Séance du 18 mai 1999
ARTS MARTIAUX
Adoption d'une proposition de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 274,
1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la délivrance des
grades dans les disciplines relevant des arts martiaux. [Rapport n° 350
(1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement apporte son
soutien à la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui.
Les arts martiaux connaissent un développement très important depuis ces
dernières années. L'enthousiasme, notamment des jeunes, a abouti à l'émergence
de structures nouvelles et à une multiplication des disciplines.
Une enquête des services déconcentrés du ministère de la jeunesse et des
sports fait apparaître l'existence de plus de 180 disciplines relevant des arts
martiaux et des sports de combat. Cette évolution, loin d'être négative, bien
au contraire, s'inscrit dans la diversification de la pratique sportive.
Mais l'organisation de nombreuses pratiques en dehors de tout cadre
réglementaire pose des problèmes importants. Au-delà de certaines dérives
commerciales, sécuritaires, sectaires - heureusement minoritaires - qu'il faut
prendre au sérieux, sont en jeu, plus largement, le respect de la sécurité des
pratiquants et le contrôle de l'observation des règlements régissant les
activités physiques et sportives.
Un plan d'action en plusieurs étapes a été défini par mes services afin de
parvenir à garantir à tout pratiquant de ces disciplines un encadrement
qualifié attentif au respect élémentaire de son intégrité physique et
morale.
Cette proposition de loi s'inscrit tout à fait dans cet objectif. En effet,
ces disciplines sportives sont caractérisées par une très forte tradition, dont
le grade, ou
dan
, est une expression forte. Il constitue une
reconnaissance d'un individu au sein d'une école et établit ainsi une
hiérarchie entre les pratiquants.
Depuis, cette notion a évolué pour se rapprocher davantage de l'appréciation
du niveau technique du pratiquant. En France, il représente également un niveau
de qualification technique, qui sert de prérequis à l'inscription aux brevets
d'Etat d'arts martiaux. Le
dan
sanctionne des valeurs morales, la
technique et l'attitude corporelle.
Sa délivrance est un enjeu trop important pour ne pas être confiée à des
structures assurant une mission de service public.
Cette proposition de loi répond à cet objectif.
Elle soutient l'action des fédérations sportives. Elle crédibilise le titre en
confiant sa délivrance à une structure unique par discipline, ce qui ne fait
que préserver, en le précisant, un mode d'attribution cohérent qui existe
depuis 1976.
Comme vous le savez, l'intervention de la loi a été rendue nécessaire du fait
de l'annulation par le Conseil d'Etat du décret du 2 août 1993, à la fois pour
donner une base légale à ce dispositif, mais aussi pour sécuriser, dans
l'article 2, les 60 000
dans
délivrés depuis 1993 par les commissions
spécialisées des fédérations délégataires.
Elle permet de mettre en place un système qui préserve l'égalité de chance
d'accéder à ce titre, pour tous les pratiquantes et pratiquants, autour d'un
programme unique, de membres du jury spécialement formés à cet effet et d'un
contenu technique harmonisé entre les fédérations sportives.
Elle permet également d'assurer le plus large partenariat entre les
différentes structures organisant les arts martiaux ou représentant les
enseignants professionnels.
Dans l'esprit de cette proposition, l'Etat fixera la composition des
commissions spécialisées mises en place dans les fédérations sportives
délégataires ou agréées ainsi que les modalités de délivrance de ces titres et
sera donc ainsi garant de la pluralité des formes de pratiques.
Lesdites fédérations, bien sûr, mais également les fédérations multisports et
affinitaires, les organismes professionnels et les professeurs seront
représentés dans ces commissions.
Enfin, la commission consultative que vous proposez de mettre en place
garantira le dialogue permanent entre les différents partenaires.
Cette proposition de loi répond, mesdames, messieurs les sénateurs, aux
préoccupations et aux attentes des pratiquants, des professeurs et des
dirigeants de ces disciplines.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes et sur
certaines travées du RDSE. - M. Robert applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. James Bordas,
rapporteur de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, le Conseil d'Etat a annulé
en janvier 1998, pour défaut de base légale, le décret qui réglementait depuis
1993 les conditions de délivrance de certains titres spécifiques aux arts
martiaux, les
dans
, ce qui correspond, en clair, à tous les titres de
niveau égal ou supérieur à la ceinture noire.
L'objet de la proposition de loi qui nous est soumise est donc simple : il
s'agit, d'une part, de combler le vide juridique résultant de cette annulation
et, d'autre part, de valider les titres délivrés en application du décret
annulé.
Avant d'analyser le contenu de ce texte, qui tient en deux articles, je
voudrais rappeler l'objet et les modalités de la réglementation de la
délivrance de ces titres.
Celle-ci, je tiens à le souligner, n'est pas une nouveauté : elle remonte, en
effet, à 1962 ; elle s'appliquait alors uniquement au judo. Sa nécessité est
apparue avec le développement de la pratique des disciplines relevant des arts
martiaux extrême-orientaux : du judo et du jujitsu d'abord, puis du kendo, du
karaté, de l'aïkido, et d'autres arts martiaux vietnamiens, coréens ou
chinois.
