Séance du 27 mai 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Pêche et aquaculture.
- Adoption d'une résolution modifiée d'une commission (p.
1
).
Discussion générale : MM. Alain Gérard, rapporteur de la commission des
affaires économiques ; Jacques Oudin, Bernard Piras, Georges Othily, Gérard Le
Cam, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Clôture de la discussion générale.
Texte de la résolution (p. 2 )
Amendement n° 1 de M. Le Cam. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le ministre,
Jacques Oudin. - Rejet.
Amendement n° 2 de M. Le Cam et sous-amendement n° 4 de M. Oudin. - MM. Gérard
Le Cam, le rapporteur, le ministre, Jacques Oudin. - Retrait du sous-amendement
; rejet de l'amendement.
Amendement n° 3 de M. Le Cam. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le ministre.
- Adoption.
Adoption de la résolution modifiée.
3.
Politique de l'Union européenne en matière d'aide au développement.
- Discussion d'une question orale avec débat portant sur un sujet européen (p.
3
).
MM. Serge Lagauche, auteur de la question ; Michel Barnier, président de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne ; Ambroise Dupont, Robert Del
Picchia, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Pelletier, Michel Charasse,
Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Clôture du débat.
Suspension et reprise de la séance (p. 4 )
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
4.
Modification de l'article 73
bis
du règlement.
- Adoption des conclusions du rapport d'une commission (p.
5
).
Discussion générale : MM. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des
lois ; Michel Barnier, président de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne ; Michel Duffour.
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er à 4. - Adoption (p.
6
)
Article 5 (p.
7
)
Amendement n° 1 rectifié de M. Duffour. - Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. le
rapporteur, Claude Estier, Mme Hélène Luc. - Rejet par scrutin public.
Adoption de l'article.
Vote sur l'ensemble (p. 8 )
MM. Claude Estier, Michel Duffour, Jean-Pierre Raffarin.
Adoption de la proposition de résolution.
5.
Accès aux soins palliatifs.
- Adoption d'une proposition de loi (p.
9
).
Discussion générale : MM. Lucien Neuwirth, rapporteur de la commission des
affaires sociales ; Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à
l'action sociale ; René-Pierre Signé, Guy Fischer.
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er à 3, 3
bis
et 4 à 10. - Adoption (p.
10
)
Article additionnel après l'article 10 (p.
11
)
Amendement n° 1 de Mme Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Marc Massion, au nom de la commission des finances. - Irrecevabilité.
Articles 10
bis
et 11. - Adoption (p.
12
)
Article 12
(supprimé)
(p.
13
)
Vote sur l'ensemble (p.
14
)
MM. Francis Giraud, Emmanuel Hamel, Serge Lagauche.
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi.
M. le président.
6.
Dépôt d'une proposition de résolution
(p.
15
).
7.
Dépôt d'un rapport
(p.
16
).
8.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
17
).
9.
Ordre du jour
(p.
18
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
PÊCHE ET AQUACULTURE
Adoption d'une résolution modifiée d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la résolution (n° 365, 1998-1999),
adoptée par la commission des affaires économiques et du Plan, en application
de l'article 73
bis,
alinéa 8 du règlement, sur la proposition de
réglement (CE) du Conseil définissant les modalités et conditions des actions
structurelles dans le secteur de la pêche (n° E-1203) et sur la proposition de
règlement (CE) du Conseil portant organisation commune des marchés dans le
secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture (n° E-1230). [Rapport n°
351 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gérard,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de
résolution n° 327 présentée par notre collègue Jacques Oudin porte sur deux
propositions de règlement du Conseil : la première définit les modalités et
conditions des actions structurelles dans le secteur de la pêche ; la seconde
concerne l'organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la
pêche et de l'aquaculture.
La politique structurelle et l'organisation commune de marché, l'OCM,
constituent deux des trois piliers de la politique commune de la pêche, la PCP,
le troisième étant la politique de gestion de la protection de la ressource et
d'accès aux ressources halieutiques des pays tiers.
La politique communautaire de la pêche s'est mise en place en quatre étapes :
après les premiers pas des années soixante-dix, l'institution du nouveau
système de gestion des pêches par les pays de la CEE, avec l'accord historique
du 21 janvier 1983, a consacré l'« Europe bleue ». L'inclusion du secteur de la
pêche dans les fonds structurels a constitué la troisième étape. Enfin, la
quatrième et dernière étape a été marquée par l'adoption du règlement relatif
aux effets de la pêche dans certaines zones et aux ressources halieutiques
communautaires.
Les deux propositions de règlement qui ont fait l'objet d'un examen par la
délégation du Sénat pour l'Union européenne sont le résultat d'une réflexion
entamée au niveau communautaire depuis déjà de longs mois. Il est, à cet égard,
nécessaire de mettre en parallèle ces réformes dans le secteur de la pêche avec
les propositions figurant dans le document Agenda 2000 de la Commission de
juillet 1997 et les récentes décisions du Conseil de Berlin.
A titre liminaire, je m'interroge sur le contenu de la future réforme de la
politique commune de la pêche prévue en 2002. En effet, avec la modification
des volets « marché » et « structures », qui font l'objet de cette proposition
de résolution, il ne restera plus guère que l'aspect « ressources » à
réformer.
Je souhaite, en outre, souligner l'importance pour ce secteur d'activité des
futures échéances internationales dans le cadre de l'organisation mondiale du
commerce.
La proposition relative aux actions structurelles dans le secteur de la pêche
vise à remplacer le règlement n° 3699-93, qui définit les conditions
d'intervention de l'instrument financier d'orientation de la pêche, l'IFOP,
celui-ci étant un fonds structurel spécifique, lié au secteur de la pêche.
Le Conseil de Berlin, qui s'est tenu en mars dernier, a entériné le fait que
l'IFOP doit financer l'ensemble des actions structurelles pour la pêche sur
tout le territoire de l'Union européenne dans le respect du règlement-cadre des
fonds structurels alors qu'initialement la Commission européenne avait souhaité
la disparition de cet instrument.
Les principales mesures envisagées dans le texte E-1203 pour réaliser les
objectifs de la politique structurelle dans le secteur de la pêche sont les
suivantes : élaboration d'un nouveau système de renouvellement de la flotte
incluant un régime permanent de gestion d'entrées et de sorties ; renforcement
des sanctions à l'encontre des Etats membres en cas de non-respect des
obligations communautaires ; prise de mesures relatives aux sociétés mixtes ;
adoption de dispositions prenant mieux en compte la petite pêche côtière, de
mesures relatives aux organisations de producteurs, de dispositions
d'accompagnement socio-économiques ; reconduction des actions en faveur
d'investissements productifs dans l'industrie de transformation et dans
l'aquaculture.
Ce projet de règlement comprend vingt-cinq articles répartis en 5 titres.
Soulignons que ce texte devrait être adopté au « Conseil pêche » du 10 juin
prochain.
La commission des affaires économiques et du Plan comprend tout à fait que la
Commission souhaite renforcer la législation afin de se doter de moyens
d'action efficaces dans ce secteur d'activité.
Néanmoins, ce dispositif appelle de nombreuses réserves.
La commission des affaires économiques regrette, tout d'abord, que cette
proposition de la Commission européenne ait toutes les apparences d'un
règlement-cadre sur les actions structurelles, alors que ce devrait être un
texte technique d'application.
En effet, ce texte met en place un régime de gestion et d'encadrement de la
flotte en durcissant les règles relatives à la gestion des POP - programmes
opérationnels pluriannuels.
Ainsi, avant même que ne soient engagées les négociations sur le POP V, alors
que le POP IV est en cours d'exécution jusqu'en 2001, de nouvelles mesures
relatives à l'élaboration et au suivi des POP et à l'ajustement des efforts de
pêche figurent dans cette proposition de règlement.
La commission s'étonne d'une telle démarche, qui paraît néanmoins tout à fait
logique lorsqu'on examine attentivement l'article 5 du présent texte. Celui-ci
organise, en effet, un véritable transfert de compétence du Conseil à la
Commission pour l'élaboration des POP.
De plus, le régime de contrôle permanent des entrées et sorties paraît
excessivement rigide. Le durcissement du contrôles des entrées et sorties
proposé initialement par la Commission européenne conduit à mettre en place une
gestion individuelle des navires. La commission des affaires économiques
approuve sans réserve M. Jacques Oudin lorsqu'il écrit que, sur ce point, « la
proposition de la Commission paraît clairement contraire au principe de
subsidiarité »...
M. Jacques Oudin.
Parfait !
M. Alain Gérard,
rapporteur.
... puisqu'il appartient à chaque Etat membre de mettre en
oeuvre les moyens adéquats pour parvenir à un équilibre en termes de capacité
de flottes conforme aux prescriptions communautaires.
Par ailleurs, la commission se félicite que le Gouvernement ait exprimé ses
plus vives préoccupations face aux mesures relatives aux aides au
renouvellement et à la modernisation de la flotte. La Commission européenne
propose, en effet, que l'octroi d'aides à la construction de navires, plus
généralement à la création de nouvelles capacités, soit subordonné à la
destruction d'une capacité égale à 130 % de la capacité créée, en jauge et en
puissance. Les conséquences d'une telle disposition sont des plus dangereuses
pour l'avenir de la modernisation de notre flotte.
Enfin, le renouvellement de la flotte pourrait se trouver fortement entravé
par la proposition de la Commission européenne prévoyant une réduction du
barème des interventions communautaires dans les zones éligibles à l'objectif
2, le projet de règlement abaissant la participation communautaire à la
construction de navires de 30 % à 15 %.
La proposition relative à l'organisation commune de marché dans le secteur de
la pêche vise à remplacer le règlement n° 3759-92 relatif au volet « marché »
de la politique commune de la pêche.
Soulignons que la France, après la crise de la pêche de 1993-1994, avait
souhaité la réforme de cette OCM afin de renforcer le rôle des organisations de
producteurs, les OP, dans la régulation du marché et de donner une base
obligatoire aux différentes interventions.
La proposition de la Commission européenne repose sur quatre objectifs
principaux : permettre une contribution de l'OCM à une gestion responsable des
ressources en éliminant les risques de gaspillage de celles-ci ; améliorer la
transparence et la connaissance du marché et des produits, développer
l'information des consommateurs ; donner une place plus importante aux
producteurs dans l'organisation du marché ; enfin, permettre
l'approvisionnement de l'industrie de transformation communautaire dans des
conditions conformes aux exigences de sa compétitivité dans l'environnement
international, par un ajustement de la politique tarifaire.
La proposition de règlement de Bruxelles comprend six titres regroupant
quarante-trois articles.
En résumé, cette proposition reflète le souci de la Commission européenne de
concilier les intérêts parfois contradictoires des secteurs de la production et
de la transformation et offre l'opportunité de traiter de manière différente
l'organisation du marché du frais de celui de la transformation.
Le succès de la démarche engagée par Bruxelles repose sur la réalisation d'un
équilibre entre ces deux marchés.
Plusieurs dispositions répondent aux préoccupations françaises.
Néanmoins, ce texte est déséquilibré, car la production communautaire se voit
offrir des moyens insuffisants pour renforcer sa compétitivité, alors qu'une
ouverture excessive aux importations est préconisée.
J'en viens à la valorisation du marché du frais.
Si la Commission européenne propose un renforcement de l'identification du
produit par l'adoption de règles communautaires d'identification et par la
reconnaissance de démarches volontaires de qualité, la commission des affaires
économiques considère la mise en place d'une catégorie « fraîcheur » comme
difficilement applicable et contrôlable à tous les stades de la vente.
La Commission européenne propose, de plus, d'améliorer l'organisation de la
filière, notamment par un renforcement du rôle des OP et par le développement
d'organisations interprofessionnelles. Plusieurs de ces dispositions
recueillent mon approbation mais elles apparaissent comme trop déséquilibrées
par rapport aux moyens offerts aux OP pour assumer leurs responsabilités. En
outre, le contenu des programmes opérationnels de campagne de pêche apparaît
par trop contraignant.
La Commission européenne propose, enfin, une adaptation des outils
d'intervention du marché et leur intégration dans une logique de filière. Sur
ce point, notre commission se félicite de la position du Gouvernement, qui
considère comme inopportune la réduction de l'indemnisation versée aux OP dans
le cadre des opérations de retrait-destruction.
Sur la question de la loyauté de la concurrence en matière d'approvisionnement
de l'industrie de transformation, la commission des affaires économiques
reconnaît que l'approvisionnement à partir des pays tiers traduit un besoin
structurel et doit être préservé.
Néanmoins, la proposition de la Commission européenne tendant à inciter, de
façon modeste et temporaire, les transformateurs à passer des contrats
d'approvisionnement avec les producteurs communautaires ne semble pas de nature
à modifier le caractère structurellement déficitaire de l'approvisionnement des
industries de transformation.
De plus, je m'inquiète du nouveau régime de suspensions tarifaires suggéré par
la Commission, qui porte, pour des durées indéterminées, sur plusieurs espèces.
Le secteur des produits de la pêche est déjà très ouvert aux importations et
les prochaines négociations menées au sein de l'OMC vont entraîner de nouveaux
démantèlements tarifaires. Notre commission ne peut donc accepter le principe
des suspensions tarifaires proposé par Bruxelles.
N'est pas non plus acceptable l'évolution du régime de l'indemnité
compensatoire « thon » proposée par la Commission européenne.
J'approuve sans réserve les conclusions de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne, présentées par notre collègue Jacques Oudin.
Notre commission a toutefois souhaité préciser et compléter la proposition de
résolution n° 327.
J'évoquerai d'abord la proposition de réglement n° E-1203.
Le respect du principe de subsidiarité s'impose à l'évidence pour permettre la
prise en compte des différentes caractéristiques des flottes et des pratiques
de pêche de chaque Etat membre. La commission des affaires économiques souhaite
ainsi que soit retenu le principe d'une gestion globale des flottes de pêche,
ce qui offre une réelle souplesse à chaque Etat.
Récemment, la présidence allemande a proposé d'abandonner le principe d'une
gestion individuelle des navires, suggéré par la Commission européenne, en
subordonnant l'aide à la construction ou à la remotorisation à la réussite des
objectifs finaux et globaux prescrits dans le POP IV. Je désapprouve les termes
de ce compromis puisque les objectifs des POP s'étalent sur quatre ou cinq ans
et sur différents segments.
Il est donc nécessaire de lier le régime de contrôle permanent des entrées et
sorties à des objectifs intermédiaires et par segment de catégories de navires
figurant dans les POP, mais en aucune façon à des objectifs finaux et
globaux.
La commission souhaite, à cette occasion, réaffirmer la compétence du Conseil
en matière de décisions relatives aux POP.
Je considère en outre que la règle des 130 % pour percevoir une aide au
renouvellement et à la modernisation de la flotte doit faire l'objet d'un refus
catégorique de la part de la France.
Enfin, le barème des interventions communautaires dans les zones « objectif 2
» doit être maintenu à un niveau suffisant pour éviter toute renationalisation
de la politique commune de la pêche.
J'en viens à la proposition n° E-1230.
Si la France reconnaît l'utilité d'une réforme de l'OCM « pêche » et en
approuve les lignes directrices, plusieurs dispositions doivent néanmoins faire
l'objet de modifications.
L'attractivité de l'aide aux OP qui lancent des plans d'amélioration de la
qualité pourrait être améliorée.
S'agissant des organisations interprofessionnelles, la proposition de la
Commission européenne, notamment sur la reconnaissance de ces organisations,
pourrait être utilement complétée.
La rénovation des outils d'intervention du marché et leur intégration dans une
logique de filière nécessitent le maintien du niveau de l'indemnisation du
retrait-destruction versée aux OP. En outre, un mécanisme d'intervention
exceptionnelle en cas de crise grave paraît s'imposer.
Enfin, toute nouvelle réduction des droits de douane doit être évitée, de même
que la consolidation des actuels contingents et suspensions autonomes. Il
serait inacceptable de procéder à de nouvelles suspensions tarifaires à la
veille du cycle de négociations du deuxième millénaire de l'OMC.
Il est par ailleurs indispensable, pour entamer toute discussion sérieuse sur
l'évolution de la politique d'importation de l'UE, que la Commission européenne
présente des bilans d'approvisionnement qui fassent apparaître clairement
l'état des besoins et des disponibilités.
Telle est, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
la position de la commission des affaires économiques et du Plan, qui la
conduit à soumettre au Sénat cette résolution.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis
heureux que le Sénat se prononce aujourd'hui en séance publique sur la réforme
de deux volets importants de la politique commune de la pêche.
L'esprit de l'article 88-4 de la Constitution, c'est au fond l'ouverture d'un
dialogue entre le Gouvernement et les assemblées sur les questions européennes
que les parlementaires jugent importantes. Or, dans la procédure de l'article
88-4, c'est en séance publique que nous devons avoir un tel dialogue, et je
vous remercie, monsieur le ministre, d'y participer.
La politique de la pêche, notre excellent rapporteur Alain Gérard l'a dit, est
une politique fortement intégrée : les décisions les plus importantes sont
prises à Bruxelles. La situation difficile de notre filière « pêche » doit donc
nous conduire à beaucoup de vigilance dès lors qu'une réforme importante est
entreprise à l'échelon européen.
On ne doit pas sous-estimer ce que représente la pêche française, notamment en
termes d'aménagement du territoire : elle emploie environ 22 000 personnes en
métropole - sans compter les emplois induits, compris entre 50 000 et 60 000 -
et environ 10 000 personnes outre-mer.
Mais la plupart des entreprises de pêche françaises sont de taille réduite et
souffrent d'une faiblesse chronique de fonds propres. De ce fait, la production
nationale n'a pas suivi la croissance de la demande en produits de la mer, qui
a pratiquement doublé en vingt ans. Il en découle un déficit de ce poste de la
balance commerciale, de l'ordre de 10,5 milliards de francs, au sein d'une
balance de l'agro-alimentaire globalement excédentaire. Il y a donc là un point
faible du dispositif national, et il faut y veiller.
D'une manière générale, la filière « pêche » française se trouve dans une
situation fragile. Il faut avoir cette réalité en mémoire au moment d'évaluer
les propositions de réforme présentées par la Commission européenne.
Or ces textes, sur certains points, sont préoccupants, comme l'a dit Alain
Gérard. Je ne reviendrai pas sur ces propositions dans leur ensemble, après
l'excellent exposé de celui-ci. Je souhaite seulement mettre l'accent sur
quelques aspects.
Tout d'abord, le volet structurel des propositions de la Commission européenne
- c'est-à-dire la proposition n° E-1203 - risque de paralyser l'évolution et la
modernisation de la flotte.
En particulier, le projet de mettre en place un contrôle permanent des entrées
et sorties paraît extrêmement rigide. Il aboutirait à mettre en place une
gestion individuelle des navires - et une gestion assurée à l'échelon
communautaire - puisque chaque construction ou remotorisation à puissance
supérieure devrait être accompagnée de la radiation d'un navire de capacité au
moins équivalente en puissance et en jauge. De plus, le navire radié ne
pourrait être transféré ni vers un autre Etat membre ni vers un pays tiers, ce
qui signifie qu'il devrait être détruit.
Un tel dispositif est beaucoup trop contraignant au regard de l'objectif à
atteindre. On peut parfaitement réaliser les objectifs des POP dans le cadre
d'une gestion globale de la flotte de pêche, comme c'est le cas aujourd'hui.
L'important c'est le résultat, c'est-à-dire le respect des POP. L'Europe peut
nous fixer une obligation de résultats, mais pas une obligation de moyens ;
sinon, le principe de subsidiarité n'est plus respecté. Au demeurant, ce
principe est trop souvent oublié.
J'ajoute qu'une gestion globale est la seule à apporter la souplesse
nécessaire à la gestion d'une flotte aussi hétérogène que la flotte
française.
Je crois donc que nous devons nous opposer fermement à une telle remise en
cause de la subsidiarité.
Les mesures relatives aux aides au renouvellement et à la modernisation de la
flotte sont, elles aussi, exagérément restrictives.
En effet, la Commission européenne propose que l'octroi d'aides à la
construction de navires et, plus généralement, à la création de nouvelles
capacités soit subordonnée à la destruction d'une capacité égale à 130 % de la
capacité créée, en jauge et en puissance. Ainsi, seul un renouvellement
s'accompagnant d'une diminution de la capacité de pêche du navire pourrait
bénéficier d'une aide, ce qui ne manquerait pas d'entraver sévèrement la
modernisation de la flotte.
De plus, la proposition prévoit une réduction du barème des interventions
communautaires dans les zones « objectif 2 », ce qui est également de nature à
freiner l'effort de modernisation. Cela nous conduit à penser que les moyens
que l'on se donne pour atteindre des objectifs sont précisément contraires à
ces objectifs.
Soyons clairs : notre flotte a besoin de poursuivre sa modernisation. Elle ne
peut le faire sans aides. Si ces aides sont soumises à des conditions
totalement dissuasives, l'évolution nécessaire de notre flotte sera bloquée, et
les difficultés de notre filière « pêche » iront encore en s'aggravant.
Je me réjouis donc que, sur ces points, la position adoptée par la commission
des affaires économiques soit dans la ligne de ce que j'avais proposé à la
délégation pour l'Union européenne et que cette dernière avait accepté.
J'espère que le Gouvernement, suivant en cela les recommandations du Parlement,
voudra bien nous assurer de sa détermination à préserver les chances de
modernisation de notre flotte.
J'en viens maintenant à la proposition n° E-1230, qui concerne l'organisation
des marchés. Ce texte comporte des aspects positifs, notamment pour ce qui est
de la reconnaissance des organisations interprofessionnelles, du rôle accru des
organisations de producteurs, de l'amélioration de l'information des
consommateurs.
Mais il comporte également des dispositions dangereuses. Je pense
principalement au nouveau régime tarifaire proposé par la Commission
européenne, qui tend à remplacer des contingents tarifaires autonomes -
c'est-à-dire des suspensions de droits portant sur des quantités délimitées,
pour une durée déterminée - par des suspensions tarifaires sans limite de durée
ni de quantité. On reconnaît là une application de la philosophie de certains
membres de la Commission, et on perçoit aussi le fruit de ce
lobbying
très efficace qui a cours à Bruxelles.
Comme les produits de la pêche sont partiellement substituables entre eux, une
telle mesure reviendrait en réalité à organiser une concurrence à très bas prix
pour certains secteurs de la pêche communautaire. On voit mal quelle serait
alors la cohérence de la politique communautaire de la pêche.
A quoi bon soutenir la filière pêche et encourager une gestion dite «
responsable » de la ressource halieutique si l'on adopte par ailleurs une
politique commerciale compromettant la survie de cette filière en lui faisant
subir de plein fouet la concurrence de pays tiers souvent affranchis, pour leur
part, de la plupart des contraintes pesant sur les producteurs européens ?
Certes, les intérêts de l'industrie de transformation - encore elle, toujours
elle ! - doivent être pris en compte. Mais la technique des contingents
tarifaires, déterminés à partir de bilans d'approvisionnement montrant l'état
des besoins et des disponibilités, permet de le faire en assurant un équilibre
avec la protection des intérêts des producteurs communautaires.
Il n'y a donc aucune raison valable d'adopter la solution radicale proposée
par la Commission européenne.
Je regrette par ailleurs que le texte de la Commission européenne n'insiste
pas davantage sur l'importance de l'exigence de qualité des produits, aussi
bien pour accroître la satisfaction des consommateurs et développer leur
demande que pour assurer la viabilité de l'ensemble de la filière. Cette
exigence concerne, certes, la production, mais aussi la commercialisation, qui
s'effectue trop souvent à l'heure actuelle dans des conditions qui ne mettent
pas suffisamment en valeur les produits frais de la pêche communautaire face
aux produits concurrents. Les bars de ligne qui viennent de Bretagne ou de
Vendée sont les exemples mêmes de ce que l'on peut faire en matière de
reconnaissance de la qualité de certains produits.
La proposition n° E-1230 attribue à cet égard un rôle aux organisations
interprofessionnelles, qui sont habilitées à engager des actions pour améliorer
la qualité des produits - elles l'ont fait, elles le feront encore - favoriser
leur valorisation, protéger des appellations d'origine, labels de qualité et
indications géographiques. Je crois qu'il faudrait mettre davantage l'accent
sur ces orientations - la proposition n° E-1230 privilégiant trop exclusivement
la gestion de la ressource halieutique, et encore, pas tout à fait, j'y
reviendrai dans un instant - et prévoir des efforts accrus d'incitation dans ce
domaine.
Là également, je me félicite que la commission des affaires économiques ait
repris ce thème dans sa résolution.
Avant de conclure, je souhaiterais faire part de deux réflexions
complémentaires qui me tiennent à coeur.
La première a trait à l'équité dans l'octroi des aides.
La politique européenne de la pêche doit mettre l'accent sur l'équité dans
l'octroi des aides entre les pays et les types de pêche.
Je ne suis pas certain, monsieur le ministre, que les intérêts de la France
aient été toujours pris en considération à leur juste mesure.
A vouloir défavoriser certaines zones et à en privilégier d'autres, dans un
contexte de concurrence mondiale, on crée un sérieux risque de délocalisation
et d'affaiblissement de certains ports au profit d'autres.
Le rôle des ports, nécessaires à l'équilibre de la vie littorale et de
l'aménagement du territoire, est un aspect de cette politique des pêches qui ne
doit pas être oublié.
La deuxième réflexion concerne la gestion de la politique commune de la pêche
que je souhaite fondée sur des données scientifiques fiables.
Toutes les mesures prises en faveur de la limitation de puissance de la pêche
doivent reposer sur des données scientifiques fiables portant sur la situation
des ressources. Or force est de constater que le conseil des ministres
européens chargés de la pêche a décidé, en l'absence de toutes données
scientifiques, d'interdire à partir du 1er janvier 2002 l'utilisation des
filets dérivants au nom de la « pêche responsable ». Le nombre de bateaux
autorisés à utiliser des filets maillants dérivants doit, dès à présent, être
diminué de 40 % par rapport à la période 1995-1996.
Cette décision non scientifique et éminemment politique va toucher une
quarantaine d'équipages français, tous localisés à l'île d'Yeu, en Vendée.
Pour empêcher qu'une telle situation ne se reproduise, les organismes
compétents en matière de pêche et les institutions scientifiques, nationales et
internationales, doivent être davantage consultés et les instances européennes
doivent, bien entendu, s'appuyer sur leur avis.
J'en viens à un point de la résolution qui m'a frappé. Au sein de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne, nous avions pris une orientation
précise concernant la pêche minotière : « Dans le cadre de l'objectif de
gestion responsable de la ressource halieutique, nous souhaitons faire figurer
dans les objectifs assignés aux organisations de producteurs la limitation de
la pêche minotière. »
Nous savons, en effet, que la pêche minotière est l'apanage de certains pays
nord-européens. Nous savons également qu'elle est éminemment destructrice des
fonds et des ressources, car il n'y a aucune comparaison entre la pêche avec un
filet maillant dérivant de deux kilomètres et demi pratiquée par quarante
bateaux et la pêche minotière dont la production est tout à fait considérable.
Il y a bien deux poids deux mesures : on a interdit le filet maillant dérivant,
alors qu'on le maintenait à hauteur de vingt-cinq kilomètres dans d'autres
zones de la Communauté, et le tout sans parler de la pêche minotière ! J'ai
entendu M. le rapporteur nous dire que cela dépendrait d'un troisième volet.
Mais on voit ici la contradiction : on parle de limiter les puissances de pêche
pour protéger la ressource, mais on ne dit pas un mot de la pêche minotière
!
Monsieur le ministre, j'éprouve un certain sentiment d'incompréhension, une
incompréhension persistante d'ailleurs, puisque cela fait des années que nous
n'obtenons pas de réponse satisfaisante sur ce point.
Ma troisième réflexion concerne le respect du principe de subsidiarité.
Je l'ai déjà dit, mais je veux le répéter après M. le rapporteur, il importe
de laisser aux Etats membres, conformément au principe de subsidiarité, le soin
de déterminer la répartition des efforts de réduction en fonction de chaque
site portuaire et de mettre en oeuvre les moyens adéquats pour parvenir à un
équilibre en termes de capacité de flottes conforme aux prescriptions
communautaires.
Dans le même esprit de subsidiarité, le contrôle des activités de pêche
incombe aux seuls Etats membres. Selon les fondements du traité, chaque Etat
membre exerce sa souveraineté dans les douze milles et sa juridiction dans les
cent quatre-vingt-huit milles de la zone économique exclusive.
Les autorités nationales doivent continuer d'effectuer souverainement les
contrôles, sous la supervision, bien entendu, de la Commission européenne.
Dernière réflexion enfin : il convient d'affirmer encore et toujours, monsieur
le ministre, la place des pêches et des cultures maritimes françaises face aux
défis mondiaux ou européens.
La pêche et, plus généralement, la mer doivent retrouver, au sein de la
nation, de notre nation, une place à la hauteur de la vocation maritime de la
France et de l'ampleur de la demande. C'est dans cette optique qu'il convient,
je crois, de mener une politique ciblée en direction des populations concernées
par les pêches, une politique visant à assurer la pérennité des entreprises et
des sites portuaires.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de l'attention que vous voudrez bien
accorder à ces demandes du Sénat.
M. le président.
La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
proposition de résolution initiée par notre collègue Jacques Oudin et celle qui
émane de la commission des affaires économiques et du Plan interviennent à un
moment important pour la pêche, notamment avant le prochain Conseil européen de
la pêche du 10 juin prochain, au cours duquel sera étudiée la proposition de
règlement européen concernant les actions structurelles dans le secteur de la
pêche.
Le texte de la résolution sénatoriale concerne également les propositions pour
l'organisation commune des marchés des produits de la pêche et de
l'aquaculture.
Ce sont là deux éléments centraux de la politique commune de la pêche.
Rappelons, à cet égard, la difficulté évidente des objectifs poursuivis par
l'Europe pour préserver l'avenir de la pêche sans obérer l'économie immédiate
de tout un secteur et, par la même, de régions fortement dépendantes de la
pêche.
Les mesures proposées par la Commission européenne courent sur la période
2000-2006. Cette durée doit permettre une réelle efficacité donc un sourcilleux
travail préalable pour avoir la certitude d'aboutir à des accords équilibrés.
Il convient donc de soutenir le gouvernement français dans ces négociations
difficiles. Vos paroles et vos actes, monsieur le ministre, sont autant de
gages, pour la filière de la pêche française, de toute l'attention que vous
prêtez à ses problèmes et à son avenir. N'oublions pas non plus que le
calendrier appelle prochainement les négociations sur le POP V et la réforme de
la politique commune de la pêche, en 2002.
La question de la pêche apparaît très consensuelle, du moins à l'échelon
français. Veillons à ne pas oublier que la pêche a beaucoup à gagner dans la
coopération européenne. Le raisonnement national ne doit donc pas faire oublier
que la coordination des politiques est une longue lutte, mais une lutte
porteuse d'avenir. Comme vous l'avez souligné la semaine passée, monsieur le
ministre, la politique de la pêche ne peut pas se résumer à la résolution de
problèmes conjoncturels, si cruciaux soient-ils ; elle doit s'appuyer sur une
réflexion globale et tracer des pistes d'action pour le futur.
Avant même d'aborder directement les mesures à venir, il semble important de
faire le point de la situation et des avancées d'ores et déjà obtenues par le
Gouvernement. En premier lieu, il y a l'unicité du financement de la pêche via
l'IFOP, obtenue par la France dernièrement, mais aussi l'idée même d'un nouveau
règlement européen sur l'organisation commune des marchés des produits de la
pêche et de l'aquaculture, qui est le résultat d'une volonté française.
Il ne me semble donc pas très utile de dresser ici un panorama complet de
toutes les mesures contenues dans les propositions de règlement de la
Commission européenne et abordées dans la proposition de résolution
sénatoriale. Il faut cependant s'attacher à quelques points qui, inclus dans
les propositions de règlement européen, ne nous paraissent pas acceptables en
l'état.
Concernant les actions structurelles dans le secteur de la pêche, la fameuse
règle des 130 % prête à de nombreuses interrogations par son caractère
extrêmement restrictif et prématuré. En effet, les négociations européennes sur
les futures orientations des instruments de gestion de la flotte ne sont pas
encore à l'ordre du jour. Cette mesure aurait des conséquences néfastes sur la
politique d'installation des jeunes ou encore sur la diversité de la flotte de
pêche et, par conséquent, sur l'emploi. Notons que, outre la France, de
nombreux pays se sont opposés à cette mesure lors du dernier conseil Pêche et
que M. le ministre a, en tout état de cause, réaffirmé à plusieurs reprises sa
détermination à refuser cette règle.
Il nous faut insister ici sur les conséquences induites par les mesures de
gestion individuelle des navires. L'inflation du marché des bateaux d'occasion,
facteur de concentration des armements, a en outre de graves conséquences sur
les politiques d'installation des jeunes qui, par manque de moyens, s'éloignent
de la profession ou se rabattent sur des unités de pêche plus petites, donc
pêchent plus près des côtes, avec les conséquences que cela peut avoir sur la
ressource. Le Gouvernement a engagé un certain nombre de mesures pour remédier
à cette situation, mais durcir à nouveau les règles du jeu au plan européen
peut réduire à peu de choses les efforts consentis.
Sur l'organisation commune des marchés, de nombreux points ne peuvent
qu'emporter l'adhésion de tous, tout au moins en tant que base de travail.
Cependant, les instruments pouvant permettre de lutter contre les crises ne
sont pas suffisants et l'ouverture excessive du marché ne peut être acceptée.
Il faut donc faire évoluer la position de la Commission européenne. M. le
ministre a fait savoir qu'il avait cette tâche à coeur : faisons-lui confiance
!
Pour conclure, soulignons une fois encore que la position française sur ces
propositions de règlement est relativement homogène. Il faut s'en féliciter,
tout comme il faut saluer les actes et les engagements du Gouvernement. En
France, de nombreuses régions et départements où la pêche occupe une place
importante ne peuvent qu'être inquiets de la fragilité de ce secteur et ont, de
ce fait, adopté une position très défensive face à ces deux textes européens.
La résolution de notre commission va dans ce sens.
M. Serge Lagauche.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le secteur
de la pêche est confronté à une phase de profondes restructurations. Une crise
certaine, des ressources en voie de raréfaction, la concurrence intensive de
l'ensemble des acteurs ont appelé, de la part des professionnels et des
pouvoirs publics, des réactions variées.
