Séance du 7 octobre 1999
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Valade pour explication de vote.
M. Jacques Valade. Nous voilà parvenus au terme de la discussion de ce projet de loi si important et, à cette occasion, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de revenir sur ce que je disais dans mon propos liminaire.
J'avais regretté que ce projet de loi vienne au Sénat bien tard - mais les retards ne se rattrapent pas, et nous connaissons les raisons de celui que nous avons subi - et je m'étais permis, par ailleurs, de formuler un jugement de valeur sur le projet de loi qui nous venait de l'Assemblée nationale, en le trouvant trop timide.
Heureusement, nous avons pu, au Sénat, dans un climat plus serein que celui qui a présidé aux débats de l'Assemblée nationale, rectifier le tir, et je voudrais, au nom de mon groupe, insister sur certains points qui nous paraissent essentiels.
Tout d'abord - et je ne voudrais pas qu'il y ait ici ou là de procès d'intention à cet égard - nous sommes favorables au maintien du service public et nous avons exprimé à plusieurs reprises notre solidarité en direction des plus défavorisés.
L'esprit même de cette nouvelle directive, c'est l'organisation de la concurrence grâce à la mise en place de deux structures, le Gestionnaire du réseau de transport et la Commission de régulation de l'électricité.
Naturellement, tout le monde n'est pas satisfait de ce que nous avons fait ni des directions que nous avons prises. Certains souhaitaient rester immobiles et ont défendu, une fois encore, le monopole d'EDF tel que nous le connaissons. Nous devons cependant évoluer ! D'autres voulaient aller très vite, pour ne pas dire trop vite. Je crois que, en définitive, nous avons trouvé une position moyenne.
Cette position moyenne, nous y tenons beaucoup, notamment en ce qui concerne le GRT, qui ne doit pas provoquer une rupture trop brutale par rapport à la situation actuelle.
Par ailleurs, M. le secrétaire d'Etat a bien voulu prendre l'engagement de déposer un projet de loi dans un délai que nous avons évoqué les uns et les autres et qui tiendra compte de la concertation nécessaire.
Ainsi organisée, cette concurrence devrait assurer, ce qui est fondamental à nos yeux, la présence de la France non seulement sur le marché intérieur, mais aussi sur le marché européen et même sur le marché mondial. Nous avons en effet, dans le domaine de l'électricité, une compétence et une renommée qui se traduisent par des succès incontestables à l'extérieur de nos frontières : nos entreprises, au premier rang desquelles se trouve et doit demeurer Electricité de France, sont connues et appréciées dans le monde entier.
Mais il est clair que nous ne pouvons pas négliger les attaques dont nous sommes l'objet. Ce matin, la presse ne titrait-elle pas : « EDF perd un premier grand client industriel au profit d'une firme allemande », « Les compagnies allemandes partent en guerre contre EDF » ?
Par conséquent, il n'était que temps de prendre les mesures nécessaires, afin d'essayer non pas de rattraper le retard, mais de nous mettre en situation d'affronter cette concurrence.
Tout au long de l'examen de ce projet de loi, les sénateurs du groupe du RPR ont adopté une attitude de responsabilité et de proposition. Ils ont joué leur rôle d'opposants - même s'ils sont majoritaires au Sénat - avec, comme seule préoccupation, j'y insiste, l'intérêt des usagers, de nos collectivités, de nos entreprises et de notre pays.
Il nous fallait respecter les règles européennes, et nous les avons respectées. Nous avons fait oeuvre utile, me semble-t-il, en amendant le texte que nous a transmis l'Assemblée nationale, car il ne nous donnait pas satisfaction.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Ce texte, qui nous a une nouvelle fois donné l'occasion de constater les talents admirables de M. le secrétaire d'Etat, transpose dans le droit français les oukases de la directive européenne du 19 décembre 1996, laquelle contraint la France à une mutation funeste de sa politique énergétique.
