Séance du 16 juin 1999







M. le président. « Art. 2 C. _ I. _ Les trois premiers alinéas de l'article 63 du même code sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, placer en garde à vue toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Il en informe dès le début de la garde à vue le procureur de la République.
« La personne gardée à vue ne peut être retenue plus de vingt-quatre heures. Toutefois, la garde à vue peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, sur autorisation écrite du procureur de la République. Ce magistrat peut subordonner cette autorisation à la présentation préalable de la personne gardée à vue. »
« II. _ Le premier alinéa de l'article 154 du même code est ainsi rédigé :
« Lorsque l'officier de police judiciaire est amené, pour les nécessités de l'exécution de la commission rogatoire, à garder à sa disposition une personne à l'encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, il en informe dès le début de cette mesure le juge d'instruction saisi des faits. Ce dernier contrôle la mesure de garde à vue. L'officier de police judiciaire ne peut retenir la personne plus de vingt-quatre heures. »
« III. _ La dernière phrase du dernier alinéa du même article est supprimée. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 81, M. Hyest propose :
I. - De compléter la deuxième phrase du troisième alinéa du I de cet article par les mots : « délivrée à l'issue de sa présentation. »
II. - De supprimer la dernière phrase du troisième alinéa du I de cet article.
III. - Après le II de cet article, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... La dernière phrase du deuxième alinéa du même article est supprimée. »
IV. - De compléter cet article par deux paragraphes additionnels ainsi rédigés :
« ... La seconde phrase du troisième alinéa de l'article 706-29 du même code est supprimée.
« ... La troisième phrase du deuxième alinéa de l'article 77 est supprimée. »
Par amendement n° 193, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent :
I. - De compléter la deuxième phrase du dernier alinéa du I de cet article par les mots : « après que la personne gardée à vue lui a été présentée ».
II. - En conséquence, de supprimer la dernière phrase du même alinéa.
III. - Après le II de cet article, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... La dernière phrase du deuxième alinéa du même article est supprimée ».
IV. - De compléter cet article par trois paragraphes additionnels ainsi rédigés :
« ... La troisième phrase du deuxième alinéa de l'article 77 est supprimée.
« ... La première phrase du troisième alinéa de l'article 706-29 est complétée par les mots : "ainsi qu'à l'expiration des vingt-quatre premières heures du délai de quarante-huit heures visé au premier alinéa, si mieux n'aime l'autorité se déplacer sur les lieux de la garde à vue".
« ... La deuxième phrase du même alinéa est supprimée. »
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 81.
M. Jean-Jacques Hyest. Je me permets de revenir brièvement sur le débat précédent pour rappeler que la moitié des locaux de garde à vue se trouvent dans les gendarmeries. On a oublié de le préciser, et c'est regrettable, car les locaux de garde à vue des gendarmeries sont généralement de meilleure qualité dans la mesure où, la plupart du temps, ce sont les collectivités locales qui ont pris en charge la construction des gendarmeries.
M. Jacques Peyrat. C'est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest. Les conditions de garde à vue y sont ainsi souvent plus dignes que dans les commissariats.
C'est une raison de plus de déplorer, comme nous le faisons parfois, qu'il n'y ait pas une meilleure coopération entre le ministère de l'intérieur et les collectivités locales pour la construction des commissariats.
J'en viens à mon amendement, qui a trait à la garde à vue elle-même.
Nous avons bien entendu les propos de certains de nos collègues - M. Bonnet, notamment - qui nous ont expliqué que, si l'on privait la garde à vue de son efficacité, en l'assortissant d'un certain nombre de contraintes comme la présence de l'avocat, les enquêtes n'aboutiraient pas.
Je rappelle que la garde à vue doit être placée sous le strict contrôle du procureur de la République.
M. Hubert Haenel. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest. C'est pourquoi, comme on le fait pour les mineurs et en matière de terrorisme, au moins lorsque la garde à vue est prolongée, il devrait y avoir présentation au parquet. Le parquet a la possibilité de demander que la personne placée en détention provisoire lui soit présentée, mais cela devrait être plus systématique.
