Séance du 26 octobre 1999
M. le président. La parole est à M. Delfau, auteur de la question n° 598, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Gérard Delfau. Je souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur l'aggravation de la pollution atmosphérique causée par la circulation automobile dans de nombreuses villes, y compris du sud de la France, et de l'impact sur la santé de nos concitoyens de cette politique du « tout urbain » qu'engendre la course au gigantisme de quelques métropoles régionales.
Le fait nouveau est que, désormais, des communes de moyenne importance, voire des villages, sont atteints par les retombées de cette pollution et subissent ainsi un dommage consécutif à des décisions prises ailleurs.
Je souhaite illustrer ce constat général par un cas particulier.
L'agglomération montpelliéraine vient de connaître sa troisième alerte, le 10 septembre dernier, de pollution au niveau 2, avec les risques d'affections pulmonaire et respiratoire qui en sont la conséquence.
Plus étonnant, il y a extension de la pollution à trente kilomètres à la ronde, c'est-à-dire bien au-delà de l'actuelle agglomération. Sont atteints des villages et des communes moyennes qui ont su préserver par ailleurs leur cadre de vie.
Or, depuis trente ans, la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, poursuit une politique de métropoles régionales, appelées autrefois Europoles ou Eurocités, qui pousse à la concentration de population, tout comme d'ailleurs certaines dispositions financières et réglementaires de la récente loi instituant les communautés d'agglomération.
Dès lors, la municipalité de Montpellier se sent encouragée à accélérer sa politique d'expansion vers le sud et d'urbanisation à outrance. Une « troisième ville » et un gigantesque parc commercial et d'attractions sont annoncés, sous le nom d'Odysseum.
Je ne pense pas que cela soit compatible avec la doctrine de votre ministère et le combat pour le développement durable que vous incarnez !
Je reviens maintenant à la question dans sa généralité.
Je souhaiterais savoir, madame la ministre, si, dans le cadre de la négociation sur le contrat de plan, vous avez donné des instructions à l'ensemble des préfets pour que soient conciliées les préoccupations liées à l'environnement, à l'écologie et à la santé publique avec celles qui sont relatives à l'aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, la circulation automobile en ville est à l'origine de pollutions dont les effets se font ressentir bien au-delà des centres-villes.
Comme vous l'avez dit, le phénomène se produit même au sud de la France, dans des villages et des villes moyennes, dans des régions de plus en plus étendues.
Ainsi, c'est dans la forêt de Fontainebleau que l'on constate les pics de pollution les plus importants, alors que l'on pourrait imaginer que l'agglomération parisienne serait davantage concernée.
L'explication est simple : en période estivale, notamment, quand le temps est chaud et sec, des stocks importants de précurseurs de l'ozone, les oxydes d'azote, s'accumulent pendant des jours avant que soient dépassés les fatidiques pics de pollution. Quand la transformation en ozone s'opère, il est alors beaucoup plus difficile de prendre des mesures efficaces pour la santé humaine et pour l'environnement.
L'ozone présente en effet de vrais risques pour la santé. Or, chaque été, les mesures de la qualité de l'air montrent une augmentation sensible de son taux de présence dans l'air pendant de longues périodes.
Si nos habitudes ne changent pas, une augmentation du trafic automobile de l'ordre de 60 % est à prévoir dans les agglomérations de plus de 30 000 habitants, dans les vingt ans à venir.
J'ai pris l'initiative d'une journée de sensibilisation à cette question, la journée « En ville sans ma voiture », qui a parfois été mal comprise. Il ne s'agit évidemment pas de traiter le problème un seul jour par an. Il s'agit de faire en sorte que chacun s'interroge sur ses habitudes de déplacement, sur les alternatives à l'automobile qui sont offertes aux citoyens.
L'opération a été menée dans soixante-six ville françaises, cette année, et 83 % des citadins se disent prêts à participer au renouvellement de cette opération, qui est vécue de façon très positive, en dépit des réactions de tel ou tel média parisien.
Reste à établir de nouvelles règles de partage de la voirie entre les différents usagers.
Les dispositions de la loi sur l'air relatives aux plans régionaux pour la qualité de l'air - PRQA - et aux plans de déplacements urbains - PDU - ont constitué une première approche décisive pour contrecarrer la tendance actuelle. L'ensemble des agglomérations de plus de 100 000 habitants devront avoir approuvé leur PDU au 30 juin 2000. Ces PDU ont pour vocation de limiter la croissance du trafic automobile grâce au développement des modes de transport alternatifs et à un meilleur partage de la voirie.
