Séance du 11 mai 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Organismes extraparlementaires
(p.
1
).
3.
Modification de l'ordre du jour
(p.
2
).
4.
Questions orales sans débat
(p.
3
).
MODERNISATION DE LA LIGNE SNCF
LE PUY-EN-VELAY-SAINT-ETIENNE (p.
4
)
Question de M. Adrien Gouteyron. - M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.
HORAIRE DE FERMETURE DES GARES SNCF (p. 5 )
Question de M. Yann Gaillard. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Yann Gaillard.
RÉFORME DU SYSTÈME DE MUTATION DES ENSEIGNANTS (p. 6 )
Question de M. Jean-Marc Pastor. - Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire ; M. Jean-Marc Pastor.
FINANCEMENT DE LA DISTRIBUTION DE LAIT
DANS LES ÉCOLES (p.
7
)
Question de Mme Marie-Madeleine Dieulangard. - Mmes Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire ; Marie-Madeleine Dieulangard.
STATUT DE L'IEDOM (p. 8 )
Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Mme Marie-Claude Beaudeau.
PRÉSENTATION DES AVIS D'IMPÔTS LOCAUX (p. 9 )
Question de M. André Vallet. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; André Vallet.
AIDES AUX RAPATRIÉS (p. 10 )
Question de M. René Marquès. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au
budget ; René Marquès.
CONSÉQUENCES DE LA RÉDUCTION DE L'EXONÉRATION DE COTISATIONS SOCIALES
BÉNÉFICIANT AUX PERSONNES ÂGÉES EMPLOYANT UNE PERSONNE À DOMICILE (p.
11
)
Question de M. Jean Chérioux. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la
santé et à l'action sociale ; Jean Chérioux.
INDEMNISATION DES MALADES CONTAMINÉS
PAR LE VIRUS DE L'HÉPATITE C POST-TRANSFUSIONNELLE (p.
12
)
Question de M. Xavier Darcos. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale ; Xavier Darcos.
COMMERCIALISATION DES PRODUITS ISSUS DU LAIT CRU
ET PROTECTION DU CONSOMMATEUR (p.
13
)
Question de M. Jean Bizet. - MM. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Jean Bizet.
SITUATION DU CENTRE PÉNITENTIAIRE
DE PLOEMEUR (p.
14
)
Question de M. Christian Bonnet. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Christian Bonnet.
RESPONSABILITÉ PÉNALE DES ÉLUS (p. 15 )
Question de M. Georges Mouly. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Georges Mouly.
AIDE À LA RECONVERSION
DU BASSIN MINIER DE GRAISSESSAC (p.
16
)
Question de M. Gérard Delfau. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Gérard Delfau.
ASILE TERRITORIAL (p. 17 )
Question de M. Franck Sérusclat. - MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; Franck Sérusclat.
STATUT DES CAISSES DES ÉCOLES (p. 18 )
Question de M. Bernard Dussaut. - MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; Bernard Dussaut.
CONDITIONS DE DÉTENTION DES ARMES À FEU (p. 19 )
Question de M. Roland du Luart. - MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; Roland du Luart.
AVION DE TRANSPORT MILITAIRE
DU FUTUR (ATF) (p.
20
)
Question de M. Fernand Demilly. - MM. Alain Richard, ministre de la défense ; Fernand Demilly.
Suspension et reprise de la séance (p. 21 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
5.
Rappel au règlement
(p.
22
).
Mme Danielle Bidard-Reydet, M. le président.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. le
président.
6.
Pacte civil de solidarité.
- Discussion d'une proposition de loi en deuxième lecture (p.
23
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois.
7.
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Slovénie
(p.
24
).
8.
Pacte civil de solidarité.
- Suite de la discussion et rejet d'une proposition de loi en deuxième lecture
(p.
25
).
Discussion générale
(suite)
: MM. Philippe Marini, rapporteur pour avis
de la commission des finances ; Jean-Pierre Bel, Mme Anne Heinis, MM. Robert
Bret, Jean-Jacques Hyest, Mme le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.
Question préalable (p. 26 )
Motion n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme Dinah Derycke, M. Jacques
Larché, président de la commission des lois ; Mmes le garde des sceaux, Nicole
Borvo, M. Gérard César. - Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant
le rejet de la proposition de loi.
9.
Commission mixte paritaire
(p.
27
).
Suspension et reprise de la séance (p. 28 )
10.
Efficacité de la procédure pénale.
- Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture (p.
29
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois ; Mme Dinah
Derycke, M. Robert Bret.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 30 )
Amendement n° 4 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Amendement n° 5 de la commission. - M. le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 2. - Adoption (p.
31
)
Article additionnel après l'article 2 (p.
32
)
Amendement n° 6 de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles 2
bis
et 2
ter.
- Adoption (p.
33
)
Article additionnel après l'article 2
ter
(p.
34
)
Amendement n° 11 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 3. - Adoption (p.
35
)
Article 5 (p.
36
)
Amendement n° 3 rectifié de M. Flosse. - MM. Gérard César, le rapporteur. -
Retrait.
Adoption de l'article.
Articles 7, 9, 12, 15, 16, 16
bis
et 17. - Adoption (p.
37
)
Article 18
(coordination)
(p.
38
)
Amendement n° 7 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 19 A. - Adoption (p.
39
)
Article 19 B
(supprimé)
(p.
40
)
Article 19 (p.
41
)
Amendements n°s 8 de la commission et 10 du Gouvernement. - M. le rapporteur,
Mme le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 8 ; adoption de
l'amendement n° 10.
Adoption de l'article modifié.
Article 20. - Adoption (p.
42
)
Article 20
bis
(p.
43
)
Amendement n° 9 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des
sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 20
ter
et 21. - Adoption (p.
44
)
Articles additionnels après l'article 21 (p.
45
)
Amendement n° 1 du Gouvernement. - Mme le garde des sceaux, M. le rapporteur. -
Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 2 du Gouvernement. - Mme le garde des sceaux, MM. le rapporteur,
Robert Bret. - Rejet.
Article 22. - Adoption (p. 46 )
Adoption de l'ensemble du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 47 )
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
11.
Licenciements des salariés de plus de cinquante ans.
- Rejet d'une proposition de loi en deuxième lecture (p.
48
).
M. le président.
Discussion générale : Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes
et à la formation professionnelle ; M. Louis Souvet, rapporteur de la
commission des affaires sociales ; Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. Guy
Fischer.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 49 )
Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 2 (p. 50 )
Amendement n° 2 de la commission. - M. le rapporteur. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 3 (p. 51 )
Amendement n° 3 de la commission. - M. le rapporteur. - Adoption de
l'amendement supprimant l'article.
Tous les articles ayant été supprimés, la proposition de loi est rejetée.
12.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
52
).
13.
Chèques-vacances.
- Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture (p.
53
).
Discussion générale : Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ;
MM. Paul Blanc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Claude
Domeizel, Gérard Le Cam.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 54 )
Amendements n°s 1 et 2 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire
d'Etat. - Adoption des deux amendements.
Amendement n° 13 du Gouvernement. - Mme le secrétaire d'Etat, MM. le
rapporteur, Guy Fischer. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Article 2 (p. 55 )
Amendements n°s 3 à 5 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire
d'Etat. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 3 (p. 56 )
Amendement n° 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 4 (p. 57 )
Amendement n° 7 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 4
bis.
- Adoption (p.
58
)
Article 4
ter (supprimé)
(p.
59
)
Amendement n° 8 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Article 4 quater (p. 60 )
Amendement n° 9 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 5 (p. 61 )
Amendement n° 14 rectifié du Gouvernement. - Mme le secrétaire d'Etat, M. le
rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 7 (supprimé) (p. 62 )
Amendement n° 11 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Article 8 (p. 63 )
Amendement n° 12 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Vote sur l'ensemble (p. 64 )
M. Gérard Le Cam, Mme Anne Heinis.
Adoption du projet de loi.
14.
Dépôt d'une question orale avec débat
(p.
65
).
15.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
66
).
16.
Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
67
).
17.
Dépôt de rapports
(p.
68
).
18.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
69
).
19.
Ordre du jour
(p.
70
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à
la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes
extraparlementaires.
En conséquence, j'invite la commission des finances et la commission des
affaires sociales à présenter chacune un candidat appelé à siéger au sein du
comité de surveillance de la Caisse d'amortissement de la dette sociale et
j'invite la commission des affaires économiques à présenter un candidat pour
siéger, en qualité de titulaire, au sein du Conseil supérieur de la forêt et
des produits forestiers.
Les nominations des sénateurs appelés à siéger au sein de ces organismes
extraparlementaires auront lieu ultérieurement dans les conditions prévues à
l'article 9 du règlement.
3
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
M. le président a reçu de M. le ministre des relations avec le Parlement une
lettre en date du 10 mai aux termes de laquelle le Gouvernement modifie, en
accord avec les commissions concernées, l'ordre du jour prioritaire du Sénat
:
- d'une part, en inscrivant à l'ordre du jour du mercredi 12 mai, à quinze
heures, la suite du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité
financière à la place de la suite éventuelle de l'ordre du jour du mardi 11 mai
;
- d'autre part, en inscrivant à l'ordre du jour du jeudi 20 mai après-midi,
après les questions d'actualité au Gouvernement, la proposition de loi tendant
à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes à la place du
projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives.
Acte est donné de cette communication.
L'ordre du jour des séances du mercredi 12 et du jeudi 20 mai est modifié en
conséquence.
4
QUESTIONS ORALES
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.
MODERNISATION DE LA LIGNE SNCF
LE PUY-EN-VELAY-SAINT-ETIENNE
M. le président.
La parole est à M. Gouteyron, auteur de la question n° 474 adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Adrien Gouteyron.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la ligne Le
Puy-en-Velay-Saint-Etienne. Je m'empresse de le dire, cette ligne SNCF n'est
évidemment pas du tout en concurrence avec la route - je pense ici en
particulier à la RN 88, pour laquelle, vous le savez, nous réclamons des
aménagements - puisqu'elle n'emprunte pas le même itinéraire. En effet, la
ligne SNCF passe par la vallée de la Loire jusqu'à Monistrol-sur-Loire. Il
s'agit donc de deux modes de transport, non pas concurrents, mais tout à fait
complémentaires.
Cette ligne SNCF est tout à fait essentielle pour la Haute-Loire. Son trafic
connaît d'ailleurs une augmentation significative de 15 % à 20 % de voyageurs
supplémentaires chaque année. Quant à la fréquence, avec huit allers et retours
entre le Puy-en-Velay et Saint-Etienne, elle est satisfaisante, mais on la
souhaiterait plus grande encore.
Surtout, monsieur le ministre, cette ligne mérite des aménagements. Ne parlons
pas du tracé sinueux, dont j'ignore s'il peut faire l'objet de modifications
substantielles. Il n'en est pas de même des matériels utilisés. Les autorails
de type X 2008 qui, je crois, datent des années cinquante, sont obsolètes,
inadaptés et inconfortables. Les voyageurs demandent leur remplacement. Il
s'agit donc d'acquérir de nouveaux matériels. Peut-on espérer, monsieur le
ministre, que ces acquisitions seront réalisées rapidement ?