On me dit que cette mesure poserait quantité de problèmes parce qu'il faut conduire au parquet les personnes gardées à vue. Les détenus sont déplacés, parfois très loin, pour de nombreuses autres raisons, et cela coûte très cher au budget du ministère de l'intérieur et à celui de la défense !
S'agissant de dispositions qui sont privatives de liberté, il convient qu'elles fassent l'objet d'un contrôle strict et que la présentation au parquet intervienne, quel que soit le cas, dès lors qu'est demandée la prolongation de la garde à vue. Cette présentation au parquet est prévue, je le répète, s'agissant des mineurs et des terroristes, pour des raisons exactement inverses d'ailleurs, de façon que le parquet soit bien informé de ce qui se passe.
Une telle mesure obligerait peut-être les parquets à être plus vigilants en matière de garde à vue. Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 193.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'inspiration de cet amendement est très exactement la même que celle qui sous-tend l'amendement présenté par M. Hyest, et ce sans aucune concertation. (M. Hyest fait un signe d'approbation.)
Tout à l'heure, notre collègue Hubert Haenel nous a dit que les procureurs de la République voudraient bien contrôler les locaux de la garde à vue, mais qu'ils ne le peuvent pas. Quand on veut, on peut ! J'ai connu un procureur de la République qui visitait systématiquement les locaux de garde à vue. Par conséquent, cela peut exister !
M. Hubert Haenel. A Belfort ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, pas du tout ! Dans la région parisienne !
Cela étant dit, je suis tout à fait d'accord : chaque fois qu'il y a prolongation de la garde à vue - même de vingt-quatre heures seulement - la personne gardée à vue doit être présentée au parquet, y compris dans les cas graves. En effet, contrairement à ce que vous dites, il peut, dans ce ce cas, y avoir prolongation.
L'article 706-29 du code de procédure pénale dispose, en effet : « ... si les nécessités de l'enquête ou de l'instruction relative à l'une des infractions visées par l'article 706-26 "- ce sont les plus graves ! -" l'exigent, la garde à vue d'une personne peut faire l'objet d'une prolongation supplémentaire de quarante-huit heures.
« Cette prolongation est autorisée soit, à la requête du procureur de la République, par le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel s'exerce la garde à vue ou un juge délégué par lui, soit, dans les cas prévus par les articles 72 et 154, par le juge d'instruction. »
Pour ma part, je demande que, même dans ce cas, au bout de la première tranche de vingt-quatre heures, il y ait une présentation au parquet - c'est l'ajout qu'apporte mon amendement par rapport à celui de M. Hyest - à moins que le procureur ne préfère se déplacer,...
M. Jacques Delong. Exactement !
M. Hubert Haenel. Voilà !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... ce qui lui donnerait, précisément, l'occasion de visiter les locaux de garde à vue.
J'ai tendance à préférer mon amendement à celui de M. Hyest, dont l'inspiration est identique, d'une part, parce qu'il étend le dispositif à toutes les périodes de vingt-quatre heures, y compris dans les cas les plus graves, d'autre part, parce qu'il vise l'hypothèse où le procureur préférerait non pas se faire présenter l'intéressé, mais se déplacer lui-même, ou déléguer l'un de ses substituts.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 81 et 193 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Naturellement, la commission avait remarqué qu'une même inspiration guidait les auteurs des deux amendements, et elle avait émis un avis favorable sur celui de M. Hyest.
En ce qui concerne l'amendement n° 193 deM. Dreyfus-Schmidt, la commission avait estimé qu'il était satisfait par l'amendement n° 81 de M. Hyest mais, si j'ai bien compris, M. Dreyfus-Schmidt est d'une opinion différente. En effet, il juge que l'un des paragraphes de son amendement ne serait pas satisfait. (M. Dreyfus-Schmidt fait un signe d'approbation.)