Mais ces mesures ne produiront effet que si elles sont accompagnées de politiques à long terme destinées à limiter l'extension urbaine et le tout-automobile. Les politiques d'habitat, d'urbanisme, d'implantation commerciale, de localisation des activités industrielles sont quelques-uns des leviers essentiels à actionner pour cela.
Les futurs contrats de plan 2000-2006 comportent deux dispositions essentielles de ce point de vue.
Je citerai d'abord la priorité accordée au transport ferroviaire et le quintuplement prévu des moyens correspondants. Grâce à cela, des transports ferroviaires de voyageurs de proximité, intercités et périurbains, pourraient être développés dans les grandes agglomérations et régions urbaines qui en ont vraiment besoin. Simultanément, les crédits routiers resteront stables.
Par ailleurs, les futurs contrats d'agglomération ou de pays inclus dans les contrats de plan Etat-régions auront également vocation à favoriser le traitement à la bonne échelle des questions d'aménagement et de développement urbain ainsi que de déplacement.
Ce cadre doit permettre la définition de politiques de développement plus durables, plus solidaires à l'échelle qui convient, en se rapprochant le plus possible du bassin de vie quotidienne. Le problème de la maîtrise de la mobilité doit être abordé à cette échelle.
A plus long terme, le schéma de services collectifs de transports mis en place par la loi d'orientation d'aménagement et de développement durable du territoire vise à réorienter durablement la réponse aux besoins de services de transport vers les modes ferroviaires et collectifs. Ce rééquilibrage porte non seulement sur les infrastructures, mais aussi sur les règles sociales et les coûts.
J'ai bien conscience, monsieur le sénateur, de ne pas avoir répondu complètement à votre demande. Il est vrai que la précaution prise dans cette réponse veille à éluder une dimension importante du problème, à savoir la disponibilité des présidents de région à signer des contrats qui ne prévoieraient pas, au minimum, le renouvellement des crédits routiers et à s'intéresser à la façon dont il est répondu aux besoins ressentis par la population en termes de service public, notamment.
Je dois dire qu'il est extraordinairement difficile de sortir du cadre convenu et traditionnel des contrats de plan et d'aborder des politiques différentes. Les contrats de ville s'y essaient, tout en faisant encore la part très belle à la dimension sociale des problèmes de la ville et en sous-traitant encore les problèmes d'urbanisme, d'habitat et de localisation des activités.
C'est un chantier qu'il nous faudra aborder de façon plus résolue. Je ne doute pas que le projet de loi auquel travaillent MM. Jean-Claude Gayssot et Louis Besson, provisoirement intitulé « urbanisme, habitat, transport », nous permettra d'avancer dans cette direction.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Madame la ministre, je vous remercie des indications que vous m'avez données.
Vous avez rappelé que la politique du Gouvernement en matière de transports ferroviaires et de mise en place de pays ou de contrats de ville devrait permettre d'assurer un meilleur équilibre entre les différentes parties de notre territoire.
Permettez-moi toutefois de faire deux observations.
En premier lieu, votre initiative, que j'approuve, de décider d'une journée sans voiture a parfois abouti à une désolante manifestation de politique-spectacle au cours de laquelle on a pu voir certains élus juchés sur des bicyclettes, alors que la veille et le lendemain ils prenaient des arrêtés d'extension de leur agglomération. Cette pratique est, bien évidemment, pour le citoyen, le contraire du respect de la politique.
En second lieu, vous n'avez pas voulu ni pu entrer dans le débat de fond que j'ai amorcé sur les métropoles régionales et la concentration urbaine.
Permettez-moi de dire malicieusement que, vos obligations étant ce qu'elles sont, je me suis un peu fait le porte-parole de l'écologie en la matière, ce qui n'est pas inutile sans doute dans notre assemblée, ni au Parlement en général.
Nous avons vécu, y compris dans cette assemblée, des outrances verbales en faveur de la ruralité. Nous connaissons aujourd'hui le lyrisme lié au tout-urbain. Il nous faudra bien revenir à une réflexion de fond pour savoir où nous souhaitons que vivent les hommes et les femmes de ce pays, comment nous organiserons leur cadre de vie, leur lieu de travail et, d'une façon plus générale, comment s'équilibrera la France dans le siècle qui vient.
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