Séance du 12 octobre 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Commission mixte paritaire
(p.
1
).
3.
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
(p.
2
).
4.
Retrait d'une question orale sans débat
(p.
3
).
5.
Démission de membres de commissions et candidatures
(p.
4
).
6.
Questions orales sans débat
(p.
5
).
NON-RESPECT DE LA LOI DU 11 FÉVRIER 1994 PAR LA SÉCURITÉ SOCIALE CONCERNANT LA
PROTECTION SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS (p.
6
)
Question de M. Jean-Jacques Robert. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux
droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Jean-Jacques Robert.
LUTTE CONTRE LE TRAVAIL CLANDESTIN
ET L'AVILISSEMENT DES ENFANTS EN FRANCE (p.
7
)
Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; Marie-Claude Beaudeau.
POLITIQUE EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES (p. 8 )
Question de M. Alfred Foy. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Alfred Foy.
LIMITATION DE LA PRISE EN CHARGE
DES CURES THERMALES (p.
9
)
Question de M. Jean-Claude Carle. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Jean-Claude Carle.
CLASSEMENT DES CENTRES HOSPITALIERS (p. 10 )
Question de M. Jean Chérioux. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Jean Chérioux.
IMPLANTATION D'UN CENTRE D'ENFOUISSEMENT
DE DÉCHETS ULTIMES À SURY-LE-COMTAL (p.
11
)
Question de M. Bernard Fournier. - MM. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ; Bernard Fournier.
CRÉDITS AFFECTÉS À LA PICARDIE (p. 12 )
Question de M. Paul Girod. - MM. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ; Paul Girod.
AVENIR DE L'OEUVRE NOTRE-DAME DE STRASBOURG (p. 13 )
Question de M. Daniel Hoeffel. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Daniel Hoeffel.
PLAN D'URGENCE POUR LES LYCÉES (p. 14 )
Question de Mme Hélène Luc. - M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ; Mme Hélène Luc.
CONSTRUCTION D'UN NOUVEAU SYNCHROTRON (p. 15 )
Question de M. Jacques Legendre. - MM. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ; Jacques Legendre.
PLACE DE LA FRANCE AU SEIN DU CONSEIL DE L'EUROPE (p. 16 )
Question de M. Daniel Goulet. - MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; Daniel Goulet.
BAISSE DE LA TVA
DANS LE SECTEUR DE LA RESTAURATION (p.
17
)
Question de M. Adrien Gouteyron. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Adrien Gouteyron.
COÛT D'ENTRETIEN ET DE CLASSEMENT DES ROUTES (p. 18 )
Question de M. Claude Domeizel. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Claude Domeizel.
TRAIN PENDULAIRE PARIS-TOULOUSE (p. 19 )
Question de M. Georges Mouly. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Georges Mouly.
ACCOMPAGNEMENT FINANCIER DE L'ÉTAT
POUR LA MISE EN OEUVRE DE LA DÉPARTEMENTALISATION
DES SERVICES D'INCENDIE ET DE SECOURS (p.
20
)
Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; René-Pierre Signé.
CONDITIONS DE TRAVAIL DES CHAUFFEURS DE TAXI (p. 21 )
Question de Mme Nicole Borvo. - M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de
l'intérieur ; Mme Nicole Borvo.
7.
Nomination de membres de commissions
(p.
22
).
Suspension et reprise de la séance (p. 23 )
8.
Polynésie française et Nouvelle-Calédonie. -
Adoption d'un projet de loi constitutionnelle (p.
24
).
Discussion générale : MM. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer
; Lucien Lanier, rapporteur de la commission des lois ; Jacques Larché,
président de la commission des lois ; Jean-Jacques Hyest, Gaston Flosse, Michel
Duffour, Georges Othily, Guy Allouche, Simon Loueckhote.
Clôture de la discussion générale.
M. le secrétaire d'Etat.
Article 1er. - Adoption par scrutin public (p.
25
)
Articles 2 à 4. - Adoption (p.
26
)
Vote sur l'ensemble (p.
27
)
M. Patrice Gélard.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi constitutionnelle.
9.
Droit applicable outre-mer. -
Adoption d'un projet de loi d'habilitation (p.
28
).
Discussion générale : MM. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer
; Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois ; Robert Laufoaulu,
Michel Duffour, Guy Allouche.
Clôture de la discussion générale.
M. le secrétaire d'Etat.
Articles 1er à 4. - Adoption (p.
29
)
Vote sur l'ensemble (p.
30
)
M. Claude Lise.
Adoption du projet de loi.
10.
Communication de l'adoption définitive de textes soumis en application de
l'article 88-4 de la Constitution
(p.
31
).
11.
Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
32
).
12.
Dépôt d'un avis
(p.
33
).
13.
Ordre du jour
(p.
34
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de
vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du
service public de l'électricité.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à
désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour à M. le président de l'Assemblée nationale une demande
tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : Lionel Jospin »
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.
3
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre un rapport au Parlement sur la réforme de la taxe professionnelle en application de l'article 44 de la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999.
4
RETRAIT D'UNE QUESTION ORALE
SANS DÉBAT
M. le président. J'informe le Sénat que la question orale sans débat n° 570 de M. Roland du Luart est retirée à la demande de son auteur de l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.
5
DÉMISSION DE MEMBRES DE COMMISSIONS ET CANDIDATURES
M. le président.
J'ai reçu avis de la démission de M. Bernard Murat comme membre de la
commission des affaires économiques et du Plan et de celle de M. Charles de
Cuttoli comme membre de la commission des lois.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom des candidats
proposés en remplacement.
Ces candidatures vont être affichées et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
6
QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT
M. le président.
L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.
NON-RESPECT DE LA LOI DU 11 FÉVRIER 1994 PAR LA SÉCURITÉ SOCIALE CONCERNANT LA
PROTECTION SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS
M. le président.
La parole est à M. Robert, auteur de la question n° 534, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Jean-Jacques Robert.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations
familiales, les URSSAF, refusent l'inscription de certains travailleurs
indépendants nouvellement installés en tant que non-salariés, décidant parfois,
le jour même de l'inscription,
a priori
et sans aucune consultation, que
les intéressés sont des salariés et relèvent en conséquence du régime général
de sécurité sociale.
Rapporteur de la loi relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle du
11 février 1994, j'avais prévu que cette difficulté pourrait se présenter et
avais fait voter des dispositions permettant de l'éviter. C'est ainsi qu'un
double dispositif a été introduit dans le texte.
D'une part, l'article 49 de cette loi prévoit la présomption simple d'une
activité indépendante pour toute personne qui choisit l'immatriculation au
registre du commerce ou au répertoire des métiers. Cette présomption peut être
levée après - et seulement après - qu'a été établie l'existence d'un lien de
subordination permanent entre le travailleur non salarié et le donneur
d'ouvrage.
D'autre part, l'article 35 instaure une procédure permettant au travailleur
indépendant de vérifier auprès de l'URSSAF s'il relève ou non du régime général
; l'URSSAF dispose alors de deux mois pour répondre.
Ces deux articles condamnent l'interprétation des URSSAF pour qualifier une
personne de salarié ou de travailleur indépendant le jour même de
l'inscription.
Lors des débats, ces qualifications abusives avaient été clairement évoquées à
ma demande, et la manière de les empêcher avait été non moins clairement
envisagée.
Voici ce que déclarait le ministre devant le Sénat lors de la séance du 26
janvier 1994, ainsi que le
Journal officiel
en témoigne à la page 635
:
« Un entrepreneur individuel a fait clairement le choix de l'entreprise
individuelle en s'inscrivant au registre du commerce, au registre des sociétés
ou au répertoire des métiers sous le régime de non-salarié.
« Il est normal, parfois, tout particulièrement au début de son activité,
qu'il recherche la sécurité d'un donneur d'ordre. Mais, lorsqu'il a obtenu la
stabilité de son donneur d'ordre, patatras ! les dispositions du code du
travail, de la sécurité sociale, peuvent entraîner une double
requalification... L'entrepreneur individuel, lui, est maintenant qualifié de
salarié, son contrat commercial étant également requalifié de contrat salarié,
et ce contre sa volonté.
« Cette insécurité juridique est grave, et c'est pour mettre fin à cette
dérive de la jurisprudence que nous avons proposé ces dispositions... C'est une
présomption, mais une présomption forte de la volonté des parties que nous
entendons inscrire dans ce projet de loi. »
Le ministre précisait encore : « Ce n'est qu'en cas de faute de l'intéressé
que l'on pourrait procéder à une requalification. »
Le Parlement a unanimement choisi de suivre cette ligne, madame le secrétaire
d'Etat. Pouvez-vous m'indiquer que les URSSAF vont être mises au pas par des
instructions de manière qu'elles appliquent strictement la loi et respectent
ainsi le vote du Parlement ?
(M. Chérioux applaudit.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le sénateur, vous interrogez Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité sur l'application par les caisses de sécurité sociale de la loi du
11 février 1994, relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, et
plus particulièrement sur l'application des dispositions concernant la
détermination du caractère salarié ou non de l'activité.
Aux termes de l'article 35 de cette loi, les personnes immatriculées au
registre du commerce ou au répertoire des métiers peuvent demander aux URSSAF
si leur activité doit être considérée comme salariée et donc les faire relever
du régime général.
Pour décider, l'URSSAF concernée examine très précisément la situation de
l'intéressé, en l'interrogeant notamment sur les moyens matériels qui sont
susceptibles d'être mis à sa disposition, la clientèle, l'existence de
directives et de contraintes, l'obligation de rendre compte, la rémunération,
la participation au risque économique. La liste de ces points montre que
l'URSSAF ne prend pas uniquement en compte la subordination économique, mais
qu'elle cherche à déterminer s'il existe également une subordination
juridique.
Les modalités pratiques de cette procédure de consultation sont décrites dans
les circulaires ministérielles du 4 juillet 1994 et interministérielle du 4 mai
1995 signées par Mme Veil, M. Giraud et M. Madelin.
Il est exact que la loi du 11 juillet 1994 prévoit une présomption d'absence
de contrat de travail lorsque la personne est inscrite au registre du commerce
ou au registre des métiers, mais il s'agit d'une présomption simple,
susceptible d'être renversée, selon un arrêt de la Cour de cassation en date du
31 mars 1998.
En d'autres termes, la présomption signifie simplement que c'est à l'URSSAF
d'établir que la personne est en fait salariée ; elle ne signifie pas que la
personne doit automatiquement être considérée comme non salariée du seul fait
de son inscription au registre des métiers ou du commerce. Si c'était le cas,
la consultation de l'URSSAF serait d'ailleurs inutile.
La décision de l'URSSAF est bien entendu susceptible d'appel, devant la
commission des recours amiables d'abord, devant le tribunal des affaires de
sécurité sociale ensuite.
Au-delà de ces aspects de procédure, je voudrais attirer votre attention sur
la raison d'être de ces dispositions. Il s'agit non pas du tout d'entraver la
création d'entreprise mais de protéger les salariés et de veiller à ce que,
éventuellement, certains employeurs ne s'affranchissent pas de charges sociales
et d'obligations découlant du droit du travail.
Il a été demandé à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale,
l'ACOSS, de voir si ces dispositions entraînaient des difficultés d'application
sur le terrain. D'après l'ACOSS, ces difficultés se présentent très rarement.
Toutefois, un bilan de l'application de ces dispositions sera demandé aux
URSSAF d'ici à la fin de l'année.
M. Jean-Jacques Robert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Robert.
M. Jean-Jacques Robert.
Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de cette réponse. Elle témoigne
malheureusement du décalage qui existe entre ce que nous voulons, nous qui
siégeons ici, qui étudions minutieusement les textes, qui essayons de mettre
les garde-fous indispensables, et l'application qui est ensuite faite de la loi
par les ministères et, en l'occurrence, par la sécurité sociale, qui
s'autogère, qui enquête elle-même sur ses propres pratiques et qui se juge
elle-même.
Dans le cas qui nous occupe, à partir des mêmes mots, nous aboutissons à une
interprétation totalement différente. Or, si vous étudiez très précisément le
texte de la loi, vous constaterez qu'il y a bel et bien détournement de
celle-ci.
Sachant d'avance ce qui allait m'être répondu, j'ai pris mes précautions et
j'ai retenu un autre propos du ministre lors de la même séance du 26 janvier
1994. Celui-ci figure à la page 638 du
Journal officiel
: « Les choses
sont bien claires : je m'installe comme entrepreneur individuel selon les
formalités prescrites et je suis donc présumé exercer une activité indépendante
sans qu'il y ait lieu de rechercher si mon statut juridique pourrait, le cas
échéant, être requalifié. » Le français étant le français, le législateur étant
le législateur, je trouve cela très clair et c'est bien l'administration qui
passe outre à la volonté du législateur.
Alors, je vous en supplie, madame le secrétaire d'Etat, faites en sorte que ce
dossier soit minutieusement examiné. Il ne s'agit pas de quelques cas isolés :
le problème se pose fréquemment.
Les URSSAF doivent être rappelées à la bonne application de cette loi. Leur
pratique est d'autant plus choquante que, je le répète, c'est au jour même de
l'inscription qu'elles se rendent coupables de ce détournement de la loi.
Je vous fais confiance, madame le secrétaire d'Etat, pour m'aider à faire
valoir la bonne interprétation de la volonté du législateur.
LUTTE CONTRE LE TRAVAIL CLANDESTIN
ET L'AVILISSEMENT DES ENFANTS EN FRANCE
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 568, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Madame la secrétaire d'Etat, dans quelques jours, nous célébrerons le dixième
anniversaire de la signature de la convention internationale des droits de
l'enfant. Ma question s'intègre donc parfaitement à un temps fort de réflexion
sur l'application dans notre pays de cette convention.
Je m'en tiendrai au travail des enfants dans notre pays, dont le recul a
cessé, et à la prostitution enfantine, qui aurait tendance à se développer,
situations qui appellent évidemment des mesures urgentes du Gouvernement.
Certes, les pays industrialisés, notamment la France, ont fait reculer le
travail des enfants tout au cours du xxe siècle. Mais, dans le monde, selon le
Bureau international du travail, un enfant de cinq à quatorze ans sur quatre -
soit 250 millions d'enfants - est économiquement actif. La moitié de ces
enfants subissent une forte réduction d'éducation, les autres travaillent à
plein temps, 70 % d'entre eux étant employés à des tâches agricoles.
Lors de la rencontre d'Oslo, en 1997, il a été admis que la mondialisation,
parce qu'elle aiguise la compétition, aspire les enfants dans le monde du
travail et tend à réduire les budgets de la formation et de l'aide sociale.
Cette rencontre a alors conclu que le recul du travail des enfants était
conditionné par la scolarisation de tous les enfants du monde, ce qui a conduit
l'UNICEF à demander 6 milliards de dollars supplémentaires pour envoyer tous
les enfants à l'école, soit moins de 1 % de ce que le monde dépense chaque
année en armement.
La France et son gouvernement, je le sais, partagent cette analyse et oeuvrent
pour que l'évolution définie par Oslo se poursuive. Le plan d'Oslo s'est
d'ailleurs fixé quinze ans pour atteindre cet objectif.
Mais mon propos va plus loin. Que faisons-nous en France ? Sommes-nous
concernés ? C'est l'objet de ma question.
Ce fléau frappe les pays occidentaux. Un Britannique de moins de dix-huit ans
sur quinze a un « job », avant ou après l'école. Dans l'Union européenne et les
pays de l'Est, on estime à deux millions le nombre d'enfants qui travaillent
journellement.
En France, selon le rapport publié voilà moins d'un an par la direction des
relations du travail du ministère de l'emploi et de la solidarité, quatre
secteurs d'activité font travailler des jeunes de moins de dix-huit ans, soit
50 % des jeunes au travail dans notre pays. Cela représente, pour les
industries agricoles et alimentaires, 19 326 jeunes, pour le commerce et la
réparation automobile, 24 095 jeunes et, pour l'hôtellerie et la restauration,
22 693 jeunes.
Tous secteurs confondus, on dénombre 129 155 jeunes de moins de dix-huit ans
au travail. Ces chiffres ne baissent plus et ils ne tiennent pas compte, madame
la secrétaire d'Etat, de la présence de jeunes enfants dans les activités aussi
ignobles que la pédophilie, la prostitution, la diffusion de la drogue et la
participation à des ateliers clandestins de confection, sans compter
l'exploitation domestique des jeunes enfants.
Que compte faire le Gouvernement pour faire reculer au niveau zéro le travail
des enfants dans notre pays, notamment dans les secteurs particuliers que je
viens d'évoquer ?
Ne faudrait-il pas aboutir à ce que les jeunes enfants ne soient plus utilisés
dans les spectacles, la mode et la publicité ? Il suffit de voir leur mine dans
les spots publicitaires pour constater l'obligation qui leur est faite de
paraître, avec l'expression, parfois, de souffrance.
Les agences parisiennes ont dans leurs fichiers les noms de 13 500 enfants
très jeunes, sans compter des dérives, notées dans le rapport que j'ai cité
tout à l'heure, sur les sociétés de casting fonctionnant sans licence ni
agrément. Ne faut-il pas revoir la loi et interdire purement et simplement
l'emploi des enfants de moins de six ans ?
Je rappelle que, à l'heure actuelle et tout à fait légalement, on peut faire
travailler un enfant de moins de six mois à condition que la durée journalière
de travail n'excède pas une heure.
En ce qui concerne les maltraitances sexuelles, le recensement des plaintes
par la gendarmerie et la police nationale montre deux phénomènes : une
progression du nombre de victimes et un abaissement de leur âge. La
prostitution enfantine existe et progresse. Elle est, dans tous les cas,
toujours subie.
Aux termes de l'article 227-22 du code pénal, le fait de favoriser la
corruption d'un mineur n'est passible que de cinq à sept ans d'emprisonnement.
Cet article doit être révisé et les peines qu'il prévoit doivent être
alourdies, tant le délit est grave.
Enfin, dans le secteur agricole, depuis 1997, l'entraide familiale pour les
petites exploitations n'est plus autorisée que pour les jeunes âgés de plus de
quatorze ans. Dans les faits, on n'a constaté aucune évolution, si ce n'est la
disparition des petites exploitations familiales.
Madame la secrétaire d'Etat, quelles mesures préconise le Gouvernement pour le
respect de cette limite de quatorze ans ? Ne faut-il pas la porter à seize ans
?
Vous le voyez, mes trois questions sont précises. Les études existent, émanant
des ministères. Désormais, les décisions concrètes s'imposent.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation
professionnelle.
Madame la sénatrice, le rapport sur le travail des
enfants en France réalisé en novembre 1998, que vous avez d'ailleurs cité, a
bien mis en évidence le fait que si de telles situations sont rares leurs
conséquences peuvent être très préjudiciables pour l'enfant, sur les plans tant
physique que psychique.
Des mesures concrètes ont été prises à la suite du dépôt de ce rapport, de
manière à donner un réel contenu à la lutte contre les situations abusives
mettant en péril les enfants. Une vigilance renforcée a été ainsi demandée aux
services déconcentrés du ministère de l'emploi et de la solidarité à propos de
l'emploi irrégulier d'enfants dans les métiers du spectacle et de la publicité.
Dans ces secteurs, si le respect des dispositions du cadre réglementaire par
les professionnels est la règle, les dérives sont toujours possibles. Il
convient de rappeler que, en matière de publicité et de spectacles, la
législation actuelle est très protectrice à l'égard des enfants. Néanmoins, les
sanctions pénales sont, en l'état, peu dissuasives, ce qui conduira à proposer
leur renforcement.
Il a donc été demandé à chaque préfecture, au mois de mai 1999, de dresser un
bilan de l'activité de la commission constituée au sein du conseil
départemental de protection de l'enfance, en vue de donner un avis sur les
demandes d'autorisation de travail des enfants dans ces secteurs. Il apparaît
que, dans de nombreux départements, la commission n'a jamais siégé, compte tenu
de l'absence de demandes d'autorisation. Dans d'autres départements, une
vigilance particulière a été requise de la part des services, afin que les
représentations organisées par des sociétés qui ne seraient pas en règle pour
l'emploi des mineurs ne soient pas autorisées. L'autorisation peut par ailleurs
avoir été accordée, sous réserve d'un compte rendu annuel des contrats
d'engagement réalisés.
Enfin, la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal a
publié, en septembre 1998, un guide sur le travail illégal et les mannequins.
Ce guide a été largement diffusé auprès des préfectures, des directions
départementales et régionales du travail, de l'emploi et de la formation
professionnelle, et à tous les corps de contrôle habilités : gendarmerie,
URSSAF, services fiscaux, douanes et police.
Dans les nombreux secteurs d'activité où des enfants peuvent être amenés à
aider leurs parents dans le cadre de l'entreprise ou de l'exploitation agricole
familiale - ce qu'autorise le cadre légal par dérogation aux dispositions
relatives à l'âge minimal à l'emploi - il est apparu, là aussi, que les
services d'inspection ne relèvent que très rarement des situations abusives où
la santé, l'équilibre et l'assiduité scolaire de l'enfant peuvent être en jeu.
Toutefois ces situations existent, même si le secteur de l'agriculture a, par
décret du 14 avril 1997, proscrit l'emploi d'enfants de moins de quatorze ans,
y compris dans l'exploitation agricole familiale. Les abus qui ont pu être
ainsi constatés par les services d'inspection, même s'ils demeurent marginaux,
ont amené à réfléchir sur une évolution du cadre légal.
Il a été recommandé par ailleurs aux services déconcentrés du ministère de
l'emploi et de la solidarité que l'attache des procureurs de la République soit
prise de façon systématique afin d'appeler leur attention sur l'importance des
opérations de contrôle ainsi menées. Cette prise de contact devait permettre
également de les sensibiliser aux conséquences des suites judiciaires qui
peuvent être données aux procès-verbaux dressés à l'encontre d'employeurs ayant
fait travailler des mineurs dans des conditions irrégulières.
Rappelons enfin qu'il est par définition difficile de cerner l'utilisation
clandestine de main-d'oeuvre enfantine. Le nombre de situations de ce type
relevées par les services, qu'il s'agisse de l'inspection du travail, des
services de la protection judiciaire de la jeunesse ou des services de police,
est par conséquent faible.
L'exploitation domestique d'enfants pose un problème particulier. Ce type
d'affaire, parfois révélé au grand jour par les médias, correspond à des
situations dramatiques vécues, le plus souvent, par de très jeunes filles
conduites en France dans des conditions illégales et exploitées au domicile de
particuliers dans des conditions contraires à la dignité humaine.
Madame la sénatrice, le Gouvernement partage votre préoccupation et veille le
plus possible à ce que la législation soit pleinement appliquée.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. Je ne doute
pas que le Gouvernement mettra tout en oeuvre pour qu'une solution soit
apportée à ces situations qui sont effectivement rares et qui, comme vous
l'avez dit, ont des conséquences graves. Il faudra que nous revoyons les trois
propositions précises que je vous ai faites, car des mesures concrètes seront
nécessaires.
J'ai bien noté que, dans tous ces domaines, vous aviez demandé aux services
déconcentrés d'établir des bilans. Cependant, je crains, madame la secrétaire
d'Etat, que les moyens donnés aux inspecteurs du travail et aux directions
départementales du travail et de l'emploi ne soient insuffisants pour mener à
bien cette action, dans laquelle le Gouvernement est engagé, avez-vous dit.
S'agissant des trois mesures concrètes que je vous ai proposées, les débats qui
vont se poursuivre entre nous permettront sans doute de trouver des solutions
et conduiront à l'adoption de mesures très concrètes.
POLITIQUE EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES
M. le président.
La parole est à M. Foy, auteur de la question n° 573, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Alfred Foy.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
sujet que j'aborde relève du consensus social : il s'agit de la politique qui
doit être menée en faveur des handicapés.
De grandes avancées ont été faites, mais il reste beaucoup à réaliser : il
faut, dès aujourd'hui, prendre les mesures essentielles, et résister à la
tentation d'une gigantesque réforme, qui risque d'être repoussée aux calendes
grecques.
Un arsenal juridique performant est à portée de main. Il faut maintenant le
déployer sans exception.
La seule passivité de notre part - car il s'agit bien de cela - condamne ces
personnes à l'immobilisme.
Aujourd'hui, l'Association des paralysés de France mène campagne pour faire
respecter les places de parking réservées ! N'est-ce pas là la démonstration
que nous en sommes aux balbutiements dans l'application d'une législation en
faveur des personnes dont la mobilité est réduite ?
La personne handicapée est-elle vraiment un citoyen à part entière ? Que
penser de l'accès à l'éducation ? Quelque 80 % des sourds ne bénéficient pas
d'un enseignement régulier. Seulement un jeune handicapé sur trois est
scolarisé.
J'en viens à un domaine qui vous concerne plus particulièrement : les
prestations versées aux personnes reconnues handicapées. Force est de constater
qu'une assimilation s'installe depuis quelque temps entre une situation
d'exclusion transitoire et la reconnaissance d'un handicap. Ce fait vous a été
signalé par plusieurs associations de défense des personnes handicapées, madame
la secrétaire d'Etat. Il est à craindre que ce phénomène ne se généralise et ne
favorise l'essor d'une catégorie de personnes : des allocataires
ad vitam
aeternam
d'une modeste prestation financière.
Pourtant, la mission d'une société humaniste est de créer les modalités
adéquates pour réduire les inégalités individuelles. Les carences génétiques
accidentelles et les déficiences d'ordre matériel sollicitent des politiques
distinctes.
L'individu amoindri par un handicap physique aspire à une aide technique
performante et à l'assistance intermittente d'un tiers pour lui faciliter la
vie courante. Celui qui souffre d'une affection mentale requiert un encadrement
sanitaire plus complexe.
Aussi, le support financier commun alloué en compensation de handicaps de
toute nature, dans lequel s'ingèrent désormais des bénéficiaires en situation
d'exclusion financière, résulte d'un compromis trop aisé. Des solutions
adaptées à chaque type de handicap pourraient être opérationnelles depuis
longtemps. Les moyens sont connus, mais ils ne sont pas suffisamment mis en
oeuvre.
Ainsi, l'aide à domicile dans notre pays en est aux balbutiements : sa
complexité d'emploi, sa rigidité de fonctionnement et son coût financier
dissuadent les demandeurs. L'accès aux outils compensateurs d'un handicap,
prothèse ou matériel spécifique, est très sélectif ; il le deviendra plus
encore avec la réduction des dépenses de santé.
Les capacités d'accueil dans les structures spécialisées demeurent
insuffisantes malgré l'augmentation du nombre de places. Aucune disposition
pratique n'a été prise en ce qui concerne les loisirs des personnes les plus
lourdement handicapées.
Ces carences, que notre société n'arrive pas à combler, grèvent lourdement les
budgets des familles. N'est-ce pas de la responsabilité de l'Etat d'actualiser
les revenus compensatoires individuels ?
J'en terminerai avec la réforme législative concernant l'aspect sanitaire de
la loi de 1975, attendue par les associations représentatives des personnes
handicapées. L'avant-projet, élaboré de manière consensuelle avec ces
dernières, devait se glisser rapidement dans le calendrier parlementaire. Il
n'en est rien encore. Pourquoi ne pas fixer d'autres réunions de travail entre
le Gouvernement et les associations ?
Mes observations sont nombreuses. Je souhaite, madame la secrétaire d'Etat,
que vous puissiez y répondre avec la précision nécessaire pour apporter un
réconfort à ceux qui sont touchés par un handicap et qui ne formulent qu'un
voeu : être des citoyens ordinaires.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement est attentif aux préoccupations
exprimées par l'UNAPEI, l'Union nationale des associations des parents
d'enfants inadaptés, et par d'autres associations représentatives. La politique
menée depuis deux ans en faveur des personnes handicapées répond à ces
préoccupations.
Globale et cohérente, cette politique vise à l'intégration des enfants et
adultes handicapés en prenant en compte, dans tous les secteurs de l'action
publique, les besoins particuliers que leur imposent leurs handicaps, quelle
qu'en soit l'origine.
Cette politique de solidarité ne se réduit pas aux politiques de lutte contre
les exclusions, même si elle peut les recouper parfois. Elle fait prévaloir la
dignité et les droits de la personne au-delà des différences.
Une double ambition anime notre politique : rendre effective l'intégration de
toutes les personnes handicapées et prendre en compte de manière particulière
les personnes les plus gravement handicapées qui ont besoin d'accompagnements
spécifiques.
C'est pourquoi des actions fortes ont été engagées et seront poursuivies.
La première de ces actions vise à l'intégration scolaire et à l'éducation des
jeunes handicapés, à travers les vingt mesures annoncées conjointement avec le
ministère de l'éducation nationale en avril dernier, aujourd'hui en cours
d'application.
Une autre de ces actions est la prise en charge des adultes lourdement
handicapés à travers la mise en oeuvre du plan pluriannuel de création de 16
500 places nouvelles dans les établissements spécialisés, auquel s'ajoutent des
actions particulières en direction des autistes et des traumatisés crâniens.
La réforme de la loi relative aux institutions sociales permettra
d'approfondir cet effort et de faire face à de nouveaux problèmes, tel celui du
vieillissement des adultes handicapés.
Cela ne nous empêchera pas, bien au contraire, de mobiliser des moyens
nouveaux, nécessaires pour répondre aux besoins. A ce titre, je rappellerai que
l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, pour l'an 2000,
qui vous sera remis, devrait prévoir un taux de progression de 4,9 % des
dépenses pour le secteur social et médico-social.
Enfin, je peux vous assurer que l'action menée par les pouvoirs publics se
construit et se poursuivra grâce à un dialogue permanent avec les associations
représentatives des personnes handicapées.
M. Alfred Foy.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Foy.
M. Alfred Foy.
Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie pour votre réponse dans laquelle
je note la réelle volonté du Gouvernement d'apporter des satisfactions aux
handicapés. J'espère que cette volonté se traduira très concrètement et
apportera un réel soulagement aux handicapés et à leurs associations.
LIMITATION DE LA PRISE EN CHARGE
DES CURES THERMALES
M. le président.
La parole est à M. Carle, auteur de la question n° 576, adressée à Mme la
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma
question concerne le déremboursement des cures thermales, question à laquelle
une réponse a déjà été apportée à M. Bernard Fournier par votre collègue Mme
Gillot, lors de la dernière séance de questions d'actualité au Gouvernement.
J'avais rédigé cette question en juillet, mais les contraintes du calendrier
font qu'elle vient en séance un peu tardivement et qu'elle fait donc
répétition, ce dont je vous prie de bien vouloir m'excuser.
Toutefois, la politique exigeant de la pédagogie, laquelle est l'art de la
répétition, je me permettrai de formuler de nouveau brièvement cette
interrogation, ce qui vous permettra, madame la secrétaire d'Etat, de confirmer
la position du Gouvernement.
La limitation de la prise en charge des cures thermales aux seules situations
pathologiques concernant les voies respiratoires chez les enfants et les
affections des muqueuses bucco-linguales mettrait en danger nombre de stations
thermales dont certaines ont, depuis plusieurs années, beaucoup investi dans la
qualité soit des soins, soit des prestations.
Le thermalisme - vous le savez tout comme moi - représente 120 000 emplois
pour un chiffre d'affaires estimé à 2,2 milliards de francs. Il s'agit donc
d'un secteur non négligeable de notre économie de par son incidence sur
l'activité économique et sur l'emploi. Mais ce secteur participe également à
l'aménagement harmonieux du territoire, car les établissements sont situés bien
souvent dans les zones rurales, les zones de montagne, voire les zones
difficiles.
C'est pourquoi je souhaite, madame la secrétaire d'Etat, que vous nous
confirmiez les propos de votre collègue et la volonté du Gouvernement, d'une
part, de prolonger d'un an la suspension de l'entente préalable et, d'autre
part, de donner un nouvel élan au thermalisme.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Le Gouvernement n'entend pas mettre en oeuvre les propositions de la Caisse
nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, tendant
à réduire la prise en charge des cures thermales, laquelle serait limitée à
deux orientations thérapeutiques - d'une part, les voies respiratoires
concernant plus particulièrement les enfants et, d'autre part, la dermatologie
concernant le traitement des personnes gravement brûlées ou atteintes de
dermatoses difficiles à traiter - tandis que, pour les autres, telle la
rhumatologie, la prise en charge serait progressivement diminuée.
Il convient, en revanche, de s'assurer de l'absence d'abus dans les prises en
charge des cures ; les caisses d'assurance maladie et leurs services médicaux
ont un rôle déterminant à jouer dans cette action.
Afin de disposer d'une analyse d'ensemble de la situation du thermalisme, Mme
Aubry a décidé de confier une mission sur l'avenir du thermalisme à une
personnalité qualifiée. La mission examinera, en concertation avec les
représentants du thermalisme, les perspectives de mise en oeuvre d'une
procédure d'accréditation des établissements thermaux, dans un souci de qualité
des prestations offertes et du bon usage des soins.
S'agissant de l'entente préalable, c'est-à-dire la demande d'agrément par la
sécurité sociale pour la prise en charge de la cure, je rappelle qu'un arrêté
ministériel du 12 mars 1997 a suspendu pour deux ans cette procédure.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a demandé à la CNAMTS,
préalablement à toute décision relative à cette suspension, une évaluation des
dépenses thermales de 1996 à 1998 ainsi qu'une analyse de l'incidence de la
suspension de l'entente préalable sur les dépenses thermales. Cette évaluation
n'a pas été achevée.
Il paraît indispensable de maintenir en l'état la procédure de suspension de
l'entente préalable dans l'attente des résultats de cette étude, qui seront
utilement complétés par les travaux de la mission ministérielle qui sera
installée prochainement.
En conséquence, Mme Aubry a décidé de prolonger d'une année supplémentaire la
suspension de la procédure d'entente préalable.
M. Jean-Claude Carle.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Je tiens à remercier Mme la secrétaire d'Etat d'avoir confirmé la volonté du
Gouvernement de ne pas donner suite aux propositions de la CNAMTS.
Il est effectivement utile d'établir un bilan global afin de mettre en
évidence tant le coût des dépenses thermales pour l'assurance maladie, coût sur
lequel nous devons être vigilants, que les recettes engendrées par le
thermalisme.
Je rappellerai enfin mon souhait de voir le Gouvernement donner un nouvel élan
au thermalisme, secteur important de notre domaine sanitaire et de notre
patrimoine économique.
CLASSEMENT DES CENTRES HOSPITALIERS
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, auteur de la question n° 586, adressée à Mme le
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. Jean Chérioux.
Monsieur le président, madame le ministre, secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, ma question concerne les critères qui président au classement des
établissements de santé en établissements de première, deuxième ou troisième
classe. Ce classement revêt une importance particulière puisqu'il conditionne
l'affectation des directeurs d'hôpitaux.
Aux termes du décret n° 88-163 modifié du 19 février 1988, en effet, le corps
des personnels de direction des hôpitaux comprend trois classes : la première
classe, qui comporte six échelons, la deuxième classe et la troisième classe,
qui comportent chacune huit échelons.
Ces fonctionnaires ont vocation à occuper certains emplois de direction dans
les établissements hospitaliers en fonction du classement de ces derniers. Le
décret prévoit dans son article 4 que les hôpitaux publics font l'objet d'un
classement sur des listes arrêtées par le ministre chargé de la santé.
Le décret ne prévoit pas de critères pour ce classement : on suppose tout de
même que le ministre tient compte de l'importance de l'activité de l'hôpital et
aussi de l'avis du conseil d'administration, qui est compétent, aux termes de
l'article L. 714-4 du code de la santé publique, pour délibérer sur « les
emplois de direction ».
Il me semble aussi que, sauf pour répondre à un impératif national concernant
la gestion du corps des cadres hospitaliers ou à un voeu exprimé fortement par
un conseil d'administration ou encore pour adapter le classement de l'hôpital à
l'augmentation ou au recul de son activité, le ministre n'a pas de raison
particulière de modifier la liste de classement des établissements de santé.
