Séance du 22 juin 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Décès d'un ancien sénateur
(p.
1
).
3.
Dépôt de rapports en application de lois
(p.
2
).
4.
Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires.
- Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture (p.
3
).
Discussion générale : MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des
transports et du logement ; Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission
des affaires économiques ; MM. Jacques Peyrat, Jean-Pierre Plancade, Pierre
Lefebvre, Mme Marie-Claude Beaudeau.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p.
4
)
Article L. 227-1 du code de l'aviation civile
(p.
5
)
Amendements n°s 25 de M. Plancade et 3 de la commission. - MM. Jean-Pierre
Plancade, le rapporteur, le ministre. - Rejet de l'amendement n° 25 ; adoption
de l'amendement n° 3.
Amendements n°s 26 de M. Plancade, 4 de la commission et sous-amendement n° 21
du Gouvernement. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption du
sous-amendement n° 21 et de l'amendement n° 4 modifié, l'amendement n° 26 étant
devenu sans objet.
Amendements n°s 5 et 6 de la commission. - Adoption des deux amendements.
Amendements n°s 27 de M. Plancade et 7 de la commission. - Adoption de
l'amendement n° 7, l'amendement n° 27 étant devenu sans objet.
Amendement n° 8 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L. 227-2 du code précité (p. 6 )
Amendement n° 9 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.
Article L. 227-3 du code précité (p. 7 )
Amendement n° 10 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 23 rectifié de M. Gournac. - MM. Alain Gournac, le rapporteur, le
ministre, Jean-Pierre Plancade. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article additionnel après l'article L. 227-3
du code précité
(p.
8
)
Amendement n° 1 rectifié du Gouvernement et sous-amendement n° 31 de la commission. - MM. le ministre, le rapporteur, Pierre Lefebvre. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel du code.
Article L. 227-4 du code précité (p. 9 )
Amendements n°s 11 rectifié à 13 de la commission. - MM. le rapporteur, le
ministre. - Adoption des trois amendements.
Amendements n°s 2 du Gouvernement et 14 de la commission. - MM. le ministre, le
rapporteur. - Adoption de l'amendement n° 2, l'amendement n° 14 devenant sans
objet.
MM. le rapporteur, le ministre.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L. 227-5 du code précité (p. 10 )
Amendement n° 15 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Articles L. 227-6 à L. 227-8 du code précité. -
Adoption
(p.
11
)
Adoption de l'article 1er modifié.
Article 2 (p. 12 )
Amendement n° 28 de M. Plancade. - MM. Jean-Pierre Plancade, le rapporteur, le
ministre. - Rejet.
Amendement n° 24 de M. Gournac. - MM. Alain Gournac, le rapporteur, le
ministre. - Adoption.
Amendement n° 16 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 29 de M. Plancade. - MM. Jean-Pierre Plancade, le rapporteur, le
ministre. - Retrait.
Amendement n° 17 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 3 et 4. - Adoption (p.
13
)
Article 4
bis
(p.
14
)
Amendement n° 18 rectifié de la commission et sous-amendement n° 22 du Gouvernement. - MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait du sous-amendement n° 22 ; adoption de l'amendement n° 18 rectifié rédigeant l'article.
Article 4 ter (p. 15 )
Amendements n°s 19 et 20 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption des deux amendements.
Amendement n° 30 de M. Plancade. - MM. Jean-Pierre Plancade, le rapporteur, le
ministre. - Adoption
Adoption de l'article modifié.
Article 4
quater. -
Adoption (p.
16
)
Articles 5 à 7
(supprimés)
Vote sur l'ensemble (p.
17
)
MM. Alain Gournac, le rapporteur, le ministre.
Adoption du projet de loi.
5.
Licenciements des salariés de plus de cinquante ans.
- Rejet d'une proposition de loi en nouvelle lecture (p.
18
).
Discussion générale : Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes
et à la formation professionnelle ; MM Louis Souvet, rapporteur de la
commission des affaires sociales ; Roland Huguet, Guy Fischer.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 19 )
Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 2 (p. 20 )
Amendement n° 2 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 3 (p. 21 )
Amendement n° 3 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
- Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Tous les articles ayant été supprimés, la proposition de loi est rejetée.
6.
Chèques-vacances.
- Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
22
).
Discussion générale : Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ;
MM. Paul Blanc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Roland
Huguet, Mme Odette Terrade.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 23 )
Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 2 (p. 24 )
Amendements n°s 2 et 3 de la commission. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 3 (p. 25 )
Amendement n° 4 de la commission. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 4 (p. 26 )
Amendement n° 5 de la commission. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 4 ter (supprimé) (p. 27 )
Amendement n° 6 de la commission. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Article 4 quater (p. 28 )
Amendement n° 7 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 5. - Adoption (p.
29
)
Article 7
(supprimé)
(p.
30
)
Amendement n° 8 de la commission. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Vote sur l'ensemble (p. 31 )
M. Bernard Joly.
Adoption du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 32 )
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
7.
Conférence des présidents
(p.
33
).
8.
Règlement définitif du budget de 1997.
- Adoption d'un projet de loi (p.
34
).
Discussion générale : MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ;
Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Marc
Massion, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Bernard Fournier, Alain Lambert,
président de la commission des finances.
M. le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er, 2 à 9 (et tableaux annexés)
et 10 à 13. - Adoption (p.
35
)
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
9.
Décès d'un ancien sénateur
(p.
36
).
10.
Débat d'orientation budgétaire.
- Débat sur une déclaration du Gouvernement (p.
37
).
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie.
11.
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Vietnam
(p.
38
).
12.
Débat d'orientation budgétaire.
- Suite d'un débat sur une déclaration du Gouvernement (p.
39
).
MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances ; Alain Lambert, président de
la commission des finances ; Jean François-Poncet, président de la commission
des affaires économiques ; Jean Delaneau, président de la commission des
affaires sociales.
Suspension et reprise de la séance (p. 40 )
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
MM. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles ;
Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères ; René
Trégouët, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Bernard Angels.
MM. le ministre, le rapporteur général.
MM. Marcel Deneux, Jean-Philippe Lachenaud, André Vallet, Jacques Oudin,
Thierry Foucaud, Michel Sergent, Pierre Laffitte.
MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur général.
Clôture du débat.
Suspension et reprise de la séance (p. 41 )
13.
Diverses mesures d'urgence relatives à la chasse.
- Adoption des conclusions du rapport d'une commission (p.
42
).
Discussion générale : Mmes Anne Heinis, rapporteur de la commission des
affaires économiques ; Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement ; MM. Roland du Luart, Jean Bizet, Jean-Louis
Carrère, Pierre Lefebvre, Jean-Guy Branger.
Mme le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 43 )
M. Xavier Pintat, Mmes le rapporteur, le ministre, M. Jean-Louis Carrère.
Adoption de l'article.
Article 2 (p. 44 )
Mmes le rapporteur, le ministre, M. Jean-Louis Carrère.
Adoption de l'article.
Adoption, par scrutin public, de l'ensemble de la proposition de loi.
14.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
45
).
15.
Transmission d'une proposition de loi
(p.
46
).
16.
Dépôt d'une proposition de résolution
(p.
47
).
17.
Retrait d'une proposition de résolution
(p.
48
).
18.
Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
49
).
19.
Dépôt d'un rapport
(p.
50
).
20.
Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 17 juin 1999
(p.
51
).
21.
Ordre du jour
(p.
52
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR
M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Emile Poisson, qui fut sénateur du Dahomey de 1947 à 1955.
3
DÉPÔT DE RAPPORTS
EN APPLICATION DE LOIS
M. le président.
M. le président a reçu :
- de M. le Premier ministre, en application de l'article 42 de la loi n°
96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et
statutaire, le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales pour
1998,
- et de M. le président de la commission de surveillance de la Caisse des
dépôts et consignations le rapport établi sur les opérations de cet
établissement en 1998, en application de l'article 114 de la loi du 28 avril
1816.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
4
AUTORITÉ DE CONTRÔLE
DES NUISANCES SONORES
AÉROPORTUAIRES
Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n°
358, 1998-1999), modifié par l'Assemblée nationale, portant création de
l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires. [Rapport n° 430
(1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet
de loi que vous examinez aujourd'hui est très attendu.
Comme vous le savez, je suis très attaché à créer les conditions favorables au
développement du transport aérien dans notre pays.
La construction des pistes de Roissy, l'ouverture du capital de la compagnie
nationale Air France et les mesures prises pour enrayer le déclin d'Orly
participent du même objectif : développer l'activité économique et l'emploi
qu'engendre le transport aérien, en prenant en compte l'environnement des
riverains. C'est pour nous un choix de société, et nous le faisons en toute
connaissance de cause.
La concertation menée à l'occasion du projet d'extension de l'aéroport de
Paris - Charles-de-Gaulle a montré que la croissance du transport aérien ne
pouvait s'envisager qu'en maîtrisant les nuisances sonores et en développant un
climat de confiance avec les riverains, grâce à la transparence et à la
concertation.
A partir de l'expérience acquise à Roissy, le Gouvernement a proposé d'étendre
à Orly et aux aéroports de province les plus importants toute une série de
mesures.
Il s'agit de l'amélioration de l'aide à l'insonorisation, de la limitation des
vols des avions dits « du chapitre 2 », qui sont les plus bruyants, du nouveau
système de sanctions, de l'établissement de chartes de qualité de
l'environnement sonore et de codes de bonne conduite, de la révision des plans
d'exposition au bruit et des plans de gêne sonore.
Pour donner toute garantie à l'ensemble des partenaires, en particulier aux
riverains, j'ai souhaité qu'une instance indépendante puisse contrôler
l'ensemble des dispositions de lutte contre les nuisances sonores.
Avant d'entrer plus avant dans l'examen des attributions de cette autorité
indépendante, je voudrais féliciter M. le rapporteur pour la qualité de son
travail et remercier la commission de l'esprit constructif dont elle a fait
preuve dans l'examen de ce texte. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le rapport
établi par M. Jean-François Le Grand, au nom de la commission des affaires
économiques et du Plan.
Ce travail tout à fait positif parachève celui que vous aviez engagé ici même
en première lecture et qui a été réalisé également par l'Assemblée
nationale.
J'ai montré d'ailleurs, lors de la discussion en séance publique, que le
Gouvernement était ouvert au dialogue et aux propositions des parlementaires de
la majorité comme de l'opposition.
Je constate avec satisfaction une volonté commune de progresser, face à une
exigence unanimement reconnue.
L'objectif que nous devons assigner à l'autorité indépendante est celui de la
transparence et de l'objectivité de l'information.
Cette autorité aura la tâche de définir les unités et les moyens de mesure du
bruit, des fonctions de contrôle et de conciliation.
Les modalités de sa désignation sont garantes de son indépendance et de son
impartialité : composée de représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat,
d'une part, d'experts dans des domaines clairement identifiés, d'autre part,
son caractère indépendant est renforcé par un mandat de longue durée - six ans
- non renouvelable et non révocable, une clause d'incompatibilité avec
certaines fonctions et un budget propre.
Sans revenir sur l'ensemble des missions de l'autorité indépendante, dont nous
avons déjà eu l'occasion de débattre, j'en rappellerai les principales :
définition des normes applicables aux réseaux de mesures et de leur
homologation, contrôle des mesures de bruit autour des grands aérodromes,
devoir d'information - diffusion des résultats - et de transparence, notamment
vis-à-vis des populations concernées, recommandations sur toute question
relative à la maîtrise des nuisances sonores autour des aérodromes.
Bien entendu, cette autorité sera consultée pour l'établissement des plans
d'exposition au bruit et des plans de gêne sonore. Elle sera enfin l'instance
de contrôle et de médiation à l'égard des engagements qui seront pris par les
différents partenaires.
Je souhaite maintenant souligner, sur quelques points, le travail
d'approfondissement et d'élargissement du processus démocratique apporté par le
Parlement.
Il s'agit en tout premier lieu des sanctions. Sur ce point, le projet de loi a
bien évolué. C'est maintenant à l'Autorité de contrôle que revient le pouvoir
de sanction, sur proposition de la Commission nationale de prévention des
nuisances sonores. Le montant maximal des amendes a également été relevé.
Il s'agit ensuite des commissions consultatives de l'environnement, les CCE
créées sur la plupart des aérodromes, en vertu de la loi du 11 juillet 1985
relative à l'urbanisme au voisinage des aérodromes. Une centaine de commissions
ont ainsi été installées.
L'expérience vécue ces derniers mois montre l'importance du rôle de
concertation de ces commissions : des situations de blocage ont été constatées
là où ces commissions ne se réunissaient pas, alors que, sur d'autres
aérodromes, leur activité faisait considérablement progresser les dossiers.
Il convient d'affirmer et de renforcer cette mission, en particulier sur les
aérodromes visés par le présent projet de loi, qui sont les neuf aérodromes où
existe un dispositif d'aide à l'insonorisation des riverains.
Pour ce faire, le texte du projet de loi prévoit de rendre obligatoire la
création de cette commission, qui devra se réunir au moins une fois par an, de
doter cette commission d'une instance permanente de travail, appelé comité
permanent, et de conférer à cette commission un pouvoir de saisine de
l'autorité indépendante.
Ce dernier point mérite d'être souligné. En effet, nous souhaitons qu'une
relation directe s'établisse entre les commissions consultatives de
l'environnement et l'autorité indépendante, notamment en ce qui concerne la
mesure de bruit.
Enfin, quant à l'urbanisme, je tiens ici à saluer le travail approfondi
effectué par les commissions des deux assemblées. Ainsi, l'extension des plans
d'exposition au bruit à une quatrième zone dans laquelle une insonorisation
plus stricte serait exigée me paraît aller dans la bonne direction.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les caractéristiques
essentielles du projet de loi qui vous est soumis. La qualité du travail
effectué nous permet d'espérer une publication très rapide de cette loi, ce
dont je vous remercie tous.
L'examen en deuxième lecture interviendra le 30 juin prochain, à l'Assemblée
nationale. Je souhaite très vivement, j'y insiste, que le travail effectué par
le Sénat nous amène à un vote conforme de ce projet de loi au cours de cette
deuxième lecture. Cela permettrait bien évidemment une promulgation de la loi
dès cet été et la mise en place de l'autorité indépendante dès l'automne.
Sinon, comme chacun le sait bien, le risque est réel que nous perdions un temps
considérable au détriment des riverains.
L'objectif est bien, en effet, que nous apportions le plus rapidement possible
aux citoyens habitant à proximité des aérodromes des garanties quant à la
préservation de leurs droits, tout en permettant aux plates-formes
aéroportuaires de se développer sur le plan économique.
(Applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que
nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture a pour objet de créer une
autorité administrative indépendante de contrôle des nuisances sonores
aéroportuaires, conformément au souhait de nombre de sénateurs siégeant sur
toutes les travées de cet hémicycle. Il résulte d'un engagement pris par le
Gouvernement lors de l'annonce, en septembre 1997, de la construction de deux
pistes supplémentaires sur l'aéroport de Paris - Charles-de-Gaulle.
Je ne rappellerai pas la genèse de ce texte, si ce n'est pour souligner que le
principe de la création de cette autorité fait l'objet d'un consensus depuis
que la mission Douffiagues, à laquelle j'avais eu l'honneur d'appartenir,
l'avait proposé.
Je n'insisterai pas non plus sur la nécessité de restaurer la sérénité et la
transparence du dialogue entre les riverains, les représentants de l'Etat et
les gestionnaires d'aérodromes.
Le projet de loi prévoit aussi de renforcer le rôle des commissions
consultatives de l'environnement, les CCE, créées par la loi de maîtrise de
l'urbanisme au voisinage des aéroports de 1985, instances consultatives qui
regroupent, pour de nombreux aéroports, l'ensemble des partenaires de la
plate-forme : collectivités locales concernées, associations de riverains,
gestionnaires d'aéroport, Etat, professions aéronautiques. L'article 3 du
projet de loi concerne, en outre, les nuisances sonores liées aux
hélicoptères.
En première lecture, la Haute Assemblée avait enrichi le texte proposé par le
Gouvernement.
Le statut de l'autorité avait été renforcé, son nom changé, son fonctionnement
amélioré et ses pouvoirs renforcés, sur le modèle des autorités administratives
existantes. Un régime d'incompatibilités pour les membres et des dispositions
relatives au personnel et aux traitements des membres avaient été ajoutés.
Nous avions introduit, au sein de l'autorité, un membre compétent en matière
de santé humaine, et nous avions clarifié le mode de nomination des membres.
Les commissions consultatives de l'environnement avaient été renforcées par
l'instauration d'une obligation de réunion annuelle et par une meilleure
coordination de leur mission avec celle de l'autorité.
Enfin, à partir d'une proposition de loi que j'avais déposée, le Sénat avait
introduit trois articles additionnels en matière d'urbanisme, pour informer
clairement les riverains potentiels, acheteurs ou locataires, désireux de
s'installer dans les zones soumises aux nuisances sonores et pour instaurer une
procédure conservatoire évitant que ne soient construites des zones
susceptibles d'être incluses aux plans d'exposition au bruit lorsque ces
derniers sont en cours de révision ou d'élaboration, en cas d'extension ou de
création d'infrastructure aéroportuaire.
L'Assemblée nationale s'est appuyée sur le travail effectué au Sénat, qu'elle
a parfois prolongé. Elle a modifié le nom, la composition et les pouvoirs de
l'autorité, ainsi que la composition et le rôle des commissions consultatives
de l'environnement. La rédaction que nous avions proposée pour l'article 3
relatif aux hélicoptères a également été modifiée, ainsi que les articles
relatifs au droit de l'urbanisme, même s'ils ont été conservés dans leur
principe, ce dont je me réjouis.
Le texte qui nous est transmis par l'Assemblée nationale est, au total,
peut-être plus contraignant que celui que nous avions adopté en première
lecture. Je vous proposerai donc d'y apporter, dans l'optique d'un dialogue
constructif avec nos collègues députés et avec le souci de pragmatisme qui
caractérise les travaux de la Haute Assemblée, plusieurs amendements tendant à
le rééquilibrer.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Très bien !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Pour la composition de l'autorité, il semble nécessaire
d'aboutir à une représentation plus équilibrée des représentants du monde
aéronautique : si ces derniers doivent rester minoritaires, ils ne doivent pas
pour autant être marginalisés. Pour asseoir l'autorité morale de cet organisme,
la commission a souhaité revenir à une plus grande collégialité dans la
nomination des membres et mieux affirmer le statut de son président.
Pour les pouvoirs de l'autorité, que l'Assemblée nationale a accrus en
conférant notamment à cet organisme la possibilité de sanctionner les
infractions à la réglementation en matière de bruit à la place du ministre, la
commission vous propose de préciser la rédaction et d'atténuer le caractère
parfois trop répressif du texte : il s'agit en particulier du montant excessif
des sanctions et du pouvoir d'« arbitrage », qui est mal défini.
Pour les commissions consultatives de l'environnement, dont la composition par
rapport à ce que prévoyait la loi précitée de 1985 a été modifiée par
l'Assemblée nationale, un amendement tend à préciser que les associations qui y
siègent, et qui constitueront désormais le tiers de l'effectif, sont celles qui
sont concernées par l'environnement sonore aéroportuaire, la rédaction actuelle
étant trop extensive. Nous y reviendrons, le cas échéant, lors de la discussion
des articles.
En outre, lorsque le comité permanent de ces commissions exerce les
attributions dévolues aux commissions consultatives d'aide aux riverains, les
CCAR, qui donnent un avis sur la distribution des aides publiques à
l'insonorisation, la commission a souhaité - et c'est bien légitime - qu'y
soient représentés l'Etat et les gestionnaires d'aérodrome, que la rédaction
adoptée à l'Assemblée nationale a
de facto
exclus. Il serait en effet
anormal que des fonds publics soient distribués sans que l'Etat ait un droit de
regard !
En matière d'urbanisme, la commission n'a pas modifié la rédaction élaborée
par l'Assemblée nationale à partir des initiatives que le Sénat a prises en
première lecture.
L'obligation d'information des riverains potentiels, que nous avions votée,
s'est transformée en création d'une nouvelle zone, la zone D, dans les plans
d'exposition au bruit. Cette zone aura non seulement une vocation
d'information, mais elle obligera également à l'insonorisation des
constructions nouvelles en son sein, ce qui améliorera bien évidemment le
confort des populations concernées.
L'Assemblée nationale a aussi repris, même si elle l'a formulée différemment,
la mesure préventive que nous avions introduite pour l'application anticipée
des plans d'exposition au bruit, les PEB, quand ils sont en cours de révision
ou de création, afin que des « réserves foncières » puissent être
temporairement constituées pour ne pas hypothéquer l'extension éventuelle
d'infrastructures aéroportuaires.
Toutefois, la commission des affaires économiques vous propose de limiter les
éventuels effets pervers que pourrait avoir, s'il était mal interprété,
l'article 4
bis,
introduit par l'Assemblée nationale, qui lève
l'interdiction, posée par la loi précitée de 1985, de construction d'immeubles
collectifs à usage d'habitation dans la zone C des plans d'exposition au bruit.
Je crois qu'il faut être extrêmement prudent en la matière, faute de quoi nos
concitoyens pourraient nous reprocher, demain, de n'avoir pas été assez
vigilants en créant à nouveau des situations d'exposition au bruit qui
constitueraient, un jour ou l'autre, un nouveau facteur de blocage pour le
développement du trafic aérien.
Comprenant la préoccupation de nos collègues députés, qui ont adopté cet
article additionnel pour remédier aux difficultés de restructuration de
certains vieux bourgs situés à proximité des aéroports, la commission a
souhaité encadrer cette possibilité de construction nouvelle en prévoyant
qu'elle ne soit autorisée que si elle s'accompagne d'une diminution, dans un
délai n'excédant pas un an, d'une capacité d'accueil équivalente dans une même
zone, afin de ne pas accroître le nombre de personnes exposées aux nuisances
sonores.
Les amendements présentés par la commission des affaires économiques se
veulent donc - comme d'habitude : c'est presque un pléonasme au Sénat -
constructifs, pragmatiques et équilibrés.
Pour conclure, permettez-moi de formuler deux remarques.
En premier lieu, monsieur le ministre, je tenais à vous signaler que nous
avons été plusieurs à être sollicités sur les nuisances sonores provoquées par
l'aviation non seulement civile mais aussi militaire. Je sais que cette
dernière question ne relève pas directement de vos attributions, mais vous
représentez ici le Gouvernement ; aussi n'est-il sans doute pas inutile de vous
faire à nouveau passer ce message, comme j'avais eu l'occasion de le faire en
première lecture.
En second lieu, j'aimerais réaffirmer que l'augmentation de 6 % par an environ
du trafic aérien est une chance pour la croissance et pour l'emploi.
M. Jacques Peyrat.
Oui !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Rappelons que chaque millier de passagers fréquentant une
plate-forme aéroportuaire crée un emploi direct, sans compter les effets
induits !
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
C'est un pour mille « pax », comme on dit.
Rappelons-nous que la France dispose, à cet égard, d'atouts inégalés en Europe
avec le potentiel de la plate-forme de Paris-Charles-de-Gaulle, qui est passée
de deux à quatre pistes mais qui a été initialement conçue pour recevoir cinq
pistes et 80 millions de passagers par an !
Il en va de même d'un certain nombre de plates-formes aéroportuaires de
province, qui disposent de capacités de développement et d'accueil d'autant
plus importantes que l'évolution du transport aérien qui se dessine amènera à
faire de plus en plus appel à elles : elles sont non pas des plates-formes de
substitution, mais de véritables plates-formes dites de
« hub »,
adaptées aux nouveaux dispositifs et aux nouvelles modalités de
transport.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Ne gâchons pas, dans ces conditions, nos chances. Encourager
un développement du transport aérien plus respectueux des populations et de
l'environnement, tel est l'objectif de ce projet de loi, et nous y
souscrivons.
MM. Alain Gournac et Jean-Pierre Plancade.
Très bien !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Mais ne faisons pas pour autant de l'aviation civile le bouc
émissaire des pollutions sonores des transports en général, car ce serait
injuste et inutile. Ce serait même - pardonnez-moi la trivalité de
l'expression, mes chers collègues - jouer contre son camp.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Peyrat.
M. Jacques Peyrat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers
collègues, permettez-moi de me réjouir tout d'abord du retour rapide de ce
texte devant la Haute Assemblée, tant il est vrai que l'adoption de ce projet
de loi est d'une urgence et d'une nécessité évidentes pour l'ensemble des
riverains des aéroports.
Avec ce projet de loi, nous abordons un des grands défis auxquels est
confrontée au quotidien notre société : concilier la croissance économique et
la qualité de la vie. C'est ce que notre rapporteur, au nom de l'excellente, de
la constructive, de l'intelligente, bref, de la compétente commission des
affaires économiques, vient de rappeler à l'instant même.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Encore !
(Sourires.)
M. Jacques Peyrat.
Cela devait être dit !
Il est vrai que l'aéroport de la ville aux destinées de laquelle je suis
maintenant associé connaît, avec de 700 000 à 800 000 passagers supplémentaires
par an, un important développement - le
hub
n'est pas, bien sûr,
étranger à cet accroissement - ce qui soulève de nombreux problèmes. Nous
sommes bien là en plein dans le cadre de la politique de l'environnement et du
développement durable !
Ce défi se manifeste avec une force particulière dans le domaine des
transports, monsieur le ministre, notamment dans le domaine des transports
aériens. Aussi n'hésiterai-je pas à vous remercier, au-delà de toute
considération partisane et parce qu'il s'agit d'un sujet d'intérêt général sur
lequel nous sommes d'accord, de mener à son terme le projet de création d'une
autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires.
La ville de Nice, sur le territoire de laquelle, vous le savez, monsieur le
président, est situé l'aéroport de Nice - Côte d'Azur, premier aéroport de
province et deuxième aéroport international de France, reçoit quotidiennement
les doléances des habitants de ses quartiers ouest, qui ne tolèrent plus les
agressions sonores continuelles, agressions d'autant plus intolérables,
d'ailleurs, que l'aéroport de Nice présente cette particularité d'être situé en
pleine ville, contrairement à l'aéroport de Marseille, notre rivale bien-aimée,
qui est éloigné de la population urbaine.
Cette situation ne pouvait plus durer : à terme, si nous ne faisons rien,
l'activité aéroportuaire, censée favoriser le développement économique de la
ville et du département des Alpes-Maritimes, risque, au contraire, de porter
préjudice à l'activité majeure de la région, à savoir le tourisme.
L'instauration d'une véritable concertation entre les aéroports, les
compagnies aériennes, les élus locaux, les associations de riverains et
l'ensemble des parties concernées au sein des commissions consultatives de
l'environnement puis au sein de cette autorité indépendante est donc une très
bonne chose, qui devrait permettre de lever ce climat de défiance permanent qui
existe entre les riverains et les gestionnaires d'aéroports.
Mais il faut pour cela que cette autorité dispose de pouvoirs importants. Le
travail des deux assemblées a été, à ce titre, très précieux, et je souhaite
que le débat d'aujourd'hui nous permette d'améliorer encore ce texte en
renforçant notamment le rôle de l'autorité et des commissions consultatives de
l'environnement au sein de chaque aéroport.
Je partage ainsi le souci, monsieur le rapporteur, de la commission des
affaires économiques et du Plan de renforcer le statut des membres de
l'autorité de contrôle, qui a été quelque peu fragilisé par l'Assemblée
nationale.
S'agissant des commissions consultatives de l'environnement, qui doivent jouer
pleinement leur rôle d'intermédiaire entre les riverains et l'autorité de
contrôle, je crois impératif de préciser que seules les associations réellement
concernées par l'environnement aéroportuaire peuvent y sièger, afin d'éviter la
présence d'associations manipulées n'ayant comme seul dessein que de multiplier
les contentieux et les procédures.
Enfin, en matière d'urbanisme, je souhaite que notre assemblée accepte les
propositions de l'Assemblée nationale en ce qui concerne la création d'une
nouvelle zone dans les plans d'exposition au bruit, rendant obligatoire une
information plus large des riverains ainsi que l'insonorisation des
constructions nouvelles.
Je voudrais d'ailleurs, monsieur le ministre, vous alerter à ce sujet sur les
dysfonctionnements de l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie, s'agissant du traitement des dossiers de prise en charge de
l'insonorisation des bâtiments. En effet, de nombreux Niçois habitant à
l'intérieur du périmètre du plan de gêne sonore et pouvant prétendre, à ce
titre, à un financement n'ont toujours pas obtenu la moindre réponse plus de
six mois après le dépôt de leur dossier. Il y a là un problème réel et j'espère
que vous en ferez part à votre collègue Dominique Voynet, ministre de
l'environnement, qui exerce la tutelle sur l'ADEME.
Pour conclure, monsieur le ministre, je suis persuadé qu'avec ce texte nous
ouvrons indiscutablement une voie ; à l'Etat de s'y engager en toute franchise,
sans réserve ni faux-fuyants car, à Nice comme ailleurs, très nombreux sont
ceux qui attendent beaucoup ce texte : ils en attendent une amélioration
profonde de leur vie quotidienne. L'enjeu est de taille ; sachons, ensemble, ne
pas les décevoir.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi portant création de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores
aéroportuaires, examiné aujourd'hui en deuxième lecture devant notre assemblée,
prévoit la mise en place d'une autorité dite autorité de contrôle des nuisances
sonores aéroportuaires, dont l'indépendance et l'impartialité sont reconnues et
garanties par le statut de ses membres, non révocables et non renouvelables,
par l'incompatibilité de leur mandat avec certaines fonctions et par un budget
propre.
Cette autorité a principalement un pouvoir de recommandation sur la maîtrise
des nuisances sonores et la limitation de leur impact sur l'environnement et
sur les questions relatives à la mesure du bruit, ainsi qu'un pouvoir de
saisine de l'autorité administrative en cas de manquement aux règles de
protection de l'environnement sonore des aérodromes.
Elle aura aussi des compétences plus spécifiques qui s'exerceront sur les neuf
plus grands aérodromes français : expertises techniques pour la mesure du
bruit, rôle d'information, mission d'avis et de conseil sur les projets de
plans d'exposition au bruit et de gêne sonore ainsi que sur les textes
réglementaires.
Parallèlement, sur le plan local, le rôle des commissions consultatives de
l'environnement dont sont dotés certains aéroports et où siègent des élus, des
associations de riverains, des représentants de compagnies aériennes, des
pilotes et des salariés, est renforcé ; elles disposeront notamment d'un
pouvoir de saisine de l'autorité en vue de vérifier si les engagements pris par
les différentes parties intéressées à l'exploitation de l'aérodrome ont été
tenus.
Je profite de mon temps de parole pour souligner le remarquable travail fait
sur toutes les travées de notre assemblée, car il a largement permis
d'améliorer le texte initial. Je salue notamment la façon dont Jean-François Le
Grand, notre rapporteur, a préparé la discussion en commission. Sa connaissance
du dossier est grande et son souhait d'aboutir à un texte de qualité réel.
Les apports du Sénat ont été importants : la composition de l'autorité a été
améliorée par l'ajout d'un expert en santé, vous l'avez d'ailleurs évoqué tout
à l'heure, monsieur le rapporteur ; les garanties d'indépendance ont été
renforcées ; les compétences de l'autorité, dotée d'un pouvoir de conciliation,
ont été élargies aux nuisances sonores causées par l'ensemble de l'activité
aéroportuaire ; le rôle des commissions consultatives de l'environnement a été
élargi et la fréquence minimale de leur réunion garantie, en vue de remédier
aux dysfonctionnements aujourd'hui constatés.
En adoptant certains articles additionnels, le Sénat a souhaité renforcer la
protection des acquéreurs ou locataires de biens immobiliers situés dans
l'emprise d'un plan d'exposition au bruit. Ainsi, il a également souhaité
donner compétence au préfet pour étendre les prescriptions urbanistiques des
plans d'exposition au bruit à des zones susceptibles d'être incluses dans ce
plan lors de sa révision.
Nos collègues de l'Assemblée nationale ont eu, pour l'essentiel, le souci de
renforcer le pouvoir de contrôle de l'autorité, jusqu'à lui confier,
d'ailleurs, un pouvoir de sanction.
Paradoxalement, malgré cet élargissement de compétence, ils n'ont pas toujours
suivi les propositions du Sénat visant à conforter l'indépendance de
l'autorité, notamment en matière de rémunération.
Ils ont élargi les compétences des commissions consultatives de
l'environnement aux questions relatives à l'aménagement ou à l'exploitation des
aérodromes qui pourraient avoir des incidences sur les zones affectées par le
bruit.
Ils ont revu, enfin, leurs règles de fonctionnement et de composition.
En matière d'urbanisme, ils n'ont pas retenu les propositions du Sénat visant
à améliorer l'information des acquéreurs ou des locataires de biens immobiliers
situés dans des plans d'exposition au bruit.
En revanche, ils ont modifié avec pertinence le zonage des plans d'exposition
au bruit en proposant la création d'une quatrième zone, appelée zone D, qui
permet d'étendre les prescriptions acoustiques et l'information des populations
en deçà de la zone C.
Ils ont, par ailleurs, ouvert la possibilité de construire des habitations
collectives dans la zone C des plans d'exposition au bruit, ce qui était
interdit jusqu'à aujourd'hui.
Le texte tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale nous paraît tout de
même parfaitement acceptable.
Au cours de la discussion, un certain nombre d'amendements seront proposés par
M. le rapporteur, au nom de la commission des affaires économiques, qui
contribueront à préciser et à améliorer le texte initial.
Cependant, je serai amené à déposer, au nom du groupe socialiste, quelques
amendements qui porteront sur la composition de l'autorité. En effet, on peut
regretter que M. le rapporteur n'ait pas maintenu, comme notre assemblée
l'avait fait en première lecture, la présence d'un expert en urbanisme. Certes,
ce dernier a été remplacé par un psycho-acousticien, dont le rôle, nous le
savons tous, est largement attendu, reconnu, voire plébiscité, et assurément
indispensable.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Absolument !
M. Jean-Pierre Plancade.
Même si les fonctions d'expertise en matière d'aéronautique et de navigation
aérienne seront clairement disjointes par un amendement que nous soutiendrons
et qui clarifiera les choses, nous continuons de penser que l'on ne peut faire
l'économie d'un expert en urbanisme.
Enfin, nous regrettons que l'amendement portant sur l'information obligatoire
des acquéreurs et des locataires, défendu avec beaucoup de vigueur, de courage
même, par notre rapporteur, ne soit pas repris. J'ai eu l'occasion de le lui
dire voilà quelques minutes.
Certes, l'information des acquéreurs est déjà rendue obligatoire à l'occasion
du passage des actes, mais il n'existe aucune possibilité d'information à
destination du locataire. Nous défendrons donc un amendement qui va dans ce
sens.
Nous déposerons également un amendement que nous serons prêts à retirer si M.
le ministre nous rassure et qui portera sur la composition des commissions
consultatives d'environnement. Il est en effet souhaitable, selon nous, de
préciser ce que l'on entend par « représentant des professions aéronautiques ».
Notre souhait, c'est qu'il soit clairement fait référence aux représentants des
personnels et des gestionnaires des aérodromes.
Cela étant dit, monsieur le ministre, je tiens à vous remercier pour la
qualité de votre écoute. Le groupe socialiste soutiendra sans réserve votre
projet de loi, qui est très attendu par les institutions, bien sûr, mais aussi
et surtout par les populations riveraines des aéroports.
(Applaudissements
sur les travées socialistes, ainsi que sur celles de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la deuxième
lecture du texte que nous examinons ce matin devrait nous permettre de doter
notre pays d'un instrument adapté en matière de contrôle des nuisances sonores
aéroportuaires, contrôle que le développement, ces dernières années, du
transport aérien dans notre pays, assorti du développement des zones urbaines,
rend aujourd'hui indispensable.
Ainsi que nous l'indiquions en première lecture, les intérêts de tous doivent
être préservés, en l'espèce, ceux du transport aérien, bien sûr, mais également
ceux des riverains des zones aéroportuaires, et la protection des intérêts des
uns comme des autres passe, à n'en pas douter, par la création de cette
autorité de contrôle.
A ce titre, l'examen du texte à l'Assemblée nationale a montré, par la
richesse des débats, mais également par la qualité des amendements et des
modifications qui ont été apportées, l'intérêt que porte la représentation
nationale à ces questions cruciales pour la qualité de la vie de nos
concitoyens.
Parmi les modifications qu'a apportées l'Assemblée nationale, et que nous
approuvons, il convient de noter un accroissement des futures missions de
l'autorité et le changement même du titre de l'autorité, passée d'« autorité de
régulation et de contrôle » à « autorité de contrôle des nuisances sonores
aéroportuaires ». Cela donne le ton !
Au regard des débats traditionnels entre riverains, associations et
responsables du transport aérien, l'indépendance de l'autorité de contrôle est
un élément essentiel du dispositif proposé.
La possibilité de saisine de l'autorité ouverte aux ministres de l'urbanisme
et du logement, mais aussi aux associations de protection de l'environnement,
accroît positivement les prérogatives et le rôle de l'autorité de contrôle.
Dans cette même logique de renforcement des prérogatives de chacun, les
commissions consultatives de l'environnement ont vu leurs pouvoirs renforcés et
leur composition modifiée.
La création d'un comité permanent va également dans le sens d'un renforcement
des missions des commissions consultatives de l'environnement.
Au-delà de ce texte, qui prévoit à n'en pas douter un cadre législatif adapté
et nécessaire au contrôle effectif des nuisances aéroportuaires, c'est, nous
semble-t-il, en amont, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il nous
faut oeuvrer afin de permettre à chacun de retrouver un cadre de vie de
qualité.
D'autant que se pose aujourd'hui, de manière cruciale, la question d'un
troisième aéroport pour l'Ile-de-France.
Aussi le développement de la recherche aéronautique doit-il impérativement
conduire à la mise en oeuvre d'appareils conçus avec le souci de la protection
phonique. C'est là un beau chantier de coopération auquel pourraient s'attacher
les pays d'Europe.
En matière d'urbanisme également, les zones riveraines des aéroports doivent
faire l'objet d'une attention particulière.
Certes, l'information préalable des riverains concernés par l'exposition au
bruit est incontournable. Les amendements de la commission visent d'ailleurs à
renforcer cette information.
Pour autant, peut-on se satisfaire, comme l'indiquait notre collègue François
Asensi, à l'Assemblée nationale, de voir d'anciens villages dépérir du fait de
prescriptions urbanistiques trop contraignantes ?
Ces questions, on le voit, débordent très largement le strict champ du texte
que nous examinons. Elles appellent un débat national ouvert et serein sur le
devenir du transport aérien dans notre pays. Le texte qui nous est soumis ouvre
des perspectives pour un tel débat.
Nul doute que l'autorité de contrôle des nuisances sonores aura, dès
l'adoption de ce projet de loi, bien du travail.
Nous souhaitons, pour notre part, voir la réflexion sur les nuisances sonores
aéroportuaires menée sur tous les fronts, celui de la recherche aéronautique,
celui de la recherche médicale pour ce qui concerne les effets sur la santé
humaine, celui de l'urbanisme, afin de permettre aux populations exposées de
bénéficier d'équipements adaptés.
Enfin, nous restons attachés à un cadre réglementaire adapté en matière de
transport aérien, afin de mettre un terme à la déréglementation et à ses effets
en matière de nuisance.
Puisse la mise en place de l'autorité de contrôle des nuisances sonores
aéroportuaires participer de cette dynamique permettant de restaurer le
dialogue entre riverains des aéroports, associations environnementales, élus et
responsables du transport aérien dans notre pays !
Tel est le sens du soutien que nous apportons au texte qui nous est proposé.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le ministre, mon collègue Pierre Lefebvre ayant exposé la position du
groupe communiste républicain et citoyen sur le projet de loi portant création
de l'autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires et rappelé nos
propositions, je souhaite, pour ce qui me concerne, demander au Gouvernement de
faire le point sur l'évolution de la situation de l'aéroport Charles-de-Gaulle,
à Roissy-en-France.
Mon propos consistera non pas à développer de nouveau nos critiques sur une
extension de l'aéroport trop brutale, trop soudaine, sans concertation, dans
une région en crise, mal préparée à une telle évolution, toujours sous le coup
d'un véritable traumatisme, non plus qu'à revenir sur mes doléances, qui sont
aussi celles de toute la région valdoisienne concernée - elles n'ont pas varié
! - mais plutôt à redéfinir des propositions permettant de concilier la
présence d'un aéroport en développement et la vie des 500 000 habitants qui
l'entourent.
Ma première question portera sur l'évolution du trafic, plus importante que
prévu. Confirmez-vous que la saturation prévue pour 2015 pourrait être atteinte
dès 2006, soit avec presque dix ans d'avance, comme le rapporte le journal
La Tribune
du 10 juin dernier ?
Dans l'affirmative, quelles mesures envisagez-vous de prendre : la
construction de nouvelles pistes à l'aéroport Charles-de-Gaulle ou la
construction d'un nouvel aéroport en Ile-de-France ?
La première solution ne serait-elle pas en parfaite contradiction avec vos
affirmations, à savoir que les quatre pistes seraient un maximum garanti ?
La seconde n'appelle-t-elle pas une décision rapide, qui ne semble pas encore
prise, du lieu d'implantation, une nécessaire concertation des collectivités
territoriales, une étude sur la nature du projet d'aéroport envisagé ?
Vous vous êtes déjà exprimé sur cette question, monsieur le ministre. Votre
réponse a-t-elle varié ?
Ma deuxième question portera sur les retombées économiques.
Les demandes d'emplois s'élevaient, à la fin du mois de mai, à 53 461 pour le
Val-d'Oise, y compris Roissy, soit une légère régression.
En revanche, le nombre des Valdoisiens travaillant sur la plate-forme est en
diminution. Ils ne représentent plus que 12 % à 13 % de l'ensemble des emplois
occupés, alors qu'ils étaient encore 16 000 il y a quelques années.
Si l'on veut permettre aux jeunes Valdoisiens de travailler à Roissy, la
création de sections nouvelles d'enseignement professionnel ne s'impose-t-elle
pas ? Dans aucun des lycées, LEP et collèges de la région est du Val-d'Oise il
n'existe une formation adaptée aux métiers de l'aéronautique ou à ceux des
transports.
Nous apprécions, monsieur le ministre, la constitution d'un observatoire et
d'un GIP « emploi ». La formation est en effet une mesure complémentaire qui
s'impose.
Toujours dans le domaine des retombées, je me dois d'évoquer le problème des
retombées financières.
Comment se fait-il que le fameux rapport Lachenaud soit resté sans suite ? La
répartition des retombées financières ne doit-elle pas être revue ? Pourquoi
avons-nous pris ce retard ? Le ministère de l'économie et des finances doit, à
notre avis, être directement impliqué.
La taxe d'aide à l'insonorisation des riverains doit rester l'équivalent de la
taxe contre la pollution, tout au moins pendant quelques années, afin de
répondre à une demande de plus en plus forte.
Ma troisième question portera sur l'urbanisme. Loin de moi l'idée de
revendiquer un droit à construire dans des régions sinistrées par les nuisances
- nous ne sommes pas irresponsables !
Le plan d'exposition au bruit sera bientôt soumis à enquête publique. La
limite définissant le droit à construire se situera-t-elle à 73, 74 ou 75
décibels ? La décision est-elle prise ?
Pour ma part, je ne suis pas favorable à la construction libre dans les zones
de nuisance. Toutefois, deux situations sont à envisager.
Premièrement, des programmes de construction étaient prévus depuis des années
dans des zones d'aménagement concerté dont l'équilibre financier se trouve
aujourd'hui compromis du fait du renoncement à une partie des programmes. Il
serait injuste de laisser les collectivités territoriales, et donc les
habitants, déjà victimes de nuisances, payer un nouveau tribut sous forme
d'impôt pour la suppression de ZAC qui ne peuvent se réaliser totalement. Que
compte faire l'Etat ? Une subvention d'équilibre ne s'impose-t-elle pas ?
Deuxièmement, la mission « Roissy », avec votre accord, monsieur le ministre,
étudie actuellement le devenir des bourgs anciens tout autour de l'aéroport,
que ce soit dans mon département, le Val-d'Oise, ou en Seine-Saint-Denis et en
Seine-et-Marne. Ces bourgs dépérissent, et leur situation en zone de nuisance
aggrave cet état de fait. Les propriétés se vendent plus mal. Une
réhabilitation s'impose donc.
Un travail fructueux est en cours de réalisation par la mission « Roissy »
avec la participation des élus concernés. Des réhabilitations devront être
engagées.
Pour les permettre, je vous propose d'envisager la constitution d'un fonds
d'aide à la réhabilitation des centres anciens situés dans les zones à 60-73
décibels. C'est la seule façon - la mission « Roissy » vous le confirmera - de
sauver d'une mort certaine ces centres anciens, pourtant riches, vous le savez,
monsieur le ministre, de potentialités architecturales, immobilières,
commerciales, historiques et administratives.
Ce nouveau fonds, afin de ne pas alourdir la trésorerie des fonds existants,
devra faire l'objet d'une ligne budgétaire spécifique inscrite au projet de
budget pour 2000.
Monsieur le ministre, comme vous, nous ne renonçons pas à faire en sorte que
la vie redevienne plus paisible autour de Roissy. La création d'une autorité de
contrôle des nuisances sonores aéroportuaires s'inscrit dans une recherche de
protection de la vie autour des aéroports. Nous nous en félicitons, mais nous
en percevons malgré tout les limites. D'autres mesures doivent suivre, je me
suis efforcé de vous les présenter ce matin, monsieur le ministre.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Il est ajouté, dans le titre II du livre II du code de
l'aviation civile (première partie : législative), un chapitre VII ainsi rédigé
:
« Chapitre VII
« Environnement des aérodromes
«
Art. L. 227-1. -
Il est institué, dans les six mois à compter de la
promulgation de la loi n° ... du ..., une autorité administrative indépendante
dénommée "Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires", composée
de sept membres nommés en raison de leur compétence dans les domaines
économique, juridique ou technique ou de leur connaissance en matière
d'environnement, de santé humaine ou de transport aérien :
« 1° Un président nommé par décret pris en Conseil des ministres ; celui-ci
exerce ses fonctions à plein temps ;
« 2° Deux membres respectivement désignés par le Président de l'Assemblée
nationale et par le Président du Sénat ;
« 3° Une personne compétente en matière d'acoustique et de gêne sonore nommée
par décret du Premier ministre sur proposition du ministre chargé de
l'environnement ;
« 4° Une personne compétente en matière d'urbanisme nommée par décret du
Premier ministre sur proposition du ministre chargé de l'équipement ;
« 5° Une personne compétente en matière d'aéronautique et de navigation
aérienne nommée par décret du Premier ministre sur proposition du ministre
chargé de l'aviation civile ;
« 6° Une personne compétente en matière de santé publique nommée par décret du
Premier ministre sur proposition du ministre chargé de la santé.
« Le mandat des membres de l'autorité est de six ans. Il n'est pas
révocable.
« Pour assurer un renouvellement par moitié de l'autorité, quatre ou trois
membres sont nommés tous les trois ans, suivant que le mandat du président
arrive ou non à échéance.
« Sauf démission, il ne peut être mis fin aux fonctions de membre qu'en cas
d'empêchement constaté par l'autorité dans des conditions qu'elle définit.
« Tout membre exerçant une activité ou détenant un mandat, un emploi ou des
intérêts incompatibles avec sa fonction est déclaré démissionnaire d'office,
après consultation de l'autorité, selon les formes requises pour sa
nomination.
« Si, en cours de mandat, le président ou un membre de l'autorité cesse
d'exercer ses fonctions, le mandat de son successeur est limité à la période
restant à courir. Son successeur est remplacé dans un délai de deux mois.
« Le mandat des membres de l'autorité n'est pas renouvelable. Toutefois, cette
règle n'est pas applicable aux membres dont le mandat, en application de
l'alinéa ci-dessus, n'a pas excédé deux ans.
« Pour la constitution initiale de l'autorité, le président est nommé pour six
ans. Les mandats de l'un des deux membres mentionnés au 2° et de deux des
quatre membres mentionnés aux 3°, 4°, 5° et 6° sont fixés à trois ans. La
détermination des sièges correspondants se fait par tirage au sort
postérieurement à la désignation de leurs titulaires.
« Les membres de l'autorité ne peuvent être nommés au-delà de l'âge de
soixante-cinq ans.
« L'autorité ne peut délibérer que si quatre au moins de ses membres sont
présents. Si elle n'a pu délibérer, une réunion doit se tenir dans un délai
maximum d'un mois. Elle délibère à la majorité des membres présents. En cas de
partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
« Les fonctions de président et de membre de l'autorité sont indemnisées dans
des conditions fixées par arrêté interministériel.
«
Art. L. 227-2
. - La qualité de membre de l'autorité est incompatible
avec l'exercice de tout mandat électif, de toute activité professionnelle
publique ou privée et de toute responsabilité associative, donnant à son
titulaire un intérêt direct ou indirect à l'activité des aéroports. Elle est
également incompatible avec la détention, directe ou indirecte, d'intérêts dans
une entreprise des secteurs aéronautique ou aéroportuaire.
«
Art. L. 227-3
. - L'Autorité de contrôle des nuisances sonores
aéroportuaires émet, à son initiative ou sur saisine du ministre chargé de
l'aviation civile, du ministre chargé de l'urbanisme et du logement ou du
ministre chargé de l'environnement ou d'une commission consultative de
l'environnement mentionnée à l'article 2 de la loi n° 85-696 du 11 juillet 1985
relative à l'urbanisme au voisinage des aérodromes ou d'une association agréée
de protection de l'environnement définie à l'article L. 252-1 du code rural,
des recommandations sur toute question relative à la mesure du bruit et
notamment à la définition d'indicateurs de mesure adéquats, à l'évaluation de
la gêne sonore, à la maîtrise des nuisances sonores du transport aérien et de
l'activité aéroportuaire, et à la limitation de leur impact sur
l'environnement, en particulier par les procédures de moindre bruit pour le
décollage et l'atterrissage. L'autorité prend connaissance des informations et
propositions émises par l'ensemble des parties concernées par l'environnement
sonore aéroportuaire.
« Elle est habilitée à saisir l'autorité administrative compétente de tout
manquement aux règles fixées pour la protection de l'environnement sonore des
aérodromes, passible d'une sanction administrative.
«
Art. L. 227-4
. - Pour les aérodromes visés au 3 de l'article 266
septies
du code des douanes, l'Autorité de contrôle des nuisances
sonores aéroportuaires :
« 1° Définit :
« - les indicateurs de mesure du bruit et de la gêne sonore,
« - les prescriptions techniques applicables, en conformité avec les normes
internationales, aux dispositifs de mesure de bruit et de suivi des
trajectoires,
« - les prescriptions concernant le nombre et l'emplacement des stations de
mesure de bruit pour chacun de ces aérodromes,
« - les prescriptions d'exploitation du réseau de stations.
« Ces indicateurs et prescriptions sont, après homologation par arrêté des
ministres chargés de l'environnement et de l'aviation civile, publiés au
Journal officiel
de la République française. La mise en place,
l'entretien et le renouvellement de ces stations sont assurés par l'exploitant
de l'aérodrome ;
« 2° S'assure du respect de ces prescriptions par l'exploitant de l'aérodrome.
En cas de manquement, l'autorité met l'exploitant de l'aérodrome en demeure de
respecter les obligations qui lui sont imposées en vertu du 1° du présent
article dans un délai qu'elle fixe et qui ne peut être supérieur à un an. Si à
l'expiration de ce délai elle constate que l'exploitant ne s'est pas conformé à
la mise en demeure qui lui a été adressée, elle fait procéder elle-même aux
travaux et réalisations nécessaires. Ces travaux sont effectués aux frais et
sous la responsabilité de l'exploitant ;
« 3° Etablit un programme de diffusion auprès du public, ou de toute personne
physique ou morale qui en fait la demande, des informations sur le bruit dû au
transport aérien et à l'activité aéroportuaire, et en particulier des
enregistrements qui proviennent des réseaux de mesure de bruit et d'une
synthèse des plaintes comportant toute information relative à l'auteur de
l'infraction, la date, l'heure, le lieu, le descriptif du traitement apporté et
la sanction éventuelle, et veille à la mise en oeuvre de ce programme ;
« 4° S'assure, le cas échéant, de la fiabilité des conditions dans lesquelles
ces informations ont été recueillies auprès des exploitants d'aérodromes, des
transporteurs aériens et des services de l'Etat concernés ;
« 4°
bis
S'assure des conditions dans lesquelles les personnes ont
accès aux informations relatives aux plans d'exposition au bruit et aux plans
de gêne sonore et émet des recommandations pour améliorer l'accès à ces
informations ;
« 5° Est consultée sur le projet de plan de gêne sonore visé au II de
l'article 19 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte
contre le bruit et sur le projet de plan d'exposition au bruit et veille à ce
qu'ils soient révisés chaque fois que cela est nécessaire ;
« 6° Est consultée sur les projets de textes réglementaires fixant pour les
aérodromes concernés les mesures visant à assurer la protection de leur
environnement sonore, notamment les valeurs maximales de bruit à ne pas
dépasser, et sur les projets d'élaboration ou de modification des procédures de
départ, d'attente et d'approche aux instruments des mêmes aérodromes ;
« 7° Contrôle, à son initiative ou sur saisine de la commission consultative
de l'environnement mentionnée à l'article 2 de la loi n° 85-696 du 11 juillet
1985 précitée, le respect des engagement pris par les différentes parties
intéressées à l'exploitation de l'aérodrome en vue d'assurer la maîtrise des
nuisances sonores liées à cette exploitation. Elle rend publics les résultats
de ce contrôle ;
« 8° Peut être saisie, en cas de désaccord sur l'exécution des engagements
visés au 7°, d'une demande d'arbitrage par l'une ou l'autre des parties, par la
commission consultative de l'environnement mentionnée ci-dessus, par le
ministre chargé de l'aviation civile ou par le ministre chargé de
l'environnement ;
« 9° Sanctionne, sur proposition de la Commission nationale de prévention des
nuisances, les manquements de la part des responsables de vols, propriétaires,
exploitants techniques ou exploitants commerciaux d'aéronefs :
« - aux restrictions permanentes ou temporaires d'usage de certains types
d'aéronefs en fonction de la classification acoustique, de leur capacité en
sièges et de leur masse maximale certifiée au décollage,
« - aux restrictions permanentes ou temporaires apportées à l'exercice de
certaines activités en raison des nuisances sonores qu'elles occasionnent,
« - aux procédures particulières de décollage et d'atterrissage en vue de
limiter les nuisances sonores engendrées par cette phase de vol,
« - aux règles relatives aux essais moteurs,
« - aux valeurs maximales de bruit à ne pas dépasser.
« Les manquements à ces mesures sont constatés par les fonctionnaires et
agents visés à l'article L. 150-13. Ces manquements font l'objet de
procès-verbaux qui, ainsi que le montant maximum de l'amende encourue, sont
notifiés à la personne concernée et communiqués à l'autorité. La personne
concernée est invitée à présenter ses observations dans un délai d'un mois à
compter de cette notification. Elle doit avoir connaissance de l'ensemble des
éléments de son dossier. Elle doit pouvoir être entendue par la commission
avant que celle-ci ne fasse sa proposition et se faire représenter ou assister
par la personne de son choix.
« A l'expiration du délai d'un mois mentionné à l'alinéa précédent, l'autorité
saisit la Commission nationale de prévention des nuisances qui lui fait une
proposition sur les suites à donner aux affaires dont elle a été saisie et sur
le montant des amendes administratives. Ces amendes administratives sont
prononcées par l'autorité et ne peuvent excéder, par manquement constaté, un
montant de 10 000 francs pour une personne physique et de 100 000 francs pour
une personne morale. Elles font l'objet d'une décision motivée notifiée à la
personne concernée. Elles sont recouvrées comme les créances de l'Etat
étrangères à l'impôt et au domaine. Elles peuvent faire l'objet d'un recours de
pleine juridiction. Aucune amende ne peut être prononcée plus de deux ans après
la constatation d'un manquement.
«
Art. L. 227-5
. - Pour l'exercice de ses missions visées au premier
alinéa de l'article L. 227-3 et à l'article L. 227-4, l'Autorité de contrôle
des nuisances sonores aéroportuaires peut charger un ou plusieurs de ses
membres ou de ses agents, ou des experts qu'elle aura mandatés, de procéder à
des vérifications sur place ou de se faire communiquer tous renseignements et
documents utiles à ses missions. Elle peut confier ponctuellement des études à
des associations agréées de protection de l'environnement définies à l'article
L. 252-1 du code rural.
« Les autorités publiques, les agents publics, les exploitants d'aérodromes et
les transporteurs aériens ne peuvent s'opposer à l'action de l'autorité pour
quelque motif que ce soit et doivent prendre toutes mesures utiles pour la
faciliter.
«
Art. L. 227-6
. - L'Autorité de contrôle des nuisances sonores
aéroportuaires établit chaque année un rapport rendant compte de son activité.
Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement. Il est rendu public.
« L'autorité peut suggérer dans ce rapport toute modification législative ou
réglementaire que lui paraissent appeler notamment les évolutions techniques et
l'approfondissement des connaissances en matière de santé humaine.
«
Art. L. 227-7
. - Les crédits nécessaires au fonctionnement de
l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires sont inscrits au
budget général de l'Etat sur proposition du ministre chargé de l'aviation
civile.
« Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du
contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables à leur gestion.
« Le président de l'autorité est ordonnateur des dépenses. Il présente les
comptes de l'autorité au contrôle de la Cour des comptes.
«
Art. L. 227-8
. - L'Autorité de contrôle des nuisances sonores
aéroportuaires dispose de services qui sont placés sous l'autorité de son
président.
« L'autorité établit son règlement intérieur.
« L'autorité peut employer des fonctionnaires en position de détachement dans
les mêmes conditions que le ministère chargé de l'aviation civile. Elle peut
recruter des agents contractuels.
« Les personnels des services de l'autorité sont tenus au secret professionnel
pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en
raison de leurs fonctions. »
ARTICLE L. 227-1 DU CODE DE L'AVIATION CIVILE
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 25, M. Plancade et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article
1er pour l'article L. 227-1 du code de l'aviation civile, de remplacer le
chiffre « sept » par le chiffre « neuf ».
Par amendement n° 3, M. Le Grand, au nom de la commission, propose, dans le
premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 227-1 du
code de l'aviation civile, de remplacer le chiffre : « sept » par le chiffre :
« huit ».
La parole est à M. Plancade, pour défendre l'amendement n° 25.
M. Jean-Pierre Plancade.
Cet amendement, de même que l'amendement n° 4, que nous examinerons tout à
l'heure, vise à faire passer de sept à neuf l'effectif de l'autorité de
contrôle des nuisances sonores aéroportuaires pour permettre la présence d'un
expert en gêne sonore, comme le prévoyait initialement le projet de loi, et la
présence d'un expert en aéronautique et d'un expert en navigation aérienne. Ces
deux compétences pourtant distinctes ont été confiées à un même expert par
l'Assemblée nationale. Enfin, l'amendement prévoit la présence d'un expert en
urbanisme.
La composition de l'autorité proposée par les sénateurs socialistes est très
proche de celle qui a été adoptée par la commission des affaires économiques.
Il a simplement paru utile aux auteurs de ces amendements de maintenir la
présence au sein de l'autorité d'un expert en urbanisme, compte tenu des
missions qui lui sont confiées et de la complexité du droit de l'urbanisme. En
effet, aux termes du projet de loi, l'autorité est consultée sur les plans de
gêne sonore et sur les projets de plan d'exposition au bruit. Elle peut même
recommander leur révision. La présence d'un expert en urbanisme est donc tout à
fait justifiée.
D'ailleurs, une fois que ces plans seront arrêtés, ils s'appliqueront à toutes
les collectivités et aux différentes institutions concernés. Ils engageront
donc l'avenir. C'est une réponse que je fais par avance à M. le rapporteur,
parce qu'il m'a déjà fait connaître son avis en commission. Un débat nous
oppose pour savoir qui est apparu en premier de l'oeuf ou de la poule.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 3 et pour
donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 25.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
M. Plancade a déjà anticipé ma réponse en laissant entendre
que j'étais opposé à son amendement n° 25 dans la mesure où la commission a
déposé un amendement n° 3.
Mon avis sur l'amendement n° 25 vaudra également pour l'amendement 26. Je n'y
reviendrai pas en détail, puisqu'ils sont quelque peu liés, dans la mesure où
la commission émettra un avis défavorable à l'amendement n° 26.
J'exposerai simplement les raisons qui nous incitent à refuser de faire passer
de huit à neuf le nombre des membres de l'ACNUSA, l'autorité de contrôle des
nuisances sonores aéroportuaires.
Sur le fond, deux raisons militent en faveur de notre opposition à
l'amendement n° 25.
La première, c'est que faire passer à neuf le nombre des membres de cet
organisme entraînerait une sorte de « dilution » - le terme n'est pas très
heureux, mais je n'en trouve pas d'autre dans l'immédiat - des représentants de
la profession aéronautique dans un grand « tout ». Or il importe que la
composition d'une autorité indépendante soit équilibrée, et il convient de
prévoir quelques garanties dans ce domaine. Avec neuf membres, cet objectif
devient un peu plus difficile à atteindre.
Aux termes de nos propositions, l'ACNUSA comptera deux représentants du
ministère de l'environnement, deux représentants de l'aviation - ou de
l'aéronautique au sens le plus large - un spécialiste de la santé humaine, et
trois généralistes. Le fait de rajouter un neuvième membre, en l'occurrence un
urbaniste, ne nous paraît pas opportun.
Monsieur le président, je profiterai de cette intervention pour exposer de
façon générale la position de la commission, ce qui me permettra d'être plus
concis sur les autres amendements.
L'autorité nouvelle a pour vocation d'essayer de contrôler le fait générateur
des nuissances, qui n'est autre que le bruit. Le recours à un
psycho-acousticien est donc nécessaire, même si je sais que, lorsque j'ai
prononcé ce mot tout à l'heure, je vous ai fait un peu sourire, mais je
constate qu'il en faut bien un puisque je n'ai pas été entendu !
(Sourires.)
Le fait générateur, c'est donc le bruit, et introduire un urbaniste dans
la composition de l'autorité indépendante ne servirait à rien puisque, d'une
part, la traduction en termes d'urbanisme ne sera qu'une conséquence de la
décision qui aura été prise par l'autorité indépendante...
M. Jacques Peyrat.
C'est exact !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
... et, d'autre part, le facteur déterminant d'un plan
d'exposition au bruit et d'un plan de gêne sonore, c'est l'indice psophique,
lequel indice ne fait appel qu'à des données d'acoustique ou de bruit mais pas
du tout d'urbanisme.
D'ailleurs, l'écriture sur le plan urbanistique est extrêmement simple, et les
indices psophiques pour le plan d'exposition au bruit se situent actuellement
entre 84 et 72.
M. Jean-Pierre Plancade.
Pouvez-vous nous lire la formule ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Si vous le souhaitez, je peux vous la donner, mais je vous en
ferai grâce, car il y a, dans cette formule, un certain nombre de factorielles
; elle est très longue et je ne suis pas sûr que tout le monde puisse
véritablement la suivre, à commencer, pour être tout à fait franc, par moi !
(Sourires.)
Laissons donc cela aux techniciens que nous ne sommes pas
!
Toujours est-il que, dans ce domaine, il ne faut pas mélanger les genres. Il y
a le fait générateur, c'est le bruit. Il faut donc des spécialistes du bruit en
nombre et en qualité, le reste n'est que conséquence.
Je rappelle en outre que l'autorité indépendante peut diligenter toutes les
études et expertises qu'elle souhaite et donc faire appel à un urbaniste si
elle est confrontée à un problème relevant de son domaine.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à
l'amendement n° 25.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 25 et 3 ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
rapporteur vient de le dire, l'autorité peut mandater des experts dans tous les
domaines, y compris dans celui de l'urbanisme. Je suis donc favorable à
l'amendement n° 3 et défavorable à l'amendement n° 25, et ce d'autant que le
nombre de huit personnes me paraît être un bon compromis.
M. le président.
Monsieur Plancade, l'amendement n° 25 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Plancade.
Les explications de M. le ministre ne sont pas suffisamment convaincantes. Je
maintiens donc l'amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?... Je mets aux voix l 'amendement n° 3,
accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 26, M. Plancade, les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent de remplacer les quatrième (3°), cinquième (4°), sixième
(5°) et septième (6°) alinéas du texte présenté par l'article 1er pour
l'article L. 227-1 du code de l'aviation civile par sept alinéas ainsi rédigés
:
« 3° Six membres, nommés par décret en conseil des ministres, sur proposition
des ministres compétents, respectivement compétents en matière :
« - d'acoustique ;
« - de gêne sonore ;
« - d'urbanisme ;
« - de santé humaine ;
« - d'aéronautique ;
« - de navigation aérienne. »
Par amendement n° 4, M. Le Grand, au nom de la commission, propose de
remplacer les quatrième (3°), cinquième (4°), sixième (5°) et septième (6°)
alinéas du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 227-1 de
l'aviation civile par six alinéas ainsi rédigés :
« 3° Cinq membres, nommés par décret en conseil des ministres, sur proposition
des ministres compétents, respectivement compétents en matière :
« - d'acoustique ;
« - de gêne sonore ;
« - de santé humaine ;
« - d'aéronautique ;
« - de navigation aérienne. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 21, présenté par le
Gouvernement, et tendant :
I. - Dans le premier alinéa du texte de l'amendement n° 4, à supprimer les
mots : « sur proposition des ministres compétents, ».
II. - A rédiger comme suit les cinq derniers alinéas du même texte :
« - d'acoustique, sur proposition du ministre chargé de l'environnement ;
« - de gêne sonore, sur proposition du ministre chargé de l'environnement ;
« - de santé humaine, sur proposition du ministre chargé de la santé ;
« - d'aéronautique, sur proposition du ministre chargé de l'aviation civile
;
« - de navigation aérienne, sur proposition du ministre chargé de l'aviation
civile. »
(L'amendement n° 26 n'a plus d'objet.)
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 4.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Il s'agit de préciser les compétences des cinq membres de
l'autorité autres que les trois généralistes - le président, une personnalité
nommé par le Sénat et une autre par l'Assemblée nationale - qui seront nommés
par décret en conseil des ministres.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 21 et
donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le
sous-amendement du Gouvernement tend à préciser quels seront les ministres qui
proposeront les cinq membres de l'autorité nommés par décret : pour
l'acoustique et la gêne sonore, le ministre chargé de l'environnement ; pour la
santé humaine, le ministre chargé de la santé ; pour l'aéronautique et la
navigation aérienne, le ministre chargé de l'aviation civile.
Bien entendu, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 4 de la
commission, sous réserve de l'adoption de son sous-amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 21 ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Les précisions apportées par le sous-amendement du
Gouvernement ne nous paraissent pas particulièrement utiles ou nécessaires. La
commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 21, pour lequel la commission s'en
remet à la sagesse du Sénat.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 4, accepté par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 5, M. Le Grand, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le neuvième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour
l'article L. 227-1 du code de l'aviation civile :
« Pour assurer un renouvellement par moitié de l'autorité, quatre membres sont
nommés tous les trois ans. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 6, M. Le Grand, au nom de la commission, propose, au début
de la seconde phrase du douzième alinéa du texte présenté par l'article 1er
pour l'article L. 227-1 du code de l'aviation civile, de remplacer les mots : «
Son successeur est remplacé » par les mots : « Ce successeur est nommé ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 27, M. Plancade et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent, dans la deuxième phrase du quatorzième alinéa du texte
présenté par l'article 1er pour l'article L. 227-1 du code de l'aviation
civile, de remplacer les mots : « deux des quatres membres mentionnés aux 3°,
4°, 5° et 6° » par les mots : « trois des six membres mentionnés au 3° ».
Par amendement n° 7, M. Le Grand, au nom de la commission, propose, dans la
deuxième phrase du quatorzième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour
l'article L. 227-1 du code de l'aviation civile, de remplacer les mots : « deux
des quatre membres mentionnés aux 3°, 4°, 5° et 6° » par les mots : « trois des
cinq membres mentionnés au 3° ».
La parole est à M. Plancade, pour défendre l'amendement n° 27.
M. Jean-Pierre Plancade.
Cet amendement n'a plus d'objet.
M. le président.
L'amendement n° 27 n'a plus d'objet.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 7.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 8, M. Le Grand, au nom de la commission, propose, dans le
dernier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 227-1 du
code de l'aviation civile, de remplacer le mot : « et » par les mots : « sont
rémunérées et les fonctions ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Il s'agit de préciser qu'étant à plein temps le président est
rémunéré et pas seulement indemnisé comme les autres membres de l'autorité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 227-1 du code de
l'aviation civile.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 227-2 DU CODE DE L'AVIATION CIVILE
M. le président.
Par amendement n° 9, M. Le Grand, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 227-2 du code
de l'aviation civile :
«
Art. L. 227-2. -
La qualité de membre de l'autorité est incompatible
avec l'exercice de toute activité professionnelle publique ou privée et de
toute responsabilité associative, donnant à son titulaire un intérêt direct ou
indirect à l'activité des aéroports. Elle est également incompatible avec
l'exercice de tout mandat électif, ainsi qu'avec la détention, directe ou
indirecte, d'intérêts dans une entreprise des secteurs aéronautique ou
aéroportuaire. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Cet amendement vise à généraliser l'incompatibilité élective,
en la faisant passer de la première à la seconde phrase - ce qui la met en
facteur commun - pour bien marquer l'indépendance de l'autorité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, le texte proposé pour l'article L. 227-2 du code de l'aviation
civile est ainsi rédigé.
ARTICLE L. 227-3 DU CODE DE L'AVIATION CIVILE
M. le président.
Par amendement n° 10, M. Le Grand au nom de la commission, propose de
remplacer dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par
l'article 1er pour l'article L. 227-3 du code de l'aviation civile, les mots :
« agréée de protection de l'environnement définie à l'article L. 252-1 du code
rural, », par les mots : « concernée par l'environnement sonore aéroportuaire,
».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Il s'agit de faire en sorte que la saisine de l'autorité soit
réservée aux associations directement concernées par les nuisances sonores
aéroportuaires afin de favoriser le dialogue avec les riverains et de mieux
reconnaître, je ne dirai pas les principales victimes, mais les principales
personnes exposées au bruit.
Enfin, au niveau national, près de 1 500 associations sont agréées en vertu du
code rural. Je ne les nommerai pas toutes, mais permettez-moi d'en citer une :
l'association nationale des croqueurs de pommes dont je ne suis pas certain
qu'elle soit véritablement concernée par l'environnement sonore aéroportuaire.
(Sourires.)
Je n'ai cependant rien contre les croqueurs de pommes, puisque la pomme est un
produit normand, comme vous le savez. J'en profite d'ailleurs pour dire : il
faut manger des pommes !
M. Jacques Peyrat.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 23 rectifié, M. Gournac propose de remplacer, à la fin du
premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 227-3 du
code de l'aviation civile, les mots : « l'environnement sonore aéroportuaire.
», par les mots : « le bruit lié aux aérodromes et aux trajectoires de départ,
d'attente et d'approche. »
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Cet amendement vise à permettre à l'autorité de contrôle de prendre
connaissance des informations et des propositions des personnes qui, bien que
n'étant pas directement situées aux abords des aéroports, subissent des
nuisances sonores liées aux trajectoires de départ, d'attente et d'approche des
avions.
Il s'agit non pas, bien entendu, de déplacer l'épicentre du problème, mais de
permettre à l'autorité de contrôle d'avoir connaissance avec précision du champ
global des nuisances liées aux aéroports, des plus graves comme des moins
graves.
En effet, ce qui est à rechercher, dans une démarche de qualité se souciant
sans relâche de l'intérêt général, c'est une amélioration constante des
situations des uns et des autres.
Encore faut-il être persuadé de l'existence de ces situations qui, pour être
différentes, n'en sont pas moins, à des degrés divers, des expositions au
bruit.
Il existe deux façons d'être riverain d'un site aéroportuaire. Il y a d'abord
celle qui est communément admise et qui correspond à la dimension horizontale
de l'espace. Elle justifie bien entendu des études spécifiques et une mise en
place de protections appropriées. Il y en a une seconde, qui correspond à
l'autre dimension de l'espace, à savoir la verticalité.
On ne prend habituellement en considération que la première, pour des raisons
évidentes : on est riverain d'un fleuve, d'un lac, mais jamais d'un couloir
aérien. Pourtant, n'en déplaise à notre vocabulaire, la réalité est bien celle
que nous connaissons aujourd'hui quand les avions survolent nos communes à
basse altitude lors des procédures de départ, d'attente et d'approche.
Cette façon d'être riverain sous le rapport de la verticalité justifie une
attention particulière et des solutions qui sont de deux ordres : d'abord, une
meilleure prise en compte des densités de population survolées dans la
définition des procédures d'approche et, surtout et avant tout, une formation
des pilotes, des contrôleurs aériens et des professionnels du ciel à la culture
antibruit. Un important travail a été effectué en matière d'économie d'énergie
et de sécurité, ce qui est normal ; il convient maintenant que les pilotes
maîtrisent mieux une culture anti-bruit.
Il me semble qu'intégrer dans la formation professionnelle cette
sensibilisation à la question des nuisances sonores, c'est inscrire la
compétence technique dans le champ large de la citoyenneté ou, ce qui est la
même chose, dans le champ d'une déontologie.
Loin de moi l'idée de comparer les communes situées sur des trajectoires
d'attente ou d'approche, avec celles qui, parce qu'elles sont riveraines des
sites, ont à souffrir de nuisances sonores très importantes. Mais moins
souffrir, mes chers collègues, c'est cependant souffrir encore.
Si l'autorité de contrôle peut demain contribuer à améliorer la situation des
uns et des autres, c'est parce qu'elle aura, le moment venu, conduit une
réflexion plus globale. En effet, elle aura fait d'une pierre deux coups, si je
puis dire, ce qui, dans le domaine de l'environnement et de la qualité de vie,
sera toujours apprécié par nos concitoyens.
J'ajoute que cet amendement est tout à fait dans la ligne des propos tenus par
notre excellent rapporteur. Je soutiens cet amendement, mais je tiens à
préciser que je suis pour le développement de l'aviation en France. Je l'ai
toujours dit et je le déclare à nouveau. J'étais d'ailleurs favorable à
l'ouverture de pistes à l'aéroport de Roissy.
M. André Maman.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Dans un premier temps, cet amendement vise à remplacer les
mots : « l'environnement sonore aéroportuaire » par les mots : « le bruit lié
aux aérodromes », ce qui permet de conserver la signification plus large que
nous avions voulue en première lecture par rapport au seul bruit du transport
aérien qui figurait initialement dans le texte. Je m'adresse tout
particulièrement à mon collègue et ami M. Plancade pour qu'il comprenne bien
tout l'intérêt de cette précision.
Dans un deuxième temps, je remercie notre collège M. Alain Gournac d'avoir
déposé cet amendement, qui permet en effet aux personnes subissant des
nuisances du fait du survol aérien de transmettre leurs recommandations et
leurs suggestions à l'ACNUSA.
Des nuisances sont effectivement liées aux trajectoires d'approche et de
départ. Je pense particulièrement à celles qui concernent la MOSUD. C'est un
mot un peu barbare, employé dans l'aéronautique et qui veut dire « modification
sud ». C'est une procédure qui permet de modifier les trajectoires des avions
et de faciliter l'approche lorsque le vent souffle de l'est. Si l'on met en
place la MOSUD, on évite le survol de la vallée de Montmorency.
Cette procédure est importante, indispensable même, pour les pilotes et pour
les approches aériennes. Cela étant, elle entraîne une nuisance. Je me réjouis
donc de cet amendement parce qu'il permettra d'élargir le champ d'investigation
de l'ACNUSA, de manière que les demandes de tous ceux qui sont concernés par le
bruit soient prises en considération.
Je reviendrai d'ailleurs sur cette question à l'occasion de la discussion de
l'article L. 227-4. Mais la commission approuve totalement cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 23 rectifié.
M. Jean-Pierre Plancade.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade.
Le groupe socialiste est également favorable à cet amendement et remercie M.
Gournac de l'avoir déposé.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23 rectifié, accepté par la commission et par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 227-3 du code de
l'aviation civile.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE L. 227-3
DU CODE DE L'AVIATION CIVILE
M. le président.
Par amendement n° 1 rectifié, le Gouvernement propose d'insérer, après le
texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 227-3 du code de l'aviation
civile, un nouvel article ainsi rédigé :
« Art. L..... - Sur proposition de la Commission nationale de prévention des
nuisances, l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires prononce
une amende administrative à l'encontre :
« - soit de la personne physique ou morale exerçant une activité de transport
aérien public au sens du premier alinéa de l'article L. 330-1 ;
« - soit de la personne physique ou morale au profit de laquelle est exercée
une activité de transport aérien au sens de l'article L. 310-1 ;
« - soit de la personne physique ou morale exerçant une activité aérienne,
rémunérée ou non, autre que celles visées à l'article L. 310-1 et au premier
alinéa de l'article L. 330-1 ;
« - soit du fréteur dans le cas visé à l'article L. 323-1 ;
« - dont l'aéronef ne respecte pas les mesures prises par le ministre chargé
de l'aviation civile sur un aérodrome fixant :
« - des restrictions permanentes ou temporaires d'usage de certains types
d'aéronefs en fonction de la classification acoustique, de leur capacité en
sièges ou de leur masse maximale certifiée au décollage ;
« - des restrictions permanentes ou temporaires apportées à l'exercice de
certaines activités en raison des nuisances sonores qu'elles occasionnent ;
« - des procédures particulières de décollage ou d'atterrissage en vue de
limiter les nuisances sonores engendrées par ces phases de vol ;
« - des règles relatives aux essais moteurs ;
« - des valeurs maximales de bruit à ne pas dépasser.
« Les manquements à ces mesures sont constatés par les fonctionnaires et
agents visés à l'article L. 150-13. Ces manquements font l'objet de
procès-verbaux qui, ainsi que le montant de l'amende encourue, sont notifiés à
la personne concernée et communiqués à l'Autorité.
« La personne concernée est invitée à présenter ses observations à l'Autorité
dans un délai d'un mois à compter de cette notification.
« A l'expiration du délai d'un mois mentionné à l'alinéa précédent, l'Autorité
saisit la commission pour que celle-ci lui fasse une proposition sur les suites
à donner à l'affaire et, le cas échéant, sur le montant de l'amende à
prononcer. Cette proposition est adoptée à la majorité des membres présents. En
cas de partage égal des voix, celle du président de la commission est
prépondérante.
« Durant la procédure suivie devant l'Autorité et la Commission, la personne
concernée doit avoir connaissance de l'ensemble des éléments de son dossier.
Elle doit pouvoir être entendue par la Commission avant que celle-ci ne se
prononce sur son cas et se faire représenter ou assister par la personne de son
choix.
« Les amendes administratives sont prononcées par l'autorité et ne peuvent
excéder, par manquement constaté, un montant de 10 000 francs pour une personne
physique et de 100 000 francs pour une personne morale. Elles font l'objet
d'une décision motivée notifiée à la personne concernée. Elles sont recouvrées
comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine. Elles peuvent
faire l'objet d'un recours de pleine juridiction. Aucune amende ne peut être
prononcée plus de deux ans après la constatation d'un manquement.
« Les membres de la Commission nationale de prévention des nuisances sont
nommés par le ministre chargé de l'aviation civile et comprennent, outre un
président choisi parmi les personnes représentant l'Etat, des personnalités
qualifiées dans les domaines de l'aéronautique et de l'environnement. Un décret
en Conseil d'Etat fixe le nombre de membres titulaires et suppléants de la
Commission, ainsi que ses règles de fonctionnement. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement présenté par M. Le Grand, au
nom de la commission, et tendant, dans la première phrase de l'avant-dernier
alinéa du texte de l'amendement n° 1 rectifié, à remplacer la somme : « 100 000
francs » par la somme : « 80 000 francs ».
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 1 rectifié.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Cet amendement
prévoit d'insérer un nouvel article dans le code de l'aviation civile. Ainsi,
les sanctions seront applicables à l'ensemble des aéroports français. La
rédaction actuelle du projet de loi limite en effet l'application de ce
dispositif aux neuf principales plates-formes.
Par ailleurs, la notion de « responsable du vol » actuellement en vigueur est
ambiguë dans la mesure où, dans le code de l'aviation civile, la responsabilité
technique d'un vol appartient au commandant de bord. La rédaction proposée
définit de façon précise les personnes sanctionnables en s'appuyant sur des
catégories juridiques clairement identifiées dans le code de l'aviation
civile.
Enfin, le renvoi à un décret en Conseil d'Etat doit être prévu pour pérenniser
les règles actuelles de composition et de fonctionnement de la Commission
nationale de prévention des nuisances.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre le sous-amendement n° 31 et
donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 1 rectifié.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
La commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° 1
rectifié, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 31.
Avec l'amendement n° 1 rectifié, le Gouvernement propose de réécrire les huit
derniers alinéas de l'article L. 227-4 du code de l'aviation civile. Aux termes
de cette rédaction, l'ACNUSA détiendrait désormais le pouvoir de sanctionner
qui était détenu précédemment par le ministère chargé de l'aviation civile. Il
s'agit là d'une modification importante.
L'Assemblée nationale a souhaité transférer ce pouvoir du ministre à la future
autorité indépendante, mais elle s'est bornée à reprendre purement et
simplement les dispositions à caractère réglementaire du code de l'aviation
civile, fixées par un décret de 1997 aux articles R. 226-1 à R. 226-4 sans en
modifier la rédaction. En particulier, la Commission nationale de prévention
des nuisances sonores, la CNPN, instituée en 1997 pour proposer les sanctions
au ministre, a été conservée.
L'amendement n° 1 rectifié ne change pas fondamentalement le dispositif ; il
prévoit une rédaction plus précise en ce qui concerne, notamment, la définition
des personnes susceptibles de se voir infliger des sanctions.
De plus, le dispositif est rendu applicable à l'ensemble des plates-formes où
existent des restrictions d'usage, et non pas seulement aux neuf aéroports les
plus grands. Cette évolution va dans le bon sens.
Cela étant, il est apparu à la commission que le montant des sanctions était
trop élevé. C'est la raison pour laquelle elle vous propose de retenir 80 000
francs. Un moyen courrier ou un court courrier dégageant un profit d'environ
100 000 francs, des sanctions annuleraient le bénéfice.
Par ailleurs, je prendrai l'exemple d'Air France. Cette compagnie préprogramme
ses atterrissages à quatre-vingt-dix minutes, ce qui veut dire qu'elle prévoit
une large marge. Or, le plus souvent, ce sont des engorgements aux abords de la
plate-forme aéroportuaire qui provoquent les retards, et l'on ne peut pas
imputer ces retards à la seule compagnie, alors même qu'elle a accompli un
effort.
C'est la raison pour laquelle, si des sanctions doivent être prises, il est
souhaitable qu'elles soient ramenées à de justes proportions. C'est un peu une
discussion de type normand qui s'est instaurée au sein de la commission. On a
pensé que le chiffre de 80 000 francs pouvait être retenu dans la mesure où il
ne s'agissait que d'un plafond, la sanction pouvant être moindre. La moyenne
des sanctions qui sont actuellement infligées est d'ailleurs de l'ordre de 28
000 à 30 000 francs, si mes souvenirs sont exacts.
C'est pourquoi nous avons présenté le sous-amendement n° 31. Cela étant, je me
permettrai de poser deux questions à M. le ministre relatives au choix qui a
été fait de conserver la CNPN.
Il est prévu que l'autorité de contrôle saisit la CNPN dans le délai d'un
mois. S'agit-il d'une compétence liée, la saisine sera-t-elle automatique ?
De plus, quelle sera la composition de la CNPN ? En particulier, un quorum
sera-t-il institué s'agissant de ses délibérations, en particulier pour assurer
que les sanctions proposées ont donné lieu à un échange équilibré et non
partisan ?
Il est vrai, monsieur le ministre, que vous avez prévu un système de
suppléance, de manière que le quorum puisse être atteint. Je souhaite
simplement vous l'entendre dire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 31 ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Tout d'abord, je
donnerai une réponse affirmative aux deux questions posées par M. le
rapporteur, y compris celle qui concerne le quorum : le dispositif actuel est
maintenu.
En ce qui concerne le montant de la sanction, j'avais émis des réserves à
l'Assemblée nationale, précisément sur le niveau élevé qui était proposé. En
conséquence, je suis favorable à la proposition de la commission. J'ajouterai
que 100 000 francs, ce n'est pas seulement le bénéfice ; sur un moyen courrier,
il s'agit de la recette totale.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
J'ai fait un lapsus, il s'agit effectivement du chiffre
d'affaires.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 31.
M. Pierre Lefebvre.
Je demande la parole contre le sous-amendement.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, je dois dire que, malgré les explications apportées en
commission et les indications de M. le rapporteur, il est nécessaire,
pensons-nous, de maintenir ce niveau d'amende, qui nous apparaît relativement
raisonnable eu égard aux nuisances et au nombre de personnes qu'elles
frappent.
L'Assemblée nationale, lors de l'examen du texte, a introduit ce pouvoir de
sanction, et ce régime d'amendes administratives a été validé par la Haute
Assemblée.
Nous avons donc tout intérêt à maintenir à ce niveau le régime des amendes. En
conséquence, notre groupe votera contre le sous-amendement n° 31.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 31, accepté par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 1 rectifié, accepté par la
commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article L. 227-3 du code de l'aviation civile.
ARTICLE L. 227-4 DU CODE DE L'AVIATION CIVILE
M. le président.
Par amendement n° 11 rectifié, M. Le Grand, au nom de la commission, propose,
dans le neuvième alinéa (3°) du texte présenté par l'article 1er pour l'article
L. 227-4 du code de l'aviation civile, de remplacer les mots : « et d'une
synthèse des plaintes comportant toute information relative à l'auteur de
l'infraction, la date, l'heure, le lieu, le descriptif du traitement apporté et
la sanction éventuelle par les mots : « et des données relatives aux sanctions
infligées en vertu de l'article ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Cet amendement tend à remplacer la synthèse des plaintes par
la publication d'informations sur les sanctions. La rectification est de
coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 12, M. Le Grand, au nom de la commission, propose, à la fin
du douzième alinéa (5°) du texte présenté par l'article 1er pour l'article L.
227-4 du code de l'aviation civile, de remplacer les mots : "veille à ce qu'ils
soient révisés chaque fois que cela est nécessaire ;" par les mots :
"recommande leur révision quand elle l'estime nécessaire ;" ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
L'autorité n'est compétente pour réviser ni les plans
d'exposition au bruit ni les plans de gêne sonore. Il n'est donc pas possible
que l'autorité « veille ». Voilà pourquoi nous proposons qu'elle « recommande »
la révision de ces plans lorsqu'elle l'estime nécessaire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 13, M. Le Grand, au nom de la commission, propose, dans le
quinzième alinéa (8°) du texte présenté par l'article 1er pour l'article L.
227-4 du code de l'aviation civile, de remplacer les mots : "d'arbitrage" par
le mot : "de médiation". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Il s'agit d'une modification plus profonde dans la mesure où
le terme d'arbitrage nous est apparu impropre.
En effet, soit il s'agit d'un pouvoir de règlement des différends de nature
juridictionnelle, et le texte n'apporte alors pas les garanties qu'exige le
Conseil constitutionnel ; soit il s'agit d'une procédure non contraignante, et
le terme d'arbitrage est alors ambigu.
C'est la raison pour laquelle nous avons voulu retenir le terme de médiation,
qui nous paraît plus positif, plus volontariste et plus satisfaisant, notamment
sur le plan de la rédaction juridique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable pour
les mêmes raisons !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix de l'amendement n° 13, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 2, le Gouvernement propose de supprimer les huit derniers
alinéas du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 227-4 du code de
l'aviation civile.
Par amendement n° 14, M. Le Grand, au nom de la commission, propose, dans la
deuxième phrase du dernier alinéa du texte pésenté par l'article 1er pour
l'article L. 227-4 du code de l'aviation civile, de remplacer le montant : «
100 000 francs » par le montant : « 80 000 francs ».
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Cet amendement
de coordination est la conséquence de l'adoption de l'amendement n° 1 rectifié
du Gouvernement.
Le dispositif de sanctions faisant maintenant l'objet d'un article additionnel
inséré dans le code de l'aviation civile, il convient d'enlever ces
dispositions de l'article L. 227-4.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Favorable par coordination.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 14 n'a plus d'objet.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Comme je vous l'avais dit tout à l'heure, je souhaite, avant
la mise aux voix de l'article L. 227-4, interroger M. le ministre.
L'alinéa 6° de l'article L. 227-4 dispose que l'ACNUSA est consultée, entre
autres, sur les projets d'élaboration ou de modification des procédures de
départ, d'attente et d'approche aux instruments des plus grands aérodromes.
Comme je l'avais dit à l'occasion de la discussion de l'amendement n° 23
rectifié de notre excellent collègue Alain Gournac, l'intervention de
l'autorité est nécessaire, compte tenu des nuisances liées au survol à basse
altitude.
Mais ce sujet ayant été largement débattu, il est inutile d'y revenir. L'avis
de l'ACNUSA permettra à coup sûr d'aller dans la bonne direction en matière de
réduction du bruit, plus particulièrement celui qui est lié aux procédures
d'approche et aux atterrissages.
Toutefois, je souhaite préciser la teneur de ce pouvoir confié à l'autorité
afin d'éclairer l'interprétation future de cet article, notamment par les
pouvoirs réglementaire et judiciaire.
Si les manoeuvres de départ et d'approche entrent évidemment dans le champ de
compétences de l'autorité, il n'en va pas de même du contrôle en route, pour
lequel les survols ont lieu à haute altitude et n'occasionnent pas d'empreinte
sonore au sol.
Je souhaite, par conséquent, monsieur le ministre, que vous nous précisiez le
plafond - c'est-à-dire l'altitude pertinente, encore que ce soit un terme très
subjectif - en deçà duquel l'intervention de l'autorité est nécessaire.
Pour éviter la subjectivité du terme, il pourrait s'agir, me semble-t-il, du
niveau de vol 60, soit 6 000 pieds par rapport au niveau de référence de 1 013
hectopascals, qui est le niveau de la mer en atmosphère standard.
Dans cette hypothèse, l'ensemble des trajectoires sensibles au décollage et à
l'atterrissage serait concerné, comme j'ai pu le constater sur les cartes qui
m'ont été transmises.
Les cartes dont je dispose prévoient des zones affectées, notamment dans les
départs face à l'ouest et dans les départs face à l'est, et, bien évidemment,
par voie de conséquence, dans les arrivées venant des mêmes directions.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je vais parler
en mètres et non en pieds !
(Sourires.)
L'autorité excercera sa compétence pour les survols en dessous de 2 000
mètres, ce qui correspond exactement au nombre de pieds que vous avez donné,
monsieur le rapporteur.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le texte modifié proposé pour l'article L. 227-4 du code de
l'aviation civile.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 227-5 DU CODE DE L'AVIATION CIVILE
M. le président.
Par amendement n° 15, M. Le Grand, au nom de la commission, propose de
supprimer la dernière phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article
1er pour l'article L. 227-5 du code de l'aviation civile.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Il n'y a pas lieu de prévoir que l'autorité peut commander
des études particulières, puisque c'est la règle qui est prévue dans le code
des marchés publics et qui s'applique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?... Je mets aux voix l'amendement n° 15,
accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte ainsi modifié proposé pour l'article L. 227-5 du
code de l'aviation civile.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLES L. 227-6 À L. 227-8
DU CODE DE L'AVIATION CIVILE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles L. 227-6, L. 227-7 et L. 227-8 du
code de l'aviation civile, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Je les mets aux voix.
(Ces textes sont adoptés.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - I. - L'article 2 de la loi n° 85-696 du 11 juillet 1985 relative à
l'urbanisme au voisinage des aérodromes est ainsi modifié :
« - Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La création est de droit, également, pour les aérodromes mentionnés au 3 de
l'article 266
septies
du code des douanes. » ;
« - Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« La commission est consultée sur toute question d'importance relative à
l'aménagement ou à l'exploitation de l'aérodrome qui pourrait avoir une
incidence sur les zones affectées par le bruit. Elle peut également, de sa
propre initiative, émettre des recommandations sur ces questions. Lorsque l'un
des aérodromes visés au 3 de l'article 266
septies
du code des douanes
est concerné, ces recommandations sont transmises à l'Autorité de contrôle des
nuisances sonores aéroportuaires. La commission consultative de l'environnement
coordonne, le cas échéant, la rédaction des documents écrits qui formalisent
les engagements pris par les différentes parties intéressées à l'exploitation
de l'aérodrome en vue d'assurer la maîtrise des nuisances sonores liées à cette
exploitation. » ;
« - Il est inséré, après le deuxième alinéa, sept alinéas ainsi rédigés :
« Notamment pour les chartes de qualité de l'environnement sonore, elle assure
le suivi de leur mise en oeuvre. Elle peut saisir l'Autorité de contrôle des
nuisances sonores aéroportuaires de toute question relative au respect de ces
chartes et de toute demande d'étude ou d'expertise.
« Les avis de la commission sont motivés et détaillent la position de chacun
de ses membres : ils sont rendus publics.
« Pour les aérodromes mentionnés au 3 de l'article 266
septies
du code
des douanes, la commission établit un rapport annuel rendant compte de son
activité : ce rapport est rendu public.
« Les moyens de fonctionnement de la commission sont mis à sa disposition par
l'exploitant de l'aérodrome.
« La commission se réunit au moins une fois par an. Sa réunion est de droit
lorsque le tiers de ses membres en fait la demande ou le comité permanent.
« La commission peut créer en son sein un comité permanent représentatif de sa
propre composition et qui exerce les compétences prévues au deuxième alinéa du
présent article. La création de ce comité permanent est de droit pour les
commissions consultatives de l'environnement des aérodromes visés au 3 de
l'article 266
septies
du code des douanes.
« La commission mentionnée au II de l'article 19 de la loi n° 92-1444 du 31
décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit est constituée au sein du
comité permanent de la commission consultative de l'environnement. Cette
disposition sera mise en oeuvre en fin de mandat de ces commissions. » ;
« - Les troisième à neuvième alinéas sont remplacés par cinq alinéas ainsi
rédigés :
« Cette commission comprend :
« - pour un tiers de ses membres, des représentants des professions
aéronautiques ;
« - pour un tiers, des représentants des collectivités locales intéressées
;
« - pour un tiers, des représentants des associations de riverains de
l'aérodrome et des associations de protection de l'environnement et du cadre de
vie.