Ayant voté contre les traités de Maastricht et d'Amsterdam, je persiste, fidèle à l'idée que j'ai de la France, à refuser que certains des choix fondamentaux de notre pays lui soient imposés sous la pression des institutions de Bruxelles, surtout lorsque ces choix risquent, à terme, de se révéler funestes pour l'intérêt public.
C'est la raison pour laquelle je voterai contre ce texte, dont la discussion a été, je le répète en terminant, une nouvelle occasion pour nous, monsieur le secrétaire d'Etat, de constater votre talent. Mais nous pouvons constater un talent et diverger sur les conclusions !
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après l'examen de près de 450 amendements, le présent projet de loi ressort du Sénat avec un peu plus de consistance, davantage de précisions et la garantie relative de la prise en compte des intérêts des différents opérateurs du futur marché de l'électricité.
A cet égard, je rends hommage au travail particulièrement utile effectué par la commission des affaires économiques dès 1997-1998, qui a élaboré un rapport sur la politique énergétique, et notamment à MM. Valade et Revol.
Certes, un certain nombre de mes collègues de la majorité sénatoriale auront regretté que nous n'ayons pas pu aller plus loin dans la transcription de la directive, comme le préconisait ce rapport. Je pense, en particulier, au statut du gestionnaire du réseau de transport : en reportant la filialisation, nous avons renoncé à donner une orientation politique forte à cette réforme. Le consensus était-il à ce prix ? L'histoire et les événements futurs le diront.
Cependant, nous serons de nouveau mis devant nos responsabilités d'ici à quelques mois, lorsqu'une nouvelle directive devra être transposée dans le secteur de l'électricité et du gaz, même si, s'agissant du gaz, nous n'aurons pas de débat sur les provisions nécessaires aux retraites.
En conformité avec son engagement européen, le groupe de l'Union centriste a souhaité, à l'occasion de ce débat, se placer dans la perspective des bouleversements qui ne manqueront pas de se produire dans le marché européen de l'énergie.
A l'instar de ce qui se passe chez nos partenaires et dans notre propre pays dans le domaine des télécommunications, une mise en concurrence, encadrée mais réelle, est inexorable, tout en étant compatible avec un service public de qualité.
Nos interventions n'ont pas eu pour objet de remettre en cause cet indispensable équilibre. Elles auront contribué à donner un caractère plus novateur et visionnaire au projet de loi. A cet égard, je rends hommage à M. le rapporteur qui a bien voulu prêter une oreille attentive à nos suggestions.
Enfin, nous sommes satisfaits de la prise en compte des préoccupations des collectivités locales et de leurs régies. A ce sujet, nous nous réjouissons de la compréhension témoignée par M. le secrétaire d'Etat et par M. le rapporteur qui a permis l'adoption d'un grand nombre des amendements de mon collègue André Bohl auxquels je me suis associé.
Compte tenu des avancées obtenues lors de cette discussion, mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même, voterons ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Je veux d'abord saluer le travail de notre commission et de notre rapporteur, auquel revenait une lourde tâche.
Même si nous sommes loin de partager nombre de ses vues, je tiens à remercier M. Valade de son attitude responsable.
De ce débat ressortent des points positifs. C'est ainsi que nous devons à M. le rapporteur de très nombreuses améliorations rédactionnelles. Par ailleurs, la Haute Assemblée a tenu à maintenir la durée de trois ans pour les contrats avec les clients éligibles dans le strict respect du droit général des contrats.
M. Emmanuel Hamel. Cela passe vite, trois ans !
M. Jacques Bellanger. Je n'aurai garde d'oublier la taxation des autoproducteurs, ni le ralliement du Sénat à la proposition équilibrée du Gouvernement qui, dans un premier temps, souhaitait exonérer, radicalement, les autoproducteurs du financement du fonds du service public. Le critère ainsi retenu n'est plus la puissance de l'installation, mais la quantité d'électricité produite. De la sorte, seules les entreprises très grosses consommatrices d'énergie seront taxées et le financement des missions de service public sera assuré selon le principe de solidarité.