Je voudrais donc, madame le secrétaire d'Etat, connaître les critères que vous
appliquez dans vos décisions, notamment dans celle que vous avez prise au sujet
de l'hôpital de Lavaur, dans le Tarn. Alors que le poste de directeur de
l'établissement avait été déclaré vacant sans que, semble-t-il, le président du
conseil d'administration en soit informé, que l'activité de l'hôpital n'avait
pas évolué sensiblement et que le conseil d'administration s'était opposé à
l'unanimité à modifier le classement de l'hôpital, cet établissement est
subitement devenu un établissement de première classe.
Dans le respect de vos prérogatives de gestionnaire du corps des personnels de
direction des hôpitaux, je vous saurais gré, madame le secrétaire d'Etat, de
m'indiquer pourquoi cette décision a été prise.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le sénateur, l'établissement public de santé de Lavaur, sur lequel
vous m'interrogez, réunit l'ensemble des neuf critères objectifs pour être
reclassé centre hospitalier de première classe du fait de son activité et des
moyens alloués. Trois de ces critères concernent le budget, les effectifs et le
nombre de lits ; six concernent le nombre de courts, moyens et longs
séjours.
J'ai demandé que l'on veuille bien me transmettre la liste de ces critères et
les seuils de reclassement. Je me propose donc de vous communiquer ces éléments
par écrit, monsieur le sénateur, à moins que vous ne préfériez en avoir
connaissance immédiatement.
M. Jean Chérioux.
Il serait préférable, madame le secrétaire d'Etat, que ces éléments figurent
au
Journal officiel
de nos débats !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Je vais donc vous livrer les chiffres.
Concernant les moyens, c'est-à-dire le budget, le personnel et le nombre de
lits, le seuil de classement est de 150 millions de francs pour le premier
critère et, à Lavaur, le budget atteint 234 millions de francs ; concernant les
effectifs, le seuil de classement est de 400 à 500 et, à Lavaur, on compte 670
employés ; concernant le nombre de lits, le seuil de classement est de 300 et
Lavaur en dénombre 467.
Concernant les six critères d'activité que j'ai évoqués rapidement tout à
l'heure, le seuil de classement est de 8 000 pour les consultations externes,
alors que Lavaur en compte 38 000 ; pour les passages en urgence, il est de 2
000 et Lavaur en dénombre 8 500 ; pour les entrées en court séjour, le seuil de
classement est de 1 500 et Lavaur en compte 7 000 ; pour les moyens et longs
séjours, le seuil est de 100 000 alors que Lavaur en compte 140 000 ; pour la
psychiatrie, le seuil de classement est de 1 300 et Lavaur atteint 3 500 ;
enfin, Lavaur compte trois secteurs alors que le seuil de classement est de
deux.
Le centre hospitalier de Lavaur remplit donc neuf critères sur neuf !
Dans ces conditions, monsieur le sénateur, ma conclusion sera extrêmement
brève : le ministère nomme des directeurs d'établissement dont le grade
correspond au niveau du poste, et il n'en a pas été autrement pour la récente
nomination du nouveau directeur. Le président du conseil d'administration de
l'hôpital de Lavaur a donc tout lieu d'être satisfait d'une telle décision, qui
distingue à sa juste valeur cet établissement hospitalier.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie d'avoir bien voulu nous faire
part de ces chiffres. Mais, si tous les critères sont très largement dépassés à
Lavaur, ils le sont à un point tel que j'en conclus que cette situation devait
être très ancienne. Dès lors, on peut tout de même s'étonner que, alors que la
situation n'a pas, d'après ce qui m'a été indiqué, sensiblement évolué dans les
dernières années, le Gouvernement ait brusquement décidé de modifier le
classement de cet hôpital.
IMPLANTATION D'UN CENTRE D'ENFOUISSEMENT
DE DÉCHETS ULTIMES Á SURY-LE-COMTAL
M. le président.
La parole est à M. Fournier, auteur de la question n° 569, adressée à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Bernard Fournier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question
s'adresse à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement.
La commune de Sury-le-Comtal, dans le département de la Loire, a été retenue
par le préfet de la région Rhône-Alpes comme l'un des deux sites d'accueil
potentiels d'un centre d'enfouissement technique de classe 1 pour les déchets
ultimes.
Initialement sélectionnée avec la commune de Marboz, dans l'Ain,
Sury-le-Comtal semble être aujourd'hui la seule hypothèse qui soit encore
d'actualité. Ce projet s'inscrit dans le cadre du plan régional d'élimination
des déchets spéciaux.
Aucune concertation n'a eu lieu avec les élus, aucune information n'est
parvenue à la population depuis une réunion qui s'est tenue en octobre 1998.
Les élus municipaux de Sury-le-Comtal n'ont pas été associés. Seule une
délégation d'élus d'une commune adjacente a été reçue par le ministère de
l'environnement.
Les conséquences de ce projet sur la santé de la population, sur le cadre de
vie, mais aussi ses implications économiques, sont très importantes. Les études
disponibles ne laissent pas apparaître d'éléments qui soient de nature à
rassurer les habitants de cette région.
Seule l'entreprise pétitionnaire a adressé un bulletin d'étape : sans mettre
en doute la qualité de cette information, elle demeure, vous en conviendrez,
pour le moins subjective.
Les pouvoirs publics restent, quant à eux, dans le silence absolu. La ministre
de l'environnement, dans une réponse à une question écrite de l'un de mes
collègues députés de la Loire, concédait, le 6 septembre dernier, qu'aucun
dossier n'était parvenu à la préfecture de ce département.
Une demande d'autorisation d'exploiter devait être déposée en juin, puis en
septembre. Il semblerait donc que quelques incertitudes se fassent jour. Mais
la population demeure profondément inquiète, rejette le projet et fait bloc
derrière la municipalité.
Aussi, je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir m'indiquer si
ce dossier garde la même actualité et quels sont les moyens que Mme Voynet
compte mettre en oeuvre pour impliquer davantage élus et habitants sur un
dossier qui les concerne directement.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le sénateur, Mme Voynet, en déplacement, m'a demandé de répondre à la
question que vous lui avez posée.
La ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris
connaissance avec intérêt, monsieur le sénateur, de cette question relative au
projet d'implantation d'un centre de stockage de déchets industriels spéciaux à
Sury-le-Comtal, dans le département de la Loire.
Le plan d'élimination des déchets industriels spéciaux de la région
Rhône-Alpes prévoit la création d'un ou de deux centres de stockage pour
éliminer les 100 000 tonnes de déchets industriels spéciaux produits chaque
année par cette région.
Une commission de suivi du plan, présidée par le préfet de région, a lancé, en
décembre 1997, un appel à propositions auprès des industriels intéressés par
l'ouverture d'un centre de stockage de déchets industriels spéciaux.
Un jury, assisté d'un comité scientifique dont les membres ont été désignés
par arrêté préfectoral, a jugé la conformité des propositions en fonction des
différents critères fixés dans l'appel à propositions. Le dossier relatif au
site de Sury-le-Comtal a été jugé conforme.
Le centre de stockage étant répertorié dans la nomenclature des installations
classées, l'exploitation est subordonnée à la délivrance d'un arrêté
préfectoral d'autorisation. Pour ce faire, le maître d'ouvrage doit déposer un
dossier de demande d'autorisation à la préfecture, ce qui n'a pas été fait à ce
jour.
Une fois la demande déposée, l'autorisation ne pourra être accordée qu'après
enquête publique et consultation des conseils municipaux des communes
concernées.
M. Bernard Fournier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous avez bien
voulu m'apporter, mais j'avoue que je ne suis pas pleinement rassuré quant à
l'avenir du site de Sury-le-Comtal.
Nous resterons très vigilants pour défendre les intérêts de la population !
CRÉDITS AFFECTÉS À LA PICARDIE
M. le président.
La parole est à M. Girod, auteur de la question n° 589, transmise à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
le Gouvernement a souhaité - c'était une innovation intéressante - que les
conseils généraux soient associés à la préparation des actuels contrats de
plan.
A ce titre, l'Aisne pouvait fonder de grands espoirs en raison, d'une part, de
l'unanimité qui règne en la matière au sein de son conseil général à travers
les alternances politiques et à travers le temps, et, d'autre part, de la
clarté de ses choix.
Par ailleurs, notre département pouvait également fonder de grands espoirs eu
égard à la réputation nationale du nouveau président de son conseil général en
matière d'aménagement du territoire.
Las ! Non seulement la Picardie se signale par sa stag-nation, voire sa
régression en matière de crédits, mais l'Aisne se trouve une nouvelle fois
négligée - c'est une litote ! - ce qui provoque parmi sa population et pour ses
élus stupéfaction, déception et indignation.
Le vent de contestation est unanime. Ainsi, l'aménagement de la RN 2, seule
artère nord-sud du département, est une priorité absolue pour le département et
son principe a été accepté par l'Etat depuis 1991. Mais il se voit reporté à
des calendes que je qualifierai d'asiatiques.
Malgré l'effort de redressement mené par l'Aisne depuis vingt ans pour
préparer ses enfants au baccalauréat, effort qui l'ont ramenée de
l'avant-dernière place jusqu'au-dessus de la moyenne nationale en la matière,
les crédits de formation post-bac - cela vous concerne plus particulièrement,
monsieur le ministre de l'éducation nationale - se voient consacrés au
déménagement de confort d'une faculté à Amiens.
Quant aux crédits culturels, touristiques, sportifs et économiques, ils sont
quasi nuls.
Tous les élus de l'Aisne attendent une révision majeure des propositions de
l'Etat dès la première enveloppe du contrat de plan, d'autant que les
catastrophes économiques s'abattent en ce moment sur ce département, et plus
spécialement sur le Soissonnais. Cela n'empêche pourtant pas - scandale
supplémentaire ! - la suppression de l'objectif II et de la prime d'aménagement
du territoire dans ce secteur.
Monsieur le ministre, nous attendons du Gouvernement une révision drastique de
sa position actuelle et des propositions qui nous sont faites.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le 23 juillet, à
Arles, le Gouvernement a arrêté les mandats de négociation des préfets de
région pour les contrats de plan Etat-région et a défini le montant de la
première part des enveloppes régionales, d'un montant total de 95 milliards de
francs.
Il a également arrêté le principe d'une deuxième part, d'un montant de 10
milliards de francs au moins, dont le contenu, le montant définitif et la
répartition seront définis à partir des priorités et en fonction de
l'engagement - en montant et en contenu - des régions.
L'enveloppe de 95 milliards de francs sur sept ans ne peut en aucune manière
être comparée à l'enveloppe précédente de 88 milliards de francs sur cinq ans
définie en 1994 et dont on ne saurait que rappeler le caractère illusoire. Les
précédents contrats de plan, abondés d'un « programme d'accélération routière
», ont été dessinés peu de temps avant l'élection présidentielle. Ils ont été
remis en cause au lendemain de l'élection et leur durée a été allongée à six
ans.
Pour la Picardie, le montant de la première part est une reconduction du
montant antérieur tel qu'il avait été annoncé, soit 2 524 millions de francs -
1 360 francs par habitant -, ce qui assure à la Picardie un engagement en
montant par habitant au moins égal à la période antérieure.
La seconde part viendra, sous réserve d'accord avec la région, compléter cette
première part dans les prochaines semaines.
En termes de contenu, le contrat de plan n'est pas encore défini par le préfet
de région, qui vient de rencontrer les présidents de la région, le 15
septembre, et des conseils généraux. Il engage ces discussions sur la base de
ce mandat qui ne comprend pas, contrairement à 1993, de noyau dur.
En ce qui concerne les transports, je puis d'ores et déjà vous indiquer que la
première enveloppe réserve 820 millions de francs de l'Etat pour les routes et
132 millions pour les autres modes de transport. La RN 2, qui dessert l'Aisne,
figure parmi les deux axes prioritaires de ce contrat.
Par ailleurs, le mandat territorial précise qu'une attention prioritaire sera
accordée aux secteurs en conversion du nord de l'Aisne, ce qui devrait conduire
à cibler une part significative des crédits européens de l'objectif II destinés
à la Picardie sur cette partie du département.
Pour les fonds structurels, le Gouvernement a tenu compte des difficultés que
rencontre la Picardie. En effet, le niveau de revenu moyen picard est inférieur
à la moyenne nationale : 110 000 francs de produit intérieur brut moyen contre
135 000 francs sur le plan national. L'Etat a donc tenu compte de cette
disparité dans la détermination du montant de population éligible à l'objectif
II. Ainsi, 763 000 habitants, soit 42 % de la population de la Picardie, sont
éligibles à l'objectif II, soit dix points de plus que la moyenne nationale.
La décision du groupe Michelin de fermer l'usine Wolber a attiré également
l'attention sur la situation du bassin de Soissons, dont les difficultés
économiques se sont notablement aggravées ces dernières semaines.
Cette situation impose prioritairement de placer le groupe Michelin devant ses
responsabilités, en s'assurant notamment qu'il mobilise les moyens nécessaires
à la reconversion du site, en particulier au travers de sa société de
conversion SID.
Les décisions prises par Michelin, auxquelles s'ajoutent les difficultés de
plusieurs autres entreprises, me conduisent à examiner la possibilité de
retenir au titre de ces difficultés industrielles tout ou partie du Soissonnais
dans le zonage de la prime d'aménagement du territoire, la PAT, dans le cadre
des discussions en cours avec la Commission européenne et des ajustements qui
pourraient y être apportés, dans le respect des critères retenus par la France
pour formuler sa proposition.
Cet effort doit permettre aux territoires qui se constitueront dans l'Aisne de
développer leurs projets et d'acquérir ainsi, à partir de leurs spécificités,
leur place légitime dans l'ensemble picard. Soyez assuré que nous y
veillerons.
M. Paul Girod.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le ministre, j'ai eu peur en entendant le début de votre réponse, qui
était identique, au mot près, à celle qui avait provoqué la semaine dernière à
l'Assemblée nationale l'indignation de Mme Grzegrzulka, indignation que nous
partageons. Relativement rassuré par la suite de votre propos, je l'ai été
assez largement par la fin, qui faisait état de l'attention portée au bassin
soissonnais.
Je note au passage que, pour vous, l'affaire Michelin doit être traitée à
l'intérieur de la société de reconversion du groupe, position qui me paraît
plus raisonnable que certains effets d'annonce entendus ici ou là.
En ce qui concerne la RN 2, si nous savions déjà que 820 millions de francs
étaient attribués à la Picardie, c'est l'affectation de cette somme qui
continue à poser problème pour le département de l'Aisne, qui a privilégié,
pendant plusieurs décennies, le transmanche.
Enfin, monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu sur l'unique point qui
concernait votre ministère, celui des formations post-baccalauréat. Pour les
années qui viennent, nous ne saurions nous satisfaire du déménagement de la
faculté de lettres d'Amiens du campus vers le centre. La situation d'autres
départements, qui ont autant de difficultés pour diriger leurs jeunes vers un
avenir constructif, présente également un caractère prioritaire.
AVENIR DE L'OEUVRE NOTRE-DAME DE STRASBOURG
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel, auteur de la question n° 542, adressée à Mme le
ministre de la culture et de la communication.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, ma question concerne
la plus ancienne institution municipale de Strasbourg, l'OEuvre Notre-Dame de
Strasbourg.
D'abord responsable de la construction de la cathédrale, elle a depuis lors
mission de la réparer et de l'entretenir. Avec sa spécificité, cette fondation
prestigieuse est la seule et unique de ce type à exister.
L'OEuvre Notre-Dame a une histoire continue de près de huit siècles. Son
patrimoine le plus précieux réside dans le savoir-faire et le talent de ses
artisans, ainsi que dans les techniques ancestrales des tailleurs de pierres,
qui, grâce au soutien de la Ville de Strasbourg, ont pu pérenniser les
techniques anciennes abandonnées ailleurs pour des raisons économiques.
Les compétences techniques de l'OEuvre Notre-Dame sont unanimement reconnues,
ce qui lui a permis jusqu'à présent de mener à bien la restauration de la
cathédrale. Le dernier compromis prévoyait que deux tiers des travaux étaient
confiés à l'Etat, sous la direction d'un architecte en chef des Monuments
historiques, et un tiers à l'OEuvre Notre-Dame, sous la direction de
l'architecte en chef de l'OEuvre. C'est ainsi que de nombreux travaux ont pu
être réalisés avec art et talent par l'OEuvre Notre-Dame sur la cathédrale de
Strasbourg.
Un terrain d'entente a toujours été trouvé, et ce en dépit des vicissitudes de
l'histoire de l'Alsace. Cette spécificité séculaire a su perdurer et être
préservée pour entretenir le trésor du patrimoine universel que représente la
cathédrale de Strasbourg, symbole fort et de la culture et de la spiritualité
européennes.
Une nouvelle convention prévoit la nomination d'un architecte unique, choisi
par la ville parmi des professionnels proposés par l'Etat, renouvelables pour
quatre ans.
L'absence d'architecte sur place va entraîner un certain nombre
d'inconvénients : l'architecte des Monuments historiques, qui a en charge de
nombreux monuments et missions dans d'autres régions françaises, risque de
n'avoir matériellement pas le temps de s'occuper spécifiquement de la
cathédrale comme il conviendrait. Il ne sera pas tenu compte - c'est un risque
- de la spécificité de cet édifice prestigieux et les probables changements
fréquents d'architecte menacent de nuire à la continuité de ce chantier.
L'OEuvre Notre-Dame tire son existence de ce pivot central représenté par le
service d'architecture, composé d'un architecte et d'une équipe d'ouvriers
oeuvrant en permanence au chevet de la cathédrale. L'existence d'un patrimoine
considérable, legs de notre histoire, en dépend.
Quelles sont, madame la ministre, les dispositions qui sont envisagées pour
répondre à ces légitimes inquiétudes et interrogations ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, je
vous remercie d'avoir bien voulu évoquer, à travers votre question, l'accord,
finalement intervenu le 28 juin 1999, entre l'Etat et l'OEuvre Notre-Dame de
Strasbourg, fondation de droit local. Cet accord concerne les travaux de
restauration et d'entretien de la cathédrale.
Je suis, vous le savez, extrêmement attentive à l'évolution de l'OEuvre, qui
fut, pendant les périodes médiévale et moderne, l'acteur principal de la
construction et de l'entretien de la cathédrale.
Depuis Bonaparte, elle est dotée d'un statut qui la place sous administration
de la ville de Strasbourg et qui affecte ses revenus à la conservation de la
cathédrale. C'est d'ailleurs ce qui explique que le budget de l'OEuvre
Notre-Dame est séparé et voté en tant que tel, même s'il fait l'objet d'une
dotation particulière de la ville, qui l'administre, créant ainsi une situation
tout à fait spécifique en France.
Sur cet édifice majeur, classé parmi les monuments historiques, deux systèmes
de travaux ont dès lors coexisté : une partie assumée par l'Etat, propriétaire,
sous la maîtrise d'oeuvre de l'architecte en chef des Monuments historiques et
de l'architecte des Bâtiments de France ; une autre partie assumée, en vertu
d'une doctrine multiséculaire, par l'OEuvre Notre-Dame sur certains travaux,
avec ses équipes de maçons et de tailleurs de pierre, sous la maîtrise d'oeuvre
de son architecte en chef.
Cette double intervention constituait évidemment une ressource précieuse pour
la cathédrale de Strasbourg, tant par la qualité des personnels de l'OEuvre
Notre-Dame que par l'importance des travaux effectués par cette dernière - je
pense notamment au plus remarquable, qui concerne la reconstruction de la tour
de croisée de la cathédrale.
Ce dispositif présentait néanmoins, vous le savez, plusieurs inconvénients :
l'OEuvre intervenait en effet sans base juridique réelle sur l'édifice comme
maître d'ouvrage des travaux ; par ailleurs, la dualité des maîtrises d'oeuvre
nuisait à la cohérence des interventions sur l'édifice, chacune ayant en charge
une partie du bâtiment.
Le texte adopté par l'OEuvre Notre-Dame et l'Etat constitue une
officialisation de l'intervention de l'OEuvre sur la cathédrale de Strasbourg.
Cet accord-cadre prévoit en effet que l'Etat lui confiera, à l'issue des
réunions du comité scientifique et du comité de pilotage institués en 1995, la
maîtrise d'ouvrage d'une partie des travaux sur la cathédrale. Le programme de
ces interventions sera arrêté conjointement entre l'Etat et l'OEuvre
Notre-Dame.
L'OEuvre conservera bien entendu ses équipes, mais un architecte en chef des
monuments historiques, désigné conjointement par elle et par l'Etat, sera
maître d'oeuvre de l'ensemble des opérations de restauration, ce qui garantit
la cohérence des travaux, le calendrier et l'unicité de maîtrise d'oeuvre.
Cette unicité de maîtrise d'oeuvre permettra dès lors de mettre fin au «
partage » de l'édifice et d'élargir à l'ensemble de celui-ci les interventions
de l'OEuvre. Les deux partenaires pourront ainsi mieux coordonner leurs efforts
pour la réalisation de programmes communs.
Si elle ne disposera pas d'un architecte à plein temps, la cathédrale de
Strasbourg continuera de bénéficier de la présence permanente des équipes de
l'OEuvre, comme, bien entendu, de la surveillance des services de l'Etat.
La disponibilité au service de l'édifice est par ailleurs l'un des éléments du
choix de l'architecte commun et de la décision de le reconduire dans ses
fonctions à l'issue de ses quatre ans de mandat.
L'accord passé entre l'Etat et l'OEuvre Notre-Dame ne remet donc nullement en
cause la pérennité de cette dernière, mais consacre, au contraire, sa
reconnaissance par l'Etat comme un partenaire institutionnel à part entière de
la restauration et de l'entretien de cet édifice insigne, en donnant à son
action une base juridique qui n'existait, à ce jour, que pour les aspects
financiers et en élargissant le champ de ses interventions sur le monument.
Je suis heureuse de vous annoncer qu'un premier exemple en sera donné dès
cette année avec la prise en charge par l'OEuvre Notre-Dame d'importantes
interventions d'urgence sur la flèche de la cathédrale, qui, aux termes de ce
fameux compromis, relevait de la part de l'Etat, alors que seule l'une des
façades de la cathédrale revenait à l'OEuvre.
Par ailleurs, lorsque celle-ci effectuait des travaux d'entretien courant,
voire des interventions d'urgence, elle suscitait des contestations, faute de
respecter la répartition des rôles et des responsabilités.
Je crois donc que cet accord est tout à fait positif. Nous allons observer sa
mise en oeuvre à l'occasion des travaux qui vont malheureusement cacher pour
quelque temps la flèche jusqu'alors exposée aux regards des Strasbourgeois et
de tous les amoureux de cette cathédrale.
M. Daniel Hoeffel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Je voudrais simplement
préciser que, le passé ayant démontré son efficacité, le partage des tâches
concernant cet édifice ne saurait être considéré comme une tare en soi.
La spécificité de la cathédrale impose la disponibilité d'un architecte
connaissant précisément les lieux et intervenant dans la continuité plutôt que
de manière sporadique. J'y vois là un élément essentiel pour la préservation de
la cathédrale. Il est des circonstances dans lesquelles tradition et efficacité
ne sont pas forcément incompatibles !
Souhaitons que les éléments de réponse que vous avez donnés garantiront que se
poursuivront à l'avenir, dans l'intérêt de la cathédrale, des interventions
aussi efficaces que celles qui ont été accomplies par l'OEuvre Notre-Dame au
cours des huit siècles passés.
PLAN D'URGENCE POUR LES LYCÉES
M. le président.
La parole est à Mme Luc, auteur de la question n° 593, adressée à M. le
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le ministre, les sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen expriment de longue date et avec constance un soutien et une
détermination affirmée envers notre service public de l'éducation nationale
pour que la qualité de celui-ci préside en tout lieu à la réussite optimale de
chaque élève.
Dans le droit-fil de cette démarche, ma question, monsieur le ministre, porte
sur la mise en oeuvre de mesures nouvelles et des engagements obtenus par les
lycéens l'an passé, au terme d'une mobilisation puissante et remarquable.
Notre pays dispose d'un atout formidable : celui d'une jeunesse qui veut
réussir, qui s'investit pour son avenir, pour son insertion future, pour
préparer toute sa place dans une société où coexistent à la fois des
inquiétudes majeures face au chômage et à la précarité et des potentiels
d'innovation considérables.
C'est dire si l'exigence des jeunes, en termes de respect des engagements, de
dialogue véritable, de conditions d'études dignes de notre époque, est forte et
légitime.
Ne les admonestez pas inutilement, monsieur le ministre, au risque de les
déresponsabiliser. Ce qui est primordial, c'est de remédier en toute urgence
aux sureffectifs dans les classes, aux postes non pourvus, aux emplois du temps
inadaptés, aux graves carences qui frappent singulièrement l'enseignement
professionnel, alors que celui-ci devrait être une voie d'égale dignité et
d'égale réussite pour les lycéens. Je sais que vous partagez ce souci. Mais cet
objectif est encore loin d'être atteint. Les problèmes étant posés depuis peu
de temps, bien qu'on en ait beaucoup parlé, il reste beaucoup à faire.
Monsieur le ministre, le sentiment dominant et récurrent, plusieurs semaines
après la rentrée, est celui qui découle des effets d'une gestion à flux trop
tendus, sans moyens ni réserves suffisants pour faire face aux inévitables
imprévus et ajustements. J'attends que vous m'indiquiez quels sont vos
intentions et vos actes pour régler définitivement ce problème et quels
enseignements vous en tirez pour votre budget pour 2000.
Il est temps, je pense, d'aller plus loin et plus haut. A la faveur de la
baisse significative du nombre d'élèves qui s'annonce et de marges budgétaires
nouvelles dégagées par la reprise de la croissance, il m'apparaît réaliste et
possible d'atteindre, par une programmation progressive et précise, l'objectif
de 30, voire 25 élèves maximum par classe, suivant les niveaux, ainsi que
d'assurer les recrutements et la formation nécessaires des personnels dans
toutes les fonctions éducatives.
Un tel engagement de la nation, avec sa traduction budgétaire, qui, en l'état,
même si le budget est en augmentation, ne me paraît pas suffisante,
constituerait, j'en suis convaincue, un élément permettant d'optimiser la
confiance sur laquelle doivent pouvoir s'appuyer tous les acteurs de l'école,
de débattre, de réfléchir sereinement aux évolutions indispensables, d'innover,
de transformer, de créer les dynamiques et les pratiques nouvelles liées aux
mutations incessantes qui marquent la société.
Cette proposition représente, de mon point de vue, un moyen essentiel pour la
gauche plurielle de réussir les nouvelles avancées nécessaires dans le domaine
de l'éducation. C'est pourquoi je souhaite que vous nous fassiez part de vos
intentions à cet égard, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Madame la sénatrice, je tiens d'abord à dire que toutes les mesures prévues
pour les lycées en octobre 1998 ont été mises en oeuvre au cours de l'année
scolaire 1998-1999 et à la rentrée 1999, notamment pour améliorer la démocratie
lycéenne et le fonctionnement des instances représentatives lycéennes ainsi que
le renforcement de la présence des adultes dans les établissements
scolaires.
Ainsi, il a été décidé : la mise à la disposition des représentants des lycées
d'instruments de travail et de moyens de communication : adresse
e-mail,
site Internet ; la création d'un conseil de la vie lycéenne dans les
établissements à titre expérimental ; le doublement des crédits du fonds de la
vie lycéenne : à la rentrée 1999-2000, le montant de ce fonds est passé de 25
millions de francs à 50 millions de francs ; le recrutement de trois mille
maîtres d'internat, surveillants d'externat, en mars 1999 ; la notification de
dix mille emplois-jeunes, en janvier 1999 ; la mise à disposition de mille
appelés du contingent - 140 sont actuellement affectés dans les établissements
- et, enfin, la création d'un fonds exceptionnel d'aménagement des lycées d'un
montant de 4 milliards de francs de prêts à taux zéro pour l'aménagement de
lieux de vie et d'espaces culturels dans les lycées.
En outre, avec le budget de cette année, ont été recrutés cinq mille
enseignants alors que les effectifs d'élèves ont baissé de près de cinquante
mille.
S'agissant de la réduction des effectifs par classe, je tiens à vous dire avec
fermeté, madame la sénatrice, que ce n'est pas la panacée. Actuellement, en
Seine-Saint-Denis, des établissements comptent moins de vingt élèves par
classe. Or, aux dires de certaines personnes, cela n'a pas résolu tous les
problèmes. Il ne faut pas se focaliser uniquement sur le quantitatif, comme on
l'a trop fait, mais également prendre en compte le qualitatif.
Cela dit, il a été demandé aux recteurs de procéder aux réajustements
nécessaires pour satisfaire cet objectif de réduction des effectifs et faire en
sorte que les classes de terminales ne comportent pas plus de trente-cinq
élèves : 1 100 classes étaient concernées lorsque je suis arrivé au ministère,
il n'y en a plus que quelques-unes aujourd'hui, c'est-à-dire zéro sur le plan
statistique.
S'agissant de l'aménagement des emplois du temps, vous savez bien que celui-ci
relève de la responsabilité des établissements, qui disposent d'une autonomie
en matière d'organisation du temps scolaire. Il serait ridicule de centraliser
les emplois du temps.
S'agissant des recrutements, nous comptons actuellement, il faut le savoir,
près de cinq mille enseignants en trop dans l'enseignement secondaire. Mais ils
sont mal répartis : dans certaines disciplines, il y des excédents, dans
d'autres il y a des déficits considérables. Cette situation résulte du fait
que, depuis des années, il n'y avait pas de gestion prévisionnelle des emplois.
Nous l'avons mise en place.
Par ailleurs, un rééquilibrage entre académies a été entrepris depuis que nous
sommes au Gouvernement. Vous le savez, il y a eu un plan spécial pour la
Seine-Saint-Denis et un plan spécial pour les DOM-TOM. Aujourd'hui, nous
procédons à des réajustements au sein et hors de ces départements, par exemple
en Seine-et-Oise et dans d'autres départements de la banlieue parisienne, où
nous nous efforçons d'établir une véritable égalité des chances.
La démocratie lycéenne est maintenant une réalité. Des instances qui
n'existaient pas ont été mises en place pour faire valoir les droits de chacun
et pour résoudre les problèmes. Je dis simplement mais fermement que le lycée
est un lieu d'études. Les moyens sont là, mais je ne peux pas fabriquer du jour
au lendemain des professeurs d'espagnol parce qu'il en manque, ou des
professeurs d'enseignement professionnel dans certaines spécialités, qui
manquent aussi parce que la reprise économique fait qu'ils partent travailler
dans le secteur privé.
Des problèmes d'ordre qualitatif se posent donc, et je ne crois pas que c'est
en réclamant systématiquement et uniquement des mesures quantitatives que l'on
résoudra ces problèmes, je le dis fermement.
Je dis tout aussi fermement que le lycée est un lieu d'études et qu'il ne faut
pas que ces études soient gâchées par des revendications qui iraient au-delà de
ce qu'est la réalité des choses.
Il faut que vous sachiez, madame la sénatrice, qu'aucun poste n'était vacant
dans les établissements lors de la rentrée de cette année. Aucun ! C'est
probablement la première fois qu'il en est ainsi. Ce qui s'est passé, c'est
qu'un certain nombre d'enseignants n'ont pas pris leur poste, certains d'entre
eux ayant averti à la dernière minute de leur absence.
Il a fallu que les recteurs, les responsables académiques et les chefs
d'établissement pourvoient ces postes dans l'urgence, et ils l'ont fait avec
énormément de dévouement. Tous les services académiques et toute
l'administration se sont mobilisés dans cette affaire, et je dois dire
qu'aujourd'hui il n'existe pratiquement plus de postes vacants, sauf cas de
manque qualitatif. En effet, quand il faut remplacer un professeur de
chaudronnerie dans une petite ville de province, cela n'est pas toujours
possible immédiatement.
Mme Hélène Luc.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le ministre, je veux que les choses soient claires.
Je sais bien que vous avez voulu mettre en oeuvre des mesures nouvelles ; mais
il faut bien reconnaître que tous les élèves ne se trouvaient pas devant un
professeur lors de la rentrée scolaire. Nous ne pouvons manquer, avec l'esprit
de responsabilité qui nous anime - tout comme vous - de nous interroger sur les
raisons de cette situation.
Certes, je comprends bien vos arguments selon lesquels la baisse des effectifs
ne résout pas tous les problèmes ; mais je crois quand même qu'elle constitue
un élément important.
Pourquoi certains professeurs d'enseignement professionnel optent-ils pour le
secteur privé plutôt que de continuer à enseigner dans les lycées publics ?
Cette question mérite examen.
Nous reviendrons sur ce point mercredi prochain lors de votre audition devant
la commission des affaires culturelles, monsieur le ministre. Si on laisse les
choses aller ainsi, nous risquons d'être confrontés, l'année prochaine, à une
pénurie beaucoup plus importante de professeurs dans certaines matières.
Monsieur le ministre, je prends bonne note des réponses que vous venez de
m'apporter. Pour autant, force est de constater que subsiste encore un déficit
important pour pourvoir les 14 000 emplois supplémentaires promis pour 1999 et
que l'emploi contractuel et le recours aux heures supplémentaires restent
encore en vigueur.
Le plan pluriannuel de diminution du nombre d'élèves en seconde et en première
de lycée n'est pas initié. Il faudra faire preuve de plus d'audace et de
persévérance.
La plate-forme élaborée par les lycéens en vue de leur prochaine manifestation
est composée d'un ensemble de questions auxquelles il faut s'atteler, monsieur
le ministre, et je souhaite pour ma part que le contenu du projet de budget
pour l'an 2000 en prenne compte pleinement.
L'impatience d'avenir des jeunes, loin d'être pénalisante, est une chance pour
notre pays. Vous-même, dans une interview récente, citant Georges Bernanos,
l'appréhendez comme telle. Avec eux, avec l'ensemble des partenaires, faisons
alors de notre système éducatif ce qu'il a souvent été : une référence et un
exemple réputé bien au-delà de nos frontières.
CONSTRUCTION D'UN NOUVEAU SYNCHROTRON
M. le président.
La parole est à M. Legendre, auteur de la question n° 578, transmise à M. le
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Jacques Legendre.
Monsieur le ministre, il est des projets décisifs pour l'avenir d'une région
qui méritent un combat de tous les instants. Le projet SOLEIL est de
ceux-là.
Les collectivités territoriales, la communauté scientifique, les milieux
économiques font cause commune pour demander l'implantation de SOLEIL, qui
représente un investissement de 2 milliards de francs sur huit ans et
entraînera dans son orbite des entreprises et des personnels hautement
qualifiés.
« Le conseil régional du Nord - Pas-de-Calais a réaffirmé sa volonté de voir
SOLEIL s'implanter dans sa région. Il interpelle M. Claude Allègre, ministre de
l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, et le Gouvernement
sur cet enjeu essentiel à notre avenir et à celui de la recherche française. »
Voilà, monsieur le ministre, ce que déclarait il y a quelques mois M. Michel
Delebarre, président de la région Nord - Pas-de-Calais.
Votre réponse est venue le 3 août, dans la torpeur de l'été. Nous avons appris
que ce projet ne serait pas pour le Nord - Pas-de-Calais, ni d'ailleurs pour
aucune région française - il y avait, c'est vrai, des espérances dans plusieurs
régions, et on le comprend bien - puisque SOLEIL serait construit en
Grande-Bretagne, avec participation et financement de la France.
Une telle décision, monsieur le ministre, a provoqué, vous le savez,
incompréhension, émoi, voire indignation : émoi des chercheurs du LURE,
laboratoire implanté à Saclay, et protestations ici et là des élus.