« Elle est présidée par le représentant de l'Etat. Les représentants des
administrations intéressées assistent à ses réunions. »
« II. - Le troisième alinéa du II de l'article 19 de la loi n° 92-1444 du 31
décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit est ainsi rédigé :
« La composition et les règles de fonctionnement de cette commission sont
définies par décret en Conseil d'Etat ; toutefois, les dispositions applicables
à la composition et aux règles de fonctionnement des commissions existantes,
instituées en application du présent article, demeurent applicables jusqu'à
l'expiration du mandat de leur président. »
« III. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du
présent article. »
Par amendement n° 28, M. Plancade et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent, dans la première phrase du douzième alinéa du I de cet
article, après les mots : « et qui exerce », d'insérer les mots : « , par
délégation de la commission et selon les orientations qu'elle lui a fixées
».
La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade.
L'objet de cet amendement concerne le comité permanent créé au sein de la
commission consultative de l'environnement et qui exercera, aux termes du
projet de loi, des compétences importantes.
Il aura à traiter des questions relatives à l'aménagement ou à l'exploitation
de l'aérodrome qui ont des incidences sur les zones affectées par le bruit.
Il aura aussi à coordonner la rédaction des chartes de qualité de
l'environnement sonore et à en assurer le suivi.
Dès lors, pour s'assurer de la transparence et du caractère démocratique des
travaux du comité permanent, il a paru utile aux auteurs de cet amendement de
préciser que ce comité agit par délégation de la commission consultative de
l'environnement et selon les orientations qu'elle lui a fixées.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Il est apparu à la commission que l'organisation des comités
permanents est strictement homothétique par rapport à la composition des
commissions consultatives de l'environnement. Par voie de conséquence, la
précision que vise à introduire l'amendement n° 28 paraît tout à fait
superfétatoire. Cependant, pourquoi ne pas l'inscrire dans le projet de loi
?
La commission s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le projet de loi
tel qu'il est rédigé indique que le comité permanent a pour fonction d'assurer
la continuité dans le suivi de l'impact du bruit autour de la plate-forme
aéroportuaire et rend compte de ses travaux à la commission consultative de
l'environnement, qui est seule habilitée à donner des avis et à saisir
l'autorité indépendante.
A partir de là, je suis la même démarche que celle de M. le rapporteur. Je me
demande si l'amendement ne pourrait pas être retiré ; s'il ne l'était pas, je
m'en remettrais également à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président.
Monsieur Plancade, maintenez-vous l'amendement n° 28 ?
M. Jean-Pierre Plancade.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, sur lequel la commission et le
Gouvernement s'en remettent à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 24, M. Gournac propose :
I. - Après le douzième alinéa du I de l'article 2, d'insérer un alinéa ainsi
rédigé :
« La commission ou son comité permanent entend à sa demande toute personne
concernée par les nuisances sonores résultant des trajectoires de départ,
d'attente et d'approche, qui ne serait pas représentée au sein de la commission
consultative de l'environnement. »
II. - En conséquence, dans le sixième alinéa du I de ce même article, de
remplacer le chiffre : « sept » par le chiffre : « huit ».
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Cet amendement est la suite logique de l'amendement n° 23 rectifié, que je
vous ai présenté à l'article 1er et que vous avez bien voulu adopter.
Il vise à associer à la concertation les communes et les associations qui,
bien que n'étant pas directement riveraines des plates-formes aéroportuaires,
subissent des nuisances sonores liées aux trajectoires de départ, d'attente et
d'approche.
Il prévoit que ces communes et ces associations puissent se faire entendre par
la commission ou son comité permanent, à leur demande et sans que cette demande
puisse être refusée.
Il renforce ainsi l'autorité de contrôle en lui permettant d'avoir une
connaissance exhaustive du problème des nuisances sonores liées au trafic
aérien.
Par là même, en apportant à ces associations ou ces communes la possibilité
d'être reçues et entendues, cet amendement vise à permettre à la démocratie de
s'exercer sur le terrain de manière toujours plus moderne par la pratique de la
concertation, de l'information et de la transparence.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je ne reprendrai pas les longues explications que j'ai
fournies tout à l'heure sur l'amendement n° 23 rectifié de M. Gournac à
l'article 1er, car ce qui vaut pour l'un vaut pour l'autre.
Il s'agit effectivement d'une amélioration du dispositif et c'est la raison
pour laquelle la commission est tout à fait favorable à l'amendement n° 24.
Elle modifie profondément le droit de saisine des commissions consultatives de
l'environnement, au sein desquelles ne siègent actuellement que les communes
riveraines de l'aérodrome. Mais cette modification constitue un progrès
important qu'il convient de souligner à sa juste valeur ; c'est pourquoi nous
remercions à nouveau l'auteur de l'amendement de sa proposition.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Avis
favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 16, M. Le Grand, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le treizième alinéa du I de l'article 2 :
« Le comité permanent constitue la commission consultative mentionnée au II de
l'article 19 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte
contre le bruit. Toutefois, lorsque le comité permanent siège en cette qualité,
les représentants de l'Etat et du gestionnaire d'aérodrome assistent avec voix
délibérative à ses réunions, conformément à l'article 19 de la loi n° 92-1444
précitée. Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie, de l'aviation
civile et de l'environnement détermine les modalités d'application et la date
de mise en oeuvre de cet alinéa, qui entre en vigueur, pour chaque commission,
à la fin de son mandat en cours à la date de promulgation de la loi n° ... du
... portant création de l'autorité de contrôle des nuisances sonores
aéroportuaires. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Nous proposons une nouvelle rédaction du treizième alinéa du
I de l'article 2, tout simplement parce que la rédaction actuelle, telle
qu'elle est proposée par l'Assemblée nationale, présenterait, si elle devait
être retenue, un double inconvénient.
D'abord, elle introduit une disposition contraire à une disposition en
vigueur, sans abroger la précédente, puisque l'article 19 de la loi « bruit »
s'oppose au projet dont nous discutons.
Par ailleurs, je l'ai déjà souligné, il ne serait pas convenable que des
représentants de l'Etat ne soient pas présents lorsqu'il s'agit d'affecter des
fonds publics.
Avec cet amendement, nous avons donc voulu rattraper une erreur, probablement
passagère et involontaire, de l'Assemblée nationale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable pour
les mêmes raisons.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 29, M. Plancade et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent de compléter le seizième alinéa du I de l'article 2 par
les mots : « , notamment des représentants du gestionnaire et des personnels de
l'aérodrome ; ».
La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade.
L'Assemblée nationale a modifié la composition des commissions consultatives
de l'environnement pour mettre en place une composition tripartite :
professions aéronautiques, collectivités locales et associations.
La notion de « représentants des professions aéronautiques » mériterait d'être
clarifiée. Si l'on s'en tient à la composition actuelle des CCE, on peut
supposer qu'elle vise les gestionnaires et personnels des aérodromes et non les
constructeurs aéronautiques. Mais rien ne l'indique précisément.
Cet amendement a donc pour objet de prévoir explicitement la présence de
représentants des gestionnaires et des personnels des aérodromes au sein des
CCE, comme c'est aujourd'hui le cas dans le droit actuel.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
J'avais cru comprendre que l'amendement serait éventuellement
retiré.
M. Jean-Pierre Plancade.
Monsieur le rapporteur, j'attends les explications du Gouvernement sur ce
sujet. Si elles me donnent satisfaction, je retirerai bien entendu mon
amendement.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Cet amendement vise à préciser que les représentants des
professions aéronautiques qui siègent pour un tiers de l'effectif en commission
consultative de l'environnement comprennent bien des représentants des
gestionnaires et des personnels de l'aérodrome.
Cela va de soi. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, si vous
nous confirmiez cette interprétation pour qu'elle figure au
Journal
officiel
, nous nous en remettrions à la sagesse du Sénat, à moins que M.
Plancade ne retire l'amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je précise que,
par « professions aéronautiques », il faut bien évidemment entendre les
gestionnaires des compagnies aériennes et les syndicats des personnels de la
plate-forme, notamment les syndicats de contrôleurs et de pilotes. Tel est,
d'ailleurs, le système qui est actuellement en vigueur et qui donne
satisfaction. Le décret d'application en donnera la liste.
Je comprends parfaitement cet amendement, mais, en fonction de ces précisions,
je demande à M. Plancade de vouloir bien le retirer.
M. le président.
Monsieur Plancade, compte tenu de l'appel lancé par M. le ministre,
acceptez-vous de retirer votre amendement ?
M. Jean-Pierre Plancade.
Ayant entendu les explications de M. le ministre, je retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 29 est retiré.
Par amendement n° 17, M. Le Grand, au nom de la commission, propose, dans
l'avant-dernier alinéa du I de l'article 2, de remplacer les mots : «
associations de riverains de l'aérodrome et des associations de protection de
l'environnement et du cadre de vie. » par les mots : « associations concernées
par l'environnement aéroportuaire ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
L'argumentation est la même que pour l'amendement n° 8. Il
paraît en effet préférable de limiter la représentation au sein des CCE aux
personnes qui ont un intérêt direct à y siéger. Ce qui valait pour les unes
doit valoir également pour les autres.
La multiplication des intervenants nuirait à l'efficacité.
De plus, les problèmes évoquées par les CCE sont strictement locaux : révision
du PEB, implantation de stations de mesure de bruit.
J'ajoute que les associations à caractère national trouvent à s'exprimer dans
d'autres enceintes telles que le Conseil national du bruit et la commission du
débat public.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Cet amendement
tend à préciser que les associations qui sont représentées au sein des CCE
doivent être « concernées par l'environnement aéroportuaire ».
Or l'exigence de proximité figure déjà dans la rédaction actuelle et cet
amendement supprime la référence explicite aux commissions associations de
protection de l'environnement et du cadre de vie, qui sont, dans bien des cas,
les seuls à pouvoir représenter valablement les riverains de l'aéroport.
La rédaction actuelle me paraissant préférable, je m'en remets à la sagesse du
Sénat.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Monsieur le président, dans un souci de conciliation, je
souhaite rectifier l'amendement n° 17 de telle manière qu'il puisse vraiment
recevoir l'assentiment de M. le ministre.
Il s'agirait de conserver la rédaction actuelle de l'article mais en la
complétant par les mots : « concernées par l'environnement aéroportuaire ».
M. le président.
Je suis donc saisi par M. Le Grand, au nom de la commission, d'un amendement,
n° 17 rectifié, tendant à compléter l'avant-dernier alinéa du I de l'article 2
par les mots : « concernées par l'environnement aéroportuaire ».
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Articles 3 et 4
M. le président.
« Art. 3. - Le premier alinéa de l'article 7 de la loi n° 92-1444 du 31
décembre 1992 précitée est ainsi rédigé :
« En vue de limiter les nuisances résultant du trafic d'hélicoptères dans les
zones à forte densité de population, il est interdit d'effectuer des vols
d'entraînement au départ ou à destination d'aérodromes situés dans ces zones
ainsi que, au-dessus des mêmes zones, des vols touristiques circulaires sans
escale ou avec escale de moins d'une heure. Un décret en Conseil d'Etat
détermine les limitations que peut fixer le ministre chargé de l'aviation
civile au trafic d'hélicoptère au départ ou à destination d'aérodromes situés
dans ces zones ou au-dessus de ces zones, en termes notamment de nombre de
mouvements, de plages horaires, de répartition des survols dans le temps, de
niveau sonore, de type d'appareils ou de procédures de décollage ou
d'atterrissage. » -
(Adopté.)
« Art. 4. - Le premier alinéa de l'article L. 147-3 du code de l'urbanisme est
remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Pour l'application des prescriptions édictées par le présent chapitre, un
plan d'exposition au bruit est établi pour chacun des aérodromes mentionnés à
l'article L. 147-2. Ce plan est établi par l'autorité administrative, après
consultation :
« - des communes intéressées ;
« - de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires pour les
aérodromes visés au 3 de l'article 266
septies
du code des douanes, qui
recueille au préalable l'avis de la commission consultative de l'environnement
concernée ;
« - de la commission consultative de l'environnement concernée, lorsqu'elle
existe, pour les autres aérodromes. » -
(Adopté.)
Article 4
bis
M. le président.
« Art. 4
bis
. - Dans le cinquième alinéa de l'article L. 147-5 du code
de l'urbanisme, les mots : "individuelles non groupées" sont supprimés. »
Par amendement n° 18 rectifié, M. Le Grand, au nom de la commission, propose
de rédiger comme suit cet article :
« Le cinquième alinéa de l'article L. 147-5 du code de l'urbanisme est
complété
in fine
par le membre de phrase suivant : ", ainsi que des
constructions d'immeubles collectifs à usage d'habitation si elles
s'accompagnent d'une réduction équivalente, dans un délai n'excédant pas un an,
de la capacité d'accueil d'habitants dans des constructions existantes situées
dans la même zone". »
Le Gouvernement a déposé un sous-amendement n° 22, tendant, dans le texte de
l'amendement n° 18, à remplacer les mots : « simultanée et équivalente » par
les mots : « équivalente dans un délai raisonnable ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 18
rectifié.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
L'Assemblée nationale, sur une proposition de M. Asensi, a
décidé d'atténuer le caractère contraignant des obligations prévues par cet
article, afin de ne pas bloquer l'évolution éventuelle de ce qu'on appelle les
« vieux bourgs ».
A partir du moment où une collectivité est située dans une zone d'exposition
au bruit, il n'est pas convenable de continuer de construire et d'aller
délibérément exposer de nouvelles populations à ce bruit, sachant qu'elles ne
tarderont pas à manifester leur mécontentement. Il y a donc lieu de s'engager
dans une spirale vertueuse plutôt que de contribuer à aggraver encore une
situation déjà difficile, notamment pour ceux qui habitent dant une telle
zone.
Par l'amendement n° 18 rectifié, nous proposons de réduire en quelque sorte
l'appel d'air en matière de construction et de limiter les éventuels effets
pervers de cette disposition, qui répond à une préoccupation au demeurant tout
à fait compréhensible.
Nous faisons référence non à un nombre d'habitants, mais à une capacité
d'accueil. Ainsi est permise une évolution saine à l'intérieur de la
collectivité concernée : des logements de conception ancienne et mal
insonorisés peuvent être remplacés par des logements neufs intégrant des
techniques modernes en matière de protection contre le bruit.
Dans un premier temps, nous avions retenu la formule : « réduction simultanée
». Cependant, il est bien évident que la simultanéité est quelquefois difficile
à obtenir. C'est la raison pour laquelle nous avons ensuite opté pour un «
délai raisonnable ». En commission, ce matin, il a finalement été jugé
préférable de préciser que ce délai ne devait pas excéder un an.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Il convient de
ne pas exclure la construction de petits immeubles collectifs à usage
d'habitation dans la zone C du plan d'exposition au bruit, dans la mesure où
l'insonorisation de toute construction est au moins aussi facile à réaliser que
celle des maisons individuelles. Pour autant, il ne faut pas accroître
sensiblement la capacité d'accueil d'habitants dans la zone du PEB.
L'amendement initial prévoyait une réduction plus précise pour atteindre ces
objectifs. Cependant, si la réduction équivalente de la capacité d'accueil
traduit bien l'objectif d'un faible accroissement de cette capacité d'accueil,
la notion de réduction simultanée paraissait d'application difficile.
L'amendement rectifié ne présente plus cet inconvénient ; j'émets donc un avis
favorable et retire le sous-amendement n° 22.
M. le président.
Le sous-amendement n° 22 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 4
bis
est ainsi rédigé.
Article 4
ter
M. le président.
« Art. 4
ter
. - L'article L. 147-5 du code de l'urbanisme est complété
par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les plans d'exposition au bruit délimitent une zone D à l'intérieur de
laquelle les constructions sont autorisées mais doivent faire l'objet des
mesures d'isolation acoustique prévues à l'article L. 147-6. »
Par amendement n° 19, M. Le Grand, au nom de la commission, propose, dans le
texte présenté par cet article pour le 4e de l'article L. 147-5 du code de
l'urbanisme, de remplacer le mot : « délimitent » par les mots : « peuvent
délimiter ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Il s'agit de la création obligatoires dans les PEB d'une
nouvelle zone D, à l'intérieure de laquelle les nouvelles constructions doivent
être insonorisées.
Or cela n'a pas véritablement de sens pour les plus petits aéroports. C'est la
raison pour laquelle nous proposons de remplacer cette obligation par une
simple faculté, la création d'une zone D ne s'imposant qu'autour des plus
grands aéroports.
J'aimerais par ailleurs que M. le ministre nous assure que la création d'une
zone D ne réduit pas l'étendue de la zone C, où les constructions sont
strictement limitées. En effet, si la zone D venait à « rogner » la zone C,
celle-ci n'aurait plus véritablement de signification. Ce serait un moyen de
reprendre d'une main ce qui a été donné de l'autre.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 20, M. Le Grand, au nom de la commission, propose de
compléter
in fine
le texte présenté par l'article 4
ter
pour le
4° de l'article L. 147-5 du code de l'urbanisme par la phrase suivante : « La
délimitation d'une zone D est obligatoire pour les aérodromes visés au 3 de
l'article 266
septies
du code des douanes. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Cet amendement, qui est le corollaire de l'amendement
précédent, rend la zone D obligatoire pour les aéroports les plus importants,
où existe un plan de gêne sonore.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 30 M. Plancade et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent de compléter
in fine
le texte présenté par cet
article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrat de location d'immeuble à usage d'habitation ayant pour objet un
bien immobilier situé dans l'une des zones de bruit définies par un plan
d'exposition au bruit, comporte une clause claire et lisible précisant la zone
de bruit où se trouve localisé ledit bien. »
La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade.
En première lecture, le Sénat avait adopté, sur l'initiative du rapporteur de
la commission des affaires économiques, deux articles additionnels visant à
instaurer une obligation d'information des acquéreurs ou locataires de biens
immobiliers situés dans une zone de plan d'exposition au bruit. L'absence de
cette clause pouvait entraîner la nullité de l'acte.
Ces deux articles ont été, à juste titre, supprimés par l'Assemblée nationale,
au motif que l'acquéreur d'un bien immobilier situé dans une zone PEB est, de
fait, informé de cette localisation par le certificat d'urbanisme.
En revanche, tel n'est pas le cas d'un locataire. C'est pourquoi cet
amendement vise à obliger contractuellement le bailleur d'un bien situé dans le
périmètre d'un PEB à délivrer explicitement cette information au locataire.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
L'auteur de l'amendement a pris la précaution de dire qu'il
s'agissait d'une disposition introduite sur proposition de votre serviteur :
sans doute pour se prémunir d'un avis défavorable !
(Sourires.)
C'est
effectivement une des raisons pour lesquelles la commission réserve un avis
favorable à cet amendement.
M. Plancade l'a souligné, les textes qui nous arrivent de l'Assemblée
nationale ne comportent plus d'obligation en matière de location des biens
immobiliers.
J'observe néanmoins que l'obligation peut aussi s'appliquer à des personnes
qui sont peu armées juridiquement, car il s'agit souvent de contrats passés de
particulier à particulier, sans intervention d'une agence immobilière.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
L'intention qui
sous-tend cet amendement est tout à fait louable. Une telle disposition ne peut
qu'aider les locataires à mieux se défendre. Le Gouvernement émet donc un avis
favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4
ter,
modifié.
(L'article 4
ter
est adopté.)
Article 4
quater
M. le président.
« Art. 4
quater
. - Il est inséré, après l'article L. 147-6 du code de
l'urbanisme, deux articles L. 147-7 et L. 147-8 ainsi rédigés :
«
Art. L. 147-7
. - A compter de la décision d'élaborer ou de réviser un
plan d'exposition au bruit, l'autorité administrative peut, par arrêté,
délimiter les territoires à l'intérieur desquels s'appliqueront par
anticipation, pour une durée maximale de deux ans, les dispositions de
l'article L. 147-5 concernant les zones C et D.
«
Art. L. 147-8
. - Un décret en Conseil d'Etat fixe, en tant que de
besoin, les modalités d'application du présent chapitre. » -
(Adopté.)
Articles 5, 6 et 7
M. le président.
Les articles 5, 6 et 7 ont été supprimés par l'Assemblée nationale.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième
lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi que nous venons d'examiner en deuxième lecture tend à garantir la maîtrise
des nuisances sonores, contrôlée par une autorité indépendante ; c'est le
préalable nécessaire au développement du trafic aérien.
Comme l'a souligné notre excellent rapporteur de la commission des affaires
économiques et du Plan, notre collègue Jean-François Le Grand, le texte issu de
l'Assemblée nationale était plus contraignant que celui qui avait été adopté
par notre assemblée en première lecture.
C'est ainsi que, s'agissant de la composition de l'autorité, il était
nécessaire d'aboutir à une représentation plus équilibré du monde aéronautique,
tout en reconnaissant la spécificité de la problématique de la gêne sonore, et
de revenir à une plus grande collégialité.
En ce qui concerne les pouvoirs de cette autorité, il était également
nécessaire d'atténuer le caractère parfois trop répressif du dispositif.
Pour ce qui est des commissions consultatives de l'environnement, il était
indispensable qu'y siègent les représentants de l'Etat et les gestionnaires de
l'aéroport.
Enfin, la Haute Assemblée a su permettre à cette autorité indépendante de
prendre connaissance des positions des personnes qui, bien que n'étant pas
directement situées aux abords des aéroports, subissent des nuisances sonores
liées aux trajectoires de départ, d'attente et d'approche.
Par conséquent, tel qu'il ressort de nos travaux, ce texte doit beaucoup à la
haute connaissance et au jugement sûr de notre excellent rapporteur, qui a su
non seulement rééquilibrer le texte issu de l'Assemblée nationale, trop
contraignant, mais aussi et surtout porter une attention toute particulière à
la composition et au pouvoir de l'autorité de contrôle ainsi qu'à la maîtrise
des nuisances sonores aéroportuaires.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République votera
ce texte tel qu'il a été modifié par le Sénat.
(Applaudissements sur les
travées du RPR.)
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
A l'issue de ce débat, je souhaite souligner deux points de
satisfaction et émettre un voeu.
Tout d'abord, je me réjouis de constater que les dispositions afférentes au
code de l'urbanisme ont été retenues dans leur esprit et améliorées dans leur
forme, ce qui permettra de renforcer la protection des populations exposées au
bruit.
Il est également heureux que tous ceux qui sont exposés au bruit au pourtour
des aéroports puissent enfin disposer d'une autorité indépendante qui prendra
en considération leurs observations et leurs difficultés.
Mon souhait est de voir cette autorité indépendante se mettre en place le plus
rapidement possible. L'Assemblée nationale doit maintenant de nouveau examiner
le texte et, si elle avait la bonne idée de l'adopter conforme, l'ARCESA
pourrait être installée dès le mois de janvier 2000 ce qui, au-delà du
caractère symbolique de cette date, permettrait de répondre très promptement
aux attentes des personnes concernées.
Pour conclure, je remercie les administrateurs de la commission de leur
excellente collaboration et de leur connaissance quasi encyclopédique à la fois
du code de l'urbanisme et des nuisances sonores en général.
(Très bien ! sur
les travées socialistes et sur celles du RPR.)
M. le président.
Voilà un avis tout à fait partagé !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je remercie, à
mon tour, le Sénat du travail qu'il a accompli.
Je souhaite aussi, comme M. le rapporteur, que nous puissions, dans les plus
brefs délais, mettre en place l'autorité indépendante. Si l'Assemblée nationale
vote ce projet de loi conforme lors de la deuxième lecture, le 30 juin, la loi
pourra être promulguée dès cet été et entrer en vigueur dès cet automne. Dans
le cas contraire, il faudra attendre le milieu de l'année prochaine. Vous
mesurez bien la différence. J'insiste, comme vous, sur cet aspect du
problème.
Je tiens, par ailleurs, à revenir sur un point qui me semble très intéressant,
même s'il déborde quelque peu le cadre du projet de loi, et que d'autres
intervenants ont évoqué avant moi, soit dans leur propos liminaire, soit lors
de la discussion des articles.
Le transport aérien est à la fois un atout, y compris en matière d'emplois -
vous l'avez d'ailleurs rappelé, monsieur le rapporteur - puisqu'il concerne
deux mille emplois directs et indirects pour un million de passagers, et un
vecteur d'activité et de développement indispensable.
Il convient donc de conjuguer le développement du transport aérien, qui est
souhaitable en termes d'activité économique et d'emplois, et la nécessaire
maîtrise des nuisances. S'il n'en était pas ainsi, les possibilités de
développement seraient fortement limitées. Tel est le sens de la démarche qui a
été proposée.
Mme Beaudeau m'a demandé si je confirmais les engagements que j'ai pris.
Permettez-moi de dire que c'est une démarche permanente, et j'insiste sur ce
point...
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Si Mme Beaudeau pose la question, il y a peut-être des
raisons.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Il y a peut-être
des doutes...
A ce propos, lors de la négociation qui s'est engagée avec tous les intéressés
au moment où nous avons pris la décision de construire deux pistes
supplémentaires à Roissy, j'ai pris des engagements que je tiendrai.
A Roissy, les limites acceptables ont été fixées à 55 millions de passagers et
une cinquième piste ne sera pas construite. A Orly, la limitation à 250 000
créneaux, soit 30 à 35 millions de passagers, est également maintenue.
Bien évidemment, comme l'a souligné Mme Beaudeau, une question se pose :
compte tenu du rythme, ne serons-nous pas confrontés plus rapidement que prévu
à la décision de construire ou non le troisième aéroport ? Selon toute
vraisemblance, les chiffres qui ont été évoqués seront atteints dans les dix ou
quinze prochaines années. C'est une raison de plus pour que la décision soit
prise rapidement, et elle le sera d'ici à la fin de l'année, ce qui semble un
délai raisonnable.
M. Lefebvre a évoqué un problème qui n'est pas souvent soulevé mais qui est
intéressant : en toutes circonstances, c'est à la source du bruit qu'il faut en
quelque sorte s'attaquer. C'est vrai, par exemple, en ce qui concerne les
hélicoptères. Certains d'entre vous se sont peut-être rendus au salon du
Bourget et ont pu discuter avec les professionnels. Ils ont pu se rendre compte
que Turboméca, par exemple, parvient aujourd'hui à concevoir des moteurs
d'hélicoptère dont le niveau sonore est vraiment réduit par rapport à celui des
anciens modèles. Cela vaut aussi pour les moteurs d'avions.
En ce qui concerne les retombées et le rapport du sénateur Lachenaud, je sais
bien qu'il existe une forte attente. Je vous confirme que le travail
interministériel se poursuit sur ce sujet, et mes collègues des finances, de
l'intérieur et moi-même proposerons un dispositif lors de la présentation du
projet de loi de finances pour l'an 2000.
S'agissant des vieux bourgs, je partage le souci qui a été évoqué par
plusieurs intervenants. Il faut mener une analyse démographique et urbanistique
de chaque cas pour en tirer une prescription adaptée. Les dispositions de
l'article 4
bis
du projet de loi peuvent contribuer à redynamiser le
tissu urbain de ces vieux bourgs.
Voilà, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je
voulais vous dire, et je vous remercie encore de l'excellent travail que vous
avez accompli.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
5
LICENCIEMENT DES SALARIÉS
DE PLUS DE CINQUANTE ANS
Rejet d'une proposition de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de
loi (n° 390, 1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture,
tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans.
[Rapport n° 431 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les
sénateurs, nous voici réunis en nouvelle lecture, après l'échec de la
commission mixte paritaire et le rétablissement par l'Assemblée nationale des
dispositions de la proposition de loi du groupe communiste visant à mieux
protéger les fins de carrière des plus âgés de nos concitoyens.
La commission des affaires sociales du Sénat a, comme en première et en
deuxième lectures, suggéré à votre assemblée le rejet des trois articles de la
proposition de loi.
Les termes de ce débat étant désormais connus de chacun d'entre vous, je ne
m'exprimerai que très brièvement en ne revenant que d'un mot sur le contenu
d'une proposition de loi dont chacun connaît désormais les mérites.
Il s'agit tout à la fois de mieux protéger les salariés âgés qui ont peu de
perspectives de retrouver un emploi et d'éviter que les entreprises ne fassent
des licenciements de salariés âgés un mode de gestion des ressources humaines
en rejetant sur la collectivité le coût des ajustements auxquelles elles
procèdent.
Ainsi, la présente proposition de loi complète et renforce l'efficacité de la
« contribution Delalande » en supprimant les deux principaux cas d'exonération
- les conventions de conversion et les refus de préretraite - qui permettaient
aux entreprises d'éviter de s'acquitter de la contribution sans que les
salariés licenciés en tirent un quelconque avantage.
Cette proposition de loi tire les leçons de l'application du dispositif et
n'est en rien constitutive d'un quelconque procès d'intention aux
entreprises.
L'attitude de la majorité sénatoriale est d'autant plus paradoxale - je
l'avais d'ailleurs souligné en deuxième lecture - qu'elle reproche à cette
proposition de loi de stigmatiser le comportement des entreprises alors qu'elle
a voté le texte issu de la majorité nationale de 1987 instituant la
contribution elle-même.
Ce principe d'une contribution des entreprises qui mettent fin aux contrats de
travail de salariés âgés n'a d'ailleurs rien d'exceptionnel.
Les entreprises s'acquittent également d'une contribution pour les
préretraites, ainsi que, depuis janvier dernier, pour le dispositif de
préretraite contre embauche de l'UNEDIC, l'ARPE, l'allocation de remplacement
pour l'emploi, à la suite d'une décision unanime des partenaires sociaux.
Comme le rapport de votre commission m'y invite, je répondrai à l'inquiétude
soulevée par l'affectation des recettes supplémentaires que le Gouvernement
attend de la majoration et de l'extension de la contribution Delalande.
Je rappellerai simplement que les partenaires sociaux ont été informés, dès le
mois de septembre, des intentions du Gouvernement en la matière, y compris de
l'affectation au budget de l'Etat des ressources correspondantes. Cette
discussion a d'ailleurs permis d'aboutir à la mise en place de mécanismes pour
garantir la neutralité financière de l'opération pour l'UNEDIC.
Il aurait, certes, été possible de ne pas passer par l'UNEDIC en créant un
nouveau circuit de prélèvement, de nouvelles formalités pour les entreprises.
Mais le Gouvernement, par souci de simplification administrative, a considéré
qu'il s'agit, dans la pratique, d'un simple changement de barème de la
contribution actuelle, qui n'entraîne aucune charge de travail supplémentaire
ni pour les ASSEDIC ni pour l'UNEDIC.
La loi de finances pour 1999, dont vous avez débattu à l'automne dernier, a
prévu une augmentation de la contribution de l'UNEDIC aux préretraites du Fonds
national de l'emploi, le FNE, pour un montant correspondant exactement au
produit de la contribution supplémentaire, soit 1,15 milliard de francs en
1999. Je note qu'à cette époque le Parlement n'avait émis aucune réserve.
Un arrêté du 1er avril 1999 a confirmé le dispositif ; c'est cet arrêté dont
l'UNEDIC conteste la légalité.
Quelle que soit l'issue de cette procédure engagée par l'UNEDIC, que je ne
veux pas préjuger, nous devrons trouver, par souci de cohérence et d'efficacité
de l'action publique, les moyens pour que cet organisme continue de gérer cette
mesure protectrice des intérêts des salariés âgés.
Ces éléments apportés, j'en reviens en quelques mots au texte même de la
proposition de loi qui vous est aujourd'hui soumise, pour regretter une
nouvelle fois que l'ensemble des explications et des éléments d'information que
le Gouvernement a pu donner au cours des deux lectures précédentes n'ait pas
permis à votre commission de revenir sur ce que nous pensons être des
a
priori.
Le Gouvernement vous engage donc à voter conformes les dispositions adoptées
par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, réunie le 12 mai 1999 au
Sénat, la commission mixte paritaire n'a pas été en mesure d'adopter un texte
commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi
tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans.
Cela ne surprendra personne, tant étaient fortes les divergences de fond qui
séparaient nos deux assemblées et qui avaient conduit le Sénat à rejeter à deux
reprises, le 9 février et le 11 mai 1999, le texte adopté par l'Assemblée
nationale.
Le 27 mai 1999, l'Assemblée nationale a rétabli en nouvelle lecture le texte
qu'elle avait adopté en première et deuxième lectures. Lors de ce débat, aucun
élément n'a été apporté permettant de justifier le bien-fondé de cette
proposition de loi et susceptible de faire évoluer la position adoptée par le
Sénat.
Avant de vous inviter à maintenir cette position, mes chers collègues, je
souhaite rappeler brièvement quelles raisons ont conduit le Sénat à rejeter ce
texte.
Cette proposition de loi, déposée par M. Alain Belviso et les députés membres
du groupe communiste et apparentés, vise à étendre le champ de la contribution
Delalande due pour le licenciement d'un salarié de plus de cinquante ans.
Elle soumet à cette contribution les ruptures des contrats de travail des
salariés ayant adhéré à des conventions de conversion - tel est l'objet de
l'article 1er - et les licenciements des salariés ayant refusé le bénéfice de
la préretraite dans le cadre du Fonds national de l'emploi, le FNE - c'est
l'objet de l'article 2.
Elle prévoit, dans son article 3, que ces dispositions seront applicables pour
toutes les ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er janvier
1999, c'est-à-dire de manière très rétroactive.
En première et deuxième lectures, le Sénat a jugé que cette proposition de loi
reposait sur des fondements fragiles et contestables : les prétendus
contournements de la contribution Delalande par les conventions de conversion
ou par les refus de conventions de préretraite n'apparaissent en effet pas
prouvés.
La simple constatation d'une augmentation de la part des salariés de plus
cinquante ans dans les entrées en convention de conversion semble très
insuffisante à démontrer, un contournement massif et un abus généralisé
justifiant une intervention du législateur.
Il nous a en outre paru contradictoire de faire porter la contribution
Delalande, qui procède d'une logique de sanction, sur les conventions de
conversion qui ont précisément pour objectif de faciliter le reclassement du
salarié dont le licenciement n'a pu être évité.
S'agissant des refus de préretraites FNE, les affirmations concernant
d'éventuels abus ne reposent pas davantage sur des éléments précis. Sur une
moyenne de 20 000 entrées en préretraite FNE chaque année, le nombre de refus
est extrêmement faible et porte sur une soixantaine de salariés par an
seulement. Dans ces conditions, nous nous sommes interrogés sur le bien-fondé
d'une intervention du législateur pour réprimer un nombre effectif d'abus
probablement infinitésimal : c'est prendre un marteau pour écraser une fourmi,
dit-on dans ma région !
(Sourires.)
Le Sénat a jugé inacceptable le procès d'intention fait aux entreprises,
globalement considérées par les initiateurs de cette proposition de loi comme
ayant un comportement frauduleux.
Il a dénoncé la logique de sanction et d'accroissement des charges des
entreprises qui animait cette proposition de loi. Là où des dispositifs
positifs, dynamiques et imaginatifs sont nécessaires, la proposition de loi ne
met en place que des mesures pénalisantes et contraignantes pour les
entreprises.
Nous avons exprimé la crainte que cette proposition de loi, qui entend
préserver l'emploi, ne constitue en définitive un véritable frein à l'emploi,
notamment pour les salariés âgés de quarante-cinq ans à cinquante ans.
Dès lors, nous nous sommes interrogés sur la cohérence de la politique que
mène le Gouvernement en matière d'emploi des salariés les plus âgés. Il est en
effet paradoxal d'augmenter la contribution Delalande, afin de sanctionner les
entreprises qui licencient des salariés de plus de cinquante ans, tout en
encourageant simultanément certaines entreprises à rajeunir leur pyramide des
âges par des départs massifs, anticipés et coûteux de salariés « âgés ».
Le Sénat s'est également inquiété de l'affectation des recettes
supplémentaires que le Gouvernement attend de la majoration et de l'extension
de la contribution Delalande ; j'ai d'ailleurs bien senti au travers de votre
propos, madame le secrétaire d'Etat, qu'il s'agit là d'un des points faibles de
notre système.
Alors que l'UNEDIC est, en application de l'article L. 321-13 du code du
travail, le seul bénéficiaire des sommes prélevées au titre de la contribution
Delalande, le Gouvernement avait indiqué, par la voix de Mme Aubry, ministre de
l'emploi et de la solidarité, que ces recettes supplémentaires iraient à l'Etat
si les partenaires sociaux se refusaient à améliorer l'indemnisation du chômage
des salariés précaires.
Vous nous avez dit voilà un instant, madame le secrétaire d'Etat, que les
partenaires sociaux avaient été informés des intentions de l'Etat ; je doute
que cela soit suffisant.
Nos craintes ont été, hélas ! confirmées par un arrêté du 1er avril 1999 qui
prive
de facto
l'UNEDIC du produit du doublement de la contribution
Delalande.
Cet arrêté vise en effet à augmenter, la participation de l'UNEDIC au
financement des préretraites FNE d'un montant équivalent au produit attendu du
doublement de la contribution Delande, soit 1,15 milliard de francs en 1999. La
participation de l'Etat au financement de ces préretraites en est bien sûr
réduite d'autant ; il n'y a pas de petit bénéfice !
Cet arrêté a été vivement critiqué par l'UNEDIC, qui a dénoncé « une remise en
cause unilatérale des engagements de l'Etat » et a souligné que les
dispositions de l'accord de 1987 pouvaient être modifiées non par un arrêté
ministériel, mais par les seuls signataires de l'accord.
Comme vous nous l'avez rappelé voilà un instant, madame le secrétaire d'Etat,
lors d'une réunion du bureau de l'UNEDIC, le 3 juin dernier, l'ensemble des
organisations syndicales et patronales ont décidé de déposer un recours contre
l'Etat pour protester contre cette décision du Gouvernement.
Avant de conclure, j'exprimerai un regret. Si je conçois naturellement que
l'Assemblée nationale ait souhaité, en nouvelle lecture, reprendre dans son
texte de première lecture les articles 1er et 2 qui constituent le coeur de la
proposition de loi, je déplore qu'elle n'ait pas, parallèlement, modifié
l'article 3, qui prévoit une entrée en vigueur rétroactive de cette proposition
de loi au 1er janvier 1999.
Dans la mesure où la proposition de loi ne sera vraisemblablement promulguée
qu'au début du mois de juillet prochain, je reste convaincu que cette
rétroactivité soulèvera, même s'ils sont peu nombreux, de redoutables problèmes
pratiques et des risques de contentieux.
Dans ces conditions, mes chers collègues, la suppression de l'article 3 que
vous proposera la commission revêt une double signification : elle constitue,
d'une part, une disposition de coordination avec la suppression des articles
1er et 2 ; elle permet, d'autre part, à l'Assemblée nationale, comme l'article
45, alinéa 4, de la Constitution lui en laisse la possibilité, de reprendre, en
lecture définitive, cet amendement voté par le Sénat et de supprimer par
conséquent cet article. La suppression de l'article 3 se traduirait par une
entrée en vigueur de la loi selon les règles de droit commun, c'est-à-dire à
compter de sa promulgation.
Telles sont les différentes raisons pour lesquelles la commission propose au
Sénat de maintenir la position adoptée par le Sénat en première et en deuxième
lecture. Elle vous invite à supprimer les trois articles de ce texte, et donc à
rejeter la proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce
texte d'origine parlementaire revient donc pour la troisième fois devant la
Haute Assemblée, après trois votes favorables successifs de l'Assemblée
nationale et deux votes de rejet successifs par la majorité sénatoriale. Les
positions respectives sont donc clairement établies et viennent d'être
rappelées par M. le rapporteur. Elles ne sont pas susceptibles d'accord ni même
de négociation.
Il s'agit pourtant d'un texte de portée limitée : il ne vise en effet qu'à
étendre l'application de la contribution Delalande, créée en 1997 sur
l'initiative d'un député du groupe du RPR, après la suppression de
l'autorisation administrative de licenciement par Philippe Séguin, alors
ministre des affaires sociales et de l'emploi.
Dès l'origine, la majorité de l'époque avait donc conscience que les salariés
de plus de cinquante ans allaient rencontrer de grandes difficultés et que leur
retour à l'emploi serait plus que problématique. Ne les appelle-t-on pas
d'ailleurs des « salariés âgés », formule en elle-même ségrégative qui fait
trop vite fi de leur expérience, de leurs capacités et de tout ce qu'ils
peuvent apporter à notre économie ?
La situation des salariés de plus de cinquante ans depuis la création de la
contribution Delalande n'a pas évolué de manière significative, ce qui justifie
pleinement le maintien et l'élargissement de cette disposition. En effet, on
constate que la proportion des chômeurs de longue durée est deux fois plus
élevée parmi les chômeurs de plus de cinquante ans que chez les autres.
Cela tient, sans doute, à l'état d'esprit que je viens d'évoquer, mais plus
encore au fait que les salariés expérimentés sont, en général, bien placés dans
la grille de classification et bénéficient d'une ancienneté dans l'entreprise
qui leur permet de percevoir un salaire correct. Certains employeurs, lorsque
les circonstances s'y prêtent, sont donc disposés plus facilement à s'en
séparer, même si l'on sait combien cette politique à courte vue peut être
handicapante pour l'entreprise, à long terme. L'introduction massive des
technologies nouvelles au cours des vingt dernières années n'a fait
qu'amplifier ce phénomène de retrait des salariés n'ayant connu que les modes
de travail précédents.
Mais les choses évoluent et, aujourd'hui, ces départs massifs de salariés de
plus de cinquante ans se justifient de moins en moins. Nous arrivons à une
situation dangereuse : la France est le pays d'Europe qui connaît la durée de
vie active la plus courte, en raison de l'utilisation massive des préretraites.
Certes, la mise en préretraite n'est pas en général préjudiciable au salarié,
et nous savons que nombre de travailleurs, aux abords de la soixantaine, y
aspirent. Il s'agit néanmoins d'une drogue douce, mais pernicieuse pour notre
économie et pour nos systèmes d'indemnisation. Nous aurons l'occasion de
revenir plus amplement sur le sujet des retraites - plus précisément sur les
modalités de la fin d'activité - dans les prochains mois, et je n'y insiste
donc pas maintenant.
Néanmoins, le groupe socialiste, par ma voix, profite de cette occasion pour
faire part au Gouvernement de l'intérêt qu'il porte à ce qu'une solution soit
trouvée rapidement pour mettre un terme au conflit opposant les services de
l'Etat aux régimes ARRCO - Association des régimes de retraites complémentaires
- et AGIRC - Association générale des institutions de retraites des cadres - au
sujet des préretraites FNE. Il n'est en effet pas concevable que dure plus
longtemps la situation actuelle. Des salariés partis en préretraite FNE voient
les points acquis durant cette période gelés par les régimes complémentaires et
leur retraite amputée d'autant lorsqu'ils basculent en régime de retraite.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
C'est la justice !
M. Roland Huguet.
Nous souhaitons que les parties en présence trouvent rapidement un accord afin
que les retraités victimes de ce conflit perçoivent très vite la retraite à
laquelle ils ont droit dans son intégralité.
J'en reviens maintenant au texte de la proposition de loi proprement dit. Il
est de fait - cela n'est pas contesté par M. le rapporteur - que les demandes
d'entrée des salariés de plus de cinquante ans en convention de conversion ou
dans le dispositif de préretraite FNE connaissent une croissance exponentielle
depuis plusieurs années. Certains employeurs particulièrement au fait des aides
et allégements auxquels ils peuvent prétendre, mais aussi des pénalités
auxquelles ils s'exposent, utilisent les failles du dispositif Delalande.
Celui-ci prévoit, en effet, que la contribution n'est pas due en cas de départ
du salarié en convention de conversion ou de refus d'une préretraite. Ils
organisent donc le départ du salarié vers une convention de conversion, où
profitant de son ignorance et, éventuellement de son désarroi, ils lui
proposent une préretraite qu'il lui demandent en même temps de refuser.
Ce n'est pas faire un procès d'intention à l'ensemble du monde patronal que de
constater ces dérives et ce contournement de l'esprit de la loi.
Au contraire, il est nécessaire de revenir à une situation saine et équitable
entre les employeurs. Surtout, il importe que les salariés ne soient pas
abusivement dirigés vers le licenciement sec ou vers une convention de
conversion. On sait, par expérience, que cette dernière débouchera pour eux sur
le chômage de longue durée entrecoupée, peut-être, de quelques emplois
précaires dans la meilleure hypothèse.
C'est vers plus d'honnêteté que tend cette proposition de loi : honnêteté des
employeurs - il nous appartient d'user de nos prérogatives pour contraindre les
moins scrupuleux - mais aussi honnêteté en direction des salariés, qui ne
doivent pas être mis en situation de penser que la loi ne les protège pas et
que les puissants l'emportent toujours à leur détriment.
C'est avec cet objectif que le groupe socialiste votera la proposition de loi
telle qu'elle nous est transmise par l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, suite
à l'intransigeance de la majorité sénatoriale, totalement opposée à un texte
commun visant à mieux protéger les fins de carrière des salariés les plus âgés,
la commission mixte paritaire, réunie le 12 mai dernier, a échoué.
Une nouvelle fois, nous sommes réunis ce matin pour examiner, en troisième
lecture, une proposition de loi déposée par le groupe communiste de l'Assemblée
nationale, afin de dissuader les licenciements des salariés de plus de
cinquante ans, en responsabilisant les employeurs.
Comment, en effet, rester passif alors que certains employeurs, même s'ils
sont minoritaires, utilisent, nous le savons, les licenciements secs ou
déguisés comme variable d'ajustement ?
Il est impératif que chacun prenne la mesure du coût social et financier que
représentent pour la collectivité de telles décisions.
En 1987, vous avez voté, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, le
principe d'une contribution pour les entreprises qui mettent fin au contrat de
travail de salariés âgés. C'était la contribution Delalande.
Certaines entreprises ont alors développé de véritables stratégies
d'évitement, de contournement de ladite contribution. Certains dispositifs,
tels que conventions de conversion ou préretraites FNE, mesures phares des
plans sociaux dès les années quatre-vingt, ont été dévoyés par les entreprises
qui ont réalisé ainsi, à moindre coût, une grande partie de leurs
licenciements. Le secteur automobile en fournit un excellent exemple !
Aujourd'hui, il s'agit de corriger les imperfections de la législation en
étendant la contribution Delalande aux ruptures de contrats de travail des
salariés ayant adhéré à une convention de conversion - c'est l'objet de
l'article 1er - et aux licenciements des salariés ayant refusé le bénéfice de
la préretraite dans le cadre du Fonds national de l'emploi - c'est l'objet de
l'article 2.
Il s'agit aussi de renforcer le caractère dissuasif de cette contribution qui,
à juste titre, a vu son barème doubler par voie réglementaire le 28 décembre
1998.
La lutte contre le chômage, notamment contre le chômage de longue durée, ainsi
que la protection des personnes les plus exposées à ce fléau et à la grande
précarité doivent être une priorité.
Pour le groupe communiste républicain et citoyen, les dispositions
législatives relatives aux licenciements économiques doivent être réformées,
complétées et étendues. Là encore, les employeurs profitent de la moindre
carence des textes. Il faut protéger davantage les salariés contre le risque de
licenciement, permettre à chacun, individuellement ou collectivement, de se
défendre. Des solutions alternatives doivent pouvoir être élaborées.
Dénonçant la logique de sanction et d'accroissement des charges des
entreprises, le frein à l'embauche que représenterait cette contribution pour
les demandeurs d'emploi qui atteignent cinquante ans, vous rejetez la présente
proposition de loi. A aucun moment vous n'avez cherché à la parfaire, alors
qu'elle pourrait utilement contribuer à une meilleure justice sociale. Bien que
je n'en sois pas surpris, je regrette que vous ne fassiez pas ce choix !
Partageant pleinement les objectifs de cette proposition de loi, nous voterons
contre les amendements qui sont proposés par la majorité sénatoriale, car ils
réduisent à néant un texte utile et ils retirent au législateur son pouvoir
d'intervention.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen et sur les travées socialistes. - Protestations sur les
travées du RPR.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article L. 321-13 du
code du travail, un alinéa ainsi rédigé :
« La cotisation est due également pour chaque rupture du contrat de travail
intervenue du fait de l'adhésion d'un salarié à une convention de conversion
prévue par l'article L. 322-3. Le montant de cette cotisation tient compte de
la participation de l'entreprise au financement de la convention de conversion.
»
Par amendement n° 1, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Je ne vais pas défendre pour la troisième fois un amendement
de suppression qui est conforme à la position de la commission des affaires
sociales depuis le début ! Nous en connaissons tous les raisons, je m'en suis
expliqué à la tribune voilà un instant.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Contre !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er est supprimé.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - L'avant-dernier alinéa de l'article L. 321-13 du code du travail
est ainsi rédigé :
« Cette cotisation n'est pas due dans le cas où le salarié bénéficie des
allocations spéciales prévues par le 2° de l'article L. 322-4. »
Par amendement n° 2, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Comme on dit à l'armée, mêmes éléments, même hausse !
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Contre !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2 est supprimé.
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Les dispositions des articles 1er et 2 sont applicables pour
toutes les ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er janvier
1999. »
Par amendement n° 3, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
J'insiste simplement sur le fait que l'article 3 introduit
une rétroactivité qui poserait à coup sûr, en pratique, de redoutables
problèmes d'application et qui serait vraisemblablement source de
contentieux.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que l'Assemblée nationale fasse ce
qui est en son pouvoir pour supprimer au moins cette rétroactivité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Contre !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3 est supprimé.
Tous les articles de la proposition de loi ayant été successivement supprimés,
il n'y a pas lieu de procéder à un vote sur l'ensemble.
La proposition de loi est rejetée.
6
CHÈQUES-VACANCES
Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n°
402, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture,
modifiant l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des
chèques-vacances. [Rapport n° 432 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat au tourisme.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi portant
extension du chèque-vacances aux salariés des PME-PMI de moins de cinquante
salariés vous est à nouveau soumis, après l'échec de la commission mixte
paritaire.
Permettez-moi d'abord de réaffirmer, comme je n'ai cessé de le faire depuis le
début de cette discussion parlementaire, que ce projet de loi, qui se situe
dans la lignée de l'ordonnance de 1982 et qui vise à répondre à une exigence de
justice sociale et d'équité en permettant aux salariés des entreprises de moins
de cinquante salariés et à leur famille d'accéder aux vacances et aux loisirs,
participe du droit aux vacances pour tous, droit qui constitue l'un des
fondements de la politique que je mène depuis deux ans au secrétariat d'Etat au
tourisme.
Ce projet de loi permettra en effet, grâce à l'exonération des cotisations
sociales sur la participation de l'employeur, de favoriser l'élargissement de
l'accès aux chèques-vacances dans les petites entreprises, qui emploient
aujourd'hui, je le rappelle, plus de la moitié des salariés.
Lors des précédentes lectures, les débats ont permis de clarifier tant le
champ d'attribution que l'élargissement du chèque-vacances. Cela s'est traduit
par la modification de l'article 6 qui a été adopté dans cette assemblée, et je
m'en félicite.
Malgré cela, des divergences subsistent sur ce projet de loi : en témoigne
malheureusement l'échec de la commission mixte paritaire.
Ainsi, le relèvement du plafond de revenu fiscal de référence tend à édulcorer
le caractère social de la mesure présentée. Le relèvement des seuils que vous
proposez n'est pas un véritable élargissement, puisqu'il touche à peine
quelques centaines de milliers de personnes, comparées aux 17 millions de
bénéficiaires potentiels prévus par le projet de loi, soit 75 % des
salariés.
Malgré la prise en considération de la situation familiale dans le revenu
fiscal de référence retenue dans le projet de loi, la commission présente à
nouveau son amendement sur la majoration pour enfants à charge, afin d'ouvrir
plus largement le champ de l'exonération dont bénéficient les entreprises.
Je rappelle que la participation moyenne constatée des employeurs au
chèque-vacances est de 1 000 francs. Avant de monter à cette tribune, j'ai
d'ailleurs vérifié le montant de la participation du Sénat au dispositif,
puisque le chèque-vacances existe dans votre assemblée : elle est, elle aussi,
de 1 000 francs par collaborateur.
La proposition du Gouvernement se situe, quant à elle, à un niveau deux fois
plus élevé, ce qui peut permettre de larges modulations dans les conditions
d'attribution des chèques-vacances.
Disant cela, je ne balaie pas d'un revers de main les préoccupations qui sont
les vôtres sur la politique familiale. Permettez-moi de rappeller, en effet, ce
que j'ai déjà indiqué ici même, lors de la deuxième lecture de ce texte : dans
le cadre de la réflexion de la délégation interministérielle à la famille,
qu'anime ma collègue Martine Aubry - une réunion interministérielle s'est
d'ailleurs tenue ce matin même pour préparer la conférence de la famille, et le
secrétariat d'Etat au tourisme y participait - un groupe de travail, placé sous
ma présidence, présentera au Premier ministre des réflexions et des
propositions sur la place des vacances dans la politique familiale.
Par ailleurs, afin de permettre le départ en vacances de familles oubliées de
ce droit, j'ai, comme vous le savez, proposé la création d'une « bourse
solidarité vacances » réunissant opérateurs du tourisme et associations de
solidarité.
Ainsi, depuis le 17 mai dernier, cette bourse met en commun, sur la base de
projets, des moyens disponibles en termes de places de transport et d'accueil
des familles en situation d'exclusion dans les équipements de vacances.
Nous avons dores et déjà pu réunir un potentiel d'offre de plus de 6 000
séjours-semaines pour la saison 1999 ; en quinze jours, nous avons recueilli
plus de 400 inscriptions et, à l'heure où je vous parle, plus de 70 personnes
sont déjà en vacances grâce à cette mesure.
Vous pouvez donc mesurer tout l'intérêt que porte le Gouvernement au départ en
vacances des familles. Ce projet de loi constituera pour cela un élément
incitatif majeur !
Dans la logique de la deuxième lecture, vous souhaitez également que soient
modifiées les conditions de la mise en place du chèque-vacances et de la
négociation d'entreprise.
Votre proposition va, une fois encore, à l'encontre du projet qui vous est
présenté. Les conditions d'un dialogue social équilibré sont, en effet,
intégrées dans le projet de loi et ont été amendées par l'Assemblée nationale,
permettant la mise en place de ce dispositif par accord de branche. Cela pourra
avoir pour effet, j'en suis convaincue, de dynamiser la mise en place du
chèque-vacances dans les PME.
J'observe d'ailleurs que, dans un domaine qui nous préoccupe tous, celui de la
réduction du temps de travail, le dialogue social qui a favorisé la mise en
place dans de nombreuses PME de la loi sur les 35 heures est aujourd'hui salué
par le Centre des jeunes dirigeants d'entreprise.
Je reviendrai également sur l'un de vos amendements, qui vise à remettre en
cause l'ouverture européenne du chèque-vacances.
Cette mesure, élaborée par le Gouvernement à la suite d'une demande formulée
par le groupe communiste républicain et citoyen du Sénat et adoptée par
l'Assemblée nationale, participe à la construction de l'Europe sociale que nous
appelons de nos voeux, et je ne partage pas l'idée que cette ouverture puisse
constituer un élément de déséquilibre pour notre économie touristique, d'une
part parce que les conditions d'ouverture aux autres pays d'Europe seront
encadrées par décret, d'autre part parce que la France est le premier pays
récepteur de touristes au monde et qu'un tel dispositif, fondé sur des échanges
équilibrés, ne peut que favoriser l'industrie touristique nationale.
Cette ouverture s'effectue au moment même où d'autres pays d'Europe affichent
la volonté de mettre en place un chèque-vacances à vocation sociale, et
l'expérience française peut être, dans ce cadre, valorisée.
Je viens de rencontrer à ce sujet mes homologues espagnol, italien et
portugais. Ensemble, nous avons lancé ce chantier et nous sommes tous fermement
décidées à instaurer le chèque-vacances dans chacun de nos pays. C'est dans cet
esprit de réciprocité, qui permettra d'accroître le potentiel de touristes en
Europe, que s'inscrit cette mesure.
Enfin, vous souhaitez, comme en deuxième lecture, voir l'Agence nationale pour
les chèques-vacances, l'ANCV, développer son partenariat. Je rappelle que, à
l'occasion de l'extension du chèque-vacances aux PME-PMI, j'ai demandé au
président de l'ANCV de prendre toutes dispositions pour réussir la mise en
place et le développement rapides du chèque-vacances. Ce sera également la
tâche que je confierai au nouveau conseil d'administration, qui sera mis en
place dans quelques semaines.
Le tour de France que j'effectue en ce moment en cette ouverture de la saison
touristique me donne encore plus d'enthousiasme : en effet, nombre de
départements et de régions souhaitent participer à la mise en place de cette
nouvelle mesure. Vous comprendrez évidemment que je cite l'exemple de la région
Nord - Pas-de-Calais, qui a décidé de confier à un élu régional le suivi du
dispositif dès le mois de septembre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est présenté à
nouveau aujourdhui est à la fois ambitieux et équilibré : ambitieux, parce
qu'il élargit considérablement le nombre de bénéficiaires ; équilibré, parce
que sa mise en oeuvre s'accompagne d'un développement du dialogue social. C'est
aussi un projet de justice sociale qui permettra à des centaines de milliers de
salariés et à leur famille de découvrir les vacances à l'aide de cet instrument
social d'aide au départ qu'est le chèque-vacances.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le texte que nous examinons
aujourd'hui est celui qu'a adopté en deuxième lecture l'Assemblée nationale.
Celle-ci a en effet été saisie, en nouvelle lecture, après l'échec de la
commission mixte paritaire, du texte qu'elle venait d'adopter en deuxième
lecture ; et elle l'a repris intégralement.
L'échec de la commission mixte paritaire était d'ailleurs prévisible,
l'Assemblée nationale ayant rétabli presque à l'identique, en deuxième lecture,
le texte qu'elle avait adopté en première lecture. Elle avait ainsi clairement
opposé une fin de non-recevoir aux propositions du Sénat, alors même que la
Haute Assemblée avait apporté, en deuxième lecture, certaines inflexions à sa
position initiale dans le souci de permettre la reprise du dialogue entre les
deux chambres.
Aussi, nous nous prononçons sur un texte pratiquement identique à celui sur
lequel nous nous étions prononcés en deuxième lecture, la navette n'ayant
permis de modifier qu'à la marge la position initiale de l'Assemblée
nationale.
Je ne peux donc que constater que la démarche d'ouverture du Sénat n'a pas
permis la reprise du dialogue. Je le regrette d'autant plus qu'un tel texte
aurait mérité une approche plus consensuelle.
Dans ces conditions, la commission proposera de rétablir, par voie
d'amendement, le texte que le Sénat avait voté en deuxième lecture, à une
exception rédactionnelle près.
A cet égard, la commission observe que, malgré les avancées proposées par le
Sénat en deuxième lecture, les positions entre les deux chambres semblent
désormais durablement figées. Il est probable que la reprise de la navette
après la commission mixte paritaire ne permettra pas à ces positions
d'évoluer.
Les nouvelles lectures ne font, dans ce cas, qu'alourdir un ordre du jour déjà
très encombré, alors que, parallèlement, un texte aussi important et aussi
complexe que le projet de loi portant création de la couverture maladie
universelle est examiné selon la procédure d'urgence. Pourtant, pour ce texte,
la navette aurait pu jouer utilement son rôle, notamment sur le titre IV, qui a
toutes les apparences d'un DMOS.
Ces remarques de procédure parlementaire étant faites, je souhaite rappeler
brièvement les principales divergences existant entre les deux chambres sur le
présent texte et insister, une fois encore, sur le sens de la logique proposée
par le Sénat.
En effet, si l'objectif du projet de loi est partagé, les modalités de mise en
oeuvre envisagées diffèrent.
L'Assemblée nationale semble estimer que le projet de loi répond aux deux
objectifs fixés par le Gouvernement : « permettre à 7,5 millions de salariés
supplémentaires et à leur famille » de bénéficier du chèque-vacances et
constituer un « nouvel atout pour l'industrie touristique ».
Notre analyse est différente. La commission craint en effet que le projet du
Gouvernement ne soit pas à la hauteur des enjeux.
Je constate ainsi que l'étude d'impact ne prévoit que 150 000 bénéficiaires
supplémentaires, soit l'équivalent du rythme actuel de croissance du
chèque-vacances. On est bien loin des « 7,5 millions de personnes » !
J'observe également que l'extension du chèque-vacances aux autres pays de
l'Union européenne n'est pas vraiment un « atout pour l'industrie touristique
française ». Je comprends très bien, madame le secrétaire d'Etat, que vos
collègues portugais, italien et espagnol se réjouissent, car c'est
effectivement « tout bon » pour eux.
C'est pourquoi le Sénat, sur proposition de sa commission, a choisi d'assurer
une portée réelle au projet de loi en s'inscrivant dans une démarche
pragmatique.
Cette démarche repose sur trois séries de mesures.
Il s'agit, d'abord, de favoriser l'accès des chèques-vacances aux personnes
qui soit n'en bénéficient pas, soit n'en bénéficient pas assez. Je pense ici,
notamment, aux plus défavorisés, aux familles et aux non-salariés.
Le Sénat a ainsi proposé de limiter à 2 % du SMIC le montant mensuel minimum
du versement du salarié pour permettre aux familles les plus modestes de se
constituer progressivement une « épargne vacances ». Il s'agit d'ailleurs de la
seule proposition significative reprise par l'Assemblée nationale.
Le Sénat a également cherché à mieux prendre en compte les familles en
relevant la majoration du critère de ressources par demi-part supplémentaire et
en modulant la contribution de l'employeur en fonction des charges de famille ;
et puisque vous avez fait allusion tout à l'heure au personnel du Sénat, madame
le secrétaire d'Etat, je vous signale que, dans le calcul des chèques-vacances,
le quotient familial entre pour une grande part.
L'Assemblée nationale n'a pas suivi le Sénat. Je regrette profondément ce
manque d'intérêt pour les familles, qui me semble d'ailleurs assez paradoxal au
moment où vous-même, madame Demessine, faites le constat des difficultés
d'accès des familles aux vacances en mettant en place un groupe de travail
interministériel « Vacances et politique familiale », chargé précisément de
faire des propositions en ce domaine.
Dans une deuxième série de mesures, le Sénat a voulu rendre les
chèques-vacances plus attractifs pour les entreprises. Il a ainsi proposé
d'étendre l'exonération de charges à la CSG et de faciliter la mise en place du
chèque-vacances dans les PME grâce à un élargissement des procédures, et ce
dans le respect du dialogue social, quoi qu'on ait pu entendre.
Enfin, la troisième voie était la recherche d'une amélioration du système
actuel de distribution des chèques-vacances. A cet égard, le Sénat avait
suggéré la possibilité pour l'ANCV, dans le respect de son monopole d'émission,
de sous-traiter leur distribution auprès d'organismes bien implantés dans le
réseau des PME.
Tel est le sens dans lequel le Sénat a souhaité améliorer le projet du
Gouvernement.
Dans la mesure où le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture ne retient aucune des améliorations proposées par le Sénat, votre
commission vous demande, mes chers collègues, de rétablir le texte que nous
avions adopté en deuxième lecture.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que
sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme
ce fut le cas pour la proposition de loi que nous venons d'examiner, les
positions respectives sont clairement établies sur ce projet de loi relatif à
l'extension du chèque-vacances. Sur les points cruciaux, M. le rapporteur nous
propose en effet, en dernière lecture, des amendements identiques à ceux qui
ont déjà été adoptés en première et en deuxième lecture.
Par ailleurs, c'est, sans surprise, sur le montant du plafond de ressources
conditionnant l'accès au chèque-vacances que la commission mixte paritaire a
échoué, et ce même si notre rapporteur a, en deuxième lecture, introduit la
notion plus équitable de revenu fiscal de référence.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Merci !
M. Roland Huguet.
Cela montre non seulement la constance d'esprit de nos collègues, mais aussi
les points sur lesquels nous divergeons, et qui ont trait à des conceptions
différentes quant aux finalités du chèque-vacances.
Je n'y reviens pas dans le détail ; nous avons déjà eu l'occasion de
confronter longuement nos points de vue quant aux objectifs plus ou moins
sociaux du chèque-vacances - « plus » en ce qui nous concerne, en tout cas !
Sans surprise, nous serons donc amenés à voter contre les amendements de la
commission. En conséquence, subodorant dès à présent leur adoption par la
majorité sénatoriale, je me hasarde
(Sourires),
sans risque, c'est vrai, à avancer que nous serons amenés à
voter contre l'ensemble du texte ainsi dénaturé.
Cela ne signifie en aucun cas une quelconque réticence de notre part, bien au
contraire, à l'égard de ce projet de loi, qui était fort attendu, que nous
soutenons et dont nous appuierons partout la mise en oeuvre.
Nous nous réjouissons d'ailleurs que des convergences aient pu être dégagées
en ce qui concerne le seuil minimum d'épargne à 2 % du SMIC, ainsi que
l'extension de l'accès au chèque-vacances à de nouvelles catégories, que ce
soit par la voie de l'article 1er ou celle de l'article 6.
Cependant, nous ne pouvons entériner les propositions de la commission, en
particulier s'agissant de l'augmentation du plafond de ressources, qui modifie
la nature du chèque-vacances en l'orientant vers des catégories relativement
aisées, du contournement des dispositions relatives à la négociation
collective, de l'extension à l'ensemble des entreprises, mais surtout à la CSG,
à la taxe d'apprentissage et à la contribution à la formation professionnelle,
de la nouvelle exonération de charges sociales que consent la collectivité
nationale aux employeurs. Certes, les vacances sont formatrices, mais faut-il
vraiment en tirer avec une telle vélocité les conséquences financières ?
Je veux également faire part de notre regret que soit déposé un amendement qui
vise à supprimer la possibilité d'utiliser le chèque-vacances sur le territoire
de l'Union européenne. En première lecture, notre rapporteur avait fait preuve
de plus d'audace. Il proposait, en effet, de permettre à l'Agence nationale
pour les chèques-vacances de prospecter à l'étranger afin de tenter de proposer
à des étrangers, au moins aux ressortissants de l'Union européenne, de financer
leurs vacances en France au moyen du chèque-vacances.
Notre pays est cependant le seul, à l'heure actuelle, à bénéficier d'un tel
dispositif, ce qui pose quelques problèmes de réciprocité.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Eh oui !
M. Roland Huguet.
Mais nous avons entendu Mme la secrétaire d'Etat nous indiquer, il y a
quelques instants, qu'elle avait déjà pris contact avec trois pays de l'Union
européenne.
Nous ne partageons pas les craintes de notre rapporteur quant à la possibilité
inverse, à savoir faire bénéficier nos ressortissants du chèque-vacances dans
les autres Etats de l'Union. Faciliter l'ouverture vers de nouveaux horizons et
la découverte de cultures différentes aux moins aisés de nos concitoyens est
bien dans la vocation du chèque-vacances.
De plus, ayant créé le chèque-vacances, il nous appartient de faire ce premier
pas. Loin de fragiliser notre position dans les négociations sur le
chèque-vacances européen, qui viennent de commencer, si j'ai bien compris, cela
ne peut qu'accélérer la mise en oeuvre de ce dernier.
Il appartient aussi aux partenaires sociaux européens de soutenir cette
initiative, en profitant de la porte que nous leur ouvrons.
Ce n'est peut-être pas l'action la plus spectaculaire, ni la plus médiatique,
mais c'est la promesse d'une amélioration considérable de la qualité de la vie
pour les moins chanceux d'entre nous.
Je ne saurais terminer cette intervention sans saluer votre action, madame la
secrétaire d'Etat. Avec beaucoup de discrétion, de persévérance et de
courtoisie, vous faites avancer la cause du tourisme social.
Après plusieurs années où certains ont tout fait pour le faire rentrer dans la
voie commune et renoncer à son caractère propre, le succès des états généraux
que vous avez tenu à organiser le mois dernier a montré qu'une dynamique
nouvelle était à l'oeuvre. Le tourisme social, dont nous ne devons pas oublier
qu'il procure un emploi à 78 000 personnes, retrouve ainsi son identité et son
ambition.
Ce projet de loi y prend toute sa part. Sa mise en oeuvre sera, bien entendu,
progressive, mais il s'agit d'un progrès important en direction d'un but que
nous chercons à atteindre depuis longtemps déjà : faire du droit aux vacances
non plus seulement un principe mais une réalité pour tous.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, faute
d'un accord en commission mixte paritaire, il nous revient d'examiner, en
nouvelle lecture, ce projet de loi que l'Assemblée nationale a contribué à
améliorer et à préciser, tant dans son contenu que dans sa rédaction.
Ainsi, le dispositif que nous souhaitons voir mis en place dès cet été devra
donner un nouveau souffle aux chèques-vacances pour en élargir l'accès aux
salariés des petites et moyennes entreprises.
Les atouts fondamentaux de l'ordonnance de 1982 ont été confortés : la
priorité donnée aux salariés les plus modestes continue de prévaloir ; le
fonctionnement paritaire a été préservé ; enfin, le principe de service public
est maintenu.
Ces différents aspects, conformes à l'esprit du texte du 26 mars 1982, me
semblent essentiels. C'est pourquoi je me satisfais de leur maintien.
Je me félicite, en outre, que les députés aient avancé sur deux questions sur
lesquelles le projet initial semblait montrer quelques insuffisances.
Il s'agit, d'abord, de la dimension européenne. En effet, il paraît
inconcevable que l'utilisation des chèques-vacances soit limitée au cadre
hexagonal.
Avant de parvenir à une harmonisation des législations des différents Etats
membres qui disposent ou qui vont bientôt disposer d'un outil tel que le
chèque-vacances, il est de bon augure de prévoir dans ce texte, et dès
aujourd'hui, que l'ANCV peut conclure des accords bilatéraux avec des
prestataires de la Communauté européenne.
J'avoue ne pas comprendre, sur ce point, vos réticences ou votre frilosité,
monsieur le rapporteur, dès lors qu'il s'agit d'offrir aux détenteurs des
chèques-vacances une destination de leur choix sans les contraindre
nécessairement à demeurer sur le territoire national.
Cette disposition serait prématurée, dites-vous ! Je crois, au contraire,
qu'en anticipant sur un futur et encore hypothétique « chèque-vacances européen
», dont nous ignorons les contours et les critères d'attribution, il est
judicieux et opportun que la France fasse prévaloir auprès de ses partenaires
un modèle de chèque-vacances accompli, qui a montré l'intérêt qu'il pouvait
représenter tant pour ses bénéficiaires que pour les entreprises
touristiques.
Si nous voulons que les valeurs de justice sociale et de service public
l'emportent à l'échelon communautaire, la France doit être en mesure de montrer
la vigueur du dispositif qu'elle a su mettre en oeuvre. Ainsi, nous éviterons
que nous soit imposé, le moment venu, un modèle libéral de chèque-vacances par
lequel le droit aux vacancs pour tous serait dévoyé.
Mme la secrétaire d'Etat l'a indiqué à l'instant : la position de la France
dans les négociations à venir, loin d'être fragilisée, sera, au contraire, plus
forte. Elle sera, en outre, défendue par des pays tels que l'Italie, le
Portugal ou l'Espagne, qui s'inspirent de notre législation pour instaurer leur
propre chèque-vacances.
Le récent succès obtenu à Bruxelles par M. Jean-Claude Gayssot dans le domaine
du transport de fret ferroviaire montre bien que c'est en faisant prévaloir et
en développant le système français qu'on peut le mieux résister à la vague de
libéralisation.
Enfin, monsieur le rapporteur, vous craignez que cette ouverture à l'Europe ne
pénalise notre économie touristique nationale.
Je pense, à l'inverse, que notre pays dispose de suffisamment d'atouts pour
attirer le nouveau flux touristique que générera, je l'espère, cette
réforme.
Notre pays, en matière d'infrastructures touristiques, est suffisamment en
avance sur la plupart des autres pays de l'Union européenne. Il est donc
probable que les salariés à faibles revenus continueront de privilégier une
destination à l'intérieur de nos frontières.
Lorsque vous écrivez, monsieur le rapporteur, « qu'il n'appartient pas à la
France de subventionner, par des exonérations de charges sociales, le secteur
du tourisme, dans les autres pays européens sans aucune réciprocité », c'est
oublier un peu vite que les gouvernements précédents ont subventionné,
d'ailleurs avec certaines largesses et sans contrepartie, des entreprises qui
ont, par la suite, supprimé des emplois en France et se sont délocalisées vers
d'autres terres, notamment en Europe !
M. Guy Fischer.
C'est vrai !
Mme Odette Terrade.
S'agissant des chèques-vacances, vous avouerez, en l'occurrence, que les
effets d'une telle extension seront limités, à court terme, pour notre
économie, et profitable à moyen et long termes pour la valorisation de notre
système au plan européen.
En outre, la liberté de circuler pour des personnes, quel que soit le niveau
de leur revenu, doit être respectée. Cette faculté ne doit pas être restreinte
pour les salariés les plus modestes.
J'en viens maintenant au second aspect qui a suscité des inquiétudes chez les
organisations syndicales, dès l'annonce de la réforme. Je veux parler de
l'accès aux chèques-vacances pour les salariés en CES, en CEC, les «
emplois-jeunes », les chômeurs, les retraités, ou encore, les commerçants et
artisans...
La réécriture de l'article 6 de l'ordonnance de 1982, en évitant un inventaire
à la Prévert des différentes catégories sociales susceptibles d'être
concernées, au risque d'en exclure d'autres, précise que les organisations
sociales pourront aider, le cas échéant, les salariés comme les non-salariés,
les actifs comme les inactifs, « dont les ressources sont les plus faibles
».
Ainsi, les suggestions des parlementaires ont-elles été prises en compte, sans
pour autant enfermer le dispositif dans un carcan trop rigide qui aurait pu
freiner le recours aux chèques-vacances.
En conclusion, malgré les inflexions de notre commission dans sa stratégie de
banalisation des chèques-vacances qui conduisaient à en dénaturer la fonction
et à minimiser l'intérêt premier des salariés, notre groupe, comme au cours des
lectures précédentes, votera contre le texte modifié par le Sénat.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - I. -
Non modifié
.
« II. -
Supprimé
.
« III. - Il est inséré, après le deuxième alinéa du même article, un alinéa
ainsi rédigé :
« Les chèques-vacances peuvent également être remis en paiement des dépenses
effectuées sur le territoire des Etats membres de la Communauté européenne aux
prestataires qui ont signé, selon les conditions fixées par décret, des
conventions avec l'établissement public visé à l'article 5 de la présente
ordonnance. »
Par amendement n° 1, M. Blanc, au nom de la commission, propose de supprimer
le III de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Il s'agit de la suppression de ce qu'il a été convenu
d'appeler « l'ouverture européenne », en l'occurrence le paragraphe III de
l'article 1er.
Madame le secrétaire d'Etat, je cite vos propres termes, vous pensez que «
cette ouverture sera un nouvel atout pour l'industrie touristique ». Je crois
que ce sera au contraire un handicap de plus pour notre tourisme, dans la
région méditerranéenne en particulier, qui devra faire face à la concurrence,
induite par nous-mêmes, de l'Italie, de l'Espagne et du Portugal.
En outre, je suis persuadé que ce n'est pas demain la veille que nous
obtiendrons la réciprocité de la part de ces pays, qui auront beaucoup plus de
difficultés à mettre en place les chèques-vacances qu'il n'y paraît de prime
abord.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Je ne partage pas du tout le point de vue de M. le
rapporteur, comme je l'ai d'ailleurs indiqué dans mon intervention
liminaire.
Je crois qu'il s'agit d'une vision pessimiste d'une forme de modernité, et il
me semble que cette mesure représente surtout, outre une incitation pour nos
concitoyens à voyager en Europe, une solvabilisation de publics européens comme
les Italiens, les Espagnols et les Portugais, lesquels, grâce à cette
solvabilité, pourront partir en vacances, ce qu'ils ne font pas toujours
aujourd'hui. Or on sait très bien que les premières destinations de vacances
des Européens se situent sur notre continent. On le vérifie tous les jours au
travers des flux entre les différents pays européens, et je pense donc qu'il
faut miser sur l'avenir, d'autant qu'il n'existe aucun risque en matière de
réciprocité. En effet, les mesures d'ouverture seront prises par voie
réglementaire, et tant que nous n'aurons pas obtenu la réciprocité, elles
n'entreront pas en vigueur.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, ainsi modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - L'article 2 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 précitée est
ainsi rédigé :
«
Art. 2
. - I. - Les salariés doivent justifier chaque année, auprès de
leur employeur, que le montant des revenus de leur foyer fiscal de
l'avant-dernière année, tels qu'ils sont définis au V de l'article 1417 du code
général des impôts, n'excède pas la somme de 87 680 francs pour la première
part de quotient familial, majorée de 19 990 francs par demi-part
supplémentaire. Ces chiffres sont actualisés chaque année, dans la même
proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt
sur le revenu.
« II. - L'avantage résultant de la contribution de l'employeur à l'acquisition
des chèques-vacances par les salariés est exonéré de l'impôt sur le revenu,
dans la limite du salaire minimum de croissance apprécié sur une base
mensuelle.
« Cette contribution de l'employeur est exonérée de la taxe sur les salaires
prévue à l'article 231 du code général des impôts.
« Les chèques-vacances sont dispensés du timbre.
« III. - L'employeur, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut,
des délégués du personnel ou de toute autre instance de concertation ayant
compétence en matière d'oeuvres sociales, définit, sous réserve des
dispositions du 2° du II de l'article 2-1 de la présente ordonnance, les
modalités de l'attribution éventuelle de chèques-vacances à ses salariés qui
répondent aux conditions fixées au présent article. »
Par amendement n° 2, M. Blanc, au nom de la commission, propose :
A. - Dans la première phrase du I du texte présenté par cet article pour
l'article 2 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 précitée, de remplacer la
somme : « 87 860 » par la somme : « 90 000 » et la somme : « 19 990 » par la
somme : « 25 000 ».
B. - De compléter cet article par un paragraphe additionnel II ainsi rédigé
:
« II. - Les pertes de recettes éventuelles résultant de la majoration des
conditions de ressources introduite au I de l'article 2 de l'ordonnance n°
82-283 du 26 mars 1982 sont compensées par une majoration à due concurrence des
droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
C. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article par la mention
: « I. - ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Il s'agit ici de rétablir le texte que le Sénat a
précédemment adopté en ce qui concerne la majoration des conditions de
ressources.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 3, M. Blanc, au nom de la commission, propose :
A. - De compléter le deuxième alinéa du II du texte présenté par l'article 2
pour l'article 2 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 par les mots : «
dans les conditions fixées à l'article 231
bis
K du même code et au III
de l'article 20 de la loi de finances pour 1989 (n° 88-1149 du 23 décembre
1988) ».
B. - De supprimer le III du texte proposé par l'article 2 pour l'article 2 de
l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 précitée.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Cet amendement de précision vise également à rétablir le
texte du Sénat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Il est inséré, après l'article 2 de l'ordonnance n° 82-283 du 26
mars 1982 précitée, un article 2-1 ainsi rédigé :
«
Art. 2-1
. - I. - Dans les entreprises de moins de cinquante salariés,
dépourvues de comité d'entreprise et qui ne relèvent pas d'un organisme
paritaire mentionné au dernier alinéa de l'article 6 de la présente ordonnance,
l'avantage résultant de la contribution de l'employeur à l'acquisition des
chèques-vacances par les salariés satisfaisant à la condition de ressources
fixée au I de l'article 2 est exonéré des cotisations et contributions prévues
par la législation du travail et de la sécurité sociale, à l'exception de la
contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de
la dette sociale. Le montant de l'avantage donnant droit à exonération, qui ne
peut excéder les plafonds fixés au dernier alinéa de l'article 3, est limité,
par salarié et par an, à 30 % du salaire minimum de croissance apprécié sur une
base mensuelle.
« II. - L'exonération prévue au I ci-dessus est accordée si :
« 1° La fraction de la valeur des chèques-vacances prise en charge par
l'employeur est plus élevée pour les salariés dont les rémunérations sont les
plus faibles ;
« 2° Le montant de la contribution de l'employeur et les modalités de son
attribution, notamment la modulation définie conformément au 1° ci-dessus, font
l'objet soit d'un accord collectif de branche au niveau national, régional ou
local prévoyant des modalités de mise en oeuvre dans les entreprises de moins
de cinquante salariés, soit d'un accord conclu dans les conditions prévues aux
deux premiers alinéas de l'article L. 132-30 du code du travail, soit d'un
accord d'entreprise conclu avec un ou plusieurs délégués du personnel désignés
comme délégués syndicaux ou, en l'absence d'une telle représentation syndicale,
avec un ou plusieurs salariés mandatés dans les conditions prévues au III de
l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation
relative à la réduction du temps de travail ;
« 3° La contribution de l'employeur ne se substitue à aucun élément faisant
partie de la rémunération versée dans l'entreprise, au sens de l'article L.
242-1 du code de la sécurité sociale, ou prévu pour l'avenir par des
stipulations contractuelles individuelles ou collectives. »
Par amendement n° 4, M. Blanc, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« I. - Il est inséré, après l'article 2 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars
1982 précitée, un article 2-1 ainsi rédigé :
«
Art. 2-1. -
L'avantage résultant de la contribution de l'employeur à
l'acquisition des chèques-vacances par les salariés satisfaisant à la condition
de ressources fixée au I de l'article 2 est exonéré de l'ensemble des
cotisations et contributions prévues par la législation du travail et de la
sécurité sociale, à l'exception de la contribution pour le remboursement de la
dette sociale. Le montant de l'avantage donnant droit à exonération, qui ne
peut excéder les plafonds fixés au dernier alinéa de l'article 3, est limité,
par salarié et par an, à 30 % du salaire minimum de croissance apprécié sur une
base mensuelle ; ce taux est majoré de dix points par enfant à charge au sens
des articles 6 et 196 du code général des impôts.
« L'exonération prévue à l'alinéa précédent n'est accordée que si :
« 1° La fraction de la valeur des chèques-vacances prise en charge par
l'employeur est modulée en faveur des salariés dont les rémunérations sont les
plus faibles et comporte une majoration pour enfant à charge ;
« 2° La contribution de l'employeur ne se substitue à aucun élément faisant
partie de la rémunération versée dans l'entreprise, au sens de l'article L.
242-1 du code de la sécurité sociale, ou prévu pour l'avenir par des
stipulations contractuelles individuelles ou collectives. »
« II. - L'exercice des exonérations de charges sociales aux entreprises de
cinquante salariés et plus et l'exonération de contribution sociale généralisée
pour l'ensemble des entreprises sont compensées à due concurrence par
l'institution d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux article 575 et
575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Cet amendement vise également à rétablir le texte du Sénat.
Il s'agit, cette fois, de l'extension des exonérations.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé.
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - Le premier alinéa de l'article 3 de l'ordonnance n° 82-283 du 26
mars 1982 précitée est supprimé. »
Par amendement n° 5, M. Blanc, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« Le premier alinéa de l'article 3 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982
précitée est ainsi rédigé :
« Le montant de la contribution de l'employeur et les modalités de son
attribution font l'objet soit d'une consultation du comité d'entreprise, soit
d'un accord d'entreprise conclu avec un ou plusieurs délégués syndicaux ou
délégués du personnel désignés comme délégués syndicaux, soit, en l'absence de
tels délégués, d'un accord d'entreprise conclu en application d'un accord de
branche mettant en oeuvre les dispositions de l'article 6 de la loi n° 96-985
du 12 novembre 1996 relative à l'information et à la consultation des salariés
dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire,
ainsi qu'au développement de la négociation collective, ou conclu avec un ou
plusieurs salariés mandatés dans les conditions prévues au III de l'article 3
de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative au
temps de travail, soit d'un accord conclu dans les conditions prévues aux deux
premiers alinéas de l'article L. 132-30 du code du travail. A titre
expérimental, dans les entreprises de moins de cinquante salariés où n'existent
pas de délégués syndicaux ou de délégués du personnel désignés comme délégués
syndicaux ni de salariés mandatés dans les conditions prévues au III de
l'article 6 de la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996 précitée ou au III de
l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 précitée, le montant de la
contribution de l'employeur et les modalités de son attribution peuvent être
fixées après consultation des délégués du personnel. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Cet amendement vise de nouveau à rétablir le texte du Sénat.
Il a pour objet de simplifier la procédure.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
Article 4
ter
M. le président.
L'article 4
ter
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 6, M. Blanc, au nom de la commission, propose de
rétablir cet article dans la rédaction suivante :
« Au début du dernier alinéa de l'article 4 de l'ordonnance n° 82-283 du 26
mars 1982 précitée, les mots : "Le salarié titulaire" sont remplacés par les
mots : "Le titulaire". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Cet amendement, qui vise aussi à rétablir le texte du Sénat,
prévoit une garantie pour les non-salariés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 4
ter
est rétabli dans cette rédaction.
Article 4
quater
M. le président.
« Art. 4
quater
. - I. - Dans le deuxième alinéa de l'article 5 de
l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 précitée, les mots : "de l'économie et
des finances et du ministre du temps libre" sont remplacés par les mots :
"chargé du tourisme". »
« II. -
Non modifié
. »
Par amendement n° 7, M. Blanc, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le paragraphe I de cet article :
« I. - Dans le deuxième alinéa de l'article 5 de l'ordonnance n° 82-283 du 26
mars 1982 précitée, les mots : "ministre du temps libre" sont remplacés par les
mots : "ministre chargé du tourisme". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Il s'agit là aussi de rétablir le texte du Sénat : c'est
simplement le rétablissement de la cotutelle. Il n'existe plus de ministre du
temps libre !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4
quater,
ainsi modifié.
(L'article 4
quater
est adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - I A. -
Non modifié
.
« I B. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les aides aux vacances peuvent être accordées, par les organismes visés au
présent article, dans les limites de leurs compétences, à toutes les personnes
relevant de ces organismes, leur conjoint ainsi que les personnes à leur charge
telles qu'elles sont définies aux articles 6 et 196 du code général des impôts,
qu'elles exercent ou non une activité professionnelle, salariée ou non
salariée, notamment à celles dont les ressources sont les plus faibles,
conformément aux conditions et modalités d'attribution fixées par lesdits
organismes. »
« I. -
Non modifié
. » -
(Adopté.)
Article 7
M. le président.
L'article 7 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 8, M. Blanc, au nom de la commission, propose de
rétablir cet article dans la rédaction suivante :
« Après le premier alinéa de l'article 5 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars
1982 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cet établissement public est chargé de promouvoir et diffuser le titre
nominatif "chèque-vacances". A cette fin, il est autorisé à conclure des
conventions de partenariat avec les entreprises ou organismes susceptibles d'en
assurer la plus large diffusion. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Cet amendement tend également à rétablir le texte du Sénat ;
il s'agit de la sous-traitance du chèque-vacances.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 7 est rétabli dans cette rédaction.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la nouvelle
lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Joly pour explication de vote.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en
quelque sorte, je veux imiter mon collègue M. Fischer.
Comme notre excellent rapporteur, je ne peux que déplorer l'absence de
rapprochement des deux assemblées, malgré les ouvertures du Sénat sur des
dispositions dont les objectifs sociaux sont sans ambiguïté. Les espoirs que
j'avais exprimés lors de mon intervention dans la discussion générale, au cours
des précédentes lectures, ont été déçus.
Plusieurs millions de salariés qui ne bénéficient pas ou peu du
chèque-vacances, vont devoir encore attendre pour entrer dans le champ. Comme
il s'agit des plus modestes, je comprends mal pourquoi les modifications de
notre Haute Assemblée n'ont pas été retenues.
Par ailleurs, l'industrie touristique se voit privée d'un nouvel atout.
L'extension du chèque-vacances aurait permis l'apport de clientèles jusqu'alors
exclues et le développement de zones défavorisées.
En conclusion, je déplore un rendez-vous manqué.
(Applaudissements sur
certaines travées du RDSE, sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à seize
heures, sous la présidence de M. Guy Allouche.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat :
Mercredi 23 juin 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
Projet de loi relatif à l'élection des sénateurs (n° 260, 1998-1999) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 22 juin, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déteminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 22 juin
1999.
Jeudi 24 juin 1999 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs.
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
4° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif
au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.
Vendredi 25 juin 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, renforçant la
protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (n° 291,
1998-1999).
Mardi 29 juin 1999 :
A neuf heures trente :
1° Dix-neuf questions orales sans débat.
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 461 de M. Jean-Marc Pastor à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et
moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat (règles relatives à la
fermeture hebdomadaire des commerces et à la vente du pain) ;
N° 495 de M. Franck Sérusclat à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (retrait du permis de conduire aux cyclistes ayant commis des
infractions au code de la route) ;
N° 528 de M. Dominique Leclerc à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (réactualisation de la liste des produits inscrits au tarif
interministériel des prestations sociales) ;
N° 544 de M. Michel Doublet à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(fonctionnement de la régie des eaux de la Charente-Maritime) ;
N° 548 de M. Jean-Pierre Fourcade à M. le secrétaire d'Etat au budget
(application de l'article 47 de la loi de finances rectificative pour 1998)
;
N° 549 de M. Jean Bizet à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement (fiscalité de l'énergie) ;
N° 550 de M. Jean-Patrick Courtois à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (aménagement de la route Centre-Europe-Atlantique)
;
N° 551 de M. Nicolas About à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des
anciens combattants (projet de fermeture de la maison de retraite de Ville
Lebrun) ;
N° 552 de M. Marcel-Pierre Cléach à Mme le garde des sceaux, ministre de la
justice (construction de la maison d'arrêt du Mans) ;
N° 553 de Mme Dinah Derycke à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (formation pratique au secourisme et permis de conduire) ;
N° 554 de M. Thierry Foucaud à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à
l'action sociale (traitement des patients dialysés en Haute-Normandie) ;
N° 555 de M. Alain Vasselle à Mme le ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement (gestion des déchets) ;
N° 556 de M. Gérard César à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et
de l'environnement (épandage des boues) ;
N° 557 de M. Ivan Renar à Mme le ministre de la culture et de la communication
(situation des personnels du ministère de la culture) ;
N° 558 de M. Michel Souplet transmise à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie
(parution des décrets d'application de la loi sur l'air et biocarburants) ;
N° 559 de M. Léon Fatous à Mme la secrétaire d'Etat au logement (lutte contre
l'insalubrité des logements) ;
N° 560 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (création d'une voie de contournement par l'ouest de
l'agglomération bordelaise) ;
N° 562 de M. James Bordas transmise à M. le ministre des affaires étrangères
(suspension des procédures d'adoption d'enfants avec le Vietnam) ;
N° 564 de Mme Hèlène Luc transmise à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie
(implantation d'une usine Renault à Choisy-le-Roi) ;
A seize heures quinze et, éventuellement, le soir :
2° Discours de fin de session du président du Sénat.
Ordre du jour prioritaire
3° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant création d'une couverture
maladie universelle (n° 440, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé au lundi 28 juin, à dix-sept heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
4° Deuxième lecture du projet de loi modifié par l'Assemblée nationale, sur
l'innovation et la recherche (n° 404, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé au lundi 28 juin, à dix-sept heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
Mercredi 30 juin 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
1° Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative
au statut de la magistrature (n° 417, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé au mardi 29 juin, à onze heures, le délai
limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi organique.
2° Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture, relative au pacte civil de solidarité (n° 429,
1998-1999).
La conférences des présidents a fixé au mardi 29 juin, à onze heures, le délai
limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
3° Deuxième lecture du projet de loi organique, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la limitation du cumul des
mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice (n° 255,
1998-1999).
4° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la limitation du cumul des
mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice (n° 256,
1998-1999).
La conférence des président a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
La conférence des présidents a, par ailleurs, fixé au mardi 29 juin, à onze
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux projets de
loi.
Mes chers collègues, y a-t-il des observations en ce qui concerne les
propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances
?...
Ces propositions sont adoptées.
8
RÈGLEMENT DÉFINITIF DU BUDGET DE 1997
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 441, 1998-1999),
adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de
1997. [Rapport n° 442 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le président, monsieur le président
de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames,
messieurs les sénateurs, le texte qui nous réunit aujoud'hui vient clore la
procédure budgétaire relative à l'exercice 1997. Cet exercice est d'autant plus
important à examiner qu'il s'agit, pour le Gouvernement, de la première année
dont il a assuré l'exécution à partir de l'été 1997, et ce à partir d'une loi
de finances qui n'était pas la sienne. Or les conditions d'exécution de cette
loi de finances semblaient à l'origine bien difficiles, chacun s'en
souvient.
Le Gouvernement issu des élections de juin 1997 - je m'honore d'en faire
partie - a pris les mesures nécessaires pour remettre les finances publiques
sur les rails de la qualification pour l'euro, et j'en rappellerai les
principaux éléments ; ensuite, j'évoquerai brièvement devant vous les efforts
que nous menons pour moderniser la procédure d'adoption des lois de
règlement.
Tout d'abord, je tiens à replacer dans le contexte de l'époque les conditions
d'exécution du budget de 1997. Quand le Gouvernement est arrivé aux
responsabilités, pendant l'été 1997, l'objectif de ramener le déficit des
finances publiques à 3 % du produit intérieur brut, objectif inscrit en loi de
finances et nécessaire à notre qualification pour l'euro, était loin d'être
acquis, comme la lettre que le Premier ministre sortant, M. Juppé, a remise à
son successeur le prouvait à l'évidence.
Un audit a été effectué par MM. Bonnet et Nasse sur la situation des finances
publiques. Ils ont estimé les déficits tendanciels dans une fourchette de 3,5 à
3,7 % du produit intérieur brut, ce qui induisait une dérive préoccupante de la
dette.
Pour l'Etat, les moins-values de recettes fiscales et les dépenses de
dépassement constatées au mois de juillet conduisaient à un déficit de 312
milliards à 322 milliards de francs, alors que le projet de loi de finances
initiale pour 1997 prévoyait un déficit de 284,8 milliards de francs.
L'audit évaluait les pertes de recettes fiscales de l'Etat entre 15 milliards
et 17 milliards de francs et les dérapages sur les dépenses entre 12 milliards
et 20 milliards de francs.
Le Gouvernement a donc immédiatement, sur la base de ce diagnostic, entrepris
une remise en ordre des finances publiques. Cette remise en ordre a été
exprimée dans la loi de finances rectificative pour 1997 qui a ramené le
déficit à 270,7 milliards de francs, soit une réduction de 14 milliards de
francs par rapport au projet de loi de finances initiale et de 40 milliards à
50 milliards de francs par rapport aux estimations faites par les experts en
juillet 1997.
Comme en témoigne le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui, cet
objectif a été tenu et même amélioré, puisque le déficit d'exécution du budget
de 1997 s'est élevé précisément à 267,7 milliards de francs, soit une
amélioration de 3 milliards de francs par rapport au collectif et de 17
milliards de francs par rapport à la loi de finances initiale. Au total, par
rapport à 1996, la baisse du déficit a été de 28 milliards de francs.