Si de réels efforts furent parfois consentis par nos gouvernements, relayés
par la Communauté, ils ont, la plupart du temps, traduit des pratiques
inadaptées et rendu la situation plus inacceptable encore.
Au plan communautaire, la politique structurelle et l'organisation du marché
ainsi que la gestion de la protection des ressources de la pêche ont constitué
les fondements de la politique communautaire.
Pour ce qui concerne, en premier lieu, la réforme de l'organisation commune
des marchés, le Conseil nous propose de dépoussiérer l'actuel règlement et de
rassembler des textes divers, d'introduire des évolutions et de répondre à la
demande française présentée après la crise survenue en 1993-1994.
Comment ne pas souligner que le texte actuel, s'il ne permet pas toujours de
se garantir de nouvelles importations de produits de la pêche à bas prix et de
protéger les producteurs en cas de crise, abaisse bien au contraire les
protections et consacre la libéralisation, la mondialisation et la
déréglementation des échanges internationaux ?
De plus, toute suspension autonome du tarif douanier commun pour une durée
indéterminée s'avérerait inacceptable. Il s'agirait d'une mesure qui
anticiperait les prochaines négociations du GATT, altérerait les marges de
négociation de la Communauté et obérerait tout pouvoir de contrôle et de
négociation au Conseil.
Par ailleurs, le renforcement du contrôle des organisations de producteurs,
qui les oblige à établir, à imposer et à faire respecter d'illusoires plans de
capture, n'a pour seul but que l'encadrement de l'effort de pêche au détriment
de la stabilisation des marchés et de la protection des producteurs. De plus,
comment réduire les compensations financières des retraits, au risque de ne
pouvoir s'opposer à l'écroulement des marchés ?
Enfin, l'aide aux reports se doit d'être utilisée avec précaution. Elle ne
peut être généralisée à toutes les espèces au mépris d'abus et de fraudes,
toujours à redouter, qui perturberaient le marché et engendreraient une
concurrence déloyale avec les produits ne bénéficiant pas de cette mesure.
Seules les espèces bénéficiant d'un réel marché à la transformation
industrielle doivent se voir appliquer les effets d'un tel mécanisme.
Pour ce qui concerne, en second lieu, la réforme des modalités et des
conditions des actions structurelles, c'est bien une modification en profondeur
qu'il importe d'engager.
Les professionnels doivent pouvoir bénéficier d'une réelle sécurité juridique
à long terme : des réformes successives entrées chaque année en vigueur
entravent les capacités et les volontés d'investissement.
Il est inexact de parler de surexploitation globale de la ressource. A ce
titre, comment considérer une responsabilité collective des armateurs vis-à-vis
des obligations de l'Etat quant au POP ? Le département de Guyane dispose d'un
segment propre de ressources dont les scientifiques s'accordent à souligner le
caractère maîtrisé.
L'institution par le règlement communautaire d'une responsabilité collective
assortie d'un POP global ne ferait que compromettre le maintien de la flotte
guyanaise, en équilibre avec la ressource et les marchés.
De plus, comment imaginer promouvoir l'augmentation nette de la flotte par
construction neuve dans des segments qui offrent des marges suffisantes par
rapport aux objectifs ?
Il convient de souligner qu'il n'est pas concevable de s'interdire la vente
d'un navire de pêche pour envisager la construction d'un nouveau bâtiment :
pourquoi détruire ainsi les crevettiers guyanais et priver les patrons de toute
ressource d'autofinancement ? Les conditions d'octroi éventuel des aides à la
construction ne peuvent que les rendre exceptionnelles : l'examen du détail de
ces conditions révèle des aberrations assorties de réels effets pervers.
Enfin, comment ne pas souligner le caractère inacceptable et perturbateur des
fonds structurels IFOP, instrument financier d'orientation de la pêche, et
FEOGA, Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, qui n'ont pas
contribué à clarifier des situations dont la complexité avait déjà été révélée
? La pérennisation des POP et l'annonce d'un POP V seraient de nature à
amplifier ce phénomène.
L'ensemble de ces mesures envisagées dans le projet du Conseil s'avère non
seulement inacceptable mais aussi dangereuse pour l'avenir des flottes
française et européenne : l'exemple que constitue la situation guyanaise n'est
qu'une belle illustration de ce phénomène et de l'inadaptation de ce qui nous
est proposé.
Le projet de résolution délibéré au sein de notre commission des affaires
économiques s'est attaché à considérer la fragilité des entreprises de la
filière pêche et la nécessaire adaptation des structures et des marchés de la
politique commune de la pêche. Notre excellent collègue Alain Gérard a su
appréhender et révéler à notre assemblée combien il était urgent d'apporter des
correctifs à la solution envisagée par les commissaires européens.
Je ne peux que me féliciter du travail de notre commission, invitant le
Gouvernement français à envisager de profondes modifications, sinon le retrait
des textes qui nous sont soumis.
Aussi, je vous invite, monsieur le ministre de l'agriculture, vous qui nous
faites l'honneur d'assister à nos débats, à considérer que ce secteur de
l'économie nationale est en danger et qu'il y a lieu de tout faire pour le
sauvegarder. C'est pourquoi le groupe du Rassemblement démocratique et social
européen approuve sans réserve la résolution proposée.
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers
collègues, la discussion en séance publique d'une proposition de résolution
concernant le secteur des pêches maritimes nous donne l'occasion d'évoquer la
situation actuelle et le devenir d'une activité économique qui contribue au
développement de notre pays et de nos régions littorales.
Avec ses 4 500 kilomètres de côtes, la France dispose d'une forte tradition de
pêche et ne manque pas d'atouts pour faire vivre des populations durement
frappées par la crise des années quatre-vingt-dix.
Plus que de longs discours, les quelques chiffres qui suivent suffisent à
montrer les dégâts du libéralisme européen sur une activité jadis
florissante.
En 1988, la France comptait 11 244 navires ; en 1992, on en dénombrait plus
que 7139 et en février 1999, selon les statistiques fournies dans le rapport de
notre collègue Alain Gérard, seulement 6119.
Les effectifs des marins ont, hélas ! connu une évolution parallèle à la
baisse : ils étaient 33 011 en 1988, 24 715 en 1992 et, enfin, 16 559 au début
de 1999.
Cela correspond, sur une période de dix ans, à une chute de 45,58 % du nombre
de navires et de 49,84 % des effectifs de marins.
Autant dire que la Bretagne, principale région de production, continue de
subir les conséquences des choix politiques et économiques qui ont ramené notre
pays au vingt-quatrième rang mondial et l'ont rendu largement dépendant en
approvisionnement extérieur.
Ce tableau noir de l'économie de la pêche française est avant tout le résultat
d'une stratégie tendant à sacrifier les petits ports de pêche et les circuits
locaux de commercialisation pour faciliter la constitution de grands groupes
industriels.
La responsabilité de l'Union européenne dans le déclin de notre flotte de
pêche est, de ce point de vue, suffisamment édifiante et incontestable !
La politique communautaire de la pêche, dont M. le rapporteur vient de
rappeler l'historique, est aussi traversée de contradictions et d'incohérences
qui ne trouvent leur explication qu'à l'aune de la libre concurrence.
En effet, comment justifier autrement le souci constant de l'Union européenne,
à travers les plans d'orientation pluriannuels, de réduire notre capacité de
pêche et, dans le même temps, de favoriser l'importation de produits de la mer
venus de pays tiers à des prix extrêmement faibles ?
Comment expliquer également qu'en France on s'évertue à limiter les
investissements et à faire cesser les constructions de bateaux, alors que, dans
d'autres pays de la Communauté, des fonds européens contribuent à les
développer ?
Enfin, comment comprendre l'argumentation selon laquelle la destruction d'une
partie des flottilles se justifie par la raréfaction de la ressource
halieutique et, dans le même temps, ne poser aucune restriction à la pratique
de la pêche minotière ?
Je rappelle que ce type de pêche consiste à prendre du poisson, quelles que
soient l'espèce, la taille et la saison, pour en faire de la farine destinée
essentiellement à la consommation animale.
Là où les marins pêcheurs sont soumis à des conditions strictes, s'agissant de
la taille des filets, les pêches minotières ne répondent à aucune règle, alors
qu'elles contribuent fortement à appauvrir la ressource et à détruire le cycle
de reproduction et de renouvellement du poisson pour les décennies à venir.
Cette pêche est tout à la fois un danger pour l'équilibre écologique des mers
et une hypothèque sur le devenir économique de la pêche traditionnelle.
Malgré les substituts existants et connus de tous, les intérêts financiers
sont tels dans ce domaine que la réglementation communautaire n'a jamais osé -
ou n'a jamais voulu - remettre en cause les aspects et la toute-puissance de
quelques trusts européens et internationaux qui contrôlent et maîtrisent
l'ensemble de la filière d'amont en aval.
Il est bon de rappeler également que la condition de l'adhésion du Danemark à
la CEE en 1972 était l'abandon par ce pays de la pêche minotière. Or cette
activité représente toujours un pan important du volume des poissons capturés
de par le monde.
De toute évidence, les propositions de la Commission de Bruxelles ne
permettent pas de répondre aux préoccupations des professionnels, qui aspirent
à vivre de leur labeur sur la base de prix suffisamment rémunérateurs et qui
veulent être en mesure d'entretenir et de renouveler leur outil de travail.
Aussi le groupe communiste républicain et citoyen a-t-il tout lieu d'être
satisfait de la tonalité et de la philosophie générale de cette proposition de
résolution avantageusement complétée par la commission des affaires économiques
et du Plan.
Elle réaffirme avec raison la nécessité de faire respecter le principe de
subsidiarité. En ce qui nous concerne, nous avons toujours combattu pour
limiter les contingents d'importations à ce qui est nécessaire pour compléter
la production nationale, et non pour qu'ils viennent se substituer à elle.
Les trois quarts des produits de la mer consommés dans notre pays sont
importés. Cette proportion peut être sensiblement réduite si l'on veille à
l'égalisation des conditions de concurrence entre les marins à l'échelon
communautaire et si l'on maintient des contingents tarifaires, que la
Commission de Bruxelles souhaite suspendre.
En outre, ce texte insiste, à juste titre, sur l'exigence de qualité des
produits, exigence qui relève tout à la fois des missions de l'OCM et de la
responsabilité des organisations de producteurs.
Pour cela, il convient non seulement d'accentuer notre lutte contre toutes les
formes de pollution marine, mais aussi d'assurer la transparence des filières
de commercialisation et de distribution des produits.
Au même titre que pour n'importe quel autre produit de nature agricole, le
consommateur doit être tenu informé de la provenance du poisson, de la date et
des conditions de capture.
Enfin, par cette résolution, le Sénat entend inciter le Gouvernement à
s'opposer à toute forme de désengagement financier de l'Europe, désengagement
préconisé par la Commission de Bruxelles qui refuse, dans le même temps, à la
flotte de pêche française les moyens de son développement autonome dans un
cadre national réaffirmé.
Par anticipation sur le POP V, la Commission européenne poursuit sa logique
destructrice, qui consiste à accélérer le rythme de cette spirale infernale :
diminution des aides publiques, réduction des moyens de production, dépendance
commerciale de la France par rapport à l'extérieur.
Tout en portant une appréciation favorable sur le contenu de la proposition de
résolution, notre groupe a jugé bon de la modifier, voire de la compléter par
la voie d'amendements, afin de donner davantage de lisibilité au message que le
Sénat souhaite transmettre au Gouvernement.
Tout d'abord, il vous sera proposé une stabilisation à 30 % du taux de
participation communautaire aux efforts d'investissement.
Ensuite, il vous sera suggéré de réintroduire une disposition de la
proposition initiale de notre collègue Jacques Oudin, relative à la limitation
de la pêche minotière, dont j'ai rappelé les dangers.
Enfin, dans le but de pallier l'absence de volet « social », il serait
souhaitable d'avancer avec nos partenaires européens sur la voie de
l'harmonisation des conditions de travail des marins pêcheurs et de
l'égalisation des régimes sociaux sur le régime le plus élevé, comme le
prévoyait déjà l'article 117 du traité de Rome.
Je regrette que nos collègues n'aient pas cru bon de compléter ce texte par
des garanties sociales supplémentaires, tant il est vrai que le niveau de vie
des marins conditionne l'exercice de leur profession.
Je crois me souvenir que, lors de l'examen du budget de la mer pour l'exercice
1999, la majorité sénatoriale n'avait pas hésité à réduire sensiblement les
crédits, à hauteur de 13 millions de francs, en visant notamment les crédits
des écoles nationales de la marine marchande ou les pensions versées aux marins
retraités.
Peut-on, mes chers collègues, vouloir maintenir, avec raison, les aides
économiques en faveur du renouvellement de la flotte, de la construction de
bateaux nouveaux, mais aussi de l'installation des jeunes et, dans le même
temps, ignorer des questions essentielles telles que le temps de travail, les
conditions de vie à bord, les pensions de réversion, la formation ou la
délégation syndicale ?
Les propositions mesurées que nous formulons doivent nous permettre, les uns
et les autres, de nous retrouver sur un texte équilibré.
Même si nous avons un
a priori
plutôt favorable, comme je l'ai
mentionné tout à l'heure, les membres du groupe communiste républicain et
citoyen se prononceront en fonction de la teneur du débat, même s'il sera
bref.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je souhaite tout d'abord
remercier M. Jacques Oudin, auteur de cette proposition de résolution, et M.
Alain Gérard, rapporteur de la commission. La clarté et la précision de leurs
propos me permettront d'être bref.
Cette proposition de résolution me paraît opportune sur le fond et sur la
forme, et ce pour trois raisons.
La première, c'est bien sûr l'intérêt que vous marquez ainsi au secteur de la
pêche et des cultures marines, dont j'ai la charge, et l'importance que vous
reconnaissez à ce secteur pour la France en termes, notamment, d'aménagement du
territoire.
Deuxième raison : le Parlement, la Haute Assemblée en particulier, prend de
plus en plus sa place dans le processus des décisions communautaires. Vous
l'avez dit les uns et les autres, c'est au Conseil « pêche » du 10 juin
prochain que sera discutée la proposition de règlement « actions structurelles
». L'examen de la proposition de règlement OCM a été reporté à un Conseil
ultérieur, mais le 10 juin se joueront des enjeux essentiels et il est bon que
le Parlement s'exprime avant cette réunion.
Enfin, la troisième raison réside dans notre profonde convergence de vues sur
ces propositions de la Commission. Ces propositions ont déjà fait l'objet d'un
tour de table lors du Conseil « pêche », le 30 mars dernier, et je voudrais
vous préciser brièvement quelle a été ma position, au nom du Gouvernement
français.
En ce qui concerne la proposition de règlement « actions structurelles », je
me suis très clairement opposé aux nouvelles contraintes que la Commission veut
nous imposer en matière de gestion de la flotte, tant sur le fond que sur la
forme. J'ai notamment indiqué que je ne pouvais pas souscrire à un dispositif
qui anticipe sur l'existence même des futurs plans d'orientation pluriannuels,
les POP, alors que le POP IV est seulement à mi-parcours.
Sur le fond, j'ai déclaré irrecevable le durcissement prévu des conditions
d'attribution d'aides publiques aux constructions de navires.
J'ai indiqué, à cet égard, que ce mécanisme engendrera des effets pervers,
notamment le renchérissement des navires d'occasion et la concentration des
armements.
J'ai ainsi mis en avant la nécessité de préserver la diversité de la flotte
française et l'équilibre socio-économique des activités de pêche sur tout le
littoral.
Enfin, j'ai déclaré qu'il fallait absolument laisser à chaque Etat le soin de
définir les modalités pour atteindre les objectifs globaux, dans le cadre d'une
saine application du principe de subsidiarité auquel vous avez, les uns et les
autres, fait allusion, à juste titre.
S'agissant de la proposition de règlement « organisation commune de marché »,
j'ai indiqué qu'elle constituait une base de travail intéressante, mais encore
trop déséquilibrée. Les moyens offerts aux organisations de producteurs sont
encore insuffisants pour renforcer la compétitivité et la qualité de la
production communautaire en général et française en particulier.
J'ai signalé qu'il était impératif de prévoir un mécanisme d'intervention
exceptionnelle en cas de crise. J'ai fait part de mon hostilité à la
proposition de révision de l'indemnité compensatoire « thon ».
Enfin, je me suis élevé avec force contre l'instauration de suspensions
tarifaires. J'ai défendu le régime des contingents tarifaires autonomes qui
constituent l'outil pertinent pour adapter les importations aux stricts besoins
du secteur de la transformation. A cet égard, j'ai également demandé que la
Commission présente des bilans d'approvisionnement qui fassent apparaître
clairement l'état des besoins et des disponibilités.
Ces arguments, que j'ai déjà développés à plusieurs reprises, en particulier
au mois de mars dernier, je les réitérerai le 10 juin prochain.
Vous le constatez, il y a une convergence profonde entre la position du
Gouvernement et le contenu de votre proposition de résolution. Je vous confirme
donc explicitement mon approbation de votre démarche, qui ne pourra que m'être
utile dans les négociations à venir.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la résolution de la commission des affaires
économiques et du Plan.
J'en donne lecture :
« Le Sénat,
« Vu les textes E 1203 et E 1230 soumis au Sénat dans le cadre de l'article
88-4 de la Constitution,
« Considérant l'importance de la pêche maritime et des cultures marines sur le
plan économique et social ainsi qu'en termes d'aménagement du territoire ;
« Considérant la situation fragile de nombreuses entreprises de la filière
pêche ;
« Considérant la complémentarité au sein de la filière pêche des secteurs de
la production, de la transformation et de la commercialisation ;
« Considérant l'exigence accrue de qualité pour les produits de la pêche, tant
au stade de la production qu'à celui de la commercialisation ;
« Considérant que la nécessaire adaptation des volets "structures" et "marché"
de la politique commune de la pêche doit s'effectuer dans le respect des
principes communautaires et sans anticiper sur les prochaines négociations
internationales dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce ;
« Invite le Gouvernement :
« 1. Au sujet du texte E 1203 :
« - à veiller au respect du principe de subsidiarité, afin de permettre la
prise en compte des différentes caractéristiques des flottes et des pratiques
de pêche de chaque Etat membre ;
« - à s'opposer catégoriquement aux mesures portant par anticipation sur un
nouveau programme d'orientation pluriannuel tant qu'un bilan du POP IV n'a pas
été établi et à tout transfert implicite de compétences du Conseil à la
Commission dans ce domaine ;
« - à s'opposer aux conditions trop restrictives posées pour le régime de
renouvellement de la flotte et l'attribution des aides publiques qui y sont
associées ;
« - à obtenir un relèvement de 15 à 25 % du taux de financement communautaire,
afin de permettre une modernisation de la flotte ;
« - à obtenir les moyens financiers nécessaires au développement de la filière
aval, notamment pour les actions de qualité mises en oeuvre par les
organisations de producteurs ;
« 2. Au sujet du texte E 1230 :
« - à obtenir que l'organisation des marchés accorde toute sa place à
l'exigence de qualité, tant au stade de la production qu'à celui de la
commercialisation ;
« - à faire en sorte que les aides aux organisations de producteurs initiant
des plans d'amélioration de la qualité soient accrues grâce à une révision des
modalités de calcul de ces aides, une revalorisation de leur montant et un
élargissement du nombre des bénéficiaires ;
« - à veiller, d'une part, au maintien du niveau de l'indemnisation du
retrait-destruction versée aux organisations de producteurs et à obtenir,
d'autre part, la mise en place d'un mécanisme d'intervention exceptionnel en
cas de crise grave ;
« - à s'opposer au remplacement des contingents tarifaires autonomes,
consentis pour une durée déterminée, par des mesures permanentes de suspensions
tarifaires non limitées en quantité ;
« - à obtenir de la Commission européenne qu'elle présente régulièrement, et
pour chaque espèce sensible, des bilans d'approvisionnement faisant clairement
apparaître l'état des besoins et des disponibilités, en vue d'établir des
contingents tarifaires autonomes ;
« - à refuser une baisse trop importante, sans étude préalable, de l'indemnité
compensatoire "thon". »
Par amendement n° 1, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Terrade et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le treizième alinéa de
la résolution, de remplacer le pourcentage : « 25 % » par le pourcentage : « 30
% ».
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Comme j'ai eu l'occasion de le souligner dans la discussion générale, cette
résolution est essentiellement motivée par la volonté de s'opposer à toute
forme de désengagement de l'Europe dans la politique de la pêche maritime, qui
reviendrait à accepter une renationalisation de la politique commune dans ce
secteur.
Ainsi que l'a rappelé M. le rapporteur, Alain Gérard, la Commission de
Bruxelles propose de diminuer de moitié le taux de participation communautaire
aux efforts d'investissement, en faisant passer ce dernier de 30 % à 15 %
seulement.
La commission du Sénat a souhaité, quant à elle, revenir à un taux de 25 %,
admettant ainsi un certain relâchement de la participation des fonds européens
dans la part des investissements de construction de navires.
Pour notre part, nous sommes partisans d'un véritable plan de relance de la
construction avec l'appui des aides communautaires et nationales.
Peut-on, en effet, continuellement sacrifier sur l'autel de la rigueur
budgétaire un secteur d'activité qui continue, malgré tout, d'entretenir les
économies littorales ?
En outre, les efforts des marins-pêcheurs ont été tels, ces dernières années,
que l'on est en droit d'attendre de l'Europe davantage d'ambition, pour une
véritable politique de pêche à la mesure des enjeux économiques et des besoins
des populations.
C'est pourquoi nous demandons, par notre amendement n° 1, une stabilisation -
c'est bien le moins - de la contribution européenne à hauteur de 30 %.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gérard,
rapporteur.
Le niveau actuel du financement communautaire est de 30 %.
La commission a retenu, sur ma proposition, le taux de 25 %, car c'est celui
que défend actuellement le Gouvernement dans la négociation.
Mais si les membres du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent que
ce taux soit maintenu à 30 %, pourquoi pas ? En tout cas, la commission s'en
remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 1.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Notre objectif, dans cette
négociation, est d'obtenir un taux de 25 %, alors que le taux proposé par la
Commission - je vous le rappelle - est de 15 %.
Je dirai amicalement à M. Le Cam que nous aurions tous souhaité, je crois,
maintenir à 30 % le taux de financement communautaire pour les actions
structurelles dans le secteur de la pêche. Toutefois, il faut bien resituer
cette proposition de règlement dans le cadre de la réforme globale des fonds
structurels : le règlement sur les actions structurelles dans le secteur de la
pêche n'est qu'un règlement d'application du règlement global sur les fonds
structurels. Or, le principe de concentration des fonds sur les régions en
retard de développement - c'est ce que l'on appellera désormais l'objectif 1 -
a été acté avec un taux de financement de 35 %. Si nous retenions un taux de
financement de 30 % pour les régions d'objectif 2, comme on nous le propose
dans cet amendement, nous serions alors en contradiction avec ce principe, car
l'écart des taux de financement entre l'objectif 1 et l'objectif 2 ne serait
que de 5 % seulement, et donc très minime.
La proposition française d'un taux de 25 % est déjà, si j'ose dire, limite par
rapport à ce principe puisque l'écart ne serait que de 10 %.
En outre, la proposition d'un taux de 30 % susciterait une très vive
opposition des Etats membres classés en objectif 1 - la Grèce et l'Espagne -
qui peuvent être pour nous des alliés dans cette négociation sur le règlement ;
cette dernière, qui s'annonce déjà très difficile, ne serait alors pas
facilitée !
Je rappelle également que, dans le contexte actuel de maintien des dépenses à
volume constant, il est difficile de prévoir des dépenses croissantes.
Telles sont les raisons qui expliquent ma réserve quant à cet amendement : si
je le comprends sur le fond, le caractère relatif de la négociation, notamment
en ce qui concerne le jeu entre l'objectif 1 et l'objectif 2, ainsi que la
nécessité pour nous d'avoir des alliés m'amènent cependant à y être plutôt
défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Ce qui est frappant dans ce débat, c'est l'unanimité qui s'est dégagée tant
sur les différentes travées de la Haute Assemblée qu'entre celle-ci et le
Gouvernement.
A vous écouter, monsieur le ministre, nous sommes d'accord sur tout !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Cela peut arriver !
M. Jacques Oudin.
Cela peut effectivement arriver, et, dans le cas présent, je m'en réjouis pour
la pêche française, pour les marins pêcheurs, qui, je crois, seront satisfaits,
et pour tout notre littoral. C'est suffisamment rare, même si cela ne l'est pas
tant que cela quand un tel intérêt national est en jeu, pour être souligné.
Cela dit, monsieur le ministre, aurez-vous gain de cause le 10 juin ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Ça...
M. Jacques Oudin.
Tout le problème est là. La France entière est derrière ses marins pêcheurs,
estimant qu'il y a là un intérêt national ; mais comme vous l'avez dit à juste
titre, pour l'emporter ou pour faire admettre notre position, il nous faudra
des alliés. Nous pouvons en effet être battus, comme nous l'avons déjà été sur
des points également importants.
J'en viens au taux de 30 %. On pourrait certes se dire que, s'il y a de moins
en moins de bateaux, ces derniers coûtent cependant de plus en plus cher et que
le maintien du financement communautaire à 30 % paraît donc justifié.
Néanmoins, les arguments de M. le ministre sont quand même convaincants, et
ceux de la commission ne le sont pas moins, M. le rapporteur s'en étant remis à
la sagesse du Sénat. Le groupe du RPR soutiendra le rapporteur, et donc la
position du Gouvernement.
Cela étant dit, monsieur le ministre, j'insisterai tout de même sur les
résultats du conseil européen du 10 juin prochain : si vous n'obtenez pas
satisfaction sur les points essentiels que nous avons évoqués et sur lesquels
nous sommes d'accord, ce sera non seulement une immense déception pour toute la
pêche française, mais surtout un camouflet pour la France.
Cette date du 10 juin, précédant de trois jours les élections européennes,
constitue un enjeu majeur qui devrait tout de même entrer en ligne de compte.
Je souhaite simplement que les intérêts de la France soient préservés en
matière de pêche ; nous comptons sur vous à cet égard, monsieur le ministre.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 2, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Terrade et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le
dix-septième alinéa de la résolution, un alinéa ainsi rédigé :
« - à obtenir la limitation de la pêche minotière afin de préserver la
ressource halieutique ; ».
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Par cet amendement, nous souhaitons reprendre une idée qui figure dans la
proposition de résolution de notre collègue Jacques Oudin.
Il s'agit d'obtenir, au niveau communautaire, une limitation de la pêche
minotière qui concerne essentiellement les pays du nord de l'Europe, notamment
la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et le Danemark.
Ce type de pêche ne fait l'objet d'aucune restriction et constitue la pire
menace pour les pêcheurs traditionnels qui, eux, doivent se soumettre à une
réglementation communautaire particulièrement pointilleuse.
Il convient de préciser que les pêches minotières représentent plus du quart
du tonnage des poissons capturés dans le monde.
Non seulement les pêches minotières ont pour effet de raréfier les ressources
halieutiques, mais elles bouleversent à plus long terme le cycle de
reproduction des espèces et condamnent ainsi, pour les prochaines années, les
activités traditionnelles destinées à l'alimentation humaine.
L'absence de réglementation stricte dans ce domaine est source de tensions
futures entre les entreprises de pêche qui devront rechercher plus loin et plus
profondément des ressources halieutiques supplémentaires dont l'existence est
incertaine.
La pratique de cette pêche, aux mains de quelques groupes hégémoniques, ne
contribue pas à la meilleure gestion des ressources que souhaite pourtant
promouvoir la Commission de Bruxelles.
Aussi, nous demandons au Gouvernement français d'agir auprès des pays
directement concernés afin de mettre en oeuvre, à défaut d'une interdiction,
une limitation des pêches minotières.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gérard,
rapporteur.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention les arguments tant de
M. Oudin que de M. Le Cam, et je suis tout à fait d'accord sur le fond.
J'émettrai néanmoins, au nom de la commission, un avis défavorable sur
l'amendement n° 2.
La France ne pratique pas la pêche minotière, comme chacun le sait. Mais cet
amendement soulève trois difficultés majeures.
En premier lieu, la pêche minotière concerne le volet « ressources » de la
politique commune de la pêche. Or, les projets de règlements communautaires qui
vous sont soumis concernent les volets « marché » et « structures ». Le volet «
ressources » fera l'objet d'une modification en 2002, lors de la réforme
globale de la politique commune de la pêche.
En deuxième lieu, la Commission européenne cherche déjà à insérer
systématiquement dans tous les textes communautaires relatifs à la pêche, même
et surtout dans ceux qui n'ont rien à voir avec le volet « ressources », des
considérations propres à la gestion durable de la ressource. Il ne me paraît
guère opportun que le Sénat, à son tour, entre dans cette logique infernale de
confusion des textes et de leurs objectifs. Evoquer la pêche minotière dans ces
deux textes ayant trait à la politique structurelle et à l'organisation commune
des marchés conduirait à entrer dans cette démarche que la commission condamne
bien évidemment.
En troisième lieu, insérer un tel alinéa dans cette résolution comporterait
des risques graves sur le plan des négociations entre les Etats membres.
En effet, en évoquant explicitement la limitation de la pêche minotière, la
France risque de se voir entraînée sur un terrain dangereux qu'il lui sera
difficile de maîtriser. Ainsi, après les filets maillants dérivants, nos
partenaires pourraient évoquer les filets pélagiques que nombre de nos pêcheurs
de l'Atlantique utilisent. Nous n'avons donc aujourd'hui aucun intérêt, à mon
sens, à ouvrir ce débat, du moins durant l'examen de ces projets de
règlement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur Oudin, je me réjouis
que, lors des prochaines négociations, ma proposition soit confortée par
l'unanimité de la représentation nationale.
Par ailleurs, vous avez eu raison aussi d'insister sur le calendrier : j'avais
noté comme vous que le 10 juin précédait de trois jours le 13 !
(Sourires.)
M. Jacques Oudin.
C'est bien !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Sans avoir une très grande
expérience des négociations européennes, je ne suis pas sûr que cette date du
10 juin soit très propice à une décision définitive, si vous voyez ce que je
veux dire.
J'en viens à l'amendement n° 2. Tout ce que dit M. Le Cam est vrai. Cela me
pousse à approuver sa démarche : il faut limiter la pêche minotière. Cela va
d'ailleurs dans le sens des positions que le Gouvernement français a déjà
prises depuis longtemps et qu'il adopte systématiquement dans les discussions
européennes.
En même temps, tout ce qu'a dit M. le rapporteur est exact aussi : la pêche
minotière relève effectivement plutôt du règlement « ressources » que du
règlement portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits
de la pêche et de l'aquaculture ou du règlement définissant les modalités et
conditions des actions structurelles dans le secteur de la pêche.
Dans ces conditions, je m'en remets à la sagesse du Sénat. Après tout, c'est
une résolution, et le Sénat peut très bien décider d'y inscrire cette
disposition. Cela ne me gênerait aucunement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
La délégation du Sénat pour l'Union européenne, dans son projet de résolution,
avait évoqué la pêche minotière.
Comme l'a souligné M. le ministre, les arguments exposés par notre collègue
Gérard Le Cam sont parfaitement pertinents : relevons que la pêche minotière
représente 25 % de la pêche, que les excès sont évidents et que le débat à ce
sujet dure depuis des années. Certains pays s'étaient engagés à supprimer cette
pêche minotière mais n'en ont rien fait. Systématiquement, les décisions sont
reportées.
Mais comme l'a souligné M. le ministre, les arguments de la commission sont
tout à fait exacts.
Dans ces conditions, que faire ? Faut-il passer sous silence le problème, dire
qu'on le traitera plus tard ? Cela me paraît un peu difficile alors que la
Commission nous impose des restrictions des moyens de pêche ; si cela n'est pas
dit explicitement, cela découle de la volonté de réduire les capacités de
capture. Par conséquent, la pêche artisanale, relativement modeste, serait très
bridée, et la pêche minotière continuerait à vagabonder sur les flots en
prélevant des milliers et des milliers de tonnes de poisson. Quelque chose,
dans cette affaire, choque donc le raisonnement !
Par conséquent, n'existerait-il pas une voie médiane consistant à demander que
soient étudiées en priorité les problèmes liés à la limitation ?
On pourrait même aller plus avant et demander la limitation de la pêche
minotière sur la base d'études scientifiques précises. La situation serait
alors directement inverse à celle qui a prévalu pour les filets maillants
dérivants : les études scientifiques montrant qu'ils n'avaient aucun impact, la
Commission a décidé de les supprimer.
Je souhaite donc, monsieur le président, sous-amender l'amendement n° 2 et
remplacer le mot « obtenir » par les mots : « demander que soit étudiée sur la
base d'études scientifiques ».
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 4, présenté par M. Oudin, et
tendant, dans l'amendement n° 2, à remplacer le mot : « obtenir » par les mots
: « demander que soit étudiée sur la base d'études scientifiques ».
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Alain Gérard,
rapporteur.
Je regrette que l'amendement n° 2 fasse l'objet d'un tel
débat, car la résolution est claire sur ce point. Ne risquons-nous pas d'entrer
dans le jeu de la Commission et de mélanger les genres ?
La sagesse me paraît être de considérer que cette discussion pourra avoir lieu
au moment opportun, lorsque seront étudiés les problèmes liés à la ressource.
Nous aurons ainsi clairement dit les choses et notre argumentaire aura plus de
force s'il se limite aux termes de la résolution telle qu'elle a été rédigée
par la commission.
Personnellement, je regrette l'orientation qui est ainsi prise et je suis
contre le sous-amendement n° 4.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je m'en tiens à ma position :
sagesse !
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 4.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Par solidarité avec la commission et avec mon ami M. Gérard, je retire mon
sous-amendement, monsieur le président.
M. le président.
Le sous-amendement n° 4 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par
assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président.
Par amendement n° 3, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Terrade et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le dix-neuvième
alinéa de la résolution, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - à favoriser l'harmonisation des conditions de travail des marins-pêcheurs
au niveau communautaire et l'égalisation des régimes sociaux sur le régime le
plus élevé ; ».
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Il s'agit d'inviter le Gouvernement à favoriser, au niveau européen, une
harmonisation des conditions de travail des marins-pêcheurs afin d'éviter des
distorsions de concurrence entre les navires de pêche qui travaillent dans les
mêmes eaux.