Il me semble, monsieur le ministre, qu'un enjeu d'une telle importance
méritait un débat devant le Parlement, afin que le Gouvernement ou vous-même
nous apportiez des précisions.
Vous avez déclaré, semble-t-il, qu'il n'était pas décidé définitivement qu'il
n'y aurait pas de synchrotron français. Le chef de l'Etat lui-même a déclaré le
22 septembre dernier, à propos du synchrotron, qu'« il s'agissait d'un outil
très puissant d'analyse de la nature du vivant. Le projet SOLEIL de rayonnement
synchrotron est très certainement le plus bel équipement scientifique que la
France peut, dans les années à venir, réaliser avec sa communauté scientifique
pour la recherche et le progrès, notamment dans le domaine de la santé et de
l'industrie ».
Monsieur le ministre, y a-t-il encore une chance qu'un synchrotron soit
construit en France et selon quelles modalités ? Accepterez-vous, au moins,
qu'un débat ait lieu au Parlement ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le sénateur, je suis content que vous me posiez cette question, tout
en étant quelque peu étonné. Cette question fait, en effet, l'objet d'un débat
tous les ans devant le Parlement, à l'occasion de la discussion budgétaire, et
nous nous sommes déjà expliqués de façon très précise sur ce problème.
Le Gouvernement a décidé, depuis longtemps, de réaliser tous les grands
équipements à l'échelon européen. Nous sommes, en effet, aujourd'hui le pays du
monde qui dépense le plus pour le rayonnement synchrotron - 300 millions de
francs par an - et le moins pour la biologie, pour la recherche médicale, pour
la création d'entreprise par des jeunes ! Il convenait de changer de
politique.
Pendant des années, budget après budget, nous avons opéré une dérive vers les
gros équipements, sans que personne ne s'en soucie, et ce quels que soient les
gouvernements, je m'empresse de le dire. Nous avons ainsi mis la recherche
française en difficulté. Les crédits affectés aux laboratoires sont
ridiculement faibles. Au CNRS, par exemple, 85 % des crédits sont consacrés aux
salaires, et seulement 15 % au fonctionnement ; et, par extrapolation, il n'y
aurait plus aucun crédit de fonctionnement pour le CNRS en 2016 !
Cette politique a été menée par les ministres successifs de la recherche, mais
avec l'assentiment du Parlement, car ce débat, nous l'avons chaque année, à
l'occasion de la discussion budgétaire.
Pour ma part, je suis fier d'essayer de contribuer à ramener la recherche
scientifique française au premier plan, en arrêtant les dépenses de prestige,
les dépenses qui ne nous rapportent rien. Nous dépensons plus d'argent que les
Anglais dans le synchrotron, ce sont pourtant eux qui ont les prix Nobel !
Je préfère, disais-je, avoir une recherche française vigoureuse. Dans cet
ordre d'idées, nous avons organisé un concours de créations d'entreprises par
des jeunes : nous avons reçu 2 000 demandes, mais nous n'avons pu en satisfaire
que 75 cette année, et nous en satisferons 180 l'an prochain. Nous avons
également organisé un concours pour que les jeunes puissent créer des
laboratoires, nous avons reçu 2 000 demandes : mais nous n'avons pu en
satisfaire que 85. Voilà la nouvelle politique du Gouvernement de la France
!
Pour ce qui est du débat sur les équipements, il est inscrit dans le budget
qu'il n'y aura pas 2 milliards de francs pour le synchrotron ! Si tel était le
cas, il n'y aurait rien pour le Nord, ni pour la génopôle ni pour la création
d'un centre d'électronique !
Sur les 4 milliards de francs consacrés à la recherche, vous voudriez que l'on
dépense 2 milliards de francs pour le synchrotron ! L'un d'entre vous est-il
prêt à prendre une telle décision ?
Le débat est simple, et nous l'avons déjà eu au moment du vote du budget,
disais-je. Mais je suis content que vous m'ayez posé cette question, monsieur
le sénateur, car, la semaine dernière, tous les prix Nobel français ont pris
position pour soutenir le Gouvernement. Et que des chercheurs qui dépensent
déjà énormément manifestent pour continuer à être avantagés par rapport aux
autres ne m'impressionne pas !
Le principal problème est de redonner du dynamisme à la recherche médicale et
à la recherche biologique françaises, à la création d'entreprises par des
jeunes. Cela a été fait.
Voilà, monsieur le sénateur, ce que j'avais à vous dire, et si vous me reposez
la question au moment du budget, je vous ferai la même réponse.
M. Jacques Legendre.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre.
Monsieur le ministre, je reconnais dans la vigueur de votre réponse la vigueur
de vos convictions. Je m'y attendais.
Mais quand on entend la vigueur des protestations et des incompréhensions qui
s'expriment ailleurs, quand on voit, je le répète, que ce projet est qualifié
par le chef de l'Etat de « plus bel équipement scientifique que la France peut,
dans les années à venir, réaliser avec sa communauté scientifique pour la
recherche et le progrès », on peut comprendre que le Parlement souhaite que le
débat ne soit pas réduit aux quelques heures d'une discussion budgétaire.
Nous savons bien que, dans les limites contraignantes du débat budgétaire,
nous ne pouvons pas traiter de tout. Je souhaite donc, monsieur le ministre,
probablement comme beaucoup de parlementaires, que vous acceptiez, que le
Gouvernement accepte que le Parlement puisse, sur ce sujet, consacrer un
certain nombre d'heures. Quand il s'agit du « plus bel équipement scientifique
», cela mérite au moins débat, et que chacun s'exprime avec la vigueur et la
détermination qui lui sont propres.
Enfin, monsieur le ministre, vous aviez laissé entendre que la construction du
synchrotron n'était pas définitivement abandonnée. Vous ne m'avez pourtant pas
répondu sur ce point. Vous le voyez, nous avons encore des raisons de vous
demander des précisions.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je demande la parole.
M. le président.
Avant de vous donner la parole, monsieur le ministre, je me permets de vous
faire observer que nous avons un peu de retard ; je souhaite donc que votre
réponse soit brève.
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le sénateur, j'ai dit que tous les équipements importants seraient
désormais construits à l'échelon européen ; il n'y aura plus de grands
équipements exclusivement français. Par ailleurs, nous nous sommes engagés -
c'est une décision irréversible - avec les Britanniques.
J'ajoute, en passant, que ce synchrotron européen n'est pas le plus bel
équipement du monde. Je suis obligé de vous le dire, le plus beau synchrotron
du monde, il existe déjà, il est en France, à Grenoble. Le projet SOLEIL ne
sera pas équivalent.
Nous disposons aussi d'un autre équipement européen, le LURE, à Orsay, et nous
aurons bientôt un nouvel équipement européen en Grande-Bretagne.
Ces gros équipements sont utilisés par les chercheurs de tous les pays : les
Français travaillent aux Etats-Unis, en Allemagne, en Italie, et ils iront
travailler en Grande-Bretagne. Le lieu d'implantation de ces équipements ne
défavorise personne.
Enfin, avec ce dernier équipement, nous contribuons à la construction de la
communauté européenne scientifique. Ce sera le premier grand équipement
européen réalisé en Grande-Bretagne, et je peux vous dire que cela jouera un
rôle très important pour l'arrimage de la communauté scientifique britannique à
l'Europe. Il nous faut saisir cette chance extraordinaire.
Non, il n'y aura pas de débat sur ce sujet. C'est comme si vous demandiez un
débat particulier sur la construction des navires et un autre sur l'espace ! Un
budget est soumis à votre vote ; vous avez tout loisir de l'amender, de poser
des questions et d'engager alors un débat.
Je note enfin que vous préférez, vous, sénateur du Nord, construire de gros
équipements purement français plutôt que développer la recherche médicale. J'en
ferai part à vos collègues du Nord.
M. Jacques Legendre.
Je n'ai absolument pas dit cela. Vous êtes de mauvaise foi !
M. le président.
Le débat se poursuivra...
PLACE DE LA FRANCE AU SEIN DU CONSEIL DE L'EUROPE
M. le président.
La parole est à M. Goulet, auteur de la question n° 579, adressée à M. le
ministre des affaires étrangères.
M. Daniel Goulet.
L'Assemblée du Conseil de l'Europe - je pense que vous en êtes convaincu,
monsieur le ministre - est une incomparable cellule de réflexion et une force
de proposition regroupant les représentants des parlements des quarante et un
pays composant la grande Europe, lesquels, rassemblés en un même lieu,
apprennent à se connaître et à construire ensemble l'avenir d'un continent qui
constitue leur patrimoine commun.
Ce rappel n'est peut-être pas inutile dans cette enceinte, puisque le Sénat a
élu six de ses représentants pour siéger à l'Assemblée du Conseil de l'Europe.
Les membres de la délégation française, toute tendance politique confondue, ont
bien compris l'enjeu de cette institution et ils s'investissent de plus en plus
dans les activités des commissions spécialisées et dans les débats d'actualité,
qu'il s'agisse, par exemple, de la guerre au Kosovo, de la sécurité alimentaire
ou de la restauration économique et agricole des pays des Balkans.
La France doit donc accorder à cette institution, qu'elle a conduit sur les
fonts baptismaux voilà cinquante ans, les moyens d'accomplir la mission qui est
la sienne, même si, à quelques pas de son siège, une autre assemblée, parée des
vertus du suffrage universel direct, fait montre d'un appétit tentaculaire.
L'Europe ne se limite donc pas à l'Union européenne, qui ne regroupe, comme
chacun le sait, que quinze Etats. M. Attali, en prônant dans son rapport remis
au Gouvernement une Europe élargie à quarante pays, plaide très astucieusement
en faveur du renforcement des pouvoirs du Conseil de l'Europe.
L'Europe de M. Attali existe déjà. Il suffit pour s'en convaincre de porter
plus d'attention aux travaux de l'assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe.
Votre réponse à ma question écrite ne m'avait pas paru suffisante ; elle était
à la fois trop générale et plutôt impersonnelle, monsieur le ministre. J'ai dès
lors pensé qu'il nous fallait impérativement poursuivre le dialogue
aujourd'hui.
En d'autres termes, devant cette situation, la France va-t-elle enfin mettre
en oeuvre une vraie politique pour soutenir l'action de l'assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe ? Peu de signes favorables le laissent
envisager pour le moment.
Au plan budgétaire, aspect incontournable lorsque l'on veut commander une
politique en telle ou telle direction, nous pensons que la représentation
nationale ne peut se satisfaire de la présentation du budget réservé à cette
assemblée, et qui figure sous une ligne sans précision des affectations. Ainsi,
le budget de fonctionnement global inclut celui de la Cour de justice, lequel
l'obère considérablement. Des mesures vont-elles être prises pour modifier
cette présentation ou pour informer avec plus de précision la représentation
nationale ?
La délégation française ne dispose que d'un faible crédit de fonctionnement et
d'un personnel mis à disposition temporairement, le temps des sessions, par les
assemblées parlementaires, Assemblée nationale et Sénat. Si les frais
d'hébergement des élus sont normalement couverts, il n'est pas prévu, par
exemple, de postes d'assistant.
En revanche, les crédits votés pour les représentants français au Parlement
européen sont très importants : on fait état de 54 millions de francs au total.
Le Gouvernement va-t-il donner aux élus français au Conseil de l'Europe les
moyens de travailler et de s'investir, comme mandat leur en a été donné par le
Parlement ?
Enfin, au plan de l'information et de la communication, quelles mesures
concrètes le Gouvernement compte-t-il mettre à la charge des affaires
européennes ? Les moyens mis en oeuvre permettront-ils d'assurer la
transmission de l'information de manière au moins identique à celle dont
bénéficient les députés européens ?
Enfin, puisque nous allons bientôt célébrer le cinquantième anniversaire de
cette institution, au-delà des manifestations solennelles qui vont se dérouler,
est-il possible de mettre en place une forme de communication « tout public »,
de façon que chacun puisse faire davantage connaissance avec le Conseil de
l'Europe ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur le sénateur,
comme vous, je connais le rôle irremplaçable du Conseil de l'Europe et de son
assemblée parlementaire, rôle que je me garderai toutefois d'opposer à celui du
Parlement européen, tant ces institutions sont complémentaires et
différentes.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, l'assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe, aux termes de l'article 22 des statuts de cette
organisation, discute des questions relevant de sa compétence et transmet ses
conclusions au conseil des ministres, sous forme de recommandations. Elle est,
par conséquent, pleinement l'organe délibérant du Conseil de l'Europe. Il
appartient donc à cette assemblée, qui a un rôle éminent, de jouer le rôle
consultatif et incitatif qui lui revient.
Les initiatives qu'elle est en mesure de proposer au comité des ministres pour
réaffirmer le rôle et la place de cette organisation, conformément à la
vocation spécifique de celle-ci, ne manquent pas, vous le savez bien, de
retenir toute l'attention des Etats membres, notamment, j'y insiste, celle de
la France.
C'est ainsi que la proposition d'origine parlementaire d'organiser un deuxième
sommet des chefs d'Etats et de gouvernement, à Strasbourg, en octobre 1997,
sous la présidence de la France - ce n'était pas un hasard - a permis de
retenir la mission assignée au Conseil de l'Europe.
Les orientations qui ont été retenues à l'occasion de ce sommet, dont la
préparation avait fait l'objet d'une concertation, dont je m'étais assuré
personnellement, étant à l'époque en charge du comité des ministres, avec
l'assemblée, visent précisément à donner à cette institution, au lendemain de
son cinquantième anniversaire, une impulsion nouvelle qui lui permettra de
poursuivre son oeuvre de défense et de promotion des principes et des valeurs à
la fois traditionnelles et adaptées au contexte nouveau de son élargissement et
qui font, encore une fois, du Conseil de l'Europe une institution
irremplaçable, même si elle n'est pas tout à fait l'Europe de M. Attali. Cette
Europe qu'il a décrite dans son rapport très intéressant l'engage surtout, pour
le moment, à titre personnel.
La réforme qui a été décidée à la suite du sommet et dont les grandes lignes
ont été tracées sur les recommandations du comité des sages - créé, encore une
fois, sur l'initiative de la France - devrait traduire cette réorientation dans
la réalité. Sa mise en place, en concertation avec l'assemblée parlementaire,
se fonde notamment sur le recentrage des activités, sur la restructuration
d'ensemble du dispositif et sur la rationalisation des moyens. L'exercice ne
pourra être mené, bien sûr, qu'avec le concours total de l'assemblée
parlementaire.
La France, qui entend assumer pleinement sa responsabilité de pays hôte du
Conseil de l'Europe, est au premier chef attachée à la réussite de cette
réforme, qui représente l'une des conclusions opérationnelles du deuxième
sommet qu'elle a organisé. Elle veillera naturellement à ce que l'assemblée
parlementaire continue de jouer pleinement son rôle dans ce nouveau
contexte.
Comme vous m'y avez invité, je veux sortir des réflexions générales, mais
néanmoins très politiques, que je viens de faire pour évoquer le contexte
budgétaire.
S'agissant de la participation de la France au financement du fonctionnement
du Conseil de l'Europe, je veux simplement rappeler qu'elle se trouve sous le
chapitre « Contributions aux organisations internationales », qui relève du
budget du ministère des affaires étrangères. Effectivement destinée au
fonctionnement à la fois de la Cour et de l'assemblée parlementaire, elle est
tout de même l'une des toutes premières puisqu'elle représente 13 % - excusez
du peu ! - du budget global du Conseil de l'Europe, composé à ce jour, vous
l'avez rappelé, de 41 membres. Nous sommes donc l'un des principaux, l'un des
tout premiers contributeurs à ce budget et nous comptons continuer à jouer
pleinement ce rôle.
Je veux enfin vous indiquer que nous entendons nous associer pleinement à la
célébration du cinquantième anniversaire qui, notamment, verra des
concrétisations, ici, au Sénat. En effet, la délégation parlementaire, présidée
par Mme Durrieu, organisera dans ces murs un colloque auquel je participerai
pleinement, comme je m'efforce chaque fois de jouer mon rôle au sein du Comité
des ministres.
Vous me pardonnerez, monsieur le sénateur, de ne pas avoir suffisamment évoqué
- vous l'avez remarqué - le Conseil de l'Europe dans un livre que j'ai publié.
Je veux ici réparer cet oubli et vous assurer que cette assemblée non seulement
est chère à mon coeur, mais aussi reçoit toute l'attention du Gouvernement
français et du président de la République.
M. Daniel Goulet.
Je demande la parole.
M. le président.
Avant de donner la parole à M. Goulet, je me permets, mes chers collègues, de
rappeler que la formulation de la question ne doit pas excéder trois minutes et
que la réponse au ministre ne doit pas excéder deux minutes, car nous sommes en
train de dériver dangereusement !
La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir répondu dans leurs grandes
lignes à mes interrogations et apaisé des craintes qui étaient partagées par la
plupart de mes collègues au Conseil de l'Europe, en particulier sur la
politique générale de la France.
Je prends acte de vos réponses.
Je sais, car j'ai lu votre livre, que vous êtes en effet tout à fait partisan
de donner au Conseil de l'Europe les moyens de remplir tout son rôle.
Sur le plan budgétaire, il est vrai que l'effort doit être poursuivi et nous
souhaitons avoir l'assurance qu'il le sera.
Si j'ai formulé de telles craintes, c'est aussi parce que les Etats d'Europe
centrale et orientale ont les yeux tournés vers l'Europe et, en particulier,
vers la France. Au moment même où sont élaborés, dans le cadre du Conseil de
l'Europe - je parle ici sous le contrôle de certains de mes collègues - des
politiques de coopération interrégionale, il ne faudrait pas décevoir ces
Etats. En effet, si ces yeux sont tournés avec intérêt vers la France, c'est
parce que nous sommes un exemple dans un certain nombre de domaines.
Je prends acte avec beaucoup d'intérêt de la confirmation du fait que la
France inspire un certaine nombre de politiques à ces jeunes nations.
BAISSE DE LA TVA
DANS LE SECTEUR DE LA RESTAURATION
M. le président.
La parole est à M. Gouteyron, auteur de la question n° 581, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Adrien Gouteyron.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question peut être posée rapidement et
simplement et tenir dans les délais que vient de rappeler M. le président.
Hier, les professionnels de la restauration manifestaient, vous le savez, pour
rappeler leur demande d'une baisse du taux de TVA applicable à leur activité.
Cette baisse, ils la réclament depuis longtemps. Que leur répond le
Gouvernement aujourd'hui ?
Nous savons qu'une directive du 13 février 1999 permettait aux Etats de faire
des propositions pour une période de probation de trois ans. Si, durant ces
trois ans, le secteur concerné pouvait démontrer que la baisse de TVA avait
induit une amélioration de l'emploi dans ce secteur, cette baisse pouvait être
consolidée par l'inscription à l'annexe H.
Nous savons également que le Gouvernement français n'a pas inclus le secteur
de la restauration dans ses premières propositions. Quelle en est la raison,
monsieur le secrétaire d'Etat ?
Nous avons compris que de subtils arbitrages politiques avaient eu lieu. Pour
quelle raison avoir fait intervenir la politique en la matière ? Il s'agit de
choix économiques importants et l'on aurait dû s'en tenir à cela.
Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, que répondez-vous aux professionnels de
la restauration ? Est-il encore temps de réparer cette erreur, pour ne pas dire
cette faute ? Quels sont les délais dans lesquels vous estimez devoir la
réparer ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Monsieur le sénateur, permettez-moi tout
d'abord de vous demander de bien vouloir excuser M. Dominique Strauss-Kahn,
empêché de vous répondre lui-même.
Dans le même temps, vous m'autoriserez, pour tenir compte de l'appel à la
concision exprimé par votre président, de vous rappeler, que M. Dominique
Strauss-Kahn en personne avait répondu à l'interpellation, la semaine dernière,
d'un député. Cette réponse ne vous a sûrement pas échappé. Elle est aujourd'hui
toujours valable, même si le Gouvernement n'a pas été insensible à l'opinion
qu'ont exprimée les professionnels depuis la semaine dernière et que vous venez
de rappeler.
Le Gouvernement a effectivement été amené à faire un choix de priorités et il
s'en est tenu à celui qui avait été recommandé par la représentation nationale.
Je pense que, sur ce point, il ne peut pas y avoir d'interprétation partisane
des choses. En l'état actuel des dispositions communautaires, vous savez donc
que la liste, telle qu'elle a été arrêtée par le conseil ECOFIN du 8 octobre
dernier, n'a pas retenu la restauration.
Ce problème du taux de la TVA sur les services se pose d'autant plus qu'il y a
eu des mesures d'augmentation de ces taux de TVA qui ne vous ont pas échappé et
à propos desquelles le Gouvernement actuel ne porte pas de responsabilité
particulière. Il a néanmoins la volonté de procéder à des baisses ciblées du
taux de TVA ; ce qui est prévu par le projet de loi de finances pour 2000, et
qui est d'ores et déjà applicable depuis le 15 septembre, en est une
illustration marquante, dans un secteur à forte intensité de main-d'oeuvre lui
aussi, à savoir le bâtiment.
Cela étant dit, je tiens à préciser qu'il n'y a pas de distorsion de
concurrence entre les différentes formes de restauration, puisque la
restauration rapide est également soumise au taux de 20,6 %. Seules les ventes
à emporter sont assujetties au taux réduit. Mais tout ce qui relève de la
restauration est bien taxé à 20,6 %
Par ailleurs, les entreprises du secteur de la restauration, dans la mesure où
justement elles sont elles aussi des entreprises de main-d'oeuvre, profiteront
pleinement de la suppression progressive sur cinq ans de la part salariale de
la taxe professionnelle, comme le prévoit l'article 44 de la loi de finances
pour 1999, ainsi que de la réforme des charges patronales qui a été annoncée
récemment par le Gouvernement.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments répondant déjà au souhait des
professionnels de la restauration de voir baisser le niveau des charges qu'ils
supportent.
M. Adrien Gouteyron.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse ne m'a, bien sûr, pas surpris.
J'espérais toutefois que vous nous donneriez quelques indications sur les
intentions du Gouvernement. Vous ne l'avez pas fait, si bien que l'on peut
considérer, à la suite de vos propos, que, pour le Gouvernement le dossier est
clos. Si tel était le cas, je le regretterais... j'ose encore employer le
conditionnel !
Je veux quand même rappeler ici, monsieur le secrétaire d'Etat, que huit pays
de l'Union européenne sur quinze appliquent au secteur de la restauration un
taux de TVA réduit.
Je veux rappeler encore que rien n'empêchait le Gouvernement de proposer deux
secteurs. Loin de moi, bien entendu, l'idée de contester le choix qui a été
fait pour le secteur dont vous avez la responsabilité. Effectivement, ce choix
s'imposait et nous nous réjouissons de la décision qui a été prise. Mais cela
n'excluait pas le secteur de la restauration.
Effectivement, on peut avancer des arguments financiers, tels que le coût de
la mesure. Mais ce n'est pas l'argument que vous venez d'utiliser à l'instant.
Je tiens à le dire ici, compte tenu de l'intérêt économique de ce secteur,
compte tenu de sa place dans l'emploi dans notre pays et des engagements que la
profession pensait, et pense toujours, pouvoir prendre, puisqu'elle parle de la
création de 12 000 emplois en un an pour un secteur qui représente 800 000
actifs et 600 000 salariés, compte tenu de tous ces éléments, j'espérais que le
Gouvernement pourrait faire quelque ouverture. Nous n'en n'avons pas vu ce
matin.
COÛT D'ENTRETIEN ET DE CLASSEMENT DES ROUTES
M. le président.
La parole est à M. Domeizel, auteur de la question n° 571, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Claude Domeizel.
Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'équipement, du transport et
du logement, porte sur le financement des travaux et de l'entretien de
certaines routes départementales indispensables à la desserte des réseaux
routiers nationaux, et même internationaux, dont le coût doit être supporté par
les seuls départements.
C'est ainsi que, dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, situé en
zone frontalière, le CD 900 subit un trafic important en tant que liaison avec
l'Italie. Les travaux de sécurité et d'entretien, particulièrement alourdis
dans une zone de montagne, pénalisent fortement les finances d'un département
aux faibles ressources qui est en outre confronté à des dépenses démesurées
pour entretenir son réseau routier de montagne, où se succèdent ponts, tunnels
et murs de soutènement. Par ailleurs, vous le savez, les conditions climatiques
viennent augmenter les coûts de ces dépenses.
Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, si le classement d'une telle
voie départementale dans le réseau national ne pourrait-être envisagé. Les élus
locaux, qui attendent par ailleurs avec beaucoup d'impatience que soit terminé
le tronçon Sisteron-Grenoble de l'autoroute A 51, souhaitent bien sûr une
réponse à cette question, le CD 900, étant, je le répète, une route
internationale.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Je souhaite, monsieur le sénateur, vous
apporter des éléments aussi précis que possible de la part de M. Jean-Claude
Gayssot, dont vous voudrez bien comprendre les obligations qui l'empêchent de
vous répondre lui-même personnellement.
Voici les éléments qu'il m'a chargé de vous apporter.
La route départementale 900, dont vous venez de parler, a fait l'objet, en
1972, d'un déclassement de la voirie nationale et d'un reclassement dans la
voirie départementale en application de l'article 66 de la loi de finances du
31 décembre 1971 autorisant le transfert aux départements des routes nationales
secondaires. Ce déclassement s'est effectué sous le régime du volontariat.
Les charges résultant du transfert ont été compensées, pour partie au moins,
par le versement d'une subvention basée sur les caractéristiques du réseau
déclassé et le potentiel économique et fiscal du département. Le département
des Alpes-de-Haute-Provence a ainsi accepté le reclassement dans sa voirie d'un
peu plus de 700 kilomètres de routes nationales.
Actuellement, la route départementale 900 supporte essentiellement un trafic
saisonnier et touristique, même si l'on peut constater une augmentation du
trafic de poids lourds consécutive à la fermeture, que le Gouvernement souhaite
temporaire, du tunnel du Mont-Blanc. Les mesures de trafic indiquent une
moyenne annuelle de 934 véhicules par jour au col de Larche et le passage d'une
centaine de poids lourds au Lauzet.
Ces données chiffrées ne sont pas de nature à permettre un reclassement de la
RD 900 dans la voirie nationale.
Il convient en outre d'observer qu'il existe, dans ce secteur des Alpes du
Sud, plusieurs routes nationales qui assurent des liaisons avec l'Italie. C'est
notamment le cas de la RN 94, située au nord de la RD 900, qui relie Gap à
Turin. C'est aussi le cas, plus au sud, des routes nationales 85 et 202, qui
permettent de rejoindre l'Italie à partir de Sisteron, en passant par Nice et
Menton. Quant à la RN 204, elle assure le franchissement de la frontière
italienne au col de Tende, en direction de Cuneo.
Compte tenu du trafic qui est observé sur ces routes nationales, l'Etat
considère qu'il doit y consacrer ses efforts de manière prioritaire.
Vous avez également évoqué, monsieur le sénateur, le problème de la continuité
de l'autoroute A 51 entre Sisteron et Grenoble. En fait, il conviendrait
aujourd'hui de parler de la liaison entre Sisteron et le col du Fau puisque la
réalisation de cette section, au sud de Grenoble, est très engagée.
Vous le savez, M. Gayssot avait demandé que des études soient réalisées, afin
que les diverses solutions puissent être comparées. Ces études lui ont été
remises tout dernièrement et il vient de prier le préfet de région
Provence-Alpes-Côte d'Azur de lancer la concertation sur la base de leurs
résultats, en vue de l'achèvement de l'autoroute A 51 entre Grenoble et
Sisteron.
La concertation devrait s'engager dès les prochaines semaines, et je peux vous
assurer qu'elle sera conduite de la manière la plus ouverte et la plus large, à
partir des éléments comparatifs qui ont été réunis concernant les divers tracés
possibles, à l'est ou à l'ouest de Gap, à l'est de Gap ou au col de la
Croix-Haute. Les différentes variantes techniques, sur lesquelles les services
ont fait un travail approfondi, vont donc être portées à la connaissance des
élus de votre département et du département des Hautes-Alpes. La concertation
permettra aux uns et aux autres de s'exprimer, après quoi les décisions
interviendront.
M. Claude Domeizel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, que je sois un peu déçu de
votre réponse concernant la RD 900 : elle est en effet négative au regard des
finances du département que je représente.
Depuis 1972, le trafic enregistré sur cette route a beaucoup évolué, et il ne
s'agit plus vraiment d'une route secondaire.
L'ancienneté même de la décision devrait conduire à réexaminer le problème de
manière que le département ne soit pas obligé de financer une route qui connait
un trafic si important.
Puisque vous avez évoqué la RN 202, je me permets de dire mon espoir de voir
l'Etat financer les travaux qu'exige cette route et qui se révèlent de plus en
plus nécessaires dans la traversée de mon département.
TRAIN PENDULAIRE PARIS-TOULOUSE
M. le président.
La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 592, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Georges Mouly.
Ma question a trait au désenclavement de certaines régions, une oeuvre qui
doit être au moins poursuivie puisque, dans ma région, le Limousin, sur le plan
routier, elle est plus qu'amorcée.
Le projet de train rapide ou, plus précisément, de train pendulaire sur la
ligne Paris-Toulouse, via Brive, représente un espoir pour tous les acteurs,
sociaux, économiques, politiques et même culturels, des régions ou départements
traversés.
Je ne doute pas que, au sein du Gouvernement, on mesure toute l'importance de
cette affaire, mais je crois utile d'y revenir au moment où l'on entre dans la
« période active de concertation financière ».
Il semble, que le montant du projet soit aujourd'hui chiffré à 1,5 milliard de
francs, qui se décompose de la manière suivante : 630 millions de francs au
titre des aménagements d'infrastructures, dont 240 millions de francs pour la
suppression de passages à niveau, principalement dans le département de l'Indre
; 780 millions de francs au titre du matériel roulant, sur la base des réponses
des constructeurs à l'appel d'offres européen lancé par la SNCF ; enfin, 170
millions de francs au titre des installations de maintenance de matériel
roulant.
Je crois cependant savoir que ce décompte ne comprend pas les frais de mise en
route de la chaîne de construction ainsi que l'installation de maintenance de
ladite chaîne. Leur prise en compte aboutirait à un total nettement supérieur
au chiffre que j'ai cité. Le comité interministériel d'aménagement du
territoire d'Arles n'a prévu en effet qu'une enveloppe de 1,2 milliard de
francs, en sus de la première enveloppe des contrats de plan, ce qui est
insuffisant.
Pourrait-on savoir aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, quelle serait
la part de l'Etat - selon la rumeur, elle pourrait s'élever à 400 millions de
francs -, celle de la SNCF et celle de RFF, Réseau ferré de France, ce qui
donnerait une idée plus précise de la part qui reviendrait aux régions ?
Par ailleurs, est-il possible d'établir un premier calendrier des travaux et,
par là même, de conforter l'espoir de voir Brive à trois heures vingt de Paris
- exploit au demeurant modeste en regard des liaisons TGV - au début du
troisième millénaire ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
L'amélioration des liaisons ferroviaires
sur l'axe Paris-Orléans-Limoges-Toulouse a donné lieu à des études de
faisabilité, puis d'avant-projet, menées en partenariat entre l'Etat, RFF, la
SNCF et les régions Centre, Limousin et Midi-Pyrénées.
Ces études ont conduit à définir un projet associant des aménagements de
l'infrastructure et la mise en oeuvre de matériel roulant pendulaire. Comme
vous le soulignez, monsieur le sénateur, la réalisation de ce projet permettra
de relier Paris à Limoges en deux heures trente, au lieu de deux heures
cinquante, et Paris à Brive en trois heures vingt-quatre, au lieu de trois
heures cinquante-deux.
Lors du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du
territoire du 23 juillet 1999, le Gouvernement a confirmé sa volonté de
participer à l'amélioration de la liaison Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, dans
le cadre des prochains contrats de plan Etat-région.
Sur la base du résultat des études qui ont été menées et qui ont été examinées
par le comité de pilotage au mois de septembre, le préfet de la région
Limousin, préfet coordonnateur du projet, présentera au ministre de
l'équipement ses préconisations sur les options techniques à retenir.
Les modalités de réalisation et de financement du projet feront alors l'objet
de discussions approfondies entre les différents partenaires, mais il est
difficile de préjuger leurs résultats.
Le préfet coordonnateur a été chargé de solliciter les trois régions
concernées : c'est la règle qui est en vigueur, notamment depuis qu'a été votée
la loi ayant créé RFF pour prévenir les problèmes d'endettement de la SNCF.
La participation financière de l'Etat sera, quant à elle, précisée dans le
cadre de la deuxième enveloppe de crédits allouée aux contrats de plan
Etat-région qui, comme vous le savez, n'est pas encore strictement définie.
S'ajoutant aux 95 milliards de francs de la première enveloppe, elle s'élèvera
à 10 milliards de francs au moins.
Concernant le calendrier de réalisation des travaux, M. Gayssot me prie de
vous indiquer qu'à partir de son lancement effectif, dont on ne connaît
évidemment pas la date aujourd'hui, le chantier devrait s'étaler sur quatre
ans.
M. Georges Mouly.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, même si
j'espérais plus de précisions. Mais je conviens que, aujourd'hui, sur ce
dossier, la précision ne peut être absolue.
Une amélioration d'une dizaine ou d'une vingtaine de minutes sur un parcours,
bien sûr, cela peut sembler dérisoire ; mais, pour des régions comme la mienne,
cela est appréciable.
J'ai noté la confirmation de la volonté de l'Etat. J'ai également noté que ce
projet donnerait lieu à des discussions approfondies. J'ai enfin noté que, dans
la deuxième enveloppe des contrats de plan, il ne serait pas oublié.
Pour ce qui est du calendrier, j'espère vivement que les travaux pourront
commencer dans les meilleurs délais. En tout cas, en la matière, quatre ans
m'apparaissent comme un laps de temps raisonnable.
ACCOMPAGNEMENT FINANCIER DE L'ÉTAT
POUR LA MISE EN OEUVRE
DE LA DÉPARTEMENTALISATION
DES SERVICES D'INCENDIE ET DE SECOURS
M. le président.
La parole est à M. Signé, auteur de la question n° 572, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le ministre, ma question a trait à l'accompagnement financier
éventuel de l'Etat à la mise en oeuvre de la départementalisation des services
d'incendie.
Selon la loi du 3 mai 1996, relative à cette départementalisation, le corps
des sapeurs-pompiers doit proposer les mêmes conditions d'accès aux services
qu'il dispense.
A mesure que le corps des sapeurs-pompiers assure de plus en plus de services
qui incombent plus particulièrement à l'Etat - par exemple, la sécurité civile,
médicale et sanitaire des habitants, les soins aux victimes d'accident de la
route -, que leurs sorties se font de plus en plus fréquentes, plus longues et
plus coûteuses, les charges se font de plus en plus lourdes pour les
collectivités locales. Les conseils généraux et les communes, au moment même où
on leur demande d'investir, de faire preuve d'initiative, sont très inquiets
devant l'augmentation des coûts.
Or ce domaine de la sécurité civile est une compétence partagée entre l'Etat
et les collectivités locales, le préfet restant responsable et grand
organisateur des secours en cas de catastrophe importante ou de catastrophe
naturelle.
Il paraîtrait donc logique que l'Etat s'investisse davantage dans le
financement du fonctionnement de ce service d'assistance.
Votre prédécesseur, monsieur le ministre, avait évoqué, au moment du vote de
la loi, la création d'un fonds national pour cofinancer les charges induites
par cette départementalisation.
Je voulais donc vous demander s'il était possible d'envisager un
accompagnement financier pour permettre aux communes et aux départements de
mettre en oeuvre cette départementalisation dans les meilleures conditions
possibles.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, la départementalisation
des services d'incendie et de secours est issue, vous l'avez dit, de la loi du
3 mai 1996, qui, je le rappelle a été votée par la majorité parlementaire
d'alors, et que je m'applique à mettre en oeuvre afin que notre pays puisse
disposer d'un grand service public moderne d'incendie et de secours.