Ce bon résultat tient à plusieurs facteurs. Un certain nombre de mesures
fiscales ciblées ont permis d'éviter de casser la demande intérieure pour
compenser les pertes de recettes et maîtriser la dépense publique, tout en
finançant les nouvelles priorités du Gouvernement.
Du côté des recettes, vous vous en souvenez, il a été décidé, dès le mois de
juillet 1997, de compenser les moins-values de recettes fiscales par un
prélèvement exceptionnel et temporaire sur les profits des entreprises
réalisant plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires et par
l'assujettissement des plus-values à l'impôt sur les sociétés. Ces mesures ont
été mises en oeuvre dans la loi du 10 novembre 1997 portant mesures d'urgence
financières et fiscales...
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Exceptionnelles et temporaires !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Vous avez raison de le préciser, monsieur le
rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Merci de me le dire, monsieur le secrétaire
d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Les recettes fiscales nettes de l'Etat se sont ainsi
établies à 1 416,6 milliards de francs contre 1 359,6 milliards de francs en
1996, soit une progression de 4,2 %. Si l'on ne tient pas compte des mesures
fiscales de l'été 1997, la progression aurait été de 2,6 %
Comme je l'ai dit, du côté des dépenses, un effort de maîtrise important a été
mené, tout en assurant le financement des nouvelles priorités. Toute dépense
nouvelle engagée par le Gouvernement a été financée par redéploiement, qu'il
s'agisse des priorités ou des dépenses sous-évaluées dans la loi de finances
initiale. Chacun se souvient du décret d'avances de juillet 1997 qui a permis
de dégager 10 milliards de francs au profit de l'emploi des jeunes, du logement
social, de l'allocation de rentrée scolaire. Ce décret d'avances a permis de
stimuler la consommation des ménages, la demande intérieure et de nous orienter
vers une croissance plus élevée.
Au total, l'évolution des charges du budget général, qui s'est stabilisée, a
été de 1 %.
Ces bons résultats ne doivent rien au hasard, ils procèdent des mesures
d'assainissement des finances publiques que j'ai rapidement rappelées.
A ce propos, je dois dire en toute courtoisie que je suis quelque peu surpris
du raisonnement de M. le rapporteur général, qui considère dans son rapport,
excellent par ailleurs, que les mesures fiscales qui ont été prises dans le
cadre du projet de loi portant mesures urgentes à caractère fiscale et
financier n'étaient pas nécessaires. Certains termes me semblent prouver le
contraire.
Le Gouvernement a financé toutes ses priorités par redéploiement et n'a
effectué aucune dépense nouvelle qui ne soit financée. Le surcroît de dépenses
constaté en exécution, soit environ 8 milliards de francs, correspondait à des
sous-estimations de la loi de finances initiale, que mentionnait d'ailleurs
l'audit de l'été 1997.
Les recettes issues du « MUFF », comme on dit familièrement, ont servi à
compenser ces dépenses non financées ainsi que les moins-values de recettes.
Les chiffres sont clairs.
Enfin, le déficit des administrations publiques pour 1997 s'est établi à 3 %.
Cela prouve bien que les recettes issues du « MUFF » étaient nécessaires. Sans
elles, nous n'aurions pas été qualifiés pour l'euro. Il s'agit là, me
semble-t-il, d'un constat de type quasiment arithmétique qu'il ne me paraît pas
très aisé de contester.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'en présenterai un autre !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vous en remercie, monsieur le rapporteur général.
Je vous écouterai, comme toujours, avec un grand intérêt.
J'en viens brièvement aux mesures spécifiques du projet de loi de
règlement.
Les modifications concernent des régularisations traditionnelles sur des
chapitres assortis de crédits évaluatifs. Aucun dépassement n'est constaté, ni
sur les chapitres dotés de crédits limitatifs ni sur ceux qui sont dotés de
crédits provisionnels.
Le projet de loi de règlement soumet par ailleurs à votre approbation un
article 12 visant à la reconnaissance d'utilité publique de dépenses comprises
dans deux gestions de fait, pour un montant total légèrement supérieur à 2,6
millions de francs.
La première concerne l'association Nord - Pas-de-Calais Développement. Cette
association a en effet utilisé une partie des subventions qui lui ont été
attribuées pour financer des dépenses de personnel, dépenses qui auraient dû
relever du ministère de la ville et de l'aménagement du territoire de
l'époque.
La seconde gestion de fait est relative à l'Ecole nationale supérieure des
techniques avancées. Son directeur a effectivement encaissé des recettes et
payé des dépenses destinées à l'école, alors que ces opérations auraient dû
être effectuées par un comptable public.
Dans les deux cas, mesdames, messieurs les sénateurs, si la procédure est
contestable, la nature publique des crédits ne fait l'objet d'aucun doute,
comme l'ont confirmé les enquêtes de la Cour des comptes.
Le dernier point que je souhaite développer brièvement devant vous concerne
les efforts que le Gouvernement accomplit pour moderniser la procédure
d'approbation de la loi de règlement.
Une analyse plus riche des gestions passées, non seulement d'un point de vue
juridique mais également d'un point de vue économique, est une condition pour
bien éclairer les choix futurs. Je crois que votre commission des finances
partage cette conviction. De ce point de vue, il est bon que l'examen de la loi
de règlement pour 1997 précède de quelques instants le débat d'orientation
budgétaire.
Je relève par ailleurs que, pour que la discussion sur une loi de règlement
ait quelque intérêt et permette de tirer des enseignements pour les exercices à
venir, elle ne doit pas se rapporter à des gestions trop anciennes. C'est
pourquoi il me paraît tout d'abord nécessaire de resserrer le calendrier
d'adoption des lois de règlement.
Un effort particulier sera accompli dès cette année pour le budget de 1998,
dont les comptes ont été arrêtés et remis à la Cour des comptes dès le 9 avril
dernier, c'est-à-dire avec près de quinze jours d'avance par rapport au
calendrier de l'an dernier.
J'ai l'ambition de déposer le projet de loi portant règlement définitif du
budget de 1998 sur le bureau des assemblées dès le début de l'automne, alors
que, vous le savez, la tradition était de le transmettre au mois de
décembre.
Cette avancée répond à vos préoccupations, ainsi qu'à celles qui ont été
exprimées par le groupe de travail sur l'efficacité de la dépense publique et
le contrôle parlementaire, qui a été présidé par le président de l'Assemblée
nationale. Elle mérite d'être confortée.
Tels sont, monsieur le président, monsieur le président de la commission des
finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs,
les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance s'agissant de
l'examen de ce projet de loi de règlement pour l'année 1997 que j'ai l'honneur
de soumettre maintenant à votre approbation.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous revenons sur l'année 1997, qui a
été, au moins de trois points de vue, une année singulière : un changement de
gouvernement est intervenu en milieu d'exercice ; c'est l'année de base
concernant la qualification de la France comme pays de l'Union économique et
monétaire candidat à l'euro ; enfin, on a vu la conjoncture économique se
retourner. Ce dernier aspect des choses est évidemment dominant dans le
jugement que nous sommes susceptibles de porter aujourd'hui sur l'exécution de
la loi de finances pour 1997.
Alors que, depuis 1992, la gestion des finances publiques avait été marquée
par des difficultés économiques - les résultats d'exécution en matière de
recettes fiscales furent en effet souvent inférieurs aux prévisions - l'année
1997 a été marquée par le retour d'une relative facilité, sur laquelle nous
vivons encore aujourd'hui.
Le nouveau gouvernement s'est attribué la paternité de ce retournement,
c'était de bonne guerre, mais, si l'on observe les choses de manière objective
et neutre, on peut, me semble-t-il, en déduire que la responsabilité de
l'embellie de conjoncture était à tout le moins partagée.
Mes chers collègues, je vais m'efforcer, en quelques instants, de vous
présenter des éléments d'information en quatre points : le cadrage
macroéconomique avec l'évolution de la conjoncture ; les recettes de l'Etat et
les différents prélèvements ; les dépenses publiques ; enfin, le solde
d'exécution des lois de finances.
S'agissant de la conjoncture, j'évoquais sa reprise ; lorsque l'on regarde les
chiffres, il est vrai que celle-ci est très apparente : entre 1996 et 1997, le
produit intérieur brut a augmenté de 3,4 % en valeur et de 2,3 % en volume
alors qu'entre 1995 et 1996, l'augmentation n'avait été que de 1,2 %. Comment
ce supplément d'activités s'est-il dégagé ?
L'analyse des comptes publics nous montre que c'est le commerce extérieur qui
est à l'origine de près de la moitié de la croissance de 1997. La croissance a
donc été tirée par le développement des exportations. La demande intérieure,
c'est-à-dire la consommation domestique, est restée, nous le savons, peu
dynamique en moyenne tout au long de cet exercice 1997.
Nous pouvons apprécier la consommation tout d'abord par référence à la
progression du revenu des ménages, qui a été, en 1997, de 3,4 % en valeur et de
2,3 % en pouvoir d'achat. Mais cette potentialité de consommation
supplémentaire n'a été observée qu'en fin d'année ou au début de l'année
1998.
La reprise s'est donc soldée par un taux de croissance moyen de 2,3 %. Lorsque
l'on examine la décomposition de l'exercice mois par mois, on observe une
accélération de l'activité en cours d'année avec sa traduction en termes
d'emplois, à savoir un léger recul, déjà, du taux de chômage en glissement qui,
de 12,5 % en décembre 1996, s'est établi à 12,2 % en fin d'année.
Pour conclure sur le cadrage macroéconomique, disons que les bases d'une
reprise de la croissance existaient sans doute à la mi-année 1997 et que cette
reprise a été observée au travers d'abord de la dynamique de l'exportation,
ensuite du retour à un rythme plus intense de la consommation intérieure.
Ce cadre ayant été très rapidement tracé, ou du moins rappelé, qu'en est-il
des recettes de l'Etat au cours de cet exercice 1997 ?
Il faut redire, mes chers collègues - M. le secrétaire d'Etat y a fait
allusion - que le Gouvernement mis en place à la fin du premier semestre a
commandé aussitôt un audit sur la situation des finances publiques, qui a été
réalisé par deux hauts magistrats de la Cour des comptes.
Leur rapport a mis en exergue l'insuffisance des recettes fiscales qui aurait
conduit à un creusement du déficit budgétaire compris entre 15 milliards et 17
milliards de francs. Dans ce rapport, qui était donc quelque peu alarmiste,
l'évaluation du déficit 1997 des administrations publiques - c'est-à-dire Etat,
sécurité sociale et collectivités locales - se situait dans une fourchette
allant de 3,5 % à 3,7 % du produit intérieur brut.
Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est face à ce constat, nous avez-vous dit,
que le Gouvernement a pris l'initiative du projet de loi portant mesures
urgentes à caractère fiscal et financier, qui a été présenté à l'automne 1997
et qui a en particulier conduit à accroître significativement les prélèvements
obligatoires.
La loi a créé une surtaxe temporaire sur le taux de l'impôt sur les sociétés
pour les entreprises qui réalisent plus de 50 millions de francs de chiffre
d'affaires fixée à 15 % en 1997. Elle a également élargi l'assiette de l'impôt
sur les sociétés en y incluant les plus-values à long terme. Elle a enfin
modifié le régime des acomptes pour assurer un rendement rapide de ces mesures
dès 1997.
Selon la comptabilité de l'Etat, les recettes fiscales ont ainsi été majorées
de 23 milliards de francs au cours de l'exercice 1997.
Jusque-là, monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons dit strictement la même
chose, mais, à partir de cet instant, je vais diverger par rapport à vous, car
je persiste à penser avec la commission des finances que cette majoration des
recettes, intervenue dans un contexte quelque peu dramatisé à l'époque, n'était
pas nécessaire, et cela pour deux raisons.
Les données d'exécution montrent que la dynamique des rentrées fiscales a été,
indépendamment des nouvelles mesures, nettement meilleure que ne l'avaient
anticipée en particulier la très pessimiste direction du budget, dont c'est,
après tout, le métier d'être pessimiste par prudence, et les présidents Bonnet
et Nasse, auteurs de l'audit réalisé pour le compte du Gouvernement.
Mis à part le tout début de l'année 1997, les rentrées fiscales ont donc été
constamment supérieures à l'exécution de 1996. Seule la TVA a été en retrait de
9 milliards de francs sur la prévision.
Je crois donc pouvoir dire que, sans la loi du 10 novembre 1997 portant
mesures urgentes à caractère fiscal et financier, les recettes fiscales
n'auraient été que très légèrement inférieures aux prévisions initiales de la
loi de finances, dont la responsabilité avait été assumée par le précédent
gouvernement, puisqu'il n'aurait manqué que 1,5 milliard de francs. L'ordre de
grandeur de l'impasse était donc loin de celui qui avait été annoncé à l'époque
!
Mais l'analyse ne peut se limiter aux recettes. Il nous faut également prendre
en compte les choix qui ont été opérés en matière de dépenses.
Si le nouveau Gouvernement s'en était tenu au budget tel qu'il avait été
approuvé par le Parlement à la fin de l'année 1996, il n'aurait certes pas eu
besoin des 23 milliards de francs de fiscalité supplémentaires, qui ont
d'ailleurs fait passer la proportion des prélèvements obligatoires sur le
produit intérieur brut de 45,7 % à 46,1 %, taux auquel nous nous situons
toujours et qui est un record, un triste record !
A la vérité, si les 23 milliards de francs ont été arithmétiquement
nécessaires au nouveau Gouvernement, c'est parce qu'il a fait, en matière de
dépenses - certes, il s'agit là de sa totale liberté - des choix différents de
ceux du gouvernement qui l'avait précédé.
J'en viens aux commentaires sur les dépenses.
A la vérité, l'objectif de la loi de finances initiale était, je le rappelle,
de stabiliser les dépenses en francs courants. Pour y parvenir, le précédent
gouvernement avait décidé, comme on doit souvent s'y résoudre, de mettre en
réserve, c'est-à-dire de geler un certain nombre de crédits. Ce gel portait, en
chiffres ronds, sur une dizaine de milliards de francs.
En arrivant aux affaires, le gouvernement de M. Jospin a décidé, quant à lui,
non pas d'annuler les crédits gelés, mais de les remettre au pot afin de
financer des dépenses nouvelles en loi de finances rectificative.
Ce collectif, auquel je viens de faire allusion, présente un grand intérêt
pour les observateurs que nous sommes à présent, car il illustre bien la
démarche et l'orientation budgétaire du nouveau Gouvernement : d'une part, un
soin moins exigeant apporté à la maîtrise de la dépense publique et, d'autre
part, le recours à des prélèvements fiscaux supplémentaires. Nous y reviendrons
lors du débat d'orientation budgétaire.
Si les démarches des anciens et des nouveaux, en quelque sorte, convergeaient
bien vers la tenue d'un objectif de solde de la loi de finances et vers la
qualification de notre pays pour l'euro, la démonstration peut être faite que
les chemins pour y parvenir sont différents. En effet, pour arriver au même
solde, on peut prendre des voies différentes. La voie choisie par le nouveau
Gouvernement est marquée par plus de dépenses et plus de prélèvements.
Les ouvertures de crédits supplémentaires nets des remboursements et
dégrèvements se sont élevées à 16,7 milliards de francs dont 4,75 milliards de
francs affectés au budget des charges communes au titre des mesures
exceptionnelles pour l'emploi et la formation professionnelle qui contribuaient
pour l'essentiel au financement de la ristourne dégressive sur les bas
salaires.
Par ailleurs, avant même la loi de finances rectificative, le décret d'avances
de juillet 1997 avait ouvert 10 milliards de francs de crédits supplémentaires
correspondant, bien sûr, à quelques engagements électoraux. Il est en effet
aisément compréhensible qu'une majorité qui arrive aux responsabilités dans des
conditions un peu inattendues solde ses comptes, ce que vous avez fait en
rallongeant la dépense publique d'une dizaine de milliards de francs alors que
le gouvernement Juppé avait gelé 10 milliards de francs qui auraient pu être
annulés.
Les différents postes de dépenses étaient les suivants : allocation de rentrée
scolaire, emplois-jeunes, revalorisation du barème de l'aide personnalisée au
logement. Mais, finalement, mes chers collègues, le calcul est assez simple :
10 milliards de francs de dépenses supplémentaires et l'emploi de 10 milliards
de francs de crédits qui étaient gelés et qui ont été, en quelque sorte, remis
au pot, cela fait bien une vingtaine de milliards de francs qu'il a fallu
compenser par la vingtaine de milliards de francs de prélèvements fiscaux
supplémentaires. On retrouve là, monsieur le secrétaire d'Etat, la fameuse
surtaxe exceptionnelle et temporaire sur les entreprises dont nous reparlerons
sans doute au cours du débat d'orientation budgétaire.
J'en arrive au solde d'exécution de la loi de finances pour 1997.
Le déficit budgétaire s'est établi - comme vous l'avez fort bien dit - à 267,7
milliards de francs, soit 6 % au-dessous de ce qui était prévu dans la loi de
finances initiale.
Cet écart positif était - il faut le dire, les chiffres sont là - le premier
de cette nature depuis 1987, mais - je le répète, là aussi par respect de la
vérité - cette amélioration a été obtenue, non pas par le chemin vertueux qu'il
eût été possible d'emprunter, mais grâce à la majoration volontaire des
dépenses d'une dizaine de milliards de francs et des impôts de 23 milliards de
francs pour aboutir au taux de prélèvements obligatoires de 46,1 % par rapport
au produit intérieur brut, taux toujours en vigueur en 1999.
Le déficit d'exécution était en amélioration de 27,7 milliards de francs par
rapport à celui de 1996, représentant 3,29 % du PIB. Vous me direz que 3,29 %
ce n'est pas 3 %, mais ce ratio de 3 % concerne non seulement les finances de
l'Etat, mais aussi les finances sociales et celles des collectivités
territoriales pour définir le besoin de financement de l'ensemble des
administrations publiques. Or ce besoin de financement s'est établi exactement
aux 3 % du produit intérieur brut selon les engagements internationaux de la
France.
Ces 3 % ont été atteints par le jeu conjugué de différents facteurs, dont le
résultat nettement positif des administrations publiques locales, c'est-à-dire
des collectivités territoriales. Mes chers collègues, en 1997, les
collectivités territoriales ont présenté un excédent de 17,4 milliards de
francs. S'y est ajouté un facteur, exceptionnel et temporaire, monsieur le
secrétaire d'Etat, je veux parler de la fameuse « soulte » de France Télécom,
qui a participé au résultat positif de 52,7 milliards de francs réalisé par les
divers organismes d'administration centrale.
Parallèlement à ces excédents, les comptes sociaux accusaient, eux, un déficit
significatif de 47,8 milliards de francs. On peut dire, en simplifiant, que
sans la « soulte » de France Télécom, la perte des comptes sociaux aurait
compromis de façon manifeste la qualification de la France à l'entrée dans
l'euro.
Enfin, au cours de cette année 1997, la dette publique, variable qu'il ne faut
pas passer sous silence, a continué à se dégrader. Représentant 55,7 % du
produit intérieur brut à la fin de 1996, la dette publique en représentait 57,2
% à la fin de 1997.
Mes chers collègues, si l'on fait la synthèse de tout cela, on constate, en
effet, une baisse du déficit public, la réalisation de l'objectif de 3 %, mais
cela par une voie qui, au gré de la commission des finances, se caractérise par
trop de dépenses, trop d'endettement, trop de prélèvements obligatoires,
lesquels ont justifié les appréciations que nous avons portées sur la gestion
conduite en 1997 et que nous allons continuer à porter sur les gestions
successives. C'est d'ailleurs un avant-goût de certaines des appréciations que
nous allons exprimer tout à l'heure s'agissant des orientations budgétaire.
Pour conclure cette présentation, je soulignerai que le projet de loi de
règlement est un exercice comptable, un arrêté des comptes répartis dans les
différents articles de constatation habituels.
Mes chers collègues, la commission des finances vous propose d'entériner les
chiffres, ce qui n'emporte pas de jugement politique ni du gouvernement
d'avant, ni du gouvernement d'après. Nous nous bornons ainsi à prendre acte des
chiffres de la gestion close au 31 décembre 1997.
Pour l'ensemble de ces raisons, mes chers collègues, la commission recommande
l'adoption de ce projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel.
Quel brio !
M. le président.
La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous voilà face à un exercice un peu formel, l'examen d'une loi de
règlement.
Il s'agit, par cette loi, de réaliser un examen rétrospectif du budget exécuté
en constatant les résultats budgétaires définitifs d'un exercice considéré, en
réajustant les crédits évaluatifs, en autorisant le transfert du compte de
résultat de l'année au compte permanent des découverts du Trésor, en apurant
enfin certains comptes.
Ainsi, cette loi de règlement de 1997 arrête les résultats de quatre comptes
spéciaux du Trésor définitivement clos au 31 décembre 1997 et reconnaît
d'utilité publique deux séries de dépenses relevant de la gestion de fait.
Il s'agit pour le Parlement d'accomplir sa mission constitutionnelle et
historique de contrôle des finances publiques en jugeant l'exécution d'un
exercice budgétaire et en en tirant les principaux enseignements.
Mais, comme je l'ai dit en introduction, l'examen demeure plus formel
qu'effectif : en premier lieu, parce qu'il s'agit d'un contrôle
a posteriori
;
en deuxième lieu, parce que l'examen porte sur une matière extrêmement
vaste et complexe, qui peut difficilement se porter à une étude détaillée en
séance publique ; en troisième lieu, parce que l'examen des lois de règlements
intervient beaucoup trop tard. Pour qu'un réel débat puisse s'engager et que
les enseignements tirés puissent être retenus, il serait nécessaire que la loi
de règlement d'une année n soit examinée en même temps que la loi de finances
de l'année n + 2, et ce d'autant plus que le rapport de la Cour des comptes sur
l'exécution du budget est désormais disponible dès le mois de juillet suivant
l'exercice.
M. Emmanuel Hamel.
Grand progrès !
M. Marc Massion.
Il faut cependant souligner que des progrès ont été réalisés, tant dans les
dates de clôture des comptes que dans la date d'examen de cette loi de
règlement, et les propos qu'a tenus M. le secrétaire d'Etat tout à l'heure vont
tout à fait dans le bon sens.
L'exercice 1997 est particulièrement intéressant parce qu'il se situe à la
jonction de deux politiques budgétaires différentes, pour ne pas dire
opposées.
Le budget de 1997 avait en effet été préparé et présenté par le gouvernement
de M. Juppé. Le déficit budgétaire devait être de 284,8 milliards de francs,
soit 3,53 % du PIB, pour 3,76 % en exécution pour l'année 1996. Les déficits
publics devaient atteindre 3 %, afin de se conformer aux critères de
Maastricht.
Mais, comme le groupe socialiste du Sénat l'avait démontré lors de la
discussion du projet de loi de finances pour 1997, ces prévisions reposaient
sur deux opérations comptables et s'avéraient artificielles, tant pour le
budget de l'Etat - recettes surévaluées, réduction de dépenses souvent factices
- que pour les comptes sociaux. Le déficit public devait donc, selon nous, être
dans la réalité supérieur à 4 % du PIB, ramené à 3,5 % une fois prise en compte
l'opération sur France Télécom.
L'audit budgétaire, rendu public le 21 juillet 1997, avait confirmé notre
appréciation et démontré que nos comptes publics enregistraient une dérive
dangereuse : le déficit des administrations publiques pour 1997 partait sur une
fourchette allant de 3,5 % à 3,7 % du PIB - y compris la prise en compte de la
soulte de France Télécom du fait d'un dérapage compris entre 32 milliards et 44
milliards de francs. Le respect des critères pour devenir membre de la zone
euro semblait impossible et ce fut, je crois - du moins le dit-on - une des
principales causes de la dissolution de l'Assemblée nationale.
Cette dérive illustrait l'échec de la politique budgétaire des gouvernements
Balladur et Juppé.
Les causes de cet échec sont à rechercher dans une politique budgétaire à
contre-sens, marquée par une insuffisante maîtrise des dépenses de l'Etat, qui
ont accusé une augmentation de 2,8 % en 1995 et en 1996, et dans des
augmentations d'impôts sans précédent, d'environ 200 milliards de francs, qui
avaient anémié la demande interne.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Et cela continue !
M. Marc Massion.
Rappelez-vous la controverse Sarkozy-Bayrou lors d'un récent débat
télévisé...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ce n'était pas le meilleur
moment !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est pourtant révélateur !
M. Marc Massion.
Force est de relever une contradiction évidente, monsieur le rapporteur
général, entre les faits d'hier et les discours tenus aujourd'hui par la
majorité sénatoriale, qui voudrait persuader l'opinion que la gauche rime avec
dérive des dépenses publiques et augmentation des prélèvements.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Eh bien, diminuez-les, ces prélèvements !
M. Marc Massion.
Dans le même temps, la plupart de nos partenaires avaient réduit plus
fortement leur déficit en s'appuyant sur une politique de maîtrise des dépenses
publiques et non sur une hausse des prélèvements comme en France.
Le nouveau Gouvernement en place à partir de juin a alors lancé une politique
budgétaire différente destinée à retrouver la croissance, à se qualifier pour
l'euro et à casser l'enchaînement déficit-dette.
La première action a porté sur la compensation des pertes de recettes
fiscales. Le choix a été de faire porter l'effort sur les entreprises afin
d'épargner les ménages, sur qui les efforts antérieurs avaient été concentrés,
notamment par l'augmentation de 2 % sur la TVA. Les mesures ont porté sur le
relèvement temporaire de l'impôt sur les entreprises les plus importantes et la
réforme des plus-values à long terme. Ces mesures correctrices ont été adoptées
dans la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier du 10
novembre 1997 et elles ont permis d'enregistrer une plus-value fiscale de 23
milliards de francs.
La seconde action a consisté dans une stricte maîtrise des dépenses, tout en
les réorientant vers le soutien à la croissance. Ainsi, le 9 juillet, les
mesures associées au décret d'avances ont ouvert 10 milliards de francs de
crédits supplémentaires, dont 6,4 milliards de francs pour le triplement de
l'allocation scolaire, 2 milliards de francs pour le financement du plan
emploi-jeunes, 800 millions de francs pour le logement social. Parallèlement,
10 milliards de francs d'annulations de crédits étaient réalisées.
Les mêmes opérations ont été effectuées dans le collectif de fin d'année, où
16,7 milliards de francs ont dû être ouverts dans le budget général, en grande
partie pour couvrir des dépenses non financées qu'avait prévues le précédent
gouvernement, tandis que l'arrêté du 19 novembre annexé au collectif annulait
plus de 20 milliards de francs de crédits. De la même manière, ce projet de loi
de règlement prévoit 14,7 milliards de francs d'ouvertures complémentaires de
crédits, essentiellement sur des crédits à caractère évaluatif, tandis que 10,5
milliards de francs de crédits non consommés sont annulés.
En exécution, les dépenses nettes du budget général n'ont été supérieures que
de 4,9 milliards de francs aux prévisions initiales et n'ont donc augmenté que
de 0,8 % par rapport à l'exécution de 1996 ; c'est le meilleur résultat obtenu
depuis longtemps.
Le déficit budgétaire, prévu initialement à 284,8 millards de francs, a été
ramené à 267,7 milliards de francs. En pourcentage du PIB, sa part est ramenée
de 3,76 % en 1996 à 3,29 %, au lieu des 3,53 % prévus par le gouvernement
Juppé.
Cette forte baisse a été un élément important dans la réduction du déficit des
administrations publiques, qui est descendu de 4,1 % en 1996 à 3 %, permettant
ainsi à la France de se qualifier pour l'euro. De plus, c'est la première fois
depuis de nombreuses années qu'il y a un tel écart positif entre les prévisions
initiales et les résultats obtenus.
En conclusion, il me semble que la gestion budgétaire de l'année 1997 permet
de tirer un enseignement principal : la réduction des déficits doit être
recherchée dans un équilibre entre une évolution maîtrisée de la dépense
publique et le soutien à la croissance permettant une évolution positive des
recettes. A l'approche purement comptable menée par le gouvernement Juppé a
succédé une approche dynamique de la gestion budgétaire...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Tu parles !
M. Marc Massion.
... qui a démontré sa pertinence dès 1997.
D'ailleurs, l'exemple américain doit être médité, en particulier par les
défenseurs de ce modèle : c'est la croissance - qui a été de 13 % en volume de
1990 à 1996 - tirée notamment par une politique monétaire accommodante, qui a
permis à ce pays de revenir à l'équilibre budgétaire, et non la recherche
effrénée d'une baisse de la dépense.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Marc Massion.
Les dépenses publiques, pendant cette période, ont seulement connu une
évolution maîtrisée, avec une augmentation de près de 2 % par an.
Monsieur le secrétaire d'Etat, bien entendu, nous voterons ce projet de loi de
règlement, la loi de finances pour 1997 ayant été la première étape de cette
nouvelle politique budgétaire qui a déjà porté ses fruits.
(Applaudissements
sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce
projet de loi portant règlement définitif du budget de 1997 présente quelques
particularités par rapport aux précédents projets de loi de même nature que
nous avons pu examiner ces derniers temps, et singulièrement ceux des exercices
de 1995 et 1996.
Nous avions, en effet, en son temps, contesté la portée des dispositions de la
loi de finances pour 1997, loi de finances imprégnée d'orientations strictement
libérales.
On rappellera, notamment, que cette loi de finances initiale engageait une
réforme de l'impôt sur le revenu fondée essentiellement sur l'allégement de la
cotisation des ménages aux revenus les plus élevés, alors même que perdurait la
majoration du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée décidée à l'été de
1995.
On notera également que c'est cette loi de finances qui a remis en cause le
traitement des pensions et retraites au titre de l'impôt sur le revenu, de même
que l'exonération fiscale des allocations de congé maternité, mesure qu'il est
utile de rappeler dans une assemblée où certains se font régulièrement les
hérauts de la famille et les défenseurs indéfectibles de ses intérêts.
M. Emmanuel Hamel.
Nous en sommes fiers !
M. Thierry Foucaud.
Je ne reviendrai pas ici sur l'ensemble des mesures de ce projet de loi de
finances initiales, dont les attendus macro-économiques étaient manifestement
tronqués et dont l'équilibre général était fondé sur des prévisions de recettes
différentes de ce qui fut constaté dans les premiers mois de l'année, tandis
que certaines dépenses étaient, comme d'habitude, largement sous-estimées, ce
qui ne pouvait qu'entraîner une inscription à la sauvette dans la loi de
finances rectificative de fin d'année.
Le changement de gouvernement de l'été 1997 conduisit au vote de la loi du 10
novembre 1997 portant mesures d'urgence à caractère fiscal et financier, loi
dont nous avions approuvé les principes et qui engageait un certain
rééquilibrage des dispositions fiscales en cours dans notre pays, en
sollicitant notamment des ressources nouvelles du côté des entreprises, à
travers la majoration de l'impôt sur les sociétés.
Cette orientation, que le Sénat a évidemment combattue - c'était logique eu
égard à sa position sur la loi de finances initiale - a notamment permis à
l'Etat de faire face à ses engagements pour l'exercice 1997 et de parvenir à un
niveau de déficit public moins élevé que ce qui était prévu dans la loi de
finances initiale.
On peut donc mesurer la portée de cette loi de règlement à l'énoncé de son
déficit d'exécution : 267,7 milliards de francs, au lieu des 295,4 milliards de
francs de l'exercice 1996.
Pour autant, cette réduction sensible du déficit des comptes de l'Etat ne peut
nous faire oublier que la saine gestion des finances publiques se mesure non
pas seulement à l'aune des soldes comptables, mais aussi, pour faire écho à une
formule débattue ces derniers temps, au regard du dividence social que l'action
de l'Etat répartit au profit de la collectivité.
Le changement de politique induit par les élections du printemps 1997 était
encore balbutiant dans les dispositions votées à l'été et à l'automne 1997,
mais il n'en demeure pas moins que se sont ouverts dès ce moment les grands
chantiers des réformes structurelles dont notre pays a besoin et qui vont
encore alimenter le débat parlementaire dans les mois qui viennent, car ces
réformes sont loin d'être achevées.
L'examen de ce projet de loi de règlement du budget de 1997 est l'occasion de
souligner un certain nombre de points importants.
La croissance économique de l'année 1998 a conduit, de nouveau, à une
amélioration de la situation des comptes de l'Etat, et cette croissance est
portée, soit dit en passant, par la consommation intérieure, alors même que la
plupart des lois de finances dont nous avons débattues dans les années
1993-1997 mettaient cet élément de développement au second plan, privilégiant
le développement de l'offre et celui de l'investissement des entreprises.
De même, des mesures ont été prises en vue d'agir sur l'emploi : en
particulier, la loi sur la réduction du temps de travail ou la mise en place
des emplois-jeunes. Elles ont eu une certaine portée sur la situation générale
du marché du travail, même si cette portée nous semble quelque peu insuffisante
au regard des besoins sociaux.
Le déficit public demeure relativement élevé, dans un contexte
socio-économique pour le moins contrasté.
Si le pouvoir d'achat des salariés a connu une certaine amélioration ces
derniers temps, la part des salaires dans la valeur ajoutée produite par les
entreprises - notamment par le travail - ne cesse de se réduire au profit de
l'épargne brute des entreprises et, en fin de compte, du montant des produits
de participations.
La situation des entreprises était en effet particulièrement florissante en
1997 : 1 408 milliards de francs d'excédent brut d'exploitation - en hausse de
près de six points en un an - plus de 502 milliards de francs de dividendes
distribués - en hausse de près de 20 points en un an - une épargne brute de
près de 800 milliards de francs et une capacité d'autofinancement de près de
120 milliards de francs, les entreprises privées ayant d'ailleurs elles-mêmes
accru ce
cash flow
de plus de 30 milliards de francs par rapport à
l'année 1996.
Vous comprendrez donc que nous nous interrogions sur une situation économique
dont on s'apercevra sans doute bientôt qu'elle est loin de s'être détériorée en
1998. Dans ces conditions, la portée des mesures qui sont prises ou annoncées
ne nous semblent pas devoir concerner essentiellement les entreprises.
Ces excédents de financement du secteur privé sont à comparer à la situation
des comptes publics : la contradiction entre les deux éléments est forte et
appelle, de notre point de vue, une résolution.
Notons que certains, avec quelque hypocrisie, se plaignent de la faiblesse de
la progression du pouvoir d'achat des salariés du secteur privé et réclament
pourtant toujours plus d'allégements de cotisations sociales, singulièrement
sur les bas salaires.
Demeure un problème sérieux dans notre pays : celui de la persistance d'un
stock de main-d'oeuvre privée du droit au travail ou placée dans la spirale
d'une précarisation des conditions d'activité.
Il y a là les raisons d'une profonde fracture dans la société, fracture dont
l'actualité électorale récente porte d'ailleurs la marque.
Le changement de politique dont notre pays a exprimé l'attente lors des
élections du printemps 1997 impose des réformes encore plus profondes que
celles qui nous ont été présentées ou qui sont déjà mises en oeuvre.
Il en sera beaucoup question lors du débat d'orientation budgétaire, mais je
tenais à évoquer ce problème avant de voter ce projet de loi de règlement du
budget de 1997.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
vote de la loi de règlement sanctionne politiquement l'exécution du budget,
mais celle de 1997, cela a été dit, est un peu un
Janus bifrons
puisqu'elle concerne un budget qui fut préparé et voté par une majorité
mais modifié et exécuté par une autre, avec cependant, dans les deux cas, la
volonté - volonté répondant tout de même à une contrainte - de qualifier la
France pour l'euro, ce qui fut fait, le déficit prévu de 285 milliards de
francs ayant été ramené, en exécution, à 267 milliards de francs.
Il convient également de souligner que le vote de cette loi de règlement
intervient bien tardivement. J'approuve d'ailleurs tout à fait, monsieur le
secrétaire d'Etat, votre souhait d'accélérer le vote des lois de règlement, et
j'ai constaté avec satisfaction que le compte général de l'administration des
finances pour 1998 ainsi que le rapport préliminaire de la Cour des comptes
pour la même année étaient déjà déposés. Je ne serai donc pas tout à fait hors
sujet en évoquant non seulement la gestion de 1997, mais aussi, par moments,
celle de 1998.
(Sourires.)
Première observation : votre majorité hérita en 1997 d'un budget sain et
d'une situation économique en voie d'amélioration rapide. La croissance
économique était de retour : à 0,1 point près, ce fut celle de 2,2 % qui avait
été prévue par M. Jean Arthuis, alors ministre des finances, grâce, en
particulier, il est vrai, à une explosion des exportations.
D'ailleurs, vous n'avez pas cru nécessaire de faire voter une loi de finances
rectificative pour modifier l'équilibre financier, contrairement à ce qui se
passait jusque-là en cas de changement de majorité.
Vous avez, bien sûr, surcompensé - cela a été brillamment démontré par M. le
rapporteur général - les moins-values fiscales attendues, de 15 milliards de
francs, sur la TVA par un alourdissement de la pression fiscale nette en
majorant de 15 % l'impôt sur les sociétés. Je reconnais d'ailleurs que vous
avez été habile en exonérant de ces mesures d'urgence - les fameuses « MUFF » -
les petites et moyennes entreprises.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Eh oui !
M. Yves Fréville.
Vous avez ainsi bénéficié d'un produit fiscal net en progression de 57
milliards de francs, et ce bien que le produit de l'impôt sur le revenu ait été
réduit de 20 milliards de francs grâce à la première tranche de notre
réforme.
Voilà pour l'héritage : rien de comparable à la situation catastrophique dont
nous avions hérité et que nous avons découverte en 1993.
Comment avez-vous profité de cet héritage ?
(M. le secrétaire d'Etat s'esclaffe.)
Vous pouvez vous étonner, monsieur le secrétaire d'Etat !
En apparence, vous en avez profité très sagement. Votre projet de loi de
règlement donne en effet l'impression d'une bonne maîtrise de la dépense
publique.
Vous avez annulé les dix milliards de francs qui avaient été gelés par le
gouvernement Juppé pour relancer la dépense. Au fond, en cas de changement de
majorité, c'est presque de bonne guerre ! Quant aux dépenses nettes du budget
général - cette précision est essentielle -, elles ne sont supérieures que de
15 milliards de francs à celles de 1996, soit 1 % d'augmentation, et donc un
peu plus que ce que prévoyait le précédent gouvernement.
J'allais dire : bravo ! Mais je me suis souvenu de la leçon donnée à
l'Assemblée nationale par le professeur Sautter à celui qui prétendait - un
député de l'opposition - constater une baisse des crédits d'investissements :
il convient, disiez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, d'intégrer les
dépenses définitives des comptes spéciaux du Trésor.
J'ai donc suivi la méthode que vous avez indiquée, et tout change puisque les
dépenses définitives nettes de 1997 progressent cette fois-ci non plus de 1 %
mais de 4,4 %, soit 67 milliards de francs de plus qu'en 1996, à cause de ces
fameux comptes d'affectation spéciale.
Vous avez en effet profité de la relance de la croissance pour privatiser à
tout-va, et ce n'est ni moi ni l'opposition qui vous le reprocherons ! Vous
avez procédé, en 1997, à plus de 59 milliards de francs de privatisation, soit
plus que la précédente majorité en trois ans. Vous avez continué, en 1998, avec
51 milliards de francs. Nous en sommes donc à 110 milliards de francs, auxquels
j'ajouterai 35 milliards de francs supplémentaires, pour arriver à 145
milliards de francs de privatisation.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de me référer à la page 43 du
rapport préliminaire de la Cour des comptes.
« La Cour relève que les recettes de privatisation n'ont pas toutes été
rattachées au budget. Tel est le cas du produit de privatisation du GAN et de
ses filiales d'un montant net de 26,5 milliards de francs correspondant à des
cessions d'environ 34,5 milliards de francs encaissées en 1998 et inscrits
jusqu'à présent dans les comptes de la SGGP, la société de gestion et de
garantie de participations, dont le seul objet est de gérer les appels de
garantie de l'Etat. »
Et la Cour des comptes ajoute qu'« il n'y avait aucune raison de s'affranchir
des principes budgétaires et comptables d'annualité et d'universalité ». Ou
plutôt, et c'est moi qui l'ajoute, il y avait une bonne raison : il s'agissait
de faire disparaître du budget de 1998 le règlement des dépenses induites par
cette opération.
En effet, la Cour des comptes enfonce le clou, page 10 : « Ces pratiques par
l'opacité qui les caractérise font obstacle à l'information et au contrôle du
Parlement. Elles dérogent aux exigences de sincérité et d'image fidèle qui
s'appliquent aux comptes publics comme à tout système comptable. »
M. Emmanuel Hamel.
C'est dur !
M. Yves Fréville.
C'est la Cour des comptes qui le dit, mon cher collègue !
M. Emmanuel Hamel.
Et elle a raison !
M. Yves Fréville.
Parfaitement ! Or, nous avons de bonnes raisons d'être inquiets. En effet,
comment ont été utilisés les produits de la privatisation entre 1997 et 1998 ?
A désendetter l'Etat ? Hélas ! non. A verser des dotations en capital aux
entreprises publiques, ce qui reviendrait à accroître le patrimoine de l'Etat ?
Oui, mais seulement sur le papier car, dans la réalité, les versements aux
entreprises publiques camouflent de véritables subventions d'exploitation et
des couvertures de déficits antérieurs. Là encore, les rapports de la Cour des
comptes font foi.
« Par rapport aux subventions d'exploitation, écrit-elle, les dotations en
capital présentent l'avantage en termes d'affichage de ne pas compter dans le
calcul du déficit au sens de la comptabilité européenne. »
J'ai fait le total des versements intervenus en 1997 et en 1998 sur le compte
d'affectation spéciale n° 902-24.
Réseau ferré de France a reçu 8 milliards puis 15 milliards de francs, soit 23
milliards de francs. La Cour des comptes considère qu'il s'agit d'une
subvention d'exploitation qui aurait dû figurer au budget général.
Il en est de même pour les Charbonnages de France qui ont perçu, en 1997,
2,445 miliards de francs sur les ressources du compte d'affectation spéciale.
Cela a permis de diminuer optiquement la subvention aux Charbonnages de France
de 35,2 % en 1997. Ce n'est pas moi qui le dis ; c'est la Cour des comptes.
Il en est de même pour les dotations versées aux établissements qui
interviennent dans les opérations de défaisance du Crédit Lyonnais et du
Comptoir des entrepreneurs. A eux deux, ils ont reçu, en deux ans, 27,4
milliards de francs. Or, le budget général n'a versé que 2 milliards de
francs.
Dès lors, je m'interroge, monsieur le secrétaire d'Etat : en est-il de même
pour les avances reçues par le Groupement industriel des armements terrestres,
le GIAT ? Ce dernier a reçu un concours de 3,7 milliards de francs en 1996 et à
peu près la même somme en 1998 sur le budget des charges communes, mais hors
budget général. Toutefois il lui a été accordé en sus un peu plus de 13
milliards de francs sur le compte d'affectation spéciale.
Par ailleurs, que sont devenus les 30 milliards de francs de la privatisation
du GAN ? Je sais bien, et cela a été parfaitement acté par la loi de finances
rectificative pour 1997, qu'il était nécessaire de procéder à une
recapitalisation de 9 milliards de francs sur le budget général. Cela a été
fait.
Mais qu'en est-il de la garantie, accordée à la structure de cantonnement, qui
devait sans doute être prélevée sur les ressources et à laquelle devaient être
ajoutés les frais de portage ? Ces sommes s'élevaient à 12 ou 13 milliards de
francs. Cela n'épuise pas les ressources tirées de la privatisation du GAN.
Qu'est devenu l'écart considérable entre les recettes et les dépenses ? C'est
la question que je me permets de poser.
Je m'insurge lorsque de telles opérations s'effectuent hors budget, car on ne
peut plus apprécier correctement le coût global du désastre de certaines
nationalisations pour le budget de notre pays. Telle est l'observation
essentielle que je souhaitais formuler.
Mais la loi de règlement doit également nous permettre de réfléchir sur le
freinage de la dépense publique. Or, une analyse très intéressante a été
réalisée sur la déformation de la structure du budget en 1994 et en 1998. Le
fait majeur est évidemment le dérapage des dépenses de personnel.
Mes chers collègues, sur la période 1994-1998, la Cour des comptes estime que
leur part dans le budget général a augmenté de deux points et demi, ce qui
représente 48 milliards de francs, et ce déplacement s'est opéré au détriment
des investissements qui ont diminué d'autant.
Après avoir connu, dans le budget de 1997, un certain freinage, les dépenses
de personnel ont augmenté dès le budget de 1998.
S'il s'agit de soutenir la demande globale de façon quelque peu keynésienne,
vous conviendrez qu'il serait plus rationnel de maintenir un niveau élevé des
dépenses d'investissement qui, de plus, sont réversibles. S'il s'agit de mieux
rémunérer la fonction publique pour un accroissement de 2 % de la productivité
de l'administration, j'en serais tout à fait d'accord ; mais rien ne me le
prouve, et c'est à cette analyse de la productivité de l'administration que
devrait aboutir un examen plus approfondi d'une loi de règlement.
A titre d'exemple, la Cour des comptes a procédé à une analyse du budget de la
justice, que nous considérons tous comme prioritaire. Il n'empêche que les
jugements portés sur la mauvaise gestion de nombreux crédits affectés à ce
ministère ne sont pas tendres. Il est très clairement indiqué, par exemple, que
le dérapage des frais de justice est totalement sans rapport avec les exigences
de l'efficacité et de la productivité. Je suis donc favorable à un
accroissement des dépenses en ce domaine de la justice si la productivité
augmente ; mais en est-il bien ainsi ?
En conclusion, j'insisterai sur le solde à transférer aux découverts du
Trésor. Il s'agit d'une sorte de déficit généralisé qui inclut les pertes et
profits sur opérations de trésorerie. De 1990 à 1994, le solde est passé de 110
milliards de francs à 433 milliards de francs, compte tenu de la reprise de la
dette de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, pour un
montant de 110 milliards de francs.
Nous sommes revenus à 272 milliards de francs en 1997 et à 258 milliards de
francs en 1998.
La réduction du solde fut donc de 38 milliards de francs en 1996, de 28
milliards de francs en 1997 et seulement de 18 milliards de francs en 1998,
alors que la croissance repartait.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Vraiment ?
M. Yves Fréville.
Certes, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est mieux que de creuser le déficit
de 100 milliards de francs, comme vous le faisiez en 1992 et en 1993.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Cent cinquante milliards de
francs !
M. Yves Fréville.
A ce niveau-là, je ne sais plus bien compter !
(Sourires.)
Mes chers collègues, ce projet de loi de règlement démontre, au fond, que la
situation économique et financière laissée par la précédente majorité était en
voie de redressement rapide, contrairement aux prévisions de certains augures,
voire d'auteurs de certains rapports, ce qui peut, je l'admets parfaitement,
nous laisser un certain sentiment d'amertume. Pourquoi ne pas le dire ?
Cela étant, le groupe de l'Union centriste et moi-même approuvons les sages
conclusions de la commission des finances et voterons le projet de loi de
règlement, sous les réserves que j'ai émises.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dès
son arrivée, le nouveau gouvernement, soutenu par la majorité issue des
élections législatives de 1997, a qualifié de préoccupante la situation de nos
finances publiques. Certains ont même parlé de « dérapage ».
Pour justifier ce réquisitoire, le Gouvernement a demandé un audit présenté le
21 juillet 1997. Chacun se souvient ici des conclusions de celui-ci, mais il
convient de les rappeler dans leur texte même : « Il n'y a pas, peut-on y lire,
de dérapages très importants en cours pour des catégories de dépenses lourdes -
dépenses de personnel et dépenses sociales - celles pour lesquelles les
dérives peuvent entraîner loin sans être pratiquement rattrapables.
« Il n'y a pas de dérapages généralisés à un très grand nombre de chapitres,
ce qui aurait montré une loi de finances initiale mal calibrée ou exécutée par
des autorités responsables sans l'exercice d'une volonté ferme.
« Il s'agit de dérapages localisés, bien identifiés, et dont l'ampleur reste
sous contrôle. Ils témoignent de ce que l'exécution de 1997, comme toute
exécution, fait apparaître des surprises bonnes ou mauvaises, au gré des aléas
rencontrés. Il ne s'agit pas d'un emballement incontrôlé, même si les dérapages
sont significatifs. »
Le devoir de mémoire impose de rappeler que la dérive constatée était cinq
fois plus importante en mars 1993 lorsque les socialistes quittèrent le
pouvoir.
L'audit donne donc acte de la maîtrise des finances publiques résultant des
politiques menées de 1993 à 1997, n'en déplaise au Gouvernement.
Souvenons-nous d'ailleurs que, pour parer à d'éventuels dérapages, le
gouvernement d'Alain Juppé avait gelé 10 milliards de francs de crédits ayant
vocation à être annulés, sachant que le rapport d'audit demandé par le
Gouvernement estimait à 15 milliards de francs les économies à réaliser avant
la fin de l'année 1997.
Plutôt que de réduire les dépenses, comme la logique et la sagesse
l'imposaient, le Gouvernement a utilisé ces 10 milliards de francs pour
financer des mesures coûteuses, qui, avec le recul, ont montré leurs modestes
effets conjoncturels.
Le mois de septembre 1997 a été marqué par la loi portant diverses mesures
urgentes à caractère financier et fiscal, le MUFF, qui instaure, d'une part,
une contribution supplémentaire à l'impôt sur les sociétés, le portant ainsi au
taux record de 41,6 %, et, d'autre part, l'inclusion dans l'assiette de l'impôt
sur les sociétés des plus-values réalisées par les entreprises sur la cession
d'éléments de leurs actifs. Cette disposition s'est d'ailleurs avérée très
pénalisante pour les mutations industrielles.
Il est, à ce titre, intéressant de noter que la réponse du Gouvernement à la
stagnation de l'investissement des entreprises, qu'il déplorait, a été
d'augmenter les prélèvements pesant sur celles-ci. Curieuse logique !
Le projet de loi de règlement du budget et le rapport de la Cour des comptes
relatifs à l'exercice budgétaire de 1997 donnent raison au Sénat.
A l'époque, nous avions dénoncé la justification du Gouvernement des nouveaux
prélèvements opérés sur les entreprises par la nécessité de compenser la
faiblesse des encaissements de TVA.
Malheureusement pour le Gouvernement, et comme nous l'avions dit voilà deux
ans, les prévisions de recettes de TVA avaient été correctement calibrées par
la loi de finances initiale pour 1997.
D'ailleurs, l'alibi du manque de TVA pour justifier de nouveaux impôts ne
faisait même pas l'unanimité à Bercy. Chacun garde en mémoire nos débats sur le
projet de loi de finances pour 1998, au cours desquels M. le secrétaire d'Etat
au budget faisait sien l'argument des recettes de TVA mal calibrées devant être
compensées.
Or, dans le même temps, M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie indiquait au Sénat que les prélèvements supplémentaires du MUFF
finançaient la réforme de l'impôt sur le revenu initiée par le précédent
gouvernement et, selon lui, non financée.
Les montants en jeu font que les deux ne peuvent avoir raison. Mais ce sont
des débats internes au Gouvernement dont, hélas ! les entreprises et nos
compatriotes supportent les conséquences.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En effet !
M. Bernard Fournier.
Les premières voient leurs prélèvements augmenter et les seconds voient les
leurs ne plus baisser.
Le second semestre de l'année 1997 fut celui de la dramatisation de la
situation par le Gouvernement. Durant l'été, le Gouvernement nous assure que
l'action de ses prédécesseurs a mis la France au bord de la faillite. Un mois
plus tard, avant même d'engager la majoration de l'impôt sur les sociétés, le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie nous annonce que nous
respectons les critères de convergence.
Cette majoration de l'impôt sur les sociétés devrait disparaître, mais il
convient de noter que le budget pour l'an 2000 verra apparaître deux nouveaux
prélèvements sur les entreprises, dont une taxation supplémentaire sur les
bénéfices. En clair, le Gouvernement rend aux entreprises ce qu'il leur avait
pris et, dans le même temps, leur prend un peu plus par le biais d'un nouveau
prélèvement.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Exceptionnel et temporaire !
M. Bernard Fournier.
Difficile dans ces conditions de continuer à faire croire qu'il y a une
stabilisation des prélèvements obligatoires.
Nos entreprises les plus dynamiques, celles qui réalisent les plus fortes
croissances, seront à nouveau pénalisées.
Sur ce nouveau prélèvement, le Gouvernement commet la même erreur qu'en 1997
en retenant à nouveau le seuil de 50 millions de francs de chiffre d'affaires à
compter duquel les entreprises seront imposées.
Il est inconséquent de déclarer que les entreprises dont le chiffre d'affaires
dépasse ce seuil sont taxables et qu'en dessous se trouvent les petites et
moyennes entreprises.
Il faut rappeler que les instances européennes fixent à 40 millions d'euros,
soit environ 250 millions de francs, la limite entre les petites et moyennes
entreprises et les plus grandes, c'est-à-dire un rapport de un à cinq par
rapport au projet du Gouvernement.
Il convient, pour clore ce volet, d'indiquer que ces nouveaux prélèvements
serviront à financer la réduction autoritaire et uniforme de la durée du temps
de travail à trente-cinq heures, qui, souvenons-nous, devait s'effectuer sans
charge supplémentaire pour les entreprises...
Pour ce qui est de l'équilibre général du budget, le projet de loi de
règlement montre à l'évidence que la loi de finances initiale de 1997 était
correctement élaborée. Les dérives constatées auraient été facilement
contenues, comme le note l'audit de 1997, par des gels de crédits et des
économies spontanées. Il n'y avait nul besoin d'alourdir les prélèvements sur
les entreprises pour qualifier la France à l'euro.
Le solde du budget général est arrêté à 269,2 milliards de francs, soit
environ 15 milliards de francs de mieux que les 284,8 milliards de francs
prévus dans la loi de finances initiale. Si le Gouvernement n'avait pas annulé
le gel de crédits, décidé par le gouvernement d'Alain Juppé, il serait parvenu
aux mêmes résultats sans une majoration d'impôt pénalisante pour les
entreprises.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait !
M. Bernard Fournier.
Il convient de rappeler enfin que, en 1997, le Gouvernement s'est contenté de
ramener les déficits publics de 3,5 % - chiffre de l'audit - à 3,29 %. Cette
réduction est à comparer avec celle qui a été réalisée par les gouvernements
d'Edouard Balladur et d'Alain Juppé. En mars 1993, si l'on se réfère aux
résultats du rapport Raynaud, le déficit se situait sur une tendance de 6 % du
PIB. En juin 1997, on le sait maintenant, il était de 3,5 %. Il faut donc noter
que les gouvernements précédents ont réduit le déficit du budget de l'Etat dans
des proportions supérieures aux réductions opérées par l'actuel Gouvernement,
de l'ordre de une fois et demie. Sur ce thème, l'argument qui consiste à
dénoncer une augmentation incontrôlée de la dette publique ne tient pas. Chacun
sait qu'elle est alimentée par les déficits successifs. A ceux qui
souhaiteraient s'engager dans cette voie, je rappelle que l'année 1997 s'est
achevée avec une dette publique atteignant 57,2 % du PIB, contre 55,7 % l'année
précédente.
Pour financer des dépenses nouvelles, le Gouvernement a augmenté les
prélèvements pesant sur les entreprises. Il s'est refusé à prolonger l'effort
incontestable initié depuis 1993 pour maîtriser la dépense publique et réduire
les déficits.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République se
ralliera à la position développée par le rapporteur général, notre excellent
collègue M. Philippe Marini, que nous tenons à féliciter pour la qualité de son
rapport et la justesse de son analyse.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur le président, je vous
remercie de me permettre d'intervenir brièvement au terme de cette discussion
générale, et sans doute avant que M. le secrétaire d'Etat réponde aux
orateurs.
Côté sympathique des discussions à caractère budgétaire, il arrive que
l'importance des chiffres évoqués nous éloigne quelque peu de la réalité
quotidienne et que nous nous abandonnions à une sorte de manichéisme pouvant
laisser croire qu'un gouvernement est en mesure de décider de la conjoncture,
de la croissance, de la réussite du pays, et qu'un autre, finalement comme par
inadvertance, ne saurait pas trouver la clé de la croissance et du
développement. Il faut ramener les choses à une juste mesure.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si vous n'étiez pas membre du gouvernement en
1992, je ne doute pas que vous accepterez de lui affirmer votre soutien. Or, si
ce gouvernement avait partagé votre conviction actuelle quant à la nécessité de
décréter, de décider la croissance, il aurait dispensé la France de faire ce
pénible travail de recouvrer une discipline budgétaire indispensable en vue de
la qualification pour l'euro.
Au fond, qu'avons-nous fait, nous qui nous sommes engagés pour la monnaie
unique, que nous soyons de gauche ou de droite ? Nous avons tout fait pour que
notre pays soit qualifié pour l'euro.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous dites qu'en 1997 vous avez trouvé des
dépenses sous-évaluées et des recettes surestimées. Pour autant, les chiffres
que vous nous avez donnés sont sans commune mesure avec ceux qui ont été
trouvés en 1993. En effet, la sous-estimation des dépenses était alors de 100
milliards de francs et la surestimation des recettes de 50 milliards de francs.
Il en résultait une augmentation de 150 milliards de francs du déficit.
En seulement quatre ans - puisqu'il ne nous restait que quatre années pour
respecter les critères d'accès à la monnaie unique - comment pouvait-on
récupérer ce creusement immense du déficit qui a été créé dans cette période
1992-1993 ? Quand on y regarde, qu'il se soit agi du gouvernement de M.
Balladur, du gouvernement de M. Juppé ou de celui auquel vous appartenez, aucun
n'a jamais su réduire chaque année le déficit de plus de 20 à 30 milliards de
francs. Or, là, il y avait un écart de plus de 150 milliards de francs à
réduire. Cela montre à quel point il nous faut, lorsque nous discutons du
budget, avoir, au fond, beaucoup d'humilité, avoir conscience que nous devons
nous tenir à des règles de discipline très strictes. Il s'agit de faire en
sorte de ne pas dépenser autant que nous le faisons et de ne pas accroître les
prélèvements obligatoires comme nous le faisons. Il s'agit aussi de faire en
sorte que les Français ne croient pas qu'il suffise de la volonté d'un
gouvernement pour que la croissance et l'emploi soient au rendez-vous.
En effet, telle n'est pas la réalité ! La réalité, c'est une gestion
rigoureuse. Je souhaite, pour ce qui me concerne, que le jugement porté,
puisque nous portons un jugement sur le budget de 1997, ne soit pas manichéen
et qu'il ne consiste pas à dire que ce qui a été fait avant n'a pas été
sérieusement mené et que ce qui a été réalisé à partir du second semestre 1997
a été admirablement conduit. Si une politique très active de réduction de nos
déficits n'avait pas été menée, notre pays n'aurait pas été qualifié pour
l'euro.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je serai bref. Je commencerai par répondre aux propos
du rapporteur général et de M. Fournier. Ils se sont livrés, avec un grand
talent, je dois le reconnaître, à un exercice de « prophéties rétrospectives »,
démontrant qu'au mois d'avril 1997 la situation de l'économie française était
bonne puisque l'économie repartait et que les finances publiques étaient dans
une situation saine. Il est dommage que ces raisonnements qui sont développés
aujourd'hui n'aient pas été portés à la connaissance des dirigeants de
l'époque.
Comme vous, monsieur Lambert, je ferai acte de modestie en ce qui concerne
l'influence du Gouvernement sur la croissance. Cependant, il est un cas où il a
une influence certaine : un gouvernement peut briser net un élan de croissance
retrouvée. Ce cas type, nous l'avons tous vécu à l'été 1995 lorsque deux points
de TVA sont venus stopper net l'élan de la consommation des ménages qui
repartait.
M. Paul Loridant.
Très bien !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Il est possible d'arrêter la croissance - certains
l'ont prouvé dans notre pays et à l'étranger. Peut-on tirer la croissance en
quelque sorte comme on tire sur les lacets de ses chaussures ? Pas entièrement,
mais je crois très sincèrement qu'au mois de juin et au cours de l'été 1997
nous avons donné un encouragement psychologique à la consommation. Nous avons
su aussi - MM. Foucaud et Massion l'ont fort bien rappelé - donner un coup de
pouce aux Français qui en avaient le plus besoin : les parents qui ont vu
l'allocation de rentrée scolaire quadrupler, les personnes habitant les
logements sociaux qui ont vu l'aide personnalisée au logement accrue, les
jeunes qui étaient désespérés et qui ont vu le programme emplois-jeunes
démarrer. S'agissant de la croissance, certes on ne peut pas tout faire, sauf
peut-être dans le mauvais sens, à savoir arrêter celle-ci, mais la politique
économique a tout de même une certaine influence.
Je dirai à MM. Foucaud et Massion, dont j'ai loué l'analyse claire du
changement politique, économique et social intervenu pendant l'été, que le
partage entre les salaires et les profits, qui s'était effectivement dégradé au
détriment des salariés pendant la plus grande partie de l'actuelle décennie, a
été stabilisé. En effet, en 1997, et, surtout en 1998, les salaires ont crû,
globalement, comme la croissance.
Je dirai quelques mots à M. Fréville, car il a su trouver, dans le débat un
peu formel - M. Massion l'a indiqué - auquel peut donner lieu un projet de loi
de règlement, de quoi nous régaler. Il s'est livré à un exercice d'orfèvrerie
comptable. Une heure serait nécessaire pour répondre à toutes les questions
qu'il a posées. Je reviendrai sur un point. Je note au passage que toutes ses
observations ont porté sur l'année 1998 et s'appuyaient sur le rapport
préliminaire de la Cour des comptes, car me semble-t-il, sur l'année 1997, dans
sa grande honnêteté, il ne voyait pas grand-chose à redire.
Monsieur le sénateur, en ce qui concerne les recettes de privatisation du GAN,
seule la part du produit qui ne couvrait pas des garanties devait être reversée
à l'Etat. Cela passait par une nécessité, à savoir attendre la certification
des comptes de la structure de défaisance, la SGCP, que vous connaissez bien,
certification qui a eu lieu le 22 avril 1999. Même si ces propos ont été cités
par la Cour des comptes, cette nécessité comptable ne peut pas être qualifiée
d'opaque ou être considérée comme faisant obstacle à l'information et au
contrôle du Parlement.
S'agissant des investissements civils, nous aurons l'occasion d'y revenir lors
du débat d'orientation budgétaire qui suivra l'examen du projet de loi portant
règlement définitif du budget de 1997.
(Applaudissements sur les travées
socialistes. - M. Paul Loridant applaudit également.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances
pour 1997 sont arrêtés aux sommes mentionnées ci-après.
CHARGES (en francs) |
RESSOURCES (en francs) |
|
---|---|---|
A. - Opérations à caractère définitif |
||
Budget général et comptes d'affectation spéciale |
||
Ressources : Budget général (1) 1 651 805 473 252,99 |
||
A déduire : Dégrèvements et remboursements d'impôts - 265 594 888 806,17 Sous-total 1 386 210 584 446,82 Comptes d'affectation spéciale 89 254 875 423,50 |
||
Total | » | 1 475 465 459 870,32 |
Charges |
||
Dépenses ordinaires civiles :
|
||
Total | 1 391 754 161 642,03 | » |
Dépenses civiles en capital : Budget général 99 497 214 595,03 Comptes d'affectation spéciale 69 208 465 615,14 |
||
Total | 168 705 680 210,17 | » |
Dépenses militaires : |
||
Budget général | 182 253 156 301,89 |
» |
Totaux (budget général et comptes d'affectation spéciale) | 1 742 712 998 154,09 |
1 475 465 459 870,32 |
Budgets annexes |
||
Aviation civile | 7 857 006 749,42 | 7 857 006 749,42 |
Journaux officiels | 1 017 898 968,96 | 1 017 898 968,96 |
Légion d'honneur | 122 325 754,29 | 122 325 754,29 |
Monnaies et médailles | 805 507 256,49 | 805 507 256,49 |
Ordre de la Libération | 4 249 451,00 | 4 249 451,00 |
Prestations sociales agricoles | 91 488 560 484,24 |
91 488 560 484,24 |
Totaux budgets annexes | 101 295 548 664,40 |
101 295 548 664,40 |
Totaux (A) | 1 844 008 546 818,49 |
1 576 761 008 534,72 |
Solde des opérations à caractère définitif (A) | 267 247 538 283,77 | » |
B. - Opérations à caractère temporaire |
||
Comptes spéciaux du Trésor |
||
Comptes d'affectation spéciale | 29 155 875,02 | 113 222 001,37 |
Comptes de prêts | 6 058 927 212,31 | 4 863 580 373,55 |
Comptes d'avances | 396 287 605 390,60 | 396 457 537 692,23 |
Comptes de commerce (résultat net) | - 410 057 479,47 | » |
Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers (résultat net) | 66 265 958,65 | » |
Comptes d'opérations monétaires, hors FMI (résultat net) | - 933 642 842,80 |
» |
Totaux (B) | 401 098 254 114,31 |
401 434 340 067,15 |
Solde des opérations à caractère temporaire, hors FMI (B) | » | 336 085 952,84 |
Solde d'exécution des lois de finances, hors FMI (A + B) | 266 911 452 330,93 | » |
Solde d'exécution des lois de finances, hors FMI, hors FSC | 267 710 959 455,55 |
» |
(1) Après déduction des prélèvements sur recettes de l'Etat (252 765 750
754,90 F) au profit des collectivités locales et des Communautés
européennes.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2 et tableau A annexé
M. le président.
« Art. 2. - Le montant définitif des recettes du budget général de l'année
1997 est arrêté à 1 651 805 473 252,99 francs. La répartition de cette somme
fait l'objet du tableau A annexé à la présente loiVoir ce tableau dans le
document n° 1277 AN (Annexes).
.. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2 et le tableau A annexé.
(L'article 2 et le tableau A annexé sont adoptés.)
Article 3 et tableau B annexé
M. le président.
« Art. 3. - Le montant définitif des dépenses ordinaires civiles du budget
général de 1997 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les
crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis par
ministère conformément au tableau B annexé à la présente loi (1). »
AJUSTEMENTS DE LA LOI DE RÈGLEMENT
|
|||
---|---|---|---|
DÉSIGNATION DES TITRES |
DÉPENSES (en francs) |
Ouvertures de crédits
(en francs) |
Annulations de crédits
(en francs) |
I. - Dette publique et dépenses en atténuation de recettes | 515 484 575 780,36 | 9 076 387 156,81 | 4 815 801 376,45 |
II. - Pouvoirs publics | 4 301 855 337,46 | » | 2 588 662,54 |
III. - Moyens des services | 634 255 974 459,11 | 1 825 736 874,60 | 3 234 670 197,49 |
IV. - Interventions publiques | 485 238 159 917,83 | 3 771 180 276,50 |
1 422 091 778,67 |
Totaux | 1 639 280 565 494,76 | 14 673 304 307,91 | 9 475 152 015,15 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3 et le tableau B annexé.
(L'article 3 et le tableau B annexé sont adoptés.)
Article 4 et tableau C annexé
M. le président.
« Art. 4. - Le montant définitif des dépenses civiles en capital du budget
général de 1997 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les
crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis par
ministère conformément au tableau C annexé à la présente loi (1). »
AJUSTEMENTS DE LA LOI DE RÈGLEMENT
|
|||
---|---|---|---|
DÉSIGNATION DES TITRES |
DÉPENSES (en francs) |
Ouvertures de crédits
(en francs) |
Annulations de crédits
(en francs) |
V. - Investissements exécutés par l'Etat | 25 395 758 565,41 | » | 35,59 |
VI. - Subventions d'investissement accordées par l'Etat | 74 100 619 223,17 | » | 2 185 591,83 |
VII. - Réparations des dommages de guerre | 836 806,45 | » |
0,55 |
Totaux | 99 497 214 595,03 | » | 2 185 627,97 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4 et le tableau C annexé.
(L'article 4 et le tableau C annexé sont adoptés.)
Article 5 et tableau D annexé
M. le président.
« Art. 5. - Le montant définitif des dépenses ordinaires militaires du budget
général de 1997 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les
crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis
conformément au tableau D annexé à la présente loiVoir ce tableau dans le
document n° 1277 AN (Annexes).
.. »
AJUSTEMENTS DE LA LOI DE RÈGLEMENT
|
|||
---|---|---|---|
DÉSIGNATION DES TITRES |
DÉPENSES (en francs) |
Ouvertures de crédits
(en francs) |
Annulations de crédits
(en francs) |
III. - Moyens des armes et services | 106 259 876 299,66 | 8 064 040,46 |
1 046 051 987,80 |
Totaux | 106 259 876 299,66 | 8 064 040,46 | 1 046 051 987,80 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5 et le tableau D annexé.
(L'article 5 et le tableau D annexé sont adoptés.)
Article 6 et tableau E annexé
M. le président.
« Art. 6. - Le montant définitif des dépenses militaires en capital du budget
général de 1997 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les
crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis
conformément au tableau E annexé à la présente loi (1). »
AJUSTEMENTS DE LA LOI DE RÈGLEMENT
|
|||
---|---|---|---|
DÉSIGNATION DES TITRES |
DÉPENSES (en francs) |
Ouvertures de crédits
(en francs) |
Annulations de crédits
(en francs) |
V. - Equipement | 75 061 310 366,04 | 0,20 | 1,16 |
VI. - Subventions d'investissement accordées par l'Etat | 931 969 636,19 | 0,19 |
» |
Totaux | 75 993 280 002,23 | 0,39 | 1,16 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6 et le tableau E annexé.
(L'article 6 et le tableau E annexé sont adoptés.)
Article 7 et tableau F annexé
M. le président.
« Art. 7. - Le résultat du budget général de 1997 est définitivement fixé
comme suit :
« Recettes 1 651 805 473 252,99 F
« Dépenses 1 921 030 936 391,68 F
« Excédent des dépenses sur les recettes 269 225 463 138,69 F
« La répartition des recettes et des dépenses fait l'objet du tableau F annexé
à la présente loi (1). »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7 et le tableau F annexé.
(L'article 7 et le tableau F annexé sont adoptés.)
Article 8 et tableau G annexé
M. le président.
« Art. 8. - Les résultats des budgets annexes sont arrêtés aux sommes
mentionnées au tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme il est
dit au même tableau. Ces crédits sont répartis par budget conformément au
tableau G annexé à la présente loi (1). »
AJUSTEMENTS DE LA LOI DE RÈGLEMENT
|
|||
---|---|---|---|
DÉSIGNATION DES BUDGETS |
TOTAUX ÉGAUX
(en francs) |
Ouvertures de crédits
(en francs) |
Annulations de crédits
(en francs) |
Aviation civile | 7 857 006 749,42 | 198 804 078,03 | 67 947 140,61 |
Journaux officiels | 1 017 898 968,96 | 35 141 934,19 | 8 472 480,23 |
Légion d'honneur | 122 325 754,29 | 4 656 983,96 | 2 040 345,67 |
Monnaies et médailles | 805 507 256,49 | 22 033 779,21 | 48 435 723,72 |
Ordre de la Libération | 4 249 451,00 | 566 089,40 | 720 622,40 |
Prestations sociales agricoles | 91 488 560 484,24 | 512 478 418,12 |
399 917 933,88 |
Totaux | 101 295 548 664,40 | 773 681 282,91 | 527 534 246,51 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8 et le tableau G annexé.
(L'article 8 et le tableau G annexé sont adoptés.)
Article 9 et tableau I annexé
M. le président.
« Art. 9. - I. - Les résultats des comptes spéciaux du Trésor dont les
opérations se poursuivent sont arrêtés, pour 1997, aux sommes mentionnées au
tableau ci-après. Les crédits et les autorisations de découverts sont modifiés
comme il est dit au même tableau et répartis par catégorie de comptes et
ministère gestionnaire conformément au tableau I annexé à la présente loiVoir
ce tableau dans le document n° 1277 AN (Annexes).
.. »
OPÉRATIONS DE L'ANNÉE 1997 |
AJUSTEMENTS DE LA LOI DE RÈGLEMENT
|
||||
---|---|---|---|---|---|
DÉSIGNATION |
Dépenses (en francs) |
Recettes (en francs) |
Ouvertures de crédits
(en francs) |
Annulations de crédits
(en francs) |
Autorisations
(en francs) |
I. - Opérations à caractère définitif |
|||||
Comptes d'affectation spéciale | 85 947 677 576,48 | 88 885 728 550,95 | 700 536 230,94 | 305 647 810,46 | » |
II. - Opérations à caractère temporaire |
|||||
Comptes d'affectation spéciale | 29 155 875,02 | 113 222 001,37 | » | 28 148 637,98 | » |
Comptes de commerce | 42 270 779 041,18 | 42 680 836 520,65 | » | » | » |
Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers | » | 11 559 624,33 | » | » | » |
Comptes d'opérations monétaires | 8 599 391 121,32 | 8 946 355 351,15 | » | » | 41 904 878 100,49 |
Comptes de prêts | 6 058 927 212,31 | 4 863 580 373,55 | 1,31 | 900 000,00 | » |
Comptes d'avances | 396 287 605 390,60 | 396 457 537 692,23 | 43 109 557 809,13 | 108 952 418,53 |
» |
Totaux | 453 245 858 640,43 | 453 073 091 563,28 | 43 109 557 810,44 | 138 001 056,51 |
41 904 878 100,49 |
Totaux généraux | 539 193 536 216,91 | 541 958 820 114,23 | 43 810 094 041,38 | 443 648 866,97 | 41 904 878 100,49 |
« II. - Les soldes, à la date du 31 décembre 1997, des comptes spéciaux du Trésor dont les opérations se poursuivent sont arrêtés aux sommes ci-après et répartis, par ministère, conformément au tableau I annexé à la présente loi.
SOLDES AU 31 DÉCEMBRE 1997
|
||
---|---|---|
DÉSIGNATION DES CATÉGORIES DE COMPTES SPÉCIAUX |
Débiteurs (en francs) |
Créditeurs (en francs) |
Comptes d'affectation spéciale : opérations à caractère définitif et à caractère temporaire | » | 12 950 654 311,65 |
Comptes de commerce | 96 693 451,29 | 2 726 440 196,58 |
Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers | 178 705 577,31 | » |
Comptes d'opérations monétaires | 41 904 878 100,49 | 16 135 613 831,17 |
Comptes de prêts | 123 837 121 953,64 | » |
Comptes d'avances | 113 173 459 213,03 |
» |
Totaux | 279 190 858 295,76 | 31 812 708 339,40 |
« III. - Les soldes arrêtés au II sont reportés à la gestion 1998, à l'exception d'un solde créditeur de 815 349 375,54 francs concernant les comptes d'opérations monétaires et d'un solde débiteur de 996 424 933,40 francs concernant les comptes de prêts qui font l'objet d'une affectation par l'article de transport aux découverts du Trésor. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9 et le tableau I annexé.
(L'article 9 et le tableau I annexé sont adoptés.)
Article 10
M. le président.
« Art. 10. - Les résultats des comptes spéciaux du Trésor définitivement clos
au 31 décembre 1997 sont arrêtés aux sommes mentionnées au tableau ci-après.
Les crédits sont modifiés comme il est dit au même tableau.
OPÉRATIONS DE L'ANNÉE |
SOLDES AU 31 DÉCEMBRE 1997 |
AJUSTEMENTS DE LA LOI
de règlement
|
||||
---|---|---|---|---|---|---|
D É S I G N A T I ON |
Dépenses (en francs) |
Recettes (en francs) |
Débit (en francs) |
Crédit (en francs) |
Ouvertures (en francs) |
Annulations (en francs) |
I. - Opérations à caractère définitif |
||||||
Comptes d'affectation spéciale |
||||||
902-18 Fonds pour la participation des pays en développement aux ressources des grands fonds marins | » | » | » | » | » | » |
902-28 Fonds pour l'accession à la propriété | 967 000 343,50 | » | » | 12 564 044,62 | » | 12 564 044,50 |
902-29 Fonds pour le logement des personnes en difficulté | 362 272 648,60 | 369 146 872,55 | » | 6 874 223,95 | 155 387,50 |
77 882 738,90 |
Total | 1 329 272 992,10 | 369 146 872,55 | » | 19 438 268,57 | 155 387,50 |
90 446 783,40 |
II. - Opérations à caractère temporaire |
||||||
Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers |
||||||
905-11 Opérations de liquidation de l'ancien secteur français de Berlin | 115 184 046,98 | 37 358 464,00 | » | 3 127 205,74 | » |
» |
Total général | 1 444 457 039,08 | 406 505 336,55 | » | 22 565 474,31 | 155 387,50 | 90 446 783,40 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
M. le président.
« Art. 11. - Le solde débiteur des pertes et profits sur emprunts et
engagements de l'Etat est arrêté au 31 décembre 1997 à la somme de 2 527 087
456,80 francs, conformément au tableau ci-après :
OPÉRATIONS |
DÉPENSES (en francs) |
RECETTES (en francs) |
---|---|---|
Annuités non supportées par le budget général ou un compte spécial du Trésor | 7 950 454 913,55 | » |
Pertes sur remboursements anticipés de titres : - pertes sur titres repris en paiement d'impôts |
129 448,00 | » |
Pertes de change | 1 678 462,51 | » |
Dotations aux amortissements. - Charges financières : - dotations aux amortissements des primes d'émission des obligations |
2 370 089 043,72 | » |
- dotations aux amortissements des suppléments résultant des indexations | 18 289 878,81 | » |
Profits sur opérations réalisées par la Caisse d'amortissement de la dette publique (opérations sur BTAN) | » | 5 426 043 736,01 |
Pertes et profits divers sur emprunts et engagements : - pertes sur emprunts à long terme |
4 279 615 025,87 | » |
- profits divers sur emprunts à long terme | » | 6 010 579 494,60 |
- pertes sur BTAN | 1 470 199 462,70 | » |
- profits sur BTAN | » | 2 864 454 500,00 |
- pertes diverses | 740 000 000,00 | » |
- profits divers | » |
2 291 047,75 |
Totaux | 16 830 456 235,16 |
14 303 368 778,36 |
Solde | 2 527 087 456,80 | » |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12
M. le président.
« Art. 12. - I. - Sont reconnues d'utilité publique, pour un montant de 676
628,40 francs, les dépenses comprises dans la gestion de fait des deniers de
l'Etat, jugée par la Cour des comptes dans ses arrêts du 6 décembre 1995 et du
21 mai 1997, au titre du ministère de l'aménagement du territoire et de
l'environnement.
« II. - Sont reconnues d'utilité publique, pour un montant de 1 925 929,09
francs, les dépenses comprises dans la gestion de fait des deniers de l'Etat,
jugée par la Cour des comptes dans ses arrêts du 11 septembre 1996 et du 12
novembre 1997, au titre du ministère de la défense. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Article 13
M. le président.
« Art. 13. - I. - Les sommes énumérées ci-après, mentionnées aux articles 7, 9
(III) et 11, sont transportées en augmentation des découverts du Trésor :
« Excédent des dépenses sur les recettes du budget général de 1997 | 269 225 463 138,69 F |
« Remises de dettes aux pays les moins avancés | 996 424 933,40 F |
« Pertes et profits sur emprunts et engagements | 2 527 087 456,80 F |
« Total I. - Augmentation des découverts du Trésor | 272 748 975 528,89 F |
« II. - Les sommes mentionnées ci-après et visées aux articles 9 (III) et 10 sont transportées en atténuation des découverts du Trésor :
« Résultat net du compte spécial du Trésor "Pertes et bénéfices de change" soldé chaque année | 815 349 375,54 F |
« Résultat net des comptes spéciaux clos au 31 décembre 1997 | 22 565 474,31 F |
« Total II. - Atténuation des découverts du Trésor | 837 914 849,85 F |
« Total net à transporter en augmentation des découverts du Trésor (I - II) | 271 911 060 679,04 F » |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 13.
(L'article 13 est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions règlementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 102:
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 315 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
M. Emmanuel Hamel. Saluez notre sens de l'Etat, monsieur le ministre !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je le salue, monsieur le sénateur !
9
DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR
M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue André Gaspard, qui fut sénateur représentant les Français établis hors de France en 1998.
10
DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE
Débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président.
L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat,
d'orientation budgétaire.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons avoir l'occasion de
passer quelques heures ensemble pour débattre des orientations budgétaires, ce
dont je me réjouis.
Je voudrais, en commençant, saluer l'ensemble des sénateurs et sénatrices ici
présents, car, bien que les parlementaires soient moins nombreux au Sénat qu'à
l'Assemblée nationale, j'observe qu'il y a plus de sénateurs en séance publique
pour suivre ce débat qu'il n'y avait de députés pour la même occasion, ce qui
montre l'intérêt que la Haute Assemblée porte à la discussion budgétaire en
général et à ses orientations en particulier.
J'en profite pour vous remercier du vote que le Sénat vient d'émettre sur la
loi de règlement pour 1997, vote qui me paraît de bon augure pour la loi des
finances initiale de l'an 2000. Finalement, il y aurait quelque illogisme à
être à ce point d'accord avec la loi de finances lorsqu'elle est exécutée et à
ce point opposé lorsqu'elle est en formation !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Ce n'est pas du tout la même chose !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Dans ce débat
d'orientation budgétaire, ne vous attendez pas à de quelconques révélations !
Christian Sautter et moi-même sommes surtout là pour écouter l'opposition et la
majorité, que cette dernière soit sénatoriale ou nationale, et pour exposer les
grandes lignes de la politique budgétaire du Gouvernement, les décisions
fiscales, dont chacun est si friand, n'intervenant que plus tard dans le
processus, au mois de juillet ou d'août. Le débat ne peut donc évidemment pas
en rendre compte aujourd'hui.
L'axe principal de la politique du Gouvernement en matière économique est la
recherche de la croissance. Un groupe parlementaire particulier, à l'Assemblée
nationale, me reprochait de m'être arrêté au mot « croissance », et de ne pas y
avoir accolé l'adjectif « durable ». Je sais que, au Sénat, la représentation
de ce groupe est moindre. Néanmoins, je tiens à enrichir le débat à mesure
qu'il se développe : pour vous montrer à quel point, tant à l'Assemblée
nationale qu'au Sénat, nous écoutons les parlementaires, je parlerai dorénavant
de « croissance durable » !
(Sourires.)
C'est bien cette croissance que le Gouvernement recherche avant tout,
considérant qu'il ne s'agit en rien d'une donnée résultant de situations
internationales incontrôlées.
En effet, si la croissance est certes influencée par la situation
internationale, elle ne découle pas uniquement de cette dernière ! C'est un
objectif que la politique du Gouvernement doit fixer. Il est de sa
responsabilité de faire en sorte que, dans un environnement international
donné, la croissance soit la plus forte possible.
Le Gouvernement, sans être particulièrement satisfait des résultats - on
pourrait toujours espérer mieux - constate que, depuis 1997, où l'axe de la
recherche de la croissance la plus forte possible trace la voie de sa politique
économique, la croissance est, sinon suffisante, du moins, dans une certaine
mesure, au rendez-vous, si l'on compare aux taux de croissance du passé les
taux de croissance enregistrés à la fin de 1997, en 1998 - nous avons eu, en
1998, la plus forte année de croissance de la décennie avec 3,2 % - et même en
1999. De même, si je compare ce chiffre avec celui de nos voisins, ce qui est
sans doute le meilleur moyen de supprimer l'effet de l'environnement
international - nos voisins britanniques, qui, il est vrai, sont dans un cycle
conjoncturel différent, et nos voisins allemands ou italiens, qui sont dans le
même cycle conjoncturel que nous, anticipent pour 1999 une croissance
relativement modeste, entre 1 % et 1,5 %, alors que nous avons une fourchette
de 2,2 % à 2,5 % - lorsque je vois comment, en 1998 - ce sont non plus des
prévisions mais des réalisations - la croissance française a été de 0,8 point à
1,2 point supérieur à celle de ses grands voisins européens, je me dis qu'à
conjoncture
grosso modo
équivalente à celle de l'Allemagne, de l'Italie
et du Royaume-Uni, nous avons eu une performance de croissance sensiblement
supérieure qui doit s'expliquer, au moins en partie, par des éléments de
politique économique conduits différemment.
Pour autant, il n'y a aucune raison de s'estimer satisfait. Cette croissance
forte conduit, certes, à une baisse du chômage mais cette dernière est encore
très insuffisante. Nous devons donc continuer de rechercher la croissance la
plus forte possible qui, associée à d'autres éléments de la politique de
l'emploi, permettra de faire régresser massivement le chômage, car, finalement,
aujourd'hui, il ne peut y avoir d'autre objectif à une politique
gouvernementale dans un pays comme le nôtre que le recul massif du chômage.
S'agissant du débat qui va nous occuper, je voudrais dire quelques mots sur la
méthode.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous disposez d'un nouvel ensemble de
documents d'orientation budgétaire que Christian Sautter et moi-même avons
voulu plus léger en volume mais mieux rempli que par le passé : plus d'analyses
et moins d'aspects factuels. Je ne sais s'il vous donne satisfaction : vous
nous le direz ; en tout cas, nous nous considérons à votre disposition pour
enregistrer année après année toutes les améliorations que vous pourrez
souhaiter dans le document qui doit nourrir nos débats.
Outre un nouveau document, il existe également une nouvelle procédure.
En effet, il nous apparaît que, si le débat d'orientation budgétaire est
limité à la loi de finances à venir, le contenu est inévitablement un peu
décevant, précisément parce que ce projet de loi n'est pas encore achevé dans
sa préparation ; il convient donc d'essayer d'étendre ce débat vers le passé,
en tirant le bilan et les leçons des expériences qui ont pu se dérouler au
cours des deux, trois ou quatre dernières années, et vers l'avenir, en tirant
profit de la projection triennale que, chaque année, comme cela a été le cas à
la fin de 1998, nous serons amenés à déposer auprès de l'Union européenne dans
le cadre de l'euro 11, qui a pour vocation d'analyser nos projections
budgétaires et nos perspectives à trois ans. C'est donc sur une période plus
vaste, vers le passé comme vers l'avenir, que je voudrais situer notre
débat.
Enfin, le contexte de ce débat d'orientation budgétaire est également nouveau,
puisque c'est le premier débat que nous avons depuis que l'euro est notre
monnaie, ce changement entraînant énormément de conséquences en matière de
conduite de la politique économique et de coordination des politiques
économiques européennes. Je serai très heureux, au cours du débat, de répondre
à d'éventuelles questions sur ce point. Il est clair que nous ne pouvons pas
avoir la même monnaie que les dix pays qui nous entourent - ceux avec lesquels
nous sommes économiquement les plus liés, bien entendu - sans que cela ait des
conséquences sur la façon de préparer notre budget. Chacun ne doit pas élaborer
son budget dans son coin sans tenir compte de ce que font les autres. Nous
avons partie liée et, de ce fait, nous devons coordonner le plus possible nos
actions.
Cela ne se fera d'ailleurs pas sans apprentissage. C'est un exercice que
personne n'a jamais réalisé dans le passé. La France s'y entraîne avec ses
voisins, semaine après semaine, mois après mois. Sans doute nous faudra-t-il
encore du temps pour parvenir à une sorte de régime de croisière en matière de
coordination de nos politiques économiques. Nous n'en sommes pas encore là.
Mais chaque mois qui passe approfondit cette coordination, la renforce, et,
évidemment, cela change le cadre dans lequel nos discussions peuvent se
dérouler. C'était, me semble-t-il, évident pour chacun d'entre nous, mais cela
devient maintenant une réalité.
Après avoir dit quelques mots des deux ans qui viennent de s'écouler,
j'évoquerai les perspectives. C'est ensuite Christian Sautter qui traitera des
dépenses.
Sans nullement vouloir m'en glorifier - je le dis simplement parce que je
crois que telle est la réalité - j'estime que les deux ans qui viennent de
s'écouler se caractérisent par la fidélité du Gouvernement à la parole donnée.
C'est vrai dans la plupart des domaines, et je ne citerai que trois exemples
parmi les plus importants.
Le premier exemple est celui de l'emploi et du partage de la valeur
ajoutée.
Nous avions prévu pour 1998 - cela figure dans tous les documents et rapports
économiques et financiers de la loi de finances pour 1998 - la création de 200
000 emplois et une croissance du pouvoir d'achat de 1,2 %. En fait, selon les
résultats définitifs de 1998, 300 000 emplois ont été créés et le pouvoir
d'achat a augmenté de 2,5 %. Si l'on tient compte de l'effet combiné d'une
hausse de 2,5 % du pouvoir d'achat individuel et de l'augmentation des
effectifs, puisque l'emploi a crû, la masse salariale aura progressé au total
de 3,4 %, en pouvoir d'achat bien entendu.
Voilà qui conduit à un élément extrêmement important de l'analyse
macro-économique pour notre pays : pour la première fois depuis de très longues
années, le partage de la valeur ajoutée a cessé de se déformer au détriment des
salaires et en faveur des profits, il s'est stabilisé.
C'est l'un des éléments tout à fait majeurs de la politique du Gouvernement
que de faire que les parts respectives des salaires et des profits ne continue
pas de se déformer ! En 1998 - nous verrons pour 1999 -, cet objectif a été
atteint, et sans doute explique-t-il une bonne part de la tenue de la
consommation à partir de la production et de la croissance économique. Les
choix de politique économique qui avaient été faits en la matière se trouvent
aujourd'hui confortés !
Le deuxième exemple concerne la réduction des déficits.
C'est un débat sur lequel nous allons sans doute revenir, et j'ai entendu,
dans une salle contiguë à cet hémicycle, qu'il a déjà été ouvert tout à
l'heure, comme il est normal, à l'occasion de la discussion du projet de loi de
règlement pour 1997.
Loin des polémiques, je voudrais juste souligner quelques faits.
En termes de réduction absolue des déficits, en tenant compte des effets
conjoncturels liés à la croissance, qui existent évidemment, notre pays a
obtenu en 1998 les meilleurs résultats, loin devant l'Espagne, l'Italie ou
l'Allemagne. Et il en sera de même, selon les chiffres de la Communauté
européenne, en 1999, à cette réserve près que nous ne sommes qu'au milieu de
l'année ; toutefois, si l'année se poursuit comme elle a commencé et si, comme
l'indiquent les prévisions de l'Union européenne, la conjoncture évolue
normalement, nous serons dans la même situation qu'en 1998.
Souvent, j'entends dire que la croissance contribue à ce résultat. Certes !
C'est d'ailleurs même en partie pour cela qu'elle est nécessaire. Mais on ne
peut pas s'arrêter là et il nous faut regarder ce qui se passe hors croissance.
C'est légitime ! On appelle cela, vous le savez, puisque vous êtes tous des
experts, le « déficit structurel ». Or c'est ce déficit qu'il faut parvenir à
réduire.
Si l'on procède à cet exercice, on s'aperçoit alors - je cite là les calculs
du Fonds monétaire international, qui, généralement, n'est pas tendre, en
matière de finances publiques, avec la France - que la réduction du déficit
structurel est de 0,2 point en moyenne en Europe, et qu'elle atteint 0,5 point
en France. C'est, à nouveau, le chiffre le plus élevé en Europe.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous revenons de loin !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Au-delà des
polémiques partisanes, il faut donc faire litière de cet argument qui voudrait
que le déficit budgétaire ne décroisse que grâce à la croissance, qu'il ne vise
en rien les structures et qu'un retournement de conjoncture nous mettrait dans
la même situation que celle que nous avons heureusement quittée. Il n'est pas
vrai de dire cela, pas plus que l'on ne peut soutenir que le problème est
derrière nous.
La réduction du déficit structurel doit se poursuivre, et elle se poursuivra à
un rythme que le Gouvernement estime compatible avec le soutien de la
croissance. Mais il faut regarder les chiffres en face : le déficit structurel
baisse en France plus que partout ailleurs chez nos partenaires.
On nous dira que nous sommes partis de plus loin, mais c'est un argument à
double tranchant quand il vient de la majorité sénatoriale car, s'il minimise
l'effort réalisé par le Gouvernement, il conduit aussi à regarder avec plus de
sévérité les résultats obtenus par la majorité précédente.
En fait, tout cela doit être relativisé car, au début de l'année 1998, nous
avions approximativement le même déficit que l'Allemagne, à 0,2 % ou 0,3 %
près. Les efforts relatifs peuvent donc véritablement être comparés sans que
les chiffres soient faussés : nous étions à 3 % à la fin de l'année 1997,
tandis que les Allemands étaient à 2,7 % - ce qui n'est pas fondamentalement
différent - et c'est à partir de ces chiffres-là que nous avons enregistré une
beaucoup plus grande réduction du déficit absolu et du déficit structurel que
nos voisins allemands, que l'on prend pourtant souvent pour référence.
Alors que l'objectif, en termes de déficit, était fixé à 3 % pour 1997, il a
finalement été réalisé à 3 %. Et je n'entre pas dans tout le débat que vous
avez eu tout à l'heure, il est derrière nous.
L'objectif de 1998 était de 3 %. Mais ce ne sont pas les mêmes 3 %, parce
qu'il n'y a plus la soulte de France Télécom ; en réalité, cela marque donc
bien une diminution. Or la réalisation a été de 2,9 %, et les nouveaux chiffres
nationaux prévoient même 2,7 %, vous le savez.
L'objectif de 1999 est fixé à 2,3 %, et il sera tenu. Si la croissance est
meilleure que nous l'espérons et la sortie du trou d'air plus rapide qu'elle ne
s'opère aujourd'hui, alors peut-être sera-t-il même inférieur à 2,3 % ; je n'en
sais rien, mais, en tout cas, il ne sera pas supérieur.
Trois années consécutives, le déficit sera donc exactement celui qui avait été
prévu, voire meilleur, ce qui explique d'ailleurs une part des performances que
j'évoquais tout à l'heure et que le FMI a enregistrées.
J'en viens au troisième exemple, après l'emploi et la réduction du déficit.
Nous avions dit, lors de la campagne électorale - je me tourne là vers la
minorité du Sénat -, que nous rééquilibrerions la fiscalité des revenus du
capital par rapport à celle des revenus du travail.
Au total, les prélèvements sur les revenus du capital ont en effet augmenté de
3,9 % à 10 % au titre des transferts de cotisation de CSG des salaires vers les
revenus de placements et les revenus du patrimoine.
L'assurance-vie, qui constituait une évasion trop facile et anormale, aussi
bien en matière d'impôts sur le revenu qu'en matière de droits de succession,
est rentrée dans le rang, ce qui a contribué à ce rééquilibrage.
Le seuil d'exonération des plus-values est passé de 100 000 francs à 50 000
francs, alors qu'il y a encore deux ans il était à 350 000 francs.