Une autre amélioration réside dans l'instauration d'un tarif « produit de première nécessité ». Cette tranche sociale, qui vise à rendre effectif le droit à l'électricité, a été précisée en vue de concentrer les moyens sur les populations qui en ont le plus besoin et d'éviter ainsi tout risque de saupoudrage.
Les amendements déposés par les sénateurs de notre groupe, qui visaient essentiellement à conforter le rôle des collectivités locales en tant qu'autorités concédantes du réseau de distribution, ont été dans leur grande majorité adoptés.
Repoussé dans un premier temps, notre amendement visant à permettre la mutualisation des charges liées à la présence du service public de l'électricité dans les zones urbaines en difficulté et les territoires ruraux de développement prioritaire, a été fort heureusement adopté grâce à une seconde délibération demandée par M. le secrétaire d'Etat.
Mais ce projet de loi contient aussi des dispositions beaucoup plus critiquables.
Premièrement, je citerai l'élargissement du négoce de l'électricité aux fournisseurs.
Deuxièmement, s'agissant du statut du GRT, il s'en est fallu de peu pour que la filialisation du GRT proposée par le groupe centriste - prémisse d'un démantèlement d'EDF - soit adopté, alors que notre rapporteur avait excellemment démontré son inefficacité. Le Sénat s'en est finalement tenu à inscrire dans la loi un éventuel réexamen de son statut après qu'aura été établi un bilan dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi. Cette disposition ne nous satisfait pas.
Troisièmement, j'évoquerai les compétences de la CRE. A l'origine, le projet de loi opérait une répartition des compétences équilibrée entre le ministre de l'énergie, le Parlement et la CRE conforme aux exigences de la politique énergétique qui doit répondre à des impératifs aussi variés que la sécurité d'approvisionnement, l'indépendance nationale, la protection de l'environnement, l'aménagement du territoire et la cohésion sociale. Cette répartition était claire : au ministre la définition des conditions de mise en oeuvre de la politique énergétique au moyen de la PPI, sous le contrôle et en fonction des orientations fixés par le Parlement, à la CRE la régulation du réseau et des droits d'accès. Or, le Sénat a étendu les compétences de la CRE à des domaines qui relèvent de l'exécutif.
Quatrièmement, je terminerai par la mise en cause dans cet hémicycle des statuts du personnel, même si les amendements allant en ce sens ont été retirés.
Ce bilan nous conduit à émettre un vote défavorable à l'égard du texte issu des délibérations de notre assemblée, tout en souhaitant, pour l'avenir du service public de l'électricité dans notre pays, pour l'avenir de l'entreprise EDF et de ses salariés, l'adoption très rapide des dispositions mettant en oeuvre la directive européenne concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai insisté, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, sur le sens de notre approche globale du projet de loi.
Le texte, issu des travaux de l'Assemblée nationale, comporte des points d'appui que nous apprécions, tout en ayant bien conscience de leur fragilité face à l'offensive libérale des groupes privés et de la Commission de Bruxelles.
A l'évidence, la rédaction de l'Assemblée nationale, qui constituait pour nous un « minimum » au sujet duquel il n'est pas possible de déroger, a été dénaturée par la majorité sénatoriale.
A certains égards même, le projet de loi a été remanié dans un sens plus libéral que la directive elle-même.
Les conditions de la concurrence ont été assouplies, ouvrant un espace dégagé en faveur d'une « marchandisation » de l'électricité et de la banalisation d'un bien pourtant considéré par les uns et par les autres comme étant de « première nécessité » et, donc, essentiel à la vie quotidienne des usagers-citoyens.
Les règles de la concurrence ont été intégrées parmi les principes du service public de l'électricité au côté des principes d'égalité, de continuité et de péréquation tarifaire.
La « tranche sociale » sera désormais réservée aux seuls plus démunis, réduisant ce dispositif à un simple complément des dispositions « anti-coupure ». La tarification au coût de revient pour les clients non éligibles a été supprimée.
