publique ». Ces crédits s'élèvent à 1 316 millions de francs en 2000, soit une diminution de 6,80 % par rapport à 1999.
La seconde analyse est économique et concerne l'ensemble des charges de personnel de l'Etat, c'est-à-dire les crédits de rémunération, les charges sociales et les pensions.
L'examen des charges de personnel de l'Etat est particulièrement intéressant, en raison des masses budgétaires en jeu mais aussi des enseignements qu'il convient d'en tirer.
Les dépenses de fonction publique stricto sensu s'élèvent à 675 milliards de francs, soit une progression de 3,4 % par rapport à l'année dernière, et représentent près de 40 % du budget général.
Surtout, la fonction publique de l'Etat « induit » des dépenses qui vont bien au-delà des seules charges liées aux fonctionnaires. Hors rebudgétisations, ces dépenses induites étaient, en 1999, de 712 milliards de francs, soit une progression de plus de 3 % par rapport à 1998, année où elles s'élevaient à 691 milliards de francs.
Après cette présentation rapide des grandes masses budgétaires, je souhaiterais exposer les cinq observations que m'inspirent les dotations allouées à la fonction publique et à la réforme de l'Etat pour 2000.
Première observation : les dépenses liées à la fonction publique ne cessent de croître, à tel point que le Gouvernement semble avoir renoncé à les maîtriser.
Les emplois budgétaires civils progressent, en effet, de manière continue depuis 1990, augmentant de 39 400 entre 1990 et 1998. L'année dernière, le Gouvernement avait affiché un solde de création d'emplois nul, mais, en 2000, le nombre de fonctionnaires civils de l'Etat augmentera de 247 emplois nouveaux. La thèse selon laquelle il est impossible de réduire le nombre de fonctionnaires est cependant infirmée par le Gouvernement lui-même, puisque le ministère de l'économie et des finances va supprimer 3 000 postes en trois ans, grâce à des progrès de productivité.
Par ailleurs, le coût de la rémunération des fonctionnaires de l'Etat croît également, en raison, notamment, de l'accord salarial du 10 février 1998, seule mesure concrète prise par le Gouvernement depuis juin 1997 dans le domaine de la fonction publique.
Or l'année 2000 est l'exercice sur lequel l'ensemble des mesures adoptées jouera en année pleine : ce coût annuel total s'établira à 23,3 milliards de francs, après 5,3 milliards de francs en 1998 et 14,8 milliards de francs en 1999. Il s'établira même à 41,3 milliards de francs après prise en considération de son effet sur la fonction publique territoriale, pour 10 milliards de francs et sur la fonction publique hospitalière pour 8 milliards de francs. Ces chiffres sont évidemment à rapprocher des 15 milliards de francs d'augmentation des dépenses du budget général pour 2000.
Ainsi, sur les années 1998, 1999 et 2000, le coût global de l'accord salarial s'élève à 77,1 milliards de francs. Ces chiffres montrent que, par-delà tous les discours, la vraie priorité du Gouvernement, c'est la rémunération des fonctionnaires.
M. Jacques Mahéas. C'est une bonne priorité !
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Au demeurant, l'écart salarial ne cesse de se creuser entre la fonction publique et le secteur privé. Ainsi, le salaire moyen net dans la fonction publique de l'Etat a enregistré des gains de pouvoir d'achat de 5,9 % sur ces six dernières années, soit en moyenne 1,2 % par an. Dans le secteur privé, le salaire moyen net a progressé moins vite que les prix sur cette période, soit une perte de pouvoir d'achat de 1,3 % et de 0,3 % en moyenne par an.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Ce n'est pas la faute du Gouvernement !
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. La part croissante des dépenses de personnel accentue la rigidité du budget de l'Etat, comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 1998. Elle note également la forte concentration de ces dépenses : cinq ministères représentent près de 90 % de l'ensemble des rémunérations d'activité versées par l'Etat en 1998.
Deuxième observation : la notion de fonctionnaire est de plus en plus incertaine.
Les fonctionnaires civils de l'Etat sont près de 2,1 millions, mais l'ensemble des agents publics s'élève à 5,1 millions, soit plus d'un actif sur cinq, qui sont tous concernés par la négociation salariale dans la fonction publique, même si une seule partie de ses effets apparaît dans le budget de l'Etat.
Le plus grave est sans doute que l'Etat méconnaît le nombre de ses fonctionnaires.
C'est en effet la conclusion qui ressort des travaux de la Cour des comptes sur les effectifs du ministère de l'emploi et de la solidarité, comme des travaux de la commission d'enquête du Sénat sur les personnels de l'éducation nationale. Par ailleurs, la direction générale de la fonction publique et de l'administration avoue ne pas connaître précisément la position statutaire de l'ensemble des fonctionnaires. L'enquête qu'elle a menée en 1996 sur la position statutaire des agents de l'Etat fournit, avec une précision peut-être trop grande eu égard aux travaux de la Cour des comptes et du Sénat que j'ai mentionnés précédemment, les effectifs des agents mis à disposition, en service détaché ou placés en disponibilité, mais elle « ne permet pas de recenser les organismes d'accueil dans lesquels sont placés les agents ». En clair, elle ignore où ces personnels se trouvent précisément !
Enfin, l'avenir des emplois-jeunes est inquiétant, en particulier du fait de la probable intégration d'une part importante d'entre eux dans la fonction publique. Faut-il voir en eux de futurs fonctionnaires ?
Troisième observation : la question du coût des pensions va se poser rapidement.
L'évolution du montant des charges de pension des fonctionnaires de l'Etat et des militaires a suivi une tendance extrêmement rapide : de 1990 à 1997, ce montant est passé, en francs constants, de 136 milliards de francs à 164,5 milliards de francs, soit une progression de 20,84 %. Or les évolutions démographiques sont très préoccupantes eu égard à leurs conséquences budgétaires. D'ici à 2010, en effet, plus de 40 % des fonctionnaires partiront à la retraite. J'estime qu'il faut saisir cette opportunité pour réduire le nombre des fonctionnaires et doter notre pays d'un Etat moins lourd mais plus efficace.
Par ailleurs, il me semble indispensable d'engager la réforme des régimes spéciaux de retraite, qui, je le rappelle, n'ont pas été concernés par la réforme de 1993. Un allongement de la durée de cotisation paraît inévitable, le rapport Charpin préconisant de la porter progressivement à 42,5 années pour tous, y compris les fonctionnaires qui cotisent actuellement 37,5 années.
