Séance du 25 juin 1999
M. le président. « Art. 22. _ La section 7 du chapitre VI du titre II du livre II du code pénal devient la section 9 et il est inséré, après l'article 226-30 de ce code, deux sections 7 et 8. La section 7 est ainsi rédigée :
« Section 7
«
De l'atteinte à la dignité ou à la réputation
d'une personne mise en cause
dans une procédure judiciaire
«
Art. 226-30-1
. _ Est puni d'une amende de 100 000 francs le fait de
diffuser, de quelque manière que ce soit et quel qu'en soit le support, l'image
d'une personne identifiée ou identifiable, mise en cause à l'occasion
d'uneprocédure pénale et n'ayant pas encore fait l'objet d'un jugement de
condamnation, faisant apparaître que cette personne porte des menottes ou
entraves.
« Est puni de la même peine le fait de réaliser ou de diffuser un sondage
d'opinion portant sur la culpabilité d'une personne mise en cause à l'occasion
d'une procédure pénale ou sur la peine susceptible d'être prononcée à son
encontre.
« Lorsque les délits prévus au présent article sont commis par la voie de la
presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui
régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la prescription et
la détermination des personnes responsables. »
Sur l'article, la parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
L'article 91 du code de procédure pénale, modifié par la loi du 4 janvier
1993, organise deux actions de nature différente en cas de plainte abusive ou
dilatoire.
L'alinéa 4 de cet article prévoit la publication du jugement aux frais du
condamné. Le tribunal fixe le coût maximum de chaque insertion.
Nous posons le problème des prix pratiqués par les journaux dans lesquels doit
paraître une insertion.
Aussi, pour que la décision du tribunal de faire publier un jugement aux frais
du condamné soit effective et réaliste, nous estimons qu'il est nécessaire de
prévoir que le tribunal fixe le coût maximum de chaque insertion, en tenant
compte des prix habituellement pratiqués par les journaux désignés dans la
décision, pour établir le montant des frais.
M. le président.
Sur l'article 22, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Par amendement n° 71, M. de Broissia, au nom de la commission des affaires
culturelles, propose de rédiger comme suit l'article 22 :
« Il est rétabli, dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse,
un article 38
bis
ainsi rédigé :
«
Art. 38
bis. - I. - Est puni d'une amende de 100 000 francs le fait
de publier, de quelque manière que ce soit, l'image d'une personne identifiée
ou identifiable n'ayant pas fait l'objet d'un jugement de condamnation et
faisant apparaître soit que cette personne porte des menottes ou entraves, soit
qu'elle est placée en détention provisoire.
« II. - Est puni de la même peine le fait : « - soit de réaliser, de publier
ou de commenter un sondage d'opinion, ou toute autre consultation réalisée
auprès de membres du public, portant sur la culpabilité d'une personne mise en
cause à l'occasion d'une procédure pénale ou sur la peine susceptible d'être
prononcée à son encontre ;
« - soit de publier des indications permettant d'avoir accès à des sondages ou
consultations visés à l'alinéa précédent. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 277, présenté par M.
Dreyfus-Schmidt, et tendant :
I. - Dans le deuxième alinéa du II du texte présenté par l'amendement n° 71, à
supprimer les mots : "de réaliser,".
II. - A compléter
in fine
l'amendement n° 71 par un paragraphe II ainsi
rédigé :
« II. - La section 7 du chapitre VI du titre II du livre II du code pénal
devient la section 8 et il est inséré, après l'article 226-30 de ce code, une
section 7 ainsi rédigée :
« Section 7
« De l'atteinte à la réputation d'une personne mise en cause dans une
procédure judiciaire.
«
Art. 226-30-1. -
Est puni d'une amende de 100 000 francs le fait de
réaliser un sondage d'opinion, ou toute autre consultation réalisée auprès de
membres du public, portant sur la culpabilité d'une personne mise en cause à
l'occasion d'une procédure pénale ou sur la peine susceptible d'être prononcée
à son encontre. »
« B. En conséquence, à faire précéder le premier alinéa de cet amendement de
la mention : "I". »
Par amendement n° 238, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste
et apparentés proposent :
I. - Dans un premier alinéa du texte présenté par l'article 22 pour l'article
226-30-1 du code pénal, de supprimer les mots : « mise en cause à l'occasion
d'une procédure pénale et n'ayant pas encore fait l'objet d'un jugement de
condamnation ».