Je considère que les conséquences financières de la loi du 3 mai 1996 n'ont
pas été suffisamment évaluées à l'époque. Je ne conteste pas que, à long terme,
cette loi induira un réel progrès, une réelle modernisation de nos services
d'incendie et de secours, mais il n'est pas douteux que ses implications
financières ont été sous-estimées.
En particulier, l'absence de comptabilité analytique a abouti, à l'époque, à
une imprécision des données budgétaires, le total des dépenses n'étant évalué
qu'à 12 milliards de francs.
Or, il faut bien constater la croissance très forte des budgets des services
départementaux d'incendie et de secours, les SDIS. Elle tient certes à la mise
en oeuvre des mesures prises pour améliorer la situation des sapeurs-pompiers,
aux recrutements induits par la départementalisation, aux négociations sur le
régime indemnitaire. Mais elle tient surtout à l'effort de mise à niveau des
services, des équipements et des casernements, lorsque cela n'avait pas déjà
été engagé. Le financement des SDIS, vous le savez, relève traditionnellement
de la compétence des seules collectivités locales, l'Etat prenant en charge les
unités d'intervention de la sécurité civile, la flotte aérienne des bombardiers
d'eau et d'hélicoptères du ministère de l'intérieur, ainsi que les renforts
nationaux.
Dès lors se pose la question de l'affectation de ressources nouvelles au
financement de la réforme, question largement évoquée lors des débats
parlementaires de 1996, mais aucunement concrétisée à l'occasion du vote de la
loi.
J'ai donc demandé que certaines pistes soient explorées. A cet égard, la
clarification des relations entre le secteur hospitalier, l'assurance maladie
et les SDIS est engagée avec le ministère de l'emploi et de la solidarité. La
contribution des entreprises à risques et des assurances est également analysée
avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Je ne veux
cependant pas vous cacher que ce dossier se heurte à de fortes objections,
liées notamment au souci de ne pas alourdir la fiscalité des entreprises et de
ne pas déstabiliser un secteur des assurances en situation concurrentielle en
Europe.
S'agissant de l'Etat, une piste intéressante serait l'attribution, à côté de
la dotation globale d'équipement communale et de la dotation globale
d'équipement départementale, d'une dotation globale d'équipement spécifique, au
moins pour la période de remise à niveau. La création de cette DGE spécifique
demande une concertation avec les représentants des communes et des
départements au sein du comité des finances locales. Je vais m'efforcer de la
promouvoir.
Par ailleurs, pour le financement des investissements immobiliers, une
enveloppe de prêts à long terme pourrait être mise en place au profit des SDIS,
proposition dont je me suis ouvert auprès du président de la Caisse des dépôts
et consignations.
Ces mesures devraient faire l'objet d'une très prochaine concertation avec les
présidents des conseils d'administration des SDIS, regroupés dans une
association nationale au congrès de laquelle je me suis rendu, voilà quelques
jours, à Marseille.
D'autres problèmes se posent, notamment celui de l'indemnité de fonction des
présidents de SDIS.
J'espère qu'une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale permettra
de parvenir à une solution équitable.
La réforme du 3 mai 1996 a entraîné des bouleversements. Elle est aujourd'hui
à mi-chemin, car les conseils d'administration des SDIS ont été constitués dans
tous les départements. D'ores et déjà, 60 % des sapeurs-pompiers professionnels
relèvent des corps départementaux. Près de la moitié des schémas départementaux
d'analyse et de couverture des risques, les SDACR, ont été approuvés. Compte
tenu des conséquences financières de cette réforme, j'installerai
prochainement, avec l'accord du Premier ministre, une commission de suivi et
d'évaluation. Celle-ci aura pour mission d'analyser les conditions de mise en
oeuvre de la réforme de 1996 et de me faire des propositions. J'attends ces
propositions pour le début de l'année prochaine, l'installation de cette
commission devant avoir lieu au cours des toutes prochaines semaines.
Voilà ce que je peux vous dire, monsieur le sénateur, pour répondre à la
préoccupation que vous avez très légitimement exprimée.
M. René-Pierre Signé.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le ministre, je suis heureux de constater que, comme moi, vous
considérez que les conséquences financières de la réforme n'avaient peut-être
pas été évaluées en 1996, qu'elles sont devenues tellement lourdes pour les
collectivités qu'il faut peut-être envisager de nouvelles mesures. Vous avez
évoqué une DGE spécifique. J'en prends note et je vous en remercie. Peut-être
des conventions pourraient-elles être conclues avec les caisses de sécurité
sociale, puisque les sapeurs-pompiers assurent largement le travail des
ambulanciers, et avec les assurances ?
Le coût actuel approche les 250 francs par habitant. S'agissant de la Nièvre -
la situation doit sans doute être la même pour le territoire de Belfort,
monsieur le ministre - le budget de fonctionnement du SDIS est passé de 33
millions de francs à 90 millions de francs en quelques années, et les
prévisions sont tout aussi alarmantes.
Je vous remercie d'avoir souligné que l'Etat devait intervenir, car cela est
absolument nécessaire. Il vous appartient de déterminer les modalités de cette
intervention.
CONDITIONS DE TRAVAIL DES CHAUFFEURS DE TAXI
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 590, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le ministre, ma question porte sur la situation des locataires de
taxi - leur nombre est très important à Paris - qui, hélas ! est éloignée d'un
respect ne serait-ce que minimal du droit du travail.
J'avais, en mars 1997, soulevé cette question. Un an plus tard, les
parlementaires de mon groupe ont déposé une proposition de loi à ce sujet, qui
prévoit la suppression du régime de la location.
En effet, le contrat de location ne fait l'objet d'aucun encadrement ni
d'aucun contrôle. De surcroît, l'extension du contrat de louage contribue à
déséquilibrer la structure du secteur du taxi en faisant progressivement
disparaître les chauffeurs salariés. En effet, le système de la location permet
d'échapper à l'application des droits sociaux.
Le contrat de location imposé aux chauffeurs est, pour eux, générateur
d'insécurité juridique. Bien qu'il entre dans le champ des contrats de travail
qui, aux termes du code du travail, font l'objet d'une affiliation obligatoire
pour les droits à l'assurance maladie, on impose à ces chauffeurs, comme aux
artisans, un délai de carence de quinze jours pour les indemnités journalières.
Par ailleurs la chambre de métiers et les URSSAF, unions de recouvrement des
cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, refusent
l'inscription des chauffeurs locataires de taxi, car ceux-ci ne remplissent pas
les conditions légales d'affiliation. Le repos dominical et les congés payés
annuels ne sont pas obligatoires, pas respectés, ce qui n'entraîne pas de
sanctions, et en cas de rupture ou de non-renouvellement de leur contrat, les
chauffeurs locataires ne bénéficient pas des indemnités de chômage.
Quant à la rémunération, on peut estimer que si un locataire verse 4 600
francs par semaine au loueur, chiffre qui inclut les charges sociales et la
TVA, et qu'il dépense de 70 à 100 francs par jour en carburant, pour une
recette moyenne quotidienne de 800 à 1 000 francs, il gagne entre 4 000 et 8
000 francs par mois pour soixante-quinze heures de travail hebdomadaire !
Je crois que l'annonce de la discussion prochaine de la proposition de loi que
nous avons déposée serait la bienvenue à l'heure où l'on débat des trente-cinq
heures. Je voulais de nouveau attirer votre attention sur cette situation,
monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Madame le sénateur, je crois d'abord utile de
rappeler que les locataires sont presque exclusivement présents dans la zone
unique des taxis parisiens, regroupant Paris et quatre-vingts communes
environnantes, et de façon limitée à Lyon. A Paris, un tiers des conducteurs de
taxi sont locataires. Ils louent le taxi à un artisan ou à une société
moyennant une redevance mensuelle allant de 13 000 à 20 000 francs par mois.
Le ministère de l'intérieur n'a pas été inactif sur ce sujet, et j'aimerais
vous en convaincre.
La location, forme reconnue d'exercice de la profession, est un système
hybride, qui présente certains avantages, comme l'autonomie complète et la
libre disposition du véhicule. C'est pourquoi bon nombre de chauffeurs non
titulaires d'une autorisation de stationnement le préfèrent au salariat.
L'inconvénient est qu'il libère le loueur de certaines contraintes inhérentes à
la réglementation du travail. C'est pourquoi il a été prévu de l'encadrer
conformément à l'article 10 du décret du 17 août 1995 portant application de la
loi du 20 janvier 1995 relative à l'accès à l'activité de conducteur et à la
profession d'exploitant de taxi.
Je me suis donc attaché à ce qu'un contrat type de location, fondé sur les
dispositions de l'article 10, soit élaboré dans le cadre des nombreuses
réunions de travail qui ont eu lieu entre l'administration et les organisations
représentatives des loueurs et des locataires.
Ce contrat type a été envoyé par une circulaire en date du 22 septembre 1998 à
tous les préfets pour diffusion auprès des maires. S'il ne peut constituer un
document juridiquement contraignant, j'ai souhaité que l'autorité qui délivre
une autorisation de stationnement gérée sur un mode locatif s'inspire de ce
modèle pour délivrer l'autorisation.
Les principales sources d'insécurité que pouvaient ressentir certains
chauffeurs et dont vous faites état ont été réglées par ce contrat type.
En effet, l'aspect précaire des contrats mensuels a été supprimé, la durée
minimale étant d'un an. Certains loueurs concluent même avec leurs locataires
des contrats de trois ans, voire quatre, alignés sur la durée de vie présumée
du véhicule. Les craintes des locataires de voir les tarifs de location
s'envoler, alors que l'activité ne progresse que modestement, sont écartées, le
réajustement de la redevance étant calculé proportionnellement aux indices
INSEE relatifs à l'achat de véhicules automobiles et au taux horaire de la
main-d'oeuvre.
De nombreuses autres mesures favorables aux locataires ont été introduites,
telles que le mois de gratuité annuel à titre de prime de fidélité, la mise à
disposition obligatoire d'un véhicule de remplacement en cas d'immobilisation
du véhicule principal avec paiement d'indemnités journalières par le loueur qui
ne s'acquitterait pas de cette obligation dans les cinq jours.
Enfin, la résiliation de ces contrats ne peut intervenir que pour des motifs
graves : retrait du permis de conduire ou de la carte professionnelle, conduite
en état d'ivresse, non-paiements importants et récurrents des sommes dues,
sinistrabilité excessive, tous motifs d'ailleurs qui conduiraient un artisan à
cesser son activité.
J'ajouterai que, comme tous les chauffeurs de taxi, les locataires profitent
de la reprise économique et je ne crois pas qu'aujourd'hui leur situation soit
aussi inquiétante que vous la décrivez.
Je n'en veux pour preuve que l'augmentation du prix des autorisations de
stationnement qui traduit un accroissement du chiffre d'affaires et le fait
que, tous les ans, une partie importante des autorisations sont acquises par
des locataires.
Ceux-ci mettent donc à profit la location pour se former, découvrir le monde
très particulier du taxi, constituer un capital et, le cas échéant, accéder à
l'artisanat.
Je note, si j'en juge par la proportion stable du nombre d'artisans et de
salariés, que les équilibres qui prévalent au sein de cette profession depuis
de nombreuses années ne semblent pas menacés.
Pour autant, il s'agit d'un sujet récurrent, qui peut toujours faire l'objet
de débats. Comme je l'ai dit, des dispositions législatives et réglementaires
ont été prises. Pour ma part, je ne demande qu'à m'instruire en écoutant les
arguments que ne manqueront pas de développer les membres du groupe communiste
républicain et citoyen.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Brovo.
Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous avez apportées
sur votre activité pour encadrer au maximum la location.
Selon moi, ce statut particulier, qui a d'ailleurs été réintroduit en 1972,
est défavorable à l'emploi. En effet, il permet une surexploitation d'une
partie des chauffeurs de taxi, ce qui n'est pas sans conséquence sur le service
rendu et au regard de la sécurité.
La proposition de loi que nous voudrions voir discuter et qui serait
effectivement l'occasion d'un échange d'arguments prévoit de mettre fin à une
situation que vous avez vous-même qualifiée d'hybride, monsieur le ministre.
Nous proposons de ne retenir que deux modes d'exploitation : soit par le
propriétaire, soit par les salariés. Ce serait également l'aboutissement
logique d'une situation dans laquelle la jurisprudence, notamment le jugement
rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre, le 8 novembre 1995, «
reconnaît les liens de subordination qui existent entre le chauffeur et le
loueur, critères du contrat de travail ». Cela reviendrait à introduire
l'obligation d'un contrat de travail.
Je crois savoir que le Gouvernement est conscient des problèmes existants,
vous venez de le dire, monsieur le ministre. En effet, dans un courrier du 25
août 1998 adressé à une organisation syndicale et provenant du secrétariat
d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, qui
est en quelque sorte cogérant de la profession, il était fait mention de
l'examen possible de la proposition de loi déposée par les parlementaires
communistes.
Donc, je réitère simplement ma demande pour qu'un débat ait lieu sur cette
question et que nous nous orientions vers un meilleur encadrement de la
profession.
7
NOMINATION
DE MEMBRES DE COMMISSIONS
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement pour la République a
présenté des candidatures pour la commission des affaires économiques et pour
la commission des lois.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
M. Charles de Cuttoli membre de la commission des affaires économiques et du
Plan, en remplacement de M. Bernard Murat, démissionnaire ;
M. Bernard Murat membre de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
en remplacement de M. Charles de Cuttoli, démissionnaire.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à seize heures.)
M. le président. La séance est reprise.
8
POLYNÉSIE FRANÇAISE
ET NOUVELLE-CALÉDONIE
Adoption d'un projet de loi constitutionnelle
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle (n°
425, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la Polynésie
française et à la Nouvelle-Calédonie. [Rapport n° 2 (1999-2000).]
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi constitutionnelle n'est plus recevable.
Il sera procédé au scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du projet
de loi constitutionnelle.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi
constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie
française.
L'article 1er porte sur la définition du corps électoral en
Nouvelle-Calédonie.
La loi organique du 19 mars 1999 a inscrit dans le statut de la
Nouvelle-Calédonie les dispositions de l'accord de Nouméa, qui avait été signé
par le FLNKS, le RPCR et le Premier ministre, au nom du Gouvernement, le 5 mai
1998. Elle définit en particulier les règles relatives à la citoyenneté de la
Nouvelle-Calédonie et au corps électoral pouvant participer aux élections au
Congrès et aux assemblées de province.
Ces dispositions constituent un élément essentiel de cet accord et une des
raisons de la révision opérée par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998,
adoptée à une très large majorité par le Parlement réuni en Congrès à
Versailles.
C'est également à une très large majorité - 72 % - que les électeurs
calédoniens ont approuvé, le 8 novembre 1998, l'accord de Nouméa.
Le paragraphe 2-2-1 de l'accord a prévu trois catégories d'électeurs pour les
élections au Congrès et aux assemblées de province qui, je le rappelle, sont
concomitantes.
La première catégorie est clairement circonscrite : il s'agit des électeurs
inscrits pour participer à la consultation du 8 novembre 1998, à savoir le
référendum qui approuvait l'accord de Nouméa.
S'agissant des deux autres catégories, le texte offre la possibilité à
certaines personnes de devenir ultérieurement électeurs sous réserve de leur
inscription ou de celle d'un de leurs parents sur un « tableau annexe ». Il est
vrai que, en l'absence d'une définition explicite de ce document, on pouvait
hésiter sur son contenu. Deux interprétations étaient possibles : ou bien
étaient visées uniquement les personnes inscrites sur ce tableau à la date de
la consultation du 8 novembre 1998, ou bien l'on y ajoutait celles qui sont
entrées sur le territoire après cette date. Dans ce dernier cas, on a pu parler
de corps électoral « glissant ».
De ces deux thèses, seule la première correspond tant à l'intention des
signataires de l'accord de Nouméa qu'à celle des deux assemblées réunies en
Congrès le 6 juillet 1998. En effet, la référence aux accords de Matignon, qui
figure en tête du paragraphe 2-2-1 de l'accord de Nouméa, renvoie au souhait
exprimé par les signataires de l'accord de ne voir octroyer le droit de vote au
Congrès et aux assemblées de province qu'aux seules personnes installées en
Nouvelle-Calédonie avant la consultation prévue en 1998.
Par ailleurs, à la date de la signature de l'accord de Nouméa, le 5 mai 1998,
la référence au « tableau annexe » ne pouvait nécessairement porter que sur le
document existant à cette date et non sur d'autres tableaux prévus par la loi
organique à son article 189 pour être élaborés postérieurement à la
consultation du 8 novembre 1998, pendant la période d'application de
l'accord.
L'article 188 de la loi organique s'est donc borné à reprendre fidèlement les
termes de l'accord de Nouméa en définissant le corps électoral aux élections du
Congrès et des assemblées de province. M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur du
Sénat sur le projet de loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie, tout
comme M. René Dosière, à l'Assemblée nationale, s'étaient exprimés sans
ambiguïté sur ce point, me semble-t-il.
Or, le Conseil constitutionnel a formulé, dans sa décision du 15 mars 1999,
une réserve d'interprétation sur cet article de la loi organique relative à la
Nouvelle-Calédonie. Selon les termes de sa décision, doivent « participer à
l'élection des assemblées de province et du Congrès les personnes qui, à la
date de l'élection, sont domiciliées depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie,
quelle que soit la date de leur établissement en Nouvelle-Calédonie, même
postérieure au 8 novembre 1998 ».
Par l'article 1er du projet de loi constitutionnelle soumis à votre examen, le
Gouvernement souhaite donc préciser, dans un alinéa complétant l'article 77 de
la Constitution, que le tableau auquel se réfère l'accord de Nouméa, pour la
définition du corps électoral aux assemblées de province et au Congrès, est
bien le tableau des personnes non admises à participer à la consultation prévue
à l'article 76, c'est-à-dire la consultation du 8 novembre 1998.
Le Gouvernement entend ainsi garantir de façon indiscutable le respect de
l'accord de Nouméa. Il honore les engagements pris vis-à-vis des partenaires
calédoniens avant les élections au Congrès et aux assemblées de province qui se
sont déroulées le 9 mai 1999 dans un climat serein et qui ont vu la
confirmation pour les deux formations signataires de l'accord de Nouméa, le
RPCR et le FLNKS, du bien-fondé de la démarche entreprise.
Lors de mon déplacement en Nouvelle-Calédonie en juin 1999, j'ai souligné
devant le Congrès et le gouvernement de Nouvelle-Calédonie la nécessité de
faire vivre l'accord de Nouméa dans sa lettre et dans son esprit.
J'ai par ailleurs insisté sur la dimension de collégialité qui doit être la
base de travail des institutions nouvelles.
Dans le message du Premier ministre, M. LionelJospin, que j'ai lu devant le
Congrès, le Gouvernement a réaffirmé qu'il entend ainsi respecter les nouvelles
compétences données à la Nouvelle-Calédonie.
Ainsi, depuis le 28 mai 1999, l'exécutif a été transféré du représentant de
l'Etat au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Les premiers transferts de
compétences interviendront le 1er janvier 2000 et le premier projet de loi de
pays a été examiné par le Conseil d'Etat le 7 octobre dernier.
L'Etat est partenaire de l'accord de Nouméa. Il lui incombe de veiller, avec
les deux autres signataires, à son respect, dans toutes ses dimensions, tout au
long du processus engagé. Le Premier ministre a d'ailleurs annoncé qu'il se
proposait de réunir à Paris le comité des signataires de l'accord de Nouméa
avant la fin de l'année 1999 pour dresser un bilan de la mise en oeuvre de
l'accord et pour examiner les perspectives de son application pour l'année
2000.
L'article 1er du projet de loi constitutionnelle contribuera donc à assurer
que les engagements pris sont tenus. Cette garantie permettra ainsi aux élus
néo-calédoniens de se consacrer dans les meilleures conditions à l'exercice des
compétences qui leur seront transférées et au développement économique et
social.
L'esprit de responsabilité et de partage qui a prévalu lors des discussions
ayant conduit à l'accord de Nouméa doit désormais se prolonger dans la gestion
de la Nouvelle-Calédonie. Il appartient aux formations politiques, aux élus,
aux hommes et aux femmes de Nouvelle-Calédonie de faire vivre cet accord qui
guidera le fonctionnement des institutions durant les quinze ou vingt
prochaines années.
Le projet de loi constitutionnelle introduit également dans la Constitution un
titre XIV nouveau intitulé « Dispositions relatives à la Polynésie française
».
La Polynésie française est dotée d'un statut d'autonomie qui n'a cessé de se
renforcer au cours des vingt dernières années.
Ces régimes statutaires successifs ont permis aux élus de faire
l'apprentissage de l'exercice de très larges responsabilités.
Deux gouvernements de gauche ont été à l'origine de deux textes qui ont fondé
l'autonomie de la Polynésie française : d'une part, la loi Defferre a créé, en
1956, les conditions d'une évolution de l'organisation administrative et
politique du territoire ; d'autre part, le statut Lemoine de 1984 fut celui de
l'autonomie interne du territoire.
Un point d'aboutissement a été atteint avec le statut d'autonomie institué par
la loi organique du 12 avril 1996 et par la loi ordinaire du même jour
complétant le statut d'autonomie.
M. Jean-Jacques Hyest.
Le Gouvernement était alors de droite !
(Sourires.)
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Le moment nous paraît venu de franchir une nouvelle
étape dans l'affirmation de la personnalité et de l'autonomie de la Polynésie
française pour répondre aux attentes de ses habitants qui aspirent
majoritairement à trouver leur épanouissement au sein de la République.
En accord avec le Président de la République, le Premier ministre a décidé
d'engager la procédure de révision constitutionnelle rendue nécessaire dès lors
qu'il est apparu souhaitable de faire bénéficier la Polynésie française d'une
très large autonomie allant au-delà du statut actuel, institué par la loi du 12
avril 1996.
Après une concertation approfondie avec les autorités locales, le Gouvernement
a élaboré un projet de loi constitutionnelle.
Il a consulté, sans y être juridiquement tenu, l'assemblée de la Polynésie
française, qui a donné un avis favorable au projet, à une large majorité, tout
en formulant certaines propositions.
D'autres opinions se sont exprimées : elles sont légitimes, et le Gouvernement
veille à les associer à la préparation de l'évolution statutaire dans le cadre
de la loi organique qui suivra la réforme constitutionnelle dont vous êtes
saisis.
Mon déplacement en Polynésie française du 17 au 22 septembre 1999 m'a permis
de rencontrer les représentants des différentes sensibilités politiques, le
Conseil économique, social et culturel ainsi que les forces vives du
territoire, afin de recueillir leurs réflexions et leurs propositions sur
l'évolution statutaire.
Il va de soi que les nouvelles relations entre l'Etat et la Polynésie
française telles que les organise cette loi organique ne pourront être définies
qu'après l'aboutissement du processus constitutionnel dont vous êtes
aujourd'hui saisis, après l'Assemblée nationale.
Le nouvel article 78 reconnaît la place singulière de la Polynésie française
dans la République. Il inscrit pour la première fois dans le texte
constitutionnel la notion d'autonomie.
La Polynésie française se gouvernera librement et démocratiquement au sein de
la République. Cette formule marque une évolution notable par rapport au statut
de 1996, aux termes duquel, je vous le rappelle, la Polynésie française ne
faisait qu'« exercer librement et démocratiquement » des compétences.
L'emploi du verbe « gouverner » souligne bien cette conception d'autonomie que
l'on trouve dans d'autres territoires du Pacifique, et que l'on résume, dans
cette région, sous le vocable anglo-saxon de
self-government
.
Cette très large autonomie s'exercera, ainsi que le rappelle le projet qui
vous est soumis, au sein de la République, ce qui implique, évidemment, le
respect des principes fondamentaux de nos institutions.
Comme la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française cessera d'être un
territoire d'outre-mer au sens de l'article 74 de la Constitution. Elle
deviendra un pays d'outre-mer, expression déjà consacrée sur le plan
européen.
Les compétences de l'Etat qui seront transférées aux institutions de la
Polynésie française, l'échelonnement et les modalités de ces transferts ainsi
que la répartition des charges résultant de ceux-ci seront fixés par la loi
organique. Ils donneront lieu à compensation financière.
L'article 78 de la Constitution énumère aussi les compétences régaliennes qui
ne pourront être transférées par la loi organique aux institutions locales. Il
fixe donc les limites de l'autonomie.
La loi organique pourra, bien sûr, réserver à l'Etat d'autres compétences. Je
pense, par exemple, à la fonction publique et aux marchés publics de l'Etat, ou
encore à la procédure administrative contentieuse.
Les compétences régaliennes ainsi visées à l'article 78 sont la nationalité,
les garanties des libertés publiques, les droits civiques, le droit électoral,
l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, les
relations extérieures, la défense, le maintien de l'ordre, la monnaie, le
crédit et les changes.
Dans ces matières, une réserve générale protège les compétences actuellement
exercées par la Polynésie française. Cette réserve concerne notamment le droit
pénal, puisque le statut actuel permet aux institutions locales de fixer des
peines d'amende et des peines complémentaires. Le nouvel article
constitutionnel ne revient donc pas sur les précédentes dispositions
statutaires.
Le projet de loi constitutionnelle ne mentionne pas le caractère définitif des
transferts de compétences, comme l'avait exprimé par un voeu l'assemblée de la
Polynésie française. L'article 78 de la Constitution n'ouvre en effet pas la
même perspective que l'accord de Nouméa, accord qui a trouvé sa traduction avec
l'article 77 de la Constitution : en Nouvelle-Calédonie, nous nous plaçons dans
une perspective de quinze à vingt ans qui débouchera sur une ou plusieurs
consultations sur l'accession à la souveraineté. Or tel n'est pas le cas en
Polynésie française.
La loi organique définira également les règles d'organisation et de
fonctionnement des institutions. Mes interlocuteurs ont souligné la nécessité
de prévoir les mécanismes permettant d'assurer un fonctionnement démocratique
des institutions, en particulier de l'assemblée territoriale.
Certaines catégories d'actes de l'assemblée de la Polynésie française,
qualifiées de « lois du pays », auront valeur législative ; leur contrôle avant
publication relèvera de la compétence du Conseil constitutionnel et non plus
simplement,
a posteriori,
de la juridiction administrative.
La loi précisera aussi les compétences du délégué du Gouvernement, qui
continuera d'exercer le contrôle de légalité sur tous les actes de valeur
réglementaire des autorités locales.
La citoyenneté polynésienne que prévoit la révision constitutionnelle n'a pas
la même dimension que la citoyenneté calédonienne instituée par la loi
constitutionnelle du 20 juillet 1998 : elle ne concerne pas le corps électoral,
qui demeure le corps électoral de droit commun ; elle a exclusivement pour
objet de permettre que le développement économique et social profite davantage
aux Polynésiens.
Le projet de loi constitutionnelle précise les domaines exclusifs où elle
produira ses effets : l'accès à l'emploi, le droit d'établissement pour
l'exercice d'une activité économique et l'accession à la propriété foncière. Il
s'agira bien, en ces matières, de déroger au principe d'égalité pour permettre
aux futurs citoyens polynésiens de disposer de droits plus étendus dans ces
domaines. Ces dérogations ne pourront cependant pas être générales, elles
devront être justifiées au cas par cas par la situation de l'emploi dans telle
ou telle profession, par exemple, et donc reposer sur des données
objectives.
La loi organique précisera les conditions de reconnaissance de cette
citoyenneté. Ainsi, la durée maximale de résidence dans le territoire devra
être raisonnable. A titre de référence, je souligne qu'un délai de cinq ans est
prévu dans l'article 12 de la loi organique du 12 avril 1996 pour l'accession
aux fonctions de membre du gouvernement.
Les relations extérieures demeureront une compétence d'Etat, mais la Polynésie
française pourra intervenir plus activement en matière internationale. Les
autorités de la Polynésie pourront de leur propre initiative engager avec les
Etats du Pacifique des négociations d'accords internationaux portant sur les
matières relevant de leurs attributions et seront autorisées à signer de tels
accords dans le respect des règles fixées par les articles 52 et 53 de la
Constitution.
La Polynésie française pourra être membre d'organisations internationales et
disposer d'une représentation auprès des Etats du Pacifique.
Je crois que ces compétences en matière de relations extérieures permettront à
la Polynésie française de prendre des initiatives et de s'intégrer davantage
dans son environnement régional, notamment en développant ses relations avec
les Etats du Pacifique.
Comme il l'a fait avec la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, le
Gouvernement proposera également dans la loi organique relative à la Polynésie
des modalités de consultation des institutions de la Polynésie française sur
les lois de la République relatives à l'organisation du nouveau pays et aux
conventions internationales traitant des matières relevant de sa compétence.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi
constitutionnelle constitue un nouveau cadre pour l'évolution de la Polynésie
française. Les relations entre l'Etat et la Polynésie française seront
définies, comme je l'ai indiqué, par une loi organique statutaire qu'il nous
reste à préparer et dont l'élaboration fera l'objet d'une discussion avec les
autorités locales et avec les différentes forces politiques et sociales de ce
nouveau pays d'outre-mer. Nous entendons bien prolonger ce dialogue qui s'est
instauré à cet égard.
Une fois la procédure de révision achevée, notre Constitution accueillera
donc, après le titre XIII relatif à la Nouvelle-Calédonie, un titre XIV relatif
à la Polynésie française. Ces textes prendront la place des articles portant
sur l'organisation de la Communauté imaginée en 1958 et qui est mort-née avec
l'indépendance des pays composant l'ancien Empire français.
La République française imagine aujourd'hui des évolutions originales pour
deux de ses territoires, en respectant leur personnalité et leur volonté. Notre
Constitution apparaît ainsi comme un cadre juridique vivant, qui offre un
avenir à ces populations du Pacifique riches de leurs civilisations et
imprégnées de notre culture.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au mois de mars
1996, nous adoptions un statut rénové, renforçant les capacités d'initiative et
de décision de la Polynésie française. Il appert de nos débats d'alors - ceux
du Parlement tout entier - qu'il s'agissait non pas de quelques déterminations
statiques mais d'un statut qui, bien compris, se devait d'évoluer dans le temps
au regard de la réalité et de l'évidence des faits.
Ce temps est accompli. C'est pourquoi le projet de loi constitutionnelle qui
nous est soumis tend à insérer un article 78 dans la Constitution concernant de
nouvelles dispositions relatives à la Polynésie française, cette dernière étant
ainsi au coeur de ce projet de loi constitutionnelle.
De plus, le projet concerne, en son article 1er, une modification de l'article
77 de la Constitution destinée à préciser la tenue du corps électoral restreint
appelé à voter pour les assemblées de province et pour le Congrès de la
Nouvelle-Calédonie.
Notons ici, pour n'en plus parler, qu'il apparaît curieux, voire regrettable,
monsieur le secrétaire d'Etat, de vouloir consacrer dans un même projet
constitutionnel des dispositions relatives à la Nouvelle-Calédonie et à la
Polynésie française, deux collectivités de l'outre-mer aux personnalités
différentes et aux problèmes distincts.
Toutefois, cette collusion, pour inopportune qu'elle soit, peut s'expliquer
par certaines circonstances plus particulières à la Nouvelle-Calédonie.
A cet égard, un très bref rappel des faits s'impose.
En 1988, les accords dits de Matignon prévoyaient que, au terme d'un délai de
dix ans, la Nouvelle-Calédonie serait appelée à se prononcer par un référendum
sur le choix de l'indépendance.
Dix ans après, en 1998, les temps n'étant pas mûrs, fut prévue une nouvelle
période de transition de quinze à vingt ans, à définir dans un cadre
constitutionnel rénové. En bref, il s'agissait de substituer au référendum
d'autodétermination une consultation sur les accords dits de Nouméa.
Le 5 mai 1998, ces accords étaient cosignés par le Premier ministre et par les
deux grands partis de Nouvelle-Calédonie, le RPCR et le FLNKS.
Ces accords définissaient plus particulièrement les règles relatives à la
citoyenneté en Nouvelle-Calédonie ainsi qu'au corps électoral restreint pouvant
participer aux élections des assemblées provinciales et du Congrès
calédonien.
Les accords dits de Nouméa étaient solennellement reconnus le 6 juillet 1998
par une révision de la Constitution à Versailles, révision traduite par la loi
constitutionnelle du 20 juillet 1998 qui permettait aux électeurs calédoniens
consultés d'approuver, le 8 novembre 1998, par une majorité de 78 %, les
accords de Nouméa.
Cette lente et souvent très délicate élaboration aboutissait enfin à la loi
organique du 19 mars 1999, traduisant en droit positif les dispositions des
accords de Nouméa.
Tout semblait donc conclu, si ce n'est une différence d'interprétation
concernant le « corps électoral restreint » admis à participer aux élections,
et aux seules élections des assemblées provinciales et du Congrès
calédonien.
En effet, la loi organique prête à ambiguïté.
En résumé, et vous l'avez dit monsieur le secrétaire d'Etat, elle prévoit
trois catégories d'électeurs dans un corps électoral restreint - donc spécial -
prévu dans les accords.
L'une vise sans équivoque les électeurs admis à la consultation du 8 novembre
1998. Les deux autres concernent les possibilités de devenir ultérieurement
électeurs, par référence, dans les articles 188 et 189 de la loi organique, à
deux tableaux annexes qui prêtent à interprétations divergentes.
La première interprétation vise uniquement les personnes inscrites sur un
premier tableau annexe, arrêté à la date de la consultation du 8 novembre 1998,
personnes non admises à participer à ladite consultation parce qu'elles ne
répondaient pas à une clause, par tous admise, de dix années de résidence en
Nouvelle-Calédonie, mais personnes qui seront admises au corps électoral
restreint dès qu'elles justifieront de ces dix années.
Il s'agit donc des seules personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie avant
novembre 1998. Le corps électoral étant ainsi fixé, « figé » à en croire
certains.
La deuxième interprétation fait référence à un second tableau annexe, visant,
lui aussi, les électeurs non admis à participer aux scrutins après 1998. Mais
puisque ce tableau est considéré comme tenu à jour et s'enrichissant de toutes
les personnes entrées en Nouvelle-Calédonie après 1998, on peut estimer que ces
personnes seraient susceptibles de devenir électeurs dès qu'elles
justifieraient des dix années de domicile dans l'île.
Deviendraient alors électeurs, à partir de 2009, toutes les personnes arrivées
en Nouvelle-Calédonie après 1998 et justifiant, au fur et à mesure, de dix ans
de résidence.
Telle est la conception - la seconde - d'un corps électoral courant et, donc,
susceptible d'évoluer.
Equivoque donc, faute de disposer, reconnaissez-le, monsieur le secrétaire
d'Etat, d'une définition explicite d'interprétation des deux tableaux annexes.
Equivoque que n'avaient pas manqué de relever, à l'époque, la commission des
lois et son rapporteur, notre excellent collègue Jean-Jacques Hyest, qui
s'étaient interrogés sur l'ubiquité des deux tableaux annexes.
Nous sommes donc en présence de deux interprétations différentes.
L'une se réfère au premier tableau fixe parce qu'il traduit, semble-t-il, les
termes du point 2.2.1 du document d'orientation des accords de Nouméa, qui
spécifie : « Le corps électoral aux assemblées provinciales et au congrès sera
restreint, il sera réservé aux électeurs qui remplissent les conditions pour
voter au scrutin de 1998 et à ceux qui, inscrits au tableau annexe, rempliront
une condition de domicile de dix ans à la date de l'élection. »
L'autre se réfère au deuxième tableau annexe, considéré comme courant et,
donc, ouvert et évolutif.