Comme dans tous les autres sports, et d'autant plus qu'il s'agit de
disciplines à risques, il a fallu garantir le niveau et le sérieux de leur
pratique et de leur enseignement, la qualité des titres délivrés et la sécurité
des pratiquants.
La maîtrise de ces disciplines est sanctionnée par l'accession progressive à
des grades, les ceintures, comportant chacun un certain nombre de degrés qui, à
partir de la ceinture noire, sont appelés
dans.
Tenant compte de cette spécificité, la réglementation a eu pour objet de
définir et d'harmoniser les conditions de délivrance des titres les plus
élevés, à partir de la ceinture noire, et de réserver l'accès aux brevets
d'Etat d'éducateur sportif aux titulaires de ces titres.
Très logiquement, et comme dans les autres disciplines sportives, on s'est
appuyé, pour parvenir à cette harmonisation, sur les fédérations compétentes
investies d'une mission de service public, mais en leur associant des
représentants des enseignants, ainsi que des fédérations multisports qui ont,
elles aussi, largement contribué au développement des arts martiaux.
Les trois textes qui se sont succédé - le décret de 1962, auquel j'ai fait
allusion, le décret de 1976, pris sur le fondement de la loi Mazeaud de 1975,
et, enfin, le décret de 1993 - se sont, à cet égard, inscrits dans une parfaite
continuité.
J'en viens à présent au dispositif de la proposition de loi.
L'article 1er tend à donner une base légale à la compétence des fédérations,
délégataires ou, à défaut, agréées, des arts martiaux.
Mais le texte a également pour objet, non sans empiéter quelque peu sur la
compétence du pouvoir réglementaire, d'inscrire dans la loi les conditions de
délivrance des titres des arts martiaux.
Le dispositif proposé est très proche de celui que prévoyait le décret de 1993
: il donne compétence pour la délivrance des titres des arts martiaux à des
commissions spécialisées organisées au sein des fédérations.
Il nous paraît « globalement satisfaisant », mais il appelle cependant
quelques précisions.
La première concerne son champ d'application. Tel qu'il est rédigé, le texte
donnerait compétence aux commissions spécialisées pour délivrer l'ensemble des
grades, c'est-à-dire toutes les ceintures. Or nous n'avons pas eu l'impression
que ce soit l'intention de ses auteurs. De plus, cette extension de compétence
poserait des problèmes pratiques, car la seule délivrance des
dans
représente déjà une dizaine de milliers de décisions par an.
Nous vous proposerons donc d'en rester à la solution retenue depuis 1962 et de
limiter la compétence des commissions spécialisées à l'attribution des titres
d'un niveau au moins égal à la ceinture noire, c'est-à-dire les
dans
et
grades équivalents.
Notre seconde interrogation concerne la composition des commissions
spécialisées. Selon le décret de 1993, celles-ci comprenaient, en principe pour
la moitié de leurs membres, des représentants des enseignants et des
fédérations affinitaires, scolaires et universitaires concernées.
La proposition de loi ne précise pas la composition des commissions
spécialisées. Elle prévoit qu'elle sera fixée par arrêté du ministre, sur
proposition des fédérations.
Je voudrais d'abord dire que cette procédure ne nous paraît pas logique : la
décision du ministre ne doit pas lui être dictée par les fédérations. En outre,
elle ne garantirait pas la cohérence nécessaire dans la composition des
commissions.
Nous vous proposerons donc que l'arrêté ministériel soit pris après
consultation des fédérations. Cela permettra de les associer, ce qui est
souhaitable, à la décision ministérielle, tout en laissant à l'Etat le rôle qui
doit être le sien.
Pour ce qui est de la composition des commissions spécialisées, nous avons
noté, madame la ministre, que, lors des débats à l'Assemblée nationale, vous
aviez souhaité que ces commissions soient ouvertes à « tous les acteurs
concernés par les disciplines des arts martiaux ».
C'est aussi notre souhait, et ce serait cohérent avec la démarche suivie
depuis 1962. Nous attendons donc que vous nous donniez quelques précisions à ce
sujet et nous espérons que la solution retenue ne sera pas en retrait par
rapport au texte de 1993.
Nous avons également relevé, à l'article 1er de la proposition de loi, la
création d'une commission consultative des arts martiaux et nous approuvons,
madame la ministre, votre intention d'y faire siéger des élus.
J'en arrive, mes chers collègues, au second article de la proposition de
loi.
Il a pour objet de valider les
dans
attribués en application du décret
annulé. Ces titres, 60 000 environ, pourraient en effet tous être contestés,
car leur délivrance n'a pas fait l'objet de mesures de publication faisant
courir le délai de recours. Cela nous paraît d'ailleurs tout à fait anormal et
nous souhaiterions, madame la ministre, que les fédérations sportives,
lorsqu'elles sont amenées à prendre des décisions de nature administrative,
respectent les procédures qui ont pour objet de garantir l'information et les
droits de tous les intéressés.
Nous connaissons tous les inconvénients des validations. Et nous pourrions
sans doute nous interroger sur l'intérêt général qui justifie celle qu'on nous
propose.