Le cadre, plus contraignant à l'origine, de la programmation pluriannuelle des investissements de production a été assoupli et, pour tout dire, à notre avis vidé de son contenu.
L'idée d'une filialisation du GRT n'a pas été rejetée après un rendez-vous à l'échéance d'un an après la promulgation de ce texte.
Les prérogatives des autorités concédantes ont été accrues, au risque de remettre en cause la péréquation géographique et l'égalité entre les usagers.
Le seuil d'éligibilité limité aux exigences minimales de la directive a été rejeté, favorisant d'éventuels ajustements par la voie réglementaire.
La majorité sénatoriale s'est attachée à rétablir le trading , permettant ainsi les phénomènes spéculatifs sur le cours de l'électricité.
En outre, les pouvoirs de la CRE ont été renforcés, au point de réduire le ministre chargé de l'énergie à un simple rôle d'exécutant des propositions formulées par l'autorité de régulation. Comment parler, dès lors, de politique énergétique nationale, si le Gouvernement est lié, par ailleurs, aux injonctions de la CRE ?
Les contrats en cours entre EDF et les clients éligibles seront résiliés de plein droit, autorisant ainsi les gros consommateurs à pratiquer le « nomadisme commercial ».
La possibilité accordée à EDF de dénoncer ses contrats en cours passés par les producteurs privés a été supprimée.
Cette liste n'est pas exhaustive. N'oublions pas les tentatives de mise en cause du statut du personnel et de la retraite qui, pour avoir été repoussées, n'en ont pas moins été clairement formulées. Tout cela revient, à notre sens, sur les avancées de l'Assemblée nationale, auxquelles les députés communistes ont pris une grande part.
Les équilibres fragiles ont été renversés. Les améliorations ténues et limitées que nous soutenions ont été remises en cause par la majorité de nos collègues.
Nous souhaitons donc que les députés puissent, en nouvelle lecture, se saisir une nouvelle fois de ce projet de loi, afin de le rétablir dans sa version première et d'y intégrer les amendements de notre groupe que le Gouvernement a accueillis positivement.
Pour conclure, vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre le texte qui est ainsi amendé.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous arrivons au terme de notre première et unique discussion puisque le Gouvernement a déclaré l'urgence - ce que nous ne pouvons que regretter - sur un projet de loi aussi important, transposant la directive au marché de l'électricité.
Cependant, malgré la rapidité imposée à nos débats, nous nous sommes livrés à une étude approfondie de ce texte. A cette occasion, je tiens à remercier très sincèrement notre rapporteur qui, avec une grande maîtrise, a su donner une perspective claire, concrète et juste à un texte éminemment technique et complexe.
Il me semble donc que nos travaux nous ont ainsi permis d'aboutir à un véritable équilibre permettant à la fois de libéraliser le marché de l'électricité et de préserver le rôle des collectivités territoriales en ce domaine.
Je souhaiterais, en particulier, souligner quelques points positifs : le maintien de la solidarité territoriale à travers le FACE à l'article 2 ; la suppression de la taxation des auto-producteurs, l'amélioration des conditions d'élaboration de la programmation pluriannuelle des investissements, le renforcement du rôle et de l'indépendance de la commission de régulation de l'électricité, une plus grande autonomie du gestionnaire du réseau de transport, le rétablissement du négoce, la reconnaissance du rôle exercé par les autorités concédantes, gage d'un aménagement du territoire réaliste et équilibré.
Pour toutes ces raisons, le groupe des Républicains et Indépendants votera ce texte en souhaitant qu'il soit une base réelle pour une concurrence plus large, bien préparée, seule condition pour garantir l'avenir de l'ensemble du secteur de l'électricité. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. Henri Revol, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Au terme de nos débats, je me réjouis que le Sénat ait ainsi modifié le texte qui nous a été transmis par l'Assemblée nationale dans le sens d'une véritable libéralisation du marché de l'électricité.
Le Sénat a fait preuve d'un grand pragmatisme en prenant en considération deux préoccupations majeures.