Enfin, cette ligne SNCF compte, sur son parcours, cinq arrêts dits secondaires
et six arrêts principaux, parmi lesquels celui de Vorey-sur-Arzon. Cette gare
est, depuis quelque temps, télécommandée à partir du Puy-en-Velay. Il n'y a
donc plus de personnel, ce qui fait que les voyageurs ne sont plus accueillis
et les locaux ne sont plus chauffés. Y a-t-il là, pour la SNCF, une telle
économie ? En tout cas, la situation n'est pas satisfaisante pour les voyageurs
et mérite examen. Monsieur le ministre, pouvez-vous me dire ce que vous en
pensez ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, comme vous le savez, depuis maintenant presque deux ans, le
Gouvernement met en oeuvre une politique ferroviaire ambitieuse qui repose sur
l'organisation d'une meilleure complémentarité entre les différents modes de
transport. Elle se traduit par une véritable dynamique de reconquête des
trafics de voyageurs et de marchandises au profit du rail sur l'ensemble du
territoire et, au-delà, dans toute l'Europe.
Le volume global des voyageurs transportés par la SNCF est en très nette
augmentation et les excellents résultats de la ligne Le
Puy-en-Velay-Saint-Etienne participent d'un élan général du trafic ferroviaire
dans notre pays, élan dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Cela est d'autant plus remarquable que, comme chacun le sait, le train a
beaucoup souffert, dans un passé encore récent, d'une politique
d'investissements trop exclusivement axée sur la grande vitesse.
Le Gouvernement attache donc aujourd'hui une grande importance à la
modernisation du réseau classique, pour lutter contre un certain déclin.
Tout en poursuivant le développement du réseau à grande vitesse, le
Gouvernement a décidé que la participation de l'Etat pour le financement de ces
investissements ferroviaires serait portée à au moins 500 millions de francs
dans le cadre des prochains contrats de plan Etat-régions, ce qui représente un
doublement des crédits engagés par le précédent gouvernement.
S'agissant de la ligne Le Puy-en-Velay-Saint-Etienne, je suis tout à fait
conscient de l'intérêt qu'elle présente pour l'aménagement et le développement
des territoires qu'elle irrigue. Comme vous le soulignez, monsieur le sénateur,
les voyageurs, plus nombreux, qui utilisent cette ligne attendent une
amélioration des fréquences et des dessertes qui soient également assurées par
du matériel plus confortable. Pour ce qui est de la gare que vous citez, je
vais faire étudier le problème par mes services.
Il a ainsi été décidé, avec la SNCF, d'entreprendre un programme
d'amélioration des services. Celle-ci étudie, parallèlement à l'amélioration
des dessertes entre Saint-Etienne et Lyon, une recomposition de l'offre entre
Saint-Etienne et Le Puy qui se traduira, dès la rentrée de septembre 1999, par
une augmentation du nombre d'allers et retours entre ces deux villes,
actuellement égal à huit par jour.
La meilleure façon de satisfaire les besoins de déplacements régionaux serait,
dans ce cas, la mise en service de matériels modernes et très performants comme
les automoteurs TER X 72 500 ou les nouveaux autorails X 73 500. Les modalités
de renouvellement du matériel circulant sur la ligne font actuellement l'objet
de négociations entre la région Auvergne, le conseil général de la Loire et la
SNCF. Je souhaite, comme vous, qu'elles aboutissent rapidement.
M. Adrien Gouteyron.
Je vous remercie, monsieur le ministre.
HORAIRES DE FERMETURE DES GARES SNCF
M. le président.
La parole est à M. Gaillard, auteur de la question n° 497, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Yann Gaillard.
Monsieur le ministre, le 16 mars dernier, vous avez eu la bonne idée
d'organiser une rencontre avec les parlementaires de Champagne-Ardenne
consacrée à la ligne Paris-Bâle, affaire sur laquelle je ne reviens pas.
A l'occasion de cette réunion, je m'étais permis d'aborder un sujet connexe,
celui de l'heure de la fermeture des gares, notamment de celle de Troyes. Je
vous avais rappelé que cette gare, depuis maintenant deux ou trois ans, ferme à
vingt et une heures alors que le dernier train vers Paris passe à vingt-deux
heures seize. Il en résulte, surtout en hiver, beaucoup d'inconfort pour les
voyageurs, contraints d'attendre dans un petit passage ouvert à tous les vents
et où il fait froid. Le buffet de la gare fermant en même temps que la gare,
l'endroit, déserté, est aujourd'hui de plus en plus livré à des marginaux et on
y constate de nombreuses dégradations, notamment des bris de sièges.
Tout cela n'est absolument pas satisfaisant. On a créé une sorte de
no
man's land,
alors que la SNCF devrait, me semble-t-il, veiller à accueillir
ses voyageurs jusqu'à l'heure du dernier train.
Vous aviez, alors, semblé sensible à cette remarque, mais je n'en ai pas vu la
trace dans les différents communiqués qui ont suivi cette réunion. Certes, la
question était, je le reconnais, un peu annexe. C'est la raison pour laquelle
je me permets d'appeler de nouveau votre attention sur cette situation.
Mais permettez-moi de profiter de votre présence, après les dernières grèves
de la SNCF que nous avons connues, pour attirer votre attention sur un autre
sujet, un peu du même ordre, je veux parler du devoir d'information des usagers
en cas de grève.
En effet, en cas de grève, il est absolument impossible, pour les usagers, de
savoir quels trains circuleront et d'en connaître les horaires. Les standards
sont débordés, le téléphone ne répond pas, et les services d'accueil sont tout
à fait insuffisants.
Je n'ai pas de solution miracle. Toutefois, monsieur le ministre, ne
pouvez-vous pas poser le principe d'une responsabilité du chef de gare en
matière d'information des usagers ? Et ne faudrait-il pas, en cas de grève,
recourir à des moyens exceptionnels, engager s'il le faut du personnel
intérimaire et supplémentaire - je sais que ce n'est pas forcément très
populaire auprès du personnel - pour renforcer les standards et les services
d'accueil et, bien entendu, utiliser tous les moyens modernes, tels le Minitel,
l'Internet, etc., moyens qui semblent actuellement utilisés par des stations de
radio - je pense au 36-15 Europe 1 - et non par la SNCF, qui ne semble pas
prendre en compte ce devoir d'information ?
L'accueil dans les gares et l'information des usagers relèvent un peu du même
esprit. Vous êtes un défenseur du service public de la SNCF, monsieur le
ministre, et nous y sommes nous aussi attachés. Que peut-on faire pour traduire
cette volonté dans les faits ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, je dirai dès l'abord que le problème de l'information et de la
transparence de la situation dans l'intérêt des usagers est tout à fait réel,
et qu'il va d'ailleurs au-delà des seules situations de conflit. Il peut y
avoir des retards, des incidents, voire quelquefois, malheureusement, des
accidents, et l'on sait très bien qu'il importe alors de donner le plus
rapidement possible des informations aux usagers, notamment aux voyageurs. Par
conséquent, monsieur le sénateur, je vous ai bien entendu et je partage tout à
fait votre préoccupation quant à la nécessité d'une information rapide des
usagers et à la mise en oeuvre des moyens pour y parvenir.
J'en reviens à la question première qui faisait l'objet de votre intervention.
Je suis, comme vous l'avez souligné, très attaché au développement d'un service
public ferroviaire de qualité. Depuis maintenant près de deux ans, le
Gouvernement a engagé des efforts, dont tout le monde reconnaît la réalité,
pour développer les trafics sur le rail dans l'optique de l'intermodalité,
comme je l'ai indiqué tout à l'heure à M. Gouteyron.
Je rappelle que la loi d'orientation pour les transports intérieurs attribue
une large autonomie de gestion à la SNCF, laquelle est responsable de la
réalisation de son projet industriel et de la mise en oeuvre des moyens dont
elle dispose. L'entreprise publique a fait du service à l'usager la priorité de
son projet industriel, tout en ayant bien évidemment le souci d'équilibrer ses
comptes, notamment grâce à des efforts d'organisation et d'efficacité du
travail que personne ne remet d'ailleurs en cause. L'adaptation des horaires
d'ouverture des gares SNCF aux besoins des voyageurs relève d'une telle
problématique, et c'est pourquoi je voudrais essayer de répondre avec précision
à votre interrogation, monsieur le sénateur.
La présence tardive des agents en gare peut avoir deux motivations, en plus du
sentiment de sécurité qu'elle procure aux usagers et dont vous avez parlé à
juste titre : la vente de billets et l'assistance aux voyageurs.
Si, dans le premier cas, la présence d'un agent de guichet s'impose aux heures
d'affluence, il en va différemment lorsque les voyageurs sont très peu nombreux
et que l'assistance aux voyageurs peut être assurée par d'autres agents.
La SNCF, à qui j'ai transmis les éléments de votre question, m'a indiqué que
le guichet de la gare de Troyes était ouvert de 4 h 45 à 21 heures. Entre 21
heures et 22 h 16, heure de passage du dernier train, la fréquentation de cette
gare est très faible, et même souvent inférieure à cinq voyageurs. Aussi la
SNCF considère-t-elle qu'une telle fréquentation ne paraît pas vraiment imposer
la présence d'un agent de vente - je dis bien d'un agent de vente - au
guichet.
Les passagers, dont je partage bien évidemment avec vous le souci de confort
et de sécurité, monsieur le sénateur, disposent d'un distributeur de billets
accessible en permanence. Mais l'absence de l'agent de vente au guichet ne doit
pas rendre la gare déserte pour autant. En effet, les voyageurs attendent leur
train dans un hall de la gare où la présence humaine, réconfortante, doit être
assurée jusqu'au passage du dernier train, à 22 h 16, ainsi que la nuit, par un
agent chargé de la circulation des trains.
La SNCF précise d'ailleurs que l'agent chargé de la circulation des trains n'a
pas signalé récemment d'actes de malveillance dans la gare de Troyes. Une
enquête récente auprès des usagers de la gare de Troyes aurait montré une
satisfaction de ceux-ci.
Je peux cependant vous indiquer que, dans le cadre de sa politique de
rénovation des gares, la SNCF va améliorer le niveau de confort et d'équipement
en gare de Troyes en installant notamment le chauffage, un système de
télésurveillance et en réaménageant les salles d'attente, tous éléments qui
vont être réalisés prochainement.
Conscient comme vous des attentes des usagers, j'ai cependant demandé à la
SNCF d'être attentive aux variations de fréquentation de cette gare, qui
pourraient la conduire à adapter l'horaire de fermeture du guichet.
Comme vous l'avez souligné, monsieur Gaillard, j'ai reçu récemment une
délégation du conseil régional de Champagne-Ardennes et des élus troyens afin
d'examiner les possibilités de modernisation de la ligneParis-Troyes-Bâle.
Cette réunion a permis d'identifier des perspectives significatives
d'investissements susceptibles non seulement d'améliorer la fréquentation de la
ligne mais aussi d'accroître la présence commerciale dans les gares de la
ligne, ce que je souhaite tout comme vous.