Nous sommes cependant tout à fait conscients de la nécessité de ne pas
remettre en question les situations acquises de bonne foi et de repartir sur
des bases claires. Nous vous proposerons donc d'accepter cette validation, en
restreignant toutefois strictement sa portée aux motifs d'illégalité tenant à
l'annulation du décret de 1993. Il n'y a en effet aucune raison d'interdire que
soient contestés des titres qui présenteraient d'autres irrégularités.
En adoptant cette proposition de loi, nos collègues députés ont voulu mettre
le plus rapidement possible un terme à une situation de vide juridique
préjudiciable à des disciplines sportives dont nous reconnaissons tous la
valeur formatrice.
La commission des affaires culturelles, mes chers collègues, partage ce souci
et c'est pourquoi elle vous demande, sous réserve des amendements qu'elle vous
propose, d'adopter la proposition de loi qui nous est soumise.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici
réunis pour débattre d'une proposition de loi relative à la délivrance des
grades dans les disciplines relevant des arts martiaux.
Je dois vous dire mon étonnement quand j'ai appris que nous allions être
saisis d'un tel texte. Faut-il vraiment légiférer pour s'introduire dans
l'administration technique d'une discipline sportive ? Ne saura-t-on jamais
répondre au voeu de Montesquieu et « se garder de la fureur de légiférer » ?
Mais, passé cette première réaction, j'ai dû me rendre à l'évidence.
Hélas ! oui, madame la ministre, ce texte est utile, pour des raisons
techniques, mais aussi éthiques. D'ailleurs, je crains fort que, à l'heure où
nous voyons certaines disciplines en proie à des dérives insupportables et
inacceptables, le législateur ne doive de nouveau intervenir.
En effet, il nous est proposé par le présent texte de conférer une base légale
à la délivrance des grades dans les disciplines relevant des arts martiaux :
judo, jujitsu, karaté, kendo et taekwondo en particulier.
Cette disposition est pleinement justifiée dans la mesure où il faut bien
remédier à l'annulation par le Conseil d'Etat du décret du 21 août 1993. De
même, il est nécessaire de sécuriser, et donc de valider, les
dans
délivrés depuis cette date.
Toutefois, saurons-nous ne pas aller trop loin ? J'approuve sans réserve les
propositions équilibrées du rapporteur de la commission des affaires
culturelles, notre excellent collègue James Bordas.
Il me paraît, en effet, indispensable de restreindre la compétence des
commissions fédérales spécialisées à la seule délivrance des
dans
et des
grades équivalents, tant l'extension à l'ensemble des grades, c'est-à-dire à
toutes les ceintures, serait proprement ingérable.
Dans le même esprit, il semble raisonnable de prévoir que la composition des
commissions spécialisées soit fixée, par arrêté du ministre, après consultation
des fédérations concernées, ce qui vise à satisfaire l'objectif recherché
d'harmonisation des conditions de délivrance des titres.
Sous réserve de ces remarques techniques, il me paraît judicieux de veiller à
ce que l'attribution d'un grade ou
dan
sanctionnant une qualification ou
un niveau dans les divers arts martiaux ne puisse se faire sans un minimum de
contrôle et de rigueur.
Dans ces domaines, où il pourrait parfois être porté atteinte à la santé et à
la sécurité des pratiquants, trop de personnes se prévalent souvent de titres
et qualifications trompeuses ou obtenues de façon purement arbitraire ou
complaisante. Le pratiquant naïf peut alors être abusé sur la qualité du
service sportif qu'il croit recevoir de bonne foi.
Si cette démarche est donc tout à fait louable, dans un souci de protection et
de sécurité, je m'étonne cependant, madame la ministre, qu'on ne se préoccupe
pas de l'étendre à d'autres pratiques sportives dites « de combat », qui sont
des arts martiaux au sens large, et qui peuvent receler des risques au moins
aussi élevés, sinon plus, que les arts martiaux d'origine extrême-orientale
dont il est ici question.
Je pense, bien évidemment, à toute une kyrielle de sports « pugilistiques »,
apparue ces dernières décennies en France. N'oublions pas, en effet, que toutes
ces pratiques de combat, aux dénominations variées et évolutives -
full-contact, boxe américaine, kick boxing, boxe taï - comportent, dans leur
finalité même, cette sorte d'anomalie juridique tout à fait exceptionnelle : le
droit de mettre hors de combat un autre homme, par un coma traumatique grave, à
la suite de coups portés volontairement dans ce but.
Cette anomalie sportive a bien été perçue par les autorités publiques,
s'agissant des deux grandes formes de boxe existant en France, la boxe
classique dite anglaise et la boxe française Savate, toutes deux encadrées par
deux fédérations délégataires de pouvoir.
Pour ce qui concerne la boxe française Savate, elle est encadrée, enseignée et
réglementée par une fédération extrêmement structurée et rigoureuse, soucieuse
des valeurs humanistes du sport. Mais qu'en est-il de toutes ces disciplines
dites « pieds-poings » que j'ai citées et qui prolifèrent actuellement,
pratiquement sans contrôle ni réglementation ?