Conscient de cette ambiguïté, le Conseil constitutionnel, consulté, a estimé,
dans sa décision du 15 mars 1999, que le tableau annexe de référence était le
tableau courant, c'est-à-dire celui qui, révisé annuellement, intègre les
personnes au fur et à mesure de leur arrivée en Nouvelle-Calédonie, que cette
arrivée soit antérieure ou postérieure à la consultation du 8 novembre 1998.
Ce faisant, le Conseil constitutionnel ne faisait que rétablir un droit
électoral courant, tout en incluant la nécessité, au demeurant admise par tous,
des dix années de domiciliation.
La décision du Conseil constitutionnel impliquait, dès lors, que toute autre
interprétation du corps électoral restreint se devrait d'être clairement et
précisément définie dans la loi constitutionnelle.
Tel est le fondement de l'article 1er du projet qui nous est soumis, visant à
compléter l'article 77 de la Constitution afin de préciser que le tableau
auquel se réfèrent les accords de Nouméa est bien le tableau annexe fixe,
recensant les seules personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie entre 1989 et
1998 et qui, n'ayant pas dix ans de résidence, n'étaient pas admises à voter
pour la consultation du 8 novembre 1998, mais pouvaient l'être ultérieurement,
dès qu'elles rempliraient la condition des dix ans.
Telle est la situation actuelle, qui oppose ceux qui sont pour l'adoption de
l'article 1er et ceux qui sont partisans de le refuser ou de s'abstenir, chacun
excipant de sa raison, dont l'honnêteté ne peut être mise en cause.
Au demeurant, l'interprétation qu'avait donnée votre commission des lois lors
de l'examen de la loi organique qui concrétisait les accords de Nouméa et qui a
été approuvée par le Sénat, correspondait bien à celle qui résulte de l'article
1er du présent projet de loi constitutionnelle. Convient-il aujourd'hui de se
déjuger ? La question peut se poser.
En raison de son imprécision, la loi organique de mars 1999 crée entre les
parties prenantes une tension que l'on pouvait croire apaisée par les accords,
mais dont le sérieux, je tiens à le dire, ne saurait être négligé.
Toutefois, en analysant de près le contexte, je me demande si cette tension
est vraiment justifiée. A tout le moins, il est permis de la relativiser
raisonnablement en formulant plusieurs considérations.
Tout d'abord, précisons bien encore qu'il n'est question que de définir le
corps électoral restreint appelé à voter pour les seules élections des
assemblées de province et du congrès calédonien. Toutes les autres élections, y
compris les élections municipales, relèvent du droit commun.
Or, comprenons bien : les premières élections de ce type ont eu lieu en mars
1999. A échéance des cinq ans de mandat, le futur calendrier s'établit donc en
2004, puis 2009, puis 2014.
Compte tenu de l'obligation des dix ans de résidence, sur lesquels l'accord
est unanime, c'est seulement à partir de l'échéance électorale de 2009 que se
concrétisera, et encore de façon très marginale, la différence d'interprétation
pour définir le corps électoral restreint.
Considérons que le statut calédonien actuel présente un caractère
volontairement transitoire, qui permet de le reconsidérer au terme d'une
période de quinze à vingt ans, soit à partir de 2014, date à laquelle le
troisième renouvellement des assemblées de province et du congrès pourrait être
marqué de manière significative par la définition du corps électoral restreint
tel qu'il ressort de l'application de l'article 1er qui nous est soumis.
D'ici à 2014, que de choses évolueront dans le monde, en particulier en
Nouvelle-Calédonie ! Quinze années que l'on veut propices à la réflexion, à la
confiance consolidée, aux responsabilités partagées. Quinze années à partir
desquelles l'expérience acquise permettra une nouvelle symbiose et, ainsi, une
définition mieux adaptée du corps électoral restreint.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'à cet égard, vous nous
donniez clairement le point de vue du Gouvernement, ce qui lèverait toute
ambiguïté d'interprétation pour l'avenir de ce corps électoral spécial. Je
sollicite une réponse qui aiderait à l'apaisement.
En effet, s'il convient de relativiser les inconvénients que présente cet
article 1er qui nous est soumis, il convient
a fortiori
de comprendre
les dégâts qu'entraînerait son refus.
Le plus immédiat serait la remise en cause des dispositions concernant la
Polynésie française, lesquelles avaient fait l'objet d'un engagement formel de
notre part en 1996, afin d'aller vers une meilleure autonomie, réclamée avec
sagesse, mesure et pertinence par la grande majorité des Polynésiens français
et par leur interprète, notre excellent collègue Gaston Flosse, président du
Gouvernement de la Polynésie française.
Le projet de loi constitutionnelle introduit en effet dans la Constitution un
titre XIV intitulé « Dispositions relatives à la Polynésie française ». Ces
dispositions constituent une étape décisive dans le raisonnable et souvent
serein processus qui, par régimes successifs sans cesse améliorés depuis
l'après-guerre, doit permettre à la Polynésie de se gouverner librement et
démocratiquement au sein de la République, un raisonnable processus qui, du
statut colonial, aboutit à un statut d'autonomie pleine et entière en 1996,
processus dont les étapes les plus marquantes ont été la loi-cadre Defferre en
1956, une autonomie administrative et financière en 1977, la consécration d'une
autonomie interne en 1984, renforcée en 1992 par une réforme constitutionnelle,
et, enfin, le statut de 1996 concernant une autonomie pleine et entière, se
substituant à l'autonomie interne, avec transfert de nombreuses compétences.
Cette émancipation institutionnelle implique, à l'évidence, un nouveau cadre
constitutionnel. C'est pourquoi le projet de loi constitutionnelle qui nous est
soumis tend, par ses articles 2 à 4, à insérer un nouveau titre XIV dans la
Constitution, titre consacré à la Polynésie française.
Le cadre constitutionnel ainsi proposé s'inspire, certes, à certains égards,
des principes applicables à la Nouvelle-Calédonie, mais s'en démarque sur des
points essentiels. Seule représentante d'une catégorie juridique nouvelle
désignée « pays d'outre-mer », la Polynésie française voit son ancrage
réaffirmé au sein de la République, sans limitation dans le temps, à la
différence du régime défini pour la Nouvelle-Calédonie, qui ouvre une période
de transition au terme de laquelle l'île sera consultée sur son accession à
l'indépendance.
Cela répond à la fois aux particularités qui caractérisent la personnalité de
ces collectivités de l'outre-mer et à l'avis de l'assemblée de la Polynésie
française soulignant que « la réforme à venir ne constitue pas une rupture avec
notre passé. Elle prolonge ce dernier, en renforçant les bases de notre
autonomie, et fixe les limites de celle-ci. Nous savons qu'au-delà de ces
limites c'est l'indépendance, et nous n'en voulons pas ».
(M. Flosse
applaudit.)
C'est ainsi qu'il est proposé dans le cadre du titre XIV un article 78 de la
Constitution disposant que la Polynésie française se gouverne librement et
démocratiquement « au sein de la République ». La notion d'autonomie reçoit de
la sorte une consécration constitutionnelle, aboutissement normal des promesses
que nous avions consenties.
Une loi organique définira les dispositions d'ordre statutaire après avis de
l'assemblée de la Polynésie française. Elle déterminera les nouveaux transferts
de compétence, leur échelonnement, leurs modalités et la répartition des
charges qui en résultent. Certes, je reconnais que l'article 78 ne précise pas,
en droit, le caractère irréversible de ces transferts. Mais, en fait, ils
seront considérés comme acquis. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ignore si vous
approuvez un tel propos.
En conséquence logique de l'affirmation solennelle selon laquelle la Polynésie
française demeure au sein de la République, certaines matières, d'essence
régalienne, sont expressément exclues des transferts. Le texte proposé en
fournit la liste : « la nationalité, les garanties des libertés publiques, les
droits civiques, le droit électoral, la justice, le droit pénal, les relations
extérieures, la défense, le maintien de l'ordre, la monnaie, le crédit et les
changes ».
Toutefois, l'impossibilité de ces transferts réserve les compétences déjà
exercées en ces matières par la Polynésie française. Les pouvoirs
statutairement déjà reconnus seront préservés.
En outre, l'article 78 confère à la loi organique à venir le soin de fixer dès
que possible les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions
polynésiennes et, plus particulièrement, les conditions dans lesquelles les «
lois du pays » pourront être soumises, avant publication, au contrôle du
Conseil constitutionnel.
La loi organique déterminera les conditions dans lesquelles le délégué du
Gouvernement a la charge des intérêts nationaux et du respect des lois.
Seront également définies les règles relatives à la citoyenneté polynésienne
en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement ou de patrimoine
foncier, ce problème foncier qui, je me permets de le souligner, pèse si
lourdement sur l'avenir économique et social des archipels.
Il s'agit là essentiellement de préserver l'emploi local et le développement
d'une activité économique.
En revanche, aucune restriction n'est prévue pour le corps électoral. Tout
citoyen installé en Polynésie et remplissant les conditions requises de droit
commun pourra participer aux scrutins locaux.
Enfin, concernant le domaine des relations internationales, la marge de
manoeuvre concédée aux autorités polynésiennes concerne le fait d'être membres
d'une organisation internationale, d'avoir une représentation auprès des Etats
du Pacifique ou de négocier avec ceux-ci des accords dans le domaine des
compétences dévolues. Mais la signature, l'approbation, la ratification de ces
accords restent soumises aux procédures actuellement en vigueur. Reste aux
autorités polynésiennes le pouvoir d'initier et de mener des négociations avec
les Etats de la même géographie.
Mes chers collègues, m'autorisez-vous à citer cette réflexion d'Ernest Renan :
« Tout ce que nous faisons est l'aboutissement d'un long travail séculaire. » ?
Aboutissement qui, pour nous, n'est pas une fin.
La colonisation a longtemps pesé en bien comme en mal sur le destin d'une
outre-mer à laquelle nous lie notre histoire et tant d'attachements affectifs,
qui nous confèrent autant de devoirs que de droits.
Ses conséquences positives apparaissent à l'évidence, car, à la différence
d'aucuns, la France n'a jamais laissé choir ces terres avec lesquelles, par une
confiance réciproque, elle a partagé les heures heureuses autant que les
épreuves.
Conséquences positives, disais-je, ne serait-ce que le débat qui nous
rassemble aujourd'hui, dont il convient de maintenir la sérénité durement
acquise, par la perspicacité, la lucidité, la clairvoyance de ceux qui, sur le
terrain, sont appelés à vivre ensemble et à construire l'avenir de leurs
collectivités, un avenir qui doit épouser son temps, et rester ouvert à une
saine et nécessaire évolution.
Aucun texte n'est définitivement parfait et ceux qui nous sont soumis
n'échappent pas à la règle, au contraire. Mais le temps permettra les
transformations indispensables, qui préserveront de la violence et des
révolutions stériles.
Comprenons le besoin d'un certain pragmatisme pour concilier les trois
caractères de l'outre-mer : l'éloignement, l'insularité et la diversité qui
impliquent le consensus indispensable. Ce consensus est encore fragile, ne le
détruisons pas !
C'est pourquoi, mes chers collègues, votre commission des lois a estimé, en sa
grande majorité, et en libre conscience, qu'il était sain, essentiel et sage de
progresser dans la voix qui permet et permettra de conjuguer avec bonheur la
paix française avec celles de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie.
Voilà pourquoi votre commission des lois vous propose d'adopter conforme le
présent projet de loi constitutionnelle.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre rapporteur
vient de vous dire avec la compétence qui est la sienne les raisons qui ont
conduit la commission des lois à accepter le projet de révision
constitutionnelle qui nous est aujourd'hui soumis. A cette compétence, qu'il
n'est pas besoin de souligner, il a su joindre l'expression d'une conviction
profonde, persuadé qu'il est, comme nous l'avons tous été au sein de la
commission, de la nécessité de ce que nous sommes en train d'entreprendre.
Nous avons parfaitement compris et respecté la position de réserve que notre
collègue Simon Loueckhote a tenu à exprimer sur l'article 1er du projet de loi
constitutionnelle.
La portée double du texte a été parfaitement soulignée, et je dirai simplement
l'essentiel.
Pour la Nouvelle-Calédonie, la décision du Conseil constitutionnel a rendu
nécessaire une précision qui complète l'engagement pris par le Parlement quant
à l'approbation des accords de Nouméa.
Quant à la Polynésie, elle entend rester française - elle a su l'exprimer
parfaitement - et nous reconnaissons son droit à l'autonomie. C'est là un
principe essentiel et nécessaire dont nous devrons définir les contours de la
façon la plus simple et la plus large possible. Ce sera le domaine de la future
loi organique. De cette loi organique nous souhaitons le dépôt dans les délais
les plus brefs. Il ne faudrait pas qu'une tendance indépendantiste - très
minoritaire - qui existe dans le territoire reçoive un soutien indirect qui
pourrait résulter d'un trop grand retard dans le dépôt, l'examen et le vote
d'un texte destiné - l'assemblée territoriale l'a dit - à renforcer les liens
qui unissent la métropole et la très grande majorité de nos concitoyens de
Polynésie.
Mes chers collègues, nous connaissons tous l'histoire chaotique d'une
décolonisation inévitable au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une
histoire marquée par des échecs tragiques, mais aussi par des succès lorsque
nous avons su à temps amorcer les évolutions nécessaires.
A cet égard, la grande loi de 1956 relative aux territoires d'outre-mer
demeure un modèle auquel le nom, entre d'autres, de Gaston Defferre est
attaché. Mais tous ceux qui ont eu à suivre l'élaboration de ce texte - j'en
étais ! - se souviennent également du rôle éminent que Pierre Mesmer a su jouer
dans son élaboration.
En 1946, nous avons décidé la départementalisation de ce que l'on appelait
alors, de façon presque affectueuse et familière, « les quatre vieilles ».
Cette départementalisation a permis, en un demi-siècle de faire des pas en
avant économiques et sociaux considérables. Elle a pu être tenue, même par ceux
qui, aujourd'hui, en soulignent les insuffisances, pour un très grand
progrès.
La mission que la commission des lois vient d'accomplir en Guyane, en
Martinique et en Guadeloupe lui a permis de constater que cette loi avait
peut-être atteint certaines limites.
Quelques idées simples devraient permettre de consolider la situation d'un
ensemble français auquel aucun d'entre nous, pas plus que la très grande
majorité de nos compatriotes d'outre-mer, n'entend renoncer.
Une véritable autonomie administrative, une capacité reconnue d'insertion dans
le monde qui les entoure me paraissent de nature à assurer la stabilité
nécessaire en même temps qu'un progrès économique indispensable à la mesure des
efforts financiers considérables auxquels nous n'entendons pas renoncer.
Je pense pour ma part - j'exprime là une opinion personnelle - que la démarche
que nous accomplissons aujourd'hui a une portée et une signification qui
dépassent singulièrement son objet immédiat. Le moment est peut-être venu d'une
réflexion approfondie qui doit s'établir entre l'outre-mer français et la
métropole. Un principe doit nous guider, je le souhaite : nous ne devons pas
avoir peur des évolutions nécessaires, parce que nous sommes unanimes à
souhaiter que cet outre-mer demeure français, parce que nous sommes unanimes à
souhaiter que perdure cette situation exceptionnelle qui a permis à la France
de projeter, au-delà des mers, sa langue, sa culture, son influence et ses
pratiques démocratiques.
Des évolutions apparaîtront peut-être très vite indispensables.
Mes chers collègues, notre pays n'est jamais si grand que lorsqu'il sait ne
pas douter de lui-même et lorsqu'il sait aussi, en temps utile, faire confiance
à tous ceux dont il a su, jusqu'à ce jour, fonder et accompagner le destin.
C'est ce que nous faisons aujourd'hui pour la Nouvelle-Calédonie et pour la
Polynésie française, et c'est pour cette raison que la commission a tenu, dans
les circonstances que l'on sait, à manifester son unanimité et à vous demander
de voter conforme le texte qui nous est soumis.
(Applaudissements.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 26 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
après l'excellent rapport de M. Lucien Lanier, qui allie à la fois la
compétence, la connaissance de l'outre-mer et la conviction, M. Larché, au-delà
de la révision constitutionnelle, a prononcé un discours de la méthode sur ce
que devraient être les révisions ultérieures du statut de l'outre-mer... ou de
l'ensemble français situé outre-mer.
Je crois que cela va bien au-delà de la révision constitutionnelle, et M.
Larché a eu bien raison de dire que la révision d'aujourd'hui, qui concerne
essentiellement la Polynésie française, marque à la fois le souci de mieux
intégrer ce territoire dans l'ensemble Pacifique et la volonté de conférer une
large autonomie à la Nouvelle-Calédonie, compte tenu de son éloignement et des
nouvelles responsabilités qui lui seront confiées. D'ailleurs, monsieur le
secrétaire d'Etat, d'autres pays européens, qui ont eux aussi des territoires
d'outre-mer, ont su leur accorder un statut de large autonomie. Oserais-je
ajouter que nous finirons par devenir un Etat fédéral sans le dire ?
Outre la métropole, un certain nombre de pays d'outre-mer, ou de collectivités
spécifiques - la Nouvelle-Calédonie -, disposeront demain, notamment avec les
lois du pays, de pouvoirs qui n'étaient pas auparavant ceux d'un Etat
centralisé. Ils se verront ainsi confier un certain nombre de responsabilités,
notamment en matière législative.
Cette évolution est nécessaire. Il faut accompagner la volonté des citoyens de
ces territoires, de ces futurs pays d'outre-mer en les incitant à prendre la
responsabilité de leurs affaires.
De l'Etat central, on ne peut plus tout gérer. Le mouvement de
décentralisation devrait se poursuivre, c'est très important, notamment pour la
Polynésie.
Bien entendu, nous pouvons regretter d'aborder deux sujets en même temps lors
de cette révision constitutionnelle, de ne pas nous consacrer totalement, comme
c'était prévu, comme c'était promis, au nouveau statut de la Polynésie
française.
Comme l'a rappelé M. Lucien Lanier, lorsque j'étais rapporteur de la loi
organique sur la Nouvelle-Calédonie, nous avions fait part de la difficulté de
traduire un accord politique en termes juridiques.
Nous avions pointé, s'agissant du corps électoral, les difficultés
d'interprétation qui risquaient d'être soulevées. Et nous avions conclu qu'il
n'y avait qu'une seule interprétation possible, qui était d'ailleurs, je le
rappelle, celle de toutes les parties aux accords de Nouméa.
Nous ne pensions pas revenir sur cette question. Mais le Conseil
constitutionnel, qui n'a annulé aucune disposition de ce texte - il aurait en
effet pu dire : revoyez votre copie, ce n'est pas clair ! - en a cependant
donné une interprétation tout à fait contraire à la nôtre, qui figure dans les
rapports de l'Assemblée nationale et du Sénat de l'époque.
Comme l'a écrit M. Lucien Lanier dans son rapport, il résulte de l'analyse
interne de la loi organique qu'il ne peut y avoir qu'une seule interprétation
de la composition du corps électoral « restreint », qui a pu également être
qualifié de « figé », ou, mieux, de « fixe ».
Ces qualificatifs n'ont guère d'importance quant à l'avenir du corps
électoral, il faut bien le dire. Il faut relativiser les choses. Il s'agit là
d'une question symbolique.
Selon une belle formule latine,
pacta sunt servanda :
les engagements
pris doivent être respectés. C'est ce que nous faisons aujourd'hui.
Que le Gouvernement, en accord avec le Président de la République, ait saisi
l'opportunité d'une nouvelle révision constitutionnelle pour préciser certaines
dispositions ne me paraît pas outrancier, d'autant que, en tout état de cause,
les précisions nécessaires ne pouvaient être apportées que par une révision
constitutionnelle.
Cette discussion me fournit d'ailleurs l'occasion de dire combien l'évolution
de la Nouvelle-Calédonie, après beaucoup de drames, nous paraît positive et
d'ajouter que, quelle que soit la part relative des forces politiques en
Nouvelle-Calédonie, il faut que toutes soient respectées.
C'est l'avenir de la Nouvelle-Calédonie qui est en jeu.
Il ne faut pas croire que tout est définitivement réglé. Le dialogue doit être
constant, et lui seul peut permettre à toutes les forces vives de la
Nouvelle-Calédonie de participer à son évolution.
J'en viens à la Polynésie française, qui est l'objet essentiel de la révision
constitutionnelle d'aujourd'hui.
Après la Nouvelle-Calédonie, il s'agit maintenant de la Polynésie française,
et la liste des territoires d'outre-mer se réduit comme peau de chagrin.
Heureusement, il en reste, qui sont chers à notre coeur, notamment celui de
Wallis-et-Futuna, dont je salue le représentant au Sénat. Il ne faudra
d'ailleurs pas oublier ce territoire lors des évolutions constitutionnelles à
venir, monsieur le secrétaire d'Etat.
Le nouveau statut de la Polynésie française s'inscrit dans un processus
différent de celui de la Nouvelle-Calédonie. Le statut de la Nouvelle-Calédonie
résulte de l'intégration des accords de Nouméa dans la Constitution, alors que
celui de la Polynésie traduit une évolution institutionnelle vers plus
d'autonomie, vers une liberté démocratique permettant à ce territoire de gérer
ses propres affaires.
Monsieur le président de la commission, vous estimiez que le projet de loi
constitutionnelle n'était pas très dynamique. C'est exact. Il prévoit cependant
que toutes les compétences sont transférées à la Polynésie, sauf celles qui
restent les compétences régaliennes de l'Etat, que personne n'envisage
d'ailleurs de remettre en cause.
Il pourra y avoir des évolutions. Je relève d'ailleurs que, déjà dans le
statut de 1996, nous avions confié à la Polynésie des compétences, notamment
dans le domaine pénal, qui allaient au-delà des dispositions
constitutionnelles, mais qui seront maintenues par cette révision
constitutionnelle.
Le texte de cette révision constitutionnelle semble convenir aux responsables
du... « pays » d'outre-mer, ainsi que nous pourrons le dire demain.
Je pense que le projet de loi établit un bon équilibre entre les
responsabilités de l'Etat et celles de la Polynésie. Je ne les détaillerai pas
à nouveau, puisque M. le secrétaire d'Etat et M. le rapporteur l'ont fait.
Je me bornerai à dire que la répartition des charges et des obligations doit
être bien faite, que les Polynésiens doivent participer à la vie démocratique.
C'est important, mais ce n'est pas toujours facile. Il faut une opposition et
une majorité, et l'opposition doit être respectée. C'est sur ce point aussi que
se joue l'avenir de la Polynésie française.
Notre collègue Gaston Flosse a beaucoup milité pour obtenir ce statut. Le
statut de 1996 constituait déjà une évolution importante et intéressante. Trois
ans d'application permettent-ils de dire qu'il faut aller plus loin ? Oui, et
c'est ce que nous faisons.
Cela permettra, j'en suis sûr, à la Polynésie française de mieux s'intégrer
dans le Pacifique. Elle disposera en effet de la possibilité d'être représentée
dans certaines organisations internationales locales.
Dans le même temps, je suis convaincu que cela contribuera au développement
économique de la Polynésie française, qui est, bien sûr, la préoccupation
majeure.
Nous connaissons les difficultés que rencontre la Polynésie d'un certain point
de vue. Il faut que la France l'accompagne dans son évolution.
La France est présente dans le Pacifique depuis longtemps ; elle le restera,
parce que ces enfants veulent rester Français. Mais il faut que les enfants ne
soient plus sous tutelle, qu'ils deviennent des adultes. Des adultes, il le
sont déjà sur le plan personnel ; grâce au statut, ils doivent le devenir sur
le plan politique.
Nous nous réjouissons de cette évolution et le groupe de l'Union centriste
votera bien entendu la révision constitutionnelle non amendée, comme le propose
la commission des lois.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Flosse.
M. Gaston Flosse.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici
réunis pour un vote que je qualifierai d'historique pour la Polynésie française
et qui confirme la faculté de la République à adapter ses institutions à
l'évolution de l'outre-mer.
Permettez-moi tout d'abord de remercier notre rapporteur, M. Lucien Lanier,
pour sa compréhension, sa lucidité et sa détermination dans l'analyse qu'il
fait du texte constitutionnel qui nous est soumis aujourd'hui.
Ce texte comporte deux volets de nature très différente, comme il l'a
souligné.
Le premier constitutionnalise la position prise par le Parlement sur le corps
électoral restreint en Nouvelle-Calédonie. Il met un terme à une controverse
qui a trop duré et qui risquait de perturber le délicat équilibre recherché par
l'accord de Nouméa. Je voterai cet article 1er relatif à la Nouvelle-Calédonie.
On peut seulement regretter que la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998
concernant la Nouvelle-Calédonie ait dû être complétée à peine plus d'un an
après son vote par le Congrès.
J'ose espérer qu'il n'en sera pas de même pour le deuxième volet de la loi
constitutionnelle qui concerne, lui, la Polynésie française.
Ce dernier s'inscrit dans un processus politique très différent du premier,
puisque la construction de l'autonomie s'est faite chez nous de manière
paisible, continue et durable.
Dès 1946, les articles 74 et 79 du titre VIII de la Constitution firent entrer
la Polynésie française dans une catégorie juridique nouvelle : les territoires
d'outre-mer.
La loi-cadre de 1956, dite « loi Defferre », instaura les premières mesures de
décentralisation « effective ».
Les conditions d'une évolution de l'organisation administrative et politique
du territoire étaient posées, mais les mesures de décentralisation n'étaient
pas pleinement adaptées à la situation des territoires d'outre-mer.
Il a fallu attendre le statut de 1984 pour qu'apparaisse clairement la voie
qui a été suivie et perfectionnée depuis lors, celle de l'autonomie. Dans
celle-ci, un véritable gouvernement, présidé par un Polynésien et non plus par
un gouverneur, est responsable devant l'assemblée élue au suffrage universel.
Il dirige la Polynésie dans les limites des compétences qui sont dévolues à
celle-ci.
Notons tout de même que si le législateur a compris et suivi l'aspiration des
Polynésiens à se gérer eux-mêmes, l'évolution statutaire concrète a subi des
à-coups et parfois des régressions.
Une partie des compétences exercées par la Polynésie française par exception à
la Constitution de la République se situent dans le domaine législatif en vertu
de l'article 74. Toutefois, les délibérations de notre assemblée territoriale
n'en acquièrent pas pour autant de valeur législative.
On assistait au paradoxe suivant : dans des domaines aussi sensibles et aussi
fondamentaux que celui de la fiscalité, des réformes essentielles, votées par
l'assemblée, pouvaient être menacées par un jugement du tribunal
administratif.
C'est ainsi que nous avons dû aller jusqu'à une validation législative de
notre impôt de solidarité, validation confortée par la Conseil constitutionnel,
pour pouvoir assurer une couverture sociale à tous les Polynésiens, en
particulier aux plus défavorisés. Les plus hautes instances de la République
ont donc approuvé nos choix. Mais peut-on encore parler d'autonomie quand la
décision de toute une communauté, dans le cadre des pouvoirs qui lui sont
dévolus, est ainsi mise sous tutelle ?
L'autonomie est menacée par une sorte de déni de compétence. Mais elle peut
également se trouver rognée par des empiètements multiples.
Il est vrai que le champ des compétences dont dispose la Polynésie française
est très large. Le risque est donc grand que, par inadvertance plutôt que par
malignité, un texte de loi simple ou un accord international ne vienne ici ou
là retirer ce que la loi organique nous a attribué.
Et rien ne peut être fait. Nous ne pourrions que déférer la loi ou soumettre
le projet de ratification de l'accord international au Conseil constitutionnel.
Le Conseil d'Etat consulté sur la possibilité de modifier ultérieurement ces
textes par une délibération a confirmé que le pouvoir normatif de la Polynésie
française, bien qu'issu de la loi organique, s'arrêtait là où la loi était
passée.
L'autonomie, trop fragile, devient-elle alors une étape transitoire vers une
inévitable indépendance ?
Non, les Polynésiens ne le veulent pas. Ils ne veulent pas de la rupture avec
la France. Ils ne veulent pas de la misère qui en résulterait. Ils ne veulent
pas des déchirements ou de la guerre civile qui, trop souvent, ensanglante les
indépendances. Ils ne veulent pas non plus de la dictature à laquelle
aboutiraient aisément certains dirigeants politiques polynésiens. Pour ceux-là,
la volonté de conquérir le pouvoir tient lieu de politique.
La Polynésie française ne perd pas pour autant son droit constitutionnel à
l'autodétermination, comme le prétendent trop souvent nos indépendantistes. Il
suffirait à la volonté populaire de s'exprimer en ce sens pour que
l'indépendance arrive.
Mais regardons justement l'expression de la volonté populaire.
Ce n'est pas un hasard si notre système de démocratie représentative a donné
la majorité au parti que nous dirigeons. Les indépendantistes ne comptent que
12 sièges sur 41 au sein de notre assemblée.
Ce n'est pas un hasard si les indépendantistes n'ont, aux dernières élections
partielles de mai 1998, aux Marquises et aux îles Sous-le-Vent, obtenu que 20 %
des suffrages après n'en avoir obtenu que 25 % lors des élections
précédentes.
Le référendum permanent que constituent nos élections à l'assemblée est sans
ambiguïté. La Polynésie veut rester française et elle estime que l'autonomie au
sein de la République est la meilleure garantie contre l'indépendance.
Mais alors, et c'est ce que nous disons depuis quelques années, il faut que
cette autonomie puisse constituer un système institutionnel stable.
Pour ce faire, elle doit permettre l'expression de la personnalité
polynésienne sans remettre en cause l'appartenance à la nation, dans le respect
mutuel des responsabilités de chacun.
Nous avions acquis la conviction en 1995, lors des discussions qui ont conduit
à la loi organique du 12 avril 1996, que seule une modification de la
Constitution aboutirait à ce résultat.
Je rends hommage, à cet égard, au président de la commission des lois, M.
Jacques Larché, ainsi qu'au rapporteur, M. Lucien Lanier, puisqu'ils nous
avaient déjà manifesté leur attention et leurs encouragements.
Voici donc aujourd'hui, sous l'impulsion du Président de la République et avec
l'accord du Premier ministre, le texte qui inscrit le statut de la Polynésie
française dans la Constitution de la République.
Après l'approbation que, je n'en doute pas, notre Haute Assemblée va donner à
ce texte, et lorsque le Congrès l'aura à son tour voté, le titre XIV de la
Constitution sera intitulé : « Dispositions relatives à la Polynésie française
».
Je n'entrerai pas dans une analyse de détail du projet de loi. Je me bornerai
à dire en quoi son contenu me paraît important et à interroger le ministre sur
les quelques points qui me paraissent encore incertains.
L'exposé des motifs qui accompagnait le projet de loi indiquait : « le moment
est venu de franchir une nouvelle étape dans l'affirmation de l'identité de ce
territoire pour répondre aux attentes des Polynésiens, qui aspirent
majoritairement à trouver leur épanouissement au sein de la République
française ». Ces termes traduisent bien l'esprit de la loi.
Quant au projet de loi lui-même, il énonce que « la Polynésie française se
gouverne librement et démocratiquement au sein de la République ».
Par cette simple phrase, la Polynésie française quitte le champ de la « libre
administration » des collectivités locales pour entrer dans celui d'un « libre
gouvernement ».
La différence est de taille et consacre une évolution que la France, après
d'autres pays unitaires, accepte désormais.
Mais ce libre gouvernement s'exerce dans les limites des pouvoirs régaliens
que, à la vérité, seul l'Etat doit et peut assurer. C'est ce que précise le
deuxième alinéa de l'article 78, et c'est ainsi qu'est clairement affirmée la
démarche institutionnelle de la Polynésie : l'autonomie s'exerce dans le cadre
de la République.
Dans les limites très larges ainsi fixées, la personnalité de la Polynésie
pourra s'exprimer par des lois de pays, par une citoyenneté favorisant l'accès
à l'emploi des citoyens polynésiens et par la reconnaissance d'une existence
internationale.
Ma satisfaction sur ce texte est presque totale, et je tiens à vous remercier,
monsieur le secrétaire d'Etat, de nous avoir écouté et de l'avoir mis au
point.
Il n'y manquait à mes yeux que quelques éléments. J'avais l'intention, vous le
savez, monsieur le secrétaire d'Etat, de déposer trois amendements. Nous en
avons discuté, et vous m'avez convaincu que ce n'était pas nécessaire.
Je voudrais cependant que vous confirmiez publiquement les assurances que vous
m'avez données sur le caractère définitif des transferts de compétences, sur la
signature des conventions internationales négociées par la Polynésie française
et sur la protection de nos compétences lors des négociations par la France de
conventions ou d'accords internationaux.
Mes chers collègues, je me réjouis de pouvoir voter avec vous le texte de la
loi constitutionnelle qui nous est proposé.
Il règle définitivement les difficultés d'interprétation des textes
calédoniens. Il marque enfin, et surtout, l'aboutissement d'une longue démarche
de la Polynésie française et de la France pour inventer les conditions d'un
avenir de développement paisible, harmonieux et durable au sein de la
République.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'article 1er de ce projet de loi constitutionnelle porte sur la définition du
corps électoral telle que l'accord de Nouméa l'a retenue. Nous sommes, avec cet
article, au coeur du processus auquel ont abouti les pourparlers entre le
Gouvernement français et les deux principales familles de pensée calédoniennes.
Cette définition est le résultat d'un compromis. Il serait impensable à nos
yeux de vouloir le modifier. Le groupe communiste républicain et citoyen
confirme donc toutes ses positions antérieures.
La loi organique a traduit dans notre droit les dispositions de l'accord de
Nouméa. Ces dispositions ont été approuvées à une très large majorité par les
électeurs calédoniens le 8 novembre dernier et ont recueilli l'accord de notre
Haute Assemblée, transcendant nos clivages habituels. Nous avions d'ailleurs
salué le travail de notre rapporteur, M. Hyest, qui a rappelé tout à l'heure
qu'il n'y a eu, lors de la discussion de la loi organique, qu'une seule
interprétation de celle-ci.
L'accord de Nouméa est celui du bon sens et il a été reçu positivement dans
tout le Pacifique et, plus largement, dans toutes les instances
internationales.
Que ces dispositions particulières soient dérogatoires à notre droit et ne
soient pas transposables compte tenu de nos us et coutumes, j'entends nos
pratiques politiques hexagonales, est une évidence ! Mais chaque parlementaire
mesure le caractère profondément politique du compromis obtenu.
Ces dispositions ont une histoire, et le groupe communiste républicain et
citoyen a soutenu, dès 1988, les efforts entrepris par le gouvernement de
Michel Rocard. Tous les dirigeants indépendantistes qui se sont engagés, avec
courage, dans le processus de négociations et qui ont permis son succès l'ont
fait sur la base de l'engagement de Paris que ne seraient pas bousculés les
équilibres démographiques et que des flux migratoires plus ou moins encouragés
ne priveraient pas le peuple kanak, premier peuple à être présent sur cette
terre, de son droit à la souveraineté. L'engagement pris par l'accord de Nouméa
est, selon nous, intangible jusqu'à la fin du processus qui permettra de
décider du sort futur du territoire.
Contrairement à l'opinion du Conseil constitutionnel, tout l'esprit de
l'accord rédigé après d'âpres négociations est que seules peuvent voter à ces
élections les personnes qui ont résidé dix ans en Nouvelle-Calédonie pour
autant qu'elles soient arrivées sur le territoire avant 1999.
Il est étonnant que le Conseil constitutionnel ait négligé le contexte dans
lequel nous avons légiféré. Si son avis consiste à rappeler que la solution
élaborée dans le but d'éviter à la Nouvelle-Calédonie la violence et de lui
permettre de dépasser une situation de type « néocolonial » s'écarte de la
lettre de la Constitution française, cet avis est quelque peu superfétatoire.
Les sages du Palais-Royal ont pour le moins ignoré que cet écart volontaire et
inédit avec la Constitution faisait justement la valeur de l'accord de
Nouméa.