II. - Dans le deuxième alinéa du même texte, de supprimer les mots : « mise en
cause à l'occasion d'une procédure pénale ».
Par amendement n° 52, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose,
dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 22 pour l'article
226-30-1 du code pénal, de supprimer le mot : « encore ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
71.
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Cet amendement n° 71 a été soumis à la commission
des lois qui a émis, me semble-t-il - M. le rapporteur nous le confirmera - un
avis favorable.
La commission des affaires culturelles a essayé de rédiger le texte proposé
par l'Assemblée nationale.
En premier lieu, je l'ai dit lors de la discussion générale, nous proposons de
rétablir dans la loi de 1881 des dispositions qui, à notre avis, ne doivent pas
la quitter, notamment l'amende de 100 000 francs sanctionnant un certain nombre
d'actes.
Nous préférons employer le terme « publication » plutôt que celui de «
diffusion », parce que, dans le secteur de la presse, il est immédiatement
identifiable.
Nous avons également voulu faire apparaître que l'image d'une personne faisant
l'objet d'un jugement de condamnation ou portant des menottes ou entraves ou
placée en détention provisoire ne devait pas être publiée. En effet, Mme le
garde des sceaux le sait, la commission des affaires culturelles a le sentiment
que la publication d'un nom ou de l'image d'une personne en détention
provisoire - j'évoque une récente affaire, la parution dans
Paris-Match
d'un article intitulé « un fauve en cage, le préfet Bonnet » - doit être
sérieusement réglementée.
M. Michel Charasse.
Çà, c'est normal ! C'est le sentiment dominant !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
On s'est ému de voir des personnes avec des
menottes. J'en suis ému, d'autant plus ému qu'elles sont présumés innocents.
En second lieu - nous avons eu une longue discussion sur ce point et M.
Dreyfus-Schmidt y reviendra peut-être - nous avons voulu durcir le dispositif
en sanctionnant le fait « de réaliser, de publier ou de commenter un sondage
d'opinion, ou toute autre consultation réalisée auprès de membres du public,
portant sur la culpabilité d'une personne mise en cause ».
Nous avons par ailleurs prévu qu'il ne faut pas que la presse puisse se
défausser en communiquant des indications permettant d'avoir accès à des
sondages.
De tels cas ont été observés s'agissant de sondages d'opinion, dont la
diffusion est interdite huit jours avant les élections. Pourtant, toute la
presse, qu'elle soit écrite, parlée ou audiovisuelle, se fait un plaisir de
renvoyer à un serveur minitel ou à inviter à la consultation de la presse
étrangère, y compris la veille même de la consultation électorale en
question.
De la même façon - et c'est le sens que la commission des lois donne à la
dernière ligne de l'article 22 - est puni de la même peine le fait « de publier
des indications permettant d'avoir accès à des sondages ou consultations visés
à l'alinéa précédent ».
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre le sous-amendement n°
277.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le débat est ouvert pour savoir s'il faut inscrire dans le code pénal - car on
peut très bien modifier le code pénal en protégeant la présomption d'innocence
et le droit des victimes - un certain nombre de dispositions, par exemple celle
dont il est question ici à l'article 22. La commission des affaires
culturelles, à laquelle j'appartiens, a suivi son rapporteur pour estimer que
ces dispositions devaient être maintenues dans la loi sur la liberté de la
presse du 29 juillet 1981, notamment celle qui prévoit qu'« est puni le fait de
diffuser un sondage d'opinion ».
M. le rapporteur nous a expliqué que la loi sur la presse constitue un tout,
que l'ensemble des délits de presse figurent dans cette loi, que ceux qui
veulent savoir ce qui est éventuellement défendu à la presse, qu'elle soit
écrite ou qu'elle soit audiovisuelle, doivent se reporter à la loi de 1881 et
que l'on ne comprendrait pas que l'on fasse figurer des sanctions en matière de
presse dans le code pénal.