Faute de réformes courageuses, le poids des pensions va rapidement devenir insupportable.
Quatrième observation : les 35 heures dans la fonction publique ne doivent pas aboutir à des créations d'emplois.
M. Jacques Roché a remis, au ministre de la fonction publique, en février dernier, un rapport sur le temps de travail dans les trois fonctions publiques. Ce rapport rappelle que la durée du travail dans la fonction publique est très contrastée, entre 29 et 40 heures par semaine pour la seule fonction publique de l'Etat.
Je ne peux que souscrire à la recommandation du rapport de considérer la réduction du temps de travail comme « une formidable occasion d'une remise à plat de l'organisation actuelle du temps de travail dans les fonctions publiques ».
Par ailleurs, la réflexion doit s'engager à effectif constant, l'aménagement du temps de travail devant se traduire non par un accroissement des effectifs de la fonction publique mais par une plus grande efficacité au service des usagers des services publics.
Cinquième et dernière observation : la réforme de l'Etat apparaît désormais comme une occasion perdue de réformer le format et les missions de l'Etat.
Pour l'instant, le Gouvernement, en matière de réforme de l'Etat, s'est limité à produire des textes de portée réduite, les intentions affichées, quoique nombreuses, apparaissant peu claires.
Un comité interministériel pour la réforme de l'Etat s'est réuni le 13 juillet dernier, sous la présidence du Premier ministre. Trois axes de réforme ont été déterminés : l'évaluation des politiques publiques, l'établissement d'un projet territorial devant permettre d'améliorer le fonctionnement des services déconcentrés et l'élaboration de programmes pluriannuels de modernisation au niveau de chaque ministère.
A ma connaissance, aucun de ces projets n'a été finalisé. La réflexion est en cours, mais aucune décision concrète n'a encore été prise. La réforme de l'Etat n'est pourtant pas une mission impossible : les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont montré non seulement qu'elle pouvait être entreprise, mais qu'elle était également source de plus d'efficacité et d'économies importantes. Notre partenaire le plus proche, l'Allemagne, a également décidé de réformer le statut de sa fonction publique, et cela sans heurts ni conflits sociaux de grande ampleur.
Pour moi, la réforme de l'Etat doit promouvoir la déconcentration, l'amélioration de la gestion patrimoniale de l'Etat - le rapport François ayant dénoncé la méconnaissance par l'Etat de son propre patrimoine immobilier - et, enfin, la modernisation de la gestion de la fonction publique.
J'ajouterai, pour conclure, que la réduction des dépenses de fonctionnement constitue un enjeu majeur, le fardeau des retraites de la fonction publique étant inéluctable. Or, dans ce domaine, le Gouvernement a choisi l'attentisme. Cette décision risque d'être extrêmement lourde de conséquences pour les finances publiques dans un avenir très proche. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 17 minutes ;
Groupe socialiste, 13 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 8 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cette année encore, les crédits consacrés à la fonction publique et à la réforme de l'Etat sont en deçà de nos attentes. Ce budget est en baisse de 6,8 %, alors que le budget pour 1999 n'était déjà pas à la hauteur des missions et du rôle primordial qu'ont à jouer les services publics, les administrations et les institutions publiques pour l'avenir de notre pays.
Les déclarations des différents ministres, et même du premier d'entre eux, ne manquent pas de souligner l'importance du service public, le rôle irremplaçable qu'il joue en faveur de la cohésion sociale et géographique de notre pays.
Malgré ces déclarations, il ne nous semble pas que ce budget rompe franchement avec l'idée de rationaliser les dépenses publiques, Il s'agirait pourtant d'un acte politique fort, d'autant plus que la fonction publique fait régulièrement l'objet de dénigrements systématiques, dénigrements qui constituent des éléments récurrents du discours libéral ambiant.
En témoignent, cette année encore, les propos de M. le rapporteur spécial de la commission des finances, qui dénonce les crédits trop importants consacrés aux rémunérations des fonctionnaires.
D'une part, ces dépenses ne se sont pas accrues si fortement ces dernières années.
D'autre part, les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen sont parmi ceux qui pensent que les fonctionnaires ont, eux aussi, messieurs de la majorité sénatoriale, assumé leur part de rigueur, la baisse de leur pouvoir d'achat en témoigne.
Cette année, les crédits consacrés aux rémunérations intègrent les dispositions de l'accord salarial signé le 10 février 1998.
Ils sont en progression de 3,46 %, pour atteindre 675 milliards de francs en 2000. Aucune budgétisation n'est prévue pour une quelconque revalorisation salariale cette année. Pourtant, l'accord salarial du 10 février 1998 n'est qu'une simple revalorisation et non une réactualisation ! En effet, en 1996 et 1997, les salaires des agents publics ont été gelés et aucun rattrapage n'a eu lieu.
Concernant les effectifs, sur lesquels nous reviendrons en examinant le titre III, nous considérons que la politique engagée ne pourra pas permettre une mise en place des 35 heures, dont l'une des justifications essentielles, y compris dans la fonction publique, est la création d'emplois.
Alors que M. le ministre a entamé depuis deux mois des discussions avec les organisations syndicales, les élus locaux et leurs associations, nous aurions souhaité que les crédits consacrés à la fonction publique tiennent compte du passage aux 35 heures, et ce dès janvier 2000.
Si l'on ne met pas à profit l'application des 35 heures dans la fonction publique pour améliorer la réponse des services publics aux besoins des citoyens mais également pour développer l'emploi et résorber le travail précaire, comment pourra-t-on répondre concrètement aux besoins flagrants des collèges, des lycées, des hôpitaux, des commissariats de police et des collectivités ? Comment pourra-t-on promouvoir le développement de services de proximité, des maisons de services publics ?
Ce budget ignore donc, selon nous, bien des paramètres, le vieillissement des agents publics, par exemple.
Les crédits sociaux du ministère subissent également une forte diminution, essentiellement due à la suppression de l'enveloppe exceptionnelle. Cette enveloppe a permis une relance de la politique d'action sociale, et elle aurait mérité d'être reconduite.
Qu'il me soit également permis d'évoquer les congés de fin d'activité. Ils répondent réellement à un besoin des agents et des administrations. Nous voudrions qu'ils soient pérennisés.