On est, hélas, bien loin de la collation des qualifications par une commission
spécialisée comme celle dont nous parlons aujourd'hui pour les arts martiaux,
alors que de nombreux jeunes s'entraînent et s'affrontent violemment chaque
semaine sur des rings, encadrés par des personnes aux qualifications largement
fantaisistes, voire inexistantes.
Le ministère de la jeunesse et des sports essaie, semble-t-il, depuis des
années, de contrôler toutes ces pratiques d'affrontement, mais en vain, car ces
milieux semblent d'abord fonctionner sur des motivations autres que purement
sportives.
C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, je saisis l'occasion de
cette proposition de loi pour poser le problème. N'est-il pas temps, aussi,
d'assainir, de réglementer et de contrôler rigoureusement toutes ces nouvelles
formes de boxe, dans un souci de santé et de moralité publiques ?
Le temps presse car, déjà, une nouvelle forme d'affrontements apparaît. Il
s'agit de ce qu'on appelle les « combats extrêmes », dans lesquels à peu près
tout est permis, sauf mordre et crever les yeux ! Un article paru en première
page d'un grand journal du soir, le 19 mars dernier, relatait une manifestation
de ce type qui s'était soldée, en l'occurrence, par la mort d'un des deux
combattants. Cela se passait, il est vrai, à l'étranger, mais, on le sait, des
stages et entraînements de ce type, ont lieu aujourd'hui en France.
Certes, à l'occasion de la récente loi sur la lutte antidopage et la
protection des sportifs a été adopté un article qui pourrait permettre aux
préfets de freiner ces dérives lamentables. Mais il est à craindre que cela ne
soit très insuffisant. C'est pourquoi il serait urgent que le Gouvernement
réactualise le décret n° 62-1321 du 7 novembre 1962 relatif aux manifestations
publiques de boxe, décret qui est toujours en vigueur mais dont certaines
dispositions ne paraissent plus adaptées à la réalité présente.
Aussi, c'est avec un grand intérêt, madame la ministre, que j'entendrai les
réflexions et intentions que vous voudrez bien nous livrer pour lutter contre
cette situation qui ne peut que nous préoccuper.
Encore une fois, on ne peut qu'appouver l'instauration d'un meilleur contrôle
de la pratique et de l'enseignement des arts martiaux à travers l'attribution
des qualifications.
Permettez-moi simplement de vous livrer le sentiment profond de quelqu'un qui
a beaucoup pratiqué et enseigné la boxe française, cette véritable escrime des
pieds et des poings.
Un sport de combat est avant tout un sport, ce n'est pas une technique de
combat dont la finalité unique est la destruction de l'adversaire, ce n'est pas
le close-combat que l'on apprend aux soldats pour qu'ils tuent avant d'être
tués.
Un sport de combat est l'expression codifiée de l'agressivité naturelle, la
simulation de l'action guerrière mais pas son accomplissement.
Certes, le sport peut préparer à la guerre. Et Wellington a pu dire que « la
bataille de Waterloo avait été gagnée sur les terrains de sport d'Eton ».
Mais l'éthique du sport impose le respect de son adversaire. La boxe anglaise,
cet « art limpide », disait Montherlant, on l'appelait « le noble art ».
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et le cricket ?
M. Bernard Plasait.
« La boxe française est une science profonde qui exige beaucoup de sang-froid,
d'agilité, de force », disait Théophile Gautier. « C'est le plus beau
développement de la vigueur humaine. Un jeu hardi, imprévu, étincelant, plein
d'illuminations romantiques. »
Comme dans l'escrime, on cherche non à détruire mais à toucher, non par la
violence mais par la subtilité d'une passe d'arme, dans un véritable dialogue
de feintes, de parades et de ripostes au bout duquel le vainqueur est celui qui
a pu surpasser la combinaison de son adversaire.
Un tel esprit - on a pu dire esprit chevaleresque - est la marque du sport,
c'est-à-dire une culture physique par le jeu tout autant qu'une éducation
morale.
Si un sport de combat n'apprend pas la maîtrise de soi, il ne mérite pas son
titre. Il n'est pas une discipline sportive mais une douteuse exploitation
commerciale des bas instincts de pugilat.
Voilà, madame la ministre, de quelles dérives il nous faut nous protéger.
Il ne peut y avoir de confusion entre des combats extrêmes, c'est-à-dire de
nouveaux jeux du cirque de violence, de sang et de drames, et de véritables
sports de combat dont vous attendez, j'en suis sûr, madame la ministre, qu'ils
développent le corps et l'esprit et forgent le caractère.
J'ajouterai, si vous me le permettez, qu'ils sont aussi source de joie. C'est
là, je le crois profondément, la condition de l'épanouissement du sportif. Vous
m'autoriserez à conclure par un plagiat, en disant que, et je le crois là aussi
très profondément, « Technique sans éthique n'est que ruine du sport ».
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition
de loi qui nous est présentée aujourd'hui vise, d'une part, à prendre acte de
la décision du Conseil d'Etat annulant le décret du 2 août 1993 relatif à la
délivrance de titres dans les disciplines sportives relevant des arts martiaux,
et, d'autre part, à réaffirmer la place des fédérations dans leur mission de
service public.