En outre, compte tenu de la libre circulation des produits de la mer à travers
l'Europe, il apparaît nécessaire d'homogénéiser par le haut les législations
sociales sur différents aspects : le temps de travail, le repos à terre et en
mer, la durée des congés, etc.
De même, conformément à l'article 117 du traité de Rome, selon lequel « les
Etats membres conviennent de la nécessité de promouvoir l'amélioration des
conditions de vie et de travail de la main-d'oeuvre permettant leur égalisation
dans le progrès », il est nécessaire d'harmoniser les régimes sociaux au niveau
du régime le plus élevé.
La loi d'orientation sur la pêche et les cultures marines a apporté des
garanties sociales importantes pour les marins-pêcheurs. Elles ne trouveront
leur pleine efficacité qu'en incitant nos partenaires européens à faire
respecter un certain nombre de normes sociales, pour assurer un niveau de vie
suffisant et une sécurité de travail pour tous les pêcheurs.
A cette fin, nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gérard,
rapporteur.
Je voudrais d'abord remercier M. Oudin de la position qu'il a
adoptée et lui confirmer que son message sur la pêche minotière a été
parfaitement entendu. Nous aurons certainement, dans le cadre de la discussion
sur la ressource, qui ne manquera pas d'intervenir, l'occasion d'apporter une
attention toute particulière sur ce point.
Par ailleurs, si je suis, bien sûr, favorable à l'esprit de l'amendement n° 3,
il ne me paraît pas, néanmoins, très sérieux d'insérer, au milieu d'une
résolution relative à l'organisation commune des marchés dans le secteur des
produits de la pêche, un tel alinéa, qui ne pourrait qu'affaiblir la pertinence
de notre argumentation.
En conséquence, la commission ne peut qu'être défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je ne partage pas l'avis de M.
le rapporteur et les fondements de l'argumentation de M. Le Cam me paraissent
très pertinents : cette disposition trouverait bien sa place dans une
résolution de ce type.
Je suis donc plutôt favorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par la commission et accepté par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la résolution, ainsi modifiée.
(La résolution est adoptée.)
M. le président.
En application de l'article 73
bis
, alinéa 11, du règlement, la
résolution que le Sénat vient d'adopter sera transmise au Gouvernement et à
l'Assemblée nationale.
3
POLITIQUE DE L'UNION EUROPÉENNE
EN MATIÈRE D'AIDE AU DÉVELOPPEMENT
Discussion d'une question orale avec débat
portant sur un sujet européen
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat, portant
sur un sujet européen, suivante :
M. Serge Lagauche interroge M. le ministre délégué à la coopération et à la
francophonie sur ce que doivent être, pour le xxie siècle, le rôle et les
objectifs d'une politique de l'Union européenne en matière d'aide au
développement.
Il lui demande comment les principes énoncés dans le traité de l'Union
européenne, à savoir le développement et la consolidation de la démocratie, le
développement économique et social, l'insertion des pays en développement dans
l'économie internationale et la lutte contre la pauvreté à l'échelle mondiale,
sont mis en oeuvre à travers cette politique.
Il lui demande quelles initiatives peuvent être envisagées pour renforcer
l'engagement de l'Union européenne au bénéfice du développement des pays les
plus pauvres.
La parole est à M. Lagauche, auteur de la question.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'aide au
développement recouvre un champ d'intervention très large pour l'Union
européenne, puisque les financements communautaires représentent le quart de
l'aide multilatérale au développement et se placent juste après la contribution
de l'Agence internationale pour le développement.
Aussi ma question portera-t-elle essentiellement sur la coopération entre
l'Union européenne et les soixante et onze pays d'Afrique, des Caraïbes et du
Pacifique, dits pays ACP, investis dans la convention de Lomé.
La raison en est simple : même si, depuis quelques années, la coopération avec
les pays d'Asie, d'Amérique latine, ou, plus encore, avec les pays
méditerranéens connaît une forte croissance, Lomé reste un cadre unique de
partenariat négocié et prévisible qu'il nous faut à tout prix moderniser face
aux nouvelles exigences du contexte économique mondial.
Cela conduit, d'ailleurs, à s'interroger sur la manière de concevoir Lomé V,
alors même que l'aide européenne se diversifie et doit répondre à un devoir de
solidarité envers d'autres régions du monde.
C'est un des éléments de réflexion soulevés par la renégociation de la
convention de Lomé, engagée depuis septembre 1998 et qui doit tenir compte du
nouveau cycle de négociation au sein de l'Organisation mondiale du commerce,
dont l'enjeu réside dans la définition d'un partenariat rénové, tirant toutes
les conséquences du bilan contrasté des conventions passées.
Quelles orientations devons-nous retenir pour un partenariat rénové ?
L'originalité de Lomé tient dans le lien, affirmé dès le début, entre aide et
commerce. Mais une trop grande importance a été accordée aux matières
premières, alors que le potentiel de développement fondé sur la seule
production et la seule vente de produits de base est limité.
Hormis pour la seule île Maurice, qui s'est diversifiée dans le textile, la
convention n'a pas constitué un levier de développement des activités de
transformation. De ce fait, la part des pays ACP dans le commerce mondial reste
inférieure à 1/10 000. La diversification des économies ACP devient une
nécessité.
L'environnement économique est bien différent de celui des années 1970 et des
premières conventions. Depuis le début de notre décennie, les flux de capitaux
privés ont explosé : désormais, le décollage d'un pays dépend, en grande
partie, de sa capacité à attirer les investissements.
Si la coopération centrée sur les Etats et les grandes entreprises a contribué
à la croissance des pays ACP, elle n'a pas permis de faire baisser de manière
significative la pauvreté. L'aide touche, au mieux, 10 % à 15 % de la
population. Aussi l'effort doit-il porter sur les PME, sur les très petites
entreprises des secteurs porteurs de développement et sur les micro-projets à
caractère social. Pourquoi ne pas généraliser un système de micro-crédit adapté
aux économies locales et aux besoins réels des populations. ?
L'objectif, aujourd'hui, ne doit-il pas être d'aider les Etats à développer un
environnement favorable à l'initiative privée et à une meilleure implication de
la société civile ? Peut-être devrons-nous nous orienter vers des programmes de
développement nationaux et non plus gouvernementaux, en concertation avec la
population civile ?
Mais pour cela, la formation des associations, des syndicats et des
représentants du secteur privé aux stratégies de développement doit être
renforcée, de même que l'information des populations sur leurs droits et sur
l'accessibilité aux instruments d'aide.
De même, les modalités de l'aide technique et de l'intervention des ONG ne
doivent-elles pas être repensées, pour instaurer un véritable dialogue entre
tous les partenaires des projets de développement ?
L'accent doit porter également sur le renforcement des services et des
infrastructures sociales de base, tout particulièrement des secteurs de la
santé et de l'éducation, afin de généraliser leur accès pour la population.
Il faut axer notre réflexion sur les conditions d'émergence d'un partenariat
rénové confortant la place de la contractualisation, afin de sortir de la
relation donateurs-bénéficiaires, génératrice d'une trop forte dépendance. Le
souci de l'efficacité doit prévaloir sur les nouvelles orientations de la
convention.
La paix et la sécurité sont les conditions
sine qua non
du succès de la
coopération. Or vingt des trente pays les plus pauvres connaissent des conflits
armés. La Commission européenne a donc proposé, le 19 mai dernier, de revoir sa
coopération avec les pays ACP impliqués dans des conflits armés et de définir
les circonstances précises dans lesquelles des mesures concrètes, comme le gel
de la coopération ou la suppression de l'aide au développement, devraient être
appliquées en réaction au déclenchement des hostilités.
Mais l'Europe ne doit-elle pas agir en amont etparticiper à la prévision des
crises, par exemple au travers de la création d'observatoires régionaux des
tensions, comme le préconisait M. Rocard dans un rapport au Parlement européen
en mars 1998 ?
Le volet politique de notre coopération avec les pays ACP ne se limite pas à
l'exigence de paix. Au contraire, l'exigence du respect des droits de l'homme
et des principes démocratiques fait partie intégrante de Lomé IV.
Ce volet politique doit répondre aussi au principe de responsabilisation :
l'Europe ne doit pas imposer ses propres valeurs de bonne gouvernance issues de
deux siècles de tradition démocratique, mais les pays ACP doivent pouvoir les
définir eux-mêmes.
Dans un souci d'efficacité accrue, la question de la conditionnalité de
l'aide, notamment en fonction des résultats, peut se poser, et donc
a
fortiori
celle des modalités de l'évaluation des résultats.
Assurément, il n'y a pas de progression parallèle des différents pays vers le
développement. Dans ce cas, ne conviendrait-il pas d'encourager et de relayer
les expériences porteuses, voire de miser davantage sur les pays engagés dans
une réelle stratégie industrielle, comme les pays à revenus intermédiaires, en
modulant la répartition des fonds si ces expériences peuvent servir de «
locomotive » pour les pays voisins ?
Outre les modalités mêmes d'instauration d'un partenariat rénové, l'enjeu
central de la nouvelle convention de Lomé réside dans l'actualisation du lien
commerce-développement et dans une réelle insertion des pays ACP dans une
économie mondiale plus solidaire.
Quels peuvent être, alors, les axes d'une politique de coopération commerciale
efficace ?
Le poids de la dette est un facteur aggravant de la situation des pays les
moins favorisés. L'endettement des pays les plus pauvres représente, en
moyenne, 4,5 fois la valeur annuelle de leurs exportations, alors que le ratio
moyen est inférieur à 2 pour l'ensemble du monde en développement. L'allégement
de leur dette n'est pas une solution, et son remboursement n'a plus de sens.
Prenons le cas du Mozambique : il consacre quatre fois plus de ressources au
service de la dette qu'aux dépenses de santé, alors même que plus de la moitié
de la population n'a pas accès à l'eau potable et que 190 000 enfants de moins
de cinq ans meurent chaque année.
L'annulation de la dette des pays les plus pauvres n'est même pas une question
de développement, c'est une question de survie. Seuls une croissance
démographique maîtrisée, un régime démocratique et le passage d'une production
primaire à une production industrielle sophistiquée peuvent autoriser un réel
développement à long terme.
A ce titre, il convient de saluer la proposition que défendra, au prochain G 8
à Cologne, en juin, notre ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie, d'annuler pour trente ans le service de la dette des pays en voie
de développement.
En contrepartie, les sommes dégagées devront servir au développement, à
l'éducation et à une gestion publique transparente et rigoureuse.
Il est primordial que l'argent de la dette soit transféré directement au
bénéfice des populations, par exemple au travers de projets locaux, en
association avec les ONG.
Concernant le domaine commercial, la nouvelle convention devra mettre l'accent
sur le renforcement de la coopération sud-sud, ce qui contribuera à restreindre
la situation de dépendance des pays ACP à l'égard de leurs bailleurs de fonds.
L'île Maurice s'est déjà engagée dans cette voie envers Madagascar et le
Mozambique.
Il s'agit de promouvoir parallèlement la constitution de marchés intérieurs
porteurs d'avenir, dans un contexte économique où la taille des marchés
conditionne les investissements étrangers.
Dans cette perspective, le renforcement de l'intégration régionale pourrait
devenir la pierre angulaire du lien entre commerce et développement promu par
Lomé. C'est ce qu'a préconisé Dominique Bocquet dans son rapport remis au
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
A terme, une réelle participation des pays ACP à l'économie mondiale passe par
la constitution de zones de libre-échange reconnaissant la spécificité des pays
ACP. L'intégration régionale et la constitution de véritables unions douanières
en sont les préalables.
Or, l'Union européenne aurait un rôle essentiel à jouer, au sein des bailleurs
de fonds, puisque sa compétence en matière d'intégration ne peut être mise en
cause.
Quant au système de préférences commerciales de Lomé, il est de plus en plus
remis en cause, et la question de son incompatibilité avec la perspective de
libéralisation du commerce reste en suspens. Nous l'avons bien vu, tout
dernièrement, avec ce qu'il convient d'appeler le conflit de la banane. De
plus, on assiste à une baisse du rôle des barrières tarifaires et à une
évolution vers des barrières non tarifaires, comme la normalisation. Comment,
alors, préparer, avec la zone ACP, la transition ?
La nouvelle convention de Lomé devra aboutir à une définition partagée d'une
véritable stratégie d'intégration des pays ACP dans l'économie mondiale,
suffisamment progressive pour être équitable et solidaire, sachant qu'il ne
doit pas y avoir de modèle de développement unique et imposé. Le modèle
d'avenir des pays en développement ne doit pas et ne peut pas être la culture
de consommation à l'américaine.
Sur ce point, l'Union européenne a les moyens de tenir un rôle moteur, contre
les risques de l'ultra-libéralisme et en faveur de l'instauration de normes
sociales internationales indispensables à un progrès social partagé. L'octroi
d'avantages concrets aux pays qui respectent les normes sociales fondamentales
est une pratique courante du système de préférences généralisées mis en place
par l'Union européenne. Nous devrons nous attacher à ce que ce principe
devienne une norme dans les instances internationales.
Si l'aide communautaire au développement représente un élément consubstantiel
de la construction et de l'identité européenne, elle souffre d'un manque
d'identification et de spécificité par rapport à celle des autres bailleurs de
fonds.
L'Union européenne doit saisir l'occasion de la renégociation de la convention
de Lomé pour peser dans la définition d'une politique de développement, de
normes sociales et de solidarité dans le commerce international, et en
particulier, au sein de l'OMC, lors du round du millénaire.
Ce rôle moteur lui est déjà reconnu par les pays de l'ACP, qui voient, avec
l'instauration de la monnaie unique, l'Union européenne comme un partenaire
pouvant rivaliser avec les autres grandes puissances économiques et défendre
ses intérêts économiques et politiques propres sur la scène internationale.
Un premier pas a été franchi dans ce sens, le 10 mai dernier, lors de la
réunion informelle des Quinze pour la préparation des négociations du
millénaire de l'OMC, avec la volonté d'inscrire à l'agenda de ces négociations
le débat sur les liens du commerce avec la protection de l'environnement et des
normes sociales universelles.
M. le président.
La parole est à M. le président de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne.
M. Michel Barnier,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule à mon
propos, je veux dire combien notre délégation tient à la discussion de ces
questions européennes et à la régularité de leur inscription en séance
publique.
A cet égard, je remercie la conférence des présidents, dont vous faites
partie, monsieur le président, de son attention et de sa vigilance pour que, de
temps en temps, trois fois par an - ce n'est pas considérable, s'agissant de
l'Europe ! - nous puissions faire le point avec le Gouvernement sur un sujet
particulier.
Je me félicite, par ailleurs, que, pour la première fois, la minorité du Sénat
ait pu être invitée à déposer, elle aussi, ainsi que je l'avais souhaité, une
question.
Enfin, je remercie notre collègue M. Lagauche d'avoir choisi, avec son groupe,
un sujet réellement important, un sujet dont on parle assez peu lorsqu'on
évoque l'Europe, alors qu'il mobilise pourtant beaucoup d'énergie, de
l'enthousiasme, souvent, et, en tout cas, beaucoup d'argent.
Nous avons là, avec l'aide au développement, à mener une véritable réflexion,
au sens philosophique du terme, sur un sujet que nous abordons, me semble-t-il,
trop rarement dans nos assemblées parlementaires.
On ne peut, pourtant, accuser la France d'être indifférente au sort des pays
les plus déshérités puisqu'elle est le deuxième contributeur mondial pour la
coopération et l'aide au développement.
La même volonté anime l'Union et ses Etats membres : en 1997, ils ont engagé
ensemble, soit au titre de l'aide européenne gérée par la Commission et la
Banque européenne d'investissement, la BEI, soit au titre des programmes
d'assistance bilatérale, 24 milliards d'euros environ pour promouvoir le
développement de ces pays. Cet effort représente bien plus de la moitié de
l'aide publique mondiale reçue par les pays bénéficiaires, contre 13 % environ
pour les Etats-Unis et 19 % pour le Japon.
L'aide européenne en matière de coopération au développement prend de
multiples formes, qui dépassent largement le simple versement de soutiens
financiers. Je citerai notamment l'assistance humanitaire, menée par l'office
européen d'aide humanitaire, l'ECHO, et l'aide alimentaire, pour laquelle une
nouvelle convention prévoit un objectif annuel de fourniture minimale de 10
millions de tonnes de céréales.
Cette aide, on la trouve aussi dans le système des préférences tarifaires
généralisées, qui accorde aux pays en voie de développement l'accès au marché
européen sans droits de douane.
On la voit encore dans le cofinancement de projets multiples ou dans les
opérations de coopération décentralisées conduites dans ces pays démunis, et
dont je dirai tout à l'heure, en conclusion, un mot particulier.
Enfin, les initiatives prennent la forme d'accords régionaux dans toutes les
régions du globe : Méditerranée et Moyen-Orient, Asie et Amérique latine, pays
d'Europe centrale, nouveaux Etats indépendants et, surtout, pays de la zone
ACP.
Voilà vingt-cinq ans que les relations de partenariat entre l'Union et les
pays ACP sont régies par la convention de Lomé, dont M. Lagauche vient de
parler. Depuis le 1er juin 1998, date de l'adhésion de l'Afrique du Sud,
soixante et onze pays en développement sont membres de cette convention.
C'est sur ce point, si vous me le permettez, monsieur le ministre, que
j'aimerais centrer mon propos, d'abord parce que cet accord mobilise plus de la
moitié des fonds européens consacrés à l'aide au développement et qu'il peut
légitimement constituer un modèle de référence pour les opérations de
coopération, ensuite parce que le volet IV de cette convention doit expirer en
février 2000 et que sa renégociation, qui est déjà engagée, sera difficile.
Cette échéance prochaine constitue une occasion de réfléchir ensemble à ce que
doivent être, demain, les relations entre l'Europe et les pays ACP. Le contexte
de 1975, qui avait présidé à l'élaboration de la première convention de Lomé, a
subi des bouleversements dans le monde entier, et d'une ampleur telle qu'un
renouvellement du cadre s'impose pour poursuivre le partenariat.
Je citerai notamment la situation géostratégique, qui s'est trouvée
profondément modifiée par l'effondrement du bloc soviétique, la globalisation
de l'économie et la révolution technologique et informatique, qui ont accru les
écarts de développement et qui risquent d'exlure de l'évolution mondiale les
pays les plus pauvres, l'accroissement de la population et le renforcement de
situations d'extrême pauvreté, à l'origine de conséquences tragiques en termes
de détresse humaine, d'instabilité politique, de conflits potentiels et de
trafics en tout genre.
Pour tous ces motifs, nous sommes conscients de l'importance qu'il y a à
poursuivre l'aide publique au développement et à ne pas céder à la tentation de
remettre en cause sa légitimité au vu des résultats des actions passées.
Le Conseil développement, qui s'est précisément tenu la semaine dernière -
vous nous en direz peut-être un mot tout à l'heure, monsieur le ministre - a
été l'occasion d'entamer un exercice d'évaluation sur l'efficacité de
l'ensemble des programmes.
Si le bilan reste mitigé dans certaines zones, notamment en Méditerranée, ce
qui préoccupe réellement le Sénat, il n'est pas négligeable pour ce qui
concerne les régions ACP.
Ce souci de renforcer notre solidarité vis-à-vis des plus pauvres recueille
d'ailleurs un large soutien des citoyens européen.
La même volonté a été affichée par les Etats membres lorsque le Conseil a
donné mandat à la Commission, à la fin du mois de juin 1998, de procéder à
l'ouverture des négociations avec les pays ACP.
Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, l'état d'avancement de
cette négociation depuis son ouverture à Bruxelles, en septembre 1998, et la
tenue du sommet de Dakar de février dernier ?
Nous avions pris connaissance des propositions initiales de la Commission,
notamment à travers le
Livre vert sur l'avenir des relations UE-ACP,
qu'elle a récemment publié. Elles s'articulent autour de trois axes : le
dialogue politique, la coopération économique et commerciale, et l'appui au
développement. Cette démarche globale, qui n'est pas sans rappeler, d'ailleurs,
celle qui a été conduite dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen,
affiche, me semble-t-il, une cohérence convaincante.
Je suis, pour ma part, favorable à l'établissement d'un cadre commun à tous
les pays ACP, permettant le développement de solidarités entre eux, mais je
souhaite également que l'on puisse tenir compte des spécificités de chacun afin
de pouvoir faire, chaque fois que cela est nécessaire, du « sur mesure » pour
accroître l'efficacité du dispositif d'ensemble.
Nous sommes, par ailleurs, soucieux que l'objectif d'organiser le dialogue
politique ne conduise pas à une certaine déresponsabilisation de nos
partenaires. Il me paraît nécessaire de respecter la démarche politique de
chacun, dans le cadre, bien sûr, d'un corpus commun incluant la protection des
droits de l'homme - le droit à un environnement le plus sain possible en fait
partie - l'affirmation de l'Etat de droit et la sainte gestion des affaires
publiques.
Le second volet, relatif aux aspects commerciaux, n'est pas davantage exempt
d'interrogations.
Jusqu'à présent, la coopération commerciale se limitait - ce n'était pas
négligeable, j'en conviens - à l'instauration d'un régime préférentiel. Je
crois savoir que l'objet des négociations actuelles est d'aller au-delà et de
créer un environnement positif pour l'ensemble des domaines liés aux
échanges.
Si je souscris à cette volonté, je m'inquiète d'observer que les flux
d'investissements privés dans la zone ACP sont quasi nuls. Or, il s'agit là
d'une indication fiable du potentiel de développement.
Comment peut-on, monsieur le ministre, donner à ces parties déshéritées du
monde la crédibilité nécessaire pour qu'elles deviennent attractives pour
l'investissement privé ? Soyez assuré que nous mesurons la difficulté de cette
entreprise. Nous la rencontrons également - c'est une autre préoccupation du
Sénat - dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen.
Par ailleurs, je ne voudrais pas que l'on sous-estime le temps qui sera
nécessaire au « décollage » de ces économies souvent sinistrées.
Nous avons lu que la Commission envisageait une libéralisation progressive des
échanges à partir de 2005 et l'instauration de zones régionales de
libre-échange à partir de 2015.
Appuyer le développement régional est une chose excellente pour accompagner
l'intégration de ces pays dans l'économie mondiale ; rappeler que
l'instauration d'un système dérogatoire en matière d'échanges n'est qu'une
phase intermédiaire et non un but en soi me paraît également la bonne manière
de responsabiliser nos partenaires ; mais je reste assez dubitatif, pour ne pas
dire inquiet, sur la durée des délais affichés, qui ne me semble pas tenir
compte de la situation d'extrême fragilité des économies concernées.
J'ai notamment en tête l'exemple d'un des quatre pays les plus pauvres du
monde, Haïti, que je connais bien pour y soutenir une coopération. Si l'on
ouvre toutes les portes de ce pays misérable, son économie, déjà extrêmement
fragile, ne le supportera pas.
Quel est, sur ce sujet, le sentiment du Gouvernement, s'agissant notamment du
calendrier proposé ?
Enfin, je ne voudrais pas achever ce rapide panorama sans aborder certains
aspects financiers.
Trois points me semblent devoir être clarifiés.
Premièrement, comment envisage-t-on de traiter le problème récurrent de la
dette des pays pauvres, que M. Lagauche a bien fait d'évoquer ?
Deuxièmement, que doit-il advenir des systèmes Stabex, système de
stabilisation des recettes d'exportation, et Sysmin, qui, jusqu'à présent,
préservent les pays ACP contre une chute des recettes d'exportation des
produits de base, et auxquels ils sont, vous le savez, très attachés ?
La Commission propose de substituer à ces mécanismes un nouveau dispositif.
Qu'en est-il exactement, monsieur le ministre, et quelle est la position du
Gouvernement français à cet égard ?
Troisièmement, quelle doit être la nature des aides communautaires ? Faut-il
financer des projets ou apporter des contributions aux budgets nationaux ? Quel
contrôle peut-on exercer sur le bon usage des fonds versés ? Comment
responsabiliser les bénéficiaires des dotations européennes tout en
garantissant à l'argent public européen la meilleure efficacité ?
Si je puis exprimer un sentiment personnel, je crois que, parmi les nombreux
objectifs de la coopération en matière de développement, la priorité doit être
accordée à la lutte contre la pauvreté, à celle qui fait écrire aux sociologues
que la véritable détresse, aujourd'hui, est celle de la femme d'Afrique
subsaharienne. L'ampleur des problèmes justifie qu'on appréhende cette pauvreté
sous tous ses aspects - économiques et sociaux - sous l'angle de la santé, de
l'environnement, de l'éducation et de la formation.
Quels sont les moyens envisagés, monsieur le ministre, pour éviter - chez nous
en France mais aussi à travers le budget européen - une dispersion trop grande
de l'aide européenne qui conduirait à une sorte de saupoudrage sans efficacité
des deniers publics distribués ? Ne faudrait-il pas envisager une meilleure
articulation des rôles entre l'action communautaire et l'intervention
bilatérale pour valoriser les crédits disponibles ?
Je voudrais, monsieur le ministre, avant de conclure, aborder deux sujets qui
m'ont toujours préoccupé.
Le premier est une idée que j'ai déjà évoquée en commission des affaires
étrangères, devant le ministre de la défense et devant le ministre des affaires
étrangères, et dont je voudrais vous faire part.
Je crois que, sous l'impulsion de la France, l'Union européenne devrait se
doter d'une force permanente d'intervention humanitaire, et non pas improvisée,
comme on a encore pu le voir au début de la guerre du Kosovo pour accueillir
les réfugiés au Monténégro, en Macédoine ou en Albanie.
J'ai déjà constaté cette forme d'intervention un peu dispersée, désordonnée,
chacun de son côté, au lieu d'agir ensemble, par exemple lors de catastrophes
naturelles ou d'inondations en Amérique centrale, ou pour lutter contre les
famines en Afrique.
En concertation avec les organisations non gouvernementales, dont c'est la
mission, mais avec l'appui de crédits publics, et peut-être de forces
militaires spécialisées et affectées à cet objectif, je pense que l'Union
européenne devrait se doter d'une force permanente d'intervention humanitaire
mixte - civile et militaire - pour répondre plus rapidement et plus
efficacement, et surtout ensemble, à toute demande.
Ce n'est ni l'argent ni la bonne volonté qui manquent, nous le savons bien,
dans chacun de nos Etats ; nous fait défaut une réponse politiquement lisible,
qui serait celle de l'Union européenne, en cas de catastrophe humanitaire ou
naturelle.
Sur ce premier sujet, monsieur le ministre, je resterai mobilisé.
Le second sujet - je voudrais vous faire une suggestion, comme je l'ai faite,
par un courrier récent, au ministre des affaires étrangères et au ministre
chargé des affaires européennes - concerne l'Europe au sens large, au-delà de
l'Union, la Grande Europe.
Je pense que le Gouvernement français - je sais que vous y êtes
particulièrement attentif - devrait davantage mobiliser, mettre en perspective
les différentes initiatives de coopération décentralisée et mieux en tenir
compte.
J'ai récemment suggéré, s'agissant de l'Europe, que nos ambassadeurs dans ces
pays soient invités par le Gouvernement à réunir tous les ans, ou tous les deux
ans, les responsables de collectivités locales françaises - régions,
départements ou communes - qui mènent des actions de coopération décentralisée
dans les pays où ils représentent la France.
Pour avoir visité nombre de ces pays européens, je me suis aperçu que des
collectivités, - des régions, des départements et des communes - conduisent des
coopérations décentralisées depuis plusieurs années, investissent des sommes
importantes, beaucoup d'énergie et entreprennent de nombreuses expertises, mais
que chacun agit dans son coin, et que l'ambassade sur place connaît à peine la
liste précise des collectivités coopérant sur le territoire du pays où elle est
chargée de représenter les intérêts français.
Au fond, il y aurait un grand intérêt pour vous, monsieur le ministre, sans
pour autant intégrer tout le monde dans le même moule, à regrouper tous ces
efforts, à les mettre en perspective, à donner un effet de levier collectif à
ces initiatives.
Ma suggestion serait que, s'agissant des pays en développement, vous preniez,
vous aussi, l'initiative d'inviter nos ambassadeurs à réunir une fois par an ou
une fois tout les deux ans les présidents des collectivités qui agissent sur le
terrain.
Voilà, monsieur le ministre, quelques-unes des préoccupations qui sont les
nôtres et les miennes pour une négociation, celle de Lomé, à laquelle nous
attachons la plus grande importance et dont nous souhaitons qu'elle puisse
aboutir, sous votre impulsion, dans les meilleurs délais.
Pour finir, je saluerai le travail effectué par notre collègue député, Yves
Tavernier, qui vient de rendre public le rapport consacré à la coopération
française au développement, établi à la demande du Premier ministre. Je
souscris à l'une de ses propositions tendant à demander l'organisation d'un
débat annuel au Parlement sur ces questions qui nous tiennent à coeur, comme en
témoigne l'inscription de cette question orale européenne à l'ordre du jour des
débats du Sénat.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qui aider,
de quelle manière et à quelles conditions ? Cette problématique est
particulièrement complexe car les acteurs sont multiples et les intérêts
parfois divergents.
Abordons tout d'abord la question de la destination géographique de l'aide :
qui l'Europe doit-elle aider en priorité ?
Au cours de ces dernières années, la part des financements accordés aux pays
d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique a diminué régulièrement au sein de
l'enveloppe globale des concours extérieurs européens. Le Sud est aujourd'hui
concurrencé par l'Est, l'Afrique par l'Asie, le Pacifique par la
Méditerranée.
Alors, qui aider aujourd'hui en priorité ?
Les Européens apportent des réponses divergentes à cette question. Pour
l'Allemagne, par exemple, la priorité politique et financière doit désormais
porter sur l'intégration des pays d'Europe centrale et orientale. La France,
pour sa part, souhaite préserver ses relations privilégiées avec les pays
d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, tout en en développant de nouvelles
autour de la Méditérranée.
Le groupe des Républicains et Indépendants accorde la plus grande attention à
cette question. Il considère en effet comme essentiel que l'Europe ne délaisse
pas certaines régions du monde avec lesquelles nous avons, nous Français, des
liens historiques et culturels. Je pense en particulier à l'Afrique
francophone.
La France devra faire preuve de conviction sur ce point, mais aussi de
fermeté. Soyez assuré, monsieur le ministre, que nous observerons la manière
dont vous défendrez cette ambition française sur le plan européen.
Enfin, je ne peux parler de la répartition géographique de l'aide au
développement sans aborder la question du Kosovo qu'évoquait le président de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne, M. Michel Barnier.
Le futur plan Marshall pour les Balkans aura nécessairement un impact
budgétaire indirect sur les autres programmes de développement de l'Union
européenne. Reste à savoir lequel en souffrira le plus. Nous devrons également
être vigilants sur ce point.
Je souhaiterais maintenant évoquer les modalités de l'aide au
développement.
L'efficacité des dispositifs est aujourd'hui contestée. Il semble que la
question de la mesure de cette efficacité ait été abordée vendredi dernier,
lors du Conseil des ministres européens chargés du développement.
Peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner des précisions sur
ce point important pour les contribuables français.
Je veux, pour ma part, insister sur la cohérence des différentes formes
d'aide. La France, comme ses partenaires européens, superpose trois niveaux de
coopération : bilatéral, européen et multilatéral. Officiellement
complémentaires, ces trois niveaux ont, en réalité, trop souvent tendance à se
chevaucher.
Cette mauvaise articulation est particulièrement sensible entre les aides
communautaires et bilatérales, comme l'ont souligné nombre de rapports
parlementaires. Il est donc important de trouver des solutions qui permettent
d'améliorer la cohérence des dispositifs.
A ce sujet, je m'interroge sur la manière dont le principe de subsidiarité
pourrait être appliqué à l'aide au développement. Le Gouvernement pourrait
peut-être nous donner des informations sur ce point, qui semble, lui aussi,
avoir été abordé vendredi dernier.
Par ailleurs, je tiens à souligner que l'Etat n'est pas le seul partenaire de
l'aide publique au développement. L'apport de l'aide décentralisée est
important quantitativement et, surtout, qualitativement.
Les collectivités locales disposent de compétences très concrètes et peuvent
jouer un rôle essentiel dans de nombreux domaines, en particulier dans celui de
la décentralisation dans les pays en voie de développement.
Que se passera-t-il demain ? La nouvelle convention de Lomé devra-t-elle être
compatible avec l'OMC ? Le système des préférences commerciales sera-t-il
intégré dans le
round
du millénaire ? L'aide au développement
sera-t-elle négociable ? Telles sont des questions auxquelles la France et
l'Europe devront répondre.
Je conclurai en abordant le problème de la transparence de l'aide au
développement.
L'Union européenne manque de moyens et elle a eu souvent recours à des
intermédiaires, qu'il s'agisse d'Etats, d'organisations non gouvernementales ou
même de cabinets privés. Des dysfonctionnements graves ont déjà été constatés
au sein de l'Office humanitaire de la Communauté européenne. Un « scandale » de
ce type en matière d'aide au développement serait naturellement - vous
l'imaginez bien - catastrophique.
Je demande donc au Gouvernement de veiller à ce que l'Union européenne assure
un contrôle très strict des programmes qu'elle met en oeuvre.
Cette transparence s'impose aussi sur le terrain. Il s'agit là d'un problème
délicat qui fait partie de la problématique de la coopération, car il suppose
certains progrès démocratiques et la mise en place d'une forme d'« Etat de
droit » qui n'existe pas dans de nombreux pays.
La mise sous condition de l'aide au développement semble avoir été mal perçue
par certains des pays qui participent aux négociations de la nouvelle
convention de Lomé.
Je souhaite que vous nous précisiez, monsieur le ministre, où en sont les
travaux sur la notion de « bonne gestion des affaires publiques »,
c'est-à-dire, notamment, la gestion transparente de l'aide au développement.
Nous vivons aujourd'hui une période de transition particulièrement
mouvementée. L'effort d'aide des pays de l'OCDE est tombé à 0,22 % de leur PNB
en 1997. Une partie de l'opinion publique remet en question l'utilité réelle
d'une aide dont l'image est détériorée par certaines affaires et la persistance
de conflits violents.
Cela doit inciter la France et l'Europe à répondre clairement aux questions
qui se posent : qui aider, de quelle manière et à quelles conditions ? Tel est
l'enjeu aujourd'hui pour l'aide au développement.