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Monsieur le ministre, oui au service public - et je crois que vous faites ce
que vous pouvez pour le défendre - mais à condition que l'usager en soit
vraiment au coeur !
RÉFORME DU SYSTÈME DE MUTATION DES ENSEIGNANTS
M. le président.
La parole est à M. Pastor, auteur de la question n° 423, adressée à M. le
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Jean-Marc Pastor.
Madame la ministre, ma question concerne le projet de réforme du mouvement des
enseignants du second degré, tel qu'il est prévu pour la rentrée scolaire de
1999.
En effet, dans le but de rapprocher l'éducation nationale de ses personnels et
en particulier d'en « humaniser » la gestion, il est prévu de déconcentrer le
mouvement national, qui se déroulerait en deux temps : une phase
interacadémique, préparatoire, suivie d'une phase intra-académique qui
permettrait l'affectation définitive des personnels.
Il est certes nécessaire de réviser les procédures actuellement en vigueur
pour la mutation des enseignants : en effet, à l'heure actuelle, un enseignant
qui souhaite muter d'un collège à un autre dans une ville doit participer au
mouvement national qui est long - il dure plus de six mois - et complexe dans
son organisation. De plus, sur 100 000 demandes annuelles de changements
d'affectation, un tiers seulement concerne un changement d'académie, la
majorité des candidats à la mutation effectuant des voeux internes à leur
académie.
C'est pourquoi les principes de la réforme projetée semblent aller dans le
sens d'une accélération des procédures et d'une amélioration du service rendu
aux enseignants. Toutefois, des inquiétudes se font jour, notamment sur le
déroulement de chaque phase : qui y participera ? Selon quels critères ?
Comment et par qui seront prises les décisions au sein de chaque « étape » ?
Qu'adviendra-t-il des barèmes antérieurs ?
Je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir m'apporter toutes les
précisions sur ce projet et de me confirmer la date de sa mise en oeuvre.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Monsieur le sénateur,
en participant à la phase interacadémique du mouvement à gestion déconcentrée
plus nombreux en 1999 qu'en 1998, soit près de 41 000, les enseignants ont
montré qu'ils ont bien compris l'esprit et les principes de la réforme de leur
système de mutation qui s'appuie sur le respect du paritarisme, de la
transparence, du droit à la mobilité et de l'égalité de traitement.
Les règles d'organisation des deux phases du mouvement des enseignants sont
simples. Pour la phase interacadémique, les enseignants pouvaient formuler des
voeux portant sur des académies dans la limite de trente. Le contrôle du barème
a été fait dans l'académie de départ du candidat. L'attribution des
bonifications liées aux cas médicaux fait l'objet d'une harmonisation
nationale.
Pour la phase intra-académique, et pour la première fois, une liste des postes
vacants sera portée à la connaissance des candidats au moment de la saisie de
leurs voeux. Ces voeux, au nombre possible de vingt, pourront porter sur des
établissements précis, sur une ou plusieurs communes ou départements ainsi que
sur une ou plusieurs zones de remplacement. Le contrôle des barèmes sera de la
responsabilité des académies et le recteur affectera l'enseignant à titre
définitif au sein de l'académie, alors que, pour les mouvements précédents,
c'est le ministre qui prononçait l'entrée dans l'académie.
Les critères retenus pour le traitement de l'ensemble de ces demandes de
mutation sont restés volontairement très proches de ceux qui avaient servi les
années précédentes, notamment pour préserver les stratégies individuelles.
L'égalité de traitement, tout comme le respect d'un droit à la mobilité, a été
garantie par la conservation de barèmes dont les éléments ont été soit définis
nationalement, soit encadrés et qui s'inscrivent encore dans la continuité de
l'ancien barème national centralisé afin de permettre le traitement des
situations qui avaient été créées.
A chaque étape, une association étroite des représentants élus des personnels
a été prévue grâce à la création de formations paritaires mixtes académiques et
de groupes de travail.
A ce jour, les services ministériels ont préparé le mouvement interacadémique
dont les résultats ont été connus le 16 avril. Du 19 avril au 2 mai, les
enseignants ont pu faire leurs demandes d'affectation dans les établissements
scolaires lors du mouvement intra-académique. Celles-ci seront connues, selon
les disciplines, entre le 6 et le 18 juin.
Autrement dit, monsieur le sénateur, la rentrée sera prête beaucoup plus tôt
que les années précédentes, ce qui devrait nous permettre d'éviter les longs
ajustements et les affectations dans les établissements scolaires au moment de
la rentrée, dont les enseignants, les parents d'élèves et les élus s'étaient
beaucoup plaints.
En conséquence, l'objectif d'une rentrée de septembre prête à la fin du mois
de juin sera atteint.
M. Jean-Marc Pastor.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor.
Je remercie Mme le ministre de ces précisions. Toutefois, je lui rappelle que
cette procédure nouvelle mériterait d'être de nouveau expliquée aux élus locaux
et à un certain nombre d'enseignants, notamment aux syndicats d'enseignants. En
effet, il existe encore des zones d'ombre.
FINANCEMENT DE LA DISTRIBUTION DE LAIT
DANS LES ÉCOLES
M. le président.
La parole est Mme Dieulangard, auteur de la question n° 517, adressée à Mme le
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Madame la ministre, depuis quelques années, les équipes enseignantes et les
acteurs de la médecine scolaire alertent les parents et les pouvoirs publics
sur les problèmes de nutrition que rencontrent les enfants.
Symbole de notre époque qui n'en est pas à un paradoxe près, on a vu
réapparaître des problèmes dramatiques de sous-nutrition que les modifications
intervenues dans le versement des bourses aux collégiens ont mis en évidence à
la lumière de la baisse de fréquentation des cantines scolaires.
La réforme que vous aviez souhaité introduire dès la rentrée 1997 et qui fut
renforcée dans le cadre de la loi d'orientation relative à la lutte contre les
exclusions avait pour objectif de remédier à cet effet pervers. Cette même loi
prévoit d'ailleurs la présentation d'un rapport au Parlement sur l'évolution de
la fréquentation des cantines scolaires.
Sans atteindre le même degré de gravité, le problème de la malnutrition est
tout aussi préoccupant en termes de santé publique, car les enfants adoptent
très tôt des comportements alimentaires déstructurés qui peuvent déboucher à
court terme sur des pathologies plus inquiétantes.
Des efforts sont engagés au niveau des cantines qui, désormais, placent
l'équilibre et l'hygiène alimentaires au centre de leurs préoccupations. Des
opérations, telles que les petits déjeuners à l'école, sont lancées.
La distribution de lait dans les écoles maternelles et primaires est également
un dispositif adapté ; il est déjà ancien puisqu'il plonge ses racines dans les
mesures mises en place dès 1954. Il a connu un renouveau en 1976 dans le cadre
des mesures prises par la Communauté européenne en vue d'utiliser les excédents
qu'enregistrait alors la production laitière. Cette opération associait les
professionnels dans le cadre du prélèvement de coresponsabilité.
Cette production a connu depuis des changements structurels tendant à réduire
les excédents, si bien que l'intervention communautaire s'est infléchie pour ne
représenter aujourd'hui que le tiers du coût des distributions.
La distribution du lait fait donc appel à des financements croisés qui,
malheureusement, se réduisent au fil des années.
La réorganisation des interventions interministérielles associant le ministère
de l'agriculture via l'ONILAIT, l'Office national interprofessionnel du lait et
des produits laitiers, mais aussi le ministère de la solidarité et le vôtre,
madame la ministre, a abouti à un recentrage des interventions sur les ZEP, les
zones d'éducation prioritaires, et les ZUS, les zones urbaines sensibles.
Parallèlement, les municipalités, qui se trouvent en première ligne pour
assurer le maintien de ces distributions, sont amenées le plus souvent à
procéder à des coupes claires dans leurs dotations afin de concentrer également
leurs interventions dans les zones les plus vulnérables.
On estime aujourd'hui que, sur plus de 6 millions d'enfants scolarisés en
maternelle et en primaire, seuls 2 millions bénéficient de ces
distributions.
Nous sommes nombreux à avoir manifesté notre souci de voir préserver les
financements publics afin de maintenir une intervention dans tous les
établissements, y compris dans ceux qui ne sont pas classés en zone
prioritaire, en prenant notamment en compte les nouveaux réseaux d'éducation
prioritaires.
Madame la ministre, alors que nous allons aborder la période délicate des
discussions budgétaires, pouvez-vous d'ores et déjà nous indiquer les priorités
que vous souhaitez défendre pour assurer la pérennité de cette action ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Madame la sénatrice,
la distribution de lait dans les écoles est effectuée sur l'initiative des
collectivités locales ou des centres communaux d'action sociale. Depuis
quelques années, deux systèmes d'aide existaient parallèlement : celui du
ministère de l'agriculture via l'Office national interprofessionnel du lait et,
avec l'aide de fonds européens, celui du ministère de l'emploi et de la
solidarité via une convention entre la direction de l'action sociale et l'Union
nationale des centres communaux d'action sociale, qui concentrait la plupart du
temps son action sur les écoles situées en zones d'éducation prioritaire.
Dans un souci de bonne gestion des fonds publics, depuis la rentrée de 1998,
l'ONILAIT est désormais le seul organisme qui intervient pour aider aux
distributions de lait. Pour donner à son action une visée plus sociale et pour
prendre le relais de l'aide précédemment apportée par la direction de l'action
sociale, l'ONILAIT a réservé 7,5 millions de francs de crédits nationaux à la
distribution de lait aux élèves des ZEP et des ZUS.
Cependant, vous le savez, un dispositif complémentaire a été mis en place, et
je pense qu'il répond à votre préoccupation. Reste à savoir s'il est bien
appliqué sur tout le territoire ! Il s'agit de la mise en place du fonds social
pour les cantines, que j'ai créé en 1997 et dont la dotation dans le budget de
1999 est de 250 millions de francs.
J'ai autorisé les chefs d'établissement à servir des petits déjeuners et des
collations, dont éventuellement une distribution de lait, mais cela ne s'arrête
pas là.
Cette action, bien entendu, ne concerne que le second degré, puisque le fonds
social pour les cantines ne peut pas intervenir dans le premier degré en raison
des lois de décentralisation. Mais ce dispositif permet parallèlement aux
collectivités locales de recentrer leur action sur le premier degré puisque,
désormais, les fonds sociaux pour les cantines interviennent dans les
collèges.
Je considère que l'objectif de prévention en matière d'éducation à la santé,
de lutte contre l'échec scolaire, de renforcement des liens entre les familles
et l'école, que tout ce travail partenarial peut se développer autour de
l'organisation de collations et de petits déjeuners. Je crois, en effet, que,
ainsi que vous l'avez d'ailleurs souligné, un enfant qui arrive l'estomac vide
à l'école n'est pas dans de bonnes conditions pour réussir sa journée
scolaire.
