Séance du 1er juin 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Convention avec Monaco sur la sécurité sociale.
- Adoption d'un projet de loi (p.
1
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des
affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
3.
Accords avec le Guatemala, le Honduras et le Nicaragua sur l'encouragement et
la protection réciproques des investissements.
- Adoption de trois projets de loi (p.
2
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des
affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption des articles uniques des trois projets de loi.
4.
Accord avec la Namibie sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements.
(p.
3
).
- Adoption d'un projet de loi (p. ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; André Boyer, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
5.
Accord avec la Macédoine sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements.
- Adoption d'un projet de loi (p.
4
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; André Boyer, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
6.
Accord avec l'Azerbaïdjan sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements.
- Adoption d'un projet de loi (p.
5
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; André Dulait, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
7.
Organisation internationale de télécommunications mobiles par satellites.
- Adoption d'un projet de loi (p.
6
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; AndréRouvière, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
8.
Convention d'entraide judiciaire avec la Colombie.
- Adoption d'un projet de loi (p.
7
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; Xavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
9.
Convention d'entraide judiciaire avec la Thaïlande.
- Adoption d'un projet de loi (p.
8
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; Xavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
10.
Convention sur la sécurité du personnel des Nations unies.
- Adoption d'un projet de loi (p.
9
).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des
affaires européennes ; Aymeri de Montesquiou, rapporteur de la commission des
affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
11.
Accords avec l'Italie relatifs à la coopération transfrontalière et aux
personnes en situation irrégulière.
- Adoption de deux projets de loi (p.
10
).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des
affaires européennes ; Paul Masson, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
M. Marcel Lesbros.
Adoption des articles uniques des deux projets de loi.
12.
Accord avec l'Allemagne relatif à la coopération transfrontalière.
- Adoption d'un projet de loi (p.
11
).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des
affaires européennes, Paul Masson, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
13.
Accord avec la Suisse relatif à la réadmission des personnes en situation
irrégulière.
- Adoption d'un projet de loi (p.
12
).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des
affaires européennes ; Paul Masson, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 13 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
14.
Conférence des présidents
(p.
14
).
15.
Couverture maladie universelle.
- Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
15
).
Discussion générale : Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité ; MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action
sociale ; Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires
sociales.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
MM. Claude Huriet, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales ; Hubert Durand-Chastel, Mmes Nicole Borvo, Marie-MadeleineDieulangard, MM. Jean-Louis Lorrain, Bernard Plasait, Paul Girod, Alain Vasselle, Bernard Seillier, GilbertChabroux.
Demande de réserve (p. 16 )
M. le président de la commission, Mme le ministre. La réserve de l'article 1er est ordonnée.
Suspension et reprise de la séance (p. 17 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
Discussion générale
(suite)
: MM. Claude Huriet, Jacques Bimbenet,
Michel Esneu, François Autain, MichelMercier, Georges Othily, Bernard Cazeau,
Philippe Richert, Claude Domeizel, Serge Franchis.
Mme le ministre, M. le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.
Renvoi de la suite de la discussion.
16.
Dépôt d'une question orale avec débat
(p.
18
).
17.
Transmission de projets de loi
(p.
19
).
18.
Dépôt de propositions de loi
(p.
20
).
19.
Transmission d'une proposition de loi
(p.
21
).
20.
Ordre du jour
(p.
22
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER,
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq).
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CONVENTION AVEC MONACO
SUR LA SÉCURITÉ SOCIALE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 314, 1998-1999)
autorisant l'approbation de l'avenant n° 5 à la convention du 28 février 1952
entre la France et la Principauté de Monaco sur la sécurité sociale (Rapport n°
378, 1998-1999).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France
et la Principauté de Monaco sont liées par la convention de sécurité sociale du
28 février 1952 modifiée, destinée à permettre, d'une part, aux seuls
travailleurs salariés affiliés au régime monégasque de sécurité sociale de
bénéficier des prestations sanitaires plus développées en France et, d'autre
part, aux travailleurs français de la partie est du département des
Alpes-Maritimes d'accéder à l'hôpital de Monaco, plus proche que celui de
Nice.
Ces circonstances ont cependant évolué, puisque l'offre de soins dans le
département des Alpes-Maritimes s'est considérablement développée et que la
Principauté dispose aujourd'hui d'une infrastructure de soins excédant très
nettement les besoins de sa population. Les autorités françaises et monégasques
ont donc décidé de revoir certaines dispositions de la convention de 1952.
La France et Monaco ont ainsi signé, le 20 juillet 1998, l'avenant n° 5 à la
convention, qui refond essentiellement le chapitre relatif aux prestations des
assurances maladie, maternité et décès.
Le bénéfice de ces prestations est désormais étendu à toutes les personnes
assurées relevant de tous les régimes de sécurité sociale des deux Etats,
c'est-à-dire les travailleurs non salariés, les fonctionnaires civils ou
militaires, les étudiants et autres assurés sociaux, et est redéfini selon le
lieu de résidence des assurés - Alpes-Maritimes ou autres départements français
- ou suivant l'urgence des soins, soins d'immédiate nécessité ou soins
autorisés.
Les frais occasionnés par le service de ces prestations dans les
établissements hospitaliers français et monégasques sont remboursés selon des
modalités propres qui figurent dans un arrangement administratif
particulier.
Les possibilités de contrôle des bénéficiaires de soins dans l'autre Etat
ainsi que des professionnels de santé et des établissements de soins sont
renforcées.
Enfin, une disposition entièrement nouvelle donne une base juridique à la
situation des praticiens et auxiliaires médicaux exerçant leur activité sur le
territoire de l'autre Etat.
Cet accord constitue une importante avancée. Il permet, d'une part, de rendre
les dispositions conventionnelles compatibles avec notre politique de maîtrise
des dépenses de santé et, d'autre part, de résoudre l'ensemble des difficultés
auxquelles certaines catégories d'assurés sociaux se sont trouvées confrontées
depuis quelques années.
Aussi, les deux parties ont souhaité que ces dispositions soient appliquées de
façon anticipée à compter du 1er octobre 1998.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales dispositions de l'avenant n° 5 à la
convention du 28 février 1952 entre la France et la Principauté de Monaco sur
la sécurité sociale, signé à Paris le 20 juillet 1998, qui fait l'objet du
projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Hubert Durand-Chastel,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, l'avenant n° 5 à la convention de sécurité sociale de 1952 entre la
France et Monaco, signé entre les deux pays en juillet 1998, vient très
opportunément remettre à plat et clarifier un certain nombre de règles
organisant la coordination des régimes d'assurance maladie français et
monégasque.
Je rappellerai tout d'abord le caractère indispensable d'une telle
coordination. En effet, sur ses 30 000 habitants, la Principauté compte 12 000
citoyens français, dont beaucoup relèvent des régimes français de sécurité
sociale. Inversement, de nombreux salariés de la Principauté, qui relèvent à ce
titre du régime monégasque de sécurité sociale, résident dans des communes
françaises limitrophes. Enfin, la situation géographique de Monaco, enclavée
dans le département des Alpes-Maritimes, peut conduire des habitants de la
région à s'adresser indistinctement aux établissements de soins ou aux
praticiens de l'un ou l'autre pays.
La convention de sécurité sociale franco-monégasque n'avait pas été révisée
depuis 1979 et se trouvait aujourd'hui inadaptée. Elle comportait certaines
lacunes et provoquait de réels déséquilibres, les soins délivrés à Monaco aux
ressortissants des caisses de sécurité sociale françaises n'étant pas plafonnés
dans bon nombre de cas.
L'avenant soumis à notre approbation clarifie le champ d'application de la
convention. Celle-ci s'appliquera désormais aux travailleurs non salariés, aux
fonctionnaires et aux étudiants, alors qu'elle ne couvrait que les salariés.
Les conditions d'accès aux soins à Monaco pour les assurés français sont
précisément définies, un régime particulier étant prévu pour les habitants des
Alpes-Maritimes, de manière à tenir compte des particularités locales.
L'avenant pose, par ailleurs, le principe du plafonnement de la prise en
charge des soins délivrés à Monaco par les caisses de sécurité sociale
françaises, sur la base des tarifs de responsabilité pratiqués en France. Cette
importante modification mettra un terme à une situation en contradiction de
plus en plus évidente avec les préoccupations de maîtrise des dépenses de
santé.
J'ajoute que, selon les termes de l'avenant, ce nouveau dispositif est entré
en vigueur par anticipation dès le 1er octobre dernier.
La commission des affaires étrangères a approuvé ce texte, qui permettra une
meilleure harmonisation des règles de fonctionnement des deux régimes de
sécurité sociale et qui étendra le bénéfice de la convention à certaines
catégories de nos compatriotes résidant à Monaco jusqu'ici non prises en
compte. Elle vous demande donc d'adopter le présent projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de l'avenant n° 5 à la
convention du 28 février 1952 entre la France et la Principauté de Monaco sur
la sécurité sociale signé à Paris le 20 juillet 1998, et dont le texte est
annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
3
ACCORDS AVEC LE GUATEMALA, LE HONDURAS ET LE NICARAGUA SUR L'ENCOURAGEMENT ET
LA PROTECTION RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS
Adoption de trois projets de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 211, 1998-1999) autorisant l'approbation d'un accord
entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
République du Guatemala sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements. [Rapport n° 320 (1998-1999).] ;
- du projet de loi (n° 212, 1998-1999) autorisant l'approbation d'un accord
entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
République du Honduras sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements. [Rapport n° 321 (1998-1999).] ;
- du projet de loi (n° 213, 1998-1999) autorisant l'approbation d'un accord
entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
République du Nicaragua sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements. [Rapport n° 322 (1998-1999).]
La conférence des présidents a décidé que ces trois projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les
accords d'encouragement et de protection réciproques des investissements
présentés aujourd'hui à votre approbation ont pour objet d'établir un cadre
juridique sûr, qui permette de favoriser l'activité de nos entreprises à
l'étranger.
C'est en 1998 que les trois accords soumis à votre examen ont été
respectivement signés avec le Guatemala, le 27 mai, le Honduras, le 28 avril,
et le Nicaragua, le 13 février.
Ces textes contiennent les grands principes qui figurent habituellement dans
les accords de ce type et qui constituent la base de la protection des
investissements, telle que la conçoivent aujourd'hui les pays de l'OCDE.
Je ne reviendrai pas sur les principaux traits de ces accords, mais
m'attarderai sur la signification et l'intérêt que représente leur
signature.
Ces accords s'inscrivent, tout d'abord, dans un processus global qui a pour
ambition d'offrir la plus grande sécurité possible à nos investisseurs. C'est
ainsi que nous avons pu passer des accords de ce type avec plus de
quatre-vingt-cinq pays.
Mais, dans le cas présent, ils s'inscrivent aussi dans une politique générale
de renforcement des liens qui unissent l'Europe, et plus particulièrement la
France, avec les pays d'Amérique latine et centrale, comme l'a illustré la
visite effectuée par le Président de la République dans cette région à la fin
de l'année dernière, visite qui lui a permis de se rendre dans les pays touchés
par le cyclone Mitch. J'ajoute, à c'est égard, que le sommet de Rio, qui doit
se tenir ce mois-ci, sera l'occasion d'un dialogue renouvelé et resserré entre
l'Europe et les pays du continent latino-américain.
Nombreux en effet parmi ces pays sont ceux qui, bien que de dimension modeste,
sont en train d'effectuer d'importantes réformes de structures ou qui se sont
engagés récemment sur la voie de la libéralisation et de l'ouverture en
confiant un rôle moteur à l'investissement étranger.
Cette réalité n'a bien évidemment pas échappé aux investisseurs internationaux
qui se sont déjà implantés dans ces pays, et souvent de manière plus
significative que nos propres opérateurs.
Il était donc urgent que la France prenne, elle aussi, sa place sur ces
nouveaux marchés en s'entourant cependant de toutes les garanties
nécessaires.
Même si, actuellement, en raison des dégâts causés par le cyclone Mitch, notre
attention se focalise davantage sur l'aide humanitaire et la reconstruction,
ces accords permettent d'envisager, à terme, un développement plus significatif
de nos rapports bilatéraux dans les domaines économique et commercial alors
que, à cet égard, la présence de la France est encore très modeste au Guatemala
et quasi inexistante au Honduras et au Nicaragua.
Voilà une semaine, à Stockholm, j'ai participé à la rencontre, organisée sous
l'égide du gouvernement suédois, des pays concernés par l'ouragan Mitch et de
ceux qui entendent leur manifester leur solidarité ; ces questions y ont
évidemment été largement évoquées. Les pays victimes de cet ouragan ont rappelé
l'intérêt qu'ils attachent à la présence, sur leur territoire, de nos
entreprises.
Ces accords assurent par ailleurs un cadre juridique protecteur à nos
investissements qui ne peuvent être que favorisés par l'engagement résolu des
autorités du Guatemala, du Honduras et du Nicaragua, en faveur de réformes
économiques.
A terme, cela pourrait ouvrir de nouvelles perspectives pour nos entreprises
encore effectivement trop peu présentes dans ces pays. Les opportunités les
plus intéressantes se situent actuellement dans les secteurs de la
construction, de l'eau, des télécommunications et de l'énergie.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs le sénateurs, les
principales observations qu'appellent ces trois projets d'accord sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements, conclus par
la France avec le Guatemala, le Honduras et le Nicaragua et qui font l'objet
des projets de loi qui sont soumis aujourd'hui à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Hubert Durand-Chastel,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, les trois accords de protection et d'encouragement réciproques des
investissements signés au cours de l'année 1998 avec le Guatemala, le Honduras
et le Nicaragua sont rédigés en des termes quasiment identiques aux termes des
quelque quatre-vingt-cinq accords conclus par la France et visant à encourager
l'investissement à l'étranger.
J'ai présenté, dans mes rapports écrits, le dispositif commun à ces trois
accords, au demeurant extrêmement classique.
Leur principal intérêt est d'illustrer l'attention désormais portée par la
France au renforcement de sa présence économique en Amérique latine et de
s'inscrire dans une orientation à la fois européenne, confirmée avec le
prochain sommet Union européenne-Amérique latine à Rio de Janeiro, et plus
spécifiquement française, puisque le chef de l'Etat s'est particulièrement
attaché à développer les relations avec le continent latino-américain et s'est
rendu en Amérique centrale en novembre dernier.
Le Guatemala, premier des trois pays concernés par ces accords, tente
aujourd'hui de tourner la page de trente-cinq années de guerre civile et de
mettre en oeuvre, avec quelques difficultés, l'accord de paix conclu à la fin
de l'année 1996 entre le gouvernement Guatemala et l'Union révolutionnaire
nationale guatémaltèque.
Le Honduras, pour sa part, est un des rares pays d'Amérique centrale à avoir
échappé aux guerres civiles et, après une longue période de régime militaire,
il cherche à affermir les institutions démocratiques, à lutter contre la
corruption et à moderniser l'Etat.
Le Nicaragua, enfin, a consolidé son ancrage démocratique et s'efforce de
résorber les séquelles de la guerre civile par une politique de réconciliation
nationale. Ici encore, les priorités vont à la reconstruction de l'Etat et à la
lutte contre la corruption.
Sur le plan diplomatique, ces trois pays militent pour un renforcement de
l'intégration régionale. Le Guatemala et le Honduras ont créé en 1992 avec le
Salvador une zone de libre-échange, appelée « triangle nord », à laquelle le
Nigaragua s'est rallié en 1994.
En matière économique, ils possèdent des caractéristiques assez proches : une
économie reposant sur des cultures agricoles d'exportation, une forte
proportion de la population vivant sous le seuil de pauvreté, un déficit
chronique des finances publiques et des paiements extérieurs, une forte
dépendance de l'aide et des financements extérieurs.
L'ouragan Mitch, intervenu à la fin du mois d'octobre 1998, a pris l'ampleur,
surtout au Honduras et au Nicaragua, d'une catastrophe économique. Les dégâts
ont été considérables et une partie importante des récoltes destinées à
l'exportation ont été détruites. Les trois pays ont toutefois bénéficié d'une
aide d'urgence, d'engagements financiers internationaux pour la reconstruction
et d'allégements de dettes supplémentaires. La France a pris une part
importante dans ce soutien.
S'agissant des relations entre la France et ces trois pays d'Amérique
centrale, c'est sans doute avec le Nicaragua, à la suite de l'élection de Mme
Chamorro en 1990 et de sa visite en France en 1992, qu'elles ont été les plus
étroites. Mais la récente visite d'Etat du Président Jacques Chirac au
Guatemala, en novembre dernier, et sa présence au Honduras et au Nicaragua pour
manifester notre solidarité après l'ouragan Mitch témoignent de la volonté de
relancer ces liens.
La présence économique française est jusqu'à présent extrêmement réduite dans
ces pays qui réalisent l'essentiel de leurs échanges extérieurs avec les
Etats-Unis, le Mexique et les autres pays d'Amérique centrale. La part de
marché de l'Union européenne se situe autour de 15 %, mais ce sont l'Espagne et
l'Allemagne qui se taillent la part du lion. En effet, dans aucun des trois
pays les ventes françaises ne représentent plus de 1 % du marché.
De même, on constate une quasi-absence des implantations d'entreprises
françaises, alors que les flux d'investissements directs étrangers ont tout de
même atteint, pour les trois pays, plus de 1,5 milliard de dollars entre 1990
et 1997. Mais ce sont des investisseurs nord-américains et parfois espagnols
qui se sont le plus souvent engagés.
Malgré la fragilité des économies de ces pays d'Amérique centrale, les
opportunités d'investissement existent. Sous l'impulsion des institutions
financières multilatérales, des programmes de privatisation ou de mise en
concession se généralisent et des projets de développement, dans le domaine des
infrastructures, se mettent en place, grâce à des financements privilégiés des
bailleurs de fonds internationaux tels que la Banque mondiale ou la Banque
interaméricaine de développement.
Aussi nos entreprises ont-elles intérêt à suivre avec attention les appels
d'offres dans des domaines tels que l'assainissement et la distribution des
eaux, la distribution électrique, les équipements aéroportuaires, les
transports urbains et les équipements hospitaliers.
En conclusion, il serait peu réaliste de surestimer les perspectives
d'affaires, dans les années à venir, pour les entreprises françaises au
Guatemala, au Honduras et au Nicaragua. Force est cependant de constater que
nos concurrents européens, allemands ou espagnols, sont actifs sur ces marchés
et que, partant d'une position marginale, les entreprises françaises ont
certainement vocation à y réaliser un chiffre d'affaires beaucoup plus
important qu'aujourd'hui.
C'est pourquoi la commission des affaires étrangères souhaite bien évidemment
l'adoption des projets de loi visant à autoriser l'approbation de ces trois
accords, qui s'inscrivent dans un axe important de notre diplomatie : le
renforcement des relations avec l'Amérique latine.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
PROJET DE LOI N° 211
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 211.
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du
Guatemala sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements,
signé à Guatemala le 27 mai 1998, et dont le texte est annexé à la présente
loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
PROJET DE LOI N° 212
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 212.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du
Honduras sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements,
signé à Tegucigalpa le 28 avril 1998, et dont le texte est annexé à la présente
loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
PROJET DE LOI N° 213
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 213.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du
Nicaragua sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements,
signé à Managua le 13 février 1998, et dont le texte est annexé à la présente
loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
4
ACCORD AVEC LA NAMIBIE
SUR L'ENCOURAGEMENT
ET LA PROTECTION RÉCIPROQUES
DES INVESTISSEMENTS
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 214, 1998-1999)
autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République de Namibie sur l'encouragement et
la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole). [Rapport
n° 369 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reviendrai pas sur les
traits principaux de cet accord, qui sont identiques à ceux des accords
précédents. Je me limiterai à souligner l'intérêt que présente cet accord dans
nos rapports avec la Namibie.
On ne saurait trop souligner que l'accord qui est soumis à votre approbation a
été signé avec un pays au potentiel de développement économique prometteur, qui
s'est résolument engagé sur la voie de l'ouverture au commerce international en
mettant en oeuvre de grands projets de développement de ses infrastructures
dans les domaines aéroportuaire, portuaire, routier et ferroviaire, qui sont
autant d'opportunités à saisir pour nos entreprises.
Celles-ci sont encore très modestement implantées en Namibie - on n'en
dénombre actuellement qu'une douzaine, dont les groupes Total et Sodexho - mais
un certain nombre d'entre elles paraissent bien placées pour remporter des
contrats importants dans les secteurs de l'énergie. Je pense notamment au
projet de construction d'une ligne à haute tension de 900 kilomètres entre
Windhoek et l'Afrique du Sud. Je songe également au développement du champ
gazier de Kudu. Il existe aussi des perspectives dans l'industrie hôtelière.
Il faut signaler que la plupart des grands groupes français basés en Afrique
du Sud prospectent d'ores et déjà régulièrement le marché namibien - c'est le
cas notamment d'Eurocopter, de Thomson, de Degremont, de Bull et de Renault -
et constituent autant d'atouts pour un développement futur des investissements
français dans cette région.
Dans cette perspective, mesdames, messieurs les sénateurs, l'accord qui est
soumis à votre approbation apparaît comme un instrument nécessaire pour
enrichir les relations économiques franco-namibiennes.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Boyer,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, nous sommes invités à examiner un projet de loi visant à autoriser
la ratification d'un accord franco-namibien sur l'encouragement et la
protection réciproques des investissements, signé le 25 juin 1998 à
Windhoek.
Indépendante depuis bientôt dix ans, la Namibie s'est dotée d'un régime
démocratique aux institutions solides qui s'appuie sur le pragmatisme de ses
dirigeants, autant d'éléments favorables au développement économique du
pays.
Son gouvernement entend conduire une politique de réconciliation nationale et
il fait preuve d'une grande prudence dans la mise en oeuvre de certaines
réformes, notamment la réforme agraire, soucieux qu'il est de respecter le
principe constitutionnel de propriété et de ne pas déstabiliser l'agriculture
commerciale largement dépendante des grands propriétaires blancs.
Dans ce contexte serein, des questions nouvelles ont toutefois récemment fait
évoluer le débat politique.
L'engagement militaire en République démocratique du Congo, au côté de M.
Kabila, a été mal accepté par l'opinion publique, qui n'ignore pas son coût
financier et humain et dont les motifs stratégiques ne lui apparaissaient pas
clairement.
Les revendications séparatistes des habitants de la région de la bande de
Caprivi, qui se considèrent comme les oubliés du développement, sont, enfin,
une source de tensions internes et régionales.
Comme l'économie de l'Afrique du Sud voisine, l'économie namibienne concilie
deux caractéristiques apparemment contradictoires : d'une part, des résultats
macro-économiques encourageants et, d'autre part, une croissance faible qui,
pour la période 1999-2001, ne devrait être que de 2 à 4 % et qu'il convient de
rapporter à une croissance démographique forte pour une société que caractérise
toujours une très forte inégalité dans la répartition des revenus.
Les intérêts de la République sud-africaine sont évidemment prépondérants en
Namibie, notamment dans les secteurs minier et financier, ainsi que dans les
secteurs des assurances et des carburants.
La France, présente notamment à travers Total, Sodexho et la BNP, ne
représente que 1 % du total des investissements étrangers en Namibie. Avec une
douzaine d'entreprises implantées dans le pays, elle est ainsi active dans les
secreurs du tourisme, des boissons alcoolisées, de la pêche et de la
prospection pétrolifère.
Les échanges commerciaux franco-namibiens sont encore très modestes. Notre
pays exporte principalement des produits industriels dans le secteur de
l'énergie, des biens d'équipements professionnels et des produits
agro-alimentaires. Nos importations, en forte croissance, portent
essentiellement sur des produits de la pêche et sur la viande. En 1998, la
Namibie était notre cent-cinquante-cinquième client et notre
cent-soixante-dix-septième fournisseur.
Le dispositif d'encouragement et de protection réciproques des investissements
est classique ; je n'y reviendrai donc pas.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet accord,
qui vise à fournir une garantie juridique aux investisseurs français, s'inscrit
dans le cadre des nombreuses conventions du même type conclues par la France
avec des pays où les besoins de développement sont susceptibles d'intéresser
les entreprises françaises à la recherche de marchés extérieurs. La Namibie,
par sa stabilité politique et son pragmatisme économique, est, à cet égard, un
partenaire stratégiquement important. Je ne peux donc que vous inviter, mes
chers collègues, à adopter le présent projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de
Namibie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements
(ensemble un protocole), signé à Windhoek le 25 juin 1998, et dont le texte est
annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
5
ACCORD AVEC LA MACÉDOINE
SUR L'ENCOURAGEMENT
ET LA PROTECTION RÉCIPROQUES
DES INVESTISSEMENTS
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 216, 1998-1999)
autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement macédonien sur l'encouragement et la protection
réciproques des investissements. [Rapport n° 368 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, cet accord, qui est identique,
sur le plan des principes, à ceux qui nous venons d'examiner, revêt une
importance toute particulière au regard du climat qui règne actuellement dans
la région concernée. Mes déplacements en Macédoine m'ont convaincu, s'il en
était besoin, de l'espoir que ce pays place dans l'aide de la France.
Je rappelle que cet accord a été signé entre les deux pays avant la crise,
mais il sera encore plus nécessaire lors de la reconstruction et de la mise en
oeuvre d'une authentique stabilité dans cette région des Balkans où, je le
sais, plusieurs d'entre vous se sont rendus au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pouvant ainsi
constater non seulement le désir des autorités macédoniennes de nous voir les
aider, mais aussi les opportunités très réelles qu'offre la situation à une
présence durable de la France dans cette région du monde.
Je vous confirme l'importance que les Macédoniens attachent à cet accord pour
le développement de relations bilatérales, même s'il n'a pas de portée
immédiate dans la situation actuelle.
Il faut aider ce pays qui, jusqu'à la récente crise, développait un programme
ambitieux sur le plan économique. C'est pourquoi la France apporte à la
Macédoine une aide budgétaire de 45 millions de francs, qui a été versée dans
des délais si raisonnables que le Premier ministre de Macédoine, au moment même
où j'étais dans ce pays, a donné en exemple la procédure française aux
ambassadeurs des autres pays qui jusqu'alors avaient promis mais n'avaient pas
encore tenu.
Pour toutes ces raisons, monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs - raisons qui sont encore accentées par le contexte actuel - l'accord
soumis à votre approbation m'apparaît être un instrument indispensable qui ne
pourra que conforter les relations que nous souhaitons développer avec cette
jeune République.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Boyer,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, nous sommes invités à examiner aujourd'hui un projet de loi
autorisant la ratification d'un accord conclu entre la France et l'ancienne
République yougoslave de Macédoine pour l'encouragement et la protection
réciproques des investissements.
L'actualité a tragiquement mis en lumière les difficultés de cette ancienne
République de Yougoslavie, indépendante depuis 1991 et dont la population se
répartit en une majorité de slavo-macédoniens orthodoxes - 65 % - et plusieurs
minorités dont la plus importante, celle des Albanais, avoisine les 30 %.
La crise du Kosovo, par l'afflux massif de réfugiés qu'elle a entraîné sur le
territoire macédonien, fait courir au pays des risques intérieurs considérables
et pèse très lourdement sur son économie. La politique pragmatique et ouverte
conduite par ses responsables successifs, sur le plan tant intérieur
qu'extérieur, risquerait de s'en trouver affectée si la communauté
internationale négligeait d'aider massivement ce pays.
On pourrait sans doute s'interroger sur l'opportunité d'adopter aujourd'hui un
tel accord, dont l'objectif présuppose une stabilité économique et politique
durable propre à inciter les investisseurs étrangers à s'impliquer. Pour
autant, je plaiderai pour l'adoption de ce projet de loi. Il convient en effet
de prendre date pour l'avenir : le souhait de chacun est l'achèvement rapide de
la crise kosovare, qui interviendra tôt ou tard. A ce moment, l'existence d'un
cadre juridique incitatif constituera un atout pour les investisseurs
français.
Enfin, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, les responsables
macédoniens pourront voir dans notre approbation un signal politique important,
démontrant que la France a confiance dans l'avenir de leur pays.
Parmi les anciennes Républiques yougoslaves, la Macédoine était certainement
la moins développée. Les premières années de l'indépendance sont allées de pair
avec une forte dégradation économique. L'économie macédonienne, spécialisée
dans l'agriculture et la sous-traitance, avait déjà été fortement mise à mal
par l'isolement géographique provoqué par les sanctions internationales contre
la République fédérale de Yougoslavie entre 1992 et 1995, république avec
laquelle elle effectue l'essentiel de ses échanges, ainsi que par le blocus
commercial imposé par la Grèce entre février 1994 et septembre 1995.
La situation créée en Macédoine par la crise kosovare affecte donc très
gravement ce pays, et ce à plusieurs titres. En premier lieu, l'arrivée en
Macédoine de près de 240 000 réfugiés provoque un choc économique considérable.
En second lieu, les conséquences de la guerre sur une économie déjà fragile
mais qui commençait à « décoller » sont encore plus radicales.
Si 90 % des échanges se faisaient à travers le territoire yougoslave, la
Yougoslavie était elle-même le principal partenaire de la Macédoine. Ce pays
est aujourd'hui lourdement affecté par la perte de marchés et par les coûts
supplémentaires dus à l'allongement des routes commerciales.
L'aide exceptionnelle d'urgence de 252 millions de dollars récemment accordée
à la Macédoine par la communauté internationale traduit la prise en compte par
cette dernière de la réalité des risques de déstabilisation du pays.
La Macédoine s'est dotée d'une Constitution qui garantit le multipartisme,
l'Etat de droit et les libertés individuelles, et les dernières élections
législatives qui se sont tenues en octobre 1998 ont permis la première
alternance politique depuis l'indépendance.
L'arrivée aux responsabilités du nouveau pouvoir avait permis d'ouvrir une
période de détente dans les relations interethniques qui se trouvaient déjà,
bien avant la crise du Kosovo, dans un équilibre fragile.
La minorité albanaise dispose désormais de droits importants en Macédoine :
les deux formations politiques qui la représentent disposent de vingt-cinq
sièges sur cent vingt au Parlement, et cinq portefeuilles ministériels sont
détenus par ses membres. Toutefois, le fragile équilibre ethnique traverse une
phase de turbulences depuis l'arrivée des réfugiés albanais du Kosovo, qui a
entraîné une polarisation entre les deux principales communautés
slavo-macédonienne d'une part, albanaise de l'autre.
Le dispositif du présent accord est identique à celui qui est prévu par le
précédent accord et son détail est précisé dans mon rapport écrit. Je
m'abstiendrai donc d'y revenir.
Mes chers collègues, la période particulièrement difficile que traverse
aujourd'hui la Macédoine n'est sans doute pas,
a priori
, de nature à
inciter les entreprises françaises à prendre aujourd'hui le risque économique
que revêt toute décision d'investir. Ce texte est cependant important : dès
aujourd'hui, des contrats importants sont en instance et les entreprises
françaises y ont une place à prendre ; après la restauration de la paix et le
retour des réfugiés au Kosovo, l'existence du cadre juridique de cet accord
prendra tout son sens et permettra à nos entreprises d'être rapidement
présentes pour oeuvrer à la reconstruction et à la consolidation de l'économie
macédonienne.
Je ne peux donc que vous inviter, mes chers collègues, à adopter le projet de
loi qui nous est soumis.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement macédonien sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Paris
le 28 janvier 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
6
ACCORD AVEC L'AZERBAÏDJAN
SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION
RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 215, 1998-1999)
autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan sur l'encouragement
et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole).
[Rapport n° 337 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, là encore, je ne ferai que
souligner l'intérêt que présente cet accord dans nos rapports avec
l'Azerbaïdjan, pays qui a, au sein du Caucase, le potentiel économique le plus
élevé.
Pays de l'industrie pétrolière, l'Azerbaïdjan est en train de renouer avec
cette tradition grâce à la découverte, au large de Bakou, dans la mer
Caspienne, de gisements qui pourraient en faire un important producteur de
pétrole à l'horizon de la prochaine décennie.
De plus, ce pays est en plein renouveau économique : les autorités
d'Azerbaïdjan mettent progressivement en place un programme de réformes
économiques comprenant une privatisation accélérée des entreprises de l'Etat
pouvant intéresser nos propres entreprises dans de nombreux domaines :
aéroport, eau, banques de conseil et industries agroalimentaires.
L'ouverture récente de ce pays aux investissements étrangers explique
l'objectif qui a guidé les négociateurs de cet accord : aider autant que faire
se peut, en les protégeant juridiquement, les entreprises françaises à
renforcer leur présence et à prendre toute leur place dans cette région au
riche potentiel de développement.
Dans cette perspective, l'accord qui est soumis à votre approbation m'apparaît
nécessaire. Son entrée en vigueur enrichira la substance des rapports
bilatéraux entre la France et l'Azerbaïdjan dans le domaine économique.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle ce projet
d'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements,
conclu par la France avec l'Azerbaïdjan et qui fait l'objet du projet de loi
soumis aujourd'hui à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Dulait,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, nous sommes invités à examiner un projet de loi autorisant
l'approbation de l'accord, signé le 1er septembre 1998 à Bakou, sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements entre la
France et l'Azerbaïdjan.
Sept ans après son indépendance, l'Azerbaïdjan a su consolider ses
institutions sous l'autorité très vigilante du président Aliev, récemment réélu
dans des conditions qui font certes débat et qui concentre entre ses mains tous
les pouvoirs. Malgré tout, on peut considérer que ce pays est sur la voie d'une
démocratisation intéressante pour l'ensemble de la zone.
Par ailleurs, l'économie du pays, comme cela a été rappelé, est stabilisée :
elle a bénéficié d'une croissance continue. Le déficit budgétaire a ainsi été
réduit à 4 % et l'inflation à 3 %, soit le taux le plus bas de tous les pays de
la CEI. Relevons aussi une parfaite stabilité du manat, la monnaie nationale,
qui conforte ce pays dans son évolution.
Les premiers résultats pétroliers, même s'il faut relever quelques échecs de
certains consortiums, continuent à être tout à fait prometteurs.
Parallèlement, la situation régionale, notamment la crise russe, ainsi que la
chute des cours pétroliers, ont repoussé quelque peu l'arrivée de la manne
pétrolière, et le pays est aujourd'hui confronté à une réelle incertitude.
Cependant, le pays mobilise des investissements étrangers importants et la
France rattrape en partie son retard dans le cadre d'un développement accru des
échanges entre les deux pays.
On pourrait citer quelques compagnies qui, dans le domaine ou hors du domaine
pétrolier, sont très présentes dans ce pays. Notons, dans le secteur pétrolier,
Elf et Total et, dans le secteur parapétrolier, Geo Services, Sofregaz ou
Schlumberger.
Au total, dans ce secteur, la France se range au troisième rang des
investisseurs étrangers, après la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, mais
devant la Russie et l'Italie.
La part de marché de la France en Azerbaïdjan reste, avec 1,8 % en 1998,
excessivement modeste. Cela étant, les exportations françaises vers ce pays ont
connu depuis 1995 un développement considérable.
Le problème le plus important pour l'Azerbaïdjan reste, c'est incontestable,
l'hypothèque du conflit du Haut-Karabagh, qui pèse sur l'avenir du pays depuis
dix ans.
En effet, l'Azerbaïdjan est confronté à la crise ouverte depuis 1988 et qui a
entraîné de très importants déplacements de populations. Au total, sans qu'on
puisse en mesurer exactement l'importance, ce sont à peu près 800 000
Azerbaïdjanais qui ont été déplacés par les Arméniens de la zone qu'ils
occupent, laquelle ne représente d'ailleurs qu'un très petit territoire,
puisque le Haut-Karabagh représente à peu près 4 400 kilomètres carrés. De
plus, les opérations militaires ont fait bon nombre de morts.
Depuis 1997, le groupe de Minsk, qui associe la Russie, la France et les
Etats-Unis, s'efforce de proposer une solution négociée entre l'Arménie et
l'Azerbaïdjan pour avoir une garantie du droit à l'autodétermination des
Karabaghtsis. Mais, en dépit de nos efforts de médiation, aucune proposition
n'a reçu à ce jour l'agrément des deux parties.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France
doit affirmer une présence active dans cette partie stratégique de ce que l'on
appelle communément l'Eurasie. Elle s'implique déjà diplomatiquement dans les
négociations destinées à promouvoir la paix entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie
dans le conflit du Haut-Karabagh. Elle doit également y accroître sa présence
économique. Le présent accord, qui tend à sécuriser les investissements des
entreprises françaises s'inscrit donc dans cette perspective, et je ne peux
qu'inviter le Sénat à adopter le projet de loi qui en autorise la
ratification.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
d'Azerbaïdjan sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements (ensemble un protocole), signé à Bakou le 1er septembre 1998,
et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
7
ORGANISATION INTERNATIONALE
DE TÉLÉCOMMUNICATIONS MOBILES
PAR SATELLITES
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 239, 1998-1999)
autorisant la ratification des amendements à la convention portant création de
l'Organisation internationale de télécommunications maritimes par satellites
(INMARSAT) relatifs à la création de l'Organisation internationale de
télécommunications mobiles par satellites (ensemble une annexe). [Rapport n°
323, (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, la
décision d'adopter des amendements à la convention INMARSAT fait suite à une
négociation multilatérale engageant les quatre-vingt-six Etats membres de cette
organisation internationale de télécommunications mobiles par satellite. Son
objectif est de permettre de la transformer en une « nouvelle INMARSAT »,
société sous tutelle, afin d'assurer sa survie et son développement dans un
contexte de concurrence accrue.
Ce changement de statut intègre également une dimension politique importante,
celle du maintien de sa mission de base, notamment pour la fourniture des
services de détresse en mer et de sécurité maritime.
Les amendements adoptés à Londres le 24 avril 1998 vont se traduire par la
création d'une société par actions à responsabilité limitée de droit national
supervisée par un conseil d'administration fiduciaire, à laquelle sont
transférés les activités opérationnelles et les actifs correspondants
d'INMARSAT.
Les amendements vont également se traduire par le maintien de l'Organisation
intergouvernementale, au sein de laquelle les gouvernements assureront, au
travers de l'assemblée des parties, la surveillance effective du système
mondial de détresse et de sécurité en mer et l'exercice par la société de ses
activités conformément à certains « principes de base » : non-discrimination
sur la base de la nationalité, activités à des fins pacifiques, couverture
géographique liée aux besoins de communications mobiles par satellites et
concurrence loyale.
Cette nouvelle organisation « à deux niveaux » permet d'apporter à INMARSAT la
structure privée nécessaire à son développement tout en garantissant, grâce au
maintien de l'organisation intergouvernementale, la poursuite de ses activités
de base selon des principes que l'on pourrait qualifier de « service universel
».
Cette transformation est importante pour la défense des intérêts français sur
le plan international. Le changement de structure permettra au signataire
français, France Télécom, de valoriser ses investissements en transformant ses
parts d'investissement en actions. L'Etat en tant qu'actionnaire de l'opérateur
historique y trouvera donc un avantage. Par ailleurs, le développement des
activités d'INMARSAT sur de nouveaux marchés devrait avoir des effets en retour
importants pour les entreprises françaises et européennes de construction et de
lancement de satellites, ainsi que pour les fournisseurs de services utilisant
INMARSAT.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent les
amendements à la convention INMARSAT qui font l'objet du projet de loi
aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, ainsi que vient de le préciser M. le ministre, le présent projet de
loi intéresse l'Organisation de télécommunications mobiles par satellites,
l'INMARSAT, qui a été créée en 1979.
L'assemblée des Etats parties a adopté le 24 avril 1998 des modifications à la
convention qui avait créé INMARSAT voilà près de vingt ans.
Ces amendements, qui font l'objet du présent projet de loi autorisant leur
ratification, tendent à transformer l'organisation originelle en une « nouvelle
INMARSAT », société sous tutelle d'une organisation intergouvernementale et
destinée à assurer sa pérennité dans un contexte économique et industriel
devenu très concurrentiel.
En effet, la téléphonie mobile par satellite, outre ses applications
prioritaires de détresse et de sécurité, constitue, dans son volet commercial
destiné à un public plus large, un outil précieux, notamment dans les zones qui
ne sont pas couvertes par les réseaux traditionnels de téléphonie mobile.
Ce secteur de la téléphonie mobile par satellite, initialement protégé au
bénéfice d'INMARSAT fait, depuis 1998, l'objet d'une forte concurrence.
La modification statutaire présentement soumise à notre examen a donc
précisément pour objet de donner à l'organisation, dont la France, à travers
France Télécom, est un partenaire actif, toutes ses chances pour affronter ce
nouveau contexte industriel et concurrentiel.
INMARSAT a été pionnière dans le secteur de la téléphonie mobile par
satellite. Les terminaux mis aujourd'hui à la disposition des usagers se
déclinent en plusieurs catégories de matériel, les plus récents étant
généralement plus compacts, d'un coût d'acquisition et d'utilisation plus
réduits, bien qu'ils restent relativement onéreux, notamment pour les
particuliers.
INMARSAT a bénéficié jusqu'en 1998 d'une longue période de monopole sur le
marché mondial de la téléphonie mobile par satellite. Depuis novembre 1998,
cependant, une concurrence s'est fait jour avec le projet Iridium, lancé par
l'américain Motorola. Cependant - les journaux en faisaient état encore
récemment - ce projet rencontre aujourd'hui des difficultés financières
sérieuses qui risquent de compromettre la poursuite du programme. A l'horizon
2000, Globalstar et ICO, filiale d'INMARSAT financée par les principaux
signataires et par le constructeur américain Hugues, apparaîtront également sur
le marché.
Pour être à même de figurer en bonne place dans le nouvel environnement
concurrentiel des systèmes de téléphonie mobile par satellites, une
modification de la structure actuelle de coopérative internationale était
nécessaire. En effet, les contraintes financières, la recherche d'alliances
avec divers partenaires imposaient, assez rapidement, une forme de
privatisation.
Tel est l'objet des amendements à la convention originelle portant création
d'INMARSAT qui ont été adoptés par l'assemblée des parties réunies à Londres en
avril 1998 et qui entraînent la restructuration de l'organisation, conduisant à
la juxtaposition, d'une part, d'une société par actions, de droit britannique,
entièrement nouvelle, et, d'autre part, de l'organisation intergouvernementale,
maintenue dans son rôle - c'est important - d'utilité publique. Je tiens à
préciser que ces amendements ont été acceptés par la Commission européenne.
Cette organisation, en effet, sous un nouveau statut - objet du présent accord
- est maintenue dans le dispositif. Les gouvernements des Etats membres, à
travers l'assemblée des Etats parties, auront à veiller au respect de cinq
principes de base que je ne rappellerai pas, car vous y avez déjà fait
allusion, monsieur le ministre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui
nous est soumis, en modifiant la structure originelle d'INMARSAT, permet à
celle-ci de se placer en position favorable dans le contexte concurrentiel au
sein duquel il lui faudra désormais évoluer.
Compte tenu des implications économiques et industrielles du présent projet de
loi, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées, qui l'a adopté à l'unanimité, je ne peux que vous inviter, mes
chers collègues, à suivre la commission.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée la ratification des amendements à la
convention portant création de l'Organisation internationale de
télécommunications maritimes par satellites (IMMARSAT) relatifs à la création
de l'Organisation internationale de télécommunications mobiles par satellites
(ensemble une annexe), adoptés à Londres le 24 avril 1998, et dont le texte est
annexé à la présente loi. »
La parole est à Mme Bidard-Reydet pour explication de vote.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de
loi, dont l'objet est de proposer une modification des statuts de
l'Organisation internationale des télécommunications mobiles par satellites,
l'INMARSAT, répond à la nécessité d'adapter les structures de cet opérateur de
satellites à vocation maritime, terrestre et aéronautique à un environnement
concurrentiel exacerbé.
Rappelons que l'organisation INMARSAT a permis d'assurer le développement du
secteur des télécommunications mobiles par satellites pendant près de vingt ans
sur des bases de coopération internationale et d'intérêt réciproque au prorata
des investissements consentis par chacun des quatre-vingt-six Etats signataires
de la convention de 1979.
Ce système est apparu à ce point satisfaisant que l'assemblée des Etats
parties à l'organisation réunie le 24 avril 1998 pour modifier ladite
convention a jugé bon de préserver le principe d'une structure
intergouvernementale assurant le contrôle et la surveillance de la société de
droit privé qui désormais constituera la nouvelle INMARSAT.
On ne peut, bien évidemment, que se féliciter que certains pays, dont la
France, aient tenu à garantir un certain équilibre entre la gestion des
activités commerciales, assurée par une société par actions, et le respect des
obligations de service public, garanti par le maintien de l'organisation
intergouvernementale.
Toutefois, cet équilibre organique à deux niveaux entre l'organisation, d'une
part, et la société, d'autre part, est-il un gage suffisant du maintien de
l'équilibre qui a prévalu jusqu'ici entre développement des activités sur de
nouveaux marchés et exécution des engagements de service public ?
Je souhaite, à cet égard, faire quelques remarques.
D'une part, si les amendements à la convention qu'il nous est proposé de
ratifier offrent un certain nombre de garanties, notamment à l'article 3, les «
principes de base » que les actionnaires d'INMARSAT-PLC seront tenus de
respecter nous apparaissent tout à la fois formels dans leur intention et d'une
portée quelque peu limitée dans leur champ d'application.
A titre d'exemple, l'obligation de desservir les zones rurales et isolées des
pays en développement n'est assortie d'aucun critère de nature à vérifier
concrètement le respect de ces objectifs.
D'autre part, de quels moyens l'organisation disposera-t-elle pour veiller à
faire respecter les obligations de service public par la société, alors que
celle-ci sera désormais installée dans une position concurrentielle et
cherchera donc à rentabiliser les apports de capitaux de ses actionnaires ?
Plutôt que de s'engager dans une course à la concurrence, n'eût-il pas été
préférable de rechercher des formes de partenariat avec les nouveaux venus sur
le marché satellitaire ?
Une autre interrogation porte sur la répartition du capital d'INMARSAT-PLC. Il
est en effet annoncé une fixation d'un plafond de 15 % de la part maximale
autorisée pour un actionnaire et, dans le même temps, une exception pour
l'actionnaire américain, qui détient actuellement plus de 22 % de la valeur
globale des investissements.
Cela ne revient-il pas à refuser à tout autre actionnaire la possibilité
d'accéder au niveau atteint par l'opérateur américain et à contribuer ainsi à
déséquilibrer sur le long terme les relations entre actionnaires des différents
Etats ?
Rappelons, à cet égard, que les principaux concurrents d'INMARSAT, en
particulier Iridium et Globalstar, sont eux-mêmes sous forte domination des
Etats-Unis. Dès lors, on peut s'interroger sur la place, à plus long terme,
dans ce secteur, des Européens, et notamment des Français, en l'occurrence
France Télécom, qui ne détiendra que 5 % du capital !
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra donc pour exprimer
ses réserves sur la pérennité et la viabilité du nouveau système mis en
place.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
8
CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE
AVEC LA COLOMBIE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 277, 1998-1999)
autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière
pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de
la République de Colombie. [Rapport (n° 367, 1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, les autorités colombiennes ont,
dès 1994, proposé à la France l'ouverture de négociations en vue de la
signature d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale. C'était un
moyen supplémentaire pour les autorités colombiennes de combattre toutes les
formes de criminalité.
Le texte aujourd'hui soumis à votre examen a été signé le 21 mars 1997, à
Paris, par le garde des sceaux et son homologue colombien.
Sa rédaction est largement inspirée des dispositions de la convention
européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, ainsi que
des textes négociés avec l'Argentine et l'Uruguay.
Les deux parties s'engagent à s'accorder, en conformité avec leur législation
interne, l'aide judiciaire la plus large possible dans la phase d'instruction
de toute procédure pénale relevant de la compétence des autorités judiciaires
de la partie requérante. Sont donc exclues les décisions d'arrestation et de
condamnation, lesquelles ressortissent au domaine de l'extradition, et les
infractions militaires
stricto sensu.
L'entraide est obligatoirement refusée en l'absence de double incrimination
lorsque la demande a pour objet l'exécution d'une décision de confiscation.
Elle peut aussi être refusée si elle concerne des infractions politiques,
lorsque l'exécution est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la
sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de la partie
requise, ou encore lorsque la demande vise une perquisition ou une mesure
conservatoire et que les faits qui la motivent ne constituent pas une
infraction au sens de la législation de la partie requise.
Les modalités d'exécution de la demande d'entraide restent soumises au respect
de la législation de la partie requise.
Les règles fixées pour la remise des actes et décisions judiciaires
reprennent, pour l'essentiel, les dispositions de la convention européenne et
fixent à quarante jours avant la date prévue pour la comparution le délai de
remise d'une citation à comparaître. Les témoins et experts bénéficient d'une
immunité en cas de non-condamnation et, s'ils comparaissent, ont droit à des
indemnités. Le texte prévoit aussi les conditions de transfèrement, aux fins de
témoignage, sur le territoire de la partie requérante d'une personne détenue
sur le territoire de la partie requise. Il délimite également l'immunité dont
bénéficient les témoins ou experts et les personnes poursuives qui
comparaissent volontairement. La communication du casier judiciaire d'une
personne est possible entre les parties.
En ce qui concerne la procédure de l'entraide, les demandes doivent comporter
des indications reprises, en grande partie, des dispositions de la convention
européenne, plus, selon leur objet, « toute autre information de nature à
faciliter l'exécution de la demande ».
Les demandes d'entraide sont transmises directement entre les autorités
centrales désignées au moment de la signature de l'accord.
Tout refus d'entraide doit être motivé et notifié, et une procédure classique
de dénonciation officielle des faits est prévue.
Enfin, tous les ans, les autorités centrales échangent des informations sur
les condamnations prononcées à l'encontre de ressortissants de l'autre
partie.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
principales observations qu'appelle la convention d'entraide judiciaire en
matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le
gouvernement de la République de Colombie, qui fait l'objet du projet de loi
soumis aujourd'hui à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Xavier Pintat,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, la convention d'entraide judiciaire en matière pénale signée entre
la France et la Colombie en 1997 s'inscrit dans la lignée de nombreux
instruments analogues visant à faciliter la coopération judiciaire avec les
pays étrangers.
Alors que les activités criminelles prennent désormais de plus en plus un
caractère transnational et que les délinquants savent jouer des frontières et
du cloisonnement des systèmes judiciaires nationaux pour faire obstacle aux
poursuites, ces conventions d'entraide judiciaire offrent un cadre de
coopération qui améliore le déroulement des enquêtes et des procédures
d'instruction.
J'ai détaillé, dans mon rapport écrit, le dispositif de la convention
franco-colombienne. Elle présente peu de caractères originaux puisqu'elle
s'inspire de toutes les conventions du même type, elles-mêmes rédigées,
d'ailleurs, sur le modèle de la convention européenne d'entraide judiciaire du
20 avril 1959.
Cette convention facilitera, notamment, la remise d'actes, de décisions ou des
citations à comparaître, la recherche des preuves nécessaires à une enquête, la
communication d'extraits de casiers judiciaires et les dénonciations aux fins
de poursuite. Elle réserve aux parties certaines possibilités de refuser
l'entraide, tout en exigeant que ces refus soient motivés.
Ce type de convention ne saurait, bien sûr, aplanir toutes les difficultés
liées aux enquêtes impliquant des pays étrangers. Il a toutefois le mérite de
poser certaines règles qui peuvent contribuer à clarifier ou à accélérer le
traitement des demandes.
J'ajoute que ce texte complétera notre dispositif de coopération judiciaire
avec les pays d'Amérique puisque des conventions analogues sont déjà en vigueur
avec le Canada et le Mexique, et en attente de ratification avec le Brésil,
l'Uruguay, le Paraguay, Cuba, l'Argentine, les Etats-Unis et la République
dominicaine.
Notre commission a donc approuvé cette convention, qui s'inscrit d'ailleurs
dans la logique de notre politique de renforcement des relations avec
l'Amérique latine.
La Colombie traverse aujourd'hui une période difficile. La situation
intérieure reste marquée par une violence endémique. Depuis plus de quarante
ans le conflit qui oppose les forces armées et les guérillas a fait des
milliers de victimes, et plus d'un million de personnes ont été déplacées. Par
ailleurs, le poids économique de la drogue, bien connu, et la puissance des
réseaux de trafiquants continuent d'influer lourdement sur tous les secteurs de
la vie du pays.
Le dialogue avec la guérilla engagé par le président Pastrana s'est
concrétisé, depuis le début du mois de mai, par des négociations difficiles
avec les forces armées révolutionnaires colombiennes, négociations dont on
espère qu'elles seront plus fructueuses que diverses tentatives sans lendemain
entreprises par le passé.
L'évolution de la situtation intérieure de la Colombie est donc suspendue aux
résultats assez aléatoires de ce processus de paix au moment où le pays, après
une longue période de croissance économique, connaît une phase de sévère
récession.
Pour la France, la Colombie demeure un partenaire très important en Amérique
du Sud. Les relations se sont d'ailleurs renforcées lors de plusieurs visites
bilatérales au cours des cinq dernières années et, en termes de coopération,
notre pays se situe parmi les tout premiers pays fournisseurs d'aide à la
Colombie. Sur le plan commercial, la France a renforcé sa présence et constitue
le septième fournisseur de la Colombie, avec une part de marché de 2,5 % à 3 %
pour nos exportations, qui représentent 2,5 milliards de francs. La France est
également le septième investisseur étranger.
L'établissement de relations suivies avec la Colombie s'inscrit dans la
logique de notre politique de renforcement de la présence française en Amérique
latine. La convention d'entraide judiciaire, signée en mars 1997, contribue,
dans un domaine bien spécifique, celui de la coopération judiciaire, à
améliorer ces relations.
C'est pourquoi, mes chers collègues, votre commission des affaires étrangères
vous demande d'adopter le présent projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. -
Est autorisée l'approbation de la convention
d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République de Colombie, signée à Paris le 21
mars 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
9
CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE
AVEC LA THAÏLANDE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 278, 1998-1999)
autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière
pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du
Royaume de Thaïlande. [Rapport n° 370 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames, messiers les sénateurs, la convention d'entraide
judiciaire en matière pénale signée le 11 septembre 1997 entre le Gouvernement
de la République française et le Gouvernement du Royaume de Thaïlande est
inspirée en grande partie de la convention franco-mexicaine du 27 janvier 1994,
elle-même largement calquée sur la convention européenne d'entraide judiciaire
en matière pénale du 20 avril 1959.
Les parties s'accordent l'entraide la plus large possible pour la réalisation
d'enquêtes et la poursuite d'infractions dont la sanction relève, au moment où
la demande est formulée, de la compétence de leurs autorités judiciaires.
Concession au système juridique de
common law,
une énumération non
exhaustive des buts de l'entraide est fournie, et celle-ci peut être accordée
alors même que les faits ne sont pas considérés comme constitutifs d'une
infraction au regard de la législation de la partie requise.
Les conditions dans lesquelles s'exerce l'entraide judiciaire en matière
pénale sont les suivantes.
Les demandes sont transmises entre autorités centrales désignées dans la
convention, qui les adressent à leurs autorités compétentes.
Le refus d'entraide qui doit être notifié à la partie requérante pour
consultations éventuelles ne peut, à l'instar de la convention européenne, être
fondé que sur des considérations politiques, de souveraineté, de sécurité,
d'ordre public ou encore d'autres intérêts essentiels de la partie requise.
L'exécution de la demande peut être différée lorsqu'elle interfère avec une
procédure pénale en cours dans cette partie.
Comme dans les conventions du même type, les demandes doivent comporter un
certain nombre de renseignements, pour les uns obligatoires, et, pour les
autres, utiles à l'exécution de l'entraide. Celle-ci est effectuée dans les
conditions prévues par la législation de la partie requise ou compatibles avec
cette législation si une forme particulière d'exécution est demandée.
Les règles de confidentialité et de spécialité des demandes, des informations
et des pièces à conviction fournies à l'occasion de l'entraide sont conformes à
celles de la convention européenne et des conventions bilatérales signées par
la France.
En revanche, contrairement à d'autres accords, les personnes appelées à
témoigner, à déposer ou à produire des documents peuvent y être contraintes
selon la législation de la partie requise. Une citation à comparaître doit être
transmise à la partie requise avant les cinquante jours qui précèdent la date
fixée pour la comparution. Toute personne qui ne se conforme pas à un acte de
procédure qui lui est remis par la partie requise bénéficie d'une immunité au
regard de la législation de la partie requérante.
Les conditions de transfèrement d'une personne détenue sur le territoire de la
partie requise sont identiques à celles que prévoit la convention
européenne.
L'immunité accordée aux témoins ou experts qui comparaissent devant les
autorités compétentes de la partie requérante est modulée en ce qui concerne
les personnes poursuivies. Lorsqu'elles comparaissent, leur immunité est fixée
par la seule loi de la partie requérante, laquelle pourrait permettre des
poursuites pour d'autres faits non visés dans la demande. Aussi, la partie
requise dispose-t-elle de la faculté de refuser la remise de la citation.