Le Conseil constitutionnel oublie, dans sa problématique, la réalité à
laquelle les parlementaires se sont efforcés de répondre et fait finalement peu
cas, même si cela n'entre pas en compte dans son analyse, des événements encore
récents qui ensanglantèrent la Nouvelle-Calédonie.
Et pourtant, comment effacer de notre mémoire le sang versé inutilement à des
milliers de kilomètres de notre pays ? Comment oublier Ouvéa et la grande leçon
de fierté et d'humanisme léguée par Jean-Marie Tjibaou et les siens ?
Le porte-parole du groupe Démocratie libérale à l'Assemblée nationale s'est
étonné que l'on vienne, par « un ajout à la Constitution, s'opposer à une
décision du Conseil constitutionnel concernant la loi organique » ! Mais qui
fait la loi ? La représentation nationale et elle seule.
Le respect de la parole donnée aux populations calédoniennes est capital,
d'autant plus que le processus imaginé ne se met pas en place sans heurts, ni
sans difficultés. Je ne pense pas que l'on puisse réduire à de simples
péripéties postélectorales les tensions nées de l'élection à la présidence et à
la vice-présidence du gouvernement.
Des forces, sans aucun doute, chercheront à reprendre d'une main ce qui fut
lâché de l'autre. Ce sont certes les acteurs locaux qui décideront
in
fine
de la voie à suivre. Mais les autorités françaises, dans la limite de
leurs compétences, peuvent contribuer à lutter contre les inégalités, à aider
les provinces les plus fragiles à gagner la bataille du développement.
Le choix fait dernièrement par Mme la ministre de la jeunesse et des sports,
en déplacement en Nouvelle-Calédonie, pour préparer le rendez-vous olympique de
Sydney, de se rendre dès son arrivée dans la province nord - une fois n'est pas
coutume - est un symbole fort et inédit pour l'ensemble des populations.
Notre groupe fait partie de ceux qui pensent que la France a encore des
devoirs. N'est-il pas stupéfiant qu'il ait fallu attendre le 8 mai 1999 pour
que les morts kanaks de la Grande Guerre, ces grands oubliés, soient enfin
cités ?
La grande leçon du processus calédonien est que la France n'a nul intérêt à se
recroqueviller sur des solutions passéistes. Elle se doit, pour son propre
rayonnement, d'être inventive, et c'est à ce titre que, quelle que soit
l'option retenue, indépendance ou autonomie dans la République, elle comptera
dans cette partie de la planète.
Le second volet du projet de loi constitutionnelle porte sur le devenir de la
Polynésie française. Le cas est différent de celui de la Nouvelle-Calédonie,
puisque ce territoire n'a pas la même histoire récente. Il est toutefois appelé
à relever les mêmes défis.
La Polynésie française va appartenir, comme la Nouvelle-Calédonie, à une
catégorie juridique inédite, celle les pays d'outre-mer. Elle aura, elle aussi,
un statut constitutionnel complété par une loi organique et une large autonomie
avec des compétences transférées par l'Etat. Ces compétences, à la différence
de celles qui seront dévolues à la Nouvelle-Calédonie, peuvent être
réversibles, puisque l'option vers l'indépendance n'est pas en jeu, mais chacun
sait qu'il sera, dans les faits, impossible de revenir sur cette évolution.
La Polynésie pourra contracter un certain type d'accords internationaux
relevant de sa compétence, voter des lois de pays, et une citoyenneté fondée
sur des conditions de résidence naîtra.
Le groupe communiste républicain et citoyen est d'accord sur le principe de
cette évolution ; le réalisme exige plus d'autonomie.
Nous souhaitons que les options qui seront soumises à notre examen et à notre
vote soient l'objet d'une grande consultation démocratique et d'un débat
transparent en Polynésie française même.
L'archipel est immense et ses institutions devront être décentralisées. Les
pratiques politiques actuelles préparent-elles bien à une telle échéance ?
Les contours futurs de la Polynésie française exigent aussi que toutes les
familles politiques soient entendues et que la carte électorale soit au-dessus
de tout soupçon. La France n'a aucun intérêt à brider la libre expression d'un
courant, fût-il indépendantiste, courant bien réel si j'en crois la place que
lui a accordé notre collègue Gaston Flosse dans son intervention.
Bien entendu, ces réserves ne contredisent en rien l'accord que nous donnons
globalement au projet de loi constitutionnel, que nous voterons en l'état.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
Sénat examine aujourd'hui un projet de loi constitutionnelle concernant les
territoires d'outre-mer. Ce texte répond à une évolution historique
inéluctable. On ne peut donc qu'approuver cette initiative gouvernementale
acceptée, il faut le rappeler, par le Président de la République.
Au début de mon propos, je voudrais remercier notre collègue Lucien Lanier
pour l'excellent rapport qu'il a présenté, au nom de la commission des lois,
rapport que nous approuvons à une très large majorité. J'adresse également des
remerciements à M. le président de la commission, qui a défini avec clarté la
position qu'entend avoir la représentation nationale sur l'évolution et des
départements et des territoires d'outre-mer.
Ces restes d'empire nous rappellent que la France, comme les autres Etats
européens, est une ancienne puissance coloniale.
Toutefois, il est bon ici et maintenant de rappeler que « fidèle à sa mission
traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la
charge à la liberté de s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement
leurs propres affaires ».
La force de ces mots contenus dans le Préambule de la Constitution du 27
octobre 1946 préfigurait ainsi le changement. Certaines de ces colonies
devinrent des départements d'outre-mer, d'autres des territoires, alors
qu'était amorcé un mouvement vers l'indépendance. La loi-cadre Defferre,
évoquée par plusieurs orateurs et adoptée dans un climat influencé déjà par la
décolonisation, très décentralisatrice, n'aura pourtant guère le temps de
s'appliquer.
Lors de l'avènement de la Ve République, la France conserva certaines de ces
terres lointaines situées aux quatre coins du monde. L'article 74 de notre
Constitution très proche d'ailleurs des dispositions de la IVe République et
n'ayant guère posé de problème durant son élaboration, organisa une
réglementation qui engloba les territoires de Wallis-et-Futuna, des terres
Australes, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie.
A quel principe obéissait cette nouvelle réglementation ?
Ces territoires d'outre-mer devaient disposer d'une organisation particulière.
Cette spécificité se traduit par l'attribution de compétences qui sont
normalement celles de la loi, mais il appartient au Parlement de déterminer
lesquelles.
Les territoires d'outre-mer, n'étant pas des entités fédérées, n'ont pas de
pouvoir normatif, et c'est cela l'essentiel. Telle était la situation en 1958,
les compétences pouvant toutefois varier d'un territoire à l'autre.
Ces territoires craignaient une reprise de leurs nouvelles compétences par
l'Union européenne. Lors de la réforme constitutionnelle du 25 juin 1992, il a
été envisagé la réécriture de l'article 74 afin de garantir leurs intérêts
spécifiques face à une Europe de plus en plus oppressante. Cette réécriture
donne désormais au statut des territoires un caractère organique, modification
qui entraîne au demeurant des difficultés d'interprétation dénoncées d'ailleurs
par la doctrine.
Dans ce cadre général, la Constitution de 1958 permet en fait une autonomie
très large, l'unité de la France n'étant en aucun cas remise en cause.
Cette réglementation est apparue toutefois de moins en moins adaptée à
l'ensemble des TOM. En effet, l'outre-mer est très disparate, ce qui exige des
mesures adéquates, la France d'outre-mer réclamant une liberté de plus en plus
grande sans désirer toutefois quitter la République.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui comprend donc deux volets,
tous deux prenant en compte l'évolution de cette France d'outre-mer vers encore
plus d'autonomie, plus de responsabilités, sans toutefois faire un pas vers
l'indépendance.
Le premier volet de ce projet de loi constitutionnelle concerne la
Nouvelle-Calédonie, le second la Polynésie française.
Considérons d'abord celui qui intéresse la Nouvelle-Calédonie.
Le Sénat a délibéré de longues heures sur ce dossier, que chacun d'entre nous
a encore à l'esprit. Pour mémoire, rappelons que ce territoire a connu huit
statuts jusqu'en 1998, date à laquelle fut signé un nouvel accord posant le
principe d'une souveraineté partagée et mettant fin au contentieux colonial,
l'identité kanak étant enfin reconnue et l'équilibre politique ayant été trouvé
entre le FLNKS, le RPCR et l'Etat.
De cet accord sont nées une loi organique et une loi ordinaire, le 18 mars
1998.
La décision prise par les sages du Conseil constitutionnel concernant le corps
électoral nous conduit à examiner aujourd'hui le projet de loi
constitutionnelle, lequel, mes chers collègues, tend à revenir au sens de
l'accord de Nouméa, en insérant un nouvel alinéa à l'article 77.
Venons-en à la modification du statut de la Polynésie française.
Ce territoire, composé de cent trente îles, très étendu et ô combien utile à
la République française, pour nombre de raisons qu'il est inutile de rappeler
aujourd'hui, voit son statut modifié par le projet de loi constitutionnelle,
devenant par là même un territoire à statut
sui generis.
Ayant connu différents statuts, notamment celui de 1996 qui lui attribuait,
sur le plan interne, des compétences très larges et, sur le plan international,
certaines compétences d'attribution, la Polynésie se voit reconnaître, par le
nouveau statut qui est examiné ce jour, des compétences renforcées. Le souhait
d'une autonomie encore plus grande, complété par une volonté de reconnaissance
de l'identité polynésienne, exigeait une réforme constitutionnelle. Un pas de
plus est fait : la citoyenneté polynésienne est reconnue, les assemblées
territoriales peuvent prendre des mesures législatives alors que les mesures
régaliennes relèvent toujours du pouvoir central.
Les revendications polynésiennes sont donc satisfaites, une réforme
constitutionnelle mettant en oeuvre cette évolution.
Enfin, les gouvernants de la République acceptent qu'un pays d'outre-mer se
gouverne librement et démocratiquement.
En définitive, les deux collectivités concernées par la réforme obtiennent un
statut particulier en s'émancipant de la tutelle des pouvoirs centraux. Tout en
restant dans l'orbe de la République française, elles se voient reconnaître une
spécificité propre, en tant que collectivités dotées d'une forte identité. Seul
l'avenir dira si ces territoires sont prêts à cette émancipation, mais il
appartient au constituant de relever cette gageure.
Le droit doit reconnaître que ces territoires et ces populations connaissent
des problèmes spécifiques.
La question est naturellement de savoir quel est le degré de cette
spécificité. Jusqu'où peut aller cette particularité sans se métamorphoser en
indépendance ?
Les jacobins et les décentralisateurs se battent sur le degré d'autonomie.
Toutefois, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui met des limites à
tous les risques de dérive vers l'indépendance, en reconnaissant la citoyenneté
sans reconnaître la nationalité, en reconnaissant des compétences législatives
sans reconnaître des compétences constitutionnelles. L'unité de la France reste
donc intacte.
Le groupe auquel j'appartiens votera ce texte sans aucun état d'âme. Permettez
à celui qui s'exprime aujourd'hui de prendre date, sinon de prendre acte, eu
égard au vote que va émettre la représentation nationale.
L'autonomie qui faisait peur à la classe politique classique ne lui fait plus
peur aujourd'hui. Les communautés particulières doivent se voir reconnaître un
statut spécifique, le territoire de la République constituant un seul bloc au
sein duquel cohabitent différentes communautés ne formant qu'une seule
nation.
Mais quel que soit leur statut, territoires d'outre-mer ou encore territoires
sui generis,
toutes ces collectivités sont actuellement dans une
situation difficile. Devant l'imposition de l'ordre juridique communautaire,
elles redoutent une Europe impersonnelle, en ayant le sentiment que la France
les oublie quelquefois, même si les parlementaires de l'outre-mer continuent à
défendre la voix de l'outre-mer.
Avant de conclure, je me permettrai, monsieur le secrétaire d'Etat, de
soulever deux problèmes juridiques déjà relevés par la doctrine.
Tout d'abord - vous vous êtes exprimé sur ce point, mais je tiens à l'évoquer
-, la ratification d'un accord, quel que soit son contenu, n'exige pas une loi
organique, alors même qu'il concerne l'organisation des territoires
d'outre-mer, l'extension d'un tel accord nécessitant, pour sa part, une loi
organique. Je serais heureux de connaître la position du Gouvernement à propos
de la Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie, qui ne sont plus des territoires
d'outre-mer. Appliquera-t-on toujours cette règle ?
La République française est membre de l'Union européenne, et les territoires
d'outre-mer en sont les composantes. Cependant, ces territoires ne sont que des
collectivités associées à l'Europe - subtilité juridique - ne faisant pas
partie du territoire communautaire. Je désirerais avoir confirmation de la part
du Gouvernement que, en tant que territoires à statut
sui generis,
les
pays d'outre-mer restent des collectivités associées à l'Union, bénéficiant
d'aides de la part de l'Europe.
Certains diront peut-être que le pacte fondamental est réformé à outrance.
N'a-t-on pas connu plus de révisions depuis 1990, c'est-à-dire en dix ans,
qu'avant cette date ? Mais la réforme exigée aujourd'hui s'impose à la France
afin qu'elle reste une République unitaire, enrichie de ses terres lointaines,
de ses différences, lui permettant d'être présente sur le continent américain,
dans la Caraïbe, l'océan Indien, le Pacifique et même sur le continent
Antarctique.
En tout cas, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, c'est sans état d'âme que nous voterons le projet de loi
constitutionnelle qui nous est soumis.
(Applaudissements sur les travées du
RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
présentée au nom du Président de la République par le Premier ministre, cette
nouvelle réforme de la Constitution, qui ne sera vraisemblablement adoptée
définitivement qu'en l'an 2000, concerne les deux territoires du Pacifique.
L'article 1er permettra d'interpréter les dispositions des articles 188 et 189
de la loi organique du 19 mars 1999 dans un sens conforme aux intentions des
signataires de l'accord de Nouméa, sans qu'il soit besoin de modifier ces
dispositions. Les articles suivants, notamment l'article 4, confèrent un
nouveau statut à la Polynésie française. Ce pays d'outre-mer ne sera donc plus
régi par les dispositions de l'article 74 de la Constitution.
Contrairement à ce qui a été soutenu, il ne s'agit aucunement de consacrer
dans un même texte des dispositions concernant des situations bien différentes.
Monsieur le rapporteur, le point commun entre la Polynésie française et la
Nouvelle-Calédonie réside dans la même aspiration à une plus large autonomie ;
alors que l'une s'inscrit dans le cadre de la République, l'autre s'engageant
dans un processus d'émancipation éventuelle.
Simplement, cher ami, une précision est apportée et un dispositif nouveau est
prévu pour la Polynésie française.
Au-delà de cette différence d'appréciation entre vous et moi, permettez-moi de
saluer la qualité de votre rapport. Elle ne nous a pas surpris, car nous vous
savons connaisseur de l'outre-mer, attentif à tout ce qui s'y passe, y compris
dans les terres australes, jusqu'en Antarctique. C'est d'ailleurs ce qui vous a
permis d'apporter une touche profondément humaine à la présentation orale de
votre rapport.
Gouvernement et Parlement ont pris acte de la décision du Conseil
constitutionnel du 16 mars dernier. L'interprétation qu'elle sous-tend tendrait
à accréditer l'idée que nous avions juridiquement tort. Mais on peut avoir
juridiquement tort tout en ayant politiquement et historiquement raison.
M. René-Georges Laurin.
J'ai déjà entendu cela quelque part !
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
En effet, dans son interprétation, le juge constitutionnel, qui a privilégié
la thèse du « corps électoral glissant », n'a pas mesuré à sa juste valeur la
portée politique de l'accord signé, et il a sous-estimé - oserai-je dire :
gravement sous-estimé ? - les conséquences de sa décision. Cette interprétation
ne correspond ni à celle des signataires de l'accord ni à celle de l'exécutif,
et encore moins à celle du constituant, dont le pouvoir, le devoir, devrais-je
dire, est de traduire juridiquement, mais avec un souci de fidélité absolue, un
accord politique de cette importance.
Aussi le Premier ministre, garant de l'accord de Nouméa, fidèle aux
engagements pris peu avant les récentes élections provinciales, entend-il faire
scrupuleusement respecter, et dans les meilleurs délais, l'esprit et la lettre
de cet accord, si difficilement conclu entre deux communautés qu'une véritable
guerre civile opposait il y a encore peu d'années.
Au-delà du symbole, cette précision apportée dès l'article 1er du projet de
loi constitutionnelle prouve, s'il en était encore besoin, que la préservation
de la paix, dans les esprits et dans les coeurs de nos compatriotes
calédoniens, doit être une préoccupation constante et commune à tous les
acteurs politiques du pays.
Le 7 octobre dernier, devant l'organisation des Nations unies, le président
Roch Wamytan a exposé les difficultés rencontrées dans l'application de
l'accord de Nouméa, tout particulièrement s'agissant de la mise en place des
institutions et du processus collégial, pour lequel un risque de blocage est à
considérer sérieusement. Nous souhaitons, comme vous, monsieur le secrétaire
d'Etat, que l'esprit de responsabilité et de partage qui avait prévalu au cours
de l'élaboration de l'accord de Nouméa perdure dans l'application de cet
accord.
L'urgence commandait de préciser la composition du collège électoral, car il
est de notre responsabilité de veiller à ce que cette question ne devienne pas
un sujet supplémentaire de polémique.
Article de précision, l'article 1er du projet de loi n'introduit aucune
disposition nouvelle. Il précise politiquement et juridiquement l'article 2-2-1
de l'accord de Nouméa, lequel définit explicitement la composition du collège
électoral qui, faut-il le rappeler, a été l'ultime point d'équilibre permettant
la signature de ce compromis politique.
Dans l'esprit des signataires, du Gouvernement, du constituant, du
législateur, le texte de l'accord de Nouméa fait naturellement référence au
tableau établi pour la consultation référendaire de 1998. Il ne pouvait
nécessairement porter que sur ce document - et sur lui seul existant à cette
date -, et non sur les tableaux futurs prévus par les articles 188 et 189 de la
loi organique qui seront élaborés pendant la période d'application de
l'accord.
Bien que les rapports sur le projet de loi organique de nos collègues René
Dosière, pour l'Assemblée nationale, et Jean-Jacques Hyest, pour le Sénat,
aient été très précis sur la composition du corps électoral, qui doit être «
restreint ou fixe » et non « glissant », nous nous devons de lever toute
ambiguïté. Mais je ne reprendrai pas ce qui a été fort bien dit par les
orateurs qui m'ont précédé.
La composition du collège électoral est loin d'être un point mineur : elle est
le pivot des accords, le socle sur lequel va se bâtir, durant les quinze ou
vingt prochaines années, l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.
En approuvant l'accord de Nouméa à la quasi-unanimité, nous étions conscients
d'introduire dans le droit public français un profond changement
constitutionnel : nous « écornions » le principe républicain de l'universalité
du suffrage. Mais nous étions aussi lucides, sachant que cela ferait
jurisprudence, et nous le vérifions aujourd'hui. Nous savions que le droit de
suffrage, tel qu'il découle de cet accord, excluait, pour les élections
provinciales, des nationaux français installés en Nouvelle-Calédonie après
1998.
Cependant, le réalisme nous conduisait à comprendre, à admettre et même à
privilégier la logique politique de cet accord : il ne fallait pas qu'une
immigration massive de nationaux, plus ou moins organisée, vienne d'abord
détériorer les relations entre les signataires, puis fausser le déroulement et
les résultats des scrutins futurs, particulièrement ceux qui se dérouleront à
partir de 2014.
Les institutions de la République puisent leur force dans leur capacité
d'adaptation et d'évolution.
A cet égard, comment ne pas appuyer ce que disait le président Larché ? C'est
vrai, la France n'est jamais aussi grande, jamais aussi juste, jamais aussi
belle, jamais aussi exemplaire que lorsqu'elle accepte d'anticiper afin de ne
pas avoir à subir des événements qui risqueraient fort d'être dramatiques !
Depuis 1946, le préambule de la Constitution précise que « la République offre
aux territoires d'outre-mer la possibilité de disposer d'institutions nouvelles
fondées sur l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité et conçues en
vue de leur évolution démocratique ». La Constitution a bien prévu que
l'outre-mer serait appelé à se placer dans le cadre de l'autonomie
institutionnelle, et les territoires ultra-marins de la France ont toujours
connu un régime législatif particulier.
Pour la Nouvelle-Calédonie, ce sont des raisons exclusivement politiques qui
ont rendu nécessaire la révision de la Constitution. Nous avions à traduire un
accord politique précis, longuement et âprement négocié.
La Polynésie française se trouve dans une situation différente.
Le statut de 1996 et la décision du Conseil constitutionnel ont montré les
limites de l'article 74 de la Constitution ainsi que les difficultés juridiques
qui se dressaient pour aller plus avant dans l'autonomie afin de satisfaire les
légitimes aspirations exprimées par nos compatriotes polynésiens.
L'étape que nous nous apprêtons à franchir aujourd'hui était si prévisible
qu'elle était évoquée dans l'exposé des motifs du projet de loi
constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie.
Or, si nous nous situons dans le prolongement du statut de 1996, il n'en reste
pas moins que, pour la Polynésie française, le nouveau cadre statutaire reste à
circonscrire, à préciser et à négocier avec l'ensemble des partenaires
politiques, économiques, sociaux et culturels.
Une question vient immédiatement à l'esprit : y avait-il urgence au point de
précipiter cette évolution institutionnelle, seulement trois ans après la mise
en place du statut d'autonomie de 1996, sans même avoir dressé la moindre
esquisse d'un bilan de l'application de ce statut ? Poser la question, c'est
déjà y répondre, puisque l'on nous affirme que la révision souhaitée n'a
d'autre finalité que de renforcer et garantir cette autonomie. En réalité, du
rôle supra-administratif exercé jusqu'à ce jour par le territoire polynésien,
nous allons passer à une autonomie politique, que dis-je, à une autonomie
constitutionnelle !
Dans une contribution à un document intitulée
L'Avenir statutaire de la
Nouvelle-Calédonie
et publié en 1997, le professeur Jean-Yves Faberon, fin
connaisseur de l'outre-mer, écrivait : « On peut dire que, si la Polynésie
française a été dotée d'un nouveau statut en 1996, c'est parce que Jacques
Chirac a été élu Président de la République en 1995. »
M. Philippe Marini.
Eh !
M. Guy Allouche.
Après avoir évoqué les forts liens, que personne ne peut nier, monsieur Marini
- « ... existant entre le Président de la République et le Président du
Gouvernement du territoire, Gaston Flosse », Jean-Yves Faberon expliquait que
celui-ci « souhaitait un nouveau statut afin d'obtenir plus d'autonomie pour la
Polynésie et avoir ainsi les coudées plus franches dans l'exercice de ses
fonctions ».
C'est si vrai que, lors d'un colloque qui s'est tenu à l'Université française
du Pacifique les 2 et 3 novembre 1994, à l'occasion du Xe anniversaire du
statut de 1984, Gaston Flosse, par la voix du ministre Patrick Peaucellier -
puisque c'est ce dernier qui a lu le discours que vous vous apprêtiez à faire
ce jour-là, mon cher collègue - déclarait : « L'idéal serait bien sûr de donner
compétence au Conseil constitutionnel pour contrôler la réglementation
territoriale... mais il n'est pas toujours bon de rêver. » Cette phrase figure
à la page 232 des actes du colloque de 1994.
Les démêlés avec le juge administratif et le Conseil d'Etat à propos de la
contribution de solidarité territoriale, la CST, sont encore dans nos mémoires
! Les autorités polynésiennes ont regardé l'avenir de la Polynésie française
tout en ayant la Nouvelle-Calédonie dans le rétroviseur.
La situation néo-calédonnienne a fourni à notre collègue Gaston Flosse un
argument de poids pour avancer encore plus vite et plus loin dans la voie de
l'autonomie politique.
Vous disiez, cher collègue, qu'il n'est pas toujours bon de rêver. On peut
dire aujourd'hui que votre rêve va devenir réalité. Le « territoire polynésien
» va se transformer en « pays d'outre-mer », c'est-à-dire en « une collectivité
originale, bénéficiant d'un statut constitutionnel, à mi-chemin entre les
territoires d'outre-mer et les Etats associés ». Les autorités exécutives et
délibérantes seront dotées d'un pouvoir normatif autonome puisque les actes
jusqu'ici administratifs deviendront des lois de pays, contrôlées par le
Conseil constitutionnel avant publication.
Appelée à se « gouverner librement et démocratiquement », la Polynésie
française se voit conférer une parcelle de souveraineté.
Au-delà de la consultation de l'assemblée territoriale, je prends acte,
monsieur le secrétaire d'Etat, de votre engagement à poursuivre et à
approfondir les consultations avec toutes les forces politiques, sans
exclusive, pour parvenir à un accord le plus large possible avant le dépôt des
projets de lois qui suivront la révision constitutionnelle.
A l'issue de la présente révision constitutionnelle, il existera donc trois
blocs de constitutionnalité : le premier applicable à la métropole et aux
départements et territoires d'outre-mer, le deuxième à la Nouvelle-Calédonie et
le troisième à la Polynésie française.
Cette situation sans précédent pose directement la question de l'organisation
de contre-pouvoirs.
En tenant les propos qui suivent, mes chers collègues, je ne pense pas trahir
un secret : il s'agit simplement d'une discussion que j'ai eue voilà quelques
semaines avec Gaston Flosse.
La future loi organique devra veiller au rééquilibrage des pouvoirs et à
l'amélioration du fonctionnement démocratique des institutions polynésiennes,
car force est de constater qu'elles sont aujourd'hui affectées d'une tendance
centralisatrice inhérente au statut de 1996, dont les structures
institutionnelles ressemblent étrangement à un système étatique : notre
collègue Gaston Flosse est, en Polynésie, président d'un gouvernement, lequel
comprend évidemment des ministres. Un système de nature étatique se met donc en
place.
A mon tour, monsieur le secrétaire d'Etat, j'insiste de nouveau sur le fait
que la loi organique à venir ne devra être élaborée qu'après l'engagement
préalable de la plus large et fructueuse consultation de l'ensemble des forces
politiques, économiques, sociales et culturelles polynésiennes. Tous ces
acteurs locaux auront en effet à assurer, dans la cohésion et la durée, le
succès de cette autonomie politique.
Face à un risque de présidentialisation des institutions, il faudra veiller à
la mise en place de recours suffisamment souples contre les actes de
l'assemblée polynésienne. En effet, avec la suppression de la saisine du
tribunal administratif par les citoyens, il serait paradoxal que, partant du
contrôle exercé aujourd'hui sur les actes de l'assemblée territoriale, qui
seront demain des « lois de pays » à valeur législative, contrôlées par le
Conseil constitutionnel avant publication, on aboutisse à un régime moins
protecteur des droits des personnes.
Parce que le transfert de compétences nouvelles s'accompagnera d'un transfert
encore plus important de charges correspondant, la loi organique, monsieur le
secrétaire d'Etat, devra mettre en place les instruments nécessaires à la
transparence financière et au contrôle de l'utilisation des fonds publics.
Michel Rocard, à l'époque Premier ministre, répondait ainsi, le 25 août 1989, à
l'une de vos interventions, cher collègue Gaston Flosse : « On ne peut pas
demander de payer plus et de contrôler moins. Qui paye contrôle. »
Nous veillerons à ce que l'installation officielle de la chambre territoriale
des comptes en Polynésie et la mise en application de ce nouveau statut
d'autonomie politique soient concomitantes.
Nous le savons tous, c'est même le B.A.-BA pour nous, que, dans un Etat comme
le nôtre, il n'y a pas de démocratie sans contrôles et sans contre-pouvoirs.
Telles sont les règles élémentaires d'une saine vie démocratique.
L'évolution institutionnelle, parce qu'elle est innovante, exige précision et
clarté. En matière de citoyenneté, la précision de la loi organique sera une
exigence. Contrairement à la nouvelle citoyenneté néo-calédonienne, attachée à
l'exercice du droit de vote parce qu'engagée dans un processus d'émancipation
éventuelle prévue par les orientations de l'accord de Nouméa, la future
citoyenneté polynésienne n'emporte pas de restriction du corps électoral et ne
sera liée qu'à des domaines touchant à l'activité économique et à la propriété
foncière. Ainsi, pour ce qui est du marché du travail - sujet qui a fait
l'objet de débat parfois un peu difficile, mais notre ancien collègue Daniel
Millaud était toujours là pour défendre et protéger l'emploi local - l'accès à
l'emploi local des personnes nées sur le territoire devra être considéré comme
une priorité à l'embauche, et non comme une exclusivité.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe socialiste, au
nom duquel je m'exprime, approuvera ce texte. Ce projet d'autonomie spécifique
va dans le sens de l'histoire de l'évolution institutionnelle de l'outre-mer.
Il répond à la légitime reconnaissance de l'identité polynésienne, de son
histoire, de sa situation géographique, de sa diversité culturelle, de ses
langues. Permettez-moi d'avoir en cet instant une pensée particulière pour les
îles Marquises, qui tiennent tant à cette spécificité culturelle.
Avec ce projet de loi constitutionnelle, c'est l'histoire de l'évolution
institutionnelle de l'outre-mer qui continue de s'écrire. Le Gouvernement et sa
majorité plurielle confirment leur attachement à la perspective d'une évolution
différenciée pour chacun des départements d'outre-mer, des territoires
d'outre-mer et des pays d'outre-mer. L'évolution du statut de la
Nouvelle-Calédonie a montré combien les populations d'outre-mer partageaient le
sentiment que, en matière institutionnelle, le temps était désormais celui du «
sur-mesure » et non plus celui du « prêt-à-porter ».
Mes chers collègues, soyons lucides, n'ayons pas peur des évolutions. Comme M.
le président Larché l'évoquait tout à l'heure, jurisprudence aidant, nous
saurons désormais que la satisfaction d'une revendication d'autonomie renforcée
passe par l'obtention d'un pouvoir normatif, d'une citoyenneté nouvelle avec ou
sans discrimination, d'une délégation de souveraineté, bref, d'un statut à
valeur constitutionnelle. Hier, c'était pour la Nouvelle-Calédonie.
Aujourd'hui, c'est pour la Polynésie française. Et demain, pour qui ?
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Loueckhote.
M. Simon Loueckhote.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
Haute Assemblée est aujourd'hui amenée à évoquer la question de l'évolution
statutaire de la Polynésie française, par l'examen d'un projet de loi
constitutionnelle qui va lui conférer une plus large autonomie au sein de la
République.
Souhaitons tout d'abord, à cet égard, que ces transformations statutaires
correspondent aux attentes de nos compatriotes polynésiens, qui n'ont pourtant
pas été consultés sur leur contenu, à l'inverse de ce qui a prévalu dans le
processus engagé en Nouvelle-Calédonie.
Bien que, dans ce domaine, les parcours de la Polynésie française et de la
Nouvelle-Calédonie aient été très spécifiques et qu'il soit souvent hasardeux
d'établir des parallèles, je veux néanmoins souligner que ce projet de loi
ouvre la voie à des possibilités s'inspirant de quelques innovations marquantes
instituées en Nouvelle-Calédonie, telles que la faculté d'aménager l'accès à
l'emploi ou celle d'adopter des actes à valeur législative que sont les lois du
pays. La Nouvelle-Calédonie semble ainsi s'imposer de plus en plus comme un
modèle pour l'outre-mer.
Mes compatriotes calédoniens peuvent donc légitimement ressentir de la fierté
d'être enfin reconnus comme des pionniers, eux qui ont jusque-là, beaucoup
souffert d'une écoute insuffisante et d'un manque de créativité de la part du
législateur.
Ce sentiment de satisfaction sera cependant bien éphémère, je le crains, face
à l'effet de surprise et d'amertume créé par la décision du Gouvernement de
mêler le statut de la Polynésie française à la question du corps électoral
admis à participer, en Nouvelle-Calédonie, aux élections des assemblées
délibérantes et à la consultation finale sur notre avenir institutionnel.
Nous ne sommes pas dupes, monsieur le secrétaire d'Etat, quant à la réalité de
vos intentions et de celles du Gouvernement dans cette affaire, puisque vous
avez délibérément choisi de nous bâillonner, nous parlementaires calédoniens,
en liant ces deux objets.
Pour autant, et je tiens à vous en remercier, monsieur le président, mes chers
collègues, je peux encore me permettre d'exprimer mon point de vue, au sein de
la Haute Assemblée, et vous dire à quel point je désapprouve ce que je
qualifierai de manoeuvre.
En effet, l'éventail des arguments juridiques ou techniques qui pourront être
développés pour expliquer les raisons de cet amalgame parviendra difficilement
à occulter la stratégie politique qui sous-tend une opération, dont il faut
bien admettre l'extrême habileté, à défaut d'être convaincu de son bien-fondé
et qui, je le rappelle, a été menée de concert avec les indépendantistes
calédoniens, que je tiens d'ailleurs à saluer.
Aujourd'hui, l'accord de Nouméa, auquel nous avions pourtant donné une valeur
constitutionnelle, va être en quelque sorte révisé, amendé, et ce à la demande
exclusive d'une petite minorité de Calédoniens, car telle est bien la portée de
l'article 1er de ce projet de texte.
Je regrette d'ailleurs profondément que la Haute Assemblée accepte de laisser
son attention se détourner du message donné par la population calédonienne, le
8 novembre 1998, pour écouter le chant des sirènes indépendantistes, dont la
seule litanie est « toujours plus ».
Les Calédoniens, à qui nous avons expliqué son contenu, ont massivement
approuvé l'accord de Nouméa lors de la consultation du 8 novembre, vous ne
l'ignorez pas.
Ils ont montré leur parfaite adhésion aux institutions nées de cet accord en
participant très largement aux élections des assemblées de province et du
Congrès, qui ont permis de dégager des majorités indépendantistes dans deux
d'entre elles, et non indépendantistes, dans deux autres.
Et tout le monde s'est félicité de l'installation rapide des institutions,
conformément au processus prévu par la loi organique, tout le monde, à
l'exception de certains, qui persistent à refuser le verdict des urnes du
moment que celui-ci ne leur est pas favorable.
Alors, permettez-moi d'attirer l'attention de la Haute Assemblée sur cette
attitude intolérable, qui consiste à récuser le fait majoritaire quand on est
minoritaire au sein d'une assemblée et à le revendiquer dans d'autres
circonstances.
Une chose est sûre, en effet : dans les deux provinces où ils sont
majoritaires, le Nord et les îles Loyauté, les indépendantistes s'accaparent
tous les pouvoirs et tous les moyens mis à leur disposition.
Nous constatons qu'ils ne se réclament pas, au sein de ces collectivités, de
cette prétendue logique de partage du pouvoir qu'ils veulent imposer, par des
déclarations fracassantes, au Gouvernement ou au Congrès.
Tout cela est profondément antidémocratique, mes chers collègues, et
gardez-vous de tomber, vous aussi, dans le piège de l'argument du peuple
originel.
M. Philippe Marini.
Très bien !
M. Simon Loueckhote.
J'en suis, moi aussi, le représentant, et je puis vous assurer que les
Mélanésiens, parce qu'ils souffrent, au sein de leur propre organisation
sociale, de certaines formes d'abus de pouvoir, sont de plus en plus attachés
au respect de la démocratie.
Ainsi, je n'aurai pas les mots pour leur expliquer les raisons pour lesquelles
la copie de l'accord de Nouméa doit être, en ce jour, revue et corrigée par la
Haute Assemblée, comme elle l'a été par l'Assemblée nationale le 10 juin
dernier.
Lorsque Jacques Lafleur, qui est le père de cet accord, nous a demandé de nous
engager à ses côtés, pour le bien des Calédoniens, et de faire cette importante
concession sur le corps électoral, il n'était nullement question de le
restreindre, au point de le figer à l'année 1998.