Même si quelques professionnels et unions sportives émettent des critiques sur
ce texte, la grande majorité des acteurs concernés reconnaissent son utilité et
l'évolution positive qu'il apporte.
En donnant à une commission spécialisée tout pouvoir de décision pour la
délivrance des
dans
et grades équivalents, ce texte permet une
harmonisation de leur valeur au niveau national et l'égalité des chances quant
à leur obtention. Au-delà, il est un gage de sécurité et de qualification pour
l'enseignement des disciplines. Il aide à lutter contre toute dérive sectaire
ou commerciale afin que l'éthique sportive, comme dans le cadre de la lutte
antidopage, soit respectée. De tels faits restent limités, mais ils méritent
que nous fassions preuve de vigilance.
Grâce à la création d'une commission consultative, un dialogue permanent est
instauré entre tous les partenaires concernés - fédérations délégataires ou
agréées, Etat, mais aussi représentants des professeurs et des structures
professionnelles - dans un souci d'harmonisation des titres et de la
déontologie.
Enfin, cette proposition de loi vise à valider les 60 000
dans
et
grades délivrés depuis la publication du décret de 1993. Cela explique
l'urgence de son adoption, et je ne peux que saluer l'initiative du groupe
communiste de l'Assemblée nationale.
Le groupe socialiste votera donc ce texte, ainsi que les amendements proposés
par la commission qui en améliorent la rédaction et précisent certains
points.
Par son vote, que j'espère unanime, le Parlement prouvera encore davantage sa
volonté de lutter contre les intérêts mercantiles qui polluent le sport dans
son ensemble, comme nous le rappelle trop souvent l'actualité.
Madame la ministre, le projet de loi que vous nous présenterez prochainement
constituera l'un des moyens majeurs de cette action. Nous l'attendons avec
impatience.
Je profite de cette occasion pour vous renouveler notre soutien et vous
féliciter encore pour le combat mené, tant en France qu'en Europe, afin de
confirmer le sport dans les valeurs qu'il doit promouvoir : l'engagement
individuel et collectif, la solidarité, la tolérance, pour une citoyenneté
active.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Robert applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard.
Je ne reviendrai pas, madame « le » ministre - je ne sacrifie pas au nouvel
usage, mais cela n'enlève rien au respect et à la considération que je vous
porte - sur la situation inextricable dans laquelle votre administration a été
plongée du fait de la décision du Conseil d'Etat du 28 janvier 1998 annulant le
décret - qui paraissait pourtant de bon sens - du 2 août 1993 relatif à
l'attribution des grades et des
dans
pour les arts martiaux.
Vous me permettez de rappeler seulement que 60 000 pratiquants des arts
martiaux ayant obtenu, dans les conditions adéquates, des
dans
sanctionnant leurs qualités physiques, leur connaissance de la discipline et
leur potentiel technique ont ainsi vu leur titre perdre toute base
juridique.
Or l'obtention de certains des titres les plus élevés, comme la ceinture
noire, est indispensable pour pouvoir passer un brevet d'Etat. Cette situation
justifie l'intervention du législateur et démontre la pertinence de la
proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.
A ces raisons pratiques s'ajoute - et il semble important de le souligner -
une raison éthique. Les arts martiaux ne sont pas des sports de la même nature
que les autres.
En effet, la majorité des autres sports - et c'est même souvent le propre de
ceux qui ont été créés et développés sur notre continent - sont associés, de
manière très significative, à une notion de compétition. C'est pourquoi il est
normal que des titres d'athlétisme, par exemple, soient décernés à ceux qui
courent le plus vite, à ceux qui sautent le plus haut, à ceux qui lancent le
plus loin.
Peut-il en être de même pour des activités sportives où, en général, les
compétitions sont accessoires, se situant tout au plus à la périphérie de leur
philosophie inspiratrice ?
Il est temps de reconnaître aux arts martiaux leur spécificité, parce qu'ils
ne sont pas de même essence que nos sports occidentaux. Vouloir les inclure
dans le dispositif de la loi de 1984, qui n'a pas été taillée pour eux,
relèverait d'une acculturation artificielle.
Pour nombre de jeunes, la pratique de ces sports va bien au-delà d'un simple
esprit de compétition. Ils appréhendent, à travers ces disciplines, certaines
valeurs comme le respect de son adversaire, le contrôle de soi et la maîtrise
de son corps.
Si nous voulions restreindre ces disciplines à de simples combats ou échanges
de coups, nous nous égarerions, perdant de vue qu'il s'agit d'« arts » ; il est
d'ailleurs essentiel d'insister sur ce mot, faute duquel ne resterait que le
qualificatif : martiaux.
C'est pour ces raisons pratiques et éthiques que la délivrance des grades dans
les arts martiaux ne doit pas être simplement la sanction de réussites dans des
compétitions : il faut qu'elle repose sur les aptitudes techniques, physiques
et spirituelles du sportif.
Je m'attarderai plus particulièrement sur quelques points.