Les demandes tendant à la recherche et à la saisie des instruments et produits
des infractions sont exécutées conformément à la législation de la partie
requise.
Chacune des parties peut accorder la même assistance que celle qui est prévue
par la convention, conformément aux dispositions d'autres accords
internationaux ou de ses lois nationales.
La dénonciation officielle des faits quand l'une des parties, compétente,
souhaite que la poursuite soit effectuée par l'autre partie, également
compétente, est possible.
Enfin, toute difficulté d'interprétation ou d'application sera réglée par la
voie de la consultation diplomatique.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention
d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement du Royaume de Thaïlande qui fait l'objet du projet
de loi soumis aujourd'hui à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Xavier Pintat,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la
France et la Thaïlande est en grande partie similaire à la convention
franco-colombienne que nous venons d'examiner, puisqu'il s'agit toujours d'un
dispositif prenant pour base celui de la convention européenne d'entraide
judiciaire de 1959.
En Asie, la France est déjà liée par ce type de convention avec la Corée et
Hong Kong, et des négociations sont en cours avec Singapour.
Au-delà de l'intérêt technique de ce texte pour une meilleure coopération
judiciaire, il apparaît tout à fait opportun que la France renforce ses
relations avec l'un des principaux pays du sud-est asiatique peuplé de près de
soixante millions d'habitants.
La Thaïlande est un acteur majeur sur la scène régionale, voisin de la
Birmanie et du Cambodge, deux pays dont elle suit l'évolution avec beaucoup
d'attention.
Au sein de l'Association des nations du sud-est asiatique, la Thaïlande
ambitionne l'instauration dans la région d'une zone de stabilité et de
développement économique. Malgré une sévère crise qui a révélé, comme ailleurs
en Asie, la fragilité d'un développement fondé sur un fort endettement externe
et qui est loin d'être surmontée, elle conserve à moyen terme un fort potentiel
d'expansion.
Longtemps marquées par une certaine distance, les relations
franco-thaïlandaises se sont resserrées et témoignent aujourd'hui de réelles
convergences de vues. Les contacts bilatéraux se sont multipliés au cours des
derniers mois.
Notre coopération comporte quelques points forts dans les domaines de
l'agriculture et de la santé. Plus de 340 entreprises françaises sont
implantées en Thaïlande, et leurs salariés constituent une large part des 3 500
immatriculés de la communauté française, en rapide augmentation. La France est
le septième investisseur en Thaïlande, mais n'est que son treizième fournisseur
avec des échanges commerciaux traditionnellement déficitaires. Notre part de
marché reste limitée à 2 % des importations thaïlandaises.
Notre commission des affaires étrangères a bien entendu approuvé cette
convention d'entraide judiciaire en matière pénale, qui facilitera la
coopération judiciaire entre la France et la Thaïlande, tout en souhaitant un
renforcement des relations bilatérales dans d'autres domaines, en premier lieu
en matière d'échanges économiques.
Sous le bénéfice de ces observations, elle vous demande d'adopter le présent
projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation de la convention
d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement du Royaume de Thaïlande, signée à Paris le 11
septembre 1997, dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
10
CONVENTION SUR LA SÉCURITÉ
DU PERSONNEL DES NATIONS UNIES
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 23, 1998-1999)
autorisant la ratification de la convention sur la sécurité du personnel des
Nations unies et du personnel associé. [Rapport n° 289, (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le nombre des
opérations de maintien de la paix conduites sous l'autorité du secrétaire
général des Nations unies s'est considérablement accru depuis la fin de la
guerre froide.
Ces opérations sont, de surcroît, plus diverses et plus complexes, certaines
étant désormais créées pour mettre fin à des situations de guerre civile ou, du
moins, pour limiter l'ampleur ou les conséquences humaines de ces conflits. Il
s'est ensuivi un fort accroissement du nombre des agressions dirigées contre
les membres de ces missions. La conduite des Etats d'accueil ou des Etats de
transit a aussi, dans certains cas, provoqué de réelles difficultés.
C'est pour prendre en compte ce contexte nouveau que l'Assemblée générale des
Nations unies a adopté, le 9 décembre 1994, la convention sur la sécurité du
personnel des Nations unies et du personnel associé, que la France a bien
entendu signé, et ce dès le 12 janvier 1995.
Cette convention doit permettre d'assurer une meilleure protection des
personnels participant aux opérations de maintien de la paix des Nations unies.
Sont concernés non seulement ceux qu'on appelle les casques bleus, mais aussi
les membres d'organisations non gouvernementales ou d'institutions spécialisées
ayant passé un contrat avec le secrétariat des Nations unies.
En premier lieu sont établis les premiers éléments d'un statut pour le
personnel des Nations unies et le personnel associé.
Des marques d'identification sont prévues ; l'Etat hôte et l'Organisation des
Nations unies concluent dès que possible un accord sur le statut de l'opération
et de son personnel. L'Etat de transit doit faciliter le libre transit. Enfin,
les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour assurer la
sécurité de ces personnels qui, en cas d'arrestation, ne peuvent être soumis à
un interrogatoire et doivent être relâchés et rendus à l'ONU ou à une autre
autorité appropriée.
En second lieu, la convention vise à réprimer les atteintes portées à la
sécurité du personnel des Nations unies et du personnel associé. Elle crée
ainsi un mécanisme juridictionnel fondé sur le principe « extrader ou juger » :
chaque Etat partie doit, s'il n'extrade pas l'auteur présumé de l'une des
infractions définies par la convention, notamment les meurtres et les
enlèvements, soumettre l'affaire à ses autorités compétentes.
En résumé, la convention devrait permettre de limiter les agressions dont sont
victimes les personnels des Nations unies, civils et militaires, et ceux des
organisations non gouvernementales ayant passé un accord avec le secrétariat
des Nations unies. Elle devrait avoir un rôle dissuasif en conférant un statut
à ces personnels et en rendant plus probable le jugement de ceux qui leur
portent atteinte.
Il s'agit d'une garantie essentielle pour les Français qui sont largement
impliqués dans les opérations de maintien de la paix - la France est
actuellement le neuvième contributeur en troupes aux opérations des Nations
unies - et qui prennent largement part aux travaux des ONG. L'actualité nous
rappelle malheureusement chaque jour à quel point de telles dispositions sont
nécessaires.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention
sur la sécurité du personnel des Nations unies et du personnel associé,
convention qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre
approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, la convention que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui doit
permettre d'améliorer la sécurité des personnels des Nations unies engagés dans
des opérations de maintien de la paix ainsi que celle des personnels associés,
c'est-à-dire des personnes mises à la disposition des Nations unies par une
organisation non gouvernementale.
Cette convention du 9 décembre 1994 répond à un véritable besoin. En effet,
les risques, parfois très graves, et même mortels, encourus par le personnel de
l'ONU sur les différents théâtres opérationnels, ainsi que par les personnels
d'ONG associés à des interventions onusiennes, nous obligent à réagir.
Les chiffres sont accablants : pour la seule année 1993, on a compté plus de 1
000 morts parmi les personnels de l'ONU, dont 202 militaires. La convention a
été élaborée en réaction à cette situation inadmissible : on ne peut accepter
que le personnel des Nations unies et des organisations humanitaires fasse
l'objet d'attaques délibérées. Meurtres et enlèvements ne sont plus aujourd'hui
exceptionnels. Dans de nombreux cas, ces actes sont destinés à déstabiliser le
fonctionnement de l'opération visée.
D'autres agressions, sans se traduire par la mort des victimes, n'en
témoignent pas moins d'une volonté de s'en prendre aux acteurs d'interventions
à vocation humanitaire.
Les causes d'une telle évolution tiennent à différents facteurs d'instabilité
qui s'inscrivent dans la complexité des conflits de l'après-guerre froide et,
fréquemment, dans un climat mafieux. Ils sont souvent générés par la rareté,
donc la valeur des vivres et des médicaments apportés par les organismes
humanitaires.
Un autre facteur de vulnérabilité tient à la composante identitaire de
nombreux conflits. En effet, les populations civiles deviennent des enjeux
d'affrontements à dominante ethnique ; ceux qui s'efforcent de protéger ces
populations sont considérés à leur tour comme des ennemis et font l'objet
d'agressions.
Tel est le contexte très préoccupant de l'élaboration de la convention.
De nombreux articles de la convention portent sur la coopération pénale entre
les Etats parties. Il s'agit d'assurer la répression des infractions visées par
la présente convention, notamment en garantissant l'extradition des coupables
et en obligeant les Etats qui n'extraderaient pas ces personnes à exercer
l'action pénale. Ces dernières stipulations sont des règles classiques de la
coopération pénale internationale.
La convention du 9 décembre 1994 contribuera donc à combler un vide
juridique.
Cependant, certaines incertitudes subsistent quant au champ d'application de
ce texte en raison d'une définition ambiguë des opérations de Nations unies
précisant le champ d'application de la convention.
L'article 1er semble impliquer que la convention s'applique à toute opération
de l'ONU, quel que soit son fondement juridique dans la Charte - soit le
chapitre VI, relatif au maintien de la paix, soit le chapitre VII, relatif aux
actions coercitives - pour peu que cette opération ait été mise en oeuvre par «
l'organe compétent » des Nations unies, qu'elle soit conduite « sous l'autorité
et le contrôle » de l'ONU, et que, de surcroît, elle « vise à maintenir ou à
rétablir la paix et la sécurité internationale » ou qu'il ait été décidé par le
Conseil de sécurité ou l'Assemblée générale « qu'il existe un risque
exceptionnel pour la sécurité des personnels participant à l'opération ».
En revanche, l'article 2-2 de la convention exclut les actions coercitives,
c'est-à-dire les opérations fondées en tout ou partie sur le chapitre VII et
dans le cadre desquelles « du personnel est engagé comme combattant contre des
forces armées organisées ».
Dans cet esprit, des interventions comme Tempête du désert ou l'opération
Alba, force de protection de six mille hommes déployés entre avril et août 1997
en Albanie, sont exclues du champ d'application de la convention, au profit du
droit des conflits armés internationaux.
La rédaction de l'article 2-2 ne résout donc pas les difficultés posées par
les interventions hybrides, auxquelles participent des personnes intervenant à
titre militaire et humanitaire. Ces personnes seraient-elles exclues de la
protection liée à l'application de la présente convention, dès lors qu'elles
interviennent en vertu d'une mission intégrant des éléments du chapitre VII
?
Enfin, il semble que l'application de la présente convention suppose
l'existence préalable d'une opération des Nations unies. Ainsi, l'enlèvement de
Vincent Cochetel, en 1998, n'aurait pas été intégré dans le champ d'application
de la convention si celle-ci avait pu être invoquée au moment des faits, car il
n'existe pas d'opération des Nations unies en Ossétie du Nord, dans la
Fédération de Russie, et que, par ailleurs, le Caucase n'est pas classé parmi
les régions du monde induisant un « risque exceptionnel » pour les personnels
qui y sont engagés, ce qui est très surprenant.
Dans cette logique, on peut se demander si la présente convention pourrait
s'appliquer à l'intervention du Haut-Commissariat pour les réfugiés dans le
cadre de la crise du Kosovo. En d'autres termes, cette zone est-elle considérée
comme présentant un risque majeur pour les personnels qui y sont engagés ?
En conclusion, cette convention, si elle constitue une avancée, apparaît
néanmoins comme un texte de circonstance traduisant la prise de conscience
internationale d'un problème majeur qui n'ira pas en s'atténuant. C'est surtout
un pas franchi par la communauté internationale en direction d'une prise de
conscience vigilante des dangers liés à une intervention humanitaire dans des
régions sensibles. Cette convention vient compléter les conventions de Genève
de 1949.
Au demeurant, je serai moins optimiste que vous, monsieur le ministre, car on
peut douter, à mon avis, de sa réelle efficacité et imaginer que la punition
des Coupables passera plus par l'intervention de la cour pénale internationale
que par la mise en oeuvre des procédures de coopération qu'elle instaure.
Notons de plus que le statut de Rome de 1998, qui a institué la Cour pénale
internationale, définit précisément les agressions visées par la présente
convention. Il qualifie de crime de guerre relevant de la compétence de cette
juridiction « le fait de lancer des attaques délibérées contre le personnel,
les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le
cadre d'une mission d'aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à
la Charte des Nations unies ».
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères,
de la défense et des formes armées vous invite, mes chers collègues, à adopter
le projet de loi autorisant la ratification de la convention du 9 décembre
1994.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique
. - Est autorisée la ratification de la convention sur
la sécurité du personnel des Nations unies et du personnel associé, adoptée à
New York, le 9 décembre 1994 et signée par la France, le 12 janvier 1995, et
dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
11
accords avec l'italie relatifs à la coopération transfrontalière et aux
personnes en situation irrégulière
Adoption de deux projets de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 162, 1998-1999) autorisant l'approbation de l'accord
entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière
policière et douanière [Rapport n° 381 1998-1999).]
- et du projet de loi (n° 357, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale,
autorisant la ratification d'un accord entre la République française et la
République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation
irrégulière (ensemble une annexe). [Rapport n° 381 1998-1999)].
La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion
générale commune de ces deux projets de loi.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, j'ai l'honneur de
soumettre aujourd'hui au vote de votre assemblée deux projets de loi relatifs à
la coopération franco-italienne, l'un concernant la coopération
transfrontalière en matière policière et douanière, l'autre la réadmission des
personnes en situation irrégulière.
Ces accords s'inscrivent dans le cadre de la politique européenne en matière
de libre circulation des personnes. Initiée sur la base de la convention de
Schengen, cette politique deviendra progressivement une véritable politique
commune puisque les dispositions de la convention de Schengen ont été
introduites dans les traités à Amsterdam.
L'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement
de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière
policière et douanière a pour objectif de renforcer la coopération entre les
autorités et les services de police et de douane afin de prévenir les menaces à
la sécurité et à l'ordre public et de lutter plus efficacement contre la
criminalité, notamment dans le domaine de l'immigration irrégulière et des
trafics illicites.
En effet, l'article 39 de la convention d'application de Schengen impose aux
Etats parties un devoir d'assistance entre leurs services de police aux fins de
la prévention et de la recherche de faits punissables. Il précise que, dans les
régions frontalières, la coopération peut être réglée par des arrangements
entre les ministres compétents des parties contractantes et souligne que les
dispositions de cet article ne font pas obstacle aux accords bilatéraux plus
complets présents et futurs entre parties contractantes ayant une frontière
commune.
Afin de développer la coopération policière avec les Etats membres voisins et
parties aux accords de Schengen, la France a donc engagé des négociations en
juillet 1997 dans la perspective de la mise en vigueur de la convention
d'application de l'accord de Schengen en Italie. La forte volonté politique de
nos deux pays d'aboutir rapidement dans un domaine essentiel a permis la
signature de l'accord par les ministres de l'intérieur des deux pays, dès le 3
octobre 1997 à Chambéry, lors d'un sommet franco-italien.
Cet accord permettra aux services de police et de douane, au sein de centres
communs, de procéder très largement et rapidement à des échanges
d'informations, ainsi qu'à la réadmission de ressortissants d'Etats tiers, et
d'organiser la coordination des mesures conjointes de surveillance dans les
zones frontalières respectives. Les sites retenus pour accueillir ces centres
de coopération policière et douanière sont Vintimille et Modane.
Police et douane pourront aussi coopérer directement, en veillant à coordonner
leurs actions communes dans la zone frontalière, en recueillant et échangeant
des informations en matière policière et douanière. Des agents de ces services
pourront être détachés en tant que fonctionnaires de liaison auprès de l'autre
partie dans le cadre de l'accord.
Ainsi, cet accord complète utilement les dispositions de la convention
d'application de Schengen. Etant donné le rôle de l'Italie au niveau européen
et l'importance stratégique de la frontière franco-italienne, cet accord est
d'un intérêt considérable pour la France : il facilitera la coopération et
l'échange d'informations dans plusieurs domaines importants.
La Haute Assemblée a souhaité joindre à la présentation de ce texte l'accord
entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la
République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation
irrégulière.
La France et l'Italie étaient jusqu'à présent liées par un accord du 6
décembre 1990 relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière,
qu'il s'agisse des ressortissants des deux pays ou des ressortissants d'Etats
tiers. L'application de cet accord a mis en lumière certaines imperfections.
Aussi les gouvernements français et italien ont-ils négocié et signé un nouvel
accord à Chambéry, le 3 octobre 1997. Il vise à organiser le retour sur le
territoire de l'un des deux Etats parties, après accord entre les autorités
chargées des contrôles aux frontières, de tout ressortissant de l'Etat requis
ou d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions
d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de l'Etat requérant. Il
organise aussi le transit sur le territoire de l'Etat requis d'un ressortissant
d'un Etat tiers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement.
L'accord énumère les documents permettant de prouver la nationalité des
ressortissants italiens et français et ceux qui permettent de la présumer.
Lorsque les éléments de présomption s'avèrent insuffisants, les autorités
consulaires compétentes ont la possibilité de procéder à l'audition de la
personne à éloigner dans un délai de trois jours à compter de la demande de
réadmission afin qu'un laissez-passer puisse être émis durant le délai légal de
la rétention administrative.
La réadmission des ressortissants d'Etats tiers en situation irrégulière peut
intervenir directement entre autorités frontalières dans les deux cas suivants
: lorsqu'il est établi qu'ils ont séjourné ou transité sur le territoire de
l'Etat requis ou lorsqu'il apparaît qu'ils disposent d'une autorisation de
séjour en cours de validité délivrée par l'Etat requis. Cette disposition
constitue une rupture avec l'accord précédent, qui exigeait, dans la majorité
des cas, la consultation des autorités centrales.
L'accord de Chambéry comporte également certaines dispositions novatrices
relatives au transit aérien ou terrestre pour l'éloignement des ressortissants
d'Etats tiers. Il prévoit ainsi la possibilité de faire assurer l'escorte de
l'étranger sur le territoire de l'Etat requis par des agents de l'Etat
requérant placés sous l'autorité des services compétents de l'Etat requis.
Ainsi, comme vous le voyez, ces accords doivent être considérés comme faisant
partie d'un dispositif d'ensemble plus large, dont l'objectif, conformément au
traité d'Amsterdam, est bien de mettre en place un espace de sécurité, de
liberté et de justice. Ces trois dimensions fondamentales, qui vont donner
lieu, pour la première fois, à un Conseil européen à Tampere, sous la
présidence finlandaise, sont indissociables et leur mise en oeuvre doit
progresser de manière équilibrée.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'accord relatif à
la coopération transfrontalière en matière policière et douanière et l'accord
relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière signés par la
France et l'Italie à Chambéry, le 3 octobre 1997, qui font l'objet des projets
de loi aujourd'hui soumis à votre approbation, répondent pleinement à cette
préoccupation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, l'examen des deux accords signés entre la France et l'Italie
pourrait, à première vue, s'inscrire dans une procédure de tradition consistant
à renouveler périodiquement les traités ou conventions qui, depuis plus d'un
siècle, rythment les relations aux frontières entre nos deux pays.
En réalité - vous l'avez souligné, monsieur le ministre - ces accords
s'inscrivent dans le cadre nouveau défini par la nouvelle organisation de
circulation aux frontières prévue par les accords de Schengen, qui ont
entièrement réformé les conditions de contrôle aux frontières.
A l'évidence, les deux textes soumis à notre approbation ainsi, d'ailleurs,
que les deux accords suivants, que j'aurai l'honneur de rapporter tout à
l'heure, doivent être analysés sous un éclairage nouveau, en prenant en compte,
d'une part, la profonde évolution des droits de contrôle aux frontières,
d'autre part, la responsabilité nouvelle des Etats engagés dans un dispositif
intégré concernant l'ensemble de l'espace européen.
Je rappellerai d'abord que l'accord de Schengen, signé en 1985, et dont les
modalités de mise en oeuvre ont été précisées par la convention d'application
du 19 juin 1990, a procédé à deux modifications fondamentales qui éclaireront
la totalité des accords que nous serons appelés à passer dans les années à
venir : d'une part, la suppression des contrôles fixes aux frontières
intérieures des Etats signataires et, d'autre part, le report de ces contrôles
aux frontières extérieures communes avec les Etats non adhérents. Les accords
de Schengen ont ainsi donné naissance à deux notions inédites : les frontières
intérieures et les frontières extérieures.
En l'occurrence, nous sommes dans le cadre des frontières intérieures pour
l'examen des deux conventions franco-italiennes et de la convention
franco-allemande. En revanche, la convention franco-suisse se situe dans un cas
de figure totalement différent dans la mesure où la France a une frontière
extérieure avec ce pays.
S'agissant des frontières intérieures, vous l'avez souligné, monsieur le
ministre, la suppression des contrôles fixes ne doit en aucun cas affaiblir la
sécurité des Etats. C'est pourquoi la convention de Schengen avait, pour la
première fois, prévu un certain nombre de règles communes en matière de lutte
contre la criminalité et, dans les articles 31 et 39, le renforcement de la
convention policière bilatérale sur la base d'« arrangements » ou d'« accords
bilatéraux » entre les parties contractantes ayant une frontière commune. Les
deux accords franco-italiens que nous examinons s'inscrivent dans ce cadre,
l'Italie ayant été autorisée à mettre en oeuvre la convention de Schengen le 26
octobre 1997.
L'Italie s'est vu attribuer, de ce fait, une responsabilité particulière à ses
propres frontières puisqu'elle est devenue, du même coup, gardienne de la
frontière extérieure commune des treize Etats signataires des accords de
Schengen. Dès lors, l'application des accords qui nous sont soumis dépendra,
dans une certaine mesure, de la contribution que l'Italie pourra apporter au
contrôle de l'immigration à ses frontières, essentiellement sur ses côtes,
particulièrement perméables à l'immigration clandestine, nous le savons.
L'Italie a été durablement et fortement marquée par une tradition
d'émigration. En fait, l'immigration constitue pour ce pays un problème
nouveau, qui ne se pose vraiment que depuis les deux dernières décennies.
Cette mutation sociologique et économique explique, d'une part, la relative
indulgence dont l'immigration irrégulière a bénéficié en Italie et, d'autre
part, l'inadaptation de beaucoup des procédures et de certains des
comportements administratifs vis-à-vis de cette question nouvelle. Certes,
l'Italie a adopté en février 1998 une nouvelle loi-cadre en matière
d'immigration, mais les habitudes, les traditions sont longues à changer.
J'en veux pour preuve les opérations massives de régularisation d'étrangers
clandestins auxquelles l'Italie procède périodiquement. Ainsi, le dernier
mouvement de régularisation a porté sur 250 000 clandestins sans que la moindre
concertation ait été entreprise au sein de l'Union européenne, alors que cette
décision a des effets durables sur l'ensemble de l'espace Schengen, auquel
l'Italie a tant désiré adhérer.
La situation italienne soulève d'autant plus d'inquiétude que l'Italie doit
assurer la surveillance d'une frontière maritime de quelque 8 000 kilomètres et
qu'elle est soumise à une pression migratoire très forte en provenance du
Maghreb et des Balkans. Il n'est pas nécessaire ici d'insister sur les
répercussions de la crise du Kosovo, qui pèseront de manière durable sur les
mouvements migratoires vers l'Italie et l'Union européenne.
L'accord de coopération transfrontalière et l'accord de réadmission
paraissent, dans ce contexte, tout à fait opportuns. Ils permettrront de
renforcer la sécurité sans compromettre le principe de libre circulation sur
notre frontière intérieure.
Je ne reviendrai pas sur le dispositif de ces deux textes, que vous avez déjà
présenté, monsieur le ministre. Je relèverai simplement, pour m'en réjouir, que
l'accord de coopération s'inscrit dans une nouvelle conception de la
surveillance des frontières, conception que, pour ma part, j'ai défendue dès la
mise en oeuvre des accords de Schengen. Il s'agit de substituer aux contrôles
fixes linéaires, supprimés par Schengen, un système plus efficace de contrôles
aléatoires sur une bande élargie de part et d'autre de la frontière. On créera
ainsi une zone d'insécurité pour les clandestins, ce qui est le meilleur gage
de notre sécurité intérieure.
Les centres de coopération policière et douanière de Vintimille et de Modane
sont-ils à la mesure des besoins ? L'avenir le dira. En tout état de cause,
c'est là un début et sans doute le moyen de rapprocher progressivement deux
politiques qui, en matière d'immigration, se rattachent jusqu'ici à des
traditions profondément différentes.
Les deux accords ont pour mérite de préciser les procédures de concertation,
d'interventions communes et renforcer ainsi notre coopération. Ils permettent
surtout d'inscrire cette coopération dans un système plus efficace et plus
adapté aux réalités de l'immigration dans le contexte créé par la libre
circulation des personnes au sein de l'Union européenne.
C'est pourquoi la commission vous propose, mes chers collègues, l'adoption de
ces deux projets de loi tout en rappelant cependant que la signature d'accords
bilatéraux ne doit pas nous exonérer d'entreprendre, à l'échelle de l'Union
européenne, une véritable réflexion sur les objectifs communs et les moyens que
les Etats sont prêts à mettre en oeuvre pour faire face à la question de
l'immigration, qui risque de se poser, vous le savez, monsieur le ministre,
avec une acuité plus grande encore dans les années à venir.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
PROJET DE LOI N° 162
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 162.
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et
douanière, signé à Chambéry le 3 octobre 1997, et dont le texte est annexé à la
présente loi. »
La parole est à M. Lesbros pour explication de vote.
M. Marcel Lesbros.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais
saisir l'occasion de l'examen de ce projet de loi, que j'approuve sans réserve,
pour évoquer un aspect particulier de la coopération et les relations
franco-italiennes.
Je représente un département frontalier, les Hautes-Alpes, qui entretient avec
l'Italie, notamment la région de Turin, des rapports à la fois commerciaux et
amicaux très importants. Cela explique que les habitants de mon département
aient particulièrement à coeur le problème des communications avec l'Italie. Je
me permets de profiter de votre présence au Sénat, monsieur le ministre, pour
l'évoquer ce matin.
A l'unanimité, les élus du département - parlementaires, conseillers généraux
et maires - ont demandé que soit réalisée une étude portant sur une percée
alpine sous le mont Genèvre.
Je m'en suis entretenu avec M. Gayssot et je souhaite que, en tant que
ministre délégué chargé des affaires européennes, vous puissiez appuyer notre
demande.
Les relations avec un pays passent, au premier chef, par l'établissement d'un
système de communications et, dans cette région de montagne, nous considérons
qu'une percée ferroviaire sous le mont Genèvre est, à cet égard,
indispensable.
Pour avoir rencontré à plusieurs reprises la présidente de la région de Turin,
je crois pouvoir dire que le Gouvernement italien serait également favorable à
un tel équipement.
Ce projet a aussi reçu le soutien de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Nous avons d'ailleurs la volonté d'inscrire en priorité dans le XIIe Plan, qui
est en cours de préparation, les études relatives à cette percée
ferroviaire.
Partisan d'une coopération de plus en plus poussée entre les deux pays amis
que sont la France et l'Italie, je serais très heureux de vous voir nous
apporter votre appui pour que, au-delà du rapprochement entre nos deux peuples,
soient en outre approfondies les relations économiques franco-italiennes.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Jean-Luc Bécart.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(Le projet de loi est adopté.)
PROJET DE LOI N° 357
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 357.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation d'un accord entre la
République française et la République italienne relatif à la réadmission des
personnes en situation irrégulière (ensemble une annexe), signé à Chambéry le 3
octobre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(Le projet de loi est adopté.)
12
ACCORD AVEC L'ALLEMAGNE RELATIF
A` LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 161, 1998-1999)
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la
coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les
autorités douanières (ensemble une déclaration). [Rapport n° 377
(1998-1999)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'accord qui a été signé avec
l'Italie, l'accord entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération
dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités
douanières, signé à Mondorf-les-Bains le 9 octobre 1997, constitue une des
mesures compensatoires rendues nécessaires par la libre circulation des
personnes et la levée des contrôles aux frontières entre la France et
l'Allemagne.
Il a le même objectif que l'accord franco-italien dont nous venons de débattre
et permettra une meilleure coopération entre les autorités et les services de
nos deux pays. Ainsi, la sécurité et l'ordre public seront mieux protégés, et
la prévention comme la recherche de faits punissables seront rendues plus
efficaces. Il va de soi que la lutte contre les trafics illicites et
l'immigration irrégulière, qui constitue l'une de nos préoccupations communes,
sera également facilitée.
La négociation de cet accord s'est fondée sur le même modèle de convention
transfrontalière et douanière qu'avec nos autres partenaires de l'Union. Ce
modèle a toutefois été adapté, de manière à tenir compte de la structure
fédérale de l'organisation des services répressifs allemands.
Dans le cadre de cet accord, des centres communs seront créés, afin de
permettre aux autorités concernées d'effectuer des échanges d'informations et
de coordonner des actions qui nécessitent l'implication des services de
plusieurs secteurs. Le premier centre de coopération policière et douanière
sera situé à Offenburg, en Allemagne.
La coordination est définie de façon large, comprenant : l'harmonisation de
mesures de recherche et de surveillance dans la zone frontalière ;
l'harmonisation d'interventions et de mesures de recherche transfrontalières ;
les activités de soutien pour l'exécution technique des mesures d'observation
et de poursuite transfrontalières ; des mesures de préparation et d'assistance
dans la remise d'étrangers sur la base des conventions applicables entre les
parties.
Des agents policiers et douaniers pourront être détachés en tant que
fonctionnaires de liaison auprès de l'autre partie dans le cadre de
l'accord.
La coordination de l'intervention des forces et l'institution de groupes
mixtes de contrôle, d'observation et de recherche pourront conduire à
l'établissement de plans en commun ainsi qu'à la préparation de programmes
communs de prévention de la criminalité.
L'Allemagne, pour sa part, a déjà ratifié cet accord en septembre 1998.
Celui-ci devrait renforcer encore la coopération franco-allemande dans un
domaine où elle est, comme vous le savez, depuis longtemps, très développée.
Cet accord lui conférera un caractère plus systématique et donc une efficacité
accrue. Il s'agit d'un maillon indispensable dans le dispositif que nous
voulons mettre en place pour faire de l'Europe un espace de sécurité, de
liberté et de justice.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
principales observations qu'appelle l'accord entre le gouvernement de la
République française et le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne
relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de
police et les autorités douanières qui fait l'objet du projet de loi
aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Je ne reviendrai ni sur le dispositif d'un texte que vous
venez d'exposer, monsieur le ministre, ni sur le contexte général d'un accord
que j'ai évoqué en présentant les deux conventions signées avec l'Italie.
Je limiterai mes observations à trois points.
L'Allemagne a une responsabilité particulièrement importante vis-à-vis des
Etats partenaires de l'espace Schengen. Ce n'est pas parce que nous examinons
en ce moment un accord concernant notre frontière rhénane que nous devons
sous-estimer le rôle que l'Allemagne est conduite à jouer, pour l'ensemble de
l'Europe de l'Ouest, en matière de contrôle de ses frontières orientales,
notamment le long de l'Oder. Ce sont, pour le compte des Treize, toutes les
routes traditionnelles de l'immigration venant de l'Est et du Sud que
l'Allemagne a ainsi la responsabilité de contrôler, une immigration qui se
retrouve
ipso facto
sur nos frontières dès lors que l'Allemagne a
accepté de la laisser franchir les siennes.
Une forte pression s'exerce donc aux frontières terrestres avec les pays
d'Europe centrale et orientale. C'est ainsi qu'en 1998 les autorités allemandes
auront procédé à près de 37 000 interpellations de clandestins. Le contrôle aux
frontières intérieures, en application des articles 31 et 39 du traité de
Schengen, prévoyant des conventions et arrangements bilatéraux entre Etats
européens, parce qu'il est aujourd'hui intégré dans l'Union européenne,
renforce le dispositif extérieur commun sans pour autant compromettre la libre
circulation.
Ce constat a conduit l'Allemagne, qui avait progressivement réduit les
effectifs chargés de la surveillance aux frontières intérieures, au moment de
l'entrée en vigueur de la convention d'application de l'accord de Schengen, à
renforcer les effectifs des agents affectés aux contrôles des frontières
intérieures, les faisant passer de 200 à 1 000 en trois ans.
Ma deuxième observation portera sur la particularité de l'organisation de la
politique de contrôle aux frontières allemandes compte tenu de la structure
fédérale de ce pays et des compétences reconnues aux
Länder
en la
matière.
Le
Land
de Bavière, en particulier, se montre très exigeant sur le
maintien de la sécurité à ses frontières. Il a d'ailleurs une large part de
responsabilité dans les prises de positions rigoureuses de l'Allemagne
vis-à-vis de l'intégration de l'Italie au sein de l'« espace Schengen ».
L'intervention des
Länder
constitue parfois un facteur de complexité
dans la coopération policière : les quatre
Länder
frontaliers de la
France sont ainsi concernés par les accords de coopération franco-allemands.
Je voudrais souligner - ce sera ma troisième observation - l'ancienneté et
aussi la solidité de la coopération entre les forces de sécurité de la France
et de l'Allemagne. Le présent accord, de ce point de vue, vient consacrer des
liens noués sur le terrain et leur confère une assise juridique incontestable
sur le plan international. Toutefois, il faut aussi regretter que les moyens
n'aient pas toujours suivi les ambitions. Ainsi, les autorités
franco-allemandes avaient projeté la création, au cours de cette décennie, de
quatre commissariats communs. Un seul finalement aura vu le jour, celui de
Strasbourg-Pont-de-l'Europe, auquel le centre commun d'Offenburg, issu du
nouvel accord de coopération, est d'ailleurs appelé à se substituer. Il
convient de souhaiter que les autres projets, pour certains d'ailleurs très
avancés, puissent voir le jour.
C'est au bénéfice de ces observations que la commission vous propose, mes
chers collègues, l'adoption du présent projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans leurs zones frontalières
entre les autorités de police et les autorités douanières (ensemble une
déclaration) signé à Mondorf-les-Bains le 9 octobre 1997 et dont le texte est
annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(Le projet de loi est adopté.)
13
ACCORD AVEC LA SUISSE RELATIF
À LA RÉADMISSION DES PERSONNES
EN SITUATION IRRÉGULIÈRE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 315, 1998-1999)
autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République
française et le Conseil fédéral suisse relatif à la réadmission des personnes
en situation irrégulière. [Rapport n° 379 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France et la
Suisse sont, jusqu'à présent, liées par un accord signé à Berne le 30 juin 1965
relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, qu'il s'agisse
des ressortissants des deux pays ou des ressortissants d'Etats tiers.
Cet accord s'est révélé, dans son application, aussi peu satisfaisant que dans
le cas de l'accord de réadmission franco-italien.
Il est aussi imprécis dans ses dispositions concernant les nationaux, en
l'absence d'éléments permettant de prouver ou de présumer leur nationalité.
S'agissant des ressortissants d'Etats tiers, il n'autorise leur réadmission,
sans formalités, que dans des conditions extrêmement restrictives.
Enfin, là encore, les dispositions relatives au transit des ressortissants
d'Etats tiers en vue de leur éloignement vers leur pays d'origine ou de
destination ne permettent pas, du fait de leur caractère très succinct, de
prévenir des litiges qui peuvent intervenir lors de ces opérations de
reconduite.
C'est pour ces raisons qu'un nouvel accord a été négocié et signé à Berne le
28 octobre 1998.
Ce texte vise, sur une base de réciprocité et après accord entre les autorités
chargées des contrôles aux frontières, à organiser, d'une part, le retour sur
le territoire de l'une des parties contractantes de toute personne -
ressortissant de la partie requise ou d'un Etat tiers - qui ne remplit pas ou
ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur l'autre
et, d'autre part, le transit sur le territoire de la partie requise d'un
ressortissant d'un Etat tiers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement.
Sont énumérés les documents permettant de prouver la nationalité des
ressortissants des deux parties contractantes et ceux qui permettent de la
présumer. Lorsque les éléments de présomption se révèlent insuffisants, les
autorités consulaires compétentes ont la possibilité de procéder à l'audition
de la personne à éloigner dans un délai de trois jours à compter de la demande
de réadmission, afin qu'un laissez-passer puisse être délivré durant le délai
légal de la rétention administrative.
La réadmission des ressortissants d'Etats tiers en situation irrégulière peut
intervenir directement entre les autorités frontalières, lorsqu'il est établi
qu'ils ont séjourné ou transité sur le territoire de la partie requise et
qu'ils ne résident pas depuis plus de six mois sur le territoire de la partie
requérante. Cette disposition constitue une rupture avec l'accord précédent,
qui exige, dans la majorité des cas, la consultation des autorités
centrales.
Des exceptions à l'obligation de réadmission existent toutefois. Elles
concernent notamment les personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou
d'apatride, ou ayant été mises en possession d'un visa ou d'une autorisation de
séjour par la partie requérante, ainsi que les ressortissants d'Etats tiers
ayant une frontière commune avec la partie requérante.
Le présent accord comporte également, comme l'accord de réadmission
franco-italien de 1997, certaines dispositions novatrices relatives au transit
aérien ou terrestre pour l'éloignement des ressortissants d'Etats tiers.
Il prévoit ainsi la possibilité de faire assurer l'escorte de l'étranger sur
le territoire de la partie requise par des agents soit de la partie requérante
uniquement, soit des deux parties contractantes, l'escorte de la partie
requérante étant placée dans les deux cas sous l'autorité des services
compétents de la partie requise. Les agents d'escorte assurent alors leur
mission en civil et sans armes et le transit par voie terrestre doit
s'effectuer dans un véhicule banalisé.
Par ailleurs, dans cet accord est posé le principe de l'assimilation d'un
refus d'embarquement sur le territoire de la partie requise à un refus
d'embarquement sur celui de la partie requérante.
Ainsi, comme vous le constatez par l'extrême similitude des termes que
j'emploie, nous nous situons ici, en fait, dans la même logique que pour les
accords signés avec les pays partenaires de l'Union. La Suisse n'a pas choisi
de rejoindre l'Union, mais il est de nore intérêt, compte tenu de sa situation
géographique et de l'étroitesse des liens que nous entretenons avec ce pays, de
l'associer étroitement à notre politique dans les domaines de l'asile et de
l'immigration. Berne a d'ailleurs demandé, de son côté, à être associée à la
coopération Schengen, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord entre
le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif
à la réadmission des personnes en situation irrégulière qui fait l'objet du
projet de loi soumis aujourd'hui à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, mes chers collègues, là encore, je
ne reviendrai pas sur l'analyse de l'accord de réadmission qui a été signé à
Berne le 28 octobre 1998 à laquelle, monsieur le ministre, vous venez de
procéder à l'instant.
A l'instar des deux autres accords que nous venons d'approuver, la portée de
ce texte dépasse le seul cadre bilatéral des relations franco-suisses. En
effet, notre frontière avec la Suisse constitue la seule frontière extérieure
terrestre de l'espace Schengen dont la France ait la garde. Le renforcement de
notre coopération policière avec la Suisse, dont cet accord est un élément, est
le gage d'une plus grande sécurité aux frontières, non seulement pour nous,
mais aussi pour ceux au nom desquels nous avons à assumer une responsabilité
aux termes de l'accord relatif à l'espace Schengen.
Telle est la perspective générale dans laquelle s'inscrit un accord qu'il
convient d'éclairer de trois observations de nature différente mais
complémentaire.
La Suisse, compte tenu de sa position au coeur de l'Europe et aussi de
l'importance de sa population étrangère, apparaît comme un pôle d'attraction
croissant pour les immigrés. La Suisse est ainsi, depuis 1997,
proportionnellement à sa population, le pays d'asile le plus sollicité de
l'Occident. Cependant, moins de 10 % seulement de ces demandes ont abouti à une
réponse positive. La Suisse a en effet le souci de contenir une population
étrangère qui représente déjà, avec 1,5 million de personnes, 19 % de sa
population totale.
Toutefois, la pression migratoire s'est beaucoup accrue aux frontières suisses
ces temps-ci, en relation directe avec les événements dans les Balkans. Ainsi,
en 1997, une immigration irrégulière avait été observée du fait du départ
d'immigrés albanais d'Italie à l'expiration de leur droit de séjour dans ce
pays. De tels mouvements ne manqueront pas de se reproduire dans les mois qui
viennent.
Cette pression migratoire a d'ailleurs conduit la Suisse à rechercher une plus
grande coopération avec l'ensemble des Etats parties à Schengen et même à
souhaiter une intégration progressive au sein de l'espace Schengen.
Nous avons regretté, au sein de la commission des affaires étrangères, que ces
ouvertures se soient heurtées jusqu'ici à une fin de non-recevoir de la part de
certains de nos partenaires sous prétexte qu'il n'y avait pas lieu de donner à
la Suisse les avantages d'une coopération « à la carte », alors même qu'elle se
refuse à adhérer à l'Union européenne. On pourrait cependant remarquer, d'une
part, que la Norvège et l'Islande, qui ne sont pas membres de l'Union
européenne, participent cependant à la coopération Schengen et, d'autre part,
que les intérêts même de la sécurité au sein de l'espace Schengen commandent un
renforcement de la coopération avec la Confédération helvétique.
Notre pays, quant à lui, et il faut s'en féliciter, prône un développement
progressif de la coopération avec la Suisse dans les domaines couverts par la
convention Schengen.
Je soulignerais enfin que les contacts entre les forces de sécurité de nos
deux pays ont beaucoup progressé au cours des dernières années. J'en veux pour
preuve les réunions franco-suisses organisées depuis 1996 sur les questions de
sécurité, dont la dernière s'est tenue à Bâle le 16 avril dernier. Ces
rencontres, qui ont permis de recenser les problèmes qui se posaient à la
frontière, ont préparé le terrain pour la signature de nouveaux accords, parmi
lesquels le présent accord de réadmission ainsi qu'un accord encore non ratifié
de coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière
destiné notamment à lutter contre l'immigration clandestine. Ce dernier accord,
que nous attendons dans les semaines ou les mois à venir, améliorera le
contrôle de l'immigration entre la Suisse et la France et renforcera ainsi
l'esprit de coopération qui doit animer nos deux pays.
Dans la mesure où le présent accord de réadmission assouplit les conditions de
réadmission des personnes en situation irrégulière et favorise ainsi une plus
grande coopération policière, favorable à la France mais aussi, ne n'oublions
pas, à l'ensemble des Etats de l'espace Schengen, la commission des affaires
étrangères vous invite, mes chers collègues, à approuver ce projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à
la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Berne le 28
octobre 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures,
sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
14
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat :
Mercredi 2 juin 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente, à quinze heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, portant création d'une couverture maladie universelle (n° 338,
1998-1999).
Jeudi 3 juin 1999 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi portant création d'une couverture maladie
universelle.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 8 juin 1999 :
A neuf heures trente :
1° Dix-neuf questions orales sans débat.
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 469 de M. Paul Girod à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes
entreprises, au commerce et à l'artisanat (fixation d'une date unique des
soldes sur l'ensemble de l'Hexagone) ;
N° 494 de M. Yann Gaillard à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(accueil des enfants handicapés en établissement d'enseignement spécialisé)
;
N° 498 de M. Bernard Piras à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(conditions d'attribution de certaines prestations sociales) ;
N° 509 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (politique des transports en Val-d'Oise) ;
N° 514 de M. André Vallet à M. le ministre de l'intérieur (répartition des
compétences financières entre collectivités territoriales en matière
d'équipements sportifs) ;
N° 516 de M. Jean Besson transmise à M. le secrétaire d'Etat au budget (baisse
de la TVA sur les activités de restauration et de tourisme) ;
N° 521 de M. Georges Mouly à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(niveau de ressources des personnes handicapées) ;
N° 524 de M. Xavier Darcos à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (demande d'une convocation d'états généraux pour régler en urgence
les difficultés du secteur français du cuir, de la chaussure et du
textile-habillement) ;
N° 526 de M. Bernard Murat à Mme le ministre de la jeunesse et des sports
(relations entre les clubs sportifs professionnels et les collectivités
locales) ;
N° 529 de M. Paul Natali à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (suppression du pool des risques aggravés en Corse) ;
N° 532 de M. Daniel Hoeffel à M. le ministre de la défense (institutions
françaises situées en Allemagne) ;
N° 535 de M. Christian Bonnet à M. le ministre de l'intérieur (chiffres
respectifs des préfets en poste territorial et des préfets chargés d'une
mission de service public relevant du Gouvernement) ;
N° 536 de M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra à M. le ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (dispositions
relatives à l'attribution de l'indemnité compensatrice de transports pour les
fonctionnaires de Corse) ;
N° 537 de M. Philippe Marini à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (lenteur du processus d'indemnisation des porteurs d'emprunts
russes) ;
N° 538 de M. Christian Demuynck à Mme le garde des sceaux, ministre de la
justice (carences du système judiciaire en matière d'atteintes aux
représentants de l'ordre public) ;
N° 540 de M. Philippe Arnaud à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et
moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat (aides aux commerçants en
zone rurale) ;
N° 543 de M. Jean-Pierre Demerliat à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (aménagement de la RN 147 entre Poitiers et Limoges)
;
N° 545 de M. Michel Esneu à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et
de l'environnement (conditions d'application de la directive SEVESO) ;
N° 547 de M. Marcel Bony à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action
sociale (situation du thermalisme).
A seize heures et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives (n°
269, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé au lundi 7 juin, à dix-sept heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
Mercredi 9 juin 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif à
l'épargne et à la sécurité financière (A.N., n° 1600).
La conférence des présidents a fixé au mardi 8 juin, à dix-sept heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
Jeudi 10 juin 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente et à quinze heures :
1° Projet de loi portant approbation d'un avenant à la concession concernant
la conception, le financement, la construction et l'exploitation d'une liaison
fixe à travers la Manche, signée le 14 mars 1986 (n° 326, 1998-1999).
2° Projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques (n° 555, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 8 juin, à dix-sept heures, le délai limite pour le depôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion
générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 9 juin
1999.
Mardi 15 juin 1999 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour établi en application de l'article 48,
dernier alinéa, de la Constitution
1° Eventuellement, conclusions de la commission des affaires économiques sur
:
- la proposition de loi de Mme Hélène Luc, MM. Ivan Renar, Jack Ralite, Mme
Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole
Borvo, MM.
Jean Dérian,
Michel Duffour, Guy Fischer, Pierre Lefebvre,
Paul Loridant,
Louis Minetti
, Robert Pagès et Mme Odette Terrade tendant
à améliorer la représentation parlementaire au sein de l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (n° 436, 1997-1998) ;
- et la proposition de loi de MM. Henri Revol, Marcel Deneux, Charles
Descours, Pierre Laffitte et Franck Sérusclat tendant à modifier l'article 6
ter
de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 modifiée, relative au
fonctionnement des assemblées parlementaires (n° 235, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé au lundi 14 juin 1999, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ces conclusions.
2° Question orale avec débat n° 13 de Mme Nicole Borvo à M. le secrétaire
d'Etat à la santé et à l'action sociale sur la disparition de la gynécologie
médicale.
En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement,
la conférence des présidents a fixé à une heure trente minutes la durée globale
du temps dont disposeront, dans le débat sur cette question, les orateurs des
divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le lundi 14 juin 1999.
A seize heures :
Ordre du jour prioritaire
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, renforçant la protection
de la présomption d'innocence et les droits des victimes (n° 291,
1998-1999).
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 14 juin, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 14 juin
1999.
Mercredi 16 juin 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A dix heures trente, à quinze heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, renforçant la
protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (n° 291,
1998-1999).
Jeudi 17 juin 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente et à quinze heures :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, renforçant la
protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (n° 291,
1998-1999).
Mardi 22 juin 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A dix heures trente :
1° Discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée
nationale, portant création de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores
aéroportuaires (n° 358, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé au lundi 21 juin 1999, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
2° Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi
tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans
(A.N., n° 1588).
La conférence des présidents a fixé au lundi 21 juin, à dix-sept heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
3° Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi
modifiant l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des
chèques-vacances (A.N., n° 1590).
La conférence des présidents a fixé au lundi 21 juin 1999, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
A seize heures et le soir :
4° Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin.
5° Sous réserve de sa transmission, projet de loi de règlement du budget 1997
(A.N., n° 1277).
6° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, d'orientation
budgétaire.
La conférence des présidents a fixé à :
- soixante minutes le temps réservé au président et au rapporteur général de
la commission des finances ;
- dix minutes le temps réservé à chacun des présidents des autres commissions
permanentes intéressées ;
- quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les
orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 21 juin
1999.
Mercredi 23 juin 1999 :
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
1° Eventuellement, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet
de loi relatif au renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale.
2° Projet de loi relatif à l'élection des sénateurs (n° 260, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 22 juin, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 22 juin
1999.
Jeudi 24 juin 1999 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs.
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 29 juin 1999 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales sans débat.
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 461 de M. Jean-Marc Pastor à Mme le secrétaire d'Etat aux petits et
moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat (règles relatives à la
fermeture hebdomadaire des commerces et à la vente du pain) ;
N° 495 de M. Franck Sérusclat à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (retrait du permis de conduire aux cyclistes ayant commis des
infractions au code de la route) ;
N° 528 de M. Dominique Leclerc à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (réactualisation de la liste des produits inscrits au tarif
interministériel des prestations sociales) ;
N° 544 de M. Michel Doublet à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(fonctionnement de la régie des eaux de la Charente-Maritime) ;
N° 546 de M. Robert Laufoaulu à M. le ministre de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie (conditions d'inscription des étudiants
originaires des DOM-TOM dans les universités ou établissements d'enseignement
supérieur de métropole) ;
N° 548 de M. Jean-Pierre Fourcade à M. le secrétaire d'Etat au budget
(application de l'article 47 de la loi de finances rectificative pour 1998)
;
N° 549 de M. Jean Bizet à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement (fiscalité de l'énergie) ;
N° 550 de M. Jean-Patrick Courtois à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (aménagement de la route Centre Europe Atlantique)
;
N° 551 de M. Nicolas About à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des
anciens combattants (projet de fermeture de la maison de retraite de Ville
Lebrun) ;
N° 552 de M. Marcel-Pierre Cléach à Mme le garde des sceaux, ministre de la
justice (construction de la maison d'arrêt du Mans) ;
N° 553 de Mme Dinah Derycke à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (formation pratique au secourisme et permis de conduire) ;
N° 554 de M. Thierry Foucaud à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à
l'action sociale (traitement des patients dialysés en Haute-Normandie) ;
N° 555 de M. Alain Vasselle à Mme le ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement (gestion des déchets) ;
N° 556 de M. Gérard César à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et
de l'environnement (épandage des boues) ;
N° 557 de M. Ivan Renar à Mme le ministre de la culture et de la communication
(situation des personnels du ministère de la culture) ;
N° 558 de M. Michel Souplet à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(parution des décrets d'application de la loi sur l'air et biocarburants).
N° 559 de M. Léon Fatous à M. le secrétaire d'Etat au logement (lutte contre
l'insalubrité des logements).
N° 560 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (création d'une voie de contournement par l'ouest de
l'agglomération bordelaise).
A seize heures quinze et, éventuellement, le soir :
2° Discours de fin de session du président du Sénat.
Ordre du jour prioritaire
3° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet
de loi portant création d'une couverture maladie universelle.
Mercredi 30 juin 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
1° Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi
relative au pacte civil de solidarité (A.N., n° 1587).
La conférence des présidents a fixé au mardi 29 juin, à dix-sept heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
2° Deuxième lecture du projet de loi organique, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la limitation du cumul des
mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice (n° 255,
1998-1999).
3° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la limitation du cumul des
mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice (n° 256,
1998-1999).
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
La conférence des présidents a, par ailleurs, fixé au mardi 29 juin, à onze
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux projets de
loi.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents s'agissant de l'ordre du jour établi en application de l'article
48, dernier alinéa, de la Constitution ?...
Ces propositions sont adoptées.
15
COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 338, 1998-1999),
adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant création
d'une couverture maladie universelle. [Rapport n° 376 (1998-1999) et avis n°
382 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, nous abordons la discussion de ce texte
important visant à créer une couverture maladie universelle. C'est l'occasion
de rappeler qu'il n'est peut-être pas d'aspiration plus forte chez l'individu
que celle d'être en bonne santé.
Du jour où les hommes se sont donné des droits, le droit à la protection de la
santé, à l'accès aux soins est apparu comme l'un des premiers d'entre eux.
D'ailleurs, s'agissant de la réglementation du travail, ce sont bien les règles
de protection de la santé qui ont été les premières à apparaître, dès la fin du
xixe siècle.
Quoi de plus normal ? Quoi de plus juste ? En effet, l'accès aux soins, c'est
l'accès à la santé, l'accès à l'avenir.
La couverture maladie universelle est le fruit naturel de cette exigence. Elle
constitue, pour notre pays, une avancée sociale majeure.
La discussion qui s'ouvre aujourd'hui est très importante pour des millions de
nos concitoyens, les six millions qui bénéficieront de la couverture maladie
universelle, si celle-ci est adoptée. Elle ne peut laisser personne
indifférent. Je tiens à saluer le travail du rapporteur de la commission des
affaires sociales, M. Descours, et du rapporteur pour avis de la commission des
finances, M. Oudin. Je souhaite également remercier les deux commissions pour
le travail qui a été réalisé.
Nous avons le sentiment, les uns et les autres, que ce projet de loi exige de
nous tous un sens aigu des responsabilités, s'agissant d'un sujet aussi
grave.
L'inégalité devant la prévention et les soins est l'une des injustices les
plus insupportables. Pas un d'entre nous ne peut admettre que certains de nos
concitoyens renoncent à se faire soigner ou à faire soigner leurs enfants pour
de simples raisons financières. Or nous constatons dans notre pays une
situation où le niveau des revenus introduit des distorsions dans l'accès aux
soins. Deux types de discrimination existent dans le niveau des soins procurés
et dans l'accès même aux soins. En effet, selon que l'on est plus ou moins
aisé, on est plus ou moins bien soigné.
J'aimerais, au passage, que chacun mesure bien que cette phrase sonne parfois
comme une condamnation pour des milliers d'hommes et de femmes. Nous en
connaissons tous des exemples. Les services des urgences dans les hôpitaux
voient arriver des personnes à un stade très avancé d'une maladie grave,
parfois à quelques jours de la mort, qui n'ont jamais vu un médecin auparavant
parce qu'elles n'avaient pas les moyens de se faire prendre en charge, ou tout
simplement parce qu'elles n'avaient pas pris l'habitude d'avoir accès aux soins
et de se rendre, par exemple, dans ces hôpitaux qui s'appelaient auparavant
hospices car ils accueillaient les plus pauvres d'entre nous.
Un Français sur quatre déclare renoncer à se faire soigner pour des raisons
financières. Ce renoncement est définitif pour environ 10 % d'entre eux. C'est
cette inégalité que nous voulons corriger grâce à la couverture maladie
universelle.
Les chiffres relatifs à l'espérance de vie nous montrent cette différence
entre catégories socio-professionnelles. En effet, l'espérance de vie à
trente-cinq ans est pour un manoeuvre ou un ouvrier non qualifié inférieure de
six ans à celle d'un cadre supérieur. Ces écarts de mortalité tendent à
s'accroître. Alors que la mortalité des ouvriers et des employés entre
vingt-cinq et cinquante-quatre ans est restée stable entre 1980 et 1999, la
mortalité des cadres supérieurs et des professions libérales a diminué de 20 %
pendant cette même période. Non seulement ces inégalités ont toujours existé
mais, après la période de crise que notre pays a connue, elles se sont accrues.
L'exclusion dans l'accès aux soins est sans doute une des formes les plus
intolérables de l'exclusion, comme nous l'ont dit un certain nombre
d'associations qui se battent depuis des années aux côtés des personnes les
plus exclues. Je pense, bien sûr, à des associations comme ATD Quart Monde,
Médecins sans Frontières ou Médecins du Monde, qui nous ont beaucoup aidés dans
la préparation de ce texte.
On le comprendra, face à un tel défi, la mise en oeuvre d'une couverture
maladie universelle ne peut souffrir de retard et elle doit effectivement
constituer un progrès collectif fondamental en cette fin de siècle dans notre
pays. C'est bien dans cet esprit que je vous propose aujourd'hui, au nom du
Gouvernement, ce projet de loi qui comporte deux étages.
Tout d'abord, il prévoit de garantir à tous les droits à l'assurance maladie
de base, la sécurité sociale. C'est ce projet que le précédent gouvernement
avait envisagé sous l'intitulé « AMU », assurance maladie universelle.
Il s'agit tout simplement de faire bénéficier d'une carte de sécurité sociale
les quelque 700 000 Français qui en sont aujourd'hui dépourvus et de faciliter
l'accès au droit pour les 550 000 d'entre eux qui ont recours à l'assurance
personnelle.
Cette situation va changer. Ce texte avait d'ailleurs été préparé par des
fonctionnaires sous le gouvernement précédent.
Dès le 1er janvier 2000, tout résident stable et régulier qui n'aurait aucun
droit ouvert auprès d'un régime de sécurité sociale pourra, sur simple
justification de sa résidence régulière, bénéficier des prestations du régime
général.