Alors que l'émergence de la citoyenneté en Nouvelle-Calédonie s'inscrit dans
la durée, qu'elle est fondée sur plus de tolérance, d'acceptation de l'autre,
sur cette volonté de vivre ensemble que plus personne ne récuse, comment
concevoir, en effet, qu'on ne peut plus être citoyen calédonien au-delà de
l'année 1998 ?
C'est pourquoi je demande au Gouvernement, monsieur le secrétaire d'Etat, de
faire en sorte que cette définition du corps électoral, que je conteste, bien
entendu, si elle devait néanmoins être admise par la représentation nationale -
je crains fort que ce ne soit le cas à l'issue de nos débats - ne vaille que
pour la période de l'accord de Nouméa.
Il est nécessaire que vous en preniez ici l'engagement.
Il me paraît essentiel, en effet, de donner à ceux qui négocieront l'avenir
institutionnel de la Nouvelle-Calédonie la possibilité de rediscuter de cette
question, qui ne doit, en aucun cas, être à jamais figée.
Un corps électoral définitivement privé d'une partie de la population n'aurait
aucun sens au sein de cette société qui se construit chaque jour, qui a besoin
de l'implication de tous. Et nous avons le devoir de laisser aux générations
futures la capacité d'envisager leur avenir autrement.
Je vous ai dit de cette même tribune, à l'occasion tant de l'adoption de la
loi constitutionnelle de juillet 1998 que de la loi organique de mars 1999, à
quel point la signature de l'accord de Nouméa redonnait espoir à l'ensemble des
Calédoniens et ravivait leur foi en un avenir commun, un avenir que nous
voulons construire ensemble, en faisant participer toutes les forces vives de
l'archipel.
Je regrette, aujourd'hui, que l'insatisfaction permanente de certains, la
pression exercée par ces derniers sur le fonctionnement de nos nouvelles
institutions soient de nature à impressionner la représentation nationale,
alors même que le destin de la Nouvelle-Calédonie a été scellé par une
modification de la Constitution, par l'organisation d'un référendum, par
l'adoption d'une loi organique et par un jugement du Conseil
constitutionnel.
Observez, mes chers collègues, que, parallèlement à la mise en place des
institutions, les indépendantistes se sont lancés dans une vaste entreprise
d'intimidation qui a atteint son paroxysme depuis une dizaine de jours.
Le chantage a pris les formes les plus diverses : refus d'assister aux séances
du congrès, notamment à celle qui était consacrée à la déclaration de politique
générale du président du gouvernement, menace de démission de ce gouvernement
ou des autres mandats locaux. Leur dernier ultimatum est l'annonce du reniement
de leur signature de l'accord de Nouméa si le Parlement ne cède pas sur la
question du corp électoral.
Vous n'ignorez pas non plus que le corollaire de la pression exercée au niveau
institutionnel est la multiplication des conflits sociaux, dont la motivation,
essentiellement politique, semble poursuivre ce même travail de sape.
Vous avez eu récemment l'occasion, monsieur le secrétaire d'Etat, de déplorer
l'attitude des syndicalistes indépendantistes guadeloupéens regrettant un tel
comportement activiste et pernicieux dans ce département d'outre-mer.
Puissiez-vous appréhender avec la même perspicacité ce qui s'est passé ces
jours derniers à Nouméa. En effet, vous n'avez empêché ni le blocage de RFO -
Nouvelle-Calédonie pendant six jours, ni le blocage de l'aéroport international
de Tontouta, ni la prise en otage de toute l'activité économique de la
Nouvelle-Calédonie, et la liste n'est malheureusement pas exhaustive.
Il appartient pourtant à l'Etat - c'est aussi un gage de la réussite du
processus de paix - de tenir ses engagements et de veiller notamment au respect
de l'ordre et à la garantie des libertés publiques en Nouvelle-Calédonie, comme
partout ailleurs sur le sol national.
Sachez que l'attitude de refus systématique de quelques-uns d'entre nous à
laquelle vous semblez un peu trop sensible, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, n'est pas celle de la population calédonienne qui veut que les
choses avancent, que le pays se construise, que des emplois soient créés.
Les Calédoniens, qui sont également prêts - et c'est une avancée culturelle
remarquable - à assumer leurs différences, non plus dans la douleur mais dans
la sérénité, ont bien accueilli l'idée d'une citoyenneté à bâtir sur le
fondement de leur communauté de destin dont ils acceptent tous les aspects.
Malheureusement, cette nouvelle restriction apportée au corps électoral sera
nécessairement source d'incompréhension et d'un regain d'incertitude dans ce
processus d'évolution dont la pierre angulaire est la confiance que chacun lui
porte.
Mes chers collègues, le représentant de la nation française, l'élu calédonien
et le Mélanésien que je suis avait exprimé devant vous tout son enthousiasme à
l'égard de cet accord politique qui fixe les bases d'un avenir harmonieux pour
la Nouvelle-Calédonie.
Aujourd'hui, et bien que je reste tout autant persuadé que nous pouvons aller
au terme de ces vingt années en réussissant notre pari et en faisant de cet
archipel une terre de progrès, je voterai contre l'article 1er du projet de
loi, qui est, à mon sens, le reflet de la peur et qui est parfaitement
contraire à l'esprit de l'accord.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je voudrais, à la suite des différentes interventions, apporter
quelques précision sur les deux principaux volets du texte.
Tout d'abord, s'agissant de l'article 1er relatif à la Nouvelle-Calédonie, M.
le rapporteur a bien souligné la divergence d'interprétation entre, d'une part,
l'opinion exprimée tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale sur la notion de
tableau des électeurs admis à participer aux élections provinciales et aux
élections du Congrès et, d'autre part, la réserve d'interprétation apportée par
le Conseil constitutionnel.
Je dirai, confirmant les propos de M. le rapporteur, que ces dispositions
s'appliqueront à partir de 2009, notamment pour l'élection au Congrès et aux
assemblées de province de 2014 ; elles concerneront donc le congrès qui sera
appelé à mettre en oeuvre les procédures de référendum prévues dans l'accord de
Nouméa.
Le Gouvernement a souhaité revenir dès maintenant sur la réserve
d'interprétation du Conseil constitutionnel afin de lever toute ambiguïté : les
citoyens français ou européens s'installant en Nouvelle-Calédonie doivent en
effet savoir qu'ils ne pourront pas voter aux élections provinciales et à
l'élection du Congrès en 2014, même s'ils remplissent la condition de résidence
de dix ans. Comme M. Allouche l'a bien dit, c'est une des conditions politiques
du compromis qu'est l'accord de Nouméa.
Mais les citoyens français qui se seront installés à partir de 1998 en
Nouvelle-Calédonie pourront bien sûr, comme l'a dit M. le rapporteur, voter aux
élections municipales, législatives et présidentielle.
Par conséquent, il nous semblait nécessaire d'apporter rapidement cette
précision afin que le doute ne puisse s'installer au moment où la
Nouvelle-Calédonie ouvre une nouvelle page de son histoire.
S'agissant de l'article 1er du projet de loi, je souligne que la révision
constitutionnelle se suffit à elle-même puisqu'il s'agit d'une réserve
d'interprétation du Conseil constitutionnel ; il n'y aura donc pas de
modification de la loi organique.
Je voudrais en outre rappeler - ce point a été soulevé notamment par MM. Hyest
et Loueckhote - que, lorsque nous avons examiné le révision constitutionnelle
concernant la Nouvelle-Calédonie, l'exposé des motifs du projet de loi
précisait bien qu'un texte portant révision constitutionnelle pour la Polynésie
française serait déposé. Nous avions donc déjà, me semble-t-il, lié l'évolution
de ces deux territoires en prenant en compte la spécificité de chacun d'entre
eux. Cette révision constitutionnelle me paraît donc vraiment constituer un
élément de clarté indispensable pour les prochaines années en ce qui concerne
la Nouvelle-Calédonie.
M. le rapporteur comme M. Loueckhote m'ont interrogé sur la durée de ce corps
électoral restreint qui, c'est vrai, est dérogatoire aux principes du droit
électoral et du droit constitutionnel français. M. Duffour a eu raison de
souligner que ce caractère dérogatoire s'enracinait dans l'histoire même de la
Nouvelle-Calédonie et dans la nécessité de trouver un équilibre entre les
composantes du territoire.
Je vous confirme que nous sommes dans le cadre d'un accord, celui de Nouméa,
qui a été constitutionnalisé par la révision intervenue à Versailles et que,
bien évidemment, cette notion de corps électoral restreint ne vaut que pour la
durée de l'accord. Ensuite, interviendra soit un vote de référendum qui
définira alors l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la souveraineté, soit, si
les Calédoniens se mettent à nouveau d'accord, une nouvelle étape et donc une
nouvelle définition. Le corps électoral restreint vaut bien pour la durée de
l'accord de Nouméa, puisqu'il est enserré dans ce cadre constitutionnel.
M. Hyest m'a interrogé sur Wallis-et-Futuna. Nous souhaitons - cela figure
d'ailleurs dans la loi organique dont il a été le rapporteur - que, d'ici au 31
mars 2000, un accord particulier intervienne entre la Nouvelle-Calédonie et
Wallis-et-Futuna, accord auquel l'Etat doit apporter sa contribution en termes
de répartition des compétences.
Cet accord avait déjà été prévu par l'accord de Nouméa lui-même. Lors de la
discussion du projet de loi organique, M. le sénateur Laufoaulu avait indiqué
que tel était aussi le souhait des élus et de la population wallisiens.
J'écrirai prochainement au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie pour lui
rappeler cette exigence.
De son côté, l'Etat a déjà réfléchi à la répartition des services entre la
Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna. Je pense que le travail doit maintenant
s'engager entre les délégations wallisienne et néo-calédonienne.
En ce qui concerne l'avenir, j'ai installé le gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie en juin dernier. Après les quelques mois qui viennent de
s'écouler, je souhaite, à l'instar de MM. Hyest et Duffour, que toutes les
forces vives de la Nouvelle-Calédonie participent au fonctionnement des
institutions et à la préparation de l'avenir. Tel est l'esprit même des accords
que vous avez approuvés à une très large majorité, mesdames, messieurs les
sénateurs, et que je me dois de rappeler. Je pense notamment, ici, au principe
de collégialité qui prévaut pour le fonctionnement des institutions et qui vise
justement à ce que prennent part à celui-ci toutes les composantes politiques
et sociales de la Nouvelle-Calédonie, et en premier lieu les deux principales
forces politiques auxquelles les électeurs ont largement accordé leur
confiance. Ce voeu est évidemment transmis à tous les acteurs de
Nouvelle-Calédonie, car le pouvoir exécutif est désormais exercé non plus par
l'Etat, par l'intermédiaire du haut-commissaire, mais bien par le gouvernement
de la Nouvelle-Calédonie.
J'en viens maintenant au second volet du projet de loi constitutionnelle, qui
traite de la Polynésie française.
Je confirmerai tout d'abord la lecture qu'en a fait M. Allouche, lecture qui
indique que, dans le cadre de l'article 74, nous étions allés au bout des
possibilités ouvertes en matière de dispositions statutaires. Le Conseil
constitutionnel, saisi en 1996, a d'ailleurs annulé certaines dispositions, les
jugeant non conformes à la Constitution. Si nous avions voulu aller plus loin,
il aurait fallu passer par cette autonomie constitutionnelle, que vous avez
bien définie, monsieur Allouche.
Nous sommes maintenant dans le cadre d'une autonomie constitutionnelle, qui se
traduira en particulier par les nouveaux pouvoirs et les nouvelles compétences
qui seront dévolus à l'assemblée de la Polynésie française.
M. Flosse m'a interrogé sur trois aspects de la révision constitutionnelle, et
je voudrais donc lui apporter quelques précisions.
Première interrogation, il m'a sollicité sur le caractère définitif des
transferts de compétences de l'Etat à la Polynésie française. En effet, dans la
révision constitutionnelle qui vous est proposée ne figure pas la notion
d'irréversibilité incluse dans l'article 77 de la Constitution pour le
transfert des compétences à la Nouvelle-Calédonie. Il convient cependant de
préciser que l'article 77 de la Constitution s'inscrit dans la perspective
ouverte par l'accord de Nouméa, qui prévoit la tenue de référendums d'accès ou
non de ce territoire à l'indépendance d'ici quinze à vingt ans, pour la
Polynésie française, en revanche, si nous nous situons, certes, dans une
logique d'autonomie renforcée, d'autonomie constitutionnelle, cette logique ne
met pas en cause l'appartenance à la France, même si, évidemment - M. Gaston
Flosse l'a d'ailleurs rappelé lui-même - l'article 53 de la Constitution reste
ouvert.
Le nouveau statut dont bénéficiera la Polynésie française à la suite de
l'insertion de l'article 78 dans la Constitution permettra à ce territoire
d'empêcher toute reprise des compétences qui lui seront tranférées en
application de la loi organique statutaire, notamment sous la forme de lois
ordinaires.
Jusqu'à présent, si une loi ordinaire intervenue dans les domaines de
compétences de la Polynésie française n'était pas censurée par le Conseil
constitutionnel - M. Flosse a rappelé la jurisprudence du Conseil d'Etat en la
matière - les autorités territoriales ne pouvaient revenir dessus compte tenu
du fait que les actes pris par l'Assemblée territoriale étaient de nature
réglementaire et non législative.
Il en ira tout différemment après la révision constitutionnelle puisque nous
serons, à ce moment-là, dans le cadre législatif des lois de pays, lesquelles
auront la même valeur juridique que les lois simples édictés par le législateur
national. Par conséquent, une loi de pays pourra effacer les effets d'une loi
nationale qui serait adoptée, sans doute plus par inadvertance ou par
méconnaissance des dispositions relatives à la Polynésie française que par
esprit de récupération de pouvoirs, en dehors du champ des compétences
réservées à l'Etat.
La Polynésie française pourra donc faire respecter son domaine de compétences.
Le texte de la révision constitutionnelle répond, me semble-t-il, dans sa
rédaction actuelle, à la préoccupation exprimée par M. Flosse.
Par ailleurs, je souhaite dire à M. le rapporteur que je partage son opinion :
les transferts doivent en effet être considérés comme acquis.
La deuxième interrogation de M. Flosse concerne le pouvoir donné aux autorités
polynésiennes de signer des conventions internationales.
Vous savez que, en vertu de l'article 52 de la Constitution, il appartient au
Président de la République de signer les traités internationaux. Cette
compétence est un élément du respect de la souveraineté nationale, elle
garantit la cohérence de l'action de la France sur la scène internationale.
L'intention du Gouvernement, telle qu'elle se manifeste dans les dispositions
du projet d'article 78 qui vous est soumis, est de permettre aux autorités
polynésiennes, dans le domaine de leurs compétences, d'engager librement des
négociations internationales avec les Etats de la région et avec les
organisations régionales en vue de conclure des accords internationaux. La
seule obligation à la charge des autorités polynésiennes consistera à informer
les autorités nationales de l'ouverture de ces négociations.
Une fois les termes de la convention arrêtés, la signature ne pourra
intervenir qu'après que le Président de la République aura donné son accord,
mais, bien évidemment, ce dernier pourra donner mandat au président du
gouvernement de la Polynésie française de signer en son nom de tels accords,
qui peuvent concerner, par exemple, les relations de la Polynésie française
dans son environnement géographique : je pense à des accords de pêche, à des
accords de transport ou à des accords en matière d'échanges culturels.
Par rapport à ses compétences internationales, l'autonomie de la Polynésie
française sera donc renforcée de manière significative et la loi organique
permettra la mise en place de ces dispositions.
La troisième interrogation de M. Flosse porte sur la protection des
compétences de la Polynésie française en matière d'accords internationaux. Il
s'agit de ce que l'on appelle parfois, en droit, la « réserve de la
territorialité ».
Il me paraît légitime de préserver le statut d'autonomie renforcée accordé à
la Polynésie française et d'empêcher qu'il lui soit porté atteinte par le biais
d'accords internationaux qui seraient conclus par des autorités françaises. A
cet égard, la future loi organique statutaire contiendra un mécanisme
permettant d'associer les autorités polynésiennes au processus de négociation
d'accords susceptibles d'intervenir dans le champ de leurs compétences ainsi
qu'un dispositif de consultation systématique de l'assemblée territoriale.
La mention de ces dispositions n'apparaissait pas indispensable au plan
constitutionnel, comme l'a indiqué le Conseil d'Etat à l'issue de l'examen du
projet de révision constitutionnelle. Nous retrouvons cependant là des
dispositions semblables à celles qui figuraient dans la loi organique du 19
mars 1999 sur la Nouvelle-Calédonie.
M. Larché a souhaité que le dépôt du projet de loi organique soit rapide. Je
tiens à confirmer que l'intention du Gouvernement est bien que ce projet de loi
organique soit discuté au premier trimestre 2000 et, si possible, voté d'ici à
la fin de cette même année - mais c'est l'affaire du Parlement - de façon que
les élections territoriales qui auront lieu en 2001 s'inscrivent dans ce
cadre.
Le Gouvernement avait déposé, à l'automne 1997, un projet de loi organique sur
les communes de Polynésie. Nous ne l'avons cependant pas inscrit à l'ordre du
jour, précisément dans la perspective de la révision constitutionnelle. Mais le
projet de loi organique sur la révision du statut de la Polynésie française
devra inclure, bien sûr, des dispositions organiques relatives aux communes,
c'est tout à fait légitime.
M. Othily a posé deux questions, dont l'une sur l'application des dispositions
de l'article 74 telles qu'elles ont été révisées en 1992, c'est-à-dire sur
l'obligation de passer par la loi organique dès lors qu'il s'agit de
territoires d'outre-mer. De ce point de vue, l'article 77 pour la
Nouvelle-Calédonie et l'article 78 pour la Polynésie française renvoient à la
loi organique pour l'organisation des institutions. Nous sommes donc bien dans
ce cadre !
En ce qui concerne, par ailleurs, l'association de la Polynésie française et
de la Nouvelle-Calédonie à l'Europe, la situation n'est pas modifiée. Nous
sommes bien dans le cadre de ce que l'on appelle les décisions d'association au
titre des vingt PTOM, les pays et territoires d'outre-mer. Outre
Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, mais également
Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon sont concernés par ces décisions
d'association.
Je voudrais, pour terminer, revenir sur les conclusions du président Larché,
qui a élargi son propos à l'évolution de l'ensemble de l'outre-mer.
Je partage deux de ses analyses.
La première, c'est que, sur le plan des institutions, nous devons tenir de
plus en plus compte de la diversité des situations. L'outre-mer français en
effet est différent de par son histoire, de par sa géographie, de par ses
traditions et son évolution institutionnelle. Nous devons donc agir avec une
certaine souplesse, tout en restant, évidemment, dans le cadre de la République
française. Je partage sur ce point ce qu'a dit M. Allouche à propos du «
sur-mesure » : nos institutions doivent évoluer sans intégrer l'outre-mer dans
un moule juridique unique.
La seconde analyse que je partage, c'est que nous devons aller vers plus de
responsabilité. Et nous vous proposons, pour cela, un statut d'autonomie
renforcée. Je crois aussi que nous aurons sans doute à légiférer prochainement
pour les départements d'outre-mer. C'est, en tout cas, le souhait du
Gouvernement, qui tiendra notamment compte des conclusions de la mission menée
par le sénateur Lise et le député Tamaya, afin de reconnaître la spécificité de
l'identité de l'outre-mer pour les quatre départements qui n'ont pas encore
fait l'objet de dispositions législatives.
Voilà pour ce qui est de la réflexion actuelle du Gouvernement, mais nous
aurons sans doute l'occasion d'y revenir au cours de l'année 2000.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à voter ce
texte, qui marque pour la Polynésie française une étape importante. J'ajoute
que la notion d'autonomie, dont M. Flosse nous a rappelé l'évolution, a été
marquée non seulement par des étapes législatives, mais aussi par une réalité
politique locale. Au-delà des révisions statutaires au Sénat et à l'Assemblée
nationale, cette notion d'autonomie a en effet été portée dans l'opinion par un
certain nombre d'élus. Aujourd'hui, elle va se trouver consacrée en Polynésie
française en même temps qu'en Nouvelle-Calédonie, et nous aurons ainsi tracé
les règles permettant d'appliquer loyalement l'accord de Nouméa.
(Applaudissements.)
M. le président.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. _ Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 77 de la
Constitution, un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la définition du corps électoral aux assemblées de province et au
congrès de la Nouvelle-Calédonie, le tableau auquel se réfère l'accord
mentionné au premier alinéa de l'article 76 est le tableau des personnes non
admises à participer à la consultation prévue à cet article. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
6:
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 307 |
Contre | 7 |
Articles 2 à 4
M. le président.
« Art. 2. _ Les titres XIV, XV et XVI de la Constitution deviennent
respectivement les titres XV, XVI et XVII. » -
(Adopté.)
« Art. 3. _ Le titre XIV de la Constitution est rétabli et intitulé :
"Dispositions relatives à la Polynésie française". »
- (Adopté.)
« Art. 4. _ Dans le titre XIV de la Constitution, il est rétabli un
article 78 ainsi rédigé :
«
Art. 78
. _ La Polynésie française se gouverne librement et
démocratiquement au sein de la République. Son autonomie et ses intérêts
propres de pays d'outre-mer sont garantis par un statut que définit la loi
organique après avis de l'assemblée de la Polynésie française ; ce statut
détermine les compétences de l'Etat qui sont transférées aux institutions de la
Polynésie française, l'échelonnement et les modalités de ces transferts ainsi
que la répartition des charges résultant de ceux-ci.
« Ces transferts ne peuvent porter, sous réserve des compétences déjà exercées
en ces matières par la Polynésie française, sur la nationalité, les garanties
des libertés publiques, les droits civiques, le droit électoral, l'organisation
de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, les relations extérieures,
la défense, le maintien de l'ordre, la monnaie, le crédit et les changes.
« La loi organique définit également :
« _ les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la
Polynésie française et notamment les conditions dans lesquelles certaines
catégories d'actes de l'assemblée délibérante, ayant le caractère de lois du
pays, pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil
constitutionnel ;
« _ les conditions dans lesquelles le délégué du Gouvernement a la charge des
intérêts nationaux et du respect des lois ;
« _ les règles relatives à la citoyenneté polynésienne et aux effets de
celle-ci en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour
l'exercice d'une activité économique et d'accession à la propriété foncière
;
« _ les conditions dans lesquelles la Polynésie française peut, par dérogation
au deuxième alinéa, être membre d'une organisation internationale, disposer
d'une représentation auprès des Etats du Pacifique et négocier avec ceux-ci,
dans son domaine de compétence, des accords dont la signature et l'approbation
ou la ratification sont soumises aux dispositions des articles 52 et 53. »
-
(Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, je
donne la parole à M. Gélard pour explication de vote.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
majorité du groupe du RPR est satisfaite des dispositions qui nous sont
proposées concernant la Polynésie française. Nous sommes heureux de l'évolution
qui se dessine grâce à cette révision constitutionnelle et à la loi organique
qui suivra, et nous tenons à rendre hommage ici à notre collègue Gaston Flosse
pour l'action qu'il a menée dans ce domaine.
Nous regrettons cependant que des dispositions concernant la
Nouvelle-Calédonie aient été jointes à un texte s'appliquant à la Polynésie
française, nous l'avons d'ailleurs dit en commission des lois. Nous comprenons
toutefois les raisons de cette union un peu contre nature s'agissant de deux
évolutions différentes.
Nous regrettons aussi qu'un certain nombre de règles essentielles de la
démocratie française concernant le droit de suffrage soient remises en cause.
Il est vrai que le processus engagé est non pas juridique, mais politique.
Pour ces différentes raisons, tout en comprenant parfaitement ce qu'a dit tout
à l'heure notre collègue M. Loueckhote et solidaires de ses choix, les membres
du groupe du RPR se sont, dans leur grande majorité, ralliés au texte si bien
défendu par M. Lucien Lanier, rapporteur de ce projet de loi constitutionnelle.
Ils le voteront donc.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de
droit.
Il va être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin à lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
7:
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 310 |
Contre | 3 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
9
DROIT APPLICABLE OUTRE-MER
Adoption d'un projet de loi d'habilitation
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 424, 1998-1999),
adopté par l'Assemblée nationale, portant habilitation du Gouvernement à
prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à
l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer. [Rapport n° 3
(1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la tâche de modernisation et
d'adaptation du droit de l'outre-mer, condition nécessaire de son développement
économique et social, offre aujourd'hui de nouveaux sujets à prendre en compte.
De plus, certaines questions urgentes nécessitent une réponse rapide pour
satisfaire les attentes des populations intéressées.
Le projet de loi d'habilitation que j'ai l'honneur de vous présenter s'inscrit
pleinement dans le prolongement de la précédente loi d'habilitation du 6 mars
1998, étant précisé que le projet de loi de ratification des ordonnances prises
en application de ladite loi devrait vous être soumis en novembre prochain. Il
a été déposé devant le Sénat, après son examen par l'Assemblée nationale.
Le projet du Gouvernement demande au Parlement l'autorisation de légiférer par
ordonnances dans huit matières, ces ordonnances devant être prises dans les six
mois qui suivent la publication de la loi d'habilitation. Au cours du débat à
l'Assemblée nationale, en juin dernier, quatre thèmes sont venus s'ajouter à
ceux qui étaient initialement prévus ; ce sont donc douze points que le projet
qui vous est soumis aborde.
Au travers des ordonnances prévues par la loi d'habilitation, le Gouvernement
vise les objectifs suivants.
Le premier objectif du Gouvernement consiste à affirmer les obligations
financières de l'Etat vis-à-vis de l'outre-mer. L'une des ordonnances devra
permettre de pérenniser sa contribution au profit des communes de la Polynésie
française.
De la même manière, son concours au profit de l'établissement public de santé
territorial de Mayotte sera prolongé pour tenir compte de sa situation
spécifique. C'est notamment le cas du système dérogatoire de financement, qui
lui permet de prendre en charge pendant une nouvelle durée de cinq ans les
personnes ne pouvant faire la preuve de leur nationalité française ou de la
régularité de leur séjour en attendant que certaines difficultés, notamment en
matière d'état civil, soient surmontées.
Le deuxième objectif du Gouvernement réside dans la poursuite de la
modernisation et dans l'extension des droits sociaux des habitants des
collectivités d'outre-mer.
Ainsi, les ordonnances qui interviendront à ce titre doivent permettre de
préciser les règles d'option de juridiction en matière de litiges de contrats
de travail pour les salariés qui, après avoir travaillé pour une collectivité
d'outre-mer, l'ont quittée.
De même, un dispositif permettra aux partenaires sociaux de négocier des
accords d'annualisation du temps de travail à Mayotte et aux îles
Wallis-et-Futuna, dispositions déjà introduites en Polynésie française et en
Nouvelle-Calédonie. Certaines règles de base en matière d'hygiène et de
sécurité du travail seront étendues à Wallis-et-Futuna.
Toujours dans le champ du droit du travail et en prolongement de la précision
apportée par un amendement en première lecture à l'Assemblée nationale, les
dispositions relatives à la médecine du travail dans les départements
d'outre-mer et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon seront
également traitées.
En matière de droit de la santé, il s'agira d'actualiser les règles relatives
à l'exercice au droit des professions de santé à l'outre-mer. De même, il est
prévu de créer à Wallis-et-Futuna « une agence de santé », établissement
original dont le statut est adapté à la situation juridique particulière des
îles Wallis-et-Futuna. L'agence se trouve ainsi chargée de l'élaboration et de
la mise en oeuvre du programme de santé du territoire.
De plus, conformément à deux amendements adoptés par l'Assemblée nationale,
l'habilitation porte sur l'extension à Wallis-et-Futuna de la durée de la
scolarité obligatoire et des dispositions relatives à l'indemnisation des
victimes de catastrophes naturelles.
Le troisième objectif du Gouvernement est de conforter l'état de droit et la
sécurité juridique outre-mer.
Dans cette perspective, la loi du 25 juillet 1952 sur le droit d'asile sera
étendue à l'ensemble de l'outre-mer, après l'avoir été à la Nouvelle-Calédonie
par la loi du 19 mars 1999. Ce droit constitutionnel pourra ainsi être
désormais exercé pleinement dans le respect des engagements internationaux de
la France.
Des ordonnances procéderont également à l'actualisation du droit applicable à
l'entrée et au séjour des étrangers à Mayotte, en Polynésie française et à
Wallis-et-Futuna. Les textes actuellement en vigueur sont partiellement
obsolètes et inadaptés à un contrôle efficace des flux migratoires, dans le
respect des droits fondamentaux des intéressés. Une extension de l'ordonnance
du 2 novembre 1945, assortie des adaptations nécessitées par la situation de
chaque collectivité, s'impose.
Par ailleurs, plusieurs ordonnances devraient créer les conditions de
l'élaboration d'un état civil fiable à Mayotte, notamment pour remédier aux
difficultés que j'ai évoquées en matière de soins hospitaliers. En particulier,
des règles relatives à la fixation du nom seraient définies, tandis qu'une
commission de révision de l'état civil procéderait à la remise à jour des
actes.
Par ailleurs, une chambre de discipline territoriale pourra être créée en
Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour les médecins, les
sages-femmes et les pharmaciens qui y exercent. Ainsi sera mis un terme à la
situation actuelle, dans laquelle un même organe assure les compétences
administratives et juridictionnelles.
De plus, après l'adoption d'un amendement déposé par le Gouvernement,
l'Assemblée nationale l'a habilité à procéder par ordonnance à la codification
du droit électoral applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et
à Wallis-et-Futuna. Le Gouvernement est également autorisé à procéder à toutes
mesures d'adaptation utiles en ce domaine, en vue de rapprocher cette
codification des dispositions applicables en métropole, étant entendu qu'il ne
pourra s'agir que de simples aménagements.
La loi d'habilitation doit également permettre de résoudre deux questions
d'une importance majeure pour les départements d'outre-mer. Il s'agit d'adapter
l'organisation des agences d'insertion à la suite de la modification de statut
intervenue par la loi du 29 juillet 1998.
Leur transformation par voie législative en établissements publics locaux rend
absolument nécessaire une adaptation rapide de leur statut pour leur permettre
de retrouver un fonctionnement normal et de prendre en compte la situation de
leurs personnels.
Les agences seront désormais présidées par les présidents de conseils
généraux, l'Etat se voyant doté de moyens de contrôle administratif et
financier mieux assurés. Je vous rappelle que cette réforme avait été souhaitée
par les présidents de conseils généraux et appuyées, notamment, par le
président du conseil général de la Martinique, le sénateur Lise.
Quant au statut de l'IEDOM, l'Institut d'émission des départements
d'outre-mer, il sera adapté pour prendre en compte les impératifs de l'Union
économique et monétaire et permettre son intégration, conformément aux
principes communautaires, dans le système européen des banques centrales.
Enfin, le Gouvernement a accepté un amendement, présenté lors du débat à
l'Assemblée nationale, visant à permettre, compte tenu des difficultés
importantes que connaît l'activité de transports de personnes dans les
départements d'outre-mer, de procéder par ordonnances à l'adaptation de la
législation relative aux transports intérieurs.
Par ce projet de loi d'habilitation, par les ordonnances qui suivront, le
Gouvernement entend poursuivre son action de modernisation du droit de
l'outre-mer, élément indispensable à son développement. A l'instar des
ordonnances prises en application de la loi du 6 mars 1998, le Gouvernement
déposera évidemment ces ordonnances sur le bureau des assemblées pour les
soumettre à l'appréciation du Parlement. Le pouvoir législatif donne ainsi à
l'exécutif délégation pour agir, souvent dans l'urgence, dans les matières
complexes. Soyez assurés que les droits du Parlement seront, sur ce plan-là,
respectés.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après le projet
de loi constitutionnelle, nous examinons le projet de loi portant habilitation
du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives
nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.
Ce texte a été adopté par l'Assemblée nationale le 10 juin dernier.
Cette façon de procéder tend, monsieur le secrétaire d'Etat, à devenir une
habitude, puisqu'on utilise bien souvent soit diverses dispositions relatives à
l'outre-mer - les fameuses « lois balais » - soit, comme maintenant, les
ordonnances. C'est systématique !
(M. le secrétaire d'Etat sourit.)
Je déplore quelque peu ce mode de fonctionnement, qui prive le Parlement d'un
véritable débat, même si des lois de ratification doivent intervenir. C'est
ainsi que plusieurs lois sont prévues, tendant à permettre à chaque commission
d'exercer sa responsabilité législative dans le domaine de sa spécialité.
Il va de soi que nous n'aimons pas beaucoup les ordonnances... auxquelles nous
avons toutefois régulièrement recours.
En ce qui concerne l'outre-mer, il peut naturellement être nécessaire,
monsieur le secrétaire d'Etat, d'utiliser l'article 38 de la Constitution.
Encore faut-il chercher fréquemment l'origine du recours aux ordonnances dans
le non-respect des instructions gouvernementales.
Notre excellent collègue Daniel Millaud ne manquait jamais de nous rappeler à
quel point était oubliée, en dépit de nombreuses circulaires, notamment celles
du 21 avril 1988 et du 15 juin 1990, l'application des lois à l'outre-mer.
Peut-être le Gouvernement pourrait-il en publier une autre afin de sensibiliser
les administrations à la nécessité de prendre en compte l'outre-mer dans
l'élaboration de leur politique et dans la rédaction des textes législatifs ou
réglementaires.
Le principe de l'assimilation législative applicable à la collectivité
territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, et aux départements d'outre-mer, le
principe de la spécialité législative conjugue au problème des lois dites « de
souveraineté », notion juridique parfois un peu floue et qui prête à
discussion, compliquent encore l'exercice. L'applicabilité des textes
législatifs dans les départements d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et Mayotte
doivent donc faire l'objet de textes ou de dispositions particulières.
Nous ne cessons de le rappeler, sans être guère entendus du Gouvernement, qui
tire toujours prétexte soit de la non-consultation des assemblées territoriales
ou des assemblées de collectivités concernées, soit de la complexité des textes
pour remettre à plus tard leur application. Monsieur le secrétaire d'Etat, je
ne me lasserai pas de le répéter : il vaudrait tellement mieux examiner
préalablement le problème, nous dispensant ainsi de recourir aux
ordonnances.
La commission des lois, comme c'est son devoir, a examiné si les conditions
fixées par l'article 38 de la Constitution, et précisées par le Conseil
constitutionnel, étaient remplies. C'est pour l'exécution de son programme que
le Gouvernement peut légiférer par voie d'ordonnances, mais il doit « indiquer
avec précision, lors du dépôt d'un projet de loi d'habilitation et pour la
justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité des
mesures qu'il se propose de prendre », ce qui est assez évident.
Nous avons eu la chance, excepté pour une mesure, d'avoir les avant-projets
d'ordonnance. Nous avons pu vérifier qu'il s'agissait bien de mesures
d'application qui ne dépassaient pas le champ de l'article 38 de la
Constitution.
En commission des lois, vous avez répondu, monsieur le secrétaire d'Etat, à
une question que je vous ai posée sur le statut de l'Institut d'émission des
départements d'outre-mer, l'IEDOM. En effet, à l'époque, nous n'avions aucune
précision quant à l'évolution statutaire de cet institut à la suite de la
réforme des banques centrales européennes et de l'instauration de la monnaie
unique.
L'article 38 de la Constitution fixe les modalités de délégation de pouvoir au
Gouvernement pour une durée limitée et l'obligation de déposer un projet de loi
de ratification dans un délai donné. Le projet de loi respecte la Constitution.
L'avis de la commission des lois est donc favorable.
J'en viens au champ d'habilitation du projet de loi.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez rappelé toutes les dispositions qui
étaient prévues, notamment la nécessité pour l'Etat d'assumer ses obligations
financières envers l'outre-mer.