En outre, je ferai une remarque de forme s'agissant de la phrase : « si mieux n'aime l'autorité se déplacer sur les lieux de la garde à vue ».
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, précisément !
M. Jean-Jacques Hyest. Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela veut dire : « à moins qu'elle ne préfère ». C'est tout à fait français !
M. Jacques Delong. C'est un peu tourmenté, mais c'est exact !
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cette mesure est, de toute manière, très lourde à mettre en oeuvre. Il faut tout de même considérer les conditions dans lesquelles elle aurait à s'appliquer.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est elle qui choisit !
M. Charles Jolibois, rapporteur. N'oublions pas, mes chers collègues, que, si vous adoptez l'amendement n° 81, vous rendez obligatoire la présentation de la personne gardée à vue lors de chaque demande de renouvellement. Il semble que c'est déjà un immense pas.
Pour ma part, je m'en tiens à l'avis favorable de la commission sur l'amendement de M. Hyest, tout en considérant qu'il est très proche de celui de M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est encore plus lourd !
M. Charles Jolibois, rapporteur. Non, mon cher collègue !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 1 et 193 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements. Evidemment, je comprends bien les objectifs qui sous-tendent ces deux textes : il s'agit d'augmenter et d'améliorer le contrôle par l'autorité judiciaire, notamment par les procureurs de la République, des mesures de garde à vue.
Tout d'abord, je ne suis pas persuadée que la présentation obligatoire de la personne gardée à vue devant le procureur de la République en cas de prolongation de la mesure constitue une véritable garantie. Je ne crois pas plus que cette présentation soit de nature à limiter les prolongations.
Je ferai ensuite remarquer que ce projet de loi prévoit l'intervention de l'avocat non seulement à la première heure de la garde à vue, mais également à la vingtième heure...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas dans tous les cas !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... c'est-à-dire avant une éventuelle prolongation. L'avocat pourra donc, à ce moment-là de la garde à vue, formuler toutes observations utiles.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il pourra, si nécessaire, alerter le parquet avant que celui-ci ne décide une prolongation. C'est même l'un des intérêts essentiels de l'intervention de l'avocat dont certains disent parfois, à tort, qu'il ne servira à rien au cours de la garde à vue. Eh bien ! si : il servira, et notamment à cela !
Ensuite, ces amendements soulèvent d'importants problèmes de moyens : ou bien les personnes devront être conduites par les services enquêteurs devant le magistrat et, dans ce premier cas, le coût pour la police et la gendarmerie deviendra évidemment exorbitant, sans compter le temps utile qui sera naturellement soustrait à la garde à vue ; ou bien c'est le magistrat qui devra se déplacer et dès lors, au vu de l'évaluation à laquelle il a été procédé par les services de la Chancellerie sur cette question, c'est près d'une centaine de postes de magistrats qui devraient être créés. Je n'ai pas besoin de vous dire que de tels moyens ne peuvent être dégagés aujourd'hui.
M. Emmanuel Hamel. Peut-être, si on le veut !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Enfin, je précise que la situation n'est en rien comparable à celle de la prolongation en matière de terrorisme, qui nécessite effectivement une présentation devant le juge après quarante-huit heures de garde à vue. Mais il n'y a pas d'avocat pendant la garde à vue des terroristes.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Par ailleurs, la comparaison avec le droit des mineurs, qui, par définition, est toujours plus favorable que celui des majeurs, ne me paraît pas pertinente.
C'est la raison pour laquelle je vous demande avec fermeté de repousser ces amendements, qui me semblent instituer une garantie illusoire, inutile et impraticable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 81.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Tout d'abord, ce qui diffère entre les deux amendements, c'est seulement le fait que le magistrat pourrait se déplacer sur les lieux de la garde à vue. Mais, en fin de compte, le terme « présentation » lui laisse cette possibilité.
M. Jacques Delong. Il vaut mieux le dire !
M. Jean-Jacques Hyest. En définitive, cela me paraît secondaire !
Ne pas faire du parquet l'autorité qui exerce un contrôle de la garde à vue ou indiquer que, désormais, c'est l'avocat qui assurera ce contrôle, ce n'est pas du tout pareil !
