Séance du 7 octobre 1999
M. le président. « Art. 48. - Les conventions et contrats conclus entre Electricité de France et les producteurs d'électricité avant l'entrée en vigueur de la présente loi peuvent être dénoncés par les producteurs d'électricité pendant une période d'un an et par Electricité de France moyennant un préavis de douze mois à compter de la publication des décrets d'application de la présente loi.
« Lorsque les parties s'accordent pour ne pas dénoncer les conventions et contrats précités, elles procèdent, dans la limite du délai fixé au premier alinéa, à leur révision afin de les mettre en conformité avec les dispositions de la présente loi.
« Lorsque les contrats ainsi révisés concernent des installations qui entrent dans le champ d'application de l'article 10, les surcoûts qui peuvent en résulter bénéficient des dispositions du I de l'article 5.
« Par dérogation aux premier et deuxième alinéas, les contrats et conventions précités qui lient Electricité de France à une entreprise du secteur public sont révisés par les parties, dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, afin de les mettre en conformité avec ses dispositions. A défaut d'accord entre les parties dans ce délai, un comité, composé de deux membres désignés respectivement par Electricité de France et par son ou ses cocontractrants et d'un président désigné par le ministre chargé de l'énergie, détermine, par une décision prise à la majorité dans un délai de six mois, les conditions de révision desdits contrats et conventions, et notamment les conditions d'indemnisation éventuelles. Cette décision peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort.
« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux contrats mentionnés au deuxième alinéa de l'article 46, ainsi qu'aux conventions et contrats venant à expiration dans un délai inférieur à deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 197, M. Revol, au nom de la commission, propose de remplacer les trois premiers alinéas de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les contrats d'achat d'électricité conclus ou négociés avant la publication de la présente loi entre EDF ou les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée, d'une part, et les producteurs d'électricité, d'autre part, peuvent être dénoncés par les producteurs d'électricité moyennant un préavis de trois mois, sans que puissent être opposées les clauses d'exclusivité que peuvent comporter ces contrats.
« A compter de la date de publication de la présente loi, les surcoûts qui peuvent résulter des contrats d'achat d'électricité conclus ou négociés avant la publication de la présente loi entre EDF ou les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée, d'une part, et les producteurs d'électricité, d'autre part, font l'objet, lorsqu'ils sont maintenus et jusqu'au terme initialement fixé lors de leur conclusion, d'une compensation dans les conditions prévues au I de l'article 5 de la présente loi. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 418, présenté par M. Hérisson et les membres du groupe de l'Union centriste, et tendant à compléter le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 197 par une phrase ainsi rédigée : « La durée et les conditions économiques des contrats en cours pour une puissance inférieure à 100 mégawatts seront en tout état de cause maintenues afin de permettre aux petits et moyens producteurs d'amortir les investissements réalisés pour exécuter ce contrat. »
Par amendement n° 297, M. Valade et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent de rédiger comme suit le premier alinéa de l'article 48 :
« Les conventions et contrats d'électricité conclus ou négociés avant la promulgation de la présente loi entre Electricité de France ou les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée, d'une part, et les producteurs d'électricité, d'autre part, peuvent être dénoncés par les producteurs d'électricité moyennant un préavis de trois mois, sans que puissent être opposées les clauses d'exclusivité que peuvent comporter ces conventions et contrats. »
Par amendement n° 394, MM. Lefebvre, Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa de l'article 48, après les mots : « producteurs d'électricité », d'insérer (deux fois) les mots : « du secteur privé ».
Par amendement n° 298, M. Valade et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent de supprimer le second alinéa de l'article 48.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 197.
M. Henri Revol, rapporteur. C'est également un amendement important.
La commission estime que l'article 48 mérite d'être clarifié. En effet, son premier alinéa donne la faculté de dénoncer les contrats que les producteurs d'électricité ont signés avant l'entrée en vigueur de la loi aussi bien à ces producteurs qu'à l'Electricité de France.
Cette possibilité de dénonciation bilatérale serait envisageable s'il existait un équilibre de pouvoirs entre les producteurs et EDF. Tel n'est pas, à l'évidence, le cas.
Les producteurs d'électricité qui fournissent du courant à EDF sont notamment : des industriels qui ont réalisé des installations de cogénération annexes à leur activité principale afin d'utiliser la vapeur fournie par celle-ci et signé des contrats de douze ans ; des producteurs de courant à partir d'énergies renouvelables qui ont signé des contrats de quinze ans pour les hydrauliciens ou vingt-cinq ans pour les possesseurs d'éoliennes ; des unités de valorisation énergétique des déchets des ménages dont les possesseurs sont titulaires de contrats de quinze ans.