J'avais rappelé dans le rapport que j'ai rédigé l'année dernière la nécessité
de trouver une base juridique au fonds intercommunal de péréquation pour la
Polynésie française.
J'avais également fait mention du concours de l'Etat en faveur de
l'établissement public de santé territorial de Mayotte.
Le projet de loi vise aussi l'actualisation des droits sociaux, les avancées
en matière de santé publique, le renforcement de l'état de droit et la sécurité
juridique dans les collectivités d'outre-mer, notamment l'état civil à Mayotte
- ample tâche, monsieur le secrétaire d'Etat, car on connaît les difficultés de
mettre en place un tel dispositif.
Par ailleurs, entrent dans le champ de l'habilitation, l'adaptation du statut
de l'Institut d'émission d'outre-mer, déjà évoqué, ainsi que l'organisation des
agences d'insertion, avec la modification de statut opérée par la loi du 29
juillet 1988 transformant ces agences en établissements publics locaux à
caractère administratif.
Nos collègues députés, notamment M. Brial pour Wallis-et-Futuna, ont ajouté
quelques dispositions, puisque deux mesures concernent les catastrophes
naturelles dans ce territoire, d'une part, et la codification du droit
électoral, d'autre part, qui est applicable d'ailleurs à la fois en
Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et aux îles Wallis-et-Futuna.
Une autre disposition ajoutée par l'Assemblée nationale - et cette ordonnance
nous intéressera beaucoup - concerne la législation relative aux transports
intérieurs dans les départements d'outre-mer. En effet, j'ai l'impression que
ce problème ne se pose pas uniquement dans les départements d'outre-mer,
notamment en ce qui concerne les transports scolaires. Un certain nombre de nos
collègues ont rencontré des difficultés en matière d'application du code des
marchés publics, compte tenu de l'urgence qu'il y avait souvent, à la rentrée,
à mettre en place des transports scolaires. Peut-être pourra-t-on appliquer à
la métropole les dispositions qui auront été prises pour les DOM ! Cela serait
très intéressant, n'est-ce pas, monsieur le président ?
M. le président.
Sans doute !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
L'article 2 prévoit quant à lui la consultation des
assemblées des différents territoires, et l'article 3, comme je le disais tout
à l'heure, définit des délais d'habilitation.
En conclusion, la commission des lois, après l'avoir examiné, propose au Sénat
d'adopter sans modification l'ensemble du projet de loi portant habilitation du
Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures législatives nécessaires à
l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer. Bien entendu,
tous nos collègues seront extrêmement sensibles au fait que nous nous attachons
à faire en sorte que les territoires d'outre-mer - et quelquefois aussi les
départements, puisqu'il y a un texte sur les départements - et la
Nouvelle-Calédonie, futur «pays d'outre-mer » puissent avoir une législation
adaptée à notre temps.
M. le président.
La parole est à M. Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous voici aujourd'hui réunis pour examiner un projet de loi portant
habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures
législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit
applicable outre-mer.
Il s'agit du second en deux ans, et nous serons amenés fin novembre à ratifier
les ordonnances prises en vertu de la première loi d'habilitation votée en
1998.
Qu'il me soit permis d'exprimer un léger regret sur l'ordre du jour : en
effet, du fait de l'éloignement géographique des sénateurs concernés par
l'outre-mer, il m'aurait paru souhaitable de regrouper l'examen de ces textes,
comme cela a été fait à l'Assemblée nationale.
Mis à part ce détail, je n'exprimerai pas les mêmes réserves que bon nombre de
parlementaires - je prie M. Hyest de m'en excuser - notamment nos collègues
députés en juin dernier, sur l'utilisation de la procédure des ordonnances : il
me semble en effet que, sur des domaines tels que ceux dont il est question,
notamment pour la transposition outre-mer des règles déjà existantes en
métropole, le recours aux ordonnances ne constitue pas une violation des droits
du Parlement, et nous permet au contraire de soulager un peu un ordre du jour
déjà bien rempli.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Ah, si c'est uniquement pour cela, d'accord !
M. Robert Laufoaulu.
Cette opinion ne vaut néanmoins que sous réserve que les élus de chaque
département ou territoire soient consultés et associés à l'élaboration des
textes les concernant.
Cela vaut tout particulièrement, s'agissant des îles Wallis-et-Futuna, pour la
création de l'agence de santé.
Bien entendu, la création d'un établissement public national à caractère
administratif chargé d'élaborer un programme de santé publique ne peut que nous
réjouir. Une telle initiative, que nous devons saluer, correspond à un réel
besoin à Wallis-et-Futuna. Tous ceux qui connaissent le territoire savent à
quelle impérieuse nécessité répond une telle décision.
Qu'il me soit donc permis, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous rendre un
hommage chaleureux pour ce projet qui vous doit tant, et de vous en remercier
très solennellement.
Néanmoins, la perfection n'étant pas de ce monde, je suis certain que M. le
secrétaire d'Etat ne m'en voudra pas de lui faire part de quelques remarques
sur l'avant-projet d'ordonnance sur l'agence de santé qu'il a bien voulu nous
communiquer, concernant des points qui préoccupent l'ensemble des élus de
Wallis-et-Futuna, et qu'il me semble nécessaire de rappeler ici puisque
l'occasion m'en est donnée.
Tout d'abord, je souhaite attirer votre attention, monsieur le secrétaire
d'Etat, sur le système de tutelle actuellement envisagé. Ce premier point me
semble important et suscite une inquiétude générale, tant la triple tutelle du
secrétariat d'Etat à l'outre-mer, du secrétariat d'Etat à la santé et à
l'action sociale et du secrétariat d'Etat au budget laisse augurer une lourdeur
handicapante pour le bon fonctionnement de cet établissement.
En second lieu, la participation éventuelle du territoire au budget de
l'agence de santé appelle une certaine réserve, car elle paraît contraire à la
loi du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis-et-Futuna le statut de
territoire d'outre-mer, et qui stipule dans son article 7 que « la République
assure l'hygiène et la santé publique ».
Troisièmement, la participation éventuelle des usagers, si elle ne suscite pas
une hostilité de principe de ma part, m'incite à vous demander des assurances
fermes et publiques que seuls les plus nantis pourraient un jour être concernés
par une telle mesure.
En effet, comme vous le savez, l'immense majorité de la population du
territoire de Wallis-et-Futuna ne dispose que de très faibles ressources.
Envisager de la faire payer en ferait renoncer beaucoup à aller se faire
soigner, réduisant ainsi à néant tous les progrès effectués ces dernières
décennies en matière sanitaire et médicale, alors même que vous savez bien,
monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il reste encore tant à faire dans ce domaine.
S'agissant toujours de l'agence de santé, je salue votre volonté affichée
d'agir en faveur des personnes handicapées. Il me paraîtrait cependant
souhaitable que le programme de santé publique intègre dans ses préoccupations
les personnes âgées : en effet, si cela peut aujourd'hui sembler secondaire, au
fil du temps cela risque de revêtir une importance plus grande.
Par ailleurs, afin de préparer au mieux la mise en place de l'agence et, ce
faisant, de ne pas perdre le bénéfice de l'augmentation de la dotation
consentie par l'Etat, il me semble indispensable que les 17,4 millions de
francs prévus, correspondant au premier versement de l'apurement de la dette,
soient inscrits dans la loi de finances rectificative de cette année. Cette
demande est d'autant plus pressante que la CAFAT et le centre hospitalier de
Nouméa attendent légitimement ces remboursements.
Pour terminer sur ce sujet primordial pour le territoire, je souhaite dire un
mot sur la formation des personnels hospitaliers, qui doit être prévue au
budget de l'établissement - c'est indispensable -, qui devra être fortement
majoré à ce effet.
Par conséquent, et à l'identique de la procédure applicable au corps médical,
le plan de formation des personnels non médicaux qui sera élaboré chaque année
devrait être également soumis à la consultation du comité d'établissement.
Enfin, pour ce qui concerne les statuts du personnel du service de santé,
c'est leur diversité qui est à l'origine du malaise social qui y règne
actuellement. Aussi faudra-t-il réfléchir sérieusement à cette question qu'une
convention collective ne réussira pas à trancher définitivement.
Les autres articles du projet de loi d'habilitation appelleront peu de
remarques de ma part.
Je me réjouis tout particulièrement de l'amélioration des conditions générales
de sécurité des travailleurs, et je vous remercie, monsieur le secrétaire
d'Etat, d'avoir accepté les amendements du député Victor Brial, relatifs, d'une
part, à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, mesure qui
devrait rassurer les entreprises installées à Wallis-et-Futuna et, d'autre
part, à l'âge de la scolarité obligatoire.
Tout ce qui a trait à l'éducation et à la formation m'intéressant tout
particulièrement, comme vous le savez, je profite donc de l'occasion que me
donne cette discussion pour vous dire qu'une réflexion sérieuse est
actuellement menée par le vice-rectorat du territoire sur la réforme des
programmes et filières d'enseignement, notamment professionnel, et que j'espère
vivement que le Gouvernement lui réservera un accueil favorable.
Je regrette en revanche que rien n'ait été prévu en matière d'aide au
logement, comme cela existera bientôt à Mayotte en vertu de l'ordonnance n°
98-520 du 24 juin 1998. J'espère que nous pourrons réfléchir ensemble à
l'instauration à Wallis-et-Futuna d'un système d'aide à l'accession à la
propriété au profit des ménages à revenu intermédiaire, comme vous vous y êtes
engagé.
Je terminerai mon intervention sur la question du droit d'asile évoquée à
l'article 4 de ce projet de loi d'habilitation. Cette disposition soulève
quelques inquiétudes, non dans son principe, mais pour les problèmes éventuels
qui pourraient en découler, notamment pour l'application du dispositif des
zones d'attente.
Pour conclure, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, sous les quelques
réserves que je viens d'exprimer, de vous remercier pour les ordonnances en
prévision. C'est avec joie et avec confiance que je voterai donc ce projet de
loi d'habilitation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
souhaite vous faire part de deux interrogations, l'une générale et l'autre plus
particulière. Sur un plan général, nous n'estimons pas que la procédure
d'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance soit satisfaisante.
Cette position de notre part ne date pas d'aujourd'hui : nous estimons que la
représentation nationale, le pouvoir législatif, doit pouvoir contrôler jusqu'à
son terme l'élaboration des normes du domaine de la loi au regard de la
Constitution.
Cette attitude de principe, nous la maintenons, même si nous reconnaissons,
notamment dans le domaine concerné aujoud'hui, la nécessité d'une très grande
souplesse, d'une marge de manoeuvre pour le Gouvernement dans ses discussions
avec les représentants élus des différents départements et territoires.
Au regard du contenu de l'action gouvernementale, nous voterons le projet de
loi, mais cela ne vaut tout de même pas approbation de la méthode.
Ma question particulière concerne le flou des dispositions envisagées à
l'avenir pour l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, l'IEDOM.
Le texte ne fait référence qu'à la seule modification à venir, par ordonnance,
du statut de l'Institut. Nous souhaitons, monsieur le secrétaire d'Etat,
obtenir aujourd'hui ou rapidement quelques précisions supplémentaires. Ma
question, vous l'avez compris, s'inscrit dans le cadre des attentes des 326
salariés de l'IEDOM.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une
nouvelle fois, en vertu de l'article 38 de la Constitution, le Parlement est
sollicité pour habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures
législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit
applicable outre-mer.
Ainsi que l'a observé justement le rapporteur de la commission des lois, notre
excellent collègue, M. Jean-Jacques Hyest, le recours à cette procédure tend à
se banaliser. Nous allons d'ailleurs examiner prochainement quatre projets de
loi de ratification d'ordonnances portant sur le même sujet, prises sur le
fondement de la loi d'habilitation du 6 mars 1998.
Il s'agit, il faut tout de même le reconnaître, d'une procédure qui présente
une certaine gravité car elle emporte dessaisissement volontaire du législateur
au profit de l'exécutif dans de nombreuses matières qui intéressent aussi bien
les départements que les collectivités et territoires d'outre-mer. En
regroupant divers sujets qui mériteraient chacun d'être traité plus à fond,
force est de constater également que la technique de l'habilitation n'est pas
très mobilisatrice.
Cependant, nous avons tous conscience de la complexité qu'entraîne
l'application du droit outre-mer, d'un droit régit, tantôt, pour les
territoires d'outre-mer, par le principe de spécialité législative, tantôt pour
les départements d'outre-mer, par le principe d'assimilation. Quant aux
collectivités
sui generis
, des modalités différentes existent encore.
Cette situation est le résultat des particularités géographiques, économiques
et culturelles qui caractérisent l'outre-mer dans son ensemble.
Des adaptations législatives et réglementaires se révèlent donc nécessaires,
mais elles prennent du temps et finissent par augmenter les retards, surtout si
l'on prend en compte le fait que les recommandations des circulaires de 1988 et
1990 adressées aux administrations centrales ne sont pas toujours suivies.
Ce constat critique ne doit pas cependant nous faire perdre de vue que
l'adaptation du droit de l'outre-mer demeure une priorité car il y va de son
développement et de sa modernisation.
L'outre-mer, dans son ensemble, est en train de connaître de profonds
bouleversements. Nous en avons pris acte pour la Nouvelle-Calédonie. Nous le
ferons bientôt pour la Polynésie française.
En ce qui concerne les départements d'outre-mer, notre collègue Claude Lise et
Michel Tamaya, député de la Réunion, ont remis au Premier ministre un excellent
rapport dans lequel ils expriment une série de propositions qui vont dans le
sens de l'approfondissement de la décentralisation, mais en prenant en compte
le contexte particulier des collectivités locales d'outre-mer. Nous devons
également nous atteler à la modification du statut de Mayotte - n'est-ce pas la
priorité ? - qui joue le rôle de pôle de stabilité dans l'archipel des
Comores.
Le groupe socialiste votera ce projet de loi d'habilitation, car ce texte
permettra de procéder de façon rapide et efficace à l'actualisation très vaste
du droit outre-mer. Cette remise à niveau est en effet indispensable.
Les domaines d'intervention de l'habilitation en témoignent. Avec l'ensemble
de ces dispositions, nous répondons à des obligations financières, nous
veillons à l'extension de droits sociaux et, au final, nous confortons la
sécurité juridique du droit de l'outre-mer.
En ce qui concerne les questions relatives aux agences départementales
d'insertion et à l'Institut d'émission des départements d'outre-mer - deux
questions essentielles de ce projet de loi - elles évoluent correctement et, en
tout état de cause, demeureront au service de l'outre-mer.
D'autres projets d'habilitation seront inévitablement déposés dans l'avenir
car cette procédure se révèle bien adaptée au caractère très technique des
mesures qui doivent être prises.
Quoi qu'il en soit, le Parlement conserve son pouvoir de contrôle, et il
l'exercera au moment de la ratification. Aussi - dois-je le redire ? - le
groupe socialiste approuvera ce projet de loi d'habilitation.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, je ne reviendrai pas sur la
procédure, mais je voudrais apporter quelques précisions aux intervenants qui
m'ont posé des questions.
Tout d'abord, je répondrai à M. Laufoaulu, sénateur de Wallis-et-Futuna, qui
m'a posé six questions sur l'agence de santé.
En ce qui concerne la tutelle, comme le préfet présidera l'établissement
public, il ne pourra plus exercer le pouvoir de tutelle puisqu'il serait en
quelque sorte juge et partie dans ce domaine. La tutelle sera donc exercée au
niveau central, au niveau parisien ; mais je veillerai à ce qu'elle soit le
plus allégée possible et que ce dispositif n'entrave pas le travail conduit par
l'agence.
En ce qui concerne la participation du territoire, elle ne peut être que
facultative et ne peut porter que dans ses domaines de compétences. Or, d'une
façon générale, la santé est de la compétence de l'Etat.
Sur la participation des usagers, je connais bien le niveau de vie à
Wallis-et-Futuna et je pense qu'une participation des usagers ne pourra être
envisagée que lorsque ce territoire connaîtra un véritable développement
économique. En tout état de cause, comme vous le souhaitez, cette participation
sera modulée en fonction des revenus des habitants.
S'agissant des personnes âgées, elles pourront être intégrées dans le
dispositif de l'agence de santé par convention avec le territoire. Je signale à
ce propos que le Gouvernement a prévu, à partir de l'an 2000, de doubler, sur
trois ans, le minimum vieillesse qui est versé aux personnes âgées à
Wallis-et-Futuna.
Pour la formation des personnels hospitaliers, je partage votre souci de la
prévoir au budget de l'agence et je veillerai à ce que les formations
nécessaires à l'emploi soient bien mises en place.
Je vous indique par ailleurs que le statut du personnel sera régi par le droit
du travail applicable à Wallis-et-Futuna et par une convention collective
validée par les ministères de tutelle.
Monsieur le sénateur, vous avez également souhaité que la dette de l'hôpital
de Wallis-et-Futuna à l'égard de l'hôpital Gaston-Bourret à Nouméa - en fait,
il s'agit des évacuations sanitaires - soit inscrite dans la loi de finances.
Conformément aux engagements pris, une première tranche figurera bien dans la
loi de finances rectificative, à hauteur de 17,4 millions de francs. Nous avons
ainsi prévu un plan d'apurement de cette dette.
Enfin, monsieur le sénateur, en ce qui concerne les conditions d'application
du droit d'asile, je dois dire que le Gouvernement souhaite la mise en oeuvre
de ces dispositions tant pour régler un problème d'interprétation des règles
découlant de la Convention de Genève que pour renforcer l'efficacité du
contrôle de l'immigration irrégulière ou clandestine.
Le dispositif qui sera mis en oeuvre par ordonnances - dispositif
réglementaire d'abord, législatif ensuite - permettra de prendre en compte ces
données.
En ce qui concerne Wallis-et-Futuna, le territoire ne connaît pas beaucoup
d'immigration clandestine, vous en conviendrez, puisque je crois savoir que
seulement une cinquantaine d'étrangers y résident ; et je ne pense pas qu'il y
ait de nombreux immigrants clandestins en dehors de ces cinquante personnes.
Je voudrais également apporter des précisions à MM. Hyest et Duffour
concernant le statut de l'IEDOM.
Comme vous l'avez indiqué, messieurs les sénateurs, cette révision est rendue
nécessaire sur le plan européen, puisque chaque Etat ne peut plus avoir qu'une
banque centrale. Par conséquent, cette activité ne peut plus être exercée dans
le cadre d'un établissement de crédit comme l'Agence française de
développement, dont dépend aujourd'hui l'IEDOM.
Pour ce qui est du changement de statut, deux termes de l'alternative ont été
examinées, dont, en premier lieu, l'idée d'une société anonyme, filiale de la
Banque de France ; or cette hypothèse n'a pas été retenue, et ce à la demande
des syndicats.
Reste maintenant la possibilité soit d'intégrer l'IEDOM à la Banque de France
- ses agences devenant des succursales de la Banque de France, ce qui est
souhaité par certains syndicats. Il faut rappeler que la Banque de France a son
statut propre, qui peut être attractif ; cela étant, je crains que
l'intégration dans cette structure ne pose des problèmes à un personnel de
l'IEDOM qui est évidemment régi par une multiplicité de statuts. Cette solution
ne me paraît pas, aujourd'hui, pouvoir être retenue.
Il est envisageable de ce fait que l'établissement public du type IEDOM soit
maintenu, afin de tenir compte de la spécificité économique des départements
d'outre-mer et des marchés qu'ils ont à traiter, notamment des missions
d'études que l'IEDOM réalise chaque année.
Ses travaux sont importants, tant en volume que sur le fond. La commission des
lois en est destinataire comme moi-même et nous savons qu'ils sont une source
de renseignements considérable sur l'activité économique des départements
d'outre-mer. Je dois dire qu'à ce jour c'est la solution de cet établissement
public, placé sous le contrôle de la Banque de France, qui a la préférence du
Gouvernement.
Si nous allons vers plus de responsabilité pour les départements d'outre-mer,
il me semble que, sur le plan bancaire, sur le plan des marchés financiers,
c'est la formule de l'établissement public lié à la Banque de France qui paraît
la plus appropriée.
En toute hypothèse, je peux vous assurer que nos préoccupations visent au
maintien d'un service public de qualité pour le développement économique des
départements d'outre-mer et pour la sauvegarde des intérêts réels des
agents.
Il y aura donc, évidemment, consultation des organisations professionnelles -
cela existe depuis près d'un an déjà - mais aussi des collectivités concernées,
puisque, je dois le dire, les projets d'ordonnance sont transmis à chaque
département, à chaque collectivité concernés, pour délibération, et ce avant la
publication des ordonnances.
Cette procédure de consultation est indispensable et vous serez bien
évidemment saisis, messieurs les sénateurs des départements d'outre-mer, des
textes prévoyant l'évolution de cette institution.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. _ Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution,
le Gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnances, les mesures
nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer
dans les domaines suivants :
« 1° Statut des agences d'insertion dans les départements d'outre-mer ;
« 2° Statut et missions de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer
;
« 3° Contribution de l'Etat aux ressources des communes de la Polynésie
française ;
« 4° Dispositions relatives au droit d'asile et à l'entrée et au séjour des
étrangers en Polynésie française, aux îles Wallis et Futuna, dans les Terres
australes et antarctiques françaises et à Mayotte ;
« 5° Etat des personnes et régime de l'état civil à Mayotte ;
« 6° En matière de santé, conditions d'exercice des professions de médecin, de
chirurgien-dentiste et de sage-femme dans les départements d'outre-mer, à
Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, aux îles Wallis et Futuna et dans les
Terres australes et antarctiques françaises ; organisation et fonctionnement
d'une agence de santé aux îles Wallis et Futuna ; lutte contre les maladies
mentales à Mayotte ; financement de l'établissement public de santé territorial
de Mayotte ;
« 7° Juridictions ordinales des médecins, des chirurgiens-dentistes, des
sages-femmes et des pharmaciens de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie
française ;
« 8° Droit du travail, notamment en ce qui concerne les dispositions relatives
à la médecine du travail ;
« 9° Dispositions relatives à la durée de la scolarité obligatoire aux îles
Wallis et Futuna ;
« 10° Dispositions relatives à l'indemnisation des victimes des catastrophes
naturelles aux îles Wallis et Futuna ;
« 11° Adaptation pour les départements d'outre-mer de la législation relative
aux transports intérieurs ;
« 12° Droit électoral. »
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles 2 à 4
M. le président.
« Art. 2. _ Les projets d'ordonnance prévus à l'article 1er intéressant
respectivement les territoires d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie, les
collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon ou les
départements d'outre-mer sont, selon les cas, soumis pour avis :
« _ aux assemblées des territoires d'outre-mer dans les conditions prévues à
l'article 74 de la Constitution,
« _ au congrès de la Nouvelle-Calédonie dans les conditions prévues à
l'article 90 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la
Nouvelle-Calédonie,
« _ aux conseils généraux des collectivités territoriales de Mayotte et de
Saint-Pierre-et-Miquelon, aux conseils généraux et régionaux de Guadeloupe, de
Guyane, de Martinique et de la Réunion ; ces avis sont émis dans le délai d'un
mois ; ce délai expiré, ils sont réputés avoir été donnés. » -
(Adopté.)
« Art. 3. _ Les ordonnances prévues à l'article 1er devront être prises au
plus tard le dernier jour du sixième mois commençant après la promulgation de
la présente loi.
« Des projets de loi de ratification devront être déposés devant le Parlement
au plus tard le dernier jour du neuvième mois commençant après la promulgation
de la présente loi. » -
(Adopté.)
« Art. 4. _ A l'article 2 de la loi n° 99-243 du 29 mars 1999 relative aux
enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile,
les mots : " applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la
collectivité territoriale de Mayotte " sont remplacés par les mots : "
applicable en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et dans la
collectivité territoriale de Mayotte ". » -
(Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Lise, pour explication de vote.
M. Claude Lise.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
ne reprendrai pas tous les arguments qui ont été évoqués à l'appui du projet de
loi d'habilitation que nous examinons. Ils justifient amplement la nécessité,
pour le Gouvernement, de légiférer par ordonnances dans différents domaines où,
manifestement, il y a urgence à apporter un certain nombre de solutions à des
situations très particulières.
Vous me permettrez cependant d'insister plus précisément sur les ordonnances
destinées aux départements d'outre-mer, mon collègue de Wallis-et-Futuna ayant
déjà dit ce qu'il fallait sur les territoires d'outre-mer.
On pourrait s'interroger sur l'intérêt de ces ordonnances, dans la mesure où
est actuellement en préparation un projet de loi d'orientation pour les
départements d'outre-mer visant, notamment, dans le cadre d'une avancée de la
décentralisation, à adapter un certain nombre de dispositifs législatifs à la
situation particulière de ces départements.
Nous savons en réalité que ce projet de loi a peu de chances de pouvoir être
débattu au Parlement avant la fin du premier semestre 2000.
Or, dans certains cas, il y a vraiment urgence à répondre à des situations
spécifiques particulièrement difficiles.
Je voudrais tout spécialement insister sur trois d'entre elles.
Il s'agit, premièrement, de l'adaptation du statut des agences d'insertion,
les ADI.
Le statut de ces agences a été modifié par l'adoption, ici même, d'un
amendement que j'ai présenté dans le cadre de la loi relative à la lutte contre
les exclusions.
Les agences sont devenues des établissements publics locaux à caractère
administratif, ce qui devrait leur conférer un fonctionnement beaucoup plus
souple, leur permettre de mieux prendre en compte les spécificités locales en
matière d'insertion et, par conséquent, les rendre beaucoup plus efficaces.
Malheureusement, le décret d'application prévu n'a pu jusqu'ici voir le jour.
Il est en effet apparu nécessaire d'y inclure des précisions qui dépasseraient
le cadre d'un décret. C'est ainsi, notamment, que l'on s'est rendu compte que
le préfet ne pouvait à la fois coprésider ces agences et assurer son rôle de
commissaire du Gouvernement.
Il est apparu également indispensable de préciser le statut des personnels de
ces agences, dont on comprend les inquiétudes et les revendications à cet
égard.
Nous nous trouvons donc dans la situation suivante : depuis plus d'un an, les
ADI fonctionnent sans cadre légal, avec toutes les conséquences que vous
devinez aisément, notamment s'agissant du vote de leur budget.
Leur efficacité s'en trouve singulièrement réduite. Les fonds de roulement
gonflent démesurément au détriment des actions à engager au profit des
allocataires du RMI.
Le deuxième domaine sur lequel je souhaite insister concerne la réforme de
l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, organisme qui doit - M. le
secrétaire d'Etat vient de le dire - s'adapter aux règles du système européen
des banques centrales.
Il s'agit, là aussi, de préciser le futur statut du personnel, dont les
représentants syndicaux sont en négociation depuis plusieurs mois avec le
Gouvernement. Nous avons bien pris note de vos propos, monsieur le secrétaire
d'Etat, et je pense que ces personnels, qui sont à l'heure actuelle très
inquiets, seront déjà en partie rassurés.
Le troisième domaine, celui des transports intérieurs, me paraît encore plus
important, notamment pour les deux départements des Antilles.
L'organisation d'un système moderne de transport public y est en effet rendue
particulièrement difficile en l'état actuel de la législation. C'est tout
particulièrement le cas en matière de transport interurbain, à cause du nombre
élevé de transporteurs individuels - près de 900 en Martinique, et 700 en
Guadeloupe - qui rend extrêmement difficile l'application de la loi Sapin.
Ainsi, en Martinique, depuis septembre 1996, et après un essai d'application
de ladite loi, le conseil général n'a plus aucune base légale lui permettant
d'exercer sa compétence d'autorité organisatrice.
Il s'agit donc d'une situation des plus préoccupantes, qui entraîne d'ailleurs
des mouvements sociaux à répétition et assez graves, et qui appelle donc une
solution d'urgence.
Compte tenu de tous ces éléments, ainsi que de ceux qui ont été développés par
différents intervenants, notamment par notre excellent collègue Guy Allouche,
le groupe socialiste et apparentés votera pour le projet de loi d'habilitation
qui nous est présenté.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
10
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 11 octobre 1999, l'informant de l'adoption définitive des trois
textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
N° E 1211. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant organisation
commune des marchés dans le secteur du sucre (adopté définitivement par les
instances communautaires par décision du Conseil du 13 septembre 1999).
N° E 1272. - Proposition de décision du Conseil concernant l'application
provisoire de l'accord entre la Communauté européenne et le Royaume du Népal
sur le commerce de produits de textiles (adopté définitivement par les
instances communautaires par décision du Conseil du 13 septembre 1999).
N° E 1281. - Proposition de décision du Conseil approuvant le texte d'une 10e
convention CE-UNRWA couvrant les années 1999-2001 préalablement à la signature
de la convention par la Commission et l'Office de secours et de travaux des
Nations unies pour les réfugiés de Palestine (adopté définitivement par les
instances communautaires par décision du Conseil du 27 septembre 1999).
11
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil instituant un
code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1311 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement (CE) du Conseil établissant certaines mesures de
contrôle applicables dans la zone de la convention sur la future coopération
multilatérale dans la pêche de l'Atlantique du Nord-Est.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1312 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil prorogeant
la validité du règlement (CE) n° 443/97 relatif aux actions dans le domaine de
l'aide aux populations déracinées dans les pays en développement d'Amérique
latine et d'Asie.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1313 et dis-tribué.
12
DÉPÔT D'UN AVIS
M. le président.
J'ai reçu de M. Philippe Marini un avis présenté au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la
proposition de loi de MM. Charles Descours, Louis Althapé, Pierre André, Roger
Besse, Paul Blanc, Gérard Braun, Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis de
Broissia, Jean Bernard, Robert Calmejane, Auguste Cazalet, Gérard César, Désiré
Debavelaere, Jacques-Richard Delong, Robert Del Picchia, Michel Doublet, Alain
Dufaut, Daniel Eckenspieller, Michel Esneu, Bernard Fournier, Patrice Gélard,
Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Giraud, Daniel Goulet,
Alain Gournac, Georges Gruillot, Emmanuel Hamel, Hubert Haenel, Jean-Paul
Hugot, Roger Husson, André Jourdain, Lucien Lanier, Patrick Lassourd, Robert
Laufoaulu, Dominique Leclerc, Jean-François Le Grand, Paul Masson, Jean-Luc
Miraux, Bernard Murat, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Paul d'Ornano, Joseph
Ostermann, Jacques Oudin, Victor Reux, Henri de Richemont, Michel Rufin, Louis
Souvet, René Trégouët, Alain Vasselle et Jacques Valade visant à améliorer la
protection sociale des salariés et créant des fonds de retraite (n° 187,
1998-1999) et la proposition de loi de M. Jean Arthuis et des membres du groupe
de l'Union centriste visant à instituer des plans d'épargne retraite (n° 218,
1998-1999).
L'avis sera imprimé sous le n° 10 et distribué.
13
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 13 octobre 1999, à quinze heures et le soir :
1. Désignation des membres de la délégation parlementaire à l'aménagement et
au développement durable du territoire.
2. Désignation des membres de la délégation parlementaire aux droits des
femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
3. Nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et
d'apurer les comptes du Sénat.
4. Discussion du projet de loi (n° 438, 1998-1999) portant habilitation du
Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative
de certains codes.
Rapport (n° 4, 1999-2000) de M. Patrice Gélard au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
5. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 391, 1998-1999),
modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux droits des citoyens dans leurs
relations avec les administrations.
Rapport (n° 1, 1999-2000) de M. Jean-Paul Amoudry au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
6. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 477, 1998-1999),
modifié par l'Assemblée nationale, portant organisation de la réserve militaire
et du service de défense.
Rapport (n° 498, 1998-1999) de M. Serge Vinçon au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
7. Discussion du projet de loi (n° 293, 1998-1999) relatif aux volontariats
civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national.
Rapport (n° 5, 1999-2000) de M. Robert Del Picchia au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
DÉLAIS LIMITES
POUR LES INSCRIPTIONS DE PAROLE
ET POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS
Conclusions (n° 8, 1999-2000) de la commission des affaires sociales sur :
- la proposition de loi visant à améliorer la protection sociale des salariés
et créant des fonds de retraite (n° 187, 1998-1999) ;
- et la proposition de loi visant à instituer des plans d'épargne retraite (n°
218, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mercredi 13 octobre 1999, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 13 octobre 1999, à
dix-sept heures.
Projet de loi organique, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale
en deuxième lecture, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et
des fonctions et à leurs conditions d'exercice (n° 255, 1998-1999) ;
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des
fonctions et à leurs conditions d'exercice (n° 256, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale
commune : lundi 18 octobre 1999, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux projets de loi : lundi
18 octobre 1999, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'action publique
en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale (n° 470, 1998-1999)
:
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 19 octobre 1999, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 19 octobre 1999, à onze
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATIONS DE MEMBRE
DE COMMISSIONS PERMANENTES
Dans sa séance du mardi 12 octobre 1999, le Sénat a nommé :
M. Charles de Cuttoli, membre de la commission des affaires économiques et du
Plan, en remplacement de M. Bernard Murat, démissionnaire ;
M. Bernard Murat, membre de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel et d'administration générale, en
remplacement de M. Charles de Cuttoli, démissionnaire.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 12 octobre 1999
SCRUTIN (n° 6)
sur l'article 1er du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée
nationale, relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie
(définition du corps électoral pour les élections aux assemblées de province et
au congrès de la Nouvelle-Calédonie).
Nombre de votants : | 314 |
Nombre de suffrages exprimés : | 313 |
Pour : | 306 |
Contre : | 7 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (98) :
Pour :
84.
Contre :
7. - MM. Dominique Braye, Emmanuel Hamel, Edmond Lauret, Simon
Loueckhote, Paul Masson, Paul d'Ornano et Charles Pasqua.
Abstention :
1. - M. Jean Chérioux.
N'ont pas pris part au vote :
6. - MM. Christian Poncelet, président du
Sénat, Jacques Valade, qui présidait la séance. MM. Charles de Cuttoli, Adrien
Gouteyron, Gérard Larcher et Joseph Ostermann.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Pour :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
47.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
Pour :
6.
Ont voté pour
François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Marcel-Pierre Cléach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber
Ont voté contre
MM. Dominique Braye, Emmanuel Hamel, Edmond Lauret, Simon Loueckhote, Paul
Masson, Paul d'Ornano et Charles Pasqua.
Abstention
M. Jean Chérioux.
N'ont pas pris part au vote
MM. Charles de Cuttoli, Adrien Gouteyron, Gérard Larcher et Joseph
Ostermann.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 315 |
Nombre de suffrages exprimés : | 314 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 158 |
Pour l'adoption : | 307 |
Contre : | 7 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 7)
sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée
nationale, relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie.
Nombre de votants : | 314 |
Nombre de suffrages exprimés : | 312 |
Pour : | 309 |
Contre : | 3 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (98) :
Pour :
87.
Contre :
3. _ MM. Emmanuel Hamel, Edmond Lauret et Paul Masson.
Abstentions :
2. _ MM. Jean Chérioux et Simon Loueckhote.
N'ont pas pris part au vote :
6. _ MM. Christian Poncelet, président du
Sénat, Jacques Valade, qui présidait la séance. MM. Charles de Cuttoli,
Philippe de Gaulle, Paul d'Ornano et Charles Pasqua.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Pour :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
47.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
Pour :
6.
Ont voté pour
François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Marcel-Pierre Cléach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber
Ont voté contre
MM. Emmanuel Hamel, Edmond Lauret et Paul Masson.
Abstentions
MM. Jean Chérioux et Simon Loueckhote.
N'ont pas pris part au vote
MM. Charles de Cuttoli, Philippe de Gaulle, Paul d'Ornano et Charles
Pasqua.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 315 |
Nombre de suffrages exprimés : | 313 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 157 |
Pour l'adoption : | 310 |
Contre : | 3 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.