La première est que l'ouverture du marché de l'électricité en France devienne une réalité dans les plus brefs délais afin de permettre à notre industrie, qui nous en supplie, de ne pas voir sa compétitivité obérée par rapport à ses concurrents européens en raison de la non-transposition dans le droit français de cette directive, la France étant montrée du doigt à l'heure actuelle.
La deuxième préoccupation est qu'Electricité de France, notre grande compagnie électrique nationale, ne soit pas pénalisée sur les marchés européens en raison de la clause de réciprocité qui lui attire en ce moment même, et cela a été signalé tout à l'heure par M. Valade, un certain nombre de désagréments.
En fait, c'est bien le seul souci de l'intérêt national qui nous a animés. J'exprime le souhait que nos propositions puissent être rapidement concrétisées après accord avec nos collègues de l'Assemblée nationale.
Je voudrais remercier très sincèrement tous mes collègues de l'indulgence dont ils ont fait preuve à mon égard. Si cette tâche a effectivement été particulièrement ardue pour moi j'ai été très soutenu. Je pense à cet instant à M. le président de la commission, M. Jean François-Poncet. Je dois beaucoup à M. Valade avec lequel j'avais eu l'honneur, l'année dernière, de travailler sur le rapport de la commission d'enquête qui a largement inspiré nos propositions, nos avis, puis nos décisions.
Je remercie, bien entendu, les collègues de mon groupe, particulièrement M. Poniatowski, qui porte une attention d'autant plus soutenue aux problèmes de l'énergie qu'il a été à l'Assemblée nationale des années durant président du groupe d'étude de l'énergie. Je remercie encore Mme Bardou, qui a défendu avec vigueur les collectivités locales, ainsi que MM. Bohl et Hérisson dont j'ai apprécié l'esprit d'à-propos.
Je veux féliciter également les services du Sénat, en particulier la commission. Nos collaborateurs ont beaucoup travaillé et depuis très longtemps pour nous permettre de présenter à l'ensemble du Sénat un texte difficile à tous égards parce qu'il comporte beaucoup de dispositions techniques. Nous sommes avant tout des politiques et il nous a donc fallu toujours allier les décisions politiques aux nécessaires fondements techniques.
Je me réjouis enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, du dialogue toujours courtois et assez souvent constructif que nous avons pu ensemble nouer tout au long de ce débat. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis sept mois - certains ont pu ici même regretter ce temps passé - le Gouvernement, mon cabinet, les services, en particulier mes collaborateurs de la DIGEC, que je tiens à saluer et à remercier...
M. Emmanuel Hamel. Juste hommage !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... ont travaillé avec le Sénat et sa commission des affaires économiques, avec son rapporteur, M. Revol, et son président, Jean François-Poncet, le président du groupe Energie, M. Valade, et les orateurs des différents groupes. Tous ont contribué à enrichir et à apporter leurs expertises, souvent remarquables dans ce débat. Je ne puis citer tous ceux qui ont contribué à faire de ce débat un bon débat, de bonne qualité.
Le fait de donner du temps au temps, comme l'un d'entre vous l'a évoqué dans la nuit d'hier, a été positif et, effectivement, monsieur le rapporteur, le climat de travail a été, comme toujours au Sénat, excellent.
La discussion courtoise a toujours porté, même lorsqu'elle dégageait des oppositions résolues à des thèses différentes, sur des points forts du projet de loi avec beaucoup d'expertise, de savoir et de volonté d'avancer.
L'attitude du Gouvernement a été caractérisée par l'écoute, l'explication et le souci politique fondamental de maintenir l'équilibre du texte initial, grandement amélioré par l'Assemblée nationale par rapport au projet du Gouvernement, et ce en particulier, grâce à l'ardeur experte du rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Bataille, et à l'action de tous les groupes de la majorité plurielle, dans le sens d'une attention prioritaire et encore plus soutenue aux questions sociales dans cette transposition d'une directive européenne, plus précisément dans le sens d'une attention rigoureuse et forte aux plus défavorisés d'entre nos concitoyens.