Cette action s'applique évidemment aux enfants dont les familles souffrent de
difficultés sociales et économiques, mais j'ai aussi pensé, en rétablissant les
petits déjeuners, aux enfants du milieu rural, qui sont astreints à de longues
durées de transport et qui ont besoin de reprendre des forces en arrivant dans
leur établissement scolaire.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je vous remercie, madame la ministre.
Il peut paraître déplacé, voire indécent, d'aborder cette question de la
malnutrition pour des enfants dont les familles ne sont majoritairement ni
défavorisées ni démunies culturellement - et qui devraient donc pouvoir assurer
l'éducation de leurs enfants, notamment en matière d'hygiène et d'équilibre
alimentaire - alors que, parallèlement, dans d'autres parties du monde, des
jeunes souffrent de sous-nutrition au point d'en mourir par centaines de
milliers.
Pourtant, je le disais à l'instant, nous sommes interpellés très
régulièrement, notamment par les enseignants, sur de graves carences en ce
domaine, qui peuvent laisser présager de véritables problèmes de santé
publique.
Il est donc très important que l'Etat, par le canal de l'éducation nationale,
pallie les défaillances des familles en direction des enfants, notamment à
travers ces distributions de lait programmées régulièrement, mais aussi qu'il
aide à une responsabilisation véritable des familles, car c'est fondamental.
STATUT DE L'IEDOM
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 442, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite que vous répondiez aujourd'hui avec
clarté et sans nouveaux faux-fuyants à une question en apparence compliquée,
mais qui est fort simple.
L'Institut d'émission des départements d'outre-mer, l'IEDOM, est une des
premières victimes de la Banque centrale européenne et de l'euro. D'autres
suivront !
L'Institut d'émission sera-t-il intégré à la Banque de France ou sera-t-il
transformé en une société filiale de la Banque de France ?
Vous le savez, une filialisation ne serait pas sans poser des problèmes de
principe, mais elle soulèverait aussi la question du devenir des personnels qui
s'occupent du financement de l'économie locale.
La filialisation pose tout d'abord des problèmes de principe : la loi du 2
décembre 1945 a nationalisé la Banque de France. La filialisation de l'Institut
est donc une remise en cause grave de cette loi.
Je ne crois pas que l'on puisse faire cohabiter deux types de structures
différents - succursales et filiales - pour résoudre le même problème. En
effet, la loi est une. Or les filiales seront des sociétés anonymes de droit
privé. La loi de nationalisation est donc remise en cause.
De plus, ces atteintes graves à la loi seraient portées sur une partie
seulement de notre territoire national, ce qui pose également un problème de
principe.
Quatre départements d'outre-mer, ainsi que Mayotte et
Saint-Pierre-et-Miquelon, sont concernés. Tous les parlementaires de ces
régions et toutes les organisations syndicales sont opposés au projet de
filialisation.
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, présentant la
filialisation à l'Assemblée nationale, la comparait à une « possible mise en
oeuvre de la participation des départements d'outre-mer à la grande aventure
européenne ». Ce n'est pas ce que ressentent les citoyens de ces départements,
qui considèrent la filialisation comme une formule au rabais pour les missions
telles qu'elles existent aujourd'hui sur l'ensemble du territoire
métropolitain.
Nous touchons également, avec cette question, au problème politique du devenir
des départements d'outre-mer dans la construction européenne.
Les personnels sont unanimes, et ils l'ont démontré dans des mouvements forts
de protestation. La filialisation, c'est la transformation du statut des
personnels et la modification des missions, accentuées par les conséquences de
l'insularité.
Avec beaucoup d'à-propos, les syndicats prévoient que cette nouvelle situation
pourrait constituer un précédent « réimportable » en Europe. C'est pourquoi les
personnels s'opposent unanimement à ce début de démantèlement de la Banque de
France.
Bien au-delà des principes et de l'intérêt des personnels, c'est le devenir de
toute une région qui serait compromis par la disparition du réescompte, qui
permettait aux entreprises les plus fragiles, notamment aux PME-PMI, d'obtenir
des financements à 5,5 %, sans parler du transfert à un autre opérateur de
l'activité « fonds de garantie bancaire », qui jusqu'alors avalisait à hauteur
de 70 % les concours consentis aux entreprises.
En démantelant l'IEDOM, vous démantèleriez aussi la Banque de France, vous
toucheriez, monsieur le secrétaire d'Etat, au service public en lui associant
le capital privé et, bien entendu, vous porteriez ainsi atteinte à la loi de
nationalisation de la Banque de France.
Je vous demande donc de nous dire quelle est, à ce jour, la position du
Gouvernement et si vous n'estimez pas qu'il est prudent et responsable de
répondre à l'attente de tous dans ces départements d'outre-mer, en prévoyant
l'intégration de l'Institut à la Banque de France et le passage de ses agents
sous statut de cette banque. L'ensemble du territoire serait alors régi par une
institution monétaire commune et indivisible.
Il est temps, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement fasse
connaître clairement ses intentions. En effet, le ministre de l'économie et des
finances ne peut pas écrire, dans une lettre du 27 avril dernier, que «
l'évolution de l'Institut ne doit pas s'engager dans la précipitation » et,
dans le même temps, déposer, selon les dernières informations que nous avons pu
avoir sur cette question, un projet de loi d'habilitation qui lui permettrait
de légiférer par ordonnances.
Nous voulons vraiment savoir, ce matin, où en est le Gouvernement
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Madame la sénatrice, l'Institut d'émission
des départements d'outre-mer exerce, dans les départements et les collectivités
territoriales d'outre-mer, des missions monétaires. Or, depuis le 1er janvier
1999, ces missions sont exercées, vous le savez, par le système européen de
banques centrales. Il est donc clair qu'il faut faire évoluer l'IEDOM vers un
rapprochement avec la banque centrale.
Cela étant, je vous confirme ce qu'a écrit le ministre de l'économie et des
finances le 27 avril dernier : ce rapprochement ne doit pas être engagé dans la
précipitation. Toutefois, précipitation ou non, la France est dans l'obligation
de modifier les statuts et le rôle de l'Institut pour les rendre compatibles
avec les tâches qui ont été assignées au système européen de banques centrales
par le traité sur l'Union européenne.
Cette évolution institutionnelle sera précédée d'une concertation avec le
personnel de l'IEDOM, concertation qui est actuellement en cours.
Il est important que les évolutions nécessaires se fassent dans l'intérêt de
l'Etat, dans l'intérêt des départements d'outre-mer, dont vous avez souligné la
spécificité, mais aussi dans l'intérêt de l'Institut d'émission et - vous y
avez insisté - dans l'intérêt de son personnel, qu'il soit parisien ou
local.
Dans ce contexte, la possibilité de constituer une filiale de la Banque de
France est effectivement examinée, car il apparaît nécessaire de tenir compte
des spécificités des économies des départements et collectivités territoriales
d'outre-mer, spécificités auxquelles, vous le savez, les élus ont marqué à de
très nombreuses reprises leur attachement.
C'est pourquoi nous proposons de maintenir la participation de représentants
locaux au conseil de la nouvelle structure, de sauvegarder le statut des
personnels - vous m'avez interrogé sur ce point - et d'associer de manière
constructive, au sein de l'Institut, les compétences monétaires et les
compétences en matière de développement des agents détachés par l'Agence
française de développement.
Je tiens à dire solennellement que toute privatisation de l'IEDOM est, bien
sûr, totalement exclue. La Banque de France est une institution dont le capital
est entièrement détenu par l'Etat, l'émission de la monnaie est de la seule
compétence du système européen de banques centrales et ne saurait être confiée
à un autre établissement.
Vous ne devez donc avoir aucune crainte - et les personnels non plus - de voir
réapparaître la situation d'avant-guerre, lorsque l'émission monétaire a été
confiée à des banques privées locales, dites coloniales, de 1851 à 1944.
Vous avez mentionné le respect du principe d'égalité républicaine. Je tiens à
préciser que le mode d'organisation proposé par le Gouvernement n'a d'autre
objet que de prolonger un fonctionnement qui, depuis la création de l'IEDOM en
1959, a donné entière satisfaction aux populations et aux élus des départements
d'outre-mer.
J'insiste, pour conclure cette réponse que j'espère claire, sur le fait que le
rapprochement entre l'IEDOM et la Banque de France sera sans effet sur
l'emploi.
Tels sont les éléments que je voulais apporter en réponse à votre question,
madame la sénatrice.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je vous remercie de cette réponse, monsieur le secrétaire d'Etat. Vous n'avez
toutefois pas levé mes inquiétudes ni celles du personnel.
En effet, une inexactitude subsiste dans les courriers qui m'ont été adressés
en réponse à une question écrite que j'avais posée le 18 mars, ainsi que dans
la réponse que vous venez de me faire ce matin.
En effet, il n'y a eu, monsieur le secrétaire d'Etat, ni concertation ni
négociation avec les personnels, d'où leur manque de confiance.
Vous ne contestez pas dans votre réponse qu'un dispositif pour suppléer au
taux de réescompte pratiqué dans les départements d'outre-mer se révélera
pourtant nécessaire en cas de filialisation. L'euro sera mis en circulation en
2003, mais vous n'apportez aucune précision quant au maintien du statut actuel
des personnels. Il faut tout de même reconnaître que l'intégration de l'IEDOM à
la Banque de France par relais administratif, financier et statutaire réglerait
les problèmes posés sans aucune difficulté.
Je rappellerai, comme l'avait fait M. Bernard Trichet lorsqu'il était
directeur du Trésor, que « les activités de la banque relèvent pour la plupart
du service public et les filialiser risquerait de signifier à terme de les
vendre ».
Vous ne levez donc aucune des inquiétudes. Avec votre projet de filialisation,
on s'est engagé vers le démantèlement, à terme, de la Banque centrale et vers
une privatisation de son capital. La question de cet institut d'émission n'est
pas une simple question annexe concernant l'outre-mer. Je crois, monsieur le
secrétaire d'Etat, qu'il s'agit d'une question nationale qui est liée à un
transfert de souveraineté, à une dérive européenne que nous considérons comme
très grave.
PRÉSENTATION DES AVIS D'IMPÔTS LOCAUX
M. le président.
La parole est à M. Vallet, auteur de la question n° 492, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. André Vallet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, à l'heure où la volonté de transparence est
légitimement au coeur des préoccupations de chacun, je souhaite mettre en
lumière un exemple d'opacité fiscale.
Je m'interroge en effet sur la lisibilité des avis d'imposition locale. Le
Trésor public distingue certes la part de chaque collectivité locale - commune,
département, région - dans l'avis d'imposition adressé aux contribuables, mais
le montant à payer au titre des impôts locaux reste global.
Cette unicité est bien souvent, vous en conviendrez, une source de confusion
pour les contribuables puisque ceux-ci sont plus sensibles aux variations,
d'année en année, de la somme globale qu'ils auront à débourser, qu'aux
évolutions de la part de celle-ci réclamée par chaque collectivité locale.