Dans le même mouvement, toutes les plus-values des entreprises sont désormais
taxées au taux normal de l'impôt sur les sociétés.
Au total, le prélèvement sur les revenus du capital a donc augmenté de 40 %
alors que, dans le même temps, le prélèvement sur les revenus du travail
baissait puisque, comme chacun le sait, l'opération consistant à transférer des
cotisations sociales sur la CSG a donné aux salariés un gain de pouvoir d'achat
de 1,1 %.
Je n'ouvre pas le débat sur le point de savoir si l'on apprécie ou non cette
politique, j'indique simplement au Sénat que, ce faisant, le Gouvernement a
rempli l'engagement politique qu'il s'était fixé et a tenu la parole donnée.
Le Conseil des impôts, organisme dépendant de la Cour des comptes, et donc
indépendant du Gouvernement, a récemment porté un jugement positif sur cette
évolution, considérant que le rééquilibrage était maintenant atteint. Je
partage son opinion.
Nous avions besoin de rééquilibrer le dispositif, ce que nous avons fait. Il
n'est donc plus nécessaire de changer à l'avenir le curseur dans la répartition
entre taxation des revenus du capital et taxation des revenus du travail.
Nous avions déclaré que nous baisserions les impôts pour les ménages moyens et
modestes. Nous l'avons fait ! Sans doute encore insuffisamment, mais, au cours
de ces deux dernières années, une baisse de la TVA a été opérée pour 13
milliards de francs et d'autres baisses d'impôts, qui sont parfois moins
perceptibles - sauf pour ceux qui en bénéficient ! - sont engagées.
Par exemple, lorsque la majorité est revenue à l'Assemblée nationale sur la
limitation des dégrèvements dont bénéficient les redevables de la taxe
d'habitation, permettant ainsi à 800 000 familles de payer moins de taxe
d'habitation en 1998 qu'en 1997, elle a contribué à baisser les impôts pour les
ménages modestes et moyens.
Nous avions dit que nous réformerions la taxe professionnelle, notamment en
diminuant la part qui frappe les salaires. Nous l'avons non pas diminuée, mais
supprimée progressivement : cette mesure s'étalera sur cinq ans, mais, d'ores
et déjà, trois quarts des entreprises ont vu la part de leur taxe
professionnelle assise sur les salaires supprimée. Comme cet avantage s'est
manifesté lors du paiement de taxe professionnelle intervenant le 15 juin,
j'attends de la prochaine enquête sur le moral des chefs d'entreprises,
notamment de PME, un effet sans doute plus sensible encore qu'il ne l'a été
dans le passé, parce que c'est tout de même au moment où l'on signe les chèques
que l'on se rend compte que les allégements sont là.
Nous avions dit que nous baisserions les droits de mutation à titre onéreux
pour dynamiser le marché immobilier. Nous l'avons fait, puisque ces droits ont
diminué de 20 %. Vous avez ainsi pu constater qu'en 1998 le marché immobilier
avait enregistré 3,5 % de hausse des transactions par rapport à 1997, soit la
plus forte hausse depuis dix ans, et les professionnels affirment que le marché
devrait croître fortement cette année. Au demeurant, au cours du seul premier
trimestre de 1999, il a augmenté de 2,5 % en volume. Nous verrons si cette
croissance se poursuit au même rythme pendant le reste de l'année, mais les
professionnels s'y attendent et estiment à 10 000 le nombre d'emplois qui
seront ainsi créés.
Si l'on ajoute à toutes ces mesures la suppression de petits impôts obsolètes
qui gênaient des millions de familles sans pour autant rapporter beaucoup à
l'Etat - je pense à la suppression de la taxe sur les cartes d'identité ou sur
les permis de conduire et à d'autres petits impôts - il en résulte un ensemble
qui démontre que la majorité - celle qui a été élue à l'Assemblée nationale -
remplit petit à petit son programme et tient la parole donnée.
Pour clore le chapitre de la fiscalité, il faudrait évoquer la simplification
qui, pour être insuffisante, - très insuffisante même - n'en est pas moins,
vous le savez, déjà à l'oeuvre. J'en veux pour preuve le fait que les
contribuables rempliront cette année 15 millions de formulaires de moins que
l'année dernière - 15 millions de formulaires ! - et ce mouvement va
naturellement se poursuivre dans les années qui viennent.
Qu'en sera-t-il l'année prochaine de ces trois sujets, l'emploi, le déficit,
la fiscalité ?
Sur l'emploi, chacun comprendra qu'il est difficile de se prononcer tant que
la prévision de croissance pour 2000 n'est pas arrêtée. Or elle ne le sera
qu'assez tard cette année, car j'entends profiter des dernières semaines du
mois d'août pour établir cette estimation. En effet, même s'il s'agit toujours
d'un art délicat, il a rarement été aussi difficile d'établir une prévision un
peu fiable tant l'année écoulée a été secouée par les soubresauts successifs de
la crise asiatique, de la crise russe puis de la crise financière qui en a
découlé en octobre.
Pour ces raisons, nous ne saurons ce qu'aura réellement été la croissance en
1999 qu'en nous rapprochant de la fin de l'année. J'ai en effet maintenant
suffisamment d'expérience pour savoir ce qu'il en est d'une prévision arrêtée
au mois d'août : si une crise survient en septembre - ce fut le cas de la crise
bancaire - la critique ne manque pas de fuser pour nous reprocher de ne pas
avoir intégré ces éléments.
Si nous avons retenu le chiffre de 2,7 % pour 1999, c'est faute d'avoir prévu
que se succéderaient la crise russe, puis la crise financière d'octobre. Il
convient donc d'être prudent, et de fixer le taux de croissance pour l'année
prochaine le plus tard possible.
Les conséquences sur l'emploi sont, je l'ai dit, difficiles à mesurer. En tout
cas, nous préparons le budget avec une hypothèse minimale de croissance de 2,5
%, chiffre qui me paraît constituer la borne inférieure. L'emploi devrait alors
croître de 2 % et, bien sûr, si la croissance est plus forte, l'emploi croîtra
davantage !
Si la croissance est de 2,5 % et si, comme Christian Sautter et moi-même
l'avons prévu dans notre projection triennale, nous parvenons à garder jusqu'en
2002 une croissance comprise entre 2,5 % et 3 % - ce qui correspond au
potentiel de l'économie française et il n'y a aucune raison de ne pas le
réaliser -, nous aurons alors créé 1,5 million d'emplois pendant la
législature, dont 500 000 existent déjà depuis juin 1997, qu'il faut comparer
aux 20 000 emplois nets créés pendant la législature précédente.
En matière de fiscalité, l'appréciation des marges subit le même aléa que
celle de la croissance : si marges il y a, elles devront être affectées à la
baisse des impôts, et plus précisément aux impôts que paient les familles.
D'ores et déjà, certains impôts baisseront en 2000, car quelques-unes des
décisions qui ont été prises l'année dernière prendront alors effet. Ces
décisions concernent les entreprises, avec la surtaxe de l'impôt sur les
sociétés et les mesures relatives à la taxe professionnelle, ainsi que les
ménages, avec les baisses de TVA qui ont été votées l'année dernière mais qui
ne produiront leur plein effet que l'année prochaine, pour quelque 4 milliards
de francs, avec le rétablissement de l'abattement de 10 % dont bénéficiaient
les retraités et que M. Juppé avait supprimé - les retraités paieront donc,
l'année prochaine, 1 milliard de francs d'impôts de moins - mais aussi avec
l'abattement sur le conjoint survivant, qui ne commencera à jouer que l'année
prochaine et qui représente une baisse de 200 millions de francs. De la sorte,
même si la loi de finances pour 2000 ne contient aucune mesure fiscale, il est
d'ores et déjà acquis que les impôts baisseront. Des mesures fiscales nouvelles
sont envisageables en fonction des marges nouvelles qui apparaîtront,
lesquelles dépendront de la prévision de croissance. Nous aurons évidemment
l'occasion d'en reparler.
Quant à la simplification, celle-ci va également se poursuivre, puisque
Christian Sautter et moi-même avons annoncé, pour l'année prochaine, la mise en
place d'une déclaration exprès sur le revenu : ce système consiste,
fondamentalement, à utiliser les informations dont disposent les services
fiscaux pour préremplir les déclarations, de sorte que les contribuables - en
tout cas la majorité d'entre eux, et notamment tous les salariés - n'auront
qu'à vérifier et signer et non plus à remplir leur déclaration d'impôt. Il
s'agit d'une très grande simplification, et pour les contribuables et pour les
services fiscaux ! Par conséquent, en termes d'efficacité, il s'agira d'un
mouvement comme nous n'en avons pas connu depuis des décennies en matière
d'impôt sur le revenu.
Enfin, s'agissant des déficits, où allons-nous ?
Avec une croissance de 2,5 %, le déficit devrait passer à 2 % en 2000. Et, si
la croissance est plus élevée, bien évidemment, le déficit sera plus bas !
Imaginons que la croissance s'élève à 3 % : le déficit devrait pouvoir
atteindre 1,7 %, selon la prévision que nous avons établie dans notre
projection triennale.
Encore une fois, je ne sais pas ce qu'il en sera exactement. Toutefois, ce qui
est certain - et c'est ce qui fonde aujourd'hui la politique budgétaire du
Gouvernement, ce qui me semble être un changement important dans la pratique
budgétaire - c'est que la norme des dépenses est fixée. Si la conjoncture
s'améliore, le supplément de recettes qui découlerait de recettes fiscales
accrues sera affecté non pas à l'augmentation de la dépense, mais soit à la
baisse des déficits soit à la baisse des impôts, selon le choix politique que
le Gouvernement et sa majorité voudront faire à ce moment-là.
La norme d'évolution des dépenses pour l'année 2000 a été fixée, vous le
savez, à 0 % en volume - Christian Sautter y reviendra plus en détail - ce qui
devrait effectivement nous permettre d'avoir, comme je l'ai dit tout à l'heure,
quelques marges - mais attendons de savoir exactement lesquelles ! - pour
augmenter l'effet de baisse des impôts entraîné par des mesures de 1999 à effet
2000.
Avant d'en terminer, mesdames, messieurs les sénateurs - j'ai déjà été
beaucoup trop long - je tiens à évoquer d'un mot deux questions qui donnent
souvent lieu à débat et que je souhaite dépassionner avant même qu'elles ne
soient abordées ici. Il s'agit, d'abord, de la dette.
J'ai dit, dès l'automne 1997, que mon objectif était de faire baisser le ratio
aides publiques/PIB, qui, dans notre pays, croît depuis vingt ans. A la même
époque, j'ai dit que je fixais le sommet en 2000, après quoi cela
décroîtrait.
A mesure que nous nous rapprochons de l'échéance, cette prévision doit être
affinée. Je confirme que 2000 sera l'année sommet et que nous aurons ensuite à
enregistrer, si la politique budgétaire que je conduis se poursuit dans les
mêmes conditions, une diminution régulière de ce ratio aides publiques/PIB, qui
me semble être l'élément le plus significatif, à long terme, de la façon dont
notre pays est conduit, de la façon dont il couvre ses dépenses et de la part
des dépenses qu'il reporte sur les générations futures.
L'appréciation de cette évolution sera quelque peu perturbée par la révision
du mode comptable. L'harmonisation européenne en matière comptable conduit en
effet à inclure dans la dette des éléments que la comptabilité publique
française n'y faisait pas figurer. La dette, qui va plafonner, puis baisser,
augmentera donc légèrement. Mais cela ne changera rien à la tendance. En «
rétropolant » la série, on constatera que c'est la même que préalablement,
quelque peu décalée vers le haut.
Le mouvement reste, par conséquent, le même, et c'est bien à partir de l'an
2000 que notre pays verra décroître le ratio aides publiques/PIB.
La seconde question sur laquelle je veux apporter une précision, c'est celle
du niveau des dépenses.
J'entends, je lis parfois - sans doute sous des plumes mal informées ! - que
la dépense augmente. Et de citer des chiffres en milliards de francs !
Certes, en milliards de francs, la dépense publique augmente : à mesure que le
pays s'enrichit, que le PIB se développe, la dépense s'accroît.
La véritable question est de savoir si elle augmente plus vite ou moins vite
que le PIB, et donc si la part de la dépense publique dans le PIB décroît.
Que le montant de la dépense publique augmente en milliards de francs n'est,
au demeurant, pas surprenant, ne serait-ce qu'à cause de l'inflation. Donner un
sens à cette augmentation serait d'ailleurs une critique injuste adressée aux
majorités précédentes. En effet, si la dépense publique a augmenté de 131
milliards de francs en 1993-1994 et de 69 milliards de francs en 1995-1996,
elle a progressé de seulement 49 milliards de francs en 1997-1998.
On me répondra immédiatement que l'inflation était alors plus forte, et l'on
aura raison. Mais c'est bien la raison pour laquelle les données en milliards
de francs n'ont pas beaucoup de sens.
Dès lors, comment peut-on apprécier correctement l'évolution de la dépense
publique ? De deux manières, qui se recoupent.
La première consiste à prendre en compte la croissance en volume de la dépense
publique - c'est là une méthode sérieuse - et la seconde à considérer
l'évolution de la part de la dépense publique dans le PIB.
Si l'on s'en tient à la croissance en volume de la dépense publique, on
constate qu'elle a été de 2 % en 1993-1994, de 1,8 % en 1995-1996 et qu'elle a
été nulle en 1997-1998. De ce point de vue, on ne peut pas dire que la
croissance de la dépense publique soit patente !
Et si l'on envisage la part de la dépense publique dans le PIB - autre manière
de regarder la même chose ! - on voit qu'elle a augmenté de 1,2 point de PIB en
1993-1994, de 0,4 point en 1995-1996 et qu'elle a baissé de 1,4 point en
1997-1998. Donc, là encore, que l'on prenne les chiffres comme on veut, il est
clair qu'à l'arrivée, la dépense publique a plutôt tendance à décroître.
Nous allons débattre de toutes ces questions. Ce débat est fait pour cela. Je
souhaite, si vous le voulez bien, que, sur le ton traditionnellement serein et
averti des discussions dans la Haute Assemblée, nous puissions mettre au clair
un certain nombre de nos différends, de sorte que le Gouvernement puisse en
tirer la substantifique moelle dans la préparation de son projet de loi de
finances pour l'an 2000, dont les principes que je viens d'évoquer vont être
détaillés plus avant en matière de dépense par M. Christian Sautter.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
11
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DU VIETNAM
M. le président.
Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence, dans notre tribune
officielle, d'une délégation de députés de l'Assemblée nationale de la
République socialiste du Vietnam, conduite par M. Nguyen Ngoc Tran,
vice-président de la commission des affaires étrangères.
J'espère que les nombreux entretiens auxquels participeront nos collègues leur
permettront d'approfondir leur connaissance des questions relatives à
l'organisation de la recherche et à la protection de l'environnement, et
d'établir de fructueux contacts avec les responsables français de ces
secteurs.
Cette visite, organisée sur l'invitation du Sénat dans le cadre de la
coopération interparlementaire, illustre, une nouvelle fois, l'étroite
collaboration de nos deux assemblées. Celle-ci ne cesse de se renforcer depuis
la création du groupe d'amitié France-Vietnam par notre président, M. Christian
Poncelet, qui veille toujours, en sa qualité de président d'honneur du groupe,
au plein succès de ces rencontres.
Au nom de la Haute Assemblée, je souhaite donc à nos collègues vietnamiens,
accompagnés de notre excellent collègue Jacques Oudin, la bienvenue. Je forme
des voeux pour que leur séjour en France contribue à renforcer les liens
d'amitié entre nos deux pays.
Puissiez-vous retourner dans votre pays, chers amis, avec le meilleur souvenir
de la France !
(M. le ministre, M. le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les
sénateurs se lèvent et applaudissent.)
12
DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE
Suite d'un débat
sur une déclaration du Gouvernement
M. le président.
Nous reprenons le débat d'orientation budgétaire consécutif à une déclaration
du Gouvernement.
Dans la suite du débat, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, je concentrerai mon propos sur un sujet quelque peu controversé
: la dépense publique.
C'est un thème qui prête assez facilement à la caricature, caricature qui n'a
pas sa place dans la Haute Assemblée et en vertu de laquelle, si je me fie à ce
que l'on peut lire ici ou là, la droite serait par principe défavorable à la
dépense publique, qu'elle réduirait dès qu'elle exerce des responsabilités,
alors que la gauche serait par réflexe favorable à la dépense publique, qu'elle
augmenterait dès qu'elle est au gouvernement. Le présent débat d'orientation
budgétaire, qui nous permet de faire le bilan de deux années de gestion
budgétaire sérieuse et de couvrir les trois années à venir, fera justice de ces
caricatures.
Je commencerai par faire un éloge rapide de la bonne dépense publique.
Chacun connaît l'apport que peut représenter la dépense publique dans le
domaine social, dans le domaine culturel, dans le domaine de l'aménagement du
territoire. J'ai d'ailleurs noté qu'au moment où se négocient les contrats de
plan entre l'Etat et les régions, nombreuses sont les voix qui s'élèvent, sur
toutes les travées, pour souhaiter que la participation de l'Etat soit encore
plus ambitieuse que celle que le Premier ministre a récemment arrêtée !
Ce que je veux démontrer ici, c'est qu'une certaine dépense publique peut
contribuer à l'efficacité économique de notre pays, mais aussi que, pour que la
gestion de la dépense publique soit efficace, il convient, comme l'a dit M. le
ministre à l'instant, qu'elle respecte une norme d'évolution.
Une dépense publique efficace peut être une contribution et non pas une
entrave à la compétitivité de notre économie. En effet, lorsqu'une entreprise
investit, elle ne mesure pas seulement le montant de l'impôt qu'elle paie ;
elle compare aussi le montant de cet impôt, bien public qui contribue à sa
propre activité, que ce soit l'usage des espaces urbains, des routes, des voies
ferrées, la qualité de la formation de la main-d'oeuvre ou la densité des
laboratoires et des télécommunications, bref, sont ce qui fait la qualité de la
vie dans notre pays.
Si notre pays a la médaille d'argent en matière d'accueil des investissements
étrangers, c'est, en partie, parce que nos services publics sont de qualité et
sont appréciés comme tels non seulement par nos entrepreneurs et, bien sûr, nos
concitoyens, mais aussi par les étrangers, qui font des comparaisons entre les
différents pays européens.
Cette efficacité de la dépense publique, nous entendons la préserver et
l'accroître au cours des années à venir. Nous avons déjà débattu de la dépense
publique au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 1999. La
commission des finances du Sénat, avec un certain courage, je dois le dire,
avait défendu un contre-projet de budget qui consistait à réduire les dépenses
de l'Etat de 28 milliards de francs.
Cela s'était traduit, dans ce contre-budget - ce budget alternatif, je crois,
monsieur le rapporteur général
(M. Philippe Marini, rapporteur général,
acquiesce)
- par des coupes massives dans des dépenses à nos yeux
prioritaires, dans de bonnes dépenses, des dépenses pour l'emploi et contre
l'exclusion.
Nous aurons donc l'occasion de reprendre ce débat. Pour ma part, je crois très
sincèrement qu'une bonne dépense publique peut accroître l'efficacité de notre
économie et renforcer la cohésion sociale de notre pays.
Pourquoi respecter une norme d'évolution de la dépense publique ? Pourquoi ne
plus viser, comme on le faisait antérieurement, un objectif en termes de solde
?
Dans le passé, il était naturel que l'on se fixe un objectif en termes de
solde parce qu'il fallait être qualifié pour l'euro. Maintenant, ce souci de
fixer un programme pluriannuel maîtrisé des dépenses doit nous permettre
d'atteindre plusieurs objectifs.
Une telle définition oblige les différents acteurs publics à penser leur
action dans le moyen terme et non pas année par année.
Elle permet aussi une gestion moins heurtée, en cours d'année, des finances
publiques, lesquelles étaient parfois hachées, dans le passé, par des décisions
de régulation, par exemple.
La progression modérée et certaine du volume des dépenses publiques permet,
comme l'a dit M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, de
libérer des ressources pour réduire la charge de la dette que supporteront les
générations futures et pour laisser aux ménages comme aux entreprises
créatrices d'emplois une plus grande part de la croissance.
Enfin, il est clair qu'un objectif stable des dépenses publiques en volume
peut contribuer à stabiliser la conjoncture.
Et cela nous fait passer insensiblement de l'échelon français à l'échelon
européen, car il est important de poursuivre, dans l'ensemble des onze pays de
l'euro, ce que les spécialistes appellent un bon
policy mix
,
c'est-à-dire une politique monétaire qui s'adapte aux évolutions
conjoncturelles de l'ensemble des pays de l'euro et une politique budgétaire
plus ciblée qui soutient l'activité en cas de ralentissement spécifique à un
pays.
Après avoir développé très rapidement ces considérations de principe, je
souhaite maintenant faire, très rapidement aussi, le bilan de deux années de
bon ouvrage budgétaire.
Je dirai, d'abord, que nous avons stabilisé la dépense en volume en 1997 pour
nous qualifier à l'euro - M. Dominique Strauss-Kahn l'a déjà dit - et respecté
les engagements pris pour 1998, à savoir le maintien des dépenses en volume.
Sur ce point, je voudrais corriger un chiffre cité par M. le rapporteur
général dans son rapport écrit, remarquable par ailleurs, qui me paraît
manifestement erroné. Il est écrit que la dépense de l'Etat, en 1998, a
augmenté de 1,1 %, c'est-à-dire au-delà de l'augmentation de 0,8 % qui
correspond à la stabilité des dépenses en volume. En fait, s'inspirant de la
Cour des comptes, je dois le reconnaître, M. le rapporteur général a raisonné
en « dette brute » qui n'est pas le concept sur lequel le Gouvernement s'était
engagé pour une raison assez claire, même si elle est un peu technique : cet
agrégat n'a guère de sens puisqu'il intègre - les spécialistes le comprendront
bien - des intérêts non courus qui ont pour contrepartie des recettes
d'ordre.
Je crois qu'il est important de continuer à raisonner en dette nette, et c'est
dans ces termes, même si ses propos sont quelque peu techniques, que le
Gouvernement a pris des engagements et les a respectés.
En 1999, pour tenir compte non pas peut-être d'une inflation, mais d'une
hausse des prix plus faible que prévu, nous avons eu recours à une méthode
innovante en passant avec l'ensemble des ministères ce que nous appelons des
contrats de gestion qui consistent à négocier, et non pas à imposer, comme dans
les mesures de régulation, des mises en réserve modulées, selon chacun des
ministères, de certains crédits ; ces crédits sont provisoirement mis en
réserve tant que l'on n'a pas la certitude que la hausse des prix correspond à
celle qui a été prévue. Cette méthode permet à la fois de respecter les
objectifs en volume tout en laissant à chaque ministre la maîtrise de la
politique qu'il mène.
Je voudrais, là aussi, corriger un point que M. Marini développe dans son
rapport écrit. M. le rapporteur général s'inquiète de la progression de la
dépense en 1999, plus précisément de la dépense connue à la fin du mois d'avril
1999 par rapport à celle qui était connue à la fin du mois d'avril 1998. Il
cite le chiffre de 2,8 % et ajoute que ce dernier est incompatible avec le
respect de l'objectif de progression en volume de 1 % sur l'ensemble de
l'année.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le rapporteur général de votre commission
des finances est un homme trop avisé pour ne pas savoir que, dans ces dépenses
que nous publions au mois le mois - nous sommes d'ailleurs le seul pays
européen à publier une situation budgétaire mensuelle - est pris en compte
l'effet des rebudgétisations dont nous avons débattu au cours de la discussion
du projet de loi de finances pour 1999, rebudgétisations qui sont d'un montant
total de 46 milliards de francs.
Après M. Dominique Strauss-Kahn, je dirai à M. Marini que, cette année, comme
les deux années précédentes, nous respecterons nos engagements en la matière.
Je n'insisterai pas sur le montant de la dépense publique. M. Dominique
Strauss-Kahn a fort bien expliqué qu'il allait être progressivement réduit en
pourcentage du produit intérieur brut d'ici à 2002 et que notre pays ferait en
la matière un effort plus important que la moyenne de ses partenaires ; nous
n'en tirons d'ailleurs aucune vanité, la modération de la dépense publique
étant non pas un objectif en lui-même, mais le moyen de réduire les déficits et
d'alléger les impôts.
J'insisterai plutôt sur la structure de la dépense publique.
Au cours des deux dernières années - nous prenons le même engagement pour les
trois années à venir, qui font l'objet de ce débat d'orientation budgétaire -
nous avons eu la volonté de dépenser mieux, de dépenser au plus juste.
Entre 1997 et 1999, 30 milliards de francs ont été chaque année déplacés au
profit des priorités du Gouvernement, priorités que partage la majorité qui le
soutient à l'Assemblée nationale et la valeureuse minorité présente au
Sénat.
Nous avons ainsi redéployé sur deux ans 50 milliards de francs en faveur de
budgets précis : l'emploi et la justice sociale, la justice et la sécurité,
l'éducation et la recherche, la culture et l'environnement. Pour ces priorités
que nous défendons avec acharnement, les dépenses correspondantes dans le
budget ont crû deux fois plus vite que la moyenne.
Par exemple, le budget de l'emploi et celui de la solidarité ont été portés de
220 milliards de francs en 1997 à 238 milliards de francs en 1999.
Cette progression de 8,2 % en deux ans a permis de développer les
emplois-jeunes, de financer la réduction négociée du temps de travail et de
lutter contre les exclusions.
Ce sont ces dépenses de solidarité que vous voulez réduire. Il y a clairement
entre nous une différence irréductible.
Autre exemple, les moyens de l'éducation nationale, qui atteignent près de 350
milliards de francs cette année, ont crû de près de 8 %, et ce pour développer
la qualité de l'enseignement, lutter contre l'exclusion en milieu scolaire,
renforcer notre effort dans les zones d'éducation prioritaires ou pour mettre
en place le plan social étudiant. Ces dépenses d'avenir sont celles que la
majorité sénatoriale veut réduire.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le
secrétaire d'Etat ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de M. le
secrétaire d'Etat.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai lu avec grand
intérêt dans certains documents budgétaires qu'en 1998, au chapitre 44-74 du
ministère de l'emploi et de la solidarité, rubrique concernant l'insertion des
publics en difficulté, donc extrêmement prioritaire, il a été procédé en deux
temps à des annulations de crédits de 9 milliards de francs sur un total
initial de 39,4 milliards de francs, soit 22,8 % des crédits inscrits dans la
loi de finances initiale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous réalisez donc bien des économies, même sur
des actions aussi prioritaires à vos yeux ! Alors, de grâce, ne satanisez pas
la majorité sénatoriale dans son effort de rigueur !
(M. Jean Chérioux
applaudit.)
M. Charles Descours.
Très bien !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur général, je n'aurais pas
l'outrecuidance de vouloir sataniser la majorité sénatoriale ! J'ai simplement
dit que nous avions réalisé des transferts de crédits entre ministères, ce dont
je parle actuellement, et que chaque ministère, en son sein, avait fait un
effort de redéploiement en faveur d'actions prioritaires.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, de cette intervention, que
je prends comme un compliment, au nom de l'ensemble du Gouvernement. Il est
vrai que nous avons diminué un certain nombre de dépenses passives de
solidarité en faveur des dépenses actives que sont les emplois jeunes, la
réduction négociée du temps de travail, la lutte contre les exclusions.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Que nous vous avions recommandées !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vous remercie d'avoir apporté cette eau à mon
moulin !
Je poursuis en indiquant que les crédits de la justice ont progressé de 10 %
en deux ans. Là encore, il s'agit d'améliorer un service public auquel tiennent
beaucoup nos concitoyens, particulièrement les plus faibles d'entre eux. La
justice a été rendue plus rapidement ; l'administration pénitentiaire a été
modernisée ; la prise en charge des jeunes par notre système judiciaire a été
promue. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, et nous aurons
l'occasion d'en reparler.
Les moyens alloués à la culture ont progressé de 4 % ; ceux qui sont affectés
à la sécurité de 5 %, et ceux de l'environnement de 17 %.
Ces chiffres concrets montrent que, dans une progression globale modérée il
est possible de consacrer des moyens supplémentaires substantiels à un certain
nombre de budgets qui, pour nous, sont des budgets prioritaires qui
correspondent à des bonnes dépenses publiques, comme je l'évoquais tout à
l'heure. En la matière, comme l'a dit M. Strauss-Kahn, il n'y aura pas de
scoop
: les priorités de dépenses que nous avons respectées dans le
passé resteront les priorités du Gouvernement pour l'avenir.
Je voudrais profiter de ce discours introductif pour revenir sur une mauvaise
querelle à laquelle M. Fréville s'est prêté lors de l'examen du projet de loi
portant règlement définitif du budget de 1997, au sujet de la progression des
investissements civils dans le passé.
Soyons clairs : il faut prendre en compte non seulement les investissements
civils qui sont financés par le budget général mais aussi ceux qui sont
financés par les comptes spéciaux du Trésor. J'ajoute aussitôt que, dans ces
comptes spéciaux du Trésor, je n'inclus pas les recettes résultant de la vente
d'un certain nombre de biens appartenant à l'Etat qui figurent sur un compte
d'affectation spéciale.
Je vous livre les chiffres : les investissements civils, toutes sources de
financements confondues, ont diminué de 13 % entre 1993 et 1997 ; ils ont crû
ou vont croire de 10 % entre 1997 et 1999. Cela traduit notre volonté affirmée
de redonner à l'investissement civil toute la place qu'il doit avoir dans la
préparation de notre économie et de notre société future.
Je ne veux pas vous lasser en évoquant une débudgétisation du prêt à taux zéro
qui avait servi au précédent gouvernement à minorer artificiellement les
dépenses de l'Etat, alors que, nous, dans un souci d'honnêteté budgétaire, nous
l'avons rebudgétisé à partir de 1999. Je ne détaillerai pas ce point maintenant
mais je serai prêt à répondre aux orateurs qui le souleveraient
ultérieurement.
Nous avons également maîtrisé les frais de fonctionnement de l'Etat, qui ont
été diminués de 3 % en termes réels. Il y a là la preuve que l'on peut, dans le
cadre d'une bonne gestion de la dépense publique, réduire les crédits de
fonctionnement sans porter atteinte aux politiques correspondantes.
J'ajoute en conclusion que le Gouvernement a respecté la règle qui avait été
prise dans la déclaration de politique générale du Premier ministre en juin
1997 : la stabilité des effectifs budgétaires civils de fonctionnaires de
l'Etat.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je souhaitais
porter à votre connaissance avant que nous entamions ce débat qui portera sur
la politique économique et budgétaire de l'ensemble de la législature. Les bons
résultats obtenus depuis deux ans augurent bien des trois années à venir. Notre
politique, comme vous le voyez, s'inscrit dans un horizon de moyen terme. Elle
trace les perspectives durables d'une politique budgétaire sérieuse au service
du progrès solidaire. Tel est notre engagement pour les années à venir et,
comme nous l'avons fait depuis l'été 1997, nous respecterons cet engagement.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certains
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici réunis
pour ce débat d'orientation budgétaire qui va se dérouler, comme M. Dominique
Strauss-Kahn l'a dit tout à l'heure, sur la base de deux documents, le rapport
d'orientation budgétaire du Gouvernement et le programme de stabilité de la
France à l'horizon 2002, tel qu'il a été élaboré en décembre 1998 et transmis à
l'Union européenne.
Ces deux documents comportent surtout des énoncés d'objectifs. Baisse du
déficit budgétaire de 20 milliards de francs, progression des dépenses nulle en
volume, stabilisation des prélèvements obligatoires, tels sont les objectifs du
rapport d'orientation budgétaire. Déficit public ramené à 1 % du produit
intérieur brut, dette publique en diminution relative, dépense publique ramenée
autour de 51 % du produit intérieur brut, prélèvements obligatoires autour de
45 % du même produit intérieur brut, tels sont les objectifs du programme de
stabilité.
Que nous annonce-t-on en termes de moyens pour atteindre ces objectifs ? C'est
là que le bât blesse !
Le Gouvernement ne nous semble avoir arrêté ses priorités ni en matière de
dépense, ni en matière fiscale.
Certes, nous comprenons bien que le rapport d'orientation budgétaire ne peut
pas se substituer à la loi de finances initiale et que des arbitrages vont
avoir lieu selon le calendrier habituel. Il n'en demeure pas moins que le
document d'orientation qui nous a été remis et le débat organisé aujourd'hui
doivent nous permettre, me semble-t-il, de cerner la manière dont le pays et
ses finances publiques seront gérés au cours de la période à venir.
Monsieur le ministre, la commission des finances - cela ne vous surprendra pas
- partage l'orientation de vos objectifs et, si vous voulez réduire la
dimension, le poids de la sphère publique dans l'économie française, nous
serons à vos côtés, cela va de soi.
Vous devez bien comprendre que nous jugeons vos objectifs insuffisamment
ambitieux et, surtout, vos moyens excessivement flous. C'est sur cette
contradiction que je voudrais m'arrêter, sans faire, naturellement, de procès
d'intention à quiconque. J'articulerai mon intervention, mes arguments autour
de deux pôles que je reprendrai systématiquement, domaine par domaine.
En premier lieu, portant un regard rétrospectif sur les deux années qui
viennent de s'écouler, je poserai la question suivante : le Gouvernement a-t-il
mis en harmonie les réalisations avec ses intentions ?
En second lieu, s'agissant des moyens - que je qualifiais de trop flous - je
me permettrai de vous poser une série de questions tout au long de cet exposé,
monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, en souhaitant qu'il vous
soit possible d'apporter à la Haute Asssemblée les éléments d'information
nécessaires.
M. Emmanuel Hamel.
Ne les faites pas trop souffrir !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mon cher collègue, je vais tâcher d'être aussi neutre
et factuel qu'il est possible...
(Exclamations sur les travées
socialistes.)
M. Guy Fischer.
Mission impossible !
M. Jean Chérioux.
Et objectif, comme vous l'êtes toujours, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je vais reprendre quatre rubriques, qui seront les
mêmes d'ailleurs que pour la loi de règlement : le cadrage macro-économique,
les recettes, c'est-à-dire les prélèvements obligatoires, la maîtrise des
dépenses et le solde des finances publiques.
En ce qui concerne le cadrage macro-économique, vous vous souviendrez, je
l'espère, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Sénat
n'avait pas souhaité, lors du débat budgétaire de décembre dernier, remettre en
cause l'hypothèse de croissance économique figurant dans le document
budgétaire, soit 2,7 %. A la différence d'autres, nous avions estimé, en toute
rigueur, que l'intérêt national justifiait, même si nous pouvions douter de son
réalisme, de souscrire à l'hyptohèse de croissance.
Le Gouvernement, face à l'évolution des choses, n'a pas tardé, comme il était
probable, à remettre en cause cette hypothèse et, à la vérité, dès le mois de
décembre, c'est-à-dire dès le moment où nous discutions de la loi de finances
elle-même, il élaborait et transmettait un programme de stabilité qui ne
faisait plus état que de 2,4 % pour l'année 1999.
La commission des finances vous fait crédit, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, du fait que la croissance française est plus forte que celle
de nos partenaires.
(M. Strauss-Kahn s'exclame.)
Mais nous estimons que l'assainissement des finances publiques ne peut pas
reposer exclusivement sur cet effet de croissance et qu'il nécessite une
volonté persistante, permanente et une politique visant à de véritables
transformations structurelles.
La commission des finances, si elle n'avait pas remis en cause votre hypothèse
de croissance, avait posé des questions - voire plus que des questions - sur la
prévision d'inflation que vous aviez établie à 1,3 %. Vous l'avez d'ailleurs
révisée très vite et de façon majeure en la ramenant à 0,5 %. Cela, chacun s'en
rend compte, a des effets importants sur les recettes budgétaires et, plus
encore, mes chers collègues membres de la commission des affaires sociales, sur
les cotisations sociales. En effet, l'évolution de la masse salariale pour 1999
a dû, de ce fait, être revue à la baisse.
Certains d'entre nous avaient prédit au Gouvernement, au mois de décembre,
mais il se refusait alors à l'admettre, qu'il serait contraint d'opérer assez
vite des gels de crédits.
J'ai examiné les documents que vous nous avez présentés et je n'y ai pas
trouvé de gel de crédits. En revanche, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, j'y ai trouvé un élément nouveau qui reflète votre habileté
sémantique, je veux parler des contrats de gestion passés entre le ministère de
l'économie et des finances et les ministères dépensiers.
Il s'agit des contrats de gestion dont l'objectif est d'arrêter, de manière
conjointe avec les ministères, les principes et les modalités pratiques
d'exécution des crédits afin de respecter l'objectif de pilotage en termes
réels des dépenses de l'Etat.
Les contrats prévoient concrètement la constitution d'une réserve de crédits.
Au total, cette réserve atteint près de 14 milliards de francs. Il n'y a pas de
gel, il y a des contrats de gestion et l'on met en réserve - maintenant je
comprends - 14 milliards de francs.
Pour l'année 2000, le Gouvernement n'affiche plus une hypothèse de croissance
nominale aussi ambitieuse que pour 1999. Il est à présent question d'une
fourchette de 3,4 % à 3,9 %, croissance réelle plus inflation.
Compte tenu de tous ces éléments et sachant qu'une faible croissance nominale
est de nature à réduire les recettes et à augmenter le poids des dépenses
publiques, je voudrais, constatant que le Gouvernement maintient toutefois son
objectif de réduction des déficits à 2,3 % en 1999 et à une fourchette comprise
entre 1,7 % et 2 % pour l'an 2000, m'adresser à vous, monsieur le ministre,
monsieur le secrétaire d'Etat, et vous poser une première série de
questions.
Les contrats de gestion de 14 milliards de francs seront-ils suffisants ?
Pouvez-vous par ailleurs nous dire quels sont les ministères touchés par ces
contrats ?
J'en viens à présent aux prélèvements obligatoires que vous concevez
délibérément élevés. Je vais tâcher de m'expliquer sur ce point.
Depuis 1998, le Gouvernement promet que les prélèvements obligatoires, qu'il
juge à bon droit trop élevés, vont, doivent baisser. Il fait reproche, sans
doute à juste titre, au précédent gouvernement de les avoir augmentés, d'avoir
cassé la croissance.
M. Michel Sergent.
C'est vrai !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous nous en parliez encore voilà un instant. C'est
déjà un vieux débat et, avec le temps, mes chers collègues, ce sujet perdra
sans doute de son intérêt. A vrai dire, à quoi bon polémiquer sur des choses
mortes ?
Mais rappelons quand même que le précédent gouvernement avait au moins deux
excuses. Il lui fallait d'abord aller vite à partir d'une situation très
compromise par 150 milliards de francs de déficit légués au début de l'année
1993, et pour qualifier la France pour l'euro. Il lui fallait ensuite faire
face à une conjoncture qui était mauvaise, avec des recettes qui n'augmentaient
pas spontanément, avec la charge de la dette qui
a contrario
était dans
une spirale tout à fait effrayante. Alors, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, le Gouvernement de vos prédécesseurs n'a pas eu l'heur de
connaître la conjoncture heureuse qui vous permet de nous présenter des
chiffres plus favorables.
M. Jean Chérioux.
Mais il l'avait préparée !
M. Emmanuel Hamel.
Il fallait prévoir cette heureuse conjoncture et ne pas dissoudre.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission des finances doute que, dans les
circonstances d'aujourd'hui et avec la croissance d'aujourd'hui, le
Gouvernement d'aujourd'hui souhaite réellement diminuer les prélèvements
obligatoires.
Quels sont les éléments qui nous permettent de douter de cette volonté ?
Le premier élément, c'est tout simplement l'absence complète de tout résultat
digne de ce nom en ce domaine depuis juin 1997. J'observe que, si le poids des
impôts locaux n'avait pas diminué depuis 1997, car il est passé de 7,2 % à 6,9
% du produit intérieur brut, le total des prélèvements obligatoires aurait
continué à augmenter.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Eh oui ! C'est la
taxe professionnelle !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous n'en serions pas à ce record de 46,1 % du
produit intérieur brut ; nous en serions à 46,4 % !
Alors, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, s'il est au moins
une chose heureuse, c'est que les collectivités locales soient venues à la
rescousse de l'Etat et du Gouvernement.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
C'est la TP !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est une chose dont nous pouvons tous être
satisfaits.
(M. le ministre s'esclaffe.)
Je rappellerai simplement en un mot, et sans revenir sur le débat de tout à
l'heure, qui portait sur 1997, que ce taux de 46,1 % date, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, du projet de loi portant mesures
urgentes à caractère fiscal et financier. C'est à ce moment-là que le taux de
prélèvements obligatoires a franchi la dernière marche pour passer de 45,8 % à
46,1 % du revenu national.
Et, contrairement aux annonces que vous aviez faites, monsieur le ministre de
l'économie, lors du débat d'orientation budgétaire d'il y a un an, puis lors du
débat sur la loi de finances pour 1999, les prélèvements obligatoires sont
restés sur ce palier très élevé et à ce niveau record de 46,1 %. Vous aviez
pourtant annoncé une baisse de 0,2 point en 1999, comme en 1998, et cette
annonce avait été confirmée dans le programme de stabilité transmis à l'Europe
en décembre dernier.
Le second élément de doute ou de perplexité résulte de votre stratégie telle
que vous l'exposez dorénavant, stratégie qui vous conduit à vous accommoder
d'une simple stabilisation des prélèvements obligatoires.
En effet, dans le document présentant les comptes prévisionnels de la nation
pour 1999 et les principales hypothèses économiques pour l'an 2000, document
publié au mois d'avril dernier, l'objectif est exprimé de façon nettement moins
ambitieuse que dans le programme pluriannuel des finances publiques jusqu'en
2002, puisque je lis : « Le taux de prélèvements obligatoires devrait être
stabilisé. Il commencerait même à décroître d'ici à 2000 pour s'établir entre
45,7 et 46 points du PIB compte tenu des mesures fiscales déjà engagées. »
Vous conviendrez avec moi que 46 points, c'est très proche de 46,1 points !
Cette rectification effectuée à peine quatre mois après l'élaboration du
programme de stabilité nous conduit à constater que la diminution tant promise
des prélèvements obligatoires est différée de deux ans au minimum. Et je ne
vois dans les documents qui nous ont été transmis - et j'espère, bien entendu,
pour notre pays et pour les contribuables, me tromper - aucune mesure concrète
de baisse des impôts.
En revanche, je vois des signes d'une position contraire. On parle en effet de
la création d'une écotaxe pour financer les réductions de charges sur les bas
salaires venant après ou sur la taxe générale sur les activités polluantes de
l'année dernière, venant avec sans doute l'écotaxe européenne, pour contribuer
aux études sur les effets de serre.
Ensuite, je constate qu'il est question de créer une contribution
additionnelle sur les bénéfices des entreprises réalisant plus de 50 millions
de francs de chiffre d'affaires, venant relayer en quelque sorte la surtaxe que
M. le secrétaire d'Etat qualifiait encore tout à l'heure d'exceptionnelle et de
temporaire et qui retrouve ainsi une existence nouvelle avec un nom de baptême
nouveau, et ce, mes chers collègues, alors même que les recettes au titre de
l'impôt sur les sociétés sont très brillantes puisqu'à la fin du mois d'avril
elles avaient augmenté de 38 % par rapport à la période analogue de l'année
1998.
Permettez-moi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de passer
à ma deuxième série de questions.
Quelles sont vos véritables intentions en matière de politique fiscale ? Que
voulez-vous faire en matière d'impôt sur le revenu, de TVA sur les travaux à
forte intensité de main-d'oeuvre et, surtout, de charges pesant sur le travail
? Pouvez-vous d'ailleurs réellement faire quelque chose ?
Après avoir évoqué les prélèvements obligatoires, j'en viens aux dépenses.
Sans vouloir les classer en bonnes ou en mauvaises dépenses, je vais essayer de
vous montrer, mes chers collègues, que nous ne sommes pas réellement dans un
vrai contexte de maîtrise de la dépense publique.
Depuis 1998, vous parvenez à afficher des progressions honorables,
acceptables, de la dépense publique parce que vous bénéficiez - tant mieux pour
la France, pour son budget et pour vous ! - de l'augmentation très modérée de
la charge de la dette publique liée à la baisse des taux d'intérêt - dont
chacun sait que le facteur de déclenchement s'est situé à la fin de l'année
1995 - et accessoirement grâce aux économies que vous faites sur certaines
dépenses sociales que la croissance rend moins nécessaires.
Mais, pour l'essentiel, les économies dont vous bénéficiez sont des économies
de constatation qui ne nécessitent, à la vérité, que très peu d'actions
volontaires sur la structure des budgets. Chacun sait que les postes les plus
lourds, les plus massifs en ordre de grandeur, à savoir la fonction publique,
les retraites et l'assurance maladie, sont ceux auxquels il faut s'attaquer en
priorité si l'on prétend exercer une action de « maîtrise » de la dépense
publique.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'état, le Gouvernement s'est
fixé pour l'an 2000 - ce sont les lettres de cadrage du Premier ministre - un
objectif qui a le mérite de la clarté : ne pas augmenter les dépenses en francs
constants.
A la vérité, compte tenu des économies en termes relatifs faites sur la dette
- mais je ne chipoterai pas sur ce point - on note une légère augmentation, de
l'ordre de 0,3% en termes réels hors dette, mais ce n'est pas l'essentiel.
L'essentiel est le petit calcul auquel nous avons procédé et qui montre que
cette règle vous donne une marge d'augmentation de la dépense en francs
courants de 17,2 milliards de francs en 2000 par rapport à 1999. Or je me suis
livré à un autre petit calcul de coin de table : j'ai dressé la liste d'un
certain nombre de rubriques que je vais vous citer très rapidement et qui,
prises une par une, nous conduisent inéluctablement à constater des dépenses
supplémentaires. Je ne porte là, mes chers collègues, aucun jugement de
valeur.
Selon vos propres hypothèses, les emplois-jeunes vont coûter, en 2000, 13,6
milliards de francs de plus ; la lutte contre l'exclusion, 4 milliards de
francs de plus ; la couverture maladie universelle - nous savons que notre
collègue M. Oudin et la commission des finances ont contesté le bien-fondé de
ce chiffre - 1,7 milliard de francs de plus ; l'accord salarial de février 1998
dans la fonction publique 8,5 milliards de francs de plus, auquel il faut
ajouter des mesures catégorielles pour 5 milliards de francs et les pensions de
la fonction publique pour 5,5 milliards de francs. Total : 38 milliards de
francs par rapport aux 17 milliards de francs de marge !
Dans cette liste, je n'ai pas pris en compte une rubrique que je ne sais
d'ailleurs pas apprécier ni calculer, mais qui est néanmoins très intéressante
: celle du passage aux trente-cinq heures. Monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, allez-vous appliquer les 35 heures à la fonction publique ?
Comment allez-vous faire ? Quelle en sera la traduction dans les documents
budgétaires ? Si vous envisagez de ne pas les appliquer, l'avez-vous dit à nos
partenaires sociaux ?
Considérons le passage aux 35 heures de manière un peu plus large, hors
fonction publique. Je ne sais pas ce que nous apportera ou nous retirera la loi
en préparation, mais je pense, d'après les éléments que vous nous transmettez,
que restera à la charge de l'Etat un coût non négligeable, de l'ordre de 20 %
du total du dispositif. Sur ce point, je souhaite vivement, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous éclairiez.
D'après les éléments que j'ai ainsi réunis, avec les petits moyens dont je
dispose,...
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Petits moyens ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... je constate que près de 25 milliards de francs de
dépenses ne seraient ainsi pas financés. Il vous faudra procéder par
redéploiements, d'où une troisième série de questions.
Sur quels postes, quels ministères, porteront ces redéploiements ?
M. Emmanuel Hamel.
Sur le ministère de la défense !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous nous informez, dans le document budgétaire que
nous avons reçu, que, « s'agissant des sections budgétaires les moins
prioritaires, les dépenses de fonctionnement devront baisser de 3 %, tandis
que, pour les dépenses d'intervention, une baisse de 10 % des moyens devra être
recherchée ».
Quelles sont les sections budgétaires moins prioritaires ? Dites-le nous ! Que
représentera leur diminution ? Dites-le-nous aussi !
Par ailleurs, toujours dans le document budgétaire, vous comptez sur un
excédent des comptes sociaux. Nos collègues qui suivent avec beaucoup d'intérêt
ces sujets, en particulier M. Descours, rapporteur de la loi de financement de
la sécurité sociale, pourraient s'associer à moi pour la quatrième série de
questions.
M. Charles Descours.
Il le fera !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Comment parviendrez-vous aux résultats que vous
affichez, compte tenu de la dérive actuelle des dépenses d'assurance maladie ?
Comment y parviendrez-vous si le financement de la seconde loi relative aux 35
heures repose, comme il est vraisemblable, à hauteur de 20 milliards de francs
sur l'UNEDIC ?
Je formulerai une question subsidiaire : au sein de l'UNEDIC, les partenaires
sociaux en sont-ils conscients et d'accord ?
J'achèverai cette série de considérations par quelques propos sur l'équilibre
des finances publiques.
Mes chers collègues, il est clair, et il faut lui en rendre grâce, que, depuis
qu'il est en fonction, le Gouvernement actuel a poursuivi la démarche de
réduction des déficits publics. Ces derniers ont atteint 3 % du produit
intérieur brut en 1997, 2,9 % en 1998 et devraient être de 2,3 % en 1999. Sur
ce point, nous n'avons rien à contester. C'est la voie choisie qui ne nous
convient pas vraiment. En effet, elle nous semble être excessivement originale
et à l'écart de ce qui se fait partout ailleurs dans les principaux pays
concernés.
En flux, vous maintenez un niveau élevé de prélèvements et de dépenses, et ce
volontairement. En stock, vous préférez ne pas réduire la dette brute, et
constituer des réserves gérées par les administrations publiques. C'est votre
fonds de réserve pour les retraites. A l'exception des pays scandinaves et de
la Belgique, la France est le seul pays industriel à opter pour une vision
aussi étatique des choses.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ce n'est pas
totalement rien, quand même !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il faut bien qu'il y ait des différences entre nous,
monsieur le ministre,...
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je le
souhaite.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... sinon la vie démocratique ne pourrait pas se
dérouler !
Mais vos choix traduisent une philosophie différente de celle de la
commission. A la vérité, ce n'est pas cela l'essentiel. L'essentiel, c'est
notre conviction qu'avec les moyens que vous utilisez il ne sera pas possible
de résoudre durablement - et vos partenaires de la majorité plurielle ont
raison d'insister sur le « durablement » - les difficultés financières de la
France, qui sont à venir ! Aujourd'hui, vous mangez votre pain blanc ; demain
et après-demain, les choses seront certainement un peu plus difficiles.
Venons-en un instant à une notion que vous avez vous-même évoquée : le déficit
structurel, c'est-à-dire l'excès permanent des dépenses sur les recettes. Il
est égal à 140 milliards de francs, selon le Gouvernement, à 193 milliards de
francs, selon l'OCDE. Peu importe, ce sont des différences de méthode. Il y a
par ailleurs un déficit de fonctionnement de l'Etat de 68 milliards de francs
financé par emprunt, ce que nous ne pourrions pas faire dans la plus petite de
nos communes.
Le déficit structurel ainsi décrit est, en proportion, le plus lourd des
Quinze, à l'exception de celui de la Grèce. C'est ce qui est important ! De
plus, ces déficits structurels sont, chacun le sait, des facteurs d'aggravation
de la dette publique. En effet, même si vous nous dites vouloir stabiliser
celle-ci en pourcentage de la richesse nationale, il est nécessaire d'aller
plus loin. Ce que nous voudrions, nous, c'est que l'on engage véritablement un
mouvement de réduction de la dette publique en valeur absolue, comme le font
les Etats-Unis et beaucoup de nos partenaires européens. Nous n'en sommes pas
encore là.
A la vérité, il faudrait même aller au-delà, être encore plus ambitieux,
s'interroger sur la réalité de cette dette, c'est-à-dire sur les vrais
engagements de l'Etat, ceux qu'il devra honorer dans l'avenir. Il faudrait donc
pousser plus loin l'exercice esquissé par notre excellent collègue Jean Arthuis
quand il occupait vos fonctions, monsieur le ministre
(Exclamations sur les
travées socialistes),...
M. Michel Sergent.
Ce n'est pas lui qui a diminué la dette !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... c'est-à-dire faire une comptabilité patrimoniale
de l'Etat et savoir ce qui nous attend pour demain ou après-demain. En d'autres
termes, nous aurons besoin de connaître le hors bilan de l'Etat.
Il existe des engagements, certes conditionnels, comme certaines garanties en
matière de crédit à l'exportation. Mais il en est d'autres qui ont dès
maintenant un caractère de certitude. Ainsi, nous le savons bien, il faudra
dénouer les structures de défaisance, payer les primes d'épargne logement ;
incomberont encore à l'Etat les charges de remboursement de la dette de Réseau
ferré de France. Nous savons surtout, car c'est l'essentiel, qu'il faudra
financer les retraites et que nous aurons à affronter de très graves, de
massives difficultés en ce domaine.
D'après les chiffres de l'OCDE concernant la France, les pensions de la
période 1994-2070 - vous voyez que c'est une échelle très longue ! - ne sont
pas financées à hauteur de 100 % du produit intérieur brut de 1994. Certaines
extrapolations du rapport Charpin permettent d'évaluer l'impasse financière des
retraites à une somme comprise - je n'entre pas dans le détail - entre 50 % et
300 % de la richesse nationale de 1998. Pour avoir une idée véritable de cette
dette latente, qui est notre dette collective à tous et que personne ne
contestera, il faudrait donc, au minimum, doubler le montant de la dette
publique d'aujourd'hui.
C'est là, monsieur le ministre, qu'intervient votre fonds de réserve destiné à
recevoir les éventuels excédents des comptes sociaux, les recettes de
privatisation et le produit - 15,9 milliards de francs - de la mutualisation
des caisses d'épargne. Nous nous sommes longuement exprimés sur ce sujet lors
de l'examen du projet de loi concernant la mutualisation des caisses
d'épargne.
Je voudrais cependant rappeler que, d'un point de vue économique, les réserves
de ce fonds viennent s'imputer sur les engagements futurs des administrations
publiques, ce qui économiquement, je le répète, équivaut strictement à un
désendettement de ces mêmes administrations.
En d'autres termes, il serait de même effet soit de réduire en valeur absolue
l'endettement public et de définir des conditions nouvelles de financement des
retraites par les agents économiques, soit de doter, sous l'égide de l'Etat, un
fonds de réserve appelé à devenir considérable et qui pourrait être, je tiens à
le dire, un instrument de bureaucratisation de l'économie.
Parvenu à la fin de mon propos, je vais me permettre de vous poser une
dernière série de questions concernant le fonds de réserve, une autre question
que j'avais oubliée tout à l'heure étant de savoir ce que l'on attend pour
comptabiliser les engagements hors bilan.
Quel sera le montant de ce fonds de réserve ? Par qui sera-t-il géré ? En
fonction de quels objectifs ? Quelle sera la nature des actifs financiers qui
s'y trouveront ? Enfin, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
pourquoi se fatiguer à gérer à la fois des actifs et des passifs, alors qu'il
suffirait de réduire le passif de l'Etat ?
(Murmures sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Comme pour les
entreprises.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Sans doute ! Encore que les mouvements de
compensation et de simplification, pour des esprits simples comme les nôtres,
soient préférables à toutes les complexités administratives
(Rires et
exclamations sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen),
car, vous le savez, nous sommes des
élus de province et nous ne comprenons que des choses qui reflètent un minimum
de bon sens.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
C'est bien vrai !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
D'ailleurs, ce bon sens, nous le trouvons dans les
rapports des grandes institutions internationales et européennes, que ce soit
la Commission de l'Union européenne, le Conseil des ministres, la Banque
centrale européenne ou l'OCDE. Nous le trouvons également exprimé par notre
Cour des comptes nationale. Tous ces organismes ont mis l'accent, dans des
documents récents, sur la nécessité de réduire les dépenses publiques pour
réduire les déficits et pour préparer les chocs démographiques.
A vrai dire, il est toutes sortes de voix qui s'élèvent en ce sens. Je vais en
citer encore une : « Aujourd'hui, les prélèvements obligatoires atteignent un
niveau record - 46 % du PIB - soit quatre points au-dessus de la moyenne de
l'Union européenne. Comment moins prélever ? Réponse : en enrayant la
progression de la dépense budgétaire. » Qui a dit cela ? Mes chers collègues,
je vous le laisse deviner...
M. Emmanuel Hamel.
M. Fabius !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Avec votre lucidité habituelle, vous avez trouvé, mon
cher collègue : c'est le président de l'Assemblée nationale, M. Fabius.
Je crois que l'on peut effectivement lui rendre hommage pour ce propos tout en
espérant qu'il soit partagé et surtout que ses conséquences concrètes soient
partagées par toutes les composantes de la majorité plurielle avec lesquelles,
monsieur le ministre, vous avez parfois quelques difficultés.
(Protestations
sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen)...
M. Guy Fischer.
Vous pouvez parler !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... mais bien entendu, dans ces difficultés, comptez
sur le Sénat pour vous aider à vous diriger sur la voie du bon sens et de la
rigueur.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le ministre,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. le rapporteur général a
su parfaitement et complètement exprimer le point de vue de la commission des
finances.
M. Marc Massion.
De la majorité de la commission.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Il a su analyser les données et
les voies budgétaires que la commission recommande d'emprunter pour la France.
On peut l'en remercier et lui présenter les compliments qu'il mérite.
(Protestations sur les travées socialistes.)
Aussi me limiterai-je, pour ma part, à souligner quatre enseignements
principaux sur les points qui ont été abordés depuis le début de la discussion,
tant par M. le ministre ou par M. le secrétaire d'Etat que par M. le rapporteur
général.
Le premier enseignement - ce point a été évoqué par M. Strauss-Kahn - est que
l'euro constitue une puissance d'intégration insoupçonnée. J'indique, monsieur
le ministre, que nous ne sommes pas en désaccord sur ce sujet.
Notre nouvelle monnaie européenne, que beaucoup d'entre nous avons voulu, va
engendrer une convergence des politiques budgétaires nationales dont nous ne
mesurons pas encore toute la portée.
Les calendriers, les méthodes, les concepts, les grands agrégats, la gestion
de la dette : aucun des instruments de la politique budgétaire n'échappera à ce
mouvement de convergence. Le débat sur le dépassement par l'Italie de ses
objectifs de déficit en est d'ailleurs une illustration assez éclatante.
En effet, en l'absence d'une coordination étroite entre les politiques
économiques, la sanction risque d'être rude, notamment pour l'emploi.
Les coûts s'affichant dans la même monnaie, à l'échelle de notre continent,
les entreprises n'auront d'autre choix, face à la concurrence, que d'améliorer
leur productivité et de se regrouper.
Les disparités entre pays s'effaceront donc, mais au prix fort pour les moins
compétitifs : celui de la perte massive d'emplois.
L'harmonisation des politiques budgétaires dépasse donc, et de très loin, me
semble-t-il, les seules préoccupations du pacte de croissance et de stabilité.
Or, techniquement, politiquement, institutionnellement, à mes yeux, nous ne
sommes pas encore prêts.
Aussi devrons-nous mener, bien vite, une réflexion prospective et la conduire
parallèlement avec l'harmonisation de nos fiscalités dont nous parlons d'ores
et déjà.
Le deuxième enseignement est la prise de conscience de la nécessaire réforme
ambitieuse de la fonction publique.
Que l'on s'en réjouisse ou qu'on le regrette, qu'on le nie ou qu'on le
dénonce, les crédits de la fonction publique sont désormais la variable
principale de nos dépenses budgétaires.
Trois aspects peuvent retenir notre attention à ce sujet.
Les effectifs, les rémunérations et les charges de retraite croissent d'une
manière préoccupante. Depuis 1997, les effectifs budgétaires - je pense aux
ministères civils et à la défense hors appelés - ont augmenté de près de 12 000
postes, sans compter les emplois-jeunes - 350 000 au total sont annoncés pour
l'année prochaine - ni les non-titulaires rémunérés sur les crédits de
fonctionnement.
Sur ce sujet, mes chers collègues, la France s'engage à contre-courant de tous
ses partenaires européens.
Cette évolution sera d'autant moins soutenable à moyen terme que les
traitements de la fonction publique s'améliorent plus rapidement que les
salaires du secteur privé : sur la période 1995-1999, le salaire moyen brut
aura augmenté de 1,2 % l'an en moyenne dans la fonction publique ; il n'aura
augmenté que de 0,9 % par an dans le secteur privé.
Les effectifs peuvent, quant à eux, connaître une évolution considérable, car,
lorsque l'on y regarde de près, on constate que, dans les dix ou douze années à
venir, la moitié des fonctionnaires partiront à la retraite. Il appartient
donc, dès aujourd'hui, à la représentation nationale de se prononcer sur les
voies et moyens de la modernisation de notre fonction publique française.
Aucune réflexion prospective réelle, en tout cas aucune prospective associant
le Parlement, n'a été engagée, malgré les kilos de rapports qui s'accumulent
sans doute sur vos bureaux, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire
d'Etat, en attendant celui de la Cour des comptes, dont on dit qu'il fera grand
bruit.
En disant cela, je ne fais que reprendre ce que deux grands pays voisins,
l'Allemagne et le Royaume-Uni, disent par l'entremise de MM. Blair et Schröder
: « La proportion des dépenses publiques dans le PIB a atteint un seuil
intolérable et les services publics doivent être réformés afin de répondre aux
exigences d'efficacité et de performance attendues par les contribuables. En
conséquence, la bureaucratie doit être réduite et les services publics
rigoureusement évalués au regard d'objectifs de performance préalablement
définis. »
M. Michel Sergent.
Cela ne leur a pas trop réussi !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Si vous les reniez, mes chers
collègues, vous ne pouvez pas en même temps vous réjouir du fait que les
gouvernements de l'Europe soient presque tous socialistes. Par conséquent, soit
vous ne les reniez pas, auquel cas vous pouvez en effet prétendre que les
gouvernements sont socialistes,...
M. Michel Sergent.
On peut faire la démonstration inverse !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... soit vous les répudiez,
auquel cas vous vous dissociez de leur point de vue.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ils veulent les convertir !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Cela étant, cher monsieur
Sergent, nous pourrons être d'accord sur ce qui suit.
A mes yeux, la fonction publique n'est pas seulement un poste de dépenses,
c'est aussi et c'est surtout un poste de ressources humaines. Elle est même le
plus gros capital humain qui existe dans notre pays.
M. Michel Sergent.
C'est vrai !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Mais, hélas, elle est en même
temps le capital humain le plus mal « managé », celui auquel on ne fixe jamais
d'objectifs, celui qui souffre du jugement souvent négatif porté par nos
conpatriotes, celui qui saurait, selon moi, retrouver la fierté de sa mission
pour peu qu'on le mobilise, le dynamise, le récompense, le sanctionne lorsque
c'est justifié et qu'on le considère comme un corps d'élite, en charge de
l'essentiel, plutôt qu'un effectif dont on ne distingue plus, parmi ses
missions, le principal de l'accessoire.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur le ministre, monsieur
le secrétaire d'Etat, la solution, que je qualifie de facilité, dans laquelle
s'installe le Gouvernement aujourd'hui en matière de fonction publique est
préoccupante, car elle laisse en quelque sorte se creuser un fossé entre le
public et le privé et elle rompt un équilibre entre deux composantes de notre
corps social. Cette facilité n'est pas soutenable sur le long terme. Elle
appellera des réformes d'autant plus douloureuses à conduire qu'elles auront
été sans cesse différées.
J'en viens au troisième enseignement que nous pouvons tirer de ce débat déjà
engagé : la croissance sert en quelque sorte de voile pudique à une gestion de
facilité, une gestion peu rigoureuse, comme l'a très bien décrit à l'instant M.
le rapporteur général.
Il ne s'agit pas de nier les quelques efforts de maîtrise de dépenses
accomplis, mais les résultats qui sont présentés par le Gouvernement méritent
tout de même une analyse un peu plus fine. Je prends quelques exemples.
Tout d'abord, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, on ne peut
pas gérer un Etat moderne sans comptabilité patrimoniale. Or aucun des
multiples rapports qui ont été commandés ces dernières années, qu'il s'agisse
du rapport Giraud, du rapport Delorme ou du rapport François, n'a été digne
d'être porté à la connaissance du Parlement.
Cette comptabilité ferait pourtant apparaître le poids réel du « hors-bilan »
de l'Etat, c'est-à-dire la charge des retraites publiques, de l'endettement de
certaines entreprises publiques ou des garanties diverses qui ont été
consenties. En se refusant à provisionner, dès aujourd'hui, ces dépenses
inéluctables, « on pousse les miettes sous le tapis » et le Parlement, mes
chers collègues, est appelé à statuer sur des comptes publics inexacts, car
incomplets.
Comme l'a montré avec clarté la Cour des comptes, la structure du budget
général est de plus en plus déséquilibrée : moins d'investissement et plus de
fonctionnement, et, au sein de ces dépenses de fonctionnement, de plus en plus
de dépenses rigides, inexorablement rigides.
Pour financer l'investissement, l'Etat n'a plus d'autres moyens que de
recourir à des taxes nouvelles et à la débudgétisation, via les comptes
spéciaux du Trésor, comme le Gouvernement l'a fait pour financer les routes
d'Ile-de-France en étendant la taxe sur les bureaux aux commerces et
entrepôts.
Comme le dénonce la Cour, cette situation obère sérieusement les marges de
manoeuvre de l'Etat, marges qu'il faudra pourtant trouver au premier
retournement de conjoncture qui, même si nous ne le souhaitons pas, ne manquera
pas, hélas ! d'intervenir.
Enfin, la Cour - je la cite toujours pour démontrer notre objectivité -
relève, pour 1998, que la réduction du déficit s'est opérée par l'augmentation
des recettes, donc des impôts, plutôt que par la réduction des dépenses. Sur
moyenne période, de 1993 à 1998, le constat est d'ailleurs le même : la France
a augmenté fortement les prélèvements et diminué modestement les dépenses ; les
autres pays ont fait le choix inverse : diminuer fortement les dépenses et
abaisser significativement les impôts.
J'en viens au quatrième et dernier enseignement qui appelle à une véritable
réforme fiscale.
Le niveau élevé des impôts en France pénalise à l'évidence ce qu'il y a de
plus précieux, c'est-à-dire l'emploi, MM. Blair et Schröder l'ont apparemment
bien compris quand ils affirment que « la réduction des impôts et la réforme de
la fiscalité jouent un rôle décisif pour atteindre des objectifs sociaux ».
Or le Gouvernement a augmenté les prélèvements de toute nature sur les
catégories sociales moyennes et supérieures. Cette surfiscalisation pénalise le
travail, la prise de risque et l'innovation.
Les prélèvements supplémentaires opérés sur les cadres moyens et supérieurs
les conduisent au découragement, si ce n'est à la fuite, alors qu'ils sont les
forces vives de la nation, ceux qui doivent faire gagner la France dans sa
conquête de nouveaux marchés pour de nouveaux emplois.
Le Gouvernement ne veut pas admettre que le statut des cadres est devenu un
enjeu majeur pour la réussite de l'économie française ; ses atermoiements sur
le dossier des
stock options
en sont l'une des illustrations.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Triste illustration.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
J'ajoute que la fiscalité qui
pèse sur nos entreprises les pénalise par rapport à leurs concurrents des pays
voisins et menace, en conséquence, nos emplois.
Je réaffirmerai, en conclusion, qu'il ne peut pas y avoir de baisse réelle et
durable des prélèvements, sans au préalable le courage politique de baisser les
dépenses. Les experts, apparemment, tardent à le croire, mais la grande
majorité de nos compatriotes, eux, le sentent intuitivement. Il est clair que
le Gouvernement n'a pas la volonté de réduire ces dépenses.
Nos compatriotes dans nos départements comprennent parfaitement que des
dépenses élevées génèrent des impôts élevés. Ils découvrent peu à peu que ces
dépenses n'engendrent pas seulement « l'impôt connu », celui qui est prélevé au
cours de l'année, mais aussi « l'impôt caché », celui qui, par le déficit et
par la dette, est renvoyé aux générations futures.
Il ne suffit naturellement pas de dire qu'il faut baisser les impôts ; il faut
dire lesquels. C'est la grandeur des hommes politiques de prendre leurs
responsabilités. Nous proposons en ce domaine un critère simple : toute baisse
d'impôt doit être mesurée à sa capacité à créer de l'emploi.
Trois pistes sont possibles, qu'il s'agisse de la fiscalité de ceux qui
prennent des risques et pour qui le taux marginal, si l'on ajoute l'impôt sur
le revenu et la CSG, devient un non-sens économique absolu, qu'il s'agisse de
la baisse de la TVA sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre ou
qu'il s'agisse des charges qui pèsent sur le travail le moins qualifié.
Souvenons-nous en permanence, mes chers collègues, et je conclurai ainsi,
qu'au-delà de toutes les controverses politiques le meilleur système social et
fiscal sera celui qui privilégiera toujours le travail par rapport au chômage.
Pour ma part, j'ai fait le choix de l'emploi, et j'invite le Sénat à faire de
même.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean François-Poncet,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
En
débutant votre intervention à l'Assemblée nationale, vous avez déclaré,
monsieur le ministre, que vos trois priorités étaient : « la croissance, la
croissance, la croissance », et vous vous êtes félicité, comme vous l'avez fait
tout à l'heure devant nous, des résultats obtenus en la matière par la France
au cours des deux dernières années.
Le fait est que la France, avec 3,1 % ou 3,2 % de croissance en 1998 et 2,2 %
ou 2,5 % selon vos prévisions en 1999, fait mieux que l'Allemagne ou l'Italie,
dont les économies sont quasi stagnantes. Le cas de la Grande-Bretagne est plus
complexe, puisque, si sa croissance actuelle est faible, son taux de chômage,
en revanche, est inférieur de moitié au nôtre ; elle a peu de dettes et, donc,
peu d'impôts et son budget est en quasi-équilibre.
Cependant, si vous me le permettez, mon propos est ailleurs. Suffit-il,
monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, alors
que l'économie se mondialise et que les concurrences sont planétaires, de nous
comparer, pour savoir comment nous nous portons, à nos seuls voisins européens
? Très franchement, je ne le crois pas.
M. Roland du Luart.
Il a raison !
M. Jean François-Poncet,
président de la commission des affaires économiques.
Je le pense d'autant
moins qu'en se lançant dans la belle aventure de l'euro l'Union européenne
affiche des ambitions mondiales. C'est au dollar qu'elle a lancé un défi non
pas pour le détrôner, mais pour faire jeu égal avec lui. Or, à la surprise
générale, on constate que l'euro ne cesse de fléchir par rapport au dollar
depuis le début de l'année. Ce décrochage n'a, en soi, rien d'inquiétant, et
c'est une affaire entendue. Au contraire, il accroît la compétitivité de nos
exportations.
En revanche, ce qui mérite de retenir notre attention, ce sont les raisons qui
expliquent l'affaiblissement inattendu de l'euro. Ce que les marchés
sanctionnent, c'est surtout l'asthénie de l'économie européenne par rapport à
celle des Etats-Unis d'Amérique. Et plus que l'asthénie elle-même, c'est
l'incapacité des gouvernements européens à réaliser les réformes de structure
qui débrideraient la croissance.
Ce constat, monsieur le ministre, nous n'avons pas le droit de l'ignorer. Il
ne concerne pas seulement la France. L'Allemagne est autant, sinon plus, visée
que nous-mêmes.
Mais ce qui compte ici pour nous, c'est de savoir si la politique économique
et budgétaire du Gouvernement est ou non de nature à corriger une dérive qui,
de jour en jour, creuse entre les deux rives de l'Atlantique un véritable
fossé, un retard en matière de croissance et de progrès, qui, si nous n'y
prenons garde, reléguera l'Europe, peut-être pour toujours, en seconde position
sur l'échiquier mondial.
M. Emmanuel Hamel.
Il faut se libérer de la Banque centrale européenne !
M. Jean François-Poncet,
président de la commission des affaires économiques.
Tirer satisfaction
de comparaisons limitées à l'Allemagne ou à l'Italie, c'est se tromper d'époque
et d'ambition.
Ce qui importe, dans ce débat, c'est de déterminer si les orientations que
vous nous proposez sont de nature à rétablir la compétitivité globale -
économique, technologique et sociale - de la France. Ce qui compte, c'est de
savoir si elles vont dans ce sens, le bon sens, et si elles sont
suffisantes.
Avant que le rapporteur général et le président de la commission des finances
de la Haute Assemblée soient intervenus à ce sujet, avec le talent et la
compétence qui les caractérisent, une réponse pour le moins dubitative nous a
été apportée, voilà un mois, par le gouverneur de la Banque de France.
Dans la lettre qu'il a adressée le 20 mai dernier au Président de la
République et au Parlement, il met en évidence les deux raisons qui, selon lui,
menacent l'économie française de sclérose. Il n'a bien entendu pas employé le
mot « sclérose », car la retenue d'un gouverneur de la Banque de France ne le
lui permettrait pas, mais tel est bien le sens de son propos.
La première raison tient à la part excessive des dépenses publiques dans la
richesse nationale. Cette part doit passer, nous dit-il, de 54,2 % aujourd'hui
à moins de 50 %.
M. Roland du Luart.
On n'en prend pas le chemin !
M. Jean François-Poncet,
président de la commission des affaires économiques.
C'est - je reprends
ses propres termes - une « condition vitale de la croissance et du
développement de l'emploi en France ».
La deuxième raison réside dans l'absence de réformes structurelles. Le
chômage, écrit-il, « est d'origine structurelle dans la proportion des trois
quarts ».
Or, force est de constater que les orientations qui nous sont proposées sont,
selon nos experts de la commission des finances, fort éloignées de ce
diagnostic et des politiques qu'il induit.
Le déficit budgétaire, c'est vrai, monsieur le ministre, paraît maîtrisé ;
mais ni la dépense publique ni les prélèvements obligatoires ne diminuent.
L'opposition, direz-vous, n'a pas de leçon à donner. C'est possible, mais ce
n'est pas en polémiquant qu'on résoudra les problèmes de la France.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Jean François-Poncet,
président de la commission des affaires économiques.
Faut-il d'ailleurs
rappeler que ce déficit, dont la précédente majorité avait hérité en
1993,...
M. Henri de Raincourt.
Absolument !
M. Jean-François Poncet,
président de la commission des affaires économiques.
... - l'histoire ne
commence pas en 1997 - ainsi que la situation économique qui prévalait alors ne
laissaient au gouvernement de l'époque guère d'autre choix ?
Quant aux réformes structurelles, celles qui sont mises en oeuvre - je pense,
en particulier, aux 35 heures - elles vont dans le sens opposé de celles que
préconise le gouverneur de la Banque de France. Et celles qu'il faudrait mettre
en oeuvre pour rétablir l'équilibre financier de notre système de retraite ou
de sécurité sociale sont sans cesse reportées.
Je sais que votre majorité, monsieur le secrétaire d'Etat, n'entend pas de
tels propos, des propos qui rejoignent pourtant ceux qui ont été tenus, voilà
peu - M. le président de la commission des finances vient de le rappeler mais
comment ne pas le faire à nouveau ? - par le chancelier social-démocrate
d'Allemagne et le Premier ministre travailliste de Grande-Bretagne. L'un et
l'autre appellent la social-démocratie européenne à ouvrir les yeux sur le
monde qui l'entoure. Ils l'appellent à s'engager sur la voie de la diminution
des dépenses publiques, de la flexibilité du travail et de la réforme de
l'Etat-providence.
En restant sourd à cet appel, que le revers électoral subi par leurs auteurs
n'a pas privé de sa portée, en ignorant cette mise en garde, vous isoleriez la
France en Europe et vous accélereriez l'exode des jeunes créateurs d'entreprise
qui choisissent les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, de préférence à la
France, pour y tenter leur chance.
M. Pierre Laffitte.
Et y réussir !
M. Jean François-Poncet,
président de la commission des affaires économiques.
Mes chers collègues,
une chose est certaine : nous ne ferons pas reculer la mondialisation. Dès
lors, pourquoi ne pas profiter de la conjoncture favorable que nous connaissons
pour définir, gauche et droite pour une fois d'accord, une règle du jeu
économique adaptée aux défis globaux de notre époque et dégagée, autant que
faire se peut, des aléas de la vie politique, une règle du jeu guidée par une
seule volonté, celle d'assurer à la France le maximum de croissance économique,
de création d'emplois et de progrès scientifiques et technologiques ? Un rêve
sans doute...
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Cela peut devenir une réalité !
M. Jean François-Poncet,
président de la commission des affaires économiques.
... mais un rêve
dont la plupart des pays développés ont réussi depuis longtemps à faire une
réalité.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
depuis qu'il a été inauguré en 1990, il est habituel de se féliciter du débat
d'orientation budgétaire qui se tient aujourd'hui au Sénat. Il permet au
Gouvernement d'informer le Parlement sur l'évolution des finances à
mi-parcours. Il devrait également permettre au Parlement de faire valoir auprès
du Gouvernement les points sur lesquels il souhaite infléchir les orientations
de la prochaine loi de finances. Conseils et admonestations ne manqueront
pas.
Pour sa part, la commission des affaires sociales ajoutera une question. Elle
s'interroge en effet, cette année comme l'an dernier, sur la nature de
l'exercice.
Un récent rapport de notre commission, présenté par M. Charles Descours,
rapporteur des projets de loi de financement pour les équilibres généraux de
l'assurance maladie, vient de faire le point sur la présentation, la discussion
et le suivi des lois de financement de la sécurité sociale.
Sans aborder le détail des analyses et des propositions que comporte ce
travail austère et précis, je voudrais en retenir un élément qui me semble
particulièrement fondé : à l'évidence, toutes les conséquences n'ont pas encore
été tirées de la réforme de 1996 et de la discussion, chaque année, par le
Parlement, d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les
calendriers, les procédures et les moyens mis en oeuvre n'ont pas encore été
adaptés à ce nouveau contexte.
La commission des affaires sociales considère que le débat d'orientation
budgétaire date : il date d'avant les lois de financement ; il date également
d'avant le pacte de stabilité et de croissance de juin 1997.
L'an dernier, M. Jean-Pierre Fourcade, alors président de la commission des
affaires sociales, avait attiré l'attention sur ce point. Il avait exposé les
raisons qui conduisaient à organiser un véritable débat d'orientation sur les
finances publiques, incluant donc les finances sociales, qui aurait été un
débat préparatoire à la fois au projet de loi de finances et au projet de loi
de financement de la sécurité sociale. Vous-même, monsieur le secrétaire
d'Etat, aviez alors indiqué : « Peut-être faudra-t-il qu'en 1999, dans le
prochain débat d'orientation budgétaire, nous trouvions ensemble une façon de
traiter plus directement de la question de la sécurité sociale ? »
Je constate que nous n'avons guère avancé sur cette question. Dans ce débat,
les finances sociales sont toujours vues depuis Bercy. C'est à Mme la ministre
de l'emploi et de la solidarité qu'il incombera de nous présenter, dans
quelques mois, le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les analyses et les affirmations que contiennent les documents préparatoires
au débat d'orientation budgétaire appellent des questions et ont des
conséquences lourdes sur le projet de loi de financement de la sécurité
sociale. Il nous semble, pour le moins, qu'il manque un interlocuteur au banc
du Gouvernement.
L'an dernier, vous aviez, monsieur le secrétaire d'Etat, imputé pour partie la
dérive des dépenses de l'assurance maladie « à une épidémie de grippe
particulièrement forte ». C'était le 4 juin 1998, devant la commission des
finances de l'Assemblée nationale.
Cette année, vous n'évoquez guère le dérapage des comptes en 1998 et en 1999.
Cependant, par une sorte de jeu de saute-mouton, vous vous félicitez d'ores et
déjà de l'excédent que dégagera le régime général l'an prochain, comme vous
vous félicitiez, l'an dernier, d'un retour à l'équilibre qui n'a pas eu
lieu.
Reprenant un peu les propos du rapporteur général de la commission des
finances, M. Marini, je me permettrai d'observer ce qui s'est passé les années
précédentes, sans avoir la myopie du télescope Hubble, auquel on a dû, à un
moment donné, mettre en quelque sorte des lunettes. Dans ce domaine, un
gouvernement est toujours l'héritier d'un autre gouvernement. Tel a été votre
cas en 1997. Toutefois, en ce qui concerne les comptes de l'ensemble du régime
général et de l'assurance maladie, les chiffres sont cruels, et non pas pour la
précédente majorité, mais pour celle qui était au pouvoir avant 1993.
M. Marcel Charmant.
Ah bon !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Voici la courbe qui a
été publiée récemment dans
Le Monde. (L'orateur montre un document.)
On constate qu'un énorme décrochage s'est produit avant le changement de
gouvernement en 1993. D'un seul coup, en un an et demi, un trou de 40 milliards
de francs s'est en effet creusé au titre de l'ensemble du régime général. Dans
l'année et demie suivante, sous le gouvernement de M. Balladur, la descente
s'est certes poursuivie, mais la pente a été beaucoup moins forte puisque, pour
une même période de dix-huit mois, ce sont seulement 10 milliards de francs qui
sont venus s'ajouter au déficit, lequel était au départ, je le rappelle, de 12
ou 15 milliards de francs.
M. Marcel Charmant.
Cela faisait tout de même 50 milliards !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Par conséquent, quand
vous ou Mme Aubry vous référez au trou de 65 milliards de francs de 1995, c'est
tout de même un mauvais procès que vous faites, puisque, sur ces 65 milliards
de francs, il n'y en a que 15 qui sont à mettre au débit, et encore
s'inscrivaient-ils dans une procédure de freinage, car on sait bien que l'on
n'arrête pas aussi brutalement les choses.
Ensuite, on constate une remontée régulière, ce qui fait que vous avez trouvé
un déficit de 25 milliards de francs, ramené maintenant à 5 milliards de
francs. Mais si l'on considère l'assurance maladie, vous n'avez rien fait
depuis que le peuple vous a redonné le pouvoir.
(M. Marcel Charmant
sourit.)
Pour étudier ce qu'a été l'action des gouvernements de la gauche
depuis 1992, il suffit d'examiner la courbe : on voit, d'un côté, une descente
vertigineuse et, de l'autre, une relative stagnation depuis 1997.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Alors, je veux bien que
vous fassiez de l'autosatisfaction, mais, pour notre part, nous n'avons aucun
penchant pour l'autoflagellation. Je tenais à ce que ces choses fussent dites.
(M. Jean-Louis Lorrain applaudit.)
Parallèlement, la commission des comptes de la sécurité sociale s'émeut. Elle
estime - je cite son rapport rendu public fin mai - qu'il est « regrettable que
le débat sur les orientations budgétaires qui se tiendra prochainement au
Parlement ne soit nourri que par les prévisions de la commission des comptes et
des budgets économiques de la nation, au lieu de l'être, aussi, par celles
émanant de la commission des comptes de la sécurité sociale ».
Aussi, je réitère fermement le souhait que soit mis en place, dès l'an
prochain, un véritable débat sur l'évolution des finances publiques. Si nous ne
progressons pas dans cette voie, la commission des affaires sociales demandera
qu'à l'issue de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale,
qui se tient au printemps, soit organisé un débat sur l'évolution des comptes
sociaux et les orientations de la prochaine loi de financement de la sécurité
sociale.
Je reviendrai sur deux points qui ont été évoqués précédemment par mes
collègues. On nous annonce un système de baignoires se vidant les unes dans les
autres par un système compliqué de tuyauteries qui concerne, d'une part, le
dispositif des retraites et, d'autre part, les trente-cinq heures.
En ce qui concerne les retraites, le Gouvernement prévoit pour l'an 2000 un
excédent du régime général. J'observe que cet excédent serait atteint non pas
grâce à une maîtrise des dépenses, mais « par une progression des recettes
supérieure à celle des dépenses ». Cet excédent, poursuit le rapport, «
pourrait nourrir le fonds de réserve pour les retraites et permettrait de
"lisser" les effets du choc démographique qui affectera les régimes de
retraites à partir de 2005 ».
Après-demain, la commission des affaires sociales entendra une communication
de M. Alain Vasselle, qui analysera les apports des travaux du commissaire
général du Plan, les réactions des partenaires sociaux et les conditions dans
lesquelles s'ouvre une nouvelle concertation. Il analysera également les choix
implicites qu'emporte la décision de renvoyer à plus tard les ajustements
nécessaires.
Mais, d'ores et déjà, notre inquiétude est grande, car, conformément au
principe d'autonomie des branches posé par la loi du 25 juillet 1994, nous
connaissons non pas un excédent du régime général - cela n'existe pas ; c'est
cependant cet excédent que vous évoquez dans votre rapport - mais des excédents
ou des déficits selon les branches.
Nous constatons que les dettes de la branche maladie se reconstituent sous
l'effet des déficits de 1998 et 1999. Nous constatons que l'indexation
généreuse des pensions, fondée sur des prévisions d'inflation surévaluées deux
années de suite, pèse sur les comptes de la branche vieillesse avant même
qu'elle n'aborde le choc démographique de 2005. Nous constatons que la branche
famille connaître des excédents croissants.
Est-ce à dire que les excédents de la branche famille seront confisqués et
affectés au fonds de réserve pour les retraites, dont nous ne savons rien, au
demeurant, puisque le Gouvernement n'a pas annoncé comment il compte partager
l'effort qui sera nécessaire pour assurer l'avenir de nos retraites ?
En ce qui concerne le dispositif des trente-cinq heures, la commission des
affaires sociales entendra bientôt M. Louis Souvet, qui présentera aussi un
début de rapport sur les problèmes qu'il soulève.
Tout le monde sera d'accord pour constater, comme le fait le Gouvernement, que
la réussite de la réduction du temps de travail « dépend de manière cruciale de
sa mise en oeuvre ».
De fait, le Sénat a souligné, lors des débats sur la loi du 13 juin 1998, la
différence profonde qui existait entre, d'une part, une réduction du temps de
travail négociée et adaptée à la situation de chaque branche, de chaque
entreprise et, d'autre part, l'abaissement autoritaire et généralisé de la
durée légale du travail.
Vous avez choisi la seconde solution. Ayant créé un problème, vous cherchez
les moyens de le résoudre. Sans doute aurait-il été préférable de ne pas le
créer. Et déjà, prise au piège, Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
envisage une année supplémentaire de rodage. Constatant le renchérissement du
coût du travail non qualifié qu'entraînent les trente-cinq heures, vous
cherchez à le compenser par une politique d'allégement des charges sociales,
sans assumer le coût de cette politique, c'est-à-dire, en définitive, le coût
des trente-cinq heures.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Une usine à gaz !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
S'agissant des mesures
dites structurelles, elles seront financées par les entreprises au moyen d'un
transfert des cotisations.
Quant aux mesures dites d'incitation, le Gouvernement n'a, semble-t-il, pas
renoncé à sa thèse dite de la neutralité.
Une des annexes du rapport du Gouvernement évoque le « retour pour les
finances publiques » des aides associées aux trente-cinq heures ; elle le
chiffre à 2 milliards de francs en 1999 et à 20 milliards de francs en 2000,
essentiellement pour le régime d'assurance chômage et le régime de sécurité
sociale.
« Ces montants, conclut le rapport, correspondent au financement disponible
qui peut être mobilisé pour couvrir les dépenses des aides à la réduction du
temps de travail en respectant les principes de neutralité retenus par le
Gouvernement. »
En d'autres termes, le Gouvernement n'entend pas compenser à la sécurité
sociale les allégements de charges consentis dans le cadre des trente-cinq
heures. Il entend, de surcroît, se tourner vers le régime de l'assurance
chômage.
Cette prétendue « neutralité », outre qu'elle va totalement à l'encontre d'un
principe affirmé par la loi du 25 juillet 1994, à savoir la compensation
intégrale des exonérations de charges décidée par l'Etat, posera de redoutables
problèmes de méthode dont le premier, et non le moindre, sera la mesure des
effets d'aubaine.
Les observations que j'ai formulées correspondent à des questions de fond,
qu'il faudra bien un jour aborder au cours de tels débats.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et
une heure cinquante, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons le débat d'orientation budgétaire consécutif à une
déclaration du Gouvernement.
Dans la suite du débat, la parole est à M. le président de la commission des
affaires culturelles.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le rapport du
Gouvernement qui sert de base à notre débat d'aujourd'hui met au premier rang
des orientations budgétaires l'objectif « d'assurer le financement des
priorités du Gouvernement tout en stabilisant les dépenses de l'Etat » et « en
cherchant à dépenser mieux ».
Lors du débat d'orientation budgétaire de l'an dernier, un certain nombre
d'entre nous, dont j'étais, avaient insisté sur la nécessité de contenir la
dépense publique et d'améliorer son efficacité. Ils avaient plaidé pour une
réflexion sur la notion même de priorité et sur sa traduction budgétaire. Nous
ne pouvons que nous féliciter d'avoir été apparemment entendus, monsieur le
secrétaire d'Etat, et nous ne pouvons que vous féliciter de nous avoir
apparemment rejoints.
Nous voudrions cependant être sûrs que vous aurez les moyens d'atteindre cet
objectif. Nous avons, à cet égard, quelques inquiétudes.
Ce qui peut alimenter notre scepticisme, c'est l'attitude de certains
ministères qui ne sont pas parmi les moins dépensiers. Je citerai quelques
exemples à cet égard.
Je prendrai comme exemple le cas du ministère de l'éducation nationale, qui -
mon propos n'étonnera sans doute personne - ne paraît pas spontanément
manifester le souci de dépenser mieux.
La commission d'enquête, sur la gestion des emplois, des crédits et des
personnels de l'éducation nationale, constituée par le Sénat et par laquelle
vous avez été auditionné, monsieur le secrétaire d'Etat, a constaté que
l'autorisation budgétaire était en partie vidée de son sens et qu'une sorte d'«
alchimie mystérieuse », pour reprendre une expression employée par l'un des
membres de cette commission, permettait de dépasser assez largement, sur le
terrain, le nombre d'emplois budgétaires votés chaque année en loi de
finances.
Au total, force est de reconnaître que la gestion des personnels de
l'éducation nationale n'est pas transparente, qu'elle n'a pas pris en compte la
rente démographique engendrée par la baisse régulière du nombre des élèves et
qu'elle se traduit, à terme, par une consolidation coûteuse de personnels
précaires qui ne sont pas toujours utilisés au mieux des intérêts de la mission
d'éducation.
Je ne rappellerai que deux chiffres : le budget de l'enseignement scolaire
s'élève à près de 300 milliards de francs et ses crédits ont augmenté de 113
milliards de francs en dix ans !
Les ministres chargés de l'éducation proposent régulièrement des mesures et
des réformes, car il faut bien avancer. Mais force est de constater que le coût
de ces mesures et de ces réformes a été rarement évalué et que leur financement
a été rarement clairement dégagé.
J'illustrerai mon propos par quelques exemples.
A la rentrée 1997, le Gouvernement fraîchement constitué décide, pour des
raisons sociales évidentes que l'on peut comprendre, le réemploi massif de 26
700 maîtres auxiliaires rémunérés sur des crédits d'heures, et ce sans fournir
la moindre précision sur les modalités du financement. Ce réemploi a été
financé par la transformation de quelque 90 000 heures supplémentaires, ce dont
le Parlement n'a été informé que lors de la discussion du projet de loi de
finances pour 1998, c'est à dire
a posteriori
.
Mon deuxième exemple porte sur le rétablissement du pouvoir d'achat des
professeurs bénéficiant d'heures supplémentaires. Voilà un cas concret ! Le
ministre de l'éducation nationale, M. Claude Allègre, a décidé ce
rétablissement afin de mettre un terme au tollé qu'il avait provoqué par un
décret tendant à réduire la rémunération des « heures supplémentaires année »,
selon la terminologie du ministère de l'éducation nationale.
Interrogé par mes soins dans le cadre de la commission d'enquête - cette
audition était publique, et je ne trahis donc rien - le ministre n'a pas paru
en mesure de préciser le coût et les modalités de financement du rétablissement
de ce pouvoir d'achat. C'est par la presse, le 15 avril 1999, que nous avons
appris les modalités de la compensation retenue et l'affectation de 390
millions de francs. Avouez que c'est faire assez peu de cas du Parlement !
Mon troisième exemple vise la réforme du collège : cette « réforme » - mais
peut-on parler de réforme, s'agissant des mesures présentées ? On peut en
douter, mais là n'est pas mon propos d'aujourd'hui - a été annoncée à la suite
d'un rapport.
Il a été indiqué, toujours par voie de presse, que 320 millions de francs
seraient consacrés à la remise à niveau des élèves et à l'aide individualisée,
soit 80 millions de francs pour le dernier trimestre de 1999 et 240 millions de
francs pour l'année 2000 : ces mesures seront-elles financées à moyens
constants par redéploiement ou s'agira-t-il de mesures nouvelles qui
apparaîtront clairement dans le prochain « bleu » budgétaire ? Pour le moment,
le Parlement n'en sait rien !
Pour ma part, il me semble, monsieur le secrétaire d'Etat - je tiens à le dire
ici, même si ce propos n'est pas forcément très populaire - qu'un aménagement
raisonnable des obligations de service des enseignants et un assouplissement
des règles qui les concernent aboutiraient à régler un certain nombre de
problèmes et permettraient de réaliser des économies substantielles. Mais je ne
suis pas persuadé que cette option, qui serait courageuse, soit celle qui sera
retenue par le ministre de l'éducation nationale.
Ce même ministre a annoncé, le 23 mars dernier, une hausse de 10 % des postes
ouverts au concours de recrutement dans l'enseignement primaire et, le 14 avril
dernier, une batterie de mesures nouvelles d'un montant de 900 millions de
francs en année pleine : augmentation du pourcentage des enseignants promus à
la « hors classe », rétablissement du pouvoir d'achat des heures
supplémentaires, création de 7 900 heures supplémentaires pour mettre en place
l'aide individualisée prévue dans la réforme des lycées.
Il convient d'y ajouter, pour faire bonne mesure, 800 millions de francs
annoncés pour financer la nouvelle étape du plan social étudiant.
Nous avons donc, monsieur le secrétaire d'Etat, des raisons de craindre que
l'objectif de stabilisation des dépenses publiques n'ait valeur que
d'affichage.
Il ne me paraît pas normal que, dans certains cas, nous ne disposions pas des
informations indispensables pour apprécier le bien-fondé de l'emploi proposé
des crédits.
Je voudrais en donner un exemple, choisi lui aussi parmi les budgets soumis à
l'avis de la commission des affaires culturelles : c'est celui des crédits
d'intervention du ministère de la culture consacrés aux spectacles.