Ces producteurs n'ont, dans la première phase de l'ouverture du marché aux grands industriels, d'autres débouchés qu'EDF, compte tenu du caractère aléatoire de leur production ou de son volume relativement limité. Or ils ont signé avec l'opérateur historique des contrats aux termes desquels cet opérateur s'engage à acheter leur courant à un prix qui s'avère aujourd'hui supérieur au prix du marché. La résiliation de ces contrats leur poserait donc un grave problème de rentabilité des investissements qui ont été calculés en fonction de ce prix d'achat.
Il est, en outre, souhaitable de faire entrer dans le champ d'application de l'article 48 les contrats de cogénération qui sont actuellement en cours de négociation. Le ministère de l'industrie a, en effet, par un relevé de décisions du 12 mars 1999, fait connaître que les personnes qui ont déposé une demande de certificat de conformité auprès de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, la DRIRE, avant le 31 décembre 1998 et qui ont obtenu ce certificat de conformité avant le 31 mars 1999 bénéficieraient du régime applicable aux contrats signés ultérieurement. Il n'apparaîtrait pas équitable que les futurs titulaires de ces contrats actuellement en cours de négociation ne bénéficient pas du même régime que les titulaires de contrats signés avant cette date.
Afin de trouver une solution équitable à ces problèmes, la commission vous propose un amendement tendant à prévoir que les contrats conclus ou négociés avant la publication de la loi ne peuvent être dénoncés que par les producteurs, et non plus par EDF. Chaque producteur aura la faculté, si tel est son intérêt, de dénoncer les contrats, le texte se conformant donc à la directive.
Réciproquement, cet amendement remplaçant les trois premiers alinéas de cet l'article 48 prévoit que le surcoût résultant de ces contrats pour EDF lui sera compensé par le biais du fonds du service public de la production. En d'autres termes, ce coût serait mutualisé entre les différents contributeurs à ce fonds qui sont rapellons-le, tous les producteurs d'électricité en fonction de leur production.
M. le président. La parole est à M. Hérisson, pour présenter le sous-amendement n° 418.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, je le retire parce qu'il est satisfait par les deux amendements précédents.
M. le président. Le sous-amendement n° 418 est retiré.
La parole est à M. Valade, pour présenter l'amendement n° 297.
M. Jacques Valade. Si vous me le permettez, monsieur le président, mes propos vaudront également pour l'amendement n° 298.
M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.
M. Jacques Valade. Ces amendements sont tout à fait dans l'esprit de l'intervention de M. le rapporteur. En effet, le régime procédural dérogatoire pour les entreprises publiques visé par cet article introduit clairement une rupture d'égalité sans fondement entre producteurs indépendants, publics et privés. C'est pourquoi l'amendement n° 297 prévoit que les conventions et les contrats d'électricité conclus ou négociés avant la promulgation de la présente loi entre, d'une part, Electricité de France ou les distributeurs non nationalisés et, d'autre part, les producteurs d'électricité puissent être dénoncés par les producteurs d'électricité moyennant un préavis de trois mois.
M. le président. La parole est à Mme Terrade, pour présenter l'amendement n° 394.
Mme Odette Terrade. Je souhaite présenter en même temps, monsieur le président, l'amendement n° 395.
M. le président. Je suis en effet saisi d'un amendement n° 395, présenté par amendement, MM. Lefebvre, Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et tendant, au début du quatrième alinéa de l'article 48, à supprimer les mots : « Par dérogation aux premier et deuxième alinéas, ».
Veuillez poursuivre, madame Terrade.
Mme Odette Terrade. Ces amendements n°s 394 et 395 visent à préserver les contrats et les protocoles actuellement en vigueur entre les entreprises du secteur public.
Il s'agit de garantir, à long terme, la complémentarité et la coordination des établissements publics du secteur de l'électricité.
Cette proposition est cohérente avec l'idée d'une politique de planification, à long terme, des investissements de production. Elle s'inscrit, en outre, dans le prolongement de notre exigence de la réalisation du grand pôle public de l'énergie qui doit s'appuyer sur EDF, le Commissariat à l'énergie atomique Framatome ; la SNET, Charbonnages de France et la Compagnie nationale du Rhône.