Ce sont autant d'arguments qui font que le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra sur ce budget, comme il l'a fait à l'Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Le budget qui nous est présenté aujourd'hui s'inscrit dans la continuité de la politique initiée en 1998 et traduit manifestement, pour la troisième année consécutive, l'engagement du Gouvernement en faveur de la fonction publique.
Inversant la logique de destructuration menée précédemment, M. le ministre a su accorder à la fonction publique la place déterminante qu'elle mérite d'occuper sur la scène économique et sociale de notre pays.
Augmentation des effectifs, revalorisation des salaires, action sociale interministérielle sont autant d'indices d'une politique marquée au coin de la négociation et du dialogue. L'accord salarial du 10 février 1998 a d'ailleurs satisfait l'ensemble des fonctionnaires, notamment parmi les catégories les plus basses. La contractualisation, qui devrait se poursuivre dans le courant de 2000, a instauré un climat social serein, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
En ce qui concerne les crédits octroyés pour 2000 à la fonction publique, certains esprits chagrins ne manqueront pas - nous venons d'ailleurs déjà de le voir - de souligner un premier ralentissement depuis deux ans. Certes, les crédits ne s'élèvent qu'à 1,316 milliard de francs, contre 1,412 milliard l'an passé.
Néanmoins, qu'il me soit permis d'être plus optimiste, en rappelant que cette baisse apparente s'explique par la non-reconduction pour 2000 de l'enveloppe exceptionnelle de 230 millions de francs affectée à l'action sociale interministérielle, conformément à l'accord salarial de février 1998. Or cette non-reconduction était connue dès la signature de l'accord. Autrement dit, les crédits ordinaires de la fonction publique, loin de baisser, marquent une nette progression, de l'ordre de 11,3 %.
S'agissant des effectifs, le renversement de tendance observé dès 1998 se poursuit, le budget pour 2000 enregistrant une hausse de 366 postes. Cette augmentation, aussi légère soit-elle, est importante.
Au moment où commencent les négociations sur la réduction du temps de travail, je vois là un gage positif, un premier signe à l'égard de ceux qui pensent, à juste titre, que la réduction du temps de travail ne peut être envisagée qu'à l'aune de la lutte contre le chômage et le sous-effectif dans la fonction publique.
J'entends ici l'habituelle rengaine qui veut que notre pays souffre de compter trop de fonctionnaires, monsieur le rapporteur spécial. Mais qui peut sérieusement prétendre qu'il y a trop d'infirmières, trop d'enseignants ou trop de policiers ?
Notre collègue Francis Giraud se plaignait tout à l'heure amèrement devant vous du manque manifeste de personnel dans les hôpitaux publics de la région PACA.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Tout à fait !
M. Jacques Mahéas. Double langage ! On ne peut pas, d'un côté, dire qu'il y a trop de fonctionnaires et, de l'autre, en réclamer pour soi, pour sa ville, pour son département, pour sa région !
Quant aux redéploiements, ils traduisent la poursuite des priorités définies par le Gouvernement dès 1997 et approuvées par la population : justice, 1 237 postes en plus ; emploi, solidarité et santé, 240 postes supplémentaires ; environnement, 140 postes en plus cette année.
Si les questions de maîtrise budgétaire ont leurs sujétions, il ne faudrait cependant pas sous-estimer les risques d'affaiblissement qu'encourent certains services mis à contribution depuis plusieurs années.
De surcroît, ne serait-il pas opportun de faire du ministère de la fonction publique le maître d'oeuvre des redéploiements de ministère à ministère, ce qui n'est pas toujours facilité par les ministères mais qui aurait pour avantage de faciliter la mobilité des agents ?
Sur le plan des rémunérations, l'accord salarial du 10 février 1998 s'est révélé excellent, et nous nous félicitons qu'un rendez-vous prévoie d'ores et déjà des négociations au premier semestre de 2000.
L'augmentation des crédits sociaux interministériels atteste, une fois encore, d'une politique sociale engagée dans la durée. Hors enveloppe exceptionnelle, ces crédits progressent de 17 %. Ils sont consacrés, pour partie, aux chèques vacances, auxquels les agents sont particulièrement attachés, et à l'insertion des agents handicapés.
Avec 270 millions de francs, soit une augmentation de 10,2 %, les chèques vacances pourront être étendus aux emplois-jeunes et réorientés en direction des plus modestes, ce dont nous nous réjouissons.
Saluons également le maintien des crédits destinés à faciliter l'insertion des agents handicapés. L'Etat doit en effet se montrer exemplaire. Notons que les partenaires sociaux, qui souhaitaient que les crédits consacrés aux handicapés ne soient plus affectés au chapitre de l'action sociale, ont été exaucés.
L'enveloppe exceptionnelle de 230 millions de francs accordée l'an dernier a permis des avancées significatives dans deux domaines importants qui accusaient un retard considérable, la restauration et le logement : la mise aux normes de restaurants administratifs, les contrôles vétérinaires, qui ont révélé des lacunes, et le programme de réservation de logements hors région parisienne, dans les grandes métropoles.
Les partenaires sociaux, que nous avons rencontrés, craignent que la non-reconduction de la dotation exceptionnelle mette un frein aux actions engagées, alors même que les besoins restent importants.
Nous demandons donc qu'un bilan soit effectué dans les meilleurs délais, afin de repérer les difficultés, de les chiffrer et de prendre les mesures appropriées dans le prochain projet de budget.
Un autre sujet mobilise grandement les esprits : l'aménagement et la réduction du temps de travail, mesure attendue tant par les agents que par leurs organisations syndicales. Si le rapport Roché a mis à jour des situations contrastées en fonction des services et des administrations, la grande majorité des agents de la fonction publique travaille autant que n'importe quelle autre catégorie socioprofessionnelle. Les inondations dramatiques vécues récemment dans le sud de la France ont d'ailleurs prouvé, s'il en était besoin, l'efficacité d'un service public qui ne se montre pas avare de son temps et auquel nous devons le plus grand respect.
Cela étant, le Gouvernement a défini comme objectifs prioritaires l'amélioration du service rendu au public et le bénéfice pour les fonctionnaires de « l'avancée sociale » des 35 heures, la création d'emplois n'étant qu'une résultante. Cette question sera examinée en fonction des besoins locaux, au regard notamment des départs en retraite, de la résorption des emplois précaires et de la possibilité de transformer des heures supplémentaires en emplois.