Les droits seront ouverts immédiatement. L'affiliation sera réalisée dès le
dépôt de la demande. Ce n'est que par la suite que la caisse vérifiera si un
membre de la famille n'est pas déjà affilié, si cette personne n'a pas de
droits ouverts à un autre titre. Je pense notamment aux jeunes en rupture de
famille. En effet, très souvent, ils n'ont pas la carte de sécurité sociale de
leurs parents qu'ils ne voient plus et ils ne peuvent donc se faire soigner.
Ils bénéficieront d'une affiliation immédiate et automatique dès lors qu'ils
fourniront la preuve d'une résidence régulière : carte d'identité ou, s'il
s'agit d'un étranger, carte de séjour.
Les droits aux prestations en nature seront alors ouverts et garantis, et le
paiement des cotisations ne sera plus une condition préalable au bénéfice de
ces prestations en nature.
Evidemment, au-delà d'un certain niveau de ressources, qui sera de l'ordre de
3 500 francs, la personne affiliée dans ces conditions devra acquitter une
cotisation proportionnelle à ses revenus.
Grâce à cette réforme, le régime de l'assurance personnelle, facultatif et
complexe, sera ainsi supprimé, et l'accès au droit sera facilité pour
l'ensemble des personnes visées : 550 000 sont touchées actuellement par
l'assurance personnelle et 150 000 personnes n'ont aujourd'hui aucun droit.
Le second étage, le plus essentiel, de ce projet de loi permettra l'ouverture
d'un droit à la couverture complémentaire pour les 10 % les plus modestes de la
population de notre pays.
Se limiter à garantir l'affiliation à un régime de sécurité sociale, ce qui
était la seule ambition du précédent gouvernement, ne permettait pas de
garantir l'accès aux soins. C'est en effet insuffisant pour permettre aux
salariés les plus modestes, ceux qui ont renoncé à une ou plusieurs reprises et
parfois définitivement à se soigner pour des raisons financières, de bénéficier
du droit réel à la protection de la santé.
En effet, l'assurance maladie laisse près de 25 % des dépenses de santé à la
charge des ménages, que ce soit par le ticket modérateur ou le forfait
hospitalier. Un quart de la dépense de santé à la charge du foyer, c'est un
coût insupportable pour certaines familles, ce qui amène ces dernières à
renoncer d'ailleurs à se faire soigner.
De surcroît, cette charge est supportée d'abord par les ménages en difficulté,
pour lesquels ce forfait hospitalier et ce ticket modérateur représentent très
souvent des dépenses d'un montant disproportionné par rapport à leurs
ressources.
Alors que 84 % de la population française disposent d'une couverture
complémentaire prenant en charge en partie ou en totalité cette dépense, cette
proportion n'est plus que de 45 % pour les tranches de revenu inférieures à 2
000 francs par unité de consommation et par mois, voire plus faible encore en
ce qui concerne les chômeurs. C'est une évidence, mais il faut le dire : plus
on dispose de revenus modestes, moins on a de chances de bénéficier d'une
couverture complémentaire.
C'est d'ailleurs pour répondre à ces inégalités qu'avait été mise en place
l'aide médicale. Celle-ci, organisée à l'échelon des départements, n'a
cependant pas permis de résoudre les problèmes d'accès aux soins dans tous les
cas. En effet, les barèmes de ressources ne sont pas les mêmes partout,
certains départements ayant limité leur action, comme l'impose la loi, aux
personnes dont les revenus sont inférieurs au RMI, parfois même en ajoutant des
conditions qui étaient à la limite de la légalité et en soumettant à d'autres
critères l'octroi de l'aide médicale gratuite. Certains départements sont bien
sûr allés au-delà, parfois dans une mesure tout à fait importante, ce qui a
d'ailleurs pu entraîner une inégalité de traitement sur l'ensemble du
territoire, ce que les associations déplorent, même si nous ne pouvons bien sûr
que nous réjouir de ce que les droits aient été plus importants dans certains
cas.
A revenus identiques, on n'est donc pas pris en charge de la même façon selon
l'endroit où l'on vit. Cela pose d'ailleurs des problèmes à un certain nombre
de nos concitoyens lorsqu'ils changent de département, car il n'y a pas
d'ouverture automatique de ces droits.
Ce projet de loi vise donc à ouvrir, sur l'ensemble du territoire, un droit à
une couverture complémentaire sous conditions de ressources à environ 10 % de
la population, soit 6 millions de personnes.
Ce faisant, il touchera non pas seulement les plus exclus, les chômeurs, les
titulaires des minima sociaux, mais aussi les commerçants, les artisans, les
salariés, les retraités qui ont les revenus les plus faibles. Ainsi, par
exemple, un couple touchant un smic et ayant un enfant à charge pourra
bénéficier de la couverture maladie universelle.
Les soins, ainsi que le forfait hospitalier, seront pris en charge à 100 %.
Par ailleurs, des remboursements adaptés seront mis en place, notamment pour
les prothèses dentaires et l'optique, qui sont très peu remboursées dans notre
pays. Les bénéficiaires seront aussi assurés qu'aucun dépassement ne leur sera
facturé par les médecins qui, dans le cadre de la convention médicale,
bénéficient de la liberté des tarifs.
Mais nous savons bien aussi qu'il est difficile pour certains, même s'ils sont
remboursés, de faire l'avance des frais. C'est la raison pour laquelle les
détenteurs de la couverture maladie universelle bénéficieront systématiquement
du tiers payant, tant sur les prestations des régimes obligatoires qu'au titre
de la couverture complémentaire.
L'Assemblée nationale a d'ailleurs souhaité étendre le tiers payant à tous les
patients qui s'adressent à un médecin référent ou à des correspondants
spécialistes.
Ce droit à la couverture maladie universelle sera ouvert aux foyers dont le
revenu par unité de consommation est inférieur à 3 500 francs, selon un barème
qui est maintenant dans les esprits : 3 500 francs pour une personne isolée, 5
250 francs pour deux personnes, 6 300 francs pour trois personnes, 7 700 francs
pour quatre personnes et 1 400 francs par personne supplémentaire au foyer.
Ce dispositif permettra donc, je le répète, de couvrir 6 millions de
personnes. Il s'agit par conséquent d'une avancée tout à fait essentielle.
J'entends cependant des critiques sur divers points de ce projet de loi, et
certaines d'entre elles méritent véritablement un débat.
Il en est ainsi, tout d'abord, de celles qui portent sur l'effet de seuil,
dont je comprend tout à fait le sens ; en effet, à chaque fois que l'on fixe un
seuil, on crée, par définition, un effet de seuil.
Ces critiques sont, me semble-t-il, de deux ordres.
Certains ne remettent pas en cause le système que nous proposons, c'est-à-dire
une prise en charge intégrale des frais de soins jusqu'à 3 500 francs pour une
personne seule, mais s'inquiètent toutefois de la situation et des difficultés
que peuvent rencontrer les personnes au-delà de ce niveau de ressources.
Cette préoccupation est légitime, mais elle ne doit pas masquer le progrès
majeur que nous réalisons avec la CMU : alors que, aujourd'hui, de 2 millions à
2,5 millions de personnes sont couvertes par l'aide médicale gratuite grâce à
l'obligation légale pour les revenus inférieures au RMI et grâce aux progrès
réalisés par certains départements, nous allons passer à 6 millions de
personnes couvertes.
Il est donc clair que le nombre des personnes qui auront des difficultés et
qui se situeront au dessus du seuil sera relativement limité.
C'est d'ailleurs à l'aune de ce progrès qu'il faut évaluer la valeur de la
réforme que nous vous proposons.
Si nous voulions aller plus loin et porter le seuil à 3 800 francs, comme
certains le demandent, ce sont environ 2 millions de personnes de plus qui
seraient concernées, pour un coût supplémentaire d'environ 3 milliards de
francs.
Aussi avons-nous souhaité maintenir ce seuil de 3 500 francs tout en mettant
en place un certain nombre de mécanismes qui permettront de lisser cet effet de
seuil.
Tout d'abord, les droits à la couverture complémentaire sont ouverts pour un
an ; on continue donc, y compris lorsque l'on dépasse le seuil, à bénéficier de
la couverture si la période d'un an n'est pas terminée.
Ensuite, les bénéficiaires de la CMU qui adhèrent à une mutuelle, ou qui
souscrivent un contrat auprès d'une société d'assurances ou d'une institution
de prévoyance, bénéficieront d'un tarif préférentiel pendant un an après avoir
dépassé le seuil.
De même, les fonds d'action sociale des caisses, notamment ceux des caisses
primaires d'assurance maladie, soulagés par la mise en place de la CMU - les
publics dont les revenus dépassaient l'obligation légale donnaient en effet
lieu, de leur part, à une aide médicale au titre de l'action sociale - pourront
intervenir en faveur des personnes dont les revenus sont au-dessus du barème
aujourd'hui annoncé.
Enfin, les départements pourront également consacrer, s'ils le souhaitent,
plus de moyens à l'action sociale et à l'insertion. Je rappelle que le projet
de loi prévoit qu'ils doivent conserver 5 % des sommes consacrées en 1997 à
l'aide médicale, ainsi que l'ensemble du personnel d'ailleurs.
Enfin, un amendement adopté par l'Assemblée nationale permet la création d'un
fonds d'action sanitaire et sociale, abondé par les organismes complémentaires.
J'ai vu avec intérêt que certains sénateurs avaient déposé un amendement visant
à créer aussi un tel fonds sur le plan départemental.
Mais il existe un autre type de critiques sur l'effet de seuil. Il aurait
fallu, nous dit-on, ne prévoir un accès aux soins gratuits que pour les revenus
équivalents au revenu minimum d'insertion ou légèrement supérieurs, et aider
ensuite à l'achat d'une couverture complémentaire de manière progressive. Vous
avez d'ailleurs souhaité amender le texte en ce sens, mesdames, messieurs les
sénateurs.
Ce débat me paraît légitime. A partir d'un certain niveau de ressources,
faut-il demander une contribution financière aux personnes qui bénéficieront de
cette aide ? Je l'ai dit en commission, et je le répète très simplement dans
cet hémicycle : je m'étais effectivement posé la question de savoir s'il ne
devait pas y avoir une contribution de la part de la famille ou de l'individu
pour financer cette aide.
Mais à examiner les chiffres et à observer la réalité, on se rend compte que,
au-delà de 30 à 50 francs, une contribution mensuelle entraîne, pour une
famille, les mêmes difficultés que la situation actuelle, c'est-à-dire
l'incapacité de payer. Et, en cas d'impayés, les frais de justice et d'huissier
pour recouvrer une contribution de 30 à 50 francs seront plus élevés que le
montant de la contribution !
Par conséquent, comment faire dans un tel cas : supprimer ces prestations à
des personnes n'ayant pas pu payer une cotisation même faible, ou faire voter
une loi pour respecter un principe que je partage, celui de responsabilité,
sans être capables de le mettre en pratique ?
Consciente de ces difficultés réelles pour un certain nombre d'individus à
payer cette cotisation, j'ai donc renoncé à l'idée de mettre en place cette
dernière, pour des raisons que je viens de vous expliquer très simplement.
L'existence de tout seuil implique un effet de seuil que personne ne peut
nier. Ne faisons pas de cela un sujet de polémique, alors que nous sommes
appelés à débattre d'une réforme fondamentale. D'ailleurs, je remarque que les
départements ayant institué un système plus favorable que le dispositif
législatif actuel ont tous fixé un nouveau seuil. Celui que nous avons mis en
place est le plus simple, le plus facile à réaliser et sans doute le moins
injuste. Pourquoi est-il le plus simple ? Nous savons combien il est difficile
pour les personnes les plus fragiles de faire entendre leurs droits. Si nous
mettions en place des modalités dont l'application s'avérait très difficile,
beaucoup ne pourraient pas avoir accès à ces droits. Aussi, la simplicité, la
transparence, la justice dans la façon de mettre en place cette CMU ont-elles
prévalu pour moi par rapport à d'autres principes que nous aurions pu vouloir
privilégier.
La gratuité des soins à un niveau de revenu identique est un bon principe, et
la légitimité de cette gratuité ne peut pas être contestée quand il s'agit de
l'accès à ce qui est le plus essentiel, c'est-à-dire à la santé. C'est pour
cette raison que nous n'avons pas proposé de prise en charge partielle en
dessous de 3 500 francs.
S'agissant des personnes dont le revenu est supérieur à ce seuil, les fonds
d'action sociale des caisses, des centres communaux d'action sociale ou des
conseils généraux souhaiteront peut-être les aider lorsque, dans des cas bien
précis, des besoins se feront sentir.
J'en viens maintenant au coût et au financement de la CMU.
J'ai entendu deux types de remarques sur le coût de la couverture maladie
universelle. Certains prétendent que cette réforme coûte trop cher, d'autres
considèrent que nous avons sous-estimé le coût annoncé ; les deux critiques se
rejoignent d'ailleurs.
Il n'en est rien. Le coût moyen de la couverture maladie universelle est
estimé à 1 500 francs par bénéficiaire. Cette estimation a été réalisée lors
des discussions qu'a eues Jean-Claude Boulard, chargé par M. le Premier
ministre d'une mission sur la couverture maladie universelle, avec les
mutuelles et les assureurs. Ce chiffre de 1 500 francs a été ensuite vérifié à
partir de l'observation de l'assurance complémentaire des assurés sociaux. Nous
avons enfin pratiqué une ultime vérification dans quelques départements ayant
mis en place des seuils supérieurs au RMI.
La somme de 1 500 francs par bénéficiaire représente la moyenne de ce qui est
aujourd'hui dépensé par les Français en assurance complémentaire.
Or - il faut dire les choses simplement - dans notre pays, ce ne sont pas les
plus pauvres qui consomment le plus. On constate même, dans les départements
ayant accordé une carte santé aux personnes percevant un revenu supérieur au
RMI, que, après un effet de rattrapage bien naturel dans les premiers mois, les
dépenses se stabilisent très vite et redescendent ensuite au-dessous de la
moyenne ; nous savons bien, en effet, que, très souvent, ces populations ont du
mal à traiter leurs propres problèmes de santé.
Avec ce chiffrage, nous respectons donc les objectifs que nous nous sommes
fixés, et nous devrions pouvoir financer cette couverture complémentaire.
La CMU coûterait cher à la sécurité sociale, me dit-on. Là aussi, soyons très
clairs : cette réforme ne coûtera rien à la sécurité sociale. Il s'agit de
créer un fonds qui financera cette couverture complémentaire, la sécurité
sociale « se contentant » de liquider financièrement, comme elle le fait
aujourd'hui pour les deux millions de personnes qui bénéficient de l'aide
médicale gratuite, au nom des départements.
La sécurité sociale n'aura donc pas à financer cette réforme : ce sera le rôle
d'un fonds, qui lui-même sera alimenté par les sommes que les départements
consacrent à l'aide médicale, par une cotisation de 1,75 % sur le chiffre
d'affaires « santé » des organismes complémentaires et, pour le reste, par
l'Etat. Je le répète donc, la couverture maladie universelle ne fait courir
aucun risque à la sécurité sociale, puisqu'elle n'est pas financée par cette
dernière.
Ma conviction profonde, au-delà des raisons sociales qui nous poussent à
mettre en place cette couverture maladie universelle, c'est que, à terme, le
fait de prendre en charge les personnes plus tôt, c'est-à-dire de prévenir,
constitue sans doute aussi un facteur favorable pour les finances de la
sécurité sociale. Même sur ce simple terrain-là, on ne peut donc pas dire que
c'est un « mauvais coup » porté à la sécurité sociale, comme je l'ai parfois
entendu. Mais il est vrai que ce n'était pas sur ces travées !
En conclusion, je viens devant votre assemblée confiante en la qualité des
débats que nous aurons. Cette loi, qui est fondamentale, répond en effet à un
besoin de nombre de nos concitoyens.
Nous aurons l'occasion de débattre dans le détail de votre principale
proposition, tendant à mettre en place une aide personnalisée à la santé. Mais,
je l'ai dit tout à l'heure, en deçà des seuils que nous avons fixés, les
intéressés auraient du mal à financer une partie de leur contribution, et c'est
parce que je crois qu'il faut rechercher l'effectivité de l'accès aux soins des
titulaires des revenus les plus faibles que je vous propose de rester dans la
logique retenue par le Gouvernement.
Quoi qu'il en soit, sur ce sujet comme sur d'autres, nous aurons l'occasion
d'approfondir la discussion entre nous, et j'espère que nos débats auront la
qualité que le sujet mérite.
Je souhaite que votre assemblée participe, au côté du Gouvernement et des
associations qui ont porté ce projet, à ce qui doit être la mobilisation de
l'ensemble des acteurs politiques et institutionnels en faveur du droit aux
soins pour tous. Il est, me semble-t-il, des sujets où les clivages doivent
s'estomper : la protection de la santé est, selon moi, de ceux-là.
Il serait, je crois, positif de terminer une décennie commencée avec le RMI
par la couverture maladie universelle, qui ouvre la voie à la garantie
effective de l'accès de tous les citoyens à la protection de la santé. Il
s'agit d'une avancée sociale majeure et je souhaite vivement que nous puissions
y travailler ensemble !
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE et de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Monsieur le
président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le
titre IV du projet de loi que vous examinez concerne la « modernisation
sanitaire et sociale ». Il vise à améliorer, dans des domaines variés, le
fonctionnement de notre système de santé.
Ces articles ont été introduits dans le projet de loi portant création d'une
couverture maladie universelle, car la charge du calendrier parlementaire ne
permettait pas, hélas ! de leur trouver un support législatif adéquat avant
plusieurs mois.
Or il s'agit de mesures urgentes, souvent attendues par les professionnels
depuis longtemps, et qui ne relèvent pas d'une loi de financement de la
sécurité sociale.
L'article 32 réforme les consultations de dépistage anonyme et gratuit. Nous
avons engagé, depuis cette année, une approche globale de la lutte contre le
sida et les hépatites, et cet article tient une place importante dans cette
stratégie.
Pour l'hépatite C, qui touche plus de 600 000 personnes en France, nous avons
défini un plan national de lutte sur quatre ans. Ce plan s'organise autour d'un
dispositif de dépistage ciblé, d'une prise en charge de qualité pour les
personnes vivant avec ce virus, du développement de la prévention pour réduire
les nouvelles contaminations et d'un soutien à la recherche et à l'évaluation
épidémiologique, ainsi que, bien sûr, d'une prise en charge des traitements,
avec bithérapie parfois, dans trente-deux centres de référence en France.
La réforme des consultations de dépistage anonyme et gratuit s'inscrit dans ce
cadre. Elle vise à favoriser l'accès gratuit et anonyme à la prévention, au
dépistage et au diagnostic précoce de l'hépatite C pour les jeunes et les
usagers de drogue, qui sont les personnes qui fréquentent actuellement le plus
ces consultations. Celles-ci drainent en effet des populations particulièrement
concernées puisque, en réalisant 5 % des tests, elles dépistent 30 % des
séropositivités VIH découvertes chaque année.
L'article 33 porte sur le volet « santé » de la carte d'assurance maladie de
seconde génération, dite Vitale II. Le Conseil d'Etat a, en effet, jugé
illégales les dispositions de l'ordonnance de 1996 concernant ce volet « santé
». Ce volet est destiné à porter les informations concernant l'état de santé de
chacun d'entre nous et ainsi à améliorer les soins d'urgence et la continuité
des soins.
Les garanties apportées au titulaire de la carte, qui ont fait l'objet de
concertations approfondies avec les représentants des usagers, ont été
considérablement renforcées. Le titulaire doit donner son accord à toute
inscription. Il est informé des mentions que l'on porte. Il peut consulter ce
que l'on a inscrit par l'intermédiaire d'un professionnel de santé ; en effet,
la carte CPS du professionnel est nécessaire pour accéder à une partie des
informations. Le titulaire peut protéger sa carte par un code secret, comme le
code de la carte bancaire. Les informations contenues sur la carte doivent être
effacées dès qu'il en fait la demande. Seule une partie de ces informations, la
moins sensible - groupe sanguin, allergies, vaccinations, par exemple - pourra
faire l'objet d'une copie papier.
L'article 34 vise à régler la situation des infirmiers de secteur
psychiatrique. Le droit communautaire leur interdit de recevoir automatiquement
un diplôme d'Etat d'infirmier de soins généraux et cette situation a entraîné
de nombreux conflits depuis 1994.
Le texte vise donc à créer un diplôme d'infirmier psychiatrique, à légaliser
l'élargissement des lieux d'exercice des infirmiers de secteur psychiatrique
et, enfin, à fixer de nouvelles modalités de délivrance du diplôme d'Etat aux
infirmiers titulaires du diplôme de secteur psychiatrique. Il prévoit la
création d'une commission régionale chargée d'examiner, pour chaque candidat,
compte tenu de sa formation initiale et de son cursus professionnel, le contenu
de formation complémentaire nécessaire à l'obtention du diplôme. Ce diplôme
sera délivré par le préfet de région sur proposition de cette commission, dont
la composition offre toutes garanties d'impartialité et qui comprend, bien sûr,
des représentants des infirmiers psychiatriques, à parité.
L'article 35 crée une base légale pour la convention prévue entre les
pharmaciens d'officine et l'assurance maladie, conformément au protocole
d'accord signé le 24 septembre dernier entre les syndicats et l'Etat. Cet
accord marque la reconnaissance par le Gouvernement du rôle d'acteur de santé
publique du pharmacien d'officine. J'en veux pour preuve ce qui se passe en ce
moment en matière de sevrage tabagique, avec le rôle qui est dévolu au
pharmacien dans la délivrance des substituts à la nicotine.
La convention entre pharmaciens et assurance maladie pourra notamment porter
sur la qualité de la dispensation pharmaceutique, le bon usage du médicament,
la formation continue, le développement des médicaments génériques, ou encore
la coordination des soins.
Il a également été décidé avec les professionnels de rénover le mode de
rémunération des pharmaciens : la future rémunération sera composée d'un
forfait à la boîte et d'un barème variant avec le prix du médicament. La
vignette ne comportera plus le montant du forfait. Le projet de loi prépare
cette modification, renvoyée à un décret.
L'article 36 valide les actes pris en application des conventions des médecins
généralistes et spécialistes de 1997, annulées par le Conseil d'Etat l'été
dernier. Cette validation a notamment pour objet de consolider juridiquement
les contrats de médecin référent conclus en application de la convention des
généralistes.
L'article 37 s'inscrit dans un souci de transparence et de protection des
droits des personnes.
L'évaluation et l'analyse des activités et des pratiques de soins requièrent
d'organiser, dans l'intérêt de l'usager du système de santé, un cadre général
afin que le traitement des données garantisse le respect du secret dû aux
personnes malades.
L'anonymat des données utilisées dans ces traitements doit demeurer le
principe général. Toutefois, pour procéder à des évaluations ou à des analyses
pertinentes, il apparaît nécessaire de permettre l'exploitation de données qui
peuvent présenter un caractère personnalisé sans être directement
nominatives.
Dans tous les cas, les traitements ne comporteront ni le nom, ni le prénom des
personnes, ni le numéro d'inscription au répertoire national des personnes
physiques.
Par ailleurs, l'ensemble des traitements bénéficiera des garanties qui
résultent, s'agissant de données indirectement nominatives, des dispositions
prévues par la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et
aux libertés.
Enfin, les personnes autorisées par la Commission nationale de l'informatique
et des libertés à effectuer les traitements sont soumises au secret
professionnel ; elles ne peuvent communiquer à des tiers que des résultats de
traitement, à la condition impérative que les informations communiquées ne
permettent aucune identification.
Il s'agit, de la part du Gouvernement, de donner aux usagers de notre système
de santé toutes les garanties de protection qu'ils sont en droit d'attendre.
L'article 37
bis
, introduit par un amendement parlementaire, crée un
groupement d'intérêt public pour la modernisation du système d'information
hospitalière. Il contribue ainsi à la construction d'un système d'information
de santé global, dont l'objet essentiel est de faciliter les échanges entre les
professionnels de santé, et donc une meilleure prise en charge des patients.
L'optimisation de la recomposition de l'offre de soins constitue un élément
essentiel de ce titre IV, amendé en première lecture par l'Assemblée
nationale.
L'objectif général est, d'abord, d'améliorer la prise en compte par le système
de santé et, en son sein, par l'offre hospitalière, des besoins de santé ;
ensuite, de promouvoir la coordination des soins, en développant la
complémentarité entre les différents segments de l'offre, médecine de ville,
prise en charge médico-sociale ; enfin, d'accélérer la recomposition du tissu
hospitalier.
Des innovations importantes ressortent de ces articles, parmi lesquelles
figurent la possibilité, pour des établissements sociaux, d'adhérer à des
syndicats interhospitaliers, la création d'une nouvelle catégorie juridique
d'établissement public de santé, l'établissement public interhospitalier, et la
possibilité offerte aux établissements de santé de créer des fédérations
médicales interhospitalières, qui permettront d'assurer une meilleure
couverture médicale des populations.
Ce titre aborde également la situation des médecins sous deux angles
principaux : la moralisation de l'activité libérale hospitalière et
l'amélioration de la situation des médecins à diplôme étranger.
Je sais que beaucoup d'entre vous sont très souvent sollicités sur ce problème
difficile et complexe. Le texte comporte donc trois grandes lignes directrices
à cet égard.
En premier lieu, il convient de ne pas transiger sur le contrôle de
compétences qui, quelle que soit la durée de fonctions, nous semble s'imposer.
En ce sens, est clairement privilégiée la filière des praticiens adjoints
contractuels, les PAC, en proposant que tout médecin qui a exercé réellement
trois ans puisse se présenter aux épreuves.
En deuxième lieu, une fois ce contrôle de compétences réussi, notre intention
est non pas de maintenir des filières « ghetto », mais d'oeuvrer dans le sens
d'une intégration pleine et entière dans notre communauté médicale.
En troisième lieu, enfin, nous souhaitons instaurer, ce qui n'avait jamais été
fait, un mécanisme de régulation
a priori
pour l'avenir, de façon à
pouvoir contrôler parfaitement les flux de médecins à diplôme étranger.
J'ajoute que, pour respecter les conventions de droit international et pour
des raisons bien compréhensibles, des mesures dérogatoires sont proposées pour
les médecins réfugiés, apatrides, bénéficiaires de l'asile territorial, ainsi
que pour les Français rapatriés à la demande du Gouvernement français.
Enfin, le Gouvernement a prévu d'expérimenter, à compter du 1er janvier 2000,
de nouveaux modes de financement des établissements de santé publics ou privés,
fondés sur une tarification à la pathologie. Cette mesure marque notre volonté
de faire évoluer, dans les prochaines années, le mode d'allocation de
ressources des établissements de santé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les attentes de nos concitoyens en matière
de santé sont nombreuses, et elles nous apparaissent légitimes : ils demandent
davantage de respect, de dignité, de démocratie sanitaire, ils l'ont dit très
nombreux et avec force lors des états généraux de la santé. C'est pour leur
répondre, partiellement mais sur des sujets que l'urgence impose, que vous
légiférez aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Madame le ministre,
mes premiers mots seront pour souligner le ton modéré avec lequel vous avez
défendu votre projet de loi. J'essaierai de présenter mes arguments sur le même
ton.
M. René-Pierre Signé.
C'est nouveau !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Oui, et des deux côtés !
Je commencerai mon propos proprement dit par deux remarques.
Je m'associe par avance aux propos que tiendra certainement Claude Huriet
concernant la procédure choisie par le Gouvernement et qui affecte les
conditions d'examen des deux volets du projet de loi. En effet, entre la CMU et
les 27 articles du projet de loi portant diverses mesures d'ordre social, il y
avait, à l'évidence, matière à deux projets de loi, comme vient de le dire M.
Bernard Kouchner.
En ce qui concerne la CMU proprement dite, je souhaite souligner d'emblée le
paradoxe existant entre, d'un côté, un projet de loi très généreux, devant
profiter à 10 % de la population française et remédier aux difficultés d'accès
aux soins, projet qui aurait dû, effectivement, emporter l'adhésion
enthousiaste de tous, et, de l'autre côté, les réactions souvent très réservées
ou hostiles de nos interlocuteurs.
Sans rien enlever à la générosité du projet de loi, la commission proposera de
le modifier très sensiblement afin que, dépourvu de ses possibles dérives, il
puisse - je le souhaite comme vous, madame le ministre - recueillir l'accord de
tous.
On ne peut d'ailleurs que regretter la procédure d'urgence, que les
parlementaires dénoncent régulièrement, et qui nous prive de la possibilité de
rapprocher les points de vue. Pour un texte aussi important, qui demande, si
possible, l'unanimité, c'est encore plus ennuyeux.
Je veux maintenant évoquer les quatre défauts majeurs, à nos yeux, du projet
de loi qui nous arrive de l'Assemblée nationale.
Premier défaut : il repose sur une erreur d'analyse. Il place en effet hors de
notre système de protection sociale, au lieu de les y intégrer, un ensemble de
six millions de personnes qui ne constituent pas, à l'évidence, un groupe
homogène de personnes « à part ».
Ainsi, parmi ces six millions de personnes, on ne trouve pas que des personnes
désocialisées ; on trouve aussi des personnes rémunérées au-delà du SMIC et
ayant un enfant, le plafond étant alors de 6 300 francs, des ménages dont les
deux partenaires travaillent à temps partiel, le plafond retenu par le
Gouvernement étant, dans ce cas, de 5 230 francs, et des retraités agricoles ou
des retraités de l'artisanat.
L'immense majorité de ces personnes ne demandent qu'une chose :
l'intégration au droit commun avec une solvabilité leur permettant d'être «
comme les autres », y compris dans le domaine de la protection sociale.
En outre, deuxième erreur d'analyse, le projet de loi met en oeuvre une
politique de « guichets ouverts » dans un contexte de dérive préoccupante des
dépenses de l'assurance maladie. S'il est nécessaire, aujourd'hui, d'instituer
un mécanisme de solidarité pour la couverture maladie complémentaire, c'est que
la sécurité sociale - c'est une constatation qui vaut pour tous les
gouvernements - ne fait plus suffisamment son métier pour la couverture de
base.
Deuxième défaut du projet : il s'attaque doublement aux principes fondateurs
de la sécurité sociale.
Premièrement, en supprimant le monopole de la couverture complémentaire aux
organismes complémentaires, et en l'autorisant aux caisses primaires, il
conduit à s'interroger tôt ou tard sur la légitimité du monopole de l'assurance
de base. Certains syndicats ou certaines mutuelles ont d'ailleurs rédigé, à cet
égard, des motions extrêmement virulentes que je ne citerai pas pour ne pas
sortir du ton modéré que j'ai souhaité adopter à la suite de Mme le
ministre.
Renonçant au scénario dit « partenarial » proposé par M. Jean-Claude Boulard,
parlementaire en mission - et non pas rapporteur du projet de loi - le texte
prévoit en effet que, désormais, les caisses d'assurance maladie comme les
organismes de protection sociale complémentaire pourront offrir un produit
identique se caractérisant par des prestations gratuites financées par un fonds
alimenté par l'impôt.
Quelle sera, demain, la différence de nature entre, d'un côté, un régime de
base servant des prestations financées par la collectivité solidaire et, de
l'autre, un régime complémentaire servant aux bénéficiaires de la CMU d'autres
prestations financées par la même collectivité solidaire ?
Le projet remet un second principe fondateur en cause en ce qu'il instaure, de
fait, une assurance maladie sous « condition de ressources ».
Comme l'a affirmé devant notre commission M. Jean-Marie Spaeth, président de
la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, les
personnes bénéficiaires de la CMU qui auront choisi, par souci de simplicité,
que l'assurance maladie assure leur couverture complémentaire ne se
souviendront pas que celle-ci, juridiquement, n'interviendra que par délégation
de l'Etat ; elles constateront simplement qu'elles sont couvertes à 100 % par
la sécurité sociale.
Cette nouveauté induit un bouleversement majeur dans les principes fondateurs
de la sécurité sociale, qui, depuis la Libération, associent assurance et
universalité.
Troisième défaut du projet : la solution qu'il propose pour répondre au grave
problème posé par les difficultés de l'accès aux soins rencontrées par les
personnes titulaires de faibles revenus est inégalitaire et
déresponsabilisante.
Premièrement, le projet de loi entraîne des inégalités nombreuses et
graves.
Il crée, d'abord, une grave inégalité entre les personnes dont les revenus se
situent en dessous du seuil et celles dont les revenus se situent légèrement
au-dessus du seuil.
Je vous remercie, madame le ministre, de ne pas avoir occulté ce défaut de
votre projet de loi et d'avoir justifié le choix du Gouvernement tout en
précisant que vous compreniez très bien que l'on puisse en faire un autre.
Malheureusement, vous ne m'avez pas convaincu. J'espère que la réciproque ne
sera pas vraie lorsque je vous exposerai notre dispositif.
Les personnes dont les revenus se situent autour du seuil ont les mêmes
conditions de vie. En effet, ce n'est pas une différence de revenus de 100
francs, 200 francs ou 300 francs qui est de nature à modifier sensiblement les
conditions d'existence.
Pourtant, ces personnes seront traitées différemment par le projet de loi :
au-dessus du seuil, elles paieront des cotisations mutualistes ou des primes
d'assurance pour obtenir une couverture complémentaire qui ne couvrira pas
toutes leurs dépenses de santé ; en dessous, elles seront gratuitement prises
en charge à 100 %.
Prenons l'exemple des personnes touchant le minimum vieillesse, qui s'élève à
3 540 francs. Ce n'est pas très important, et j'entends d'ailleurs souvent, çà
et là, qu'il faut relever les minima sociaux !
Dans son projet, le Gouvernement met le seuil à 3 500 francs. Ainsi, 800 000
personnes âgées ne seront pas bénéficiaires de la CMU pour 40 francs !
Il en va de même pour l'allocation aux adultes handicapés.
M. René-Pierre Signé.
C'est l'effet de seuil !
M. Charles Descours,
rapporteur.
J'espère au moins que vous avez lu notre contre-projet,
monsieur Signé !
M. le président.
Souhaitez-vous interrompre l'orateur, monsieur Signé.
(M. Signé fait un
signe de dénégation.)
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il intervient tout le temps, mais il ne lit jamais aucun
texte !
M. Jean Chérioux.
Il a des idées
a priori,
que voulez-vous !
M. René-Pierre Signé.
Je choisis mes lectures !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Des bandes dessinées !
(Protestations sur les travées
socialistes.)
M. le président.
Poursuivez, monsieur Descours !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Imaginons un employé de la sécurité sociale payé au SMIC, ou
à peine au-dessus, qui reçoit un bénéficiaire de la CMU vivant en couple et qui
a 5 200 francs de revenus. Il constatera que celui qu'il reçoit ne paie pas de
cotisation de base, pas de cotisation mutualiste et qu'il est couvert à 100 %,
alors que lui, employé de la sécurité sociale, qui touche 6 000 ou 6 200
francs, paie les cotisations de base, paie les cotisations supplémentaires et
n'est pas remboursé à 100 %.
C'est non pas entre les bas revenus et les hauts revenus que se pose le
problème, mais entre ceux qui sont juste au-dessus et ceux qui se trouvent
juste en dessous du seuil. C'est un défaut majeur de ce projet de loi.
Du fait de cet effet de seuil massif, le Gouvernement renvoie - vous l'avez
dit, madame le ministre - ceux qui sont au-dessus du seuil à une forme d'aide
sociale avec au moins cinq guichets différents.
Le projet crée, par ailleurs, des inégalités entre l'assurance maladie et les
organismes complémentaires.
D'abord, il est probable que, par souci de simplicité, les bénéficiaires de la
CMU préféreront, en grande majorité, s'adresser au même organisme que celui qui
assure leur couverture de base. Il y a là une première atteinte à l'égalité.
Ensuite, le projet de loi ne prévoit pas un même système de remboursement, par
le fonds de financement, des dépenses engagées au titre de la couverture
complémentaire des bénéficiaires de la CMU.
Enfin, il induit des inégalités entre organismes de protection sociale
complémentaire.
Les représentants des organismes de protection sociale complémentaire que nous
avons entendus ont affirmé qu'ils comptaient en leur sein entre 10 % et 30 % de
bénéficiaires potentiels. Retenez bien ce chiffre, j'y reviendrai tout à
l'heure : dans certaines petites mutuelles, 10 % à 30 % d'adhérents qui ne
cotisent plus, cela peut avoir des effets pervers assez graves.
Plus grave, certains organismes complémentaires sont, en pratique, spécialisés
dans la couverture complémentaire des artisans et des commerçants. Or, celle-ci
coûte plus cher que celle d'un salarié et coûtera plus que les 1 500 francs
remboursés par le fonds.
Deuxièmement, le projet de loi est déresponsabilisant. Devant l'Assemblée
nationale, madame le ministre, vous avez déclaré : « Il est vrai qu'une
contribution, dans bien des domaines, est un moyen de faire appel à la
responsabilité. »
Madame le ministre, nous vous avons entendue, car c'est ce que nous avons
fait. Vous le verrez tout à l'heure !
Pourtant, le Gouvernement a choisi, dans le présent projet de loi, d'assurer
gratuitement, sans aucune contribution de leur part, une couverture
complémentaire à 100 % à six millions de Français, soit 10 % de la
population.
Vous nous avez expliqué que vous n'aviez pas pu procéder autrement pour des
raisons d'ordre technique. Lors de l'examen des articles, j'essaierai de vous
convaincre du contraire.
Je veux maintenant parler des graves dérives financières, que vous avez
évoquées dans votre exposé liminaire, madame le ministre.
Le coût de l'extension de la couverture de base sur le critère de la résidence
a été estimé à 600 millions de francs.
Paradoxalement, la charge qu'elle représente pour l'assurance maladie est
chiffrée à 900 millions de francs. L'Etat économiserait donc au passage plus de
300 millions de francs.
Cette charge supplémentaire s'ajoute aux 4 milliards de francs de déficit de
l'assurance personnelle, qui sera toujours supporté par la sécurité sociale.
Toute dérive, toute erreur dans les prévisions des hypothèses aggraverait
encore cette ponction sur les comptes du régime général.
L'évaluation du coût de l'extension de la couverture de base repose sur un
coût unitaire de 4 000 francs par bénéficiaire. Ce chiffre paraît vraiment très
faible au regard du coût actuel de l'assurance personnelle, qui est de près de
18 000 francs, ou du coût moyen de la couverture de base du régime général, qui
est de l'ordre de 12 000 francs. L'écart est tel qu'il se situe au-delà de
l'épaisseur du trait.
Quant au coût de la couverture complémentaire, il est estimé à 9 milliards de
francs, soit un coût unitaire de 1 500 francs pour six millions de
bénéficiaires.
Là encore, le coût unitaire paraît sous-évalué. Il repose sur des données de
1995 qui ne sont pas actualisées. Ce n'est pas nous qui l'avons dit. Vous nous
avez indiqué en commission que nos interlocuteurs avaient dit certaines choses
dans votre cabinet et d'autres devant nous. En tout cas, ce sont les mêmes qui
nous ont dit que le coût unitaire avait été calculé par référence à une
population qui n'était pas celle de la CMU puisque n'avaient été prises en
compte ni les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans ni celles relevant
de régimes dont la couverture de base est moins favorable que celle qui est
assurée par le régime général.
De fait, les sommes engagées actuellement par les départements, à savoir 5,3
milliards de francs, permettent de couvrir deux millions et demi de personnes.
Au tarif de la CMU, elles permettront de couvrir 3,6 millions de personnes.
Or, toute dérive du coût de la CMU conduirait les organismes complémentaires à
se retirer du système en se contentant - si l'on peut dire - de payer la taxe
de 1,75 % et en évitant l'inscription de certains bénéficiaires de la CMU, qui
augmenterait leurs charges en raison d'une insuffisante compensation
forfaitaire.
En outre, un ensemble de phénomènes, et non des moindres, n'ont pas été pris
en compte pour analyser les conséquences de ce projet de loi.
Je citerai, d'abord, les pertes de cotisations qui affecteront les organismes
de protection complémentaire dès lors qu'une partie de leurs adhérents
basculeront vers la CMU. Les petites mutuelles perdront, en effet, un certain
nombre d'adhérents, d'ou une augmentation du prix des contrats pour ceux qui
restent. Les mutuelles y perdront de la compétitivité et, à moyen terme, cinq à
dix ans, c'est leur survie qui pourra être menacée.
Je citerai, enfin, la pression qui pèse d'ores et déjà sur les fonds sociaux
des caisses, mais qui pèsera surtout sur les départements, voire sur les
communes, pour qu'ils prennent en charge les « victimes » de l'effet de seuil
introduit par le projet de loi. Les départements avaient retenu un seuil plus
élevé que celui qui est proposé dans le projet de loi, et des amendements en ce
sens seront proposés.
A cet égard, je voudrais évoquer la participation des départements au
financement du projet de loi. Ce n'était pas le néant avant ce texte ; les
départements participaient pour 5,2 milliards de francs aux dépenses ; le coût
de ce projet de loi est aujourd'hui évalué à 9 milliards de francs...
M. Jean Chérioux.
Il y avait les cartes santé !
M. Charles Descours,
rapporteur.
... et au-delà ! C'est-à-dire que, pour plus de la moitié,
l'effort était fait par les départements et, dans cette assemblée, vous le
savez bien.
Certains se sont interrogés sur une nouvelle répartition entre les
départements du bénéfice de la déduction forfaitaire de 5 %.
Il ne faut pas oublier que le dispositif n'a pas pour objet prioritaire
d'assurer une péréquation entre collectivités locales, mais d'abord de tirer
les conséquences financières d'un transfert de compétences en respectant une
compensation intégrale appréciée au franc le franc.
Pour autant, il nous appartient de faire part de notre inquiétude sur les
conséquences ultérieures de la CMU pour les finances locales en raison des
demandes qu'elle ne manquera pas de déclencher de la part des assurés sociaux.
Vous en avez parlé tout à l'heure, madame le ministre, dans votre exposé.
A ce propos, je regrette d'ailleurs que le Gouvernement ne soit pas allé
jusqu'au bout de sa démarche et ne tire pas les conséquences du retrait de la
compétence d'aide médicale aux départements sur le dispositif des contingents
communaux d'action sociale. Sur ce point, nous entendrons naturellement avec
beaucoup d'attention les analyses et les observations de la commission des
finances saisie pour avis. Il est bien évident que le devenir des contingents
communaux d'action sociale reste posé.
Enfin, je vous ai bien écouté, madame le ministre, sur la compensation au
franc le franc pour la sécurité sociale. Je souhaite vivement que cela soit
précisé au cours de la discussion et qu'il ne s'agisse pas d'une convention
globalement établie entre le Gouvernement et la CNAM, mais bien d'une
compensation au franc le franc.
J'en viens aux propositions de la commission.
La première consiste à créer une allocation personnalisée à la santé sur le
même modèle que l'allocation logement.
Ce projet n'est ni plus ni moins généreux que celui qui est soumis à notre
examen par le Gouvernement. Il fonctionne à coût constant, mais s'adresse
toutefois à un nombre plus élevé de bénéficiaires.
Il est bien évident que certains percevront moins mais il n'y aura pas d'effet
de seuil puisque nous irons plus loin que le plafond de ressources.
Nous proposerons de définir une couverture complémentaire comportant certaines
caractéristiques, notamment celle du meilleur rapport qualité-prix pour les
biens médicaux là où le Gouvernement - nous y reviendrons au cours de la
discussion - propose de faire bénéficier les ressortissants de la CMU des biens
les moins chers.
Notre deuxième proposition consiste à élaborer un projet responsabilisant qui
efface les effets de seuil.
En effet, nous proposons que les bénéficiaires perçoivent une allocation d'un
montant dégressif avec le revenu, à charge pour eux d'adhérer à une mutuelle ou
de souscrire à un contrat d'assurances.
Notre projet n'est pas non plus « désincitatif » à l'emploi et n'incite pas à
dissimuler quelques centaines de francs de revenu. Si vous fixez le seuil à 3
500 francs, il est bien évident que, pour continuer de bénéficier de la CMU,
certains préféreront travailler au noir. Notre proposition évite cet écueil.
Notre troisième proposition consiste à prendre en considération les
difficultés spécifiques rencontrées par les plus démunis.
Pour ceux qui perçoivent le SMIC, l'allocation personnalisée à la santé
couvrira entièrement le coût de la couverture complémentaire qui sera fixée par
l'Etat. Pour toutes les personnes autres que celles qui bénéficient du RMI,
nous prévoyons que la couverture complémentaire est obtenue, dans des
conditions de droit commun, auprès des organismes de protection sociale
complémentaire, tel que le veut notre système social depuis cinquante ans.
Seuls les titulaires du RMI seront gérés entièrement par les CPAM pour
l'assurance de base et pour l'assurance complémentaire. Le mélange des genres
qu'introduit le projet du Gouvernement nous semble anormal.
Enfin, notre quatrième proposition est d'aboutir à un projet véritablement
partenarial.
Dans ce système, c'est l'Etat qui fixera le prix de la couverture
complémentaire qui sera proposée aux bénéficiaires de l'allocation
personnalisée : il est en effet logique que la collectivité détermine les
caractéristiques d'un produit de couverture complémentaire auquel, en quelque
sorte, elle donnera un marché.
A la différence de ce qui est prévu par le projet de loi, les organismes
complémentaires seront remboursés au franc le franc, et non pas d'une manière
forfaitaire car, quoi que vous pensiez, madame le ministre, tous les organismes
complémentaires nous ont expliqué que retenir un forfait de 1 500 francs
c'était trop peu, soit de 10 %, soit de 30 % selon certains.
Le caractère partenarial de nos propositions se retrouve enfin dans la
composition du conseil d'administration du fonds qui comportera, autour d'une
majorité de représentants de l'Etat, des représentants des régimes de base, des
organismes de protection sociale complémentaire et des associations oeuvrant
dans le domaine économique et social en faveur des personnes défavorisées.
J'en arrive à ma conclusion.
D'un côté, il y a un projet de loi généreux, mais à effet de seuil massif,
déresponsabilisant pour ses bénéficiaires, porteur de graves menaces pour
l'avenir de l'équilibre juridique entre régimes de base et complémentaires et
pour celui, je le crains, des finances publiques et sociales ; de l'autre côté,
il y a - personne n'a le monopole du coeur ! - un projet tout aussi généreux,
inspiré d'un dispositif qui a très largement fait ses preuves, celui de
l'allocation logement, qui est responsabilisant, respectueux des équilibres
entre régimes de base et complémentaires, dont les aspects financiers sont, à
notre sens, mieux maîtrisés, et qui ne comporte pas d'effet de seuil.
Vous souhaitiez, madame le ministre, qu'un consensus se manifeste sur la
question de la couverture maladie universelle. J'espère vous avoir convaincue.
En adhérant à notre projet, qui est de nature à satisfaire tous les acteurs
appelés à participer à la couverture maladie universelle, vous serez
l'initiatrice d'un indispensable progrès social dans notre pays.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, mes chers collègues, le titre IV du projet de loi n'appelle
pas un long exposé général dès lors qu'il est une collection de mesures
diverses qui, selon M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, «
visent à améliorer, dans des domaines variés, le fonctionnement de notre
système de santé ».
« Mini-DMOS » dans sa version initiale, selon le rapporteur de l'Assemblée
nationale, M. Alfred Recours, ce titre est devenu, comme il était prévisible
dès lors que la porte avait été ouverte par le Gouvernement, un véritable
projet de loi de vingt-neuf articles, dont est « parasité » le projet de loi
portant création d'une couverture maladie universelle.
Qualifié de « réforme sociale unique en Europe », d'« avancée sociale majeure
», ce dernier projet de loi a ainsi vu sa discussion « polluée » à l'Assemblée
nationale - selon l'expression de M. Alfred Recours - par la discussion des six
articles initiaux du titre IV, auxquels sont venus s'ajouter pas moins de
vingt-trois articles additionnels.
La commission des affaires sociales a bien voulu me désigner comme rapporteur,
conjointement avec notre collègue M. Charles Descours, pour examiner ce DMOS et
plus particulièrement ces articles additionnels qui, au-delà des traditionnels
bis
et
ter
, imposent une révision très complète de la
numérotation latine, nécessaire pour aborder sereinement les
sexdecies,
vicies
et autres
tervicies
.
De fait, l'Assemblée nationale a consacré à la discussion des articles « DMOS
» un temps équivalent à celui qu'elle a mobilisé pour débattre des articles
relatifs à la couverture maladie universelle : 101 pages au
Journal
officiel
pour la CMU, 80 pages pour le DMOS.
Cela ne veut pas dire pour autant que la discussion de ce DMOS ait été
approfondie. Trop d'amendements ou sous-amendements ont été adoptés à l'issue
d'un échange laconique en trois temps ; l'auteur : « l'amendement est défendu »
; la commission : « favorable », le Gouvernement : « favorable également ». En
l'absence de toute mention dans le rapport de la commission, les commentateurs
devront donc se satisfaire, au titre des travaux préparatoires, de ces trois
interjections lapidaires proférées dans la nuit. C'était le 4 mai dernier.
A côté des griefs formulés à l'encontre du fond du texte, l'exception
d'irrecevabilité, défendue à l'Assemblée nationale par M. Bernard Accoyer, a
porté sur la dualité du texte qui comporterait, selon lui, un risque
d'inconstitutionnalité. Il est probable donc que le Conseil constitutionnel
devra trancher ce point.
Mais, au-delà du débat juridique, il n'est pas douteux que la procédure
utilisée n'a pas favorisé la clarté des débats parlementaires sur l'ensemble du
texte.
Chacun a regretté que n'ait pu être déposé un véritable projet portant
diverses dispositions d'ordre social. Par la voix de Mme la ministre de
l'emploi et de la solidarité, le Gouvernement lui-même l'a déploré alors qu'il
maîtrise l'ordre du jour du Parlement. En dépit de l'urgence qui s'attache,
selon lui, et vous l'avez confirmé, monsieur le secrétaire d'Etat, aux articles
du présent titre IV, le Gouvernement a donné la priorité à d'autres textes dont
certains apparaissent au Sénat inutiles ou, en tout état de cause, non
prioritaires.
De l'urgence de certains articles, on pourrait discuter longuement. Ainsi, le
Gouvernement a considéré comme « urgente » l'adoption d'un article 37 sur la
transmission de données du PMSI, le programme de médicalisation du système
d'information, qui ne satisfait personne alors qu'il existe une directive
européenne relative au traitement des données et à leur libre circulation - la
directive n° 95-46 - qui aurait dû être transposée avant la fin du mois
d'octobre 1998.
Un rapport de M. Guy Braibant sur les conditions de cette transposition a
d'ailleurs été remis au Premier ministre au début du mois de mars 1998. Depuis,
il ne s'est rien passé.
Or, selon mes informations, la phase précontentieuse européenne est déjà
engagée, ou sur le point de l'être. Vous nous en direz plus sur ce point, j'en
suis sûr, lors de la discussion des articles.
De surcroît, le DMOS introduit dans le projet de loi portant création d'une
couverture maladie universelle a dû et devra suivre les tribulations de ce
texte : retard dans le dépôt, urgence dans la procédure, risque enfin d'un
désaccord de fond entre les deux assemblées sur la mise en oeuvre de la CMU,
qui soulagera le Gouvernement du souci d'une navette sur les dispositions qui,
pour être techniques, n'en sont pas moins d'une grande ampleur.
La commission naturellement désapprouve la procédure retenue et s'est
abstenue, pour sa part, d'alourdir le titre IV de nouveaux articles
additionnels.
Je dois m'expliquer, mes chers collègues, sur l'attitude que votre rapporteur
a adoptée en cette matière. Déplorant la procédure, vous comprendrez qu'il ne
m'était pas possible d'introduire, en tant que rapporteur, des amendements à un
texte déjà très hétérogène.
En revanche, j'ai considéré, et la commission a été d'accord sur ce point,
qu'il n'était pas possible d'interdire à tel ou tel d'entre vous, mes chers
collègues, de présenter les amendements qui lui paraîtraient nécessaires, au
nom du principe, voire d'une référence littéraire selon lesquels « il faut
qu'une porte soit ouverte ou fermée », mais aussi en vertu d'un principe fondé
sur l'égalité des chances. En effet, je ne voyais pas de raison d'interdire à
mes collègues sénateurs, si toutefois j'en avais eu l'intention et l'autorité,
de suivre une procédure que les députés eux-mêmes avaient eu l'opportunité
d'utiliser.
M. François Autain.
Merci !
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Sur chacun des articles de ce titre IV, nous nous sommes
montrés soucieux d'adopter une position constructive qui permette de préserver
les chances d'un accord en commission mixte paritaire avec les députés.
Je veux espérer que les divergences éventuelles avec l'Assemblée nationale sur
les dispositions relatives à la CMU n'empêcheront pas les députés, au moins, de
« considérer » le travail du Sénat sur le titre IV et de faire leurs les
améliorations sur des articles qu'ils ont adoptés dans des conditions quelque
peu précipitées.
De même, je souhaite me faire l'interprète de mes collègues auteurs d'articles
additionnels. Le droit d'amendement des sénateurs ne saurait être mis en cause.
Or, la procédure choisie par le Gouvernement, qui « accroche » au projet de loi
sur la CMU un véritable DMOS, pourrait, si l'on n'y prenait garde, en cas
d'échec de la commission mixte paritaire - ce que nous ne souhaitons pas -
menacer en pratique la portée du droit d'amendement du Sénat.
Je souhaite être entendu par les députés et j'espère que vous saurez, monsieur
le secrétaire d'Etat, vous faire l'interprète de nos propos, si cela se
révélait nécessaire.
Je voudrais enfin émettre le voeu que, par la qualité de nos échanges, le
débat sur les articles additionnels qui ont été adoptés par l'Assemblée
nationale soit plus riche que les formules lapidaires que j'évoquais tout à
l'heure : « L'amendement est défendu ! Favorable ! Favorable également ! » Nous
n'aurons pas de peine, j'en suis sûr mes chers collègues, à faire mieux !
Telles sont les quelques considérations générales que je souhaitais formuler à
ce stade de la discussion, me réservant bien évidemment la possibilité
d'intervenir sur le fond pour chacun des articles du titre IV que j'ai
l'honneur de rapporter.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Oudin, rapporteur pour avis.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce projet de loi - je devrais dire
plutôt ces projets de loi - que nous ont exposé MM. les rapporteurs parvient,
en quelques articles, à traiter de l'ensemble, ou presque, de la protection
sociale et de ses problèmes.
On y trouve la dimension généreuse de l'assurance maladie. On y trouve aussi
ses contradictions financières, qui l'empêchent d'atteindre cet équilibre
auquel nous aspirons. On y trouve enfin la difficile question de la place
respective de la solidarité nationale et de l'initiative privée, de
l'assistance et de l'assurance. Toutes choses qui justifient l'examen
particulièrement attentif de la commission des finances.
Il s'agit, en effet, d'un débat fondamental qui touche aux principes mêmes de
notre protection sociale. Il s'agit, aussi, d'un débat financier que l'examen
du texte à l'Assemblée nationale a complètement occulté.
Mme le ministre, lors des explications de vote, a tenu les propos suivants : «
Comment peut-on affirmer que ce dispositif va coûter trop cher aux finances
sociales, lesquelles ne sont d'ailleurs pas concernées ? » Je me suis attaché à
approfondir la question dans mon rapport écrit, dont je reprendrai ici les
principaux aspects.
Cela étant dit, je regrette que Mme le ministre n'ait pas jugé opportun de
répondre à l'invitation de la commission des finances, devant laquelle nous
aurions pu débattre de tous ces problèmes et confronter nos points de vue et
nos analyses.
A cette occasion, j'aurais pu adresser à Mme le ministre mes compliments sur
un point. En effet, avec ce projet de loi, 150 000 personnes - les 150 000
dernières, j'espère - vont être couvertes par l'assurance maladie de base. Tous
ses prédécesseurs ont souhaité atteindre cet objectif. Le général de Gaulle, il
y a plus de cinquante ans, en avait nourri le projet. Jacques Chirac, voilà
vingt-cinq ans, l'avait presque entièrement réalisé. Alain Juppé, il y a cinq
ans, avait décidé de l'achever. Aujourd'hui, vous nous proposez de couvrir
l'ensemble de la population française par une assurance maladie de base. Nous
ne pouvons que vous suivre sur cette voie que nous vous avons ouverte.
L'autre inspiration généreuse de votre projet de loi concerne l'assurance
complémentaire totale et gratuite de 6 millions de Français qui en sont
aujourd'hui dépourvus.
Je ne conteste pas qu'il existe dans notre pays des formes difficilement
acceptables d'exclusion financière des soins.
Je vous ferai seulement remarquer que des initiatives privées, de très
nombreuses initiatives locales, ainsi que l'action sociale des caisses
apportent aujourd'hui une aide considérable à des millions de nos concitoyens.
Ces efforts ne sont pas, me semble-t-il, assez mis en valeur.
Par ailleurs, on peut s'interroger à la fois sur le mode de financement d'un
tel projet et sur son principe même.