Si vous vouliez vraiment alléger les tâches de la police et de la gendarmerie en matière de transfèrement, il y aurait beaucoup à faire ! Nous savons tous que les escortes utilisent énormément de fonctionnaires de police et de gendarmerie pour une simple notification, alors qu'on n'a pas trouvé les moyens d'assurer cette notification par un magistrat du tribunal du lieu de détention : souvent, en effet, la gestion pénitentiaire n'a pas de lien avec la gestion judiciaire.
Franchement, si vous voulez accomplir des efforts, je vous renvoie au rapport que j'ai élaboré avec mon collègue M. Carraz sur les tâches de la police et de la gendarmerie : vous pourriez réaliser des économies très importantes s'agissant du transfèrement ! Cela permettrait la présentation au parquet des personnes en garde à vue. Il y aurait beaucoup à faire !
Je persiste à penser qu'il est essentiel que le procureur de la République assure un contrôle strict de la garde à vue. D'ailleurs, les cas de prolongation seront d'autant moins importants que le procureur sera conduit à vérifier au bout de vingt-quatre, ou de quarante-huit heures dans certains cas, que la garde à vue est toujours nécessaire.
M. Jacques Delong. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delong.
M. Jacques Delong. L'amendement de M. Hyest me paraît excellent et celui de M. Dreyfus-Schmidt me semble le compléter fort utilement.
J'ai eu l'impression, à un moment donné - peut-être s'agit-il d'une fausse impression ! - que la rédaction de la dernière phrase de l'amendement de notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt : « si mieux n'aime l'autorité se déplacer sur les lieux de la garde à vue » conservait un caractère moyenâgeux. Cette tournure est tout à son honneur, mais ne pourrait-on la remplacer, mon cher collègue, par une phrase, certes moins agréable, mais plus moderne, par exemple : « l'autorité ayant toute latitude de se déplacer sur les lieux de la garde à vue » ?
C'est une simple suggestion de forme que je formule sur une question de fond avec laquelle je suis totalement d'accord.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, souhaitez-vous rectifier votre amendement dans le sens proposé par M. Delong ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'accepte la suggestion de mon collègue Jacques Delong de rectifier mon amendement, monsieur le président, puisque cette formulation le choque, bien qu'elle me paraisse tout à fait française. Même si elle est moyenâgeuse, François Villon est toujours d'actualité ! Peut-être pourrait-on indiquer : « à moins que l'autorité ne préfère se déplacer... ».
M. Jacques Delong. C'est parfait !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Madame le garde des sceaux, j'aurais aimé être convaincu par votre explication, mais je ne le suis pas pour la raison suivante : les dispositions en vigueur prévoient que les membres du parquet peuvent, à titre « exceptionnel » - j'insiste sur ce dernier terme - donner une autorisation écrite de prolongation de garde à vue.
Malheureusement, cette exception qui figure dans notre code de procédure pénale devient trop souvent la règle. C'est le cas, nous le savons bien, en matière de détention provisoire. En effet, le législateur a pris le soin de répéter une deuxième fois, voilà peu d'années, ce qui est déjà inscrit depuis très longtemps, à savoir que la détention provisoire est l'exception.
Or vous reconnaissez vous-même, madame le garde des sceaux, que ce n'est pas l'exception puisque vous nous dites que beaucoup plus de magistrats seraient nécessaires pour faire respecter cette règle. C'est une raison supplémentaire pour ne pas supprimer les petits tribunaux, qui maintiennent des membres du parquet à proximité des gendarmeries...
M. Jean-Jacques Hyest. Et plus disponibles !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Effectivement !
Les obliger à le faire est, en effet, une bonne solution, puisqu'ils ne le font pas.
L'intérêt d'une telle mesure est, d'abord, d'évaluer la réalité du besoin et, ensuite, de se rendre compte de la manière dont se sont passées les dernières vingt-quatre heures.