Il me paraît difficile, madame la secrétaire d'Etat, de vouloir entamer des négociations et d'ajuster l'organisation du travail aux missions de service public en occultant a priori le volet emploi. Je l'ai déjà dit, l'augmentation des effectifs pour 2000 me paraît être un bon signe.
En outre, je tiens à rappeler la nécessité de poser un cadre précis, de définir des normes homogènes qui soient à même de préserver l'unité de la fonction publique et d'éviter, en particulier, toute concurrence préjudiciable entre collectivités territoriales.
De même, un souci de transparence conduit à unifier les statuts en matière de primes. La circulaire du 1er octobre 1999 doit servir de point d'appui et être strictement respectée.
Enfin, des questions de déontologie, mais, plus encore, des motivations sociales imposent de résoudre la sempiternelle disparité des traitements entre fonctionnaires de la métropole et fonctionnaires des départements d'outre-mer. La surrémunération de ces derniers ne fait que conduire à l'éclatement de la société des DOM entre un secteur à garantie d'emploi et forte rémunération et un secteur exposé à des salaires très inférieurs.
Autre sujet de réflexion, sinon d'inquiétude, la pyramide des âges des fonctionnaires indique des départs à la retraite massifs pour les dix prochaines années. D'ici à 2010, de 700 000 à 750 000 agents vont quitter la fonction publique et, parmi eux, 450 000 fonctionnaires de l'éducation nationale ou de l'enseignement supérieur. Dans la police, au cours des cinq prochaines années, il faudra remplacer 24 400 fonctionnaires, auxquels s'ajoutent 20 000 adjoints de sécurité.
A condition, bien évidemment, de ne pas procéder à un simple remplacement poste par poste, il s'agit d'une chance unique de rajeunissement et de modernisation de la fonction publique.
Pourriez-vous, madame la secrétaire d'Etat, nous indiquer quelles mesures, notamment en termes de formation des agents, permettront d'aborder cette rénovation en toute sérénité ?
S'agissant du congé de fin d'activité, auquel mon collègue Jean-Pierre Demerliat est si attaché, nous nous félicitons de sa prorogation pour l'an 2000. Sa reconduction dans le projet de loi de finances était très attendue des agents, qui apprécieront sans nul doute l'effort du Gouvernement. Sachant à quel point ce dispositif est bénéfique à l'emploi des jeunes, une étude pourrait être menée en faveur de sa pérennisation.
La précarité dans la fonction publique est un sujet sur lequel nous nous interrogeons. Loin d'être l'eldorado qu'on imagine parfois, la fonction publique concentre malheureusement un certain nombre de personnels non titulaires - vacataires, contractuels et auxiliaires - recrutés à un niveau souvent très déconcentré et sur des supports budgétaires variables.
On doit pourtant souligner les tentatives de résorption résultant de l'organisation des concours réservés. Près de 12 000 maîtres auxiliaires ont ainsi accédé aux corps de personnels de l'enseignement du second degré, plus de 6 000 agents de catégorie C ont été titularisés. Des décrets de mars et juin 1998 concourent également à faciliter la titularisation, l'un d'agents de catégorie B du ministère de la culture, l'autre d'instituteurs suppléants. Des dispositifs analogues ont été mis en place en faveur des personnels exerçant des fonctions de documentaliste, des agents du ministère de l'emploi affectés à la gestion du RMI et de certains personnels relevant de l'administration pénitentiaire, autant d'efforts absolument indéniables qui ne portent pas les fruits attendus puisqu'il semblerait que le nombre d'agents non titulaires soit en augmentation.
Comment, dès lors, prévenir des pratiques de précarité que l'Etat employeur ne saurait cautionner ? Et je n'ose mentionner les « vacataires permanents » de la Bibliothèque nationale de France !
J'évoquerai, enfin, les crédits alloués à la modernisation et à la réforme de l'Etat.
Quasiment stables, ces crédits sont destinés à l'amélioration de la qualité des services rendus aux usagers, notamment grâce à l'application des mesures concernant le droit des citoyens dans leurs relations avec l'administration. Comme l'an passé, la répartition des crédits entre section centrale et section territoriale traduit clairement l'option préférentielle en faveur de la déconcentration.
Notons que le fonds pour la réforme de l'Etat a permis un financement des maisons des services publics de 4,4 millions de francs et a également contribué, pour 1,3 million de francs, à une expérimentation de création de guichets uniques de greffe dans le ressort de cinq cours d'appel : Limoges, Nîmes, Amiens, Rennes et Bordeaux.
L'expérience des maisons des services publics est particulièrement intéressante et mérite un suivi approprié : après deux ou trois ans d'exercice, il serait bon de dresser un bilan, afin de repérer ce qui fonctionne le mieux.
Encore un mot : à l'heure de l'aménagement durable du territoire et du maintien des services publics en milieu rural, comment ne pas évoquer le projet de réforme du ministère des finances et les craintes suscitées par la suppression, nous dit-on, de 1 000 trésoreries et le regroupement des services du cadastre et de l'Institut géographique national ? Madame la secrétaire d'Etat, l'inquiétude des personnels et des élus locaux est grande : pourriez-vous nous donner quelques explications et des assurances ?
Au-delà des problèmes qui nous préoccupent, il va sans dire que nous voterons ce budget. Soyez assurée de notre attachement à une fonction publique que nous souhaitons, pour ce symbolique an 2000, encore plus moderne et plus proche des citoyens. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, progression des emplois budgétaires civils, coût croissant de la rémunération des fonctionnaires : telles sont encore les caractéristiques de la politique de l'actuel gouvernement concernant le personnel de l'Etat.
Avec des charges de personnel qui représentent 40,5 % du budget de l'Etat, en progression de 3,4 % par rapport à la loi de finances initiale de 1999, peut-on indéfiniment continuer ce mouvement du « toujours plus ? »
Alors que les sureffectifs de la fonction publique sont estimés à environ 500 000 agents, la baisse du nombre de fonctionnaires n'est toujours pas d'actualité pour 2000.
En outre, s'ajoute à ce tableau la question de l'avenir des emplois-jeunes d'aujourd'hui. Leur recrutement permet à votre gouvernement d'afficher une baisse du chômage des jeunes. Vous trompez ainsi le public, mais votre politique est une parade de court terme.
En effet, ne vont-ils pas demain renforcer les rangs des personnels de l'Etat ? Si tel n'est pas le cas, ce que nous souhaitons vivement, que comptez-vous leur proposer de satisfaisant ?