Avant toute chose, il me paraît important de rappeler le contexte financier
dans lequel nous nous trouvons. La dette publique atteint 58 % du PIB. Le
déficit budgétaire est de 240 milliards de francs. Le niveau des prélèvements
obligatoires s'établit à 44,5 % du PIB. La dette sociale remise à la CADES est
actuellement de 224 milliards de francs auxquels s'ajouteront bientôt 40
milliards de francs de nouveaux déficits. Les dépenses de santé s'élèvent à de
plus de 620 milliards de francs. Le déficit de l'assurance maladie dépasse 16
milliards de francs pour 1998.
Mme le ministre a évalué ce déficit à plus de 12 milliards de francs pour
1999, mais il se situera plus sûrement aux environs de 20 milliards. La
croissance des dépenses d'assurance maladie au cours des douze derniers mois
s'est établie à un point au-dessus de celle du PIB et de l'ONDAM, alors qu'elle
atteint déjà un niveau parmi les plus élevé des pays développés. Nous
constatons la persistance de la dérive des dépenses d'assurance maladie et,
dans le même temps, vous nous proposez de nouvelles dépenses.
Dans ce contexte, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il est contraint,
de plus en plus contraint, comment sera financée la couverture maladie
universelle ? Disons-le clairement, votre projet de loi va coûter cher et
demander un effort financier à tous les partenaires.
Mme le ministre a dit que la réforme et l'extension de la couverture de base
seront neutres pour les partenaires sociaux. Elle a néanmoins écrit qu'elle
coûtera 900 millions de francs à la branche maladie et 320 millions de francs à
la branche famille.
Je pense que ces deux branches n'apprécient pas de la même façon qu'elle cette
notion de neutralité. En fait, ce texte se traduit par près de 1,3 milliard de
francs de dépenses supplémentaires pour la sécurité sociale. Nous voulons bien
débattre des chiffres !
Mme le ministre affirme que la couverture complémentaire représentera 9
milliards de francs de dépenses : plus de 5 milliards de francs viennent des
départements, 1,8 milliard de francs sont payés par les mutuelles et les
assurances et 1,7 milliard de francs proviennent d'une subvention de l'Etat.
Comme elle a par ailleurs indiqué que les mutuelles et les assurances ne
verseront rien au titre du prélèvement obligatoire si elles s'engagent dans la
prise en charge de la CMU, on peut conclure que seul l'Etat supportera le poids
de son texte.
Dans mon rapport écrit, j'ai indiqué, en détail, pourquoi nous contestons la
plus grande partie de cette présentation financière. Cette présentation n'est
pas sincère, elle minore les dépenses à la charge de chacun des acteurs de la
protection sociale, elle laisse volontairement de côté d'autres dépenses que le
souci de la transparence aurait dû conduire à mentionner.
Comment peut-on soutenir que l'assuré de base couvert par la CMU coûtera 4 000
francs par an à l'assurance maladie alors que le même assuré RMIste pris en
charge par l'assurance personnelle coûte 9 400 francs par an, sans prendre en
compte l'hospitalisation ? Cette différence, c'est un surcoût de 800 millions
de francs à la charge de l'assurance maladie, et il n'apparaît pas, bien
entendu, dans vos estimations.
Comment peut-on affirmer également que l'assuré complémentaire couvert par la
CMU coûtera 1 500 francs par an aux organismes complémentaires, alors que les
mutuelles qui ont fourni ce chiffre ont travaillé sur une base de l'année 1995
en intégrant des prestations moins importantes et moins coûteuses que celles
qui figurent dans le projet de loi ? Le surcoût acquitté pour les organismes de
protection complémentaire pour les 6 millions de bénéficiaires qui ne paient
rien sera de près de 1,6 milliard de francs. Je remarque à ce propos que le
traitement des partenaires est bien différent : l'Etat remboursera ses frais
réels à la CNAMTS et seulement 1 500 francs aux organismes de protection
complémentaire. Tout cela mériterait à la fois des explications et des
justifications.
Comment peut-on dire aussi que le texte ne remet pas en cause la cotisation
minimale de la CANAM et de la MSA ? Certes, il ne le fait pas à la lettre, mais
il pose la question du devenir de la cotisation forfaitaire versée, quel que
soit le revenu des affiliés, à un de ces deux organismes. Le coût en sera, pour
eux, de 1,7 milliard de francs.
Comment peut-on encore ne pas mentionner aussi le coût de la prolongation des
droits à couverture complémentaire pour les bénéficiaires qui se seront
adressés aux mutuelles et aux assurances ? Quand on sait que le taux d'entrées
et sorties devrait avoisiner les 50 %, ce coût n'est pas nul ! En fait, il
approchera les 500 millions de francs.
Comment peut-on enfin passer sous silence les frais de gestion de la CNAMTS,
les frais de gestion des organismes complémentaires, les coûts transitoires
pour les communes et les départements, les pertes de recettes pour les
mutuelles couvrant des personnes gagnant moins que les seuils retenus pour la
CMU ?
Tous ces coûts existent, et M. Charles Descours en a mentionné certains. Quant
à moi, j'ai essayé de les chiffrer au mieux. Au total, ce seront 10 milliards
de francs au moins qui seront dépensés en plus des sommes actuellement
affectées ici et là à l'aide médicale. Je pense que la représentation nationale
mérite davantage de transparence, de clarté et de vérité.
Tout cela est d'autant moins acceptable que tout indique que l'avenir sera
dépensier.
Nous sommes tous conscients que nous créons, avec la CMU, un nouveau minimum
social qui, comme tous les minima sociaux, a vocation à voir son coût croître
et embellir.
A l'appui de cette remarque, je tiens à rappeler quelques chiffres : en 1991,
le RMI a coûté 14,3 milliards de francs et, pour 1999, nous en sommes à 26,4
milliards de francs ; par ailleurs, l'allocation aux adultes handicapés est
passée de 13 milliards de francs en 1987 à 23,4 milliards aujourd'hui.
Je suis d'ailleurs prêt à engager le pari que, dans quelques années, nous
discuterons du passage aux 25 milliards de francs consacrés à la couverture
maladie universelle.
Rien dans ce projet de loi n'incite à la maîtrise des dépenses, mais je ne
citerai que trois sources de dérives financières.
La première source d'augmentation des dépenses est l'affiliation automatique
par les caisses primaires d'assurance maladie. Sans remettre en cause ni le
bien-fondé de leur intervention ni la conscience professionnelle de leur
personnel, je remarque que le contrôle des revenus se fera
a posteriori
et qu'elles n'ont, actuellement, aucune expérience en la matière.
La deuxième source d'augmentation des dépenses, c'est la non-participation
financière, même symbolique, des bénéficiaires de la CMU. Il paraît difficile
de revenir sur l'idée de tiers payant intégral, mais je suis persuadé que
prévoir une participation modulée aurait rendu le texte plus responsabilisant
et aurait atténué l'effet de seuil. C'est ce que la commission des affaires
sociales propose, et j'en suis heureux.
La troisième source d'augmentation des dépenses repose sur le paradoxe des 1
500 francs. De ce point de vue, ce projet de loi prend un aspect
incantatoire.
Vous expliquez ainsi, madame le ministre, qu'un bénéficiaire de la CMU coûtera
1 500 francs par an au titre de son assurance complémentaire ; mais, dans le
même temps, vous laissez le soin aux professionnels de santé de négocier les
prix et les tarifs. Tout laisse croire - tel est l'avis de tous les
professionnels que j'ai consultés - qu'il faudra compter davantage.
Mais comment ferez-vous entrer dans ces 1 500 francs des dépenses bien plus
importantes, c'est-à-dire l'ensemble des prestations.
Je vous rappelle donc pour mémoire ce qui sera pris en charge au titre de la
CMU : le forfait journalier sans plafond - ce qui n'existe nulle part ailleurs
dans aucun contrat de couverture complémentaire - tous les tickets modérateurs,
les remboursements intégraux des lunettes, des appareils dentaires, des
appareils audiophones, etc. Tout cela serait pris en charge pour seulement 1
500 francs par an ! Les dirigeants des mutuelles sont perplexes devant un tel
exercice. De toute évidence, les dépenses seront supérieures et elles
augmenteront.
Le système est tout à fait étonnant : les complémentaires sauront ce quelles
reçoivent - 1 500 francs - mais elles ne connaîtront pas le montant de ce
qu'elles paieront. Je vous laisse juge, mes chers collègues.
Vous expliquez, madame le ministre, que les plus démunis consomment moins que
la moyenne des assurés. Je vous réponds que les comportements de consommation
ont tendance à se rapprocher et qu'ils auront tendance à se rapprocher plus
encore avec cette mesure.
Vous dites également que les professionnels de santé accepteront de maîtriser
leurs coûts. Je vous réponds qu'ils ne le font pas pour le régime général.
Vous dites encore que les organismes complémentaires s'impliqueront dans la
logique partenariale. Je vous renvoie sur ce point à la réponse que vous avez
adressée à leurs protocoles techniques mettant en place ce partenariat.
Je ne peux passer sous silence certains effets pervers de ce projet de loi. A
ce titre, il me paraît essentiel de citer quatre critiques de fond sur le
dispositif que vous nous proposez.
La première critique est d'ordre philosophique : vous brouillez les frontières
entre la couverture complémentaire et l'assurance de base. Depuis 1945, la
place de chacun est pourtant claire : à la solidarité nationale obligatoire
échoit l'assurance maladie de base ; de l'acte volontaire et facultatif dépend
la protection complémentaire.
Vous avez décidé de changer ces principes fondateurs au détour du chemin de la
CMU. Je sais qu'à l'Assemblée nationale vous avez indiqué que « la CMU ne
modifie en rien les frontières entre la sécurité sociale de base et la
couverture complémentaire. Aucun Français ne bénéficie aujourd'hui d'une
couverture complémentaire par la sécurité sociale, aucun Français n'a de
couverture de base par la complémentaire. Rien de changera demain, nous
garderons le même dispositif et il n'y aura aucun coût supplémentaire pour la
sécurité sociale. » Vous venez de le répéter, mais je ne pense pas que ce soit
l'exacte vérité.
Demain, la CNAMTS accueillera des assurés complémentaires relevant de la CMU,
à moins que ce ne soient les complémentaires qui accueillent des assurés de
base couverts par la CMU. Quelle sera en effet la nature de la couverture
complémentaire de la CMU ? S'agira-t-il d'une protection complémentaire ? Mais
alors pourquoi permettre à l'assurance maladie de s'y introduire ? S'agira-t-il
d'une protection de base mal dénommée ? Mais alors pourquoi demander aux
complémentaires d'intervenir dans ce domaine ? J'ai du mal à suivre votre
raisonnement.
La deuxième critique de fond est d'ordre financier.
Alors que nous critiquons tous le niveau des prélèvements obligatoires, vous
réussissez à en créer un nouveau, volontairement occulté dans la présentation
de la réforme. Vous me rétorquerez, je le sais bien, que les organismes de
protection complémentaire qui s'impliqueront n'auront rien à payer, puisqu'ils
déduiront de la taxe due les sommes versées pour la prise en charge d'un
bénéficiaire de la CMU. Ce raisonnement est pervers et nie la réalité
économique.
La réalité, c'est que les mutuelles et assurances auront au moins 1,8 milliard
de francs à payer. Qu'elles décident ou non de s'impliquer, cette somme sera à
leur charge, et donc à celle de leurs adhérents et assurés.
La troisième critique de fond se situe sur un plan humain. Je ne la
développerai pas, puisque Charles Descours en a longuement parlé. Il s'agit des
seuils et de leur effet de guillotine.
La quatrième et dernière critique, à mes yeux la plus importante, est d'ordre
ontologique.
Le terme de couverture maladie universelle est trompeur. L'universalité de
l'assurance maladie devrait aboutir à un régime unique et général. Vous vous
contentez du deuxième qualificatif.
Avec l'assurance maladie universelle, esquissée par le précédent gouvernement,
celui-ci avait eu le courage d'aborder de front le problème du rapprochement
des régimes maladie, en même temps que d'achever de couvrir la population
française. Vous vous arrêtez à la généralisation, sans aborder cette question
du rapprochement nécessaire et important des régimes maladie. Il aurait été
plus conforme à la réalité d'intituler votre mesure « couverture maladie
généralisée ».
Mes chers collègues, après ces remarques, vous seriez en droit de penser que
nous critiquons sans faire de propositions. Ce n'est pas dans les habitudes de
la Haute Assemblée.
La commission des affaires sociales a conçu une autre manière de voir la CMU.
Elle nous propose une CMU plus responsabilisante et moins « sèche », une CMU
plus partenariale, mieux intégrée dans l'architecture de notre protection
sociale. La commission des finances soutient ces propositions. Elle souhaite
cependant mettre l'accent sur trois thèmes que je développe rapidement et qui
sont repris dans les amendements de la commission des finances.
Le premier thème concerne bien évidemment les finances locales.
Ce projet de loi supprime l'aide médicale départementale et remonte vers
l'Etat la dotation globale de décentralisation correspondante. Nous ne
contestons pas cette recentralisation. Nous constatons simplement qu'elle remet
en cause le principe même de l'existence des contingents communaux d'aide
sociale.
Le temps est certes venu de supprimer cette participation des communes aux
dépenses d'aide sociale des départements et de rendre chaque collectivité
maîtresse de ses dépenses. Nous ne voulons pas interférer dans les négociations
actuellement menées par notre collègue Michel Mercier pour organiser les
compensations, mais nous souhaitons lancer le débat au cours de ce projet de
loi, qui concerne directement cette question.
Le deuxième thème est celui de la neutralité fiscale.
Je ne dénoncerai jamais assez la création d'un nouveau prélèvement
obligatoire. Je dénoncerai cependant avec encore plus de vigueur un prélèvement
obligatoire qui organise une double imposition.
En effet, la taxe de 1,75 % que crée ce texte sera soumise non seulement à la
taxe de 7 % sur les contrats d'assurance, mais aussi à l'impôt sur les
sociétés. Il nous paraît de la justice fiscale la plus élémentaire d'assurer la
plus grande neutralité possible à ce prélèvement.
Par ailleurs, votre projet de loi, en déduisant les dépenses des recettes du
fonds de financement, rompt avec le principe fondamental de notre comptabilité
publique de non-compensation des recettes et des dépenses. Nous sommes là à un
tournant, et je ne comprends d'ailleurs pas que votre collègue, le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie, ait laissé passer une telle
disposition.
Le troisième thème est celui de la prévoyance.
Ce projet de loi introduit une obligation, pour les entreprises, de négocier
chaque année sur la prévoyance et une obligation d'avoir abouti à un résultat
sur ce thème pour qu'un accord de branche soit étendu. Comme ce texte étend la
protection complémentaire, nous estimons qu'il est juste de favoriser la
conclusion d'accords de prévoyance.
Mais inciter ne veut pas dire contraindre. Il ne m'apparaît pas sain de créer
une obligation nouvelle. Nous proposons donc de revenir sur la pénalisation
fiscale inutile dont souffre la prévoyance et d'alléger quelque peu les
prélèvements obligatoires qui pèsent sur elle.
Voilà, rapidement exposées, les principales observations et propositions de
votre commission des finances.
Je conclurai cette intervention en attirant votre attention sur le fait que ce
texte bouleverse largement notre système de protection sociale, nos rapporteurs
de la commission des affaires sociales nous l'ont déjà indiqué. De plus, il
introduit des incertitudes financières substantielles qui doivent être
levées.
La commission des finances vous indique, elle, que toute nouvelle mesure doit
se financer, de préférence, à dépense totale constante, rejoignant en cela le
projet de la commission des affaires sociales.
Un pays qui dépense autant que le nôtre pour sa protection sociale doit
pouvoir trouver, au sein d'une enveloppe égale, l'argent nécessaire à certaines
réformes, dont celle-ci.
Madame le ministre, vous êtes la comptable de notre système de protection
sociale vis-à-vis des assurés d'aujourd'hui. Vous le serez également vis-à-vis
des contribuables de demain. C'est cela qui inquiète notre commission des
finances.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon
propos sera bref : vous comprendrez bien que je ne vais pas reprendre tout ce
qui a été dit - et bien dit - par nos rapporteurs. Je me bornerai à formuler
quelques observations à propos de ce texte.
Je vous rappelle la procédure qui a été suivie. Après son annonce, lors de la
discussion du projet de loi d'orientation relative à la lutte contre les
exclusions déposée à la mi-mars 1998, ce texte devait être déposé en même temps
que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999,
c'est-à-dire en octobre 1998, puis dans le courant de l'automne 1998, puis
avant la fin de l'automne 1998. Il a été déposé en définitive le 3 mars 1999,
immédiatement assorti de l'urgence, ce qui signifie une seule lecture dans
chaque assemblée.
Je tiens à attirer l'attention du Gouvernement sur les risques de dérapage qui
pervertissent les commissions mixtes paritaires.
Certains textes rapportés par la commission des affaires sociales ont fait
récemment l'objet d'une commission mixte paritaire. Sept sénateurs se sont donc
retrouvés en face de trois députés, dont le président de la commission et le
rapporteur, ce qui est la moindre des choses, le tout... pour rien.
En effet, compte tenu de la composition politique des deux assemblées, une
commission mixte paritaire qui se réunit après une seule lecture est quasiment
certaine d'être vouée à l'échec. Celui-ci est avéré dès qu'elle parvient au
premier obstacle qu'elle ne peut pas lever.
Lorsqu'il s'agit d'un texte aussi important que celui-là - vous l'avez
souligné tout à l'heure, madame le ministre - il est dommage, même s'il existe
des désaccords fondamentaux, de ne pas pouvoir en débattre et d'essayer, sur un
certain nombre de points, de trouver une formulation acceptable par tous.
De plus, pour compliquer la tâche, le Gouvernement a ajouté un « mini DMOS »,
selon les termes de M. Recours, rapporteur de l'Assemblée nationale. Ce texte
est devenu, en fait, un DMOS de vingt-neuf articles. M. Huriet a souligné les
préoccupations qu'il avait prises pour ne pas l'alourdir, mais aussi les
difficultés ainsi créées.
Avec un projet de loi tendant à créer une couverture maladie universelle, qui
est de portée générale, et un DMOS qui comprend une série de petits textes
devant couvrir un certain nombre de situations, on aboutit à mélanger les
genres ! Les commissions mixtes paritaires ne peuvent pas jouer tout leur rôle.
D'ailleurs, point n'est besoin d'être prophète pour imaginer que, lors de la
prochaine commission mixte paritaire sur ce projet de loi, on n'arrivera pas
jusqu'à l'examen du titre IV !
On aurait pu penser que le temps pris par l'exécutif pour préparer ce projet
de loi, depuis son annonce jusqu'à sa présentation, aurait permis au Parlement
de disposer de tous les éléments nécessaires pour en débattre en toute
connaissance de cause. Malheureusement, s'agissant en particulier de l'étude
d'impact, nous sommes restés sur notre faim.
Selon la circulaire de M. le Premier ministre en date du 26 janvier 1998, dont
M. Descours a publié des extraits dans son rapport, « le degré de détail et la
finesse d'analyse de l'étude d'impact doivent être proportionnels à
l'importance des mesures proposées et à leurs conséquences sur la société,
l'économie et l'administration ».
Chacun conviendra que l'impact du projet de loi dont nous discutons
aujourd'hui est considérable, d'abord, quant à ses conséquences financières
prévisibles sur le budget tant de l'Etat que des collectivités locales ou de la
sécurité sociale ou encore sur l'activité des organismes de protection
complémentaire et, ensuite, par les bouleversements qu'il introduit dans les
principes qui fondent notre protection sociale.
Or les éléments fournis au Parlement sont tout à fait insuffisants ; c'est un
euphémisme ! Mme la ministre nous dira le contraire, mais pour nous le
chiffrage du Gouvernement repose sur une arithmétique simple : le produit d'un
nombre de bénéficiaires par un coût unitaire : 4 000 francs par 150 000
personnes pour la couverture de base sur le critère de résidence pour des
personnes qui n'étaient pas couvertes par l'assurance personnelle ; 1 500
francs - le fameux panier de soins - par 6 millions de personnes pour la
couverture complémentaire gratuite.
Or l'étude d'impact ne fournit aucune justification de ces hypothèses de base
qui déterminent en fait tout l'équilibre du projet de loi.
On cherchera vainement, dans cette étude d'impact, les conséquences du projet
sur l'économie et sur les administrations, qu'elles soient nationales ou
locales.
J'ajoute qu'à ma grande surprise, alors que tout projet de loi, même
anecdotique, prévoit un bilan, celui dont nous discutons aujourd'hui, dont
l'impact est si considérable, mais également si incertain, en est dépourvu.
Aussi, la commission a-t-elle fortement insisté sur ce point, afin que le
Parlement puisse exercer son droit de suivi et de contrôle sur un dispositif
qui, s'il était maintenu tel qu'il nous parvient de l'Assemblée nationale,
comporterait, à notre avis, de graves risques de dérive.
Je terminerai par un point qui vous paraîtra peut-être aussi paradoxal.
Le propre du seuil dit de pauvreté est de s'élever en fonction de la
progression du niveau de vie global d'un pays. Son calcul pour un pays est en
effet fonction du niveau de vie global et de la répartition des revenus d'un
bout à l'autre de l'échelle. Or je crains que ce dispositif, par nature
extensif, n'aboutisse en fait à une véritable aggravation de la rupture sociale
- je pèse mes mots - en particulier avec le lien humain que représente la
solidarité de proximité, laquelle sera systématiquement renvoyée au partenaire
le plus anonyme : l'Etat.
A cela, nous voulons - c'est la position de la commission des affaires
sociales ainsi que, sans doute, celle de la majorité du Sénat - opposer une
vision certainement plus optimiste, plus positive, incitant les personnes qui
sont en situation de précarité et que l'on ne peut effectivement pas laisser au
bord du chemin à sortir de ce dispositif d'accueil et de protection plutôt que
de s'y enfermer.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 60 minutes ;
Groupe socialiste : 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 39 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 22 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe :
8 minutes.
Dans le suite de la discussion générale, la parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 garantit à
tous la protection de la santé. Si, depuis sa création, en 1945, la sécurité
sociale s'est progressivement étendue à toutes les catégories de Français, on
estime qu'aujourd'hui dans notre pays environ 150 000 personnes ne bénéficient
d'aucune protection sociale et ne peuvent accéder aux soins. Dans son principe,
la création d'une couverture maladie universelle est donc de nature à répondre
au droit à la santé pour tous.
Représentant les Français établis hors de France, c'est sur ce principe du
droit à la santé pour tous que je souhaite intervenir. Dans son discours
d'ouverture à la cinquante et unième assemblée plénière du Conseil supérieur
des Français de l'étranger, le 28 septembre 1998, le Premier ministre, M.
Lionel Jospin, déclarait à propos de la CMU « qu'il était apparu nécessaire de
répondre également à la demande de protection sociale de nos compatriotes à
l'étranger ». Il répondait ainsi au voeu numéro un du Conseil supérieur des
Français de l'étranger, adopté à l'unanimité en septembre 1997, qui demandait
une coordination de la future assurance maladie universelle avec le système
d'assurance maladie des Français de l'étranger.
Les Français de l'étranger ont en effet droit à une protection sociale à titre
volontaire depuis la loi Armengaud de 1965 pour le risque vieillesse,
protection étendue ensuite à la maladie et aux accidents du travail. La CMU,
telle qu'elle est définie dans le présent projet de loi, donne accès sous
certaines conditions à l'affiliation au régime général sans contrepartie de
cotisation aux résidents de la France métropolitaine et des départements et
territoires d'outre-mer. De fait, et bien que la CMU soit dite « universelle »,
elle exclut dans sa version actuelle les Français de l'étranger.
Or, il est logique que les Français établis hors de France soient admis à ce
même bénéfice, l'Etat leur ayant reconnu le droit à la sécurité sociale et
ayant mis en place un organisme spécifique, la Caisse des Français de
l'étranger, pour gérer ce système.
En effet, tout comme en France, certains de nos compatriotes à l'étranger ne
peuvent, malheureusement, assumer le coût de la cotisation maladie.
L'engagement pris par le Premier ministre le 28 septembre 1998 trouve
aujourd'hui son application avec la création de la CMU. Bien conscient que le
système de protection sociale des Français de l'étranger est particulier, j'ai
déposé, avec un certain nombre de mes collègues, un amendement à l'article 1er
du projet de loi visant à poser le principe du bénéfice de cette mesure
nouvelle aux Français de l'étranger, en suggérant d'en limiter l'accès à nos
compatriotes bénéficiaires de l'aide sociale du ministère des affaires
étrangères, soit 5 500 allocataires, essentiellement des personnes âgées et des
adultes handicapés aux revenus très insuffisants, ne leur permettant pas de
recevoir les soins dont elles ont besoin.
Ainsi, nous posons le principe de l'équité entre tous les Français, qu'ils
résident en France ou à l'étranger, lorsqu'il s'agit d'un droit aussi
fondamental que le droit à la santé.
Les Français de l'extérieur, pour lesquels l'Etat fait certes déjà beaucoup,
mais qui sont encore trop peu nombreux à s'expatrier dans un contexte de
mondialisation où le développement du commerce extérieur est nécessaire pour
l'emploi, doivent être considérés comme des Français à part entière, apportant
à leur pays une contribution importante.
C'est pourquoi nous vous demandons, madame le ministre, de ne pas les oublier
et de répondre favorablement à leur attente s'agissant de la couverture maladie
universelle.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, annoncé lorsque le Gouvernement présentait, voilà un an
maintenant, son plan de lutte contre les exclusions, le projet de loi dont nous
discutons aujourd'hui est un volet essentiel de celui-ci. Sa gestation aura mis
beaucoup de temps ; maintenant, il faudrait que sa mise en oeuvre soit rapide
et effective.
Nombre d'associations impliquées depuis des années dans la lutte contre les
exclusions ont su, malgré des différences d'approche et de pratique, faire
cause commune pour promouvoir avec force la revendication d'une égale dignité
pour tous, pour refuser la ghettoïsation des plus démunis. Egale dignité veut
dire droits égaux et, parmi les plus fondamentaux de ceux-ci, figure le droit à
la santé.
La période récente - et la longue marche qui fut nécessaire pour obtenir des
lois contre les exclusions y est pour quelque chose - a mis en évidence que,
malgré notre système de protection sociale, une partie croissante de la
population renonçait aux soins.
En effet, au-delà des personnes privées d'emplois depuis longtemps, des jeunes
n'ayant pas accès à l'emploi, sont aussi touchés les « salariés pauvres »,
victimes de la précarité dans le travail.
Madame la ministre, vous l'avez dit : le niveau de revenu conditionne
largement le niveau d'accès aux soins.
Un Français sur quatre, mais 40 % des chômeurs déclarent avoir renoncé à des
soins pour des raisons financières. Tout le monde le sait, les restrictions
portent majoritairement sur les soins dentaires et les prothèses, mais aussi
sur les consultations médicales et les examens, ainsi que sur l'achat de
lunettes.
Si chômage et précarité sont les causes essentielles des difficultés d'accès
aux soins comme aux autres droits, ce qui nous conduit à réaffirmer que la
question de l'emploi est fondamentale, l'évolution de notre système de santé,
soumis à une contrainte financière croissante, est aussi responsable de l'état
sanitaire des Français.
Nous savons tous que les niveaux de couverture obligatoire n'ont eu de cesse
de se réduire. Pour les soins ambulatoires, par exemple, 45 % des frais sont à
la charge des patients.
Inévitablement, les faibles niveaux de remboursement, la charge croissante du
ticket modérateur, la contrainte du forfait hospitalier, du secteur II,
conduisent certaines personnes à différer, voire à renoncer définitivement aux
soins.
La couverture obligatoire ne suffit plus, loin s'en faut, pour garantir un
accès réel aux soins. Dans certains cas, l'absence de couverture complémentaire
le rend impossible.
Là encore, les Français sont loin d'être égaux devant ce second étage de
protection. Si 85 % sont protégés par une couverture maladie complémentaire,
les catégories sociales les plus modestes y ont beaucoup plus difficilement
accès.
Dans les foyers où le revenu par unité de consommation est inférieur à 2 000
francs, seules 51 % des personnes en bénéficient, alors que ce taux de
couverture complémentaire est de 96 % pour les personnes dont ce même revenu
est supérieur à 8 000 francs.
Le fait d'intégrer la couverture complémentaire de santé au droit à la santé
et d'associer la mutualité à la solidarité nationale est une réelle avancée du
dispositif de la CMU. Il procède d'une conception bien différente de celle du
projet d'assurance maladie universelle de M. Barrot, en germe dans le plan
Juppé de réforme de la sécurité sociale, dont l'unique objectif était de fondre
en un seul régime
a minima
tous les régimes professionnels de salariés,
y compris les régimes spéciaux.
Le choix de la couverture maladie universelle, un demi-siècle après la
création de notre système de sécurité sociale, n'avait de sens que s'il
permettait effectivement une extension du droit.
C'est ce que propose le texte voté par l'Assemblée nationale ; l'universalité
du droit étant posé avec un effort particulier - la gratuité - pour les
personnes les plus en difficulté.
Aujourd'hui, théoriquement, la quasi-totalité de la population a droit à
l'assurance maladie.
Pour les personnes ne pouvant justifier d'une activité, l'assurance
personnelle, dont le coût est prohibitif, prend le relais et assure en principe
la même couverture. Un autre filet de protection est prévu pour les
bénéficiaires du RMI, personnes disposant de faibles revenus : l'aide médicale
financée par les départements.
Mais nous connaissons tous les limites de cette aide très inégalitaire et
stigmatisante, sa logique d'assistance, l'organisation administrative lourde et
les démarches humiliantes qu'elle impose.
De plus - cela a déjà été dit - 150 000 personnes sont totalement privées de
couverture.
Par conséquent, avec la CMU, l'affiliation immédiate, automatique et continue,
sur simple critère subsidiaire de résidence, relève bien de la simplification
et de l'élargissement d'un droit à la couverture des risques. Les personnes qui
seront intégrées au dispositif commun sont au nombre de 700 000.
Je reviendrai, lors de l'examen de l'article 3, sur ce critère de résidence
stable et régulière et sur la part de l'aide médicale d'Etat en faveur des
personnes en situation irrégulière. Nous avons dit, à l'Assemblée nationale,
que c'était irréaliste et inefficace en termes de santé publique. Je continue
de le penser.
A cette extension de la couverture de base, le projet adjoint le droit à une
couverture complémentaire gratuite pour les plus démunis couvrant intégralement
les dépenses de soins : 6 millions de personnes sont concernées, soit 10 % de
la population, ce qui constitue la majeure partie de ceux qui, à l'heure
actuelle, n'ont pas de couverture complémentaire.
L'ampleur du phénomène montre où on en est réellement de la protection
sociale.
J'y vois un appel à trouver des réponses durables, notamment à accroître les
ressources de la sécurité sociale pour lui permettre de répondre aux besoins de
santé de l'ensemble de la population, ce qui pose évidemment la question du
financement.
Quand j'entends la majorité sénatoriale, qui craint comme la peste que la CMU
n'augmente les dépenses de la sécurité sociale, déplorer que le Gouvernement
instaure une protection sociale à deux vitesses en faveur des plus pauvres ou
encore quand j'entends, comme tout à l'heure, M. Oudin s'insurger au motif que,
comme cela s'est produit pour le RMI, on risque de dépenser plus que prévu, je
me dis que les positions de classe ont encore de beaux jours devant elles !
(Protestations sur les travées du R.P.R. et des Républicains et
Indépendants.)
Pour ma part, je considère que la CMU doit tirer vers le haut le niveau
de protection sociale obligatoire.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
Mme Nicole Borvo.
C'est une des raisons pour lesquelles le contre-projet de la commission ne
peut me convenir.
De même, le plan d'économie tel qu'il est annoncé par le président de la CNAM
ne peut, lui non plus, nous convenir. Réduire les soins soumis à remboursement,
faire supporter encore plus de contraintes au secteur public hospitalier, ce
n'est pas source d'égalité, bien au contraire !
Et ne criez pas au trou de la sécurité sociale ! Il a été ramené à 0,4 % des
dépenses par les contraintes qui pèsent sur les soins, et, comme on peut le
constater, c'est le public qui subit les restrictions les plus drastiques.
Les débats se sont cristallisés à l'Assemblée nationale sur le volet «
couverture complémentaire » ; il en sera de même ici, je n'en doute pas.
Nous avons tous en mémoire les trois scénarios que M. Boulard proposait
d'explorer : le premier, la couverture décentralisée encadrée ; le deuxième, la
couverture centralisée et le troisième, la couverture partenariale.
La solution finalement retenue, à savoir l'option généralisée, qui associe
CPAM et organismes complémentaires, est, à mon sens, un bon compromis, qui
permettra de maintenir le plus grand nombre des victimes d'accidents de la vie
dans le droit commun et d'apporter aux personnes les plus désocialisées une
prise en charge et une réponse adéquate.
Je ne vous cacherai pas que nous sommes assez réticents, pour ne pas dire
plus, de voir les assureurs entrer dans le système. Le fait qu'ils y soient
eux-mêmes favorables n'est pas pour nous rassurer. Je ne crois évidemment pas à
leur soudaine volonté d'assumer leur mission auprès des plus démunis.
Si les assurances n'ont pas attendu la CMU pour s'intéresser à la santé, il
est assez probable qu'elles acceptent de prendre le « risque » CMU pour y être
encore plus introduites.
Or, de ce point de vue, nous connaissons déjà les évolutions en cours.
Conçus dans l'optique du plan Juppé, les filières et réseaux de soins sont une
pièce maîtresse du dispositif destiné à comprimer les dépenses remboursables
et, parallèlement, à faire de la santé un marché lucratif, en marge de la
sécurité sociale.
Les compagnies d'assurance, les AGF ou AXA par exemple, multiplient leurs
démarches auprès des professionnels de santé : dentistes, opticiens, etc. Elles
proposent des examens non remboursés, en orientant leurs adhérents vers des
spécialistes de leurs réseaux qui, préalablement, ont contracté avec elles.
Petit à petit, elles parviennent à capter une plus large frange de la
population, en mettant en oeuvre des critères de sélection stricts et des
tarifs promotionnels attractifs, gagnant de la place sur le terrain de la
santé.
Nous avons pris acte du fait que le scénario choisi garantissait à la sécurité
sociale le monopole du remboursement au premier franc. Mais, inquiets de
l'immixtion possible des assureurs et des organismes de prévoyance dans notre
système de protection sociale, nous avons eu à coeur de renforcer le texte,
pour éviter toute confusion des genres et ne pas avoir à légitimer, demain,
leur participation à la cogestion de l'assurance maladie. L'actualité nous a
malheureusement donné raison. Je fais référence ici, bien sûr, au protocole
d'accord signé par la CNAM, la Mutualité française, la Fédération des assureurs
et les instituts de prévoyance. Avant même que le débat ne s'ouvre à
l'Assemblée nationale, et alors que la CNAM approuvait la CMU, tous
s'entendaient pour pervertir la loi.
Sous couvert de pacte de non-agression et de délimitation des champs
respectifs de compétences, l'accord prévoit que les caisses n'affilieront les
ayants droit à la CMU qu'« en cas de carence constatée des organismes
complémentaires ».
De surcroît, décidés à mener ensemble la réorganisation du système de soins,
ils ont adopté le principe, pour les bénéficiaires de la CMU comme pour
l'ensemble des assurés sociaux, d'un « panier de biens et services médicaux
régulièrement révisables » pris en charge par la sécurité sociale, alors que
cette prérogative appartient à l'Etat.
Nous attendons du Gouvernement, qui a manifesté sa préoccupation à propos de
cet accord, qu'il demeure vigilant. Vous le savez, nous sommes très hostiles à
la maîtrise par trop comptable des dépenses de santé, et donc aux mesures
annoncées par la CNAM.
Le contre-projet élaboré par la commission des affaires sociales, qui propose
de limiter la couverture complémentaire de référence à un panier de biens et
services défini par les acteurs, les « partenaires » en charge de la
complémentaire - mutuelles et assurances, organismes de prévoyance - s'inscrit
dans la même démarche. Nous rejetons cette proposition, car elle revient à
donner aux assurances et organismes de prévoyance les moyens d'investir
d'autres champs de compétence et de contrôler, à terme, les choix de la
couverture de base obligatoire.
C'est pour ces raisons que nous sommes hostiles à l'entrée des organismes
complémentaires dans la gestion du fonds CMU, ce que l'Assemblée nationale a
admis. J'espère que, au Sénat, ce point restera acquis.
A l'Assemblée nationale, les parlementaires communistes ont amendé le texte,
sur le volet complémentaire, pour élever un certain nombre de barrières face
aux pratiques de sélection, au caractère concurrentiel des techniques
assurantielles.
Nous avons souhaité garantir à tous les bénéficiaires de la CMU une véritable
liberté de choix entre les caisses primaires gérant pour le compte de l'Etat et
les organismes complémentaires. En ce sens, je me félicite de l'adoption
d'amendements tendant respectivement à prévoir un formulaire identique de
bulletin d'adhésion, à préciser que l'adhésion à un organisme complémentaire ne
pourra être subordonnée à aucune condition, à étendre les motifs de retrait de
la liste des organismes complémentaires participant à la CMU.
Quelques bémols, toutefois : en cas de litige entre le bénéficiaire de la CMU
et son organisme complémentaire, aucune voie de recours, hormis celle qui,
onéreuse, est de droit commun, n'a été envisagée.
De plus, je déplore que les garanties offertes à la sortie du dispositif, le
maintien des droits à tarif préférentiel durant un an, concernent uniquement
ceux qui, dès le départ, ont fait le choix d'un organisme complémentaire de
droit commun. Manifestement, cette disposition entrave la liberté de choix.
S'agissant, ensuite, de la prise en charge, nous avons souhaité renforcer et
garantir l'immédiateté de l'ouverture des droits sans distinction.
Ainsi, lorsque la situation du demandeur l'exige, dès le dépôt de la demande
de couverture complémentaire, les droits seront reconnus.
En l'absence de notification de la demande dans un délai que nous aurions
voulu voir fixé par la loi à huit jours mais qui sera fixé par décret, une
décision implicite d'acceptation de la complémentaire CPAM intervient.
Parallèlement, pour la personne qui a fait le choix d'une complémentaire de
droit commun, le contrat prend effet à la date de la décision
administrative.
C'est à dessein que je viens d'énumérer ces dispositions du texte qui, comme
le souhaitent notamment l'ensemble des associations, permettent, au plus près
des besoins de la population concernée, d'éviter des démarches d'affiliation
complexes en facilitant l'accès à la complémentaire tout en protégeant les plus
démunis, les personnes les moins armées contre les dérives commerciales. Avec
le système d'allocation personnalisée santé proposé par la majorité
sénatoriale, tous ces « petits plus » sautent, les CPAM perdant même leur rôle
central.
J'ai gardé pour la fin la question du seuil et de l'effet de seuil, qui pose
effectivement un problème. Nous maintenons notre proposition tendant à relever
le seuil de 3 500 francs au niveau du seuil de pauvreté tel qu'il est défini
par les organismes internationaux. Nous ne tenons pas à faire de la surenchère,
mais nous considérons que le niveau retenu - inférieur à certains minima
sociaux tels que le minimum vieillesse et l'allocation aux adultes handicapés -
est extrêmement pénalisante.
Au-delà du relèvement justifié de ce seuil, nous proposons, pour en pallier
les effets et surmonter l'obstacle financier de l'acquittement de cotisations
complémentaires pour les personnes gagnant le SMIC, que soient établis des
tarifs préférentiels.
Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, un premier pas a été fait. Le
principe d'un fonds d'aide à la mutualisation a été retenu, mais nous avons
encore peu de précisions sur cette structure, son financement et ses capacités
d'intervention.
Sur ce que j'appellerai une lacune du texte, je souhaite que la discussion au
Sénat permette d'avancer. Cela enlèverait aux détracteurs de votre projet,
madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, un sérieux argument.
Sur le financement du dispositif, à l'Assemblée nationale, les questions n'ont
pas manqué. Je suis persuadée qu'il en sera de même ici, eu égard à la
composition de notre assemblée.
L'examen de l'article 13, qui règle la question des transferts financiers des
départements vers l'Etat pour abonder le fonds pour la complémentaire, pourrait
être l'occasion de discuter de mécanismes plus équitables pour les départements
et, éventuellement, de résoudre le problème du devenir des contingents
communaux ; il s'agit peut-être là d'une question annexe au débat, puisqu'elle
est relative à la décentralisation, mais elle mérite d'être abordée.
De plus, comme vous l'avez indiqué, les collectivités locales devront
continuer à intervenir, comme elles le font aujourd'hui, pour compenser les
effets de seuil.
Nous pensons que le projet gouvernemental aurait pu être plus ambitieux, plus
audacieux quant aux partenaires sollicités pour financier le système. Je pense
évidemment aux entreprises, qui doivent aussi participer à l'effort de
solidarité. Dans ce sens, nous continuerons à défendre avec force qu'il
convient de s'attaquer aux maux, à leurs racines, au chômage.
De nouveaux moyens de financement de notre protection sociale ne pourront être
dégagés si nous faisons l'économie d'une réforme de fond.
Il est en effet quelque peu contradictoire de vouloir élargir l'accès aux
soins des plus démunis sans envisager un instant d'impulser une dynamique pour
augmenter le niveau de prise en charge par la sécurité sociale ni de revoir
l'offre de soins de proximité à partir des besoins de la population.
A l'inverse, nous entendons prendre appui sur ce texte pour tirer la
protection sociale vers le haut, la renforcer pour l'ensemble des assurés
sociaux, notamment en améliorant les niveaux de remboursement de la sécurité
sociale, en généralisant la possibilité du tiers payant, et aussi pour
responsabiliser les fabricants ou prestataires de biens et services médicaux ;
vous vous êtes d'ailleurs engagée, madame la ministre, à aller dans ce sens.
Je conclus en regrettant que le Gouvernement ait adjoint à ce projet, facteur
de progrès, un titre IV et qu'il ait accepté, ensuite, la kyrielle d'amendement
du rapporteur de l'Assemblée nationale.
Dans ce DMOS qui ne dit pas son nom, de nombreuses mesures techniques, dont
l'urgence et le rapport avec l'objet de la CMU m'échappent, côtoient des
dispositions plus importantes, ayant des incidences sur les libertés
individuelles ou sur la situation de professionnels de santé. Comme d'autres
orateurs l'ont dit, les débats auraient dû être dissociés.
Compte tenu des conclusions de la commission des affaires sociales, les débats
que nous allons avoir durant ces trois jours risquent de changer complètement
l'économie générale du texte.
Pour ce qui nous concerne, nous partageons pleinement les objectifs affirmés
par le Gouvernement dans le texte qu'il nous soumet. Nous ferons valoir le
bien-fondé de nos propositions d'amélioration dans le prolongement de ce qu'ont
fait nos collègues à l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, garantir à tous la protection de la santé, tel est le rôle
assigné à la nation par notre Constitution. Le projet de loi tendant à créer
une couverture maladie universelle, dont nous débattons aujourd'hui, doit nous
permettre d'assumer cette responsabilité à l'égard des plus vulnérables de nos
concitoyens qui, pour des raisons financières, doivent renoncer à ce droit
essentiel qu'est la santé.
Plus de cinquante ans après cette proclamation solennelle, les constats que
dressent les acteurs de la vie sociale et les chercheurs sont, en effet,
édifiants : les inégalités entre catégories socioprofessionnelles en matière
d'espérance de vie perdurent, alors même que l'incidence des conditions de
travail ont, à cet égard, moins de poids qu'auparavant.
Au seuil du xxie siècle, alors que la médecine atteint un degré de technicité
assez fantastique, le progrès du niveau de vie apparaît plus déterminant que le
progrès médical pour améliorer la santé.
Cette réalité apparaît avec d'autant plus d'acuité que la montée du chômage et
de la précarité ainsi que l'entrée tardive des jeunes sur le marché du travail
ont mis en évidence les limites d'un système de protection sociale fondé
exclusivement sur l'exercice d'une activité professionnelle.
L'assurance maladie a procédé, dans le même temps, à des diminutions
significatives des remboursements. Avec un taux moyen de 74 %, notre pays se
place derrière certains partenaires européens où les régimes de base couvrent
plus de 90 % des dépenses engagées.
Cette évolution change profondément la nature même de la couverture
complémentaire qui, pour certaines personnes, est devenue le chaînon
indispensable, conditionnant toute démarche de soins. Alors que 90 % des actifs
bénéficient d'une telle couverture, cette proportion tombe à 66 % pour les
personnes qui accomplissent des missions d'intérim et à 62 % pour les
chômeurs.
Les manifestations concrètes de ces mutations sont multiples et ne se lisent
pas seulement dans la résurgence de certaines pathologies que l'on croyait
révolues comme le saturnisme ou la tuberculose.
L'accueil de salariés modestes dans les antennes de Médecins sans frontières
ou de Médecins du monde s'accroît sans cesse.
La santé dentaire des enfants est également un indicateur utile : ainsi, en
Seine-Saint-Denis, en 1994, sur moins de 20 % des enfants de six ans se
concentraient 90 % des caries.
En 1991, la délégation interministérielle au RMI faisait état de taux
inquiétants de cas d'inaptitude professionnelle pour raison de santé chez les
bénéficiaires du RMI. Ces difficultés sont autant d'obstacles à une réinsertion
professionnelle et sociale.
Des dispositifs tels que l'assurance personnelle ont été mis en place pour les
pouvoirs publics en 1978. La protection sociale attachée au RMI a été complétée
en 1992, afin d'assurer une prise en charge à 100 %.
Cependant, ces systèmes atteignent désormais leurs limites, tant sur le plan
pratique que sur le plan éthique.
La décentralisation, avec le transfert de l'action sociale vers les
départements, a entraîné des interventions en matière d'aide médicale par
essence différenciées. Certains départements s'en tiennent à leurs obligations
légales en n'assurant que la prise en charge des personnes dont les ressources
sont équivalentes au RMI. D'autres ont fait le choix de se référer à des
barèmes supérieurs, la moyenne nationale se situant à 20 % au-dessus du RMI.
Ces inégalités dans le domaine de l'accès à la prévention et aux soins sont
intolérables et injustifiables au regard d'un droit aussi essentiel que le
droit à la santé.
C'est pourquoi l'architecture que définit le projet de loi que vous nous
proposez, madame la ministre, pose le principe d'un droit universel à
l'assurance maladie pour toute personne résidant régulièrement et de façon
stable en France, grâce à l'affiliation au régime général.
La couverture maladie universelle constitue un volet essentiel du programme de
lutte contre les exclusions sur lequel s'est engagée la majorité de gauche
issue des élections de 1997.
Je reviendrai sur les deux grands axes qui font la singularité de ce
projet.
Tirant les enseignements des obstacles à l'accès aux soins qu'engendre
l'absence ou l'insuffisance d'une couverture complémentaire, le Gouvernement a
opté pour un dispositif qui prévoit une garantie complète - couverture de base
et couverture complémentaire - à la différence des conclusions auxquelles
avaient conduit les réflexions menées à la demande de MM. Juppé et Barrot.
Cette organisation doit reposer sur l'étroite implication du monde de la
protection complémentaire, qui sera appelé à jouer un rôle essentiel dans ce
dispositif, d'une part, en accueillant des bénéficiaires de la CMU, et ce sans
discrimination, d'autre part, en cofinançant, via une taxe sur le chiffre
d'affaires « santé » des organismes en question, le fonds de financement de la
protection complémentaire à hauteur de 20 %, selon les estimations.
Dans les faits, cet engagement de la collectivité permettra d'intervenir
auprès de 6 millions de nos concitoyens, soit près de 10 % de la population,
alors que les différents mécanismes actuellement en vigueur touchent environ 2
millions et demi de personnes.
La détermination du seuil d'intervention fixé à 3 500 francs de ressources
mensuelles est au coeur des discussions. Faut-il le relever à 3 800 francs,
ainsi que l'ont souhaité certains de nos collègues ? Faut-il s'inscrire dans
une autre logique en créant une allocation personnalisée, comme le propose la
commission des affaires sociales ?
Ainsi que vous l'avez rappelé, madame la ministre, le nouveau plafond de
ressources en deçà duquel sont prises en charge les couvertures de base et
complémentaire élargit considérablement le nombre de bénéficiaires, qui est
presque multiplié par trois.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit des mécanismes destinés à amortir les
différences de traitement liées au franchissement de ce seuil. Je les évoquerai
brièvement.
Il s'agit du nouveau mode de calcul des cotisations que verseront les
personnes qui, jusqu'ici, étaient affiliées au régime d'assurance personnelle :
le texte prévoit que ces cotisations seront proportionnelles aux revenus.
Quant à l'ouverture du droit à la CMU, elle est reconnue pour un an même en
cas d'évolution favorable des ressources du bénéficiaire.
Les conditions de sortie du dispositif, pour ce qui concerne la couverture
complémentaire, sont, elles, aménagées, puisqu'il est demandé aux mutuelles et
aux compagnies d'assurances d'accorder des tarifs préférentiels à leurs
sociétaires.
Enfin, madame la ministre, vous avez à plusieurs reprises insisté sur le
nouveau rôle qu'auront à jouer les fonds sociaux des différents partenaires que
sont les CPAM, les départements, les communes ainsi que les organismes
complémentaires. Notre collègue, M. Jean-Claude Boulard, qui fut missionné pour
engager les discussions avec ces derniers, a déposé un amendement afin de
faciliter l'adhésion à une couverture complémentaire des personnes dont les
ressources se situent légèrement au-dessus de ce seuil.
Le financement de ce nouveau dispositif repose sur l'ensemble des intervenants
qui, jusqu'à présent, participaient à la prise en charge des cotisations et des
dépenses engagées par les bénéficiaires de l'aide médicale. Il suppose
notamment des transferts financiers qui accompagnent le transfert de compétence
qu'opère le projet de loi. Je laisserai à mes collègues MM. Gilbert Chabroux et
Bernard Cazeau le soin de revenir sur les modalités selon lesquelles
s'effectueront ces opérations. En effet, si cette nouvelle organisation a
suscité un consensus de la part des collectivités territoriales, certaines
interrogations demeurent et nous souhaiterions profiter de ce débat pour les
exprimer.
J'en viens maintenant au deuxième axe important de ce projet de loi. La CMU
est avant tout un dispositif qui se positionne dans le droit commun,
l'affiliation automatique et immédiate au régime de base se faisant auprès des
CPAM.
Le droit d'option est reconnu entre une protection complémentaire servie par
la CPAM pour le compte de l'Etat ou par une mutuelle, une assurance ou une
institution de prévoyance.
Sont envisagés dans le texte des mécanismes qui favorisent l'adhésion aux
organismes complémentaires. Cependant, en proposant aux bénéficiaires de la CMU
de s'adresser à un interlocuteur unique, la CPAM, le Gouvernement a choisi de
privilégier l'efficacité afin de tenir compte de l'extrême diversité des
situations que connaissent les bénéficiaires de la CMU, qui vont de la personne
la plus marginalisée au salarié payé au SMIC, du bénéficiaire du RMI à
l'artisan, du jeune en rupture familiale au conjoint d'un assuré social qui
souhaite pouvoir disposer d'une certaine autonomie.
L'opportunité et la légitimité de solliciter le paiement d'une cotisation
d'adhésion font aussi débat.
On invoque la nécessaire responsabilisation des futurs assurés. Un responsable
du mouvement mutualiste s'interroge même sur la remise en question de la nature
de la couverture complémentaire dès lors qu'elle n'est plus facultative. Le
rapporteur de la commission des affaires sociale proposer d'instaurer une telle
cotisation.
Au-delà de considérations pratiques sur les difficultés de recouvrement d'une
telle cotisation et l'absence de sanction en cas de non-paiement, je ferai deux
remarques. D'une part, le caractère facultatif de la couverture complémentaire
est aujourd'hui très relatif quand on sait qu'elle conditionne le recours aux
soins. D'autre part, la « responsabilisation » est un concept que l'on doit
toujours manier avec prudence, car il semble induire - et vos propos, monsieur
le ministre, étaient à cet égard sans ambiguïté - que les futurs bénéficiaires
de la CMU, en usant d'un droit légitime enfin garanti, vont en abuser. J'ai pu
entendre çà et là de telles mises en garde que je trouve choquantes.
Je m'interroge également sur les vertus que l'on prête au paiement d'une
cotisation qui rendrait l'assuré social plus conscient des enjeux de
l'assurance maladie et l'immuniserait contre tout recours « exagéré »,
dirons-nous, à certaines prestations.
D'ailleurs, l'expérience des départements qui ont mis en place la carte santé
ainsi que l'étude du CREDES, le centre de recherche, d'étude et de
documentation en économie de la santé, démontrent que de tels mécanismes
n'entraînent pas de surconsommation.
En intégrant la CMU dans un régime de droit commun, vous avez souhaité, madame
la ministre, éviter l'écueil d'une médecine à deux vitesses.
L'accès des bénéficiaires de la CMU à l'ensemble des professionnels de santé
de leur choix sera facilité. Le tiers payant rendra encore sans doute plus aisé
cet accès.
Le projet de loi organise parallèlement des mécanismes d'encadrement des
tarifs donnant lieu à des dépassements dès lors que les praticiens - médecins,
chirurgiens-dentistes - accueilleront des bénéficiaires de la CMU.
Une démarche identique est envisagée pour les producteurs des dispositifs
médicaux : des accords devront intervenir avec l'assurance maladie et les
organismes complémentaires et des arrêtés interviendraient en cas de carence du
système conventionnel.
Je relève, monsieur le rapporteur, que si vous n'êtes pas hostile à
l'encadrement des prix pour limiter les dérapages, vous vous élevez cependant
contre l'intervention du législateur dans ce domaine.
Je souhaite enfin souligner en quoi certaines dispositions de ce projet de loi
encouragent ou étendent des démarches novatrices qui devraient inspirer nos
futures initiatives en matière de politique de santé.
Je pense, par exemple, au mécanisme de dispense d'avance de frais que le
projet de loi généralise à l'égard des bénéficiaires de la CMU et que nos
collègues de l'Assemblée nationale ont étendu à l'ensemble des patients qui
auront choisi un médecin référant, quels que soient leurs revenus.
Les sénateurs socialistes estiment qu'une généralisation du tiers payant
serait un instrument intéressant de prévention dans la politique de santé
publique et un élément de lissage des fameux effets de seuil.
La politique conventionnelle conduite avec les professionnels de santé afin de
limiter les dépassements d'honoraires ou les accords encadrant les tarifs des
dispositifs médicaux qui existent déjà dans certains départements, constituent,
selon nous, une petite révolution pour un sujet encore considéré comme tabou.
Souhaitons que les progrès accomplis à la faveur de la mise en oeuvre de ces
mesures puissent susciter une prise de conscience de l'ensemble des usagers.
Ce projet de loi réaffirme à deux reprises le principe fort de la
non-sélection des assurés. Ainsi, un organisme complémentaire n'aura pas le
droit de refuser d'accueillir un bénéficiaire de la CMU. De même, nos collègues
de l'Assemblée nationale ont introduit une disposition fondamentale tendant à
interdire tout test génétique avant la conclusion d'un contrat.
Madame la ministre, mes chers collègues, la création de la couverture maladie
universelle, à laquelle souscrivent pleinement les sénateurs socialistes, doit
permettre de lever les obstacles financiers qui privent trop de nos concitoyens
de prévention et de soins. Or ces privations représentent la pire des
inégalités, car elles touchent à l'avenir et à la vie même.
Pour certaines personnes, les plus vulnérables, la démarche de soins demeure
difficile lorsque le mal-être s'est installé depuis tant d'années, difficile
lorsque la maladie est niée et non dite, difficile lorsque le recours aux
urgences hospitalières représente la seule réponse.
Même si le projet de loi n'a pas pour ambition première de régler ces
problèmes, nous nous félicitons que les associations et les services sociaux
tels que les centres communaux d'action sociale soient associés à la mise en
oeuvre de ce dispositif. Ils sont en effet des acteurs au quotidien qui
permettent de renouer des liens avec les plus marginalisés de nos
concitoyens.
Madame la ministre, mes chers collègues, nous allons poursuivre ce débat
durant trois jours. La logique retenue par la commission des affaires sociales
instaurant une allocation personnalisée à la santé peut paraître séduisante,
mais elle présente, selon nous, certaines failles.
Tout d'abord, elle prive un grand nombre de nos concitoyens d'un remboursement
maximum et, pour certains, elle représenterait un recul. En effet, les
départements garantissaient en moyenne une prise en charge de la couverture et
du ticket modérateur à un niveau plus élevé que le RMI, entre 20 % et 25 %.
Ensuite, elle dessaisit l'Etat et les pouvoirs publics de toute responsabilité
dans ce dispositif de solidarité à travers une animation du système fondée sur
des accords entre la sécurité sociale et les partenaires de la couverture
complémentaire.
Enfin, tout en dénonçant le positionnement des CPAM dans le volet
complémentaire, la commission des affaires sociales propose de leur confier la
gestion de la couverture complémentaire des seuls bénéficiaires du RMI, en en
faisant finalement une catégorie à part.