Vous dites qu'il y aura un avocat. Je l'espère bien, encore qu'en l'état actuel du texte l'avocat sera présent pendant une demi-heure : nous demanderons beaucoup plus.
Mais tout le monde ne demande pas un avocat ! Et ce n'est pas seulement à la vingtième heure, madame le garde des sceaux, que l'avocat pourra être présent car, dans votre proposition, c'est à la trente-sixième heure dans certains cas, et à la soixante-douzième dans d'autres, c'est-à-dire qu'il pourra se passer soixante-douze heures sans qu'un membre du parquet ni un avocat ait vu l'intéressé.
Nous ne voulons plus d'un tel dispositif, et c'est pourquoi je demande au Sénat de voter notre amendement n° 193 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole.
M. le président. Vous vous êtes déjà exprimé pour explication de vote, monsieur Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je souhaite retirer mon amendement, monsieur le président.
L'objectif révisé est, en effet, le même que celui de mon « non-confrère » M. Dreyfus-Schmidt, car je n'ai pas le bonheur d'appartenir à son honorable corporation...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je suis honoraire !
M. Jean-Jacques Hyest. Et cela me donne une certaine liberté.
Je retire donc mon amendement, car celui qui a été présenté par M. Dreyfus-Schmidt prévoit quelque chose de plus. Mais, je le répète, nous visons le même objectif.
M. le président. L'amendement n° 81 est retiré.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Le retrait de l'amendement de M. Hyest nous amène bien sûr à modifier l'avis que nous avions émis sur celui qu'a présenté M. Dreyfus-Schmidt, car il s'agit de deux amendements similaires.
Tout à l'heure, nous avons procédé à une petite rectification pour passer du Moyen Age à l'époque moderne...
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas forcément un progrès !
M. Charles Jolibois, rapporteur. Aussi, je suggère à M. Dreyfus-Schmidt de rectifier son amendement afin de préciser : « après que la personne gardée à vue lui a été présentée ». En effet, le verbe qui suit la locution conjonctive « après que » doit être à l'indicatif.
M. Jacques Delong. Je m'incline devant votre science, monsieur le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Mon cher collègue, je dois à l'honnêté de reconnaître que cela m'a été suggéré.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, acceptez-vous la suggestion de M. le rapporteur ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 193 rectifié, présenté par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant :
I. - A compléter la deuxième phrase du dernier alinéa du I de l'article 2 C par les mots : « après que la personne gardée à vue lui a été présentée ».
II. - En conséquence, à supprimer la dernière phrase du même alinéa.
III. - Après le II de cet article, à insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La dernière phrase du deuxième alinéa du même article est supprimée. »
IV. - A compléter cet article par trois paragraphes additionnels ainsi rédigés :
« ... - La troisième phrase du deuxième alinéa de l'article 77 est supprimée.
« ... - La première phrase du troisième alinéa de l'article 706-29 est complétée par les mots : "ainsi qu'à l'expiration des vingt-quatre premières heures du délai de quarante-huit heures visé au premier alinéa, à moins que l'autorité ne préfère se déplacer".
« ... - La seconde phrase du même alinéa est supprimée. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement n° 193 rectifié ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. S'agissant de cet amendement, le Gouvernement invoque l'article 40 de la Constitution.
M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Michel Charasse, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La règle, en matière de procédure pénale et de textes pénaux, c'est de ne pas appliquer l'article 40 aux pertes de recettes, en particulier lorsqu'il y a des diminutions d'amendes. En revanche, il est applicable normalement en ce qui concerne l'accroissement des charges. De ce point de vue, l'amendement n° 193 rectifié tombe effectivement sous le coup de l'article 40.
M. Emmanuel Hamel. Hélas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est la règle !
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 193 rectifié n'est pas recevable.
Vous n'auriez jamais dû retirer l'amendement n° 81, monsieur Hyest ! (Sourires.)