Dans ce cadre, qu'attendez-vous pour engager une réforme de l'Etat digne de ce nom ?
Les déclarations d'intention du Gouvernement sont nombreuses, mais les actes se font attendre...
Certes, le comité interministériel pour la réforme de l'Etat se réunit et définit des orientations, des chantiers à entreprendre. Certaines de ces orientations sont d'ailleurs intéressantes. Mais, concrètement, quelles sont les avancées ?
Selon votre propre expression, « le Gouvernement prospective ». Quand compte-t-il agir ?
Les ressources, les connaissances de la fonction publique française constituent un véritable atout pour notre pays. Mais, si l'on veut que l'administration demeure un atout, il faut maîtriser ses dépenses de personnel, redéfinir ses missions, mieux employer ses agents et mieux les former, et, enfin, repenser la culture en son sein en termes d'efficacité et de service à l'égard des usagers.
D'ici à 2010, 40 % des fonctionnaires vont partir à la retraite. Il faut profiter de cette occasion, madame le secrétaire d'Etat, pour diminuer le poids de l'Etat.
M. Jacques Mahéas. Faites des propositions dans votre département !
M. Jean Boyer. C'est pourquoi je me permets d'insister sur l'importance et l'urgence d'une réforme de l'Etat ambitieuse.
Ensuite, madame le secrétaire d'Etat, qu'attend le Gouvernement pour apporter de vraies réponses aux légitimes interrogations que pose le financement des retraites des fonctionnaires ?
Compte tenu du vieillissement de notre population et de l'amélioration des pensions, les charges de retraite de l'Etat vont devenir explosives. Vous le savez, et vous savez aussi que les ressources de l'Etat ne sont pas infinies, hélas ! Mais, jusqu'à présent, c'est le flou sur la question du mode de financement. Pouvez-vous, aujourd'hui, nous donner des précisions sur ce sujet préoccupant ?
Compte tenu des quelques remarques et interrogations que je viens d'exposer, vous comprendrez bien que le groupe des Républicains et Indépendants ne puisse que voter contre ce budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, jamais les charges de l'Etat en matière de dépenses de personnels n'ont été aussi élevées dans notre pays. Elles atteindront 675 milliards de francs en 2000 et dépasseront 40 % du budget de l'Etat.
Cette dérive est constante depuis l'arrivée de ce gouvernement. Déjà, en 1999, l'augmentation avait été de 6,7 %, soit trois fois plus que la prévision pour l'ensemble des budgets de l'Etat.
Cette situation - et c'est bien ce qui nous inquiète - n'a aucune chance de s'améliorer, ne serait-ce que parce que l'Etat n'est en mesure de déterminer ni le nombre de ses fonctionnaires ni leur position statutaire.
Le budget pour 2000 prétend ne créer que 247 emplois nouveaux, mais ce chiffre est illusoire, puisque, parallèlement, les services de l'Etat ne peuvent suivre les trajectoires de leurs fonctionnaires entre mises à disposition, placements en détachement et autres situations particulières.
A cet égard, la lettre du premier président de la Cour des comptes, adressée le 28 juillet 1998 au ministre de l'emploi et de la solidarité, est significative : « La Cour a relevé que les effectifs dont disposait le ministère étaient éloignés des prévisions et autorisations de la loi de finances initiale. La destruction des effectifs qui figurent en loi de finances initiale, seule information dont dispose la représentation nationale en la matière, ne correspond pas à la réalité. Une amélioration de la gestion prévisionnelle des effectifs est indispensable. »
La commission d'enquête sénatoriale présidée par notre excellent collègue M. Gouteyron sur la question de la gestion des personnels de l'éducation nationale avait insisté sur la « mal administration » du système, mettant l'accent sur des surnombres de plus de 10 000 enseignants, sur un volant d'heures supplémentaires disproportionné, sur des décharges syndicales totales ou partielles mal appréhendées, sur un certain arbitraire des personnels détachés ou mis à disposition.
Comment, dès lors, se prononcer sur un budget dont nous savons que l'essence même est faussée ?
Mais ce budget ne prévoit aucun moyen de résorber cette dérive. Bien au contraire, il laisse en suspens trois questions pourtant majeures, qui sont autant de bombes à retardement pour l'équilibre de nos comptes.
La première de ces questions est celle des emplois-jeunes.
Le Gouvernement se félicite d'avoir déjà obtenu 200 000 contrats sur les 700 000 promis lors de la campagne législative, et l'objectif pour 2000 est d'atteindre les 350 000 contrats promis pour la fonction publique d'ici à un an.
Qu'adviendra-t-il de ces emplois au terme de leur contrat ?
Une bonne partie des jeunes concernés effectuent malheureusement un travail qui ne leur procurera aucune formation, aucune expérience profitable, aucune perspective de carrière à terme.
L'éducation nationale, qui était pourtant l'un des porteurs de cette réforme avec 65 000 contrats signés, se désengage du dispositif depuis l'été, faute de pouvoir tenir ses promesses en matière de formation.
Que deviendront ces contrats à leur issue, en 2002, en pleine campagne présidentielle, faut-il le rappeler ?
Proposerez-vous leur pérennisation dans une fonction publique déjà saturée ? A cette question, vous n'apportez pas de réponse.
La deuxième question est celle de l'application des 35 heures dans la fonction publique.
Le rapport Roché a eu le mérite d'ouvrir le débat sur ce point. Nous attendons toujours les réponses aux questions suivantes : quelles catégories de personnels seront affectées par la réduction du temps de travail ? Quelles garanties obtiendront les usagers en matière de prestation de service en contrepartie de la réduction du temps de travail ?
Le débat sur la réduction du temps de travail, ainsi que le nombre de départs en retraite - 700 000 d'ici à 2010 - constitueraient une formidable opportunité pour réformer l'Etat, redéfinir ses missions, moderniser ses services administratifs, accroître la qualité des services en réaffectant les effectifs en fonction des besoins réels.
Le Gouvernement a en main toutes les cartes nécessaires pour entreprendre cette réforme en profondeur. Il devra rendre compte de son inertie si rien n'est entrepris au regard de cette chance historique.
La dernière question est celle du financement des retraites des fonctionnaires de l'Etat.
Là encore, l'attentisme aurait des conséquences gravissimes. Les chiffres dont nous disposons tous le démontrent amplement.