Si le département et la région ont naturellement besoin de ressources fiscales
pour remplir les missions qui leur sont confiées par la loi, les communes sont
bien souvent rendues responsables d'une éventuelle augmentation des impôts
locaux, alors que celle-ci n'est pas toujours de leur fait.
Pour éviter ces confusions auxquelles les maires ont bien souvent à faire
face, ne serait-il pas tout simplement possible d'individualiser les impôts
locaux en adressant aux contribuables un formulaire à trois volets - un par
collectivité locale - chaque volet indiquant sans ambiguïté le montant réclamé
par chaque collectivité ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur
les avis d'impôts locaux, c'est-à-dire ceux qui portent sur les taxes foncières
et sur la taxe d'habitation, et vous avez bien voulu reconnaître que ces avis
comportaient déjà de nombreuses informations, puisque chacune des collectivités
est individualisée et qu'y figurent le montant des cotisations et leur
évolution d'une année sur l'autre, en valeur absolue et en pourcentage. En
outre sont mentionnés les taux d'imposition de l'année avec le rappel des taux
de l'année précédente.
Ainsi, les contribuables qui acquittent leurs impôts locaux peuvent savoir, si
ceux-ci augmentent, si c'est le fait des communes, des départements ou des
régions.
L'émission d'un seul avis d'imposition est donc déjà riche en informations.
Vous suggérez l'émission d'un avis d'imposition par collectivité locale. Je
voudrais vous faire, avec courtoisie, trois objections.
La première est que cela coûte plus cher, évidemment, d'émettre trois avis que
d'en émettre un seul. Or, à un moment où nous sommes tous soucieux de réduire
le coût de gestion de l'impôt, c'est déjà là un premier inconvérient.
Ma deuxième objection est qu'en matière de taxe foncière des taxes sont
affectées aux communes, aux département et aux régions, mais aussi à des
groupements de communes ou à des syndicats de communes. S'agissant de ces
dernières, nous ne saurions pas très bien où les faire figurer si les avis
étaient séparés. En outre, d'autres taxes, par exemple la taxe d'enlèvement des
ordures ménagères ou les frais de chambres d'agriculture, seraient, si je puis
m'exprimer ainsi, orphelines si les trois avis d'imposition étaient séparés.
Enfin, troisième objection, en ce qui concerne la taxe d'habitation, vous
savez que l'Etat prend à sa charge une partie importante d'allégements d'impôt.
Or ces allégements d'impôt sont calculés globalement et non collectivité par
collectivité.
Peut-être est-il nécessaire d'améliorer la présentation des feuilles
d'imposition mais il me semble que votre proposition d'envoyer trois avis
d'imposition présente quelques inconvénients.
M. André Vallet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, certes l'avis d'imposition locale est déjà
riche de renseignements. Mais ce que je conteste c'est la globalisation en un
seul chiffre du montant total des impôts qui figure à la fin dudit avis. Cette
unicité est source de confusion pour les contribuables qui sont peut-être moins
avertis que vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, et qui lisent très
rapidement cette feuille d'impôts sans entrer dans les détails.
Je demande non pas trois avis d'imposition, mais simplement un document à
trois volets différents. A l'heure de l'informatique, monsieur le secrétaire
d'Etat, ce ne serait pas une très grande difficulté et je ne pense pas que le
surcoût serait exorbitant.
AIDE AUX RAPATRIÉS
M. le président.
La parole est à M. Marquès, auteur de la question n° 503, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. René Marquès.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais attirer votre attention sur la
situation de certains de nos compatriotes rapatriés, surtout du Midi de la
France, région que je représente, et qui n'ont pas encore bénéficié des mesures
visant à dédommager leur réinstallation sur le territoire métropolitain. Ce
dossier de la réinstallation dure depuis maintenant près de trente-sept ans, et
il demeure toujours un certain nombre de dossiers non encore traités qui, pour
la plupart, concernent des personnes qui sont dans une situation matérielle et
morale désespérée.
Après l'intervention, notamment, de la représentation parlementaire, diverses
mesures ont été adoptées en 1998 afin de suspendre les poursuites engagées
contre les rapatriés endettés.
Il était prévu, en particulier, de mettre en place une commisison nationale
chargée de régler les derniers dossiers.
Or, d'après les informations dont je dispose, les textes sont restés jusqu'à
maintenant inopérants. Les procédures judiciaires à l'encontre des rapatriés
reprennent et s'intensifient, et laissent craindre un certain nombre de ventes
aux enchères et d'expulsions au cours des prochaines semaines.
Par ailleurs, plusieurs problèmes sont encore en suspens. Il s'agit, par
exemple, du cas des personnes mineures au moment du rapatriement, dont les
parents n'ont pas pu s'installer pour cause de santé, ou de décès, et qui se
sont installées à leur place.
Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que vous comptez faire afin
que le nouveau dispositif d'aide aux rapatriés réinstallés, voté par le
Parlement en 1998, soit mis en place rapidement, et que les moyens nécessaires
soient accordés à la Délégation aux rapatriés afin de solder ce dossier.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, vous manifestez de
l'inquiétude à propos de personnes rapatriées dont le dossier est encore en
cours d'instruction au titre du dispositif de désendettement. C'est un sujet
très sensible dont m'entretenait hier, à Avignon, Mme Guigou. Je comprends donc
votre préoccupation.
Vous avez rappelé que le Gouvernement a pris, en 1998, des dispositions qui
étaient très attendues ; vous me demandez des précisions quant à leur mise en
oeuvre.
Le nombre des dossiers, s'il reste important, ne se chiffre plus en milliers,
ce qui aurait justifié le rétablissement des commissions départementales, mais
en centaines. Il s'agit toutefois de dossiers difficiles. C'est pourquoi le
Gouvernement a décidé de mettre en place une commission nationale afin de
traiter les dossiers encore en instance et de leur apporter - je l'espère - une
solution définitive, rapide et satisfaisante.
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et Mme Martine
Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, vont soumettre dans les toutes
prochaines semaines un décret d'application relatif au fonctionnement de cette
commission nationale.
Vous m'interrogez sur des cas particuliers, notamment ceux de personnes
mineures au moment du rapatriement, pupilles de la nation et qui, jusqu'à
présent, n'avaient pu bénéficier de l'aide de l'Etat. Ce décret réglera aussi
cette question douloureuse.
Vous m'interrogez, enfin, sur les moyens de la Délégation aux rapatriés pour
solder, comme on dit, ces dossiers. Vous savez que le Parlement - peut-être pas
tout le Parlement - a voté dans le dernier budget une dotation exceptionnelle
de 85 millions de francs pour traiter ces dossiers.
Grâce aux crédits de la Délégation aux rapatriés, qui ont été reconduits en
1999 pour 135 millions de francs, la Délégation dispose de moyens non
négligeables.
J'espère que ces précisions vous rassureront et vont apporter aux familles la
solution qu'elles attendent depuis longtemps. Nous allons traiter, je vous le
promets, ces derniers dossiers douloureux dans les meilleurs délais.
M. René Marquès.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Marquès.
M. René Marquès.
Je prends acte de vos déclarations, monsieur le secrétaire d'Etat, qui me
semblent très positives. Certes, et j'en suis entièrement d'accord avec vous,
le nombre de personnes concernées est relativement réduit mais elles sont
concentrées dans certaines régions. C'est la raison pour laquelle j'évoquais ce
problème. Permettez-moi de rappeler que l'amendement que j'avais présenté en
1997 avec un certain nombre de mes collègues et que le Sénat avait adopté
exigeait que les demandes d'apurement soient présentées avant le 18 novembre
1997. Ainsi, un certain nombre de demandeurs actuels ont dépassé ce délai. Cet
amendement prévoyait, en outre, que seules les dettes fiscales n'étaient pas
exonérées.
Je souhaite que ce dossier soit rapidement clos, ce que vous avez confirmé et
je vous en remercie.
CONSÉQUENCES DE LA RÉDUCTION
DE L'EXONÉRATION DE COTISATIONS SOCIALES
BÉNÉFICIANT AUX PERSONNES AGÉES
EMPLOYANT UNE PERSONNE À DOMICILE
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, auteur de la question n° 518, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Jean Chérioux.
Je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, attirer l'attention du
Gouvernement sur les graves répercussions qu'entraîne la réduction de
l'exonération de cotisations sociales dont bénéficiaient les personnes âgées de
plus de soixante-dix ans pour l'emploi d'une personne à domicile.
L'article 5 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la
sécurité sociale pour 1999 a en effet supprimé l'exonération totale de
cotisations sociales patronales accordée à ces personnes. Désormais,
l'exonération ne sera plus accordée qu'aux personnes les plus dépendantes et
sera limitée à soixante-cinq heures rémunérées au SMIC par mois dans les autres
cas. Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 1999, le Sénat s'était très vigoureusement opposé à cette mesure qui
paraissait tout à fait contraire à la politique menée depuis plusieurs années
visant à favoriser le maintien à domicile des personnes âgées tout en créant de
véritables emplois d'aide à domicile.
Force est de constater que les faits lui donnent aujourd'hui raison. De
nombreuses personnes âgées ont déjà décidé de limiter, pour des raisons
financières, leur recours à l'emploi à domicile. Je l'ai moi-même constaté dans
mon arrondissement parisien. Les associations mandataires voient donc leur
activité se réduire brutalement et rencontrent des difficultés financières qui
pourraient conduire à leur disparition.
A terme, c'est l'avenir même de ce secteur, qui joue pourtant un rôle
essentiel dans le maintien à domicile des personnes âgées, qui est menacé. Les
conséquences pour l'emploi s'annoncent d'ores et déjà désastreuses. J'ai même
connu des cas de licenciement.
Comment entendez-vous remédier rapidement à cette situation que vous avez
vous-même provoquée, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Monsieur le sénateur,
vous vous inquiétez des effets négatifs que le plafonnement de l'exonération
accordée aux personnes âgées pourrait avoir sur leur maintien à domicile, sur
l'activité des associations mandataires et sur l'emploi.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité vous rappelle, en premier
lieu, que la rémunération versée par les personnes âgées à leurs aides à
domicile reste exonérée en totalité des cotisations patronales de sécurité
sociale dès lors que le besoin de l'assistance d'une tierce personne est
avéré.
La mesure adoptée lors de la dernière loi de financement de la sécurité
sociale ne va donc pas à l'encontre du maintien à domicile des personnes âgées
éprouvant des difficultés pour accomplir les actes ordinaires ou essentiels de
la vie. Simplement, il ne paraissait pas équitable que des personnes, du simple
fait de leur âge, bénéficient d'une aide identique aux personnes
dépendantes.
Je rappelle que l'exonération des particuliers employeurs représente un effort
de la collectivité nationale de plus de 2 milliards de francs par an, ce qui
autorise à être vigilant sur la pertinence de l'affectation d'un tel effort.
Vous ne pouvez, monsieur le sénateur, qu'adhérer à un tel principe, vous qui
êtes à l'origine de la disposition fiscale exonérant de la taxe sur les
salaires les particuliers dont l'état nécessite le recours à l'emploi de
plusieurs salariés à leur domicile, et uniquement eux.