Une nouvelle commission sera créée par arrêté ministériel. Les deux mois de
réflexion supplémentaires dont vous avez disposé depuis votre intervention à
l'Assemblée nationale, madame le ministre, vous permettront peut-être de nous
préciser les modalités qui présideront la composition de cette commission
consultative.
Pouvez-vous nous dire, notamment, si toutes les branches des arts martiaux, et
elles sont nombreuses, y trouveront leur place ? Comment y sera réglée leur
représentativité ? Quelle place accorderez-vous aux fédérations agréées par
rapport aux fédérations délégataires ? S'il faut ouvrir la commission aux
disciplines nouvelles, ne doit-on pas accorder la prééminence aux fédérations
délégataires ?
Surtout, quelle part ferez-vous aux syndicats professionnels ? Ce sont eux,
bien souvent, qui forment le noyau dynamique des disciplines en question. Il
serait opportun de leur accorder toute la place qui leur revient dans cette
commission. Chacun d'entre eux, à son échelon, donne le souffle nécessaire à la
vie de son club. Ils ne doivent pas, dès lors, être les oubliés de cette
réforme.
Je tiens à souligner l'importance de l'amendement n° 2 de notre commission des
affaires culturelles, qui permettra de faciliter la procédure concernant la
composition des commissions spécialisées dans la délivrance des grades. Je suis
certain qu'il vous agréera, madame le ministre, car il va dans le sens d'une
plus grande latitude pour vos services.
Il est précisé que la composition des commissions spécialisées sera définie
par arrêté ministériel, sur consultation des fédérations concernées, ce qui
évitera une longue et contestable procédure qui forcerait les fédérations à
modifier une ou plusieurs fois leur proposition si celle-ci ne vous convenait
pas. Nous ne doutons pas, madame le ministre, que vous serez sensible à nos
arguments.
Le Parlement, chaque fois qu'il le peut, manifeste sa volonté de lutter contre
les sectes, ce dont nous nous félicitons. A l'instar de nos collègues de
l'Assemblée nationale, nous aimerions vous alerter sur ce phénomène qui a
tendance à se développer et qui n'épargne pas le milieu des arts martiaux, même
s'il y est marginal. Je ne peux, avec vous, madame le ministre, que m'associer
aux propos tenus par M. le rapporteur sur ce sujet.
Les arts martiaux, par l'accent qu'ils mettent sur le développement spirituel
de la personne, par leur orientale originalité, attirent bon nombre de nos
concitoyens à la recherche, en cette fin de millénaire, de nouveaux repères,
voire d'un nouveau mode de vie. Des néophytes peuvent, hélas ! facilement se
laisser berner par des apprentis gourous, qui voient là une occasion d'abuser
de la confiance de leurs élèves, encore incapables de faire la part entre
maîtres illustres et fumeux exégètes d'une pseudo-philosophie.
Il conviendra que la commission consultative créée par vos soins, madame le
ministre, s'enquière de ce problème, car il n'est pas pensable que ces nobles
arts voient ainsi leurs plus élémentaires principes occasionnellement
dévoyés.
Trop de jeunes, aujourd'hui, se tournent vers ces nouvelles pratiques pour que
nous laissions les arts martiaux se détourner de leurs vertus, ô combien
formatrices lorsqu'ils sont enseignés selon les principes qui les ont vu
naître.
En conclusion, j'indique que le groupe du Rassemblement pour la République
votera cette proposition de loi, sous réserve de l'adoption des amendements
présentés par notre rapporteur. Nous ne pourrons que nous féliciter, une fois
encore, que l'éthique, dans sa dimension sportive, fasse l'objet d'un large
consensus.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les arts
martiaux connaissent depuis quelques années un essor considérable. Ainsi, le
judo compte aujourd'hui quelque 500 000 licenciés, répartis en 5 400 clubs,
lesquels sont animés par 40 000 bénévoles et 7 300 professeurs diplômés.
A Choisy-le-Roi, dans le Val-de-Marne, j'ai pu constater que les victoires de
David Douillet, notamment aux jeux Olympiques, avaient suscité l'inscription de
nombreux enfants dans les clubs de judo, au point qu'il n'a pas été possible,
dans un premier temps, de les accueillir tous.
Qu'il s'agisse du judo ou d'autres disciplines apparues chez nous plus
récemment comme l'aïkido, le taekwondo, tous ces « arts », dès lors que leur
apprentissage est bien encadré, jouent un rôle social très important, comme
d'ailleurs tous les sports. Ils sont l'occasion d'une activité physique intense
tout en apprenant à se maîtriser ; en cela, ils sont très éducatifs, et ils
empêchent, notamment, la violence de prendre le pas.
Si ces disciplines sont populaires, la nécessité de les encadrer juridiquement
n'en est pas moins réelle.
Contrairement à ce qui se passe pour d'autres pratiques sportives, la
délivrance des titres dans les disciplines des arts martiaux ne relève pas de
la seule participation aux compétitions individuelles.
En effet, la spécificité de ces disciplines impose que la délivrance des
titres s'accompagne d'épreuves techniques ou d'exercices collectifs effectués
dans les clubs.