Monsieur le ministre, je vous remercie des réponses et de l'éclairage que vous
nous apporterez sur ce dossier si important.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Del Picchia.
M. Robert Del Picchia.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'aide au
développement est aussi vieille finalement que la formation de l'Europe
puisque, dès sa fondation, en 1957, par la signature du Traité de Rome, la
Communauté européenne a démontré une volonté constante d'ouverture vers les
autres entités géographiques et économiques de la planète.
C'est ainsi notamment qu'elle a affiché sa détermination à accorder son
soutien aux populations les plus démunies.
En quarante ans et plus, l'échiquier mondial a subi toutefois de profonds
bouleversements. Les relations internationales et diplomatiques ont connu des
mutations capitales, dont l'accession à l'indépendance de pays vivant, à
l'époque, des prémices de la construction européenne, dans l'espace colonial
européen.
En dépit de ces changements, qui ont souvent une incidence, ou même plusieurs,
les uns sur les autres, la Communauté européenne a su s'adapter à ces nouvelles
donnes.
Aujourd'hui, l'Union européenne occupe donc les tout premiers rangs de la
scène internationale à bien des égards.
Malgré les pressions croissantes qui s'exercent sur les budgets publics
aujourd'hui, l'Union et ses Etats membres occupent une place centrale sur le
plan des efforts accomplis à l'échelle mondiale pour promouvoir l'aide et le
développement dans le Sud, bien sûr, le tiers-monde et dans les pays d'Europe
centrale et orientale.
Pour compléter les chiffres cités par M. Barnier, je dirai que les Quinze
financent aujourd'hui 50 % de l'aide publique totale consacrée au
développement, contre environ 20 % pour les Etats-Unis et 18 % pour le
Japon.
L'Union européenne constitue également un marché vital pour les pays en
développement puisqu'elle absorbe plus de 20 % des exportations du Sud et du
tiers monde par exemple.
Au fil des ans, l'Union européenne est devenue, sous l'influence notable de la
France, une référence en matière de coopération au développement et de défense
des droits de l'homme.
En effet, à côté de son rôle politique, l'Union européenne, et je crois qu'il
est indispensable de le rappeler, est et reste le principal donneur en Afrique,
dans les pays du bassin méditerranéen, en Asie et dans les pays d'Europe
centrale et orientale. Elle participe également de façon active à la politique
d'aide au développement dans les autres parties du monde, en Amérique, dans les
Caraïbes et dans le Pacifique. Les Français de l'étranger, que j'ai l'honneur
de représenter au Sénat, en sont d'ailleurs tous les jours les témoins sur le
terrain.
Pour l'Union européenne, aide au développement rime avec droits de l'homme et
démocratie, et c'est une bonne chose.
En effet, l'Union et les Etats membres ont défini des principes qui ont été
cautionnés par le traité de Maastricht. Parmi les objectifs assignés à la
politique étrangère et de sécurité commune figure « le développement et le
renforcement de la démocratie et de l'Etat de droit, ainsi que le respect des
droits de l'homme et des libertés fondamentales ».
S'agissant plus particulièrement de la coopération au développement, il est
stipulé que « la politique de la Communauté dans ce domaine contribue à
l'objectif général de développement et de consolidation de la démocratie et de
l'Etat de droit, ainsi qu'à l'objectif du respect des droits de l'homme et des
libertés fondamentales ».
L'Union accorde une grande priorité aux mesures incitatives d'encouragement
aux processus de transition démocratique, à la consolidation de la démocratie
et au respect des droits fondamentaux de l'homme dans les pays en
développement. L'Union s'engage ainsi à faire du lien entre les droits de
l'homme, la démocratie et le développement un axe majeur de sa politique en
matière de coopération avec les Etats tiers.
Dès lors, quelle place tient notre pays dans la politique d'aide au
développement ?
Tout d'abord, signalons que la France est le deuxième donateur mondial pour la
coopération en faveur du développement. En 1997, notre pays a dégagé plus de 37
milliards de francs d'aides, soit 0,45 % de son produit national brut.
Sa contribution à la coopération internationale est la plus importante des
pays occidentaux. Précédée par le Japon, elle devance tous les pays de l'Union
européenne et même les Etats-Unis qui, contrairement aux idées reçues, ne
sacrifient que 0,08 % de leur PNB à une cause qui mériterait beaucoup plus.
En outre, rappelons que la France est le quatrième actionnaire de la Banque
mondiale et du Fonds monétaire international et le premier contributeur du
Fonds européen de développement, contribuant au quart de son budget.
Rappelons aussi que la France a toujours eu traditionnellement une politique
de coopération généreuse, car notre histoire et notre passé de puissance
coloniale nous ont donné des responsabilités et permis de tisser des relations
privilégiées avec toutes les anciennes colonies.
Monsieur le ministre, pour prendre un exemple concret d'aide au développement
et de coopération de l'Union européenne, vous me permettrez de parler
aujourd'hui de son rôle dans le processus de paix et de son assistance au
Proche-Orient, car l'aide au développement est là fortement liée au rôle
politique.
Actuellement, l'Europe ne joue pas dans le processus de paix un rôle à la
mesure de son intervention économique, qui fait d'elle le premier bailleur de
fonds de la région, ou même de son intervention politique, car, contrairement
aux idées reçues, si l'Europe tient tout de même un rôle politique dans ce
conflit, elle a beaucoup de difficultés à l'affirmer.
Depuis la déclaration de Venise de 1980, l'Union européenne plaide en faveur
de l'organisation d'une conférence internationale pour la paix au
Proche-Orient, fondée sur les principes de la conférence de Madrid.
Cette conférence constituait la première ébauche de solution juste et durable
du conflit israélo-arabe. Elle a permis notamment d'établir quatre axes de
négociations bilatérales entre Israël et l'OLP, la Jordanie, la Syrie et le
Liban, ainsi que d'organiser cinq groupes de travail sur le contrôle des
armements, les réfugiés, l'eau, l'environnement et le développement économique
régional.
La conférence de Madrid n'a certes pas donné de résultats concrets immédiats,
comme chacun le sait, mais elle a permis une série de réunions bilatérales et
multilatérales.
La désignation d'un ambassadeur au poste d'envoyé spécial pour le processus de
paix était une chose importante, tout comme le programme de formation des
agents de sécurité de l'Autorité palestinienne à la lutte contre le terrorisme.
Ce sont là deux actions menées dans le cadre de la politique étrangère et de
sécurité commune.
La contribution totale de l'Union européenne au processus de paix s'élèverait
à 11 milliards de francs pour la période 1993-1998.
Pour l'Union européenne, donc, la logique du processus de paix est nourrie par
l'idée que le commerce et la coopération sous-tendent la paix parce que le
développement économique palestinien est la meilleure garantie de sécurité à
long terme pour Israël.
Cette hypothèse est la justification de l'aide financière massive apportée par
l'Union européenne à la consolidation du processus de paix.
Aujourd'hui, certes, les feux de l'actualité sont tournés vers le Kosovo, mais
le Proche-Orient reste un sujet très sensible. Le sort du processus de paix
dépend beaucoup du développement économique des territoires palestiniens.
Le 4 mai dernier, l'Autorité palestinienne annonçait le report de la
proclamation d'un Etat palestinien et, le 17 mai, Ehud Barak remportait les
élections et devenait le nouveau Premier ministre israélien.
Quels signes, pour quel changement ou pour quel espoir ? Quel rôle l'Europe
peut-elle jouer ?
Ehud Barak sait qu'il devra mettre en oeuvre le mémorandum de Wye Plantation,
suspendu par Benyamin Netanyahu le 23 octobre dernier. Mais quel sera le statut
définitif des territoires palestiniens ? Y aura-t-il ou non un vrai Etat
palestinien ? Sera-t-il maître de ses frontières ? Jouira-t-il d'une continuité
territoriale ?
Dans ce contexte, rempli d'incertitudes et de problèmes non réglés, l'Union
européenne se doit de continuer à jouer son rôle de principal bailleur de fonds
des territoires palestiniens.
Dans les mois à venir, il est indispensable qu'elle occupe, outre ce rôle de
principal donateur, celui de partenaire politique, car l'aide au développement
est, là, lié, à la politique.
Le 20 mai 1998, le président Chirac et le président Moubarak avaient lancé un
appel pour la paix dans lequel ils proposaient une conférence des pays résolus
à sauver la paix. Si Ehud Barak ne procède pas à l'application de l'accord de
Wye River, il est important que cette initiative retrouve toute sa place.
Notre pays doit travailler à favoriser la paix au Proche-Orient par
l'intermédiaire de l'Union européenne. En effet, les Palestiniens considèrent
la France comme leur principal allié européen.
Il faut donc que l'Union européenne parvienne à imposer la présence qui lui
incombe face aux Etats-Unis, qui cherchent toujours à marquer la progression de
leur influence dans cette région du monde.
Pour terminer, monsieur le ministre, vous me permettrez de vous poser quelques
questions relatives à l'avenir de l'aide au développement de l'Union
européenne.
Selon vous, comment renforcer les moyens permettant d'accroître l'efficacité
de la coopération ? Cela passe-t-il par une meilleure coordination de l'aide
?
Qu'en est-il des problèmes - les orateurs précédents ont insisté sur ce point
- rencontrés lors du dernier conseil développement dans les négociations avec
les pays ACP au sujet de la future convention de Lomé ?
Comment parvenir aussi à la formulation plus précise des orientations
stratégiques ?
Enfin, monsieur le ministre, à l'aube du xxie siècle, est-il nécessaire de
redéfinir le rôle de la coopération pour le développement ? Des réformes
doivent-elles être envisagées sur le plan national comme sur le plan européen
?
A ce sujet, on attend toujours, monsieur le ministre, une déclaration
politique générale sur l'aide au développement de l'Union européenne.
Telles sont, monsieur le ministre, nos interrogations sur la politique de
l'Union européenne en matière d'aide au développement. Je vous remercie des
réponses que vous voudrez bien apporter, car nous pensons que ce dont souffre
le plus l'Union européenne en ce domaine, c'est du manque de clarté et de
transparence.
La gestion paraît confuse et les objectifs restent méconnus du grand public.
Il est vrai que les compétences sont réparties entre plusieurs commissaires et
que cela ne facilite pas les choses. Nous savons que le président de la
Commission, M. Prodi, a bien l'intention d'en tirer les conséquences.
Les citoyens des Quinze soutiendraient certainement volontiers cette politique
européenne d'aide au développement pour peu qu'on la leur explique, qu'on les
informe, qu'ils sachent à quoi elle est bonne et, ne nous le cachons pas, à
quoi servent leurs deniers.
Si nos concitoyens ont le droit d'être informés, notre devoir de
parlementaire, monsieur le ministre, est de vous le rappeler.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Union
européenne, en phase de mutation profonde, tend à définir les nouvelles
priorités de son action politique concrète en matière d'aide au développement,
en particulier dans le cadre de la renégociation de la convention de Lomé,
appelée Lomé V.
Cette convention organise, depuis 1975, la coopération entre l'Union
européenne et ses partenaires privilégiés d'Afrique, des Caraïbes et du
Pacifique, les pays ACP. Ce sont désormais quinze pays européens et soixante et
onze pays du Sud qui sont concernés. Il s'agit donc d'un accord Nord-Sud sans
équivalent au monde.
Les nouveaux accords de la convention de Lomé V commenceront en l'an 2000 et
couvriront la période 2005-2015.
Par ailleurs, le Gouvernement a engagé une réforme globale de la coopération
française pour rendre plus efficace notre politique de coopération
internationale.
Vous souhaitez, monsieur le ministre, contrairement à ceux qui espéraient sa
mort, maintenir l'« esprit de Lomé » et l'engagement commun pour le
développement et la lutte contre la pauvreté.
Dans l'actuelle négociation de Lomé V, le Gouvernement propose - dans le cadre
de l'Union européenne - la mise en place de zones de libre-échange et
l'introduction du concept de « bonne gouvernance », c'est-à-dire de bonne
gestion des affaires publiques, comme précondition à un accord de
coopération.
L'ensemble repose sur le maintien du principal instrument financier de la
convention de Lomé, le Fonds européen de développement, le FED, ainsi que sur
les prêts de la Banque européenne d'investissement, la BEI, sur des protocoles
spéciaux permettant l'exportation vers l'Europe de contingents déterminés de
bananes, de sucre et de rhum des pays ACP à des prix garantis. Mais le récent
conflit de la banane souligné les difficultés.
Enfin, le Gouvernement soutient l'idée de la prévention des conflits et du
respect des droits de l'homme, qui tient une place importante dans la
convention de Lomé.
Au plan national, en matière de politique de coopération, une zone de
solidarité prioritaire a été déterminée. Il s'agit non pas d'une liste de pays,
mais d'une logique d'intervention concernant les pays les plus pauvres, à
faibles revenus, n'ayant pas accès aux marchés des capitaux. Dans ces pays de
l'Afrique, de la péninsule indochinoise, du Maghreb, du Liban et de la
Palestine, la France peut intervenir grâce à l'Agence française d'aide au
développement, mais sans obligation ni continuité de l'effort.
Après cette rapide présentation, je formulerai maintenant quelques
remarques.
Dans un premier temps, comme d'autres orateurs, nous ne pouvons faire
abstraction de l'importance de l'aide publique au développement telle qu'elle
se mesure dans les pays membres de l'Union européenne.
Premier constat, et non le moindre ; la réduction assez sensible de cette aide
dans le produit intérieur brut des pays de l'Union.
Notre pays n'échappe pas à cette orientation, puisque l'aide publique au
développement ne représentait que 0,45 % du produit intérieur brut en 97.
Pourtant, ce montant est presque honorable au regard de ce que font les autres
pays de l'Union, puisque l'Allemagne verse 0, 28% de son PIB et l'Italie, 0,11
%.
Dans la zone OCDE, on observe d'ailleurs que, si les pays nordiques et les
Pays-Bas demeurent fidèles à leurs principes déjà anciens de générosité, ce
sont les Etats-Unis qui apportent la contribution la plus faible, avec un
pourcentage de 0,08 % de leur produit intérieur brut. Ainsi, en valeur absolue,
l'aide publique américaine s'avère aujourd'hui inférieure à celle qui est
apportée par notre pays.
On ne peut que s'interroger sur les orientations qui ont conduit les
différents pays les plus industrialisés, en particulier ceux du G 7, à reculer
l'application d'un principe établi par l'ONU, qui tendait à fixer à 0,7 % du
PIB des pays riches le montant de l'aide publique nécessaire au développement
des pays du Sud.
La France peut, nous semble-t-il, sensibiliser les pays de cette zone à
accroître leur contribution et convaincre les opinions publiques des intérêts
mutuels de cette coopération.
Ma deuxième remarque porte sur la mise en place de zones de libre-échange.
C'est le choix de la politique européenne avec les critères du marché de l'OMC,
du FMI et de la Banque mondiale, c'est-à-dire une conception reposant sur la
mise en concurrence de partenaires aux développements inégaux. C'est, en fait,
la reconnaissance de la loi du plus fort dans les échanges mondiaux.
Les capitaux privés recherchent en effet les pays où les taux de croissance,
les taux d'investissement et les taux d'épargne sont déjà élevés. Il s'agit
donc de rechercher les placements rentables. Il y a là une logique
contradictoire avec celle qui tend à corriger les inégalités en répondant à la
satisfaction des besoins humains, en particulier ceux des domaines
alimentaires, de la santé et de l'éducation. Loin de réduire la pauvreté, cette
logique du libre-échange l'accroît.
Ma troisième remarque porte sur le concept de « bonne gouvernance ». Cette
nouvelle donnée signifie théoriquement une bonne gestion des affaires publiques
fondée sur un souci de transparence et de lutte contre toutes sortes de
corruptions. Un manquement à ces principes entraînerait la suspension de l'aide
accordée.
Si le but affiché, comme le signale un ancien directeur général du
développement de la Commission européenne, est de « gérer de façon responsable
et transparente les ressources d'un pays en faveur du développement de ce pays
et de la société », la définition est claire. Mais les applications nécessitent
à notre avis une grande prudence.
Evitons de brandir en tout premier lieu l'idée de sanction au détriment du
souci de développement. Méfions-nous de toute présentation flatteuse de façade,
qu'elle soit de nature démocratique ou économique. Enfin, gardons-nous du rôle
de donneur de leçons. Dans nos propres pays, il existe en effet, nous le savons
bien, des dysfonctionnements qui perdurent. Avant d'être exigeants envers les
autres, soyons-le pour nous-mêmes.
Un autre point sur lequel nous pourrions réfléchir est le suivi politique des
sommes investies. J'illustrerai mon propos par l'exemple des fonds versés par
l'Union européenne pour le développement de l'économie palestinienne.
Il s'agit là d'une très bonne décision. Mais, une fois les sommes votées et
versées, il n'y a plus aucune vigilance quant à l'efficacité de leur
utilisation.
Ainsi, l'aéroport de Gaza a été construit en grande partie avec des fonds
européens. Il devait servir à faciliter les contacts entre la Palestine et le
monde. Pourtant, son fonctionnement est pratiquement bloqué du fait de
l'attitude intransigeante du gouvernement de M. Netanyahou. Cette situation
n'est pas tolérable.
On pourrait multiplier les exemples. Ainsi, l'Union européenne a investi dans
des zones industrielles palestiniennes, mais le transport est aux mains des
Israéliens, qui bloquent, là encore, toute circulation des camions et
conteneurs et interdisent de fait les exportations de produits palestiniens.
Quant au port de Gaza, bien que prévu par les accords internationaux, il est
encore au point mort du fait de cette même attitude.
La France doit prendre très au sérieux cet aspect de la question et obtenir
des autres pays européens plus de vigilance sur le devenir des sommes
investies. Il en va de la crédibilité politique et économique de notre pays
comme de celle de l'Union européenne.
Enfin, loin de mettre fin, comme certains le souhaiteraient, aux critères de
la convention de Lomé, il s'agit d'en préserver et d'en enrichir les acquis
positifs. Nous devons respecter l'esprit de partenariat. Cela signifie
l'amélioration de l'action des deux partenaires dans le sens d'une véritable
cogestion s'agissant de la définition des objectifs, des étapes de la
programmation et des évaluations communes des résultats.
Au lieu de reproduire l'approche actuelle des prêts d'ajustement structurels,
les PAS, dont une étude parue dans les
Cahiers de la Banque européenne
d'investissement
démontrent « l'absence quasi-totale de preuves
économétriques permettant d'affirmer que les PAS ont dès à présent entrainé une
amélioration des résultats économiques des pays ACP », une autre démarche est à
promouvoir. Elle pourrait être fondée sur l'établissement de programmes avec le
pays concerné, voire ses populations, qui connaissent le mieux les réalités
socio-économiques du terrain.
Ensuite, on pourrait fixer, par la négociation, des engagements clés,
notamment financiers, et suivre paritairement le respect de leurs
applications.
Enfin, pour sécuriser la relation entre l'Union européenne et les pays
concernés par l'aide au développement, nous devons sortir de l'instabilité
générale due aux conséquences de la volatilité des capitaux privés, de la
libéralisation du commerce, de l'imprévisibilité des cours des matières
premières et des attitudes changeantes de certains pays face à leurs
contributions financières. Pourquoi ne pas budgétiser le Fonds européen de
développement, afin de doter la convention de ressources propres la protégeant
des variations multiples, politiques et budgétaires de tel ou tel Etat de
l'Union ?
L'analyse concrète de la politique de coopération internationale de notre pays
et de celle de l'Union européenne pose une fois de plus le problème de la
qualité des termes de l'échange. Nous estimons nécessaire que notre pays joue
un rôle spécifique dans la définition de la politique d'aide au développement,
rôle que sa place et son histoire lui permettent.
Nous devons peser sur la qualité de la future convention de Lomé V, notamment
lors de la prochaine étape de discussion au mois de juillet, sans oublier la
question assez récurrente de la dette des pays en voie de développement, dont
l'annulation serait susceptible d'aider au redressement économique des pays
débiteurs.
A cet égard, l'exemple déjà cité du Mozambique est très révélateur. Ce pays
affecte au remboursement de sa dette des sommes qui sont quatre fois
supérieures à celles qui sont consacrées à la santé de sa population.
Ce sont là quelques observations et propositions que je comptais présenter au
nom de mon groupe sur la question qui nous intéresse aujourd'hui. Sur ce
terrain aussi, la réorientation progressiste de la construction européenne est
d'une grande actualité.
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Je voudrais profiter de l'excellente question de notre collègue pour
interroger M. le ministre sur trois points.
Monsieur le ministre, existe-t-il une coordination active entre la coopération
lancée dans le domaine du développement par l'Union européenne, les
coopérations bilatérales des pays membres et aussi - pourquoi pas ? - les
institutions de Bretton Woods ?
Dans le domaine de l'aide publique au développement, nous savons tous qu'il
nous reste un travail immense à faire et la coordination entre les différentes
coopérations me paraît indispensable si nous voulons parvenir à une meilleure
efficacité.
Où en est la coordination entre les coopérations bilatérales, spécialement au
sein de l'Union européenne ?
Voilà quelques années, nous avions pris l'initiative d'une coopération
franco-allemande qui paraissait assez intéressante. Aujourd'hui, il semblerait
qu'on soit plus attaché à une coopération franco-britannique. Je ne sais pas si
cela est très bon, dans la mesure où nous avons souvent les mêmes intérêts avec
ce pays, ce qui risque de faire un peu désordre sur le terrain ! Il y a aussi
la coopération avec le Portugal - pays très présent en Afrique - avec
l'Espagne, avec la Belgique et d'autres encore.
Avec la question suivante, je rejoins un certain nombre de mes collègues,
spécialement M. Barnier : où en est la préparation de la prochaine convention
de Lomé, qui doit débuter en principe en l'an 2000, c'est-à-dire très bientôt
?
Quelles sont les méthodes mises en place par la Commission pour cette
préparation ?
A quels pays cette cinquième convention va-t-elle s'adresser ?
Allons-nous conserver les soixante-dix pays ACP traditionnels et habituels ou
bien allons-nous élargir le cercle ? Je pense qu'il ne faut peut-être pas aller
trop loin, car les fonds de l'Union européenne ne sont pas inépuisables !
Je sais que les discussions financières ne sont pas entamées, mais la France
a-t-elle une idée de la somme dont devrait disposer le nouveau Fonds européen
de développement pour fonctionner à peu près correctement ? Je rappelle qu'il
disposais de 10,8 milliards d'écus entre 1990 et 1995 et qu'il a 12,9 milliards
d'écus pour la période allant de 1995 à 2000 d'écus. Je pense qu'il faudrait
augmenter le niveau de ce fonds pour la cinquième convention.
N'oublions pas non plus que les dispositions ultralibérales qui régissent
aujourd'hui le commerce international sont très mauvaises pour les pays en voie
de développement. Dans la future convention de Lomé, il faudrait donc que des
mesures financières soient prises pour venir en aide à ces pays dans ce
domaine.
Il faut également veiller, me semble-t-il, à ce que la part réservée au
cofinancement des projets à l'origine desquels se trouvent les ONG ou les
collectivités locales soit en nette augmentation dans le prochain fonds. Il
s'agit là, en effet, d'une bonne coopération, car c'est une coopération de
terrain, de proximité, qui sert directement les populations.
Enfin, monsieur le ministre, qu'en est-il des accords par produits ?
Voilà douze ou quinze ans, un certain nombre de produits - le café, le cacao
et d'autres - ont fait l'objet d'accords par produit. Pendant des décennies, le
prix des principales productions des pays en voie de développement est demeuré
relativement élevé, car tous ces pays producteurs étaient liés d'une façon
contractuelle et s'entendaient pour limiter la production.
La situation était satisfaisante jusqu'au moment où certains pays qui ne
produisaient ni café ni cacao se sont mis à en produire en grande quantité.
C'est notamment le cas d'un pays du sud-est asiatique qui, en trois ou quatre
ans, a produit de 300 000 à 400 000 tonnes de cacao, avec l'aide de la Banque
mondiale. Cela a provoqué une chute des prix sur le marché, lesquels, jusqu'à
maintenant, ne sont pas encore revenus à un niveau acceptable.
Monsieur le ministre, vous paraît-il possible, peut-être au niveau de l'Union
européenne, de prévoir de nouveau des accords par produit qui réuniraient
l'ensemble des pays producteurs d'une matière agricole ?
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le ministre, l'excellente question de M. Lagauche me donne l'occasion
de présenter trois observations sur des sujets qui préoccupent la commission
des finances du Sénat chaque fois que nous examinons votre budget.
Tout d'abord, c'est la France, on le sait, qui est à l'origine de
l'intervention européenne en matière de développement - ce sont notamment les
conventions de Lomé. C'est elle qui, spécialement depuis 1995, dans des
circonstances dont nous avons gardé le souvenir, contribue le plus à la caisse
commune en la matière, puisque nous payons le quart, et même plus, des
contributions, ce qui va bien au-delà de notre part normale à l'intérieur des
ressurces européennes.
Or, monsieur le ministre, je vous l'ai souvent dit et écrit, sur le terrain,
la participation française à l'aide européenne est totalement passée sous
silence par les intervenants européens. Les pays bénéficiaires ignorent
totalement qui paie et qui fait quoi, et notre participation n'est pratiquement
jamais relevée ou soulignée publiquement par nos représentants sur place. Cela
n'est pas normal.
Lorsque, dans un pays, on vous explique avec un grand sourire que, grâce à la
coopération japonaise, on a pu construire un pont coûtant 20 millions de
francs, alors qu'on passe complètement sous silence le fait que, pour un projet
voisin en construction financé par l'Union européenne, la France a investi 50
millions ou 60 millions de francs, cela ne fait pas vraiment plaisir, monsieur
le ministre !
J'en viens à ma deuxième observation. Par manque de coordination ou refus de
concertation de la part de l'Europe, certaines actions européennes, notamment
dans notre champ traditionnel, vont parfois directement à l'encontre de nos
objectifs bilatéraux, quand elles ne les rendent pas impossibles en les faisant
échouer ! Pourquoi ne pas imposer enfin une concertation entre les responsables
européens et les pays qui pratiquent l'aide bilatérale, notamment la France, de
façon que, avec notre argent, on ne cherche pas à faire échouer notre propre
action bilatérale, ce qui est quand même un peu fort ?
Troisième observation, monsieur le ministre : je sais parfaitement - et nous
le savons tous - qui arrête, au niveau européen, le montant global des fonds
européens destinés à l'aide au développement - il s'agit du Conseil des
ministres, voire du Conseil européen en 1995 - et pour cause, puisqu'on est
bien obligé de solliciter une décision auprès de ceux qui paient, donc qui
portent la responsabilité de l'impôt dans les Etats membres ! En revanche, je
n'ai jamais pu savoir qui décidait la répartition des crédits entre les Etats
et, au sein des Etats, entre les projets.
En France, nous avons un système que le ministre connaît bien, puisque c'est
lui qui préside le comité directeur du fonds d'aide et de coopération, le FAC.
Jacques Pelletier, qui a été ministre de la coopération, s'en souvient aussi et
d'autres collègues sans doute également. Nous n'engageons pas un franc en
matière de coopération sur les crédits du FAC sans que les choses passent par
l'intermédiaire du comité directeur du FAC. En tout cas, comité directeur ou
pas, c'est le ministre qui décide.
Quel est, en Europe, le ministre qui décide des interventions européennes en
la matière ? Personne ! C'est la DG VIII. Le Conseil des ministres de la
coopération, ou assimilé, ne se prononce pratiquement jamais sur la répartition
des crédits entre l'Etat et, à l'intérieur des Etats, entre les projets.
Quand il m'arrive d'effectuer des contrôles sur place et sur pièce pour notre
assemblée, au nom de la commission des finances, on me dit que l'Europe
pourrait donner tant, mais que l'on ne sait pas qui va décider. Le Hollandais
qui est ici au fond de l'Afrique ? Le bureaucrate Belge qui est au fond d'un
couloir de la DG VIII ? Tout cela, à leur guise ?
Enfin, qui contrôle et surveille l'exécution des programmes, la rapidité des
engagements, l'efficacité des interventions ? Personne, sauf les fonctionnaires
qui font eux-mêmes marcher la machine. C'est ce qui explique que, alors que
nous avons nous-mêmes des programmes bilatéraux qui ne sont pas toujours d'une
rapidité extraordinaire, en Europe, c'est pire. Le moindre financement européen
met deux, trois ou quatre fois plus de temps qu'un financement bilatéral. En
fait, l'Europe engage très lentement et ne décaisse pratiquement jamais, tant
et si bien que, en matière de fonds européens, c'est le contribuable français
en partie, en tout cas le contribuable européen, et les pays pauvres qui
assurent la trésorerie du budget communautaire puisque les fonds sont appelés
lorsque le budget est voté, même si les crédits ne sont pas dépensés. C'est une
pratique de trésorerie que nos collègues gestionnaires de collectivités locales
connaissent bien.
Monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre opinion sur toutes ces
questions, peut-être pas tout de suite puisque certains points peuvent
nécessiter des réponses techniques élaborées, d'autant que, en raison d'une
obligation à la commission des finances fixée à midi, je ne vais pouvoir rester
pour vous écouter. Je lirai votre réponse au
Journal officiel
si vous la
faites aujourd'hui. Sinon, je comprendrai que vous préfériez la faire par écrit
et ne m'en froisserai pas. C'est d'ailleurs plutôt vous qui pourriez être
froissé du fait que je ne puisse écouter votre réponse. Croyez que cette
entorse à la courtoisie me chagrine beaucoup.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames et messieurs les sénateurs, laissez-moi vous dire, tout
d'abord, combien je suis heureux de parler avec vous de l'aide au développement
dans sa dimension européenne. Comme l'a fait M. Michel Barnier, je tiens à
remercier M. Serge Lagauche de l'intérêt de sa question et du débat qu'elle
permet de susciter.
Vous l'avez tous rappelé : l'Europe est désormais le premier contributeur
mondial en matière d'aide publique au développement. Or, voilà que cette aide
publique au développement est elle-même interpellée, sa légitimité et son
identité mêmes étant remises en cause. Son efficacité est constestée dès lors
que la marginalisation de nombreux pays s'accentue en dépit de l'aide qui leur
est apportée.
L'aide publique a introduit, par ailleurs, une interdépendance qui parfois
aggrave encore les difficultés des pays en développement, dans la mesure où les
pays développés soulèvent, avec raison d'ailleurs, la question du respect des
normes sociales et environnementales.
Ce débat, vous l'avez souligné, intervient à un moment particulier : nous
sommes au coeur de la renégociation des accords de Lomé, lien privilégié et
tout à fait exemplaire de la relation entre l'Union européenne et les pays
ACP.
Monsieur Barnier, vous avez eu raison de rappeler que, entre le contexte dans
lequel se sont conclus les premiers accords de Lomé et le contexte actuel, les
situations ont considérablement changé sur le plan géopolitique : la
globalisation de l'économie a beaucoup progressé, l'irruption des nouvelles
technologies de communication est intervenue. J'ajouterai que l'Union
européenne dans sa dimension politique n'existait pas alors, pas plus que
l'organisation mondiale du commerce, au moins dans sa forme actuelle, ce qui
renvoie à un dialogue nécessairement difficile et indispensable avec cette
dernière.
Enfin, j'observe que, dans quinze jours, il y aura des élections européennes.
Il n'était pas inintéressant non plus de parler de l'Europe à cette
occasion.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est vrai !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Je voudrais, avant de répondre aux questions qui m'ont
été posées, en particulier aux questions portant sur l'état d'avancement de la
renégociation des accords de Lomé, rappeler les principes qui nous guident et
les positions que nous défendons dans les enceintes européennes, mais insister
aussi sur la nécessité d'une meilleure efficacité et donc d'une meilleure
coordination de l'aide européenne, y compris et M. Charasse avait raison d'y
insister, la coordination entre l'aide multilatérale européenne et l'aide
bilatérale de la France. Des progrès en ce domaine restent à faire pour donner
plus de cohérence à l'ensemble.
Les principes qui guident notre action en matière de développement sont en
réalité au coeur des accords de Lomé. Ils ont été rappelés par M. Lagauche :
concentrer nos actions vers les populations les plus défavorisées ; répondre
aux aspirations démocratiques et s'attacher au respect des droits de l'homme ;
enfin aider à l'insertion des pays en développement dans l'économie
mondiale.
Sur le premier point - la concentration de l'aide - qui renvoie à la question
de savoir vers quels pays diriger notre aide, je rappelle qu'un débat a déjà eu
lieu lorsqu'il a été question de renégocier les accords de Lomé sur le
périmètre des pays ACP.
Certains auraient aimé que la relation privilégiée de l'Europe ne vale qu'avec
les seuls pays les moins avancés, les PMA. La France, vous le savez, a préféré
préserver, d'abord parce qu'il y a quelques raisons historiques à cela, une
cohérence géographique, et, pour éviter les « peaux de léopard », qui rendent
très difficiles les intégrations régionales, elle a souhaité que des ensembles
géographiques cohérents soient pris en considération.
Faut-il rappeler enfin que la définition de la zone de solidarité prioritaire
de la France, arrêtée par le CICID - comité interministériel de la coopération
internationale et du développement - au début de cette année, a permis de mieux
préciser les pays avec lesquels la France entend avoir une coopération en
matière de développement ?
S'agissant de l'ambition démocratique, vous vous interrogez sur le problème de
la conditionnalité de l'aide. Mme Bidard-Reydet ou M. Barnier ont souligné à
cet égard le besoin de prendre en compte les situations des uns et des autres
tout en ne cédant pas sur un bloc commun de valeurs.
Sur ce point important, je souhaite formuler quelques commentaires.
Le traité instituant la Communauté européenne accorde, en matière de
coopération et de développement, une place fondamentale à la promotion des
droits de l'homme, de l'état de droit et de la démocratie. Il était naturel que
la convention de Lomé identifie ces éléments comme essentiels. En cas de
violation de ces éléments dits essentiels, vous connaissez la sanction : la
suspension partielle ou la non-exécution des accords de coopération, en
application de l'article 366
bis
.
Cette question est de nouveau au coeur de la renégociation des accords : les
pays ACP souhaiteraient d'ailleurs se voir reconnaître un droit de regard sur
les décisions de l'Union européenne et appréhendent la notion de « bonne
gouvernance », comme le soulignait Mme Bidard-Reydet. La France et l'Union
européenne n'entendent pas transiger : on ne peut se priver d'une capacité de
réaction lorsque les valeurs qui guident la construction européenne sont
bafouées. Mais la France n'envisage pas la discussion politique avec les ACP
sous un angle exclusivement coercitif.