Cette année, deux réformes importantes, et qui pourraient être en elles-mêmes
positives, sont intervenues dans ce secteur : d'une part, la déconcentration
des décisions est devenue une réalité ; d'autre part, il a été créé une
direction unique de la musique, de la danse, du théâtre et du spectacle.
La mise en place de ces réformes aurait dû exiger une information accrue du
Parlement. Nous avons au contraire constaté que l'on avait, dans le même temps,
modifié la nomenclature budgétaire pour regrouper les crédits sur des articles
et des chapitres à l'intitulé aussi ambitieux que peu explicite. On nous
demandait, par exemple, d'attribuer plus de deux milliards de francs - rien que
cela ! - « au développement culturel et aux spectacles », sans plus de
précision. Et nous n'avions pas idée de la répartition de ces crédits, qui ne
devait d'ailleurs être décidée qu'en début d'exercice.
Comment, dans ces conditions, s'assurer que ces crédits seraient « mieux »
dépensés, et même qu'ils seraient tout simplement « bien » dépensés ?
Enfin, j'ai noté avec intérêt, monsieur le secrétaire d'Etat, que la
commission des finances du Sénat souhaitait avoir des précisions sur les «
contrats de gestion » qui seraient désormais passés entre le ministère des
finances, que vous représentez ici, et les ministères dits « dépensiers ». Je
m'associe à l'interrogation de la commission des finances ; avouerai-je que je
crains un peu que ces contrats n'aient essentiellement pour objet de renouveler
des pratiques anciennes et peu respectueuses elles aussi - mais dans un sens
inverse - de l'autorisation budgétaire ? Je veux, bien sûr, parler du gel ou de
l'annulation des crédits, dont M. le rapporteur général a dit tout à l'heure
quelques mots.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si vous êtes réellement disposé à maîtriser la
dépense publique, informez mieux le Parlement ! Mettez-le en position d'assurer
la première mission qui est la sienne, celle de voter le budget de la nation et
de lever l'impôt !
Ce faisant, vous obtiendrez plusieurs résultats. D'abord, vous assurerez une
meilleure gestion budgétaire ; ensuite, et par contrecoup, vous accroîtrez
l'efficacité des politiques que vous définissez, tout en permettant
l'allégement des charges qui pèsent sur les contribuables et sur les
entreprises, en augmentant, par là même, l'efficacité économique ; enfin - et
ce n'est pas la moindre des choses - vous rendrez à la démocratie parlementaire
tout son sens.
Telle n'est pas, je le crains, l'intention profonde du Gouvernement, malgré
ses déclarations.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, je me réjouis que les débats d'orientation budgétaire,
inaugurés en 1996 sur l'initiative de M. Arthuis, aient trouvé leur place dans
les procédures normales et régulières d'élaboration des projets de loi de
finances. Je crois toutefois que nous devons aller plus loin et poursuivre
notre réflexion pour donner au Parlement toute la place qui doit lui revenir en
matière budgétaire, afin que son rôle mais aussi ses votes, soient pleinement
respectés et mieux traduits dans les faits.
M'exprimant à cet instant en qualité de président de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je n'évoquerai que
très brièvement les grands équilibres du prochain budget de l'Etat, celui de
l'an 2000.
La stabilisation annoncée, en volume, des dépenses de l'Etat, qui devraient
n'augmenter l'an prochain qu'au rythme attendu de l'inflation, apparaît, de
prime abord, vertueuse. Certains commentateurs y ont même vu - quel hommage ! -
le retour au choix de rigueur budgétaire de 1997. Mais, au-delà des apparences,
les orientations de la politique budgétaire du Gouvernement demeurent à mes
yeux triplement préoccupantes.
D'abord - et c'est le plus important - la réduction globale des dépenses
publiques reste indispensable. Nous n'avons donc pas d'autre choix que de
programmer, par la diminution de ces dépenses, la baisse des prélèvements
obligatoires, qui demeurent très excessifs et que l'Europe, de toute façon,
nous contraindra à harmoniser.
Ensuite, les prévisions gouvernementales de croissance reposent, par-delà les
turbulences de ce début d'année 1999, sur des hypothèses qui peuvent paraître
trop optimistes : la France pourra-t-elle, en particulier, compter sur la
réaccélération de la croissance si l'activité de certains de nos voisins, à
commencer par l'Allemagne et l'Italie, reste faible et si le ralentissement,
comme beaucoup l'annoncent, atteint les Etats-Unis ?
Enfin, cette politique économique et financière n'est pas accompagnée des
vraies réformes structurelles dont notre pays a impérativement besoin ; nous
devons réfléchir, dans une économie globalisée, à ce que doivent être les
missions de l'Etat dans les prochaines décennies ; nous devons repenser notre
fiscalité en conséquence, sans perdre de vue, bien entendu, l'exigence
prioritaire de l'emploi.
Je pense, sur tous ces points, refléter l'opinion d'une large majorité de
notre assemblée. Je crois aussi rejoindre la position de notre excellente
commission des finances en soulignant, dans le cadre que je viens de définir,
l'indispensable préservation des crédits des ministères régaliens. En effet, il
s'agit là de garantir les missions fondamentales de l'Etat que sont la sécurité
et la justice, mais aussi, bien sûr, la diplomatie et la défense. Ce sont là
les vraies missions de l'Etat, alors même que c'est précisément l'absence de
maîtrise des dépenses de fonctionnement qui réduit nos capacités
d'investissement militaire et contraint fortement les crédits consacrés à ces
missions régaliennes.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Absolument !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
S'agissant,
précisément, des crédits militaires, j'espère d'abord que vous nous assurerez,
monsieur le secrétaire d'Etat, que le projet de budget de la défense pour l'an
2000 sera bien conforme aux conclusions de la revue des programmes effectuée
l'an dernier et pleinement cohérent avec la loi de programmation 1997-2002.
Il ne s'agit d'ailleurs que de la confirmation de la stabilisation, jusqu'en
2002, des crédits d'équipement militaire, réaffirmée l'année dernière après la
très malheureuse « encoche » de 1998, et je ne peux que redire aujourd'hui à
cette tribune que l'équilibre ambitieux mais fragile sur lequel repose la loi
de programmation pourrait être rompu par toute nouvelle réduction des crédits
militaires : cela compromettrait non seulement l'exécution satisfaisante de la
programmation, mais aussi et surtout la réforme d'ensemble de notre système de
défense engagée par le Président de la République en 1996, qui est fondée sur
la professionnalisation de nos forces et dont la crise au Kosovo vient encore
d'illustrer le bien-fondé.
Il importe, en outre, que les masses budgétaires inscrites en loi de finances
ne soient pas détournées de leur objet. Cela impose une nouvelle fois, monsieur
le secrétaire d'Etat, d'apporter une solution adaptée au financement des
opérations extérieures.
La question est déjà lourdement posée pour 1999, puisque le surcoût de ces
opérations atteindra près de 6 milliards de francs, dont environ 4 milliards de
francs pour le conflit du Kosovo. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le
secrétaire d'Etat, les conditions dans lesquelles ces opérations, qui relèvent
à l'évidence d'opérations extérieures « exceptionnelles », seront effectivement
financées cette année ?
Mais nous savons d'ores et déjà qu'une question comparable - même si nous
pouvons l'espérer de moindre ampleur - se posera en l'an 2000, ne serait-ce
qu'en raison des opérations de longue durée engagées dans l'ex-Yougoslavie.
N'est-il pas, dès lors, indispensable de prévoir enfin, dès la construction du
budget, une enveloppe substantielle, véritablement réaliste, pour financer ces
opérations au lieu et place des provisions actuelles, qui ne sont rien d'autre
que symboliques ?
Je n'ajouterai, en ce qui concerne le budget de la défense, qu'une brève
observation pour me féliciter de la mise en oeuvre accrue des commandes
pluriannuelles, dont je n'ai cessé de souligner la nécessité tant elles sont
indispensables au bon déroulement des programmes d'armement. Mais pouvez-vous,
monsieur le secrétaire d'Etat, nous donner des précisions sur les montants
ainsi engagés ? Pouvez-vous également nous indiquer les raisons, bonnes ou
mauvaises, qui ont semblé freiner la concrétisation de ces commandes globales
?
Je conclurai, monsieur le président, mes chers collègues, en soulignant une
nouvelle fois la préoccupation de notre commission des affaires étrangères
quant à l'évolution des crédits consacrés par notre pays à son action
extérieure et, en premier lieu, au ministère des affaires étrangères, qui a
désormais intégré nos actions de coopération.
Si le Quai d'Orsay est supposé bénéficier d'un traitement particulier, il ne
figure toujours pas parmi les priorités budgétaires du Gouvernement et sa part
n'a cessé de régresser, depuis de longues années, dans les budgets de
l'Etat.
Deux sujets me paraissent aujourd'hui particulièrement inquiétants.
Le premier concerne l'érosion des effectifs, évolution qui n'est pas
contestable en soit à condition de ne pas remettre en cause des missions qui,
je le répète, figurent au coeur des missions de l'Etat.
Le ministère des affaires étrangères n'est pas suspect d'avoir échappé aux
efforts nécessaires en la matière puisque ses effectifs ont diminué plus vite
que ceux de toutes les autres administrations civiles régaliennes : moins 8 %
depuis 1993.
Surtout, la poursuite de ce processus, dont nous avons déjà, les uns et les
autres, constaté certaines conséquences dans des postes diplomatiques ou
consulaires comme au sein de l'administration centrale, ne me paraît plus
compatible avec l'ampleur actuelle de notre présence à l'étranger. Elle risque
même de remettre en cause des activités essentielles : faut-il, par exemple,
risquer de compromettre l'indispensable maîtrise des flux migratoires en
confiant, de plus en plus fréquemment, les services des visas à des recrutés
locaux ?
Ma seconde préoccupation concerne les conséquences budgétaires de la réforme
de la coopération. Je ne reviendrai pas sur le sujet, car tel n'est pas l'objet
de notre débat. Je crois cependant qu'il y aurait un risque réel à vouloir
engranger dès aujourd'hui les gains de productivité attendus de cette fusion.
Ceux-ci ne pourront être dégagés que progressivement, après l'intégration des
réseaux de la coopération et lorsque la nouvelle organisation ministérielle
sera stabilisée, faute de quoi cette réforme délicate pourrait être fragilisée,
voire sérieusement compromise, et les bénéfices qui en sont attendus, y compris
sur le plan financier, risqueraient de disparaître avec elle.
Je souhaiterais enfin, avant de quitter cette tribune, demander au
Gouvernement de réfléchir, grâce à une coopération - qui doit bien être
possible - entre les ministères des finances et des affaires étrangères, aux
modalités de réalisation de deux objectifs : d'une part, l'établissement
d'éléments de programmation du budget du Quai d'Orsay dans des domaines comme
l'évolution de la carte diplomatique et consulaire ou celle des effectifs ;
d'autre part, une évolution coordonnée de l'ensemble des implantations
françaises à l'étranger, y compris, bien sûr, monsieur le secrétaire d'Etat,
des administrations économiques et financières.
Soyez en tout cas assuré que la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées continuera de veiller avec vigilance à ce que
notre pays dispose des moyens indispensables à son rôle et à son ambition dans
le monde.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 60 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 39 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes.
Dans la suite de notre débat, la parole est à M. Trégouët.
M. René Trégouët.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
débat de ce soir a pour objet de définir l'orientation des budgets de la France
pour la période 2000-2002, c'est-à-dire non seulement la dernière année du
présent siècle mais aussi les deux premières années du prochain millénaire.
Or, il est un événement majeur dont on n'a pas encore parlé depuis le début de
ce débat et qui va marquer ces trois années, étant entendu que trois ans, c'est
maintenant une période très longue dans un monde où l'ensemble du capital des
connaissances double tous les dix ans. Cet événement majeur, c'est la montée en
puissance exponentielle d'une nouvelle économie s'appuyant sur l'immatériel.
Certains pourraient penser que cette réflexion sur la nouvelle économie n'a
pas à être insérée dans un débat d'orientation budgétaire. Tout au contraire,
permettez-moi de dire que ce débat, qui nous permet d'éclairer les prochaines
années, devrait être un moment privilégié pour réfléchir aux fermes
orientations qui doivent être prises par la France dès les prochains mois pour
lui permettre d'entrer dans l'avenir.
En effet, si nous observons avec objectivité la situation actuelle de la
France, et même de l'Europe, alors que nous sommes sur le seuil de cette
nouvelle économie, nous constatons que cette situation est préoccupante : si la
France est très présente dans l'économie de marché reposant sur la demande, que
ce soit dans le nucléaire, le spatial, l'aéronautique, et occupe une place
honorable dans des secteurs industriels qui ont longtemps dépendu de la
commande publique, il faut noter que notre pays, et même l'Europe, sont absents
des grands accords de fusion et de partenariat qui constitueront le socle de
cette nouvelle économie.
Il suffit de rappeler que les capitalisations de cinq entreprises, Microsoft,
Intel, Cisco, Dell et Compaq, qui sont toutes américaines, qui n'existaient pas
il y a trente ans et qui font partie de ce socle du futur, pèsent, à elles
seules, 900 milliards de dollars, c'est-à-dire, aussi lourd que la Bourse de
Paris tout entière.
Alors que les ingénieurs et les techniciens français sont les cadres de
recherche les plus appréciés et les plus nombreux parmi les chercheurs
d'origine étrangère dans les entreprises américaines de haute technologie,
surtout dans la Silicon Valley, nous constatons que les Français sont de plus
en plus nombreux à quitter notre pays pour aller s'installer sous d'autres
cieux qui semblent plus favorables à l'initiative et à l'aventure.
Ainsi, selon les derniers chiffres communiqués par le ministère des affaires
étrangères, quelque 233 000 Français sont installés aux Etats-Unis, dont 52 000
dans le seul ressort du consulat de France de Los Angeles.
Certes, vous pourrez dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce chiffre est
négligeable par rapport à la population française. Mais quand on sait que ces
jeunes qui nous quittent sont souvent des personnes entreprenantes qui vont
créer sous d'autres cieux leur entreprise, on peut imaginer les dizaines de
milliers d'emplois qui auraient pu être créés en France s'ils étaient restés
parmi nous.
Aussi, au-delà des progrès sensibles, qu'il faut saluer, réalisés ces derniers
mois dans le domaine du capital-risque, il est très urgent, la prochaine
discussion budgétaire étant la borne ultime, de mettre en place une procédure
stable et séduisante de
stock-options,
qui seules pourront permettre aux
créateurs d'entreprises de haute technologie de retenir et de rémunérer les
esprits brillants qui actuellement nous quittent.
M. Pierre Laffitte.
Très bien !
M. René Trégouët.
Par ailleurs, il est indispensable que nous sachions reconnaître le rôle
positif qui peut être joué par les
business angels,
les « investisseurs
providentiels », comme nous les avons élégamment baptisés à la commission des
finances.
Or, là aussi, un petit saignement a tendance à se transformer en
hémorragie.
Le caractère confiscatoire qu'a pris l'ISF - chacun d'entre nous porte sa part
de responsabilité dans le développement d'une telle situation - aurait incité
les détenteurs de grandes fortunes à délocaliser de France plus de 600
milliards de francs d'actifs ces deux dernières années.
Un article de fond paru dans un journal économique sérieux a même précisé que
ces 600 milliards de francs auraient rapporté plus à la France chaque année que
l'ensemble des sommes publiques qui sont mobilisées pour le RMI.
Sachons laisser prendre des risques à ceux qui ont les moyens financiers de le
faire, car, bientôt, ce ne sera plus l'heure d'apporter des fonds publics pour
alimenter le capital-risque en France.
Toujours dans les grands choix budgétaires, il faut mettre en place, sans
tarder, les fonds de pension, qui permettraient de mieux préparer l'avenir dans
un pays qui, inexorablement, va vieillir, mais aussi de recapitaliser nos
entreprises, en particulier les entreprises de haute technologie.
Cela éviterait que les fonds de pension anglo-saxons, essentiellement
américains, ne détiennent, avec tous les risques inhérents, près de 40 % du
capital des principales entreprises françaises.
Avec l'arrivée des nouvelles technologies de l'information, l'entreprise est
conduite à réinventer son organisation et son fonctionnement en vue d'optimiser
l'exploitation de son capital informationnel. En d'autres termes, elle devra
restructurer l'ensemble de son système de pilotage autour du flux
d'information. Cette mutation de l'organisation concerne toute la chaîne de
valeurs de l'entreprise : le marketing, la vente, la paiement, la logistique,
l'après-vente.
Cette évolution passera par l'externalisation systématique des fonctions qui
ne sont pas entièrement dédiées aux clients.
Le débat qui s'est ouvert en France sur les 35 heures est certainement un
facteur d'accélération de la refonte de l'organisation de l'entreprise
française. Toutefois, le résultat réel obtenu, quand toutes les scories
soulevées par la passion se seront posées, sera, à mon avis, très loin de
l'objectif fixé initialement par le Gouvernement.
Ce serait tout de même un curieux clin d'oeil de l'histoire que ce soit un
gouvernement de gauche qui ait accéléré le recul du salariat en France,
salariat qui repose sur un contrat de travail, comme vient de brillamment le
démontrer M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en
passant le bac dans un grand journal économique, il y a quelques heures !
Mais, si l'on veut préparer l'avenir, d'autres grandes priorités doivent être
respectées par le budget de la France.
Nous savons que le mal profond dont souffre notre pays, mais aussi l'Europe,
est le chômage. Il n'est pas possible que près de trois millions de Français
restent sans emploi.
Or, que constatons-nous de l'autre côté de l'Atlantique ? Le taux de chômage
aux Etats-Unis vient de tomber à 4,2 % de la population active, un niveau
inconnu depuis vingt-neuf ans, qui vient après une période de croissance à un
rythme élevé d'environ 3 % par an ininterrompu depuis neuf ans.
Par ailleurs, nous venons d'apprendre que les entreprises s'appuyant sur les
nouvelles technologies de l'information ont créé 1 200 000 emplois aux
Etats-Unis en 1998, ce qui représente tout simplement 40 % du total américain
des créations d'emplois l'an dernier.
Il faut donc que la France chausse sans retard des bottes de sept lieues pour
rattraper son retard. Pour cela, il faut non seulement améliorer
l'environnement des entreprises de haute technologie, comme je l'ai dit il y a
quelques instants, mais aussi réorienter d'urgence les priorités budgétaires
pour préparer les Français à exercer les métiers de l'avenir.
Pour bien me faire comprendre en cet instant, il me paraît nécessaire de
préciser la nature de ces métiers.
Pour exercer ces métiers du futur, il faudra avoir la possibilité d'ajouter du
savoir à un signal. Cette seule définition doit nous permettre de dégager deux
grandes priorités pour la France, deux priorités que nous devons donc retrouver
dans le budget.
Il faut tout entreprendre pour améliorer l'acquisition de savoirs et de
compétences par les Français si nous voulons les voir entrer avec détermination
dans la concurrence implacable que va ouvrir la mondialisation.
Par ailleurs, le budget de la France va devoir réserver une priorité absolue -
il en va de l'aménagement du territoire, et donc de l'équilibre de notre pays -
à la dissémination d'un signal de qualité large bande sur l'ensemble du
territoire.
Autant il est nécessaire aujourd'hui, à une entreprise de disposer de
l'énergie éléctrique ou du téléphone pour pouvoir s'installer, autant il lui
sera nécessaire, dans très peu d'années - elles se comptent sur les doigts des
deux mains - d'accéder à un signal de grande qualité pour entrer dans la
compétition mondiale.
Or, il en coûtera des dizaines de milliards de francs d'investissements si
nous voulons que ces métiers du futur puissent être exercés non seulement à La
Défense ou dans le coeur de nos grandes villes, mais aussi dans toutes nos
villes, dans tous nos villages de France. Il y va de l'avenir de notre pays, au
travers de l'emploi de l'avenir. Il est donc très important que, très
rapidement, ces nécessités trouvent leur traduction dans le budget de la
France.
Pour conclure, je dirai qu'il est important que nous ressentions tous, en cet
instant, combien sera difficile le combat qui s'engage.
Nous entrons dans une nouvelle société marquée par un véritable choc de
civilisation, lui-même provoqué par la mondialisation. Or, cette société de
l'information, où va-t-elle trouver sa valeur ?
L'information, chacun d'entre nous devra pouvoir en disposer. Par « chacun
d'entre nous », j'entends chaque habitant de cette terre, car ce sera le
minerai de demain.
Ne recommençons pas l'erreur du passé, ne faisons pas en sorte que seuls
certains nantis, ou certaines nations nanties, puissent disposer de ce minerai
de base. Battons-nous pour faire en sorte que chacun, sur cette terre, puisse
en disposer. C'est ainsi que nous pourrons renforcer la paix.
Cet accès gratuit à l'information n'est toutefois pas une valeur solvable en
soi. C'est une fois que l'on ajoute du savoir, de la compétence et surtout de
l'expérience à cette information qu'on la transforme en produit cessible à
valeur ajoutée, en produit marchand. Et ce produit marchand, ce sera la
connaissance, connaissance qui sera la matière la plus diffusée sur notre
terre.
Et s'il y a une partie du monde - c'est sur ce point que j'en terminerai - où
il y a beaucoup d'expérience, et donc beaucoup d'expertise, car quand on ajoute
de l'expérience à la connaissance elle se transforme en expertise, où il y a,
par conséquent, un socle multiséculaire d'expertise, c'est bien la France !
Or, actuellement, nous n'exploitons pas du tout cette chance, alors que,
demain, le combat sera celui des contenus et le vainqueur celui qui donnera de
la valeur à l'ensemble de cette future société de l'information.
Toutes ces priorités, monsieur le secrétaire d'Etat, doivent donc se retrouver
dans le budget sans tarder, car ce sont elles qui détermineront le destin de
notre pays.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce
débat d'orientation budgétaire pour l'an 2000 est marqué par une situation
assez paradoxale sur le plan économique et sur celui des comptes publics.
S'agissant de ces derniers, il est en effet indéniable qu'ils se sont assez
nettement améliorés, quand bien même la quotité élevée du déficit du compte de
l'Etat se traduit concrètement par une augmentation du poids et du service de
la dette publique et par une réduction de la marge budgétaire.
Cette situation obère d'ailleurs, en tant que telle, toute orientation
politique nouvelle, d'autant que nous sommes aujourd'hui largement placés dans
le cadre d'une interdépendance des politiques économiques et budgétaires des
pays de l'Union européenne, dont on notera qu'elle persiste à souffrir de la
prétendue indépendance de la Banque centrale européenne, outil dont il est
chaque jour évident que la privatisation est un obstacle à la réalisation même
de certains objectifs du traité de Rome.
S'agissant de la situation économique et sociale générale, on ne peut manquer
de souligner qu'elle présente aujourd'hui des caractéristiques inédites et
préoccupantes, mais qui conduisent à la réflexion.
Parmi ces caractéristiques, relevons par exemple le niveau exceptionnellement
faible de l'inflation - on peut d'ailleurs parler, à propos de nombreux
secteurs, de « déflation sous-jacente » - reflet de la modification profonde de
la formation des prix.
Nous entrons là dans le cadre que nous connaissons bien désormais : les coûts
de production sont en réduction sensible, du fait notamment des gains de
productivité dégagés de par les avancées technologiques et, singulièrement, par
l'abaissement progressif et relatif de la part des salaires dans la valeur
ajouté.
Des données ont été rappelées tout à l'heure dans la discussion du projet de
loi de règlement définitif du budget de 1997 par mon collègue M. Thierry
Foucaud. Je les souligne à nouveau.
La part des salaires dans la valeur ajoutée est tombée, en 1997, à moins de 60
%, niveau jamais atteint depuis 1970, tandis que l'excédent brut d'exploitation
est aujourd'hui supérieur à 1 400 milliards de francs et que le niveau des
dividendes versés a dépassé pour la première fois 500 milliards de francs.
Nous sommes donc confrontés à un étrange paradoxe - peut-être est-ce le
paradoxe français ? - où les comptes publics, toujours en déficit et pour des
montants élevés, voisinent avec des comptes des entreprises privées
particulièrement florissants sans que cette situation se traduise d'ailleurs en
termes de création d'emplois et donc, en fin de compte, en amélioration des
comptes publics.
Il nous semble donc ici clairement illusoire de laisser penser que seule une
gestion judicieuse et rigoureuse des engagements budgétaires, c'est-à-dire
souvent une stagnation voire une réduction de la dépense publique, puisse
suffire à améliorer la situation des comptes publics, qui dépendent d'ailleurs
aujourd'hui de la qualité de la croissance en termes d'emplois et de salaires.
Augmenter les salaires, c'est accroître la consommation, les recettes par
l'impôt sur le revenu, la croissance et l'emploi. Monsieur le secrétaire
d'Etat, une croissance entre 2,7 % et 3 % ne se décrète pas. Elle se gagne et
vous le savez !
De fait, de notre point de vue, il y a une nouvelle interrogation : quelle
orientation doit-on effectivement faire prendre à la politique budgétaire de
l'Etat en matière tant de recettes que de dépenses publiques pour que l'action
publique conduise à améliorer la qualité de la croissance ?
Des clarifications s'imposent en matière de recettes et de dépenses.
De 1994 à 1998, les recettes ont augmenté de 15 %. A quoi ont-elles servi ? En
grande partie, elles ont servi à réduire les déficits. Les dépenses en matière
d'éducation, de logement, de santé sont toujours considérées comme des dépenses
passives, consommatrices de crédit. Ne devraient-elles pas enfin être reconnues
comme des dépenses actives car génératrices d'investissements, d'emplois et de
recettes ? La dépense ne doit pas être considérée comme renonçante, mais plutôt
comme conquérante. Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est une orientation
nouvelle que nous vous proposons.
Nous estimons donc que, tant du point de vue de la réforme fiscale que de la
réforme du financement de la protection sociale, la réflexion doit aller de
pair avec l'analyse de la portée de l'action publique quant au potentiel de
croissance et de création d'emploi.
On ne doit pas non plus perdre de vue l'accrochage de la politique budgétaire
de notre pays dans l'ensemble de la pratique des gouvernements de l'Union
européenne.
A ce propos, nous pensons que cet accrochage ne peut être conçu uniquement
comme une sorte de passage obligé ou apparaître comme un gage de bonne gestion.
Nous pensons en particulier que notre pays doit jouer un rôle déterminant dans
la définition d'un certain nombre de priorités.
J'en veux pour preuve le débat que nous avons eu récemment, et uniquement en
commission des finances - ce qui limite la portée de cet échange aux lecteurs
assidus du Bulletin des commissions du Sénat et illustre le caractère quelque
peu formaliste de l'article 88-4 de la Constitution - sur la taxation des
produits financiers dans les pays de l'Union européenne.
Certains des pays de l'Union européenne, dont les gouvernements sont pourtant
totalement ou partiellement classés « à gauche », continuent en effet de
s'interroger sur la validité d'une harmonisation en ces matières, alors même
qu'il s'avère indispensable de lutter à la fois contre une concurrence fiscale
en général préjudiciable à l'emploi et contre une assez évidente iniquité
fiscale qui pénalise le travail et favorise abusivement le capital.
De la même manière, la France doit, à notre sens, et au moment même où se
déroulent les négociations de Lomé-V, prendre l'initiative de mesures
pertinentes en matière de taxation des mouvements spéculatifs, mesures que des
millions de pétitionnaires ont d'ailleurs encore fait valoir en cette fin de
semaine.
La mise en oeuvre d'une nouvelle politique de développement économique et
social des pays du sud s'avère plus qu'indispensable, et elle doit faire partie
des visées de la démarche internationale de notre pays.
Le débat sur la place de notre pays dans le concert européen ne peut cependant
nous faire oublier les exigences du débat intérieur sur la réforme fiscale et
les politiques publiques.
En ces matières, nous avons goûté, ces dernières années, aux « joies » de la
rigueur, une rigueur qui ne nous a pas épargné les dérapages incontrôlés,
d'autant qu'elle n'a pas été équitablement partagée.
Il y a un lien entre situation des comptes publics et développement
économique, et il importe donc, de notre point de vue, que la mobilisation des
fonds publics serve effectivement à favoriser ce dernier.
Cela m'amène évidemment à dire que nous ne sommes pas totalement convaincus du
bien-fondé d'une orientation selon laquelle le redéploiement de crédits et la
recherche opiniâtre des économies de gestion seraient la condition nécessaire
et suffisante à une utilisation judicieuse de la ressource publique.
Les perspectives ouvertes en la matière sont assez claires : il s'agit en
particulier de limiter à 1 % en volume la progression des dépenses publiques
d'ici à 2002.
Notons ici que cette progression s'intègre dans un cadre où un certain nombre
de dépenses sont appelées à croître. On citera ainsi les incidences des accords
salariaux dans la fonction publique, les effets budgétaires des négociations
sur la réduction du temps de travail - même si les créations d'emplois
associées à cette réduction du temps de travail peuvent avoir en retour un
effet positif sur l'équilibre des dépenses publiques - ou encore la poursuite
de la mise en oeuvre de certaines dispositions, comme la loi de programmation
relative à la justice ou la loi d'orientation relative à la lutte contre les
exclusions, ce qui amène à constater qu'un certain nombre de dépenses peuvent
être réduites dans les prochaines années pour tenir le cadre, et ce dès la loi
de finances pour 2000.
Réduction des déficits ne signifie pas réduction de l'endettement. Le pacte de
stabilité est plus illusoire que jamais. Pour notre part, nous estimons qu'il
est illusoire de penser qu'une gestion plus serrée des effectifs n'est pas
nécessairement un gage d'efficacité dans l'action des services publics.
On sait que certains ministères risquent en effet d'être mis à contribution
pour « rendre » des postes à ceux qui seraient amenés à en créer.
Cela a cependant un certain nombre de défauts, notamment celui de mettre en
question le droit à la mobilité des agents du secteur public et l'indispensable
renouvellement des équipes et des cadres.
De surcroît, la question de la présence des services publics sur le terrain et
de l'efficacité de leur action se pose évidemment. Cette question est sensible,
notamment dans des domaines comme la sécurité publique, le fisc et le
recouvrement des impôts, l'encadrement scolaire et la formation.
Comme le secteur public doit encore gérer une forme de précarité, toujours
présente et qu'il convient de réduire et de faire disparaître, vous conviendrez
que nous n'adhérions pas tout à fait à l'orientation fixée.
La satisfaction du comptable devant la réduction du déficit public ne peut, ne
doit jamais, à notre sens, faire oublier l'approche du gestionnaire, attentif à
la satisfaction des besoins collectifs exprimés par le corps social.
Nous sommes partisans d'une politique de dépense publique ambitieuse,
productrice de croissance et d'emploi, répondant aux besoins de la population
et donc plus audacieuse que celle qui nous est aujourd'hui proposée.
Cette orientation vaut évidemment pour la dépense publique en faveur de
l'emploi, élément décisif de la politique d'intervention publique, dont la
croissance exponentielle ces dernières années constitue d'ailleurs, selon nous,
un paramètre correctif de la quotité du déficit public telle que nous la
connaissons aujourd'hui.
Cette politique pour l'emploi est, de manière fondamentale, consacrée à la
prise en charge des cotisations sociales normalement dues par les entreprises,
notamment dans le cadre de la ristourne dégressive sur les bas salaires ou
encore de celle qui est désormais induite par la mise en oeuvre des accords de
réduction du temps de travail.
Nous n'avons jamais été convaincus par la pertinence de ce choix, d'autant
que, je l'ai rappelé, la situation des entreprises dans notre pays ne
présentait pas la caractéristique d'être financièrement difficile.
On pourra, par exemple, toujours noter qu'en 1997 la croissance des dividendes
distribués par les entreprises privées a été supérieure, en valeur absolue, et
non pas seulement en valeur relative, à celle de la masse salariale, comme pour
souligner les réalités auxquelles nous sommes confrontés.
Une question fondamentale se pose à notre avis : celle de l'accès au crédit
des entreprises, singulièrement des plus petites.
Même si la baisse des taux d'intérêt et le désendettement ont réduit la part
du prélèvement sur la valeur ajoutée opéré par les établissements financiers,
il n'en demeure pas moins que ces taux demeurent largement supérieurs à la
croissance réelle et que nombre de petites entreprises continuent à souffrir de
cette situation.
Le moment est venu, de notre point de vue, de s'interroger sur l'opportunité
de matérialiser l'aide publique à l'emploi, sous la forme d'une stratégie de
bonification d'intérêts, dont les effets de levier sont, selon toute
vraisemblance, les éléments de mesure en notre possession le prouvent,
autrement plus productifs de développement économique et social et donc de
création d'emplois qu'une stratégie d'allégement des cotisations sociales qui
ne fait qu'accompagner un mouvement de fiscalisation de la protection sociale
et de déresponsabilisation des entreprises vis-à-vis de la collectivité, sans
retour véritable au bénéfice de celle-ci.
Nous avons adopté cette position lors du débat sur le financement de la
protection sociale pour l'année 1999, ou encore lors de la discussion du projet
de loi sur l'épargne et la sécurité financière, et nous estimons qu'elle a
toute son acuité, monsieur le secrétaire d'Etat, notamment au moment où se pose
la question de la modification structurelle du financement de la protection
sociale et de la nouvelle définition de la contribution effective des
entreprises à ce financement.
Persévérer dans la seule démarche de l'allégement des cotisations sociales
présente en effet le risque essentiel de favoriser une détérioration globale
des conditions de rémunération des salariés du secteur privé, faite de
non-reconnaissance des qualifications acquises et de précarité.
La même démarche critique vaut évidemment pour l'ensemble de la dépense
publique, qui est souvent, selon nous, assez abusivement globalisée.
Nous ne croyons pas, par exemple, au caractère excessif de la dépense publique
pour l'éducation, celle-ci demeurant un investissement de la collectivité
nationale sur la longue durée et au bénéfice de sa jeunesse.
Restreindre aujourd'hui la dépense publique pour l'éducation, c'est engendrer
demain de nouveaux coûts pour la collectivité en matière d'insertion, de
traitement social du chômage et c'est prolonger l'exclusion et la fracture
sociales.
Notre pays, en cette matière, a d'ores et déjà gaspillé trop de potentiels et
de capacités pour continuer dans la voie d'une conception malthusienne de son
système éducatif.
On en voit d'ailleurs les conséquences quand on constate la misère des
services d'intervention socio-éducative auprès de ceux de nos jeunes qui sont
sortis de la « normalité ».
Ce débat sur la dépense publique est un débat crucial, d'autant que notre pays
a, en matière d'intervention publique, une tradition qui lui est propre au
regard de ses partenaires de l'Union européenne, tradition qui nous met
notamment à l'abri du travail des enfants tel qu'il se pratique en
Grande-Bretagne ou en Espagne.
Il est évidemment inséparable du débat sur la réforme fiscale et, à ce propos,
vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, plusieurs écoles se côtoient.
Pour notre part, nous estimons que ce débat n'est pas enfermé dans le cadre
étroit du taux des prélèvements obligatoires qui devrait baisser de manière
régulière et inexorable pour se voir décerner un label de bonne gestion.
Il doit se mesurer autour de deux axes essentiels : d'une part, la part
relative des impôts et taxes dans l'alimentation des comptes publics, et
notamment la qualité redistributrice de ces impôts et taxes ; d'autre part, la
pertinence et l'efficacité des prélèvements en termes d'emploi et de
croissance.
Nous pensons donc, en particulier, que la réforme fiscale doit recouvrer
clairement une volonté de réduction des droits indirects, à commencer par la
taxe sur la valeur ajoutée, et une amélioration du rendement des impôts
directs, fondée notamment sur une assiette plus large de l'impôt progressif.
Je veux le souligner ici à nouveau, il ne nous paraît pas satisfaisant que
l'assiette de la contribution sociale généralisée ait été largement étendue et
que ce principe n'ait pas été mis en pratique pour l'impôt progressif.
C'est pourtant important au moment où l'on indique vouloir réduire les
prélèvements pesant sur le travail.
S'agissant de la réforme de la fiscalité, nous serons donc particulièrement
attentifs aux mesures inscrites par le texte de la loi de finances initiale
pour 2000 et je me dois de vous dire que nous ne nous contenterons pas
uniquement de mesures de caractère symbolique ou à effet d'affichage.
Il convient, à notre sens, de faire en sorte que cette dernière loi de
finances du siècle soit une nouvelle étape dans la mise en oeuvre de
changements structurels profonds et justes au bénéfice des Français et du
pays.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les observations que je voulais
présenter dans ce débat d'orientation budgétaire.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, aujourd'hui se présente à nous cet exercice annuel
essentiel qu'est le débat d'orientation budgétaire. Pour habituel qu'il soit
maintenant, ce débat n'en est pas pour autant inutile.
Il permet, à mon sens, de dresser tout d'abord un large bilan des choix
effectués et des résultats obtenus en matière économique sur l'année en
cours.
Je m'y attacherai de façon non exhaustive dans mon intervention, en soulignant
les quelques éléments qui m'apparaissent fondateurs dans l'orientation prise
dans ce domaine par les pouvoirs publics.
De plus, le débat d'orientation budgétaire est, peut-être plus que d'autres
encore, l'occasion d'un échange empreint d'émulation et d'enseignement des
lignes de partage idéologique - osons le mot, monsieur le rapporteur général -
qui traversent nos rangs. Dans le respect de l'identité politique de chacun, il
permet, dans notre assemblée, de débattre de nos différences.
Enfin, un tel débat a naturellement vocation à tracer les axes qui
détermineront les politiques budgétaire et fiscale de notre pays pour l'année à
venir.
L'expérience a montré que le Gouvernement ne restait pas sourd aux
sollicitations des parlementaires dans la préparation de son budget. Je suis
convaincu que, cette année encore, les débats, tant à l'Assemblée nationale
qu'au Sénat, permettront des apports pertinents propres à aider le Gouvernement
dans la lourde tâche qui lui incombe. Je ne doute pas, pour ma part, que vous
saurez retirer le meilleur de nos échanges pour le bien de la communauté
nationale.
Je rappelais, voilà quelques minutes, l'intérêt d'effectuer un bilan à
mi-parcours des conditions et des résultats économiques. Je souhaite, bien
au-delà d'une simple et stérile autosatisfaction, vous livrer les réflexions et
les leçons que nous dicte la situation économique de notre pays.
La croissance, tout d'abord, a retrouvé un rythme de progression satisfaisant
malgré le léger fléchissement qu'elle a subi au premier trimestre 1999 qui ne
saurait augurer un inversement de tendance en la matière.
Cependant, la croissance n'est rien sans la confiance. Vous n'êtes pas sans
savoir que l'investissement des entreprises, notamment des PME, est aujourd'hui
en hausse notable, comme celui des ménages. Cette tendance laisse penser qu'un
ressaut positif sera enregistré dès le prochain semestre.
La volonté du Gouvernement d'aller vers une meilleure et plus juste
redistribution des fruits de la croissance a conduit à un renforcement du
pouvoir d'achat des ménages. Alors que la hausse de ce pouvoir d'achat était
d'environ 1,4 % entre 1993 et 1995 et de 3 % entre 1995 et 1997, elle est
aujourd'hui de 5,2 %.
En ce qui concerne la dette et les déficits publics, les résultats sont tout
aussi encourageants. Ainsi, pour la première fois depuis vingt ans, le ratio
dette/PIB va décroître. De même, alors que les déficits publics atteignaient
près de 5,6 % en 1993 et restaient sur une pente entre 3,5 % et 3,7 % en 1997,
ils ont été ramenés en deçà de la barre des 3 % en 1998 pour atteindre en 1999
un niveau encore inférieur à l'objectif initial de 2,3 %.
Les prélèvements obligatoires avaient progressé par rapport au PIB de 0,6 %,
voire de 1,2 % entre 1993 et 1996. Depuis 1997, leur niveau a été stabilisé. De
ce point de vue-là encore, les mesures ont été engagées pour que les objectifs
d'une nécessaire redistribution soient respectés.
Mais c'est surtout dans le domaine de l'emploi que doit se situer notre plus
grande ambition. La bataille est loin d'être gagnée, mais les résultats
enregistrés n'en sont pas moins satisfaisants. En juin 1997, la France comptait
un taux de chômage de 12,6 % par rapport à sa population active. Ce taux a été
ramené à 11,4 % en avril dernier alors que, dans le même temps, la population
active croissait fortement. Au total, ce sont près de 480 000 emplois qui ont
été créés entre 1997 et 1998.
Ainsi, l'économie française a, de ce point de vue encore, largement rattrapé
son retard et peut-être même pris quelques longueurs d'avance sur ses
principaux partenaires européens : l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni.
Pour ce faire - et en cela j'en reviens à la notion de confiance - nous avons
bénéficié d'un apport important dû à une relance de la demande intérieure.
Il est aujourd'hui indéniable que la décrue du chômage en France est presque
ininterrompue depuis juin 1997. Jusqu'à présent, les jeunes ont largement
profité de cette embellie. Il nous faut continuer dans cette voie pour que
chacun retrouve sa juste place dans notre société.
Les objectifs budgétaires de notre pays, tels qu'ils sont énoncés dans le
programme pluriannuel transmis à la Commission européenne, doivent permettre de
progresser dans la voie d'une croissance maîtrisée des dépenses, d'une
réduction du poids de la dette, d'une diminution des prélèvements obligatoires
et d'une meilleure redistribution.
Ainsi quantifiés, les choix du Gouvernement me semblent raisonnables dans le
sens où ils n'empruntent ni le chemin timoré d'une gestion trop rigoureuse, ni
les sentiers hasardeux d'une dilapidation des produits de la croissance
retrouvée.
Le budget 2000 est en accord avec ces objectifs. S'il semble difficile de
prévoir précisément les marges de manoeuvre budgétaires qui dépendront du
niveau de croissance, dont on ne connaîtra valablement l'estimation qu'à la fin
du mois d'août, il est toutefois possible de poser quelques jalons.
Ainsi, nous nous félicitons du fait que le Gouvernement ait choisi, pour sa
politique budgétaire, de fixer un objectif de dépenses plutôt qu'un objectif de
déficit, et qu'une augmentation des dépenses soit prévue à hauteur de 0 % en
volume.
Au stade où nous sommes, il nous est possible de réfléchir aux outils nous
permettant de poursuivre une réforme fiscale équilibrée et respectueuse tout à
la fois des équilibres nationaux et des obligations de redistribution.
Je me permettrai tout d'abord d'énoncer quelques principes qui, s'ils
paraissent évidents, méritent toutefois d'être rappelés.
Premier principe : l'impôt n'est pas, par nature, un mauvais outil. Il sert à
financer l'offre de services publics et la redistribution des richesses
auxquelles les Français sont si attachés. La baisse de l'impôt ne peut donc se
faire sur la seule base de théories économiques ou de politiques dogmatiques ;
il faut garder à l'esprit les principes fondateurs du fonctionnement de notre
société.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vive l'impôt !
M. Bernard Angels.
C'est une différence qui existe entre nous et à laquelle je faisais allusion
en introduction.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Sûrement !
M. Bernard Angels.
Nous l'avons souvent dit, et je me permets de le rappeler, l'impôt est la
contrepartie des diverses prestations offertes par les pouvoirs publics. Dans
ce domaine, des efforts sont indéniablement à faire. Une société moderne et
responsable n'est pas nécessairement une société dans laquelle on paie peu
d'impôts ; c'est une société dans laquelle chaque citoyen a conscience que sa
contribution personnelle est utilisée de la façon la plus efficace pour
l'intérêt général.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Le rapport qualité-prix est
mauvais !
M. Bernard Angels.
C'est donc avant tout de l'amélioration de la dépense publique qu'il doit être
question.
Deuxième principe : l'outil fiscal n'est pas immuable. Si l'impôt n'est pas
contestable en son principe, il peut être contesté dans son application.
En cela, notre législation fiscale n'est pas exempte de défauts. Elle peut et
doit être réformée pour participer, de la manière la plus juste, à la
redistribution des richesses et au travail de relance de l'économie. Cependant,
gardons-nous d'engager des mesures radicales dans la précipitation. Réformer
n'est pas renverser et nous devons faire preuve - encore plus peut-être dans ce
domaine si sensible auprès de nos concitoyens - de responsabilité et de mesure
pour poursuivre l'effort de justice sociale en réformant, sans les
déséquilibrer, nos structures et nos pratiques.
Les principes fondateurs d'une réforme fiscale sont de deux ordres : « Comment
tenir compte des capacités contributives de chacun ? » ; « Comment intégrer
cette réforme dans une politique de relance sociale ou économique ? »
Dans ce cadre, il nous apparaît tout à fait positif que le Gouvernement ait
choisi d'accorder le bénéfice des prochaines réductions d'impôts aux ménages
plutôt qu'aux entreprises, et ce pour plusieurs raisons.
En revanche, il nous apparaît indispensable que ces avantages soient accordés
l'année prochaine, quelles que soient les hypothèses de croissance qu'arrêtera
le Gouvernement. Celles-ci doivent conditionner l'ampleur de ces mesures, mais
en aucun cas leur existence. Il y va de la cohésion sociale et du renforcement
de la demande intérieure.
Cette orientation en faveur des ménages doit être engagée.
Tout d'abord, vous conviendrez, mes chers collègues, que, dans le budget de
1999, des mesures avaient été prises en faveur des entreprises. Elles ont
permis, par des actions structurelles fortes, leur développement et elles sont
budgétées pour 2000. La réforme de la taxe professionnelle, la suppression de
la surtaxe sur l'impôt sur les sociétés sont autant d'engagements qui prouvent
l'attachement du Gouvernement et de la majorité au renforcement des capacités
de production des entreprises.
Il convient de noter par ailleurs qu'une baisse des cotisations patronales est
prévue dans le cadre de la mise en place des 35 heures. L'ensemble de ces
mesures me paraît déjà tout à fait ambitieux pour une seule et même année.
D'autre part, ainsi que vous l'avez sûrement déjà relevé, les mesures prises
en faveur des ménages ne sont pas sans effet sur les entreprises. Une relance
du pouvoir d'achat influence favorablement consommation et croissance, deux
variables dont l'évolution positive profite largement aux entreprises.
Enfin, il est important de donner des gages sérieux aux Français qui ont
participé avec courage et détermination à l'effort de relance. La baisse des
prélèvements obligatoires ne doit pas se limiter à un simple partage des
bénéfices de la croissance. Elle doit aussi et surtout être la marque d'une
confiance retrouvée, d'un climat apaisé et d'une plus grande justice sociale au
profit de nos concitoyens les plus en difficulté.
Après cette rapide définition des objectifs et de la méthode, il convient de
nous attarder aux choix qu'ils imposent.
Deux chantiers nous semblent prioritaires pour l'année à venir : la poursuite
de l'effort de simplification et la recherche d'une plus grande justice en
matière fiscale.
Une réforme fiscale ne doit pas se mesurer seulement à l'aune de son rendement
mais aussi, ainsi que je l'ai déjà énoncé, en tenant compte de sa perception
par le contribuable. En cela, un travail approfondi de simplification des
mesures déclaratives est nécessaire.
Il semble qu'une réflexion soit engagée par le Gouvernement dans ce sens dans
le domaine de la fiscalité de l'épargne. Trop de régimes dérogatoires
subsistent et une démarche dans la voie de l'unification ne peut être qu'une
initiative pleine de sens.
De même, la concertation menée par le Gouvernement concernant la « déclaration
expresse » de l'impôt sur le revenu me paraît tout à fait intéressante. Je ne
suis pas sûr que nous soyons déjà en mesure d'effectuer un prélèvement à la
source pour cet impôt mais, en tout état de cause, nous devons favoriser toutes
les initiatives en ce sens.
Ainsi, toute mesure visant à simplifier l'impôt des contribuables dont les
revenus sont déclarés par des tiers mérite d'être mise en oeuvre.
En ce qui concerne la simplification de l'impôt sur le revenu, vous me
permettrez, monsieur le ministre, d'évoquer ici une mesure qui, si elle est
ponctuelle, n'en est pas moins nécessaire compte tenu du mécontentement
manifesté sur le sujet voilà quelques mois. C'est, vous l'aurez compris, au
droit de bail que je fais ici référence.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Double imposition !
M. Bernard Angels.
Je ne reviendrai pas sur le débat de fond, d'autant que le sujet fait encore
l'objet, à l'heure actuelle, d'une réflexion au sein du Gouvernement.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
On l'avait mis en garde !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Oui, nous l'avions dit !
M. Bernard Angels.
Je profite simplement de l'occasion que m'offre votre présence en notre
assemblée, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, pour avancer
quelques éléments de réflexion sur cette question. Il nous paraît en effet
primordial qu'une rupture de bail donne lieu à un crédit d'impôt, et ce dans
tous les cas.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Heureuse conversion !
M. Bernard Angels.
Je souhaite que la concertation engagée dans ce sens aboutisse à la définition
de modalités administratives appropriées à un traitement rapide de ce
dossier.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il aurait suffi de nous écouter !
M. Bernard Angels.
Par exemple, pourquoi ne pas imaginer, dès aujourd'hui, un remboursement étalé
sur une période de cinq ans ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pourquoi pas ?
M. Bernard Angels.
Je soumets cette proposition à votre réflexion.
Dans le même ordre d'idée, je désirais vous interroger, monsieur le ministre,
sur l'extension du régime du microfoncier ; j'ai cru comprendre qu'elle faisait
l'objet d'une réflexion au sein de votre ministère.
Le deuxième chantier auquel nous devons porter la plus grande attention, c'est
celui de la recherche d'une plus grande justice fiscale.
Des impôts plus justes, ce sont non pas forcément des impôts moins élevés mais
souvent des impôts mieux répartis.
De ce point de vue, je reste sceptique quant aux retombées économiques du
dispositif dit de la loi Pons, dont la refonte me semble piétiner à l'heure
actuelle. Je suis toujours fermement persuadé que les départements et les
territoires d'outre-mer auraient tout à gagner d'un dispositif de même ampleur,
mais n'entraînant pas pour autant les effets d'aubaine qui sont constatés
aujourd'hui et dont les bénéficiaires ne sont que rarememt les contribuables
qui devraient en profiter au premier chef.
D'une manière plus générale, il convient, à mon sens, de s'interroger sur la
pertinence du maintien d'un certain nombre de niches fiscales qui perdurent
dans l'impôt sur le revenu.
Certains évoquent la possibilité d'élargir l'assiette pour abaisser les taux
du barème. Cette piste n'est pas à écarter - je n'ai pas d'
a priori
-
mais elle ne doit pas masquer d'autres voies tout aussi intéressantes, telle
qu'une meilleure répartition des dépenses fiscales à masses constantes.
A ce propos, il pourrait s'avérer, à mon sens, tout à fait utile de réfléchir
à la transformation de certaines réductions d'impôt en crédits d'impôt. Cette
mesure, déjà appliquée pour les travaux dans l'immobilier, a montré toute sa
pertinence. Nous pourrions réfléchir à un élargissement de ce type de
dispositif à d'autres dépenses de nature plus sociale, comme les frais de garde
d'enfants.
Traditionnellement, nous avons toujours recommandé une diminution de la TVA
plutôt que de l'impôt sur le revenu. Ce postulat repose sur le triple constat
que les impôts indirects sont inéquitables car proportionnels et, de plus, trop
élevés en regard des impôts directs, eux-mêmes plus justes puisque
progressifs.
De plus, une baisse de l'impôt sur le revenu ne touche qu'environ un foyer
français sur deux.
Cependant, si l'on consent à rembourser aux contribuables non imposables un
montant susceptible de compenser le manque à gagner de l'avantage accordé aux
foyers imposables, l'allégement fiscal ainsi offert a le mérite de se trouver
plafonné quel que soit le revenu du contribuable et d'être accordé à tous.
Cette remarque m'offre une occasion d'évoquer la question d'un taux réduit de
TVA sur les travaux immobiliers.
Sans préjuger les discussions qui se déroulent au niveau européen, je voudrais
rappeler que, si les hausses de TVA sont toujours répercutées à plein sur le
consommateur, les baisses le sont de manière parfois plus variable.
Il ne faut donc pas, à mon avis, s'interdire de réfléchir à des mesures
intéressant directement le consommateur. Le crédit d'impôt se révèle être à
cette fin une solution tout à fait intéressante en matière d'imposition sur le
revenu.
Avant de conclure, je souhairerais évoquer deux sujets qui, à mon sens, seront
au centre des préoccupations dans les années à venir et sur lesquels il
convient de réfléchir dès à présent.
La première de ces préoccupations concerne la protection de l'environnement et
du cadre de vie.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
L'écotaxe !
M. Bernard Angels.
Dans ce cadre, il me semble essentiel que l'« écotaxe », effectivement,
construite sur l'idée du pollueur payeur, soit rapidement mise en place.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Un impôt nouveau !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Encore un impôt !
M. Bernard Angels.
Je souhaiterais que, sur ce dossier, notre réflexion soit la plus large
possible. Il s'agit non plus seulement de trouver les moyens de financer telle
charge nouvelle mais aussi d'établir un système suffisamment dissuasif pour
freiner des comportements dangereux pour la collectivité. Cette position
s'impose à l'ensemble des pollutions et implique ainsi, par exemple, que des
dispositions concernant la sécurité alimentaire soient également
développées.
Enfin, il me serait impossible de clore cette intervention sans aborder, même
rapidement, le volet européen.
Nous nous devons d'être réellement volontaristes en matière fiscale. Je ne
citerai que trois dossiers que nous devrons voir aboutir le plus rapidement
possible.
En premier lieu, il est nécessaire de tout faire pour voir adopter la
directive sur l'épargne récemment reportée, à mon grand regret. Nous restons,
en outre, persuadés que l'adoption de la règle de la majorité qualifiée
constituerait, dans le cas où une telle harmonisation ne pourrait voir le jour,
une réponse institutionnelle propre à favoriser sa mise en place.
En second lieu, il est important que s'engage au sein de l'Union un large
débat sur la taxation de l'épargne financière à caractère spéculatif. Largement
débattu dans notre pays, ce dossier doit rapidement trouver une réponse à
l'échelle européenne.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela ne suffira pas !
M. Bernard Angels.
Une telle réflexion, pour être équilibrée, doit s'appuyer sur des modalités de
taxation « à la sortie » au niveau des plus-values constatées.
Enfin, la lutte contre le dumping fiscal européen me paraît devoir être
rapidement étudiée. Une telle démarche, largement sollicitée par les
entreprises, ne saurait, en effet, être repoussée sans risque à un calendrier
trop lointain.
Pour conclure, mes chers collègues, il me paraît nécessaire de décliner notre
réflexion à partir de trois principes.
L'esprit de responsabilité, tout d'abord, doit nous prémunir des excès et des
a priori
que nous sommes tous enclins parfois à faire primer sur
l'intérêt général pour parvenir à cerner les mesures les plus adaptées au bien
de la collectivité nationale.
Le respect des convictions et des valeurs - deuxième principe - offre les
conditions d'un échange toujours renouvelé. C'est sans exclusive et l'esprit
ouvert que nous parviendrons à créer une dynamique à la hauteur de l'attente
des Français.
L'ambition, enfin, d'offrir à nos concitoyens les conditions d'une plus grande
justice sociale doit nous pousser, en nous appuyant sur les résultats acquis et
le travail engagé depuis deux ans, à rechercher de nouvelles voies vers le
progrès social et la redistribution des richesses.
A tous ces niveaux, je ne doute pas que nous saurons, mes chers collègues,
prendre la mesure, dans nos débats, des enjeux qui s'offrent à notre pays, et
que le Gouvernement suivra, lui aussi, cette voie pour la définition du budget
de l'an 2000.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
L'ensemble des
orateurs qui se sont exprimés, en sus du président de la commission des
finances et du rapporteur général, représentant tous les groupes de la Haute
Assemblée, il m'a semblé possible de faire une première réponse aux orateurs
qui ont exposé leur position, pour ensuite, à la fin du débat, répondre aux
autres orateurs ; cette manière de procéder a déjà été utilisée dans le
passé.
Je répondrai pour ma part plus directement à M. le rapporteur général et à M.
le président de la commission des finances, réservant à M. Christian Sautter le
soin de répondre aux autres présidents de commission, ainsi qu'aux deux
orateurs des deux groupes dont aucun membre n'est président de commission.
Ce débat me semble bien engagé ; chacun ayant fait valoir ses positions en les
argumentant.
Evidemment, tout cela n'est pas exempt de piques d'un côté et d'autre, mais
c'est la tradition parlementaire, et personne ne saurait s'en plaindre.
Toutefois, au-delà des piques qu'ils lancent, nombreux sont ceux qui se sont
plu à reconnaître tel ou tel point avancé par le Gouvernement ; je veux les en
remercier.
Lorsque M. Marini donne acte au Gouvernement d'avoir une croissance plus forte
que les grands pays européens, il ne fait que constater une réalité. Il ne
pourrait donc pas prétendre le contraire. Cependant, la réalité a parfois été
contestée dans les hémicycles parlementaires. Chacun trouve donc un certain
plaisir à constater que cette réalité s'affirme avec tant de force qu'il n'est
pas possible de prétendre le contraire.
En revanche, je suis moins d'accord avec la thèse défendue par M. le
rapporteur général, selon laquelle la diminution du déficit - là aussi, il
serait difficile de prétendre le contraire - ne repose que sur la croissance,
alors que tel ne devrait pas être le cas. Je me suis exprimé sur ce point dans
mon intervention liminaire, me doutant avec une sagacité sans pareille que ce
point serait évoqué soit par M. le rapporteur général, soit par M. le président
de la commission des finances. Je n'ai pas été déçu. Je veux donc y revenir
brièvement.
Certes, le déficit diminue - et nous pouvons nous en réjouir - mais il y
aurait matière à critique si cette baisse ne reposait que sur la croissance.
Tous les calculs sur la réduction des déficits structurels montrent qu'il n'en
est rien. Certes, la définition de ces déficits prête à interprétation selon
les économistes. Des chiffres différents peuvent être obtenus. Le FMI, par
exemple, n'a pas exactement la même appréciation du déficit structurel que
l'OCDE ou la direction de la prévision en France.
Mais quelle que soit la définition retenue - j'évoquais tout à l'heure les
chiffres du FMI mais j'aurais pu prendre ceux de l'OCDE ; ils ne se situent pas
exactement au même niveau, mais la hiérarchie reste la même - chacune met
clairement en évidence le fait que nous avons un déficit structurel plus
important que les autres pays européens - c'est le produit de l'histoire, je ne
ferai pas de partage - mais que la réduction de ce déficit est aussi
aujourd'hui la plus forte.
Chacun devrait se réjouir qu'au-delà de la réduction du déficit qui découle de
la conjoncture, c'est-à-dire d'une phase de cycle dans laquelle la croissance
revient et où les recettes sont fortes, nous avons, hors effet de la
croissance, la plus importante réduction du déficit structurel des pays pris en
compte par le FMI. Celui-ci l'évalue à 0,5 % ; d'autres l'établissent à 0,4 %,
voire à 0,35 %. Dans tous les cas de figure, cette réalité n'est pas contestée
: le déficit structurel en France baisse de façon significative, et cette
diminution est sensiblement plus forte que la moyenne européenne.
Le deuxième point sur lequel je veux revenir concerne l'inflation et les
contrats de gestion. En effet, le Gouvernement a commis une erreur. Dans la loi
de finances de 1999, il a prévu un taux d'inflation qui s'est révélé trop
pessimiste. Ce taux semble aujourd'hui devoir être plus faible. Peut-être
remontera-t-il d'ici à la fin de l'année, auquel cas le Gouvernement finirait
par avoir raison.
A priori
, même si certains signes montrent une légère remontée du taux
d'inflation, nous en sommes à un taux de l'ordre de 0,4 %. Celui-ci atteindra
peut-être 0,5 % ou 0,6 % mais il sera sans doute moins élevé que celui que nous
avions prévu, M. Christian Sautter et moi-même, au mois d'août dernier.
Dans ces conditions, que convient-il de faire ? J'ai eu l'occasion de
m'exprimer à ce sujet à plusieurs reprises devant le Sénat et tout à l'heure
encore. La politique budgétaire que le Gouvernement veut mettre en oeuvre
repose sur le principe d'un objectif de croissance en volume intangible pour
1999 qui a été fixé à 1 %.
Dans ces conditions, il faut bien se mettre en situation de respecter
l'objectif en volume. Par conséquent, les crédits ayant été calculés par
rapport à un objectif en valeur surévalué, puisque l'inflation a été
a
priori
surévaluée, il faut mettre de côté, dans ces fameux contrats de
gestion passés avec les ministères, certaines sommes. Cette opération ne
constitue pas un gel au sens où il ne s'agit pas d'un dépassement de la dépense
budgétaire par rapport aux sommes qui ont été prévues et votées par les
assemblées. En effet, qu'est-ce que le gel des dépenses ? Lorsqu'on s'aperçoit
que les recettes ne sont pas au rendez-vous ou que les dépenses explosent et
qu'on veut respecter le déficit prévu, alors on gèle les dépenses avant de
procéder éventuellement à leur annulation. Or ce n'est pas cela qui est en
cause.
Le problème est de dépenser non pas les crédits que vous avez votés, mais des
crédits inférieurs à ceux que vous avez votés. Mais comme nul ne sait quel sera
le taux d'inflation à la fin de l'année, il ne faut pas non plus prendre
aujourd'hui des décisions qui seraient irréversibles, d'où une technique
nouvelle qui a été mise en place sous le nom de « contrats de gestion » et qui
consiste à voir, ministère par ministère, chapitre par chapitre, et parfois
même au sein des articles, les articles qui sont concernés par cette
surestimation du taux de l'inflation et ceux qui ne le sont pas.
Par exemple, dans certains ministères les crédits d'intervention ou de
fonctionnement sont importants. Or, ce sont des crédits surévalués puisque
l'estimation du taux de l'inflation a été surévaluée. Dans ces ministères-là,
il convient de procéder à une correction. Aussi, je répondrai à M. le
rapporteur général qui m'a demandé quels ministères étaient concernés que tous
le sont dans des proportions variables en fonction des postes sur lesquels
l'inflation joue.
Par conséquent, la surestimation du taux de l'inflation a conduit le
Parlement, qui a suivi la proposition du Gouvernement, à retenir des crédits
trop élevés. Je ne doute pas que les services du Sénat, si précis et si
efficaces traditionnellement, sauront reconstituer facilement les postes et les
lignes budgétaires concernés.
Mais si l'inflation remonte d'ici à la fin de l'année, ces sommes seront
restituées aux ministères pour que, en fin de compte, la dépense réelle ait bel
et bien augmenté de 1 %, comme le Gouvernement s'y est engagé.
Vous avez ensuite déclaré, monsieur le rapporteur général, que les
gouvernements précédents - sans doute pensiez-vous aux deux gouvernements
précédents - avaient eu bien du mal à réduire le déficit, et en ne touchant
nullement d'ailleurs au déficit structurel qui, lui, est resté en l'état, parce
qu'ils devaient faire face à une mauvaise conjoncture. Comme si l'on devait
considérer que la conjoncture est un élément totalement extérieur à la
politique du Gouvernement ! Si tel est le cas, il faut arrêter toute politique
économique. La mauvaise conjoncture était peut-être due à des événements
internationaux, mais aussi à la politique menée par le Gouvernement.
C'est si vrai que les résultats en matière de conjoncture en France ont été,
de 1993 à 1997, inférieurs à la moyenne européenne, ce qui prouve qu'il était
possible de faire mieux puisque les autres pays ont réussi avec une conjoncture
internationale qui était, pour eux, la même que pour nous.
Symétriquement, quand je me réfère, ce que vous faites sans doute comme moi,
aux débats qui se tiennent aujourd'hui au Parlement italien ou au Parlement
allemand, je constate que l'opposition dit au gouvernement de M. D'Alema, en
Italie, ou à celui de M. Schroder, en Allemagne : « Regardez les Français ; ne
nous dites pas que la conjoncture est mauvaise ; elle est la même pour tout le
monde. » Ce sont vos amis qui sont dans l'opposition dans ces pays.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce sont vos amis qui ne sont peut-être pas très bons
!
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Peut-être, mais
vous reconnaissez et je vous en remercie, monsieur le rapporteur général, que
les amis de nos amis, c'est-à-dire nous-mêmes, sont plutôt bons.
Vous avez ensuite abordé, monsieur le rapporteur général, le problème des
collectivités locales. Si le taux des prélèvements obligatoires par rapport au
PIB a été stabilisé, dites-vous - et, effectivement, il n'a pas baissé, j'y
reviendrai tout à l'heure - c'est grâce aux collectivités locales.
Mais, de manière habile, vous avez laissé entendre dans votre discours que
cette stabilisation était imputable aux décisions des collectivités locales.
Comme si celles-ci, prises d'une vertu subite, avaient décidé de faire baisser
la pression fiscale qu'elles contrôlent !
La réalité est bien évidemment complètement différente. C'est en effet grâce à
la baisse de la pression fiscale au titre des collectivités locales que le taux
de prélèvements obligatoires a été stabilisé. Mais cette diminution des
prélèvements est due non pas à l'initiative des collectivités locales mais à la
baisse des droits de mutation pour les régions. Si nous constatons, à la
concurrence de 0,2 point de PIB, une baisse de la pression fiscale des
collectivités locales, c'est donc bien grâce à l'initiative du Gouvernement,
même si elle est enregistrée au niveau de ces dernières.
Il ne faudrait donc pas retirer à César ce qui lui appartient, et en
l'occurrence au Gouvernement, ce qu'il a mis en oeuvre, à savoir la
stabilisation des prélèvements obligatoires. Celle-ci peut être considérée
comme un objectif encore insuffisant ; mais elle est préférable à la hausse.
Elle est bien le fruit de la politique qui a été mise en place par le
Gouvernement et par sa majorité même si elle s'inscrit dans les comptes des
collectivités locales.
Cette stabilisation est-elle une bonne chose ? Personne ne peut être opposé à
une baisse ; nous le disons d'ailleurs tous, jour après jour. L'objectif est
bien d'arriver à une baisse du taux des prélèvements obligatoires. Mais
reconnaissez quand même - vous êtes beau joueur ; vous allez en convenir -, que
la stabilité des prélèvements obligatoires est préférable à une hausse de
ceux-ci.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est moins bien qu'une
baisse.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La baisse, c'est mieux que la stabilité.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
C'est moins bien
que la baisse. Voilà, nous parvenons à tomber d'accord sur un point. Nous
allons mettre 20 sur 20 au gouvernement qui procède à une baisse des
prélèvements obligatoires, 10 sur 20 à celui qui les stabilise et un zéro
pointé à celui qui les augmente. Voilà une proposition honnête.
Reportons-nous aux années passées. Le Gouvernement en place qui, depuis deux
ans, stabilise ces prélèvements n'obtiendra que 10, soit juste la moyenne, je
suis d'accord avec vous. Je constate toutefois aussi que les deux gouvernements
précédents ont été à l'origine d'une hausse des prélèvements obligatoires de
0,5 point par an, soit 2 points en quatre ans. C'est bien vous qui avez décerné
les zéros pointés.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Que s'est-il passé avant ces
deux gouvernements ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Les prélèvements
obligatoires étaient restés stables. Ils avaient même légèrement baissé quand
M. Bérégovoy occupait les fonctions que j'ai l'honneur d'assumer
aujourd'hui.
Vous avez jugé bon - chacun le sait ; c'est un secret de polichinelle -
d'augmenter la TVA pour mettre en oeuvre deux réformes. La première était celle
de la baisse de l'impôt sur le revenu, qui a été amorcée. Mais l'augmentation
de la TVA pour baisser l'impôt sur le revenu n'a
a priori
pas d'effet
sur les prélèvements obligatoires. La seconde réforme était la baisse des
charges, à savoir la fameuse ristourne Juppé. On peut en penser ce qu'on veut.
Mais, là aussi, l'augmentation de la TVA pour baisser les charges ne devrait
pas avoir d'effet sur les prélèvements obligatoires. Cette opération est
neutre. Si les prélèvements obligatoires ont augmenté de deux points pendant
cette période, c'est bien parce qu'il s'est passé autre chose.
Lorsqu'on dit que le gouvernement en place de 1993 à 1997 a augmenté, par la
hausse de la TVA, les prélèvements obligatoires. On vous fait, en fait, un
cadeau. En effet, il a augmenté les prélèvements obligatoires, mais cela ne
provenait même pas de la hausse de la TVA puisqu'elle a été utilisée pour
baisser d'autres impôts. Par conséquent, vous avez augmenté deux fois les
prélèvements obligatoires pendant cette période. En effet, quand on regarde la
courbe - vous la connaissez comme moi car elle figure dans tous les ouvrages -
on s'aperçoit que les prélèvements obligatoires ont augmenté, de 1993 à 1997,
d'une manière que la France a peu connue.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La dynamique des recettes n'était pas la même.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Eh oui ! parce
que la croissance n'était pas au rendez-vous et que la politique économique
n'était pas adaptée. On en revient toujours à la même chose.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous êtes trop manichéen.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Toujours est-il
que nous avons stabilisé les prélèvements obligatoires. Ce n'est certes pas
suffisant, et j'admets tout à fait votre critique.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Tout allait bien en 1992 ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Non ! tout
n'allait pas bien en 1992. La preuve en est que les Français, en 1993, ont
souhaité changer de gouvernement. Mais tout allait encore moins bien en 1997
puiqu'ils ont de nouveau voulu changer de gouvernement.
En tout cas, je constate, pour ma part, que les prélèvements obligatoires sont
stabilisés depuis deux ans. M. Christian Sautter et moi-même avions déclaré
qu'ils allaient baisser. Pourquoi n'ont-ils pas diminué ? Voilà une question
qui mérite d'être éclaircie.
Le taux des prélèvements obligatoires, chacun le sait, est le rapport entre
les prélèvements et le PIB. Les prélèvements ont-ils été supérieurs aux
prévisions ? Cela permettrait d'expliquer qu'ils n'aient pas baissé et qu'ils
soient restés stables. Non, ils ont été, presque au milliard près, équivalant à
ceux qui étaient prévus.
Que s'est-il passé ? Le PIB a été plus faible que prévu. C'était une surprise
puisque nous avions une croissance supérieure à nos prévisions. Certes, mais le
PIB qui intervient dans le calcul de ce ratio est le PIB en valeur, inflation y
compris. Or, l'inflation a été beaucoup plus faible que prévu. Le PIB a donc,
lui aussi, été plus faible que prévu, même si, en volume, il avait plus
augmenté qu'on ne l'espérait.
En conséquence, le ratio, par un effet purement arithmétique dû à une
inflation qui - et c'est fort heureux - a pratiquement disparu, fait apparaître
non pas une baisse, mais une stagnation du taux des prélèvements obligatoires.
Tout cela est dû en grande partie à un effet comptable.
Si nous avions eu - certes, me direz-vous avec des « si » on ferait beaucoup
de choses - l'inflation qui avait été prévue, ce qui aurait été moins bien - il
est préférable d'avoir moins d'inflation - nous aurions alors eu une baisse des
prélèvements obligatoires, selon les taux qui étaient prévus. Dans la réalité,
cela ne change rien. Le Sénat doit être correctement informé sur ce point.
Si le taux est resté stable au lieu de baisser comme prévu, c'est parce que
l'inflation n'est pas au rendez-vous. A quelque chose, malheur est bon, car une
inflation réduite entraîne plus de pouvoir d'achat et sans doute plus de
croissance et d'emplois.
J'en viens d'un mot à l'écotaxe et à la cotisation sociale sur les bénéfices
qui sera mise en place.
Il s'agit de nouveau d'une mesure dont la logique, même si la mise en oeuvre
et l'objectif ne sont pas les mêmes que ceux de M. Juppé, est de changer un
prélèvement par un autre, d'opérer un prélèvement pour procéder à un
allégement. Cela ne modifie en rien les prélèvements obligatoires, mais le
gouvernement de M. Juppé estimait, à l'époque, que ce serait bon pour
l'économie. Je pense que M. Juppé s'est trompé car prélever de la TVA pour
alléger les charges a, certes, allégé ces dernières mais a aussi tué la
croissance.
Nous opérons différemment. Nous voulons aussi alléger les charges sur le
travail non qualifié, mais nous le finançons d'une autre manière. L'opération
est globalement neutre. Nous prenons de l'argent d'un côté pour le redonner aux
entreprises de l'autre, mais cela ne devrait pas nuire à la croissance. Cette
écotaxe qui, par ailleurs, est souhaitable, est en train d'être décidée à
l'échelon européen. De toute façon, elle existera ; par conséquent autant
l'utiliser pour l'emploi.
Quant à la cotisation sociale, très modique, sur les bénéfices il a été
démontré, en effet, au cours de l'année 1998 par exemple, qu'elle ne nuisait
pas à la croissance. En effet, chacun devra se souvenir longtemps que la
surtaxe de 15 %, mise en place en 1997 par le Gouvernement pour satisfaire aux
contraintes de l'entrée dans l'euro, n'a visiblement pas nui à la croissance
1998 qui se révèle être la meilleure de la décennie et supérieure à ce que le
Gouvernement avait prévu.
Dans ces conditions, nous voyons que si l'on doit trouver une ressource pour
alléger un autre impôt ou une autre charge, en l'occurrence les charges
sociales, c'est là un bon moyen, car cela ne nuit pas à la croissance. Nous
continuons donc à le mettre en oeuvre. Il n'en demeure pas moins que la surtaxe
de 1997 était temporaire et qu'elle disparaît en tant que surtaxe, ce qui, soit
dit en passant, n'a pas été le cas de la surtaxe créée précédemment par M.
Juppé. Elle disparaît, le Gouvernement tient donc sa parole.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Elle réapparaît aussitôt !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Elle disparaît
pour 10 % ; elle va réapparaître pour beaucoup moins, mais elle ne va pas
réapparaître sous forme d'une surtaxe IS, c'est un prélèvement pour financer
une baisse de charges ; c'est un problème indépendant du précédent.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce sont les mêmes qui paient !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
C'est d'ailleurs
tellement indépendant que l'expertise que vous avez, et qui est grande, sait
parfaitement que tous les organismes de comptabilité, d'audit internationaux
veillent très sérieusement au fait de savoir si un impôt est temporaire ou ne
l'est pas. En effet, s'il est temporaire, ils admettent que, dans les comptes
des entreprises qu'ils sont amenés à vérifier et à certifier, celui-ci ne soit
pas provisionné ; mais s'il n'est pas temporaire, alors il faut le
provisionner.
En l'occurrence, pour la surtaxe de 10 % qui restait en place depuis le MUFF
de 1997, ce sont plusieurs milliards de francs qui sont en cause pour
l'ensemble de l'économie française. Or l'ensemble de ces organismes a reconnu
que, en effet, la surtaxe était temporaire, qu'elle disparaissait, et ne fait
absolument pas l'assimilation, qui est un peu grossière, de dire qu'elle
disparaît d'un côté, mais que l'on organise quelque chose qui est aussi assis
sur les bénéfices par ailleurs. Ce sont deux choses totalement différentes, et
l'ensemble des comptables mondiaux l'a clairement reconnu.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ne faisons plus que des impôts temporaires !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
C'est une
solution, mais il faudra les supprimer régulièrement !
Monsieur le rapporteur général, je ne veux pas vous taquiner sur ce point,
mais vous nous avez dit que vous ne voyez pas les impôts qui baissent. Si vous
m'autorisez une petite facétie, je vous dirai que c'est la seconde fois que
vous ne les voyez pas car, déjà, vous ne les avez pas votés et donc vous ne les
avez pas vus quand on vous les a présentés. Vous avez voté contre et,
évidemment, cela ne vous a pas laissé le souvenir fort d'avoir fait quelque
chose pour faire baisser les impôts. Pourtant, c'est vrai de la taxe
professionnelle ; simplement vous n'avez pas voté la baisse de la taxe
professionnelle tel que le Gouvernement vous le proposait. C'est vrai aussi de
l'abattement de 10 % pour les retraités, abattement que nous avons rétabli,
mais que vous n'avez pas voté.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Si !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Non ! Vous avez
voté, me semble-t-il, contre le relèvement de l'abattement pour pensions,
puisque, globalement, vous avez voté contre le budget.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Il faut le dire comme cela !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le ministre,
ce sont des arguments de conseil municipal !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Il s'agit
peut-être d'arguments de conseil municipal, mais ce sont des arguments que les
Français entendent !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
C'est bien pour cela
qu'on les utilise en conseil municipal !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
D'ailleurs, je
comprends mal que, dans cette assemblée, on dénigre à ce point les conseils
municipaux, monsieur le sénateur !
(Sourires.)
Mais puisque vous avez,
comme moi, de l'affection et du respect pour les conseils municipaux, ayons le
même respect pour les arguments qui y sont échangés.
J'en viens au service de la dette.
Le service de la dette baisse en effet, et c'est heureux. Il baisse pour deux
raisons. Il baisse, parce que les taux d'intérêt baissent, et cela, encore une
fois, est le résultat d'une politique menée dans l'ensemble de l'Europe, et pas
seulement en France, qui fait que nous avons aujourd'hui, à l'exception du
Japon, les taux d'intérêt les plus bas du monde. Evidemment, cela fait baisser
le service de la dette. Mais ce n'est pas tombé du ciel. D'ailleurs, je ne
dirai pas que la baisse des taux est le produit exclusif de l'action de ce
gouvernement ; cela n'aurait pas de sens.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Elle a commencé en 1995 ! Il faut reconnaître les
faits !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
La baisse des
taux a en effet commencé plus tôt et les autres gouvernements européens y ont
aussi leur part. Reste que ce sont bien les politiques économiques qui font
baisser les taux, cela ne tombe pas du ciel. Mais, outre la baisse des taux, il
y a aussi la baisse du déficit. Pour le coup, la baisse du déficit que nous
enregistrons cumulée avec la baisse des taux fait baisser le service de la
dette. C'est d'ailleurs une des bonnes raisons pour lesquelles il faut
continuer à baisser notre déficit.
Comme les taux baissent, le service de la dette diminue. C'est un problème
indépendant ou différent du ratio dette/PIB dont nous avons déjà discuté. Il
est très heureux que le service de la dette baisse car cela permet de dégager
des marges de manoeuvre dans le budget. Tous ceux qui pensent que le budget
doit être utilisé de façon active, que c'est un instrument de la politique
économique, doivent se réjouir de ce que le service de la dette baisse. Seuls
ceux qui considèrent que le budget ne doit pas être utilisé et dont le
libéralisme voile les yeux au point qu'ils considèrent que l'Etat ne doit pas
intervenir à travers son budget peuvent se satisfaire d'un service de la dette
élevé.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Nous n'en sommes pas !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Donc, vous êtes
moins libéraux que vous prétendez l'être devant vos électeurs !
(Sourires
sur les travées socialistes.)
Vous avez fait, monsieur le rapporteur général, une longue liste des dépenses
en vous demandant comment on allait les financer. On aura l'occasion d'en
reparler au moment du budget. Je ferai juste deux remarques.
La première : vous avez raison, cette longue liste de dépenses existe. C'est
la politique du Gouvernement. Mais elle existait aussi l'année dernière, pour
des chiffres différents. Donc, cela montre la capacité de redéploiement qui est
mise en oeuvre, année après année, pour supprimer des dépenses que l'on
considère moins efficaces ou plus obsolètes puis pour financer des dépenses
nouvelles.
Je vois dans la longue liste que vous avez donnée la contrepartie ou le
symbole, la justification de l'effort de redéploiement très massif, de l'ordre
de 30 milliards de francs par an, que fait le Gouvernement et qui lui permet en
effet de financer ses priorités dans une enveloppe qui, globalement, n'augmente
pas ; elle a augmenté de 1 % pour 1999, elle n'augmentera pas en l'an 2000.
Seconde remarque : en écoutant M. le rapporteur général, je sentais une sorte
de démangeaison de sa part d'élaborer le budget à la place du Gouvernement. Il
s'interrogeait : j'ai telle dépense, comment vais-je faire pour la financer ?
Vous êtes le bienvenu, monsieur Marini. Mais avant, il faut gagner les
élections. Ensuite, la porte vous est ouverte.
Tout ce que nous disons les uns et les autres, sans animosité, je crois,
traduit en effet une différence de vision entre la majorité et l'opposition -
c'est bien normal - sur ce qui n'est évidemment pas le seul objet de la
politique gouvernementale mais qui est tout de même assez au coeur de toute
politique du Gouvernement, à savoir la préparation du budget. Nous voyons bien
là les lignes de clivage, que M. Christian Sautter a d'ailleurs rappelées à la
tribune tout à l'heure. En effet, nous croyons à l'efficacité de l'action
budgétaire. Toute dépense budgétaire n'est pas bonne évidemment, mais toute
suppression d'une dépense budgétaire n'est pas bonne non plus en elle-même. Le
problème, c'est de rendre l'utilisation de l'argent public la plus efficace
possible, et cela justifie que des redéploiements massifs soient faits, mais
cela ne justifie pas, par principe, que l'on dise qu'à partir du moment où on
diminue la dépense publique le pays se porte mieux.
M. Lambert a repris certains de ces points, je n'y reviens donc pas. Je
traiterai les points spécifiques qu'il a évoqués.
Le thème de la comptabilité patrimoniale est un sujet très important et très
intéressant. Pour le moment, à ma connaissance - peut-être est-ce une erreur de
ma part ? - seule la Nouvelle-Zélande dispose d'une comptabilité patrimoniale.
Cela signifie non pas qu'on ne doive pas la faire, mais que c'est une lourde
tâche qui a été entreprise par plusieurs gouvernements, qui se poursuit, qui ne
sera pas terminée avant assez longtemps et dont les chiffres seront contestés
eux-mêmes pendant assez longtemps avant de se stabiliser. Par conséquent, s'il
faut faire l'exercice, c'est très intéressant, on ne peut pas dire non plus
qu'on ne pourra rien savoir ou rien comprendre à ce qui se passe en l'absence
de cette comptabilité. Cela fait des décennies qu'on ne l'a pas et,
malheureusement, il faudra encore du temps avant qu'on ait une comptabilité
patrimoniale qui tienne un peu la route.
En revanche, monsieur Lambert, je ne suis pas d'accord avec vous - et c'est
une des difficultés de la comptabilité patrimoniale - lorsque vous dites,
reprenant en cela la Cour des comptes - sans critiquer les magistrats de la
Cour des comptes, je me permettrai d'être en désaccord avec eux - que, dans le
budget, la part d'investissement décroît et la part de fonctionnement augmente
; cela repose sur une vision antédiluvienne de ce que sont le fonctionnement et
l'investissement.
Cela fait trente ans que les économistes du capital humain mettent en avant le
fait, reconnu par tous, que la formation du capital humain est au moins aussi
importante comme investissement pour un pays que la formation du capital
physique. Dans ces conditions, qu'est-ce qui, dans les dépenses d'éducation,
dans les dépenses de santé, est, pour le pays, de la formation de capital ?
C'est très difficile à mesurer. Mais on ne peut pas dire que toute la dépense
d'éducation, pour un pays, est une dépense de fonctionnement et ne comprend en
rien de l'investissement ; cela n'aurait aucun sens.
C'est toute la difficulté, de ce fait, de construire une comptabilité
patrimoniale. Mais cette difficulté doit conduire à plus de réserve dans
l'appréciation de ce qui est investissement et de ce qui est fonctionnement.
Quand l'Etat achète des crayons-gommes, c'est clairement du fonctionnement.
Lorsqu'il dépense dans l'éducation et la formation pour le pays, c'est tout de
même clairement de l'investissement. Les concepts sont un peu plus sophistiqués
aujourd'hui qu'ils ne l'étaient dans le passé. On ne peut donc pas aussi
simplement que cela dire que ce qui est du titre V, c'est de l'investissement
et que ce qui relève du titre III, c'est du fonctionnement. La réalité
économique est tout de même un peu plus compliquée de nos jours.
Vous nous avez invités gentiment, monsieur le président Lambert, à nous
référer au chef du gouvernement anglais et au chef du gouvernement allemand.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je les ai cités !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Vous les avez
cités, mais en les saluant, pour avoir dit qu'il faut baisser les impôts. Nous
le disons aussi. Mais ils le disent différemment. J'ai vu comme une perversité
dans ce que vous avez dit. En effet, comme les dernières élections l'ont
montré, leur discours ne leur a pas porté chance, vous voulez simplement que
nous nous glissions sous les pieds la même peau de banane. Quitte à vous
décevoir, monsieur le président Lambert, nous ne suivrons pas cette voie le
Premier ministre a été clair sur ce point. Votre manoeuvre est éventée.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je constate qu'il y a plusieurs
socialismes en Europe !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Le socialisme,
vous le trouvez bon quand il est à l'extérieur et mauvais quand il est en
France, mais les Français sont d'un avis différent et je les en remercie.
Le Gouvernement, avez-vous dit - mais sans doute votre langue a-t-elle fourché
-, n'a pas la volonté de freiner la dépense.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Cette volonté n'est pas forte,
en tout cas !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Honnêtement, 0 %
de croissance en volume, c'est rarement arrivé dans le passé. Dans les années
quatre-ving dix, à mon avis, jamais, ou peut-être une fois, en 1997. C'était le
gouvernement précédent qui l'avait voté comme cela, c'est nous qui l'avons
exécuté : je partage les récompenses ! En 1998, 0 % de croissance en volume ;
en 1999, 1 % ; en 2000, de nouveau 0 % en volume. Dire qu'un Gouvernement qui,
sur trois budgets dont il est totalement responsable - 1998, 1999 et 2000 - a
deux années à 0 % en volume et une année à 1 % en volume, alors que dans les
années précédentes, quel que soit le Gouvernement, de gauche comme de droite,
la croissance en volume des dépenses a été de l'ordre de 1,5 % à 2 %, dire,
disais-je, que ce Gouvernement n'a aucune volonté de stabiliser les dépenses,
honnêtement, vous y allez fort.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Tous les discours ont porté sur
la réhabilitation de la dépense ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La bonne dépense !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
C'est là, je le
disais tout à l'heure d'un mot, que nous avons un point d'opposition. La
dépense peut être réhabilitée quand elle est efficace. Cela n'empêche pas de la
stabiliser en montant total et de la rendre plus efficace. C'est tout ce que
nous essayons de faire. J'ai le sentiment que l'appui que le budget du pays
apporte à la croissance ne doit pas être si mauvais, sinon nous n'aurions pas
les résultats de croissance que nous avons.
Je dirai d'ailleurs la même chose du système fiscal. Vous avez conclu par une
belle envolée, monsieur Lambert, en disant que le meilleur système fiscal est
celui qui privilégie l'emploi et que vous votez pour la fiscalité qui
privilégie l'emploi. Très bien ! La fiscalité que nous avons mise en oeuvre
depuis deux ans doit tout de même privilégier l'emploi, sinon on n'aurait pas
créé 400 000 emplois marchands en un an et demi jusqu'à la fin de 1998, sans
compter ceux qui ont été créés en 1999.
Par conséquent, quand on compare ces chiffres-là - je le disais tout à l'heure
dans mon intervention liminaire - aux 20 000 emplois nets qui ont été créés
pendant la législature précédente, c'est tout de même bien que, d'une manière
ou d'une autre, la fiscalité qui a été mise en oeuvre, notamment la baisse de
la taxe professionnelle, ne doit pas être trop défavorable à l'emploi, sinon
nous ne pourrions pas obtenir ces résultats. Je discerne donc en réalité dans
cette phrase une nouvelle fois votre soutien, que vous ne voulez pas avouer
mais que vous ressentez au fond de vous, à la politique du Gouvernement.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
S'il y avait moins de fiscalité, il y aurait plus
d'emplois !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
On ne sait pas,
monsieur le rapporteur général, si avec moins de fiscalité il y aurait encore
plus d'emplois, car on voit bien que le raisonnement butte au bout d'un certain
temps. S'il n'y avait plus de fiscalité du tout et plus d'Etat du tout, il est
probable qu'il n'y aurait plus d'emplois du tout.
M. Jacques Oudin.
Ce n'est pas évident !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
C'est à peu près
évident. Nous avons aujourd'hui un très bon exemple de gouvernement sans Etat
et sans fiscalité en Russie. Je ne pense pas que l'un d'entre vous propose de
mettre en oeuvre en France la politique telle qu'elle se pratique à Moscou.
Telle est pourtant bien la situation des Russes ! Même les auteurs, les
intervenants, les universitaires les plus libéraux - bien plus libéraux que
vous ne l'êtes vous tous ! - qui s'occupent aujourd'hui de la Russie n'ont
qu'un souci : veiller à ce que l'Etat soit capable de lever les impôts qu'il
doit lever, alors que pour des raisons diverses, notamment historiques, il
n'est pas capable de le faire.
On voit donc bien que le raisonnement a des limites et que, par conséquent, on
ne peut pas aussi simplement dire que moins il y a d'impôts, mieux on se
porte.
Pour autant, il y en a trop et nous les baissons. Je suis sûr que vous nous
aiderez à le faire en votant, dans le prochain projet de loi de finances, les
mesures fiscales que nous vous proposerons.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je ne souhaite pas polémiquer, car cet échange est
tout à fait spontané et convivial. Je voudrais simplement, pour la bonne
compréhension du débat, monsieur le ministre, préciser trois points.
Tout d'abord, le Sénat a voté la réforme de la taxe professionnelle. Ce qu'il
n'a pas adopté, ce sont les mesures d'accompagnement dont vous l'aviez assortie
et il a transformé le mode de compensation aux budgets locaux pour passer à un
système de dégrèvement pur et simple.
S'agissant du déficit structurel, n'entamons pas de querelle de chiffres. Je
reprends simplement les données de la direction de la prévision selon
lesquelles, de 1994 à 1997, la baisse du déficit structurel aurait été, en
moyenne, de 0,8 point de PIB par an. Ce n'était donc pas nul !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
C'est la baisse
du déficit total !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Depuis 1997, cette donnée s'établit à 0,2 point de
PIB par an, sous bénéfice de vérification. Mais nous pourrons confronter nos
chiffres le cas échéant, puisque nous avons la même source.
En ce qui concerne la baisse des prélèvements obligatoires des collectivités
territoriales, reprenons les chiffres, monsieur le ministre. En 1997, ces
prélèvements représentaient 7,2 % du PIB alors que, en 1998, ils
s'établissaient à 7 %. Ce passage de 7,2 % à 7 % s'est opéré - vous en
conviendrez avec moi - avant la baisse de la taxe professionnelle, qui
n'intervient qu'en 1999. Et en 1999, les prélèvements obligatoires des
collectivités territoriales devraient représenter 6,9 % du PIB. L'incidence de
la réforme de la taxe professionnelle est donc de 0,1 point sur 0,3 point de
baisse totale des prélèvements obligatoires des collectivités territoriales.
Vous avez donc raison de dire, monsieur le ministre, que cette réforme a une
incidence quant à cette baisse : mais elle n'en a une que pour un tiers ! Pour
les deux tiers restants, ce sont bien les décisions prises par les assemblées
locales qui jouent. Par conséquent, monsieur le ministre, sur ce point
particulier, si je reconnais tout à fait votre argument pour un tiers, je
souhaiterais que vous reconnaissiez le nôtre pour les deux tiers restants !
(Sourires.)
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Et les droits de
mutation ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
S'agissant des droits de mutation, l'incidence
n'intervient qu'en 1999 !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
et
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Non ! En 1998 !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je veux bien être bon prince en disant «
moitié-moitié » : les décisions spontanées des collectivités territoriales,
d'une part, les baisses engagées par le Gouvernement, d'autre part. Mais
admettez, monsieur le ministre, que la vertu globale des collectivités
territoriales rend service au Gouvernement !
M. le président.
Dans la suite du débat d'orientation budgétaire, la parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, d'ici à quelques semaines seront rendus publics les
derniers arbitrages budgétaires. Si certaines incertitudes internationales sont
fort heureusement dissipées - je pense bien sûr à la fin de la guerre du Kosovo
- il n'en reste pas moins que les perspectives de croissance pour l'an 2000
sont plus proches des 2 % que des 3 % annoncés. Comme l'ont noté très justement
M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général, il
semble bien que la marge de manoeuvre financière pour le prochain budget soit
plus réduite que prévue. L'embarras du Gouvernement concernant les éventuelles
baisses d'impôts l'atteste. La prudence semble avoir pris le pas sur une
euphorie un peu déplacée, alors que la France est l'un des pays européens les
moins bien placés en termes de dépenses publiques et de déficits.
Hormis les deux documents transmis par le ministère des finances à l'occasion
de ce débat, le rapport préliminaire de la Cour des comptes sur l'exécution de
la loi de finances de 1998 nous apporte des enseignements fort intéressants. A
cet égard, deux sujets me paraissent particulièrement préoccupants : il s'agit
de l'explosion de la dette publique et de la baisse des investissements
publics.
J'examinerai tout d'abord la situation de la dette de l'Etat : ainsi, en 1998,
malgré la baisse des taux d'intérêt, l'augmentation de la charge de la dette a
atteint 4,4 % contre 0,4 % en 1997. La dette brute s'est accrue de 320
milliards de francs environ par rapport à l'année précédente, soit une hausse
de 8,1 %. La France est le seul pays de l'Union européenne dont la dette
publique, en proportion du PIB, a continué à augmenter en 1998. Or la
conjoncture très favorable aurait dû être l'occasion de réduire la dette à
condition de diminuer de façon significative les dépenses publiques, ce qui n'a
pas été le cas malheureusement puisque ces dernières, en 1998, se sont accrues
en francs constants, comme le note très justement la Cour des comptes.
La dette accumulée depuis 1989 - 4 900 milliards de francs environ - devient
ainsi réellement insupportable. Elle atteint actuellement 200 000 francs par
actif en France. Cela signifie que, si cette dette est financée à 6 %, il
faudra, en 2001, pour payer les seuls intérêts de cette dette, prélever sur
chaque Français actif 12 000 francs chaque année, ou encore 1 000 francs par
mois.
Ce qui m'impressionne, dans le mauvais sens, c'est la manière dont
l'emprunteur, c'est-à-dire l'Etat, et donc le Gouvernement, traite cette dette
; cette dernière s'accroît d'année en année, et a augmenté de 8 % en francs
courants. Dieu merci ! il y a les critères de Maastricht. Nous atteignons
pratiquement 60 % du PIB en matière d'endettement. Il va donc bien falloir
changer de comportement. C'est la dernière année autorisant ce type
d'attitude.
En outre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut se
préparer à rembourser un jour ; or ce jour est proche. Les Français doivent
connaître la vérité. Si l'on appliquait à l'Etat les critères imposés par la
réglementation bancaire aux emprunteurs, l'Etat serait en cessation de
paiement, et ceux qui lui prêtent encore seraient poursuivis pour soutien
abusif.
Si l'on imaginait de rembourser ce qui est dû aujourd'hui sur quinze ans,
c'est plus de 300 milliards de francs par an en capital qu'il faudrait
rembourser. Ce chiffre est tellement important que l'on ose à peine
l'envisager. Pourtant, aucune autre issue n'est possible. Un jour, je le
répète, il faudra rembourser.