Il importe, en second lieu, d'observer que cette mesure est de nul effet pour
la majorité des particuliers employeurs.
En effet, le plafond de rémunération au-delà duquel les rémunérations versées
seront pleinement assujetties à cotisations est égal à 65 fois le SMIC par
mois, soit 2 614 francs. Or près de 90 % des particuliers employeurs
actuellement bénéficiaires de l'exonération déclarent un salaire inférieur à
cette somme, plus des trois quarts versant même moins de 1 500 francs brut par
mois. Ces chiffres ne sont d'ailleurs pas étonnants quand on sait que 70 % des
personnes âgées indiquent employer leur aide à domicile moins de six heures par
semaine.
J'ajoute que les particuliers employeurs non dépendants qui déclarent des
salaires supérieurs à 2 614 francs ne sont pas pour autant exclus du bénéfice
de l'exonération. Celle-ci est simplement limitée à la partie du salaire
n'excédant pas 2 614 francs. Cela représente tout de même une aide de 805
francs par mois, soit près de 10 000 francs par an, qui viennent s'ajouter à la
réduction d'impôt de 22 500 francs, dont on bénéficie lorsqu'on est imposable,
ce qui est le cas généralement lorsqu'on est en mesure de verser plus de 2 614
francs par mois à un salarié à domicile.
Quant au surcroît de cotisations, il peut être pour partie effacé par cette
réduction d'impôt. Ainsi, pour un salaire brut de 3 200 francs par mois, le
surcoût induit par la mesure s'établit, avant réduction d'impôt, à 2 150 francs
par an et, après réduction d'impôt, à moins de 1 100 francs par an.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, la mesure adoptée cet
automne sur l'initiative du Gouvernement n'est donc pas de nature à entraver le
développement des emplois familiaux et, par là même, des associations
mandataires. Bien au contraire, en contrepartie des économies ainsi réalisées,
les charges des services d'aide à domicile ont été diminuées, ce qui devrait
permettre à ces services d'offrir aux personnes âgées dépendantes - je n'ai
bien sûr rien contre les personnes âgées non dépendantes - des prestations à un
coût moins élevé et assurées par des professionnels formés et encadrés - sur ce
point, nous sommes évidemment d'accord - favorisant ainsi leur maintien à
domicile le plus longtemps possible.
Il est ainsi répondu à une revendication traditionnelle des associations
d'aide à domicile, dont la Haute Assemblée s'est souvent fait l'écho.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous le savez bien, le Sénat n'a jamais
contesté la nécessité de ne pas faire bénéficier les associations prestataires
de services d'une exonération totale. Ce que nous ne comprenons pas, c'est
pourquoi le Gouvernement a cru bon de réduire parallèlement l'exonération dont
bénéficient les personnes âgées de plus de soixante-dix ans.
Vous venez de nous expliquer que c'était par esprit de justice.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Tout à fait !
M. Jean Chérioux.
En réalité, c'était pour des raisons financières et budgétaires.
(M. le
secrétaire d'Etat s'exclame.)
Vous mettez en avant l'esprit de justice, mais vous n'avez pas tout à fait
raison sur ce point.
Vous avancez également l'argument de la professionnalisation. Or, monsieur le
secrétaire d'Etat, sur le terrain, on constate que la professionnalisation
n'est pas uniquement l'apanage des associations prestataires de services et que
les associations mandataires ont également beaucoup oeuvré en faveur d'une
professionnalisation accrue des intervenants à domicile. Il serait donc grave
que ces associations mandataires disparaissent.
Vous avez répondu à ma question en termes de coût financier par personne. Mais
vous avez oublié de tenir compte du fait que l'équilibre financier des
associations mandataires a toujours reposé sur les personnes âgées qui
consomment beaucoup d'heures hebdomadaires d'aide à domicile et non sur celles
qui, pour des raisons de coût, ne peuvent bénéficier que de quelques heures par
semaine.
La réduction de l'exonération de charges pour les personnes âgées de plus de
soixante-dix ans entraîne la diminution du nombre d'heures demandées, ce qui
provoque de graves difficultés financières aux associations. On constate en
effet une réduction, que vous le vouliez ou non. Or ce n'est pas parce que les
personnes âgées réduisent le nombre d'heures demandées qu'elles n'ont pas
besoin d'aide.
Que se passe-t-il en réalité ? Il y a deux hypothèses.
La première hypothèse, la plus regrettable, c'est que ces personnes âgées
soient obligées de quitter leur domicile et d'aller dans des établissements
d'accueil parce que, évidemment, elles ont besoin de ces aides.
La seconde hypothèse, c'est qu'elles continuent à utiliser les services
d'aides à domicile, mais sans les déclarer complètement, ce qui est aussi
extrêmement regrettable non seulement sur le plan moral, mais aussi quant aux
conséquences financières sur les associations mandataires.
J'ajoute enfin que le décret fixant les nouvelles modalités d'exonération de
charges sociales n'est toujours pas paru - vous le savez mieux que quiconque,
monsieur le secrétaire d'Etat - ce qui place les personnes et les associations
concernées dans la plus grande incertitude juridique. Or vous savez qu'il n'y a
rien de plus grave !
INDEMNISATION DES MALADES CONTAMINÉS
PAR LE VIRUS DE L'HÉPATITE C POST-TRANSFUSIONNELLE
M. le président.
La parole est à M. Darcos, auteur de la question n° 482, adressée à M. le
secrétaire à la santé et à l'action sociale.
M. Xavier Darcos.
Monsieur le secrétaire d'Etat, en France, entre 500 000 et 650 000 personnes
seraient infectées actuellement par le virus de l'hépatite C, le VHC.
L'hépatite C pose un problème de santé publique majeur à l'échelle planétaire
: plus de 170 millions de personnes seraient touchées dans le monde, dont 4
millions aux Etats-Unis et entre 2,4 millions et 5 millions au sein de la
Communauté européenne.
Aux Etats-Unis, d'après les sources statistiques de la
Liver
Foundation
, sur 4 millions de personnes infectées par le VHC, 300 000 l'ont
été par transfusion effectuée avant 1992. Pour l'essentiel, il s'agit de
personnes âgées de trente à quarante-neuf ans, et l'on estime l'augmentation du
taux de mortalité de ces personnes à 300 % au cours des dix à vingt prochaines
années.
S'agissant des personnes infectées par le VHC en France, il est avéré que à
peine moins de 10 % des sujets ont été dépistés et que 5 % seulement sont dans
le circuit des soins hospitaliers, et ce, en moyenne, dix ans après la
contamination.
Les principales causes de contamination potentielle qui m'ont été fournies par
la division des études du Sénat - laquelle, je tiens à le faire observer, a
entrepris un travail de recherche considérable de plusieurs mois sur le VHC -
sont les suivantes : premièrement, les contaminations par transfusion de
produits sanguins et de leurs dérivés, soit 37 % des cas, sont actuellement en
diminution ; deuxièmement, les contaminations du fait de la toxicomanie
intraveineuse, soit 23 % des cas, connaissent une forte progression.
Je développerai ici la question de l'indemnisation des personnes transfusées
avec des produits sanguins avant 1991, c'est-à-dire avant la maîtrise du risque
transfusionnel. Mais l'indemnisation est indissociable du dépistage et de
l'information, et il s'agit d'un point sur lequel je souhaite beaucoup
insister.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans la loi de finances pour 1999, 16 millions
de francs ont été affectés au programme national de lutte contre l'hépatite C :
prévention, dépistage et surveillance épidémiologique. Ce chiffre est
dérisoire, compte tenu de la gravité de la situation.
Je me permettrai non pas de juger, mais seulement d'alerter : seulement 10 %
des sujets infectés par le VHC ont été dépistés ; c'est très insuffisant.
L'Association nationale pour l'information sur l'hépatite C m'a adressé une
note que je me dois de livrer à votre réflexion : « Dans environ un tiers des
cas d'hépatite C, soit environ 200 000 personnes, aucun facteur de transmission
connu n'est retrouvé. Avec un bon tiers de causes inconnues, un dépistage très
élargi s'impose si l'on a réellement la volonté d'éradiquer le virus, ainsi que
la volonté de soigner. »
Certes, l'article 32 du projet de loi portant création de la couverture
maladie universelle élargit les missions des consultations de dépistage anonyme
et gratuit en faveur de personnes particulièrement vulnérables. Monsieur le
secrétaire d'Etat, ne croyez-vous pas qu'il faille aller beaucoup plus loin,
compte tenu du développement du virus de l'hépatite C ? La direction générale
de la santé publique a-t-elle envisagé de rendre obligatoire le dépistage sur
tout sujet qui a fait l'objet d'une intervention chirurgicale et a été en
contact avec un produit sanguin ?
J'en viens maintenant à l'information. Les sujets atteints du virus de
l'hépatite C sont tenus à un parcours du combattant interminable pour faire
valoir des droits légitimes et conserver leur dignité.
La maladie n'étant pas reconnue invalidante et étant fort peu médiatisée,
contrairement au virus du sida, par exemple, de nombreux sujets infectés se
battent seuls ou, parfois, avec l'aide d'associations exemplaires, pour
préserver des conditions matérielles qui, je dois l'avouer, sont effroyables.
Dans bien des cas, ces sujets ne peuvent faire face aux difficultés et ils
finissent par se suicider.
Je viens d'évoquer le problème du dépistage obligatoire. Je souhaiterais à cet
égard que vous me fassiez part de votre opinion sur un numéro vert qui, comme
pour les malades atteints du sida, serait mis à la disposition des sujets
atteints du virus de l'hépatite C, dont les effets s'étalent sur plusieurs
années, une dizaine d'années. Ces sujets doivent être informés et sécurisés.
Je voudrais également que vous précisiez quel est actuellement l'état
d'avancement des travaux visant à reconnaître l'hépatite C comme maladie
invalidante. Il s'agit là aussi d'une question essentielle. La direction
générale de la santé a-t-elle rédigé un projet de décret ?
S'agissant de l'indemnisation des personnes contaminées par le virus de
l'hépatite C post-transfusionnelle, je refuse de me livrer à toute démarche
démagogique, tant ce sujet est complexe et financièrement lourd de conséquences
pour le budget de l'Etat. Mais, comme vous l'avez déclaré vous-même au journal
Le Monde
le 21 octobre 1997 : « Il nous faut réfléchir à la création
d'un fonds spécifique, en sachant que les sommes en jeu sont considérables.
»
Dans son dernier rapport public, le Conseil d'Etat s'est prononcé sans
ambiguïté, comme vous, en faveur d'une indemnisation pour les personnes
contaminées par le VHC. « Lorsqu'une affection frappe un grand nombre de
personnes - ce qu'on appelle le risque sériel dont l'exemple est celui de
l'hépatite C - sans qu'aucune faute soit imputable à quiconque, il paraît
souhaitable que l'indemnisation soit prise en charge au nom du principe de
solidarité qui est du ressort du législateur, de préférence au principe de
responsabilité qui est de celui du juge. »
La jurisprudence de l'arrêt Bianchi de 1993 est essentielle, car elle permet
d'engager la responsabilité sans faute de l'hôpital public. Toutefois, comme
l'a souligné l'auteur de cet arrêt : « Il est improbable que le progrès que
nous vous proposons puisse améliorer sensiblement le sort des victimes de
transfusions sanguines contaminées par le virus de l'hépatite C dans la mesure
où la responsabilité sans faute doit être engagée à quatre conditions : lien
direct de cause, préjudice anormal, préjudice hors du commun, préjudice
spécial, c'est-à-dire supporté par un nombre infime de personnes. »
Le recours au législateur est donc indispensable pour indemniser les
nombreuses victimes de transfusions sanguines.
