Séance du 18 mai 1999
M. le président. La parole est à M. Masson, auteur de la question n° 504, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Paul Masson. Voilà sept semaines, monsieur le ministre, vous avez très obligeamment et clairement fait connaître, suite à une interrogation de ma part, votre décision de lancer un nouvel avis de publicité pour la mise en concession de l'autoroute A 19 dans le Loiret, afin, m'avez-vous indiqué, de renforcer la sécurité juridique de la consultation.
Vous m'avez alors assuré que vos services « font » le nécessaire - vous avez utilisé le présent - pour que cet avis soit lancé « très prochainement ».
Je ne doute pas un seul instant que, sur vos instructions vigilantes, la direction nationale des routes soit sur le point de lancer ce nouvel avis à publicité, qui, vous le savez, est très impatiemment attendu, notamment par la SAPRR, la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône.
Ma question porte sur la RN 60, autre problème routier important qui se pose dans le département du Loiret. Vous savez combien cette route est dangereuse, monsieur le ministre, et combien les accidents mortels se multiplient depuis que s'additionnent les trafics européens et locaux, notamment depuis l'ouverture du tronçon Sens-Courtenay de l'A 19. Ce phénomène s'accroîtra tant que le tronçon Courtenay-Artenay ne sera pas ouvert !
Les promesses contenues dans le contrat de plan qui s'achève à propos de la RN 60 n'ont pas été tenues, et ce malgré le danger que présente la RN 60.
Le programme de sécurité prévu au plan sera pour partie repoussé sur le plan qui va lui succéder. Seul l'engagement de trois petites opérations, pour un montant de 6,5 millions de francs, vient d'être arrêté au début du mois de mai, alors qu'il reste plus de 130 millions de francs sur ce plan qui s'achève.
Ma question est simple, monsieur le ministre ; elle n'est pas innocente, même si elle vous arrange à certains égards : les crédits promis par l'Etat en début de plan seront-ils reportés pour s'ajouter à ceux que vous allez négocier avec le président de la région Centre, de telle sorte que la réfection de la RN 60, globalement, ne prenne pas de retard ? Ou bien les dotations à venir reprendront-elles essentiellement les crédits promis voilà déjà six ans mais non versés ? La RN 60, pour les sept années à venir - sept années cette fois et non pas cinq ans prolongés - recevra-t-elle encore moins de crédits pour la sécurité qu'entre 1994 et 1999 ?
Ai-je besoin de vous dire, monsieur le ministre, que personne dans le Loiret, ni à l'est ni à l'ouest, n'envisage cette deuxième solution, qui, profitant des retards passés, compromettrait un peu plus le futur ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est particulièrement attaché à offrir de bonnes conditions de circulation dans votre département, où le trafic de poids lourds est-ouest est très important. En témoignent, ainsi que vous l'avez rappelé, la transmission du dossier de l'autoroute A 19 au Conseil d'Etat par le Gouvernement et la déclaration d'utilité publique de cette même autoroute entre Orléans et Courtenay le 23 août dernier. A terme, cette autoroute devra assurer l'écoulement du trafic de longue distance marchandises et voyageurs.
La RN 60, que vous avez évoquée plus particulièrement, monsieur le sénateur, soulagée de la circulation des poids lourds en transit, permettra l'écoulement du trafic départemental entre les agglomérations de Montargis et d'Orléans.
Les séquences de son aménagement sont les suivantes.
En premier lieu, la déviation de Bellegarde à Saint-Maurice-sur-Fessard, dont les travaux sont engagés, sera mise en service en 2001 ; cela améliorera considérablement le niveau de service de la RN 60 entre les deux agglomérations en permettant aux usagers de disposer de créneaux régulièrement espacés à deux fois deux voies.
En second lieu, la continuité de l'aménagement de la RN 60 entre la déviation de Villemandeur, récemment doublée, et cette longue déviation de Bellegarde sera assurée pour accueillir convenablement le trafic de l'autoroute A 77 ; le financement de ces travaux sera recherché dans le prochain contrat de plan entre l'Etat et la région.
Parallèlement à ces investissements structurants seront également réalisées des opérations de sécurité. Entre Montargis et Courtenay, un avenant à l'actuel contrat Etat-région devrait permettre de consacrer, vous l'avez dit, monsieur le sénateur, un montant de 6,5 millions de francs, à l'aménagement du carrefour de la Grande Halte et à la rectification du virage dit des Pinsons. Dans le prochain plan, l'Etat poursuivra cet effort en faveur des opérations de sécurité.
J'ai bien compris le sens de votre question. Il est évident que le futur contrat de plan fait l'objet de discussions et que les enveloppes seront déterminées en fonction des priorités qui seront retenues. Sachez cependant, monsieur le sénateur, que, en tout état de cause, ainsi que je l'ai déjà déclaré publiquement, la dimension de la sécurité sera considérée par le Gouvernement comme une base intangible.
J'ai rencontré récemment M. Reboul, maire de Montargis, et M. Nublat, président du district, qui ont, comme vous, attiré mon attention sur le caractère dangereux de la RN 60. Je leur ai indiqué quels travaux étaient ou allaient être effectués sur cette route. Je leur ai également rappelé que le Gouvernement avait transmis le dossier au Conseil d'Etat.
Celui-ci a bien précisé qu'il était exclu de réaliser parallèlement une autoroute, d'une part, et une route nationale à deux fois deux voies gratuite, d'autre part. En vous écoutant, monsieur Masson, je n'ai pas eu le sentiment que vous vous prononciez clairement pour l'une ou l'autre de ces deux solutions.