Ainsi, 91 000 fonctionnaires des services civils partiront en retraite en 1999-2000, 102 000 en 2001-2002, 112 000 en 2003-2004, 127 000 en 2005-2006 et 124 000 en 2007-2008.
D'ici à 2010, plus de 40 % des fonctionnaires actuellement en exercice partiront à la retraite.
Ces données sont incontournables. Rien ne justifie donc que nous attendions plus longtemps.
Notre assemblée a adopté, en octobre dernier, une proposition de loi relative aux plans d'épargne retraite, ouvrant, il est vrai pour les salariés du privé, la possibilité d'une retraite complémentaire. Nous avons alimenté le débat, mais le Gouvernement n'en a pas voulu.
Le rapport Charpin préconisait l'augmentation de la durée des cotisations à quarante-deux ans et demi pour tout le monde, y compris pour les fonctionnaires ; le Gouvernement n'en a pas voulu non plus.
Pourtant, il faudra bien agir et opter pour une solution !
Vous ne vous donnez pas les moyens de sauvegarder la retraite par répartition en vidant le fonds de réserve pour les retraites de ses droits et en les réaffectant au financement des 35 heures.
Vous refusez d'allonger la durée des cotisations et, parallèlement, vous fermez la porte à la retraite par capitalisation.
Notre système de retraite ne supportera pas, en l'état, le choc démographique annoncé.
Toutes ces questions, qu'il s'agisse des effectifs, de l'engagement de la réforme de l'Etat ou des trois bombes à retardement que sont les emplois-jeunes, le financement des 35 heures et les retraites des fonctionnaires, appellent des réponses urgentes, que votre budget ne fait malheureusement qu'effleurer.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe du Rassemblement pour la République ne votera pas le projet de budget qui lui est proposé. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tenu de partir ce soir même au Vietnam, Emile Zucarrelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, ne pourra pas vous présenter lui-même son budget.
Me trouvant moi-même dans votre assemblée, puisque j'ai défendu tout à l'heure le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, j'ai accepté avec plaisir de le remplacer.
M. le président. Madame le secrétaire d'Etat, le Gouvernement est un !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. C'est vrai, mais il est tout de même exceptionnel que le ministre de la fonction publique ne présente pas lui-même son projet de budget.
L'occasion m'est ainsi donnée de dresser le bilan de l'action engagée depuis près de deux ans et demi dans les trois domaines de compétences relevant du ministre de la fonction publique : la fonction publique, la réforme de l'Etat et la décentralisation.
L'objectif premier de l'action du Gouvernement est de progresser dans l'adaptation de l'Etat à l'évolution de notre société et d'engager de manière déterminée la rénovation du service public.
A ce titre, la réforme de l'Etat constitue une priorité essentielle.
Elle s'organise autour de deux thèmes.
Le premier consiste à mettre concrètement en oeuvre le principe selon lequel l'usager doit être au centre de la rénovation des services publics.
Le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et le projet de loi d'habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnances à l'adoption de certains codes, projets de loi qui ont été examinés par l'Assemblée nationale le 23 novembre, ont pour ambition de répondre au souhait exprimé par les citoyens de voir l'administration devenir plus accessible, les démarches facilitées, les procédures simplifiées, et ce dans tous les services publics administratifs.
Je regrette que votre assemblée n'ait pas cru devoir approuver ces projets de loi malgré les multiples amendements que le Gouvernement avait accepté d'intégrer à votre demande, retardant ainsi d'autant l'adoption de ces textes.
Le second axe de la réforme de l'Etat consiste en l'adaptation de l'organisation des services à l'évolution des missions de l'Etat.
S'agissant de la réforme de l'administration déconcentrée, le comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 13 juillet dernier a consacré le principe d'une profonde rénovation de l'administration territoriale de l'Etat, et les décrets que le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation a présentés au conseil des ministres du 20 octobre dernier permettent de franchir une étape essentielle de déconcentration.
Le préfet arrêtera désormais l'organisation de l'ensemble des services déconcentrés de l'Etat relevant de son autorité dans un projet territorial et organisera la coopération des services concourant à la mise en oeuvre d'une même politique.
L'objectif visé est, bien évidemment, d'accroître la cohérence et l'efficacité des services de l'Etat.
Enfin, le préfet est chargé de conduire une concertation locale lors de tout projet de fermeture ou de réorganisation d'ensemble de services publics. Il pourra même suspendre ces projets et saisir les ministres concernés en vue de leur réexamen.
L'adaptation de l'administration aux exigences de la politique de la ville constitue également un enjeu décisif des années à venir.
M. le Premier ministre a chargé M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation d'élaborer des mesures de nature à favoriser l'accès des habitants des quartiers en difficulté aux services publics, à garantir la présence, dans ces quartiers, de fonctionnaires expérimentés et motivés, et à mieux intégrer les populations issues de ces quartiers dans la fonction publique. Des propositions seront annoncées par M. le Premier ministre lors du prochain comité interministériel des villes.
Le troisième axe de réforme concerne la mise en oeuvre des programmes pluriannuels de modernisation.
Ces programmes, désormais élaborés et d'ailleurs accessibles à tous sur les sites Internet des ministères, définissent les principaux axes de progrès en matière de management, de procédures de travail, d'organisation des services, de gestion des ressources humaines, d'outils et de méthode de gestion publique, d'emploi des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Ces plans feront l'objet, dans chaque ministère, d'un bilan annuel de mise en oeuvre. Ils ont vocation à déboucher sur une contractualisation pluriannuelle sur les moyens et les effectifs des ministères concernés. Les ministères des finances et de l'intérieur sont déjà engagés dans cette voie.
Procéder à une réforme de l'Etat, c'est aussi se doter de modes de gestion plus efficaces.
Le Gouvernement a modifié, par décret du 18 novembre 1998, le dispositif d'évaluation des politiques publiques pour le rendre plus efficace et plus rapide, pour améliorer les mécanismes de la décision publique, pour étendre, enfin, le dispositif aux collectivités territoriales.
Le CIRE, comité interministériel de la réforme de l'Etat, du 13 juillet a d'ores et déjà arrêté le programme interministériel d'évaluation concernant notamment la lutte contre le sida, le logement social dans les départements d'outre-mer et les aides à l'emploi marchand.