Plusieurs parlementaires sont à l'origine de propositions de loi portant sur
l'indemnisation des risques sanitaires, telles MM. Evin, Dubernard ou
Poniatowski. Le Parlement devrait donc être saisi d'un projet de loi sur
l'indemnisation du risque thérapeutique.
Pourriez-vous préciser, monsieur le secrétaire d'Etat, dans quel délai
l'inscription à l'ordre du jour d'un tel texte est envisagée et confirmer que
des dispositions ont bien été prévues pour indemniser les victimes contaminées
par le virus de l'hépatite C à la suite d'une transfusion sanguine ?
En ce domaine, il existe des pays leaders qui, outre la Nouvelle-Zélande, sont
essentiellement des pays nordiques, la Finlande et surtout la Suède.
La France, à laquelle il est souvent fait référence lorsqu'il s'agit
d'atténuer les souffrances morales et physiques de milliers de victimes
innocentes, suivra-t-elle l'exemple de la Nouvelle-Zélande, qui a institué, en
1975, un fonds public d'indemnisation pour les victimes de la responsabilité
sans faute en matière médicale, ou même celui de la Suède ou de la Finlande,
qui ont prévu des droits à réparation pour prises de risques nécessaires ?
Peut-être pourrez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous apporter des
éclaircissements sur ce problème majeur et douloureux de la santé publique : «
Chaque fois qu'il y a une volonté, il y a un chemin. »
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Monsieur le sénateur,
je vous félicite. Non seulement votre question est pertinente, mais elle prouve
que vous êtes informé, et vous l'avez d'ailleurs posée avec un luxe de détails
qui témoignent de votre érudition en la matière.
Vous répondre n'est pas simple, car votre question contient au moins deux
grandes parties.
La première concerne le dépistage. Qui est porteur du virus de l'hépatite C ?
Quelles en sont les conséquences ? Doit-on envisager un dépistage systématique
?
La seconde partie, beaucoup plus législative, tient à l'indemnisation.
Pardonnez-moi, de relever un manque, le seul, dans votre question : j'ai été
le premier à déposer, en 1993, un projet de loi sur l'aléa thérapeutique et
l'éventuelle indemnisation. Je suis donc, en cette matière, un partisan des pas
en avant. Mais lesquels ?
Doit-on envisager un dépistage systématique ? Vous avez cité des chiffres
pertinents ; 150 000 personnes environ connaissent leur statut sérologique.
Que doit-on faire pour les autres ? Tous les experts indiquent qu'il faut
faire porter notre effort sur les groupes à risque et informer le public, afin
que le plus grand nombre possible de nos concitoyens se fassent dépister.
Vous avez eu raison de le dire, dans le projet de loi sur la couverture
maladie universelle - il n'y avait en effet pas de projet de loi portant
diverses mesures d'ordre social en perspective, ce que je regrette - nous
avons, parce qu'il y a urgence introduit, lors de l'examen en première lecture,
une disposition élargissant les missions de consultation de dépistage anonyme
et gratuit du virus du sida à l'hépatite C, disposition qui a fait
l'unanimité.
Est-ce suffisant ? L'expérience nous l'apprendra. Que peut-on faire de plus ?
Envisager un dépistage systématique de la population ? Aucun expert à
l'intérieur des groupes ne l'a proposé. Dois-je aller plus loin ? J'avoue que
j'y réfléchis. Selon les meilleurs virologues et épidémiologistes, cela suffit.
D'ailleurs, un dépistage à l'échelle du pays coûterait horriblement cher. On
pourrait me répondre, il est vrai, que l'argent public sert après tout à cela !
Pour le moment, nous en sommes donc à un dépistage des groupes ciblés. A
l'heure actuelle, 150 000 personnes connaissent leur statut. Mais on pense que
de 500 000 à 650 000 personnes sont porteuses du virus ! Vous avez cité,
monsieur le sénateur, d'excellents chiffres à propos de la contamination par
transfusion et de la contamination par la toxicomanie et l'usage intraveineux
de produits toxiques. Mais il ne faut pas oublier, c'est très lourd - je parle
avec précaution, car la presse se fait à chaque fois l'écho d'un certain nombre
de mes déclarations -, les infections nosocomiales. Mais je n'en dis pas
plus.
Nous avons mis en place une mission. Je sais que les charges hospitalières
sont extrêmement importantes ; et là je parle devant M. Chérioux, qui connaît
très bien la question. Il n'empêche que de 25 % à 30 % des cas de contamination
n'ont pas d'explication. Il faudra bien en trouver une.
C'est une préoccupation essentielle. La stérilisation des matériels doit être
mieux assurée.
J'en viens à l'aléa thérapeutique et à l'indemnisation, sujet sur lequel je
pourrais parler pendant des heures ! Nous remettrons avant la fin de l'année au
Parlement un rapport relatif à l'indemnisation pour l'hépatite C.
Doit-on l'élargir aux autres aléas ?
Les textes auxquels vous avez fait allusion traitent de la faute avec
responsabilité - soit du praticien, soit de l'hôpital -, de la faute sans
responsabilité, dite faute statistique - par exemple les incidents
anesthésiques -, et de l'aléa par a-connaissance et non par méconnaissance,
puisque l'état de la science à ce moment-là était insuffisant pour nous
alerter.
Sur cette question de l'hépatite C, devons-nous parler d'un fonds
d'indemnisation ou de différents moyens pour indemniser ?
Avec Mme Martine Aubry et Mme Elisabeth Guigou, nous avons donc lancé une
mission de l'IGAS. Vous aurez connaissance du rapport avant la fin de cette
année.
Que faut-il faire par la suite ? Comme je vous l'ai dit, j'ai été l'auteur
d'un premier projet de loi en 1993 faisant référence à un fonds
d'indemnisation. Doit-on s'orienter dans ce sens ou, au contraire, comme
l'avait fait Mme Simone Veil, laisser ce parcours du combattant et
l'indemnisation à la charge de l'assurance en matière de contamination par
transfusion sanguine seulement ? Pour le reste, nous sommes assez désarmés.
Telles sont les grandes questions !
Personnellement, j'ai une opinion, mais à titre à la fois personnel et ô
combien individuel, puisque ce projet de loi en 1993 n'a pas été soumis au
Parlement pour des raisons politiques dont vous vous souvenez. Je pense qu'il
faut considérer l'ensemble des aléas, des risques.
Avant de terminer, permettez-moi de vous faire une confidence. Bien sûr, et je
ne le dirais pas devant vous si je n'y croyais pas, la politique de prévention
des risques est essentielle. N'oublions pas non plus la médecine. La santé, ce
n'est pas seulement la prise en charge du risque. Le risque fait aussi partie
de la vie, mais n'oublions pas l'indemnisation qui n'en est pas moins
importante.
M. Xavier Darcos.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Darcos.
M. Xavier Darcos.
Je remercie vivement M. le secrétaire d'Etat de sa réponse et je lui donne
acte du fait qu'il a manifesté bien avant moi, à l'occasion de différentes
compétences qui furent les siennes, la préoccupation que nous partageons.
Je reste cependant assez préoccupé par le problème du dépistage. Lorsque
j'étais dans d'autres fonctions, à propos de l'éducation nationale, on s'était
demandé si c'était possible de le faire au moment des visites médicales.
Je rappelle en effet que l'infection est asymptomatique dans 90 % des cas.
Etant donné qu'elle est tout de même transmissible, le non-dépistage
systématique entraînera peut-être, à moyen terme, des indemnisations plus
importantes encore !
J'attendai le rapport de l'IGAS, dont nous disposerons à la rentrée, et je
vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.
COMMERCIALISATION DES PRODUITS ISSUS DU LAIT CRU
ET PROTECTION DU CONSOMMATEUR
M. le président.
La parole est à M. Bizet, auteur de la question n° 510, adressée à M. le
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean Bizet.
Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur les informations
faisant état de la présence de listeria dans différents fromages au lait cru de
grand renom, notamment une prestigieuse marque de camembert de Normandie.
En effet, la presse s'est largement fait l'écho d'une présence de listeria en
deçà de la tolérance administrative définie par l'Organisation mondiale de la
santé et le Conseil supérieur d'hygiène publique de France. Il semble excessif
de créer une telle psychose auprès des consommateurs sur ce qui n'est qu'une
contamination sporadique, alors que la France ne comptabilise que 2,5 cas de
listériose par million d'habitants, et cela tous produits alimentaires
confondus.
J'insiste sur le fait que les producteurs et les entreprises ont accompli des
efforts considérables pour assurer le maximum de sécurité. Malgré cela, il est
impossible de prétendre annuler totalement tout risque bactériologique avec du
lait cru. Toutefois, l'application des normes zéro pathogènes sans aucun
discernement et la répercussion médiatique à laquelle nous avons assisté
condamneraient à très court terme l'ensemble des produits au lait cru. Je
m'interroge donc sur le manque de cohérence entre les ministères de la santé et
de l'agriculture.
Je crains que de telles campagnes médiatiques, outre qu'elles ternissent
l'image de marque de produits ancestraux et des régions qui les produisent, ne
finissent par conduire les consommateurs vers des produits totalement aseptisés
qu'ils ne désirent pas vraiment. De plus, une telle situation met fortement en
péril l'ensemble des emplois de la filière. En Normandie, les entreprises
fabriquant des appellations d'origine contrôlées au lait cru emploient plus de
600 personnes et collectent le lait d'environ 1 500 producteurs, fruit de cent
trente années d'expérience et de tradition.
Sans vouloir remettre en cause la sécurité alimentaire des consommateurs, qui
est absolument essentielle, je vous demande, monsieur le ministre, si vous
n'envisagez pas une évolution de la réglementation actuelle, notamment au
regard de la diffusion des informations, afin qu'elles soient mieux encadrées
et qu'on évite de porter inutilement le discrédit sur les entreprises de
transformation.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le sénateur, vous
posez une question qui est d'une brûlante actualité, puisqu'elle a défrayé la
chronique ces dernières semaines. Mais il faut replacer cette actualité dans un
contexte plus large, car la maîtrise de la qualité sanitaire des denrées n'a
cessé de s'améliorer régulièrement depuis une quinzaine d'années sous
l'impulsion concertée des services vétérinaires du ministère de l'agriculture,
et des producteurs qui font beaucoup d'efforts dans ce sens.