C'est pourquoi les sénateurs socialistes soutiendront le dispositif tel qu'il
résulte des débats de l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est en notre
âme et conscience que nous nous sommes interrogés sur les voies et moyens
retenus par ce projet de loi. Il affiche des ambitions, certes généreuses, mais
qui risquent, malheureusement, de se révéler très vite décevantes.
La réforme structurelle qui avait été envisagée par le gouvernement de M.
Juppé avait pour but de conforter l'institution de la sécurité sociale en
distinguant contractuellement le rôle des pouvoirs publics et des caisses,
d'améliorer le remboursement, de rendre le système de soins plus efficient et
d'offrir à tous des conditions équivalentes d'accès aux soins. L'assurance
maladie universelle, que prévoyait la réforme de 1996, tendait aussi à
l'harmonisation des régimes.
Cette même réforme prévoyait la création d'une assurance maladie vraiment
universelle, puisque tous les Français et résidents réguliers y auraient été
affiliés et auraient été couverts dans les mêmes conditions par leur régime
obligatoire de base.
Vous avez choisi d'engager l'assurance maladie et toute la protection sociale
sur une autre voie en abandonnant les réformes de structures dont la sécurité
sociale avait tant besoin. Mais toute la question est finalement de savoir si
la voie que vous avez choisie est possible dans un contexte où la préoccupation
dominante porte sur les dépenses de santé que le pays, dit-on, ne pourra
bientôt plus supporter.
Comment ne pas s'inquiéter de la dérive des comptes du régime général ? Pour
le premier trimestre de cette année, en effet, les dépenses d'assurance maladie
ont progressé de 3,8 % par rapport au premier trimestre de l'année précédente
et de 3,2 % en un an et, loin de revenir à l'équilibre prévu, l'assurance
maladie va connaître, cette année, un déficit important évalué tout récemment
par la commission des comptes de la sécurité sociale à 12,3 milliards de
francs, alors que le déficit enregistré l'an dernier se monte à 16,2 milliards
de francs.
Vous allez nous répondre, madame la ministre, que, pour 1999, le déficit de la
branche maladie est atténué par les excédents des autres branches. La guerre
des chiffres n'est peut-être pas le plus important, mais comment pouvez-vous
nous faire croire que la branche vieillesse va être excédentaire à la fin de
l'année ? Comment pouvez-vous nous faire croire que le déficit de la branche
maladie sera moindre que celui de 1998 ? La croissance ne peut pas tout à elle
toute seule ! D'autant plus que les emplois-jeunes, les 35 heures et la CMU ne
feront qu'aggraver la situation, nous en sommes convaincus.
Les prévisions du mois de mai dernier de la commission des comptes de la
sécurité sociale paraissent irréalistes, mais nous en reparlerons
vraisemblablement.
Avec mes collègues de la majorité sénatoriale, - je ne peux qu'observer que,
depuis deux ans, le Gouvernement n'a pas su, pas plus que les autres en tout
cas, mettre en place un système de régulation structurelle des dépenses de
santé.
Permettez-nous de nous interroger, madame la ministre, sur les chiffres sur
lesquels se fonde votre projet de loi, puisque le montant du financement prévu
pour la CMU est de 9 milliards de francs. C'est en multipliant le coût du
panier de soins, estimé à 1 500 francs, par 6 millions après avoir retenu le
chiffre de 6 millions de personnes couvertes par la CMU, que le Gouvernement
parvient à un total de 9 milliards de francs.
Ces chiffres nous paraissent sous-estimés. A cette occasion, je me dois de
rappeler que, devant la commission des affaires sociales, tous les
représentants de la mutualité ont exprimé la crainte que ce chiffre ne se
révèle insuffisant.
Comment donc ne pas s'inquiéter d'une nouvelle aggravation, par ce projet de
loi, de la détérioration des comptes de la sécurité sociale, d'autant plus que
le bilan, après onze mois d'application de la première loi sur la réduction du
temps de travail à 35 heures, est limité pour l'emploi et que les conséquences
sont, en revanche, extrêmement lourdes pour les finances publiques ?
Si le Gouvernement a l'intention, pour compenser une partie importante du
surcoût de l'application des 35 heures et de l'augmentation du SMIC, de créer
de nouveaux impôts pour les entreprises - l'écotaxe et une nouvelle cotisation
sur les bénéfices des grandes entreprises - il a le projet de demander
également une contribution à l'UNEDIC et à la sécurité sociale.
L'assurance maladie est donc lourdement menacée par la sous-évaluation
financière du coût de la CMU, dans un contexte de déséquilibre structurel et
tendanciel des comptes et de suppression du versement de cotisations par les
collectivités.
De plus, ce projet de loi crée une confusion des rôles entre le régime
obligatoire et les opérateurs complémentaires. La compétence confiée aux
caisses primaires d'assurance maladie pour gérer la couverture complémentaire
soulève un certain nombre de problèmes. Une institution publique de sécurité
sociale va ainsi faire irruption dans le domaine marchand de la couverture
complémentaire. Quel intérêt réel y a-t-il, par référence au régime général, à
faire gérer la couverture complémentaire par l'organisme chargé de la
couverture de base, même si celui-ci est délégataire ?
Des distorsions de concurrence vont apparaître entre la sécurité sociale et
les prestataires complémentaires, dont les conditions de fonctionnement
relèvent d'une tout autre logique et qui sont notamment soumis à un régime
fiscal différent, déjà problématique au regard des directives européennes.
Ce projet de loi est également porteur de nombreuses injustices. Nous y
revenons ; mais pourquoi pas ? L'effet de seuil prévu à l'article 3 est la plus
flagrante rupture de l'égalité entre citoyens. Jusqu'au seuil, il n'est pas
nécessaire de cotiser pour disposer de soins et de dispositifs de santé
totalement gratuits. En revanche, dès le seuil franchi, au franc près, il faut
payer les cotisations au régime obligatoire, l'adhésion à un régime
complémentaire, le ticket modérateur, les suppléments au-delà des tarifs
conventionnels. Les familles modestes et moyennes seront ainsi les plus
lésées.
L'effet de seuil sera particulièrement difficile à supporter pour certains
régimes dans la mesure où, pour quelques francs supplémentaires, un ménage
disposant de 62 000 francs de ressources annuelles pourra passer d'une
cotisation nulle à une cotisation s'élevant de 8 000 à 10 000 francs par an.
Cela sera sans doute ressenti comme une forte injustice.
En outre, le projet de loi gommant la différence de taux de prise en charge
entre le régime général et, notamment, celui de la Caisse nationale d'assurance
maladie et maternité des travailleurs non salariés de professions non
agricoles, la couverture maladie complémentaire d'un travailleur indépendant
risque de coûter plus cher que celle d'un salarié. Les organismes
complémentaires pourraient donc être amenés à augmenter les cotisations des
travailleurs indépendants non éligibles à la CMU.
Il semble que, si les modalités de fonctionnement qui ont été retenues pour la
CMU sont adaptées au régime général, elles n'ont pas pris assez en compte les
spécificités des autres régimes.
Ce sont les raisons pour lesquelles mes collègues du groupe de l'Union
centriste et moi-même, ainsi que les membres de la majorité sénatoriale tout
entière, nous ne pouvons qu'être en désaccord avec le fond de ce projet de
loi.
Si les objectifs sont essentiels, il faut, pour les atteindre, une démarche
solide et sérieuse.
Nous approuvons les propositions de la commission des affaires sociales, qui
devraient permettre d'assurer une meilleure égalité de tous dans l'accès aux
soins en accordant une aide personnalisée proportionnelle au revenu pour les
Français modestes, aujourd'hui enclins à renoncer à une assurance
complémentaire en raison de trop faibles revenus, particulièrement pour ceux
qui se trouvent juste au-dessus du seuil envisagé.
Comment ne pas critiquer les effets de seuil et ne pas regretter le sentiment
d'abandon qu'éprouveront les ménages modestes qui ne bénéficieront pas de
mesures réservées aux plus défavorisés ?
Le renoncement aux soins est accentué dans les départements d'outre-mer,
compte tenu d'un coût des médicaments supérieur de 30 % à celui qui est
constaté en métropole. Dans ces départements, on dénombre quelque 100 000
RMIstes et environ 200 000 sans-emploi. Les dispositions prévues par le projet
de loi nous semblent peu adaptées.
J'aimerais enfin souligner, s'agissant des Français de l'étranger, le cas
particulier de ceux que l'on appelle les recrutés locaux, qui rentrent en
France dans des conditions précaires. Je crois qu'ils méritent de retenir notre
attention.
Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même approuvons également
la proposition de la commission faisant obligation au Gouvernement de
présenter, chaque année, un bilan d'application de la loi lors de l'examen par
le Parlement du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les
comptes de la CMU seront ainsi identifiés, tant en recettes qu'en dépenses,
dans les comptes de l'assurance maladie et on pourra mesurer précisément et
corriger les dérapages du dispositif.
Nous adopterons donc le texte modifié par le Sénat, corrigé dans ses effets
pervers par la commission des affaires sociales afin de rendre cette réforme
plus juste et d'éviter d'affaiblir encore notre assurance maladie.
C'est une démarche responsable que la majorité sénatoriale a choisie. C'est
également celle qui avait été retenue auparavant, à travers les ordonnances de
1995 et de 1996, et qui était guidée par l'objectif d'assurer la pérennité de
notre sécurité sociale par la maîtrise des dépenses et le rétablissement de
l'équilibre des comptes.
Notre démarche doit se projeter dans l'avenir. Nous avons choisi la
personnalisation de l'action sociale.
En luttant contre l'exclusion, on crée de nouvelles exclusions : celle des «
petites gens » insérées, nouvelle cible des inégalités. Nos départements
vont-ils créer de nouveaux fonds sociaux après la disparition du contingent
d'aide sociale ? La stigmatisation induite des classes moyennes, des retraités
modestes aggrave la fracture sociale.
Une orthopédie politique ne peut répondre à l'aspiration des Français. Il
serait temps d'imaginer une véritable maîtrise médicalisée des dépenses de
santé mais avec une éducation aux soins. Les obstacles culturels à la
prévention, à la santé sont levés non par l'assistance ou par la gratuité, mais
par la pédagogie et la responsabilité.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR, ainsi que
sur plusieurs travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la santé est,
sans conteste, le bien le plus précieux de l'homme. Corrélativement, le droit à
la santé est l'un de ses droits les plus fondamentaux.
Que 150 000 de nos compatriotes en soient totalement privés est proprement
inacceptable, et c'est d'ailleurs ce qui avait conduit le précédent
gouvernement à travailler à la définition d'une assurance maladie ouverte à
tous.
A ces exclus de toute couverture maladie s'ajoutent 2 millions de personnes
qui ne disposent pas de couverture complémentaire.
Aussi, le projet de loi que vous nous présentez, madame la ministre, est
louable dans ses intentions. Mais je le crois néfaste dans ses modalités et
dans ses conséquences.
Dès lors que l'on compare ce texte avec les différents scénarios avancés par
le rapport du député M. Jean-Claude Boulard, comme avec les documents en
circulation aux fins de concertation dans les premiers mois de l'année
dernière, l'évolution est frappante : le volet « complémentaire » du projet a
changé complètement de nature.
Gratuité totale de la couverture, gestion par les caisses primaires
d'assurance maladie, caractère obligatoire de la contribution des organismes de
couverture complémentaire, importance de la population concernée, maintien
ensuite de la garantie en dessous du prix coûtant pendant un an, tout indique
qu'il s'agit là d'une « pseudo-complémentaire » et que, sous un vocable
apparemment consensuel, se cache la mise en place de garanties et de
prestations purement et simplement modulées selon le revenu des ménages.
Les uns, au-dessous du seuil, bénéficieront gratuitement d'une prise en charge
totale de leurs dépenses de soins, avec dispense d'avance de frais ; les
autres, au-dessus de ce seuil, se contenteront du régime obligatoire « de base
» et, s'ils ont fait l'effort de s'assurer volontairement au-delà, verront
leurs cotisations taxées pour financer la CMU. Les uns ne paient rien ; les
autres paient une, deux et trois fois.
Taxer les plus modestes pour venir en aide aux plus pauvres, est-ce là une
politique sociale ? Est-ce là la politique sanitaire et de santé de ce
Gouvernement ?
C'est en tout cas une façon de confesser que les garanties du régime
obligatoire ne suffisent plus.
Cette innovation d'un « régime complémentaire obligatoire gratuit » ne
semblant pas suffire, le Gouvernement a décidé de bouleverser encore plus
complètement le paysage, déjà complexe, de la protection sociale, en créant
cette nouveauté économique et juridique : l'Etat assureur complémentaire santé,
grâce aux moyens de gestion des organismes d'assurance maladie.
Remettant ainsi totalement en question un équilibre et un partage des rôles
établis depuis plus de cinquante ans et ayant, le plus souvent, fonctionné à la
satisfaction générale, les pouvoirs publics français semblent, ce faisant, peu
conscients des risques qu'ils encourent de voir Bruxelles reconsidérer
complètement sa grille d'analyse de la nature et des conditions d'exercice des
activités de protection sociale, spécialement en matière de maladie, de ce qui
devient clairement un « marché ».
Sous cet angle, je note que la pseudo-égalité des différents acteurs face à la
couverture complémentaire de la CMU n'est à l'évidence qu'un leurre, les uns
étant clairement favorisés, les autres manifestement handicapés, je pense aux
mutuelles.
En effet, il apparaît clairement que les organismes agissant « pour le compte
de l'Etat » verront leurs dépenses intégralement compensées par l'Etat, qu'il
s'agisse des dépenses de gestion ou du coût des prestations. Par ailleurs, il
est tout aussi clair que ces organismes n'acquitteront pas la taxe prévue, à la
charge des autres intervenants.
Etant donné que ces mêmes caisses seront les autorités chargées d'inscrire les
bénéficiaires et d'établir le titre en faisant foi, on voit l'avantage
concurrentiel évident dont elles bénéficient, aujourd'hui auprès d'une
population qui n'est peut-être pas aussi insolvable qu'on veut bien le dire, et
ce sans preuve, demain auprès de ces mêmes catégories sorties, on l'espère, de
leur précarité et après-demain, sans doute, auprès de l'ensemble des assurés
sociaux.
A l'inverse, les intervenants habituels en matière de couverture
complémentaire se voient relativement désavantagés, car ils sont exposés à un
triple risque. Il s'agit, d'abord, d'un risque de perte de substance, les
caisses pouvant attirer à elles les bénéficiaires jusqu'alors adhérents ou
assurés payants. Il s'agit, ensuite, d'un risque de pertes techniques si le
coût de la couverture excède en réalité 1 500 francs par an, ce qui est plus
que probable. Il s'agit, enfin, de la taxation de 1,75 % du chiffre d'affaires,
ce qui n'est pas peu lorsque les marges sont de plus en plus « tirées » sur un
marché vraiment concurrentiel et que les exigences de solvabilité sont
légitimement croissantes.
Paradoxalement, parmi ces intervenants, les mutuelles qui sont à la fois les
organismes les plus anciens et les plus légitimes, à tous égards, pour
contribuer à résoudre ce type de questions sont, pour finir, les plus
désavantagées.
Elles seront les seules, en effet, à devoir nécessairement répercuter
entièrement les coûts de la couverture maladie universelle sur leurs moyens, et
donc sur leurs adhérents. Les caisses, quant à elles, seront entièrement
compensées, ou au pire pourront « étaler » un éventuel surcoût sur la gestion
d'ensemble des régimes obligatoires. De leur côté, les assureurs sont le plus
souvent aussi assureurs-vie et assureurs de biens et sont donc à même de
répercuter un déficit de la branche sur la totalité de leurs activités et de
faire une compensation. Les institutions de prévoyance,
a priori
assureurs collectifs, sont peu concernées.
Il est ainsi troublant de constater que ce projet de lutte contre l'exclusion
médicale revêt, par certains aspects, le caractère d'une véritable agression
contre le monde de la mutualité, qui a été, depuis plus d'un siècle, au
contraire, un facteur clé d'insertion sociale réussie.
Il est tout aussi surprenant de voir se dessiner, à l'occasion de ce texte,
l'esquisse d'un nouveau partage de la protection sociale en France.
En même temps que vous mettez fin, madame la ministre, à l'universalité de la
sécurité sociale, en introduisant un critère de revenu dans le remboursement,
vous instaurez la mise en concurrence de celle-ci. D'ailleurs, conscients de
ces dangers, la CNAM, les mutuelles et les assureurs eux-mêmes ont réagi en
signant un protocole d'accord par lequel ils s'engagent à ne « pas se
concurrencer sur leur terrain respectif ». La CNAM estimant qu'« il n'est pas
dans sa vocation » de concurrencer les organismes complémentaires, les caisses
d'assurance maladie renverront les demandes sur les mutuelles, sauf en « cas de
carence ». Mais j'ai cru comprendre, madame la ministre, que cet accord ne vous
agréait pas.
Par conséquent, vous autorisez bien la sécurité sociale à concurrencer les
mutuelles et les assureurs sur le terrain de la couverture complémentaire.
Dès lors, on ne voit pas pourquoi, en retour, ces derniers ne seraient pas en
droit d'investir le terrain des régimes de base. Les assureurs sont ainsi en
position de cogérer la sécurité sociale.
Peut-être, mes chers collègues, les livres scolaires, dans quelques années,
retiendront-ils que les socialistes auront contribué à la disparition du plus
vieux monopole de l'après-guerre ?
Oh, bien sûr, madame la ministre, je n'ai rien contre la concurrence.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cela me rassure !
M. Bernard Plasait.
De ma part, le contraire vous aurait sans doute surprise !
Je sais surtout que le libéralisme, les solutions libérales, c'est tout le
contraire de la loi de la jungle.
Aussi aurais-je de loin préféré que votre texte revînt à des réalités
simples.
Une couverture « complémentaire » est une garantie souscrite volontairement.
Elle vise à compléter une garantie obligatoire qui, d'un point de vue purement
sanitaire, doit être suffisante. Les problèmes de grande détresse ou de
précarité sont d'une nature particulière et nécessitent des réponses
spécifiques. Il est démagogique et faux de prétendre le contraire.
Les garanties complémentaires ne sont certes pas un luxe, mais elles
correspondent à un acte volontaire qui s'accompagne d'un effort individuel ou
collectif.
A cet égard, j'observe que le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale
avait réclamé l'instauration d'une cotisation au nom du « caractère contractuel
du choix d'une couverture complémentaire ». Il a fait très justement valoir que
« les personnes qui paient, tout en ayant des salaires modestes, comprennent
mieux l'extension de la solidarité quand elle s'accompagne d'un peu de
contribution ».
Bien que 64 % des Français y soient favorables, vous avez, madame la ministre,
demandé, et obtenu bien sûr, le retrait de cet amendement.
Pourtant cet effort individuel peut et doit être encouragé, mais aussi «
subventionné », dans le cas des plus démunis, de façon directe ou indirecte.
C'est bien dans cette direction que pouvait et devait être recherchée la voie
vers une couverture complémentaire universelle.
L'Etat ne peut ni ne doit se mêler d'une activité où l'« offre » existe de
façon abondante, efficace et concurrentielle. Il ne peut pas donner un avantage
indu à des organismes gérant un monopole. Il ne peut prétendre qu'il règle par
là des situations marginales, quand la population concernée est aussi
nombreuse. Il ne peut être ainsi juge et partie, déplacer, comme et quand il le
veut, la frontière entre ce qui est obligatoire et ce qui est facultatif, entre
monopole et concurrence.
Dans ces conditions, je partage pleinement la volonté exprimée par nos
excellents collègues Charles Descours et Claude Huriet de rendre le système
envisagé plus responsabilisant, plus cohérent et, bien évidemment, de le
soumettre à une évaluation que je crois, d'ores et déjà, indispensable.
J'approuve sans réserve les propositions de la commission des affaires
sociales, dont je salue la qualité du travail accompli, sous la houlette de son
président, notre éminent collègue Jean Delaneau.
Je voudrais enfin insister sur le danger majeur de ce projet de loi : son coût
financier. Les expressions « boîte de Pandore », « engrenage » ont déjà été
utilisées. Et le contexte dans lequel elles l'ont été me rappelle celui d'un
autre débat parlementaire, portant sur un projet tout aussi généreux, à savoir
l'instauration d'un revenu minimum d'insertion.
On pourrait certes penser que l'histoire ne se répète jamais en termes
identiques, d'autant que la perspicacité des dirigeants permettrait d'en tirer
les enseignements.
Pourtant, il faut bien admettre que la CMU, à bien des égards, surtout pour ce
qui est des écueils, ressemble au RMI.
Lors de sa création, en 1988, le RMI coûtait 6 milliards de francs, montant
estimé pour 500 000 bénéficiaires. Dix ans plus tard, ce montant a quadruplé
pour atteindre 26 milliards de francs, en 1998, pour 2 millions de personnes
bénéficiaires.
Avec la CMU,
bis repetita
, madame la ministre : 9 milliards de francs,
nous dit-on ; mais combien dans dix ans ? Il n'est malheureusement point besoin
d'être devin pour prédire une évolution « à la RMI », les 9 milliards de francs
annoncés étant calculés sur la base d'une moyenne de 1 500 francs par an de
soins et de médicaments. Cette prédiction est d'autant plus crédible que le
panier de soins que vous avez vous-même retenu s'élève à 3 200 francs, ce qui,
au dire d'experts, correspond déjà à un coût de 20 milliards de francs, hors
consommation.
Par conséquent, l'estimation avancée par le Gouvernement est, pour le moins,
minimaliste, pour ne pas dire irréaliste, car il est plus que probable que les
bénéficiaires consommeront davantage, et ce en particulier compte tenu du
tiers-payant généralisé.
Comment empêcher une telle dérive, si tant est d'ailleurs qu'il faille s'y
opposer, celle-ci étant aussi le signe d'un progrès sanitaire souhaitable ?
Alors oui, madame la ministre, qui paiera ? Et nous connaissons déjà la
réponse : le contribuable à titre personnel d'abord, puis par le biais des
collectivités locales. Aux mêmes maux, les mêmes recettes. A n'en pas douter,
les départements seront en première ligne pour suppléer aux carences de
l'Etat.
L'injustice est de ce monde. Mais vous réussissez le tour de force de
l'accroître, car certains départements ne vous ont pas attendu pour mettre en
place un dispositif d'aide médicale allant bien au-delà des obligations
légales.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est la boîte de Pandore !
M. Bernard Plasait.
A Paris, par exemple, l'aide médicale gratuite est accordée jusqu'à quelque 4
000 francs de revenus mensuels.
Avec votre dispositif, qui procède à un nivellement par le bas, il est évident
que, dans les départements qui avaient institué des barèmes d'admission
calculés sur des niveaux de ressources plus élevés que le plafond prévu au
titre de la CMU, la sollicitation sera plus forte de la part des assurés
d'obtenir le maintien de leurs droits en matière de couverture complémentaire
grâce à une aide spécifique départementale.
J'observe d'ailleurs que la quasi-totalité des associations caritatives et
humanitaires ont déjà demandé le relèvement du seuil de 3 500 francs à 3 800
francs, seuil actuel de pauvreté en France, ce qui concernerait 2 millions de
personnes de plus.
Résultat : le contribuable paiera toujours et encore plus !
Cette situation est d'autant plus contestable qu'elle s'inscrit dans un
environnement particulièrement défavorable : les dépenses de santé ont dérapé
de 10 milliards de francs en 1998. Elles ont augmenté de 3,9 %, soit près de
deux fois plus que l'objectif de 2,2 % fixé par le Parlement ! En outre, on
prévoit déjà un dépassement de l'objectif national de dépenses maladie pour
1999, dont la progression a été initialement fixée à 2,5 %.
De plus, l'assurance maladie est aujourd'hui lestée d'un déficit cumulé de
plus de 300 milliards de francs. La cotisation d'assurance maladie est la plus
élevée d'Europe ! Parallèlement, le taux de remboursement du régime de base, de
l'ordre de 52 %, est le plus faible d'Europe. C'est une Palme d'or ! Notre
système réussit l'exploit d'être à la fois le plus cher et le moins intéressant
de tous les pays développés, s'agissant de ses niveaux de remboursement.
Tout le problème est en effet de savoir comment porter efficacement secours à
ceux qui en ont besoin, sans aggraver les défauts d'un système qui se révèle
aujourd'hui incapable d'assurer à tous des soins convenables.
L'inscription de cette réforme dans le cadre plus global de la poursuite de la
réorganisation de notre protection sociale aurait permis d'instaurer la CMU
sans coût supplémentaire grâce, par exemple, à la reconversion de l'offre
excédentaire de soins, notamment dans le domaine hospitalier, qui permettrait
d'économiser des dizaines de milliards de francs, comme le martèle, à juste
titre, le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des
travailleurs salariés.
Aussi incontestable qu'il soit dans ses intentions, votre texte, madame le
ministre, n'est qu'un replâtrage qui vient ajouter un élément « universel » à
un système qui était déjà censé être... « général » !
Tout se passe comme si la « main invisible » d'Adam Smith s'étendait
aujourd'hui à la sphère politique. Les réformes médiatiques telles que la CMU,
menées de manière insatisfaisante parce que insuffisamment réfléchie, esquivent
les vraies et nécessaires réformes dont la sécurité sociale a besoin.
Le Gouvernement se retrouvera devant le fait accompli d'une mise en
concurrence de la sécurité sociale qui, faute d'avoir été pensée, ne présentera
pas les mêmes garanties qu'une réforme délibérée qui aurait affronté la réalité
en face et aurait tiré les conséquences des dysfonctionnements patents de notre
système de protection sociale.
La sagesse populaire nous enseigne que « l'enfer est pavé de bonnes intentions
» et que, derrière le meilleur, peut se dissimuler le pire. Traduite en termes
économiques, cette évidence prend le nom de « théorie des effets pervers ». A
trop vouloir les nier, on ne cesse de les développer. Et, avec eux, la facture
ne cesse de s'alourdir...
Avec la gauche au pouvoir, cela continue : 35 heures, emplois-jeunes, CMU
maintenant, la facture s'allonge. Ce sont autant de bombes à retardement qu'il
faudra bien gérer demain.
Je crois que ce gouvernement gère à court terme. Il ne réforme pas, il
communique. Il ne décide pas, il organise le débat. En revanche, il a désormais
pris une habitude dont, apparemment, il ne se défait pas : il régularise. J'en
veux pour preuve la disposition adoptée par l'Assemblée nationale concernant
les praticiens hospitaliers étrangers sous statut de PAC. Prévoir leur
titularisation par décret, après six ans d'exercice, traduit l'absence de
gestion prévisionnelle du personnel hospitalier et légitime les revendications
des internes en grève qui, à trente-quatre ou trente-cinq ans, perçoivent 13
000 francs par mois pour soixante-dix à quatre-vingts heures de travail
hebdomadaire. Faute de réformer les structures, le Gouvernement, mû par une
seule vision comptable, improvise une concurrence détestable au sein du
personnel soignant.
Gouverner, c'est prévoir. Tout ce que l'on peut dès aujourd'hui prévoir - je
le crois sincèrement, madame la ministre - ce sont des lendemains qui
déchantent !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Sauf pour les pauvres !
M. Bernard Plasait.
Le projet de couverture maladie universelle, mal pensé, je le crois, risque
lui aussi de se retourner contre les intentions, fort louables, de ses
auteurs.
« Les bonnes intentions se doivent moins outrer que quoi que ce soit. » Cette
formule du cardinal de Retz sera ma conclusion.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis le
premier des trois orateurs du groupe du RDSE à intervenir. Notre ami Jacques
Bimbenet parlera avec son coeur de ce qu'il ressent de la nécessité d'une telle
réforme, et notre ami Georges Othily, avec son expérience de l'outre-mer,
évoquera les effets pervers que peuvent avoir des réformes trop rapidement
mises en place pour un pays dont les frontières sont trop perméables.
Pour ma part, madame la ministre, je voudrais rendre hommage à votre personne
et à votre ambition, pour vous-même, ce qui est tout à fait normal, en toute
parité d'ailleurs, pour les idées que vous défendez et pour le rôle que vous
jouez au sein de ce gouvernement, puisque vous êtes de celles et de ceux qui
impulsent le plus la politique actuelle.
Depuis votre arrivée au ministère de l'emploi et de la solidarité, les
réformes n'ont pas manqué : elles sont arrivées en rafales, toutes plus
généreuses les unes que les autres, et découlant d'ailleurs souvent d'idées que
nombre d'entre nous pourraient partager, encore que, quelquefois, nous
puissions avoir certaines restrictions dans nos analyses. Je prendrai à cet
égard un exemple qui se conjugue malheureusement avec ce dont nous parlons
aujourd'hui et qui entraînera une surcharge encore plus importante de nos
entreprises qui marchent : c'est la réforme des 35 heures, qui repose, à mon
avis, sur l'illusion de l'interchangeabilité permanente des travailleurs entre
eux et dont le coût « plombera » la dynamique de notre économie.
En même temps, cette réforme de la couverture maladie universelle correspond à
un vrai fait de société, à une réelle exigence de solidarité, et, comme vous,
madame la ministre, je nourris une ambition d'efficacité à cet égard. Encore
faut-il que cette efficacité puisse être au rendez-vous et que l'accumulation
des réformes qui se contrarient, s'ajoutent ou se chargent les unes les autres
ne crée pas une ambiance nous menant tout droit à l'échec.
Or, je crains que tel ne soit le cas, tout au moins pour la manière - plus que
pour le fond - dont cette affaire est mise en route. En effet, la
caractéristique majeure de la période moderne - et je ne pense pas seulement, à
cet égard, au gouvernement actuel - est la tentation trop fréquente de vouloir
légiférer par slogan : on a une idée généreuse, on la décline, on la lance. Je
ne suis pas sûr que la décentralisation n'ait pas été engagée ainsi : on est
passé du développement des responsabilités des collectivités locales aux droits
et libertés. La réforme des 35 heures est, à mon avis, un peu du même ordre,
tout comme l'a été la manière dont a été lancée, dans un domaine totalement
différent, la départementalisation des sapeurs-pompiers, pour laquelle aucune
des réformes préalables n'avait été mise en place auparavant, et aucune des
concertations n'avait été menée à son terme avant. Je crains que, s'agissant de
la couverture maladie universelle, nous n'en soyons un peu au même point.
Nous étudions en effet un sujet extrêmement complexe que l'on ne peut pas
traiter de manière schématique ; j'attirerai donc une fois de plus l'attention
du Gouvernement - je ne suis d'ailleurs pas le premier à le faire à cette
tribune - sur l'abus de la procédure d'urgence quand nous travaillons sur des
matières compliquées.
Madame la ministre, le Sénat a peut-être beaucoup de défauts, mais il a une
caractéristique : quand il raisonne technique, il raisonne techniquement et au
fond ; le priver de l'expression complète, au cours d'une navette complète, de
sa possibilité d'apporter, dans un débat comme celui-ci, son point de vue
technique est probablement une faute de fond, que nous paierons à un moment ou
à un autre, car je veux bien prendre le pari que nous verrons ce texte revenir,
sous forme fragmentée, dans les cinq prochaines années...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Comme les ordonnances Juppé
!
M. Paul Girod.
... pour aboutir, à terme, à un résultat probablement plus proche des thèses
sénatoriales que des thèses gouvernementales. Pardonnez-moi cette pensée, mais
cela s'est déjà produit à de nombreuses reprises !
De surcroît, le problème est quand même traité d'une manière très schématique.
On a parlé tout à l'heure des effets de seuil et des difficultés énormes,
psychologiques et matérielles, que vous rencontrerez pour faire accepter votre
dispositif par ceux dont les revenus sont tout juste supérieurs au seuil et qui
compareront leur situation à celle des bénéficiaires de la CMU.
On a aussi parlé de la déresponsabilisation d'un certain nombre de nos
concitoyens au travers de cette facilité trop largement offerte à certains et
totalement refusée à ceux qui sont leurs voisins immédiats. Cela ne manquera
pas de provoquer des fractures et des tensions dans notre société, d'autant que
cette déresponsabilisation ne touchera pas seulement des hommes et des femmes
actuellement présents sur notre territoire : elle aura un effet d'appel, qui
aggravera bien évidemment certaines situations, qui relèvent certes d'autres
départements ministériels et qui intéressent l'immigration sauvage, contre
laquelle nous aurons encore plus de mal à lutter dans la mesure où nous aurons
été trop généreux.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous n'avez pas lu le texte
!
M. Paul Girod.
Pardonnez-moi maintenant de laisser s'exprimer mon vieux fond d'élu local.
Je crains que ce dispositif ne soit mis en place dans un certain désordre
financier. On a parlé tout à l'heure des rapports entre mutualisme et régime
général, entre assureurs privés et régime général, entre régime général et
régimes complémentaires. Je crois que cette question recèle toute une série de
bombes à retardement dont la puissance n'a absolument pas été mesurée à sa
juste valeur. Personne ne sait sur quel désordre institutionnel, concurrentiel
ou autre elles vont déboucher !
Par ailleurs, je ne peux oublier les collectivités locales, qui se trouveront
placées face à des problèmes inextricables.
Je crois avoir été l'un des premiers présidents de conseil général à avoir
lancé, après la ville de Paris, le système de la carte santé à destination des
RMIstes. Voilà d'ailleurs encore une réforme qui a contribué à
déresponsabiliser les uns et les autres et qui, en créant des effets de seuil -
entre ceux qui sont au RMI et qui ne font rien, ceux qui y sont et qui font
quelque chose, ceux qui n'y sont pas et qui font beaucoup, ceux qui ne font
rien et qui n'ont rien - n'a pas apaisé les tensions au sein de notre société,
et dans nos cités en particulier !
Pour en revenir à la question qui nous occupe aujourd'hui, quelle sera la
situation des départements qui étaient allés plus loin, qui avaient fait mieux
que d'autres ? Comment géreront-ils - dernier point, et je m'arrêterai là,
madame le ministre - leurs rapports avec les communes dans le cadre du fameux
contingent d'aide sociale ? Ce dernier, qui est vaguement évoqué mais
absolument pas traité, recouvre en effet des disparités phénoménales d'un
département à un autre et d'une ville à une autre. En outre, tous les chiffres
dont on dispose sont des moyennes nationales ou des chiffres globaux totalement
impossibles à décliner à l'échelon local.
Sur ce point, permettez-moi de vous dire, madame le ministre, que la charrue a
été mise devant les boeufs - pour employer une formule agricole qui me ramène à
mon métier d'autrefois - comme on l'avait fait lorsque l'on a départementalisé
les sapeurs-pompiers avant d'avoir réglé - vous voyez que je ne critique pas
seulement les gouvernements de gauche ! - le problème du statut des
professionnels. C'est, encore une fois, un slogan : il faut faire ça, on le
fait, mais on n'approfondit pas, on ne prépare pas, et on se retrouve après
avec une bombe à retardement !
Je crains, madame le ministre, que nous ne soyons dans cette situation
potentielle. J'en serais navré pour l'idée que vous défendez, qui est une idée
à laquelle tout le monde souscrit car on ne peut laisser certains de nos
compatriotes dans l'incapacité de se soigner, c'est tout à fait vrai. Nous
devons donc trouver le moyen de boucher les trous de notre système actuel, mais
cela demande, je crois, plus d'approche, plus d'humilité intellectuelle, autant
de volonté et certainement pas plus de générosité : je crois que, sur ce plan,
nous sommes à peu près tous sur la même longueur d'onde.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous ferai
part dans cette intervention de mon sentiment sur quatre ou cinq points qu'il
m'a paru nécessaire de relever dans les différentes dispositions prévues dans
ce projet de loi relatif à la couverture maladie universelle.
Je rappellerai tout d'abord - d'autres orateurs l'ont fait avant moi et
d'autres le feront peut-être après moi - que cette idée d'une couverture
maladie universelle n'est pas nouvelle. Faut-il rappeler que M. Juppé, en sa
qualité de Premier ministre, avait annoncé dès 1995 un régime universel
d'assurance maladie visant à ouvrir à tous le droit aux mêmes prestations sous
condition de résidence régulière ?
Bien évidemment, sur les objectifs - je vous l'ai dit en commission des
affaires sociales, madame le ministre, et le redis dans cet hémicycle - il
existe un consensus quasi général dans le pays. En revanche, nous divergeons
fondamentalement sur les modalités et sur la procédure.
Au lieu d'une réforme des structures, j'ai le sentiment que l'actuel
gouvernement met en place une réforme en trompe-l'oeil en offrant la gratuité
des soins à 6 millions de personnes, sous condition de ressources en ce qui
concerne la couverture complémentaire.
Toute réforme a un prix, et celui-ci risque d'être lourd sur le plan tant
humain que pécuniaire, MM. Descours et Oudin vous l'ont rappelé dans leur
propos liminaire et je me permets d'y insister.
Ce projet risque de provoquer non seulement de graves inégalités qui
remettront en cause les principes fondateurs de la sécurité sociale, mais aussi
une addition lourde à payer, car le coût financier de la CMU est, à mon sens,
sous-évalué.
J'en viens à ma deuxième remarque.
Il faut éviter de laisser croire que rien n'a été fait jusqu'à présent pour
les plus démunis. Notre collègue Paul Girod a rappelé à l'instant même le rôle
éminent joué par les départements dans ce domaine de compétence de l'action
sociale et de la prise en charge, à travers les contingents d'aide sociale par
le biais des communes, au profit des plus démunis. Il ne faudrait donc pas
donner le sentiment à nos concitoyens qu'en définitive il fallait créer la
couverture maladie universelle pour s'intéresser enfin en 1999, à la veille de
l'an 2000, aux plus démunis.
Sans doute un certain nombre de personnes ne bénéficiaient pas de la
couverture maladie comme nous aurions pu le souhaiter. Mais la plupart de ceux
qui entreprenaient une démarche, soit auprès des bureaux d'aide sociale, soit
auprès des départements, bénéficiaient d'une prise en considération de leur
situation par les conseils généraux. Je voudrais bien que l'on me cite les
nombreux exemples de personnes qui auraient été laissées sur le bord du chemin
sans être soignées ! Il s'agit d'ailleurs sans doute de ceux qui
n'entreprenaient pas spontanément la démarche, car ceux qui la faisaient
bénéficiaient d'une prise en charge grâce au concours des communes et des
conseils généraux.
Ma troisième remarque concerne le seuil de 3 500 francs, tel qu'il a été
arrêté. En dessous de ce seuil, les personnes bénéficieront d'une prise en
charge totale avec la dispense d'avance de frais ; au-dessus de ce seuil, il
n'y aura plus rien ! Il y a là une ambiguïté, et la proposition de notre
collègue Charles Descours, faite au nom de la commission des affaires sociales
et tendant à instaurer un système progressif, m'apparaît beaucoup plus
pertinente.
Fixer un seuil qui s'applique d'une manière brutale, ce serait laisser sur le
bord du chemin tous ceux qui, par exemple, sont bénéficiaires du minimum
vieillesse, soit 3 540,41 francs, ainsi que les bénéficiaires de l'allocation
aux adultes handicapés, toutes personnes qui bénéficiaient autrefois, dans un
certain nombre de départements, de la solidarité départementale. Ainsi, dans le
département de l'Oise, nous avions fixé, à mon sens de manière tout à fait
cohérente et logique, le seuil à 3 540 francs : en dessous, on bénéficiait de
la prise en charge du ticket modérateur et de la couverture complémentaire, de
l'assurance personnelle ; au-dessus, on appliquait un système progressif.
Ce ne sera plus le cas demain, et les conseils généraux - c'est le cas de
l'Oise et d'une dizaine de départements en France, qui appliquaient un système
plus généreux - vont être privés de la totalité des sommes qu'ils consacraient
à l'ensemble de ces ménages et de ces familles tandis qu'ils devront, compte
tenu de l'institution de ce seuil de 3 500 francs, continuer, si j'en crois la
réponse que vous nous avez faite en commission, madame la ministre, à prendre
en charge tous ceux qui sont au-dessus de ce seuil. Cela représente au moins
800 000 personnes, et donc un coût non négligeable qui risque d'aboutir à une
somme insupportable pour le budget de la nation mais aussi pour l'ensemble de
nos collectivités.
Le système progressif, tel qu'il est imaginé, nous permet de prendre en compte
la situation des plus défavorisés et de tenir compte de la situation
personnelle des uns et des autres. On personnaliserait alors la prise en
charge, ce ne serait pas un système aveugle.
Ce système présente également l'avantage non négligeable de tenir compte de
l'avis des CCAS, qui constituent un niveau de proximité pertinent pour
apprécier au cas par cas l'ensemble des demandes. Je me rappelle ainsi avoir
déposé en son temps un amendement visant à ce que l'avis des CCAS soit
sollicité avant l'attribution du RMI. Nous connaissions en effet un certain
nombre d'exemples de familles ou de personnes qui travaillaient au noir - je
suis désolé de le dire -, qui ont demandé le RMI et qui l'ont obtenu. Si l'avis
des CCAS avait été recueilli, ces dérapages auraient pu être évités !
On me rétorquera que l'avis des CCAS n'est pas nécessaire, que cela alourdit
le dispositif en lui donnant un caractère trop administratif. Je crains fort,
en ce qui me concerne, que l'on ne connaisse les mêmes difficultés avec
l'institution d'un seuil de 3 500 francs : il suffira de faire valoir, par des
pièces administratives officielles, que l'on ne bénéficie pas de revenus - même
si on travaille au noir - pour obtenir la prise en charge. C'est l'un des
effets pervers, à mon avis, du dispositif, sur lequel je voulais également
attirer votre attention.
Sur la compensation financière pour les départements, je reviens un instant
rapidement : il m'aurait paru souhaitable que l'on tienne compte de la
situation particulière des départements qui accomplissaient auparavant un
effort plus important que les autres.
Et que l'on ne me dise pas aujourd'hui qu'en faisant contribuer Paris, l'Oise
et d'autres départements qui font plus que les autres on fait jouer la
solidarité interdépartementale à travers la CMU ! Je suis persuadé, en effet,
que certains des départements qui ne se trouvent pas dans la dizaine à laquelle
on a fait allusion ont des capacités financières égales à celles de mon
département alors qu'ils ne fournissaient pas cet effort. Mais ils
n'apporteront pas une contribution financière équivalente à la nôtre et
pourront, grâce à la marge qu'ils auront conservée, apporter leur concours
financier aux familles dont les revenus seront compris entre 3 500 et 3 540
francs ou entre 3 500 et 3 600 francs. Ainsi, alors qu'on aura pris au
département toutes les sommes qu'il affectait aux familles ayant un revenu
inférieur à 3 500 francs, celui-ci n'aura plus la marge financière qu'il avait
pour continuer à les aider. Vous nous avez en effet dit en commission des
affaires sociales, madame la ministre, qu'il appartiendrait aux départements de
continuer à intervenir en faveur de ces familles s'ils le souhaitent.
Il aurait donc fallu faire preuve d'un plus grand discernement quant aux
conséquences qui résultent de l'application stricte des dispositions actuelles.
C'est pourquoi M. Chérioux et moi-même avons déposé un amendement sur ce
sujet.
Enfin, il est deux derniers points sur lesquels je souhaite également appeler
votre attention et qui concernent les personnels.
Dans le département de l'Oise - on ne parle bien que de ce que l'on connaît -
je me suis adressé au directeur des services départementaux. De la première
étude qui a été réalisée, il résulte que la masse salariale que nous devrons
consacrer aux personnes qui procéderont à l'instruction des dossiers des futurs
bénéficiaires de la CMU représentera, chez nous, une masse financière de 3
millions de francs par an, ce qui n'est pas négligeable. Certes, si l'on
rapporte cette somme à un budget départemental de 3 milliards de francs, on
peut dire qu'elle est relative, mais il faut savoir que cette charge ne sera
pas compensée.
En commission, l'un de nos collègues, le président du conseil général du
Pas-de-Calais, a déclaré que, pour sa part, il n'avait aucun souci parce qu'il
reclasserait son personnel sans difficulté pour le traitement de la prestation
dépendance ou d'autres allocations.
Dans mon département, où nous menons depuis longtemps une politique sociale
dynamique, l'ensemble des besoins sont couverts en matière de personnel dans
les domaines sociaux qui relèvent tant de la politique volontariste du
département que de sa compétence légale. Ce personnel va se trouver en
sureffectif. Certes, on peut imaginer de le reclasser, mais cela suppose une
formation, et donc des dépenses supplémentaires pour le département.
Il me semblerait donc tout à fait judicieux que, dans le calcul de la DGD,
soit prise en compte la dépense supplémentaire que supporteront les
départements pour reclasser ces personnels. Je défendrai un amendement en ce
sens.
Enfin, s'agissant du contingent d'aide sociale, je poserai trois questions au
Gouvernement.
Premièrement, ce que les communes versaient au département leur restera-t-il
désormais acquis ? J'ai cru comprendre que oui. Mais, dans l'hypothèse inverse,
quelles sont les intentions du Gouvernement ? J'aimerais avoir une confirmation
ou une infirmation de la réponse qui nous a été apportée en commission.
Deuxièmement, les départements continueront-ils à percevoir la contribution
des communes sur la base du contingent d'aide sociale tel qu'il existait avant
la CMU ? Si tel était le cas, on pourrait considérer que la compensation s'est
faite par ce biais au profit de l'Etat.
Troisièmement, dans l'hypothèse où le contingent resterait acquis aux
communes, l'Etat a-t-il l'intention d'en tenir compte dans le calcul de la DGF
? J'ai cru comprendre que le Gouvernement l'envisageait. Si telle était la
solution, en sera-t-il tenu compte dans le calcul de la DGD versée au
département ?
Madame la ministre, j'attends que vous nous éclairiez sur ces points, sinon
dans votre réponse aux différents intervenants, du moins lors de la discussion
des articles. En effet, les communes sont inquiètes de la charge ou de la
non-charge qu'elles auront à supporter à terme ou de la perte de recettes au
travers des dotations de l'Etat qu'elles auraient à supporter du fait de la
mise en place de la CMU.
Voilà les quelques points sur lesquels je souhaitais appeler votre attention,
madame la ministre, et celle de nos collègues. Personnellement, et je ne doute
pas qu'il en soit de même de la part d'une très grande majorité des membres de
la Haute Assemblée, je préfère le dispositif proposé par la commission des
affaires sociales, qui m'apparaît mieux adapté et plus à même d'atteindre
l'objectif que s'était fixé le gouvernement Juppé et que vous vous êtes
vous-même fixé. Nous divergeons sur les modalités et non pas sur l'objectif que
nous nous sommes assigné les uns et les autres. J'espère que la raison et le
bon sens l'emporteront pour le bien-être de nos citoyens.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nul ne doit
être privé de soins pour cause de pauvreté. Depuis des siècles, cet objectif a
mobilisé les consciences et inspiré les oeuvres hospitalières et caritatives,
avant de fonder les systèmes modernes de sécurité sociale. La résorption des
lacunes dans ces dispositifs justifie le projet de loi que nous allons
examiner. Je ne connais personne qui puisse contester le bien-fondé de
l'objectif ainsi fixé. Reste à définir le chemin pour y parvenir. Vous avez
choisi, madame la ministre, la voie de l'automaticité : en quelque sorte, la
couverture maladie automatique. Elle a certainement ses avantages, mais elle
enclenche une dynamique systématique dont vous avez certainement mesuré
personnellement les conséquences ultérieures à plus ou moins long terme, sans
que celles-ci apparaissent évidentes à la première lecture.
Ces conséquences sont bien celles de l'automaticité d'un droit attaché en
quelque sorte à la résidence.
Il faut admettre que le revenu minimum d'insertion, mais aussi la contribution
sociale généralisée et, indirectement, le remboursement de la dette sociale,
ont suscité et renforcé la notion d'un droit social et d'une couverture maladie
universelle, et plus seulement celle de droits acquis par cotisation, selon la
logique de l'assurance. Une solidarité élargie s'est donc déjà fortement
imposée comme fondement de la couverture maladie, derrière des mécanismes
d'affiliation. Vous créez désormais le mécanisme de rattachement. C'est en fait
une véritable révolution qui annonce, à mon avis, ce que sera à terme, selon
cette logique, le système de couverture maladie, à savoir un système non
seulement automatique mais surtout très largement contrôlé sur le plan
financier par l'Etat. Le seuil de 3 500 francs dont on parle aujourd'hui sera
demain immergé parmi d'autres mécanismes d'exonération fiscale bien connus par
ailleurs, et qui ne font plus problème.
Insensiblement, donc, se dessine et s'imposera sur cette voie une philosophie
nouvelle de la protection sanitaire et sociale, proche de celle qui prévaut
notamment au Royaume-Uni, même si aujourd'hui la brèche ne correspondrait qu'à
10 % de la population.
C'est pourquoi les excellents rapporteurs chargés de l'étude de ce texte ont
proposé la création d'une allocation personnalisée à la santé. Ce mécanisme
comporte, à mes yeux, l'avantage de protéger l'actuelle philosophie générale de
notre système de santé. Je veux leur rendre hommage, particulièrement à Charles
Descours, d'avoir imaginé cette technique qui préserve encore pour un temps la
construction de 1945.
L'importance d'un chômage structurel, ainsi que les financements
complémentaires de l'Etat déjà évoqués, fragilisent certes cette construction,
tandis que le choix que vous avez fait dans ce texte la remet irrémédiablement
en cause. Je suivrai la position de la commission des affaires sociales, parce
que, si je souhaite une couverture maladie universelle, je ne suis pas disposé
à valider incidemment un système national de santé qu'introduit cette fameuse
notion de rattachement automatique.
Je ne nierais pas, en effet, je pense que vous l'avez compris, que certaines
contraintes économiques, sociales et financières structurelles, favorisaient la
logique que vous avez choisie. Mais la connaissance que je peux avoir des
systèmes britanniques, danois ou suédois, après des études précises effectuées
par la commission des affaires sociales, ne me permet pas d'accepter le
glissement incontestable vers ces systèmes qu'opère votre texte.
Je pense que, de manière prudentielle, même si le mécanisme d'aide personnelle
à la santé proposé par la commission des affaires sociales devait se révéler
perfectible dans quelques années, il aurait en tout état de cause eu le grand
mérite d'avoir permis d'atteindre l'objectif recherché, l'universalité de la
couverture maladie, sans introduire sans autre précaution le germe d'un
basculement de système.
C'est la raison pour laquelle il recueille ma préférence. En effet, si la
première urgence est aujourd'hui celle de la couverture universelle, la seconde
urgence est celle du progrès dans la mise en oeuvre de la responsabilité de
tous les acteurs - je dis bien de tous les acteurs - dans la gestion du système
de santé.
Votre projet de loi, sur ce plan-là, ne comporte, madame la ministre, aucun
progrès, bien au contraire. La part accordée aux divers organismes de
prévoyance reste marginale. Elle n'est pas de nature à contrarier la lame de
fond qui porte la cohérence interne de la dynamique de votre projet de loi, tel
que voté par l'Assemblée nationale.
Au contraire - et je salue votre habileté, madame la ministre - vous intégrez
tous les partenaires institutionnels dans votre démarche : caisses, mutuelles,
et même assureurs. C'est du grand art ! Mais mon appréciation, vous ne m'en
voudrez pas, reste d'ordre esthétique et ne suffit donc pas pour emporter mon
adhésion.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais,
comme l'a fait Marie-Madeleine Dieulangard, exprimer à mon tour toute
l'importance que les sénateurs socialistes attachent au projet de loi qui nous
est présenté et qui, avec la loi d'orientation, de prévention et de lutte
contre les exclusions, constitue, sans aucun doute, la plus grande réforme
sociale de la fin de ce siècle.
Il y a quelques jours, l'INSEE, dans sa synthèse générale des comptes de la
nation, soulignait le niveau élevé de la croissance et constatait que les
déficits publics sont plus bas qu'on ne le croyait. Les chiffres du chômage
sont à nouveau en baisse, avec 17 000 chômeurs de moins en avril. Deux ans
après l'arrivée de Lionel Jospin à l'hôtel Matignon,...
M. André Jourdain.
Tout va bien !
M. Michel Mercier.
Parlons-en !
M. Gilbert Chabroux.
... on peut faire le bilan des nombreuses et importantes réformes engagées par
le Gouvernement et mesurer les résultats obtenus.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
Ainsi que l'a dit M. le Premier ministre, beaucoup a
déjà été accompli. Pour ne parler que de la croissance, le produit intérieur
brut a augmenté de façon importante, le pouvoir d'achat du plus grand nombre
s'est élevé. Nous voudrions croire que la croissance profite à tous. Mais nous
savons bien, hélas ! que pour une partie importante de la population, la
pauvreté, la précarité ne reculent pas d'une manière significative et nous
devons tout mettre en oeuvre pour que notre société ne devienne pas une société
à deux vitesses.
M. Hilaire Flandre.
Une prouesse de la gauche !
M. Gilbert Chabroux.
C'est ainsi qu'il faut mettre fin à ce qui est sans doute la plus grande
injustice de la fin de ce siècle : l'inégalité devant l'accès aux soins. A cet
égard, le constat du Haut comité de la santé publique est accablant : « plus on
est pauvre, plus on est malade, et plus on meurt jeune ».
L'article XXII de la Déclaration universelle des droits de l'homme stipule : «
Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale
; elle est fondée à obtenir la satisfaction de ses droits économiques, sociaux
et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa
personnalité grâce à l'effort national et à la coopération internationale,
compte tenu de l'organisation et des ressources de chaque pays ».
N'aurions-nous pas, dans notre pays, l'organisation et les ressources pour
satisfaire ces droits fondamentaux ?
Il y avait bien eu en novembre 1995, certains d'entre vous y ont fait
allusion, la déclaration d'intention de M. Alain Juppé de créer une assurance
maladie universelle. La dissolution de 1997 a clos ce dossier...
M. Michel Mercier.
Ce serait déjà fait sinon !
M. Gilbert Chabroux.
Il y a eu heureusement ensuite le gouvernement de la gauche qui a d'abord fait
voter, il y a moins d'un an, la loi d'orientation, de prévention et de lutte
contre les exclusions, et le projet de loi que nous examinons n'est rien
d'autre que l'un des deux volets du dispositif visant à garantir un égal accès
au système de soins.
Le projet de loi que vous nous présentez, madame la ministre, devrait être une
loi consensuelle. La gauche est par nature pour la réduction des inégalités.
M. Hilaire Flandre.
Ah !
M. Gilbert Chabroux.
Mais qui sur les autres travées n'éprouverait pas de la compassion pour son
prochain ou ne chercherait pas à réduire la fracture sociale ?
Mme Nelly Olin.
Que d'excès !
M. Gilbert Chabroux.
Si j'ai bien compris, ce n'est pas la générosité qui manque.
M. Michel Mercier.
C'est la volonté, comme toujours !
M. Gilbert Chabroux.
Or des élus de la majorité sénatoriale comme les députés de droite à
l'Assemblée nationale s'emploient à distinguer le principe et la méthode, ils
se disent favorables au principe et opposés à la méthode.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Pas du tout, nous n'avons pas déposé de question préalable
!
Mme Nelly Olin.
Toujours des leçons !
M. Gilbert Chabroux.
Ils en arrivent à tenir des raisonnements subtils et même contradictoires pour
essayer de se persuader ou de faire croire que les modalités seraient plus
importantes que la finalité.
M. François Autain.
Très bien !
M. Gilbert Chabroux.
Ne s'agit-il pas en fait de s'opposer au principe, sinon pourquoi réécrire un
texte et présenter ce que le rapporteur de la commission des affaires sociales,
M. Charles Descours, a appelé à de nombreuses reprises un contre-projet ? Ne
s'agit-il pas de s'opposer à un texte parce que c'est le Gouvernement qui le
présente ?
M. Hilaire Flandre.
Il est mauvais !
M. Gilbert Chabroux.
Cela, c'est quasiment un principe dans cette assemblée.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Vous nous avez donné le bon exemple !
M. Michel Mercier.
Tout ce qui est excessif est insignifiant !
M. Gilbert Chabroux.
Parmi les points les plus controversés, il y a le problème du plafond de
revenus au-dessous duquel la couverture de base et la couverture complémentaire
sont gratuites. C'est aussi le seuil au-dessus duquel il faut acquitter une
cotisation. Il y a toujours eu des seuils ; il en existe actuellement, pour
l'aide médicale, près d'une centaine à l'échelon des départements. Ceux qui
critiquent les effets de seuil sont souvent ceux qui en avaient institué.
M. Denis Kessler, président de la Fédération française des sociétés
d'assurances, faisait remarquer, devant la commission des affaires sociales,
que la législation fiscale et sociale compte environ un millier de seuils, sans
qu'existe pour autant une théorie des seuils.
Toutes les associations caritatives que nous avons rencontrées comprennent
bien qu'il puisse y avoir un seuil, mais elles souhaitent que celui-ci soit
complété par des mesures simples de portée limitée permettant un lissage, afin
d'éviter un effet de marche d'escalier pour les personnes dont les revenus sont
légèrement supérieurs au seuil.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Non ! Il faut voter notre projet !
M. Gilbert Chabroux.
N'est-ce pas dans cette voie qu'il faut s'orienter, en procédant à une étude
plus personnalisée des situations et grâce aux fonds qui pourraient être
mobilisés ?