Nous estimons souvent - c'était le cas, je le crois, j'en suis même sûr de la
commission des lois - que l'idéal serait que toutes les sanctions pénales
figurent dans le code pénal, et pas ailleurs. C'est ce que nous avions dit
lorsque nous avions réformé le code pénal. Il n'empêche, chaque fois que nous
sommes saisis d'un projet de loi, nous constatons que le texte contient des
sanctions qui ne sont pas placées dans le code pénal. C'est ce qui fait qu'il
est toujours aussi difficile de s'y retrouver.
Tant que, en effet, toutes les sanctions pénales ne seront pas réunies dans le
code pénal, j'adhère quant à moi à la philosophie de la commission des affaires
culturelles et de son rapporteur pour dire qu'il faut laisser ces sanctions-là
dans la loi de 1881.
En revanche, il ne faudrait pas mettre dans la loi de 1881 des délits qui
n'auraient rien à voir avec la presse. Et c'est le cas de la réalisation de
sondages d'opinion portant sur la culpabilité d'une personne mise en examen,
notamment. En effet, et cela justifie notre sous-amendement, la réalisation
d'un sondage, ce n'est pas la presse qui s'en charge, ce sont des organismes
particuliers.
M. Michel Charasse.
Cela peut ne pas être la presse, mais pas toujours !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas la presse qui réalise les sondages d'opinion.
M. Michel Charasse.
C'est elle qui les commande !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je ne trahis aucun secret - on a pu le lire dans le bulletin des commissions -
en disant que M. le rapporteur n'était, personnellement, pas tellement partisan
de sanctionner la réalisation de sondages au motif qu'on ne peut pas de toute
façon les diffuser.
La majorité et même la quasi-unanimité de la commission a été d'un avis
différent, en disant que la réalisation d'un sondage peut influencer le
commentaire, même si le sondage n'est pas diffusé en tant que tel.
La commission a donc voulu que l'on maintienne la sanction de la réalisation,
et je croyais avoir compris - M. le rapporteur nous dira ce qu'il en est -
qu'elle avait estimé que l'interdiction de réaliser le sondage d'opinion devait
être prévue dans le code pénal.
C'est ce à quoi tend notre sous-amendement puisqu'il n'y a pas eu d'amendement
de la commission. Je ne doute pas que M. le rapporteur veuille bien, en ce qui
le concerne, donner un avis favorable à ce sous-amendement, qui consiste donc,
puisque vous voulez laisser dans la loi de 1881 ce qui concerne la presse, à
mettre dans le code pénal ce qui ne concerne pas la presse.
M. le président.
Je suis saisi à l'instant d'un sous-amendement n° 282, présenté par M.
Charasse et tendant, dans le deuxième alinéa du II du texte proposé par
l'amendement n° 71 pour l'article 38
bis
inséré dans la loi du 29
juillet 1881 sur la liberté de la presse, à remplacer les mots : « membres du
public » par le mot : « citoyens ».
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je n'ai rien à ajouter ! Je ne sais pas ce que cela veut dire « membres du
public ».
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 238.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Dans le texte présenté par l'article 22 pour l'article 226-30-1 du code pénal,
il est prévu qu'est puni le fait de diffuser « l'image d'une personne
identifiée ou identifiable mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale et
n'ayant pas "encore" fait l'objet d'un jugement de condamnation, faisant
apparaître que cette personne porte des menottes ou entraves ».
J'entends bien que nous traitons de la présomption d'innocence. Mais il ne
faudrait tout de même pas que les articles du projet de loi visent seulement
ceux qui n'ont pas été condamnés, voire, ce qui serait amusant, « ceux n'ayant
pas "encore" fait l'objet d'un jugement de condamnation », comme s'il était
hors de doute qu'un jugement allait suivre !
A mon avis, si l'on considère que le port de menottes, qui peut
malheureusement être indispensable dans certains cas, mais auquel on devrait
renoncer dans la plupart des cas, est une atteinte à la liberté de la personne,
il est justifié de ne pas publier des photos de toute personne menottée qu'elle
soit condamnée, mais pas définitivement, voire pas condamnée du tout. Ce n'est
pas bon.
Je sais bien que certains disent au contraire qu'il est très bien qu'on
puisse voir des méchants avec des menottes. Ce n'est pas mon opinion.