On ne peut pas raisonnablement espérer qu'une inflation plus importante
donnerait des moyens de rembourser en « monnaie de singe ». L'Etat n'a pas le
droit de traiter ainsi les épargnants qui lui ont fait confiance. Et, en tout
état de cause, la monnaie unique et la construction européenne rendent ce
comportement inconcevable pour les toutes prochaines années.
Il faut donc accepter de reconnaître que l'on s'est trompé, que la politique
suivie nous conduit droit dans le mur et qu'il faut en changer pour stabiliser
l'endettement, puis commencer progressivement le remboursement, tout en
amorçant le changement.
Nous sommes dans un débat d'orientation budgétaire. Eh bien, voici une
orientation qu'il faut prendre : nous décidons qu'au cours de l'année 2000 nous
cessons d'accroître l'endettement du pays pour stabiliser et pour réduire la
charge de notre dette ! Que voilà un objectif d'orientation budgétaire !
La Cour des comptes indiquait qu'il faudrait un déficit égal à moins 1,7 % du
PIB pour stabiliser et réduire la charge de notre dette. Nous n'en sommes
malheureusement pas là... Vous prévoyez, monsieur le ministre, 2,3 % de déficit
public en 1999. Le budget de l'Etat connaîtra
stricto sensu
un déficit
plus élevé, égal à 2,7 % du PIB. La présentation faite par M. Strauss-Kahn,
tout à l'heure, ne m'a pas convaincu. Je pense, pour ma part, que c'est une
espèce d'artifice de présentation que d'inclure l'excédent des collectivités
locales et, ce qui est sans doute très optimiste, celui des régimes sociaux.
C'est ainsi que vous atteignez ce chiffre prévisionnel de 2,3 %.
Ce qui est aussi critiquable dans le problème de la dette, c'est son
utilisation pour financer des dépenses de fonctionnement : cette année, près de
69 milliards de francs d'emprunts ont été ou seront contractés pour couvrir le
déficit de fonctionnement de l'Etat. Ce n'est pas orthodoxe.
Parallèlement - et ce sera le second point de mon intervention - les crédits
d'investissement de l'Etat sont en net retrait, d'année en année ; il est
dommage à ce propos que nous ne disposions pas, comme lors du débat
d'orientation budgétaire de 1996, de données comparatives sur l'évolution des
dépenses d'investissement et de fonctionnement.
Un constat s'impose néanmoins. Hors remboursement de la dette, les crédits
affectés à la fonction publique, qui ont progressé de 3 % par an en moyenne en
1997, en 1998 et en 1999 - c'est trop si l'on compare avec l'évolution des
salaires dans le secteur privé et que l'on intègre dans le raisonnement les
avantages autres du secteur public, notamment en matière de garanties d'emploi
et de retraite - représentent désormais 50 % du budget général.
C'est beaucoup trop, et il est clair que la croissance constante de ces
dépenses amène l'Etat à réduire son effort en matière d'investissement dans un
secteur comme l'équipement et les transports. Comparativement, en effet, dans
le budget de l'Etat, les dépenses civiles en capital ont baissé de 8,3 % en
1997 et de 2,1 % en 1998. On en voit, malheureusement, l'illustration dans le
retard pris dans la réalisation des investissements nécessaires, tels les
investissements routiers prévus dans les contrats de plan Etat-région. Je parle
ici également au nom de plusieurs de mes collègues directement concernés par ce
problème.
Phénomène général dans le secteur public, l'investissement se trouve plus ou
moins sacrifié par rapport aux dépenses de fonctionnement et de personnel. Il
s'agit là aussi, hélas ! d'une exception française, car la plupart des pays
européens ont réussi à réduire leurs dépenses publiques sans toucher aux
investissements publics.
Parallèlement, l'Etat laisse aux collectivités locales le soin d'essayer de
compenser la baisse de ses investissements puisqu'elles assurent, elles, plus
de 70 % de l'investissement public, soit 160 milliards de francs par an
environ. Notons par ailleurs que, depuis 25 ans, l'endettement des communes
représente toujours sensiblement 10 % du PIB tandis que celui de l'Etat est
passé de 20 % à 60 % pendant la même période !
Vous me répondrez sans doute, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'on doit
intégrer les investissements prévus dans les comptes spéciaux du Trésor.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Eh oui !
M. Marcel Deneux.
Chiche ! Mais soyons clairs : faut-il raisonner hors budget général, et le
niveau des dépenses publiques s'en trouve alors sensiblement accru - ainsi, en
1997, la croissance des dépenses serait non pas de 1 % mais de 4 % au total -
ou doit-on rester dans le cadre strict du budget général, comme c'est le cas
dans le rapport gouvernemental sur l'état des finances publiques que nous
venons de recevoir ?
Mais si l'Etat veut retrouver une véritable marge de manoeuvre financière, il
lui faut s'attaquer de façon draconienne au problème des dépenses de
fonctionnement : des économies sont possibles, comme l'ont démontré les
précédents gouvernements. Justifier le niveau élevé de la dépense publique en
France par la qualité de nos services publics n'est pas un argument suffisant.
Ne sont en cause, dans cette affaire, ni la qualité du service ni la compétence
et le niveau de formation de nos fonctionnaires, mais bien la productivité des
services publics qui n'est pas bonne. De façon plus générale, je crois, comme
M. Jean Arthuis, que le corollaire à toute politique de réduction du train de
vie de l'Etat doit être l'application de nouvelles méthodes de gestion,
calquées, dans la mesure du possible, sur celles qui sont appliquées dans le
secteur privé.
Si la présentation des comptes de l'Etat était différente de l'actuelle et se
rapprochait de la comptabilité des grandes collectivités publiques, avec une
distinction bien faite entre fonctionnement et investissement, si elle évoluait
progressivement vers une présentation proche du plan comptable des entreprises,
nous disposerions alors d'un instrument de gestion indispensable qui n'existe
pas aujourd'hui et qui vous manque, monsieur le secrétaire d'Etat.
La sphère publique, en France, a encore beaucoup à apprendre du monde de
l'entreprise, ainsi que des exemples étrangers. Certains de nos voisins
européens - je pense aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni - ont en effet montré
l'exemple en matière de rigueur budgétaire, ces dernières années.
A nous d'en tirer les conséquences, à nous de ne pas nous enfermer dans une
sorte de suffisance hexagonale et, au contraire, de nous enrichir, si je puis
dire, de l'expérience de nos partenaires européens.
En conclusion, je tiens d'ores et déjà à remercier M. le ministre pour sa
réponse, et M. le secrétaire d'Etat pour celle qu'il nous fera tout à l'heure,
ainsi que M. le rapporteur général et les présidents des commissions
permanentes pour leurs apports fort intéressants et constructifs à ce débat
d'orientation budgétaire. Au-delà de cette discussion fort utile, nous jugerons
le Gouvernement sur ses actes, sans
a priori
mais aussi sans
complaisance, en espérant qu'il tiendra compte de certaines de nos remarques
inspirées par le bon sens et le souci de l'intérêt général.
Dans une économie globalisée, la France n'a pas d'autre choix que de gérer
mieux, que de gérer en fonction de notre situation réelle déterminée après une
analyse objective, que de programmer la réduction des dépenses publiques et des
prélèvements obligatoires.
S'agissant plus particulièrement des impôts, il faut engager un plan de baisse
sur plusieurs années, visant les impôts auxquels les Français sont
particulièrement sensibles, comme la TVA ou l'impôt sur le revenu des personnes
physiques : je vous laisse le choix à cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat
!
En tout état de cause, voilà quelques propositions d'orientation budgétaire.
Je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'elles retiennent votre
attention.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le président de
la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers
collègues, j'interviens dans ce débat au nom du groupe des Républicains et
Indépendants et, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure par M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, notre groupe ne s'est
pas encore exprimé alors que ce débat est très largement engagé et que la
plupart des autres groupes ont pu le faire. Il vous reviendra donc, monsieur le
secrétaire d'Etat, de répondre à nos interrogations.
Cette année - comme l'année dernière, d'ailleurs - j'exprimerai au début de
mon propos ma déception sur la manière dont est organisé le débat d'orientation
budgétaire et sur le contenu du document déposé par le Gouvernement à cette
fin.
Je crains, monsieur le secrétaire d'Etat, que les débats sur les orientations
budgétaires ne se déroulent mieux devant les collectivités locales que devant
la représentation nationale. En effet, ce ne sont pas des options qui nous sont
présentées, ce n'est pas à un débat que nous sommes invités : nous sommes
confrontés à une pensée unique, à une vision unique de ce qui est la bonne et
la seule politique conçue par le Gouvernement. Ce n'est pas ainsi, à mon sens,
que l'on pourra organiser, année après année, un vrai débat sur l'évaluation
des options prises en matière de dépenses de fiscalité et d'équilibre
budgétaire.
Pour ma part, j'ai décidé de limiter aujourd'hui mon propos à la politique
fiscale et, quand je dis « fiscale », ce n'est pas au sens anglais du terme,
car la
fiscal policy
est l'exacte traduction de la politique
budgétaire.
La politique fiscale est importante. Or, trop souvent, lors du débat
d'orientation budgétaire, on nous demande d'attendre les vacances et, mieux
encore, la discussion du projet de loi de finances. Et, si l'on examine ce qui
concerne les impôts dans le document du Gouvernement, on ne trouve qu'une page
et demie, dont une annexe raccrochée sans doute en cours de route au corps du
texte.
Ainsi, la politique fiscale au sens précis du terme n'a pas sa place dans le
document qui nous a été remis, alors qu'elle est essentielle.
L'an dernier, on nous avait dit que l'on verrait bien pendant l'été...
Instruits par l'expérience, nous estimons, cette année encore plus que l'année
dernière, que notre interrogation sur la politique fiscale est légitime et
opportune !
Tout d'abord, du point de vue conjoncturel, le moment est venu - vous le dites
souvent, monsieur le secrétaire d'Etat, en citant
a contrario
l'exemple
de 1997 - de considérer qu'une politique fiscale peut être mise au service du
soutien de la conjoncture. Mais, sur ce point, il y a quand même encore
quelques incertitudes !
Ensuite, l'environnement européen évolue à très vive allure. Or la situation
fiscale est un élément essentiel de la compétitivité. Aujourd'hui, les
Britanniques, les Allemands et les Italiens font des réformes très audacieuses
en la matière. D'autres pays, tels le Luxembourg et les Pays-Bas, offrent une
situation fiscale extrêmement favorable aux investissements ou aux entreprises.
L'environnement européen, sur le plan fiscal, nous incite donc à porter une
attention toute particulière à la politique menée dans ce domaine.
Tout à l'heure, j'écoutais avec beaucoup d'attention M. Strauss-Kahn
s'exprimer sur la politique fiscale, ainsi que, avant, lui notre collègue
Bernard Angels. Selon eux, toute politique fiscale comporte trois objectifs :
le rendement, la redistribution sociale et le dynamisme économique pour
l'emploi et pour l'investissement. Mais ils oublient de dire que ces trois
objectifs sont très souvent contradictoires et que tout le subtil dosage d'une
politique fiscale consiste à mettre l'accent sur telle préoccupation plutôt que
sur telle autre ! Or, aujourd'hui, nous estimons que le moment est venu de
mettre l'accent plutôt sur le dynamisme économique, sur l'emploi, sur le
dynamisme des investissements dans les réformes fiscales qui doivent être
engagées et poursuivies.
La quatrième raison pour laquelle j'ai décidé aujourd'hui de ne parler que de
fiscalité est que nous sommes là au coeur de la démocratie parlementaire : le
Parlement a été institué pour voter les impôts. Dans ces conditions, on ne peut
pas nous demander d'attendre l'été, ou, encore mieux, la discussion du projet
de loi de finances, pour que nous soyons fixés sur les réformes fiscales.
A ce sujet, l'expérience de 1999 a été pour nous très frustrante. Le débat
d'orientation budgétaire ne contenait, à la limite, rien du tout en matière
fiscale : toutes les réformes ont été annoncées l'été dernier à la presse -
mais pas aux parlementaires - et nous n'avons connu le détail des mesures que
lorsqu'elles ont été inscrites dans le projet de loi de finances.
Nous apprenons aujourd'hui que le rendement fiscal a été, grâce à toutes ces
mesures, à toutes ces réformes, exceptionnel. Donc, très légitimement, nous
nous disons que le rôle du Parlement est très réduit en matière de fiscalité et
nous nous interrogeons sur ce qui va se passer réellement en l'an 2000.
J'en arrive à la dernière partie de mon intervention, pour éviter d'utiliser
la totalité du temps de parole qui a été attribué au groupe des Républicains et
Indépendants.
Nos constats relèvent de quatre ordres.
Premièrement, et malgré les explications de M. Strauss-Kahn, nous affirmons
qu'il n'y a pas de réduction réelle des prélèvements obligatoires.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Bien sûr !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
On peut tourner cela dans tous les sens, nous reconnaissons et admirons à ce
sujet la très grande habileté de M. le ministre, mais il y a en réalité une
stabilisation à un niveau qui reste excessivement élevé, de quatre points
supérieur à la moyenne européenne. L'effort de réduction des prélèvements
obligatoires - on ne peut pas sortir de cette réalité arithmétique et
mathématique ! - est reporté à 2001 ou à 2002, on ne sait pas trop : il n'y a
pas, dans le projet pour l'an 2000, de réelle réduction des prélèvements
obligatoires.
Deuxièmement, il y a encore des impôts nouveaux, on ne peut pas prétendre le
contraire. Au demeurant, j'ai cru comprendre, au cours des six derniers mois,
que Bercy n'était pas favorable à ces impôts nouveaux, mais qu'il a constaté
que, puisqu'il fallait financer des mesures d'allégement sur les bas salaires,
diminuer les cotisations sociales, financer les 35 heures, financer un certain
nombre de mesures, mieux valait accepter des propositions d'impôts nouveaux,
telles que l'écotaxe ou la contribution exceptionnelle sur les grosses
entreprises, celles dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions de
francs. Les Français peuvent-ils réellement penser qu'une entreprise qui
réalise plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires est une « grosse »
entreprise et doit payer une contribution ? Non ! Franchement, à regarder le
tissu économique français, on constate qu'une entreprise qui réalise 50
millions de francs de chiffre d'affaires n'est pas une grosse entreprise.
S'agissant de l'écotaxe et de cette contribution exceptionnelle, là aussi, on
constate l'imagination un peu diabolique - il faut le reconnaître - de
l'administration et du Gouvernement pour créer de nouveaux impôts. Cela étant,
nous avons échappé à pis ! En effet, certaines idées - Mme Beaudeau ne
rappelait-elle pas tout à l'heure certains projets ? - ont été, monsieur le
secrétaire d'Etat, sagement écartées. Il en est ainsi de la taxe sur les
mouvements, les transactions ou les spéculations mobilières : heureusement,
vous ne vous êtes pas lancés dans cette aventure. Mais le dispositif de
l'écotaxe vous réservera certainement de très grandes surprises ! Vous
constaterez, en effet, que vos efforts de simplification fiscale vont être très
contrecarrés par cette nouvelle taxe sur les consommations intermédiaires
d'énergie entre entreprises.
On va aussi parvenir à cette situation paradoxale aux termes de laquelle
certaines entreprises vont payer, à la fin de l'année 2000, un SMIC majoré,
davantage de congés pour leurs employés, et plus d'impôts pour financer ces
mesures. Ce sera véritablement une situation extraordinaire !
Notre conviction est totalement inverse : nous considérons que moins d'impôt
crée de l'emploi. Mais, M. le ministre le rappelait tout à l'heure, vous ne
partagez pas notre position. Je sais qu'un débat a lieu un débat parmi les
économistes, mais notre conviction et l'expérience de nombreux pays étrangers
le montrent, moins d'impôt crée de l'emploi.
Par ailleurs - et ce sera mon troisième constat - nous constatons une très
grande incertitude en matière de TVA. Je ne suis pas de ceux qui prônent une
baisse généralisée de la TVA. M. Strauss-Kahn nous attribuait d'ailleurs, tout
à l'heure, la paternité de son augmentation en nous disant que nous avions
maintenant beau jeu de proposer une baisse généralisée. Mais nous savons bien
qu'aujourd'hui, la TVA ayant un rendement de près de 700 millions de francs,
une telle baisse serait très difficile à mettre en oeuvre et compromettrait
l'équilibre du budget.
C'est la raison qui me conduit à me livrer à un plaidoyer pour des baisses
ciblées de TVA. Toutefois, là aussi, c'est le brouillard ! Tel jour, telle
semaine, c'est la restauration alimentaire ; la semaine suivante, c'est la
rénovation immobilière ; puis c'est le tour des aides aux personnes, ce qui est
d'ailleurs nettement moins coûteux et ce qui explique sans doute que vous ayez
une petite préférence pour ce dispositif dont l'effet économique, social et
fiscal sera d'ailleurs à la hauteur du faible rendement de cet impôt,
c'est-à-dire qu'il sera voisin de zéro.
Ce que je propose, c'est une expérimentation audacieuse. Ne renvoyez pas sur
l'Europe ce qui est de la responsabilité du Gouvernement ! En fonction de
l'article 28 de la directive de 1977, vous devez faire des propositions. Avec
M. le président de la commission des finances, je vous interroge : quel sera le
coût, quels seront les effets économiques de ces baisses ciblées de TVA ? Je ne
sais pas si M. Lambert a reçu une réponse...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Nous avons prévu une audition de
M. le ministre mardi prochain !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Nous aurons donc la réponse après le débat d'orientation budgétaire ! Cela me
confirme dans mon sentiment : il faut expérimenter de manière audacieuse, et
dans différents domaines techniques, des baisses ciblées de TVA.
Vous avez, monsieur le secrétaire d'Etat, une occasion unique d'expérimenter,
sur des secteurs à forte densité de main-d'oeuvre, de telles baisses, qui
auront - je vous le dis - un effet important sur l'activité des entreprises
concernées, que ce soit dans le secteur de la rénovation des immeubles ou dans
celui de la restauration alimentaire.
Nous vous incitons donc à une réforme audacieuse et réaliste en matière de
TVA. Afin d'obtenir une réponse de votre part, le groupe des Républicains et
Indépendants a d'ailleurs déposé une proposition de loi tendant à la réduction
ciblée de la TVA pour certaines catégories d'opérations.
Ma dernière observation - et, là aussi, j'exprime une certaine déception -
concerne le statut fiscal de l'entrepreneur dynamique. Je rejoins ici les
propos de notre collègue M. Trégouët. S'exprimant devant l'Assemblée générale
des
capital investors,
M. Strauss-Kahn a indiqué qu'il présenterait à la
représentation nationale une réforme audacieuse des entrepreneurs qui
investissent, prennent des risques et créent des emplois. Dans ce domaine comme
dans celui de la TVA, les intentions exprimées sont bonnes, mais nous attendons
maintenant les textes et leur mise en oeuvre, car il est indispensable
d'améliorer la situation de ceux qui investissent.
Trop d'impôt chasse l'entrepreneur. Moins d'impôt crée l'emploi. Telle est la
piste que nous traçons, telles sont nos convictions. Nous savons aussi que, de
manière réaliste, il faut prendre en compte le rendement et le coût de chacune
des mesures prises et de chacune des réformes fiscales envisagées.
Dans ces conditions, il est indispensable de définir les orientations réelles
de la politique fiscale et de fournir de plus grandes précisions au Parlement
lors de ces rendez-vous importants que sont le débat d'orientation budgétaire
et la discussion du projet de loi de finances. A défaut, c'est encore une
nouvelle fois cette année, au cours de l'été, en lisant les journaux, que nous
apprendrons quelle est la politique fiscale du Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous me permettrez d'abord de rappeler qu'il
existe au Sénat un groupe du Rassemblement démocratique et social européen, qui
n'a pas encore fait entendre sa voix puisque c'est M. Laffitte, tout à l'heure,
et moi-même, maintenant, qui devons nous exprimer en son nom.
Comme M. Lachenaud, j'espère donc que vous direz à M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie qu'il ne peut réduire le Sénat à
deux ou trois groupes.
Revenant au débat d'orientation budgétaire proprement dit, je veux, à mon
tour, exprimer un certain nombre de critiques, de réserves et de souhaits
relatifs à la politique économique et fiscale menée par le Gouvernement.
Concernant la conjoncture, un certain nombre d'indicateurs n'ont pas été
évoqués qui laissent présager - peut-être me direz-vous l'inverse, tout à
l'heure ! - un avenir moins radieux que celui qu'on a laissé entrevoir.
En premier lieu, l'activité industrielle a été sérieusement ralentie depuis
1998 du fait de la dégradation de l'environnement international. La crise
financière asiatique et la stagnation du commerce mondial n'ont pas encore
permis une reprise durable de l'investissement productif. La dégradation des
conditions monétaires, associée à l'appréciation des monnaies européennes, a
pesé sur l'activité industrielle de l'ensemble de la zone euro dès l'été
1998.
La demande des entreprises a également pâti d'une dégradation des
anticipations des industriels en réaction au choc externe. La confiance des
industriels s'est, semble-t-il, dégradée, alors que la demande des ménages se
raffermissait.
En second lieu, le rythme actuel de réduction des déficits reste insuffisant
pour stabiliser la part de la dette publique dans le PIB. M. le ministre et M.
le rapporteur général y ont fait allusion très largement je n'y reviens pas.
En revanche, je souhaite revenir quelque instants, car nous n'avons pas eu de
réponse, sur le problème de la prise en charge de certaines mesures
gouvernementales qui risquent de coûter beaucoup plus cher que prévu.
Il a été très souvent fait allusion, ce soir, aux emplois-jeunes.
Envisagez-vous d'inscrire dans le projet de budget pour 2000 des sommes
équivalentes ou peut-être supérieures à celles qui figuraient dans le budget de
1999 ? Envisagez-vous d'étendre les emplois-jeunes au secteur privé, comme vous
l'aviez initialement prévu ? Dans l'affirmative, en sera-t-il tenu compte dans
le budget ?
Il a également été demandé à plusieurs reprises, notamment par M. le président
de la commission des finances, si vous envisagiez d'étendre le système des 35
heures à la fonction publique, ce qui se traduirait nécessairement par un coût
supplémentaire pour l'an 2000.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'avenir nous dira si la création de nouveaux
emplois publics et la diminution des gains de productivité imposée aux
entreprises avec les 35 heures pourront faire fléchir la courbe toujours
ascendante des dépenses de l'Etat. Partagez-vous mon inquiétude à cet égard
?
Enfin, en dépit de quelques signes de reprise de l'emploi, le taux de chômage
français - à mon avis, cela n'a pas été suffisamment évoqué ce soir -, en
particulier du chômage de longue durée, est supérieur à celui que l'on constate
chez nos voisins européens.
Je suis de ceux qui pensent que les signes d'embellie sur l'emploi
actuellement constatés en France sont très artificiels. Sur le plan européen,
ils ne nous semblent pas placer la France dans une situation plus favorable que
d'autres.
Les rigidités structurelles, le poids excessif de la fonction publique et des
prélèvements obligatoires nuisent, de mon point de vue, à une véritable reprise
de l'emploi correspondant à celle de la croissance.
Jusqu'à présent, le Gouvernement n'a pas su encourager, par des mesures
concrètes, à la fois l'investissement durable et le partage du profit. Le
dynamisme temporaire de la demande intérieure ne peut, à lui seul, constituer
le moteur de la croissance ; il doit impérativement être accompagné de mesures
fiscales.
S'agissant de la politique fiscale, déjà largement évoquée ce soir, je ne
peux, comme mon collègue Jean-Philippe Lachenaud, vous suivre lorsque vous
dites que les prélèvements obligatoires auraient légèrement baissé ou, tout au
moins, se seraient stabilisés. La diminution ou la stabilité s'expliquent par
des artifices comptables, les allégements de charges patronales compensées par
l'Etat étant désormais considérés comme un transfert entre administrations, ce
qui décompterait plus de 40 milliards de francs des cotisations sociales.
J'aimerais avoir votre sentiment sur ce point, monsieur le secrétaire
d'Etat.
Le poids de l'impôt sur le revenu est tel, aujourd'hui, qu'il réduit
considérablement les capacités financières des familles et freine
ostensiblement leur propension à consommer.
La pression fiscale sur les entreprises, malgré les réformes annoncées en
début d'année, demeure trop souvent confiscatoire et ralentit l'investissement
dans des domaines aussi porteurs que ceux des nouvelles technologies et des
prestations de services.
La fuite des cerveaux français à l'étranger, souvent d'ailleurs dans des pays
anglo-saxons à dominante sociale-démocrate, où la fiscalité et la souplesse des
structures sociales favorisent l'investissement, en est un exemple concret.
Nos concitoyens attendent une baisse globale et significative du total des
prélèvements fiscaux. En période de croissance, vous le dites constamment, ils
ne peuvent accepter d'être surtaxés alors que la conjoncture s'améliore.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, nous souhaitons que de grandes
réformes fiscales soient mises en place. Elles semblent inéluctables si l'on
veut maintenir en équilibre un tissu économique et social toujours fragile.
M. le ministre de l'économie et des finances a fait allusion, tout à l'heure,
sous forme de boutade, aux récents résultats électoraux. Il a dit à M. le
rapporteur général du budget : « Gagnez les élections, et vous préparerez le
budget ! ».
Je voulais simplement dire que ces résultats électoraux, difficiles pour
l'opposition, j'en conviens, mais conjoncturels, ne veulent pas dire
approbation de la politique économique et sociale du Gouvernement.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Certainement pas !
M. André Vallet.
Les grands problèmes restent devant vous : réduction de la dépense publique,
et donc réduction des impôts, réforme de la fiscalité, atténuation de la dette,
choix courageux pour, demain, continuer à verser les retraites, maîtrise des
dépenses sociales.
M. Jean-Louis Carrère.
Qu'auraient-ils dit s'ils avaient gagné ?
M. André Vallet.
M. le ministre de l'économie et des finances a manifesté tout à l'heure
beaucoup d'assurance. Je crains que cette assurance ne se transforme en
inquiétude si vous persistez à ne pas répondre à ces angoissantes questions,
angoissantes surtout pour l'ensemble des Français.
(Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
débat d'orientation budgétaire nous offre l'occasion d'évoquer à la fois le
présent et l'avenir : le présent, c'est, pour mon propos, l'évolution
inquiétante des finances sociales ; l'avenir, c'est l'équilibre des régimes de
retraite, mais aussi le développement de nos infrastructures et l'évolution de
notre fiscalité écologique, que certains ont d'ailleurs déjà évoquée.
L'année dernière, nous avions critiqué la faible place que les finances
sociales prenaient dans ce débat. Vous aviez alors déclaré, monsieur le
secrétaire d'Etat : « Peut-être faudra-t-il qu'en 1999, dans le prochain débat
d'orientation budgétaire, nous trouvions ensemble une façon de traiter plus
directement la question de la sécurité sociale. »
Vous le faites, c'est vrai, mais par un seul chiffre, qui apparaît dans le
document de présentation, où vous dites que les administrations de sécurité
sociale offriront un excédent de 0,15 % du PIB en 2000. Ce chiffre, nous en
contestons la présentation, qui nous paraît à la fois tronquée et erronée.
L'état des finances sociales n'est pas celui de l'excédent ; il est celui de
la hausse des dépenses, de la hausse des prélèvements, de la subsistance du
déficit. Bref, il s'agit d'une situation presque dramatique, dirai-je,
d'absence de maîtrise de la dépense.
Je rappelle que les dépenses du régime général de la sécurité sociale
augmenteront cette année de 3,2 %, quand la consommation des ménages augmentera
de 2,7 %, la croissance de 2,2 % à 2,5 %, les dépenses de l'Etat de 1,5 % et
l'inflation de 0,5 %.
Vous attendiez un excédent de sécurité sociale cette année. Vous aurez, à
titre provisoire, 5 milliards de francs de déficit en 1999, entièrement
imputables d'ailleurs aux dépenses d'assurance maladie, qui augmentent sur un
rythme de 3,8 % par an.
Il est intéressant de constater le glissement de l'ONDAM, l'objectif national
de dépenses d'assurance maladie, au cours des dernières années.
Lors de la première loi de financement de la sécurité sociale, l'ONDAM a été
fixé pour 1997 à 1,7 % ; il a été réalisé à 1,5 %. Pour 1998, il a été fixé à
2,4 % - la commission des finances s'y était opposée - et il a été réalisé à
3,7 %. Pour 1999, il a été fixé à 2,6 % et nous constatons que les dépenses
évoluent actuellement à un rythme d'un point supérieur, 3,8 %, dernière
constatation de la commission des comptes, il y a trois semaines.
Il y a donc non seulement une croissance excessive, mais, de surcroît, depuis
trois ans, une accélération de cette croissance, et c'est cela qu'il faut
souligner.
Cette reprise, nous l'avons longuement commentée lors de la dernière réunion
de la commission des comptes de la sécurité sociale. L'équilibre prévu pour
1999 n'est, bien entendu, pas atteint puisque le déficit prévu pour la maladie
est actuellement de 12 milliards de francs, et le déficit prévisible pour
l'année compris entre 18 milliards et 20 milliards de francs. Mais cela,
personne n'en a parlé !
Et que dire de l'avance du Trésor à l'ACOSS, l'agence centrale des organismes
de sécurité sociale, monsieur le secrétaire d'Etat ? Je crois que, la semaine
prochaine, vous serez obligé d'avancer 13 milliards de francs. Il est vrai que
le plafond prévu par la loi de financement de la sécurité sociale est de 24
milliards de francs. Je crois toutefois que vous allez exploser à la fin de
l'année et que le plafond sera dépassé. Bien entendu, la fin de l'année, c'est
loin, mais nous nous retrouverons au débat budgétaire.
Parallèlement, les prélèvements en faveur des régimes sociaux croissent sans
cesse. La part sociale des prélèvements obligatoires continue inexorablement de
grimper. La CSG rapportera, l'an prochain, davantage que l'impôt sur le revenu.
La couverture maladie universelle, dont nous avons traité ici même voilà
quelque temps, est venue ajouter un prélèvement obligatoire supplémentaire qui
ne voulait pas dire son nom, et c'est le Sénat qui a pointé son doigt
dessus.
Je vous rappelle également la sous-évaluation manifeste du coût supplémentaire
de la CMU, affiché par le Gouvernement à 1,7 milliard de francs. Nous l'avons
estimé, ici au Sénat, à 10 milliards de francs. Assurément, cela ne va pas dans
le bons sens, ni celui de la maîtrise des coûts ni celui de la maîtrise des
prélèvements.
La conséquence de ces déficits vous est bien connue : ils n'iront pas gonfler
le fonds de réserve pour les retraites. Ce sont des stocks de dettes qui vont
être transférés à la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale.
Celle-ci a déjà reçu 137 milliards de francs dans un premier temps, puis 87
milliards de francs. Actuellement, elle recevrait, à mon sens, entre 25
milliards et 35 milliards de francs, en cumulant les déficits de 1998 et de
1999. Ce sont des charges supplémentaires qui pèseront sur les générations
futures.
Je rappelle que nous avions proposé, avec le président Alain Lambert, de clore
la CADES à une échéance déterminée, ce qui nous aurait protégés de la facilité
du transfert de la dette aux mains de nos enfants et de nos petits-enfants.
L'autre conséquence du déficit est, bien entendu, de priver les branches
excédentaires du fruit de leurs efforts.
Je me demande si nous ne devrions pas, monsieur le secrétaire d'Etat, en venir
à une autonomie complète de chaque branche pour remédier à cette facilité de
l'affectation des excédents des uns au déficit des autres.
Alors, que deviennent vos prévisions d'excédents et votre engagement
d'affecter au fonds de réserve pour les retraites les excédents sociaux ? Les
seuls régimes en équilibre sont précisément ceux sur lesquels vous n'avez pas
de prise : les retraites complémentaires et le chômage.
De plus, comment donner d'une main l'autonomie et refuser, de l'autre, de
payer sa dette à l'AGIRC et à l'ARRCO ou vouloir ponctionner l'UNEDIC du fruit
de ses efforts ?
Face à ces constats, qui contrastent avec vos prévisions optimistes, je ne
peux que répéter ce que j'ai toujours affirmé en tant que rapporteur spécial de
la commission des finances pour les affaires sociales : nous réclamons d'abord
et plus que jamais la clarté des comptes.
Dois-je rappeler que la dernière commission des comptes a déjà fait état de
plus de 5 milliards de francs d'erreur dans les comptes ? Dois-je rappeler
aussi qu'il n'existe toujours pas de compte consolidé de la protection sociale
disponible rapidement ? Nous débattrons cet automne du financement de la
sécurité sociale pour l'an 2000 sans connaître les chiffres complets et exacts
de 1998 !
La réforme comptable est donc une urgence ; la maîtrise des dépenses ne l'est
pas moins.
Vous ne ferez pas l'économie d'une profonde réforme des régimes spéciaux de
retraite, comme vous ne ferez pas l'économie d'une réforme plus profonde de
l'assurance maladie.
Pour cette dernière, vous devrez répondre aux pistes intéressantes et
courageuses ouvertes dans le plan stratégique de la Caisse nationale
d'assurance maladie dans la droite ligne de la réforme mise en place par les
ordonnances Juppé de 1996. Vous devrez aussi prendre des positions enfin
claires sur le statut du fonds de réserve pour les retraites et sur ses
ressources plutôt que de vous fonder sur d'hypothétiques excédents sociaux, qui
risquent surtout de se transformer en charges effectives pour les générations
futures.
En matière de finances sociales, l'heure n'est pas aux prévisions
d'affectation d'excédents ; elle est, je le dis et je le répète, à la maîtrise
des dépenses et des prélèvements.
La deuxième partie de mon propos concernera les infrastructures de transport.
A cet égard, je formulerai quatre constats.
Premier constat : le rapporteur général et d'autres collègues l'ont dit,
l'Etat privilégie les dépenses de fonctionnement au détriment des dépenses
d'investissement, notamment dans les infrastructures de transport.
J'ai entendu M. le ministre lorsqu'il a dit : « Une dépense d'investissement,
on ne sait pas toujours trop ce que c'est, une dépense d'infrastructure, là, il
n'y a pas d'ambiguïté, on sait. »
Et nous constatons que seules la Grande-Bretagne et la Grèce consacrent à
l'heure actuelle moins que la France à leurs dépenses d'infrastructure ! Or, un
pays qui sacrifie ces dernières compromet son développement et son avenir.
Deuxième constat : de par sa position géographique, la France se trouve au
coeur des réseaux européens de transport, que ce soit la route, le fer ou
d'autres modes de transport.
Troisième constat : une politique dynamique et cohérente d'infrastructure est
tout à fait indispensable.
Une politique dynamique d'insfrastructure est nécessaire parce que la demande
de transports s'accroît. Vous n'y pouvez rien ! En vingt ans, la demande de
transports a augmenté de plus de 230 %, notamment pour la route, que ce soit
d'ailleurs pour le fret ou pour les voyageurs. La mondialisation est là, la
construction européenne également. L'ouverture des espaces et la mobilité
croissante de nos sociétés poussent cette demande.
Une politique en matière d'infrastructure doit également être cohérente parce
que vous ne pouvez pas sacrifier un mode de transport pour un autre.
Tous les modes de transport sont complémentaires par rapport aux distances
desservies, au temps, à la valeur ajoutée des marchandises transportées. La
route a pris une prépondérance, c'est vrai, en raison de ses qualités propres :
la souplesse, la fiabilité, la capacité. De plus, la route ne se met pas en
grève, c'est sa qualité primordiale.
Le fer est certes adapté à certains modes de transport : la traversée des
zones difficiles, les Pyrénées, les Alpes ou la desserte des zones urbaines.
Les ports sont importants également, parce qu'une grande partie de notre
commerce extérieur passe par eux. Pourtant, ils sont dans une situation
difficile : en effet, monsieur le secrétaire d'Etat, la totalité du tonnage des
ports français n'atteint pas celui d'Amsterdam et de Rotterdam réunis.
Pour illustrer mon propos, je citerai quelques chiffres éloquents : de 1990 à
1997, le trafic a augmenté de 75 % à Hambourg, de 105 % à Anvers, de 93 % à
Zeebrugge, et seulement de 34 % au Havre, premier port français. Il a également
augmenté de 158 % à Gênes, de 98 % à Barcelone et seulement de 7 % à
Marseille.
Si l'évolution est aussi contrastée, c'est parce que la bataille des ports se
gagne sur terre et que nous sommes en passe de perdre la bataille des
infrastructures terrestres pour la desserte de nos ports. C'est tout simple !
C'est clair, mais c'est dramatique !
Le Gouvernement a décidé de ralentir le programme autoroutier. En Europe, nous
occupions la neuvième place relative et la troisième en longueur de réseau. Or
nous venons de rétrograder à la quatrième place, dépassés par l'Espagne, qui
met en service 500 kilomètres d'autoroute par an.
Le Gouvernement pourrait dire : ce n'est pas grave ! nous allons développer
les chemins de fer. Malheureusement, monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'êtes
pas en mesure de mener une politique ferroviaire ambitieuse, car vous n'en avez
pas les moyens. Les contributions financières de l'Etat et des collectivités
publiques au transport ferroviaire atteignent, en effet, des chiffres
astronomiques. En 1997, il y a eu 57 milliards de francs de subventions, donc
de déficit, dont 35 milliards de francs à la SNCF et 22 milliards de francs à
Réseau ferré de France ; en 1998, les subventions s'élevaient à 62 milliards de
francs, dont 37 milliards de francs à la SNCF et 25 milliards de francs à RFF ;
il s'agit là d'une augmentation de 8,77 % des dépenses publiques.
Quatrième constat : à court terme, l'autoroute est la seule solution
autofinançable de développement des infrastructures interurbaines et
intereuropéennes, et vous êtes en train de réduire ce poste, voire de le
supprimer.
Nous disposons d'un réseau concédé équilibré : 27 milliards de francs de
recettes de péage, une croissance moyenne de 8 % à 10 % - quelles recettes
augmentent de 8 % à 10 % ? - générant 8 milliards de francs de recettes
d'impôts et de taxes diverses. Votre politique est abusivement restrictive et
nous conduit à une impasse.
Notre réseau autoroutier était jusqu'à présent un modèle en Europe. Il
présentait trois caractéristiques.
Tout d'abord, il mettait en application le principe de l'utilisateur-payeur et
une tarification équitable ; les autorités européennes le reconnaissent.
Ensuite, il pouvait se développer sur la base d'un autofinancement équilibré,
pour peu que les ponctions et les taxations ne le mettent pas en danger, 23 %
des recettes vont en effet dans les caisses de l'Etat.
Enfin, il peut parfaitement répondre aux exigences européennes de transparence
et de concurrence, pour peu que soit mis en place un système équitable de
péréquation financière ; je m'en suis enquis auprès des autorités européennes,
qui en sont parfaitement d'accord.
Je traiterai maintenant de la taxe générale sur les activités polluantes que
le rapporteur général, ainsi que d'autres orateurs, ont évoquée. Quant à M. le
ministre, il a été très bref sur ce sujet.
Le Sénat était opposé à la TGAP, dont le produit est affecté à l'ADEME. Le
résultat est là : la TGAP a augmenté les recettes de l'Etat de 850 millions de
francs à 1,2 milliard de francs et les taux des subventions versées aux
collectivités territoriales sont passés de 50 % à 20 %. Résultat dramatique
dans une situation confuse !
Vous avez pourtant maintenant l'intention d'étendre cette taxe au secteur de
l'eau. Depuis un an, vos projets ont soulevé de profondes réticences, mais le
Parlement est toujours dans l'ignorance des arbitrages et des choix que vous
aurez effectués dans ce domaine.
Qu'en sera-t-il de la TGAP sur l'eau en l'an 2000 ? Nous ne le savons pas !
C'est dommage pour la fiabilité d'un débat d'orientation budgétaire, quels que
soient vos choix. De plus, je ne suis pas certain qu'une surtaxation soit
bénéfique à la croissance et à l'emploi.
(Applaudissements sur les travées
du RPR et des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
permettez-moi d'intervenir plus particulièrement sur les perspectives
budgétaires pour les collectivités locales.
L'année qui vient de s'écouler a été marquée, notamment avec la loi de
finances pour 1999, par des réformes importantes pour les finances locales.
L'instauration du pacte de croissance et de solidarité a permis aux
collectivités territoriales d'améliorer légèrement leur revenu, mais la
régularisation négative de l'évolution de la DGF sur la DCTP n'ayant pas été
abandonnée, nous allons, cette année, du fait des règles instaurées par le
pacte de stabilité, devoir amputer près d'un milliard de francs sur la dotation
de compensation de la taxe professionnelle. Les parlementaires communistes,
fidèles à leur position, souhaitent évidemment la suppression de cette variable
d'ajustement, d'autant que la DCTP va également être utilisée pour le
financement de la dotation d'intercommunalité des communautés
d'agglomération.
Nous assistons donc à une multiplication des utilisations des dotations, sans
qu'elles soient pour autant réalimentées.
Le montant des dotations alloué par commune sera, cette année,
particulièrement incertain du fait de l'augmentation du nombre des
bénéficiaires, notamment avec la création d'EPCI favorisée par la loi «
Chevènement », et les résultats du recensement.
Nous pensons que le Gouvernement ne pourra réellement convaincre de la
nécessité des réformes qu'il engage si les moyens alloués restent en deçà des
besoins qu'elles génèrent. Bien sûr, la réforme de la taxe professionnelle avec
la suppression progressive de la part salaire est une bonne chose. Pourtant,
maintes et maintes fois, les choix politiques en faveur de l'emploi ont conduit
à allouer des aides aux entreprises, qui n'ont malheureusement jamais permis de
résorber efficacement le chômage. Il est réellement urgent, selon nous,
d'instaurer des contrôles efficaces pour mieux contrôler l'argent du
contribuable attribué aux entreprises.
Ce constat est également celui des conclusions de la commission d'enquête de
l'Assemblée nationale, qui pose la question : « Face aux grands groupes, quelle
politique pour l'emploi et les territoires ? »
La suppression progressive de la part salaire de la taxe professionnelle
génère des modifications substantielles dans les budgets communaux. Va-t-elle
donner une impulsion favorable à l'emploi ?
Nous le souhaitions et le souhaitons toujours ! Malheureusement, nous ne
voyons rien de réellement concret et nous sommes sceptiques.
Aussi espérons-nous que le rapport du Gouvernement, qui devrait être remis au
Parlement d'ici à la fin du mois d'octobre prochain, soit particulièrement
clair sur les répercussions de la réforme sur l'emploi. Nous souhaitons
également que ce rapport soit l'occasion de mettre en lumière les richesses des
entreprises, notamment leurs actifs financiers, ainsi que la progression de
leurs actifs, durant cette année, selon l'importance de la part salaire dans la
taxe professionnelle qu'elles ont à acquitter.
Cela permettra d'illustrer la manne que sont les spéculations financières pour
les entreprises et le frein qu'elles représentent pour les créations
d'emplois.
Cela permettra aussi de réagir contre les inégalités, notamment en aidant les
PME et les PMI qui en ont bien besoin, même si elles l'ont déjà été.
Cela permettra enfin de favoriser les entreprises qui font le choix de la
croissance réelle, de la production et de l'emploi.
Ce constat n'est plus uniquement le nôtre. Si, pendant de nombreuses années,
nous avons été les seuls à dénoncer les sommes colossales que représentent les
actifs financiers, nous notons avec satisfaction qu'aujourd'hui le mouvement
ATTAC se développe et que, ici et là, fusent les prises de position.
M. Delevoye, par exemple, a, voilà un peu plus d'un an, dénoncé la
sous-fiscalisation de la richesse financière. M. Fabius a préconisé, quant à
lui, dans un article du 27 mai paru dans
Le Monde,
l'instauration d'une
taxe de type Tobin. Ce débat prend de l'envergure, peut-être faudrait-il songer
à y travailler plus assidûment.
Nous proposons pour notre part une taxe additionnelle sur les actifs
financiers. La taxe professionnelle est assise uniquement sur les
investissements, qui représentent, toutes entreprises confondues, 11 000
milliards de francs. Ces investissements ne représentent qu'un peu plus d'un
quart des actifs des entreprises. Il reste donc 29 000 milliards de francs
d'actifs financiers qui ne sont pas taxés du tout. En restant à ce
statu
quo,
on favorise la spéculation financière.
Taxer le stock des actifs financiers des entreprises installées en France par
exemple, à 0,3 % rapporterait 1 250 francs par habitant et serait,
pensons-nous, facteur d'emploi, d'épanouissement et surtout de changement.
Ce serait un souffle nouveau pour permettre aux collectivités territoriales de
mieux répondre aux besoins de leurs concitoyens.
Il faut désintoxiquer les entreprises qui font de l'argent avec l'argent. Il
faut les inciter à l'investissement productif, ce qui favoriserait la création
d'emplois.
Prélevée au niveau national, cette taxe sur les actifs financiers permettrait
une solidarité financière accrue entre collectivités.
De nombreux projets gouvernementaux tendent à favoriser la péréquation et à
assurer la solidarité des territoires. Oui, je pense que le Gouvernement a des
ambitions dans le domaine de l'emploi. Cette volonté politique est une très
bonne chose, mais il faut aussi veiller à la création de ressources nouvelles.
Nous sommes ouverts à la discussion pour débattre de ces propositions, des
autres propositions et bien sûr de celles qui portent sur la taxe Tobin.
Je voudrais également évoquer quelques instants la question de la fonction
publique territoriale.
Vous le savez, les accords Zuccarelli ont prévu une revalorisation des
salaires des fonctionnaires territoriaux. Cette revalorisation était
nécessaire, compte tenu du gel des augmentations en 1996 et 1997 et de la
réduction régulière de leur pouvoir d'achat. Cependant, aucune mesure
financière n'a été assortie à cet accord pour aider les collectivités à
l'assumer.
Il en va de même pour le passage souhaité aux 35 heures. L'Etat doit veiller à
l'applicabilité financière ou, du moins, en créer les conditions. Aussi
aimerions-nous que cette question ne soit pas abandonnée.
L'autre question relative à la fonction publique territoriale est la situation
financière dramatique dans laquelle se trouve leur caisse de retraite : la
Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Du fait de
la compensation et de la surcompensation, les perspectives financières de la
CNRACL pour les trois années à venir font apparaître, dès 2000, un besoin de
financement de 1,5 milliard de francs.
Nous demandons que les ponctions dans les caisses de la CNRACL soient
arrêtées, sinon les cotisations seront augmentées et les répercussions sur les
budgets locaux, et par conséquent sur la fiscalité locale, seront
inévitables.
Dernière interrogation : qu'en est-il de la réforme de la taxe d'habitation et
de la révision des bases cadastrales ? Quand pourrons-nous disposer des
simulations et être informés des réformes envisagées et de leur calendrier ?
Nous sommes favorables à une adéquation plus fine entre des montants de taxe
d'habitation et le revenu des contribuables. La prise en compte de la capacité
contributive de chacun pour tous les impôts devrait être la règle. Aussi
soutiendrons-nous cette réforme si les buts recherchés nous paraissent
effectifs et si l'Etat ne fait pas peser le prix de la réforme sur les
collectivités locales.
Pour conclure, je tiens, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous dire combien
nous sommes disponibles pour être associés à la préparation de ce projet de loi
de finances de ce tout début de siècle.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à
l'opposé de la politique précédente, qui conjuguait une insuffisante réduction
des déficits, une augmentation trop rapide des dépenses, une croissance forte
des prélèvements obligatoires, la politique budgétaire menée depuis 1997 allie
réduction forte des déficits publics, maîtrise des dépenses et stabilisation
des prélèvements.
L'enchaînement qui était réalisé avant juin 1997 allait en effet dans le
mauvais sens. La purge fiscale sans précédent assenée à nos concitoyens et le
blocage des salaires dégradaient la consommation et anémiaient donc la
croissance, ce qui entraînait une hausse inéluctable de certaines dépenses
budgétaires et de mauvaises rentrées de recettes, aggravées d'ailleurs par des
aides fiscales inconsidérées et inutiles à certaines catégories. Les objectifs
de réduction des déficits publics ne pouvaient donc être atteints sans
contorsions comptables et nouvelles hausses d'impôts.
La politique conduite depuis 1997 apparaît au contraire des plus judicieuses.
Le budget a permis d'accompagner la reprise de la croissance en rendant
possible la hausse du pouvoir d'achat des fonctionnaires, en dégageant les
financements nécessaires pour les emplois-jeunes, pour le logement social, pour
l'éducation nationale, en stabilisant les prélèvements obligatoires et en
commençant même à les réduire pour la majorité des Français ; je pense aux
allégements sur la TVA, sur les droits de mutation, sur la taxe d'habitation et
sur les dépenses d'entretien dans les logements.
En conséquence, la confiance est revenue. Le pouvoir d'achat des Français
augmente fortement. La consommation atteint des sommets et le Gouvernement
bénéficie de recettes fiscales suffisantes qui lui permettent d'obtenir de très
bons résultats sur le plan budgétaire.
Depuis juin 1997 la réduction des déficits publics est plus forte en France
qu'ailleurs : baisse réelle de 0,7 point de PIB en 1997, de 0,6 point en 1998
et de 0,6 point prévue en 1999. Dès cette année, le budget est en excédent
primaire, ce qui permet de stabiliser le poids de la dette dans le PIB à 58,5
%. A une gestion comptable et à un cercle vicieux ont succédé une gestion
dynamique et un cercle vertueux permettant d'obtenir une réduction des déficits
par la croissance et la maîtrise des dépenses.
Cet excellent enchaînement doit bien entendu se poursuivre au cours des
prochaines années. Les évolutions sont d'ailleurs très encadrées par le
programme pluriannuel des finances publiques à l'horizon 2002.
Une nouveauté apparaît cependant dans la politique budgétaire : c'est le choix
désormais d'un objectif de dépenses plutôt qu'un objectif de déficit. Les
dépenses ne devront augmenter que de 1 % en volume sur la période 2000-2002,
quelle que soit la conjoncture. Pour l'année prochaine, le choix est encore
plus rigoureux puisqu'il y aura une stabilisation en volume des dépenses.
Des objectifs de déficit découlent de ces choix et des hypothèses de
croissance. Ils sont bien calibrés et permettront une réduction de
l'endettement public, tout en redonnant à la politique budgétaire son
efficacité conjoncturelle. J'ajoute qu'ils me paraissent devoir être respectés,
car la confiance des ménages repose aussi sur une bonne visibilité et une bonne
compréhension de l'action menée. En revanche, il n'y a aucune raison
d'accélérer le rythme prévu.
En effet, si des marges de manoeuvre supplémentaires sont dégagées, alors ce
sont des allégements d'impôts qu'il faudrait envisager. Ces marges, nous ne le
savons, seront faibles l'année prochaine du fait de la réduction du déficit
budgétaire et des allégements d'impôts déjà programmés, en faveur des
entreprises principalement. Elles dépendront en pratique de la croissance, qui
sera certainement soutenue l'année prochaine, mais à un rythme encore difficile
à cerner.
Néanmoins, je le redis, si les prévisions de croissance à l'automne permettent
d'envisager quelques marges supplémentaires, le choix de la poursuite des
allégements fiscaux envers les ménages devra être effectué afin de renforcer la
dynamique de confiance.
La TVA est l'impôt le plus cité pour réaliser ces allégements d'impôts. Je
pense, comme vous monsieur le secrétaire d'Etat, que des allégements de la taxe
d'habitation seront plus efficaces et plus justes socialement ; j'y
reviendrai.
Mon propos sera principalement centré sur les orientations budgétaires et
fiscales concernant les collectivités locales.
Le budget pour 1999 était un budget de renouveau pour nos collectivités avec
le lancement du contrat de solidarité et de croissance et le début d'une
profonde réforme de la taxe professionnelle.
Le projet de budget pour l'an 2000 devrait être un budget de consolidation de
ces deux profondes réformes qui vont se poursuivre, et de la réforme de
l'intercommunalité, qui va être adoptée prochainement et dont les effets
financiers seront consacrés dans la loi de finances pour 2000.
Il faut rappeler rapidement le contexte général.
Jusqu'en 1997, les collectivités locales ont été prises dans un effet de
ciseaux entre des dépenses de fonctionnement en croissance toujours rapide et
des recettes de plus en plus malmenées, notamment en ce qui concerne les
dotations de l'Etat.
Sous la précédente législature, les dotations de fonctionnement avaient stagné
à plus 8,5 % et les dotations d'équipements avaient baissé fortement de 10,8 %.
Les dotations « passives » avaient été largement ponctionnées alors que les
allégements décidés par l'Etat étaient restés en place. Au total, les
modifications d'indexation et les ponctions diverses avaient abouti à plus de
25 milliards de francs de pertes financières pour les collectivités locales sur
la période. Comme leur gestion était demeurée fondamentalement saine, les
collectivités locales avaient dû restreindre leurs efforts d'équipements -
baisse en 1995 et en 1996 - et augmenter vivement la fiscalité locale ; les
taux avaient augmenté deux fois plus vite entre 1992 et 1997 qu'entre 1987 et
1992.
Depuis, la situation s'est largement améliorée. On peut dire aujourd'hui que
jamais les finances locales ne se sont aussi bien portées depuis au moins 10
ans. Elles dégagent une capacité de financement nettement positive, avec 28
milliards de francs en 1998. La baisse de l'inflation et des taux d'intérêt
allège fortement la charge de leur dette : 6 % des recettes de fonctionnement
aujourd'hui contre 11 % en 1993. La croissance économique dope leurs recettes
fiscales. Les dotations de l'Etat évoluent maintenant positivement, puisque le
contrat de croissance et de solidarité qui porte sur les années 1999 et 2001
permet une prise en compte de la croissance, et aucun mauvais coup n'a été
réalisé.
Les collectivités locales ont donc repris le chemin de l'investissement - plus
7,2 % en 1998, plus 5 % cette année - et peuvent financer les dépenses
nouvelles comme l'augmentation des traitements des fonctionnaires locaux ou
l'embauche d'emplois-jeunes en 1999.
Elles peuvent également réduire la pression fiscale. Les augmentations de taux
sont désormais très faibles : 1,3 % en 1997, 0,8 % en 1998. Notre rapporteur
souligne d'ailleurs que la stabilisation des prélèvements obligatoires observée
en France depuis 1997 provient de la réduction de la part des impôts locaux
dans le PIB. Il veut ainsi démontrer que les prélèvements de l'Etat ne sont pas
stabilisés. Je crois qu'il montre surtout, et M. le ministre l'a très bien dit
tout à l'heure, les résultats positifs de la politique menée par le
Gouvernement, tant du point de vue général que du point de vue des concours
financiers de l'Etat aux collectivités locales, qui permettent désormais aux
élus locaux de réduire les impôts.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est nécessaire que ces évolutions se
poursuivent pour plusieurs raisons.
D'abord, la reprise de l'investissement doit continuer. Les collectivités
locales réalisent 80 % des investissements publics et 12,5 % de l'ensemble des
investissements de la nation. De plus, elles sont confrontées à de lourds
besoins : entretien d'un patrimoine de 2 300 milliards de francs, programme de
traitement des eaux imposé par les directives européennes, traitement des
déchets ménagers, travaux de rénovation et de sécurité des locaux scolaires,
investissements dans les transports, etc.
Ensuite, s'agissant de la pression fiscale, nous sommes arrivés, je le crois,
à un plafond d'acceptation pour nos concitoyens, tout au moins avec nos impôts
directs locaux, dont les assiettes sont archaïques et mal acceptées.
Enfin, que ce soit pour la lutte contre le chômage, pour les aides sociales,
pour la rénovation des quartiers dégradés ou pour le maintien de l'activité en
zone rurale, nos concitoyens demandent toujours plus à leurs élus locaux.
Certaines particularités du vote de la semaine dernière me font d'ailleurs
penser que la demande de prise en compte des préoccupations locales n'a pas été
absente. Nos missions s'étendent par conséquent jour après jour, et c'est, je
le pense, une bonne chose, car de nombreuses questions sont mieux traitées à
l'échelon local.
Par conséquent, il faut assurer à nos collectivités locales les moyens
financiers de leur missions. Il ne faut pas rééditer l'erreur du gouvernement
Juppé, qui voyait essentiellement dans les finances locales un bon gisement
d'économies budgétaires et avait oublié le formidable effet de levier exercé
par les dépenses et les investissements locaux. Mais je sais que vous l'avez
bien compris, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque les orientations positives
définies dans le budget pour 1999 vont être consolidées dans le projet de
budget 2000.
Première orientation positive : le contrat de croissance et de solidarité, qui
se poursuivra, permettra une prise en compte de la croissance légèrement
supérieure à l'année dernière, puisque l'indexation sera égale à la hausse des
prix plus 25 % de la croissance. L'évolution de la DGF, du fait d'une
régularisation 1998 fortement négative, pourrait cependant poser quelques
problèmes, d'autant que la majoration de 500 millions de francs de la DSU sera
confirmée. Il faudra regarder de près les différentes répartitions afin de
s'assurer que les évolutions sont suffisantes pour toutes les collectivités.
Deuxième orientation positive : la recherche d'une plus grande péréquation
financière. J'ai été très heureux de lire dans votre rapport, monsieur le
secrétaire d'Etat, que cette volonté d'accroître la péréquation financière est
désormais celle du gouvernement. Là encore, c'est un changement notable par
rapport au gouvernement précédent. L'effet péréquateur de la DGF devient en
effet de plus en plus important : 11 milliards de francs en 1999, sur un
montant de 109 milliards de francs. Le renforcement de la dotation de
solidarité urbaine, mais aussi de la dotation de solidarité rurale, sera donc
poursuivi.
Il faut également mentionner les effets péréquateurs des réformes intervenues
sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle et sur la
compensation de la suppression de la base salaires de la taxe professionnelle
qui seront renforcés.
Permettez-moi une suggestion, monsieur le secrétaire d'Etat, pour renforcer
encore la péréquation. Le retour dans le droit commun de la fiscalité locale de
France Télécom demeure posé. Sa taxe professionnelle devrait, me semble-t-il,
être attribuée progressivement au Fonds national de péréquation de la taxe
professionelle, cela en sus de l'attribution déjà effectuée. Pour compenser les
pertes financières pour l'Etat, le dispositif de compensation de l'allégement
des bases de 16 % prévue par la loi de finances pour 1987 pourrait être réformé
par la suppression de la compensation réalisée sur les bases qui n'existent
plus, avec un dispositif de lissage sur la part compensation « perte de bases »
du FNPTP.
La troisième orientation positive de ce budget 2000, c'est l'application de la
loi sur l'intercommunalité, qui ouvre un champ extrêmement intéressant pour nos
collectivités locales.
Le renforcement des dotations DGF pour les communautés d'agglomération, mais
aussi pour les communautés de communes à taxe professionnelle unique, est un
élément important qui est très apprécié par les acteurs locaux engagés dans
l'intercommunalité de projet, qui devient de plus en plus indispensable pour
structurer le développement local, renforcer les péréquations volontaires et
accentuer les concertations. Cependant, là encore, il faudra ajuster le
dispositif de financement dans quelques années.
Enfin, je ne peux terminer mon propos sans évoquer plusieurs dossiers
d'importance, même s'ils ne vous concernent pas toujours directement, monsieur
le secrétaire d'Etat.
La taxe d'habitation, tout d'abord. C'est un impôt injuste : elle entraîne des
différences injustifiées entre les contribuables locaux et elle est dégressive
par rapport au revenu, malgré les mesures de personnalisation.
Si en valeur absolue les cotisations augmentent avec les ressources, en valeur
relative elles frappent davantage les revenus moyens et modestes. En 1993, la
valeur moyenne de cotisation par rapport au revenu était de 2,3 % pour les
revenus annuels inférieurs à 150 000 francs alors qu'elle était de 0,9 % pour
les revenus supérieurs à 500 000 francs.
Par conséquent, il faut réformer la taxe d'habitation et viser deux objectifs
: la justice fiscale et l'allégement de cette taxe en faveur des ménages moyens
et modestes.
La révision des valeurs locatives se heurte pourtant, semble-t-il, à des
difficultés. Il est vrai que son application sans précaution soulève de graves
problèmes qui ne peuvent être résolus, selon moi, que dans le cadre d'une
réforme plus large permettant une réduction forte de cette taxe et donc une
attribution aux collectivités locales de nouvelles recettes. Le renforcement et
la simplification de la personnalisation de l'impôt constituent une autre voie
que privilégient, je crois, vos services, monsieur le secrétaire d'Etat.
Pouvez-vous nous donner quelques éclaircissement sur les possibilités de
réforme ?
La question de la CNRACL doit également être posée. Les difficultés
financières de cette caisse vont croissant du fait de la surcompensation et de
la dégradation naturelle du ratio démographique. Le rapport cotisants-retraités
devrait en effet passer de 3,3 cotisants par retraité en 1995 à 1,4 en 2015. En
1997 et 1998, des réponses conjoncturelles ont été trouvées pour éviter le
déficit. En 1999, avec une surcompensation estimée de 9,4 milliards de francs,
le déficit serait de l'ordre de 1,7 milliard de francs.
Il est clair que la CNRACL ne peut plus supporter de tels niveaux de
prélèvements. Il faut désormais une réponse structurelle pour éviter une hausse
de la cotisation employeur comme en 1995. Cette réforme indispensable
interviendra-t-elle cette année, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Je voudrais également évoquer les difficultés des trésoreries confrontées à un
manque de personnel. La mise en place de l'instruction budgétaire et comptable
M 14, avec des changements continuels de nomenclature, des logiciels, qu'il
faut également souvent mettre à jour, occasionnent des retards, tant pour le
paiement des factures des collectivités, ce qui pénalise les fournisseurs, que
pour prendre en compte nos recettes. Bon nombre de compte de gestion n'ont pas
été adressés à la fin du mois de mai comme le veut la réglementation et, par
conséquent, des retards sont à envisager dans l'examen des comptes
administratifs des collectivités.
Enfin, je voudrais également me faire une nouvelle fois l'écho de nombreux
maires de petites communes au sujet de l'application de l'instruction M 14. La
formule du budget annexe dans les petites communes est vraiment très compliquée
et il est nécessaire de revenir sur cette question.
S'agissant des personnels, j'ai entendu précédemment M. le président de la
commission des finances évoquer ces dépenses en tant que variables
d'ajustement. M. le rapporteur général ajoute dans son rapport : « Il importe
d'ancrer dans la durée la politique de réduction des effectifs de la fonction
publique. »
Mais il est des secteurs - je viens d'indiquer celui de la trésorerie, par
exemple - où le manque de personnel est patent. Il est d'ailleurs amusant, dans
les assemblées locales, dans les conseils généraux, d'entendre les élus de
l'opposition nationale réclamer sans cesse à cor et à cri des personnels
supplémentaires dans les trésoreries, dans les services de la justice, de la
police, de la gendarmerie, des affaires sociales, ou protester contre les
redéploiements ou suppressions de postes dans les classes. On ne fait guère
mieux dans l'art du double langage puisque ce qui est dénoncé dans les
collectivités, sur le terrain, fait l'objet ici, aujourd'hui, d'une autre
appréciation.
Mais, au-delà de ces remarques, en conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat,
je ne peux que vous réitérer le soutien du groupe socialiste du Sénat, déjà
exprimé par mon ami Bernard Angels, quant aux orientations proposées. Elles
vont sans conteste dans le bon sens, celui de la confiance retrouvée, de la
modernisation de la justice et de l'équité.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
politique de la croissance liée à l'innovation constituera l'essentiel de mon
propos ; cela n'étonnera personne sur ces bancs, un peu clairsemés à cette
heure.
L'innovation résulte de c'est la rencontre entre des inventeurs, des créateurs
et le marché, c'est-à-dire ceux qui vont utiliser ces inventions ; c'est
quelque chose de tout à fait capital. Je me réjouis donc que le Gouvernement
ait pris l'initiative de proposer un texte spécifique que nous étudierons
bientôt.
Le débat budgétaire se fonde sur la macro-économie.
Pour ma part, je m'intéresse beaucoup plus aux problèmes de micro-économie -
car cette discipline s'intéresse à ceux qui créent - les entrepreneurs, les
entreprises - et ceux qui fabriquent. La macroéconomie travaille sur les
agrégats que l'on considère ensuite pour examiner les faits passés.
Ces agrégats, sur lesquels nous sommes bien obligés de raisonner puisqu'une
politique budgétaire est essentiellement fonction d'un certain nombre de
considérations d'ensemble témoignent du passé mais ils ne sont pas toujours
suffisants. En effet nous avons constaté qu'il aurait fallu y intégrer, d'une
certaine façon, les dépenses sociales puisque le taux des charges de 54 %, dont
nous nous plaignons tous, que nous voudrions tous baisser, est pour une grande
part lié à ces dépenses sociales qui sont plus difficiles à maîtriser,
semble-t-il, que les impôts de l'Etat ou des collectivités locales et qui font
que nombre de nos concitoyens considèrent qu'ils paient plus qu'avant parce
qu'ils supportent plus de charges sociales, notamment par le biais de la CSG,
qui touche finalement beaucoup de monde.
Comment orienter le budget de l'Etat de façon à mieux aider les acteurs qui
gèrent l'essentiel de l'avenir de notre société ? Il est indispensable de
procéder à des redéploiements en tenant compte de la véritable révolution de
l'économie que nous sommes en train de vivre.
Aux Etats-Unis, 40 % des emplois créés sont directement liés à l'innovation et
aux nouvelles technologies. Or ces 40 % ne comptent pas les emplois induits ;
avec ceux-ci ce taux atteindrait 120 %. Parallèlement, ces emplois liés à
l'innovation détruisent d'autres emplois.
Ce qui est essentiel, c'est que, comme nous sommes dans une économie
mondialisée, ces emplois qui sont détruits ne le soient pas chez nous, au
profit des Etats-Unis, du Canada, des pays nordiques ou du Japon, ce qui est le
cas à l'heure actuelle. En effet, si, comme l'affirment de bons économistes,
350 000 emplois liés aux nouvelles technologies ont été créés, si nous
constatons, comme l'a fait M. Dominique Strauss-Kahn, que 1 % ou 0,5 % du PIB
en 1998 est dû au développement des nouvelles technologies, nous ne devons pas
crier victoire, car nous aurions dû faire le triple, d'après certains
excellents économistes.
Ainsi, les redéploiements sont nécessaires, mais de façon que le budget mette
en place les conditions nécessaires pour que les nouvelles technologies
puissent se développer.
Au demeurant, rappelons-nous que les Etats-Unis sont un pays très hétérogène :
le nombre d'emplois créés est beaucoup plus important en Californie qu'en
Alabama ou dans le Dakota du Nord. Bien entendu, la Californie n'est pas le
seul endroit où se créent des emplois. Citons aussi la côte Est, l'Etat de
Washington, les alentours de Boston et New York. L'hétérogénéité est
fondamentale ; je voulais insister sur ce point.
L'Europe bénéficie aussi d'une hétérogénéité fondamentale. Certaines zones de
la région parisienne, les alentours de Cambridge en Angleterre, de Munich en
Bavière, de Stuttgart et de Berlin se développent particulièrement vite, mais
pour d'autres le bilan est plutôt négatif, on peut citer Milan. Bref, certaines
zones se développent très vite et d'autres pas du tout.
Cette hétérogénéité mérite réflexion. Pourquoi ce développement est-il très
rapide dans certaines zones ? Je pense, pour ma part, qu'une concentration
suffisante de recherche, d'enseignements de qualité et d'entreprises
innovantes, grandes ou petites provoque la mise en place d'une véritable
culture locale « entreprenariale ». Dès lors se produit un effet boule de neige
parce que l'existence d'une microculture entreprenariale déclenche une volonté
d'entreprendre beaucoup plus massive, beaucoup plus large. C'est ce qui, à mon
avis, permet de générer un développement plus rapide en des lieux qui peuvent
être variés. Cela peut se produire aussi bien à Grenoble qu'à Toulouse, en des
lieux où existe déjà une certaine culture.
Les conséquences en matière budgétaire sont importantes. Rappelons d'abord que
certaines zones connaissent des croissances de cinq à dix points. Il faut
peut-être les étendre, en créer d'autres similaires en évitant de faire du
saupoudrage, de la diffusion et que ces points d'excellence soient soumis à des
contraintes qu'ils n'auraient pas ailleurs.
Les zones à forte croissance d'innovation sont celles où se trouvent les
entreprises innovatrices. Bien évidemment, la loi de finances doit s'imprégner
de micro-économie et prendre en compte la nécessité absolue de tout faire pour
aider ceux qui créent, qui prennent des risques, qui construisent l'avenir, par
une politique fiscale appropriée, par des
stock-options,
en particulier.
J'espère d'ailleurs que ces derniers seront mis en place dans la prochaine loi
de finances puisque, apparemment, le Gouvernement ne peut pas les instituer,
pour des raisons de politique, que je peux comprendre, dans la loi sur
l'innovation.
Il faut que cette politique fiscale aide les entrepreneurs à gagner
éventuellement beaucoup d'argent qu'ils réinvestiront, engendrant par
conséquent de nombreuses créations d'emplois. Après tout, il ne serait pas du
tout anormal qu'ils soient traités comme certains sportifs de haut niveau.
Sinon ils risquent d'écouter les sirènes qui les attirent vers les Etats-Unis
ou la Grande-Bretagne.
Il faut même que la loi de finances tienne compte de la nécessité d'attirer
des compétences du monde entier. C'est possible, et je crois pouvoir l'affirmer
plus que quiconque puisque, actuellement, à Sophia-Antipolis, dans ce qui était
une garrigue il y a trente ans, on compte plus de 22 000 emplois, dont plus de
la moitié sont des emplois de cadres, et qu'avec les emplois induits, d'après
les calculs des chambres de commerce, cela fait à peu près 100 000 emplois, le
tiers des cadres provenant de plus de cinquante pays.
Il faut aussi se souvenir que de tels pôles génèrent énormément de recettes
fiscales et sociales. Sophia-Antipolis génère plus de 35 milliards de francs de
chiffre d'affaires, c'est-à-dire, compte tenu des taux de prélèvement, près de
20 milliards de francs de recettes fiscales et sociales par an. Ce sont plus de
1 000 entreprises, dont la plupart sont des
start up.
C'est donc à mon
avis des modèles de développements locaux qu'il conviendrait d'appuyer et de
généraliser.
Comment peut-on faire ? Je vois trois thèmes majeurs à développer pour
orienter une loi de finances vers un appui préférentiel à l'industrie de
l'avenir, c'est-à-dire l'industrie de la matière grise qui, pour les pays à
fort niveau de salaire, est certainement une solution préférable à beaucoup
d'autres, en tout cas une solution prioritaire. Ainsi, dans la loi de finances,
il faut prévoir les répartitions qui peuvent être nécessaires. Mais, avant de
répartir de la richesse, il faut d'abord la créer. Or, dans le monde
contemporain, c'est certainement beaucoup plus dans les zones à forte
concentration de matière grise, donc à forte concentration de potentialité de
développement d'industries de haute technologie, qu'on peut la créer.
Il faut d'abord une fiscalité pour les innovateurs et leurs appuis, qu'il
s'agisse de
business angels
, ou investisseurs providentiels, pour
reprendre la terminologie de la commission des finances du Sénat, des
investisseurs de proximité, des investisseurs en fonds communs de placement
dans l'innovation. Beaucoup a été fait, mais beaucoup reste à faire. Bien
entendu, j'insiste encore sur le système attractif des
stock options
,
parce que c'est crucial.
Je constate qu'à Sophia-Antipolis, chaque semaine, des gens viennent faire
leur marché, achètent des équipes et éventuellement des petites sociétés pour,
à terme, les emmener ailleurs. Les gens se laissent finalement convaincre parce
qu'au fond ils estiment, peut-être à tort, que gagner beaucoup d'argent n'est
pas forcément déshonorant.
Deuxième thème : les recettes de privatisation.
A cet égard, je voudrais citer l'exemple de la Bavière, qui est très frappant.
La Bavière a privatisé une grande partie de ses entreprises publiques, et
dispose de 3 milliards d'euros, ce qui, pour un
Land
de la taille de la
Bavière, n'est pas négligeable. Elle a décidé de réserver en totalité au
développement de l'innovation ces 3 milliards d'euros. Elle développe des
centres de transfert, des incubateurs, des minitechnopoles. Résultat : le taux
de chômage y est deux fois plus faible que dans le reste de l'Allemagne. Les
entreprises innovantes se multiplient grâce à l'effort d'amorçage public et
privé. D'ici peu, nous verrons une nouvelle Silicon ou biotechnicon ou Valley
européenne.
L'idée de mettre les recettes de privatisation à la disposition des secteurs
innovants plutôt que de les placer dans le pot commun budgétaire ne serait
peut-être pas si mauvaise. En tout cas, puisque cela fonctionne en Bavière, je
ne vois pas pourquoi il n'en serait pas de même en France. Il nous reste encore
quelques sociétés à privatiser.
Pourquoi ne pas envisager le redéploiement des investissements d'un certain
nombre de ministères avec une concentration des efforts sur les pôles
d'excellence ? Je pense bien évidemment au ministère dont M. Allègre a la
charge, à la partie de votre ministère qu'est consacrée l'industrie et tout
particulièrement au ministère de la défense.
J'ai posé à M. Richard une question dans laquelle je lui faisais part de mon
inquiétude face à la diminution régulière, depuis un certain nombre d'années,
des dépenses de son ministère en matière de recherche, d'études et de
développement, alors qu'il serait logique que ces dépenses augmentent. La
technologie et la logistique constituent désormais la force principale des
armées. Et l'actualité récente nous a malheureusement permis de constater
qu'elles n'avaient pas atteint - en Europe en général et en France en
particulier - leur niveau adéquat.
Par ailleurs, il ne s'agit pas uniquement des conséquences militaires.
L'exemple des Etats-Unis et des réalisations du ministère américain de la
défense en matière de technologies duales est très intéressant. En effet, les
industries de haute technologie - je pense à Alcatel et à bien d'autres
entreprises - sont désormais parfaitement capables de fabriquer des produits
très sophistiqués qui seront probablement moins chers si elles les réalisent à
la fois pour le domaine civil et pour le domaine militaire. Comme les
applications militaires et civiles deviennent de toute façon de plus en plus
voisines, y compris en matière d'observations terrestres, on pourrait créer de
la richesse, des emplois et développer beaucoup d'activités.
Il faut, je le répète, éviter un saupoudrage et adopter une stratégie en
faveur des zones de compétences. Ce serait une erreur d'adopter une stratégie
très « égalitariste » qui finalement conduit à dépenser inutilement de
l'argent. Alors qu'on admet très bien que des équipes de football passent de
première en deuxième division non parce qu'elles sont mauvaises, mais parce que
d'autres sont meilleures, je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas de même
dans le domaine des industries de matière grise avec des équipes qui ne
demandent qu'à se développer.
Nous ne devons pas nous laisser bercer par l'idée que nous ne sommes pas si
mauvais, que nous sommes bons, que nous accomplissons quelques progrès. Nous ne
sommes pas assez bons si les autres sont meilleurs. Avec la mondialisation
économique, la compétition intellectuelle est désormais si forte qu'il ne faut
pas nous mettre des semelles de plomb ; il nous faut, au contraire, nous mettre
en position de gagner les courses.
(Applaudissements sur certaines travées
du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je commencerai par répondre aux présidents de
commission qui se sont exprimés.
M. François-Poncet s'est réjoui que la croissance française soit, en 1998
comme en 1999, supérieure à celle de l'Allemagne et de l'Italie. Il a établi un
parallèle avec les Etats-Unis. Le Gouvernement pense, comme lui, que l'action
concertée et la coordination des politiques économiques en Europe, en
particulier au sein de l'Euro 11, doit permettre de réduire l'écart entre la
croissance européenne et la croissance américaine qui d'ailleurs ne sera
peut-être pas éternel.
M. François-Poncet a cité MM. Trichet, Schroder et Blair pour étayer deux de
ses recommandations. La première visait à réduire la part excessive des
dépenses publiques. Sans que le Gouvernement en tire une quelconque fierté,
cette part diminue et passera de 56 % du produit intérieur brut en 1996 à 51 %
en 2002. C'est d'ailleurs, me semble-t-il, le chiffre qu'il a cité.
Il convient de réduire la part relative de la dépense publique, mais en
agissant par la croissance plutôt qu'en opérant des coupes claires. Par
ailleurs, il importe que, dans ce mouvement de réduction relative, les
priorités, sur lesquelles Mme Beaudeau et M. Angels ont fortement insisté,
soient correctement financées.
M. François-Poncet a évoqué les réformes structurelles. Tout au long de ce
débat, il est très clairement apparu que le Gouvernement prévoyait des
réformes, notamment dans le domaine de la fiscalité mais aussi en faveur de
l'emploi mais pas au détriment des salariés.
M. Delaneau a abordé la question de la sécurité sociale qui, selon lui, doit
être traitée lors du débat d'orientation budgétaire. En effet, vous le savez,
le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie exerce une
responsabilité générale sur toutes les finances publiques.
M. Delaneau a cité des chiffres qui mettent en reflet la situation actuelle de
la sécurité sociale. Après un déficit du régime général de 67 milliards de
francs en 1995, les 5 milliards de francs de déficit prévus pour 1999 - et
l'année n'est pas terminée en la matière - démontrent que le Gouvernement,
auquel j'ai l'honneur d'appartenir, a combattu courageusement le déficit de la
sécurité sociale.
M. Delaneau a également évoqué la deuxième loi sur la réduction négociée du
temps de travail. Il a contesté, me semble-t-il, le principe de neutralité,
c'est-à-dire le fait que les ressources tant fiscales que sociales résultant
des nouveaux emplois induits par ces accords donnent lieu à des prélèvements
qui soient recyclés dans les entreprises ayant signé lesdits accords. Le
Gouvernement, en la matière, a adopté une position équilibrée.
M. Gouteyron, qui a présidé une commission d'enquête sur l'éducation
nationale, souhaite qu'on dépense mieux dans ce secteur. Il rejoint tout à fait
le point de vue du Gouvernement. Tous les travaux qui sont réalisés tant à
l'Assemblée nationale qu'au Sénat pour renforcer l'évaluation parlementaire
vont, tout à fait me semble-t-il, dans la bonne direction.
S'agissant de l'éducation nationale, mon collège Claude Allègre a réduit la
dimension de l'administration centrale et a rendu aux recteurs une capacité de
gestion des postes d'enseignants qui est mieux exercée près des établissements
scolaires qu'à Paris.
M. Gouteyron a souhaité, en outre, que le Parlement soit mieux informé. Les
commissions d'enquête ont permis une telle information, tandis que les
ministres répondent à toutes les questions d'actualité qui leur sont posées. Il
ne me semble pas anormal qu'un certain nombre de décisions en matière de
gestion soient prises en cours d'année, par exemple pour combler les vacances
de postes.
Je m'adresserai maintenant à M. de Villepin, qui a bien voulu attendre, en
dépit de l'heure tardive, que le Gouvernement lui réponde. J'y suis très
sensible.
Vous souhaitez, monsieur de Villepin, que la dépense publique baisse, sauf
dans le cas des budgets régaliens de la défense et des affaires étrangères. Je
crois cependant que vous pensez, comme moi, que la volonté de dépenser mieux
peut concerner tous les budgets, y compris les deux que vous avez
mentionnés.
Je veux, d'abord, vous rassurer à propos du budget militaire, en vous disant
que la revue des programmes militaires sera respectée, ainsi que la
professionnalisation de nos armées. Je souligne, au passage, qu'il est
exceptionnel qu'une loi de programmation militaire soit autant respectée que
celle qui est en cours d'exécution. On a, en effet, constaté, dans le passé,
des écarts croissants qu'on ne retrouve pas actuellement.
S'agissant des opérations extérieures, vous savez que la tradition est de les
traiter dans le collectif budgétaire de fin d'année.
A propos du ministère des affaires étrangères, vous avez parlé des effectifs.
Ce ministère a, en effet, contribué, entre 1991 et 1998 - ce n'est donc pas un
phénomène récent - à rendre à la collectivité nationale, si je puis dire, 628
postes budgétaires. Il faut dire qu'en contrepartie ce ministère a procédé au
recrutement de 1 100 collaborateurs locaux et que, si l'on compare avec nos
homologues britanniques, dont la diplomatie n'est pas, je crois, de second
rang, les effectifs de cette grande administration française ne sont pas
vraiment différents de ce qu'ils sont outre-Manche.
Vous avez également évoqué la réforme de la coopération. Il s'agit bien là
d'une réforme structurelle, profonde, telle que M. François-Poncet, qui connaît
bien ce ministère, peut l'apprécier. Comme vous l'avez souligné, le plein effet
de cette réforme n'apparaîtra qu'à moyen terme mais, dès l'an 2000, nous en
percevrons quelques effets bénéfiques en termes de gestion.
Monsieur de Villepin, vos propositions sont excellentes, qui consistent à
organiser une programmation, à moyen terme, de la carte diplomatique et
consulaire et, avec la malice souriante que chacun vous connaît, vous y avez
ajouté l'ensemble des établissements à l'étranger, y compris ceux d'autres
ministères, en particulier ceux du ministère des finances.
M. Trégouët, avec des accents assez comparables à ceux de M. Laffitte, a
évoqué la nouvelle économie de l'immatériel, qui est effectivement au coeur de
ce débat d'orientation budgétaire.
Le budget est, en effet, un instrument pour soutenir la croissance et, comme
M. Laffitte l'a rappelé, le développement des nouvelles technologies de
l'information, de cet immatériel évoqué par M. Trégouët, a, selon des calculs
évidemment fragiles, apporté un supplément de croissance de l'ordre de un
demi-point par an. Il est vrai que la France avait pris quelque retard en la
matière, mais je crois que ce retard se réduit peu à peu, peut-être trop
lentement. A cet égard, le projet de loi sur l'innovation qui a été salué par
la Haute Assemblée va, me semble-t-il, tout à fait dans le bon sens.
M. Trégouët, avec d'autres sénateurs, a regretté que les jeunes, et des jeunes
de valeur, partent à l'étranger. Je dirai très simplement qu'il est bon que nos
jeunes « doctorants » aillent se perfectionner à l'étranger. La vraie question
est de faire en sorte qu'ils reviennent et je veux, pour relativiser cette
situation qui n'a rien de dramatique, souligner qu'il y a actuellement, d'après
un rapport du Conseil économique et social, 3 % de Français à l'étranger,
contre 10 % d'Italiens, 15 % de Britanniques et 12 % de Suisses.
Il n'est donc pas possible d'être favorable à la mondialisation, comme
certains sénateurs l'ont dit, et de vouloir que la population reste confinée
dans nos frontières.
M. Trégouët a, comme M. Laffitte, évoqué les
stock-options
. Mais qui a
si lourdement taxé les
stock-options
, sinon MM. Barrot et Arthuis ? Je
tiens à préciser que le Gouvernement a rétabli un régime fiscal plus favorable
pour les seules entreprises de moins de quinze ans, car ce sont ces entreprises
naissantes qui sont les plus créatrices d'innovation, de richesses et
d'emplois.
Enfin, grâce au Gouvernement français, une décision européenne a doublé les
investissements de la Banque européenne d'investissement dans les réseaux
d'information, ce qui permettra à nos entreprises de profiter pleinement de la
révolution industrielle qui s'annonce.
Mme Beaudeau a plaidé avec vigueur et conviction en faveur du secteur public.
Le Gouvernement partage pleinement la conviction qu'elle a si bien exprimée.
J'en veux pour preuve le fait que notre ministre des transports a obtenu un
délai pour la dérégulation, comme disent les spécialistes, c'est-à-dire la
libéralisation du rail. Nous sommes favorables à la sauvegarde, au
développement, à une plus grande efficacité du secteur public. Nous nous
rejoignons pleinement sur ce point.
Madame Beaudeau, vous avez également souligné que la croissance ne se décrète
pas ; elle se gagne. C'est une conviction forte qui s'oppose au laisser-faire
de certaines doctrines libérales. Vous avez parlé de dépenses « conquérantes ».
Il est possible d'être conquérant sans être trop massif. Nous pouvons donc nos
rejoindre sur ce point.
Enfin - et vous avez beaucoup insisté sur cette question - vous avez souligné
l'importance de lutter contre le
dumping
fiscal à l'échelon européen. A
cet égard, je me tourne vers M. Angels, qui a déposé une proposition de
résolution concernant la fiscalité européenne de l'épargne qui n'a pas été
soutenue, monsieur le rapporteur général, par la commission des finances. Il
s'agissait pourtant là d'un moyen concret de manifester la volonté quasi
unanime du Sénat de lutter contre la fraude, l'évasion fiscale, voire les
paradis fiscaux. Par conséquent, peut-être y aura-t-il l'occasion d'un
rattrapage en la matière ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le secrétaire d'Etat, me permettez-vous de
vous interrompre ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie, monsieur le rapporteur général.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de M. le
secrétaire d'Etat.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la commission des
finances a examiné cette question relative à la directive européenne sur la
taxation de certains revenus de l'épargne. S'agissant de l'objectif, nous nous
sommes prononcés, par une résolution, favorablement. Nous avons retenu une
rédaction légèrement différente de celle qui était préconisée par notre
collègue M. Angels, en particulier sur le taux minimal de cette taxation. En
effet, nous préférons le fixer à 20 %, au lieu de 25 %.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est donc pas véritablement une différence
stratégique qui nous sépare sur ce point. Je tenais à préciser la position de
la commission des finances.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur général, je vous remercie de
soutenir ainsi, même avec quelques nuances, une proposition qui a été formulée
par M. Angels.
Je reprends mon propos. De même, nous travaillons à un code de bonne conduite
ayant pour objet d'éviter des pratiques fiscales qui ont comme conséquence
artificielle le déplacement d'usines, de sièges sociaux ou de centres de
recherche. Donc, madame Beaudeau, nous travaillons, et je suis heureux que le
Sénat apporte son soutien à cet effort du Gouvernement.
La réduction des déficits n'est pas un objectif en soi, c'est simplement un
moyen. Comme vous le savez, madame la sénatrice, les intérêts de la dette
représentant 340 milliards de francs, c'est-à-dire l'équivalent de l'ensemble
du budget de l'emploi et de la solidarité, ainsi que M. Dominique Strauss-Kahn
l'a dit avant moi, il est important de baisser cette dépense qui profite à la
rente pour accroître la dépense volontaire en faveur de l'emploi.
M. Angels a dressé un bilan impeccable de la politique menée par le
Gouvernement dans le domaine économique et budgétaire, qu'il a ponctué par un
certain nombre de phrases fortes dont il s'est fait une sorte de spécialité,
telles que « la croissance n'est rien sans la confiance » ou « en ce qui
concerne l'emploi, la bataille est loin d'être gagnée, mais les résultats
enregistrés sont satisfaisants ».
Vous nous avez fourni, monsieur le sénateur, un précepte sage en matière de
réforme fiscale : il faut réformer nos structures et nos pratiques sans les
déséquilibrer. Vous avez fait un vaste panorama des réformes fiscales qui ont
votre préférence, en insistant sur celles qui bénéficient aux ménages. Le
Gouvernement entend bien votre message. Si nous avons les marges de manoeuvre
nécessaires, nous irons dans la direction que vous souhaitez.
Vous avez parlé de la poursuite de l'effort de simplification. Je tiens à
apporter une précision sur la fiscalité de l'épargne. Il est vrai que le
conseil des impôts a produit récemment un rapport sur ce point, qui n'a pas
pour objet d'unifier complètement la fiscalité de l'épargne, car, vous comme le
Gouvernement, nous sommes attachés à ce que l'épargne populaire garde un statut
particulier. Nous pourrons en reparler à l'occasion du prochain débat
budgétaire.
La déclaration expresse, vous l'avez citée avec faveur. Vous avez mentionné le
prélèvement à la source, qui soulève de multiples problèmes. S'agissant du
droit de bail, le Gouvernement a, comme vous le savez, accepté au sujet du
remboursement du trop-versé en ce qui concerne les seuls
propriétaires-bailleurs qui interrompent leur location, de discuter avec les
professionnels et de vous proposer une solution, me semble-t-il heureuse, dans
le projet de budget pour l'an 2000. Vous faites la suggestion d'un
remboursement sur cinq ans. C'est une idée qui sera versée à cette
réflexion.
Vous avez parlé de la recherche d'une plus grande justice fiscale en citant la
loi Pons. Nous en avons parlé lors de l'examen des projets de budget pour 1998
et 1999. Nous avons dit que nous allions stabiliser la loi Pons jusqu'au 31
décembre 2002. Evitons perpétuellement de modifier chaque année les
dispositions fiscales, même si elles sont imparfaites. Ce serait en effet un
facteur de trouble pour les investisseurs, qui sont nécessaires au
développement des départements et territoires d'outre-mer.
Vous avez évoqué la TVA en revenant sur le point antérieur. En ce qui concerne
l'écotaxe, vous avez apporté un soutien de principe à l'initiative européenne
dont la France va partager la mise en place. Nous en reparlerons.
Vous avez évoqué un certain nombre de dossiers européens, et notamment la
directive sur l'épargne dont j'ai déjà parlé en répondant à Mme Beaudeau. Vous
avez aussi évoqué la taxe sur les mouvements financiers spéculatifs à l'échelle
européenne. Ce sujet a du pour et du contre, si je puis dire, car le monde
financier est désormais global. L'échelle française est certainement
insuffisante et l'échelle européenne peut-être trop limitée. Ce serait au moins
au niveau des pays de l'OCDE qu'il faudrait agir, et encore de nombreux paradis
fiscaux resteraient-ils en dehors.
M. Deneux a parlé de l'« explosion » de la dette publique. Monsieur le
sénateur, vous avez raison : entre 1991 et 1997, la dette publique rapportée au
produit intérieur brut est passée de 30 % à un peu moins de 60 %. Concrètement,
cela représente, par famille, 100 000 francs en 1993 et 200 000 francs en 1998.
Il était important d'interrompre cette « explosion » de la dette publique ;
c'est votre expression et non la mienne. Depuis 1997, nous approchons d'un
plafond et pour la première fois, en l'an 2000, la dette reculera en
pourcentage du produit intérieur brut.
Nous avons déjà débattu des crédits d'investissement. Toutes sources de
financement confondues, les investissements civils de l'Etat, qui avaient
baissé de 13 % entre 1993 et 1997, croîtront de 10 % entre 1997 et 1999.
En ce qui concerne les routes, sans entrer dans un débat trop pointu à cette
heure avancée, je signalerai que nous avons ajouté des crédits de paiement pour
rattraper les retards accumulés durant les années antérieures.
M. Lachenaud a déploré les conditions de ce débat d'orientation budgétaire. Il
est normal que le Gouvernement présente sa vision et que la commission des
finances ainsi que les sénateurs formulent leurs propres suggestions.
Je voudrais insister fortement sur un point : au mois de juillet 1998, lorsque
nous avons annoncé des mesures fiscales, M. Strauss-Kahn et moi-même, nous
sommes venus les présenter devant les commissions des finances des deux
chambres du Parlement ; vous ne pouvez donc pas dire, même si vous vous êtes
exprimé rapidement, que vous avez appris tout cela par la presse.
Vous avez parlé de l'environnement européen. Il est vrai que l'écotaxe est en
train d'être mise en oeuvre par l'Italie, par la Grande-Bretagne et par
l'Allemagne. Vous avez évoqué l'impôt sur le bénéfice des sociétés. Il faut
regarder le taux, vous avez raison, mais aussi la base sur laquelle cet impôt
est calculé. Nous sommes à l'initiative d'un travail européen pour comparer ce
qui est comparable. Peut-être verra-t-on que, en France, l'impôt sur le
bénéfice des sociétés n'est pas aussi décourageant que vous l'avez dit ?
J'ai déjà évoqué le code de bonne conduite et la retenue sur l'épargne
anonyme.
Le seuil de 50 millions de francs de chiffre d'affaires est-il vraiment
significatif, avez-vous dit ? Or 95 % des entreprises sont en dessous de ce
seuil qui a été adopté en 1997 ; il est proposé de l'adapter en l'an 2000. Nous
avons eu le souci de ménager les petites et moyennes entreprises.
Enfin, et je vous prie de m'excuser d'être un peu rapide dans ma réponse, vous
avez développé un slogan : moins d'impôts égale plus d'emplois. C'est vrai que
nous réduisons les impôts sur le travail : baisse de la taxe professionnelle et
baisse des cotisations patronales. Si l'on regarde le passé, et l'esprit
pragmatique que vous êtes le reconnaîtrait : il y a eu plus d'impôt à l'époque
de M. Balladur et 78 000 chômeurs supplémentaires ; encore un point de
prélèvements obligatoires sous le gouvernement de M. Juppé et 118 000 chômeurs
de plus ; nous-mêmes, nous n'avons pas accru les prélèvements obligatoires et
nous avons 262 000 chômeurs de moins. Je ne fais pas une corrélation aussi
directe que celle que vous avez formulée, mais il y a tout de même un
parallélisme intéressant.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il faut baisser les prélèvements obligatoires !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Un peu de patience, monsieur le rapporteur général
!
En ce qui concerne les baisses de TVA ciblées, nous aurons l'occasion d'en
parler prochainement au sein de la Haute Assemblée. Vous souhaitez que nous
expérimentions. Je voudrais simplement dire, sans prolonger le débat, que, si
la Commission de Bruxelles a accepté le principe d'expérimentation de baisses
de TVA sur les activités à fort contenu de main-d'oeuvre, c'est grâce à la
France qu'elle a pris cette initiatrice.
En ce qui concerne la conjoncture, je dirai à M. Vallet que, cet après-midi,
j'étais au Conseil économique et social où les experts de cette assemblée
pensent que nous sommes en train de sortir du trou d'air, tout en
s'interrogeant sur le rythme de sortie. Monsieur le sénateur, vous avez parlé
de l'industrie. Il y a aussi le bâtiment, les services, qui, dans notre pays,
vont bien.
Vous avez évoqué, comme d'autres orateurs, les trente-cinq heures dans la
fonction publique. La démarche du Gouvernement est claire en la matière.
D'abord, un diagnostic : c'est un rapport très complet qui a été fait par M.
Roché sur la durée annuelle du travail dans les différentes administrations :
administration d'Etat, administrations locales, administration hospitalière, et
à l'intérieur de chacune d'entre elles. Actuellement, mon collègue M. Emile
Zuccarelli débat de la méthode pour voir comment progresser. C'est ensuite que
les décisions viendront. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
M. Oudin a parlé de la sécurité sociale. J'ai déjà dit, tout à l'heure, à
propos de l'intervention du président Delaneau, que le Gouvernement avait
travaillé obstinément pour réduire le déficit du régime général de 67 milliards
de francs en 1995 à 5 milliards de francs en 1999. Il a évoqué sur le mode un
peu critique la couverture maladie universelle. Sachez que le Gouvernement
auquel j'appartiens est fier de cette réforme qui touche au droit à la santé en
permettant l'exercice non d'un droit formel à la santé, mais d'un droit réel à
la santé.