Enfin, l'administration française, conformément au programme d'action du Gouvernement, est résolument entrée dans la société de l'information. A cet égard, une étude européenne la classe parmi les plus avancées des administrations de la Communauté européenne, alors que nous étions il y a peu en queue de peloton. C'est évidemment à l'égard des usagers que les nouvelles techniques d'information et de communication auront un impact déterminant, via la mise en ligne des formulaires et le développement des téléprocédures. Cet impact sera aussi décisif dans le fonctionnement interne des services : une messagerie unique reliant tous les départements ministériels et ouverte également aux services déconcentrés permettra, avant la fin de cette année, la plus large circulation des informations et des données.
Des systèmes d'information territoriaux seront mis en place dans chaque département et dans chaque région. Ils permettront aux services déconcentrés et aux préfectures de fonctionner en réseau. Les collectivités locales peuvent également s'y associer.
J'en viens maintenant à la fonction publique.
J'ai bien entendu les observations et les critiques formulées par les différents orateurs sur ce domaine particulier.
Monsieur le rapporteur spécial, je vous rappellerai que le Gouvernement a clairement choisi de stabiliser les effectifs de la fonction publique. C'est un choix politique effectué entre les besoins exprimés par nos concitoyens et les contraintes budgétaires.
Etant en charge de la santé et de l'action sociale, je peux vous dire que les besoins exprimés et relayés par vos collègues parlementaires sont extrêmement nombreux et convaincants. Ainsi, à entendre M. Giraud tout à l'heure, on n'avait pas l'impression qu'il pouvait y avoir trop de fonctionnaires et trop de crédits consacrés aux effectifs de la fonction publique !
Je rappellerai que ces effectifs ont augmenté de plusieurs milliers entre 1993 et 1996 alors que le Premier ministre de l'époque, M. Juppé, avait annoncé qu'ils diminueraient. De toute façon, entre la volonté effective de maîtriser les dépenses publiques et la nécessité de répondre aux besoins de nos concitoyens en adaptant ces réponses sans créer d'injustice ni de choc trop grand en fonction des disparités régionales, il y a souvent un fossé que nous essayons de combler par la concertation et l'observation des disparités régionales pour agir au mieux.
En tout cas, je ne pense pas, monsieur le sénateur, que vous serez d'accord pour indiquer quels fonctionnaires sont en trop.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. En cherchant bien !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je ne pense pas qu'il y ait trop d'infirmières, trop de policiers, trop d'enseignants... et on pourrait continuer longtemps.
M. Paul Blanc. Et au ministère des finances ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je ne veux pas vous mettre en difficulté, mais, justement, le ministère des finances a fait l'effort de diminuer ses effectifs. Cet effort a été évoqué par M. le rapporteur spécial, qui a cité le ministère des finances comme un exemple. Toutefois, ce qui peut être fait grâce aux gains de productivité dans certaines directions ministérielles ne peut pas l'être de la même manière dans d'autres services qui impliquent beaucoup de relations humaines.
Je remercie MM. Foucaud et Mahéas d'avoir rétabli la vérité quant à l'utilité des agents publics et d'avoir relevé l'incohérence des discours, même si leurs positions respectives conduisent l'un à s'abstenir sur ce budget et l'autre à le soutenir. Mais, là, nous touchons à des difficultés que je ne souhaite pas évoquer en l'instant.
J'ai bien entendu les inquiétudes exprimées par M. Mahéas sur l'éventuel regroupement des services du cadastre et de ceux de l'Institut géographique national.
Rien n'est encore arrêté, je tiens à vous le préciser, monsieur le sénateur. En revanche, c'est vrai, une large concertation a été engagée depuis plusieurs mois autour d'une mission, appelée « mission 2003 », confiée à deux hauts fonctionnaires MM. Bert et Champsaur. Diverses pistes sont étudiées, mais les conclusions de cette mission seront communiquées vraisemblablement dans le courant du mois de janvier.
Le corollaire indispensable des actions engagées en matière d'organisation et de structures consiste à rénover, au sein de la fonction publique, la gestion des ressources humaines dans le respect des principes qui fondent la fonction publique.
C'est dans cette perspective que s'inscrivent les orientations arrêtées au printemps dernier en matière d'encadrement supérieur et dont le Gouvernement assurera la mise en oeuvre effective d'ici à la fin de l'année 2000 : développement de l'évaluation, de la gestion prévisionnelle et de la formation continue, décloisonnement des viviers d'accès aux emplois de direction et limitation de la durée d'occupation de ces emplois.
C'est dans la même optique qu'une réforme visant à diversifier le recrutement de l'ENA et à moderniser la formation qui y est dispensée a été engagée, de manière à mieux répondre aux besoins nouveaux des administrations. Il conviendra, dès 2001, de veiller aux résultats concrets de cette réforme.
Mieux gérer, c'est enfin assurer la transparence des règles du jeu, notamment en matière de rémunération. La circulaire sur la publication des textes indemnitaires et indiciaires parue au Journal officiel du 20 octobre 1999 est venue clarifier l'état du droit en la matière. L'effort doit être résolument poursuivi pour que ce principe de transparence s'applique intégralement.
Concernant le dialogue social, l'accord salarial du 10 février 1998 arrivera à échéance à la fin de l'année. Conformément aux termes de l'accord, Emile Zuccarelli a reçu les représentants syndicaux le 18 novembre dernier afin de dresser le bilan de son application.
Au-delà des dispositions salariales qui ont permis d'améliorer le pouvoir d'achat des fonctionnaires, notamment pour ceux qui perçoivent les traitements les moins élevés, le champ des négociations avait été élargi à d'autres thèmes. A la demande des syndicats, le Gouvernement a ainsi accepté de reconduire le congé de fin d'activité et d'en étendre le bénéfice aux agents d'au moins cinquante-six ans justifiant de quarante ans de cotisations, tous régimes confondus. Cette disposition est présentée au sein du projet de loi de finances pour 2000.
S'agissant de la question des retraites, qui concerne l'ensemble des régimes, y compris, bien sûr, celui des pensions des fonctionnaires, le Premier ministre a indiqué qu'il donnerait ses orientations au début de l'année 2000.
La méthode employée peut se résumer ainsi : diagnostic, dialogue, décision. Nous sommes dans la phase de dialogue. Les décisions interviendront ensuite ; elles devraient se dessiner dans le courant de l'année 2000.