Nous aimerions que jamais, nulle part, des photographies ne représentent des
personnes menottées, quelles que soient ces personnes. De toute façon il faut,
supprimer le mot « encore ». C'est pourquoi nous avons déposé cet
amendement.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 52.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Cet amendement vient indirectement d'être présenté par M.
Dreyfus-Schmidt.
Le texte indique : « et n'ayant pas encore fait l'objet d'un jugement de
condamnation ». « Encore » ! C'est certainement une coquille ! La personne n'a
pas à faire l'objet d'un jugement de condamnation puisqu'elle bénéficie de la
présomption d'innocence.
Le mot « encore » est malheureux, et j'espère que tout le monde sera d'accord
pour le supprimer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 71 assorti des deux
sous-amendements n°s 277 et 282, ainsi que sur les amendements n°s 238 et 52
?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je voudrais tout d'abord traiter la question de
principe qui a été évoquée par la commission des lois aussi bien que par la
commission des affaires culturelles, c'est-à-dire la place de l'inscription des
infractions de presse créées par le présent projet de loi.
Faut-il inscrire ces infractions dans le code pénal ou dans la loi du 22
juillet 1881 sur la liberté de la presse ? Le Gouvernement a fait le choix
d'inscrire dans le code pénal les nouvelles infractions, d'abord parce que,
bien sûr, ces infractions ont pour objet de renforcer la présomption
d'innocence et de réprimer les atteintes les plus intolérables à la dignité des
victimes d'infractions pénales. La commission des lois de l'Assemblée nationale
a jugé nécessaire de transférer certaines infractions jusqu'alors prévues par
la loi sur la presse vers le code pénal. Le Gouvernement ne s'y est pas
opposé.
Faut-il rassembler les infractions de communication dans un texte unique et
dans quel texte les inscrire ? Votre commission des lois estime dans son
rapport que la question se pose, mais finalement elle ne la tranche pas.
En faveur de l'inscription dans le code pénal, il y a effectivement l'argument
très important de la cohérence et de la lisibilité de toutes les
infractions.
En faveur de l'inscription dans la loi de 1881, il y a l'argument très
important selon lequel cette loi est protectrice pour la presse et la
communication. Elle édicte, en effet, toutes sortes d'obstacles et de garanties
procédurales tendant à favoriser la liberté d'expression, notamment la courte
prescription de trois mois, le fait que seul le ministère public peut engager
des poursuites, sauf exception, l'interdiction faite au juge de procéder à une
requalification juridique, la prohibition de la détention provisoire et de la
comparution immédiate.
Je voudrais d'abord faire remarquer que le projet de loi reprenait, dans le
code pénal, la garantie essentielle de la brève prescription de trois mois. Ce
qui importe au Gouvernement, c'est la protection de la présomption d'innocence
et de la dignité des victimes, et donc que les nouvelles infractions qu'il
croit nécessaires soient votées par le Parlement.
S'agissant donc de l'inscription de ces dispositions et du texte dans lequel
elles figureront, je suis prête à m'en remettre à la sagesse de la Haute
Assemblée. Vous avez bien compris en effet que l'essentiel, pour moi, c'est le
but visé, à savoir la protection de la présomption d'innocence et de la dignité
des victimes, et, bien entendu, s'agissant d'infractions de presse, les
garanties procédurales qui doivent être accordées.
Je vous laisse donc naturellement le choix du texte dans les limites de ces
deux éléments que j'estime nécessaires et des garanties procédurales, et je
m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
Sur les amendements, comme je l'ai indiqué dans mon discours de présentation
du projet de loi, le Gouvernement estime que certains comportements, en raison
de leur gravité particulière, doivent être pénalement sanctionnés. Cela ne
signifie pas que d'autres formes d'atteinte aux droits des personnes ne sont
pas condamnables, mais, parce qu'elles sont moins graves, le Gouvernement
estime qu'elles doivent relever du droit civil et non du droit pénal.
Le Gouvernement est donc opposé à toute aggravation des dispositions pénales
prévues par le projet de loi, car il en résulterait, à nos yeux, une atteinte
excessive à la liberté de la presse.
De ces observations découlent logiquement, me semble-t-il, les avis suivants
sur les amendements qui sont en discussion.