En ce qui concerne les transports, je vois que, dans certains domaines, M.
Oudin est partisan, lui aussi, de dépenser plus. Il a évoqué les ports. Le
Gouvernement a lancé pour Le Havre un projet important appelé « Port 2000 ». Je
crois que nous partageons avec lui le souci des infrastructures de
transports.
En ce qui concerne la taxe générale sur les activités polluantes, j'ai déjà
rappelé nos engagements internationaux. Les moyens de l'Agence de
l'environnement et de la maîtrise de l'énergie sont accrus : plus 500 millions
de francs grâce à cette fameuse taxe générale sur les activités polluantes,
plus 500 millions de francs en dotations budgétaires au titre de 1999. C'est
dire que le Gouvernement a tenu ses engagements.
S'agissant de l'eau, une discussion est ouverte avec les présidents des
agences de l'eau, dont la Haute Assemblée est certainement parfaitement
informée.
M. Foucaud a concentré son intervention, très fouillée, sur les collectivités
locales. Je ne crois pas que la réforme de la taxe professionnelle se soit
traduite par une pénalisation des collectivités locales, puisque la
compensation est intégrale. En termes d'emplois, les premiers résultats sont
positifs. Sur les 78 000 emplois créés au premier trimestre, principalement
dans les PME, une partie au moins doit être imputable à cette mesure. D'après
un sondage réalisé à la demande du Conseil supérieur du notariat, c'est en
raison de cette réforme de la taxe professionnelle que deux tiers des patrons
de PME envisagent d'embaucher.
Je rappelle que le Gouvernement, pour bien marquer que cette réforme entre
immédiatement en vigueur, a réduit les acomptes de taxe professionnelle qui
devaient être versés le 15 juin.
Vous avez souhaité que la croissance réelle soit favorisée par rapport à la
spéculation financière. Monsieur Foucaud, je ne vous ferai pas la liste de
toutes les dispositions arrêtées dans le budget de 1999 qui vont exactement
dans le sens que vous souhaitez !
Vous vous êtes inquiété, comme M. Sergent d'ailleurs, de l'avenir financier de
la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. C'est un
sujet auquel le Gouvernement est très attentif et qu'il examine dans le cadre
général des systèmes de retraite dont un diagnostic, de qualité, me
semble-t-il, concerté en tout cas, a été fait par M. Charpin.
Vous avez évoqué la révision des bases de taxe d'habitation. De très nombreux
travaux techniques effectués en la matière par nos soins montrent que, si l'on
s'astreint à garder constant le produit de la taxe d'habitation pour une
commune, certains contribuables voient leur taxe augmenter, alors que d'autres
la voient baisser. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce ne sont pas
forcément les contribuables aisés qui voient leur taxe d'habitation progresser
et les contribuables modestes qui la voient diminuer. Ces simulations montrent
bien que le véritable problème - M. Sergent l'a très bien expliqué - est plus
la disparité des taux de fiscalité d'une commune à l'autre que les disparités
de situation à l'intérieur de certaines communes. Nous continuons donc à
travailler sur ce sujet délicat.
M. Sergent est intervenu de façon très convaincante sur les collectivités
locales et sur l'intérêt de substituer à un pacte de stabilité parfaitement
unilatéral et pénalisant pour les collectivités locales un contrat de
croissance et de solidarité. Il a mentionné la volonté du Gouvernement de
recourir de manière accrue à la péréquation.
Il a évoqué le dossier de la taxe professionnelle de France Télécom. Nous
travaillons actuellement avec France Télécom pour déterminer la base,
l'assiette en quelque sorte, de la taxe professionnelle qui serait payée par
France Télécom. M. Sergent a présenté un certain nombre de suggestions pour
aller au-delà de cette investigation. Le Gouvernement en tiendra évidemment
compte.
En ce qui concerne la taxe d'habitation, qu'il a qualifiée de mesure injuste,
je rappellerai que nous somme revenus sur une disposition de l'ancien
gouvernement puisque 800 000 personnes ont vu leur taxe d'habitation diminuer.
Le coût de cette disposition s'est élevé à 1 milliard de francs dans le budget
de 1998 ; mais il s'agissait, à mon avis, d'une bonne dépense.
M. Sergent a également évoqué la comptabilité M 14. En accord avec M.
Delevoye, président de l'association des maires de France, nous avons décidé de
stabiliser la comptabilité M 14, qui a sans doute beaucoup troublé les élus
locaux mais qui leur apportera, à terme, un outil de gestion leur permettant de
réaliser de grands progrès.
Enfin, M. Laffitte a ouvert grand la fenêtre du xxie siècle ; il a félicité le
Gouvernement de lancer une loi sur l'innovation et a souligné à quel point la
concentration de pôles de recherche, d'enseignement de qualité et
d'entrepreneurs peut créer un effet boule de neige. Telle est exactement la
volonté du Gouvernement.
C'est donc sur cette note de confiance pour le xxie siècle que je conclurai
cette intervention, monsieur le président.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Je constate que le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le
numéro 446 et distribuée.
Mes chers collègues, avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons
interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le mercredi 23 juin 1999, à une heure cinquante, est
reprise à une heure cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
13
DIVERSES MESURES D'URGENCE
RELATIVES À LA CHASSE
Adoption des conclusions
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 408,
1998-1999) de Mme Anne Heinis, fait au nom de la commission des affaires
économiques et du Plan sur la proposition de loi (n° 394 rectifié, 1998-1999)
de MM. Roland du Luart, Gérard Larcher, Philippe Adnot, Jean Bernard, Jean
Bizet, Paul Blanc, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Gérard César, Michel
Charasse, Gérard Cornu, Jean-Patrick Courtois, Désiré Debavelaere, Jean-Paul
Delevoye, Fernand Demilly, Michel Doublet, Philippe François, Alain Joyandet,
Mme Anne Heinis, MM. Pierre Lefebvre, Jacques Legendre, Jean-François Le Grand,
Guy Lemaire, Pierre Martin, Jacques Oudin, Xavier Pintat, Ladislas Poniatowski,
Henri de Raincourt, Henri Revol, Michel Souplet, Martial Taugourdeau, Jacques
Valade et Alain Vasselle portant diverses mesures d'urgence relatives à la
chasse.
Mes chers collègues, je tiens à remercier Mme le ministre de sa présence dans
cet hémicycle à l'heure tardive où nous allons aborder l'ordre du jour
complémentaire.
Presque à l'heure du gabion, puisque le jour se lèvera ce matin à cinq heures
quarante-neuf, nous allons, comme l'a décidé la conférence des présidents,
examiner un texte important motivé par l'urgence, à quelques semaines de
l'ouverture, pour une organisation harmonieuse et une bonne gestion de la
chasse dans nombre de nos départements et pour éviter d'inutiles tensions.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.
Mme Anne Heinis,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, madame le ministre, mes chers collègues, depuis quelques années,
la réglementation relative à l'organisation de la chasse en France fait l'objet
de multiples contestations sur des thèmes très divers. Je crois qu'il est temps
de s'interroger sur les raisons de ces contestations qui sont le fruit
d'incompréhensions mutuelles et dégénèrent malheureusement en conflits, alors
que, dans le passé, l'exercice de la chasse ne posait pas de problème majeur :
la chasse faisait partie de la vie du monde rural avec ses spécificités
locales.
La transformation de la société française qui, de profondément rurale, est
devenue majoritairement urbaine, s'est traduite par des évolutions culturelles
contrastées en matière de gestion des espaces naturels.
D'un côté, les urbains se sont éloignés d'un art de vivre et de traditions
anciennes modelés par le contact quotidien avec la nature, même s'ils
manifestent une soif nouvelle et parfois candide de retour à la nature, ou à ce
qu'ils pensent être la nature. D'où le succès d'un certain mouvement écologique
qui appréhende la gestion des espaces naturels de façon idéologique et à partir
de positions radicales faisant fi d'une réelle connaissance du terrain ou, au
contraire, privilégiant abusivement tel aspect particulier.
De l'autre côté, le monde rural, lui, vit concrètement chaque jour ce combat
qu'est la gestion de la nature.
Il est bien évident que, dans ce domaine, comme dans tous les autres, il faut
des règles du jeu pour réguler les activités et les évolutions, et ne pas
oublier que c'est la nature qui est faite pour l'homme, et non le contraire.
Les espaces dits « naturels » ne sont pas ceux d'hier et seront
immanquablement différents à l'avenir. Tous en sont usagers et doivent pouvoir
y vivre sinon en parfaite harmonie - ne faisons pas d'angélisme - mais en
tolérant au moins les activités qui ne sont pas de leur goût, à condition, bien
sûr, qu'elles s'exercent dans le respect d'une gestion équilibrée, donc durable
de ces espaces, de leur flore et de leur faune.
C'est évidemment aux responsables politiques qu'il revient d'organiser cette
gestion en évitant autant que faire se peut d'amplifier les affrontements
stériles et les surenchères partisanes.
A cet égard, je souhaiterais, madame le ministre, que vous cessiez d'opposer
systématiquement défenseurs de la nature et chasseurs et que vous admettiez un
jour que les seconds sont viscéralement parmi les premiers.
J'en veux pour preuve la gestion des zones humides et de superbes espaces
d'habitat des oiseaux d'eau, dont certains sont mis en réserve, qui se fait
naturellement par les chasseurs sans peser sur les finances publiques.
Si la chasse disparaît, nos écologistes citadins ne manqueront pas de réclamer
à cor et à cri la survie de ces zones et l'embauche de fonctionnaires pour
assurer cette conservation aux frais du contribuable. Ce peut être l'objectif
de certains, mais ce n'est certes pas le mien.
C'est bien dans un esprit de compromis et d'apaisement que mes collègues
Roland du Luart et Gérard Larcher ont déposé une proposition de loi portant
diverses mesures d'urgence relatives à la chasse, reprise et cosignée par une
trentaine de collègues de toutes appartenances politiques.
En effet, deux décisions de justice récentes fragilisent la réglementation et
pourraient avoir des graves conséquences dès la prochaine saison.
Le premier problème concerne la chasse de nuit ou à la passée du gibier
d'eau.
Dans un arrêt du 7 avril dernier, le Conseil d'Etat a annulé pour excès de
pouvoir une instruction du 31 juillet 1996 de l'Office national de la chasse,
en ce qu'elle organisait un régime de tolérance s'agissant de ces modes de
chasse, reprenant en fait les pratiques coutumières existantes.
Quelle était la situation antérieure à cet arrêt ? Alors que, depuis 1790,
l'abolition des privilèges avait donné le droit de chasser à tous, en tous
lieux et en tout temps, le code rural, dans sa rédaction de 1844, énonce une
prohibition générale de la chasse de nuit, essentiellement pour des raisons de
sécurité et de lutte contre le braconnage de nuit, notamment s'agissant du
grand gibier.
Mais, déjà, la loi du 3 mai 1844 prévoyait que les préfets pouvaient prendre
des arrêtés pour déterminer l'époque de la chasse aux oiseaux de passage et le
temps pendant lequel il serait permis de chasser le gibier d'eau dans les
marais, les étangs, les fleuves et les rivières. Cela ne date donc pas
d'aujourd'hui !
Il y avait là indiscutablement une ouverture à certaines dérogations, d'autant
que les travaux préparatoires de cette loi montraient clairement que le
législateur était favorable à certaines chasses de nuit pratiquées dans
certains départements, car elles ne présentaient aucun danger. A l'époque,
l'objectif de la sécurité primait !
L'administration, à travers la réglementation élaborée par l'Office national
de la chasse, a encadré la pratique de la chasse de nuit ou à la passée depuis
longtemps. La dernière circulaire en date est celle du 31 juillet 1996, qui
admet, pour la chasse à la passée, une période de deux heures avant le lever du
soleil et de deux heures après son coucher.
Quant à la chasse de nuit à la hutte, au hutteau, à la tonne ou au gabion,
c'est-à-dire à partir de postes fixes, elle est reconnue comme constituant un
usage local, et autorisée à ce titre dans quarante-deux départements
métropolitains. En 1981, l'administration a procédé au recensement des
installations concernées sur le domaine terrestre, et en a comptabilisé plus de
8 000.
En fait, la décision du Conseil d'Etat du 27 avril dernier ne condamne pas la
chasse de nuit. S'appuyant sur l'interdiction générale posée à l'article L.
224-4 du code rural, elle rappelle que, compte tenu de la hiérarchie des
normes, une circulaire administrative ne peut instaurer de restrictions à
l'application d'un principe défini au niveau législatif et elle annule pour
excès de pouvoir l'instruction de l'Office national de la chasse.
En revanche, rien n'interdit au législateur d'assortir un principe d'un
certain nombre d'exceptions ou de dérogations. C'est d'ailleurs chose
courante.
C'est bien l'objet de l'article 1er de la proposition de loi, qui va modifier
l'article concerné du code rural.
Il s'agit donc, en fait, d'une validation législative de modes de chasse
traditionnels qui ne peuvent être brutalement supprimés sous peine de troubles
graves dans les départements où ils ont toujours été pratiqués.
Qu'en est-il au niveau européen ?
Dans le principe, la plupart des Etats interdisent la chasse de nuit, mais un
certain nombre d'entre eux prévoient des dérogations, notamment pour le gibier
d'eau, avec des modalités diverses. Je citerai ainsi l'Autriche, la Belgique,
l'Espagne, la Finlande, l'Irlande et le Royaume-Uni.
Quant à la fameuse directive « oiseaux » de 1979, elle ne contient aucune
disposition spécifique relative à la chasse de nuit, sauf dans l'annexe 4, où
elle interdit un certain nombre de procédés, comme les éclairages, lorsque la
chasse de nuit est pratiquée, ce qui, a
contrario
, autorise celle-ci.
M. Roland du Luart.
Très bien !
Mme Anne Heinis,
rapporteur.
Nénamoins, il faut savoir que la Commission européenne a une
position restrictive d'ensemble à l'encontre de la chasse de nuit en se fondant
sur le critère de la non-sélectivité, c'est-à-dire de l'impossiblilité
d'identifier avec certitude le gibier tiré.
Cette prise de position globale de la Commission ne me paraît cependant pas
conforme à la directive, qui énonce certes le principe général de protection
des oiseaux sauvages, mais énumère, dans son annexe 2, les espèces chassables,
reconnaissant
de facto
la compétence du chasseur pour les identifier, ce
qui paraît évident.
A cet égard, il faut souligner qu'en matière de gibier d'eau, il s'agit
réellement d'une chasse de spécialistes, lesquels, après avoir observé les
silhouettes et le vol, très caractéristiques selon les espèces, entendu leur
chant, effectuent un tir posé, ce qui laisse tout le temps d'identifier le
gibier. C'est dire que le critère de sélectivité est ici pleinement
respecté.
Pour en revenir aux principes et être clair en ce qui concerne la
réglementation européenne, il n'y a pas d'interdiction générale de la chasse de
nuit. En revanche, il convient de respecter l'objectif de la directive, à
savoir la régulation équilibrée et la conservation suffisante des espèces, et
je veux tout particulièrement insister sur le fait que cet objectif a été
constamment présent à notre esprit dans l'élaboration de ce texte.
Le deuxième problème à résoudre est d'un autre ordre. Il provient de la remise
en cause de la loi Verdeille du 10 juillet 1964 par l'arrêt de la Cour
européenne des droits de l'homme du 29 avril 1999.
Je rappelle que la loi Verdeille impose, au sein de la commune ou au niveau
intercommunal, le regroupement des terres pour la constitution d'une
association de type loi de 1901, mais dotée de certaines prérogatives de
puissance publique pour gérer le territoire de chasse ainsi constitué, le but
visé étant d'assurer une meilleure gestion du capital cynégétique et une bonne
conservation de la faune sauvage, ce qui ne peut se faire dans des territoires
trop fractionnés.
Les associations communales de chasse agréées, ou ACCA, ainsi constituées ne
l'ont été de façon obligatoire que dans vingt-neuf départements métropolitains,
de façon facultative dans une trentaine d'autres, et se situent en majorité
dans les régions du Sud-Ouest, où les propriétés sont très morcelées.
Elles ont subi de vivres critiques, au nom du principe d'égalité devant la
loi, en raison de diverses mesures discriminatoires, notamment du fait que les
propriétaires soient soumis ou non à l'obligation de faire apport de leurs
terres selon la superficie de ces dernières, et aussi en l'absence totale de
distinction entre propriétaires chasseurs ou non chasseurs.
Un volumineux contentieux s'est développé devant les juridictions tant
administratives que civiles, faisant apparaître de grandes divergences de
positions.
Une fois les voies de recours internes épuisées, des requêtes ont été
introduites devant la Cour européenne des droits de l'homme, en 1994 et
1996.
Dans son arrêt rendu le 27 avril dernier, la Cour a considéré que
l'application de la loi Verdeille, en imposant aux petits propriétaires non
chasseurs de faire apport de leurs terres à une ACCA, portait atteinte de façon
disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d'association eu égard à
l'intérêt général poursuivi.
L'article 2 de la proposition de loi vise donc à modifier certaines
dispositions de la loi Verdeille.
En effet, les conclusions de la Cour européenne des droits de l'homme
n'annulent pas les dispositions de la loi du 10 juillet 1964, mais, en
pratique, elles en rendent l'application quasiment impossible. Toute
contestation portée devant les tribunaux bénéficiera, bien sûr, de ces
conclusions, ce qui risque de susciter localement de graves conflits dès la
prochaine saison de chasse.
Il importe donc de proposer un dispositif qui prenne en compte les aspirations
légitimes des non-chasseurs, tout en évitant une remise en cause généralisée du
principe de l'apport de terrains institué par la loi Verdeille, qui aboutirait
inévitablement à la multiplication de petits territoires de chasse, ce qui, on
le sait, est néfaste.
En conséquence, l'article 2 de la proposition de loi crée un droit
d'opposition pour les propriétaires hostiles à la chasse en complétant
l'article L. 222-10 du code rural.
Madame le ministre, mes chers collègues, je suis convaincue de la nécessité
d'adopter un dispositif législatif propre à assurer un déroulement harmonieux
de la prochaine saison de chasse, dans le respect des décisions rendues tant
par le Conseil d'Etat que par la Cour européenne des droits de l'homme.
Nous reviendrons de façon plus détaillée sur le dispositif proposé lors de la
discussion des articles, mais j'observerai en conclusion que cette proposition
de loi, élaborée avant les élections européennes, va dans le sens d'une réelle
demande de la France rurale.
Il est clair que le score réalisé par la liste « Chasse, pêche, nature et
tradition » n'est pas la seule expression des chasseurs. Il signifie qu'une
fraction de gens de plus en plus importante refuse les diktats idéologiques
quels qu'ils soient, et le fait savoir par le moyen démocratique du vote.
Ils ne demandent pas, contrairement à certains, la disparition d'éventuels
adversaires ou le triomphe de leurs seules idées, ils demandent simplement
qu'un juste équilibre soit trouvé qui permette à chacun de vivre comme il
l'entend, pourvu, bien sûr, que ce ne soit pas contraire à l'intérêt général et
à certains grands objectifs auxquels, d'ailleurs, ils souscrivent.
C'est l'objet même de cette proposition de loi. Mais n'oublions pas, madame le
ministre, qu'elle nécessitera ensuite, comme les précédentes, une négociation
claire et bien conduite avec la Commission européenne, ce que nous attendons
toujours !
Une inquiétude monte ; sachons écouter le message avant que la situation ne
devienne gravement conflictuelle et incontrôlable ! Sinon, la chasse n'aura été
que le révélateur d'un malaise plus profond et plus vaste qui pourrait, à
terme, gagner d'autres secteurs.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous
allons donc, à une heure fort avancée de la nuit, traiter de chasse de nuit,
puisque c'est l'un des deux sujets évoqués dans la proposition de loi qui vient
en discussion.
Vous cherchez avec celle-ci à répondre à la situation créée par deux décisions
rendues récemment, l'une par le Conseil d'Etat, l'autre par la Cour européenne
des droits de l'homme.
Je ne conteste pas la nécessité de régler ces problèmes, mais il me semble que
la méthode que vous proposez ne permettra pas de le faire de façon durable,
comme j'aurai l'occasion de l'exposer ultérieurement.
Le premier article de cette proposition de loi traite de la chasse de nuit et
vise à la légaliser.
Fort ancienne, l'interdiction de cette pratique prend racine dans la grande
ordonnance des Eaux et forêts de 1669. Elle a été reprise dans la loi du 3 mai
1844 sur la police de la chasse, puis dans le code rural. C'est donc une
vieille tradition française issue de la monarchie et reprise dans le droit
républicain. En annulant la circulaire de l'Office national de la chasse du 31
juillet 1996, le Conseil d'Etat n'a fait que rappeler cette évidence.
Je m'étonne donc que certains des membres de votre assemblée, qui affichent
par ailleurs un profond attachement aux traditions, soient subitement enclins à
jeter aux orties l'une d'entre elles, ancrée depuis plus de trois siècles. Je
constate d'ailleurs que l'un des candidats aux élections européennes, qui vient
d'être élu au Parlement européen, tient la proposition de loi aujourd'hui
discutée pour un « scandale », et les parlementaires qui l'ont proposée comme
se « moquant des électeurs ».
Pour justifier une telle légalisation de la chasse de nuit, les auteurs de
cette proposition de loi arguent du fait que divers pays de l'Union européenne
pratiqueraient cette chasse. Une analyse de la situation dans les pays
mentionnés à l'appui de leur thèse montre que la réalité est tout autre.
En Autriche, la chasse de nuit est interdite. Cependant, dans certaines
provinces, comme le Burgenland et le Niederosterreich, le gibier d'eau peut
être tiré de soixante à quatre-vingt-dix minutes après le coucher et avant le
lever du soleil.
En Belgique, la chasse de nuit est interdite dans les trois régions. Le tir
des oies bernaches et du canard colvert est autorisé soixante minutes après le
coucher et avant le lever du soleil en Flandre. Le tir du canard colvert l'est
également en Wallonie pendant trente minutes après le coucher et avant le lever
du soleil, pour peu qu'une lettre recommandée ait été adressée préalablement au
responsable cynégétique administratif du territoire concerné.
En Espagne, la chasse de nuit est interdite. La législation nationale permet
aux provinces d'autoriser la chasse aux oiseaux d'eau au maximum une heure
après le coucher du soleil ou avant son lever. Il y a deux exceptions : la
chasse au gibier d'eau est autorisée les nuits de pleine lune, deux jours par
mois dans le delta de l'Ebre et sept jours par mois dans l'Albufera.
En Finlande, la chasse de nuit n'est pas formellement interdite, mais elle ne
se pratique pas. De plus, la loi sur la chasse exige l'identification préalable
du gibier, ce qui n'est pas possible de nuit.
En Irlande, la chasse de nuit est interdite. Quelques gibiers d'eau peuvent
être tirés soixante minutes après le coucher et avant le lever du soleil.
Au Royaume-Uni, la chasse de nuit n'est pas formellement interdite, car elle
ne se pratique pas. En revanche, l'usage des appelants de toutes sortes est
prohibé.
La chasse de nuit est donc en principe interdite dans la plupart des pays de
l'Union européenne, et cette interdiction ne connaît que des exceptions
limitées qui ne vont jamais aussi loin que ce que prévoit la proposition de loi
que nous examinons aujourd'hui.
Il convient d'examiner quels sont les modes de chasse concernés en France pour
la chasse au gibier d'eau.
La chasse à la passée peut intéresser le plus grand nombre de chasseurs de
gibier d'eau sur certains territoires. Elle concerne essentiellement la chasse
aux canards lorsque ceux-ci rejoignent, à la tombée de la nuit, leurs lieux de
gagnage et, le matin, lorsqu'ils en reviennent. Mais elle peut également
concerner, outre les « becs plats », des sauvaginiers, les oies, les foulques
et plus rarement les limicoles.
Ce type de chasse ne se pratique évidemment pas la nuit mais uniquement au
crépuscule et à l'aube.
La chasse au trou ou à la cache vise essentiellement la chasse des limicoles.
Le chasseur, après avoir choisi un endroit favorable, creuse une dépression et
bâtit un rempart avec du sable et des débris véhiculés par la mer ou creuse un
trou plus profond pour se dissimuler. Elle recouvre les chasses aux hutteaux,
dont je vous parlerai dans quelques instants.
La battue n'est pratiquée que pour les foulques et quelquefois pour le
colvert. C'est un mode de chasse diurne.
Le rabat est pratiqué pour les bécassines, les vanneaux et les pluviers. C'est
aussi un mode de chasse diurne.
La chasse à la botte, à l'approche ou devant soi est particulièrement prisée
pour les limicoles et les canards. C'est une chasse à la découverte faite en
longeant les vasières, le littoral ou dans les marais de l'intérieur. Elle est
exclusivement diurne.
La chasse au hutteau recouvre une grande variété d'installations fixes, mais
rarement permanentes.
Afin de simplifier, je regrouperai sous ce terme les hutteaux « debout » et
les hutteaux « assis ». Ils sont également appelés « tente », « guette » sur
l'île de Ré, « pioutade » dans le Midi, « bosse » en Brière, « agachon » en
Camargue, « parge » ou « caisse » ailleurs, ce qui valide d'ailleurs, madame,
vos remarques sur le caractère traditionnel de ces pratiques.
Ces installations consistent, notamment, en une caisse verticale enterrée ou
bien un petit édifice en planches dissimulé par des buttes de terre, de vase ou
de végétaux, un tonneau enfoncé dans le sol, une tente d'affût spécialement
construite pour la chasse, un simple filet de camouflage ou une toile tendue
entre quatre piquets. Leur hauteur est celle qui permet la dissimulation du
corps d'un homme assis. L'installation doit avoir quatre côtés et comporter des
meurtrières. L'emplacement du hutteau est primordial, mais quelquefois le
gibier est attiré par des appelants, des formes, des appeaux ou tout simplement
par le chasseur, qui imite le cri ou le sifflement de l'oiseau. C'est un mode
de chasse diurne, mais ces installations peuvent être utilisées pour la chasse
à la passée.
A la toile ou hutteau couché, le chasseur est couché dans un trou qu'il a
creusé et qui est recouvert d'une toile. Le fond du trou est recouvert de
paille. La « calorge », en Vendée, qui est un tuyau enterré dans lequel se
glisse le chasseur, peut être rattaché à ce type de chasse, qui est également
une chasse diurne. Contrairement à la réglementation sur le domaine public
maritime, ce dispositif est utilisé pour la chasse de nuit.
Le cercueil est un hutteau mobile. Le chasseur est couché dans une boîte en
bois étanche, en contreplaqué marine, recouverte de fibre de carbone. Cette
boîte, qui a la forme d'un cerceuil, est transportée sur la vasière à l'endroit
propice, grâce à deux roues légères, le plus près possible du flot, mais pas
trop. Ce cercueil est alors semi-enterré. Il peut contenir une ou deux
personnes. Certains, au mépris de la tradition, y incorporent un chauffage à la
tête et aux pieds. Différents autres types de hutteaux mobiles sont utilisés.
Ils sont utilisés pour la chasse diurne, mais aussi, contrairement à la
réglementation sur le domaine public maritime, pour la chasse de nuit.
La hutte ou le gabion sont des installations fixes et permanentes. Ce sont des
abris généralement souterrains utilisés pour la chasse de nuit. Ils sont plus
ou moins sophistiqués et peuvent comporter des coins cuisine, des couchettes,
un chauffage, un réfrigérateur, etc. Ils peuvent comporter plusieurs étages,
notamment pour parer aux problèmes d'inondation, être montés sur pilotis ou
être flottants.
La tonne c'est le gabion du Sud-Ouest. Cette installation doit son nom à
l'utilisation des grandes futailles du bordelais, qui sont utilisées pour
servir d'affût. Les tonnes sont également utilisées pour la chasse de nuit.
Le chasse au cheval : en fait, il s'agit d'une jument, car, comme vous le
savez, les femelles sont plus calmes et raisonnées que les mâles.
(Sourires.)
Un sénateur du RPR.
Cela dépend !
M. Jean-Louis Carrère.
En général !
M. le président.
Tout dépend de l'intervention du vétérinaire, madame le ministre.
(Rires.)
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
On ne peut
pas dire qu'elles ne sont pas calmes !
Le gibier, familiarisé avec le bétail, ne porte pas attention à une jument qui
se déplace. Il suffit donc au chasseur de se dissimuler derrière l'animal
spécialement dressé pour pouvoir approcher le gibier. Cette chasse diurne est
encore pratiquée dans les barthes de l'Adour.
Le malonage : dans certaines régions, les sauvaginiers utilisent, en
complément de leurs appelants, un canard dressé, totalement libre de ses
mouvements, qui est lâché au moment propice pour ramener ses congénères
sauvages à portée de fusil. Ce canard s'appelle le « malon » dans les pays de
la Loire ou, dans le midi, le « verdaou ».
Le badinage : pour attirer les canards, certains utilisent un chien de couleur
rousse ressemblant à un canard qu'ils laissent divaguer. Les canards sauvages,
curieux, excités, finissent par se rapprocher du chasseur.
La chasse en bateau plat : on utilise des bateaux bas sur l'eau, pour passer
inaperçu, d'un faible tirant d'eau. Ils sont mus à la rame pour se déplacer
sans bruit. Le plus connu est le punt, mais il existe de nombreux autres types
selon les régions : le négachien, le nageret, la rabalade, le négafol ou
noie-chiens. C'est un moyen d'approche des canards utilisé de jour.
La clavée est une sorte de battue diurne organisée par vingt ou trente
chasseurs, dont les barques, disposées en fer à cheval, poussent des foulques
vers des haies où les attendent des chasseurs postés.
La billebaude en barque : un chien explore les berges d'une rivière, alors que
son maître est sur une barque. Le chien a deux fonctions : lever le gibier et
le ramener. C'est un mode de chasse diurne et qui se pratique essentiellement
lors des crues, en particulier près de chez moi, dans le Doubs.
Au pédalo : l'utilisation de cet engin permet d'approcher les oiseaux. Le
chasseur, en acte de chasse, est couché sur le dos et nom sur le ventre comme
dans le punt. C'est une chasse pratiquée le jour dans le bassin d'Arcachon.
La dérive au canot : le chasseur utilise un petit canot qu'il laisse dériver
dans les chenaux à marée montante. Cela permet d'approcher les canards et les
limicoles qui stationnent le long des rives. C'est une chasse diurne.
La barque-hutte : le chasseur plante des piquets entre lesquels il place une
embarcation. Il se couche dans cette barque recouverte d'une toile de
camouflage. C'est une chasse diurne que l'on pratique dans le centre de la
France, notamment en Brenne.
A la perche : il s'agit d'une chasse diurne pratiquée dans les marais à
roselières. Deux ou trois chasseurs sont dans une barque. L'un d'eux, placé à
l'arrière, manie une longue perche que l'on appelle quelquefois « bourde » sur
certains rivages de la Loire. Cette perche permet de faire progresser
l'embarcation en silence. C'est un mode de chasse utilisé pour les canards, les
oies et les limicoles, notamment lorsque le temps est brumeux.
Cet exposé vous a peut-être paru long
(Sourires),
mais il me semblait indispensable que votre assemblée ait
une vue la plus large et la plus juste possible de la diversité des modes de
chasse au gibier d'eau dans notre pays.
M. Roland du Luart.
On commence à les connaître !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
J'en ai
probablement oublié quelques-uns. C'est avec plaisir que je recevrai de votre
part des informations complémentaires.
Je suis certaine que vous admirez l'ingéniosité des chasseurs qui ont
développé, au cours des siècles, de telles méthodes. Vous partagerez mon
souhait de tout faire pour que cette diversité soit préservée.
Il doit cependant rester à l'esprit de chacun que le maintien de ces
traditions n'est possible qu'à une seule condition : qu'il reste du gibier !
Cela dépend du maintien de milieux naturels de qualité et de prélèvements
raisonnables, qui ne mettent pas en danger la pérennité des espèces.
Un autre intérêt de cette présentation est de vous montrer que la plupart des
modes de chasse au gibier d'eau se pratiquent le jour, au crépuscule ou à
l'aube. La chasse de nuit ne représente qu'une très faible part de la chasse au
gibier d'eau.
J'en viens maintenant à l'historique de la chasse au gibier d'eau en France et
à la situation de nos jours.
L'ordonnance de Colbert qui institue, en 1682, les inscrits maritimes leur
donne l'autorisation de chasser sur le domaine public maritime. C'est ainsi que
va naître la chasse populaire au gibier d'eau. Elle se pratiquait alors
essentiellement en hiver, lorsque la pêche n'était pas possible. C'était une
source importante de nourriture durant cette saison. La chasse était à cette
époque une activité de subsistance.
Pour chasser, les inscrits maritimes utilisaient leurs filets de pêche qu'ils
tendaient le long du littoral à marée basse et les oiseaux se prenaient en
suivant la marée montante. Cette chasse avait lieu la nuit, et certains récits
font état de captures très importantes, déjà parfois jugées excessives. Il
convient de rappeler qu'à cette époque les milieux naturels étaient de
meilleure qualité et abritaient une faune plus abondante et plus diversifiée
qu'aujourd'hui.
La Révolution française autorisera brièvement tous les Français à chasser
toutes les espèces, et donc le gibier d'eau, en tout temps. L'anarchie
cynégétique qui se développe alors conduit l'Assemblée nationale à voter une
loi sur la chasse le 30 avril 1790. Elle donne à « tout propriétaire ou
possesseur la faculté de chasser ou faire chasser, en tout temps, sur ses lacs
et étangs », en son article 13.
En 1844, le Parlement français discute d'un projet de loi, qui deviendra la
base de notre code rural. Cette loi interdit la chasse de nuit - j'y reviendrai
dans quelques instants.
La chasse à la hutte, à la tonne ou au gabion remonte, semble-t-il, au milieu
du xixe siècle, dans quelques rares zones côtières. Elle était circonscrite au
littoral picard et bas-normand, au bassin d'Arcachon et à l'estuaire de la
Gironde.
Une grande figure de la chasse au gibier d'eau, le comte de Valicour, qui
disait disposer de preuves nombreuses de l'ancienneté de ce type de chasse, n'a
cependant jamais rien écrit de substantiel sur ce sujet. Curieusement, ses
successeurs n'ont pas non plus cherché à attester l'ancrage ancien de ces
pratiques, qui reste donc encore bien mystérieux.
Un fait est certain : jusqu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale le
phénomène reste très limité. Il commence à se développer avec, notamment,
l'accroissement de l'utilisation de l'automobile.
Ainsi, lorsque l'on examine les photographies aériennes de la baie de Somme,
que je tiens à votre disposition, on constate que le nombre de huttes entre
1939 et maintenant reste stable sur la petite molière du sud. En revanche, sur
celle de l'embouchure, il n'y a pas une seule hutte en 1939, il y en a une
vingtaine en 1961 et près d'une centaine en 1997.
Dans le Pas-de-Calais, le nombre de huttes sur le domaine public maritime a
été multiplié par quatre entre 1961 et 1994 à Oye-Plage, passant de 8 à 33, et
par deux à Marck, passant de 38 à 74.
Jusqu'aux années quatre-vingt, la chasse à la hutte n'était pratiquée que dans
une quinzaine de départements.
Une nouvelle accélération du développement des huttes est apparue au cours des
dix dernières années. Dans un marais de l'ouest de la France, un recensement
effectué en 1970 n'indique aucune hutte. En 1985, il y en avait 45 et,
aujourd'hui, il y en a entre 100 et 150. Ce phénomène est observé dans la
plupart des zones de marais en France.
Dans de nombreux départements de l'intérieur, la chasse à la hutte apparaît
avec la fin de l'exploitation des gravières. Bien qu'illégale, elle bénéficie
d'une certaine passivité des pouvoirs publics, qui ont laissé s'installer et se
développer rapidement cette pratique.
Où est la tradition dans tout cela ?
On assiste au déroulement d'un phénomène classique d'extension d'un mode de
chasse très limité au départ et dont l'impact est faible du fait de sa rareté.
Il s'étend, sous la couverture d'une « tradition », pour atteindre un niveau
inquiétant.
Et puis, la tradition ne justifie pas tout ! De nombreuses chasses vraiment
traditionnelles ont été interdites, à la demande des chasseurs eux-mêmes, parce
qu'elles avaient des effets dévastateurs. Je pense à la chasse aux alouettes au
miroir, à la chasse à la bécasse à la croûle. Et il y en a bien d'autres !
Avant d'autoriser ou de maintenir tel ou tel mode de chasse, il faut se
demander s'il est acceptable au regard de la protection des espèces, s'il est
compatible avec l'évolution des milieux.
Je crains que, au-delà de la tradition, l'on ne défende, en réalité, des
intérêts particuliers. Dans les zones de chasse vraiment traditionnelle, chaque
chasseur avait sa hutte ou son gabion qu'il partageait avec ses amis. Mais
après guerre s'est développée la location des installations, qui sont ainsi
devenues des « canes aux oeufs d'or ». C'est un aspect sur lequel on est resté
toujours très discret. Il explique peut-être la vigueur des réactions lorsqu'il
s'agit de vouloir réglementer en la matière.
Une « nuit » pour toute la saison se loue entre 5 000 francs et 10 000 francs
sur les huttes de l'arrière littoral du Pas-de-Calais. Les « bonnes » huttes
sur le littoral de ce même département se louent jusqu'à 2 000 francs pour une
seule nuit. Dans l'ouest de la France, certains considèrent qu'une hutte
rapporte plus qu'une vache !
Certains chasseurs s'opposent d'ailleurs à la chasse de nuit.
M. J.-R. B., de la Somme, m'a écrit, le 7 juin dernier : « Je suis chasseur et
socialiste. Cependant, je n'apprécie guère la chasse à la hutte. En effet,
j'estime que les oiseaux viennent se reposer la nuit. De ce fait, il est un peu
cruel de tirer sur du gibier au repos. C'est mon point de vue, et je conçois
que l'on ne soit pas d'accord avec moi. Ce que j'ai le plus apprécié, à la
hutte, c'est son repas convivial et ses discussions, la nuit, à refaire le
monde. »
La situation sur le domaine public maritime est à examiner.
Les huttes et les gabions ont été installés, à l'origine, surtout sur le
domaine public maritime. Sur ce territoire, la plus parfaite liberté en matière
cynégétique a existé pendant des siècles. Les inscrits maritimes n'avaient pas
besoin de permis de chasser. Le statut des installations était indéterminé.
C'est la raison pour laquelle le législateur a finalement adopté une loi en
1968 pour réglementer la chasse sur le domaine public maritime. Cette loi
permet essentiellement l'application du code rural sur le domaine public
maritime. Elle a donné lieu à un décret créant les associations de chasse
maritime et établissant le premier réseau de réserves de chasse sur le
littoral.
Il en résulte, entre autres, un cahier des charges pour la location par l'Etat
du droit de chasse sur le domaine public maritime. Il détermine, notamment, des
conditions particulières pour les huttes et les gabions.
J'ai noté avec surprise que ce cahier des charges comporte une clause relative
aux hutteaux mobiles. En 1978, cette clause était ainsi rédigée : « L'affût à
partir de hutteaux peut se pratiquer de la passée du matin à la passée du soir
». En clair, le cahier des charges interdisait donc la chasse de nuit au
hutteau.
Mais, en 1996, cette clause a été remplacée par « les conditions d'exercice de
la chasse à l'affût, à partir de hutteaux mobiles, seront précisées par le
cahier des clauses particulières ». Cette clause permettait donc,
subrepticement, d'autoriser la chasse de nuit au hutteau.
La loi du 3 mai 1844, qui interdit la chasse de nuit, est toujours en vigueur
aujourd'hui.
La consultation des débats qui ont précédé et accompagné le vote de cette loi
est passionnantte.
La Chambre des députés, comme la Chambre des pairs, ont considéré qu'il
existait deux types de gibier pour lesquels il est difficile de légiférer au
niveau national. Ce sont le gibier d'eau et le gibier de passage que l'on
appelle aujourd'hui migrateur. Ils ont donc décidé que la réglementation de ces
chasses serait établie par les préfets. Pour mémoire, je vous rappelle que le
pouvoir de réglementer ces chasses a été transféré au ministre chargé de la
chasse par une ordonnance de 1941.
Les parlementaires ont cependant décidé d'établir un cadre minimal. C'est dans
ce cadre que figure l'interdiction de la chasse de nuit.
Le gouvernement de l'époque avait proposé qu'un règlement d'administration
publique détermine dans quel cas et sous quelles conditions la chasse serait
permise de nuit. La Chambre des pairs, vos prédécesseurs en sorte, s'est montré
plus exigeante et décida que la chasse ne pouvait jamais être permise la
nuit.
Ultérieurement, la Chambre des députés décida que la chasse ne pouvait être
pratiquée que le jour.
Il est intéressant de constater que plusieurs interventions traitent de la
chasse à l'affût lors de la passée. L'Assemblée des pairs comme la Chambre des
députés reconnurent que la chasse à la passée était licite dans la mesure où
elle se pratiquait avant la nuit.
A l'interpellation du marquis de Boissy, le rapporteur de la loi à la Chambre
des pairs répondait : « La commission a entendu prohiber d'une manière absolue
la chasse pendant la nuit ; mais elle a compris que très souvent la chasse à
l'affût avait lieu dans un temps très rapproché de la nuit, soit le matin, soit
le soir, mais qui n'est pas la nuit. Vouloir aller plus loin et définir ce
qu'est la nuit a paru impossible à la commission. Elle a cru qu'il fallait, en
posant le principe de l'interdiction de la chasse pendant la nuit, laisser les
appréciations de fait aux tribunaux, c'est ce qui se pratique dans toutes les
matières de fait et notamment dans tous les cas où la circonstance de nuit est
considérée comme aggravante. »
La comparaison entre le rapport de votre commission et celui du rapporteur de
la loi de 1844 me laisse penser qu'on reprend, aujourd'hui, le même débat que
voilà 155 ans.
Votre rapporteur indique que les travaux préparatoires de la loi de 1844
montrent clairement que le législateur était favorable à l'autorisation de
certaines chasses de nuit pratiquées dans plusieurs départements. Nous n'avons
pas la même lecture.
L'un des arguments avancés est que la loi de 1844 prévoit que « les préfets
des départements, sur avis des conseil généraux, prendront des arrêtés pour
déterminer : l'époque de la chasse des oiseaux de passage, le temps pendant
lequel il sera permis de chasser le gibier d'eau dans les marais, sur les
étangs, les fleuves et rivières ».
Si les juristes avaient considéré qu'un arrêté préfectoral pouvait autoriser
la chasse de nuit à la hutte, cela aurait été fait depuis longtemps !
La raison est simple. Il est clair, à la lecture des débats, que le
législateur a utilisé le mot « temps » à la place du mot « période » pour
éviter la répétition du mot qui figure à l'alinéa précédent.
Tous les traités de droit de la chasse indiquent que la chasse de nuit est
interdite mais que, dans certains départements, elle bénéficie d'une
tolérance.
La lecture du projet alors présenté par le gouvernement conforte cette
analyse. Ce projet comportait un paragraphe prévoyant que des ordonnances
royales détermineraient les conditions pour la chasse de nuit, disposition
repoussée par les deux chambres, et un deuxième paragraphe qui prévoyait que
des ordonnances royales détermineraient « également » le temps où la chasse au
gibier d'eau est permise. Enfin, les déclarations des députés et des pairs sont
sans ambiguïté sur la volonté d'une interdiction de la chasse de nuit.
Je vous lis un extrait du rapport de l'une des commissions du Parlement
d'alors : « La loi de 1790 donnait à tout propriétaire ou possesseur la faculté
de chasser, en toute saison, sur ses lacs et étangs. La loi nouvelle ne lui
permet cette chasse que pendant le temps qui sera déterminé par le préfet. » Il
est donc sans ambiguïté que le mot « temps » est employé avec le sens de «
saison ».
Enfin, l'analyse juridique du texte démontre que si le préfet pouvait prendre
un arrêté déterminant les heures où la chasse est autorisée, la période définie
ne pouvait en aucun cas comprendre la nuit.
Depuis ces débats, aucun texte n'a jamais mentionné la chasse de nuit en tant
que telle. Mais, et cela n'est pas l'un des moindres paradoxes de la
réglementation cynégétique, certaines dispositions permettent la chasse à la
hutte, à la tonne ou au gabion dont on sait qu'elle doit être nocturne pour
garantir de beaux tableaux de chasse.
Depuis des lustres, le ministre chargé de la chasse, le Conseil supérieur de
la chasse, puis l'Office national de la chasse ont publié des circulaires
concernant la chasse de nuit. Je me limiterai à un passé récent car il se fait
tard et je souhaiterais finir avant la passée du matin.
Le 7 juillet 1977, la direction de la protection de la nature du ministère de
la culture et de l'environnement demandait à l'Office national de la chasse de
ne pas verbaliser les chasseurs qui pratiquaient leur activité à la passée dans
les deux heures avant le lever du soleil ou les deux heures après son coucher
pour la chasse à la botte ou dans les hutteaux mobiles.
Cette instruction s'appliquait aux actes de chasse à partir des tonnes, huttes
ou gabions lorsque l'emploi de ceux-ci était constant dans une région et
faisait partie des usages locaux.
Le 27 avril 1982, une nouvelle lettre de la direction de la protection de la
nature à l'Office national de la chasse constatant les difficultés
d'application de la précédente circulaire, demandait à ce que « soit rappelé
aux gardes qu'il leur appartient, comme le veut la loi, d'apprécier le moment
où la nuit est faite selon les circonstances et de consigner dans leurs
procès-verbaux les éléments d'appréciation correspondants à l'attention du juge
».
Cette lettre indiquait également que la chasse de nuit à la hutte n'était
tolérée que dans 16 départements côtiers en vertu d'anciens usages et qu'il
n'était donc pas possible d'étendre cette tolérance à quelque autre département
que ce soit, notamment de l'intérieur des terres.
Le 26 avril 1986, le directeur de l'Office national de la chasse rappelait la
circulaire de 1977 et donnait une liste des départements où la chasse à la
hutte et au gabion est constante et fait partie des usages locaux. Cette liste
comportait 42 départements, dont certains de haute montagne.
Je n'ai pas encore compris comment on était passé de 16 départements à 42
entre 1982 et 1986, et personne n'a pu m'expliquer cette explosion subite de
traditions ancestrales de chasse nocturne au gibier d'eau. Il est vrai qu'à
cette époque le président de l'Office national de la chasse était également
président de l'Association nationale des chasseurs de gibier d'eau, mais il me
paraît invraisemblable qu'il y ait une corrélation.
Enfin, le 31 juillet 1996, le directeur de l'Office national de la chasse
diffusait une circulaire reprenant des éléments similaires à ceux qui étaient
contenus dans les précédentes circulaires.
Dans son arrêt du 7 avril 1999, le Conseil d'Etat a statué sur un recours
déposé, je tiens à le rappeler, le 21 janvier 1997, soit bien avant mon
arrivée. Il a constaté que le code rural était sans ambiguïté : la chasse de
nuit est interdite par l'article L. 228-5 du code rural. Il a constaté qu'« en
prescrivant aux agents de l'Office national de la chasse de ne relever les
infractions ... que dans la période en deçà des deux heures avant le lever du
soleil et au-delà des heures après le coucher du soleil - heure légale -
l'instruction méconnaît l'interdiction légale de la chasse de nuit ». Il a, en
conséquence, annulé ces dispositions dans la circulaire.
Les commentaires de cet arrêt par
La Sauvagine
du mois de juin 1999,
bulletin de l'Association nationale des chasseurs de gibier d'eau, sont
éloquents. Le rédacteur en chef écrit en effet : « La chasse à la passée est
dorénavant interdite ?
« Faux ! Ce qui est interdit, c'est la chasse à la passée dès l'instant qu'il
fait nuit. Problème : la définition du jour et de la nuit est à la libre
appréciation des agents verbalisateurs et des juges.
« Par temps couvert, il fait nuit parfois 30 minutes après le coucher du
soleil. Par temps clair, on distingue déjà très bien une heure avant le
lever.
« La chasse de nuit à la hutte est interdite ? Vrai ! Elle est interdite par
le code rural, et le Conseil d'Etat ne pouvait donc pas dire autre chose ! La
chasse de nuit est seulement une tolérance qui, jusqu'à ce jour, permettait de
chasser de nuit dans 42 départements. »
J'en viens maintenant, monsieur le président, aux problèmes posés par la
chasse de nuit.
S'agissant de la passée, peu de personnes contestent ce mode de chasse et ce
n'est pas l'intention du Gouvernement de la remettre en cause. Reste à
déterminer à partir de quelle heure et jusqu'à quelle heure elle peut se
pratiquer.
En 1844, un long débat a eu lieu sur ce sujet, aussi bien à l'Assemblée qu'à
la Chambre des pairs. Devant la difficulté de déterminer ce qu'était un acte de
chasse de nuit, il avait été décidé de s'en remettre aux juges. La
jurisprudence s'est établie petit à petit et, comme le rappelle justement votre
rapporteur, il est actuellement considéré que « la nuit doit s'entendre du
temps quotidien pendant lequel la clarté est insuffisante pour permettre de
distinguer la forme et la couleur des objets ».
Je ne suis pas persuadée qu'il soit nécessaire d'établir une norme à ce sujet,
et la décision prise par vos prédécesseurs me semble être la meilleure.
Comme je vous l'ai montré au début de mon intervention, les pays européens
autorisent la chasse à la passée pour une période qui varie de 30 minutes à une
heure et demie après le coucher du soleil, et une période identique avant le
lever du soleil.
Des travaux scientifiques ont mis en évidence qu'une pression de chasse forte
décale les horaires des vols crépusculaires des canards vers des heures aussi
obscures que possible.
Des chasseurs interprètent ce décalage des horaires de vol des canards vers
des heures plus obscures comme une capacité d'adaptation des oiseaux aux
pressions de dérangement qu'ils subissent. Ils ont raison. Mais le coût de
cette adaptation est une moindre capacité des oiseaux à stocker l'énergie
nécessaire à la poursuite de leur cycle annuel, l'effet ultime portant sur le
succès de la reproduction.
Le chasseur d'aujourd'hui, soucieux de la pérennité du gibier, doit se limiter
et la limite d'une heure après et une heure avant le lever du soleil est un bon
compromis.
Je pense donc qu'il est raisonnable, comme c'est actuellement le cas dans les
départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, de n'autoriser la
chasse au crépuscule et à l'aube qu'une heure après et avant le coucher et le
lever du soleil.
S'agissant de la chasse de nuit, la situation est différente. Cette chasse est
interdite depuis 1669 dans les bois et forêts et, de façon indiscutable,
partout, depuis 1844.
J'ai été surprise de l'apprendre. J'ai cherché à comprendre pourquoi, depuis
plus de 150 ans, alors que le Parlement a adopté un nombre de lois
impressionnant sur la chasse, personne n'avait songé jusqu'ici à remettre en
cause cette disposition, dont tout un chacun savait qu'elle était régulièrement
violée.
Pourquoi les chasseurs, qui, durant ces 150 ans, ont présenté de nombreuses
demandes de modification de la législation cynégétique, n'ont-ils jamais estimé
prioritaire de clarifier une telle situation ?
Pourquoi, en 150 ans, aucun gouvernement, de droite, de gauche et du centre,
n'a-t-il jamais proposé de modifier cet article du code rural ?
J'ai rapidement compris que les vrais chasseurs ne souhaitaient pas une telle
mesure et que celle-ci n'était demandée que pour une minorité d'entre eux.
J'ai eu l'occasion de consulter les déclarations de M. Gaston Tesson, qui,
pendant près de 20 ans, a présidé la fédération des chasseurs de Vendée et
s'est opposé fermement à ce que cette pratique s'étende à son département.
Aujourd'hui, la chasse de nuit en Vendée n'est ni autorisée ni pratiquée. On
peut donc se poser la question de savoir pourquoi la Vendée figure cependant
sur la liste des départements où l'on déclare sans rougir qu'il s'agit d'une
tradition.
J'ai cherché les raisons pour lesquelles le Parlement, les gouvernements, les
responsables de la chasse n'ont pas, durant 150 ans, modifié une telle loi. Je
vais vous les donner.
La première est l'identification ; c'est d'ailleurs l'argument fondamental de
la Commission européenne. Tout un chacun comprendra que si, la nuit, tous les
chats sont gris, bien des oiseaux se ressemblent. Ce n'est pas une boutade.
J'ai consulté plusieurs spécialistes et tous m'ont confirmé que
l'identification de certains oiseaux la nuit est très difficile. Même un
ornithologiste confirmé peut aisément se tromper. En 1844, cet élément avait
peu d'importance puisque toutes les espèces étaient chassables. Mais,
aujourd'hui, de nombreuses espèces d'oiseaux sont protégées. Cette protection
n'est effective que si le risque de confusion est aussi réduit que possible.
La deuxième raison, qui était la préoccupation principale de vos
prédécesseurs, est la sécurité des gardes chargés de faire appliquer la
réglementation. La nuit, le risque est trop grand pour ces agents d'être
agressés en toute impunité.
Je citerai la circulaire des ministres de l'intérieur et de la justice du 9
mai 1844, qui commentait la loi récemment votée. L'article 9 « interdit la plus
dangereuse de toutes les chasses, la chasse de nuit, qui a été la cause de tant
de meurtres et de crimes contre les personnes ».
Le contrôle de la chasse à la hutte ou au gabion est indispensable. Les
infractions le plus souvent relevées sont la chasse sans permis, le tir
d'espèces protégées ou l'utilisation de magnétophones. Si les contrôles doivent
être réalisés de nuit, vous imaginez les difficultés pour les gardes de
circuler dans un marais ou une vasière. Leur simple arrivée dans un milieu
ouvert, où il est difficile de se dissimuler, déclenche l'alerte et la fuite
des oiseaux. Or le contrôle du permis de chasse, du tir d'espèces protégées ou
de l'usage du magnétophone nécessite d'être sur place au moment de
l'infraction. Autant dire que le contrôle de la chasse de nuit dans les marais
et les vasières est impossible.
La troisième raison est d'ordre biologique. Les oiseaux doivent disposer d'un
moment de tranquillité pour se nourrir et se reposer. S'ils sont chassés le
jour et la nuit, ils sont continuellement soumis au dérangement et ne peuvent
pas suffisamment s'alimenter et se reposer. Cela devient particulièrement
important en fin d'hiver, quand les oiseaux doivent stocker des réserves en vue
de la reproduction. L'impact sur la physiologie des oiseaux d'eau déjà relevé à
propos du décalage des horaires de déplacement s'en trouve aggravé.
Il faut maintenant ajouter une quatrième raison. La directive européenne sur
la protection des oiseaux n'interdit pas expressément la chasse de nuit.
Cependant, la Commission européenne a engagé une procédure d'infraction à
l'encontre de la France suite à la circulaire de l'Office national de la chasse
de 1996. Elle est désormais sans objet compte tenu de l'annulation par le
Conseil d'Etat des dispositions contestées. Il est probable que la proposition
de loi, si elle était adoptée, donnerait lieu à une nouvelle procédure
contentieuse. La Commission européenne a d'ailleurs clairement fait savoir à
mon ministère qu'une légalisation de la chasse de nuit l'inciterait à rouvrir
le dossier qu'elle s'apprêtait à clore après l'arrêt du Conseil d'Etat.
Il est probable que la Cour de justice des communautés considérerait que la
protection complète dont doivent bénéficier les espèces protégées, en
application de l'article 5 de la directive, et les espèces dont la chasse n'est
pas simultanément ouverte, en application de l'article 7, ne serait pas assurée
lors de la chasse nocturne.
Une position analogue à celle qui a été prise par la Cour en 1994 sur
l'échelonnement des dates de chasse aux oiseaux migrateurs est à craindre. La
chasse de nuit ne pourrait être admise que là et quand les autorités
apporteront la preuve de son innocuité pour les autres espèces d'oiseaux,
preuve qui ne pourra, en pratique, jamais être apportée.
De même, l'utilisation d'une dérogation sur la base de l'article 9 de la
directive serait contestée, et probablement condamnée par la Cour.
Je vous cite enfin la réponse faite par la Commission à une question écrite
d'un député européen en 1992 : « Selon la législation française, le permis de
chasse n'autorise pas à chasser la nuit et des sanctions sont prévues pour les
contrevenants.
« La Commission n'a pas connaissance d'une autorisation explicite ou implicite
accordée par le ministère de l'environnement à la chasse de nuit. Une telle
autorisation serait, bien sûr, en contradiction avec la législation nationale
en vigueur (...). La pratique de la chasse de nuit, en raison de son absence de
sélectivité, n'est en principe pas compatible avec les objectifs de régulation
équilibrée et de conservation des espèces d'oiseaux visées par la directive.
« La Commission ne voit pas la nécessité d'engager une action spécifique pour
l'interdiction totale de la chasse de nuit, puisqu'il serait en principe
contraire aux objectifs de la directive que les Etats membres autorisent une
telle pratique. »
Enfin, l'accroissement du nombre de huttes provoque le creusement des mares
attenantes, qui se multiplient. Cela n'est pas sans perturber profondément les
systèmes hydrauliques, au point que les services de l'Etat, comme ceux de
Charente-Maritime, tentent, mais en vain, de réglementer l'installation de
nouvelles huttes.
En conclusion, en ce qui concerne la chasse pratiquée au coucher et au lever
du soleil, le Gouvernement pense qu'elle pourrait effectivement être autorisée
à l'image de ce qui se fait déjà en d'autres pays européens.
En France, le législateur en avait déjà admis le principe en 1844. Il ressort
des débats de l'époque qu'il considérait que, compte tenu de la difficulté de
définir la nuit, il convenait, tout en maintenant le principe de l'interdiction
de la chasse de nuit, de laisser la chasse s'exercer une heure après le coucher
et avant le lever du soleil.
Le second article de la proposition de loi fait suite à l'arrêt de la Cour
européenne des droits de l'homme concernant la loi Verdeille. Cet article
répond à deux des trois griefs soulevés par la Cour à l'encontre de la France :
l'atteinte au droit de propriété des non-chasseurs et l'atteinte à la liberté
d'association. Il ne répond cependant pas au grief sur la discrimination entre
petits et grands propriétaires, qu'ils soient ou non-chasseurs, ce qui est
pourtant évoqué dans l'exposé des motifs de la proposition de loi.
Le Gouvernement va devoir prochainement répondre au conseil des ministres du
Conseil de l'Europe de la bonne application de l'arrêt de la Cour européenne.
Il salue donc l'intention positive du Sénat de sortir du contentieux engagé il
y a cinq ans. Il souhaite cependant une formulation différente.
Il est bon de rappeler l'origine de ce contentieux.
Gillon et de Villepin écrivaient en 1851 : « La nuit du 4 août 1789 passa sur
le régime féodal : et ce fut, comme on l'a dit depuis pour les droits et
devoirs tant féodaux que censuels, ceux qui tiennent à la mainmorte réelle ou
personnelle et à la servitude réelle,... ce fut... la nuit éternelle !
« L'Assemblée nationale en prononça l'abolition.
« Le droit exclusif de la chasse et des garennes ouvertes fut pareillement
aboli, et l'Assemblée nationale décréta que tout propriétaire avait le droit de
détruire et faire détruire seulement sur ses possessions toutes espèces de
gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourraient être faites
relativement à la sûreté publique. C'est l'une des dispositions de l'article 3
de la loi du 4 août 1789. Par une seconde disposition, elle prononça la
suppression de toutes les capitaineries, même royales, et de toutes réserves de
chasse, sous quelque dénomination que ce fût, et déclara qu'elle pourvoirait,
par des moyens compatibles avec le respect dû à la propriété et à la liberté, à
la conservation des plaisirs du roi.
« Puis, par un sublime élan de généreuse humanité, reportant une dernière fois
ses regards sur le passé, et comme pour effacer jusqu'au cruel souvenir d'une
législation qui avait trop duré, l'Assemblée nationale chargea son président de
demander au roi le rappel des galériens et des bannis pour simple fait de
chasse, l'élargissement des prisonniers alors détenus et l'abolition des
procédures existantes à cet égard.
« Au point de vue de la chasse, l'oeuvre de l'Assemblée nationale paraissait
accomplie. Le droit naturel, concilié avec le respect dû à la propriété civile,
venait de prévaloir de nouveau dans nos lois ; et la France constitutionnelle
n'avait rien à envier à la législation romaine.
« C'était trop pour notre temps, c'était trop surtout à une époque où la
réaction populaire se croyait en droit d'exercer une sorte de représailles
contre la féodalité vaincue.
« Le décret du 4 août 1789, les abus auxquels il donna naissance imposèrent à
l'Assemblée nationale une mission nouvelle. »
L'Union nationale des fédérations départementales des chasseurs faisait
remarquer en 1989, citant le maire de Montargis, que les pires excès étaient
alors commis. Le premier magistrat de cette ville, lors d'une réunion du
conseil municipal du 28 octobre 1789, constatait que « les campagnes sont
désolées et dévastées par le nombre prodigieux de chasseurs et de chiens, qui
produisent les plus grands dommages partout ». La passion de la chasse
redécouverte devenait donc plus dévastatrice que le gibier tant accusé dans les
cahiers de doléances. Les paysans finissaient parfois même par négliger la
culture de la terre pour assouvir des désirs si longtemps réprimés. Au début de
l'an III, un certain Collot, fonctionnaire à Charleville, écrivait à la
Convention : « Le plaisir de la chasse est devenu généralement, pour les gens
des campagnes surtout, une passion dominante. Il est beaucoup de villages où
nombre d'habitants ont totalement abandonné leurs états pour se livrer
complètement au braconnage. »
Comme le relate encore l'Union nationale des fédérations départementales des
chasseurs, un certain Poitevin, dans un mémoire adressé au Conseil des
Cinq-Cents, se plaignait amèrement des troubles causés par les chasseurs : «
L'habitude malheureusement est généralement contractée de regarder les lois
comme illusoires, attendu qu'il n'en est presqu'aucune qui soit ponctuellement
exécutée. Il n'existe peut-être pas un seul canton dans la République où des
hommes sans propriétés ne chassent journellement sur celles des autres, ou même
ceux qui ont des propriétés ne chassent indistinctement sur les domaines de
leurs voisins comme sur les leurs. »
Face à cette situation, le pouvoir révolutionnaire resta un temps impuissant.
Le décret du 11 août 1789 s'en était tenu à n'autoriser la chasse qu'aux seuls
propriétaires et laissait à des lois de police ultérieures la faculté de
réglementer son exercice.
Comme l'écrivaient Gillon et Villepin, précédemment cités : « Sublime rôle que
celui d'une assemblée qui, au milieu des oscillations qui succèdent à un grand
ébranlement politique, déracine d'une main d'injustes privilèges et de l'autre
affermit les droits de tous, en protégeant la propriété qui en est le fondement
!
« Telle fut l'origine de la loi du 30 avril 1790 rendue d'urgence.
« Le préambule de cette loi porte :
« L'Assemblée nationale, considérant que, par son décret du 4 août 1789, le
droit exclusif de la chasse est aboli, et le droit rendu à tout propriétaire de
détruire ou faire détruire, sur ses possessions seulement, toute espèce de
gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourraient être faites
relativement à la sûreté publique ;
« Mais que, par un abus répréhensible de cette disposition, la chasse est
devenue une source de désordres qui, s'ils se prolongeaient davantage,
pourraient devenir funestes aux récoltes, dont il est si instant d'assurer la
conservation, a, par provision, et en attendant que l'ordre de ses travaux lui
permette de plus grands développements sur cette matière, décrété ce qui
suit...
« On abusait de son droit, on ne respectait pas le droit d'autrui ; la loi du
30 avril 1790 sanctionna par une peine la défense de chasser sur le terrain
d'autrui.
« La chasse était permise en tout temps, aux termes du décret du 4 août 1789 ;
l'Assemblée nationale crut devoir protéger les récoltes, en autorisant chaque
département à fixer pour l'avenir le temps dans lequel la chasse serait
permise.
« Cette même assemblée édicta, en l'article 1er de la loi, qu'« il est défendu
à toutes personnes de chasser en quelque temps et quelque manière que ce soit
sur le terrain d'autrui, sans son consentement ».
Cette disposition sera reprise dans l'article 1er de la loi du 3 mai 1844 sur
la police de la chasse, qui dispose que : « nul n'aura la faculté de chasser
sur la propriété d'autrui sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants
droit ».
Que faut-il entendre par les ayants droit ?
Sous ce terme il faut comprendre l'usufruitier, l'emphythéote et
l'antichrésiste. Mais il est vrai que cette question, fort controversée, a
donné lieu à de longs débats.
Le code rural dans sa partie législative, dans l'article L. 222-1, reprendra
le principe élaboré par la Révolution française sous une formulation quasi
identique à celle de la loi du 3 mai 1844 : « Nul n'a la faculté de chasser sur
la propriété d'autrui sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants
droit. »
La loi n° 64-696 du 10 juillet 1964 relative à l'organisation des associations
communales ou intercommunales de chasse agréées, loi due à l'initiative du
sénateur socialiste Fernand Verdeille, va déroger à l'ancien principe
républicain. Elle va permettre la chasse chez autrui sans son consentement s'il
est petit propriétaire.
C'est pour le moins paradoxal de la part d'un élu dont la philosophie
politique aurait dû plutôt favoriser les propriétaires que les capitalistes
dotés de vastes domaines.
En effet cette loi, en son article 3, édicte que, pour être recevable,
l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse doit porter
sur des terrains d'un seul tenant et d'une superficie minimum de vingt
hectares. Ce minimum est abaissé, pour la chasse au gibier d'eau, à trois
hectares pour les marais non asséchés et à un hectare pour les étangs ; cette
superficie est réduite à cinquante ares pour les étangs dans lesquels, au 1er
septembre 1963, existaient des installations fixes, huttes et gabions.
Ce minimum est également réduit à un hectare sur les terrains où existaient,
au 1er septembre 1963, des postes fixes destinés à la chasse aux colombidés. Il
est porté à 100 hectares pour les terrains situés en montagne au-dessus de la
limite de la végétation forestière. Des arrêtés pris, par département, dans des
conditions prévues au premier alinéa de l'article 2, pourront augmenter les
superficies minimales ainsi définies. Les augmentations ne pourront excéder le
double des minima fixés.
L'intention était louable : il s'agissait de contraindre les chasseurs à
regrouper leurs territoires de chasse, à instituer des réserves de chasse dans
chaque commune et à gérer collectivement le gibier là où, bien souvent, régnait
auparavant une aimable anarchie. Cette loi les obligeait à adhérer à une
association communale ou intercommunale chargée de cette gestion collective. En
termes purement cynégétiques, la loi Verdeille peut donc être, lorsqu'elle est
bien appliquée, une bonne loi d'organisation de la chasse. Je l'ai d'ailleurs
dit à plusieurs reprises.
La loi Verdeille devait rencontrer l'opposition de ceux qui ne souhaitaient
pas que s'exerce chez eux un loisir qu'ils ne pratiquaient pas eux-mêmes.
Des députés comme MM. Xavier Deniau et Pierre Ruais ne manquèrent pas de le
faire remarquer lors de la première lecture, le 9 juin 1964. Ils se faisaient
alors les porte-parole des petits propriétaires injustement contraints à subir
chez eux une chasse non désirée sans d'ailleurs, pour autant, être des
opposants à ce loisir.
Comme le disait Xavier Deniau, « même si vous n'êtes pas chasseur, vous
subirez la règle. On ne vous demandera pas si vous entendez chasser ou non. Un
certain nombre de gens pourront venir chasser dans votre propriété, auxquels
vous pourrez vous mêler ou non, selon que vous détiendrez ou non un permis de
chasse. (...) Vous aurez donc, dans une même région, côte à côte, un grand
propriétaire qui louera sa chasse à un prix élevé à des sociétés parisiennes et
son voisin, propriétaire d'un petit terrain, qui n'aura plus le droit de
chasser sur ses terres, à moins que ce ne soit en compagnie d'autres chasseurs
qu'on lui aura imposés ». Pierre Ruais ajoutait : « Le projet de loi tel qu'il
nous est soumis n'intéresse pas seulement les chasseurs. Cependant, il a été
élaboré et défendu uniquement dans l'optique de la chasse, en particulier dans
l'intérêt des chasseurs.
« Il ne tient pas spécialement compte des droits fondamentaux de tous ceux qui
ne sont pas chasseurs. (...) Quand on examine le projet de loi sous l'angle de
ceux qui ne sont pas chasseurs, on s'aperçoit qu'il a cette conséquence
fâcheuse qu'un petit propriétaire, à l'encontre d'un propriétaire de vingt
hectares ou plus, ne peut utiliser son terrain à tel usage qui lui plaît, même
si cet usage ne nuit en rien au voisin ou même à des sociétés de chasse. »
En conséquence, M. Deniau, auquel se joignait M. Charié, déposait un
amendement ainsi rédigé : « Tout propriétaire a droit, sur simple déclaration
adressée au préfet et pour la durée qui lui conviendra, de faire classer
"réserve" le terrain, de quelque superficie qu'il soit, lui appartenant, qu'il
soit ou non enclavé dans le domaine d'autrui, s'interdisant par là, à lui-même
ou à quiconque, d'y chasser. » Cet amendement était repoussé par l'Assemblée
nationale par 221 voix contre 211. Nous en payons aujourd'hui les conséquences
au travers de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 29 avril
dernier.
Le 29 juin 1964, dans cette enceinte, M. Jean de Bagneux reprenait à son
compte les arguments des députés Charié, Deniau et Ruais. Il demandait au
ministre de l'agriculture que les décrets d'application de la loi tiennent
compte du légitime souci des petits propriétaires non chasseurs, ce qui ne
s'est pas fait.
La loi Verdeille, qui concerne maintenant près de 10 000 communes réparties
dans près de soixante-dix départements, s'est mise en place progressivement,
sans heurts, dans la majorité des cas.
En effet, lorsque les responsables des associations communales de chasse
agréées étaient de bonne volonté, les propriétaires non-chasseurs ont obtenu
que leurs terrains soient placés en réserve de chasse.
Mais il faut bien aussi convenir que certains responsables se font fait un
malin plaisir d'imposer la chasse sur le territoire de non-chasseurs. Je suis
d'ailleurs saisie d'un nombre croissant de protestations de ruraux qui se
plaignent du comportement de certains chasseurs. Ainsi, tout récemment, le
directeur départemental de l'agriculture et de la forêt d'un département de
l'ouest de la France faisait-il état de conflits de plus en plus fréquents
entre chasseurs et non-chasseurs. Les premiers font preuve de comportements
agressifs à l'égard des seconds et certains présidents d'ACCA - associations
communales de chasse agréées - plutôt que de rechercher par la concertation des
solutions amiables s'arc-boutent sur des considérations procédurières. Ils
bloquent les demandes de retrait des ACCA auxquels ont droit les propriétaires
qui ont procédé, dans le cadre de regroupement des terres autour des sièges
d'exploitation agricole, à la constitution de territoires de vingt à trente
hectares d'un seul tenant.
Je tiens à vous citer deux lettres reçues d'autres régions de France,
représentatives de l'ensemble du courrier reçu.
M. G. vit en Ariège, où il s'est installé sur une petite exploitation agricole
de dix-huit hectares, il y a une dizaine d'années, après un licenciement dû à
la fermeture de l'entreprise qui l'employait.
« L'investissement à peine commencé, écrit-il, les chasseurs voyaient d'un
mauvais oeil ce projet les privant d'un territoire de chasse. Nous avons subi
de violentes menaces, un de mes chiens fut abattu, des tirs d'intimidation nous
furent adressés ainsi que des menaces de mort verbales. J'ai bien essayé de
résister, de me défendre un peu face à cette hostilité. Vivant constamment dans
la crainte d'un mauvais coup, mon épouse, mes enfants, et moi-même avons décidé
sous la contrainte de vendre à perte notre propriété. »
M. C... habite la Lozère. Il m'écrit : « J'ai soixante-treize ans et une
retraite d'exploitant agricole (...). Dans ma commune, il a été créée une ACCA,
il y a une dizaine d'années. A l'époque les créateurs de cette association ont
fait signer les propriétaires terriens pour leur demander de leur céder les
droits de chasse sur leurs terres. La majorité des propriétaires ont signé un
contrat de six ans renouvelable par tacite reconduction. Aujourd'hui, nous
sommes neuf propriétaires représentant environ 130 hectares d'un seul tenant
qui demandons le retrait du droit de chasse à l'ACCA. Le président de cette
association nous le refuse, invoquant la loi Verdeille qui, d'après lui, est
faite pour les chasseurs et non pour les propriétaires. »
Pour s'être opposés physiquement ou intellectuellement à la chasse ou « par
erreur », des non-chasseurs ont même été tués chez eux : Cosimo Lipartiti dans
le Var en 1984, Claude Monod dans les Alpes-de-Haute-Provence en 1990, Pierre
Leschera dans les Alpes-Maritimes en 1991.
C'est pourquoi, depuis le début des années quatre-vingt, des associations de
protection de la nature ou de non-chasseurs ont demandé l'instauration d'un
droit de gîte dont le projet allait être soutenu par deux de mes prédécesseurs
M. Brice Lalonde et Mme Ségolène Royal. L'intransigeance des instances
cynégétiques allait bloquer toute possibilité d'évolution de la situation et
conduire à une saisine de la Cour européenne des droits de l'homme.
J'ai pu le mesurer moi-même. J'ai dit au congrès des fédérations
départementales de chasseurs le 22 juillet 1997 que, si la loi Verdeille était
une bonne loi cynégétique, elle n'en posait pas moins un problème à ceux qui ne
partagent pas la passion de la chasse et doivent accepter l'exercice de la
chasse chez eux. Il s'agissait de l'un des aspects des rapports conflictuels
entre chasseurs et non-chasseurs.
A mes yeux, la seule issue à cette situation était - et est toujours - la
concertation et le respect.
A lire le courrier reçu depuis que j'ai en charge la chasse comme ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement, j'ai l'impression que ce
message n'a pas été entendu.
Il n'était donc pas étonnant que, après avoir épuisé les possibilités de
recours devant les juridictions françaises, dix petits propriétaires fonciers
et agriculteurs non chasseurs de Dordogne et de la Creuse aient introduit des
requêtes devant la Commission européenne des droits de l'homme en avril 1994 et
avril 1995. Cette commission, qui prépare le travail de la Cour européenne des
droits de l'homme, déclarait recevables les requêtes et adoptait en octobre et
décembre 1997 trois rapports établissant que l'application de la loi Verdeille
conduisait effectivement à une violation de la Convention européenne des droits
de l'homme sur les point suivants : l'obligation faite aux propriétaires
d'apporter le droit de chasse à une association communale de chasse agréée se
révèle une ingérence disproportionnée dans leur droit de propriété, dès lors
qu'elle ne prévoit aucune indemnisation des propriétaires non chasseurs ; la
différence de traitement entre les grandes propriétés - qui peuvent échapper à
l'adhésion à une association communale de chasse agréée - et les petites qui
sont obligées d'adhérer est discriminatoire ; enfin, l'obligation faite par la
loi de contraindre un individu d'adhérer à une association dont il ne partage
pas les buts, voire dont les buts sont contraires à ses convictions, porte
atteinte à la substance même du droit à la liberté d'association.
C'est à une large majorité de ses membres que la Commission s'est prononcée
sur ces griefs. La suite logique a été une demande introductive d'instance
invitant la Cour à se prononcer sur les violations qu'elle a relevées.
Afin de donner satisfaction au monde cynégétique français très attaché à la
loi Verdeille, y compris dans ses aspects les plus extrêmes, la stratégie de la
France a été de défendre devant la Cour européenne des droits de l'homme la loi
Verdeille en l'état. Mes efforts, tout comme ceux de mon collègue ministre des
affaires étrangères, pour que l'on fasse connaître à la Cour, afin d'éviter une
condamnation, notre intention d'amender la loi Verdeille, n'ont pas été
couronnés de succès. Le résultat, vous le connaissez.
Par douze voix contre cinq, la Cour a jugé qu'il y avait violation de
l'article 1er du protocole n° 1 quant à l'atteinte au droit de propriété des
requérants en ce qu'ils étaient obligés de supporter tous les ans sur leurs
fonds la présence d'hommes en armes et de chiens de chasse et qu'il n'y avait
pas de compensation dans la loi Verdeille au profit des propriétaires non
chasseurs. Tout en relevant que les buts recherchés par la loi de 1964 étaient
légitimes, la Cour considère qu'obliger les petits propriétaires à faire apport
de leur droit de chasse sur leurs terrains pour que des tiers en fassent un
usage totalement contraire à leurs convictions se révèle une charge démesurée
qui ne se justifie pas sous l'angle du second alinéa de l'article 1er du
protocole n° 1. Il y a donc violation de cette disposition.
Par quatorze voix contre trois, la Cour a jugé qu'il y avait violation de
l'article 1er du protocole, combiné avec l'article 14 de la Convention. En
effet, la Cour a considéré que la France n'a pas pu expliquer de manière
convaincante comment l'intérêt général pouvait être servi par l'obligation
faite aux seuls petits propriétaires de faire apport de leur droit de chasse
sur leurs terrains.
Dans la mesure où la différence de traitement opérée entre les grands et les
petits propriétaires a pour conséquence de réserver seulement aux premiers la
faculté d'affecter leur terrain à un usage conforme à leur choix de conscience,
elle constitue une discrimination fondée sur la fortune foncière au sens de
l'article 14 de la Convention. Il y a donc violation de l'article 1er du
protocole n° 1, combiné avec l'article 14 de la Convention.
Par seize voix contre une, la Cour a jugé qu'il y avait violation de l'article
11 combiné avec l'article 14 de la Convention. La Cour estime que la France n'a
avancé aucune justification objective et raisonnable de la différence de
traitement contestée, qui oblige les petits propriétaires à être membres des
associations communales de chasse agréées et permet aux grands propriétaires
d'échapper à cette affiliation obligatoire, qu'ils exercent leur droit de
chasse exclusif sur leur propriété ou qu'ils préfèrent, en raison de leurs
convictions, affecter celle-ci à l'instauration d'un refuge ou d'une réserve
naturelle. En conclusion, il y a violation de l'article 11 combiné avec
l'article 14 de la Convention.
Enfin, la Cour, après avoir pris note du fait que les requérants ne
demandaient rien au titre des frais et dépens, ayant été représentés
gratuitement devant les organes de la Convention, a rejeté leur demande en
réparation du préjudice matériel allégué, faute de justificatifs. En revanche,
statuant en équité, la Cour a accordé à chacun des requérants la somme de 30
000 francs pour dommage moral.
A la suite de cet arrêt, le Gouvernement a fait savoir le jour même qu'il
prendrait les dispositions utiles pour respecter celui-ci : il s'agira non
seulement de verser les indemnités allouées aux requérants, mais également de
préparer les aménagements à apporter à la loi Verdeille. Elle devra, à
l'avenir, mieux répondre aux principes relatifs à la protection du droit de
propriété et à la liberté d'association, tels qu'interprétés par la Cour
européenne des droits de l'homme.
La proposition de loi portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse
répond partiellement à deux des trois grands griefs retenus par la Cour
européenne des droits de l'homme à l'encontre de la France, à savoir ceux qui
concernent l'atteinte au droit de propriété et à la liberté d'association, mais
elle ne répond pas au grief relatif à la discrimination entre petits et grands
propriétaires, qu'ils soient ou non chasseurs, ce qui est pourtant évoqué dans
l'exposé de cette loi.
N'y lit-on pas, à propos de l'arrêt de la Cour européenne des droits de
l'homme : « Cet arrêt, qui est d'application immédiate, est d'ores et déjà
considéré comme permettant à tous les propriétaires fonciers - chasseurs ou
non-chasseurs - de retirer leur fond du territoire de l'ACCA » ?
Il convient donc d'aller jusqu'au bout de la logique initiée par cette
remarque. La France va devoir, en effet, dans un proche avenir, justifier, face
au conseil des ministres du Conseil de l'Europe, de mesures mettant en
conformité sa législation avec les conclusions de la Cour européenne des droits
de l'homme.
Afin que soient évaluées toutes les conséquences de l'arrêt de la Cour
européenne des droits de l'homme, j'ai demandé au Conseil d'Etat de nommer l'un
de ses membres pour présider un groupe de travail. Ce groupe rassemblera des
représentants des ministères et des établissements publics concernés et pourra
associer à ses travaux des élus et des représentants des organisations et des
associations partie prenante aux débats sur les modalités d'exercice de la
chasse.
A mon avis, sur cet aspect de la chasse comme dans d'autres domaines, il n'y
aura pas, sans compromis, de solution durable aux conflits, entretenus
quelquefois artificiellement pour des raisons politiciennes, entre les
chasseurs, les non-chasseurs et les protecteurs de la nature.
Un peu à l'image de ce qu'avaient entamé, à la fin des années soixante-dix,
l'Union nationale des fédérations départementales des chasseurs et
France-Nature-Environnement, j'ai tenté à plusieurs reprises de recréer les
conditions du dialogue.
Durant l'été 1997, un déjeuner était programmé sur mon initiative entre
l'Union nationale des fédérations départementales des chasseurs et
France-Nature-Environnement, comme je l'avais annoncé, le 22 juillet 1997, au
congrès des présidents de fédérations départementales de chasseurs.
Quelques jours avant ce déjeuner, le président de l'Union adressait aux
présidents de fédérations une lettre circulaire leur faisant part de ses
profondes réserves sur la relance de la procédure Natura 2000, à laquelle
tenaient beaucoup les associations de protection de la nature. Le déjeuner a du
être annulé.
En avril 1998, après que j'ai mis en place un groupe de réflexion sur la
chasse aux oiseaux migrateurs, les protecteurs de la nature,
France-Nature-Environnement et la ligue pour la protection des oiseaux, étaient
prêts, comme les chasseurs de l'Association nationale pour une chasse
écologiquement responsable, à s'engager dans un compromis sur les dates
d'ouverture et à aller le plaider auprès de la Commission européenne.
L'Union nationale des fédérations départementales de chasseurs et
l'Association nationale des chasseurs de gibier d'eau ont refusé cette main
tendue. Les contentieux ont donc recommencé.
Une nouvelle tentative a été lancée en février dernier par mon cabinet en
liaison avec celui du Premier ministre. Il s'agit de faire dresser un bilan des
connaissances actuelles sur la reproduction et la migration des oiseaux par un
groupe scientifique animé par le professeur Lefeuvre. Ce groupe est composé de
membres du CNRS, de l'Académie des sciences, du Muséum national d'histoire
naturelle, des universités et de l'Office national de la chasse.
A l'issue de ce bilan, il sera proposé aux chasseurs et aux protecteurs
d'élaborer un compromis compatible avec la directive « Oiseaux », et donc
acceptable par la Commission européenne, sur les dates d'ouverture et de
fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs. Ce compromis permettra au
Gouvernement d'aller négocier avec la Commission les modalités de chasse aux
migrateurs permettant d'éviter une condamnation de la France par la Cour de
justice des communauté européennes.
Je constate, par ailleurs, que mon directeur de cabinet et plusieurs membres
de ce cabinet ainsi que la direction de la nature et des paysages ont consacré
et consacrent, en concertation avec les chasseurs et les non-chasseurs, les
parlementaires et les responsables cynégétiques, bien plus de temps à trouver
des solutions de compromis qu'ils n'en passent avec toute autre catégorie
d'usagers de la nature.
Je constate également qu'année après année des lois relatives à la chasse sont
votées « d'urgence » et « à titre provisoire » sans souci de cohérence et
qu'elles conduisent à un édifice branlant, rafistolé au gré des humeurs du
moment et source de conflits et de contentieux sans fin malgré les déclarations
de leurs auteurs.
Le 30 juin 1994, votre assemblée discutait d'une proposition de loi relative
aux dates de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs dont l'une des
finalités était, si l'on se rapporte par exemple aux interventions de MM. de
Catuelan ou Lacour, de mettre fin à des conflits multiples d'interprétation de
la directive « Oiseaux » et d'anticiper sa modification.
Cette directive - faut-il le rappeler encore ? - a été promue par la France,
adoptée à l'unanimité et signée par le président de votre commission des
affaires économiques et du Plan qui était, à l'époque, ministre des affaires
étrangères et président du Conseil des ministres européens.
M. Althapé, avec beaucoup de clairvoyance, constatait, quant à lui, qu'« une
fermeture échelonnée de la chasse aux gibiers d'eau et aux oiseaux de passage
ne correspond pas à une bonne gestion de ces espèces non menacées. De plus,
cette fermeture échelonnée générerait de nombreux conflits et des recours qui,
une fois de plus, créeraient un climat insupportable ».
Il ne croyait pas si bien dire puisque le vote de la loi du 15 juillet 1994 a
conduit à la multiplication de contentieux ; trente-sept arrêtés préfectoraux
pris en vertu de cette loi ont été attaqués, vingt-trois ont été annulés, et la
Commission européenne a saisi la Cour de justice des Communautés européennes
pour infraction à la directive « Oiseaux ».
De même, la fixation de dates d'ouverture anticipée de la chasse au gibier
d'eau, selon des modalités qui seront reprises dans la loi du 3 juillet 1998,
avait conduit le Conseil d'Etat à casser quatre-ving-sept des quatre-vingt-neuf
arrêtés signés par mes prédécesseurs.
Quant aux suites de la loi du 3 juillet 1998, elles sont similaires. Les
tribunaux administratifs ont annulé dix-sept arrêtés préfectoraux pris en
fonction des dates de fermeture fixées par cette loi, mais la cour d'appel de
Bordeaux vient de casser ces jugements concernant trois départements. Les
tribunaux administratifs ont rejeté douze recours et ne se sont pas prononcés
sur le fond pour quatre départements. Quant à la Commission européenne, elle a
saisi la Cour de justice des Communautés européennes, le 5 février 1999, à
propos de la loi du 3 juillet 1998.
Contrairement à ce qui a été rapporté, çà et là, dans la presse cynégétique,
je tiens à préciser que je n'ai pas répondu subrepticement, en août 1998, à la
Commission européenne, ce qui « aurait » entraîné la saisine de la Cour de
justice. La raison en est simple ; jamais un ministre ne répond directement à
la Commission européenne.
Les réponses de la France relatives aux mises en demeure ou aux avis motivés
sont préparées par le secrétariat général du comité interministériel pour les
questions de coopération économique européenne, le SGCI, placé auprès du
Premier ministre, sur la base des éléments techniques communiqués par les
ministères compétents. Elles sont ensuite transmises à la représentation
permanente de la France auprès des institutions européennes à Bruxelles, qui
les transmet, à son tour, à la direction générale compétente de la Commission
européenne.
Quant aux documents rédigés dans les affaires devant la Cour de justice ou le
tribunal de première instance, ils sont, là encore, rédigés lors de réunions
interministérielles au SGCI. Les ministères compétents apportent leur expertise
sur les éléments techniques indispensables à la rédaction, par le ministère des
affaires étrangères, du document finalisé comme le mémoire en intervention, le
recours ou la plaidoirie.
Le document avalisé par l'ensemble des départements ministériels est ensuite
transmis au greffe de la Cour ou du tribunal par le ministère des affaires
étrangères.
La confusion la plus totale règne donc encore, et les contentieux que le
Parlement disait vouloir éteindre avec la loi du 3 juillet 1998 ont redémarré
de plus belle. Ils concernent jusqu'à présent les dates de fermeture, mais il
faut s'attendre, dans les prochains mois, à un ou à des arrêts du Conseil
d'Etat sur les dates d'ouverture. Cela montre que les lois dites « provisoires
», bricolées à la hâte, ne résolvent pas les problèmes posés.
Sur la proposition de loi elle-même, quelle cohérence y a-t-il entre le
premier et le second article ? Quel rapport y a-t-il entre la chasse de nuit et
la loi sur les associations communales de chasse agréées ?
Je partage tout à fait les conclusions de votre commission sur le fait qu'une
loi d'orientation sur l'organisation générale de la chasse en France est
devenue nécessaire. C'est pourquoi le Gouvernement a l'intention de mettre
rapidement en chantier une loi qui traitera des différents aspects de la
chasse, intégrant aussi bien les questions qui touchent aux associations de
chasseurs et à la garderie que celles qui concernent les périodes et les
modalités de la chasse.
Trois chantiers ont déjà été ouverts : celui sur les fédérations et la
garderie à la suite du rapport de l'inspecteur général Cailleteau, celui sur
les périodes de chasse aux oiseaux migrateurs avec le travail du groupe animé
par le professeur Lefeuvre, enfin, celui qui aura pour mission de tirer les
conclusions de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, dont j'ai
parlé tout à l'heure.
C'est pourquoi je vous rejoins, madame le rapporteur, lorsque vous écrivez : «
Le vote d'une loi d'orientation sur l'organisation générale de la chasse en
France apparaît désormais indispensable. Elle aura pour objectif de dégager, à
partir d'un consensus entre tous les partenaires concernés - chasseurs,
protecteurs et usagers de la nature - un corps de principes rénové réglementant
l'exercice de la chasse. »
C'est également pourquoi je ne vous comprends plus lorsque vous soutenez une
proposition de loi qui ne résulte ni des travaux de réflexions engagés ni de ce
consensus que vous appelez de tous vos voeux.
C'est également pourquoi le Gouvernement ne peut accepter la proposition de
loi portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse.
Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre patience.
M. le président.
La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'heure
matinale de nos débats ne se prêtant guère à des morceaux d'éloquence, je serai
bref, tout en m'efforçant de rester dans le cadre de notre proposition de loi.
Le rapport très précis et très rigoureux de notre collègue Anne Heinis me
conforte dans cet objectif. Je présenterai simplement trois remarques.
Première remarque : les propositions issues de réflexions conduites au sein du
groupe d'études « chasse et pêche » que j'ai l'honneur de présider sont fondées
sur le souci permanent d'une bonne gestion cynégétique et non sur un quelconque
laisser-aller. Certes, si le dialogue s'était engagé plus souvent avec votre
ministère, les choses n'en seraient pas là, madame le ministre.
Pour le gibier d'eau, nous revendiquons et la déclaration des installations
fixes et la tenue d'un carnet de prélèvement. Ces mesures viennent en
complément des plans de gestion, dont nous avons voté le principe l'année
dernière, mais qui, à ma connaissance, n'ont connu jusqu'à présent aucune
traduction réglementaire, en dépit de nos appels répétés depuis le 15 janvier
1998.
Deuxième remarque : les deux articles soumis à l'appréciation de la Haute
Assemblée visent simplement à régler des situations urgentes et à ouvrir la
voie à une réflexion d'ensemble, que nous conduirons au sein de notre groupe
d'études.
Nos propositions ne sont toutefois ni improvisées ni superflues. Ni
improvisées, car nous avons procédé à de nombreuses auditions. Ni superflues,
car elles visent à répondre à des préoccupations très concrètes, dans
l'urgence, à défaut de réponse du ministère de l'environnement aux problèmes
posés actuellement aux chasseurs de France. Je demande donc au Sénat de bien
vouloir les approuver et, si je ne rêve pas, au Gouvernement d'inscrire
d'urgence à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le texte qui résultera de
nos travaux.
Troisième remarque : ces propositions ont été présentées bien avant le 13 juin
dernier et ne sauraient donc être analysées à travers une quelconque grille
d'interprétation partisane. Tous les groupes du Sénat, par l'intermédiaire de
certains de leurs membres, ont été associés à la préparation de cette
proposition de loi, excellement rapportée ensuite par Mme Heinis, au nom de la
commission des affaires économiques et du Plan. C'est donc la représentation
nationale qui s'exprimera et je récuse par avance la caricature commode du «
groupe de pression », qui ne manquera pas d'être faite.
Mes chers collègues, et je conclurai sur ce point en respectant mon engagement
de brièveté, qui contrastera avec l'orateur précédent
(Sourires),
soyons
fiers, transparents et résolus en votant cette proposition de loi. Fiers de
faire prévaloir le bon sens de la gestion cynégétique. Transparents, parce que
tous les éléments techniques et juridiques du dossier sont portés à la
connaissance de nos concitoyens. Résolus à ne pas nous plier à des modes ou à
un sectarisme peint en vert, mais prêts à rechercher en permanence le difficile
équilibre entre la tradition et la modernité. Et je suis certain, mes chers
collègues, qu'à l'issue de nos débats nous voterons, unanimes, la proposition
de loi qui est présentée.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai tenu à
m'exprimer dans ce débat sur la chasse et plus précisément sur la proposition
de loi rapportée par notre collègue Mme Anne Heinis pour au moins trois
raisons.
La première, c'est que je ne suis pas chasseur ! Voilà au moins une
particularité qui pourrait nous rassembler, madame la ministre, et me permettre
de vous faire partager plus aisément mon analyse, ne pouvant être taxé ni de
passion ni de sectarisme à l'égard d'une activité que j'appréhende à la fois
comme citoyen et comme biologiste.
En tant que citoyen, je considère que la chasse s'apparente à un espace de
liberté qui, en fonction des différentes régions françaises, a acquis une vraie
dimension culturelle. Au fil des siècles, nos traditions et nos coutumes ont
façonné la France d'aujourd'hui et toute restriction d'une activité qui ne met
en péril ni l'autorité de l'Etat ni celle de nos écosystèmes est, selon moi,
une erreur fondamentale.
M. Roland Courteau.
Très bien !
M. Jean Bizet.
Cet espace de liberté, c'est aussi la lisibilité d'une société qui ne souhaite
ni l'uniformité, ni le poids et la contrainte de lois inutiles qui, comme le
soulignait Montesquieu, affaiblissent celles qui sont nécessaires. Je crains
qu'en voulant restreindre cet espace de liberté vous ne preniez une lourde
responsabilité : heurter une opinion publique qui estime, à juste titre, qu'il
y a dans ce pays d'autres préoccupations et d'autres enjeux.
Passionné de biologie et d'écologie au sens de respect des biotopes et des
écosystèmes, je pense, madame la ministre, et c'est là ma deuxième raison, que
vous vous faites une idée erronée de la chasse. La chasse ne se borne pas au
seul acte de tuer. Bien plus, elle permet de gérer un équilibre entre la faune
et la flore d'un écosystème.
De même que la jachère n'a jamais constitué un élément positif pour la
protection et l'évolution de l'environnement, l'interdiction de la chasse
déséquilibrera tôt ou tard les écosystèmes de nos régions françaises.
M. Roland Courteau.
C'est exact !