C'est dans le cadre d'un dialogue politique soutenu et continu qu'il faut
engager une démarche destinée à faire progresser les droits de l'homme et
l'état de droit en évitant évidemment les situations de blocage.
Je ferai observer que, en cas de suspension des coopérations d'Etat à Etat,
nous préservons les coopérations qui servent directement les populations
civiles, afin d'éviter qu'elles ne soient victimes de ces ruptures dans le
respect de la règle démocratique.
Evoquant les droits de l'homme, je voudrais souligner l'importance que nous
entendons accorder aussi aux droits sociaux, et pas seulement aux libertés
publiques. A l'appui de mon propos, je prendrai l'exemple d'un pays sinon
candidat, en tout cas observateur aujourd'hui s'agissant de la renégociation
des accords de Lomé, je veux parler de Cuba. Nous savons que, sur le plan des
libertés publiques, des progrès restent à faire ; en revanche, nous lui faisons
volontiers crédit des droits sociaux qui sont souvent mieux respectés que dans
beaucoup d'autres pays, en développement ou non.
S'agissant de l'insertion dans l'économie mondiale, vous avez presque tous
souligné la nécessité de lier commerce et aide au développement. C'est bien là
l'originalité de la démarche européenne, contrairement à la démarche américaine
du
trade but not aid
.
Vous avez souhaité voir précisé le rôle que jouent la France et l'Union
européenne au sein de l'OMC pour les pays en voie de développement. Vous savez
que l'OMC prépare la prochaine conférence ministérielle de Seattle qui se
tiendra en novembre et en décembre de cette année et qui décidera de
l'opportunité de lancer ou non un nouveau cycle de négociations commerciales
multilatérales. A la demande de l'Union européenne, et de la France en
particulier, les programmes des pays en voie de développement et des pays les
moins avancés y seront tout spécialement pris en compte.
L'Union européenne considère qu'il faut privilégier l'accès aux marchés des
pays développés, sans nier les difficultés que cette ambition peut représenter,
notamment en ce qui concerne l'accès de certaines productions agricoles. Je ne
doute pas, d'ailleurs, que, à l'occasion du sommet de Rio qui va se tenir dans
quelques jours et qui sera l'occasion d'un dialogue entre l'Europe et les pays
d'Amérique latine, cette question de l'ouverture du marché européen aux
productions agricoles occupera, sinon en séance, du moins dans les couloirs,
une place importante.
L'Union souhaite aussi que l'assistance technique aux pays en voie de
développement, dans le domaine commercial, soit renforcée, notamment pour aider
ceux-ci à gérer les contentieux commerciaux éventuels. Pour l'instant, ils sont
totalement démunis et en situation de faiblesse par rapport aux pays
développés, qui, eux, disposent d'armées de juristes ou d'experts.
MM. Barnier et Dupont m'ont interrogé sur le flux d'investissements privés
quasi nuls en direction des pays ACP ; M. Lagauche a rappelé la nécessité des
micro-crédits et du développement du secteur privé.
Les chiffres relatifs au flux d'investissements privés sont en effet un peu
désespérants, puisque l'Afrique subsaharienne recueille moins de 2 % des
investissements privés réalisés à l'échelle mondiale. C'est tout à fait
insuffisant.
Il est vrai que l'image qu'offre l'Afrique - elle présente heureusement
d'autres facettes - de pays en guerre et saturés de violences ne constitue
évidemment pas le meilleur atout pour attirer les capitaux.
Toutefois, les situations difficiles que connaissent certains pays occultent
les résultats souvent positifs, sur le plan de l'économie, d'un nombre
croissant d'autres pays, en particulier ceux de l'Afrique occidentale, où les
grands indicateurs économiques sont aujourd'hui devenus encourageants.
En tout cas, en ce qui nous concerne, nous nous efforçons de favoriser l'envoi
vers les pays en développement, singulièrement l'Afrique, de capitaux
privés.
Je rappelle que nous avons mis au point, en coopération alors avec le CNPF et
avec les investisseurs privés en Afrique noire, un site Internet, intitulé «
Investir en zone franc », qui, aujourd'hui, offre - ce qui est tout à fait
exemplaire - la meilleure banque de données relative aux réalités fiscales,
économiques et sociales qu'offre l'ensemble des pays africains aux
investisseurs privés français et autres.
Je vous rappelle également que l'un des trois axes du mandat de la
renégociation de Lomé concerne en particulier l'appui à l'essor du secteur
privé dans le processus de développement, ce qui renvoie à l'harmonisation et à
la stabilisation des règles sur les plans fiscal et judiciaire pour répondre au
besoin de sécurisation des investisseurs. L'OHDA, l'Organisation pour
l'harmonisation du droit des affaires, participe directement à cette action.
En ce qui concerne le micro-crédit, monsieur Lagauche, la commission avait
adopté, en 1997, une résolution soulignant l'importance du rôle joué par le
micro-crédit pour résoudre les problèmes de pauvreté. La France lui accorde
également une grande importance, estimant que la promotion de l'initiative
privée et des petites activités de proximité, notamment celles qui sont portées
par des communautés villageoises, par des groupes de femmes en particulier,
peut être aidée par ces crédits mieux adaptés.
La France considère que les bailleurs de fonds doivent faire porter leurs
efforts sur la création et le renforcement des institutions viables
financièrement, capables de procurer des services financiers de base au plus
grand nombre.
Nous sommes pour l'instant loin de compte.
Autre moyen que vous abordez également pour donner une nouvelle chance
économique à ces pays : l'annulation de la dette.
Vous le savez, l'amélioration des mécanismes de l'allégement de la dette des
pays du Sud les plus pauvres est envisagée. Le prochain sommet de Cologne, dans
le cadre du G7, sera d'ailleurs en partie consacré à ce sujet.
Des voix nombreuses s'élèvent, notamment du côté des ONG, pour critiquer
l'insuffisance des mesures de réduction de la dette prises jusqu'à présent.
L'initiative française, dont Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons fait la
présentation il y a quelques semaines, s'inscrit directement dans ce
mouvement.
Cette initiative met l'accent sur deux points sensibles : la question du
financement par les pays développés et l'utilisation par les pays bénéficiaires
des marges de manoeuvre ainsi dégagées.
Elle répond à une exigence de solidarité s'exprimant dans la durée :
l'annulation du service de la dette sur les créances d'aide publique au
développement, revendication ancienne des ONG, est prévue pour trente ans ;
c'est le temps d'une génération.
Elle fait aussi appel à un principe d'équité en réclamant un partage du
fardeau de nos partenaires non seulement dans l'annulation des créances
résiduelles, mais également dans la poursuite des financements des pays en
développement.
Certains orateurs ont, à juste titre, insisté sur l'insuffisance criante de
l'aide publique au développement apportée par certains pays, et non des moins
riches.
Si cette initiative d'allégement de la dette que nous proposons était mise en
oeuvre, le poids de cette mesure pour notre seul pays représenterait à peu près
2,5 milliards de dollars, soit une somme tout à fait considérable.
Nous souhaitons que ces mesures soient réservées avant tout aux pays
respectueux de la bonne gouvernance et de la gestion économique et sociale,
d'où la demande d'une sorte de période de probation, qui serait mise à profit
pour apprécier le comportement des pays considérés au regard de la bonne
gouvernance et du respect des droits de l'homme.
Nous voulons aussi que des mécanismes de suivi de l'utilisation des marges de
manoeuvre soient institués.
Monsieur Barnier, vous demandiez si l'on s'orientait plutôt vers des aides
budgétaires ou vers des aides par projet. En réalité, dès à présent, c'est une
sorte de mixage des deux que nous essayons de mettre en oeuvre.
Les appuis sous forme d'ajustements structurels sont des aides budgétaires
plus globales, ce qui ne nous dispense pas de donner la priorité à certains
projets dont nous débattons avec nos partenaires. C'est notamment à cela que
servent les commissions mixtes. Au terme d'un dialogue très serré avec nos
partenaires, avec leurs entreprises, leurs ONG ou leurs collectivités locales -
quand elles sont constituées - nous définissons des cibles prioritaires.
Je rappelle que, par ailleurs, l'Union européenne veille à ce que les créances
des pays ACP ne pèsent pas d'un poids excessif sur leur développement. Elle
consent, dans ce sens, des efforts très importants. L'Union européenne, vous le
savez, n'octroie plus que des dons, ce qui limite nécessairement le poids de la
dette communautaire dans ces pays. L'Union européenne est en transfert positif
vis-à-vis de tous les pays ACP ; cela signifie que ce qu'elle donne à ces pays
est d'un montant supérieur à celui des échéances que ces pays doivent acquitter
auprès d'elle.
S'agissant du niveau de l'aide, question abordée par M. Pelletier, et qui
renvoie à celle de la destination géographique de l'aide, évoquée par M.
Ambroise Dupont, je rappelle que, dans l'Agenda 2000, il est prévu de maintenir
le niveau en termes réels de la rubrique IV visant les actions extérieures de
l'Union, hors FED. On peut penser que c'est au moins à ce niveau-là que le FED
devrait se situer, tout en sachant que cela représente un poids assez lourd
pour le budget français puisque notre part est de 24,3 %, soit une part
sensiblement plus importante que les 18 % qui correspondent à notre
participation habituelle aux dépenses communautaires.
J'en viens aux initiatives visant à renforcer la cohérence et l'efficacité de
l'aide, sujet qu'ont particulièrement abordé M. Lagauche, M. Del Picchia et Mme
Bidard.
Vous avez raison, madame, messieurs les sénateurs : il faut évidemment essayer
de parler d'une seule voix. L'efficacité, la nôtre comme celle de l'Europe en
général, passe par un discours cohérent, concerté, sinon univoque.
Si, aujourd'hui, les débats sur le développement sont conduits avant tout au
sein du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale, ou encore de
l'OMC, force est de constater que l'Europe accompagne plus qu'elle ne détermine
les décisions dans l'ensemble de ces institutions. Elle n'y exerce pas, en tout
cas, l'influence que justifieraient tant son poids économique que sa part dans
le financement de ces institutions.
C'est en ayant à l'esprit cette situation que j'ai lancé un appel avec mes
homologues allemande et britannique. Je pense qu'une dynamique est lancée.
A cet égard, nous souhaitons voir la francophonie constituer un relais pour
tenter de mieux affirmer notre existence dans ces enceintes.
A Monaco, voilà quelques semaines, s'est tenue pour la première fois une
conférence économique de la francophonie, à laquelle les ministres des finances
étaient conviés. Nous sommes tous convenus que, à la veille des grandes
rencontres comme l'assemblée du FMI ou de la Banque mondiale, ou la réunion de
l'OMC, les francophones, qui ont tout de même un certain nombre de choses en
commun, se réuniraient pour essayer de définir des positions identiques leur
permettant d'élargir leur influence dans ces différents organismes.
Sachant que M. Prodi est sur le point de proposer un nouvel organigramme de la
Commission, les ministres concernés ont suggéré, lors du dernier conseil
Développement, qu'un seul commissaire soit désormais chargé de toutes les
questions de développement. En outre, les directions générales suivant les
questions de développement seraient concentrées pour améliorer la rationalité
et la visibilité des politiques européennes en la matière.
A l'occasion de cette même réunion, nous avons proposé le dépôt d'un rapport
annuel sur la politique d'aide au développement de l'Union. Nous avons
également discuté des résultats d'une évaluation très importante des
instruments et programmes de développement de l'aide communautaire. Dans la
logique du rapport Tavernier, rendu voilà quelques mois, ce bilan met l'accent
sur la nécessaire complémentarité de nos actions.
Selon ces évaluations, l'aide ACP, en dépit des insuffisances et des
dysfonctionnements que nous connaissons, s'est révélée avoir la meilleure
efficacité des programmes communautaires.
J'aurai l'occasion de répondre plus complètement dans d'autres circonstances
aux questions qu'a posé M. Charasse, mais je suis très conscient du besoin de
consolider la présence européenne dans les pays en développement tout en
préservant, voire en améliorant la visibilité de la coopération bilatérale
française.
Cela renvoie à un problème de cohérence, mais aussi de dialogue entre les
représentants de la Communauté et nos postes diplomatiques. Force est de
reconnaître que, là encore, les questions de personne ont une incidence : dans
certaines capitales africaines, les choses se passent très bien, alors
qu'ailleurs elles se passent mal, voire très mal. Nous donnons d'ailleurs des
instructions à nos ambassadeurs pour qu'ils aient le souci de mieux coordonner
les interventions européennes et les nôtres.
Reste à savoir parfois mieux faire valoir ce que nous faisons.
J'observe que tout se passe, en quelque sorte, comme si un vieux fond de
culpabilité nous empêchait de faire connaître de manière aussi éclatante qu'il
le faudrait ce qu'est notre action dans ces pays. Nous devons essayer de
chasser ce sentiment de culpabilité, qui n'a pas lieu d'être. Ni nostalgie ni
culpabilité : telle est la règle qui doit nous guider dans ces pays, notamment
dans ceux avec lesquels nous avons eu autrefois des relations très étroites.
Je voudrais maintenant évoquer un dossier qui me tient à coeur mais qui n'a
pas été abordé ici aujourd'hui : le dossier « migrations et développement »,
que j'ai porté à Bruxelles.
Il nous semblait en effet impossible de parler d'aide au développement sans
avoir une politique commune en matière de migrations. En novembre 1997, j'ai
donc suggéré au conseil Développement une meilleure coordination des actions
menées sur ce thème.
Voilà quelques semaines, le 19 mars, s'est tenu à Paris un séminaire
réunissant des représentants de treize pays de l'Union européenne et un
représentant de la Commission. Cela a d'ailleurs été l'occasion de rappeler que
la convention de Lomé permet déjà de prendre en compte des aides au retour ;
pour les pays méditerranéens, la déclaration de Barcelone prévoit un
partenariat social, culturel, avec un chapitre sur l'immigration.
Les participants ont, en tout cas, marqué un intérêt pour le concept français
de codéveloppement et la nécessité d'inclure la question migratoire dans le
dialogue avec les pays en voie de développement. Un groupe de travail « asile
et migration » a été constitué. Il pourrait rendre ses conclusions lors du
sommet de Tempere, en Finlande ; c'est en effet la Finlande qui présidera aux
destinées de l'Europe au cours du deuxième semestre de cette année.
Autre sujet que nous voulons porter : la coopération décentralisée. Vous
l'avez évoqué, monsieur Barnier, et cela ne m'a pas surpris, connaissant vos
responsabilités locales et votre expérience d'élu.
Vous le savez, c'est un thème qui me tient également à coeur. Nous avons
décidé l'envoi d'une mission à Bruxelles pour porter ce dossier, parce que la
coopération décentralisée n'a pas la même signification dans tous les pays
membres. D'ores et déjà, nous sensibilisons nos partenaires à cette dimension
essentielle du développement.
Puisque vous avez parlé des PECO et de la Baltique, je voudrais vous dire que
nous avons engagé une action pour la reconstruction dans les Balkans avec les
collectivités locales.
Lorsque je me suis rendu à Skopje et à Tirana, voilà quelques semaines, j'ai
tenu à me faire accompagner par vos collègues M. Jean Puech, président de
l'Assemblée des présidents de conseils généraux, et M. Jean-Paul Delevoye,
président de l'Association des maires de France. Croyez bien que c'est
désormais la règle que je souhaite voir appliquer partout.
Mardi, je suis allé à Stockholm où se tenait une rencontre destinée à examiner
les problèmes de reconstruction consécutifs au passage de l'ouragan Mitch et,
là encore, j'ai souhaité être accompagné non seulement par les ONG, qui ont
évidemment un rôle à jouer, mais également par un représentant des
collectivités départementales déjà impliquées dans l'aide que nous apportons au
pays de l'isthme d'Amérique centrale.
S'agissant de la coordination, dans les Balkans en particulier, monsieur
Barnier, il est normal que nous reconnaissions le Haut commissariat aux
réfugiés, le HCR, comme étant leader dans ce domaine. En dépit des difficultés
qu'il a rencontrées et des insuffisances que nous avons observées, la France
tient à rappeler que c'est au HCR d'être coordinateur.
Encore faut-il qu'il ait les moyens de remplir ses missions. L'appel aux
forces alliées au sein de l'OTAN a incontestablement permis de répondre aux
problèmes de logistique mais plus encore de sécurité que pose l'accueil des
réfugiés.
S'agissant de l'Europe, les PECO portent en germe la coordination que vous
espérez. Il faut sans doute aller plus loin, étant entendu que nombre de ces
actions reposent sur le volontariat et qu'il est toujours difficile de
concilier volontariat et bonne organisation ; cela implique évidemment des
contraintes qui, parfois, désarment les bonnes volontés, voire les élans de
générosité.
Toutefois, les moyens que nous avons mis en place à Skopje et à Tirana, avec
un personnel spécifique chargé de cette coordination, devraient donner plus
d'efficacité et de cohérence aux interventions des collectivités locales qui,
il faut le reconnaître, se sont, jusqu'à présent, exprimées un peu dans le
désordre.
Quant à votre idée d'impliquer mieux les ambassadeurs, de leur suggérer de
réunir les présidents des collectivités, j'y souscris bien volontiers. Je
rappelle que, l'an dernier, déjà, lors de la conférence des ambassadeurs qui, à
la fin du mois d'août, réunit tous nos diplomates, j'ai demandé qu'un atelier
soit consacré à la coopération décentralisée. Il n'a même pas pu y accueillir
tous ceux qui souhaitaient y participer !
Cela démontre l'intérêt des ambassadeurs pour ces questions et le besoin
qu'ils ont d'être mieux informés par les collectivités locales des initiatives
qu'elles conduisent dans ces différents pays.
J'ajoute que nous avons organisé, dans plusieurs villes françaises, des
rencontres centrées, chaque fois, sur un pays donné, et qui réunissaient
l'ensemble des collectivités locales françaises intervenant dans ledit pays.
Plusieurs pays en voie de développement étaient ainsi concernés. Cela a permis
aux collectivités françaises de confronter les formes de coopération qu'elles
entretiennent avec ces pays. Nous allons continuer dans cette direction.
Je précise, pour votre information, que, lundi prochain, sur l'invitation de
Jean-Pierre Chevènement, j'entretiendrai les préfets de la coopération
décentralisée. Il est indispensable que les préfets soient aussi impliqués dans
ces opérations.
Le temps est heureusement maintenant loin où la coopération décentralisée
était hors-la-loi, monsieur Barnier. Aujourd'hui, non seulement elle est
légitime, mais nous nous donnons les moyens de l'encourager. Dans le nouvel
organigramme des affaires étrangères, existe une mission de la coopération non
gouvernementale, qui est en particulier tournée vers les collectivités
locales.
Ce qui vaut pour les Balkans vaudra pour le cyclone Mitch et, plus
généralement, pour toutes les situations où une intervention de ce type est
sollicitée, surtout s'il s'agit de gérer le passage de l'action humanitaire à
l'aide au développement, ce qui constitue un point tout à fait essentiel.
J'en viens à la prévention des conflits.
Vous avez raison, monsieur Lagauche, sans paix, il n'y a pas de développement.
L'Union européenne attache une grande importance à la prévention des conflits,
l'appui que l'Europe accorde à l'OUA en témoigne. Lors du conseil Développement
du 21 mai dernier, nous avons adopté une résolution appelant à une meilleure
prise en compte de la problématique de l'accumulation et de la dissémination
des armes légères, autre grande question, vous le savez.
Cet intérêt de l'Union européenne répond à notre propre engagement dans la
prévention des conflits en Afrique, les fondements de la politique française en
matière de prévention des conflits étant à la fois la multilatéralisation,
c'est-à-dire l'action sous l'égide de l'OUA et des Nations unies, et la
régionalisation, c'est-à-dire la formation, sur une base régionale, des forces
armées ou de défense de ces pays pour les habituer à vivre ensemble aussi de
cette manière et prévenir ainsi également les conflits éventuels.
J'en arrive maintenant à l'état d'avancement des négociations de Lomé. C'était
la question centrale, elle a d'ailleurs été posée par tous, et je reconnais
avoir tourné un peu autour avant d'y venir, mais c'est que vous m'aviez aussi
beaucoup interrogé sur des sujets un peu périphériques !
Où en sommes-nous ? En juillet 1998, l'Union européenne a adopté le mandat de
négociation confié à la Commission. Le 30 septembre de la même année, les
négociations ont été officiellement ouvertes à Bruxelles. A la mi-février de
cette année, nous avons tenu la première conférence ministérielle de
négociation à Dakar ; sur les quatre volets en discussion, on peut considérer
que deux sont bien avancés, les volets politique et institutionnel, la bonne
gouvernance devant être intégrée comme l'un des éléments essentiels, donc
susceptible de sanctions, dans la future convention. Il faut évidemment en
définir les contours, il faut surtout éviter des divergences d'interprétation
car, derrière le mot, on peut mettre beaucoup de choses.
Le volet des stratégies de l'aide au développement peut être considéré
également comme faisant l'objet d'un accord. Il s'agit de la lutte contre la
pauvreté, de l'accès à la santé et à l'éducation, ainsi que de l'aide au
secteur privé.
En revanche, deux volets, il faut en convenir, progressent plus difficilement,
notamment le volet commercial, qui n'est pas le moindre. A cet égard deux
stratégies s'affrontent.
D'une part, une large majorité de pays européens, dont la France, je tiens à
le préciser, considèrent que les relations commerciales entre l'Europe et les
pays ACP doivent s'organiser dans le cadre de partenariats économiques
régionaux correspondant d'ailleurs très largement aux unions douanières qui se
mettent en place ou qui sont sur le point de se faire en Afrique, en
particulier.
Nous pensons, en effet, que cette étape régionale, qui pourra d'ailleurs
perdurer, est une manière d'intégrer progressivement ces pays dans le marché
mondial en évitant que les plus fragiles ne se trouvent d'un coup balayés par
une ouverture sans précaution aux grands vents de l'économie mondiale. En tout
cas, le mandat confié à la Commission correspond à cette vision d'une
organisation régionale support des accords commerciaux.
Ces accords pourraient être mis en place d'ici à 2005, et l'accès aux marchés,
de manière réciproque, pourrait intervenir sur une période plus longue,
probablement plus de dix ans, mais éventuellement sur des durées variables
selon le niveau de développement des régions dont je parlais à l'instant, étant
entendu que, pendant ce temps, nous accompagnerions cette ouverture des pays
ACP vers l'Europe.
Les pays ACP ne sont pas opposés à cette proposition, mais il faut convenir
que, pour l'instant, ils souhaiteraient allonger encore le calendrier et ne pas
débuter de tels accords avant 2010 : c'est l'un des points de la discussion
actuelle.
Si nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord, les règles de l'OMC risquent de
nous rattraper, et le dossier de la banane, de ce point de vue, doit nous
alerter.
D'autre part - autre stratégie, autre thèse - les partisans d'un libre-échange
exacerbé souhaitent plutôt, aux termes des accords de l'OMC, un système de
préférence commerciale harmonisé et étendu à tous les pays en développement,
convenant toutefois qu'il faudrait prévoir un accès privilégié pour les pays
les moins avancés.
Cette seconde stratégie, nous la considérons comme peu appropriée à la réalité
de ces pays en développement. Nous ne sommes pas partisans, en tout cas pour
l'instant, d'une ouverture au monde sans filet de sécurité. Il faut donner du
temps au temps, pour permettre à ces pays de s'adapter aux contraintes d'un
commerce international nécessairement brutal.
Nous espérons en tout cas que tous les Européens sauront confirmer le mandat
donné à la Commission pour ne pas créer d'incertitudes, qui sont autant de
causes de retard dans la mise en oeuvre du calendrier.
Le second des volets plus difficiles à négocier concerne les instruments
financiers.
La France tente de convaincre à la fois les Européens et les pays ACP de la
nécessité de maintenir un STABEX et un SYSMIN, qui seraient bien sûr adaptés,
pour un meilleur fonctionnement, je le dis à M. Pelletier. Il est essentiel de
maintenir un revenu stable aux producteurs de denrées agricoles et de matières
premières, qui sont la base à la fois sociale et économique de ces pays.
Le mandat de l'Union européenne admet désormais le principe d'un mécanisme.
Cet acquis n'a cependant pas été si évident à obtenir, et la France était, au
départ, très isolée. Il reste que les pays ACP s'inquiètent encore des
modalités d'adaptation de ces instruments. Dans les mois à venir, nous devrons
y travailler dur.
En tout cas, ces points seront de nouveau évoqués lors de notre seconde
réunion ministérielle de négociation, qui aura lieu les 29 et 30 juillet, à
Bruxelles.
Toujours sur le calendrier, et pour que votre information soit complète, je
précise que la convention actuelle expire à la fin du mois de février 2000,
donc sous présidence portugaise. En cas de retard important - j'espère que ce
ne sera pas le cas - c'est alors sous la présidence française, qui débutera au
mois de juillet 2000, que nous devrions finaliser cette négociation.
M. Charasse m'a interrogé sur le FED. Je rappelle que la négociation sur son
renouvellement doit être finalisée à la même époque. On peut imaginer que les
procédures concernant le FED fassent l'objet, à cette occasion, d'une
discussion avec nos partenaires. Cependant, la construction européenne a sa
logique, celle du transfert de souveraineté, et c'est la Commission qui se voit
déléguée dans cette mission. Certes, les crédits du FED sont utilisés après
consultation des fonctionnaires des pays membres, mais les ministres ne sont
pas écartés de cette consultation, je tenais tout de même à le préciser.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il est de notre devoir, mais aussi de notre
intérêt, d'améliorer les actions conduites en direction des pays en voie de
développement, tant par la France que par l'Europe. Ces pays, je pense en
particulier à ceux d'Afrique, attendent de nous, Européens, que nous les
aidions à entrer dans le prochain siècle. Nos valeurs de solidarité nous
dictent de nous engager dans la voie d'une politique commune européenne de
coopération. La renégociation des accords de Lomé est une occasion privilégiée
de faire preuve d'imagination pour réactiver, reformuler, améliorer notre
action de solidarité avec le monde en développement.
Mais je ne doute pas que ces ambitions soient très largement partagées par les
membres de la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Le débat est clos.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Allouche.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
MODIFICATION DE L'ARTICLE 73
BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
Adoption des conclusions du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 364,
1998-1999) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur la proposition de résolution (n° 295, 1998-1999)
de MM. Michel Barnier, James Bordas, Pierre Fauchon, Lucien Lanier et Aymeri de
Montesquiou tendant à modifier l'article 73
bis
du règlement du
Sénat.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, mes chers collègues, nous sommes amenés à nous prononcer sur la
proposition de résolution présentée par MM. Barnier, Bordas, Fauchon, Lanier et
de Montesquiou, tendant à modifier l'article 73
bis
du règlement de
notre assemblée, qui concerne la délégation du Sénat pour l'Union européenne et
les textes soumis en vertu de l'article 88-4 de la Constitution.
En tout état de cause, nous devions modifier le règlement du Sénat puisque,
depuis 1998, à la suite de la révision constitutionnelle, ont été étendues les
possibilités pour les deux chambres du Parlement de se prononcer sur un certain
nombre de dispositions ; nous pouvons disposer des documents préparatoires, ce
qui nous a paru très important puisque c'est à ce moment-là que sont fixés les
grands objectifs de la politique de l'Union européenne.
La délégation du Sénat pour l'Union européenne propose, et je crois qu'elle a
raison, des moyens pour améliorer l'efficacité des avis que le Sénat peut être
amené à émettre sur les dispositions communautaires. En effet, la procédure
actuelle est un peu lourde et compliquée, et elle conduit parfois le Parlement,
et en particulier le Sénat, à ne pas pouvoir donner un avis au Gouvernement
dans un délai raisonnable.
S'agissant de l'efficacité de la procédure actuelle, je rappellerai que 1 300
propositions d'actes communautaires ont été transmises au Sénat par le
Gouvernement et que 102 propositions de résolution ont été déposées sur le
bureau de notre assemblée, qui ont donné naissance à 54 résolutions. Jusqu'à
présent, ce sont la commission des affaires économiques et la commission des
finances qui ont eu l'occasion de se prononcer sur la plupart des propositions
de résolution. Compte tenu de la révision constitutionnelle, la commission des
lois sera davantage amenée à se prononcer. En effet, le traité d'Amsterdam a
prévu le transfert de certaines matières, appartenant au troisième pilier de
l'Union - asile et immigration - dans le premier pilier. En conséquence, le
nombre de textes soumis au Sénat entrant dans les compétences de la commission
des lois devrait augmenter.
En termes d'efficacité, la procédure a été relativement bonne. Certes, tous
les textes ne font pas l'objet de propositions de résolution. Mais depuis 1994
la conférence des présidents a demandé à la délégation du Sénat pour l'Union
européenne d'instruire tous les textes - aujourd'hui, tous les documents - pour
permettre ensuite le renvoi aux commissions compétentes.
En revanche, la procédure pose des difficultés d'application à un double
titre. D'une part, en raison d'un problème d'interprétation de l'article 88-4
de la Constitution, mais le problème est résolu par la nouvelle rédaction de
cet article. D'autre part, en raison de la brièveté des délais impartis pour se
prononcer, mais la situation s'est améliorée depuis 1994. En effet, le
Gouvernement a accepté de donner aux assemblées un délai d'un mois pour
manifester leur intention d'adopter une résolution.
Le système devrait s'améliorer encore, puisque le protocole relatif au rôle
des parlements nationaux annexé au traité d'Amsterdam prévoit qu'un délai
minimal de six semaines doit s'écouler entre la formulation d'une proposition
d'acte par la Commission européenne et son inscription à l'ordre du jour du
Conseil de l'Union européenne en vue d'une décision.
Ces dispositions permettront sans doute au Sénat d'être plus efficace dans ce
domaine.
Après avoir exposé les difficultés externes, j'en viens aux difficultés
propres à la procédure.
Le formalisme de la procédure a déjà été noté, monsieur le président Barnier,
par votre prédécesseur, M. le président Genton, dans un rapport établi en 1994,
ainsi que par M. Lanier plus récemment. Celui-ci indiquait en effet que les
délais empêchaient quelquefois les assemblées d'émettre des propositions de
résolution en temps utile pour que le Gouvernement puisse en tenir compte.
Il convient donc de revoir les dispositions du règlement du Sénat et de
déterminer si les simplifications proposées pour la procédure actuelle sont
envisageables.
Tout d'abord, comme je l'ai dit voilà un instant, il faut adapter le texte du
règlement de notre assemblée à la nouvelle rédaction de l'article 88-4 de la
Constitution. En effet, le règlement du Sénat visait les propositions d'actes
communautaires. Or cette expression est devenue inexacte du fait de
l'élargissement du champ d'application de l'article 88-4 de la Constitution.
C'est ce que la délégation du Sénat pour l'Union européenne a proposé, en la
personne de son président. La commission des lois considère que cette
proposition est excellente et nécessaire. Aussi, suggère-t-elle au Sénat de la
retenir.
Pour résoudre les difficultés d'application, la proposition de résolution
comportait trois modifications.
La première vise à permettre au président du Sénat, sur la demande du
président de la commission compétente, de décider de renvoyer une proposition
de résolution à la délégation du Sénat pour l'Union européenne, qui exercerait
alors les compétences attribuées aux commissions permanentes.
La deuxième tendait à fusionner les deux réunions de la commission permanente
prévues par l'article 73
bis
du règlement du Sénat pour l'examen du
rapport, d'une part, et des amendements, d'autre part. Ainsi, la commission
compétente examinerait simultanément les conclusions du rapporteur et les
amendements extérieurs. Elle adopterait alors une résolution de la
commission.
Enfin, la troisième avait pour objet de ramener de vingt jours à quinze jours
le délai pendant lequel la conférence des présidents saisie d'une demande
d'examen en séance plénière peut statuer sur l'inscription d'une résolution à
l'ordre du jour du Sénat.
La commission des lois propose de prendre en compte la nouvelle rédaction de
l'article 88-4 de la Constitution et, bien entendu, de trouver des moyens pour
favoriser l'adoption rapide des résolutions par le Sénat.
A cet effet, elle propose d'inscrire dans le règlement que la délégation
instruit les propositions pour permettre de signaler aux commissions
l'importance d'une question et de faire en sorte que tous les textes puissent
éventuellement faire l'objet d'un examen préalable.
Si chaque membre de notre assemblée peut déposer une proposition de
résolution, c'est bien souvent la délégation du Sénat pour l'Union européenne
qui, sur l'initiative de ses membres issus de tous les groupes, conclut au
dépôt d'une proposition de résolution. On constate déjà, à cette occasion, le
rôle indispensable joué par la délégation en ce qui concerne l'examen de tous
les textes qui sont soumis en vertu de l'article 88-4 de la Constitution.
La deuxième proposition était optionnelle puisqu'elle dépendait de la décision
des présidents de commission. En dépit de l'intérêt qui s'attache au fait de
permettre l'examen de résolutions dans des délais très brefs, elle ne peut être
retenue en raison de la décision rendue par le Conseil constitutionnel en 1992
sur le nouvel article 73
bis
. Cette décision précise bien que les
délégations ne sont pas des commissions et qu'elles ne peuvent donc remplir les
mêmes missions.
Par ailleurs, deuxième difficulté, il est bon que toutes les commissions
soient associées car les résolutions portent sur des sujets qui se traduisent
ultérieurement en termes législatifs. S'agissant de la commission des lois,
cela concerne notamment tout ce qui a trait à l'immigration, à la sécurité, à
la police. Il serait regrettable que les commissions ne soient pas associées à
ce travail, qui ne doit pas devenir une spécialité de la délégation.
J'ajouterai aussi que, comme la délégation donne son avis en amont sur les
propositions de résolution, cela reviendrait à ce qu'elle se prononce à nouveau
sur son propre texte. La commission des lois estime que cela priverait d'une
certaine richesse le débat sur les problèmes européens. Ceux-ci sont ô combien
importants et ils le deviendront de plus en plus. C'est pourquoi nous avons
exigé que les parlements nationaux soient mieux associés à la définition de la
législation communautaire, puis de la législation dérivée. Nous proposons donc
aujourd'hui que soit formalisée l'instruction de tous les textes par la
délégation, mais sans renvoi dans la deuxième partie de la procédure.