Tel est le sens de l'amendement n° 394, qui vise à renforcer le secteur public de l'électricité, désormais livré aux incertitudes de la concurrence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 297, 394, 298 et 395 ?
M. Henri Revol, rapporteur. L'amendement n° 297 rejoint tout à fait celui de la commission. Son amendement étant satisfait, peut-être M. Valade acceptera-t-il de le retirer ?
M. Jacques Valade. Je le retire volontiers, ainsi que l'amendement n° 298.
M. le président. Les amendements n°s 297 et 298 sont retirés.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les deux autres amendements, qui sont contraires à l'amendement n° 197 qu'elle propose.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 197, 394 et 395 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je suis favorable à l'amendement n° 197, car M. le rapporteur introduit un équilibre raisonnable entre les intérêts des différentes parties à ces contrats.
En revanche, je suis défavorable à l'amendement n° 394 car le texte présenté par Mme Terrade introduirait un manque de lisibilité dans le dispositif prévu par le projet de loi.
Le premier alinéa concerne en effet les producteurs non nationalisés en 1946, qui relèvent de l'obligation d'achat instituée par le décret-loi du 20 mai 1955, producteurs autonomes au rang desquels figurent, notamment, des collectivités territoriales, des établissements publics, que l'on ne peut donc pas qualifier de personnes privées.
Le quatrième alinéa concerne la CNR et Charbonnages de France. Un décret-loi de 1955 impose de coordonner les missions de service public qui leur sont impartis par la loi dans le domaine de la production d'électricité. C'est pourquoi il est utile de prévoir un traitement différent pour ces deux catégories de convention dans la mesure où elles relèvent de dispositions législatives différentes.
Enfin, la SNCF, quant à elle, n'est concernée par aucune de ces dispositions dans la mesure où elle est considérée comme autoproducteur.
Sous le bénéfice de ces précisions, je demande à Mme Terrade de bien vouloir retirer l'amendement n° 394.
M. le président. Madame Terrade, l'amendement n° 394 est-il maintenu ?
Mme Odette Terrade. J'accède à la demande de M. le secrétaire d'Etat : je retire l'amendement n° 394, ainsi que l'amendement n° 395.
M. le président. Les amendements n°s 394 et 395 sont retirés.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 197, accepté par le Gouvernement.
M. Pierre Lefebvre. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 198, M. Revol, au nom de la commission, propose, dans la première phrase du quatrième alinéa de l'article 48, de remplacer les mots : « l'entrée en vigueur » par les mots : « la publication ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Nous avons déjà adopté un amendement identique à l'article 46. Il s'agit d'une simple clarification juridique, le délai s'écoulant non pas à partir de l'entrée en vigueur de la loi, mais à compter de la publication de celle-ci.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 198, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 396, MM. Lefebvre, Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit la deuxième phrase du quatrième alinéa de l'article 48 :
« A défaut d'accord entre les parties dans ce délai, les conditions de révision desdits contrats et conventions, et notamment les conditions d'indemnisations éventuelles, seront déterminées par décision du ministre chargé de l'énergie dans un délai de six mois, après avis d'un comité composé de deux membres désignés respectivement par Electricité de France et par son ou ses contractants et d'un président désigné par le ministre. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement vise à restituer au ministre chargé de l'énergie la responsabilité de décider des conditions de révision des contrats entre entreprises publiques.
Le comité aura pour mission de mener la concertation entre EDF et son cocontractant afin de dégager les solutions acceptables pour les deux parties.
Mais, en dernier ressort, il appartiendra au ministre de tutelle de prendre les décisions après consultation du comité.
C'est d'ailleurs ce que prévoyait le décret n° 55-549 du 20 mai 1955, dans son article 4, s'agissant du traitement d'un désaccord éventuel entre EDF et Charbonnages de France.
Suivant la même logique, nous proposons d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Défavorable, car cet amendement est contraire au système approuvé par la commission et qui institue un comité arbitral.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement s'oppose à cet amendement, car le comité qui est prévu par le projet de loi, composé à part égale d'un représentant d'EDF et d'un représentant de son cocontractant, et présidé par un représentant du ministre en charge de l'énergie, est, nous semble-t-il, une solution qui prend en compte l'intérêt respectif de la CNR et d'EDF.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 396, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 48, modifié.
(L'article 48 est adopté.)
Article additionnel après l'article 48