Dans ce cadre, le décret du 2 août 1993 fixait les conditions de délivrance
des titres dans les disciplines relevant des arts martiaux.
Or une décision du Conseil d'Etat a annulé en 1998 le décret applicable aux
arts martiaux. Cette décision revient à remettre en cause les titres obtenus
par 60 000 gradés dans les disciplines des arts martiaux.
La proposition de loi que nous examinons vise donc à rétablir dans leurs
droits les titulaires de titre, mais aussi à réaffirmer le rôle des fédérations
dans la délivrance des titres.
En outre, afin d'associer au mieux l'ensemble des acteurs des arts martiaux,
la proposition de loi prévoit la création d'une commission consultative des
arts martiaux.
Il importe d'agir vite afin de permettre la mise en conformité de notre
législation.
La spécificité des disciplines relevant des arts martiaux impose donc de
modifier la loi du 16 juillet 1984 dans le sens que je viens d'évoquer.
C'est là une question importante, s'agissant de disciplines sportives
susceptibles de porter atteinte à la sécurité physique, voire morale des
licenciés, pour lesquels cette particularité se justifie pleinement.
Vous sachant, madame la ministre, très occupée par ces questions, votre action
en faveur du développement du sport et votre lutte contre le dopage en
témoignent, je suis persuadée que l'enjeu de cette proposition de loi ne vous
échappera pas.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen
votera sans réserve cette proposition de loi.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes. - M. le
rapporteur applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
Je suis heureux qu'une telle unanimité se dégage pour rendre hommage à
vous-même, madame le ministre, à votre personnalité et à votre action.
L'unanimité ne me gêne pas dès lors qu'il s'agit de saluer l'action d'une
personne, en particulier celle d'un ministre appartenant à un gouvernement que
je soutiens.
(Sourires.)
L'unanimité me gêne plus lorsqu'il s'agit d'un texte de loi. En général, cela
cache quelque chose !
Permettez-moi, au passage, de regretter que vous n'ayez pas apporté de réponse
à une lettre en date du 30 octobre 1998 par laquelle je vous saisissais du
problème de la délivrance des
dans.
J'attirais votre attention sur le
cas d'un professeur belfortain, muni de tous les titres d'Etat voulus, ayant
lui-même créé son école, qui protestait contre le fait que ne soit plus
reconnue aux professeurs ayant pourtant les qualités requises la possibilité de
délivrer eux-mêmes les ceintures, comme c'est la tradition dans les arts
martiaux, car il est bien évident que les grands maîtres japonais n'étaient pas
encadrés par une fédération.
Les professeurs considèrent que, derrière tout cela, il y a aussi un aspect
financier. En effet, depuis 1993, pour pouvoir obtenir une ceinture, il faut
être licencié auprès de la fédération. Auparavant, ce n'était pas nécessaire :
c'étaient les professeurs eux-mêmes qui accordaient les ceintures, étant
entendu que, pour avoir le titre de professeur, il faut être titulaire du
diplôme d'Etat, lequel est accordé non par la fédération mais par vous-même,
madame le ministre.
Je crois que tout cela méritait d'être dit.
Je n'ignore pas que deux arguments ont été avancés.
Le premier concerne le phénomène sectaire. Un professeur m'a dit qu'il avait
lui-même été alerté par un cas particulier et l'avait rendu public. L'alerte
était-elle justifiée ? Peut-être serez-vous en mesure de me le dire, madame le
ministre. Quoi qu'il en soit, à ma connaissance, jusqu'à présent, aucun autre
cas n'a été signalé.
Le deuxième argument porte sur l'urgence : la décision du Conseil d'Etat
remontant au 7 janvier 1998, y avait-il urgence à ce que soit déposé non un
projet mais une proposition de loi, dont les motifs ressemblent d'ailleurs
diablement, madame le ministre, aux arguments que vous avez longtemps été
amenée à exposer vous-même ?
Il aurait tout de même été intéressant de connaître l'avis du Conseil d'Etat
sur un texte tendant à valider des grades qu'il avait annulés. Or, s'agissant
d'une proposition de loi, cet avis, nous ne le connaîtrons pas.
Cela étant, il est évident qu'il fallait valider les ceintures accordées par
les fédérations depuis 1993. Nous nous trouvions en effet devant des milliers,
voire des dizaines de milliers de jeunes à qui avait été attribuée une ceinture
: on n'allait pas la leur retirer !
La validation était donc nécessaire, j'en suis d'accord. Mais cela suffisait !
Ce n'était pas la peine d'aller plus loin et de revenir ainsi sur une tradition
très ancienne en enlevant aux professeurs munis d'un diplôme d'Etat le droit de
décerner eux-mêmes les
dans
sans obliger l'impétrant à payer une licence
à la fédération ; et toutes les fédération sportives ne sont pas des modèles
!
Personnellement, je ne suis pas convaincu de la nécessité de revenir sur ces
errements. Je tenais à le dire, car il m'aurait été bien désagréable, en me
regardant dans la glace, de savoir que je n'avais pas dit ici ce que je
pense.
Et que dire aussi du coût de la licence ?