Monsieur le président de la délégation, compte tenu du signal que vous avez
émis, toutes les commissions se feront une ardente obligation, quand vous leur
transmettrez un texte, de lui donner une suite. C'est important.
La troisième proposition, à laquelle, bien sûr, nous adhérons, c'est la
réduction du délai pendant lequel la conférence des présidents peut statuer sur
l'inscription d'une résolution à l'ordre du jour. La conférence des présidents
se réunissant au moins une fois tous les quinze jours, le délai proposé, à
savoir quinze jours, me paraît suffisant.
Enfin, puisque nous modifions l'article 73
bis,
nous souhaitons
supprimer le droit d'amendement du Gouvernement. Il serait assez paradoxal,
alors qu'il s'agit pour le Sénat de donner son avis au Gouvernement, que
celui-ci ait un droit d'amendement. S'il est un domaine où le droit
d'amendement du Gouvernement n'a pas sa place, ce sont bien les résolutions,
puisque nous ne faisons que donner notre avis. D'ailleurs, le règlement de
l'Assemblée nationale ne prévoit pas en la matière de droit d'amendement du
Gouvernement. En outre, aux termes de la décision du Conseil constitutionnel,
que j'ai rappelée tout à l'heure, sur l'article 73
bis,
il est possible
de supprimer ce droit amendement.
Telles sont les propositions de la commission des lois. Je remercie la
délégation du Sénat pour l'Union européenne d'avoir rappelé combien il était
important que le Sénat tout entier puisse se saisir des problèmes de l'Europe.
Les dispositions que nous vous proposons, mes chers collègues, sont de nature à
améliorer considérablement notre efficacité en la matière.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne.
M. Michel Barnier,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'hiver dernier, nous
avons voté une révision de l'article 88-4 de la Constitution qui a élargi le
champ d'application de cet article. Pour ma part, j'aurais souhaité à cette
occasion - vous vous en souvenez sans doute - une révision plus ambitieuse,
dont je continue à espérer qu'elle interviendra dans les années à venir.
Toujours est-il qu'il fallait adapter le règlement de la Haute Assemblée à la
nouvelle rédaction de l'article 88-4 de la Constitution. C'est ce qui m'a
conduit, avec les quatre vice-présidents de la délégation appartenant à la
majorité sénatoriale - James Bordas, Pierre Fauchon, Lucien Lanier et Aymeri de
Montesquiou - à déposer une proposition de résolution tendant à modifier
l'article 73
bis
du règlement du Sénat.
Mes chers collègues, au-delà d'une simple actualisation du règlement, nous
souhaitions, avec cette proposition, faire passer un message, comme chacun doit
bien le comprendre : celui de la nécessité pour le Sénat d'être capable de
prendre position le plus tôt possible, c'est-à-dire le plus utilement possible,
sur les projets législatifs européens.
Je sais bien que certains d'entre nous restent sceptiques sur l'intérêt des
résolutions européennes. A quoi bon, disent-ils ou du moins pensent-ils,
adopter des textes qui n'ont pas de caractère contraignant ? Quelle est donc
l'utilité de cette procédure dont il est difficile de voir les résultats ?
Je voudrais au préalable essayer de répondre à ces interrogations, qui sont
légitimes. Il est d'ailleurs toujours légitime que des parlementaires se
demandent si ce qu'ils font est efficace. En effet, il serait tout à fait
inutile de modifier notre règlement si la procédure même de l'article 88-4 de
la Constitution était sans intérêt.
Il est vrai, mes chers collègues, que les résolutions européennes ne lient pas
le Gouvernement et qu'elles ne constituent donc pas un mandat impératif. Mais
un Parlement ne doit-il voter que des textes contraignants ? Il suffit de
sortir un instant de nos frontières pour constater que, dans toutes les
démocraties comparables à la nôtre, les assemblées votent des résolutions,
c'est-à-dire des textes qui ne sont pas contraignants mais qui expriment un
souhait, une volonté à l'intention de l'exécutif. C'est le cas de tous les
parlements de l'Europe des Quinze ; c'est même le cas du Congrès américain,
dans un régime pourtant présidentiel.
Etant donné que tous les parlements utilisent l'instrument de la résolution,
bien qu'il ne soit contraignant nulle part, il faut donc bien admettre qu'il ne
doit pas être tout à fait dépourvu d'intérêt !
En réalité, une résolution est une indication politique donnée au
Gouvernement. Ce dernier prend ensuite ses responsabilités, mais il le fait
alors en connaissance de cause et en sachant qu'il pourra être conduit à
s'expliquer.
Une résolution est donc un outil démocratique, un outil de contrôle de
l'exécutif. Le contrôle, mes chers collègues, signifie d'ailleurs non pas la
méfiance, mais plutôt le dialogue, l'information et la transparence ; c'est un
moyen de clarifier des orientations politiques. Or nous avons besoin, en
particulier s'agissant de la construction européenne, de ce dialogue
politique.
Au cours des derniers mois, la délégation du Sénat pour l'Union européenne
s'est rendue auprès de deux grands organismes interministériels qui jouent un
rôle névralgique dans la mise en oeuvre de la politique européenne de la France
: elle a rencontré tout d'abord, à Bruxelles, l'équipe de la représentation
permanente, puis, la semaine dernière, toute l'équipe du SGCI, qui prépare les
décisions interministérielles.
Je peux vous dire, mes chers collègues, qu'une des leçons de ces deux réunions
est bien que les instances politiques, et d'abord le Parlement, ne doivent pas
abdiquer leur rôle dans la construction européenne. Les hauts fonctionnaires
que nous avons rencontrés savent et disent qu'il n'est pas dans leur rôle de
définir des orientations politiques. Ils veulent conserver la marge d'action
indispensable à toute activité de négociation, mais ils souhaitent travailler à
l'intérieur d'orientations politiques suffisamment et clairement définies.
Si, là où nous sommes, nous ne jouons pas notre rôle, si nous n'essayons pas
de participer à la définition de ces orientations, de quel droit pourrions-nous
nous plaindre ensuite du fonctionnement parfois trop technocratique de la
Communauté ? Nous avons le droit, et même plus encore le devoir, d'exercer un
contrôle sur la politique européenne du Gouvernement. Je le dis avec la double
expérience qui est aujourd'hui la mienne : celle du Parlement - je suis un
parlementaire assez ancien maintenant, même si mon élection au Sénat ne date
que de quelques années - et celle du Gouvernement. Je peux vous dire que,
s'agissant de la construction européenne, ce contrôle, dès l'instant où il est
exercé de manière constructive et vigilante par le Parlement, est extrêmement
utile aux membres du Gouvernement.
Mes chers collègues, est-ce un handicap pour ce contrôle de ne pas disposer
d'un instrument qui serait contraignant et que ne nous donne pas la
Constitution ? Je ne le crois pas. Imaginons que chaque parlement de l'Union
européenne entreprenne de donner des mandats impératifs à son gouvernement.
Aussitôt, soyez-en assurés, le processus de décision serait à coup sûr
paralysé, et toute négociation deviendrait impossible.
La seule manière utile pour les parlements d'intervenir dans ce processus,
c'est donc, me semble-t-il, de prendre position d'une manière qui, sans lier
les gouvernements, donne à ces derniers des indications fortes. C'est ce que
nous pouvons faire aujourd'hui en votant des résolutions. Alors, ne dénigrons
pas l'instrument dont nous disposons : nous pouvons espérer, je crois,
l'améliorer au fil des temps, mais nous ne devons pas chercher à lui en
substituer un autre.
Finalement, tout se ramène au point de savoir si le Parlement français doit se
désintéresser du processus législatif européen. Or, il me semble que cela ne
serait bon ni pour l'équilibre de nos institutions ni pour la construction
européenne elle-même.
Mes chers collègues, les affaires européennes - je l'ai souvent dit à cette
tribune - ne sont plus des affaires étrangères. Il s'agit bien d'une
législation qui touche pratiquement à tous les aspects de la vie quotidienne
nationale.
Or, dans les institutions européennes telles qu'elles sont aujourd'hui, c'est
bien le gouvernement de notre pays qui représente la France dans le processus
de décision et qui exerce donc le pouvoir législatif à notre place. Si nous
renonçons à contrôler cet aspect capital de l'action gouvernementale, quel que
soit le gouvernement en place, l'équilibre de nos institutions nationales s'en
trouvera compromis. Pour préserver cet équilibre, il faut, au contraire, que
chaque transfert du pouvoir législatif du Parlement vers le Gouvernement ait
pour contrepartie un développement, une amélioration du contrôle parlementaire
national.
On m'objectera peut-être que nous retrouvons un certain rôle législatif, après
que la décision européenne a été prise, lorsqu'il faut transposer les
directives en droit interne. Mais soyons sincères entre nous : nous savons bien
que la marge qui nous reste alors est extrêmement minime, quand elle n'est pas
nulle. Si nous ne voulons pas être ramenés à un simple rôle d'enregistrement,
il nous faut intervenir plus en amont, bien avant que la décision ne soit
arrêtée à l'échelon de l'Union européenne.
J'ajouterai que l'intervention des parlements nationaux est également utile à
la construction européenne elle-même. L'expérience prouve que, si nous ne
disons pas certaines choses en temps utile, personne ne le fait à notre place ;
et quand la décision est prise, un retour en arrière est extrêmement
difficile.
Nous savons tous, mes chers collègues, quels problèmes posent en ce moment,
sur le terrain, des textes comme la directive sur la chasse, la directive
Natura 2000. Voilà des textes qui ont été adoptés avec l'accord du Gouvernement
de la France, voire, parfois, à sa demande.
Je ne peux donc pas m'empêcher de penser que, si le Parlement avait pu, à
cette époque assez lointaine - je ne mets pas en cause le gouvernement actuel -
s'exprimer suffisamment tôt par des résolutions, s'il avait pu, en quelque
sorte, donner l'alerte sur certains points, les décisions prises auraient
présenté des difficultés d'application moindres.
Nous avons donc - je me permets de le dire avec un peu de véhémence - un rôle
à jouer. Il est vrai qu'il s'agit d'un rôle de type nouveau qui nous demande de
bousculer certaines de nos habitudes. Il s'agit d'obtenir progressivement non
pas un pouvoir de blocage, mais une vraie capacité d'influence. L'influence se
construit ; elle se mérite, dirai-je même ; elle nécessite de la persévérance,
du temps, de la compétence : cette dernière est d'ailleurs non pas seulement la
nôtre, mais aussi, et peut-être surtout, celle de nos collaborateurs qui, au
Sénat, sont de grande qualité.
Mais nous avons déjà commencé à établir notre capacité d'influence.
L'excellent rapport de notre collègue Jean-Jacques Hyest relève ainsi qu'au
cours de ces dernières années plus de cinquante résolutions ont été votées par
le Sénat. La délégation pour l'Union européenne, pour sa part, a mis en place
une procédure d'examen systématique de tous les textes communautaires soumis au
Sénat. En outre, voilà quelques jours, a été inaugurée en présence du président
de la Haute Assemblée, M. Christian Poncelet, notre antenne administrative à
Bruxelles, antenne qui nous permettra d'être mieux et plus tôt informés sur les
initiatives de la Commission européenne et sur l'état des négociations.
Ainsi, année après année - et je tiens, à mon tour, à rendre hommage à mon
prédécesseur Jacques Genton - nous avons jeté les bases d'une meilleure
information, d'un contrôle plus étroit, d'une association renforcée en notre
sein, s'agissant de l'action européenne de la France.
Mais, mes chers collègues, la clé de l'utilité, de la crédibilité de nos
interventions, c'est qu'elles aient lieu en temps opportun, c'est-à-dire avant
que la position du Conseil ne soit établie ou arrêtée. Autant que possible,
nous devons même intervenir plus en amont encore, au stade de ce que l'on
appelle les « livres blancs » ou les « livres verts », présentés par la
Commission européenne, comme le permet désormais l'article 88-4 de la
Constitution.
En réalité, encore trop souvent, nos prises de position interviennent trop
tard pour être réellement prises en compte. C'est cette faiblesse, comme vous
l'avez dit, monsieur le rapporteur, que nous pouvons aujourd'hui corriger.
Le traité d'Amsterdam nous impose à cet égard une exigence en même temps qu'il
nous apporte une garantie importante puisqu'il prévoit un délai de six semaines
avant l'adoption par le Conseil d'une position commune ou d'une décision afin,
précisément, que les parlements nationaux puissent s'exprimer en temps utile.
Cela constitue donc pour nous une chance, puisque nous sommes ainsi
obligatoirement consultés, mais aussi une contrainte, puisque cette possibilité
est encadrée dans un délai obligatoire et maximal de six semaines. C'est un
progrès qui nous oblige cependant à agir vite pour faire tenir dans ce délai
toutes les étapes de notre procédure.
En ce sens, la modification du règlement du Sénat a son importance et
constitue un pas en avant. Dans nos propositions, trois mesures étaient prévues
pour accélérer l'examen par le Sénat.
La première visait à supprimer une lecture lors de l'examen par la commission
compétente, les propositions de résolution faisant l'objet de deux, voire
parfois de trois lectures. Cette suggestion a été approuvée par la commission
des lois.
La deuxième mesure tendait à ramener de vingt jours à quinze jours le délai
pendant lequel la conférence des présidents peut décider d'inscrire à l'ordre
du jour du Sénat une proposition de résolution adoptée par l'une des
commissions permanentes.
Cette modification a été également approuvée par la commission des lois, qui a
refusé en revanche, sur la base d'une analyse constitutionnelle, notre
troisième proposition consistant à permettre à une commission permanente de
renvoyer un texte à la délégation pour l'Union européenne si elle n'était pas
elle-même en mesure de l'examiner en temps utile.
Mes chers collègues - je le dis à la place qui est la mienne - évitons les
malentendus ! Notre proposition ne portait nullement atteinte aux compétences
des commissions permanentes. J'ai moi-même indiqué, accédant à cette
responsabilité, voilà quelques mois, que je n'étais pas favorable à l'idée,
émise notamment à l'Assemblée nationale, de transformer la délégation du Sénat
ou de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne en une commission
permanente.
La crédibilité et l'efficacité de notre délégation tiennent précisément au
fait qu'elle est constituée en dehors des commissions permanentes, comme une
structure transversale composée de membres de chacune des autres commissions,
tant il est vrai que les questions européennes, qui ne sont plus, pour
beaucoup, des questions de politique étrangère, ne peuvent pas non plus être
enfermées verticalement dans un domaine plutôt que dans un autre. Ainsi notre
grande chance, permettez-moi de le dire en qualité de président de cette
délégation, tient à ce qu'un Robert Badinter, membre de la commission des lois,
participe à notre délégation, ou qu'un Xavier de Villepin, président de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en est
également membre ; je pourrais citer beaucoup de noms et, derrière ces noms,
beaucoup de compétences issues de chacune des commissions permanentes : tous
enrichissent le travail de notre délégation transversale.
Je veux éviter, en précisant ainsi ma position, tout malentendu : nous ne
souhaitons pas porter atteinte aux compétences de chacune de nos commissions
permanentes. J'avais d'ailleurs prévu, avec les vice-présidents de la
délégation, que ce n'est qu'à leur demande que les commissions permanentes
auraient pu elles-mêmes se dessaisir d'un texte au profit de notre délégation,
pour faire face à une situation d'urgence.
Je crains simplement qu'en l'absence de souplesse - mais je respecte votre
point de vue, monsieur le rapporteur - le Sénat ne puisse pas, dans certaines
occasions, se prononcer en temps utile sur des textes importants. N'oublions
pas, par exemple, qu'avec la communautarisation des matières qui vont toucher à
la libre circulation des personnes - je pense à ce que l'on appelle le «
troisième pilier » - nous allons être saisis au cours des cinq prochaines
années de nombreux textes qui porteront sur des sujets sensibles. Il nous
faudra alors décider vite de notre position afin de la communiquer suffisamment
tôt au Gouvernement.
Cette formule nous paraissait offrir au Sénat la possibilité de faire valoir
son opinion en temps utile. Elle constituait une sorte de filet de sécurité
pour les cas exceptionnels où se conjuguent la nécessité d'intervenir de
manière urgente et un grand encombrement de l'ordre du jour de la commission
compétente.
Néanmoins, mes chers collègues, je prends acte du point de vue exprimé avec
beaucoup de compétence par M. le rapporteur de la commission des lois et je le
respecte. Nous verrons, à l'expérience, si nos craintes étaient ou non fondées.
Il se peut qu'elles ne le soient pas, mais, monsieur le rapporteur, vous avez
vous-même utilisé le mot de « signal ». Ce signal, lié au souci d'un vrai
contrôle parlementaire constructif et vigilant, sera bien entendu dans chacune
de nos commissions permanentes.
Je veux enfin remercier la commission des lois et son rapporteur d'avoir
proposé l'inscription dans le règlement du Sénat du rôle confié à notre
délégation dans l'instruction de tous les textes soumis au Sénat en application
de l'article 88-4. Ce sera désormais sur un fondement réglementaire, et non
plus seulement sur une demande de la conférence des présidents, que la
délégation accomplira cette mission. Elle le fera - vous le savez - avec
beaucoup d'énergie et de détermination, et elle pourra maintenant conclure au
dépôt de propositions de résolution.
Il est incontestable que le texte que nous propose la commission des lois
donnera simplement - mais c'est déjà beaucoup - plus de facilité au Sénat pour
se prononcer en temps utile sur les textes européens. Je l'approuverai donc
sans réserve, en y voyant une étape supplémentaire dans l'amélioration de notre
contrôle sur les questions européennes.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, mes chers collègues, le débat sur la proposition de
résolution n° 295 et les conclusions de la commission des lois touchent à une
question d'importance : la place des Parlements nationaux dans le processus
d'élaboration des normes européennes.
Depuis de nombreuses années, l'émergence, dans le cadre de la construction
européenne, de ce qu'il est malheureusement convenu d'appeler un « déficit
démocratique » a été largement soulignée par tous.
M. le président de la commission des lois - j'ai de bonnes lectures ! -
soulignait en 1999, à propos du traité de Maastricht, que « l'expérience montre
malheureusement que les Parlements nationaux sont trop souvent relégués au rang
de chambres d'enregistrement des décisions prises au niveau des instances
communautaires ».
« L'émergence d'un véritable gouvernement économique européen, poursuivait-il,
contient en germe la possibilité d'une évasion du pouvoir gouvernemental et
d'une partie du pouvoir législatif vers Bruxelles. »
Toutes ces affirmations de bon sens tendaient à justifier la création d'un
article 88-4 de la Constitution.
Ce constat n'est-il pas encore d'actualité ? Il faut bien l'admettre.
L'intervention du Parlement national est toujours faible et sans grande
conséquence alors que la production d'actes communautaires ne cesse de
s'accélérer.
Le déficit démocratique existe toujours bel et bien ; il s'est même accru,
d'une manière générale.
L'article 88-4 de la Constitution, instauré en 1992 pour faire pendant à la
démarche supranationale inhérente au traité de Maastricht, autorisait le
Parlement à voter des résolutions pour demander au Gouvernement d'intervenir
dans tel ou tel sens à l'occasion du débat d'adoption d'un acte communautaire
en Conseil des ministres européen.
Cette résolution ne constituait en rien un mandat s'imposant au Gouvernement.
Il s'agissait, en fait, d'un simple pouvoir consultatif.
En 1992, les parlementaires communistes s'étaient déjà inquiétés de
l'insuffisance du pouvoir conféré au Parlement national dans la construction
européenne.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Michel Duffour.
Il ne s'agissait pas, et il ne s'agit toujours pas, d'un quelconque repli «
souverainiste », mais de l'idée que le cadre de l'expression démocratique le
plus vivant, à l'heure actuelle, est la nation. La construction d'une entité
démocratique à l'échelle européenne est bien évidemment souhaitable, mais elle
est complémentaire d'une vie démocratique interne aux nations.
L'article 88-4 constitue donc pour beaucoup un mirage. Mais il existe et,
malgré toutes ses insuffisances, il représente un moyen d'étude et d'alerte du
Parlement national sur l'activité européenne.
Bien utilisée, cette procédure peut exercer une certaine influence sur nos
gouvernants.
Le traité d'Amsterdam n'a pas fait évoluer, sur le fond, l'intervention des
Parlements nationaux, mais il a élargi son champ d'action, puisque les actes
communautaires des deuxième et troisième piliers peuvent être aujourd'hui
examinés.
Le bilan de l'utilisation de l'article 88-4 par le Sénat prête tout de même à
réflexion, comme l'a dit M. le rapporteur : les 206 actes communautaires
transmis au parlement ont suscité 13 résolutions, dont une seule a été examinée
en séance publique par l'ensemble du Sénat.
Bien entendu, tous les actes communautaires ne sont pas d'importance égale.
Mais il faut bien reconnaître que la capacité d'intervention est réduite et que
l'unique examen en séance plénière démontre bien les limites du crédit apporté
à cette procédure.
Il est certain qu'un plus grand et plus actif pouvoir de contrôle du Parlement
en la matière aiderait à rendre les débats sur ces questions beaucoup plus
transparents.
Sans nul doute, il faut améliorer la procédure, même dans le cadre limité de
l'actuel article 88-4.
Nous avons, bien entendu, enregistré la volonté de M. Barnier et de ses
collègues d'assurer un meilleur contrôle du Parlement national sur l'activité
européenne. Nous ne mettons aucunement en doute leur sincérité, bien au
contraire. Mais, si nous ne nous sommes pas associés au texte du président de
la délégation, c'est parce que nous considérons que réserver l'essentiel du
travail parlementaire sur l'Europe à la délégation pour l'Union européenne
réserverait de fait cette fonction à un cercle trop restreint, privant
l'ensemble du Sénat de l'intervention nécessaire sur ces questions
essentielles.
L'Europe est une question qui traverse l'ensemble de la vie politique,
économique et sociale du pays. La compétence de l'ensemble des commissions
permanentes sur les questions européennes, dans le cadre de leur secteur
d'activité, apparaît donc à nos yeux fondamentale.
Nous pensons que le souci de M. Barnier est juste. Des moyens doivent être
donnés au Parlement national pour qu'il puisse s'inscrire dans le débat
européen. Mais c'est, à nos yeux, l'ensemble de l'organisation du travail
parlementaire qui doit être réexaminé au regard de toutes les questions
européennes qui se posent. La solution ne passe pas par la mise en place d'une
structure isolée qui déconnecterait encore plus l'activité des commissions du
travail normatif européen.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se retrouvent donc
dans la volonté de la commission des lois de respecter la compétence actuelle
des commissions. Ils s'interrogent toutefois sur la volonté de lier rapport et
examen des amendements lors de la même réunion de commission. L'élaboration des
amendements ne doit-elle pas être le fruit de la réflexion du rapporteur,
d'autant plus qu'il s'agit d'affaires souvent complexes et qui surgissent de
manière précipitée ?
Nous craignons que, par souci d'efficacité, on ne rende ainsi plus formel
encore l'examen des actes communautaires par le Parlement.
Nous nous interrogeons également sur le raccourcissement du délai durant
lequel la conférence des présidents peut inscrire à l'ordre du jour du Sénat
l'examen d'une proposition de résolution.
Il nous apparaît que l'un des moyens de renforcer le contrôle du Parlement,
c'est tout de même de multiplier les examens en séance publique. L'ensemble du
Sénat doit se saisir de grands débats européens !
Ce souci de la séance publique constitue le fondement de l'amendement que nous
avons déposé : nous proposons que la demande d'un président de groupe
d'inscrire une proposition de résolution à l'ordre du jour soit, pour la
conférence des présidents, considérée comme impérative.
Cette proposition reprend d'ailleurs l'article 151-3 du règlement de
l'Assemblée nationale. Il nous semble que cette proposition est de nature à
alimenter le nécessaire débat politique sur la construction européenne : notre
amendement vise à vivifier ce débat.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - L'intitulé du chapitre XI
bis
du règlement du Sénat
(avant l'article 73
bis
) est rédigé comme suit :
« Chapitre XI
bis
« Résolutions européennes ».
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles 2 à 4
M. le président.
« Art. 2. - L'alinéa 1er de l'article 73
bis
est ainsi rédigé :
« 1. Les projets ou propositions d'actes et les documents soumis au Sénat en
application de l'article 88-4 de la Constitution sont déposés sur le bureau du
Sénat et distribués. » -
(Adopté.)
« Art. 3. - Les deux premières phrases de l'alinéa 2 de l'article 73
bis
sont ainsi rédigées :
« La délégation du Sénat pour l'Union européenne veille au respect de
l'article 88-4 de la Constitution. A cet effet, si elle constate que le
Gouvernement n'a pas déposé sur le bureau du Sénat un texte qui lui paraît
devoir être soumis au Sénat, la délégation en saisit le président du Sénat qui
demande au Gouvernement de soumettre ce texte au Sénat. » -
(Adopté.)
« Art. 4. - L'alinéa 4 de l'article 73
bis
est ainsi rédigé :
« 4. La délégation pour l'Union européenne instruit les textes soumis au Sénat
en application de l'article 88-4 de la Constitution et peut conclure au dépôt
de propositions de résolution. » -
(Adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - I - Les alinéas 6 et 7 de l'article 73
bis
sont remplacés
par les dispositions suivantes :
« 6. Après l'expiration du délai limite qu'elle a fixé pour le dépôt des
amendements, la commission compétente examine la proposition de résolution
ainsi que les amendements qui lui ont été présentés par les sénateurs, les
commissions saisies pour avis ou la délégation pour l'Union européenne. Les
amendements, lorsqu'ils sont signés par plusieurs sénateurs, sont présentés
devant la commission par l'un des signataires qui en sont membres, ou, s'il n'y
en a pas, par le premier des signataires.
« 7. Le rapport de la commission, comportant le cas échéant la proposition de
résolution qu'elle a adoptée, est imprimé et distribué. »
« II. - L'alinéa 8 du même article est ainsi rédigé :
« La proposition de résolution de la commission devient la résolution du Sénat
au terme d'un délai de dix jours francs suivant la date de la distribution du
rapport sauf si, dans ce délai, le président du Sénat, le président d'un
groupe, le président de la commission compétente ou d'une commission saisie
pour avis, le président de la délégation pour l'Union européenne ou le
Gouvernement demande qu'elle soit examinée par le Sénat. »
« III. - L'alinéa 10 du même article est rédigé comme suit :
« Si, dans le quinze jours francs qui suivent cette demande, la conférence des
présidents ne propose pas ou le Sénat ne décide pas son inscription à l'ordre
du jour, la proposition de résolution de la commission devient la résolution du
Sénat. »
Par amendement n° 1 rectifié, MM. Duffour, Bret et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent de compléter
in fine
le
texte présenté par le II de cet article pour l'alinéa 8 de l'article 73
bis
du règlement du Sénat par une phrase ainsi rédigée : « Si un
président de groupe demande à la conférence des présidents l'inscription à
l'ordre du jour du Sénat, cette inscription est de droit à l'ordre du jour
complémentaire. »
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Notre souci, partagé par de nombreux parlementaires, est de permettre un rôle
réel et plus efficace de l'action normative européenne par l'Assemblée
nationale et le Sénat.
Il nous semble que la plénitude de l'intervention des élus s'exerce lors de la
séance publique. C'est là que se déroule le débat dans la plus totale
transparence, dans le respect du pluralisme. L'objet de notre amendement est
donc de placer au coeur des travaux parlementaires, c'est-à-dire en séance
publique, la discussion des textes européens, qui revêtent souvent une grande
importance.
Comme chacun le sait, le débat européen est profondément politique. Des
conceptions différentes de l'Europe, dont les groupes politiques sont les
porteurs, s'affrontent. Le débat pluraliste implique donc, selon nous, de
conférer au sein du Parlement un rôle important aux groupes dans le débat
européen.
La disposition que nous proposons existe dans le règlement de l'Assemblée
nationale, où aucun abus de procédure n'a été constaté. Il apparaît même
regrettable qu'elle ne soit pas plus fréquemment utilisée.
Nous proposons donc que le Sénat marque clairement sa volonté de mettre
l'accent sur le débat européen, sur la participation accrue des parlements
nationaux à la construction européenne, en votant notre amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Malgré la rectification apportée, qui fait que la demande est
maintenant adressée à la conférence des présidents - à qui d'autre, d'ailleurs,
pourrait-on l'adresser puisque le règlement prévoit que l'ordre du jour est
fixé par la conférence des présidents ? - la commission ne peut accepter que
l'on accorde aux présidents de groupe le droit de faire inscrire une
proposition de résolution à l'ordre du jour complémentaire. Ce n'est en effet
pas conforme au mécanisme d'établissement de l'ordre du jour du Sénat.
Sans doute conviendrait-il de réfléchir au rôle des groupes politiques en
matière d'inscription des textes à l'ordre du jour complémentaire. Mais cette
question ne peut être abordée par le seul biais des propositions de résolution
déposées dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution. En effet,
pourraient également être concernées les propositions de loi, surtout avec les
fenêtres qui sont désormais ouvertes par la Constitution.
M. Claude Estier.
On ne demande pas mieux !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Pour l'instant, il paraît préférable de conserver le système
actuel d'inscription à l'ordre du jour de la conférence des présidents, à
laquelle participent l'ensemble des présidents de groupe.
J'ai d'ailleurs fait procéder à des recherches, d'où il ressort que jamais il
n'a été opposé une fin de non-recevoir à une demande d'inscription à l'ordre du
jour d'une résolution. Les habitudes de la maison font que toutes les
propositions de résolution sur un sujet qui paraît important à un groupe ont
toujours été inscrites à l'ordre du jour.
Il ne nous paraît donc pas indispensable de voter, dans l'immédiat, cette
proposition, qui, en tout état de cause, ne concerne qu'une partie des droits
des groupes politiques du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
M. Claude Estier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Monsieur le rapporteur, vous n'assistez pas à la conférence des présidents.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Cela m'arrive !
M. Claude Estier.
Si vous y assistiez régulièrement, vous pourriez constater que jamais une
demande d'un président de groupe de la minorité sénatoriale n'est prise en
considération.
L'amendement déposé par nos collègues du groupe communiste républicain et
citoyen a donc tout de même, quoi que vous en disiez, une signification, et
c'est pourquoi le groupe socialiste le votera.
Mme Hélène Luc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Cet amendement est d'une grande importance au regard du fonctionnement
démocratique de notre Haute Assemblée, notamment du droit d'amender en séance
plénière, qui est un droit fondamental des parlementaires.
Mes amis Michel Duffour et Danielle Bidard-Reydet ont fort bien souligné la
nécessité absolue pour le Parlement de discuter des directives européennes.
Certes, toutes les directives ne doivent pas être discutées en séance plénière.
Comment ferions-nous ? Il convient toutefois que l'on réserve aux présidents de
groupe la faculté d'en demander l'inscription en séance plénière lorsqu'ils
l'estiment nécessaire, et ce pour des cas qui seront relativement exceptionnels
!
J'ai regardé comment cela se passe à l'Assemblée nationale, où les choses
fonctionnent de cette façon. Aucun groupe n'abuse de la possibilité ainsi
offerte.
Si vous vous opposez à notre proposition, monsieur le rapporteur, monsieur
Barnier, je note d'ailleurs que vous serez en pleine contradiction. En effet,
comment peut-on demander que le Parlement national discute plus des directives
européennes et, dans le même temps, priver ce même Parlement du droit de
discuter de directives européennes en séance plénière à la demande d'un groupe
?
Cette discussion, ce n'est pas la première fois que nous l'avons. Nous
l'avions déjà eue, voilà quelques années, mais M. Barnier n'était pas encore
sénateur et vous-même, monsieur le rapporteur, siégiez encore à l'Assemblée
nationale. La question revient donc régulièrement.
Je mets de la passion dans mon propos parce que je crois que le sujet en vaut
vraiment la peine. Mais je suis persuadée, mes chers collègues, que, refusant
la contradiction que j'ai évoquée tout à l'heure, vous allez vous rendre à
notre logique et accéder à notre demande, qui ne me paraît pas exorbitante.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié, repoussé par la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste
républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 99 ::
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour l'adoption | 99 |
Contre | 220 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de résolution, je donne
la parole à M. Estier, pour explication de vote.
M. Claude Estier.
Nous constatons donc que la commission des lois a modifié la proposition de
résolution dont M. Barnier était le premier signataire et à la version initiale
de laquelle le groupe socialiste ne s'était pas associé.
Cette modification va dans le sens du respect de la Constitution, et aussi
d'un meilleur contrôle du processus communautaire par la commission permanente,
tout en assurant une meilleure reconnaissance du travail et du rôle de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne, dont il est dit qu'elle instruit
les textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
et peut donc conclure au dépôt de propositions de résolution.
Il s'agit d'une modification, à nos yeux bienvenue, de l'article 73
bis
du règlement du Sénat compte tenu des améliorations du pouvoir de contrôle du
processus communautaire du Parlement français apportées par la révision
constitutionnelle qui a précédé la ratification du traité d'Amsterdam,
améliorations assorties de l'engagement du Gouvernement de transmettre tout
document important et de réduire au minimum les délais de transmission des
propositions d'actes communautaires.
Nous sommes également favorables, cela va de soi, à la suppression du droit
d'amendement du Gouvernement sur une proposition de résolution, et ce pour les
raisons que M. le rapporteur a fort bien expliquées tout à l'heure.
Tout en regrettant vivement le rejet de l'amendement n° 1 rectifié, le groupe
socialiste votera donc la proposition de résolution telle qu'elle est présentée
par la commission des lois.
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Nous avons, dans notre intervention liminaire, explicité la position du groupe
communiste citoyen et républicain.
Sur l'ensemble de la proposition de résolution, nous nous abstiendrons parce
que nous considérons que la transparence du débat démocratique est essentielle,
surtout lorsqu'il s'agit de débats qui tendent à rapprocher le traitement des
questions européennes des citoyens.
Notre abstention doit donc être interprétée comme une opposition, non pas à
l'ensemble de la proposition de résolution, mais seulement à ce point
précis.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je soutiens, au nom de mon groupe, la présente proposition de résolution,
déposée notamment par M. Barnier, qui vise au fond à donner la capacité à la
Haute Assemblée de mener une véritable expertise sur l'ensemble des textes,
méthode de travail qui se révèle efficace.