M. Michel Mercier.
Ce n'est pas un fonds !
M. Gilbert Chabroux.
Les fonds sociaux pourront continuer à intervenir. Il est prévu de créer un
fonds sanitaire et social, abondé par les organismes complémentaires ; les
départements conservent 5 % des crédits qu'ils consacraient à l'aide médicale ;
ils peuvent toujours intervenir dans le cadre de leur capacité d'action sociale
générale.
M. François Autain.
Bien sûr !
M. Gilbert Chabroux.
Nous savons bien qu'à même revenu les situations peuvent être très
différentes, en particulier selon que l'on est en milieu urbain ou en milieu
rural.
Il faut prêter une attention particulière à tous ceux qui se situent à la
marge du seuil, un peu au-dessus, et il me semble qu'à cette fin une action de
proximité est souhaitable.
Il faut examiner comment les services sociaux des départements et les centres
communaux d'action sociale peuvent jouer leur rôle. Sans qu'ils aient à
instruire les dossiers, il faut qu'ils participent à l'accueil, à l'information
et à l'accompagnement de toutes les personnes qui les sollicitent.
De toute façon, il va falloir sortir des formalités et des justificatifs pour
ouvrir sur-le-champ des droits ; il faut, d'une certaine manière, changer de
culture. Les CPAM doivent faire de l'information et de la formation. Tous les
organismes participant à la CMU doivent mettre en place une formation
spécifique à l'accueil des personnes qu'ils auront à recevoir.
Ne serait-il pas possible également, pour atténuer l'effet de seuil,
d'étendre, voire - pourquoi pas ? - de généraliser le tiers-payant à toute la
population et à l'ensemble du système de soins ?
Le plus pénalisant pour les personnes qui ont des revenus modestes et pour les
travailleurs pauvres est en effet l'avance de frais. L'Assemblée nationale a
retenu le principe du tiers-payant lorsqu'il s'agit du médecin référent. C'est
une étape importante, mais d'autres étapes peuvent être encore franchies,
d'autant que cette mesure n'est pas inflationniste.
Les populations qui sont un peu au-dessus du seuil, pas plus d'ailleurs que
les bénéficiaires de la CMU, ne surconsommeront. Au contraire, on ne peut
attendre que des effets bénéfiques, pour l'ensemble de notre système social et
de santé, d'une meilleure insertion par la santé, d'un accès plus précoce aux
soins et à la prévention. Il en résultera des effets positifs pour toutes les
branches de la sécurité sociale.
N'oublions pas que six millions de personnes vont être concernées par la CMU,
auxquelles s'ajouteront celles qui sont juste au-dessus du seuil et qui
pourront bénéficier de mesures particulières. Donc au moins six millions de
personnes seront désormais concernées au lieu de deux millions et demi
actuellement couvertes par l'aide médicale des départements.
Peut-on parler, comme l'a fait M. le rapporteur, de « ghettoïsation » alors
qu'il s'agit de 10 % de la population française et que l'on ouvre des droits à
des personnes qui n'en avaient aucun ou qui n'en avaient que bien peu ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Non, je n'ai pas dit cela !
M. Gilbert Chabroux.
Peut-on parler de « déresponsabilisation »...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Oui !
M. Gilbert Chabroux.
... parce que l'aide qui leur est apportée n'est pas modulée en fonction de
leurs revenus ? En la matière, il n'y a pas de précédent départemental, de
préfiguration d'un tel système.
Si une telle mesure était retenue, on exclurait de la CMU de centaines de
milliers de nos concitoyens. Ce serait contraire aux objectifs qui ont été
fixés et quasiment inapplicable : comment en effet demander aux familles
démunies, voire en rupture avec tout le système administratif, de payer 30 à 40
francs ? Dès lors, ne serait-ce pas ces familles qui seraient placées dans un
ghetto ?
Ne faut-il pas plutôt s'interroger sur la situation qui prévaut actuellement
dans les départements et qui crée de graves disparités et des injustices
flagrantes, puisque les seuils varient dans de fortes proportions ?
Un responsable de l'Assemblée des départements de France reconnaissait
d'ailleurs, devant la commission des affaires sociales, que l'on a atteint «
les limites » de la départementalisation en matière d'aide médicale.
M. Le Scornet, quant à lui, le président de la Fédération des mutuelles de
France, dénonçait le « caractère féodal » du système départemental que « la CMU
va heureusement permettre d'éradiquer ».
Je souhaiterais que l'on aille au bout de cette logique et que l'on en tire
toutes les conséquences par rapport à la part de financement de la CMU qui
incombe aux collectivités locales, aux départements et aux communes. Le
problème a déjà été évoqué.
En fait, les collectivités locales vont assurer l'essentiel du financement :
5,3 milliards de francs sur 9 milliards. Sur ces 5,3 milliards de francs qui
vont « remonter » en quelque sorte des départements, un peu plus de 1 milliard
de francs...
M. Michel Mercier.
En effet, 1,2 milliard de francs.
M. Gilbert Chabroux...
proviendra des communes, sous la forme actuelle des contingents communaux
d'aide sociale.
Comment les départements pourraient-ils recouvrer ces sommes pour une
compétence qu'ils n'auront plus à assurer ?
Des solutions ont été proposées pour la suppression du contingent d'aide
sociale et sa compensation par un prélèvement sur la DGD versée aux
départements et la DGF versée aux communes.
Il semble que les réunions qui se sont tenues récemment avec la direction
générale des collectivités locales aient permis d'avancer et de régler ce
problème.
En revanche, le problème très sensible des disparités dans les modes de calcul
qui étaient pratiqués et des injustices qui en résultaient pour de nombreuses
communes, particulièrement les villes moyennes et les grandes villes, reste
posé.
Ces dernières années, des améliorations ont certes été apportées aux modes de
calcul. Il n'empêche que les injustices sont encore flagrantes,
particulièrement - et j'y insiste - pour les villes moyennes et les grandes
villes qui versent des contributions par habitant souvent très élevées, bien
supérieures à la moyenne nationale, 65 % de plus pour les villes de plus de 100
000 habitants.
Or, ce sont dans ces villes que se concentrent les difficultés sociales. Il
est donc difficile d'admettre qu'elles doivent payer proportionnellement plus
parce qu'elles comptent plus de pauvres et que le nombre de dossiers
d'admission à l'aide sociale est plus élevé.
M. Guy Fischer.
C'est vrai !
M. Gilbert Chabroux.
Il s'agit d'une question difficile. Le ministère de l'intérieur s'en est
saisi. Il serait hautement souhaitable qu'à l'occasion de ce projet de loi il
puisse envisager des dispositions concrètes pour mettre fin, au moins
partiellement, à des inégalités insupportables. Ne faudrait-il pas, par
exemple, classer les communes en fonction d'un indice synthétique comparable à
celui de la DSU et répartir la contribution globale communale en fonction de ce
classement ?
M. Guy Fischer.
C'est une bonne proposition !
M. Michel Mercier.
Ne compliquons pas !
M. Gilbert Chabroux.
Mes chers collègues, il ne s'agit là que de modalités. On peut toujours les
améliorer, à condition de ne pas perdre de vue la finalité, le principe,
l'objectif qui a été fixé. Il n'est pas nécessaire pour cela de rédiger un
contre-projet.
Ce qui compte, c'est que le droit à la santé, droit fondamental de la personne
humaine, soit assuré à l'ensemble de nos concitoyens en sachant bien que la
plus grande victoire de la CMU, ce serait qu'elle soit temporaire, passagère,
en attendant de faire progresser les revenus.
Cette loi fait honneur au Gouvernement de la gauche, particulièrement au
travail considérable que vous avez accompli, madame la ministre. Les sénateurs
socialistes y adhèrent pleinement, ils la soutiendront avec force et conviction
et ils la voteront avec une très grande fierté.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Monsieur Chabroux, pour citer un exemple, la ville de Marseille verse 500
millions de francs de contingents d'aide sociale au département. C'est tout de
même beaucoup !
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos débats.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
ayant à examiner 117 amendements, la commission souhaite que la séance ne soit
reprise qu'à vingt-deux heures.
Par ailleurs, nous demandons la réserve de l'article 1er jusqu'après l'examen
de l'amendement n° 61, tendant à insérer un article additionnel après l'article
31.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Favorable.
M. le président.
La réserve est ordonnée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Jean Faure.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence, portant création d'une couverture
maladie universelle.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Madame la ministre, vous étiez à Nancy voilà quelques jours et vous avez pu,
j'en suis sûr, faire au moins deux constatations.
Le département de Meurthe-et-Moselle, en matière de politique médico-sociale,
reste imprégné de l'esprit du pionnier de la médecine sociale qu'était, voilà
plus de soixante ans, le doyen Jacques Parisot, dont les successeurs, les
professeurs Senault, Manciaux et Deschamps, ont fait fructifier l'héritage,
marquant de leur personnalité des instances nationales ou internationales.
Vous avez aussi pu constater que les différents partenaires engagés dans les
actions en cours travaillent « la main dans la main », qu'il s'agisse des
services de l'Etat et du département, des associations ou de bon nombre de
professionnels de santé, médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens,
opticiens, qui sont parties prenantes pour contribuer à l'accès aux soins des
plus démunis.
Tout dernièrement, le 15 mars, le centre hospitalier et universitaire a ouvert
« l'Espace Lionnois », espace d'action médico-sociale d'accueil et
d'orientation, qui permet aux personnes démunies un accès direct aux soins
jusqu'à ce qu'elles puissent bénéficier d'une ouverture de droits.
C'est un hommage que je tiens à rendre à toutes ces bonnes volontés.
C'est aussi une façon de rappeler que le projet de couverture maladie
universelle, pour nécessaire qu'il soit, s'inscrit dans la continuité de
nombreuses initiatives et des actions menées de longue date dans les
départements, que leurs élus soient de droite ou de gauche.
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. Claude Huriet.
Ainsi, voilà quinze ans, dans mon département, suite à l'appel que le père
Wresinski, lors d'une de ses dernières visites à Nancy, avait lancé au
président du conseil général que j'étais alors, nous avons créé, avec les
associations, dont ATD Quart-Monde, le « Fonds d'action santé », ancêtre de la
carte santé. C'est donc fort d'une expérience vécue de longue date, des
relations entretenues avec les associations caritatives « du terrain », que
j'apporte ma contribution à la discussion qui s'ouvre aujourd'hui.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, je souhaite vous livrer quatre réflexions qui nourriront mon
propos.
La situation actuelle, qui marginalise 10 % de la population en matière de
prévention et d'accès aux soins, est inacceptable.
La réponse ne saurait tarder davantage.
Le texte que propose le Gouvernement comporte des imperfections, et c'est le
rôle du Parlement, particulièrement du Sénat, d'y remédier.
Le débat, pour être constructif, doit éviter des positions par trop
manichéennes, qui compromettraient prématurément les possibilités de parvenir à
un texte pouvant répondre aux attentes de plusieurs millions de Français.
Quelle est la situation actuelle ?
Au-delà des chiffres mentionnés dans l'excellent rapport de notre collègue
Charles Descours, je souhaite évoquer quelques données fournies pour 1998 par
le service des statistiques, des études et des systèmes d'information du
ministère de l'emploi et de la solidarité. Ces données se réfèrent à une étude
du CREDES intitulée « Précarité et Santé ».
Parmi les personnes en situation précaire, 16,8 % sont également vulnérables
médicalement, le lien étant particulièrement fort pour les jeunes entre vingt
et trente-quatre ans.
La situation actuelle, c'est aussi la diversité des formulaires en fonction du
guichet auquel on s'adresse, leur complexité et les délais d'attente qui
varient d'une ou deux semaines à deux ou même trois mois. C'est l'impossibilité
de faire l'avance des frais en cas d'urgence médicale pour des personnes qui ne
disposent ni de carnet de chèques ni de carte de crédit. C'est la hantise de
l'« effet de seuil »...
Ecoutez ce témoignage d'une bénéficiaire de la carte santé : « Il reste qu'on
n'est pas à l'abri... Tu trouves un CES, t'as un gamin qui travaille en
formation, et là - hop ! - on t'enlève la carte... et tu perds tout, d'un coup,
les yeux, les dents, les oreilles, le spécialiste, c'est fini. Alors la peur,
elle reste. »
Face à de telles situations, la réponse ne peut plus attendre, alors que, dès
1996, le gouvernement précédent avait entrepris, sur l'initiative de Jacques
Barrot, d'élaborer un projet de loi concernant l'assurance maladie universelle.
Ce projet prévoyait un accès automatique à la couverture maladie, subordonné à
un critère de résidence sur le territoire français, ainsi que l'harmonisation
des droits et des efforts contributifs. Ce système universel demeurait géré par
les caisses existantes et son universalité n'était pas synonyme de régime
unique.
Les attentes de toutes ces familles que j'évoquais voilà un instant, de ces
jeunes en rupture de ban, portent sur la rapidité et la simplicité d'accès :
simple déclaration de résidence et de niveau de ressources, formulaire
identique en tous lieux, guichet unique, dispense d'avance de frais en cas
d'urgence.
Ces personnes ne rejettent pas l'idée d'une cotisation. Je cite encore : « Je
ne demande pas la charité ; je demande à vivre sans la peur du lendemain. On
pourrait, à certains moments où on a du boulot, participer à la carte en
fonction de nos ressources ; on l'a fait au début : la carte santé, ce n'était
pas gratuit. Mais il faut que ce soit en fonction de nos moyens, c'est-à-dire
ce qui reste après le loyer et l'électricité. » Madame la ministre, ces propos
ont été tenus devant vous à Nancy. Vous ne les avez sans doute pas oubliés.
Les associations soulignent également la nécessité d'un accompagnement dans le
cadre des programmes régionaux par l'accès à la prévention et aux soins, et
l'importance d'une formation des personnels soignants, parfois déroutés par les
comportements d'une population qu'ils connaissent mal.
Mes chers collègues, ces attentes, nous ne pouvons pas les ignorer. Il nous
faut leur apporter des réponses. Le texte du projet de loi du Gouvernement y
contribue, et acte doit lui en être donné. Mais les critiques formulées à son
encontre par notre rapporteur sont, à nos yeux, fondées : marginalisation et
non-intégration des bénéficiaires de la CMU, déresponsabilisation, maintien, et
même aggravation des effets de seuil, sous-estimation des coûts, confusion des
rôles entre CPAM et organismes de protection sociale complémentaire...
Pour le groupe de l'Union centriste, l'une des idées forces sur laquelle doit
être conçue la couverture maladie universelle est celle de la «
personnalisation ». Ce principe doit se traduire par une proportionnalité des
prises en charge et des participations financières éventuelles en fonction du
niveau de revenu des bénéficiaires.
Le principe de la personnalisation va de pair avec celui de
responsabilisation. A ce double titre, les propositions du rapporteur de la
commission des affaires sociales visant à instituer une allocation
personnalisée à la santé nous agréent.
Nous souhaitons toutefois que, à l'occasion du débat qui va s'ouvrir, toutes
les voies soient explorées permettant, loin des
a priori
idéologiques ou
politiques - on peut rêver - de rechercher les possibilités de rendre
compatibles les propositions de chacun, non pour parvenir à un « consensus mou
» qui viderait le texte de sa substance, mais pour manifester notre volonté
commune de répondre aux attentes de nos concitoyens les plus défavorisés. Ils
comptent sur nous, comme tous ceux qui cheminent avec eux. Nous devons tout
faire pour ne pas les décevoir.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, chacun de nous en conviendra, il est inadmissible qu'à l'aube
du xxie siècle les ressources financières engendrent une inégalité devant la
prévention et les soins.
Le rapport du Haut Comité de la santé publique de novembre dernier a mis en
exergue les disparités de mortalité entre les catégories socioprofessionnelles.
Les catégories les plus favorisées - celles dont l'espérance de vie est la plus
longue - sont les professeurs, les ingénieurs, les cadres supérieurs et les
instituteurs. Les plus exposées sont les salariés agricoles, les ouvriers et le
personnel de service.
La mise en place d'une couverture maladie universelle était donc inéluctable,
d'autant que, force est de le constater, le texte dont nous débattons
aujourd'hui traduit - et croyez bien que je le déplore - un constat d'échec du
revenu minimum d'insertion, institué voilà onze ans, et de la sécurité sociale
pour garantir à tous l'accès aux soins dont ils ont besoin.
Le RMI avait en effet été instauré afin de répondre aux dépenses de première
nécessité. Même si le fait d'en bénéficier entraîne l'attribution de la carte
santé, on s'aperçoit que cette allocation n'est aujourd'hui plus suffisante.
La création d'une couverture maladie universelle s'inscrit dans la politique
de lutte contre les exclusions, en instaurant l'accès aux soins pour tous.
Cette démarche est noble. Une récente étude du service des affaires
européennes du Sénat a d'ailleurs comparé le dispositif proposé à ceux qui
existent déjà dans quelques pays européens - Allemagne, Espagne, Danemark,
Royaume-Uni, Pays-Bas, Suisse et Suède. Il résulte de cette analyse que ce
projet de loi tend à placer la France parmi les pays offrant la meilleure
protection.
Bien évidemment favorable à toute idée d'améliorer l'accès aux soins, je reste
cependant perplexe quant aux moyens employés.
Je pense tout d'abord que ce texte, en fixant un seuil de revenus à 3 500
francs, va à l'encontre de tout principe d'égalité.
Croyez-vous sincèrement, madame la ministre, qu'une personne dont les revenus
se situent juste au-dessus de ce seuil connaisse des conditions de vie bien
meilleures qu'une personne dont les revenus sont légèrement inférieurs à
celui-ci ? Je ne le crois pas, d'autant que le seuil de pauvreté est fixé à 3
800 francs. Pourtant, le dispositif traite différemment ces personnes, l'une
devant payer des cotisations pour obtenir une couverture complémentaire,
l'autre bénéficiant d'une prise en charge gratuite à 100 %.
Nombre de députés ont proposé de relever le plafond à 3 800 francs.
Malheureusement, cela ne fait que déplacer le problème, car il existera
toujours une discrimination, et celle-ci n'est pas acceptable.
Notre éminent rapporteur, Charles Descours, nous proposera de créer une
allocation personnalisée à la santé, d'un montant dégressif selon le revenu.
J'espère que ce dispositif retiendra toute votre attention, car il me semble le
plus apte à instaurer un égal accès aux soins.
Ma seconde remarque concerne le caractère déresponsabilisant du projet de loi.
En effet, celui-ci dispense de cotisation les bénéficiaires du régime
complémentaire de la CMU.
Pourtant, ainsi que l'a souligné Charles Descours, la contribution
responsabilise le citoyen et, ce faisant, permet aux plus démunis de conserver
une certaine dignité.
Le député Jean-Claude Boulard, dans son rapport au Premier ministre, s'était
d'ailleurs prononcé en faveur du paiement d'une somme symbolique, estimant que
« contribuer, même faiblement, est une composante de l'insertion ».
Il est vrai toutefois que ce dispositif soulève deux difficultés : d'une part,
le recouvrement d'une contribution, même modique, risque d'engendrer de lourdes
conséquences sur le plan financier ; d'autre part, il serait en tout état de
cause impensable de refuser les soins aux personnes n'ayant pas acquitté leur
cotisation.
Cette fois encore, la proposition adoptée par la commission des affaires
sociales me paraît préférable, dans la mesure où les bénéficiaires de
l'allocation personnalisée de la santé auront à leur charge l'adhésion à une
mutuelle ou la souscription d'un contrat d'assurance.
Je souhaite enfin aborder la question du coût engendré par le dispostif que
vous nous soumettez, madame la ministre.
Beaucoup s'accordent à dire que votre réforme relève d'une démarche généreuse
; certes. Malheureusement, la générosité a un prix, et celui-ci est élevé.
La mise en place de la CMU est évaluée à 9 milliards de francs, soit 1 500
francs par bénéficiaire et par an. Or la plupart des personnes auditionnées par
la commission des affaires sociales du Sénat ont estimé que ce montant était
inférieur aux dépenses qu'il faudra réellement engager. En effet, il ne faut
pas oublier que le coût sera nécessairement plus important pour les personnes
âgées, atteignant, pour cette catégorie, environ 2 400 francs.
En conclusion, je suis tenté de dire que ce texte, empreint d'idéalisme,
comporte des objectifs malheureusement difficiles à atteindre, compte tenu du
contexte actuel du déficit de la sécurité sociale.
Pour toutes ces raisons, je voterai le texte qui résultera des modifications
proposées par la commission.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Esneu.
M. Michel Esneu.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, la sécurité sociale fait l'objet d'un consensus national
depuis sa création par le général de Gaulle en 1945, au sortir de la guerre.
La santé des Français ne souffre pas la polémique et nos concitoyens attendent
que nous, parlementaires, nous nous préoccupions de ces questions avec
détermination et célérité.
C'est vous dire, madame le ministre, que nous nous réjouissons d'avoir à
débattre, au sein de la Haute Assemblée, de cette question fondamentale de
l'assurance maladie universelle parce qu'il nous paraît inacceptable que, dans
un pays comme le nôtre, des personnes dans l'incapacité d'en assumer le coût
soient privées de soins. Nous considérons en effet que l'accès aux soins est la
première et incontournable garantie d'une socialisation réussie.
Et pourtant, madame le ministre, autant était grande notre envie de débattre
d'un texte trop attendu qui devrait reprendre les positions d'Alain Juppé,
alors Premier ministre, relatives à l'intégration des plus démunis dans notre
système de soins et grands notre enthousiasme et notre volonté d'améliorer
notre régime de base, autant est grande notre circonspection devant le texte
qui nous est présenté.
S'agissant de la forme tant à l'Assemblée nationale, je crois, qu'au Sénat,
nous sommes tous unanimes pour regretter l'ajout d'un DMOS - texte portant
diverses mesures d'ordre social - au projet de loi sur la couverture maladie
universelle. Une meilleure organisation des travaux parlementaires, le
Gouvernement étant maître de l'ordre du jour, nous aurait permis de travailler
dans de bien meilleures conditions et nous y aurions gagné un temps
précieux.
L'excellente commission des affaires sociales ne s'y est pas trompée ; elle a
eu raison de ne pas mélanger des dispositions sans aucun rapport entre elles en
nommant deux rapporteurs distincts, MM. Charles Descours et Claude Huriet.
Comme il est habituel que ces textes « catalogues » prennent rapidement des
proportions exponentielles, le DMOS, déguisé que vous nous proposez passe de
six à vingt-neuf articles !
Mais ce qui nous rassemble aujourd'hui c'est le projet de loi sur la
couverture maladie universelle, et c'est de cela que je souhaite parler.
Je remercierai d'abord Charles Descours, qui, après bien des auditions et de
nombreuses séances de travail, a réussi à nous proposer un texte cohérent
corrigeant les défauts du projet de loi initial.
Deux maîtres mots devaient commander la rédaction de ce texte, l'égalité et la
responsabilité : l'égalité de tous devant l'accès aux soins, l'égalité des
partenaires dans la contribution au projet, l'égalité dans le traitement des
soins eux-mêmes ; la responsabilité de l'Etat face à la maîtrise des dépenses
de santé et la responsabilité des citoyens dans la participation à cette
couverture maladie universelle.
C'est pourquoi à la circonspection ont bien vite succédé la déception et la
lassitude.
Déception face à cette occasion manquée de penser une couverture maladie
vraiment universelle, vraiment égalitaire et non pas une couverture à deux
vitesses. Déception, parce que, une fois encore, prétendant comme toujours
avoir les meilleures intentions du monde, vous aggravez ce que vous voulez
améliorer - ce doit être une spécificité gouvernementale que de s'obstiner à
accroître les inégalités en jurant bien sincèrement, que l'on souhaite les
résorber.
Lassitude aussi, parce que vous persistez à refuser la notion de
responsabilité ; or, dans une société juste, et cela vous ne voulez pas
l'admettre, aux droits se conjuguent les devoirs : ce sont ces droits et ces
devoirs liés les uns aux autres qui forment une société cohérente et votre
projet de loi introduit plutôt une confusion pernicieuse entre les notions
d'assurance et d'assistance.
Lassitude, également, parce que c'est une fausse générosité que de « laisser
filer » les dépenses de santé alors qu'il faudra bien un jour assainir les
comptes. Peu vous importe, me direz-vous, cela peut bien attendre l'avènement
d'une nouvelle majorité, qui, comme à son habitude, se perdra à vouloir réparer
vos erreurs.
Inégalité et irresponsabilité, voilà les deux maîtres mots de votre projet.
Votre projet est inégalitaire pour au moins trois raisons.
Tout d'abord, la fixation du niveau de ressources permettant d'accéder à la
couverture maladie universelle à 3 500 francs est inexplicable, pour ne pas
dire surréaliste. Pourquoi 3 500 francs ? Voulez-vous mettre hors du champ
d'application de votre dispositif les bénéficiaire du minimum vieillesse ?
Peut-être sont-ils à vos yeux des nantis ?
Ensuite, on ne voit pas à quoi fait référence ce seuil. Ce n'est pas une
catégorie sociale qui est concernée ; il ne correspond pas au seuil de
pauvreté, ni à une catégorie de personnes désocialisées ou en voie de
désocialisation : j'en veux pour preuve que, bien souvent, il inclut des
retraités agricoles ou artisans.
Mais surtout, ce seuil est inégalitaire et profondément injuste, au-delà même
de sa nature, par sa forme d'un simplisme déconcertant. En somme, après le
surréalisme, le minimalisme !
M. François Autain.
Le réalisme !
M. Michel Esneu.
Au-dessous de ce seuil, vous avez droit à tout, à la base, la couverture
complémentaire à 100 %, l'immédiateté et l'automaticité des remboursements.
Au-dessus, vous n'avez plus droit à rien, et surtout pas à l'aide
complémentaire. Au lieu de cela, il vous reste le droit de cotiser pour les
autres, les démunis, c'est-à-dire ceux qui gagnent 30 ou 40 francs de moins que
vous, pendant que vous, vous continuerez de vous passer des soins essentiels.
C'est cela « l'universel » dans le monde rêvé du Gouvernement !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Très bien !
M. Michel Esneu.
Madame le ministre, on n'est pas un nanti avec 3 540 francs par mois. Cessez
de vouloir opposer la société en deux camps. Ici, ce ne sont pas les pauvres
que vous opposez aux riches, mais les pauvres aux très pauvres. En voulant
corriger les écarts, vous les aggraverez dramatiquement.
Enfin, ce projet de loi est injuste, parce qu'il instaure une inégalité dans
le financement de la couverture complémentaire. Ainsi, il ne prévoit pas le
même remboursement pour les caisses et les mutuelles. D'où vient ce chiffre de
1 500 francs remboursés par le fonds pour le panier de soins ?
Aucun organisme n'a pu vous donner un tel chiffre. Certaines mutuelles, parce
qu'elles ont commis l'erreur de se spécialiser dans la couverture des
non-salariés ou des retraités, seront appelées à disparaître à cause de leur
spécificité. Les acteurs du système parlent plutôt de sommes avoisinant 2 000
francs, et ce pour des catégories de personnes qui ne sont pas statistiquement
les plus dépensières.
Enfin, il est étonnant que ces organismes complémentaires contribuent de
plain-pied à la réforme. Est-il normal de les exclure du conseil
d'administration du fonds de financement alors qu'ils y participeront à
concurrence de 2 milliards de francs ? C'est une nouvelle injustice à ajouter à
la longue liste précitée.
A cette déception occasionnée par cette aggravation des inégalités, qu'il
aurait plutôt fallu combattre, s'ajoute la lassitude de voir, madame le
ministre, que vous ne tirez pas les leçons du passé.
En matière de politique de santé, il est impossible de tenter de réformer sans
chercher à maîtriser les dépenses. Dans le même ordre d'idée, l'alourdissement
du coût des contrats d'assurance va engendrer une aggravation des prélèvements
obligatoires qui risque de se retourner contre l'emploi.
Nous sommes lassés parce que votre projet est irresponsable dans la mesure où
vous n'avez pas chiffré raisonnablement le coût de la couverture de base que
vous proposez. Vous nous parlez d'un coût unitaire de 4 000 francs par
personne, alors que le coût moyen de base pour le régime général est
actuellement de 12 000 francs.
Ce surcoût sera supporté par les caisses d'assurance maladie. Or, les derniers
chiffres publiés sur l'état des comptes de la branche maladie ne nous incitent
pas à l'enthousiasme, d'autant que la conjoncture économique de notre pays
aurait pu nous permettre d'espérer bien mieux.
Ce texte est également irresponsable parce que vous n'avez pas créé un
organisme de surveillance des dépenses qu'il va engendrer.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Très bien !
M. Michel Esneu.
Il l'est aussi parce que vous vous refusez à anticiper les risques pourtant
flagrants dont il est assorti, tels que les conséquences qu'il aura pour les
organismes de recouvrement, l'augmentation des cotisations sociales à moyen
terme et surtout, j'y insiste, la déresponsabilisation de nos concitoyens.
Avec les 35 heures, vous aviez expliqué aux Français que l'on gagnerait plus
en travaillant moins. Vous allez réussir la quadrature du cercle en tentant de
les persuader que l'on vivra mieux en gagnant moins, car la couverture maladie
universelle va engendrer des effets de seuil de nature à entraver le retour à
l'emploi.
Circonspects quant à la forme, déçus face à l'inégalité établie par votre
texte, lassés de la déresponsabilisation faite loi, nous aurions pu écarter ce
projet décevant et inapplicable. Toutefois, il était essentiel de débattre sur
ce sujet préoccupant qu'est celui du droit de l'accès aux soins des plus
démunis.
Les inégalités de ce texte peuvent être corrigées. Ainsi, le rapporteur de la
commission des affaires sociales, Charles Descours, propose à notre Haute
Assemblée des solutions concrètes à enveloppe constante. A l'inégalité et à la
déresponsabilisation, il répond : solidarité et raison.
En maintenant le seuil de remboursement intégral au RMI, nous faisons le choix
de la solidarité.
En augmentant le nombre de personnes bénéficiaires de la couverture de base
au-delà de vos propositions, nous faisons le choix de l'universalité.
En lissant l'effet de seuil, nous faisons le choix de l'égalité.
En solvabilisant les personnes, nous faisons le choix de la responsabilité.
En créant un organisme de contrôle, nous faisons le choix de la raison.
En intégrant les mutuelles dans le dispositif qu'elles financent, nous faisons
le choix du partenariat.
Pour toutes ces raisons, parce qu'il y va de la santé de nos concitoyens les
plus démunis et de l'équilibre budgétaire de notre sécurité sociale, je voterai
les propositions de notre rapporteur qui vont dans le sens d'une plus grande
équité et d'une plus grande justice sociale
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, nous abordons aujourd'hui la discussion d'un texte qui sera,
demain, l'honneur et la marque de la réussite du Gouvernement dirigé, depuis
deux ans maintenant, avec succès, par M. Lionel Jospin.
L'institution d'une couverture maladie universelle répond aux engagements pris
par les partenaires de la gauche plurielle. Elle répond surtout à une urgence
sociale et à une nécessité sanitaire impérieuse.
L'analyse très complète présentée par mes collègues Marie-Madeleine
Dieulangard et Gilbert Chabroux sur la couverture maladie universelle me permet
de réduire mon propos à trois remarques essentielles, plus particulièrement
destinées au rapporteur Charles Descours.
Première remarque : bon gré, mal gré, la majorité sénatoriale approuve le
choix fait par le Gouvernement.
M. Jean Chérioux.
Pourquoi « mal gré » ?
M. François Autain.
Parce que vous êtes un peu contraints, tout simplement !
M. Jean Chérioux.
Absolument pas ! Ce n'est pas convenable de dire cela !
M. François Autain.
Nous avons la liberté d'expression dans cet hémicycle ! Je l'utilise !
M. Jean Chérioux.
Oui, mais on peut redresser un propos inexact !
M. François Autain.
Comment ne pas approuver un projet dont la finalité est de permettre une
égalité effective d'accès aux soins ? Comment ne pas souligner, à cet égard,
que le gouvernement précédent, parce qu'il ne proposait pas l'accès à la
protection complémentaire, ne permettait pas d'assurer cette égalité effective
d'accès aux soins ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est évident !
M. François Autain.
Deuxième remarque, monsieur le rapporteur : l'attachement subit que vous
manifestez à des principes fondateurs de la sécurité sociale,...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Ce n'est pas subit ! Mon gaullisme n'est pas récent !
M. François Autain.
... dont une partie non négligeable de la majorité sénatoriale ne cesse de
demander la remise en cause, me paraît étrange.
Je ne connais qu'un principe fondateur de la sécurité sociale : assurer une
couverture aussi égale que possible des malades, des personnes agées et des
familles.
Le projet de loi qui nous est soumis, cinquante ans après la création de notre
système de protection sociale, lui permet de se conformer complètement à ce
principe.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Un principe que nous devons au général de Gaulle !
M. François Autain.
Troisième et dernière remarque : l'alternative proposée par la commission
procède, pour l'essentiel, de la méthode Coué.
Le progrès social à coût constant, cela n'existe pas, monsieur le rapporteur.
Si l'on couvre plus de personnes avec la même enveloppe, c'est forcément que
l'on couvre moins bien.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Ça, c'est une idée socialiste, monsieur le questeur !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
L'argent ne fait pas
tout !
M. François Autain.
Quant aux conditions techniques et financières de mise en oeuvre de votre
allocation, je les ai vainement cherchées dans un rapport qui consacre plus de
quarante pages à dénoncer le dispositif gouvernemental et moins de cinq à se
risquer à décrire avec précision le projet alternatif de la commission.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Charles Descours,
rapporteur.
« Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour
le dire arrivent aisément » : plus c'est long, plus c'est compliqué !
M. François Autain.
Je vous invite surtout, monsieur le rapporteur, à entendre le sage conseil, si
je l'ai bien compris, de votre collègue Claude Huriet : à vous crisper trop sur
votre projet alternatif, ne perdez pas toute chance d'attacher votre vote à un
texte dont six millions de Français auront tôt fait de comprendre l'importance
dans leur vie quotidienne.
Si j'interviens ce soir, c'est toutefois moins sur ce sujet essentiel que sur
le titre IV, consacré à la modernisation sanitaire et sociale.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je comprends !
M. François Autain.
Moderniser, c'est « adapter au besoin nouveau ». La mission du législateur
est, précisément, d'adapter la loi aux évolutions de la société. Je regrette
que la commission ait choisi de demander au Sénat de renoncer à
l'accomplissement de sa mission.
Je le regrette d'autant plus que les dispositions contenues dans ce titre,
loin d'être disparates, s'organisent au contraire autour de trois thèmes
principaux, parfaitement complémentaires du volet consacré à la couverture
maladie universelle.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Ce sont les lunettes roses !
M. François Autain.
Premier thème : la santé publique, notamment dans ses rapports avec les droits
des personnes.
Deuxième thème : la planification sanitaire et la coopération
inter-hospitalière.
Troisième thème : les professions de santé.
La cohérence de ces dispositions méritait mieux, cher Claude Huriet, qu'une
position de principe qui coûte plus, me semble-t-il, au pouvoir d'initiative du
Sénat qu'à un gouvernement qui, comme ses prédécesseurs, craint plus que tout
ces textes qui commencent avec peu d'articles ne finissent avec un nombre à
trois chiffres en arrivant au port.
(Sourires.)
Sur le fond, vous me permettrez de m'attarder quelques instants sur certaines
des dispositions du titre IV qui ont particulièrement retenu mon attention.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Auxquelles vous allez attacher votre nom, monsieur Autain
!
M. François Autain.
S'agissant des dispositions relatives à la santé publique, je suis, comme
vous, madame le ministre, mais aussi comme vous, monsieur le rapporteur,
soucieux du respect des droits des personnes, aussi longtemps que les règles
qu'il exige ne contrarient pas les objectifs de santé publique.
Cette appréciation commandera l'attitude de mon groupe sur les amendements
proposés pour la définition du volet de santé de la carte d'assurance maladie,
à l'article 33, mais aussi pour le traitement des données personnelles de santé
à des fins d'évaluation ou d'analyse des activités de soin et de prévention, à
l'article 37. Je dois dire qu'à cet égard nombre des amendements de M. le
rapporteur Claude Huriet méritent, pour le moins, notre intérêt soutenu.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Mais je suis solidaire de M. Huriet !
M. François Autain.
Sur ce premier volet, je vous proposerai, au nom de mon groupe, plusieurs
dispositions complémentaires.
Deux de nos amendements viseront d'abord à améliorer encore notre dispositif
de sécurité sanitaire en précisant davantage certaines des compétences du
directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments.
(M. Descours, rapporteur, applaudit.)
Un autre amendement visera à préciser le cadre légal de certaines
interventions médicales lorsque, portant atteinte à l'intégrité du corps
humain, elles présentent un caractère préventif dont la légitimité ne peut être
discutée mais dont la légalité n'est pas clairement établie.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Tout ça, c'est nous !
M. François Autain.
Un dernier amendement tirera les conséquences de votre abstention, monsieur le
rapporteur, en reprenant au compte de notre groupe une proposition à laquelle
je vous sais - je m'adresse évidemment toujours à Claude Huriet - à juste
titre, très attaché et qui doit permettre de mieux établir le bilan d'activité
et le bilan financier des comités consultatifs de protection des personnes dans
la recherche biomédicale.
S'agissant des dispositions relatives à la planification sanitaire et à la
coopération inter-hospitalière, nous approuvons évidemment le remarquable
travail accompli par le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Alfred Recours,
et par Claude Evin, auquel ces dispositions doivent beaucoup.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Le Gouvernement veut supprimer ces articles ! Vous n'êtes
plus à jour, monsieur Autain !
M. François Autain.
Je ne veux pas anticiper, monsieur le rapporteur ! Vous en savez apparemment
plus que moi !
L'adhésion de mon groupe à ces dispositions sera, comme celle de la commission
elle-même, commandée par l'appréciation du Gouvernement sur certains articles
qui ne doivent rien aux auteurs dont je viens de saluer le remarquable
travail.
Sur ce deuxième volet, mon groupe ne propose aucun amendement.
S'agissant enfin des dispositions relatives aux professions de santé, nous
approuvons, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, celles qui
tendent à renforcer les relations qu'établissent ces professions avec
l'assurance maladie. Je pense d'abord à la validation des conventions médicales
nationales, mais aussi aux bases légales données à la convention entre les
pharmaciens d'officine et l'assurance maladie.
(M. Descours, rapporteur,
applaudit.)
Je regrette beaucoup que, sous le prétexte de la pluralité d'expression, le
rapporteur se refuse à inscrire la formation médicale continue dans un cadre
plus conventionnel, qui serait seul à même de moraliser les pratiques
actuelles.
Nous approuvons aussi la plupart des dispositions qui visent le statut des
professions de santé, même si nous pensons que certaines méritent réexamen,
comme c'est le cas de l'artice 34
bis
, relatif à la certification des
compétences des aides opératoires.
S'agissant de l'artice 37
quindecies,
relatif aux honoraires des
praticiens exerçant une activité libérale à l'hôpital, vous me permettrez de
considérer, monsieur le rapporteur, que la déontologie médicale a bon dos. J'ai
eu moi-même l'occasion de dénoncer à cette tribune, à la lumière d'un rapport
très sévère de la Cour des comptes, les pratiques de certains médecins
hospitaliers. Il est des circonstances où les principes déontologiques, aussi
respectables soient-ils, doivent céder le pas devant les nécessités de la
morale.
J'en viens maintenant aux dispositions relatives aux médecins titulaires de
diplômes extra-européens ou de nationalité extra-européenne.
Combien de temps faudra-t-il, madame le ministre, monsieur le secrétaire
d'Etat - et ce n'est pas contre vous que j'instruis ce procès - pour que le
législateur n'ait plus à revenir sur ce sujet ? Il reste que les dispositions
proposées sont nécessaires, même si elles doivent être aménagées. Certaines des
propositions de la commission recevront notre soutien. Pour notre part, nous
entendons, par voie d'amendement, faire en sorte que le médecins français
rapatriés d'Algérie ayant regagné le territoire national à la demande des
autorités françaises puissent y exercer sans entrave leur profession.
Nous entendons par ailleurs apporter notre contribution à ce dernier volet du
titre IV par l'ajout de deux articles.
Le premier, dont la taille est à la mesure de l'ambition qui l'inspire, tend à
améliorer encore les conditions de création, de transfert et de regroupement
d'officines de pharmacie. Longuement négociées avec le milieu...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Quel humour !
M. François Autain.
... le milieu pharmaceutique,...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Dommage que nous n'ayons pas été au courant des négociations
!
M. François Autain.
... les dispositions proposées sont de nature à améliorer sensiblement la
répartition géographique du service pharmaceutique.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Comment les pharmaciens de droite se servent d'un
gouvernement de gauche !
M. François Autain.
Le second amendement tend, quant à lui, à permettre à une pharmacie à usage
intérieur d'un établissement de santé d'assurer tout ou partie de la
stérilisation de dispositifs médicaux pour le compte d'un autre
établissement.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Très bon amendement !
M. François Autain.
Telles sont donc, mes chers collègues, madame le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, les remarques et les propositions complémentaires que
j'entendais faire au nom de mon groupe qui, dois-je le dire encore une fois,
votera avec un sentiment de fierté un texte capital pour la protection sociale
de nos concitoyens.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd'hui, à mon sens,
s'inscrit plus dans la longue histoire du développement de notre protection
sociale qu'il ne marque une rupture ; mais ce n'est pas parce que, hier, il n'y
avait pas les ténèbres que, demain, il n'y aura pas la lumière.
(MM.
Descours, rapporteur, Nogrix et Chérioux applaudissent.)
Je me propose donc d'examiner ce texte d'une façon objective afin de voir ce
qu'il peut apporter à notre société.
Je crois que l'idée d'une couverture ou d'une assurance maladie universelle
représente une évolution à la fois nécessaire et logique de notre système de
protection sociale.
C'est une évolution nécessaire, car il est bien évident que nous souhaitons
tous lutter contre l'exclusion et que l'exclusion du système de soins est la
pire des exclusions. Que celui qui a un emploi et qui bénéficie d'un revenu ait
un accès direct au système de protection sociale alors que celui qui n'a ni
emploi ni revenu doive entrer dans ce système par une autre porte, voilà qui
constitue en soi une forme d'exclusion scandaleuse, et nous ne pouvons qu'être
tous d'accord pour porter remède à cette situation.
Les gouvernements précédents, vous l'avez rappelé, madame le ministre - et je
me plais à souligner, à cet égard, votre honnêteté intellectuelle - étaient
entrés dans cette voie, d'autant que, je l'ai dit, cette évolution est non
seulement nécessaire mais aussi logique.
D'ailleurs, la façon dont le nouveau système sera financé - les 9 milliards de
francs qui « remontent » des collectivités locales vers la couverture maladie
universelle - démontre à l'évidence qu'il existait déjà un système.
Je veux brièvement rappeler le rôle des départements et dire pourquoi ils ont
accepté qu'il y ait, en quelque sorte, cette « remontée » d'une compétence vers
un système plus national.
Mes collègues, notamment Claude Huriet, ayant parfaitement décrit le système
et dit ce qu'il y avait à en dire, je m'attacherai à deux points qui me
semblent importants : le financement et ce que j'appellerai les conditions de
la réussite de la réforme.
En fait, jusqu'ici, les départements jouaient un double rôle. Je le rappelle,
il existe deux couvertures, une couverture de base et une couverture
complémentaire, qu'il convient de ne pas confondre, le système étant déjà assez
complexe. S'agissant donc de la couverture de base, les collectivités locales
ne faisaient que payer la cotisation pour que la personne ait droit à une
couverture au titre de l'assurance maladie. C'est que, ces vingt dernières
années, l'évolution a été dans le sens d'un accès à l'assurance maladie qui
soit universel. Et, aujourd'hui, tout le monde peut avoir accès à l'assurance
maladie. Nous pouvons donc nous interroger sur les raisons pour lesquelles il y
a encore des gens en France qui n'ont pas d'assurance maladie. Mais j'y
reviendrai à la fin de mon exposé, quand je traiterai des conditions de la
réussite de cette réforme.
M. Philippe Nogrix.
Très bien !
M. Michel Mercier.
Cela étant, et vous l'avez rappelé, madame la ministre, l'assurance maladie ne
couvre pas tout : il faut trouver une couverture complémentaire. A cet égard,
les départements ont, d'une façon générale, plutôt bien fait leur travail en
consacrant plus de 5 milliards de francs à la mise en oeuvre d'une couverture
complémentaire. Certes, elle n'était pas identique dans tous les départements,
car le niveau de revenus pris en compte pouvait varier de l'un à l'autre.
Donc, autant les départements ne jouaient pas un grand rôle dans la couverture
de base - mais ils payaient la cotisation afférente - autant le rôle qu'ils
avaient à jouer dans la couverture complémentaire était important et
intéressant, l'organisation même de cette couverture complémentaire étant
fondée sur l'analyse de la situation personnelle des assurés concernés. Il
fallait faire en sorte que tout le monde entre dans la protection sociale par
la même porte.
C'est ce qui a conduit les départements, et depuis fort longtemps, à
considérer que la couverture de base était non pas leur affaire - ils ne sont
pas assureurs - mais celle d'abord de la sécurité sociale. Ils ont abandonné
avec plus de difficultés leur rôle dans la couverture complémentaire.
Ils ont ainsi réagi, me semble-t-il, pour une seule raison : s'agissant d'un
public particulier, s'agissant des personnes les plus démunies, les plus
éloignées de notre système de protection sociale, il était difficile de
dissocier couverture de base et couverture complémentaire et de ne pas traiter
globalement la question de la couverture maladie « universelle », objet même du
texte que vous nous proposez, madame la ministre !
Telle est la raison pour laquelle les départements ont accepté cette remontée
de compétence - demain, si la loi les y oblige, ils n'auront plus d'ailleurs
qu'à s'exécuter - et l'ont négociée avec votre ministère.
J'en viens maintenant au financement et au coût de la réforme ainsi que, plus
important peut-être encore, aux conditions de sa réussite.
Du coût de la réforme il a longuement été question aujourd'hui. Permettez-moi,
madame la ministre, mes chers collègues, de vous faire part de l'expérience
d'un département qui a institué, voilà plus de dix ans, une carte santé et qui
a retenu, comme d'autres d'ailleurs, un seuil de revenus un peu plus élevé que
celui prévu dans le propre projet de loi. Il est exact que les plus démunis,
lorsqu'ils bénéficient de soins, après en avoir été exclus, consomment moins de
soins que le reste des citoyens. Les statistiques établies dans notre
département sur dix ans font apparaître un taux de consommation très largement
inférieur à celui de la moyenne des assurés sociaux. D'ailleurs, cette même
expérience me permet de conclure que le coût de 1 500 francs pour la garantie
complémentaire est sans doute très en deçà de la réalité. La somme de 2 100
francs me semble plus réaliste et vous aurez, nous aurons à financer la
totalité de ce coût.
J'en viens à la méthode de financement de cette couverture maladie universelle
et, tout d'abord, à la question de la remontée des crédits départementaux.
Il est logique, dans un système décentralisé, de faire suivre le financement
et la compétence. Que les 9 milliards de francs consacrés par les collectivités
locales remontent vers l'Etat par le mécanisme de la DGD nous paraît donc tout
à fait normal.
Cependant, deux problèmes se posent.
Tout d'abord, les départements qui avaient décidé de se montrer généreux vont
redonner à l'Etat plus que nécessaire. Mais ces décisions-là avaient été prises
et, même si elles nous sont opposées, il y a malgré tout quelque logique dans
cette affaire, encore que la justice n'y trouve pas tout son compte.
Mais il y a plus important : comment organiser la remontée des sommes
actuellement acquittées par les communes ? Il s'agit, sur les 9 milliards de
francs, d'à peu près 1,2 milliard de francs. Or, nous le savons bien, il
n'existe aucune solution technique qui permettra de faire remonter cette somme
et, de surcroît, les communes n'ont pas l'intention de faire preuve de bonne
volonté à cet égard !
Je crois, madame la ministre, que la seule vraie solution consiste à supprimer
le contingent normal d'aide sociale, qui, anachronique, ne joue plus de
véritable rôle, la loi mais aussi les règlements départementaux d'action
sociale ayant organisé, dans chaque département, l'accès aux droits d'une façon
objective. Au demeurant, il n'est pas normal que l'assemblée délibérante d'une
collectivité mette en place une politique et demande à une autre collectivité
d'en payer une partie.
A la demande du comité des finances locales, le Gouvernement a engagé des
négociations avec l'ensemble des organisations d'élus, négociations qui se sont
déroulées sous l'égide du directeur général des collectivités locales. Un
accord se dessine. Reste la situation totalement aberrante de certaines villes,
la plus aberrante de toutes étant celle de la ville de Marseille, qui paie plus
de 500 millions de francs par an au titre du contingent d'aide sociale.
(Mme
le ministre opine.)
J'estime donc, très honnêtement, que, pour des raisons à la fois techniques -
régler l'affaire du financement de la CMU - et politiques - permettre au
département d'exercer pleinement ses compétences et d'en être maître - il faut
supprimer ce contingent d'aide sociale.
Je souhaite que, sur ce sujet, le Gouvernement prenne ses responsabilités et
nous soumettent une proposition à la fin de la discussion du présent texte.
A présent, je dirai quelques mots sur ce qui me semble constituer les
conditions de la réussite de votre réforme.
Sans entrer dans les détails techniques - ils ont toute leur importance, mais
M. le rapporteur et différents intervenants ont déjà insisté sur ces points -
j'indiquerai simplement que, s'agissant d'un public particulier qui ne
s'adresse pas naturellement à un service de soins ou de protection, il
convient, me semble-t-il, d'introduire une dimension qui manque assez
cruellement dans votre projet, je veux parler du nécessaire accompagnement
social. C'est sans doute la critique majeure que je formulerais à l'encontre de
votre texte, qui est strictement administratif et beaucoup trop axé sur les
questions de seuil, de revenus sans tenir compte de la situation globale des
personnes concernées. Il faut donc véritablement ajouter un volet qui traite de
l'accompagnement social des plus démunis. Songez que, aujourd'hui, 150 000
Français n'ont pas d'assurance sociale alors qu'il y ont droit, preuve que la
démarche ne leur est pas naturelle et qu'elle est sans doute déjà trop
compliquée.
Nous devons donc, ensemble, trouver le moyen d'ouvrir à tous l'accès à cette
protection sociale, mais sans recréer pour autant, au sein même de la sécurité
sociale, une sorte de régime particulier qui, réservé aux bénéficiaires du
revenu minimum d'insertion, cumulerait couverture de base et couverture
complémentaire. Nous aurions alors manqué notre but à tous.
Autre condition de la réussite de cette réforme, j'aborderai maintenant le
problème, bien réel, de l'effet de seuil.
Là où il y a seuil, il y a toujours effet de seuil. Mais il faut bien
s'entendre sur cette notion. Il existe des seuils de revenus, très
administratifs, comme le prouvent ces imprimés que vous complétez et qui, à un
franc près, vous font accéder à une prise en charge ou vous en écartent. A cet
égard, si l'on pouvait reprocher aux collectivités locales, notamment aux
départements, le caractère hétérogène des niveaux de revenus requis, du moins
doit-on mettre à leur crédit un véritable accompagnement social des personnes.
Chacun était reçu par un travailleur social et bénéficiait d'un traitement
personnalisé qui permettait de résoudre la question du seuil. En effet, en
fonction de la situation de famille, de l'environnement de la personne, on
pouvait prendre en charge totalement ou partiellement la dépense engendrée par
la demande de soins.
M. Jean Chérioux.
C'est tout à fait exact !
M. Michel Mercier.
D'une façon ou d'une autre, cet accompagnement social, ce traitement
personnalisé doit être généralisé.
Je ne pense pas qu'il faille demander aux collectivités territoriales
d'investir dans cette couverture maladie universelle. Ce serait avouer son
échec avant même la mise en oeuvre de la réforme. Je crois, au contraire,
madame la ministre, que les collectivités territoriales peuvent conclure des
contrats avec la sécurité sociale pour que les travailleurs sociaux, dont c'est
le rôle, puissent tout à la fois amener vers la sécurité sociale des personnes
démunies et leur offrir un traitement personnalisé dont je pense qu'il est
l'une des solutions au problème du seuil auquel nous faisons tous le reproche
d'être trop abrupt.
Madame la ministre, nos concitoyens éprouvent un besoin de considération tout
à fait essentiel et doivent rester des personnes à part entière. Si nous
voulons vraiment que la réforme réussisse, il faut aussi que, du côté de la
sécurité sociale, un certain changement culturel intervienne pour offrir cet
accueil et cet accompagnement.
Je souhaite que ce débat nous permette de trouver ensemble la meilleure des
solutions en sachant que cette loi, loin d'être une fin en soi, n'est qu'une
étape et que d'autres suivront. Mais nous souhaitons dès à présent faire notre
possible pour progresser vers la disparition d'une exclusion qui est, il est
vrai, tout à fait insupportable.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
« La nation garantit à tous la protection de la santé ». Monsieur le
président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, ce principe constitutionnel que nous devons respecter me semble être
aujourd'hui quelque peu bafoué. Nombre de nos concitoyens se soignent mal ou
pas du tout, et ce pour des raisons financières.
Ce douloureux constat est intolérable. Comment accepter une telle inégalité
devant la maladie ?
La création d'une couverture maladie universelle relève d'une démarche
généreuse. C'est la raison pour laquelle j'y suis attaché, et plus
particulièrement parce qu'elle répond à bon nombre de problèmes auxquels la
Guyane, la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion sont confrontés compte tenu
de leurs spécificités. Je pense notamment à la prise en charge par l'Etat des
étrangers en situation irrégulière.
Je prendrai l'exemple de la Guyane. En raison de sa situation géographique, la
Guyane doit faire face à une très forte immigration, souvent clandestine, en
provenance du Brésil, du Surinam, du Guyana ou d'Haïti. Il est évident que
cette situation particulière génère des dépenses d'aide médicale démesurées. Or
les dotations qui lui sont allouées ne tiennent pas compte de cette évolution
hors norme. Il n'était donc pas équitable que la Guyane prît en charge des
dépenses d'aide médicale importantes alors que les recettes équivalentes ne lui
étaient pas attribuées.
Le département avait envisagé de supporter les dépenses d'aide médicale des
étrangers en situation régulière et de proposer à l'Etat de subvenir aux
dépenses d'aide médicale des étrangers en situation irrégulière.
Je suis heureux de constater que le texte dont nous débattons va plus loin
puisqu'il prévoit que les étrangers en situation irrégulière, ainsi que les
non-résidents accueillis pour des raisons humanitaires, sur décision
individuelle du ministre chargé de l'action sociale, bénéficient de l'aide
médicale d'Etat.
Cette disposition permettra de rendre l'Etat responsable des dépenses de santé
des étrangers non-résidents dans le département et qui viennent en Guyane
uniquement pour se faire soigner. Je pense plus particulièrement aux femmes
enceintes venues pour accoucher.
C'est pourquoi je ne peux qu'approuver le transfert de prise en charge des
étrangers vers l'Etat.
Toutefois, je me permets d'émettre quelques réserves quant aux modalités
financières qui accompagnent le transfert des compétences des départements en
matière d'aide médicale.
L'article 13 du projet de loi prévoit en effet une réduction de la dotation
générale de décentralisation, calculée sur la base des dépenses consacrées par
les départements au titre de l'aide médicale en 1997, diminuée de 5 %.
Cette disposition présente un désavantage majeur pour la Guyane puisque les
dépenses en matière d'aide médicale ont pratiquement doublé entre 1996 et
1997.
Les facteurs de cette augmentation sont multiples.
Il s'agit, tout d'abord, d'une dette budgétaire d'aide médicale hospitalière
qui s'élève à plus de 161 millions de francs pour les années 1988 à 1994. Pour
apurer cette dette, le département de la Guyane a conclu, en juillet 1997, des
conventions avec deux hôpitaux. Le montant des dépenses budgétaires pour ces
deux hôpitaux s'élève, pour 1997, à plus de 23 millions de francs.
Le département a également signé en 1995 un moratoire avec la sécurité sociale
pour régler une dette de plus de 27 millions de francs. En 1997, il a remboursé
plus de 5 millions de francs.
Par ailleurs, une accélération des paiements et un traitement beaucoup plus
rapide des dossiers d'aide médicale des années 1995 à 1997 ont contribué à
cette augmentation.
Enfin, le département a réglé une somme de plus de 779 000 francs relative à
un retard de paiement pour les années 1994 et 1995.
En fait, les dépenses réelles de l'exercice 1997 s'élèvent à plus de 6
millions de francs.
Aussi, madame la ministre, comprenez mon inquiétude quant à l'application de
l'article 13 de votre projet de loi ! Il me paraît souhaitable et nécessaire
que toutes ces données soient prises en compte, afin de ne pas obérer de façon
trop importante le budget du département de la Guyane au moment du transfert
des compétences de l'aide médicale vers l'Etat.
Par ailleurs, je souhaiterais que vous m'indiquiez dans quelle mesure le
département continuera à régler ces moratoires après le 1er janvier 2000.