Je ferai simplement remarquer que, comme l'a noté le rapport Charpin, le niveau des revenus de remplacement est quasiment identique pour les retraités du régime général et pour ceux des régimes spéciaux. Les mesures à prendre concernent donc l'ensemble des salariés. Le Gouvernement ne souhaite pas esquiver le problème ! C'est l'ensemble des régimes qui fera l'objet de la concertation et des décisions visant à conforter le régime de retraite par répartition.
Dans le domaine de l'invalidité, plusieurs améliorations ont été décidées récemment : le minimum de pension et le montant des majorations pour tierce personne ont été relevés dans des proportions importantes ; l'indemnisation des maladies de longue latence sera désormais possible ; enfin, différentes mesures ont été mises en oeuvre pour faciliter et accélérer le traitement des dossiers d'invalidité et favoriser le reclassement d'agents partiellement invalides.
En ce qui concerne l'aménagement et la réduction du temps de travail, la concertation avec les organisations syndicales et les associations d'élus se poursuit activement. Elle doit se terminer à la fin de l'année, puisque tel était le calendrier fixé.
Dans la fonction publique, il s'agit tout d'abord de faire bénéficier les fonctionnaires de l'avancée sociale que constitue la réduction du temps de travail, mais celle-ci doit être également l'occasion d'améliorer la qualité et l'offre du service public.
Les partenaires sociaux conviennent de la nécessité d'un accord concernant les trois fonctions publiques : d'Etat, hospitalière et territoriale. Cet accord devra être suffisamment souple pour permettre d'encadrer les négociations déconcentrées en évitant d'aggraver les disparités existant entre fonctions publiques, sans pour autant interdire les marges de négociation à l'échelon local.
S'agissant de la méthode de travail et du calendrier, l'élaboration et la négociation de l'accord inter-fonctions publiques devraient s'achever en janvier 2000. Puis, parallèlement à l'ouverture des négociations locales, il conviendra de préparer les textes législatifs et réglementaires rendus nécessaires.
L'objectif raisonnable que l'on peut se fixer pour l'achèvement de ce processus de négociation se situe à la fin de 2001 ou au début de 2002, soit deux ans de discussion, fonction publique par fonction publique, pour préparer les conditions de mise en oeuvre de l'accord inter-fonctions publiques, qui sera donc défini dans le courant du mois de janvier prochain.
J'en viens à la décentralisation.
Au-delà du débat engagé sur l'avenir de la décentralisation, au-delà de la création de la commission présidée par Pierre Mauroy, le projet de loi modifiant le régime juridique des interventions économiques des collectivités territoriales et des sociétés d'économie mixte locales vient d'être examiné par la Commission de Bruxelles. Ce texte résulte d'une triple nécessité : mettre en harmonie les textes et la réalité ; mieux prendre en compte la dimension communautaire ; sécuriser les élus en remplaçant un ensemble de textes devenu inutilement complexes par un dispositif clair et mieux adapté. Vous devriez l'examiner au cours de la présente session.
Pour ce qui est de la fonction publique territoriale, la démarche retenue est avant tout pragmatique, comme le souhaitent les élus et les organisations syndicales. L'objectif est non de bouleverser le cadre statutaire et institutionnel en vigueur mais de le corriger de manière significative pour faire à la fois disparaître les dysfonctionnements et progresser la fonction publique territoriale.
Trois mesures prioritaires ont été retenues par le Gouvernement.
Premièrement, l'assouplissement des quotas de promotion interne et d'avancement de grade fait notamment l'objet du décret du 26 octobre 1999.
Deuxièmement, l'adaptation des seuils démographiques, inchangés depuis trente ans, est désormais nécessaire. Le système des seuils encadrant l'accès aux grades et emplois supérieurs s'impose pour garantir les niveaux de recrutement et assurer des perspectives de carrière. Des évolutions sont toutefois indispensables pour tenir compte, notamment, du développement de l'intercommunauté.
Troisièmement, et parallèlement, une concertation est actuellement en cours avec les associations d'élus et les syndicats pour améliorer la transparence dans les conditions d'accès aux emplois supérieurs de la fonction publique territoriale.
J'en arrive maintenant au budget du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
La totalité des crédits de la fonction publique s'établit à 1,316 milliard de francs, contre 1,182 milliard de francs en 1999, soit une hausse de 11,3 % abstraction faite de l'enveloppe exceptionnelle de crédits sociaux prévue dans l'accord salarial pour 1998 et 1999.
Si l'on considère le seul agrégat 2, qui concerne directement ce ministère, les crédits d'action sociale augmentent sensiblement. Cette augmentation correspond pour l'essentiel à la pérennisation du fonds en faveur de l'insertion des handicapés et à l'augmentation de l'enveloppe consacrée au chèque-vacances.
Les autres postes sont sans changement.
Le chapitre 34-94, doté de 38 millions de francs, contre 34 millions de francs en 1999, permettra de poursuivre les opérations interministérielles de formation déconcentrées.
Les subventions de fonctionnement aux établissements de formation supérieure progressent sensiblement pour prendre en compte l'augmentation du nombre des élèves ou des stagiaires.
Le fonds pour la réforme de l'Etat est stabilisé à 109 millions de francs. L'évolution de la répartition des financements traduit clairement l'option forte de la déconcentration.
Ces dotations sont consacrées principalement à l'amélioration du service rendu à l'usager - accueil, information du public, maisons de services publics - et, dans une moindre mesure, à celles des outils de gestion.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez constaté que ce propos et ces préccupations dépassent largement le seul budget du ministère. Le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation a, avant tout, un rôle d'impulsion et de coordination.
Il faut garder à l'esprit sans cesse l'exigence de rigueur et de qualité pour un emploi plus efficace des fonds publics. L'évaluation des politiques trouve, dans ce contexte, sa pleine justification.
Le Gouvernement entend bien les remarques émises ici ou là sur la nécessité d'avancer encore dans la réforme de l'Etat et il s'emploie à en tenir compte. Malheureusement, cette action n'est pas toujours visible pour l'usager, et elle ne sera jamais achevée. La politique de la ville, l'évaluation des politiques publiques, le souci de mieux utiliser les deniers publics sont des chantiers permanents, qui nous mobiliseront encore pendant des années.
Soyez convaincus que ce gouvernement veut faire évoluer les choses et maintiendra ses efforts pour qu'il en soit ainsi. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Je vous rappelle que les crédits concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat inscrits à la ligne « Services généraux du Premier ministre » seront mis aux voix le samedi 11 décembre, à la suite de l'examen des crédits affectés à la communication.

ÉTAT B