L'amendement n° 71 ne me gêne nullement, en ce qu'il insère dans la loi sur la
presse les délits relatifs à l'image d'une personne menottée et au sondage sur
la culpabilité, comme je viens de vous l'indiquer, mais il étend le premier
délit en visant l'image qui fait apparaître que la personne est placée en
détention provisoire. De même, il étend le second délit en interdisant le
commentaire de sondage sur la culpabilité ainsi que la publication
d'informations permettant d'avoir accès à de tels sondages. Je ne peux être
favorable à ces extensions
Je ne peux non plus être favorable au sous-amendement n° 277 non pas parce
qu'il insère le délit de réalisation d'un sondage dans le code pénal, mais
parce qu'il sous-amende l'amendement n° 71 et accepte donc les extensions
auxquelles cet amendement procède.
Je suis opposé à l'amendement n° 238 de M. Dreyfus-Schmidt, qui étend le délit
concernant l'image d'une personne menottée aux hypothèses dans lesquelles il ne
s'agit plus d'un présumé innocent, mais d'une personne condamnée. C'est vrai
que de telles images peuvent porter atteinte à la dignité d'une personne mais
laissons alors le droit civil s'appliquer pour permettre la réparation du
dommage sans créer un nouveau délit.
En revanche, je suis tout à fait favorable à l'amendement n° 52 de la
commission des lois, qui améliore la définition de l'infraction concernant
l'image d'une personne menottée.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 71, les sous-amendements
n°s 277 et 282 ainsi que sur l'amendement n° 238 ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Sur l'amendement n° 71, la commission des lois a émis un avis
favorable, ce qui entraîne un avis défavorable à l'amendement n° 238, avis qui
ne doit pas cependant retirer toutes les nuances caractérisant chaque situation
!
J'ai donné tout à l'heure l'avis de la commission sur l'amendement n° 52.
La commission n'a pas pu délibérer sur le sous-amendement n° 277 à
l'amendement n° 71 de M. de Broissia tendant à inscrire dans le code pénal les
dispositions relatives à la réalisation de sondages. Je m'en remets à l'avis de
la commission des affaires culturelles sur ce point.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur le sous-amendement n° 282,
qui introduit la notion de citoyen.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des affaires culturelles sur le
sous-amendement n° 277 ?
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Monsieur le président, je souhaite tout d'abord
revenir sur le sous-amendement n° 282, en rectifiant l'amendement n° 71 pour
supprimer, dans le paragraphe II de l'article 38
bis
de la loi du 29
juillet 1881, les mots : « réalisée auprès de membres du public ». Un sondage
d'opinion ou une consultation visera forcément des personnes.
M. Michel Charasse.
Bien sûr !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Ces mots constituent un alourdissement du texte. Je
propose donc à M. Charasse de le rejoindre par le biais de cette
suppression.
M. Michel Charasse.
J'en suis d'accord.
M. le président.
Je suis donc saisi par M. de Broissia, au nom de la commission des affaires
culturelles, d'un amendement n° 71 rectifié tendant à rédiger comme suit cet
article :
« Il est rétabli, dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse,
un article 38
bis
ainsi rédigé :
«
Art. 38
bis. - I. - Est puni d'une amende de 100 000 F le fait de
publier, de quelque manière que ce soit, l'image d'une personne identifiée ou
identifiable n'ayant pas fait l'objet d'un jugement de condamnation et faisant
apparaître soit que cette personne porte des menottes ou entraves, soit qu'elle
est placée en détention provisoire.
« II. - Est puni de la même peine le fait :
« - soit de réaliser, de publier ou de commenter un sondage d'opinion, ou
toute autre consultation portant sur la culpabilité d'une personne mise en
cause à l'occasion d'une procédure pénale ou sur la peine susceptible d'être
prononcée à son encontre ;
« - soit de publier des indications permettant d'avoir accès à des sondages ou
consultations visés à l'alinéa précédent. »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
La question soulevée par le sous-amendement n° 277
de M. Dreyfus-Schmidt est de savoir - mais la commission des affaires
culturelles sortirait de sa logique en y répondant - si nous déposons un
amendement pour inscrire une disposition, non pas dans la loi sur la presse,
mais dans le code pénal, qui interdit de réaliser des sondages.