Maintenant, comment voter, madame le ministre ? Mon ami Serge Lagauche
espérait, il y a un instant, sur ce texte, l'unanimité. Et je ne veux pas le
décevoir.
(Sourires.)
Mme Hélène Luc.
C'est sûr !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Après tout, si les amendements de M. le rapporteur sont adoptés par le Sénat,
le texte fera l'objet d'une navette entre les deux assemblées, ce qui vous
fournira peut-être l'occasion, madame le ministre, aussi bien ici qu'à
l'Assemblée nationale, de rassurer ceux qui éprouvent les inquiétudes que je
viens d'exprimer. Ainsi n'aurai-je pas à regretter le vote positif que, pour
faire plaisir notamment à mon ami Serge Lagauche, je vais émettre !
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Mesdames, messieurs les sénateurs,
fallait-il légiférer ? Sincèrement, j'aurais préféré ne pas avoir à le faire,
mais nous avions l'obligation de donner une base légale aux titres obtenus et,
partant, de conférer une sécurité juridique totale à leurs détenteurs.
Pourquoi un tel laps de temps depuis octobre dernier ? C'est qu'il a fallu de
nombreuses réunions de concertation, avec à la fois les fédérations
délégataires, les fédérations affinitaires et les professionnels, notamment les
professeurs, pour arriver à un accord sur un texte qui puisse attester que l'on
pouvait travailler ensemble, que l'on soit délégataire, affinitaire ou
professionnel. Nous progressons dans ce sens sur ces sports, comme sur
d'autres, et nous en avons besoin.
J'insiste sur le problème de la composition des commissions spécialisées, qui
doit vraiment refléter la réalité de la pratique sportive. C'est ainsi que
devront siéger, outre les représentants des organisations professionnelles des
professeurs, les réprésentants non seulement des fédérations unisports
délégataires - ce sont elles qui règlent les compétitions et la délivrance des
titres - mais aussi des fédérations affinitaires. Nous avons besoin de la
présence des unes comme des autres. Je sais que des préoccupations se sont
élevées dans le pays, mais je réaffirme aujourd'hui que les fédérations
affinitaires seront associées à ces commissions.
Vous avez évoqué le problème du coût de la licence, monsieur Dreyfus-Schmidt.
Nous pourrions également parler du coût des cours professionnels !
Il faut donc que l'ensemble des composantes de ces pratiques soient
représentées sans que l'une soit privilégiée par rapport aux autres. D'après
les contacts que nous avons eus, je pense que telle est la volonté commune de
tous les partenaires concernés.
Permettez-moi quelques mots sur les arts martiaux et les sports de combat. Des
dérives, certes très marginales, ont été constatées, et il faut les prendre au
sérieux, car certaines pratiques peuvent relever de démarches sectaires, voire
intégristes, sans parler des dérives de nature financière. Il n'en demeure pas
moins qu'elles ne concernent qu'une minorité de ces pratiques.
Dans leur grande majorité, en effet, ces arts martiaux et ces sports de combat
sont plutôt porteurs d'une forte tradition éthique et, par la démarche
éducative et compétitive qu'ils induisent, peuvent apporter beaucoup aux
enfants et aux jeunes de ce pays.
Mais vous avez raison, il nous faut être vigilants, et les fédérations
délégataires comme les fédérations affinitaires sont en total accord avec nous
sur ce point.
Nous avons reçu énormément de demandes d'agrément. Dans un premier temps, nous
avons essayé de les regrouper et de rassembler certaines de ces pratiques dans
une même fédération. Nous avons été tenus en échec. Chacun veut rester, en
quelque sorte, chez soi !
Aujourd'hui, nous considérons chaque demande l'une après l'autre et nous
analysons très sérieusement le contenu de chacune de ces pratiques en fonction
de certains critères, en engageant les candidats à faire un effort en termes de
démocratie à l'intérieur de leur organisation, de gestion financière et de
principes éthiques.
Bref, nous allons vraiment faire preuve d'une très grande rigueur et, si nous
répondons aux demandes d'agrément, ce sera à chaque fois après avoir reçu
l'assurance que les fédérations en question garantiront la sécurité morale et
physique des enfants et des jeunes qui leur seront confiés.
J'en viens à certaines pratiques à propos desquelles on ne peut plus parler de
sport : les combats extrêmes. Ils sont souvent liés à des mises très
importantes et ne sont plus le seul fait de pays situés outre-Atlantique,
puisque nous les avons vu apparaître dans certaines de nos villes.
Ces cas relèvent de la loi relative à la protection de la santé des sportifs
et à la lutte contre le dopage qui, dans l'un de ses articles, permet
d'interdire ou de poursuivre telle ou telle pratique. Sur ce plan, nous
disposons donc déjà de bons outils. Faut-il encore les renforcer ? Puisque vous
en avez le projet, nous allons y travailler. Toujours est-t-il que nous devrons
par la suite nous donner les moyens de leur mise en application car, vous le
savez bien, après l'adoption de la loi, c'est à sa mise en oeuvre qu'il faut
veiller. Et nous en sommes là pour ce qui est de la loi relative à la
protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
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