J'approuve donc totalement cette proposition de résolution et je suis heureux
que son adoption se fasse en présence de M. le maire de Ligugé puisque saint
Martin a été l'un des plus grands Européens !
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du
RPR.)
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Quel bel auteur !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de résolution.
(La résolution est adoptée.)
5
ACCÈS AUX SOINS PALLIATIFS
Adoption d'une proposition de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 348,
1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir le droit à
l'accès aux soins palliatifs. [Rapport n° 363 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, en accord avec M. le secrétaire d'Etat, la parole
est à M. le rapporteur.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, enfin, nous y voilà !
Prise en charge de la douleur, reconnaissance des droits de la personne
malade, dont celui de bénéficier des soins palliatifs et d'un accompagnement,
vous le comprenez bien, mes chers collègues, il s'agit non seulement d'une
avancée législative, mais avant tout d'un nouveau regard porté sur l'homme, sur
le comportement désormais différent de la société par rapport à ce moment le
plus important de la vie : - le dernier -, un nouveau comportement pour une
nouvelle société, celle du troisième millénaire. J'espère que ce n'est qu'un
début.
Chacun a bien conscience que, dans le monde tel qu'il est et tel que nous
voulons qu'il devienne, nous aurons pour charge de définir de nouvelles
attitudes, de nouveaux devoirs, une nouvelle espérance.
Ce vote que nous allons émettre va au-delà d'une simple directive de santé
publique, c'est toute une façon de concevoir les rapports humains.
Nous aurons à imaginer et à voter de nouveaux textes dans ce domaine comme
dans d'autres.
Aujourd'hui, ce n'est pas la fin d'une longue marche, ce n'est seulement
qu'une étape dont je suis heureux que le Sénat ait été l'initiateur, quelles
qu'aient été les tentatives d'atermoiements venues d'ailleurs. L'essentiel
n'est il pas d'avancer pour donner toute sa place à l'homme ?
Ainsi que je l'indique précisément dans mon rapport écrit, la question des
soins palliatifs revient au Sénat à l'issue d'une procédure à bien des égards
atypique.
Le 7 avril 1999, notre Haute Assemblée adoptait, en effet, une proposition de
loi tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et de
l'accompagnement. Cette proposition de loi s'inscrivait dans le droit-fil des
travaux entrepris dès 1994 par la commission des affaires sociales sur la prise
en charge de la douleur. Elle estimait en effet que la maîtrise de la douleur
était le préalable incontournable avant la mise en place d'une législation
tendant à inscrire dans la loi, de façon explicite, le droit pour tout malade
de bénéficier de soins palliatifs et d'un accompagnement.
Le texte fut approuvé à l'unanimité par les deux assemblées en novembre 1994,
et soutenu par les différents secrétaires d'Etat à la santé qui se succédèrent,
dont vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, qui avez lancé un plan très
complet de lutte contre la douleur.
C'est à l'unanimité donc que les différentes étapes de ce processus ont été
franchies : unanimité des membres de la commission des affaires sociales tant
pour adopter le rapport d'information que pour déposer la proposition de loi et
arrêter les conclusions de la commission ; unanimité des membres de la Haute
Assemblée pour voter les conclusions amendées en séance publique.
Il se trouve que, parallèlement, trois propositions de loi n°s 1503 rectifié,
1514 et 1515 - comment ne pas se référer à Marignan ? Mais on a la bataille que
l'on peut ! - ayant un objet similaire, ont été mises en distribution le 7
avril dernier, à l'Assemblée nationale ; elles devaient être examinées par la
commission des affaires culturelles, familiales et sociales le 29 avril et, en
séance publique, les 6 et 11 mai derniers.
Ainsi, chaque assemblée allait voter de son côté sa propre proposition de loi
relative aux soins palliatifs, des pressions extérieures écartant de la navette
le texte du Sénat, qui, était transmis le 7 avril dernier à l'Assemblée
nationale, au profit de trois propositions de loi opportunément mises en
distribution ce même jour.
Nous devons constater, néanmoins, que le bon sens a prévalu,
in fine
,
grâce aux efforts de chacun et, d'abord, des présidents des deux assemblées,
qui ont, l'un et l'autre, souligné l'importance de l'initiative parlementaire
et les vertus de la navette, mais également du président de la commission des
affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, qui a
accepté de joindre à l'examen des propositions de loi précitées celle de M.
Bernard Perrut et celle qu'avaient bien voulu déposer M. Jean-Louis Debré et
plusieurs de ses collègues, reprenant le texte adopté par le Sénat.
Cette conjonction d'efforts a permis de remettre le train sur les rails, et à
la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée
nationale d'adopter un texte en tout point semblable à celui qui avait été voté
à l'unanimité par le Sénat.
Je ne peux que regretter que ces excellentes dispositions aient été amputées
en séance publique par deux amendements du secrétariat d'Etat. Ceux-ci amputent
très sensiblement la portée des modifications de la législation hospitalière
souhaitées par la commission, par exemple, en réduisant pratiquement à néant
les espoirs d'améliorer l'hospitalisation à domicile pour les soins palliatifs,
quand on sait que plus de 70 % des malades souhaitent mourir chez eux et que
moins de 26 % y parviennent.
L'essentiel demeure toutefois. C'est la raison pour laquelle la commission
avait demandé que la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale soit
inscrite à la prochaine séance réservée, par priorité, à l'ordre du jour fixé
par le Sénat. Nous y sommes.
En revanche, le texte modifié consacre le fait que désormais notre code de la
santé publique reconnaît dans son article 1er, ainsi que je le souhaitais,
comme la commission des affaires sociales, « les droits de la personne malade
et des usagers du système de santé » et que le premier de ces droits est celui
de bénéficier de soins palliatifs et d'un accompagnement.
Bien entendu, après de nouvelles concertations, nous aurons à déposer un texte
qui rétablira en les améliorant les articles écartés par les amendements de M.
le secrétaire d'Etat, de telle sorte qu'au-delà des péripéties qui ont pu
troubler une navette entre les deux assemblées, que j'aurais souhaitée plus
traditionnelle et plus harmonieuse, et qu'à défaut d'un projet de loi, cet
important texte d'initiative parlementaire soit définitivement voté avant l'été
et entre en vigueur sans délai.
C'est pourquoi, mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations,
votre commission vous demande de voter conforme cette proposition de loi.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'importance d'un texte ne se
mesure pas - ou se mesure peut-être ? - aux tribulations qu'il a connues.
J'ai là un beau discours, monsieur le rapporteur : je vous en ferai grâce. Je
retiens de ce texte, mais, surtout, de nos débats, plusieurs choses.
La première, c'est votre dévouement et votre acharnement personnels pour que
ces propositions viennent heureusement transformer notre pratique des soins.
Je rends hommage à votre persévérance et à la façon dont vous nous avez imposé
des démarches, parfois en nous brusquant ; vous avez eu raison de le faire.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit, vous l'avez dit, de l'essentiel, c'est-à-dire
de modifier, d'infléchir non seulement les pratiques mais aussi l'esprit d'un
système de soins trop technique, trop souvent à la remorque d'un progrès
indéniable, nécessaire, indispensable mais très insuffisant.
Il s'agit également de modifier et d'infléchir cette manière de se détourner
de l'inéluctable, cette façon qu'ont les médecins - et je sais de quoi je parle
- de ne pas prendre en compte ce qui les fâche, ce qui évidemment vient non
seulement marquer la « finitude » de notre vie, de la leur, mais aussi de leur
science.
Après tout, peut-on leur en faire grief ? Non ! On peut leur reprocher - et
vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur - d'avoir pendant très longtemps
consacré si peu d'efforts au traitement de la douleur par rapport au reste du
monde, à des pays voisins et à la jeune génération médicale qui critiquait de
telles attitudes.
Dès lors, vous avez eu raison, je vous remercie de l'avoir relevé - de dire
que le plan triennal était une pierre supplémentaire de l'édifice déjà quelque
peu esquissé de la nécessaire prise en charge des souffrances de chacun, des
patients pris un par un. D'ailleurs, nous ne voulons plus de ce vocable,
patient, qui signifie personne qui souffre. Ce sont des personnes malades,
souvent nos parents.
Les soins palliatifs devaient suivre. Ils ont provoqué quelques débats.
Monsieur Neuwirth, ne vous plaignez pas trop de l'abondance de textes ; ils ont
été harmonisés, et je vous remercie de l'avoir constaté, de façon positive.
Même si c'est longtemps après vous, vous avez fait des disciples.
Plusieurs textes ont été déposés ; nous en avons retenu cinq à l'Assemblée
nationale puis le vôtre, qui était un modèle. Nous avons essayé de les
adapter.
Dans la pratique, nous avons voulu que chaque projet médical de chaque
établissement prenne en compte l'organisation des équipes de soins palliatifs,
qu'elles soient fixes ou mobiles - dans un premier temps, nous les préférons
mobiles - et la prise en charge de l'hospitalisation à domicile. C'est une
avancée car vous savez qu'il faut absolument gager un lit d'hospitalisation à
domicile par deux lits hospitaliers ; vous connaissez les conflits que cela
entraîne, au niveau des personnels en particulier. Nous avons préféré indiquer
que nous ne suivrons pas forcément cette règle. Tout dépendra de la réalité des
soins palliatifs et des nécessités dans chaque région.
Les schémas sanitaires sont saturés. Nous n'aurions pas pu mettre en place les
équipes nécessaires, indispensables même. Nous avons préféré qu'elles puissent
figurer dans chaque projet hospitalier et qu'elles soient validées par l'agence
régionale de l'hospitalisation.
La démarche du Gouvernement vise également à conforter les bénévoles qui, dans
ces équipes, ont joué et jouent un rôle indispensbale. Je tiens à saluer ici le
travail de ces volontaires que nous n'avons pas assez remerciés pour l'aide
qu'ils ont apportée à un moment qui était plus difficile, où il était, si je
puis dire, moins dans le vent de s'intéresser à la mort de son prochain.
Voilà l'essentiel des transformations que nous avons cru devoir proposer pour
que ce texte puisse devenir opérationnel au plus vite.
Dans un premier temps, nous avions trouvé un peu d'argent. Mais, maintenant,
il faudra que les financements habituels prennent en compte cette nécessité non
seulement dans chaque hôpital, mais dans chaque établissement recevant des
personnes âgées.
Ces établissements prennent très rarement en compte la fin des personnes
âgées. Pourtant, dans notre pays, beaucoup plus de personnes vivent en bonne
santé plus vieilles, bien plus vieilles.
Nous avons voulu que cette nouvelle situation soit prise en compte, tant dans
ces établissements que dans les hôpitaux, par l'ANAES, Agence nationale
d'accréditation et d'évaluation en santé. Nous verrons les résultats. Je les
attends au plus vite.
Surtout, j'ai été sensible à la manière dont ces mesures ont été présentées,
j'ai été sensible à la volonté d'en revenir à plus d'humanisme. Il ne s'agit
plus seulement de technique, mais aussi de laisser la tendresse, l'attention
des plus proches, de la famille, des amis se faire jour plus facilement dans
ces équipes.
L'échange autour de l'inéluctable, autour de la fin, de la mort sera peut-être
facilité.
Comme vous le savez, les nôtres avaient des difficultés à aborder ce problème.
Rien n'était codifié, rien n'était prévisible, rien n'était semblable, tout
dépendait - et c'est cela que je trouvais personnellement, pour l'avoir
beaucoup pratiqué, difficile à supporter - de l'endroit où les derniers moments
étaient vécus, dans un établissement pour personnes âgées, dans la famille, à
domicile, comme, très souvent, nos concitoyens le souhaitent. Mais, très
souvent, ils ne peuvent pas y accéder parce que, chez eux, rien n'est prêt,
parce que les équipes en ville, que nous confortons par ce texte, n'étaient pas
suffisamment nombreuses. Tout dépendait alors de l'endroit où l'accident, la
fin de vie les trouvaient.
J'espère que, sans uniformité aucune, parce qu'il y aura un traitement
individuel nécessaire, une attention et un amour individuels, nous pourrons
compter sur un accompagnement différent.
Encore une fois, ce sera quand même une épreuve et rien ne sera réglé pour
autant. Cette épreuve non seulement nous attend tous, mais elle attend chacun
d'entre nous envers chacun des siens. C'est une épreuve pour soi-même, avec
soi-même, dès lors qu'elle est vécue avec les autres.
Je remercie chacun d'entre vous de l'attention portée au texte de M. Neuwirth,
aux améliorations qu'il apporte, en tout cas de mon point de vue. Nous aurons
l'occasion d'en reparler lors de la discussion de chaque projet de loi de
financement de la sécurité sociale. Nous pourrons chaque année relever les
progrès qu'il permet de réaliser.
Ce texte est essentiel, disais-je, parce qu'il change un peu les cultures,
beaucoup les états d'esprit et infiniment le regard que chacun d'entre nous
portera sur une fin plus heureuse.
Il restera, c'est vrai, mais je suis indécis sur ce point, une part de liberté
qui n'est pas évoquée dans ce texte, et qui fut le sujet d'un beau débat au
ministère de la santé - souffrez que je le rappelle, monsieur Neuwirth - entre
députés, sénateurs et membres du Conseil économique et social. L'échange, qui
portait sur l'ensemble des soins palliatifs, s'est étendu à l'euthanasie et a
mené certains à proposer un texte sur l'euthanasie.
De cet échange, il s'est dégagé au moins une certitude : 90 % à 95 % des
personnes en fin de vie, malades ou non, pourraient, devraient avoir accès aux
soins palliatifs.
Il reste donc un pourcentage indéfini mais très lourd, une fenêtre de liberté
sur laquelle il nous faudra tout de même nous interroger. Mais ce n'est ni
l'endroit ni le moment.
A l'occasion de la discussion de ce texte sur les soins palliatifs peut-être
certains ont-ils été approchés par des amis, par des associations, qui sont
venus leur demander, comme ils m'ont demandé, de laisser cette liberté de
choisir à un moment donné.
Quelle est la signification de cette requête dont nous reparlerons ? Il s'agit
non pas de réclamer le droit au suicide ou à l'euthanasie, mais de solliciter
la poursuite de la réflexion face à des situations que les soins palliatifs ne
prennent pas en compte. Je suis sûr que nous nous y emploierons ensemble.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Effectivement, monsieur le secrétaire d'Etat, notre approche
comporte des similitudes. Vous partagez mon point de vue quant à la nécessité
d'un nouveau regard porté sur l'homme, à ce moment le plus important de la
vie.
En revanche, nous divergeons sur deux points.
Je regrette ainsi que vous ayez supprimé pour les bénévoles la prise en charge
par les caisses d'assurance maladie des dépenses de formation.
Je regrette aussi que votre texte prévoie le recours au fonds social. En
effet, celui-ci sera tellement sollicité notamment avec la CMU, la couverture
maladie universelle, qu'il ne disposera certainement pas de beaucoup
d'argent.
Sur ces plans, nous ne sommes donc pas d'accord.
Par ailleurs, nous avions supprimé le troc pour l'hospitalisation à domicile.
Nous avions estimé, puisque la volonté des Français était claire - 70 % d'entre
eux veulent mourir chez eux alors que moins de 26 % le font - qu'il fallait
faciliter l'hospitalisation à domicile, uniquement en ce qui concerne, bien
entendu, les soins palliatifs et l'accompagnement.
Vous l'avez bien compris, monsieur le secrétaire d'Etat, nous cherchons à
aller à l'essentiel. L'essentiel, c'est ce véritable acte fondateur qu'est
l'article 1er. Désormais, le code de la santé publique reconnaîtra, en effet,
les droits de la personne malade et des usagers du système de santé, le premier
de ces droits étant de bénéficier de soins palliatifs et d'un
accompagnement.
Voilà l'essentiel. Pour la suite, d'autres textes y pourvoiront.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
La mise en place effective mais encore trop lente - c'est l'article 1er,
l'article fondateur, a dit M. Neuwirth - des unités de soins palliatifs, les
USP, en France est une réponse à l'urgence, pour notre société, de démythifier
la mort, de réapprendre à vivre avec les mourants afin de leur restituer toute
leur place parmi nous, jusqu'au dernier instant de leur existence.
Les USP sont une alternative humaniste et humaine à l'acharnement
thérapeutique et à ce qu'il faut bien appeler, avec le thanatologue
Louis-Vincent Thomas, l'acharnement euthanasique, dont le développement sans
contrôle ne laisse pas d'être inquiétant. Mais quel pourrait d'ailleurs être ce
contrôle pour ne pas être inquiétant à son tour ?
La France est à la traîne en la matière, et je remercie M. Neuwirth d'être
l'instigateur de cette proposition de loi. Vous en êtes conscient, monsieur le
secrétaire d'Etat : vos efforts significatifs et cohérents en témoignent à
votre crédit, mais je crois qu'il n'est pas inutile de rappeler ici quelques
données de base.
Notre pays offre 500 lits en USP contre plus de 3 000 au Royaume-Uni, où les
USP sont six fois plus nombreuses ; 41 départements français ne disposent pas
encore de structure appropriée, alors que 70 % de nos concitoyens meurent
désormais à l'hôpital, d'une mort de plus en plus médicalisée et de moins en
moins humaine.
Les soignants ne sont pas forcément indifférents après l'épuisement des
traitements curatifs, mais ils manquent de temps, ils manquent de savoir aussi.
De plus, autant le dire, ils ne se sentent pas là pour « cela », le long et
terrible mourir, la plus effrayante épreuve que tout humain ait à subir. « Cela
» mérite bien que des soignants, que des bénévoles y consacrent tout leur temps
et tout leur savoir, afin que l'humain soit traité en humain jusque dans
l'expérience la plus extrême qui soit, pour que la mort soit bien, comme le
prétendait Mallarmé, « un ruisseau peu profond calomnié ».
Chateaubriand disait déjà que « la vieillesse qui était précédemment une
dignité était devenue une charge ». Vérité d'hier, vérité d'aujourd'hui !
La poursuite, à un rythme accéléré dans notre siècle, de la désocialisation de
la vieillesse caractérise notre démission et, osons le dire, notre absence de
solidarité collective devant les mourants et ceux qui leur survivent.
C'est précisément contre cette évolution que s'est inscrit le développement de
la médecine palliative. Dans les trop rares USP, l'agonisant n'est ni un intrus
ni une charge. Il n'a pas besoin - et ses proches non plus - de mimer « la mort
de celui qui fait semblant qu'il ne va pas mourir », selon l'expression de
l'historien Philippe Ariès.
Le malade des USP, qui vient là pour mourir, n'y est pourtant pas réifié,
réduit à une somme organique de symptômes, déjà défunt au sens éthymologique du
mot, privé de fonction.
La modernité nous a apporté, avec une mort reculée, le fait de mourir souvent
à l'hôpital. A nous de saisir le fait de mourir à l'hôpital « presque » comme
chez soi.
Aujourd'hui, on soigne quelques personnes très bien, presque trop bien et trop
longtemps, et quelques-uns moins bien.
Autant il est indispensable que le médecin ne baisse pas trop vite les bras,
autant il est absurde d'infliger des « soins » inutiles à celui qui, faute
d'être mort à la vie, est déjà mort à l'humain. Je pense aux sujets en coma
dépassé, qui sont privés de réflexes vitaux et qui ont perdu les fonctions
végétatives clés. Ceux-là conservent le droit au respect et à l'amour.
L'euthanasie, à cet instant et à cet instant seulement, peut être légitimée
comme l'ultime acte d'aide au mourant, à condition qu'elle ne soit pas décidée
par les soignants seuls.
Mais il faut se défier de toute simplification en ce domaine. Les demandes de
mort sont-elles recevables, sont-elles irrévocables ? Ne sont-elles pas liées,
le plus souvent, à l'absence de soins palliatifs ?
On a pu remarquer, en effet, que là où il est possible de juguler la
souffrance et de prendre en charge le mourant, les demandes d'euthanasie se
font plus rares.
Ces demandes sont moins fréquentes également de la part des soignants dès lors
que ceux-ci peuvent exprimer leurs difficultés et leur angoisse devant leur
impuissance à guérir le patient.
Face à la mort, il est des moyens qui permettent d'éviter de céder trop vite
au désespoir et à la pulsion de mort. Les soins palliatifs sont ces moyens,
dont le moindre mérite n'est pas de faire cesser le dilemme angoissant qui se
pose au médecin : pour abréger les souffrances, doit-on abréger la vie ?
Je laisse chacun aborder cette question avec sa conscience, mais on aura
compris qu'il ne s'agit pas simplement, en la matière, du confort moral des
soignants.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Très bien !
M. René-Pierre Signé.
Les soins palliatifs, donc, sont le choix de la vie et de la compassion
préférées à la pulsion de mort.
Dans cet ensemble de démarches, la première chose à prendre en compte, c'est
l'angoisse qui assaille ceux qui vont mourir. Elle peut être atténuée si le
malade est accompagné par ceux qu'il aime et qui l'entourent de leur tendresse.
Ils devraient pouvoir bénéficier d'une possibilité de congé d'accompagnement
spécifique d'au moins 3 mois, et ce congé devrait être rémunéré. Mais comment
et par qui ? C'est l'objet d'un amendement dont nous reparlerons sûrement tout
à l'heure.
Se pose aussi la question de savoir si l'on doit dire la vérité au malade.
Mon expérience de médecin m'a enseigné qu'il fallait être extrêmement prudent,
ne pas susciter les questions, mais seulement y répondre. Beaucoup de gens ne
veulent pas savoir et l'on doit respecter cette volonté.
On dit souvent que la vérité est une libération. C'est aller beaucoup trop
loin : toutes les vérités ne sont pas forcément bonnes à dire. L'angoisse
entraînée par leur révélation peut, au contraire, déstabiliser le malade ; et
pour quel profit ?
En revanche, je pense qu'il est bon de laisser le malade parler de mort, de sa
mort, sans lui révéler qu'elle est proche. Pour moi, la révélation brutale est
un acte barbare. Elle enlève au malade le droit d'espérer, ce qui est le pire
des supplices.
Le second point, en réalité aussi important que le premier, est celui de la
prise en charge de la douleur - M. Neuwirth s'intéresse à cette question depuis
longtemps - quand elle existe, ce qui est souvent le cas, en particulier dans
les phases terminales des tumeurs - hypercalcémies, encombrement
pharyngo-trachéal, etc.
La douleur est une perception subjective. Force est donc de se fonder sur
l'affirmation des malades, puisque l'on sait que la douleur est ressentie
différemment suivant le caractère, l'environnement, la solitude ou la présence
et la sollicitude de l'entourage. Si la douleur est un signe clinique d'appel,
le diagnostic établi, elle devient inutile et cette inutilité est toujours
perçue par les malades.
J'insiste sur cette question de la douleur physique parce que la France, en
dépit d'efforts récents, demeure parmi les pays où elle est insuffisamment
prise en charge.
Celui qui parvient à se représenter la souffrance des autres a parcouru la
première étape sur le difficile chemin de son devoir, phrase bien connue qui
est toujours à méditer.
Cela m'amène à la question, essentielle vous le savez, de la formation des
équipes soignantes. Il est bien normal que celles-ci soient préoccupées par la
maladie à vaincre. Mais c'est souvent au détriment de la prise en compte du cas
de figure dans lequel la maladie est victorieuse.
Il est temps que notre médecine se souvienne qu'elle n'a longtemps été que
palliative ; il est temps de redonner au traitement palliatif toute sa
noblesse. L'impuissance nécessairement ressentie par le soignant devant un
diagnostic fatal ne doit, en aucun cas, lui faire oublier que la guérison du
malade n'est que l'un des deux aspects de sa mission, l'autre étant d'assurer
le bien-être de celui ou de celle qu'on lui a confié, y compris face à la
mort.
Sur un plan législatif et réglementaire, la formation des médecins doit être
intégrée absolument, formation initiale et formation continue. Il faut aussi
qu'émerge une véritable reconnaissance universitaire de la médecine palliative,
en parallèle à la mise en place de moyens financiers et humains. Il faut une
loi spécifique, de sorte que les USP intègrent le plus souvent les structures
hospitalières, en particulier les CHU, qui doivent devenir des pôles de
référence pour la recherche et la formation.
Mais il faudra aussi ne pas faire de ces unités le passage plus ou moins
obligé des mourants.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Bien sûr !
M. René-Pierre Signé.
D'abord, parce que, me semble-t-il, le volontariat des soignés comme des
soignants est l'une des clefs de la réussite de ces structures, j'y reviendrai
dans un instant. Ensuite, parce qu'il serait préférable que le plus de gens
possible puissent mourir chez eux, entourés de leurs proches tout en
bénéficiant d'une hospitalisation à domicile. C'était d'ailleurs le projet des
pionniers des soins palliatifs, notamment de la grande spécialiste Elizabeth
Kübler-Ross.
C'est l'objet de la proposition de loi que de développer les soins palliatifs
en termes de nombre de lits et de qualité, y compris au domicile des malades,
puisque, comme le disait tout à l'heure M. Neuwirth, 30 % des personnes y
meurent, avec l'adhésion des médecins libéraux rémunérés pour cette mission.
Je parlais de volontariat. C'est, au-delà du médecin, toute l'équipe des
soignants et des bénévoles formés à l'accompagnement de la fin de vie, comme il
est dit dans le texte, qui doit, dans une unité de soins palliatifs,
s'impliquer humainement et dépasser l'indispensable geste technique afin de
recueillir les dernières confidences, mais aussi d'accueillir la famillle et
parfois de la suppléer dans les derniers moment d'intimité, au moment, dit-on,
des ultimes caresses.
La mission d'une USP ne se limite pas au traitement. Sa mission, c'est le
malade tout entier et l'aide qu'on peut lui apporter au moment le plus décisif
de sa vie.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
C'est l'accompagnement.
M. René-Pierre Signé.
En effet, le droit à mourir sans être « chosifié », le droit à être entouré de
sollicitude et de compréhension face à la souffrance physique et à la terreur
d'une perspective à la fois naturelle et impensable, c'est le droit de chacun à
conserver sa qualité d'être humain jusqu'au bout. Cela sera reconnu un jour, je
l'espère, comme l'un des droits universels de l'homme. C'est un objectif vers
lequel il nous faut tendre. Un pays comme le nôtre a les moyens d'organiser
cette chance pour ses citoyens. Cela serait, monsieur le secrétaire d'Etat, la
traduction la plus éclatante et la plus noble de cet humanisme.
(Applaudissements.)
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
tiens, en avant-propos, à me féliciter de l'intelligence dont ont fait preuve
l'ensemble des parlementaires et des membres du gouvernement qui, dépassant
tout clivage politique et jeu politicien, ont su se rassembler pour développer
et humaniser l'accompagnement des malades en fin de vie.
Cela a notamment été le cas de M. le rapporteur, qui a joué un rôle fédérateur
important lors de débats en commission des affaires sociales, lors du dépôt de
la proposition de loi par l'ensemble des sénateurs de la commission et, bien
évidemment, lors des débats en séance qui ont conduit à l'adoption unanime du
texte.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, s'inscrivant
entièrement dans la démarche, ont, dès l'examen du texte en commission,
contribué à son amélioration en faisant adopter deux amendements.
L'un prévoit que les conditions d'agrément des associations de bénévoles
seraient fixées par décret en Conseil d'Etat.
L'autre élargit aux professionnels de santé, salariés des centres de santé, le
champ d'application des dispositions prévues pour les professions libérales.
De par son souhait de voir le texte d'aujourd'hui adopté le plus rapidement
possible, M. Neuwirth nous demande de voter sans modification la proposition de
loi adoptée à l'Assemblée nationale, où les députés ont, sans polémique,
cherché un équilibre entre les différentes propositions, les députés
communistes ayant, dans les débats en commission, proposé d'introduire les
dispositions mises en place par le Sénat le 7 avril dernier.
Je tiens, en outre, à saluer ici les mesures prises par M. le secrétaire
d'Etat à la santé, le 8 avril dernier, visant à mettre en place un plan
triennal de développement des soins palliatifs.
Cette proposition de loi apparaît comme l'amorce d'une réelle prise de
conscience, mais, surtout, comme la première décision prise par les élus pour
répondre aux difficultés de la fin de la vie.
La situation actuelle ne pouvait décemment perdurer.
On ne peut ignorer aujourd'hui la nécessité de développer les soins palliatifs
et de lutter contre la douleur. Les personnes malades, en fin de vie, doivent
pouvoir vivre leurs derniers moments dans la dignité, le respect et le
partage.
Il ne doit pas uniquement s'agir d'une médicalisation accrue, visant à
repousser toujours plus les limites en même temps que l'issue fatale.
La médecine se doit d'être plus humaine. Elle doit prendre en considération
l'ensemble des souffrances ressenties par les patients, surtout, mais aussi par
leurs familles, que ces souffrances soient d'ordre physique ou
psychologique.
Notre pays est très en retard en la matière. Quarante et un départements ne
disposent ni d'unité avec lits, ni d'unité mobile de soins palliatifs. La
capacité d'accueil à domicile est inférieure à 4 000 lits, alors que l'on
estime à 150 000 le nombre de personnes nécessitant des soins palliatifs.
Cette situation est générée par plusieurs causes, et d'abord par les
difficultés de notre société occidentale à assumer la mort. Celle-ci nous
renvoie une image contraire de ce que la société exige des hommes, à savoir
être toujours plus combatif, invincible, meilleur, productif, compétitif.
Autant de notions qui ont empêché les êtres humains de comprendre et d'accepter
la mort.
La mort est vécue comme un échec, alors qu'elle n'est que l'aboutissement de
la vie.
Si, depuis plusieurs années, les formations des professionnels de santé
prennent en compte les aspects psychologiques et physiques des douloureux
moments de la fin de la vie, celles-ci restent succinctes, d'autant plus qu'une
fois en exercice les équipes de soins palliatifs ne bénéficient pas de statut
administratif clair.
Ces aspects sociologiques sont également amplifiés par deux phénomènes : le
vieillissement de la population ne peut certes pas être considéré comme une
pathologie mais, de par les difficultés qu'il représente au quotidien pour les
personnes âgées, il peut relever de soins à caractère palliatif et, par
conséquent, contribuer à l'augmentation des besoins.
La crise économique, la précarité, le chômage, l'évolution de la société ont
également contribué indirectement à l'augmentation des besoins en soins
palliatifs en institution, en provoquant le mal-être d'une partie de la
population, l'éclatement de la cellule familiale et,
a fortiori,
l'incapacité grandissante des proches des malades à assumer l'accompagnement en
fin de vie. En témoigne l'inversement spectaculaire du taux des personnes
mourant à domicile ou en institution.
Voilà autant de raisons qui rendent nécessaire et urgente l'adoption de ce
texte dont je tiens maintenant à saluer quelques-unes des dispositions les plus
significatives.
L'article 1er a encore été amélioré, puisque l'accès aux Soins palliatifs a
été élargi. Ainsi, ils pourront concerner tous ceux dont l'état le requiert.
La définition retenue tient compte de tous les paramètres : « Soins actifs et
continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à
domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique,
à sauvegarder la dignité à la personne malade et à soutenir son entourage. »
Le développement des soins palliatifs est intégré au schéma régional
d'organisation sanitaire, ce qui est gage d'une répartition équilibrée sur
l'ensemble du territoire.
L'ensemble des établissements de santé, qu'ils soient privés ou publics, est
chargé de la mise en place.
Des dispositions particulières, notamment en termes d'honoraires, sont prévues
pour ceux qui interviennent dans ces soins à titre libéral.
Les bénévoles des associations agréées, dont je tiens à saluer le rôle
essentiel et qui, depuis toujours, accompagnent de nombreuses personnes vers la
mort, voient leur action reconnue par conventionnement des associations avec
l'Etat. Cependant, il nous semble dommage que le dispositif qui prévoit la
prise en charge forfaitaire pour l'assurance maladie des frais de formation
d'encadrement et de coordination de l'action des bénévoles ait été abandonné
lors de la lecture à l'Assemblée nationale.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Oui, c'est dommage !
M. Guy Fischer,
L'article 10 instaure un congé d'accompagnement d'une durée de trois mois. Il
s'adresse aux ascendants, descendants et conjoint des personnes en fin de vie.
La création d'un tel congé, qui permettra aux familles de disposer d'un temps
dégagé de leur activité professionnelle pour participer à l'accompagnement du
malade, s'impose. Mais ne soyons pas dupes !
Si ce congé n'est pas assorti d'une allocation, peu nombreuses seront les
personnes qui pourront en bénéficier. C'est pourquoi nous vous proposerons, par
amendement, que ce congé d'accompagnement ouvre droit à une allocation.
Je terminerai sur un point qui, en général, fâche : la question des moyens, à
laquelle nous ne pourrons pas échapper.
Mettre en oeuvre la loi que nous allons voter ne peut se faire en proposant
des réductions de crédits budgétaires, comme vous le faites régulièrement.
En ce qui nous concerne, nous inscrivons ces dispositions dans une perspective
de développement des moyens de santé, en particulier hospitaliers. Loin d'être
un gâchis, non seulement ils sont évidemment nécessaires pour assurer un réel
droit à la santé pour tous, mais ils sont aussi sources d'économie d'autres
coûts sociaux.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. _ Il est inséré, avant le livre Ier du code de la santé publique,
un livre préliminaire ainsi rédigé :
« LIVRE PRÉLIMINAIRE
« DROITS DE LA PERSONNE MALADE
ET DES USAGERS DU SYSTÈME DE SANTÉ
« TITRE Ier
« DROITS DE LA PERSONNE MALADE
«
Art. L. 1er A
. _ Toute personne malade dont l'état le requiert a le
droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement.
«
Art. L. 1er B
. _ Les soins palliatifs sont des soins actifs et
continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à
domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique,
à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage.
«
Art. L. 1er C
. _ La personne malade peut s'opposer à toute
investigation ou thérapeutique. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles 2, 3, 3 bis, et 4 à 10
M. le président.
« Art. 2. _ I. _ L'article L. 712-3 du même code est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« Le schéma régional d'organisation sanitaire fixe en particulier les
objectifs permettant la mise en place d'une organisation optimale pour répondre
aux besoins en matière de soins palliatifs. Ces objectifs sont mis en oeuvre au
moyen des contrats mentionnés aux articles L. 710-16, L. 710-16-1 et L.