Après avoir entendu les réponses que vous m'apporterez, je voterai ce
texte.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, voilà quelques mois, à l'occasion d'une question d'actualité
posée au nom du groupe socialiste, nous rendions hommage, déjà, au fait que la
couverture maladie universelle appartenait à l'ensemble des textes prioritaires
que le Gouvernement souhaitait voir adopter.
C'est aujourd'hui chose faite, avec l'examen de ce texte par la Haute
Assemblée. C'est aussi la preuve que le Gouvernement tient ses engagements.
En effet, ce texte est un véritable serpent de mer depuis 1995. Nous
approuvons et apprécions, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
votre volonté politique de permettre à six millions de personnes de ne plus
renoncer, demain, à se faire soigner faute d'une couverture maladie de base ou
d'une couverture complémentaire, ou des deux.
Cette volonté va donner vie et réalité aux ambitions initiales des pères
fondateurs de la sécurité sociale - à cet égard, nous ne faisons pas la même
lecture que M. le rapporteur - formulées voilà plus de cinquante ans.
Déjà, le Gouvernement, en définissant ses grands principes dans son programme
de lutte contre les exclusions, avait clairement indiqué qu'il refusait toute
solution pouvant se traduire par une médecine spécifique ou par une modulation
des remboursements en fonction des revenus.
N'en doutons pas, cette loi fera date sur le plan social. Afin de ne pas être
redondant, je n'ajouterai rien sur le fond aux excellents propos tenus par mes
collègues Mme Dieulangard, MM. Autain et Chabroux. Je recentrerai mon propos
sur le transfert de compétence et sur les modalités de celle-ci entre les
départements et l'Etat, les départements ayant, dans leur majorité, on l'a dit
tout à l'heure, souhaité le retour à l'échelon national de l'assurance sociale,
qui leur avait été dévolue depuis le 1er janvier 1987.
Ce sera une innovation et l'aboutissement d'une vieille revendication, si nous
savons aller au terme de notre réflexion et dans les délais les plus courts en
profitant de la fenêtre législative qui nous est offerte.
Nous le savons, ce bouleversement du périmètre des compétences des
collectivités locales va se traduire par des mouvements financiers
importants.
Le financement de la CMU sera d'abord assuré, du moins en ce qui concerne les
collectivités, par le transfert à l'Etat de crédits d'ores et déjà mobilisés
par les départements au profit de la santé des personnes les plus démunies.
Cette réduction des compétences des départements en matière d'aide sociale
s'accompagnera, dans un deuxième temps, d'un transfert de ressources des
départements vers les organismes sociaux.
Nous sommes d'accord pour que cette diminution se fasse par le biais de la
dotation globale de décentralisation, d'autant qu'il leur est concédé un effort
financier en limitant ce prélèvement, puisque cette dotation sera calculée sur
la base des dépenses consacrées par les départements à l'aide médicale en 1997,
diminuées de 5 %. Cela nous ramène à un prélèvement de 95 % de la part des
dépenses consacrées à cette aide.
La méthode paraît logique. Elle a le mérite de la simplicité et de la
neutralité financière. Cependant, cela a été dit un peu sur toutes les travées,
elle mécontente certains, notamment les départements où les bénéficiaires sont
nombreux et qui ont conduit une réelle politique sociale. En effet, ils
pourront se sentir pénalisés, car s'étant engagés bien au-delà de ce qui était
obligatoire, ils vont participer davantage au financement de la CMU.
M. Philippe Nogrix.
Eh oui !
M. Bernard Cazeau.
Ils ont l'impression à la fois de subir une injustice au regard des efforts
déployés et d'être victimes d'un transfert d'une partie de la fiscalité
départementale que ne compensent pas les 5 % laissés à disposition.
Cela pose d'ailleurs aussi en corollaire le problème de ce vieux serpent de
mer qu'est la solidarité fiscale entre les départements - n'est-il pas vrai,
monsieur Mercier ?
(Sourires.)
- qui relève d'ailleurs non pas de votre
compétence, madame le ministre, mais, me semble-t-il, de celle de M. le
ministre de l'intérieur, et c'est pourquoi je n'y insisterai pas.
Bref, quelle que soit la méthode retenue, une autre question devra être
tranchée : celle de l'incidence de la suppression totale de l'aide médicale sur
les contingents communaux d'aide sociale.
En effet, si les départements effectuent l'intégralité des dépenses d'aide
sociale, ils en partagent en revanche le financement avec les communes à
travers ces contingents communaux d'aide sociale. Or, madame la ministre, si
nous sommes tous d'accord sur le principe de la nécessité de supprimer les
contingents communaux pour parvenir à resoudre ce problème, en revanche,
certains des membres de cette assemblée s'opposent encore entre eux s'agissant
du mode de compensation à mettre en place à l'occasion de ce texte.
Pourtant, le bon sens politique et les principes juridiques imposent que l'on
trouve un accord.
Le bon sens politique le veut, car la compétence en matière d'aide médicale
n'appartenant plus au département, ce dernier se transformerait en banquier
vis-à-vis des communes, et là n'est pas son rôle. Il faut que chacun puisse s'y
retrouver, sans provoquer d'animosité des uns envers les autres.
(M. Michel
Mercier fait un signe d'assentiment.)
Le principe juridique le commande, car qui dit transfert de compétences dit
transferts des crédits qui accompagnent leur mise en oeuvre. C'est un vieux
principe des lois de décentralisation, dont l'application n'a d'ailleurs pas
toujours été à la hauteur des espérances des collectivités locales au fil des
ans.
Il semble cependant qu'un accord puisse être trouvé aujourd'hui sur la
proposition faite, dans le cadre de la dotation générale des collectivités
locales, la DGCL, d'un retour par une diminution au franc le franc à travers la
DGF communale et par un abondement à due concurrence de la DGD départementale.
C'est d'ailleurs ce souhait qui sous-tend le sous-amendement que nous avons
déposé au nom du groupe socialiste et apparentés, en tenant compte par ailleurs
de l'instauration - évoquée sur de nombreuses travées - d'un abattement en
faveur des communes les plus défavorisées par le mode de répartition précédent.
A cet égard, je préciserai que les communes les plus défavorisées l'ont souvent
été du fait des départements qui ont délibérément transféré au-delà de la
moyenne légale de 15 %. On a rappelé tout à l'heure l'exemple du département
des Bouches-du-Rhône et de la ville de Marseille, où ce taux a tout de même
atteint 30 % !
M. Michel Mercier.
Qui présidait le conseil général des Bouches-du-Rhône ?
M. Bernard Cazeau.
Il me semble donc primordial que les reversements qui s'effectueront au titre
des compensations soient réalisés sur la dotation générale de décentralisation
attribuée au département, et non sur la DGE comme on semble vouloir nous y
inciter.
Il s'agit là, d'une part, d'une sécurité pour cette institution locale et,
d'autre part, d'une logique et d'une cohérence législative.
Je cesserai d'évoquer les problèmes techniques pour conclure, madame la
ministre.
Le texte portant création de la CMU sera certainement une des grandes lois
sociales qui viendra couronner l'action sociale de la gauche au pouvoir,
particulièrement au cours des vingt dernières années.
M. Michel Mercier.
Ah !
M. Bernard Cazeau.
Eh oui ! La réduction du temps de travail,...
Mme Nelly Olin et M. Michel Mercier.
Eh oui !
(Sourires sur plusieurs travées de l'Union centriste et du
RPR.)
M. Bernard Cazeau.
Eh oui ! La réduction du temps de travail, disais-je, le RMI - eh oui ! tout
le monde en parle - ...
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Et trois millions de
chômeurs !
M. Bernard Cazeau.
... et la CMU sont un trépied social dont nous sommes fiers et qui, à côté de
la modernité de la prise en charge sociale, constitue, n'en déplaise à
certains, une solidarité indispensable pour l'équilibre de notre société à
l'aube du nouveau millénaire.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, personne ne
peut nier la réalité : selon une récente enquête menée par le CREDES, 23 % des
personnes interrogées - presque un quart de la population sondée ! - ont
renoncé à des soins pour des motifs financiers, 150 000 ne sont pas couvertes
par l'assurance maladie et 7 millions n'ont pas de couverture
complémentaire.
Ce constat grave - oui, proprement inacceptable ! - résulte de l'échec de la
réforme de notre système de santé, ne nous le cachons pas. Désormais, nous
sommes l'un des pays d'Europe où les remboursements sont parmi les plus faibles
et où les personnes exclues du système de soins sont parmi les plus nombreuses,
sans pour cela que nous réussissions, les chiffres l'ont encore montré, à
rétablir les équilibres financiers.
Reprenant, madame la ministre, un projet d'Alain Juppé, l'objectif que vous
poursuivez est donc louable, et nous ne pouvons qu'y souscrire : assurer, à
compter du 1er janvier 2000, un accès gratuit aux soins à 6 millions de
personnes trop démunies pour pouvoir se faire soigner convenablement.
Comme il a été dit tout à l'heure, les départements n'ont pas attendu ce
projet de loi pour réagir avec la mise en place d'une aide médicale gratuite en
relation avec les centres médico-sociaux, les communes et les associations,
mais aussi grâce à la carte santé et aux réseaux de soins. Grâce à la proximité
et à la souplesse, malgré les distorsions entre départements, un service a
ainsi été rendu à nos populations.
Le projet de loi que vous nous proposez aujourd'hui me laisse quelque peu
insatisfait, et m'inquiète même parfois sur plusieurs points.
Premièrement, ce projet est centralisateur. Pour moi, qui pense que la
décentralisation est un bien pour notre société, c'est un problème.
Vous avez choisi de retirer aux départements, collectivités de proximité, la
compétence en matière d'accès gratuit aux soins pour la donner aux caisses
primaires d'assurance maladie, et donc indirectement à l'Etat.
Pour éviter que l'Etat ne donne le sentiment de transférer puis de reprendre
des compétences aux départements et d'hésiter sur la poursuite de la
décentralisation, il faudrait qu'il propose simultanément et en retour de
nouveaux transferts de compétences aux conseils généraux. Nous aurions ainsi la
garantie que l'on ne reprend pas d'une main ce que l'on nous avait donné hier
de l'autre.
Deuxièmement, les problèmes de santé sont souvent une composante forte des
difficultés sociales. Or vous retirez aux départements la responsabilité de
l'accès aux soins, ce qui les prive d'un levier capital en matière de lutte
contre l'exclusion.
Troisièmement, les critères d'éligibilité que vous avez retenus sont
administratifs, c'est-à-dire sans proximité, sans souplesse, et ils comportent
des effets de seuil importants. Résultat, sous prétexte d'égalité, vous risquez
d'introduire une profonde inégalité entre les travailleurs et les
bénéficiaires, entre les assurés et les non-assurés. Souvenez-vous de cette
citation de Montesquieu, madame la ministre : « On gouverne bien de loin, mais
on n'administre bien que de près. » Cette citation garde toute son actualité
dans le cas présent.
Quatrièmement, vous avez fait le choix de l'assistance plutôt que de la
responsabilisation. Or, s'il est un élément indispensable à la dignité de toute
personne quels que soient ses revenus, c'est son indépendance. La
responsabilisation est un élément d'intégration. En ne prévoyant pas de
contribution, même minime, vous continuez d'exclure davantage.
Cinquièmement, il existe un flou sur la nature des soins pris en charge.
Allez-vous prendre en charge les frais d'optique et les frais dentaires, exclus
le plus souvent des systèmes de couverture maladie universelle mis en place
chez nos voisins européens ?
Sixièmement, le coût du dispositif est incertain. Estimé à 1 500 francs pour
les soins et les médicaments par personne et par an par vos services, il est
prévu à 2 500 francs par les organismes complémentaires. Va-t-il finalement
coûter 9 milliards de francs ou 12 milliards par an ? En tout état de cause, la
prévision de 1 500 francs par personne et par an semble nettement
insuffisante.
Le dispositif comporte également un risque important de dérapage. L'exemple du
RMI est, à cet égard, inquiétant. Censé concerner 300 000 personnes au départ -
rappelez-vous ! -, il compte aujourd'hui 2,5 millions de bénéficiaires,
désormais sans réelle obligation d'insertion. Le coût du dispositif a même été
multiplié par deux en dix ans.
Enfin, madame la ministre, vous avez fait le choix de financer la couverture
maladie universelle essentiellement sur fonds budgétaires nationaux ou
départementaux au lieu de prévoir les économies nécessaires. Dorénavant, nous
devrons essayer de financer les nouveaux schémas et les nouvelles politiques
que nous voulons mettre en oeuvre par des économies plutôt que par des dépenses
complémentaires.
Les comptes de la sécurité sociale présentés hier ne vous ont, je crois, pas
trop étonnée. Le plan proposé par M. Johannet n'est-il pas encore suffisant ?
Vous lui réclamez des propositions alors qu'il vous en a encore fait très
récemment !
Pour conclure, permettez-moi de dire qu'en ce qui concerne la suppression du
contingent communal d'aide sociale je confirme mon approche positive en
souhaitant que les modalités retenues ne perturbent pas trop les équilibres
financiers de nos budgets sociaux départementaux, puisqu'en la matière un
certain nombre d'entre eux sont souvent allés bien au-delà de ce qui était
demandé.
Je terminerai en louant vos intentions mais en regrettant que les moyens que
vous utilisez risquent, dans un certain nombre de cas, d'aggraver l'exclusion.
D'ailleurs, cette remarque va dans le sens du récent rapport de la Cour des
comptes qui dénonce le choix fait en faveur des dépenses de fonctionnement au
détriment des dépenses d'investissement.
J'espère, madame la ministre, que la discussion qui se déroulera au Sénat
permettra d'apporter des réponses, d'atténuer ces critiques, pour donner à ce
texte si important pour les exclus potentiels de notre système de soins la
faculté de répondre avec la souplesse nécessaire à ces enjeux essentiels de
notre société.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, la couverture maladie universelle, quel grand progrès social
dans le domaine de l'accès aux soins et, plus globalement, de l'assurance
maladie !
Nous sommes là dans le prolongement des mesures engagées par le Gouvernement
et déjà adoptées lors de l'examen du projet de loi d'orientation relatif à la
lutte contre les exclusions.
Ce dispositif, élaboré au nom de la solidarité nationale, prévoit donc, dans
sa première partie, d'étendre la couverture maladie obligatoire à tous ceux qui
n'en bénéficiaient pas.
En cela, la couverture maladie universelle est l'aboutissement du projet
initial, celui des créateurs de la sécurité sociale, pour généraliser la
couverture sociale quel que soit le statut professionnel et social du
bénéficiaire.
La couverture maladie universelle sera un levier permettant une amélioration
pour tous de l'assurance maladie, pour une protection sociale vraiment
solidaire, égalitaire, sans discrimination, où chacun pourra jouir des droits à
accéder librement et immédiatement à la prévention et aux soins.
Il faut saluer cette extension à tous de la sécurité sociale. C'était déjà une
idée de ses fondateurs en 1945 ! Un demi-siècle aura été nécessaire pour
achever le processus engagé.
Au-delà de cette avancée sociale, qui ne peut qu'être reconnue de tous, le
projet de loi comporte, dans sa deuxième partie, une innovation considérable
lorsqu'on sait qu'environ 25 % de la population qui bénéficie de la couverture
de base ne peut recourir à certains soins par manque de moyens. Or le projet
prévoit d'accorder, en outre, une couverture complémentaire ainsi que la
dispense d'avance de frais.
Comme cela a été déjà dit à l'Assemblée nationale par Jean-Claude Boulard,
auteur du rapport
Pour une couverture maladie universelle, base et
complémentaire,
« au fil des années, le ticket modérateur, qui n'a jamais
rien modéré, s'est transformé en ticket d'exclusion, et l'on a abouti à ce
paradoxe que dès lors qu'on ne détenait pas de couverture complémentaire -
comme 15 % de la population - on était privé de la possibilité de jouir de ses
droits ouverts par le régime de base ».
La couverture maladie universelle étend donc la couverture complémentaire à 6
millions de personnes.
Je ne reviendrai pas sur les principales questions qu'engendre l'extension de
la couverture complémentaire. De nombreux intervenants dans cette discussion
générale ont, en effet, éclairé le débat, que ce soit sur l'effet de seuil, sur
le partenariat ou sur les questions de financement et de maîtrise des dépenses
de santé.
Cependant, j'ai noté dans les propos du rapporteur que le projet de loi
plaçait une partie de la population en dehors de notre système de protection
sociale. Cette objection est surprenante lorsqu'on sait qu'au contraire elle va
les y faire rentrer. Ou alors, que signifie le mot « universel » ?
Lorsque le Gouvernement choisit d'assurer gratuitement une couverture
complémentaire à 10 % de Français, il est normal que cette gratuité incite à
s'interroger sur la notion de responsabilité individuelle. Mais, à l'analyse,
on s'aperçoit que tout autre système est matériellement impossible à réaliser
et qu'il présente même le risque de passer à côté de l'objectif poursuivi :
l'accès aux soins pour tous.
Même si, globalement, nos contemporains se soignent de mieux en mieux, même
s'ils vivent mieux et de plus en plus longtemps, il n'en reste pas moins,
malheureusement, que, derrière ces constats, demeurent encore de graves
inégalités parmi nos concitoyens renonçant aux mesures de prévention et aux
soins.
Ces inégalités entraînent évidemment la dégradation de leur état de santé et
l'aggravation des difficultés financières, psychologiques, familiales. Cela,
faut-il le souligner, ne facilite pas le maintien ou le retour à l'emploi selon
les cas.
L'accès aux soins pour tous est en effet l'une des mesures qui permettent de
restaurer la dignité des personnes en détresse et de renouer les liens qui les
unissent à la société ou de les réinsérer dans notre communauté.
A ce sujet, madame la ministre, j'aurais souhaité intervenir une demi-heure
plus tard : nous aurions été alors le 2 juin. C'est à cette même date, voilà
deux ans, que la nouvelle majorité dont est issu votre gouvernement a été élue.
Je pourrais citer de nombreuses réussites de ce gouvernement ! Je n'en citerai
qu'une seule : notre pays compte près de 300 000 chômeurs de moins en deux
ans.
Mais je reviens à mon propos, madame la ministre.
Vous menez un combat pour mettre un terme aux inégalités devant l'emploi, la
retraite, et pour répondre aux droits fondamentaux des personnes physiques,
notamment celui de la santé. Le groupe socialiste salue votre détermination
car, je le disais voilà un instant, il a fallu un demi-siècle pour obtenir une
telle avancée. La situation sociale, certes, s'est imposée, mais elle n'est pas
récente. Aussi a-t-il fallu l'impulsion de tout un gouvernement, bien sûr celle
de Lionel Jospin, mais aussi la vôtre, madame la ministre, pour arriver au
projet de loi dont nous sommes en train de débattre.
En tentant d'atteindre l'universalité, notre pays s'efforce de résoudre une
difficulté qui existe dans la plupart des pays de l'Union européenne, où une
part de la population, évidemment la plus modeste, échappe à toute protection
sociale.
Permettez-moi de signaler à cet égard qu'une étude comparée des dispositions
existant dans quelques pays européens a été élaborée par la division des études
de législation comparée du service des affaires européennes du Sénat. Je
n'entrerai pas dans le détail, mais je vous livrerai l'essentiel de la
conclusion de cet excellent document qui, j'en suis sûr, n'a échappé à
personne.
« L'examen des dispositions en vigueur dans les pays étrangers retenus - il
s'agit de l'Allemagne, du Danemark, des Pays-Bas, de l'Espagne, du Royaume-Uni,
de la Suède et de la Suisse - montre que le projet de loi portant création
d'une couverture maladie universelle tend à placer la France parmi les pays
offrant à leurs habitants la meilleure protection contre la maladie. » Elle
constitue en cela une avancée sociale majeure qui est tout à l'honneur du
Gouvernement.
S'agissant des critiques formulées à l'encontre des diverses mesures rajoutées
en fin de projet, je considère, pour ma part, qu'elles n'enlèvent rien au corps
même du dispositif et qu'elles ont en outre le mérite de débloquer un certain
nombre de situations qui touchent d'ailleurs toutes à des problèmes de santé et
qui posaient difficultés. Je pense particulièrement au sort des
aides-opératoires et aides-instrumentistes pour lesquels, avec le groupe
socialiste, j'ai déposé un amendement.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Ah !
M. Claude Domeizel.
Je comprends, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le fond,
la position du Gouvernement sur ce sujet. Cependant, nous sommes là confrontés
à un réel problème pour des personnes, en majorité des femmes, dont la
situation doit être régularisée. C'est le cas du personnel qui était en
exercice avant la parution du décret du 15 mai 1993.
Je comprends également la position des professionnels qui ont accédé à ces
emplois après avoir subi des examens.
Notre amendement permettra d'éviter une utilisation abusive de cette même
mesure d'adaptation à la réalité en la bornant plus logiquement dans le temps,
et en satisfaisant, pensons-nous, les intérêts de toutes les parties.
Je note par ailleurs avec satisfaction l'article 37
terdecies
visant à
la création de fédérations médicales interhospitalières ayant pour objet de
regrouper des services départementaux ou des structures de centres hospitaliers
en vue du rapprochement d'activités médicales. C'est, à notre avis, une bonne
orientation.
A l'expérience, je suis certain qu'il faudra aller plus loin dans cette
direction. La coopération dans d'autres domaines, en effet, se révélera très
vite nécessaire.
Le projet dont nous débattons aujourd'hui fera, j'en suis sûr, partie de ces
grandes lois qui marquent une législature, qui laissera une empreinte dans
l'histoire sociale de notre pays et, osons le dire, sera un modèle à envier et
à suivre pour nos voisins européens.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Nous en reparlerons
!
M. Claude Domeizel.
Nous en reparlerons, bien sûr !
De ce fait, je n'ai plus à douter, compte tenu de la vocation universelle de
ce dispositif, que ce projet de loi recueille parmi nous un avis qui sera
unanime à défaut d'être universel.
Pour sa part, le groupe socialiste soutient cette nouvelle démarche courageuse
et volontaire du Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Franchis.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste.)
M. Serge Franchis.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, le projet de loi que nous examinons ce soir s'inscrit à la
fois dans la politique de la santé et dans la politique de lutte contre les
exclusions.
Dans quelque Etat qu'ils habitent, nos contemporains espèrent pouvoir
bénéficier des dernières technologies et thérapies médicales.
L'augmentation continue de l'espérance de vie des Français témoigne, à cet
égard, de la qualité des soins auxquels nos concitoyens ont eu accès jusqu'à
maintenant.
Cependant, ce qu'ils souhaitent, ce qu'ils exigent, ce que nous exigeons tout
naturellement, c'est l'élimination des carences et des inégalités de santé.
Nous devons, par exemple, mieux prendre en charge la douleur, réduire
l'incidence des affections nosocomiales, etc.
Nous devons répondre aux problèmes de la densité médicale, trop faible dans
certaines parties du territoire. Nous savons qu'elle est insuffisante aussi
dans plusieurs disciplines : l'anesthésie, la pédiatrie, etc. Nous savons
également que des établissements hospitaliers manquent cruellement de moyens,
de personnel médical, d'équipements.
Beaucoup reste à faire, vous l'avez admis, monsieur le secrétaire d'Etat. Les
attentes sont nombreuses et légitimes.
Et puis, santé publique signifie aussi politique de prévention tout autant que
politique de soins. Une réelle prévention contre les toximanies est engagée,
notamment en matière de lutte contre le tabagisme.
Nous ne pouvons qu'approuver pleinement, monsieur le secrétaire d'Etat, toutes
vos initiatives de renforcement de la prévention, du dépistage systématique, de
la promotion de la santé et de soutien à la recherche.
La santé est un choix de société. Elle est un choix de société parce que les
gens ont conscience des progrès thérapeutiques considérables qui sont
possibles, année après année, pour faire reculer la mortalité prématurée. Elle
est un choix de société parce que la recherche ouvre des voies prometteuses.
La société se mobilise contre les nouveaux fléaux, tels que le SIDA, et
toujours contre le cancer. La France enregistre près de 200 000 nouveaux cas de
cancer chaque année. Certains types de cancer connaissent même une progression
inquiétante.
Et que dire des maladies psychiques, de la fréquence des dépressions et des
suicides chez les jeunes ?
Le coût des technologies et des thérapies les plus récentes est élevé. Il
s'agit d'un coût, mais aussi d'un investissement pour une meilleure santé, pour
vivre mieux et pour vivre plus longtemps.
On relève aujourd'hui que, aux Etats-Unis, 14 % de la richesse nationale sont
consacrés à la santé, contre 5,3 % en 1960. Actuellement, un Américain dépense
en moyenne près de deux fois plus d'argent qu'un Européen, 75 % en plus.
« L'idée qu'un recul des remboursements devait entraîner dans notre pays un
ralentissement de la consommation de soins s'est révélée erronée. Sauf à se
transformer en ticket d'exclusion, le ticket modérateur n'a jamais rien modéré
», je cite le rapport Boulard, comme mon prédécesseur à cette tribune.
Accompagner ce choix de société nécessite d'optimiser les actions de santé,
notamment les actions publiques. La maîtrise des dépenses n'autorise toutefois
pas d'enfermer la politique de santé dans une logique uniquement comptable,
dans un cadre purement financier. Ce serait courir à terme le risque d'une
raréfaction des soins eu égard aux potentialités.
Mais accompagner ce choix de société, c'est aussi permettre à quiconque
d'accéder aux soins. Etant donné que, en 1996, un Français sur quatre a déclaré
avoir renoncé à se soigner au moins une fois dans l'année pour des raisons
financières, il apparaît souhaitable d'aménager notre système de protection
sociale.
La couverture médicale universelle tend à organiser les droits plutôt qu'à
réellement les étendre, puisqu'elle consiste essentiellement en un passage d'un
régime d'aide médicale, souvent considérablement renforcé par les conseils
généraux - dont certains ont mis en place des systèmes exemplaires de prise en
charge - à un régime de sécurité sociale. Néanmoins, cet effort d'harmonisation
sera profitable aux personnes les plus démunies, sous les réserves à l'instant
exprimées par M. Michel Mercier, et permettra, de fait, une extension de la
couverture complémentaire.
Je m'en remets à l'excellente analyse et aux propositions de M. le rapporteur
pour que soient intégrés dans un même régime tous les ayants droit. Cela vaut
mieux que créer une nouvelle catégorie car, après les smicards et les RMIstes,
nous aurions alors les CMUistes.
L'allocation personnalisée à la santé que l'on nous propose d'instaurer est
inspirée par le modèle de l'allocation logement. Elle contribue à effacer les
effets de seuil, et elle est un moyen de responsabilisation des ayants droit,
d'autant plus important que ceux-ci devraient avoir la faculté d'intégrer un
régime mutualiste.
L'institution de la couverture maladie universelle offre l'occasion de faire
sortir du régime d'assistance deux millions et demi de nos concitoyens en leur
restituant, par une intégration au droit commun, une dignité à laquelle
certains peuvent être très sensibles. C'est un aspect auquel nous devons aussi
être attentifs.
Nous devons donc veiller maintenant à ne pas installer six millions de
personnes dans une autre différence !
Au terme de cette brève intervention, je tiens à souligner un point essentiel,
d'ailleurs mis en exergue par le rapport Boulard : l'extension de l'accès aux
soins serait de portée limitée si elle ne concernait qu'une partie des dépenses
et prenait insuffisamment en compte celles qui, comme les prothèses dentaires,
auditives ou d'optique médicale, conduisent actuellement à de fréquentes
renonciations.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Charles Descours,
rapporteur.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je vais tenter de répondre le plus
complètement possible aux questions auxquelles je n'ai pas répondu par
anticipation dans mon intervention liminaire.
Je note tout d'abord que vous êtes, bien sûr, tous d'accord sur les principes,
mais je remarque aussi, mesdames, messieurs de l'opposition, que vous êtes
davantage d'accord sur les principes que sur les modalités d'application !
Je constate avec plaisir cette unanimité mais, très franchement, ceux qui
attendent pour se faire soigner ne peuvent se satisfaire de certains propos -
pas de tous - que j'ai entendus.
M. Seillier a évoqué avec juste raison la nécessaire mobilisation des
consciences sur cet accès de tous aux soins. Je crois au-delà à la nécessité de
le financer si nous souhaitons que cela fonctionne.
Nombre d'entre vous ont dit que ces mesures sont généreuses. Je voudrais
souligner qu'elles sont aussi financées. Nous n'avons pas eu pour habitude
depuis deux ans - MM. Chabroux et Autain l'ont indiqué - de faire voter des
textes sans prévoir leur financement, et personne ne peut prétendre que ce
n'est pas le cas aujourd'hui. Nous avons simplement établi des priorités dans
le budget de l'Etat pour financer effectivement les projets qui sont les nôtres
pour l'emploi et la lutte contre les exclusions. Ce texte en fait partie.
S'agissant de la CMU et du texte que nous vous présentons, il s'agit bien,
comme l'ont indiqué Mmes Dieulangard et Borvo ainsi que M. Cazeau, de faire
bénéficier les plus démunis du même accès aux soins que les autres, et ce à
titre gratuit. C'est là l'innovation majeure.
Nous ne sommes pas en train de mettre en place un système à deux vitesses !
Nous essayons de faire en sorte que chacun ait accès aux mêmes soins.
Avant d'aborder vos propositions, je souhaiterais répondre rapidement aux
critiques.
Il s'agit tout d'abord de critiques de forme : je ne reviendrai pas sur le
titre IV, Bernard Kouchner le fera. Mais vous avez vous-mêmes compris l'urgence
de nos propositions. Je regrette moi aussi que nous n'ayons pas pu inscrire un
« vrai » DMOS à l'ordre du jour de cette session. Mais il était important de
prendre les mesures qui s'imposaient.
Vous avez critiqué la procédure d'urgence, et je peux le comprendre.
Effectivement, il ne faut pas abuser de cette procédure mais, en l'occurrence,
il y a bien urgence et, d'ailleurs, ne nous avez-vous pas reproché l'année
dernière de ne pas avoir présenter ce texte plus tôt ?
Je dirai à ceux qui ont fait référence à l'AMU que ce dernier reproche aurait
pu valablement être adressé au précédent gouvernement. En effet, M. Alain Juppé
a annoncé l'AMU, c'est-à-dire la couverture de base et non pas la couverture
complémentaire, en novembre 1995. Or il a fallu attendre décembre 1996 pour
obtenir une note d'orientation de quatre pages et, ensuite, on n'a rien vu
venir. Donc, l'urgence sur ce projet n'apparaissait pas très grande au
précédent gouvernement.
Par ailleurs, ce projet aurait été, nous dit-on, mal préparé. On ne peut pas à
la fois nous reprocher d'avoir pris trop de temps et nous dire qu'il a été
préparé dans la précipitation !
Comme vous le savez, M. le Premier ministre a confié à Jean-Claude Boulard une
mission qui l'a conduit d'ailleurs à rencontrer certains d'entre vous.
M. Boulard a travaillé d'abord sur le principe même et l'organisation
technique de la CMU avant, dans une deuxième phase et après les orientations du
Gouvernement, d'en négocier les modalités avec les principaux intervenants
dont, bien entendu, la CNAM, les caisses d'assurances complémentaires, les
mutuelles et l'association des présidents de conseils généraux. Je remercie
d'ailleurs M. Mercier de l'avoir rappelé.
J'en arrive aux critiques de fond et, d'abord, à celles qui concernent les
coûts.
Je voudrais que les choses soient claires sur ce point. Tout d'abord, ce
projet ne va rien coûter à la sécurité sociale, comme je l'ai déjà dit à un
certain nombre de reprises.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Ce n'est pas vrai !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Voyons, monsieur Oudin ! Vous
avez fait une erreur à propos de la couverture de base.
Je vais essayer de vous l'expliquer gentiment, même si vous avez considéré que
nos chiffrages étaient de mauvaise foi.
Vos chiffrages sont faux parce que vous avez retenu, pour l'assurance de base,
un montant de 9 400 francs, qui vaut pour plusieurs ayants droit, alors que le
montant réel est de 4 000 francs.
Si vous prenez en compte ce dernier montant, vous pouvez vérifier la véracité
de nos chiffres en suivant très exactement votre raisonnement.
S'il vous plaît, monsieur le sénateur, quand vous vous trompez, évitez de dire
aux autres qu'ils sont de mauvaise foi !
Essayons de parler correctement dans cette enceinte, et j'aurais répondu de la
même manière si vous ne m'aviez pas fait des reproches qui, véritablement, me
touchent car, je le dis encore une fois, je n'ai aucune raison de sous-estimer
une réforme qui est, pour moi, majeure, si ce n'est la plus importante de
celles que nous avons entreprises. Il s'agit en effet de l'accès aux soins pour
tous, et je n'ai aucune raison de sous-estimer le coût d'une telle réforme.
Si j'avais estimé que le coût de cette réforme était supérieur, j'aurai prévu
les mesures nécessaires pour la financer. Si je n'avais pas trouvé les
financements nécessaires, j'aurais abaissé le seuil.
S'il vous plaît ne dites pas que l'on est de mauvaise foi lorsqu'on ne partage
pas votre point de vue.
M. Hilaire Flandre.
L'histoire le dira !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
L'histoire le dira certes mais,
en l'occurrence, chacun peut vérifier.
J'ajoute que cette moyenne de 4 000 francs concerne uniquement le régime de
base de la sécurité sociale, puisque chacun a bien compris que, en ce qui
concerne le régime complémentaire, nous avons mis en place un financement
particulier.
Par ailleurs, je le redis, l'estimation de 1 500 francs retenue pour
l'évaluation de la couverture santé d'un ressortissant de la CMU a été établie
à partir de données sur le reste à charge d'échantillons d'assurés sociaux.
Je répète également, même si j'ai bien évidemment entendu ce qui m'a été dit,
que les organismes qui ont agréé ce calcul - ils n'avaient pas vraiment de
raison dans les négociations que nous avions menées avec eux de nous dire
qu'ils étaient d'accord si ce n'était pas le cas - ont, semble-t-il, devant
votre commission, tenu des propos différents.
Peut-être pensaient-ils ou souhaitaient-ils que les négociations ne soient pas
tout à fait terminées. Quoi qu'il en soit, très franchement, les premiers
chiffres viennent de ces organismes et nous ont été fournis avant que nous
ayons vérifié nous-mêmes sur un échantillon, auprès de la CNAM et dans un
certain nombre de départements qui avaient mis en place la carte santé depuis
quelques années, celui de M. Mercier étant l'un de ceux-là.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Dans le département de M. Mercier, ce n'est pas 1 500 francs,
et il vous l'a dit.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous n'avons pas les mêmes
chiffres ! Je ne considère pas que quiconque soit de mauvaise foi. Nous allons
vérifier. Mais, selon nos informations, nous sommes à 1 500 francs en
moyenne.
J'ajoute qu'il faut apporter quelques correctifs à l'échantillon des assurés
sociaux qui sont retenus pour faire ce calcul.
Tout d'abord, la consommation médicale varie beaucoup selon l'âge. Or, les
bénéficiaires de la CMU sont plus jeunes que la moyenne de la population. Nous
avons pu, là aussi, le vérifier dans les départements tests.
Par ailleurs, la consommation varie en fonction des niveaux de revenus. Or,
comme M. Mercier l'a dit tout à l'heure, ces assurés percevront, par
définition, un revenu nettement inférieur à la moyenne nationale.
Enfin, l'échantillon que nous avons retenu chiffre la totalité des restes à
charge. Or, la CMU ne paiera pas la totalité, par exemple pour les suppléments
pour chambre individuelle dans un endroit déterminé et les prothèses
dentaires.
Nous avons donc retenu le chiffre de 1 500 francs. En agissant ainsi, nous
avons la conviction que nous avons gardé une marge de sécurité. Le Gouvernement
est cependant tout à fait d'accord pour faire un bilan année après année. Et,
s'il s'avérait qu'il y a des modifications, dont, aujourd'hui, je n'ai aucune
raison de penser qu'elles doivent intervenir, nous en tirerons les
conséquences. Selon moi, ces chiffres sont corrects en l'état actuel des
données dont nous disposons. Ces calculs ne sont pas simplistes, monsieur
Oudin, ni mensongers. Ils nous paraissent réalistes.
Le coût du dispositif est évalué à 1 500 francs multiplié par 6 millions de
personnes, soit 9 milliards de francs en année pleine. Ce dispositif sera
financé, d'une part, par une contribution des organismes de protection
complémentaire et, d'autre part, par une dotation de l'Etat pour le solde après
la remontée, sur laquelle je reviendrai, de sommes provenant des
départements.
Ces recettes alimenteront un fonds spécifique créé par la loi et institué sous
la forme d'un établissement public.
Sur ce point, je souhaiterais répondre à M. Descours que les dépenses du fonds
seront constituées par le remboursement aux organismes d'assurance maladie des
prestations versées au titre de la protection complémentaire, c'est-à-dire au
franc le franc, pour reprendre votre propos, et par les remboursements aux
organismes de protection complémentaire pour lesquels les déductions au titre
des contrats ou des adhésions sont supérieures à la contribution de 1,75 %, à
concurrence de 1 500 francs par personne.
C'est pourquoi vous ne pouvez pas dire que nous modifions les frontières entre
la sécurité sociale et les caisses complémentaires. C'est en effet bien vers
celles-ci et vers les organismes de prévoyance que s'oriente le système.
Les critiques portent aussi sur la remise en cause supposée de notre système
de protection sociale.
M. Descours a dit que l'on va exclure de notre système de protection sociale
six millions de personnes au lieu de les intégrer.
J'ai vraiment envie de dire tout à fait le contraire. Aujourd'hui, 84 % des
Français ont une couverture complémentaire alors qu'un certain nombre d'autres
n'en bénéficient pas. Nous allons justement intégrer ces derniers dans le même
schéma, c'est-à-dire les assujettir aux mêmes organismes, leur octroyer la même
possibilité de choisir leur médecin, leur clinique, leur hôpital. Ces
dispositions traduisent bien la volonté d'intégrer ces personnes au sein même
de notre système de protection sociale.
Par ailleurs, certains intervenants ont prétendu que nous mettions les
prestations sous conditions de ressources. Je ne comprends absolument pas...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Mais si !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... puisque le remboursement
sera exactement le même pour un salarié ou une personne exerçant une profession
libérale qui cotise à une assurance ou à une mutuelle et pour une personne qui
bénéficiera de la couverture maladie universelle.
Ce sera les mêmes.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Mais pas les mêmes remboursements !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais si ! puisque, d'un côté,
la sécurité sociale continuera à payer les 75 %, et, de l'autre, la CMU ou les
organismes complémentaires paieront la différence.
Ce n'est pas la sécurité sociale qui financera ces prestations, même si elle
liquidera les sommes, ce qu'elle fait déjà. Il n'y a en effet aucune innovation
pour les deux millions et demi de personnes qui bénéficient actuellement de
l'aide médicale gratuite.
Il s'agit donc d'une prestation accordée au nom de l'Etat, comme c'est le cas
aujourd'hui au nom des départements.
Vous n'avez jamais considéré que la caisse primaire d'assurance maladie, quand
elle verse l'aide médicale en votre nom, distingue les prestations en fonction
du revenu. Il n'y aura aucune innovation en la matière.
En ce qui concerne la concurrence entre la sécurité sociale et la couverture
complémentaire, je relève une contradiction : certains nous reprochent de
mettre en cause des frontières, d'autres le craignent et d'autres encore, comme
M. Plasait, le souhaitent.
La couverture maladie universelle n'entraîne ni concurrence ni confusion entre
la sécurité sociale et les organismes complémentaires. Je le redis : ce projet
de loi n'autorise en rien les caisses de sécurité sociale à développer une
couverture complémentaire en concurrence avec les mutuelles et avec les
assurances ; les caisses seront gestionnaires pour le compte de l'Etat d'une
prestation de solidarité financée par un fonds d'Etat comme elles le font déjà
pour l'aide médicale des départements.
Au demeurant, la CMU n'autorise pas non plus les organismes complémentaires à
intervenir sur la couverture de base. Le Gouvernement réaffirme sa position
constante : le monopole des organismes de sécurité sociale ne sera pas remis en
cause.
Je voudrais à cet égard indiquer à Mme Borvo que je partage complètement son
point de vue : je me suis opposée au protocole d'accord entre la CNAM et les
organismes complémentaires parce qu'il pouvait porter en germe des évolutions
entre la sécurité sociale et les caisses complémentaires que nous ne souhaitons
pas.
J'en viens enfin aux bénéficiaires eux-mêmes et aux modalités d'organisation.
Je ne vais pas revenir très longuement sur les effets de seuil. Nous en avons
beaucoup parlé.
Mais à ceux qui nous reprochent de créer un effet de seuil considérable, je
voudrais rappeler que l'effet de seuil existe déjà aujourd'hui de par la loi,
puisqu'il y a ceux qui sont en dessous et ceux qui sont au-dessus du RMI.
Par ailleurs, je rappelle que tous les départements, sauf celui de la
Meurthe-et-Moselle, ont mis en place un système avec un nouveau seuil pour les
assurés sans contribution versée par les assurés. J'ajoute, monsieur le
rapporteur, qu'en Meurthe-et-Moselle ce système a été mis en place, très
récemment, par le nouveau président du conseil général.
Cela prouve bien que tous ceux qui ont travaillé sur ces questions depuis des
années ont utilisé ce système-là pour mettre en place des avancées, pour aller
au-delà des obligations légales.
M. Esneu nous dit qu'il n'est pas normal de traiter de la même manière toutes
les personnes qui se situent en dessous du seuil. J'avoue ne pas bien le
comprendre. Il fait une différence entre des agriculteurs, des commerçants et
des artisans et, par exemple, des chômeurs.
Pour ma part, je ne fais pas de différence quand il s'agit de l'accès aux
soins. A revenu égal, il doit y avoir une égalité des droits à la santé pour
tous.
Si les présidents des conseils généraux ont accepté dans leur grande majorité
et même demandé que ces prestations remontent vers l'Etat, c'est bien pour
éviter la rupture d'égalité que nous constatons aujourd'hui et que je ne
critique d'ailleurs pas. Je tiens à le redire : je n'ai jamais prétendu qu'hier
c'était l'ombre et que demain ce sera la lumière.
A plusieurs reprises, j'ai relevé que les départements étaient allés au-delà
de la situation légale. Je pense toutefois que, dans un tel domaine, il doit y
avoir égalité des citoyens devant l'accès aux soins. C'est la raison pour
laquelle, suivant en cela l'avis des conseils généraux, il nous a paru
important d'instaurer une prestation de solidarité.
Or, cette prestation de solidarité, elle ne se discute pas. Quel que soit le
statut social des personnes qui perçoivent un revenu inférieur à un certain
seuil, dès lors qu'elles ont besoin de se faire soigner, nous devons leur
apporter la même aide.
Selon moi, le vrai débat porte sur ceux qui sont au-dessus du seuil. Et là,
nous retrouvons très précisément le débat que M. Mercier a abordé quand il a
expliqué que, auparavant, les départements, les centres communaux d'action
sociale, les caisses d'assurance maladie, le fonds de solidarité vieillesse
appréhendaient la personne dans sa totalité, dans son environnement, pour
vérifier si on devait lui apporter une aide médicale complémentaire.
Désormais, cet examen sera réalisé exactement de la même manière, le seuil
étant non plus au-dessus des 2,5 millions de bénéficiaires de l'aide médicale
gratuite, mais au-dessus des 6 millions de personnes qui bénéficient de la
couverture maladie universelle.
Vous reconnaîtrez avec moi que les fonds attribués au fonds d'action sociale
des caisses comme aux CCAS devraient effectivement prendre en compte beaucoup
moins de personnes.
Certains ont parlé de déresponsabilisation.
Très franchement, je le dis comme je le pense, je ne suis pas favorable à
l'assistance. A l'occasion de la loi contre les exclusions, j'ai expliqué et
mis en place des dispositifs qui ont pour objet d'aider chacun de nos
concitoyens à prendre ses responsabilités.
Toutefois, lorsqu'il s'agit de l'accès aux soins et dès lors que nous sommes
convaincus de la difficulté de payer une contribution en dessous d'un certain
seuil, je crois que nous ne devons discuter ni ce droit, ni cet accès. C'est
cet état d'esprit qui m'a animée après m'être, comme je l'ai dit dout à
l'heure, interrogée sur le problème de la contribution, comme vous l'avez fait
vous-même et comme, je crois, il est légitime de le faire.
J'en arrive au droit d'option. Les bénéficiaires de la couverture maladie
universelle auront la liberté de choix entre la caisse de sécurité sociale et
un organisme complémentaire.
Là aussi, dès l'abord, j'ai souhaité - c'était d'ailleurs l'avis initial de M.
Jean-Claude Boulard - que ces titulaires de la couverture maladie universelle
soient, comme les autres, bénéficiaires d'une mutuelle, d'une société
d'assurance ou d'une institution de prévoyance et que celles-ci soient donc
prises en charge par un fonds de solidarité.
Mais, après avoir entendu les associations qui travaillent auprès des exclus,
à la suite de la réaction de certaines mutuelles qui se sont déclarées opposées
à l'intégration des bénéficiaires de la CMU parmi leurs assurés et parce que je
n'ai pas voulu prendre le risque que, dans tel ou tel département, nous
n'ayions pas d'offre de prise en charge pour ces personnes, parce que, enfin,
dans la période de mise en place d'un tel système, il faut garder un filet de
sécurité, de facilité et de simplicité, j'ai ouvert la possibilité, pour les
bénéficiaires de la CMU, d'opter pour la caisse primaire d'assurance maladie.
Mais, je le dis à Mme Borvo, nous savons bien que, si les mutuelles -
principalement - jouent leur rôle, dans le respect des valeurs qui ont fondé la
mutualité dans notre pays, c'est-à-dire si elles vont vers les plus
défavorisés, si elles font de la prévention, des bilans de santé, les
bénéficiaires de la CMU - je vais revenir tout de suite sur ce que nous a dit
M. Mercier - iront vers ces mutuelles, ou vers les sociétés d'assurance ou
encore les institutions de prévoyance, si ces dernières font de même.
Même s'ils ont choisi la caisse primaire, les bénéfiaires pourront, à la fin
de chaque période annuelle, changer pour prendre une mutuelle afin de conserver
leurs droits et d'avoir le bénéfice d'une cotisation privilégiée.
Le système doit être simple pour les bénéficaires. Vous avez d'ailleurs été
nombreux, notamment Mme Dieulangard, à dire combien il est difficile, pour un
certain nombre de ces personnes, d'accéder à de tels droits.
Je réagis très positivement à l'intervention de M. Mercier. Selon lui, non
seulement nous devons faire voter un texte - nous verrons lequel - mais nous
devons sensibiliser et informer ceux qui ont des droits.
Je vais réunir ce mois-ci le Conseil national des politiques de lutte contre
la pauvreté et l'exclusion sociale et, avant même que la loi ne soit votée -
car, quelles que soient les modalités retenues, il faudra le faire - nous
examinerons avec l'ensemble des partenaires - les communes, les conseils
généraux, les associations et les caisses - la façon d'aller vers ceux qui ont
ces droits, de les informer et de mettre en place un formulaire qui devra être
extrêmement simple. Les demandeurs devront tout simplement faire la preuve
qu'ils sont au-dessous du plafond, puis faire un choix entre une mutuelle, une
assurance, une institution de prévoyance ou la CPAM. C'est tout !
Mais encore faut-il que les demandeurs connaissent leurs droits. Pour aller
vers eux, sans doute devrons-nous nous asseoir autour d'une table - comme nous
l'avons fait pour la commission de l'action sociale d'urgence - afin de définir
avec les personnels sociaux des différentes institutions, les CCAS, les
assistantes sociales des départements et les associations les moyens de joindre
ces personnes. Ce travail de préparation et d'accompagnement social sera
essentiel dans la mise en place de la CMU, au-delà de la simplicité dont j'ai
parlé et qui nous a toujours guidés.
J'en arrive aux modalités de financement.
Monsieur Richert, il y a non pas étatisation, mais simplement apport d'une
réponse à un besoin d'accès de tous aux droits !
Quant aux modalités retenues sur la façon de faire remonter des sommes venant
des départements vers l'Etat, j'ai bien entendu les critiques qui ont été
formulées, notamment par M. Cazeau. Il n'était pas facile de trouver un
système, et je comprends très bien que ceux qui sont allés au-delà de ce que la
loi imposait trouvent aujourd'hui injuste de faire remonter des sommes plus
importantes.
J'ai déjà été amenée à m'expliquer sur ce point. Il est vrai que, dans la
plupart des cas, pour ne pas dire dans la totalité, ce sont les départements au
potentiel fiscal le plus important qui ont établi les systèmes les plus
avantageux, et l'on peut considérer qu'il y a une certaine solidarité dans le
fait de faire remonter ces sommes.
Je reconnais que la solution n'est pas parfaite, mais il fallait trouver un
sytème qui soit le moins mauvais possible, qui fasse l'objet d'un minimum de
critiques. Si nous avions choisi le pourcentage des personnes pouvant
bénéficier potentiellement de la CMU, les écarts auraient été très lourds et
les difficultés de financement très importantes pour certains départements.
Après des discussions avec l'APCG, nous sommes arrivés à cette solution. Je
comprends que tous ne soient pas d'accord mais, encore une fois, nous avons
essayé d'être le plus cohérent possible et de trouver une solution
satisfaisante pour le maximum de départements.
Je voudrais dire à M. Vasselle qu'il n'a pas à s'inquiéter, puisque dans
l'Oise, je lui ai déjà dit en commission, la dépense d'aide médicale par
habitant est assez faible en dépit d'une situation sociale d'ailleurs difficile
: en 1997, le département était à 70 % de la moyenne métropolitaine. L'Oise ne
fera donc pas partie des départements qui vont payer pour les autres comme M.
Vasselle nous l'a dit. Son barème, qui n'est pas très avancé, le place
au-dessous de la moyenne nationale. L'Oise y gagnera donc avec ce dispositif.
Je tenais à lui apporter tous apaisements après les propos très virulents qu'il
a tenus tout à l'heure.
A la suite des questions posées par beaucoup d'entre vous, notamment par MM.
Gilbert Chabroux, Paul Girod et Bernard Cazeau, je voudrais maintenant vous
donner, à propos des contingents communaux d'aide sociale, des éléments de
réponse qui m'ont été apportés par le ministère de l'intérieur après les
discussions qui ont eu lieu entre les départements et les communes.
Je vous les livre de manière quelque peu abrupte et technique, ce dont je vous
prie de m'excuser, mais, beaucoup d'entre vous ayant souhaité avoir de telles
précisions, je préfère les verser au débat telles quelles.
La loi du 22 juillet 1983 avait fixé la nouvelle répartition des compétences
entre l'Etat et les départements en matière d'action sociale et de santé sans
modifier les conditions d'intervention et les attributions des communes en ce
domaine. Le législateur a donc maintenu le principe d'une participation des
communes, dont les règles ont été fixées par un décret en date du 31 décembre
1987. Ces règles ont généré ou consolidé des disparités, que vous avez
d'ailleurs soulignées lors de la réunion de la commission des affaires
sociales, et qu'il est souhaitable de corriger.
Une première règle posait problème : la contribution globale des communes ne
peut évoluer plus rapidement que les dépenses légales d'action sociale du
département, sauf dans les départements où la participation communale est
inférieure à la moyenne nationale. Ce système de rattrapage a conduit,
notamment ces dernières années, à une progression des contingents plus rapide
que celle des dépenses départementales.
La seconde règle, c'est que la répartition de la charge entre les communes
d'un département combine un élément fixe, à savoir la contribution de chaque
commune en 1984, et un élément variable calculé en fonction des critères de la
richesse fiscale, du nombre de bénéficiaires de l'aide sociale et de la
structure démographique.
La moitié des départements ont utilisé cet élément variable au maximum, les
autres corrigeant assez peu les barèmes constatés en 1984, dont l'origine
remonte d'ailleurs à un décret de 1955.
Il en est résulté une double disparité : d'une part, les taux départementaux
de participation varient de 5 % en Guyane à 30 % dans les Bouches-du-Rhône pour
une moyenne nationale de 16 % et, d'autre part, la charge varie d'une commune à
l'autre - on a parlé de Marseille tout à l'heure - de 150 francs par habitant
en moyenne dans les petites communes à 360 francs par habitant dans les grandes
villes. En outre, dans chaque département, la dispersion peut être beaucoup
plus forte encore.
Aussi le Gouvernement s'est-il engagé à préparer une réforme. Le ministre de
l'intérieur a réuni les principales associations d'élus - je vous en avais
parlé - pour leur soumettre diverses solutions.
L'une consiste à opérer simultanément sur les dotations de l'Etat aux communes
et aux départements un prélèvement correspondant à leurs parts respectives dans
le financement de la compétence d'aide médicalisée, recentralisée dans le
projet de CMU.
Cette solution aurait pour effet de diminuer les contingents sans les faire
disparaître et de maintenir les inégalités actuelles. Cela signifie tout
simplement que nous ferions perdurer la situation que nous connaissons en
imputant le financement de la réforme, à part proportionnelle, aux communes et
aux départements.
L'autre solution consiste à supprimer les contributions des communes en
diminuant leur DGF et en abondant à due concurrence celle des départements.
C'est la solution qui a été privilégiée par les représentants des communes
comme des départements, et le Gouvernement y est également favorable.
Il serait ainsi mis fin à un financement croisé, peu lisible et source
d'inégalités croissantes entre les communes. Ces dernières y gagneraient en ne
supportant plus à l'avenir le poids des contingents dont la croissance est
supérieure à celle de leurs principales dotations. Les départements y
trouveraient avantage en n'ayant plus à imposer aux communes la répartition de
l'effort.
Il reste maintenant à déterminer si cette suppression, qui aboutit à
transférer 11,9 milliards de francs des communes vers les départements, doit se
faire au franc le franc ou s'il faut procéder à une correction.
J'ai bien noté que ceux d'entre vous qui ont abordé la question - je pense
notamment à MM. Cazeau et Mercier - seraient favorables à une réforme qui allie
à la fois simplicité, neutralité financière pour les communes et les
départements, mais aussi correction des inégalités les plus flagrantes. M.
Delevoye vient de me faire parvenir une lettre dans laquelle il m'adresse
quelques remarques, tout en gardant le principe général de cette seconde
solution.
Je crois donc qu'il est possible de dégager une solution définitive dans le
cadre d'une réforme au franc, le franc, tout en tenant compte de la situation
des communes qui sont trop pénalisées actuellement. C'est la piste privilégiée
par le Gouvernement et par le ministère de l'intérieur. Nous espérons aboutir à
un consensus d'ici à la nouvelle lecture, ce qui permettrait d'éclairer tout le
monde et de rassurer aussi chacun - je comprends les inquiétudes - avant le
vote définitif de cette couverture maladie universelle.
J'en arrive à un point particulier évoqué par MM. Durand-Chastel et Lorrain
sur les Français de l'étranger.
Ces derniers bénéficient, je le rappelle, d'un régime volontaire et non
obligatoire, qui est d'ailleurs relativement favorable à ceux qui y ont accès.
La CMU étant conçue sur un critère de résidence et non de nationalité, il
serait, par conséquent, paradoxal de proposer aux Français de l'étranger cette
CMU, alors qu'ils ne payent pas l'impôt que payent l'ensemble des résidents
français comme étrangers. Nous devons donc en rester à la situation
actuelle.
Le dernier point, qui est essentiel, concerne les propositions qui sont les
vôtres, et principalement celles de M. le rapporteur.
Je peux comprendre, je l'ai déjà dit, monsieur le rapporteur, certaines des
motivations qui vous ont conduit à proposer un projet tel que l'aide
personnalisée à la santé et qui visait à lisser l'effet de seuil.
M. Charles Descours,
rapporteur.
M. Boulard !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Boulard l'a abandonné dans
son deuxième rapport !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Sous la pression du Gouvernement !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Arrêtons de nous opposer,
d'autant que je viens de dire que je peux comprendre certaines de vos
motivations ! Maintenant vous préférez peut-être que je dise que je ne les
comprends pas ? Je prononce une phrase aimable et vous m'attaquez !
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Mais non !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Décidément, on est mal
récompensé de sa gentillesse légendaire !
(Exclamations sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
Je comprends, disais-je, certaines de vos motivations visant à lisser l'effet
de seuil et à privilégier les solutions de droit commun. Pour autant, comme
vous le savez, vous ne m'avez pas convaincue d'adhérer à votre projet.
M. Philippe Nogrix.
C'est dommage !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Peut-être aurions-nous pu y
travailler autrement et parvenir à nous mettre d'accord, mais j'énonce
aujourd'hui les points qui me conduisent véritablement à ne pas pouvoir y
adhérer.
Vous revenez sur la liberté de choix que nous avons ouverte aux bénéficiaires
de la CMU. J'ai indiqué tout à l'heure les raisons pour lesquelles ce point
nous paraissait important. Cela introduit un obstacle à l'accès aux soins pour
tous ceux qui ne peuvent pas entreprendre la démarche auprès d'un organisme
complémentaire. Encore une fois, les associations qui travaillent auprès des
plus démunis y sont très attentives.