Le Gouvernement a toujours été favorable à certaines améliorations techniques, quels que soient les groupes qui les formulaient, quand ces propositions de modification maintenaient le centre de gravité du texte de l'Assemblée nationale.
Indépendamment des très nombreux amendements d'amélioration technique et de clarification de texte proposés par le rapporteur - je crois qu'il y en a près de deux cents - je voudrais ici prendre quelques exemples parmi plusieurs dizaines sur des points décisifs que le Gouvernement a pris en considération et qui sont autant d'avancées obtenues par le Sénat.
Je commencerai par les amendements issus du groupe communiste républicain et citoyen. Je dois d'ailleurs rendre un hommage particulier à la pugnacité de M. Lefebvre et de Mme Terrade, qui ont été présents sans désemparer tout au long du débat.
Article 1er : mention de la contribution du service public au développement des ressources nationales ; le groupe communiste républicain et citoyen a obtenu satisfaction.
Article 4 : engagement du Gouvernement de prendre les mesures réglementaires pour que soit donnée aux usagers l'information adéquate sur le tarif « produit de première nécessité » ; le groupe communiste républicain et citoyen a obtenu satisfaction.
Article 22 : mention que le cadre contractuel pour la fourniture d'électricité aux clients éligibles a une durée minimum de trois ans par souci d'efficacité de la programmation pluriannuelle des investissements et des missions de service public ; le groupe communiste républicain et citoyen a obtenu satisfaction.
Article 30 : dans le cadre des mesures de contrôle et de transparence, publication du règlement intérieur de la CRE au Journal officiel ; le groupe communiste républicain et citoyen a obtenu satisfaction.
Il ne s'agit là que de quelques illustrations parmi beaucoup d'autres.
Le groupe socialiste, notamment MM. Besson, Weber, Pastor, Bellanger et tant d'autres dont je veux souligner l'ardeur à améliorer le texte et la vigueur du propos, a obtenu, lui aussi, satifaction sur de nombreux points. Je n'en citerai que quelques uns.
Article 11 : clarification des possibilités d'intervention des collectivités locales en matière d'autoproduction ; il s'agissait d'un amendement très important, surtout pour la Haute Assemblée, auquel vous vous êtes d'ailleurs rallié, monsieur le rapporteur, au nom de la commission.
Article 17 : extension de l'intervention des collectivités locales en matière de maîtrise de la demande l'électricité à l'ensemble des consommateurs basse tension ; le groupe socialiste a obtenu satisfaction.
Article 17 toujours : clarification de l'accès des collectivités concédantes des informations techniques et économiques détenues par leurs concessionnaires de la distribution d'électricité, dans le cadre de leur mission de contrôle ; le groupe socialiste a obtenu satisfaction.
Article 23 : précision du droit d'accès des collectivités locales au réseau pour alimenter leurs services publics et extension de ce droit d'accès aux structures de coopération intercommunales. Il s'agit d'un point très important quelques mois après l'adoption d'une nouvelle loi sur la coopération intercommunale. Le groupe socialiste a obtenu satisfaction.
Article 5, après la deuxième délibération demandée par le Gouvernement pour que la philosophie forte du texte proposé par le groupe socialiste lors de l'élaboration de l'article 5 puisse être reprise en considération par le Sénat - je remercie la Haute Assemblée de l'avoir accepté -, le groupe socialiste a obtenu satisfaction s'agissant du renforcement du financement du service public de l'électricité.
M. Valade, pour sa part, a contribué, avec la grande qualité qui caractérise toujours ses interventions, à l'amélioration du texte.