Concernant la concession de l'autoroute A 19 entre Artenay et Courtenay, la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône est la seule à avoir présenté une offre en 1997.
Toutefois, compte tenu de l'évolution récente des règles applicables en la matière, il est apparu que l'attribution de la concession risquait d'être juridiquement fragile. Le nouvel appel d'offres devra être tel qu'aucune société ne puisse être désavantagée, conformément à la réforme du financement des autoroutes que nous sommes en train de mettre au point.
Il a donc été décidé qu'un nouvel appel d'offres serait lancé, garantissant une meilleure conformité aux règles aujourd'hui en vigueur, notamment à l'échelon européen, et je confirme que mes services y travaillent actuellement. C'est d'ailleurs à la suite de la remarque de la direction des routes concernant le premier appel d'offres qu'est apparue la nécessité de renforcer la fiabilité de la procédure et, donc, de lancer un nouvel appel d'offres, dès que les conditions seraient réunies.
M. Paul Masson. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson. Monsieur le ministre, je vous sais gré d'être aussi clair que possible sur un dossier manifestement très embrouillé, qui exige autant de bonne foi que de bons sens - et je crois que nous en faisons preuve tous les deux - pour pouvoir y « retrouver ses petits ».
Bien sûr, il n'est pas question de construire une route nationale à deux fois deux voies sur des crédits budgétaires en même temps qu'une autoroute pour assurer à peu près la même liaison. Cela tombe sous le sens !
J'ai effectué un calcul : la mise à deux fois deux voies de la RN 60 pour la partie restant à faire représenterait la moitié du rendement annuel de l'impôt sur la fortune. Cette comparaison a peut-être de quoi étonner, mais elle parle à l'imagination.
Cela étant, c'est bien la question de la sécurité qui est, comme vous l'avez dit, la plus importante. Or, venant de l'est, les camions s'ajoutent aux camions - j'ai fait moi-même plusieurs fois le trajet - et, rapidement, cet itinéraire va devenir excessivement dangereux.
Vous m'avez énuméré un certain nombre d'opérations, mais je connais bien mon dossier, monsieur le ministre, et je sais qu'elles sont toutes issues de l'ancien contrat de plan, mais qu'elles ont été retardées à plusieurs reprises pour des raisons juridiques ou du fait de recours introduits contre des déclaration d'utilité publique,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est vrai !
M. Paul Masson. ... par certains de ceux qui, aujourd'hui, s'irritent de ne pas voir réalisés assez rapidement les travaux intéressant la RN 60.
Puisque la sécurité est primordiale, ne réduisez donc pas trop les crédits dans le futur contrat de plan. Je ne doute pas que vous saurez, sur ce point-là, malgré l'exiguïté de votre programme routier, prêter une vigilante attention à la RN 60.
S'agissant de l'autoroute A 19, je suis déçu car j'ai cru comprendre aujourd'hui que sa réalisation serait moins rapide que vous ne l'aviez laissé entendre lors de notre précédent entretien. En effet, vous m'aviez alors indiqué qu'un nouvel appel d'offres allait être prochainement lancé. Bien entendu, dans le département, cette déclaration avait fait bonne impression.
Or votre réponse d'aujourd'hui donne à penser qu'il faudra attendre que soit d'abord intervenue la réforme de la loi sur les concessions autoroutières en France. Je sais qu'il est tout de même difficile de modifier une loi. Dès lors, le report de l'opération risque d'être de plusieurs mois, voire de plusieurs années.
Il serait extrêmement dommageable de laisser ainsi croire que, sous prétexte d'instituer de nouvelles procédures, on cherche surtout à retarder indéfiniment l'opération.
Peut-être, monsieur le ministre, notre dialogue serait-il vraiment fructueux s'il donnait au moins l'occasion de clarifier ce point.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mon souci, s'agissant de l'A 19, est précisément de créer les conditions propres à éviter les retards et les contestations. C'est à cela que vise l'institution de nouvelles règles garantissant la fiabilité juridique.
Car c'est de l'insécurité juridique que naît le pire des retards, monsieur le sénateur. C'est ce qui s'est produit en région parisienne avec le bouclement de l'A 86 : alors que le projet était lancé, que les engins de travaux étaient sur place, prêts à creuser, le Conseil d'Etat a dit : « Il faut tout arrêter. Juridiquement, ce projet ne tient pas. » C'est cela le pire !
Ne croyez surtout pas que je veuille retarder les travaux. Je veux simplement créer des conditions telles que nous puissions lancer les projets avec la plus grande fiabilité juridique possible, qu'ils soient absolument incontestables. S'il nous faut prendre quelques mois supplémentaires pour nous assurer de cette fiabilité juridique, je crois que cela vaut la peine, dans l'intérêt même de la réalisation du projet.
Cette sécurité juridique concerne aussi les sociétés autoroutières : l'égalité d'accès à l'appel d'offres doit être strictement garantie, faute de quoi on s'exposerait, là encore, à des recours, qui seraient évidemment sources de retards. Or mon souci est justement d'éviter les retards.
M. Paul Masson. Je demande la parole.
M. le président. A titre exceptionnel, je vous accorde encore une fois la parole, monsieur Masson, mais pour quelques secondes seulement.
M. Paul Masson. Monsieur le président, je vous remercie de votre indulgence.
C'est un vrai dialogue que nous menons là, monsieur le ministre, un vrai dialogue républicain entre gens de foi, et je vous en sais gré, car c'est cela la vraie démocratie.
Vous m'avez parlé de quelques semaines d'attente. Maintenant, vous me dites qu'il faudra patienter quelques mois. S'il s'agit de très peu de mois, nous serons d'accord !
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