Par ailleurs, dans le cadre de la cohérence des critiques portées à notre
projet de loi - et là, je ne vous comprends pas - vous prévoyez la prise en
charge systématique des titulaires du RMI par les caisses primaires d'assurance
maladie. Ainsi, le système est cassé en deux et la critique que vous nous
adressiez tout à l'heure en prétendant que l'on « ghettoïsait » une partie des
bénéficiaires se retourne contre vous...
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est le système actuel !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Pas du tout ! C'est uniquement
la liquidation qui a lieu par les caisses primaires essentiellement.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Aujourd'hui, il en est bien ainsi !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il s'agit uniquement de la
liquidation, le droit n'étant pas pris en compte par les RMIstes.
Or ces personnes doivent pouvoir, elles aussi, accéder à des solutions de
droit commun si elles le souhaitent. Je ne comprends pas pourquoi elles
n'auraient pas droit à une couverture complémentaire si elles décident de la
choisir.
M. Charles Descours,
rapporteur.
On peut alors accepter votre sous-amendement !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Par ailleurs, vous laissez une
contribution à la charge des bénéficiaires qui disposent de revenus supérieurs
au RMI. Vous amenez ainsi certains d'entre eux à renoncer à des droits que vous
serez obligés d'interrompre pour ceux qui ne paient pas cette contribution
après, d'ailleurs, des procédures qui risquent souvent d'être coûteuses, plus
coûteuses que les sommes qu'il s'agit de retirer.
J'ai moi-même longtemps réfléchi sur le principe de cette contribution. A la
lumière des travaux réalisés, notamment par le CREDES, en deçà du seuil de 3
500 francs, il est, je crois, extrêmement difficile de demander une
contribution en étant certain qu'elle n'incitera pas fortement les personnes
concernées à renoncer à se faire soigner. Malgré votre souhait de réfléchir à
cette contribution, je pense en toute conscience que cela n'est pas possible,
sauf à accepter - ce que je ne peux faire - que certains soient exclus des
soins.
De plus, ainsi que l'a souligné à juste titre Mme Dieulangard, votre
proposition induit une régression pour 1 million de personnes couvertes à 100
%, au-delà du RMI, par l'aide médicale du département. Les départements qui,
aujourd'hui, vont au-delà en attribuant, par exemple, une « carte santé », vont
devoir maintenant payer une contribution. Pourquoi, finalement, ce qui était
légitime de la part des départements, c'est-à-dire d'accorder une couverture
gratuite au-delà du RMI, deviendrait-il illégitime dès lors qu'il s'agit d'une
initiative de l'Etat ?
M. Philippe Nogrix.
On donne l'argent, mais sans accompagnement social.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Par ailleurs, vous bouleversez
les frontières entre la sécurité sociale et les organismes complémentaires en
confiant aux assureurs la responsabilité de définir le panier des soins alors
que nous pensons qu'il s'agit d'une prestation d'Etat.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Mais nous avons dit que c'était l'Etat qui devait le fixer
par arrêté !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je me permets enfin de vous
dire, monsieur le rapporteur, que je n'ai pas considéré le coût global. Je
n'invoquerai pas l'article 40,...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il y a beaucoup d'amendements auxquels vous pourrez l'opposer
!
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... mais j'aimerais que vous
m'éclairiez sur le coût de votre projet car, ou bien il ne coûte pas
grand-chose et vous videz votre APS de son sens, ou bien il a un coût et, dans
ce cas, dites-moi comment vous le financez. Or, après y avoir beaucoup
réfléchi, je pense qu'en matière de santé, on ne peut pas transiger : quand on
a la conviction profonde que, en deçà d'un certain seuil, les gens ne pourront
pas payer, il faut renoncer à leur contribution même si, sur le plan
intellectuel, on pourrait y adhérer.
Je crois réellement que cette réforme doit s'opérer tel que nous le proposons.
Nous aurions pu discuter du seuil : je ne dis pas que 3 500 francs est le seuil
parfait ; mais nul ne saurait le définir.
Je le répète : cette réforme est financée, et je vous dirai très amicalement,
monsieur le rapporteur, que je n'attends pas, selon les termes de votre
rapport, « une multiplication des pains » pour trouver les fonds. Je vous
signale au passage que ce miracle n'a pas eu lieu aux noces de Cana, comme vous
le dites.
M. Charles Descours,
rapporteur.
J'ai dit cela, moi, l'élève des jésuites, ce n'est pas
possible !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Eh oui ! Cela m'a beaucoup
étonnée. Il s'est produit sur les rives de la mer de Galilée ou du lac de
Tibériade.
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est sur les collines à côté !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce n'est pas très grave. En
tout cas, je n'attends pas non plus de miracle pour faire de la couverture
maladie universelle une réalité ; je mise plutôt sur une véritable volonté
politique, celle de rompre avec l'exclusion.
Les Français se sont déjà exprimés sur la CMU : 70 % d'entre eux y sont
favorables. M. Domeizel a eu raison de dire que l'universalité de la couverture
maladie était déjà présente dans l'esprit des pères de la sécurité sociale, et
permettez-moi en cet instant de rappeler les propos du président d'ADT-quart
monde : « Nous avons attendu un demi-siècle pour mettre fin à une résignation
qui était honteuse en cette fin du xxe siècle, celle de laisser un certain
nombre de nos concitoyens à l'écart du droit aux soins et, donc, du droit à la
santé ».
Je souhaite donc que nous parvenions ensemble à élaborer un texte qui marque
cette volonté politique d'avancer dans la lutte contre l'exclusion.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je me bornerai simplement à exprimer mon sentiment à propos de
quelques phrases prononcées par Mme la ministre.
Ce projet de loi n'est pas parfait. Nous aurions pu en effet faire appel à une
plus grande responsabilisation - c'est un mot que vous employez souvent,
mesdames, messieurs les sénateurs - retenir des seuils différents, prendre en
compte certaines de vos propositions à côté de celles de l'Assemblée nationale.
Mais, très sincèrement, ce texte, s'il est comme je l'espère, adopté, même en
des termes quelque peu différents, permettra à tous les citoyens français
d'avoir accès aux soins. Sans doute, je le répète, ce texte est-il imparfait ;
sans doute devrait-on susciter un peu plus de dynamisme. Mais vous avez des
recettes, n'hésitez pas à nous les soumettre !
M. Philippe Nogrix.
Nous l'avons fait !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Quoi qu'il en soit, nul autre pays n'aura un système
comparable. Je ne parle même pas du Canada, qui fut l'un de nos modèles et où
30 % des activités de soins ont été supprimées. Les médecins canadiens se
précipitent maintenant aux Etats-Unis pour y travailler. Tous les pays que vous
connaissez - je ne suis pas seul à en faire état - réduisent la couverture
sociale, alors que, dans notre pays, nous l'étendons. Je ne sais pas combien de
temps cela pourra durer, mais nous avons bien de la chance de pouvoir le
faire.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il est prudent !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Oui, mais - et j'en reviens aux dernières phrases de
Mme Aubry - le projet est financé. Peut-être l'apocalypse est-elle pour bientôt
mais, en attendant, il en est ainsi !
Je vais raconter une petite histoire à l'intention de M. Huriet.
Dans les années quatre-vingts, un certain nombre de ces médecins curieux
dénommés « sans frontières » et « du monde », que j'avais eu l'honneur de
porter sur les fonts baptismaux et qui l'ont bien oublié depuis - ils sont
devenus un groupe de pression extraordinaire et, à propos de la couverture
maladie universelle, ils ont écrit des pages entières dans
Le Monde
pour
me donner conseil, ce qui m'a fait vieillir un peu, mais après tout !... -, ces
médecins, disais-je, au sortir de nos expériences exotiques, après être allés
porter assistance ailleurs, ont constaté, au retour dans notre pays, que la
misère s'étendait et que la prise en charge de certains soins n'était pas
assurée. Ils ont alors estimé qu'il n'était plus possible de ne travailler que
là-bas et qu'ils devaient également le faire chez nous.
Nous avons ouvert la première consultation gratuite, rue du Jura à Paris ;
c'était sous M. Séguin.
Certains théoriciens soutenaient bien que c'était insuffisant, mais nous
étions les seuls à le faire ; la carte Paris-Santé n'existait pas encore.
A cette époque, nous avions fait deux constatations.
D'une part, nous avions constaté que des tuberculoses se développaient en
plein Paris, de même que des dermatoses, que des femmes enceintes n'avaient pas
encore été examinées au septième mois de grossesse, etc.
D'autre part, dans cette rue du Jura, qui a fermé ses portes il n'y a pas si
longtemps - depuis, à travers le pays, des dizaines de consultations menées par
les mêmes associations et par d'autres ont été organisées - nous avons constaté
que certains malades qui bénéficiaient d'une couverture de base venaient
consulter dans cet établissement gratuit parce qu'on leur fournissait en même
temps des médicaments. Nous avons découvert alors que la couverture
complémentaire était essentielle : lorsqu'un enfant passait dix ou vingt jours
à l'hôpital, le forfait hospitalier ne pouvait être pris en charge par les
familles les plus démunies ; lorsqu'une femme allait en consultation
gynécologique chez un médecin généraliste ou un médecin gynécologue, la
première consultation entraînait des frais qu'elle ne pouvait assumer.
Nous n'avions pas rêvé alors, même dans nos rêves les plus fous, qu'un tel
dispositif, celui de la couverture maladie universelle qui vous est proposé,
mesdames, messieurs les sénateurs, même s'il est imparfait à vos yeux, puisse
naître ; nous n'avions pas pensé une seconde que, dans notre pays, après des
années et des années de demandes, un tel texte verrait enfin le jour.
Il y eut certes des prémices sous le gouvernement de M. Alain Juppé, mais ce
n'est pas ma faute si M. le président de la République, dans sa grande hâte, a
décidé, vous savez à quel moment, la dissolution de l'Assemblée nationale !
Au demeurant, si vous comparez le texte qui avait été proposé et celui que
nous vous soumettons maintenant, en toute objectivité, vous êtes bien obligé de
constater que ce n'est pas la même chose, parce que la couverture
complémentaire n'était pas envisagée alors. Je voulais faire ce rappel parce
qu'on ne se souvient pas de la manière dont nous avons précipité les choses.
Monsieur Descours, monsieur Huriet, madame Borvo, comme bien d'autres, vous
regrettez les dispositions figurant au titre IV.
Nous regrettons, tout comme vous, qu'il n'y ait pas eu de projet de loi
portant DMOS. Nous l'appelions de nos voeux ; c'est encore le cas, d'ailleurs.
Nous n'avions nullement l'intention de comprimer un litre et demi en un litre.
Mais un certain nombre de mesures étaient à prendre d'urgence.
Par exemple, mesdames, messieurs les sénateurs, les infirmiers psychiatriques
avaient assez attendu ; les manifestations qui se sont déroulées pendant des
années en France, sous le précédent gouvernement - c'est un legs, cela aussi -
avaient peut-être trop duré. Non seulement nous voulions un DMOS maintenant,
mais nous en voulons un en septembre ou en octobre, car nous ne sommes pas sûrs
de pouvoir faire prendre toutes les mesures nécessaires compte tenu du
calendrier parlementaire excessivement chargé, comme vous le savez.
Comme vous, nous regrettons qu'il n'y ait pas eu d'autres créneaux
législatifs, mais devions-nous faire attendre les infirmiers psychiatriques, ou
les médecins à diplômes étrangers, ou les pharmaciens ? Ce n'était pas
possible.
Mme Borvo a indiqué que les réseaux de soins constituent une pièce maîtresse
de compression des dépenses de la sécurité sociale. Bien sûr, mais les réseaux
de soins que nous préconisons obéissent à des logiques assez différentes. Les
réseaux que nous appelons de nos voeux doivent s'intégrer dans le champ de la
réforme de l'offre de soins en ce qu'ils associent les activités ambulatoires
et les activités hospitalières. La raison d'être du réseau est de créer un lien
entre ces deux activités.
Les SROSS de deuxième génération, qui sont en voie d'achèvement, insisteront
sur ce développement. Vous verrez que les réseaux seront plus faciles à mettre
en oeuvre dans la mesure où, dans la loi de financement de la sécurité sociale,
sont financés des gestes non prescriptifs.
Nous sommes évidemment d'accord avec vous, madame Borvo, pour améliorer
l'offre de proximité par rapport aux besoins de la population. Cette proximité
doit aller de pair avec la qualité, laquelle sera vérifiée, en particulier, à
partir des recommandations de l'ANAES.
Mme Dieulangard regrette que les personnes les plus démunies ne trouvent que
les urgences hospitalières pour répondre à leurs besoins. Je lui dirai que la
loi de lutte contre les exclusions a institué le dispositif des centres PRAPS.
Par ailleurs, les conditions d'accueil des hôpitaux sont susceptibles d'être
améliorées.
Je n'ignore pas que le nombre des personnes qui se présentent aux urgences
augmente de 4 % par an. Mais c'est aussi parce que les médecins libéraux ne
prennent plus en charge les urgences qu'on se dirige maintenant plus souvent
vers le réseau hospitalier.
M. Plasait a évoqué le rythme de conversion de l'offre excédentaire dans le
secteur hospitalier. D'exceptionnels efforts sont accomplis à cet égard. Sur
330 opérations de rapprochement, 109 sont aujourd'hui terminées.
A en croire M. Plasait, le recours aux praticiens adjoints contractuels
traduirait une absence de gestion prévisionnelle des médecins. Non ! Il traduit
une absence de régulation du flot des médecins étrangers qui sont venus dans
notre pays. Malgré les efforts de Mme Simone Veil, ce flot a continué de
manifester à la fois ses avantages... et ses ravages. Je vous rappelle que
notre dispositif va permettre de le tarir.
Plus aucun médecin étranger ne pourra se retrouver en position de nous rendre
service en exerçant dans notre pays tout en étant contraint de nous demander de
régulariser sa situation. Je rappelle qu'il y a en France quelque 6 500
médecins à diplôme étranger et que tous exercent actuellement dans nos hôpitaux
: c'est bien là la preuve que nous avons besoin d'eux ! D'ailleurs, il suffit
de se rendre à l'hôpital, en particulier aux urgences, en particulier la nuit,
pour constater qu'un nombre important de ces médecins nous rendent de très
grands services.
Monsieur Autain, vous défendez le titre IV. Je suis heureux que vous l'ayez
dit, et je me félicite que ce titre IV donne matière à débat.
M. Charles Descours,
rapporteur.
M. Autain propose de le compléter !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Certaines mesures de ce titre IV vous paraissaient
moins importantes que d'autres, mais il en est beaucoup que nous n'avons pas pu
placer et qui attendent, en quelque sorte, à la porte d'un prochain texte. Nous
avons en fait dû refuser un certain nombre de propositions.
Monsieur Franchis, vous avez évoqué les aides opératoires, problème sur lequel
nous reviendrons lors de la discussion des articles.
Ce sujet a fait l'objet d'un vrai débat à l'Assemblée nationale. Je n'ignore
pas le problème social des 4 000 aides opératoires qui travaillent dans les
cliniques ; je sais aussi que la formation n'a pas été assurée et que les
émoluments ne sont pas à la hauteur des prestations.
Bien sûr, il faut veiller à ce que ces 4 000 personnes ne se retrouvent pas à
la rue. Cela étant, il faut aussi améliorer la qualité des soins, ainsi que la
sécurité dans les blocs opératoires, et garantir le respect des diplômes, sur
lesquels se fonde une certaine hiérarchie, établie par notre université et, en
tout cas, par notre faculté de médecine. Il y a des infirmiers et infirmières,
des aides soignantes qui ne comprendraient pas qu'on ne tienne pas compte de
leur diplôme et de l'objectif d'amélioration de la qualité.
Nous devons trouver une solution pour ces 4 000 personnes, mais le
Gouvernement ne peut pas ignorer l'existence de personnels qualifiés
susceptibles de renforcer la qualité des gestes accomplis dans les blocs
opératoires.
Sur la santé publique et la prévention, M. Franchis à dit d'excellentes
choses. Nous y reviendrons dans la suite du débat.
Je pense que vous êtes tous convaincus de l'utilité du titre IV, mesdames,
messieurs les sénateurs.
(Sourires.)
Si l'un d'entre vous ose lever le
doigt pour dire qu'il ne l'est pas, il ne pourra le faire que demain matin !
(Nouveaux sourires.)
Vous le voyez, monsieur le président, je veille à
ce que vous puissiez lever cette séance dans les délais impartis !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.
16
DÉPÔT D'UNE QUESTION ORALE
AVEC DÉBAT
M. le président.
J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante
:
M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de Mme le ministre délégué chargé de
l'enseignement scolaire sur le rapport Dubet sur le « collège de l'an 2000 »,
qui vient de dresser un bilan sans complaisance du collège sans filières.
Confirmant les résultats d'autres enquêtes, ce rapport établit que, loin
d'assurer l'égalité entre élèves, le collège unique a conduit à accroître les
disparités. Qu'il s'agisse du nombre d'élèves en difficulté, de jeunes issus de
milieux défavorisés, de l'immigration ou des résultats scolaires, les écarts
n'ont cessé de se creuser.
Créée pour éviter la concurrence entre les collèges et le regroupement des
élèves favorisés dans les établissements réputés les meilleurs, la carte
scolaire est allègrement contournée. Plus préoccupant, il ressort du rapport
Dubet que, selon les enseignants, un quart des élèves ne maîtrise pas les
connaissances de base.
Alors que le collège unique est depuis longtemps battu en brèche, notamment
dans le cadre des zones d'éducation prioritaire, le Gouvernement vient pourtant
d'en réaffirmer le principe pour justifier son programme de rénovation des
collèges. Prendre en compte la diversité des élèves est d'une évidente
nécessité. Mais il est à craindre que la méthode et les moyens annoncés par Mme
le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire ne répondent pas à
l'enjeu ni à l'urgence.
Il y a la vision égalitariste du Gouvernement et il y a la réalité. A feindre
de croire que tous les enfants sont à l'identique, l'hétérogénéité des classes
pénalise autant les élèves les plus forts que les plus faibles.
A raisonner essentiellement dans l'optique de l'enseignement général, au
détriment de l'enseignement technique et professionnel, l'éducation nationale
ne donne pas aux élèves et à leur famille la possibilité de choisir. A toujours
réfléchir en termes quantitatifs et non qualitatifs, et à réinventer sans cesse
les mêmes recettes, on oublie que la réforme est d'abord un problème de
mobilisation et de coordination des personnes plutôt que celui d'une
insuffisance de moyens. A découper le sytème éducatif en tranches et à
enchaîner les réformes sans les évaluer, ni même leur laisser le temps de
s'appliquer, l'Etat ne sait dire où va l'enseignement dans son ensemble ni à
quoi il sert. Enfin, à multiplier les consultations sans jamais poser les
vraies questions ni tirer profit des réponses pour changer les choses, on ne
gagne qu'à décourager les personnels, les parents et les jeunes.
Après avoir affirmé sa volonté de réussir la mutation du collège des années
2000 grâce à un collège pour tous et pour chacun, que compte proposer le
Gouvernement pour favoriser l'égalité des chances ? Considère-t-il que la
mission de notre système éducatif est de permettre à chaque élève de s'épanouir
en fonction de sa personnalité et de ses propres capacités, et admet-il que le
collège peut être aussi un lieu d'excellence ? Est-il prêt à reconnaître qu'un
élève qui ne sait ni lire, ni écrire, ni compter, ne peut entrer en 6e, et à
engager au plus tôt l'évaluation pour prévenir l'échec scolaire ? Comment
entend-il agir pour renforcer l'orientation et faire de l'enseignement
technique et professionnel autre chose qu'un pis aller pour les élèves en
situation d'échec ? Est-il disposé à tirer parti des conséquences positives de
la décentralisation pour permettre à chaque établissement de développer son
projet pédagogique en partenariat avec la communauté éducative et les acteurs
économiques ? Est-il d'accord pour revoir en conséquence la gestion de la carte
scolaire qui cesse de nier la réalité de la sélection ? Enfin, répondant aux
conclusions de la commission d'enquête du Sénat, quelles mesures le
Gouvernement envisage-t-il de prendre pour optimiser la gestion des personnels
de l'éducation nationale et redéployer les moyens humains là où les besoins
sont les plus importants ? (N° 16.)
Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec
débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la
discussion aura lieu ultérieurement.
17
TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par
l'Assemblée nationale, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations
avec les administrations.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 391, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986
relative à la liberté de communication.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 392, distribué et renvoyé à la
commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle
d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
18
dépôt de propositions de loi
M. le président.
J'ai reçu de M. Ladislas Poniatowski une proposition de loi relative aux
prestataires techniques de l'Internet.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 393, distribuée et renvoyée à
la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
J'ai reçu de MM. Roland du Luart et Gérard Larcher une proposition de loi
portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 394, distribuée et renvoyée à
la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
19
transmission d'une proposition de loi
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, tendant à limiter les
licenciements des salariés de plus de cinquante ans.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 390, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires sociales.
20
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, mercredi 2 juin 1999, à neuf heures quarante-cinq, à
quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 338, 1998-1999), adopté par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant création d'une
couverture maladie universelle.
Rapport (n° 376, 1998-1999) de MM. Charles Descours et Claude Huriet, fait au
nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 382, 1998-1999) de M. Jacques Oudin, fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives (n°
269, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 7 juin 1999, à dix-sept
heures.
Nouvelle lecture du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité
financière :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 8 juin 1999, à dix-sept
heures.
Projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques (n° 555, 1997-1998) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mercredi 9 juin 1999, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 8 juin 1999, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 2 juin 1999, à zéro heure trente.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 1er juin 1999
à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 2 juin 1999, à 9 h 30, à 15 heures et le soir :
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, portant création d'une couverture maladie universelle (n° 338,
1998-1999).
Jeudi 3 juin 1999 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi portant création d'une couverture maladie
universelle.
A
15 heures
et, éventuellement, le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 8 juin 1999 :
A 9 h 30 :
1° Dix-neuf questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions
sera fixé ultérieurement) :
- n° 469 de M. Paul Girod à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes
entreprises, au commerce et à l'artisanat (Fixation d'une date unique des
soldes sur l'ensemble de l'Hexagone) ;
- n° 494 de M. Yann Gaillard à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(Accueil des enfants handicapés en établissement d'enseignement spécialisé)
;
- n° 498 de M. Bernard Piras à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(Conditions d'attribution de certaines prestations sociales) ;
- n° 509 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Politique des transports en Val-d'Oise) ;
- n° 514 de M. André Vallet à M. le ministre de l'intérieur (Répartition des
compétences financières entre collectivités territoriales en matière
d'équipements sportifs) ;
- n° 516 de M. Jean Besson à M. le secrétaire d'Etat au budget (Baisse de la
TVA sur les activités de restauration et de tourisme) ;
- n° 521 de M. Georges Mouly à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(Niveau de ressources des personnes handicapées) ;
- n° 524 de M. Xavier Darcos à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (Demande d'une convocation d'états généraux pour régler en
urgence les difficultés du secteur français du cuir, de la chaussure et du
textile-habillement) ;
- n° 526 de M. Bernard Murat à Mme le ministre de la jeunesse et des sports
(Relations entre les clubs sportifs professionnels et les collectivités
locales) ;
- n° 529 de M. Paul Natali à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (Suppression du pool des risques aggravés en Corse) ;
- n° 532 de M. Daniel Hoeffel à M. le ministre de la défense (Institutions
françaises situées en Allemagne) ;
- n° 535 de M. Christian Bonnet à M. le ministre de l'intérieur (Chiffres
respectifs des préfets en poste territorial et des préfets chargés d'une
mission de service public relevant du Gouvernement) ;
- n° 536 de M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra à M. le ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (Dispositions
relatives à l'attribution de l'indemnité compensatrice de transports pour les
fonctionnaires de Corse) ;
- n° 537 de M. Philippe Marini à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (Lenteur du processus d'indemnisation des porteurs d'emprunts
russes) ;
- n° 538 de M. Christian Demuynck à Mme le garde des sceaux, ministre de la
justice (Carences du système judiciaire en matière d'atteintes aux
représentants de l'ordre public) ;
- n° 540 de M. Philippe Arnaud à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et
moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat (Aides aux commerçants en
zone rurale) ;
- n° 543 de M. Jean-Pierre Demerliat à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Aménagement de la RN 147 entre Poitiers et Limoges)
;
- n° 545 de M. Michel Esneu à Mme le ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement (Conditions d'application de la directive Seveso) ;
- n° 547 de M. Marcel Bony à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action
sociale (Situation du thermalisme).
A
16 heures
et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives (n°
269, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 7 juin 1999, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
Mercredi 9 juin 1999,
à
15 heures
et, éventuellement, le
soir :
Ordre du jour prioritaire
Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif à
l'épargne et à la sécurité financière (AN, n° 1600).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 8 juin 1999, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
Jeudi 10 juin 1999,
à
9 h 30
et à
15 heures :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi portant approbation d'un avenant à la concession concernant
la conception, le financement, la construction et l'exploitation d'une liaison
fixe à travers la Manche, signée le 14 mars 1986 (n° 326, 1998-1999).
2° Projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques (n° 555, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 8 juin 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion
générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 9 juin
1999.)
Mardi 15 juin 1999,
à
9 h 30 :
Ordre du jour établi en application de l'article 48,
dernier alinéa, de la Constitution
1° Eventuellement, conclusions de la commission des affaires économiques sur
:
- la proposition de loi de Mme Hélène Luc, MM. Ivan Renar, Jack Ralite, Mme
Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole
Borvo, MM. Jean Derian, Michel Duffour, Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul
Loridant, Louis Minetti, Robert Pagès et Mme Odette Terrade tendant à améliorer
la représentation parlementaire au sein de l'Office parlementaire d'évaluation
des choix scientifiques et technologiques (n° 436, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de MM. Henri Revol, Marcel Deneux, Charles Descours,
Pierre Laffitte et Franck Sérusclat tendant à modifier l'article 6
ter
de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 modifiée relative au
fonctionnement des assemblées parlementaires (n° 235, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 14 juin 1999, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ces conclusions.)
2° Question orale avec débat n° 13 de Mme Nicole Borvo à M. le secrétaire
d'Etat à la santé et à l'action sociale sur la disparition de la gynécologie
médicale.
(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du
règlement, la conférence des présidents a fixé à une heure trente minutes la
durée globale du temps dont disposeront, dans le débat sur cette question, les
orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant le 17
heures, le lundi 14 juin 1999.)
A 16 heures :
Ordre du jour prioritaire
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, renforçant la protection
de la présomption d'innocence et les droits des victimes (n° 291,
1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 14 juin 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 14 juin
1999.)
Mercredi 16 juin 1999,
à
10 h 30,
à
15 heures
et le
soir :
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, renforçant la
protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (n° 291,
1998-1999).
Jeudi 17 juin 1999,
à
9 h 30
et à
15 heures :
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, renforçant la
protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (n° 291,
1998-1999).
Mardi 22 juin 1999 :
A
10 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par l'Assemblée
nationale, portant création de l'autorité de contrôle des nuisances sonores
aéroportuaires (n° 358, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 21 juin 1999, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
2° Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de
loi tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans
(AN, n° 1588).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 21 juin 1999, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
3° Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi
modifiant l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des
chèques-vacances (AN, n° 1590).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 21 juin 1999, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
A
16 heures
et le soir :
4° Sous réserve de sa transmission, projet de loi de règlement du budget 1997
(AN, n° 1277) ;
5° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, d'orientation
budgétaire.
(La conférence des présidents a fixé :
- à soixante minutes le temps réservé au président et au rapporteur général de
la commission des finances ;
- à dix minutes le temps réservé à chacun des présidents des autres
commissions permanentes intéressées ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat,
les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 21 juin
1999.)
Mercredi 23 juin 1999,
à
15 heures
et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
1° Eventuellement, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet
de loi relatif au renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale.
2° Projet de loi relatif à l'élection des sénateurs (n° 260, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 22 juin 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 22 juin
1999.)
Jeudi 24 juin 1999 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs.
A
15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 29 juin 1999 :
A
9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera
fixé ultérieurement) :
- n° 461 de M. Jean-Marc Pastor à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et
moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat (Règles relatives à la
fermeture hebdomadaire des commerces et à la vente du pain) ;
- n° 495 de M. Franck Sérusclat à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Retrait du permis de conduire aux cyclistes ayant
commis des infractions au code de la route) ;
- n° 528 de M. Dominique Leclerc à M. le ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie (Réactualisation de la liste des produits inscrits au tarif
interministériel des prestations sociales) ;
- n° 544 de M. Michel Doublet à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (Fonctionnement de la régie des eaux de la Charente-Maritime) ;
- n° 546 de M. Robert Laufoaulu à M. le ministre de l'éducation nationale, de
la recherche et de la technologie (Conditions d'inscription des étudiants
originaires des DOM-TOM dans les universités ou établissements d'enseignement
supérieur de métropole) ;
- n° 548 de M. Jean-Pierre Fourcade à M. le secrétaire d'Etat au budget
(Application de l'article 47 de la loi de finances rectificatives pour 1998)
;
- n° 549 de M. Jean Bizet à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et
de l'environnement (Fiscalité de l'énergie) ;
- n° 550 de M. Jean-Patrick Courtois à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Aménagement de la route Centre-Europe-Atlantique)
;
- n° 551 de M. Nicolas About à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des
anciens combattants (Projet de fermeture de la maison de retraite de
Ville-Lebrun) ;
- n° 552 de M. Marcel-Pierre Cléach à Mme le garde des sceaux, ministre de la
justice (Construction de la maison d'arrêt du Mans) ;
- n° 553 de Mme Dinah Derycke à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (Formation pratique au secourisme et permis de conduire) ;
- n° 554 de M. Thierry Foucaud à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à
l'action sociale (Traitement des patients dialysés en Haute-Normandie) ;
- n° 555 de M. Alain Vasselle à Mme le ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement (Gestion des déchets) ;
- n° 556 de M. Gérard César à Mme le ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement (Epandage des boues) ;
- n° 557 de M. Ivan Renar à Mme le ministre de la culture et de la
communication (Situation des personnels du ministère de la culture) ;
- n° 558 de M. Michel Souplet à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(Parution des décrets d'application de la loi sur l'air et biocarburants) ;
- n° 559 de M. Léon Fatous à M. le secrétaire d'Etat au logement (Lutte contre
l'insalubrité des logements) ;
- n° 560 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Création d'une voie de contournement par l'ouest de
l'agglomération bordelaise).
A
16 h 15
et, éventuellement, le soir :
2° Discours de fin de session du président du Sénat.
Ordre du jour prioritaire
3° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet
de loi portant création d'une couverture maladie universelle.
Mercredi 30 juin 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A
9 h 30,
à
15 heures
et, éventuellement, le soir :
1° Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi
relative au pacte civil de solidarité (AN, n° 1587).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 29 juin 1999, à 11 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)
2° Deuxième lecture du projet de loi organique, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la limitation du cumul des
mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice (n° 255,
1998-1999).
3° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la limitation du cumul des
mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice (n° 256,
1998-1999).
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune ;
La conférence des présidents a, par ailleurs, fixé au mardi 29 juin 1999, à 11
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux projets de
loi.)
A N N E X E
Questions orales sans débat inscrites à l'ordre du jour
de la séance du mardi 8 juin 1999
N° 469. - M. Paul Girod attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux
petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat sur la nécessité
de fixer une date unique des soldes sur l'ensemble de l'Hexagone comme le
réclament depuis plusieurs années les professionnels du commerce, de
l'industrie et des services. En effet, la complexité et l'opacité des règles
actuelles qui fixent les dates de démarrage des soldes dans chaque département
entraînent, pour le commerce, des incidences économiques majeures d'un
département par rapport à un autre, voire d'une région par rapport à une autre.
Il lui rappelle une récente déclaration par laquelle elle semblait vouloir
s'engager à déposer une proposition de loi d'ici à la fin de ce premier
semestre 1999. Il lui demande si elle envisage de stipuler dans ce futur texte
: la fixation d'une date unique de démarrage pour les soldes d'hiver et ceux
d'été (après le 10 janvier pour l'hiver et le 10 juillet pour l'été) ; un
accord de dérogation pour les départements tributaires d'une économie
saisonnière (stations de sports d'hiver et balnéaires).
N° 494. - M. Yann Gaillard attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi
et de la solidarité sur le nombre croissant d'enfants handicapés en attente
d'accueil dans un établissement d'enseignement spécialisé. Ainsi, dans le seul
département de l'Aube, soixante-quinze enfants et adolescents étaient en
attente d'une place en institut médico-éducatif (IME) en septembre dernier. Les
insuffisances quantitatives du dispositif destiné aux jeunes enfants relevant
de l'éducation spéciale sont bien connues. Pourtant, les différentes démarches
menées par la préfecture auprès du ministère de l'emploi et de la solidarité,
et notamment les demandes de moyens supplémentaires, n'ont pas, à ce jour,
abouti. Que dire encore de ces parents qui souhaiteraient, pour le bien-être de
leur enfant, le faire changer d'orientation et donc d'établissement pour le
diriger vers une branche plus apte à favoriser son épanouissement et qui, faute
de places, ne peuvent pas leur donner cette chance ? Il est en effet très
difficile d'envisager un changement d'établissement sachant qu'aucune place
n'est disponible et qu'il existe même des listes d'attente de jeunes qui n'ont
pu malheureusement trouver une solution. Il lui demande donc ce qu'elle compte
faire pour, dans un premier temps, permettre l'accès de tous ces enfants à
l'enseignement et, dans un second temps, leur garantir un véritable choix
d'orientation. Cela ayant pour finalité, faut-il le rappeler, d'offrir à tous
ces jeunes un moyen d'épanouissement et une chance d'orientation dans la vie
professionnelle et sociale.
N° 498. - M. Bernard Piras attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi
et de la solidarité sur les conséquences du décret n° 97-83 du 30 janvier 1997
relatif aux ressources prises en considération pour l'attribution de certaines
prestations familiales et de l'allocation de logement social. En effet,
l'octroi de ces prestations est soumis à des conditions de ressources. A ce
sujet, ce décret prévoit notamment que lorsque les ressources de l'année civile
précédant celle de l'ouverture du droit sont inférieures à 812 fois le SMIC, il
doit être procédé, sauf pour les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, à
une évaluation forfaitaire des ressources du demandeur et de son conjoint
équivalentes à 2 028 fois le SMIC horaire pour les personnes exerçant une
activité non salariée. L'application de ce décret conduit à des situations peu
compréhensibles dans la mesure où l'évaluation forfaitaire, souvent très
éloignée des ressources réelles d'un ménage, peut ainsi les priver du bénéfice
d'une prestation familiale. La logique de ce dispositif n'apparaît pas très
clairement et, plus encore, ses effets sont parfois éloignés d'une
redistribution sociale équitable. Il lui demande quelles sont les mesures
qu'elle envisage de prendre pour remédier à cette situation somme toute
inéquitable.
N° 509. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur certaines retombées promises
pour la région Est du Val-d'Oise, suite à la construction de deux nouvelles
pistes à l'aéroport Charles-de-Gaulle à Roissy-en-France. Elle attire
particulièrement son attention sur les besoins en matière de transports ferrés
et routiers. Toute la région située entre l'aéroport et Paris se trouve
actuellement saturée. Quant aux liaisons transversales, de banlieue à banlieue,
elles sont archaïques, inadaptées, voire inexistantes. Elle lui demande de lui
préciser si la nature des projets actuels conduira rapidement à mettre en place
une liaison nouvelle Paris-Roissy, complémentaire de la A 1 saturée en
permanence, ainsi que la liaison A 1-Vallée de Montmorency-Argenteuil par la
réalisation de nouvelles tranches du BIP (boulevard interurbain du Parisis).
Elle lui demande de lui exposer les raisons surprenantes ayant fait abandonner,
provisoirement, le projet de liaison ferrée Ermont-Stains-Le
Bourget-Gonesse-Villepinte-Roissy, ainsi que la bretelle ferroviaire issue de
la ligne Paris-Creil née d'un décrochement entre les gares de Gonesse et
Goussainville, assurant une liaison directe pour les villes de Saint-Denis,
Sarcelles, Stains, Pierrefitte, Gonesse, Goussainville, Fosses... avec
Roissy-Gare, sans avoir à emprunter la gare du Nord.
N° 514. - M. André Vallet attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur
sur les dysfonctionnements dans le partage des compétences, notamment
financières, entre les différentes collectivités territoriales en matière de
gestion et d'utilisation des équipements sportifs appartenant aux communes. Il
lui rappelle qu'en application de la loi, l'éducation physique et sportive est
une discipline d'enseignement à part entière et que, quand cet enseignement est
dispensé dans les lycées ou les collèges - relevant donc respectivement des
départements et des régions -, l'investissement, le coût de l'entretien, des
réparations, des aménagements sont supportés par les communes qui accueillent
ces établissements, alors que leur utilisation est partagée. Il lui indique
enfin que, en dépit des textes existants et des décisions de justice, la
participation financière des départements et des régions reste problématique.
Dès lors, en la matière, il lui demande dans quelle mesure le Gouvernement
entend préciser la répartition financière entre les différentes collectivités
territoriales telle qu'elle est induite par les lois de décentralisation.
N° 516. - M. Jean Besson sollicite l'attention toute particulière de Mme le
secrétaire d'Etat au tourisme sur le projet de directive adoptée par la
Commission européenne le 17 février 1999 autorisant les Etats membres de
l'Union européenne à appliquer le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée
(TVA) aux services à forte intensité de main-d'oeuvre. Les organisations
professionnelles ont d'ores et déjà pris des engagements fermes en matière de
création d'emplois ainsi qu'en termes de prix au public, dont il s'agirait
d'évaluer dans un délai de trois ans les résultats au regard des objectifs
convenus. Concernant le coût budgétaire, la mise en place d'un taux réduit,
pour la restauration, n'engendrerait pas de pertes significatives pour l'Etat,
dès lors que tous les types de restauration, y compris collective et rapide,
seraient concernés. Conscient de l'impact de ce secteur qu'il faut soutenir, du
vecteur patrimonial que représente la valorisation des produits régionaux, du
rôle d'aménagement du territoire que joue le développement touristique, il lui
demande donc de veiller à ce que le tourisme, et notamment la restauration,
soit intégré dans la liste des services concernés que la France doit déposer
avant le 1er septembre 1999. Cette disposition permettrait également de
résoudre la distorsion actuelle entre la vente à emporter dont le taux de TVA
est réduit à 5,5 % et la prestation de services fournis sur place au taux de
20,6 %.
(Question transmise à M. le secrétaire d'Etat au budget.)
N° 521. - M. Georges Mouly appelle l'attention de Mme le ministre de
l'emploi et de la solidarité sur le niveau de ressources des personnes
handicapées, particulièrement touchées par les dernières mesures de la loi de
finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998), et plus spécialement sur
la situation des adultes handicapés exerçant une activité en centre d'aide par
le travail (CAT) et des majeurs faisant l'objet d'une mesure de protection.
N° 524. - M. Xavier Darcos attire l'attention de M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie sur la situation très critique du secteur
français du cuir, de la chaussure et du textile-habillement. Alors qu'un plan
d'abaissement spécifique des charges sociales avait été prévu pour ce secteur
par le précédent gouvernement - il s'agit du plan Borotra -, la Commission
européenne a décrété, en 1996, que ce plan était illégal en raison de son
caractère sectoriel. Afin de limiter les conséquences économiques très lourdes
de cette décision, plusieurs sénateurs déposèrent une proposition de loi
prévoyant un allégement des charges sociales généralisées en trois ans en
fonction de la proportion des bas salaires et des travailleurs manuels. Cette
proposition de loi, n° 372 rectifiée, a été annexée au procès-verbal de la
séance du Sénat du 7 avril 1998. Elle résultait d'un large consensus pour
admettre que le niveau actuel des charges sociales constituait un obstacle à
l'emploi pour l'industrie de main-d'oeuvre. Alors que, malgré les mises en
garde réitérées de la majorité sénatoriale, la situation de l'emploi dans le
secteur du textile, du cuir et de la chaussure continue à se détériorer en
Dordogne mais aussi dans la plupart des départements qui vivent de ces
industries ; alors que les instances européennes sont totalement indifférentes
et inertes devant l'ampleur d'une crise durable ; alors que le dispositif
retenu dans le plan Aubry sur la réduction du temps de travail s'avère être
tout à fait insuffisant, il lui demande, d'une part, de bien vouloir
reconsidérer la politique économique et sociale du Gouvernement à l'égard d'un
secteur qui, à court terme, risque de disparaître et, d'autre part, de
convoquer, en urgence, des états généraux des professions concernées par
l'industrie du textile et du cuir afin de rechercher les meilleures solutions
possibles pour freiner une grave hémorragie de pertes d'emplois qui présente un
caractère déstabilisateur pour l'économie régionale et locale.
N° 526. - M. Bernard Murat attire l'attention de Mme le ministre de la
jeunesse et des sports sur les relations des clubs sportifs professionnels avec
les collectivités locales. Actuellement, les normes juridiques et financières
s'appliquant à ces clubs semblent être en inadéquation avec la nature
particulière de leurs activités. Deux exemples peuvent illustrer cette
question. Premièrement, en ce qui concerne leurs équipements sportifs, la
plupart d'entre eux appartenant aux communes, ils font partie du domaine public
communal. Dans ces conditions, deux hypothèses de mise à disposition sont
actuellement envisageables : d'une part, la délégation de service public, après
mise en concurrence, et, d'autre part, la convention d'occupation précaire et
révocable du domaine public. Toutefois, ces modalités ne paraissent pas
véritablement satisfaisantes. En effet, la première solution répond-elle à la
spécificité du lien unissant un club sportif à une commune ? De plus, si les
communes et les clubs optent pour la seconde hypothèse, n'y a-t-il pas un
risque de gestion de fait de fonds publics, par exemple, dans le cas de
perception des recettes provenant de l'exploitation des espaces publicitaires
et des loges d'un équipement sportif public ? Deuxièmement, en ce qui concerne
les relations financières des clubs sportifs avec les collectivités publiques,
le décret du 24 janvier 1996 encadre le pourcentage maximal de subventions des
collectivités locales dans l'ensemble des recettes d'un groupement sportif.
Pour la saison 1998-1999, le montant de ces aides ne peut dépasser 10 % des
recettes du club. Tout dépassement de ce taux de subventions publiques serait
considéré comme une aide économique illégale. Or, afin de permettre à ces clubs
de remplir leur mission de service public ou encore de défendre l'image de ces
collectivités, un tel seuil sera probablement dépassé assez sensiblement par
l'ensemble des clubs sportifs. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui
indiquer les propositions qu'elle entend formuler afin de permettre un
développement harmonieux de ces clubs qui jouent un rôle irremplaçable en
matière d'éducation, d'insertion sociale, de divertissement des jeunes au
niveau local et de promotion des collectivités locales au plan régional, voire
national ou international.
N° 529. - M. Paul Natali appelle l'attention de M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie sur les problèmes d'assurance en Corse. En 1988,
afin de maintenir une bonne couverture des risques face aux nombreux attentats
enregistrés en Corse, les compagnies d'assurance se sont regroupées sous forme
d'un « pool des risques aggravés ». Aujourd'hui, considérant le recul du nombre
d'attentats en Corse, l'assemblée plénière des sociétés d'assurance-dommages
vient de décider la suppression de ce groupement à compter du 1er juillet 2000.
Or il est évident que les risques sont encore avérés. C'est pourquoi il lui
demande quelles mesures pourraient être prises pour trouver une solution
satisfaisante et juste, tant pour les assurés que pour les compagnies
d'assurance.
N° 532. - M. Daniel Hoeffel attire l'attention de M. le ministre de la défense
sur la situation d'institutions françaises situées en Allemagne. Ces lieux
d'échanges et de culture franco-allemands sont menacés suite au retrait des
Forces françaises en Allemagne. Or leur maintien est un facteur important pour
les relations entre la France et l'Allemagne. Les garnisons françaises en
Bade-Würtemberg, Rhénanie-Palatinat et Sarre ont été le creuset de la
réconciliation, le centre d'échanges et de relations variées
germano-françaises. La ville de Baden-Baden, plus particulièrement, siège du
commandement des Forces françaises stationnées en Allemagne depuis
cinquante-quatre ans, était devenue progressivement le symbole d'un partenariat
militaire franco-allemand élargi aux domaines institutionnels et culturels. Le
cercle des officiers La Tour d'Auvergne, à Baden-Baden, était le centre de
rencontre de Français, d'Allemands et d'autres Alliés. Sa disparition aurait
des conséquences regrettables. Le cercle La Tour d'Auvergne pourrait être
transformé en Maison de l'amitié franco-allemande, qui permettrait à la fois le
maintien d'une présence souhaitée et la concrétisation d'un lieu de rencontre
pour les associations germano-françaises (de l'ordre de 200), les partenariats,
les jumelages et les séminaires franco-allemands. Il s'agirait d'établir un
statut juridique spécifique et de fixer des conditions d'utilisation
correspondant à l'objet du projet. Ce serait une nouvelle occasion permettant
de consolider l'amitié franco-allemande et de contribuer ainsi à son
renforcement.
N° 535. - M. Christian Bonnet prie M. le ministre de l'intérieur de vouloir
bien lui indiquer les chiffres respectifs des préfets en poste territorial et
des préfets chargés d'une mission de service public relevant du Gouvernement.
Il lui demande si la prolifération des nominations, par les gouvernements
successifs, de titulaires relevant de cette deuxième catégorie ne lui paraît
pas de nature à dévaloriser un corps, qui est et demeure la colonne vertébrale
de l'Etat.
N° 536. - Les décrets du 20 avril 1989 et du 3 août de la même année ont
institué une indemnité compensatrice pour frais de transport en faveur, d'une
part, des magistrats, des militaires, des fonctionnaires et agents de la
fonction publique de l'Etat et, d'autre part, en faveur des fonctionnaires et
agents de la fonction publique territoriale en service dans les deux
départements de Corse. Il est cependant à noter que les agents de la base
aérienne 126 de Solenzara, dont le statut de droit public a été pourtant
reconnu par le tribunal des conflits de Lyon dans sa décision du 25 mars 1996,
ne bénéficient pas de ces dispositions sans que les raisons de cette exclusion
n'aient été données. Quelques éclaircissements à ce sujet sont indispensables.
Par ailleurs, la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement
d'activités pour l'emploi des jeunes a prévu leur recrutement par contrats dont
la durée maximum est de cinq ans, par les collectivités territoriales
notamment. Or, depuis quelques mois, les personnes recrutées à ce titre dans
les deux départements de Corse revendiquent le bénéfice des dispositions
relatives à l'attribution de l'indemnité compensatrice de transports. En
conséquence, M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra demande à M. le ministre de la
fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation si ce
dispositif est applicable aux personnes recrutées au titre des emplois jeunes
et, le cas échéant, quelles en seront les conditions.
N° 537. - M. Philippe Marini appelle l'attention de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur l'attente et l'inquiétude des
porteurs d'emprunts russes suscitées par la lenteur du processus
d'indemnisation. Le règlement de la question de l'indemnisation des emprunts
russes a fait l'objet d'un accord entre la France et la Russie signé le 27 mai
1997, soit il y a plus de deux ans. A la suite de cet accord, le Gouvernement a
mis en oeuvre une opération de recensement des créances détenues par les
porteurs français, qui s'est terminée le 5 janvier de cette année. Or les
résultats définitifs de ce recensement ne sont toujours pas disponibles
plusieurs mois après la fin des opérations. Les porteurs d'emprunts russes
s'inquiètent légitimement des retards pris sur le calendrier annoncé par le
Gouvernement et l'attente d'une réparation souvent symbolique demande une mise
en oeuvre rapide des indemnisations. En effet, la longueur de la procédure
risque de porter atteinte à la crédibilité de la parole de l'Etat, qui a
toujours affirmé vouloir clore définitivement la question des emprunts russes.
Le Gouvernement ne semble pas manifester d'intentions précises quant à la
présentation d'un projet de loi d'indemnisation au Parlement dans les prochains
mois. Ces incertitudes sont difficilement acceptées par les centaines de
milliers de personnes concernées, dont certaines personnes âgées qui attendent
une réparation légitime pour leurs titres depuis plusieurs décennies. La loi
devra déterminer les modalités pratiques du versement des indemnisations ainsi
que la liste des titres recevables, ce qui conduira inévitablement à exclure
certains porteurs du bénéfice des indemnisations. L'étude de ce problème
particulièrement délicat exige que le Parlement puisse bénéficier d'une
information complète. La commission de suivi des accords franco-russes présidée
par le conseiller d'Etat Jean-Claude Paye a effectué de nombreuses auditions
afin de proposer des modalités d'indemnisation. Or le rapport rendu au Premier
ministre n'a pas été publié, privant la représentation nationale d'informations
essentielles pour une discussion approfondie et un débat démocratique
indispensable sur ce sujet. La diffusion des résultats du recensement et du
rapport de la commission de suivi des accords franco-russes constitue donc un
préalable indispensable à la discussion d'un texte. En conséquence, il lui
demande d'assurer les conditions d'un débat approfondi sur les problèmes liés à
l'indemnisation et souhaite un engagement ferme de la part du Gouvernement sur
la date de présentation d'un projet de loi au Parlement et sur le versement
effectif des indemnisations des porteurs d'emprunts russes.
N° 538. - M. Christian Demuynck attire l'attention de Mme le garde des sceaux,
ministre de la justice, sur les carences du système judiciaire en matière
d'atteintes aux représentants de l'ordre public. La généralisation de la
violence urbaine s'accompagne d'un rejet inquiétant de toute forme d'autorité.
Les forces de police sont, au premier chef, concernées. Elles subissent, chaque
jour, dans l'exercice de leur difficile mission, les manifestations les plus
outrageantes. Dernière en date : l'agression de quatre policiers plaignants par
les prévenus eux-mêmes lors de la comparution de ces derniers devant la 17e
chambre correctionnelle de Bobigny le 2 février dernier. Cet épisode navrant
doit faire réfléchir. Car si, face à cet outrage, l'inaction politique et
l'impunité prévalent, comment éviter alors la démoralisation des forces de
l'ordre ? Pourtant, notre code pénal n'offre-t-il pas aux juges les moyens
d'une sanction ? A terme, qui pourra parler d'égalité de tous les citoyens
devant la sécurité ? Il y a donc urgence ! Il lui demande quelles seront les
mesures prises par le ministère de la justice pour que l'outrage à un
représentant de l'Etat soit mieux sanctionné et les dispositions du code pénal
appliquées avec fermeté.
N° 540. - M. Philippe Arnaud souhaite attirer l'attention de Mme le secrétaire
d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat sur
les importantes difficultés que rencontrent les petits commerces de proximité
notamment en zone rurale, surtout lorsque ceux-ci ne bénéficient pas des
mesures accompagnant les multiples ruraux ou les points multiservices. Faible
chiffre d'affaires, peu ou pas de trésorerie, temps de travail élevé (plus de
quatre-vingts heures par semaine), revenu souvent inférieur au SMIC, ces
commerces sont condamnés alors qu'ils apportent un réel service aux populations
isolées et qu'ils offrent une activité à des personnes qui, sans cela,
relèveraient de la solidarité nationale. Aussi il lui demande si le
Gouvernement envisage de prendre des mesures pour pérenniser ces petits
commerces : éligibilité au fonds d'intervention pour la sauvegarde, la
transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales
(FISAC), détaxation des carburants, allégement des charges, etc.
N° 543. - M. Jean-Pierre Demerliat attire l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur le dossier de la mise en 2 × 2
voies de l'axe Nantes-Poitiers-Limoges, la RN 147. En effet, Limoges et
Poitiers, deux capitales régionales, quoique relativement proches, restent
encore mal reliées et cela malgré les efforts menés par ces deux villes pour
l'amélioration de cet axe routier. Pourtant, la densité du trafic et la
fréquence des accidents - dont plusieurs mortels - constatés sur cette route,
plus particulièrement sur la portion Limoges-Bellac en Haute-Vienne, montrent
bien la nécessité de l'aménager. Il lui demande donc où en est ce dossier et
dans quels délais on peut espérer une liaison 2 × 2 voies entre Poitiers et
Limoges.
N° 545. - M. Michel Esneu attire l'attention de Mme le ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les conditions
d'application de la directive Seveso. Il y a quelques années, les plans
d'occupation des sols (POS) des villes concernées ont dû traduire de nouvelles
contraintes au vu des études de dangers. Parallèlement, les plans particuliers
d'intervention (PPI) ont été mis en place. Il se trouve qu'en de très nombreux
endroits les conditions ont été modifiées favorablement. C'est ainsi qu'à
Dol-de-Bretagne, les stockages de gaz se sont trouvés considérablement
diminués. De 1 500 mètres cubes stockés sur le site, on parvint à 500 mètres
cubes et une usine d'embouteillage était supprimée. En plus, les installations
de sécurité sont devenues surdimensionnées. Dans ces conditions, les dangers ne
sont plus les mêmes ; or les prescriptions préfectorales restent inchangées,
puisque les premières études de dangers sont toujours l'unique référence. Les
fortes contraintes imposées ainsi aux collectivités paralysent leur
développement. D'une part, constatant que la directive Seveso est appliquée
différemment suivant les Etats dans l'Union européenne : certains imposent de
larges périmètres de protection, d'autres sont moins rigoureux et s'en tiennent
à l'application des normes de sécurité, il attend en la matière une
harmonisation européenne des pratiques et lui demande si les études engagées à
ce sujet sont suffisamment avancées pour espérer rapidement une harmonisation.
D'autre part, en l'état actuel de l'application des règles et dès lors que la
situation d'un site Seveso a été profondément modifiée dans un sens favorable,
il lui demande si elle ne pourrait inviter les préfets à réactualiser les
études de dangers afin de modifier les arrêtés préfectoraux et ainsi alléger
les contraintes imposées aux collectivités.
N° 547. - M. Marcel Bony attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la
santé et à l'action sociale sur la situation du thermalisme. Pris dans une
spirale descendante depuis 1992, il enregistre une perte de 13,7 % de
fréquentation en cinq ans. L'Auvergne ne permet pas de démentir ce constat. Les
dix stations répertoriées ont en effet enregistré une baisse du nombre de
curistes et cette chute générale n'est pas nouvelle. Le thermalisme doit
absolument retrouver une image valorisante. Or c'est le moment précis que
choisit la Caisse nationale d'assurance maladie pour annoncer que de nombreuses
indications thérapeutiques ne seront plus remboursées. En l'état, la nouvelle
est catastrophique, même si l'on a appris, depuis, que cette décision de la
CNAM ne saurait être d'application immédiate. Elle plongerait de très
nombreuses stations dans un marasme total (76 d'entre elles ne seraient plus
remboursées et 53 auraient une prise en charge seulement partielle). Les
curistes seront pénalisés dans leur majorité, car ils ne pourront assumer le
coût des cures. La CNAM semble encore s'interroger sur le service médical
rendu, point de vue que le secrétaire d'Etat admet comme prémices possibles de
la discussion. Or, la CNAM elle-même, dans son enquête de 1987, a été obligée
de constater l'efficacité médicale du thermalisme, reconnue par l'Organisation
mondiale de la santé. L'efficacité thérapeutique des cures est aujourd'hui
incontestable, alors que leur coût social reste très modeste. Chacun sait qu'il
est équivalent pour 21 jours à celui d'une seule journée d'hospitalisation,
sans compter les effets induits, comme la baisse de consommation de
médicaments. Le 14 mai dernier, au cours des Assises nationales du thermalisme
à Toulouse, le problème était au coeur des discussions. Notre collègue député,
président de la commission des finances à l'Assemblée nationale et maire
d'Ax-les-Thermes, a fait état des réponses données aux questions posées à
l'Assemblée nationale. Il semble qu'aucune décision ne sera prise tant que la
préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'an
2000 ne sera pas achevée. Il lui demande à quel moment il compte engager une
véritable concertation, alors que ce texte doit être adopté avant la fin de
l'année et comment une orientation comme celle de la CNAM peut être envisagée
alors que de profondes réformes, encouragées tant par l'Etat que par les
collectivités territoriales, ont été engagées au cours des dernières années.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Ratification par la France de la convention Unidroit
563. - 31 mai 1999. - M. Daniel Hoeffel attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur l'importance de la ratification de la convention Unidroit. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté à l'unanimité la recommandation 1372 demandant aux 40 Etats membres du Conseil de l'Europe de ratifier la convention Unidroit qui impose à l'acquéreur d'un objet d'art un minimum de diligence pour s'assurer de la régularité de son achat et bénéficier ainsi de la présomption de bonne foi. Notre pays ne serait-il pas dans son rôle en prenant l'initiative de la ratification de cette convention et en invitant nos partenaires de l'Union européenne ainsi que les candidats à l'adhésion à la ratifier également ? Nos concitoyens ne s'attacheront durablement à l'Europe que si la disparition des frontières s'accompagne du respect des cultures et d'une meilleure sécurité. Une large ratification de la convention Unidroit compléterait cet effort nécessaire en rendant plus difficile la revente d'objets arrachés au patrimoine des différentes nations européennes.