710-16-2. »
« II. _ L'article L. 712-3-1 du même code est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« De la même manière, l'annexe au schéma régional d'organisation sanitaire
détermine les moyens nécessaires à la réalisation des objectifs qu'il fixe pour
ce qui concerne les soins palliatifs, notamment les unités de soins palliatifs,
les équipes mobiles et les places d'hospitalisation à domicile nécessaires, par
création, regroupement, transformation ou suppression. » - (
Adopté.
)
« Art. 3. - L'article L. 712-10 du même code est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Des dispositions particulières peuvent être prises pour les soins
palliatifs. »- (
Adopté.
)
« Art. 3
bis
. - Après l'article L. 711-11 du même code, il est inséré
un article L. 711-11-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 711-11-1
. _ Les établissements publics de santé et les
établissements privés de santé participant au service public hospitalier
organisent la délivrance de soins palliatifs, en leur sein ou dans le cadre de
structures de soins alternatives à l'hospitalisation mentionnées à l'article L.
712-10. Le projet d'établissement arrête une organisation compatible avec les
objectifs fixés dans les conditions des articles L. 712-3 et L. 712-3-1.
« Lorsqu'un de ces établissements dispose d'une structure de soins alternative
à l'hospitalisation pratiquant les soins palliatifs en hospitalisation à
domicile, celle-ci peut faire appel à des professionnels de santé exerçant à
titre libéral avec lesquels l'établissement conclut un contrat qui précise
notamment les conditions de rémunération particulières autres que le paiement à
l'acte. » - (
Adopté.
)
« Art. 4. _ Il est inséré, dans le code de la sécurité sociale, un article L.
162-1-10 ainsi rédigé :
«
Art. L. 162-1-10
. _ Des conditions particulières d'exercice des
professionnels de santé exerçant à titre libéral ou qui sont salariés des
centres de santé sont mises en oeuvre pour délivrer des soins palliatifs à
domicile. Ces conditions peuvent porter sur des modes de rémunération
particuliers autres que le paiement à l'acte et sur le paiement direct des
professionnels par les organismes d'assurance maladie.
« Un contrat, conforme à un contrat type, portant sur ces conditions
d'exercice est conclu entre les professionnels ou les centres de santé et les
organismes d'assurance maladie. Un décret en Conseil d'Etat détermine les
modalités d'application du présent article et établit le contrat type. » -
(
Adopté.
)
« Art. 5. _ Avant le 31 décembre 1999, le Gouvernement présentera au Parlement
un rapport sur la prise en compte des soins palliatifs par le programme de
médicalisation du système d'information. » - (
Adopté.
)
« Art. 6. _ Les deux premiers alinéas de l'article L. 710-3-1 du code de la
santé publique sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les établissements de santé, publics ou privés, et les établissements
médico-sociaux mettent en oeuvre les moyens propres à prendre en charge la
douleur des patients qu'ils accueillent et à assurer les soins palliatifs que
leur état requiert, quelles que soient l'unité et la structure de soins dans
laquelle ils sont accueillis. Pour les établissements de santé publics, ces
moyens sont définis par le projet d'établissement visé à l'article L. 714-11.
Pour les établissements de santé privés, ces moyens sont pris en compte par le
contrat d'objectifs et de moyens visé aux articles L. 710-16 et L. 710-16-1.
« Les centres hospitaliers et universitaires assurent, à cet égard, la
formation initiale et continue des professionnels de santé et diffusent, en
liaison avec les autres établissements de santé publics ou privés participant
au service public hospitalier, les connaissances acquises, y compris aux
équipes soignantes, en vue de permettre la réalisation de ces objectifs en
ville comme dans les établissements. Ils favorisent le développement de la
recherche.
« Les établissements de santé et les établissements et services sociaux et
médico-sociaux peuvent passer convention entre eux pour assurer ces missions. »
- (
Adopté.
)
« Art. 7. _ L'article L. 312 du même code est complété par un 4° ainsi rédigé
:
« 4° La délivrance de soins palliatifs aux patients dont l'état le requiert. »
- (
Adopté.
)
« Art. 8. _ Les deuxième (1° ) et troisième (2° ) alinéas de l'article L.
791-2 du même code sont ainsi rédigés :
« 1° D'élaborer avec des professionnels, selon des méthodes scientifiquement
reconnues, de valider et de diffuser les méthodes nécessaires à l'évaluation
des soins, y compris palliatifs, et des pratiques professionnelles ;
« 2° D'élaborer et de valider des recommandations de bonnes pratiques
cliniques et des références médicales et professionnelles en matière de
prévention, de diagnostic, de thérapeutique et de soins palliatifs. » -
(
Adopté.
)
« Art. 9. _ Des bénévoles, formés à l'accompagnement de la fin de vie et
appartenant à des associations qui les sélectionnent, peuvent, avec l'accord de
la personne malade ou de ses proches et sans interférer avec la pratique des
soins médicaux et paramédicaux, apporter leur concours à l'équipe de soins en
participant à l'ultime accompagnement du malade et en confortant
l'environnement psychologique et social de la personne malade et de son
entourage.
« Les associations qui organisent l'intervention des bénévoles se dotent d'une
charte qui définit les principes qu'ils doivent respecter dans leur action. Ces
principes comportent notamment le respect des opinions philosophiques et
religieuses de la personne accompagnée, le respect de sa dignité et de son
intimité, la discrétion, la confidentialité, l'absence d'interférence dans les
soins.
« Les associations qui organisent l'intervention des bénévoles dans des
établissements de santé publics ou privés et des établissements sociaux et
médico-sociaux doivent conclure, avec les établissements concernés, une
convention conforme à une convention type définie par décret en Conseil d'Etat.
A défaut d'une telle convention ou lorsqu'il est constaté des manquements au
respect des dispositions de la convention, le directeur de l'établissement, ou
à défaut le préfet de région, en accord avec le directeur régional de l'action
sanitaire et sociale, interdit l'accès de l'établissement aux membres de cette
association.
« Seules les associations ayant conclu la convention mentionnée à l'alinéa
précédent peuvent organiser l'intervention des bénévoles au domicile des
personnes malades. » - (
Adopté.
)
« Art. 10. _ Le chapitre V du titre II du livre II du code du travail est
complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Congé d'accompagnement
d'une personne en fin de vie
«
Art. L. 225-15
. _ Tout salarié dont un ascendant, descendant ou une
personne partageant son domicile fait l'objet de soins palliatifs a le droit de
bénéficier d'un congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie.
« Il peut, avec l'accord de son employeur, transformer ce congé en période
d'activité à temps partiel.
« Le congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie a une durée maximale
de trois mois. Il prend fin soit à l'expiration de cette période, soit dans les
trois jours qui suivent le décès de la personne accompagnée, sans préjudice du
bénéfice des dispositions relatives aux congés pour événements personnels et
aux congés pour événements familiaux, soit à une date antérieure. Dans tous les
cas, le salarié informe son employeur de la date prévisible de son retour avec
un préavis de trois jours francs.
« Le salarié doit envoyer à son employeur, au moins quinze jours avant le
début du congé, une lettre recommandée avec demande d'avis de réception
l'informant de sa volonté de bénéficier du congé d'accompagnement d'une
personne en fin de vie, ainsi qu'un certificat médical attestant que la
personne accompagnée fait effectivement l'objet de soins palliatifs.
« En cas d'urgence absolue constatée par écrit par le médecin qui établit le
certificat médical visé à l'alinéa précédent, le congé d'accompagnement d'une
personne en fin de vie débute sans délai à la date de réception par l'employeur
de la lettre du salarié.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine en tant que de besoin les modalités
d'application du présent article.
«
Art. L. 225-16
. _ Le salarié en congé d'accompagnement d'une personne
en fin de vie ou qui travaille à temps partiel conformément aux dispositions de
l'article L. 225-15 ne peut exercer par ailleurs aucune activité
professionnelle.
«
Art. L. 225-17
. _ A l'issue du congé d'accompagnement d'une personne
en fin de vie ou de sa période d'activité à temps partiel, le salarié retrouve
son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins
équivalente.
«
Art. L. 225-18
. _ La durée du congé d'accompagnement d'une personne
en fin de vie est prise en compte pour la détermination des avantages liés à
l'ancienneté. Le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu'il avait
acquis avant le début du congé.
«
Art. L. 225-19
. _ Toute convention contraire aux articles L. 225-15,
L. 225-17 et L. 225-18 est nulle de plein droit. » - (
Adopté.
)
Article additionnel après l'article 10
M. le président.
Par amendement n° 1, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 10, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le titre IV du livre V du code de la sécurité sociale est complété par
un chapitre ainsi intitulé : "Congé d'accompagnement des personnes en fin de
vie", qui comprend un article ainsi rédigé :
«
Art. L. ...
- Une allocation de congé d'accompagnement des personnes
en fin de vie est attribuée à tout salarié bénéficiant des dispositions de
l'article L. 225-15 du code du travail. Le montant de l'allocation et ses
modalités d'application sont déterminés par décret.
« « II. - Le taux des deux dernières tranches du barème de l'IRPP est relevé à
due concurrence. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
L'article 10 crée un dispositif intéressant, que nous soutenons tout à fait,
puisqu'il permet aux proches des malades en fin de vie d'accompagner ceux-ci
dans leurs derniers moments, et ce durant trois mois. Cependant, en l'état
actuel des choses, il s'agit d'un congé sans solde.
Or, il ne me paraît pas acceptable de créer un droit qui ne pourra bénéficier
qu'à quelques-uns, surtout dans le domaine qui nous occupe. Ce ne serait ni
équitable ni raisonnable.
Notre groupe demande donc au Sénat, par cet amendement, d'assortir le congé
d'accompagnement de fin de vie d'une allocation permettant à chacun d'accéder à
ce droit quand c'est, hélas ! nécessaire, allocation dont le coût ne serait, en
tout état de cause, pas exorbitant.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
L'amendement qui est présenté par le groupe communiste
républicain et citoyen répond tout à fait à l'objectif visé par la commission.
Nous sommes parfaitement conscients que la portée de la création d'un congé
d'accompagnement serait très réduite si n'était pas créée, parallèlement une
prestation permettant de compenser la perte de revenus.
Il nous semble cependant, compte tenu des dispositions constitutionnelles et
organiques en vigueur, qu'il appartient au Gouvernement plus qu'au Parlement de
proposer la création d'une telle prestation. C'est pourquoi je souhaite
connaître l'avis du Gouvernement sur le sujet.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Comme M. le rapporteur, je comprends le souci qui
anime le groupe communiste républicain et citoyen.
Le congé d'accompagnement, je vous le rappelle, émane d'une proposition que M.
le Premier ministre avait présenté au Conseil économique et social, qui, après
avoir accompli un travail remarquable, l'avait adopté à l'unanimité, patronat
et syndicats confondus. Mais il ne me semble pas possible d'aller plus loin
dans un premier temps. De plus, il ne serait guère opportun de relever en
contrepartie les deux dernières tranches de l'impôt sur le revenu.
Cette disposition, de toute façon, me semble passible de l'article 40 de la
Constitution.
Je ne cherche pas à remettre en cause les avantages acquis mais, par exemple,
on pourrait reconsidérer certains congés. Ainsi, pour les cas d'affections
virales, il serait peut-être possibile d'écourter les congés
d'accompagnement.
En tout cas, pour le moment, j'invoque l'article 40 de la Constitution à
l'encontre de cet amendement.
Mme Hélène Luc.
C'est dommage !
M. le président.
L'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Marc Massion
au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Oui, monsieur le président, il l'est.
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 1 n'est pas recevable.
M. Emmanuel Hamel.
Couperet implacable, l'article 40 !
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Je demande vraiment au Gouvernement de trouver une solution. Je me sens en
effet incapable d'expliquer à des personnes disposant de faibles revenus que
l'on vote un congé d'accompagnement dont elles ne pourront en aucun cas
bénéficier.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
J'entrevois une solution : nous pourrions mettre à profit les
jours qui nous restent avant l'examen du titre IV du projet de loi portant
création de la couverture maladie universelle, qui, comme chacun sait, est
devenu un DMOS, texte qui doit nous être soumis prochainement, pour travailler
ensemble, tous groupes politiques des deux assemblées, à la rédaction d'un
texte un peu plus complet. Il faudrait ainsi prendre en considération, ce qui
n'est pas prévu dans votre amendement, madame Borvo, la situation particulière
des fonctionnaires, ...
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Bien sûr !
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
... qui doivent, eux aussi, bénéficier d'une telle
prestation.
Je vous annonçais tout à l'heure, mes chers collègues, que nous avions en
tête, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, un texte visant à préciser les
choses.
(M. le secrétaire d'Etat fait un signe d'approbation.)
M. Emmanuel Hamel.
M. le secrétaire d'Etat opine du chef !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Opiner du chef ne vaut pas parole !
Mme Nicole Borvo.
Hélas !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Mais, madame, vous n'avez pas de meilleur partisan de
ce congé d'accompagnement que votre serviteur !
Je vous rappelle simplement qu'il s'agit d'un congé de trois mois. Admettez
qu'en l'occurrence l'article 40 s'applique de façon évidente. D'ailleurs, on
pourra peut-être reprendre la discussion au sujet de cette durée de trois mois,
monsieur le rapporteur, pour trouver une solution. En tout cas, on ne peut d'un
seul coup décider d'indemniser un congé de trois mois pour chaque salarié, pour
chaque fonctionnaire qui serait éventuellement concerné.
En revanche, je suis d'accord avec Mme Borvo : il n'est pas possible que ce
congé soit réservé à ceux qui en ont les moyens.
Articles 10
bis
et 11
M. le président.
« Art. 10
bis
. _ I. _ L'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier
1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de
l'Etat est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° A un congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie lorsqu'un
ascendant ou un descendant ou une personne partageant son domicile fait l'objet
de soins palliatifs. Ce congé non rémunéré est accordé pour une durée maximale
de trois mois, sur demande écrite du fonctionnaire. Le congé d'accompagnement
d'une personne en fin de vie prend fin soit à l'expiration de la période de
trois mois, soit dans les trois jours qui suivent le décès de la personne
accompagnée, soit à une date antérieure. La durée de ce congé est assimilée à
une période de service effectif. Elle ne peut être imputée sur la durée du
congé annuel. »
« II. _ La loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires
relatives à la fonction publique territoriale est ainsi modifiée :
« 1° L'article 57 est complété par un 10° ainsi rédigé :
« 10° A un congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie lorsqu'un
ascendant ou un descendant ou une personne partageant son domicile fait l'objet
de soins palliatifs. Ce congé non rémunéré est accordé pour une durée maximale
de trois mois, sur demande écrite du fonctionnaire. Le congé d'accompagnement
d'une personne en fin de vie prend fin soit à l'expiration de la période de
trois mois, soit dans les trois jours qui suivent le décès de la personne
accompagnée, soit à une date antérieure. La durée de ce congé est assimilée à
une période de service effectif. Elle ne peut être imputée sur la durée du
congé annuel. » ;
« 2° Dans le deuxième alinéa de l'article 136, les mots : "du premier alinéa
du 1° et des 7° et 8° de l'article 57" sont remplacés par les mots : "du
premier alinéa du 1° et des 7° , 8° et 10° de l'article 57".
« III. _ L'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant
dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est
complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° A un congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie lorsqu'un
ascendant ou un descendant ou une personne partageant son domicile fait l'objet
de soins palliatifs. Ce congé non rémunéré est accordé pour une durée maximale
de trois mois, sur demande écrite du fonctionnaire. Le congé d'accompagnement
d'une personne en fin de vie prend fin soit à l'expiration de la période de
trois mois, soit dans les trois jours qui suivent le décès de la personne
accompagnée, soit à une date antérieure, date prévisible de son retour avec un
préavis de trois jours francs. La durée de ce congé est assimilée à une période
de service effectif. Elle ne peut être imputée sur la durée du congé annuel. »
-
(Adopté.)
« Art. 11. _ Le rapport du Haut Comité de la santé publique mentionné à
l'article L. 766 du code de la santé publique dresse un état des lieux des
soins palliatifs sur l'ensemble du territoire. » -
(Adopté.)
Article 12
M. le président.
L'article 12 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à M. Francis Giraud, pour explication de vote.
M. Francis Giraud.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
comme il l'a fait dans d'autres domaines, par ce texte, le Parlement français
accompagne les évolutions de la société face au déroulement naturel de
l'existence.
Médecin dans un hôpital d'enfants, j'ai côtoyé toute ma vie la souffrance et
la mort. Mais force est de rappeler que, dans notre société, la mort est
devenue intolérable, elle est « évacuée », la souffrance et l'angoisse trop
souvent délaissées.
Dans notre pays, l'accompagnement des mourants, malgré quelques réalisations
exemplaires, est loin d'être adapté aux besoins des patients et de leur
famille, que ce soit en structure hospitalière ou à domicile.
Deux dérives guettaient : retarder l'échéance finale par des soins devenus
inutiles, l'accélérer sous couvert d'euthanasie.
Il est donc heureux que le législateur intervienne pour donner à chacun les
conditions d'une fin digne.
Les débats tenus sur ce sujet dans les commissions et en séance publique dans
les deux assemblées ont été très riches et d'une haute tenue, aboutissant à des
décisions toujours votées à l'unanimité. On ne peut, comme l'ont fait mes
collègues, que s'en réjouir.
Modifier les mentalités d'une société complexe ne peut être que le fruit d'une
oeuvre collective. Mais nous savons aussi que, pour que les choses bougent, il
faut un catalyseur, un chef de file, si vous préférez. En l'occurrence, il
s'agit de notre rapporteur, Lucien Neuwirth.
Je veux saluer les efforts qu'il a déployés depuis de nombreuses années à la
tête d'un groupe de travail qui a répertorié les carences de notre système en
soins d'accompagnement des malades en fin de vie. C'est aussi à la suite de ses
travaux sur la prise en charge de la douleur que des mesures, votées à
l'unanimité par le Parlement en 1994, ont été incluses dans notre système de
soins. Surtout, c'est encore lui qui, avec le soutien entier de la commission
des affaires sociales, a déposé la première proposition de loi, adoptée à
l'unanimité par le Sénat le 7 avril dernier, tendant à favoriser le
développement des soins palliatifs.
Vous me permettrez pour ces raisons de regretter - le mot est faible et je ne
suis pas le seul à éprouver ce sentiment - appropriation de son oeuvre, quelque
peu inélégante dans un tel domaine, qui eut lieu par le biais de la procédure
parlementaire, même si elle fut accompagnée de louanges à son égard.
Mais ces péripéties n'ont pas entamé sa détermination et sa dignité puisqu'il
a demandé à la commission des affaires sociales du Sénat de ne pas modifier le
texte de l'Assemblée nationale, qui sera donc voté conforme.
En conséquence, les sénateurs du groupe du RPR voteront à l'unanimité cette
proposition de loi. Je crois que le plus bel hommage que l'on puisse rendre à
Lucien Neuwirth, monsieur le secrétaire d'Etat, est de tout mettre en oeuvre,
tant au Parlement qu'au Gouvernement, pour que ce texte entre en vigueur le
plus rapidement possible.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
J'aurais l'impression de manquer à un devoir en n'exprimant pas publiquement
ma déférente gratitude envers notre très éminent collègue Lucien Neuwirth, dont
l'initiative témoigne d'une philosophie axée sur l'amour de l'homme au sens le
plus grand.
En tant que modeste sénateur, je tiens à le remercier du rayonnement
supplémentaire que cette initiative, fondée sur des valeurs à la fois
républicaines et spirituelles que je partage, donne à notre assemblée.
Puisse notre collègue Lucien Neuwirth être un exemple pour les générations à
venir. En effet, grâce à lui, après tant d'années d'incertitude ou d'attente,
nous avons osé faire figurer dans notre législation ce texte permettant que
ceux qui vont quitter cette terre soient accompagnés dans les derniers jours de
leur vie.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous comptons sur votre sens du combat et sur
votre intensité spirituelle pour que, grâce à des moyens financiers adéquats,
ce texte ne se limite pas à exprimer une volonté républicaine mais qu'il soit
concrètement mis en oeuvre, contribuant à la grandeur de notre nation.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous ne pouvons que nous réjouir de la volonté de synthèse de nos deux
assemblées pour parvenir à l'élaboration d'un texte commun.
Il était essentiel d'aboutir rapidement pour que puisse s'engager
concrètement, sur le terrain, et dans les meilleurs délais, le rattrapage du
retard français en matière de soins palliatifs.
La plupart des dispositions de la proposition de loi de notre collègue Lucien
Neuwirth que nous avions votées à l'unanimité en première lecture ont été
reprises par les députés : reconnaissance des soins palliatifs dans le code de
la santé publique et accès aux soins palliatifs pour tout malade dont l'état de
santé le requiert ; facilitation de la prise en charge à domicile par
l'instauration de rémunérations particulières autres que le paiement à l'acte ;
extension de la mission de délivrance des soins palliatifs aux établissements
privés et médico-sociaux ; formation initiale et continue en soins palliatifs
assurée par les CHU ; renforcement et encadrement de la formation des bénévoles
; création d'un congé spécifique pour accompagner un proche en fin de vie ;
suivi de l'évolution des soins palliatifs grâce au rapport du Haut comité de la
santé publique.
Avec le développement des soins palliatifs, c'est la question beaucoup plus
large des droits du malade et de la relation entre le malade et les soignants
qui se pose. Le malade est en droit d'exiger de ne pas souffrir et d'être mieux
écouté. D'ailleurs, cette revendication a été très souvent exprimée lors des
discussions menées lors des états généraux de la santé.
Reste cependant en suspens la question du droit de mourir dans la dignité. J'y
insiste : penser que la généralisation des soins palliatifs éradiquera les
demandes d'euthanasie et permettra donc d'évacuer le débat sur le droit à une
mort digne est un leurre. Je crois franchement que cette question ne doit pas
rester de l'ordre du non-dit, du tabou, mais qu'elle mérite un réel débat, et
il faut que ce débat soit le plus large possible.
Mais, vous nous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, vous en êtes, vous
aussi, convaincu.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
100:
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Majorité absolue des suffrages | 161 |
Pour l'adoption | 320 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
M. Emmanuel Hamel. Belle unanimité ! Honneur à Lucien Neuwirth !
M. le président. Cette unanimité m'incite tout simplement à vous adresser, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, un grand et un chaleureux merci.
6
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. Hubert Haenel une proposition de résolution, présentée en
application de l'article 73
bis
du règlement, sur la proposition de
directive du Conseil concernant la répartition des capacités d'infrastructures
ferroviaires et la certification en matière de sécurité (n° E 1163).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 389, distribuée et
renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
7
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Paul Blanc, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom
de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant l'ordonnance n°
82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances.
Le rapport sera imprimé sous le n° 387 et distribué.
8
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-Pierre Fourcade un rapport d'information fait au nom de
la délégation du Sénat pour l'Union européenne sur la coordination des
politiques de l'emploi dans le contexte de l'euro.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 388 et distribué.
9
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 1er juin 1999 :
A neuf heures trente : Discussion du projet de loi (n° 314, 1998-1999)
autorisant l'approbation de l'avenant n° 5 à la convention du 28 février 1952
entre la France et la principauté de Monaco sur la sécurité sociale.
Rapport (n° 378, 1998-1999) de M. Hubert Durand-Chastel, fait au nom de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
2. Discussion du projet de loi (n° 211, 1998-1999) autorisant l'approbation
d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
de la République du Guatemala sur l'encouragement et la protection réciproques
des investissements.
Rapport (n° 320, 1998-1999) de M. Hubert Durand-Chastel, fait au nom de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
3. Discussion du projet de loi (n° 212, 1998-1999) autorisant l'approbation
d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
de la République du Honduras sur l'encouragement et la protection réciproques
des investissements.
Rapport (n° 321, 1998-1999) de M. Hubert Durand-Chastel, fait au nom de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
4. Discussion du projet de loi (n° 213, 1998-1999) autorisant l'approbation
d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
de la République du Nicaragua sur l'encouragement et la protection réciproques
des investissements.
Rapport (n° 322, 1998-1999) de M. Hubert Durand-Chastel, fait au nom de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
La conférence des présidents a décidé que ces trois projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
5. Discussion du projet de loi (n° 214, 1998-1999) autorisant l'approbation
d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
de la République de Namibie sur l'encouragement et la protection réciproques
des investissements (ensemble un protocole).
Rapport (n° 369, 1998-1999) de M. André Boyer, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
6. Discussion du projet de loi (n° 216, 1998-1999) autorisant l'approbation
d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
macédonien sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements.
Rapport (n° 368, 1998-1999) de M. André Boyer, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
7. Discussion du projet de loi (n° 215, 1998-1999) autorisant l'approbation
d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
de la République d'Azerbaïdajan sur l'encouragement et la protection
réciproques des investissements (ensemble un protocole).
Rapport (n° 337, 1998-1999) de M. André Dulait, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
8. Discussion du projet de loi (n° 239, 1998-1999) autorisant la ratification
des amendements à la convention portant création de l'Organisation
internationale de télécommunications maritimes par satellites - INMARSAT -
relatifs à la création de l'Organisation internationale de télécommunications
mobiles par satellites (ensemble une annexe).
Rapport (n° 323, 1998-1999) de M. André Rouvière, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
9. Discussion du projet de loi (n° 277, 1998-1999) autorisant l'approbation de
la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République de Colombie.
Rapport (n° 367, 1998-1999) de M. Xavier Pintat, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
10. Discussion du projet de loi (n° 278, 1998-1999) autorisant l'approbation
de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement
de la République française et le Gouvernement du Royaume de Thaïlande.
Rapport (n° 370, 1998-1999) de M. Xavier Pintat, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
11. Discussion du projet de loi (n° 23, 1998-1999) autorisant la ratification
de la convention sur la sécurité du personnel des Nations unies et du personnel
associé.
Rapport (n° 289, 1998-1999) de M. Aymeri de Montesquiou, fait au nom de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
12. Discussion du projet de loi (n° 162, 1998-1999) autorisant l'approbation
de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière
policière et douanière.
Rapport (n° 381, 1998-1999) de M. Paul Masson, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
13. Discussion du projet de loi (n° 357, 1998-1999), adopté par l'Assemblée
nationale, autorisant la ratification d'un accord entre la République française
et la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation
irrégulière (ensemble une annexe).
Rapport (n° 381, 1998-1999) de M. Paul Masson, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
14. Discussion du projet de loi (n° 161, 1998-1999) autorisant l'approbation
de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans leurs zones
frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières
(ensemble une déclaration).
Rapport (n° 377, 1998-1999) de M. Paul Masson, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
15. Discussion du projet de loi (n° 315, 1998-1999) autorisant l'approbation
d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil
fédéral suisse relatif à la réadmission des personnes en situation
irrégulière.
Rapport (n° 379, 1998-1999) de M. Paul Masson, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
A seize heures et le soir :
16. Discussion du projet de loi (n° 338, 1998-1999), adopté par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence, portant cration d'une couverture
maladie universelle.
Rapport (n° 376, 1998-1999) de MM. Charles Descours et Claude Huriet, fait au
nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 382, 1998-1999) de M. Jacques Oudin, fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 31 mai 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi : lundi 31 mai
1999 à dix-sept heures.
Délais limites
pour les inscriptions de parole
et pour le depôt des amendements
Projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives (n°
269, 1998-1999) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 7 juin 1999, à dix-sept
heures.
Projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques (n° 553, 1997-1998) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mercredi 9 juin 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 8 juin 1999. à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS
À UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
En application de l'article 73
bis,
alinéa 7, du règlement, la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation a fixé au
mercredi 2 juin 1999,
à
17 heures,
le délai
limite pour le dépôt des amendements à la proposition de résolution qu'elle a
adoptée sur la proposition de résolution n° 271 (1998-1999) présentée en
application de l'article 73
bis
du règlement, par M. Bernard Angels, sur
la proposition de directive du Conseil visant à garantir un minimum
d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à
l'intérieur de la Communauté (E-1105).
(Le rapport n° 383 [1998-1999], de M. Philippe Marini, rapporteur général,
sera mis en distribution le mardi 1er juin 1999.)
Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation, et seront examinés par la commission lors de sa réunion du jeudi 3
juin 1999, à 16 heures.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Création d'une voie de contournement par l'ouest
de l'agglomération bordelaise
560.
- 27 mai 1999. -
M. Philippe Madrelle
appelle l'attention
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur l'évolution des conditions de circulation aux abords de l'agglomération
bordelaise, et notamment sur le caractère inéluctable de la saturation de la
rocade actuelle. Une des solutions serait la réalisation d'une infrastructure
de grand contournement de l'agglomération par l'ouest. Il lui rappelle que le
nombre de déplacements quotidiens urbains de l'agglomération bordelaise va
passer, dans les dix ans, de 1,3 million à plus de 2 millions ; en outre,
l'étude effectuée par les services de l'Etat et détaillée dans le dossier de
concertation relatif aux schémas du service de transport en Aquitaine fait
apparaître une augmentation du transport routier de fret de 57 % à 100 % à
l'horizon 2020. Les conséquences des importants travaux d'entretien devant être
réalisés très prochainement sur le pont d'Aquitaine, liées à l'évolution
alarmante des prévisions du trafic sur cette rocade, font de l'avenir de cet
ouvrage une priorité absolue pour tous les acteurs écologiques et politiques du
département de la Gironde. En conséquence, il lui demande de bien vouloir
inscrire dans les meilleurs délais, au Schéma directeur routier national, une
infrastructure nouvelle de contournement ouest de l'agglomération
bordelaise.
Installation d'un IRM à Montélimar
561.
- 27 mai 1999. -
M. Michel Teston
appelle l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale
sur la demande d'autorisation et d'exploitation d'un imageur par résonance
magnétique nucléaire à Montélimar, demande qui est présentée par le secteur
sanitaire n° 3, qui correspond à la partie sud des départements de l'Ardèche et
de la Drôme. En effet, l'installation de cet équipement apparaît comme une
urgente nécessité. Le dossier qui est soumis à l'agence régionale
d'hospitalisation et au prochain CNOSS met en exergue les différents éléments
qui plaident pour une autorisation rapide d'installation. Tout d'abord, il faut
souligner qu'un IRM est actuellement utilisé pour les patients des deux
départements de la Drôme et de l'Ardèche. Il est situé à Valence. L'indice de
population des secteurs 2 et 3 réunis est de 750 000 habitants. S'il est admis
que l'installation d'un nouvel IRM dans un secteur donné est subordonnée à un
indice de population d'au moins 400 000 habitants, il faut néanmoins prendre ne
compte que l'IRM de Valence se situe au-delà de l'indice minimal, avec 500 000
habitants. Il est donc concevable que les secteurs 2 et 3 soient dotés d'un
nouvel appareil. Ensuite, outre l'éloignement géographique de cet équipement,
qui oblige les usagers de l'Ardèche et de la Drôme méridionales à parcourir
dans certains cas plus de 100 kilomètres, il est démontré que l'IRM de Valence
arrive à saturation. En effet, un délai de deux mois est actuellement
nécessaire aux patients du secteur 3 pour obtenir un rendez-vous, même en cas
d'urgence. Troisièmement, l'IRM de Valence n'est utilisable par ces patients
que six heures par semaine, sur soixante heures d'utilisation hebdomadaires, ce
qui représente seulement un dixième des consultations. Enfin, très préoccupés
par l'urgente nécessité d'installer dans leur secteur un nouvel IRM, l'ensemble
des professionnels de santé concernés se sont regroupés au sein d'une structure
nouvelle, le groupement d'intérêt économique « association pour l'IRM Drôme
Arcèche ». Ce GIE regroupe les centres hospitaliers de Montélimar et d'Aubenas,
les deux cliniques de Montélimar, la clinbique d'Aubenas et les radiologues
libéraux. Il faut souligner l'importance de ce regroupement, qui est
exemplaire. Pour toutes ces raisons, il lui demande que toutes les dispositions
soient prises pour permettre l'installation dans les meilleurs délais de cet
équipement sanitaire indispensable à sa région pour conforter et renforcer
l'offre sanitaire du secteur n° 3.
Suspension des procédures d'adoption d'enfants avec le Vietnam
562.
- 27 mai 1999. -
M. James Bordas
appelle l'attention de
Mme le garde des sceaux, ministre de la justice,
sur la suspension de l'adoption d'enfants vietnamiens prononcée par le
Gouvernement le 29 avril dernier. Cette mesure est motivée par les difficultés
de contrôle du statut des enfants adoptés et la hausse alarmante du trafic
d'enfants. La reprise des adoptions est soumise à la conclusion d'un accord de
coopération avec le Vietnam, dont la procédure risque d'être assez longue. Or,
les adoptions d'enfants au Vietnam par des Français ont pris une grande ampleur
ces dernières années. Près de 1 400 enfants ont été adoptés. Le Vietnam est
devenu le premier pays d'origine des enfants étrangers adoptés en France.
L'émotion provoquée par cette décision, prise un peu brutalement et sans
concertation, est grande. Il lui demande si des moyens plus souples ne
pouvaient être envisagés pour remédier à ce trafic et éviter ainsi la
suppression pure et simple de toute procédure d'adoption.
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 27 mai 1999
SCRUTIN (n° 99)
sur l'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Michel Duffour, Robert Bret et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, à l'article 5 des
conclusions de la commission des lois sur la proposition de résolution de MM.
Michel Barnier, James Bordas, Pierre Fauchon, Lucien Lanier et Aymeri de
Montesquiou, tendant à modifier l'article 73
bis
du règlement du Sénat
(renforcement du rôle des groupes).
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 319 |
Pour : | 98 |
Contre : | 221 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
5. - MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon
Collin et Gérard Delfau.
Contre :
18.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Contre :
98.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Pour :
77.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Guy Allouche, qui présidait la
séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Contre :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Contre :
47.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
Contre :
6.
Ont voté pour
François Abadie
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Allouche, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 319 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 160 |
Pour l'adoption : | 99 |
Contre : | 220 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 100)
sur l'ensemble de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale,
visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs.
Nombre de votants : | 320 |
Nombre de suffrages exprimés : | 320 |
Pour : | 320 |
Contre : | 0 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
98.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Pour :
78. - M. Guy Allouche, qui présidait la séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
47.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
Pour :
6.
Ont voté pour
François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber
Guy Allouche, qui présidait la séance.
N'a pas pris part au vote
M. Christian Poncelet, président du Sénat.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification et
conformes à la liste de scrutin ci-dessus.