Je vais mettre aux voix l'article 2 C.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Il est fort dommageable que nous en soyons parvenus à la situation que nous connaissons actuellement du fait même de l'invocation de l'article 40. Peut-être la commission mixte paritaire ou une nouvelle lecture permettra-t-elle de rattraper ce coup manqué.
Cela étant dit, je voudrais, à travers l'article 2 C, appeler l'attention sur deux points.
D'abord, j'étais très favorable aux propositions de MM. Hyest et Dreyfus-Schmidt. Mais je me demandais si, en l'état et compte tenu de la réalité des faits, nous aurions abouti à ce que seul le procureur décide ou non de la mise en garde à vue. Une fois de plus - et je vous prie de m'en excuser - je me référerai à ce que j'ai vécu dans mon département. A partir du moment où une partie civile s'est constituée à l'encontre d'élus à la suite du dépôt d'une plainte, le procureur de la République - il me l'a dit lui-même - se trouve complètement dessaisi de toute décision concernant la mise en garde à vue. Celle-ci ne relève plus que du juge d'instruction. Si l'amendement n° 81 ou l'amendement n° 193 rectifié permettaient d'éviter une telle situation, nous aurions fait un grand pas en avant.
Je viens à ma seconde remarque.
Alors que l'on évoque les moyens supplémentaires qu'aurait générés la disposition de notre collègue M. Charasse, j'appelle votre attention, madame le garde des sceaux, sur le manque de moyens dont semblent disposer les officiers de police judiciaire.
Dans le cas de l'Oise, nombre de maires ont été mis en garde à vue non pas parce que l'enquête nécessitait un prolongement de la garde à vue, mais parce que ces élus qui étaient convoqués à neuf heures ne commençaient à être interrogés par les officiers de police judiciaire qu'à quatorze heures, et comme l'enquête n'était pas terminée à dix-huit heures, heure à laquelle le juge d'instruction quittait son travail, on était obligé de placer les maires en garde à vue pour pouvoir les présenter au juge d'instruction le lendemain matin à huit heures.
C'était donc uniquement pour une question de moyens matériels que certains maires ont dû passer la nuit entière au poste, et non parce que l'enquête nécessitait des investigations supplémentaires. Il s'agissait simplement d'une question de temps.
Quand on arrive à ce type de situation, c'est que l'on vit dans une société qui a quelque retard. On parlait tout à l'heure de Moyen Age. Je n'irai pas jusque-là. Dans de telles circonstances, qui sont particulièrement sensibles, qui troublent l'homme et qui atteignent fortement sur le plan psychologique ceux qui les ont vécues, il faut dégager des moyens nécessaires, pour éviter, chaque fois qu'on le peut, la mise en garde à vue lorsqu'elle n'est pas vraiment utile. (Applaudissements sur les travées du RPR et sur plusieurs travées de l'Union centriste.) M. Emmanuel Hamel. Dégageons ces moyens !
M. Jacques Delong. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delong.
M. Jacques Delong. J'ai écouté avec la plus grande attention les explications de Mme le garde des sceaux et le commentaire particulièrement technique fait par notre collègue M. Charasse, au nom de la commission des finances. Je dis bien « particulièrement technique » car, en l'occurrence, j'ai quelque peu envie de reprendre les propos de M. le rapporteur selon lesquels la science n'est pas toujours synonyme de conscience.
En effet, je voudrais que l'on m'explique, madame le garde des sceaux, comment le déplacement d'un prévenu peut coûter beaucoup plus cher que celui d'un procureur de la République ?...
M. le président. Monsieur Delong, il n'y a pas de débat sur l'article 40 de la Constitution. Aussi, vous expliquez votre vote sur tout, sauf sur l'article 40.
M. Jacques Delong. Dans ce cas, monsieur le président, puisque je ne peux pas poursuivre mon explication, je préciserai simplement que je voterai bien sûr contre cet article.
M. le président. Je ne fais qu'appliquer le règlement, vous l'aviez tous bien compris.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2 C.

(L'article 2 C est adopté.)

Articles additionnels après l'article 2 C