De nombreux désaccords, monsieur Valade, subsistent encore entre nous. Mais, je dois le reconnaître, vous avez souhaité défendre vos conceptions d'ensemble. Naturellement, nous le savons vous et moi, ce ne sont pas les conceptions du Gouvernement sur de nombreux points, mais vous n'avez pas cédé à la facilité - facilité qui aurait été un leurre et qui aurait retardé l'issue finale de la discussion parlementaire - d'opposer un contre-projet global au texte issu de l'Assemblée nationale. Vous avez préféré avec pondération et esprit de responsabilité améliorer le texte dans les voies qui sont les vôtres et qui vous sont spécifiques. Je citerai quelques exemples.
Article 13 : maintien du GRT au sein d'EDF.
Article 24 : compromis sur la durée de trois ans pour le démontage des lignes directes non utilisées.
Article 32 : compromis relatif à la capacité d'initiative de la CRE pour ce qui est des propositions de modifications législatives en matière d'ouverture du marché qui sont désormais limitées à des propositions du Gouvernement, comme il incombe au Gouvernement d'affirmer à chaque instant que c'est lui - et je pense que vous êtes d'accord avec cette conception - qui définit et met en oeuvre la politique énergétique sous le contrôle du Parlement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il subsiste des points forts de désaccord entre le Gouvernement et le Sénat. J'en relèverai trois parmi une série d'inquiétudes soulevées au sein du Gouvernement. J'espère qu'ils seront surmontés dans la suite de la procédure parlementaire. Je me permets d'exprimer ces sujets d'inquiétude avec franchise et amitié, notamment quand tel ou tel amendement tend à contredire fondamentalement les orientations souhaitées par l'Assemblée nationale à une très large majorité.
Quels sont les trois points sur lesquels les désaccords devront être surmontés dans la suite de la procédure ?
D'abord, le Gouvernement s'oppose et s'est opposé au renforcement des pouvoirs de la CRE au nom du maintien de compétences dévolues au Gouvernement sous le contrôle du Parlement, dans le domaine énergétique. Cela ne serait pas le cas dans l'hypothèse d'un accroissement excessif des missions de cette autorité administrative indépendante, quelle que soit la qualité de ses membres futurs. Cet obstacle de taille devra être levé.
Ensuite, le Gouvernement s'est opposé à la modification des seuils : simple déclaration, d'une part, et d'obligation d'achat, d'autre part, pour les installations de production. J'espère que, sur ce deuxième point de friction, les positions évolueront dans la suite de nos travaux. Selon le Gouvernement, il faudra revoir cette question extrêmement importante.
Enfin, dernier désaccord, c'est le retour à un système de grossistes, que la majorité du Sénat a conçu sans encadrement, alors qu'il est indispensable pour le bon fonctionnement du service public de l'électricité de prévoir, selon moi, une garantie de disponibilité de capacités de production. Là aussi c'est un obstacle de taille.
A l'issue de ce débat, je regrette que ces trois points de divergence subsistent. La majorité sénatoriale a choisi, sur un texte sensible pour la vie de la nation, d'engager un vrai débat, nous opposant souvent, mais sans qu'elle n'ait jamais manifesté une volonté d'obstruction, ni présenté de contre-projet global opposé à celui qui est issu des travaux de l'Assemblé nationale.
J'ai eu l'occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, d'évoquer devant vous les réalités économiques d'EDF. Je souhaite que nous parvenions le plus vite possible à la définition d'un cadre juridique clair des opérateurs privés, car la pression constante et amicale des autres pays de l'Union européenne nous impose une transposition rapide de la directive. Nous n'avons pas beaucoup de temps.
La France doit être à la hauteur de sa mission, de son image, de sa propre conception des choses au sein de l'Union européenne.
Je ne doute pas que les considérations majeures qui sont les miennes, et que je viens de vous exposer, mesdames, messieurs les sénateurs, avec une grande franchise, tout en me félicitant de la qualité du débat, puissent être prises en compte de manière positive afin d'aboutir à une transposition rapide des directives européennes par le Parlement. J'en remercie par avance le Sénat.
Je me félicite à nouveau du très bon travail que nous avons accompli ensemble, Gouvernement et sénateurs, au cours de ces trois jours. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une de la commission, l'autre du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 5:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 219 |
Contre | 94 |
6