Séance du 11 mai 1999
M. le président. Par amendement n° 1, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 21, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 1er de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé est ainsi modifié :
« I. - Le deuxième alinéa est supprimé.
« II. - Au début de l'avant-dernier alinéa, le mot : "Elles" est remplacé par les mots : "Ces sociétés".
« III. - Au début du dernier alinéa, les mots : "Ces sociétés" sont remplacés par le mot : "Elles".
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. J'ai déjà expliqué tout à l'heure, dans mon exposé introductif, l'objet de cet amendement, qui vise à lever l'ambiguïté de la rédaction actuelle de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1990 relative aux sociétés d'exercice libéral et à permettre à l'ensemble des professionnels libéraux de constituer des entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21.
Par amendement n° 2, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 21, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le début du premier alinéa de l'article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution est ainsi rédigé :
« A l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les frais de l'exécution forcée... (Le reste sans changement.) »
La parole est Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Cet amendement a pour objet de ne pas faire peser automatiquement la totalité des frais liés à l'exécution forcée des décisions de justice sur les seuls débiteurs, qui sont souvent impécunieux.
Je comprends que le fait de faire supporter aux créanciers une partie de ces frais puisse susciter des interrogations mais je crois qu'il n'existe pas de solution idoine en la matière.
Ma proposition, d'ailleurs tout à fait conforme à ce que suggère M. Gouzes, auquel monsieur le rapporteur a fait allusion tout à l'heure, a au moins le mérite de présenter des avantages pratiques et de réaliser un certain équilibre. Elle permet de garantir aux huissiers qui procèdent à une mesure forcée d'exécution d'être effectivement rémunérés. C'est indispensable si l'on ne veut pas que des actes de ce type soient effectués par des services privés qui factureront n'importe quoi.
Je précise que, bien entendu, en matière de recouvrement de dettes alimentaires ou prudhomales, les créanciers n'auront aucun frais à supporter.
Au demeurant, s'agissant des créances commerciales, les frais supportés par les créanciers seront très limités : 338 francs pour 3 000 francs de recouvrement et 448 francs pour 4 000 francs de recouvrement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Madame le garde des sceaux, si un accord se dégage entre nous sur la plupart des dispositions que nous examinons ce soir, sur celle-ci, à mon grand regret, apparaît une opposition de fond.
Il se peut que les huissiers connaissent des difficultés, mais ce n'est pas une raison pour poser que, de manière générale et automatique, une fraction des frais de recouvrement sera mise à la charge des créanciers. Dans l'objet même de cet amendement, il est indiqué qu'« il faut pouvoir tenir compte des situations concrètes qui peuvent justifier que la charge de frais ne pèse pas dans tous les cas exclusivement sur le débiteur ». Nous sommes d'accord, madame le ministre : il faut effectivement pouvoir tenir compte des situations concrètes !
Il peut en effet arriver qu'il y ait lieu de faire supporter au créancier une partie des émoluments de l'huissier pour le recouvrement d'une dette, mais on ne saurait en faire une règle. Or le texte que vous nous proposez ne permet pas d'apprécier les situations concrètes : c'est un texte de portée générale.
Vous nous dites qu'en matière de créances prud'homales ou de créances alimentaires cette disposition ne s'appliquerait pas. Encore heureux ! S'il fallait en plus que ces créanciers aient à payer des frais pour récupérer leurs créances, les malheureux n'y comprendraient vraiment plus rien ! De quoi donc sont-ils coupables ? Et il en va de même, en tout état de cause, pour les autres créanciers !
S'il s'agit de tenir compte des situations concrètes, c'est au juge qu'il faut confier le soin de les apprécier.
C'est pourquoi nous souhaitons qu'on en reste à la rédaction de l'article 32 de la loi de 1991, qui permet effectivement au juge de l'exécution de mettre une partie des frais de recouvrement à la charge du créancier.
On peut réfléchir à une révision de cet article 32 - la proposition de M. Gouzes éventuellement permet d'ouvrir la discussion - mais on ne saurait poser un principe général selon lequel les créanciers doivent supporter automatiquement une partie du coût de recouvrement de leur créance.
Il y a là une démarche qui nous choque profondément. Elle se heurte au principe général selon lequel l'accessoire suit le principal, mais elle se heurte aussi - même si je comprends que des préoccupations d'ordre social puissent conduire à considérer qu'il ne faut pas accabler le débiteur - à un principe encore plus général de notre droit public selon lequel une charge publique ne peut peser sur une catégorie particulière. Ce n'est tout de même pas la faute des créanciers si leurs débiteurs ont des difficultés !
Ce que vous pouvez nous proposer, en revanche, madame le ministre, c'est de faire supporter cette charge par l'ensemble de la collectivité.
Pour toutes ces raisons, avec le regret de ne pas pouvoir vous être agréable, nous sommes obligés de demander à la Haute Assemblée de repousser cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret Cet amendement, que l'on peut à l'évidence qualifier de « cavalier », a trait au tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale.
Un rappel s'impose.
Par un décret du 12 décembre 1996, ont été fixées les modalités du tarif des huissiers de justice.
Après une mobilisation de la profession d'avocat, qui considérait que les dispositions dudit decrét portaient gravement atteinte à l'intérêt des justiciables, une procédure a été engagée devant le Conseil d'Etat, qui a, dans un arrêt en date du 5 mai 1999, annulé partiellement le texte du décret.
Aujourd'hui, le Gouvernement nous présente un amendement qui a en fait pour objet de reprendre des dispositions annulées par le Conseil d'Etat.
Ce procédé a le double inconvénient de n'avoir que très peu de rapports communs avec l'objet du texte en discussion et d'être présenté dans l'urgence, sans aucune concertation.
Je m'interroge, comme les avocats du barreau de Marseille, qui dénoncent dans un courrier - signé de M. le bâtonnier - qu'ils m'ont adressé aujourd'hui la « non-conformité » de cet amendement « à l'intérêt du justiciable » et le fait qu'il est la reprise partielle du texte annulé par le Conseil d'Etat.
Ils exigent qu'« un dialogue puisse s'établir dans la clarté et la loyauté, sans que ni leur instance ni celle de leurs hauts représentants soient surprises ».
Il s'agit là, non de nier le droit à rémunération normale des huissiers pour leur activité, mais plutôt de contester une démarche qui rétablit d'un côté ce qui a été condamné de l'autre.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
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