Je me contenterai de répondre, au nom de la commission des affaires
culturelles, que nous avons déjà durci très fortement le texte. En effet, le
rapporteur pour avis que je suis a accepté au nom de sa commission, et non de
ses propres opinions, d'interdire la réalisation, la publication ou le
commentaire d'un sondage d'opinion ou de toute autre consultation. Le texte a
également été durci à travers les références à des indications sous toute forme
actuelle ou future - l'imagination est toujours au pouvoir - permettant aux «
citoyens », pour reprendre l'expression de M. Charasse, d'avoir accès aux
sondages ou aux consultations qui sont visés.
La commission des affaires culturelles n'a donc pas déposé d'amendement visant
à inscrire un délit dans le code pénal, car elle serait sortie de son rôle. Je
le redis pour la énième fois à M. Dreyfus-Schmidt, et je ne souhaite pas lui
déplaire en lui disant cela.
M. le président.
Monsieur Charasse, l'amendement n° 71 ayant été rectifié, je pense que vous ne
maintenez pas votre sous-amendement ?
M. Michel Charasse.
Effectivement, je le retire, monsieur le président.
M. le président.
Le sous-amendement n° 282 est retiré.
Monsieur le rapporteur, vous aviez sollicité l'avis de la commission des
affaires culturelles sur le sous-amendement n° 277 de M. Dreyfus-Schmidt,
laquelle s'en remet à vous pour le transfert au sein du code pénal. Quel est
donc votre avis sur le sous-amendement n° 277 ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 277.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Les avis défavorables de la commission et du Gouvernement n'ont pas le même
fondement !
Celui de Mme le garde des sceaux provient du fait que l'amendement n° 71
rectifié de M. de Broissia a aggravé ce qui était dans le projet de loi,
aggravations que j'ai moi-même combattues. Je serais même prêt à voter tout
sous-amendement du Gouvernement qui gommerait de l'amendement n° 71 rectifié
tout ce qui va dans le sens d'une aggravation.
Si cet amendement n° 71 rectifié était adopté tel qu'il est, je persiste à
penser qu'il n'est pas normal d'inscrire dans la loi de 1881 un délit qui n'a
rien à voir avec la presse !
Quant à l'avis défavorable du rapporteur de la commission des affaires
culturelles, je suis très étonné de la position publique qu'il a prise ! En
effet, par mon sous-amendement, j'ai simplement essayé de suppléer - veuillez
m'excuser, monsieur le rapporteur pour avis, mais je pèse mes mots - votre
carence, puisque la commission des affaires culturelles avait décidé qu'elle
attendait de vous la rédaction d'un amendement tendant à inscrire dans le code
pénal le délit de réalisation d'un sondage d'opinion sur la culpabilité, ce que
vous n'avez pas fait. Je vous l'ai d'ailleurs reproché dans la discussion
générale.
Vous affirmez que la commission des affaires culturelles n'a pas à statuer sur
le code pénal. Mais il ne faudrait pas pour autant laisser inscrire dans le
code un délit qui concerne la loi sur la presse !
De même, monsieur le rapporteur de la commission des lois, cela devrait vous
intéresser de savoir s'il faut ou non faire figurer dans la loi sur la presse
un délit qui n'a rien à voir avec la presse et qui, bien évidemment, devrait se
trouver dans le code pénal !
Moi, cela m'est égal, vous ferez ce que vous voudrez. Mon sous-amendemt n° 277
n'avait d'autre objet que de nous permettre de faire un travail législatif qui
soit bon et conforme à ce que vous dites les uns et les autres, à savoir que
les délits sur la presse doivent figurer dans la loi sur la presse et que les
délits qui ne concernent pas la presse doivent se trouver dans le code
pénal.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, avant de mettre aux voix ce sous-amendement, je
voudrais savoir si vous acceptez de supprimer les mots « réalisée auprès de
membres du public » ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Il s'agit donc du sous-amendement n° 277 rectifié.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 277 rectifié, repoussé par la
commission et par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 71 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 22 est ainsi rédigé et les amendements n°s 238 et 52
n'ont plus d'objet.
Article additionnel après l'article 22