M. Jean Bizet.
Je côtoie régulièrement les chasseurs de la baie du Mont-Saint-Michel et je
connais le souci qui est le leur de gérer les populations d'oiseaux migrateurs
qui séjournent chaque année dans cette région particulière. L'étude et le
comptage de ces animaux est une de leurs activités majeures et, année après
année, leur préoccupation est d'assurer la pérennité de l'existence et du
passage de ceux-ci.
Tout aussi paradoxal que cela puisse paraître, la chasse est une activité
indissociable de la connaissance, de la protection et de la pérennité du monde
animal et de son environnement.
De même que je n'ai pu partager votre analyse de l'aménagement du territoire
faisant des espaces ruraux des espaces à « ménager », et non à aménager,
recevant leur richesse des territoires urbains de proximité, je crains qu'une
vision restrictive et, avouons-le, trop étroite de la chasse ne coupe davantage
encore ces 80 % de la population française, celle qui est urbanisée, de ses
vraies valeurs et de ses racines et ne contribue pas en fait à protéger la
faune. En effet, en l'absence d'une intervention humaine, une espèce prédatrice
entraînera inévitablement, à terme, un déséquilibre de l'écosystème et mettra
en danger la pérennité de celui-ci.
M. Roland Courteau.
Tout à fait !
M. Jean Bizet.
On ne peut aborder ces sujets spécifiques que sont la chasse, l'environnement,
voire l'aménagement du territoire, sans au préalable voir, écouter, comprendre
la problématique de ceux qui vivent le territoire au quotidien.
La proposition de loi qui vous est soumise et que j'ai cosignée est le reflet
d'une recherche d'un meilleur équilibre et d'un profond souci de respecter les
traditions, d'une part, et le droit de propriété, d'autre part.
Les traditions : à travers la chasse à la passée et la chasse de nuit au
gibier d'eau dans quarante-deux départements où cette pratique est inscrite
depuis plusieurs siècles et, à ma connaissance, n'a pas entraîné la disparition
de ces espèces animales.
Le droit de propriété : puisque, dans les territoires de chasse gérés en
application de la loi Verdeille par les associations communales de chasse
agréées, les petits propriétaires hostiles à la chasse pourraient interdire
toute action de chasse sur leurs terrains.
Madame la ministre, j'ignore si j'ai pu vous convaincre mais, connaissant vos
prises de position sur ce sujet depuis des années, je crains que non. Alors,
permettez-moi une dernière réflexion.
Les Français sont de plus en plus désabusés par la politique. Les dernières
élections l'ont clairement démontré puisque plus de la moitié d'entre eux ont
refusé de voter et 7 % environ ont émis un vote blanc ou nul. Pourquoi ? Tout
simplement, selon moi, parce que la classe politique ne les fait plus rêver.
Si demain, en plus, vous les privez de la liberté de vivre leur passion, alors
même que cette passion, je le répète, ne met en péril ni l'autorité de l'Etat
ni l'équilibre des écosystèmes, vous prendrez le risque de faire de cette
société celle des interdits : interdit de pratiquer une chasse ancestrale,
celle de la chasse à la passée et de la chasse au gabion ; interdit de
travailler plus de trente-cinq heures, orientation majeure d'un gouvernement en
totale rupture avec les autres pays industrialisés ; interdit de faire du
profit, la fiscalité étant là pour décourager les industries ou les individus
les plus dynamiques ou entreprenants. Je pourrais continuer la liste... Elle
est longue.
M. Roland Courteau.
On s'égare !
M. Jean Bizet.
Madame la ministre, regardez l'histoire, elle est pleine d'enseignements. Ces
sociétés d'interdits n'ont jamais été synonymes de progrès et de richesses, et
je ne pense pas que cela soit l'objectif du Gouvernement, sauf à nous le dire
très clairement.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Madame la ministre, vous avez indiqué dans votre conclusion que vous étiez
très attachée à la préservation des espèces et des espaces. Le groupe auquel
j'ai l'honneur d'appartenir et moi-même, nous y sommes, nous aussi, très
attachés.
J'ai beaucoup apprécié votre intervention très fouillée. Si j'avais quelque
compétence - mais comme je n'en ai pas, je ne me livrerai pas à ce jeu -
répondant à un article d'un quotidien récent, je conseillerais au Premier
ministre de continuer à vous confier ce ministère. Vous devez absolument y
rester tant sont importantes et impressionnantes les compétences que vous y
avez acquises.
(Mme le ministre sourit.)
Je me bornerai à vous dire que, si vous le souhaitez, je vous donnerai des
éléments encore plus pertinents, jusqu'à la race des chevaux qui permettent la
chasse au canard et à la sauvagine dans les barthes de l'Adour. Je vous
indiquerai aussi la marque des cercueils et un certain nombre de détails qui
pourront encore améliorer l'aspect performant et documenté d'une telle
intervention, dont j'ai apprécié la conclusion.
Oui, madame la ministre, les membres de mon groupe et moi-même souhaitons de
tout coeur qu'un grand débat sur la chasse et une loi globale, après une longue
concertation avec toutes les associations concernées, puissent mettre un terme
à toutes les tracasseries dont nous sommes victimes depuis de nombreuses
années.
M. Roland Courteau.
Très bien !
M. Roland du Luart.
Je suis tout à fait d'accord !
M. Jean-Louis Carrère.
Votre arrivée au Gouvernement n'est certes pas le déclencheur exclusif de
toutes ces tracasseries. Il y en avait avant ; il y en a depuis. Se sont-elles
accrues ? Je vous laisse juge.
Ce que je constate, c'est que les éléments majeurs qui nous conduisent
aujourd'hui à examiner cette proposition de loi sont intervenus, si ma mémoire
est bonne, le 7 avril pour l'un, et le 29 avril pour l'autre. Un certain nombre
de problèmes que nous connaissons en matière d'arrêts, de tribunaux
administratifs, de dates d'ouverture, de dates de fermeture sont plus anciens.
Je suis étonné que le Gouvernement n'ait pas mis à profit cette période pour
faire de la concertation et travailler afin que ce texte de loi puisse régler
les problèmes avant l'ouverture de la saison de chasse 1999-2000.
M. Ladislas Poniatowski.
Bien sûr !
M. Jean-Louis Carrère.
Je crains que l'on n'ait été préoccupé par d'autres enjeux, que je respecte et
qui m'ont occupé moi aussi.
M. Ladislas Poniatowski.
C'est bien vu !
M. Jean-Louis Carrère.
Mais, dans le même temps, sachez qu'ici, au Sénat, de nombreux groupes, mais
je ne m'exprimerai qu'au nom du mien, sont disponibles pour cette concertation
dans le sens que vous avez indiqué, madame la ministre : la pratique de
cultures et de traditions dans le respect et la protection des espèces. Nous y
sommes prêts quand vous le souhaiterez et nous y participerons. Si telle n'est
pas la méthode utilisée, nous débatrons comme le veulent les règles, à notre
place, et nous amenderons, si besoin est, le texte qui nous sera proposé, mais
je ne préjuge pas : peut-être le voterons-nous en l'état.
S'agissant de la présente proposition de loi que, à titre personnel, je n'ai
pas cosignée, madame la ministre, je la soutiens et pour des raisons simples.
D'abord, parce qu'elle n'a pas un caractère, comme vous le disiez, « bricolé »
et n'a pas vocation à perdurer. Elle vise à répondre à un objectif tout simple
: essayer de corriger une situation de non-droit ou, plus exactement, une
situation difficile au moment des différentes ouvertures, je veux parler de la
chasse de nuit et de la chasse au gibier d'eau. Certes, on peut trouver tous
les arguments et dire qu'en telle année on ne la pratiquait pas, qu'en telle
autre année on la pratiquait, que ce n'est pas une chasse traditionnelle ici,
que dans beaucoup de pays d'Europe on le la pratique pas.
Pour ma part, ce qui m'importe, c'est de rester dans les clous par rapport à
ce que vous nous proposiez et que j'approuve, à savoir les plans de gestion des
espèces, la protection des espèces, leur pérennisation. En l'occurrence, il me
semble que c'est tout à fait le cas, madame la ministre, puisqu'il y aura, par
installation, un carnet de comptage et de prélèvement, tout cela pourra être
soumis à une réelle gestion de l'espèce, en indiquant même, à la limite, des
quotas de prélèvement. En effet, les chasseurs ont évolué. Est-ce grâce à votre
influence ou à l'évolution des choses ? En tout cas, ils ont bien compris
qu'ils ne pourraient continuer à pratiquer ce qu'ils considèrent, pour les uns,
comme un élément de notre patrimoine culturel et, pour les autres, comme un
sport, un plaisir ou une passion, si les espèces disparaissent. De ce point de
vue, il n'existe donc aucune divergence entre nous. N'essayons pas d'en créer
là où il n'y en a pas !
En ce qui concerne les chasses de nuit, il faut, à mon avis, pendant un
certain temps, sous réserve qu'une réflexion soit menée avec les pratiquants de
ces chasses, voir comment celles-ci peuvent s'organiser sereinement. Dans
l'immédiat, il me paraît convenable de voter cette proposition de loi.
S'agissant des ACCA, je n'interprète pas le texte qui est soumis aujourd'hui
au Sénat tout à fait comme vous, madame la ministre. Je ne crois pas, en effet,
qu'il prolonge la discrimination entre les grands et les petits propriétaires.
Je pense justement que cette proposition de loi permet, quelle que soit la
dimension de la propriété, de faire respecter sa volonté de non-chasse.
M. Roland du Luart.
Exactement !
M. Jean-Louis Carrère.
Je ne comprends donc pas votre argument ; mais peut-être n'ai-je pas été assez
attentif à votre propos.
Par ailleurs, la mesure proposée est transitoire. Moi qui participe depuis
assez longtemps aux activités d'une ACCA, que j'ai présidée et dont je suis
vice-président maintenant, je sais que ces ACCA nous aident à régler des
problèmes qui vont se poser dès l'ouverture, et non pas au moment où nous
aurons voté un texte, dans un délai assez hypothétique. Cet article de la
proposition de loi me paraît donc bon.
Permettez-moi ce qui sera peut-être pour vous, madame la ministre, et pour mes
collègues une digression : je ne peux en effet quitter cette tribune sans que
le chasseur landais que je suis, très attaché à son terroir, à son patrimoine,
à ses traditions, à ses amis, mais aussi à ses électeurs
(Sourires)
, aux
amis de ses parents, qui étaient dans la Résistance, comme beaucoup de
républicains dans ce pays, vous ait indiqué les dommages causés non par le
classement du bruant ortolan en espèce protégée, mais par l'absence de suite de
ce classement.
Tout d'abord, pour que le débat soit clair entre nous, madame la ministre, si
tant est qu'il y ait débat entre nous, je voudrais dire que je ne suis
absolument pas convaincu de la légalité intangible de la directive n°
79/409/CEE. Si mes souvenirs et mes renseignements sont exacts, lorsque cette
directive a été prise, l'Europe n'avait pas de compétence en matière
d'environnement.
M. Roland Courteau.
C'est vrai !
M. Jean-Louis Carrère.
Cela mériterait peut-être d'être affiné. Dans le même temps, je ne suis pas
sûr, pour être tout à fait honnête, que, stratégiquement, il faille prendre le
risque, en faisant annuler cette directive, de la voir remplacer par une autre
qui pourrait être encore plus dangereuse. Tout cela mérite d'être étudié.
J'ai lu, comme beaucoup d'entre nous, cette directive. Je ne vous en
infligerai donc pas la lecture, bien que, pour votre part, vous nous ayez
infligé nombre de lectures
(Sourires)
que nous avions déjà faites,
madame le ministre,...
M. Roland du Luart.
Oui !
M. Jean-Louis Carrère.
... et peut-être même avant vous !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
J'en ai
encore pour la prochaine fois !
M. Jean-Louis Carrère.
Mais je l'accepte, et j'apprécie même : j'aime beaucoup l'humour, même s'il y
a des heures pour cela !
(Sourires.)
Madame la ministre, je souhaiterais connaître l'interprétation du Gouvernement
sur la rédaction de l'article 9 de cette fameuse directive.
J'en donne une lecture brève :
« Les Etats membres peuvent déroger aux articles 5, 6, 7 et 8 s'il n'existe
pas d'autre solution satisfaisante pour les motifs ci-après :...
« C. - Pour permettre dans des conditions strictement contrôlées et de manière
sélective la capture, la détention ou tout autre exploitation judicieuse de
certains oiseaux en petite quantité. »
Quelle est l'interprétation du Gouvernement ? Est-ce le Gouvernement qui
déroge ou est-ce le Gouvernement qui demande dérogation ? En effet, le texte
précise bien que « les Etats membres peuvent déroger ». Si vous me dites que
c'est le Gouvernement qui déroge, madame la ministre, au nom des chasseurs
d'ortolans landais et au nom des Landais, je vous demande solennellement de
déroger.
Si vous me dites que le Gouvernement n'a qualité que pour demander dérogation,
toujours au nom des mêmes - je n'ai pas varié ! - je vous demande de demander
dérogation.
Et, pour ne pas allonger le débat, je vous dis avec beaucoup de solennité,
mais beaucoup de sincérité, madame la ministre, que, si rien n'est fait, en
respectant l'espèce, bien sûr - si l'espèce est en danger, les chasseurs
d'ortolans landais accepteront d'eux-mêmes de ne plus pratiquer cette chasse
tant que le danger subsistera - un coup mortel sera porté au coeur des Landes.
(Applaudissements.)
M. Roland du Luart.
Très bien !
M. Jean Bizet.
Bravo !
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis
plusieurs mois, la pratique de la chasse fait l'objet d'attaques répétées qui
contribuent à polluer le débat national, que nous appelons de nos voeux, sur
l'avenir et les missions de la chasse dans notre pays.
Force est de constater, madame la ministre, qu'aujourd'hui ce débat se situe
dans une impasse du point de vue tant juridique que politique.
Concernant l'aspect politique, depuis la vaste manifestation nationale tenue à
Paris le 14 février 1998, la colère des chasseurs n'a cessé de grandir dans le
pays. Elle s'est exprimée, parfois de façon vive et exacerbée, et nous
réprouvons fermement les excès en la matière ; mais comment ne pas comprendre
le désarroi d'une population qui voit progressivement une partie de son
héritage culturel menacée par des décisions semblant tout à la fois
injustifiées et arbitraires ?
Mon ami Gérard Le Cam, dans le département des Côtes-d'Armor, et moi-même,
dans le département du Nord, avons pu mesurer, dans la période récente,
l'incompréhension d'une catégorie de nos concitoyens, pour l'essentiel ouvriers
et agriculteurs, que certains souhaitent, à grand renfort médiatique,
culpabiliser et diaboliser.
Le 13 juin dernier, cette colère s'est à nouveau exprimée de façon
retentissante et inattendue à ce niveau, par la voie des urnes.
Madame la ministre, au nom de mes collègues du groupe communiste républicain
et citoyen, je vous demande d'entendre enfin ce message fort afin que des
débordements, dont certains de vos amis ont été malheureusement la cible et les
victimes, ne se reproduisent plus.
Aussi est-il temps de renouer les fils du dialogue et de rompre avec une
politique de la « chaise vide » qui consiste à laisser aux tribunaux le soin de
se substituer à ce qui doit relever du choix politique.
Parmi les trop nombreux dossiers en souffrance, trois ont plus
particulièrement soulevé l'inquiétude des chasseurs et des élus représentant le
monde rural.
Le premier dossier porte sur la réactivation du contentieux juridique relatif
à l'application de la directive 79/409/CEE sur la conservation des oiseaux
sauvages. Un an après l'adoption par l'Assemblée nationale, dans les conditions
que l'on sait, de la loi sur les dates d'ouverture anticipée et de clôture de
la chasse aux oiseaux migrateurs, la France risque d'être bientôt condamnée par
la Cour de justice européenne.
Pourquoi, madame la ministre, ne pas avoir engagé, sur le plan communautaire,
une négociation sur la base d'une étude sérieuse et fournie en vue de réviser
ladite directive dont la légalité est juridiquement contestable ?
Ainsi, la loi française est jugée illégitime car non conforme à une
interprétation restrictive de cette directive, qui, elle-même, ne dispose pas
de bases légales, l'environnement - notre ami M. Carrère vient de le dire - ne
faisant pas partie, en 1979, du domaine de compétences de la Communauté
européenne, selon le traité de Rome.
M. Jean-Louis Carrère.
C'est sûr !
M. Pierre Lefebvre.
Cette situation absurde n'a que trop duré !
Cependant, faut-il reprocher au Parlement d'avoir agi ou bien plutôt reprocher
au Gouvernement, à celui-ci comme à ceux qui l'ont précédé, d'être resté
inactif ?
Le deuxième dossier a trait à la chasse de nuit. Elle fait partie, quoi que
l'on dise, de nos pratiques traditionnelles, qui remontent à plusieurs
siècles.
Vous vous en souvenez sans doute, madame le rapporteur, j'avais déposé, avec
les membres de mon groupe, une proposition de loi qui réglait ce problème de la
chasse de nuit en lui apportant une base légale adéquate.
M. Jean-Louis Carrère.
C'est vrai !
M. Pierre Lefebvre.
Nous proposions, à l'instar de l'Union nationale de défense des chasses
traditionnelles, de compléter l'article L. 224-4 du code rural de la façon
suivante : « pour certaines espèces de gibier d'eau, la chasse de nuit et de
jour à la hutte, tonne, gabion, butteau ou tout autre moyen spécifique à chaque
département et déjà en usage, pourra être autorisée et réglementée pendant des
périodes de temps limité et en des lieux limitativement désignés ».
Si cet amendement avait été adopté à l'époque, que de désagréments nous
aurions pu alors éviter !
(M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Au lieu d'anticiper sur des contentieux en cours, nous voici dans la situation
ingrate de combler en urgence le vide juridique laissé par l'arrêt du 7 avril
1999 du Conseil d'Etat, annulant une instruction de l'Office national de la
chasse. Je rappelle en effet que les premiers recours contre cette instruction
ont été présentées dès janvier 1997 !
L'article 1er de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a donc
le mérite de mettre au clair notre législation qui interdisait la chasse de
nuit en vertu des articles L. 224-4 et L. 228-5 du code rural et, dans le même
temps, organisait une tolérance de la part des préfets, prévue par dérogation
posée à l'article 9 de la loi du 3 mai 1844, comme vous l'avez rappelé tout à
l'heure, madame la ministre.
Désormais, avec l'adoption de cette proposition de loi, l'exercice de la
chasse de nuit sera légale sous réserve d'une déclaration des installations
auprès de la mairie et de la tenue d'un carnet de prélèvement. Les chasseurs
qui pratiquent cette activité de longue date, et dont je connais la rigueur,
seront tout à fait disposés, j'en suis sûr, à se soumettre à ces contraintes
dans la mesure où elles leur garantissent la pérennité de nos coutumes et de
nos usages régionaux qui stucturent nombre de cultures locales et façonnent le
mode de vie de milliers de personnes.
Une telle disposition - Mme le rapporteur l'a d'ailleurs rappelé avec raison -
n'est, en outre, pas contraire à la réglementation communautaire dès lors que
l'équilibre cynégétique et la conservation des espèces est assurée.
Enfin, la troisième source de mécontentement des chasseurs, plus sérieuse à
mon sens, est la possible remise en cause de la loi du 10 juillet 1964, dite «
loi Verdeille ».
Je le dis sans esprit polémique : il est clair, à mes yeux, que les
pourfendeurs d'une loi qui honore notre pays, visent moins la reconnaissance,
certes légitime, d'un droit de non-chasse mais bien plutôt la remise en cause
pure et simple du droit de chasse issu de la Révolution française.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen et de l'Union centriste, ainsi que sur les travées socialistes.)
Cette loi a pourtant un double mérite, reconnu de tous, y compris de
vous-même, madame la ministre, comme vous l'avez indiqué tout à l'heure.
Tout d'abord, elle garantit un exercice populaire et démocratique de la chasse
en facilitant l'accès des terrains aux chasseurs non propriétaires ; ainsi, la
loi Verdeille a créé une dissociation entre le droit de propriété réservé à
quelques-uns et le droit de chasse reconnu à tout un chacun. Ensuite, cette loi
permet une gestion cohérente et harmonieuse de la faune sauvage, grâce au
regroupement des parcelles dispersées entre les mains des différents
propriétaires. La constitution des territoires en ACCA a permis une politique
de la chasse rigoureuse qui profite aux propriétaires eux-mêmes, car ils sont
mieux protégés contre les espèces nuisibles.
Or, on oublie trop souvent que seuls les chasseurs prennent en charge le
financement des opérations d'entretien et de gestion des espèces et des
habitats naturels, alors que les propriétaires non chasseurs participent
gratuitement aux associations communales.
La Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt rendu le 29 avril
dernier, a considéré que notre réglementation contrevenait au droit de
propriété, à la liberté d'association et créait, de surcroît, une
discrimination entre propriétaires, les propriétaires de terrains compris entre
20 hectares et 60 hectares étant autorisés à s'exclure des ACCA.
Vous citez, madame la ministre, la loi du 30 avril 1790 selon laquelle « il
est défendu à toute personne de chasser en quelque temps et quelque manière que
ce soit sur le terrain d'autrui sans son consentement ».
Faut-il préciser que cette interdiction est recevable dans la limite où
l'intérêt général exige d'y déroger ? Or c'est précisément le cas ! La gestion
de la faune sauvage sur un territoire intégré, au-delà des intérêts
particuliers, relève bel et bien de l'intérêt général.
En l'occurrence, il nous semble bien que le droit de chasser peut, dans ces
conditions, être considéré comme supérieur au droit de propriété.
S'agissant de la distinction faite selon la taille des propriétés, je serais
favorable, quant à moi, à un relèvement du seuil de 20 hectares, voire à sa
suppression afin d'assurer l'égalité de traitement des propriétaires vis-à-vis
des ACCA.
L'article 2 prévoit, pour l'heure - et de façon transitoire - une exception
supplémentaire à la constitution de terres en ACCA et reconnaît,
de
facto
, un droit de non-chasse tout en préservant la pleine application de
la loi Verdeille. C'est en ce sens que nous nous sommes ralliés à cette
proposition.
Il démontre, de la part des organisations de chasseurs qui soutiennent notre
initiative au sein du groupe « Chasse et pêche » du Sénat, un geste d'ouverture
en direction des défenseurs de l'environnement.
Ce texte répond, je l'ai dit, à une situation d'urgence, de façon
transitoire.
M. Roland du Luart.
Très bien !
M. Pierre Lefebvre.
Il vous offre, madame la ministre, la possibilité d'engager une concertation
avec toutes les parties prenantes afin de trouver, d'ici à deux ans, une
solution raisonnable et satisfaisante pour tous.
Cette proposition de loi doit vous aider, madame la ministre, à recréer les
conditions du dialogue et de l'apaisement. Il n'est plus temps, en effet,
d'attiser les rancoeurs et les tensions entre chasseurs et anti-chasseurs, ce
qui ne profite d'ailleurs qu'aux extrémistes des deux camps.
Cette opposition est d'autant plus stérile et dépassée qu'elle n'est pas
justifiée ; car qui mieux que les chasseurs contribue, à l'heure actuelle, à
préserver les habitats naturels, à assurer le renouvellement des espèces et à
protéger les agriculteurs des espèces nuisibles ?
M. Gérard Le Cam.
Ce sont les vrais écologistes !
M. Pierre Lefebvre.
En vérité, la chasse possède, si elle est pratiquée selon les règles, une
vertu hautement écologique.
M. Ladislas Poniatowski.
Tout à fait !
M. Pierre Lefebvre.
Le danger est ailleurs ! Je souscris pleinement à l'avis de la commission
agricole du Parlement européen sur la directive 79/409 : « La chasse ne
constitue pas l'unique menace, ni même la menace majeure, pour les espèces en
danger de disparition. De fait, elle permet, à certains égards, qu'un secteur
au moins de la population locale soit activement intéressé à la conservation.
Le déclin d'une espèce s'explique peut-être davantage par des facteurs tels que
la disparition d'un habitat approprié, la pollution, les maladies,
l'insuffisance des ressources alimentaires ou d'autres facteurs
environnementaux. »
Pour l'heure, malgré les lacunes et les imperfections qui ont été soulignées,
je souscris aux objectifs de ce texte, dont j'ai accepté d'être le
cosignataire, car il a le mérite de combler un vide juridique dans l'immédiat
et de tracer le chemin de la pacification dans le respect de nos traditions, de
nos us et coutumes mais aussi de la nature.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera donc ce texte.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Branger.
M. Jean-Guy Branger.
Madame la ministre, permettez-moi tout d'abord de vous dire très sérieusement
que je n'ai pas eu à faire appel à ma patience pour vous écouter tant j'ai
apprécié votre intervention. Elle était très fouillée et vous nous l'avez
présentée avec une réelle pédagogie. J'y ai appris des choses, et je ne dois
pas être le seul.
Quant à l'excellente intervention de notre collègue M. Jean-Louis Carrère,
elle suffirait à elle seule à exprimer ce que nous ressentons dans ce débat.
Pour ce qui me concerne, des raisons indépendantes de ma volonté ne m'ont pas
permis de faire figurer mon nom parmi les signataires de la proposition de loi
qui fait l'objet du débat qui nous réunit ce soir, mais j'y adhère sans
réserve. En effet, les deux décisions de justice rendues récemment ont jeté un
émoi très grand dans le monde de la chasse et il était urgent qu'un texte
législatif, fût-il de transition, ainsi que cela a été dit, soit voté afin que
la prochaine saison de chasse se déroule dans un climat plus serein.
On assiste actuellement à un très fort mouvement de protestation, de
mécontentement, qui est encore larvé mais qui, semaine après semaine, ne
manquera pas de s'amplifier et qui pourra se traduire à terme par des
affrontements regrettables. Je le dis avec beaucoup de calme, mais je crois que
nous sommes là pour échanger, pour débattre, et je suis habitué à ne pas
m'occuper de l'heure...
En réalité, on vient, aux yeux du monde de la chasse, de toucher brutalement à
ce qu'il est souvent convenu d'appeler une « tradition » - le terme a été très
utilisé ce soir - mais qui est avant tout, il ne faut jamais l'oublier, un
acquis de la Révolution française, un acquis populaire. Ainsi, dans de nombreux
départements - quarante-deux sont cités dans la proposition de loi - et
particulièrement dans celui que j'ai l'honneur de représenter, cette tradition
s'est développée au point de faire partie réellement de notre culture.
Notre société a, certes, évolué. Des sensibilités différentes, dans un monde
plus urbain, ont vu le jour, et c'est normal. Mais ces nouveaux comportements -
et cet aspect est important - ne sauraient en aucun cas se substituer sans
conséquence grave à ce que j'appelle un héritage culturel.
Voilà pourquoi l'élaboration et le vote d'une grande loi d'orientation pour la
chasse dans notre pays sont devenus prioritaires.
(M. Carrère
applaudit.)
Notre rôle, notre devoir, consiste non pas à engendrer ou à susciter des
oppositions entre les hommes, mais, au contraire, à trouver, dans le cadre
d'une discussion ouverte et honnête, un consensus qui est devenu aujourd'hui
urgent autant qu'indispensable.
La chasse au gibier d'eau est, aujourd'hui, pratiquée deux heures avant le
lever du soleil et deux heures après son coucher. Laissons les choses en l'état
pour l'heure ! Et faisons de même pour la chasse de nuit, qu'elle se déroule à
la tonne, à la hutte, au hutteau ou au gabion, là où elle s'exerce
actuellement.
Madame la ministre, les prélèvements dus à ces pratiques sont aujourd'hui, en
réalité, faibles. Il est d'ailleurs proposé d'instituer un carnet des
prélèvements, ce qui permettra à chacun de nous de mesurer l'exactitude de
cette affirmation, et je crois que c'est également important.
Vous avez évoqué par ailleurs le département que je représente, où nous nous
sommes d'ailleurs rencontrés récemment. Sachez que, en Charente-Maritime, nous
avons effectivement une ligue de protection des oiseaux, nous avons créé des
réserves pour les oiseaux dans nos marais, nous avons construit un observatoire
pour les enfants et pour les adultes, afin qu'il y ait matière à formation, à
éducation. Je crois que ces initiatives sont bonnes, et j'interviens ici non
pas en tant que chasseur - ma passion n'est pas si forte que cela - mais parce
que, face aux conflits larvés existants, il nous appartient de rechercher
ensemble le moyen d'éviter que des problèmes plus graves ne se posent dans nos
départements.
S'agissant des ACCA, visées par l'arrêt rendu le 29 avril dernier par la Cour
européenne des droits de l'homme, si la loi Verdeille est critiquable, elle
doit être aménagée. Il faut éviter, comme l'a précisé Mme Heinis dans son très
bon rapport, de provoquer l'éclatement des associations. En Charente-Maritime,
80 % du territoire sont ainsi couverts par les ACCA, qui jouent un rôle très
positif en matière de conservation de la faune et de gestion de l'espace.
Dans ces conditions, nous devons rechercher, dans un dialogue constructif, les
équilibres indispensables à l'élaboration de la loi d'orientation dont vous
avez parlé, madame la ministre. Je souhaite qu'elle vienne rapidement en
discussion au Sénat et à l'Assemblée nationale !
Pour l'heure, les raisons que je viens de donner me conduisent à voter le
texte qui est aujourd'hui soumis au Sénat.
(Applaudissements.)
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
On
pourrait, mesdames, messieurs les sénateurs, trouver votre unanimité émouvante.
Quant à moi, je la trouve étonnante : elle permet de rompre avec cent cinquante
ans de sagesse, de réécrire l'histoire au mépris des faits et de l'histoire
elle-même.
Je considère, pour ma part - et je m'en suis tenue aux faits, dans leur
nudité, dans leur crudité - que, si acquis de la Révolution française il y a en
matière de chasse, il faut les chercher du côté du respect du droit de
propriété et de l'interdiction de la chasse de nuit.
Etonnante, cette unanimité qui habille de l'aura de la tradition des us et
coutumes qui, loin d'être pérennes, sont parfois plus récents que la Fête de la
musique. Au demeurant, personne ici ne s'interroge sur la question de savoir si
la tradition mérite d'être constamment protégée. Je crois ainsi me souvenir que
nous avions longuement débattu de ce point lors de l'examen d'une autre
proposition de loi : nous nous étions interrogés alors sur l'intérêt qu'il y
avait à clouer des chouettes sur les portes des granges ou, comme c'était la
tradition dans certains endroits, de marier des jeunes filles à peine nubiles
ou de faire travailler des enfants. Mais nous n'allons pas reprendre cette
discussion !
Etonnante, également cette unanimité qui me permet, finalement, de constater,
puisque vous reconnaissez tous pratiquement qu'il ne s'agit pas de régler de
façon durable et cohérente les problèmes de la chasse, que vous cherchez avant
tout à répondre dans l'urgence et l'émotion à l'inquiétude suscitée par les
résultats des dernières élections européennes.
M. Pierre Lefebvre.
Mais non !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je le
constate, et vous le reconnaissez vous-même, il y aurait des problèmes dans le
monde rural. J'en conviens, mais je ne suis pas certaine que le fait de traiter
au coup par coup, point par point, un certain nombre de ces problèmes permette
de sortir durablement d'une situation aussi dégradée que celle que vous avez
décrite.
En revanche, je constate qu'il reste difficile d'échapper aux caricatures,
comme vous l'avez d'ailleurs souligné. Je crois avoir été d'une totale
correction : je m'en suis tenue aux faits et j'ai cherché à remonter à des
événements antérieurs pour illustrer les situations qui nous ont menés où nous
en sommes.
Or, les références à un sectarisme peint en vert dans la bouche de M. du
Luart, les références aux tracasseries subies par les chasseurs, aux
oppositions, aux sectarismes, etc. n'ont pas été rares.
Je vous mets au défi, madame, messieurs les sénateurs, de trouver une
intervention de ma part entre le vote de la loi de 1998 sur les dates
d'ouverture et de fermeture de la chasse aux migrateurs et l'article que j'ai
donné au journal
Sud-Ouest
, il y a à peu près un mois, pour essayer de
corriger de façon factuelle un certain nombre de désinformations colportées
dans les milieux de la chasse. A aucun moment, je ne me suis exprimée sur cette
question, considérant que le débat avait été tranché par les parlementaires
votant une loi, et je tiens à votre disposition un florilège de rumeurs, de
ragots, de caricatures qui ne sont, à mon avis, colportés que dans l'intérêt de
ceux qui les colportent et pas dans le mien, non plus que dans celui de la
chasse française.
Les traces de ces rumeurs et de ces ragots ont été perceptibles dans certaines
interventions puisque, apparemment, certains ont pris pour argent comptant un
certain nombre de formules provocatrices qui n'ont jamais été prononcées par un
membre de mon ministère ou par moi-même.
Cela me permet d'ailleurs de dire à M. Bizet, qui pense connaître mes prises
de position depuis des années sur cette question, qu'il est bien audacieux,
qu'il extrapole, qu'il interprète. En effet, je suis loin, depuis mon accession
aux responsabilités du ministère de l'aménagement du territoire et de
l'aménagement, d'avoir tenu des propos anti-chasse.
Je me suis fixé comme objectif, depuis le mois de juin 1997, la restauration
d'un dialogue de qualité entre chasseurs et non-chasseurs, et je constate, une
fois de plus, que la question qui vous préoccupe en priorité est non pas le
règlement durable des problèmes de la chasse mais la mise en examen de la
ministre chargée de cette poltique. Je ne me prêterai pas à ce jeu. Je crois
que le moment est venu de revenir aux faits, et aux faits uniquement.
Puisque certains d'entre vous, notamment M. Lefebvre, ont évoqué les
débordements dont mes amis auraient fait les frais, je dirai que, s'il ne
s'agissait que de chamailleries de campagne électorale, que d'insultes sexistes
bombées sur les routes - j'en ai vu encore un exemplaire cet après-midi, qui a
été photographié sur une route de la Somme et qui ne fait pas tellement honneur
à celui qui l'a commise - ce ne serait pas grave. Mais il se trouve que des
gardes de l'ONC ont été et sont encore victimes de ces pratiques.
Je ne pense pas que vous cautionniez le bombage des voitures des gardes de
l'ONC dans la Somme avec le slogan « Chasse, pêche, nature et tradition ».
C'est pourtant cela la réalité dans le monde de la chasse aujourd'hui ! Les
violences sont assez singulièrement unilatérales - il faut bien le reconnaître
- et je ne pense pas que cela soit correct.
Je ne souhaite pas faire la politique de la chaise vide. Je souhaite redire
ici que la concertation, la pacification du monde de la chasse et la résolution
des conflits entre chasseurs et protecteurs de l'environnement supposent des
compromis de part et d'autre et que la menace, le ragot, l'intimidation n'ont
pas leur place dans un débat démocratique.
S'agissant des plans de gestion, monsieur Carrère, vous le savez fort bien,
car, en dépit de l'urgence, vous avez tout de même dû lire la loi du 3 juillet
1998, ils se limitent, tels que définis par cette loi, à vérifier
l'échelonnement des dates de fermeture pour les espèces en mauvais état de
conservation.
Si des plans de gestion n'ont pas été élaborés, c'est parce que la tâche est
extraordinairement lourde. Un travail important a été réalisé par mon ministère
au cours de l'été dernier pour voir comment on pourrait élaborer des plans de
gestion pour ces espèces en mauvais état de conservation. C'est un travail tout
à fait considérable, je le répète, car il faut, d'abord, prendre en compte
l'état de conservation de l'espèce et, ensuite, l'application des décisions à
prendre en fonction des dates de passage et des milieux dans lesquels ces
espèces se reposent ou séjournent.
M. Roland du Luart.
Associez les parlementaires à la gestion, ils vous aideront à trouver des
solutions !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Les
chasseurs et les protecteurs sont convenus de faire confiance à une équipe
pluraliste de scientifiques qui doit remettre un rapport permettant d'éclairer
nos décisions en la matière.
Mais, encore une fois, nous sommes très loin de pouvoir élaborer des plans de
gestion, espèce par espèce, comme nous le demande la Commission européenne.
D'ailleurs, l'une des difficultés que j'identifie, pour ma part, tient à
l'incapacité des chasseurs, et même des meilleurs d'entre eux, à identifier de
façon certaine les espèces en mauvais état de conservation et à tirer sans
déranger les autres, celles qui ne seraient pas chassables, au moment où on
légaliserait une chasse qui ne serait plus une chasse à l'aube ou au
crépuscule, mais une chasse de nuit.
Je ne suis pas très compétente en la matière, moins en tout cas que les moines
dont la vie est rythmée par ces alternances du temps. Je pense toutefois qu'il
y a des problèmes, et je le redis encore une fois : la reconnaissance d'une
chasse à l'aube ou au crépuscule, pourquoi pas ! La nuit, pas question !
Quant à l'ortolan, c'est bien parce que l'espèce est en mauvais état de
conservation qu'il n'a pas été possible de demander une dérogation. En effet,
cette demande doit établir que les prélèvements n'attentent pas au maintien de
l'espèce.
Je rappelle que l'ortolan est en déclin dans la majorité des pays européens,
qu'il est protégé dans l'ensemble de ces derniers et qu'une dérogation ne
pourra être demandée que lorsqu'aura été démontré son bon état de conservation,
ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Cela ne peut d'ailleurs pas être imputé aux seuls chasseurs. On a redit assez
clairement qu'une partie des difficultés étaient aussi liées à la dégradation
des milieux et des conditions de vie d'un certain nombre de ces espèces.
Je n'ai pas l'intention d'occuper trop de votre temps, madame, messieurs,
puisque j'ai cru comprendre que, si certains avaient apprécié l'érudition de
mon discours, d'autres considéraient que cette érudition et cet humour devaient
être réservés à des heures diurnes. J'arrête donc là mon intervention, monsieur
le président.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - I. - Après le premier alinéa de l'article L. 224-4 du code
rural, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, la chasse du gibier d'eau peut être pratiquée deux heures avant
le lever du soleil et deux heures après son coucher, heure légale. Elle
s'exerce également de nuit à partir de postes fixes tels que huttes, tonnes,
gabions, hutteaux, dans les départements où elle est traditionnelle et qui sont
: l'Aisne, l'Ardèche, les Ardennes, l'Ariège, l'Aube, l'Aude, les
Bouches-du-Rhône, le Calvados, la Charente-Maritime, les Côtes-d'Armor, la
Drôme, l'Eure, l'Eure-et-Loir, le Finistère, la Haute-Garonne, la Gironde,
l'Hérault, l'Ille-et-Vilaine, l'Indre-et-Loire, les Landes, la
Loire-Atlantique, le Lot-et-Garonne, le Maine-et-Loire, la Manche, la Marne, la
Meuse, le Nord, l'Oise, le Pas-de-Calais, les Pyrénées-Atlantiques, les
Hautes-Pyrénées, les Pyrénées-Orientales, le Rhône, la Haute-Saône, la
Saône-et-Loire, la Seine-Maritime, la Seine-et-Marne, la Somme, le Vaucluse, la
Vendée, l'Yonne.
« A compter du 1er juillet 2000, tout propriétaire d'une installation visée à
l'alinéa précédent doit en faire la déclaration en mairie contre délivrance
d'un récépissé. A compter de la même date, un carnet de prélèvement annuel est
obligatoire pour chaque installation.
« II. - Le 2° de l'article L. 228-5 du code rural est ainsi rédigé :
« 2° Ceux qui auront chassé, pendant la nuit ou à la passée, sauf dans les
lieux et selon les modalités prévus aux deuxième et troisième alinéas de
l'article L. 224-4. »
Sur l'article, la parole est à M. Pintat.
M. Xavier Pintat.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'article 1er
de la proposition de loi que nous examinons ce soir porte sur une des pratiques
cynégétiques les plus ancrées dans les traditions de nos régions.
Nous avons pu constater, le 13 juin dernier, combien la chasse faisait partie
intégrante de notre patrimoine culturel !
Dernièrement, le Conseil d'Etat a privé de base légale la chasse du gibier
d'eau, alors qu'il s'agissait d'une pratique parfaitement connue des pouvoirs
publics et du législateur, autorisée et encadrée, mais, hélas ! sous une forme
inadaptée.
Cela est démontré dans le rapport de notre collègue Anne Heinis, qui, une
nouvelle fois, a étudié ce dossier avec beaucoup de compétence, ce qui lui vaut
d'ailleurs la reconnaissance et l'estime de nombreux chasseurs.
L'article 1er vient combler le vide juridique concernant la chasse au gibier
d'eau, qui est d'ailleurs loin d'être une exception française, car pratiquée
dans plusieurs pays européens, comme il est indiqué dans le rapport.
Il est important de rappeler dans quel contexte cette proposition de loi
intervient.
La ruralité française, qui fournit l'essentiel des chasseurs, représente
environ 5 % de notre population totale. En revanche, c'est la coresponsabilité
de la gestion de 80 % du territoire que ces populations se voient confier,
elles qui assurent par ailleurs l'essentiel de l'alimentation des Français.
En clair, la ruralité est en charge officiellement de responsabilités énormes,
mal définies, fluctuantes, dont elle doit s'acquitter dans un climat de
suspicion, quand ce n'est pas d'hostilité.
Il faut que la ruralité ait le plein exercice de la responsabilité de ses
pratiques ancestrales. La chasse joue un rôle majeur dans la gestion des
espèces et des espaces.
A cet égard, nul ne conteste que les pratiques cynégétiques en cause sont les
principaux facteurs de survie, et même d'agrandissement des zones humides,
facteur déterminant de l'équilibre de nos écosystèmes.
Déclarer en mairie les installations fixes et tenir un carnet de prélèvements
participera incontestablement de la volonté des chasseurs d'être reconnus et
responsabilisés en matière de gestion des espèces.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je suis convaincu, comme vous l'êtes, que
donner un cadre législatif définitif aux chasses du gibier d'eau relève
davantage de la défense de la dignité de notre ruralité que de la simple
régularisation d'une pratique cynégétique.
D'ailleurs, le Conseil d'Etat a statué en sa qualité d'expert du droit, mais
il n'a en aucune façon fait le procès de la chasse.
Modifier le code rural est, par conséquent, aujourd'hui, une initiative aussi
opportune que responsable. Cela contribuera à apaiser la chasse française, la
plus nombreuse et l'une des mieux organisées d'Europe.
Cette modification contribuera aussi à préparer la loi d'orientation sur la
chasse, que nous attendons tous.
Il revient au Sénat, représentant des communes et donc des espaces français,
d'adresser à la ruralité et, par la même occasion à l'Europe, un message enfin
clair et lisible par tous, fondé non plus sur la suspicion envers nos
compatriotes mais sur la considération qui leur est due.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Anne Heinis,
rapporteur.
Permettez-moi, madame le ministre, de vous dire que j'admire
tout particulièrement que, sur nos deux modestes articles de loi, vous ayez pu
développer un discours aussi encyclopédique !
En revanche, je suis tout à fait navrée de voir que vous vous êtes posée en
victime. Cela me désole, soyez-en sûre.
Afin de ne pas abuser de votre temps si précieux, je tiens simplement, avant
de m'exprimer sur l'article 1e{r, à remercier les différents orateurs qui
sont intervenus et dont je partage les préoccupations au fond.
Comme je l'ai rappelé, tout à l'heure, la décision du Conseil d'Etat du 27
avril dernier ne condamne pas intrinsèquement la chasse de nuit. Mais, en
s'appuyant strictement sur l'interdiction générale posée à l'article L. 224-4
du code rural et rappelant, compte tenu du principe de hiérarchie des normes,
qu'une circulaire administrative ne peut instaurer de restrictions à
l'application d'un principe défini au niveau législatif, elle annule pour excès
de pouvoir l'instruction de l'Office national de la chasse. C'est donc une
question de forme et non de fond.
En revanche, rien n'interdit au législateur d'assortir un principe d'un
certain nombre d'exceptions ou de dérogations.
L'article 1er de la proposition de loi vient compléter l'article L. 224-4 du
code rural, en autorisant expressément, s'agissant du gibier d'eau, la chasse à
la passée deux heures après le coucher du soleil et deux heures avant son
lever, ainsi que la chasse de nuit à la hutte, au hutteau, à la tonne ou au
gabion dans les quarante-deux départements où ce mode de chasse se pratique
traditionnellement.
Il faut d'ailleurs préciser que la chasse à la passée est autorisée à la botte
comme à partir d'installations fixes, alors que la chasse de nuit n'est
autorisée qu'à partir de postes fixes.
La liste des départements cités dans l'article reprend très exactement le
contenu de celle qui est annexée à la circulaire de l'Office national de la
chasse publiée en 1996 ; compte tenu de l'urgence et de la nécessité d'apporter
une réponse appropriée pour la prochaine saison de chasse, nous n'avons pas
voulu la modifier.
Il n'est pas impossible que, dans le cadre d'une réflexion plus générale sur
les différents modes et périodes de chasse, il faille examiner très
attentivement cette liste et proposer si le besoin s'en faisait sentir,
d'éventuelles modifications pour tenir compte de l'évolution des pratiques.
De plus, il convient, de modifier l'article L. 228-5 du code rural qui prévoit
les sanctions pénales en cas de chasse de nuit, afin de tenir compte de la
passée et de la chasse de nuit du gibier d'eau à partir de postes fixes.
Enfin, je voudrais souligner le très grand intérêt du deuxième alinéa du
paragraphe I de cet article, car il va permettre de s'assurer du bon usage de
ce mode de chasse.
En effet, cet alinéa instaure deux obligations.
Tout d'abord, il impose la déclaration en mairie par le propriétaire, contre
délivrance d'un récépissé, de toutes les installations à partir desquelles la
chasse de nuit est autorisée.
De plus, il prescrit la tenue d'un carnet de prélèvement où seront inscrits
les tableaux réalisés pendant les actions de chasse pratiquées de nuit à partir
de ces installations. Cela permettra de mesurer effectivement l'impact de ce
mode de chasse sur le capital cynégétique recensé sur les territoires
concernés.
Ces deux mesures prendront effet à partir du mois de juillet 2000. Elles
s'inscrivent parfaitement dans la continuité des plans de gestion que la
commission des affaires économiques a prévus dans la loi n° 98-549 du 3 juillet
1998 pour les espèces de gibier de passage ne bénéficiant pas d'un statut de
conservation favorable et chassées entre le 31 janvier et le 28 février. On
peut d'ailleurs déplorer que l'arrêté permettant de mettre en oeuvre ces plans
de gestion ne soit toujours pas publié.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite, mes chers collègues, à
adopter cet article 1er.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article.
M. Jean-Louis Carrère.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Madame la ministre, je voudrais redire, avec concision et plus de pédagogie
peut-être, sur quoi se fonde la nécessité d'émettre un vote positif sur cet
article.
Votre philosophie sur ce sujet, la quasi-totalité, voire la totalité d'entre
nous, l'acceptons : il faut une loi sur la chasse et il convient d'oeuvrer au
rapprochement des points de vue. Et, dès aujourd'hui, pour régler les problèmes
qui se poseront dans les jours qui viennent, il est nécessaire de voter cet
article.
En revanche, je n'accepte pas de vous entendre dire que ce texte a été élaboré
dans l'urgence. Non ! Ce n'est pas vrai ! Une commission l'étudie depuis des
semaines et des sénateurs de tous les groupes ont participé à son élaboration.
Même si je peux comprendre que vous ayez employé ces mots par dépit, il n'est
pas juste de dire que ce texte a été fait dans l'urgence, lui ôtant tout
caractère de travail et de sérieux.
Par ailleurs, je tiens à faire part de l'adhésion très forte à ce texte de M.
Philippe Madrelle, président du conseil général de la Gironde, et de M. Bernard
Dussaut, qui joindront leurs suffrages aux nôtres. Ils considèrent, comme M.
Xavier Pintat, que ces pratiques sont très importantes dans ce département,
dans cette région.
M. Roland du Luart.
Très bien !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
Carrère, je tiens beaucoup à renouer le contact, mais je peux vous dire que la
méthode choisie n'est pas la bonne. OEuvrer et rapprocher les points de vue,
cela suppose qu'on ne fasse pas de manière hâtive, inconsidérée, précipitée,
des gestes qui rompent avec une tradition historique, qui vont au-delà des
pratiques constantes dans ce pays et qui vont forcément braquer une partie des
personnes dont vous espérez la participation pour un processus de concertation
loyale. Je vous invite à réfléchir.
Trente minutes au lever du soleil, trente minutes au coucher du soleil, une
heure même, cela pouvait être interprété comme n'étant ni tout à fait le jour,
ni tout à fait la nuit et on pouvait en discuter. Mais deux heures, c'est de la
provocation pure et simple, et vous savez fort bien que cela va rendre très
difficile la reprise du dialogue avec certaines des catégories de citoyens dont
vous souhaitez la mobilisation.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - I. - L'article L. 222-10 du code rural est complété par l'alinéa
suivant :
« 5° Déclarés en mairie, pour la période allant du 1er juillet 1999 au 30 juin
2001, par leur propriétaire opposé à la chasse comme étant interdits de toute
action de chasse, sans préjudice des conséquences liées à la responsabilité du
propriétaire, notamment pour les dégâts qui pourraient être causés par le
gibier provenant de son fonds. Dans ce cas, et sauf convention avec
l'association communale ou intercommunale de chasse agréée, le propriétaire est
tenu de procéder à la délimitation de son terain par des pancartes. »
« II. - Le début du dernier paragraphe de l'article L. 222-19 du code rural
est ainsi rédigé :
« Sauf s'il a manifesté son opposition à la chasse dans les conditions fixées
par le 5° de l'article L. 222-10, le propriétaire non chasseur...
(Le reste
sans changement.) »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Anne Heinis,
rapporteur.
Comme je l'ai exposé lors de mon intervention, les
conclusions de la Cour européenne des droits de l'homme fragilisent
incontestablement le fonctionnement de toutes les ACCA, et ce dès la prochaine
saison de chasse.
Il importe donc de prendre en compte les aspirations légitimes des
non-chasseurs, tout en évitant une remise en cause généralisée du principe de
l'apport de terrains, qui aboutirait inévitablement au morcellement des
territoires de chasse, ce qui serait très préjudiciable à la bonne conservation
du patrimoine cynégétique et à la protection de la faune en général.
En conséquence, l'article 2 de la proposition de loi crée un droit
d'opposition pour les propriétaires opposés à la chasse en l'inscrivant dans
l'article L. 222-10 du code rural.
Ce dispositif couvre une période allant du 1er juillet 1999 au 30 juin 2001,
ce qui laisse deux ans pour élaborer un texte définitif.
Le droit d'opposition est reconnu à tout propriétaire opposé à la chasse et
doit faire l'objet d'une déclaration en mairie sans qu'aucune exigence
particulière soit requise quant à la superficie des terrains. L'intervention du
maire me paraît constituer, je le souligne, un facteur d'équilibre important
dans le déroulement de la procédure.
Les terrains qui font l'objet de ce droit d'opposition sont interdits de toute
action de chasse, ce qui vise à empêcher les petits propriétaires chasseurs de
récupérer leurs terrains pour leur propre usage cynégétique.
Cette atteinte au droit d'usage des petits propriétaires chasseurs se justifie
au nom de l'intérêt général défendu par la loi, à savoir la constitution de
territoires de chasse suffisamment vastes pour gérer correctement le capital
cynégétique. Elle répond également à l'exigence d'un juste équilibre entre la
défense de l'intérêt général et l'atteinte à un droit reconnu, défendue par la
Cour européenne des droits de l'homme.
On peut rappeler que les mesures de gestion et de développement des espèces ne
seront efficaces que sur des territoires d'une superficie suffisante, d'où la
nécessité d'imposer le regroupement des petites parcelles. En contrepartie, ces
petits propriétaires regroupés ont la jouissance d'un vaste territoire de
chasse sur lequel la conservation du gibier est menée à bien. Enfin, on peut
relever que les propriétaires de grands territoires appliquent également des
mesures de conservation du gibier, notamment à travers le respect des plans de
gestion. Ce qui diffère, ce sont les moyens, en fonction de la surface.
L'article 2 de la proposition de loi modifiée précise également que le
propriétaire opposant à la chasse reste personnellement responsable des dégâts
de gibier, ce qui pourra autoriser l'organisation de battues administratives,
s'il s'avère que le gibier répertorié dans les territoires ayant fait l'objet
d'une opposition commet des dégâts importants sur les fonds voisins. Cela
posera d'ailleurs le problème de la preuve.
Par ailleurs, le texte prévoit que la signalisation du terrain soit effectuée
par le propriétaire opposé à la chasse, à moins que, par convention,
l'association communale ou intercommunale de chasse ne s'engage à le faire pour
lui. Cette disposition doit faciliter l'usage de ce droit en amenant chasseurs
et non-chasseurs à se mettre d'accord sur la signalisation de ces terrains,
pour qu'elle soit la meilleure possible.
Enfin, s'agissant de la composition de l'association communale ou
intercommunale de chasse agréée, il est précisé à l'article L. 222-19 du code
rural que les propriétaires opposés à la chasse ne sont pas membres de droit de
l'association, ce qui était le cas auparavant.
Cette précision était nécessaire afin de tenir compte des conclusions de
l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a bien sûr jugé que la
qualité de membre de droit reconnue au propriétaire non chasseur était
contraire au principe de liberté d'association, s'agissant des propriétaires
dont les convictions étaient opposées à la chasse.
Telle est, mes chers collègues, l'économie de l'article 2 de notre proposition
de loi, que je vous demande bien entendu d'adopter.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article 2.
M. Jean-Louis Carrère.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
J'indique simplement que le groupe socialiste votera l'article 2.
Sans avoir l'outrecuidance de changer de sujet, je dirai à Mme la ministre
que, si je respecte sa réponse sur l'ortolan, je ne l'admets pas en tant que
chasseur et en tant que Landais. La préservation de l'espèce peut à mon avis
permettre des prélèvements modérés, mais nous en reparlerons.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires
économiques et du Plan.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une du groupe des
Républicains et Indépendants, l'autre du groupe communiste républicain et
citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
103:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 317 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
Madame le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de remercier, au nom du Sénat, le personnel qui a veillé jusqu'à une heure matinale, une heure avant le lever du soleil, c'est-à-dire dans la limite du consensuel, si j'ai bien compris ! (Sourires.)
14
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Serge Lagauche, Mme Dinah Derycke et les membres du groupe
socialiste et apparentés une proposition de loi relative à la protection des
trésors nationaux et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative
aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la
complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 444, distribuée et renvoyée à
la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
15
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant
diverses mesures relatives à l'organisation d'activités physiques et
sportives.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 443, distribuée et renvoyée à
la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
16
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu de Mme Odette Terrade, M. Gérard Le Cam, Mme Marie-Claude Beaudeau,
M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Robert Bret,
Michel Duffour, Guy Fischer, Thierry Foucaud, Pierre Lefebvre, Paul Loridant,
Mme Hélène Luc, MM. Jack Ralite et Ivan Renar une proposition de résolution
tendant à créer une commission d'enquête sur la sécurité sanitaire et
alimentaire des produits destinés à la consommation animale et humaine en
France et dans l'Union européenne.
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 447, distribuée et
renvoyée à la commission des affaires sociales et pour avis à la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale, en application de l'article 11, alinéa 1, du
règlement.
17
RETRAIT D'UNE PROPOSITION
DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu une lettre par laquelle M. René Garrec déclare retirer la
proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur la
Bibliothèque nationale de France (n° 372, 1998-1999) qu'il avait déposée avec
plusieurs de ses collègues au cours de la séance du 20 mai 1999.
Acte est donné de ce retrait.
18
TEXTE SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire pour 1999 - Section IV -
Cour de justice.
Ce texte sera imprimé sous le n° 1267 (annexe 2) et distribué.
J'ai reçu de M. le premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CE) n°
47/1999 du Conseil du 22 décembre 1998 relatif au régime d'importation pour
certains produits textiles originaires de Taïwan.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1268 et distribué.19
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au
nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au renforcement et
à la simplification de la coopération intercommunale.
Le rapport sera imprimé sous le n° 445 et distribué.
20
DÉPÔTS RATTACHÉS POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL DE LA
SÉANCE DU 17 JUIN 1999
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu le 18 juin 1999 de M. le Premier ministre un
projet de loi adopté par l'Assemblée nationale portant règlement définitif du
budget de 1997.
Ce projet de loi sera imprimé sous le n° 441, distribué et renvoyé à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale
dans les conditions prévues par le règlement.
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu le 18 juin 1999 de M. Philippe Marini un
rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation sur le projet de loi adopté par
l'Assemblée nationale portant règlement définitif du budget de 1997.
Ce rapport a été imprimé sous le n° 442 et distribué.
21
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, mercredi 23 juin 1999, à quinze heures et, éventuellement,
le soir :
1.
Examen des demandes d'autorisation de missions d'information
suivantes :
1° Demande présentée par la commission des affaires culturelles tendant à
obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information au Liban,
en Syrie et en Jordanie sur les relations culturelles et techniques entre la
France et ces trois pays ;
2° Demande présentée par la commission des affaires économiques tendant à
obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information au Brésil
et en Argentine afin d'y étudier la situation économique et la présence
française dans ces deux pays ;
3° Demande présentée par la commission des affaires sociales tendant à obtenir
du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information en Guyane afin
d'y étudier la situation sanitaire et sociale et une mission d'information en
Espagne afin d'examiner l'organisation des systèmes de soins et l'évolution des
dépenses de santé dans ce pays ;
4° Demande présentée par la commission des lois tendant à obtenir du Sénat
l'autorisation de désigner une mission d'information en Martinique, en
Guadeloupe et en Guyane pour préparer l'examen du futur projet de loi
d'orientation sur les départements d'outre-mer.
2.
Discussion du projet de loi (n° 260, 1998-1999) relatif à l'élection
des sénateurs.
Rapport (n° 427, 1998-1999) de M. Paul Girod, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
Délai limite pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, portant création d'une couverture maladie universelle (n° 440,
1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 28 juin 1999, à dix-sept
heures.
Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, sur l'innovation et la
recherche (n° 404, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 28 juin 1999, à dix-sept
heures.
Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au
statut de la magistrature (n° 417, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 29 juin 1999, à onze
heures.
Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale
en nouvelle lecture, relative au pacte civil de solidarité (n° 429,
1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 29 juin 1999, à onze
heures.
Projet de loi organique, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale
en deuxième lecture, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et
des fonctions et à leurs conditions d'exercice (n° 255, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 29 juin 1999, à onze
heures.
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des
fonctions et à leurs conditions d'exercice (n° 256, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 29 juin 1999, à onze
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 23 juin 1999, à quatre heures
quarante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 22 juin 1999
à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 23 juin 1999, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
Projet de loi relatif à l'élection des sénateurs (n° 260, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 22 juin 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 22 juin
1999.)
Jeudi 24 juin 1999 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs.
A
15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
4° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif
au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (n°
445, 1998-1999).
Vendredi 25 juin 1999,
à
9 h 30,
à
15 heures
et,
éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, renforçant la
protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (n° 291,
1998-1999).
Mardi 29 juin 1999 :
A
9 h 30 :
1° Dix-neuf questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera
fixé ultérieurement) :
- n° 461 de M. Jean-Marc Pastor à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et
moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat (Règles relatives à la
fermeture hebdomadaire des commerces et à la vente du pain) ;
- n° 495 de M. Franck Sérusclat à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Retrait du permis de conduire aux cyclistes ayant
commis des infractions au code de la route) ;
- n° 528 de M. Dominique Leclerc à M. le ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie (Réactualisation de la liste des produits inscrits au tarif
interministériel des prestations sociales) ;
- n° 544 de M. Michel Doublet à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (Fonctionnement de la régie des eaux de la Charente-Maritime) ;
- n° 548 de M. Jean-Pierre Fourcade à M. le secrétaire d'Etat au budget
(Application de l'article 47 de la loi de finances rectificative pour 1998)
;
- n° 549 de M. Jean Bizet à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et
de l'environnement (Fiscalité de l'énergie) ;
- n° 550 de M. Jean-Patrick Courtois à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Aménagement de la route Centre Europe-Atlantique)
;
- n° 551 de M. Nicolas About à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des
anciens combattants (Projet de fermeture de la maison de retraite de
Ville-Lebrun) ;
- n° 552 de M. Marcel-Pierre Cléach à Mme le garde des sceaux, ministre de la
justice (Construction de la maison d'arrêt du Mans) ;
- n° 553 de Mme Dinah Derycke à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (Formation pratique au secourisme et permis de conduire) ;
- n° 554 de M. Thierry Foucaud à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à
l'action sociale (Traitement des patients dialysés en Haute-Normandie) ;
- n° 555 de M. Alain Vasselle à Mme le ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement (Gestion des déchets) ;
- n° 556 de M. Gérard César à Mme le ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement (Epandage des boues) ;
- n° 557 de M. Ivan Renar à Mme le ministre de la culture et de la
communication (Situation des personnels du ministère de la culture) ;
- n° 558 de M. Michel Souplet transmise à M. le secrétaire d'Etat à
l'industrie (Parution des décrets d'application de la loi sur l'air et
biocarburants) ;
- n° 559 de M. Léon Fatous à M. le secrétaire d'Etat au logement (Lutte contre
l'insalubrité des logements) ;
- n° 560 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Création d'une voie de contournement par l'ouest de
l'agglomération bordelaise) ;
- n° 562 de M. James Bordas transmise à M. le ministre des affaires étrangères
(Suspension des procédures d'adoption d'enfants avec le Vietnam) ;
- n° 564 de Mme Hélène Luc transmise à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie
(Implantation d'une usine Renault à Choisy-le-Roi).
A
16 h 15
et, éventuellement, le soir :
2° Discours de fin de session du président du Sénat.
Ordre du jour prioritaire
3° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant création d'une couverture
maladie universelle (n° 440, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 28 juin 1999, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
4° Deuxième lecture du projet de loi modifié par l'Assemblée nationale, sur
l'innovation et la recherche (n° 404, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 28 juin 1999, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
Mercredi 30 juin 1999,
à
9 h 30,
à
15 heures
et,
éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
1° Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative
au statut de la magistrature (n° 417, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 29 juin 1999, à 11 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi
organique.)
2° Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture, relative au pacte civil de solidarité (n° 429,
1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 29 juin 1999, à 11 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)
3° Deuxième lecture du projet de loi organique, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la limitation du cumul des
mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice (n° 255,
1998-1999).
4° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la limitation du cumul des
mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice (n° 256,
1998-1999).
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
La conférence des présidents a, par ailleurs, fixé au mardi 29 juin 1999, à 11
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux projets de
loi.)
A N N E X E
Questions orales sans débat inscrites à l'ordre du jour
de la séance du mardi 29 juin 1999
N° 461. - M. Jean-Marc Pastor attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat
aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat sur les
conséquences des litiges relatifs au respect d'un jour de fermeture
hebdomadaire opposant les artisans boulangers traditionnels aux entreprises
commerciales ou industrielles exploitant des terminaux de cuisson. En
application d'arrêtés préfectoraux (eux-mêmes pris en vertu de l'article L.
221-17 du code du travail), les artisans boulangers sont en effet tenus de
respecter l'obligation de fermer un jour par semaine. Considérant le
non-respect de cette consigne par les exploitants de terminaux de cuisson, bon
nombre de fédérations représentatives d'artisans boulangers ont porté l'affaire
devant la justice. Il en ressort une jurisprudence abondante et contradictoire.
Pour le Tarn par exemple, l'arrêté préfectoral a été déclaré valable pour les
seuls boulangers. La loi n° 98-405 du 25 mai 1998 a empêché la confusion entre
boulangers artisanaux et terminaux de cuisson, mais les règles relatives aux
artisans boulangers ne semblent pas être appliquées aux terminaux de cuisson.
Il lui demande de bien vouloir lui faire part de son sentiment sur cette
question.
N° 495. - M. Franck Sérusclat souhaite interroger M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur la sanction infligée à certains
cyclistes ne respectant pas le code de la route : le retrait du permis de
conduire automobile. En effet, certains cyclistes n'ayant, par exemple, pas
respecté un feu de signalisation, se voient retirer leur permis de conduire
automobile, alors même que les dispositions relatives au permis à points ne
leur sont pas applicables. Une telle sanction semble disproportionnée et
injuste. Au moment du vote de la loi sur le permis à point S, le législateur
avait - et avec raison - considéré que l'on ne saurait enlever les points d'un
permis non nécessaire à la conduite d'un vélo à son titulaire, sauf à admettre
une discrimination tout à fait disproportionnée à l'encontre des titulaires du
permis de conduire et par ailleurs cyclistes, ayant commis des infractions. Or,
si des retraits de points ne sont pas admis, en revanche, des retraits de
permis sont encore pratiqués (des témoignages récents en attestent). Cette
situation est en contradiction avec la volonté du législateur. Elle est
également injuste en ce qu'elle crée une situation d'inégalité entre les
cyclistes titulaires d'un permis de conduire automobile (qui peuvent faire
l'objet d'un tel retrait) et ceux qui ne disposent pas de ce permis (et ne
peuvent pas être sanctionnés de la même façon). Elle est d'autant plus
incompréhensible que le cycliste contribue à l'amélioration du cadre de vie
dans nos cités. Il insiste auprès de lui sur le fait qu'un retrait de permis
sans retrait préalable de points constitue une sanction d'une particulière
gravité qui, dans l'essentiel des cas, ne saurait être appliquée à un cycliste,
ce dernier mettant en effet très rarement en cause la vie d'autrui par sa seule
conduite, à la différence des conducteurs de voiture commettant de graves excès
de vitesse ou téléphonant tout en conduisant. Il aimerait connaître la position
du ministre en la matière, ainsi que son éventuelle volonté de mettre fin à
cette pratique.
N° 528. - M. Dominique Leclerc attire l'attention de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur l'urgente nécessité de
réactualiser la liste des produits inscrits au TIPS. Cette actualisation
devrait se faire, à l'heure où la gratuité des soins va être offerte aux
personnes dont les ressources sont inférieures à un certain niveau, non plus à
partir des critères qui jusqu'à présent ont prévalu mais en fonction des
besoins existants et s'accompagner d'une définition précise des produits -
médicaments, dispositifs médicaux, soins, etc. - qui figurent ou seront appelés
à figurer sur ce tarif. Il lui semble indispensable que s'ajoute à cette action
une harmonisation des taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) répertoriés au
sein du TIPS, et cela quel que soit le chapitre dans lequel ils sont inscrits.
Il lui demande en conséquence de bien vouloir lui faire savoir si le
Gouvernement envisage de prendre de telles mesures.
N° 544. - M. Michel Doublet attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi
et de la solidarité sur les difficultés de l'attribution, dans le cadre du
passage aux 35 heures, des aides de l'Etat à la régie des eaux de la
Charente-Maritime (RESE). Il lui demande de bien vouloir lui apporter des
précisions sur ce dossier.
N° 548. - M. Jean-Pierre Fourcade appelle l'attention de M. le secrétaire
d'Etat au budget sur la mise en oeuvre de l'article 47 de la loi de finances
rectificative pour 1998 (n° 98-1267 du 30 décembre 1998), qui prévoit que
l'assemblée délibérante pourra imputer en section d'investissement les dépenses
d'équipement « afférentes à des biens meubles ne figurant pas sur les listes et
d'une valeur inférieure à un seuil fixé par arrêté des ministres en charge des
finances et des collectivités locales ». Le seuil actuel a été fixé à 4 000
francs et la liste existante est une annexe à une circulaire interministérielle
du 28 février 1987. Afin d'éviter les difficultés qui surgissent parfois dans
l'interprétation de cette dernière circulaire entre l'ordonnateur et le
comptable et les incertitudes juridiques qui peuvent en découler aussi bien
pour le comptable, dont la responsabilité pourra, le cas échéant, être mise en
cause par la juridiction financière pour une mauvaise imputation de la dépense,
que pour la collectivité en matière de fonds de compensation de la taxe sur la
valeur ajoutée (FCTVA), par exemple, il lui semble urgent que le seuil et
l'arrêté annoncés par la LFR 1998 soient publiés, dans le respect de l'intérêt
général. Dans cet esprit, le seuil pourrait être abaissé à 2 500 francs en
comparaison avec le seuil actuellement retenu pour les entreprises. Ce seuil
est d'ailleurs retenu pour les établissements publics nationaux. De même, il
conviendrait certainement de fixer une liste de catégories de biens et non de
biens spécifiques, par exemple « des instruments de musique » au lieu de piano,
guitare, saxophone... pour éviter des énumérations fastidieuses et forcément
rapidement obsolètes. Il lui demande de préciser à quelle date les arrêtés
prévus par l'article 47 de la LFR 1998 seront pris et s'ils tiendront compte
des observations de bon sens rappelées ci-dessus.
N° 549. - M. Jean Bizet attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement
du territoire et de l'environnement sur les projets de fiscalité sur l'énergie
et leur éventuelle application à l'énergie nucléaire. Les conclusions du
rapport élaboré par le Commissariat général au Plan, rendues publiques en
septembre 1998, indiquent que la France aura beaucoup de difficultés à tenir
ses engagements en matière de lutte contre les gaz à effet de serre pour
ramener en 2010 ces émissions de gaz carbonique au niveau enregistré en 1990.
En effet, selon les prévisions, après avoir considérablement baissé au cours
des années 1980, ces émissions devraient croître à nouveau jusqu'à leur niveau
record des années 1970, en raison de l'arrêt de cinq réacteurs EDF au cours de
l'été 1998 et d'une remise en cause de la filière nucléaire au profit de son
concurrent direct, le cycle combiné au gaz. Or, nul n'ignore les atouts de la
filière nucléaire en matière de protection de l'environnement, notamment en ce
qui concerne les émissions de CO2. Au niveau mondial, l'énergie produite à
partir du nucléaire permet d'éviter de l'ordre de 2,3 milliards de tonnes par
an d'émissions de CO2, soit environ 10 % des émissions actuelles. Pour la
France, entre 1994 et 1997, sans le parc nucléaire, les émissions
supplémentaires cumulées de CO2 auraient atteint 4,3 milliards de tonnes. A
l'inverse, la combustion du gaz ou du charbon participe aux émissions de CO2.
Dans ces conditions, il lui demande si, en vue de lutter contre l'effet de
serre, son intention est bien d'alourdir la fiscalité de toutes les formes
d'énergie y compris l'énergie nucléaire. Dans l'affirmative, il souhaiterait
voir précisé le niveau de cette fiscalité supplémentaire sur cette forme
d'énergie.
N° 550. - M. Jean-Patrick Courtois attire l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur l'aménagement de la route
Centre Europe-Atlantique (RCEA), en Saône-et-Loire. Il n'est pas nécessaire de
rappeler la nécessité de cet axe pour le développement des échanges humains,
culturels et commerciaux en Europe, permettant d'affirmer la cohérence d'une
Europe communautaire. Cette voie est un axe performant de l'aménagement du
territoire qui favorise l'accès au centre de la France et ouvre ainsi des
opportunités économiques à des régions périphériques souvent marginalisées et
désertifiées. La circulation y est en constante augmentation, et accroît ainsi
l'urgence de sa mise à 2 × 2 voies. L'augmentation des accidents de la
circulation crée, en effet, au sein de la population et des responsables
locaux, des inquiétudes bien légitimes quant à la sécurité routière. La
signalisation est souvent inadaptée et même gênante, donnant une mauvaise
visibilité, notamment aux carrefours non dénivelés, comme cela avait déjà été
signalé lors de précédentes questions écrites. Il s'agit d'un aménagement qui
dépasse largement les possibilités financières des collectivités locales, dont
la population subit à l'heure actuelle plus les effets négatifs de cette
circulation de transit que des retombées économiques, aujourd'hui incertaines.
L'aménagement de ces carrefours ne doit pas faire l'objet de financements
ponctuels mais doit s'inscrire dans le cadre d'une politique générale. Les
collectivités locales ne peuvent assurer de tels financements. Par conséquent,
il lui demande que, d'une part, soient inscrits au schéma directeur routier
national les travaux d'aménagement de la RCEA en vue d'une réalisation rapide
de ceux-ci et, d'autre part, que soit examinée la possibilité de mettre en
place un plan unilatéral de financement de cet axe par l'Etat, qui permettrait
d'accélerer la dévolution des travaux.
N° 551. - M. Nicolas About attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la
défense chargé des anciens combattants sur le projet de fermeture de la maison
de retraite de Ville-Lebrun, dans les Yvelines. Le 6 mai dernier, les membres
du conseil d'administration de l'Office national des anciens combattants (ONAC)
ont décidé, lors d'une réunion à l'Hôtel des invalides, de la fermeture
programmée de la maison de retraite de Ville-Lebrun. La sentence est tombée,
sans concertation avec les associations d'anciens combattants des Yvelines,
pourtant directement concernées par ce dossier. Il lui rappelle, pour
information, que cette maison de retraite accueille actuellement 83
pensionnaires qui ont trouvé là-bas un refuge chaleureux, après avoir consacré
une partie de leur vie à défendre notre liberté et l'honneur de la nation.
Certes, il n'ignore pas les problèmes de sécurité qui se posent, dans cette
maison, depuis plusieurs années. Mais un projet de restructuration de
l'établissement avait été élaboré par les associations en 1996, et un plan de
financement privé avait été présenté au ministre des anciens combattants de
l'époque, pour financer les travaux de mise en conformité. Après plusieurs
réunions de travail à l'Hôtel des invalides, le projet technique avait reçu
l'approbation de tous les participants. Il n'a malheureusement pas reçu de
suite. Il lui demande quel sera l'avenir de ces 83 pensionnaires, âgés de 80 à
95 ans, qui vivent actuellement leur fin de vie dans cet établissement. Ces
anciens combattants se sont battus pour défendre notre liberté. Alors qu'en
1999, nous commémorons le 80e anniversaire de la loi du 31 mars 1919 sur le «
droit à réparation » des anciens combattants, cette décision est surprenante,
voire choquante. La fermeture de cette maison de retraite relève d'une curieuse
conception du « droit à réparation ». Il lui indique que plusieurs solutions
sont encore possibles, comme la vente de 20 hectares de terrain situés à
proximité de la maison de retraite. L'argent ainsi récupéré permettrait d'aider
à la mise en conformité de l'établissement. Les associations préconisent aussi
le lancement d'une souscription pour sauver la maison de Ville-Lebrun. Au vu de
cette mobilisation des élus et des associations, il lui demande quelles mesures
il compte prendre pour qu'une décision rapide intervienne en faveur des
pensionnaires et du personnel de cette maison de retraite.
N° 552. - M. Marcel-Pierre Cléach attire l'attention de Mme le garde des
sceaux, ministre de la justice, sur le problème de la construction de la future
maison d'arrêt du Mans. En effet, la chancellerie a fait savoir que les
arbitrages budgétaires rendus ne permettent pas d'inscrire la construction de
cette maison d'arrêt dans le cadre du programme 4000, même en tranche
conditionnelle, hypothèse sur laquelle devait travailler le groupe de travail
réunissant les divers intervenants locaux et les services de l'Etat. En
revanche, M. le préfet de la Sarthe a indiqué avoir reçu pour instruction de
poursuivre la procédure permettant l'acquisition des terrains, procédure pour
laquelle des crédits sont mis à sa disposition. Il lui rappelle que le problème
de la construction d'une nouvelle maison d'arrêt est posé depuis 1951. Un
protocole, alors signé entre l'Etat et le conseil général de la Sarthe, prévoit
le retour des bâtiments de l'actuelle maison d'arrêt du Mans à la collectivité
départementale, à charge pour celle-ci de fournir un terrain viabilisé, sans
soulte de la part de l'Etat, en vue de l'implantation de la nouvelle prison. Un
dispositif de révision de cette convention prévoyant une acquisition directe
par l'Etat, après déclaration d'utilité publique, dont le coût sera compensé
par l'apport d'un fonds de concours du département, a été arrêté d'un commun
accord. De surcroît, un terrain d'accueil a été trouvé pour cette maison
d'arrêt puisque le site de Coulaines a reçu l'aval de tous les intervenants.
Ainsi, si le site du Mans était retenu dans la tranche conditionnelle, les
travaux pourraient démarrer à la fin de l'an 2000. La capacité de la prison
actuelle est de 75 places pour une occupation réelle de l'ordre de 130 détenus
! Selon le directeur régional de l'administration pénitentiaire, il est
nécessaire de construire au Mans une maison d'arrêt de 400 à 600 places, or ce
nouveau report ne laisse escompter aucun début de construction avant plusieurs
années ! C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir réintroduire le projet
manceau dans la tranche conditionnelle du programme de construction de
nouvelles maisons d'arrêt.
N° 553. - Mme Dinah Derycke souhaite attirer l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur une réforme qu'elle appelle de
ses voeux en matière de sécurité routière : la mise en place d'une formation
pratique intégrée au permis de conduire et relative aux notions élémentaires de
premiers secours dites « Les 5 gestes qui sauvent ». Cette proposition fait
l'objet d'une large adhésion tant auprès des Français (sondage de mai 98 : 67
%) que des associations de secourisme. De nombreux pays pratiquent aussi avec
succès cette méthode. Le comportement à adopter en présence d'un accident de la
route est déjà intégré dans le programme national de formation à la conduite.
Il reste toutefois théorique et insuffisant. Il convient maintenant d'y ajouter
une formation pratique de 5 heures, dont l'objet est d'apprendre 5 gestes
précis, 5 réflexes : alerter, baliser, ranimer, compresser et sauvegarder. Une
expérience
in situ
a été menée à ce sujet en 1992 en Charente-Maritime ;
elle souhaite savoir quels en ont été les enseignements. Un de ces gestes est
sujet à controverse : il s'agit de la position latérale de sécurité. D'aucuns
font valoir que, mal pratiquée, elle serait à l'origine de lésions
neurologiques graves. Ce n'est pas l'opinion d'éminents professeurs de
médecine, de responsables de Service d'assistance médicale d'urgence (SAMU) et
de Service médical d'urgence et de réanimation (SMUR) de sapeurs-pompiers. En
effet, la formation intègre toutes les précautions nécessaires afin d'éviter de
telles lésions et le principe de base enseigné reste de ne pas agir quand on ne
se sent pas apte. De plus, cette pratique est préconisée à la fois par une
circulaire de l'éducation nationale qui vise à développer cet enseignement dans
les collèges et par les programmes nationaux de secourisme. Mais, surtout,
cette technique simple a pour mérite d'empêcher un décès rapide de la victime
par obstruction de ses voies respiratoires. L'assistance à la personne en
danger ne laisse donc pas, dans ce cas, d'autre alternative. Une autre critique
adressée à cette proposition repose sur l'oubli de ces 5 gestes de survie.
Tout, au cours de la formation, est fait pour que ces gestes, délibérément
limités au nombre de 5, deviennent des automatismes. S'il est vrai qu'un
recyclage serait opportun, commençons par assurer la formation de base aux 600
000 à 700 000 candidats au permis de conduire ! Ni la formation nationale de
base en matière de secourisme (AFPS) ni les points déjà abordés de façon
théorique dans le cadre du permis de conduire ne prévoient de recyclage. Elle
souhaiterait connaître son sentiment et son analyse sur cette proposition de
réforme.
N° 554 - M. Thierry Foucaud attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la
santé et à l'action sociale sur l'insuffisance et le déficit de moyens
matériels et humains nécessaires au traitement des patients haut-normands qui
doivent être assistés par les techniques de dialyse et d'hémodialyse. Cette
question n'est pas nouvelle. En 1991, notre regretté collègue, M. Jean
Lecanuet, interpellait le Gouvernement de l'époque sur une situation qui se
révélait déjà très inquiétante. Un éminent professeur, responsable du service
néphrologie du centre hospitalier et universitaire (CHU) de Rouen, s'est
exprimé publiquement en ces termes : c'est une question de survie. Il partage
son avis. La situation de sa région, en ce domaine, est d'une exceptionnelle
gravité. La Haute-Normandie est une des régions les moins bien dotées en postes
de dialyse. Leur nombre, 43 par million d'habitants, n'a pas été révisé depuis
1983, alors que les malades à prendre en charge chaque année sur rein
artificiel ont doublé en dix ans pour atteindre cent vingt pour une population
forte de 1,2 million de femmes et d'hommes. Faute de capacité d'accueil et
d'équipes soignantes disponibles, certains dialysés doivent se rendre à Lisieux
ou Paris au rythme de trois séances hebdomadaires. Les professionnels de santé
concernés, par l'intermédiaire de la presse régionale, ont lancé un cri
d'alarme afin d'appeler l'attention des pouvoirs publics sur le manque
d'effectifs dont souffrent les équipements dont ils ont la responsabilité,
l'insuffisance de leurs moyens et le phénomène de saturation qu'ils engendrent.
Pour permettre l'admission de chacun des postulants, des lits de pédiatrie sont
occupés par des adultes, des postes doivent être libérés rapidement pour être
aussitôt attribués. Les médecins en sont réduits à effectuer des choix. Or,
priver un malade de soins revient à court terme à écourter son existence.
Vingt-sept personnes demeurent actuellement en attente, ce qui met leurs vies
en jeu. Les soixante postes de reins artificiels en centres lourds sont occupés
à 100 % et fonctionnent sans interruption. On en arrive à réserver les soins
aux plus jeunes en supprimant ceux de personnes suivies parfois depuis plus de
dix ou quinze ans. De tels faits sont dramatiques, insupportables,
inadmissibles. Voilà pourquoi il regrette vivement qu'aucune réponse n'ait été
apportée à un courrier qu'il lui a adressé le 25 janvier dernier. Il lui
demande pourquoi la Haute-Normandie est particulièrement sous-équipée dans le
domaine évoqué et quelles dispositions il compte mettre en oeuvre pour remédier
à des dysfonctionnements aux conséquences vitales au sens propre du mot.
N° 555. - M. Alain Vasselle rappelle à Mme le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement que, depuis la promulgation de la loi n°
92-646 du 13 juillet 1992, la France a initié une démarche de valorisation de
ses déchets ménagers dont la concrétisation ne saurait excéder le 1er juillet
2002. Si la recherche d'une meilleure gestion environnementale des déchets
ménagers ne peut qu'être encouragée, il apparaît toutefois que les conséquences
économiques des projets n'ont pas toujours été prises en compte, et, ce, en
dépit des obligations réglementaires. La gestion des emballages ménagers semble
devoir constituer un cas d'école. En effet, après avoir été annoncés
publiquement lors du dernier congrès de l'Association des maires de France en
novembre 1998, ce n'est que lors d'une conférence de presse du 26 mai 1999 que
les nouveaux barèmes de la société Eco-Emballages ont été agréés. En moins de
sept années, le barème des soutiens aux collectivités locales a été revu trois
fois, alors que la durée normale d'un agrément est de six ans. Or, au terme de
trois agréments, et en dépit d'une évolution à la hausse jamais démentie, il
est toujours loisible de s'interroger sur le respect scrupuleux du décret du
1er avril 1992 qui constitue le cadre juridique de l'agrément délivré. En
effet, le dernier alinéa de l'article 6 du décret précité précise que «
l'agrément fixe les bases des versements par l'organisme agréé en vue d'assurer
aux collectivités territoriales le remboursement du surcoût susceptible de
résulter pour celles-ci du tri des déchets ». Or, à partir d'une unité des
barèmes de soutien, hormis la qualité de la performance de tri des emballages,
la mesure du surcoût n'a pas été prise en compte. L'impossibilité de prendre en
compte la notion de surcoût est cependant réelle au vu de la définition de
celui-ci qui n'apparaît que dans le glossaire de l'agrément et qui mesure
l'écart avec les seuls coûts d'incinération. Ainsi, deux questions se posent :
d'une part, comment est-il possible de respecter le décret du 1er avril 1992 en
limitant les écarts de coût avec les seuls coûts d'incinération qui concernent
moins de la moitié des déchets produits par la population française. D'autre
part, chacune des collectivités locales ou établissements publics de
coopération intercommunale constitués à cet effet sont indépendants les uns des
autres, comment est-il possible de traiter la question du surcoût en
appréhendant les collectivités locales comme une globalité, - ce qui revient à
considérer qu'elles disposent toutes des mêmes coûts, ce qui n'est pas le cas -
alors que la société Eco-Emballages signe des contrats avec chacune de
celles-ci. Une telle construction, alors que la société Eco-Emballages dispose
de plusieurs milliers de contrats avec les producteurs d'emballages, ne peut
qu'engendrer une impossibilité récurrente de respecter les obligations
réglementaires qui sont les siennes, à savoir la compensation des surcoûts de
tri aux collectivités locales. Enfin, ne conviendrait-il pas de s'engager dans
la voie du système DSD en Allemagne. Outre le fait que celui-ci s'inscrit dans
la logique du pollueur-payeur défendue par l'Union européenne pour la gestion
de cette politique, il permet effectivement, à travers la véritable
responsabilisation des industriels, d'engager de façon structurelle la maîtrise
de la production des emballages, comme le demande le Conseil économique et
social dans son récent rapport consacré à la gestion des déchets ménagers.
N° 556. - M. Gérard César attire l'attention de Mme le ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la création d'un fonds de
garantie sur l'épandage des boues de station d'épuration. Il craint qu'un tel
fonds n'aboutisse à un renchérissement du prix de l'eau à un moment où bon
nombre de nos concitoyens s'élèvent contre sa forte progression. Il estime que
les assurances communales classiques couvrent déjà les dommages ordinaires, les
risques imprévisibles à long terme devant être assumés par l'Etat. Il lui
demande de bien vouloir lui indiquer ses intentions en la matière.
N° 557. - M. Ivan Renar attire l'attention de Mme le ministre de la culture et
de la communication sur la situation des personnels de la culture. Ainsi,
depuis le 19 mai dernier, les personnels relevant du ministère : gardiens,
guides, personnel commercial et d'accueil poursuivent un mouvement de grève
pour l'emploi. 20 000 agents sont employés par le ministère de la culture, 2
000 ont un emploi précaire et 1 000 postes manquent pour assurer au mieux les
missions du service public. Au moment où les discussions budgétaires sont en
cours, il lui demande quelles mesures elle compte prendre afin de répondre aux
attentes des salariés désireux d'assurer leur mission de service public dans
les meilleures conditions.
N° 558. - M. Michel Souplet attire l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche sur l'application de la loi sur l'air et
l'utilisation rationnelle de l'énergie du 30 décembre 1996 dans le domaine des
biocarburants. Trois années se sont maintenant écoulées. Où en est la mise en
oeuvre de l'article 21 III de cette loi qui stipule qu'un décret en Conseil
d'Etat fixe les conditions dans lesquelles le fioul, l'essence et les
supercarburants devront comporter un taux minimal d'oxygène avant le 1er
janvier 2000 ? La publication au
Journal officiel
des Communautés
européennes de la directive Auto-Oil, le 28 décembre 1998, va dans le sens
d'une amélioration sensible de la qualité de l'air dans les villes et affirme
l'utilité de l'incorporation d'oxygène pour améliorer encore cette qualité de
l'air. De nombreux rapports récents ne manquent d'ailleurs pas de rappeler tout
l'intérêt des biocarburants (ETBE produit à partir d'éthanol et BMVH) pour
lutter contre la pollution de l'air en réduisant les émissions et limitant
l'impact sur l'effet de serre et par conséquent de l'obligation d'incorporation
d'oxygène. Toutes les conditions sont désormais réunies pour concrétiser
l'orientation décidée par le législateur en 1996 et réaffirmée par la loi
d'orientation agricole. Il lui demande concrètement quelles sont les étapes qui
restent à franchir pour que le décret fixant le taux minimum obligatoire
d'oxygène dans les carburants soit publié avant le 1er janvier 2000 et que soit
ainsi respectée la volonté du législateur.
(Question transmise à M. le
secrétaire d'Etat à l'industrie.)
N° 559. - M. Léon Fatous souhaite interpeller M. le secrétaire d'Etat au
logement sur les moyens qu'il entend mettre en oeuvre pour renforcer la lutte
contre l'insalubrité des logements. Le rapport de Mme Nancy Bouché qui lui a
été remis en octobre dernier fait apparaître l'urgente nécessité d'agir en ce
domaine : environ 935 000 logements concernés ; développement d'un « marché du
taudis » fort lucratif qui se nourrit de la précarité humaine ; ghetthoïsation
des quartiers touchés par ce phénomène... Outre ce constat sans concession,
cette enquête met à jour certains dysfonctionnements et effets pervers de notre
législation. Tel est par exemple le cas des règles qui régissent les aides à la
personne - allocations logement et aides versées ou fonds de solidarité pour le
logement. Il apparaît que le système du tiers-payant, qui consiste à verser
directement aux bailleurs ces aides et donc à sécuriser ce dernier face aux
risques d'impayés, n'est pas assorti en retour de contreparties, notamment en
vue d'améliorer le confort des logements. Le rapport propose donc de revoir les
conditions d'octroi de ces aides et du tiers-payant au regard des conditions
d'habitabilité. Il préconise aussi un certain nombre d'actions visant à
renforcer la protection des locataires comme la révision de la grille
d'insalubrité de 1971, le renforcement du droit au relogement des occupants ou
encore un ensemble de mesures facilitant les travaux de réhabilitation des
immeubles concernés. Aussi, avant que le projet de loi sur l'habitat et
l'urbanisme ne soit débattu, il souhaite connaître ses orientations sur ce
dossier.
N° 560. - M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur l'évolution des conditions de
circulation aux abords de l'agglomération bordelaise et notamment sur le
caractère inéluctable de la saturation de la rocade actuelle. Une des solutions
serait la réalisation d'une infrastructure de grand contournement de
l'agglomération par l'ouest. Il lui rappelle que le nombre de déplacements
quotidiens urbains de l'agglomération bordelaise va passer, dans les dix ans,
de 1,3 million à plus de 2 millions ; en outre, l'étude effectuée par les
services de l'Etat et détaillée dans le dossier de concertation relatif aux
schémas du service de transport en Aquitaine fait apparaître une augmentation
du transport routier de fret de 57 % à 100 % à l'horizon 2020. Les conséquences
des importants travaux d'entretien devant être réalisés très prochainement sur
le pont d'Aquitaine, liées à l'évolution alarmante des prévisions du trafic sur
cette rocade, font de l'avenir de cet ouvrage une priorité absolue pour tous
les acteurs écologiques et politiques du département de la Gironde. En
conséquence, il lui demande de bien vouloir inscrire dans les meilleurs délais
au schéma directeur routier national une infrastructure nouvelle de
contournement ouest de l'agglomération bordelaise.
N° 562. - M. James Bordas appelle l'attention de Mme le garde des sceaux,
ministre de la justice, sur la suspension de l'adoption d'enfants vietnamiens
prononcée par le Gouvernement le 29 avril dernier. Cette mesure est motivée par
les difficultés de contrôle du statut des enfants adoptés et la hausse
alarmante du trafic d'enfants. La reprise des adoptions est soumise à la
conclusion d'un accord de coopération avec le Vietnam, dont la procédure risque
d'être assez longue. Or, les adoptions d'enfants au Vietnam par des Français
ont pris une grande ampleur ces dernières années. Près de 1 400 enfants ont été
adoptés. Le Vietnam est devenu le premier pays d'origine des enfants étrangers
adoptés en France. L'émotion provoquée par cette décision, prise un peu
brutalement et sans concertation, est grande. Il lui demande si des moyens plus
souples ne pouvaient être envisagés pour remédier à ce trafic et éviter ainsi
la suppression pure et simple de toute procédure d'adoption.
(Question
transmise à M. le ministre des affaires étrangères.)
N° 564. - Mme Hélène Luc demande à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité d'intervenir afin de créer les conditions, en tant qu'actionnaire
principal de l'entreprise Renault et au titre du développement industriel et de
l'emploi, permettant l'implantation d'une unité de production de ressorts
adossée à l'usine Renault de Choisy-le-Roi. Les collectivités locales
concernées, le département du Val-de-Marne et la ville de Choisy-le-Roi ont
créé les conditions y compris financières pour favoriser l'implantation de
cette entreprise et pour favoriser cet investissement indispensable au devenir
de Renault. C'est pourquoi elle lui demande d'user des prérogatives de l'Etat
(actionnaire important) pour que l'entreprise Renault fasse les investissements
nécessaires à Choisy-le-Roi.
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
COMMISSION CHARGÉE D'EXAMINER LES DEMANDES D'AUTORISATION OU DE RENOUVELLEMENT
D'AUTORISATION DE JEUX
En application de l'article 2 du décret du 6 novembre 1934, M. le président du
Sénat a désigné, le 17 juin 1999, M. André Vallet en qualité de membre de la
commission chargée d'examiner les demandes d'autorisation ou de renouvellement
d'autorisation de jeux.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Lutte contre le travail clandestin
et l'avilissement des enfants en France
568.
- 21 juin 1999. -
Mme Marie-Claude Beaudeau
attire, à nouveau, l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur le travail clandestin des enfants dans notre pays, persistant et se
développant dans certains secteurs de vie sociale. Elle lui demande de lui
préciser les mesures qu'elle envisage de prendre pour agir efficacement contre
la prostitution enfantine, les pratiques abusives du travail des enfants dans
le monde de la publicité, de la mode, du cinéma, de la couture et les pratiques
ancestrales dans le monde de l'agriculture. Elle lui demande également de lui
préciser les mesures - à court et à long terme - qu'elle envisage de prendre et
de faire discuter par le Parlement, pour que se substituent aux rapports,
études, communications, une volonté et des décisions concrètes de lutte contre
l'avilissement du sort et de la vie de milliers d'enfants dans notre pays.
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 22 juin 1999
SCRUTIN (n° 102)
sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant
règlement définitif du budget de 1997.
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 319 |
Pour : | 319 |
Contre : | 0 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
98.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Pour :
77.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Guy Allouche, qui présidait la
séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
47.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
Pour :
6.
Ont voté pour
François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Allouche, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 315 |
Nombre de suffrages exprimés : | 315 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 158 |
Pour l'adoption : | 315 |
Contre : | 0 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 103)
sur les conclusions du rapport de Mme Anne Heinis, fait au nom de la commission
des affaires économiques et du plan sur la proposition de loi de M. Roland du
Luart et plusieurs de ses collègues, portant diverses mesures d'urgence
relatives à la chasse.
Nombre de votants : | 316 |
Nombre de suffrages exprimés : | 316 |
Pour : | 316 |
Contre : | 0 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour :
14.
N'ont pas pris part au vote :
2. - MM. Jack Ralite et Paul Vergès.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
97.
N'ont pas pris part au vote :
2. - M. Christian Poncelet, président du
Sénat, et M. Gérard Larcher, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Pour :
77.
N'a pas pris part au vote :
1. - Mme Maryse Bergé-Lavigne.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
47.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
Pour :
6.
Ont voté pour
François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jack Ralite et Paul Vergès.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat et Gérard Larcher, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 317 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 159 |
Pour l'adoption : | 317 |
Contre : | 0 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.