C'est particulièrement vrai pour la filière des fromages au lait cru, qui a
fait l'objet d'une attention très soutenue des pouvoirs publics et des
producteurs. Ces efforts pour obtenir une maîtrise toujours plus grande des
risques de contamination doivent être poursuivis sans relâche.
Les autocontrôles effectués par les entreprises et les contrôles réguliers des
services officiels, notamment du ministère de l'agriculture, permettent de
mettre en évidence les éventuels incidents de fabrication et de procéder au
retrait des produits concernés, souvent même avant leur distribution.
S'agissant des normes en matière de contamination par la listeria, il
n'existe, et c'est important, qu'une norme communautaire pour les fromages au
stade de la production. Cette norme, que les services vétérinaires font
appliquer depuis 1994, impose l'absence de contamination avant la mise en
distribution. Toutefois, et c'est là où il faut savoir raison garder, nous
consommons tous les jours certaines denrées susceptibles d'être porteuses non
seulement de listeria - je pense au saumon fumé et au poisson fumé en général,
à de nombreuses charcuteries, à des légumes ou à des viandes hachées - mais
aussi d'autres germes potentiellement pathogènes, qui, en faible quantité, sont
sans conséquence pour le consommateur.
Il est important d'expliquer à ce dernier que le risque zéro n'existe pas et
que nous consommons tous les jours des denrées porteuses de listeria sans
risque pour notre santé.
Au stade de la commercialisation, les services officiels se réfèrent à un avis
du Conseil supérieur d'hygiène publique de France, qui tolère un seuil de cent
germes par gramme pour les différentes denrées pour lesquelles il est difficile
de garantir l'absence de listeria. Il est donc bien procédé à une distinction
entre la production et la distribution.
Cela dit, pour en revenir à votre question, monsieur le sénateur, il faut
savoir que le Gouvernement a la responsabilité et donc le devoir d'alerter le
consommateur dès lors qu'existe un risque potentiel. Les pouvoirs publics ont
en effet le devoir d'assurer une protection sanitaire du consommateur. Des
morts sont à déplorer à cause de la listériose. Un seul mort est un mort de
trop.
Cependant, il faut en même temps savoir raison garder. Je l'indiquais voilà un
instant : le risque zéro n'existe pas, sauf à ne plus consommer que des
aliments stérilisés !
En matière de communication, il faut trouver un équilibre entre la légitime
protection du consommateur et un éventuel réflexe sécuritaire, une sorte de
psychose, avec les conséquences que nous connaissons pour les entreprises et
pour l'emploi, conséquences dont vous nous avez parlé en citant un exemple
précis en Normandie que je connais bien.
Pour éviter de multiplier les alertes, le premier moyen consiste à sécuriser
toujours plus les filières sensibles au risque de contamination en développant
encore les procédures de maîtrise sanitaire tout au long du processus de
production et de distribution.
Le deuxième moyen tend à informer les consommateurs d'une façon plus ciblée.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous mangeons tous des listérias, chaque
jour, sans risque, sauf pour certaines catégories de personnes, telles que les
femmes enceintes, les immunodéprimés, les personnes très âgées. Or, ces
personnes n'ont pas conscience de ce danger et ne sont pas informées.
Pis, des enquêtes réalisées auprès de médecins montrent que de 70 % à 80 % de
ceux qui soignent les personnes précitées ne connaissent pas les risques
qu'elles encourent.
Il est étonnant que, dans notre pays - et je m'en entretenais avec M. le
secrétaire d'Etat à la santé voilà peu de temps -, on ne recommande pas aux
médecins de conseiller aux femmes enceintes de faire attention à leur
consommation de fromage au lait cru pendant quelques mois.
Nous devons multiplier l'information des personnes à risque de façon à éviter
d'éventuelles psychoses.
Enfin, troisième moyen, il faut que la gestion des alertes et la communication
qui s'impose fassent l'objet de procédures conjointes entre les différentes
administrations en fonction des différents niveaux de risques observés.
Il est frappant de voir que lorsque, au nom de la sécurité alimentaire, les
services décident qu'il faut retirer de la distribution tel ou tel lot de tel
fromage vendu à tel endroit et qui présente des risques, même s'il est dit, en
même temps, que tous les autres sont sans risque et peuvent être consommés,
l'opinion ne retient que le risque, et les ventes des fromages concernés
s'effondrent, avec les conséquences économiques que vous avez raison de
souligner.
Ainsi, afin de mieux gérer ces alertes, le ministère de l'agriculture
travaille en concertation avec les secrétariats d'Etat chargés de la santé et
de la consommation.
J'ai personnellement demandé à M. le Premier ministre, au cours des dernières
semaines, qu'un arbitrage intervienne assez vite sur la base de nos réflexions
pour que nous puissions assurer une meilleure gestion et peut-être ne pas
prendre des marteaux piqueurs pour écraser des mouches, si vous me permettez
d'employer cette expression.
En conclusion, monsieur le sénateur, je dirai qu'il est de notre devoir de
concilier à la fois la protection des consommateurs, le risque sanitaire, et le
refus de la psychose, voire la préservation d'un modèle de consommation que je
qualifierai de culturel. Dans cette recherche, entre ces deux termes qui
peuvent paraître contradictoires, mais qu'il nous faut concilier, il existe,
soyez rassuré sur ce point, une parfaite cohérence de vues entre les services
du ministère de l'agriculture, les services vétérinaires en particulier, et les
secrétariats d'Etat à la santé et à la consommation.
Il faut relever d'ailleurs une nouveauté dans la paysage juridique : la
création, voulue par le Parlement, de l'agence de sécurité sanitaire des
aliments qui vient d'être mise en place voilà quelques jours, et qui aura un
rôle d'étude, de conseil et de proposition auprès des pouvoirs publics, ce qui
nous sera sûrement très utile dans les années qui viennent.
M. Jean Bizet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet.
Monsieur le ministre, je vous donne acte de vos propos, qui me réjouissent
parce que je constate que nous avons à peu près la même approche du problème,
sur la recherche d'une plus grande qualité, notamment.
J'ai noté avec intérêt votre souci d'informer davantage les populations à
risque, les immuno-déprimés, les personnes âgées ou les personnes enceintes.
Cela étant, vous ne serez pas surpris que, à l'occasion de la nouvelle lecture
du projet de loi d'orientation agricole devant notre assemblée, je dépose aux
articles 259-1 et 259-2 du code rural quelques amendements concernant les frais
induits par les mesures de contrôle. Je souhaiterais qu'ils ne soient pas mis à
la seule charge de l'entreprise lorsque les produits concernés ne sont pas
reconnus impropres à la consommation.
Je souhaiterais également que puissent être mises en place des procédures
d'indemnisation en réparation d'un dommage subi par l'industriel. Ainsi, dans
le cas auquel je faisais référence dans ma question, il y a eu préjudice.
Enfin, je souhaiterais que vos services soient très vigilants lors de
l'élaboration du
codex alimentarius
qui aura pour charge d'harmoniser
les règles sanitaires sur le plan européen. S'il était par trop draconien, cela
aurait des effets considérables pour nos futures négociations dans le cadre de
l'OMC. Nous risquerions, vous le savez bien, monsieur le ministre, de perdre
des parts de marché dans la filière de la transformation laitière.
Vous le savez mieux que quiconque, la France est le pays des 365 fromages ; je
souhaite qu'elle le demeure.
SITUATION DU CENTRE PÉNITENTIAIRE DE PLOEMEUR
M. le président.
La parole est à M. Bonnet, auteur de la question n° 499, adressée à Mme le
garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Christian Bonnet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaitais appeler l'attention de Mme le
garde des sceaux sur deux dysfonctionnements qui se produisent dans un centre
pénitentiaire du département dont je suis l'élu.
Le premier des dysfonctionnements est causé par l'absence, dans un milieu à
risques, de toute visite médicale du personnel de l'administration, et ce
depuis des années ; le second provient d'une insuffisance de l'encadrement
issue du non-remplacement de deux CSP2 et de deux premiers surveillants.
Si Mme le garde des sceaux avait été parmi nous - je comprends parfaitement
qu'il ne lui ait pas été possible d'être présente - je lui aurais indiqué que
ces carences résultent de la grande misère de l'Etat dans l'exercice de ses
missions régaliennes.
Absorbés par tant et tant de problèmes qui relèguent l'Etat au rôle de
dispensateur de bienfaits sociaux, les gouvernements délaissent de plus en plus
leurs missions fondamentales.
Un effort, je le reconnais volontiers, a été fait dans le budget de la justice
pour 1999, et je souhaite qu'il soit poursuivi pour l'an 2000. Il n'est
toutefois pas à la hauteur des besoins et des aspirations d'un Etat qui se
voudrait fidèle à ses missions fondamentales.
Voilà déjà plusieurs années, la commission des lois du Sénat - et la Haute
Assemblée dans son ensemble - s'est préoccupée de l'insuffisance des crédits du
ministère de la justice.
Je souhaite que, dans le budget de l'an 2000, soit prévue une augmentation
substantielle de l'effort qui, je le reconnais, a été consenti cette année.
C'est la raison pour laquelle, et quelles que soient les relations amicales
que nous avons toujours entretenues, monsieur le secrétaire d'Etat, j'aurais
souhaité que M. Christian Sautter, qui était présent tout à l'heure, fût à
votre place pour que je puisse lui rappeler le souci que nous avons de voir les
attributs régaliens enfin à leur place dans le budget de l'Etat.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le sénateur, je vous prie d'abord de bien vouloir excuser Mme Guigou, qui, il y
a encore vingt-cinq minutes de cela, pensait répondre à votre question. Elle a
été appelée par le Premier ministre, c'est ainsi que je me trouve devant vous
en ce moment. Mais soyez persuadé, monsieur Bonnet, que je lui transmettrai
fidèlement vos propos concernant les missions régaliennes de l'Etat et leur
traduction dans le budget de la justice pour l'an 2000.
Vous avez interrogé plus précisément Mme la garde des sceaux sur la situation
du centre pénitentiaire de Ploemeur.
Comme vous le savez, les personnels du centre pénitentiaire de Ploemeur
bénéficient, de même que tous les personnels de l'administration pénitentiaire,
d'un médecin de prévention, en application des dispositions du décret du 28 mai
1982 modifié relatif à l'hygiène et la sécurité. Le médecin de prévention du
département du Morbihan, commun aux différentes administrations du ministère de
la justice, est donc appelé à effectuer des permanences pour les agents du
centre pénitentiaire de Lorient-Ploemeur les deuxième et quatrième vendredis du
mois au centre de cure de Kerbernes à Ploemeur.
Ce dernier, dans le cadre de la prévention médicale individuelle, a adressé,
au cours de l'année 1998, 103 convocations auxquelles ont répondu 68 personnes
: 40 agents du centre pénitentiaire de Ploemeur et 28 agents de la maison
d'arrêt de Vannes ont ainsi été examinés par ce médecin.
L'année 1998 a marqué un tournant décisif dans la médecine de prévention pour
le ministère de la justice, dont la priorité est non plus le seul achèvement de
la couverture du territoire, mais surtout la promotion d'un service de
prévention plus opérationnel et plus intégré au sein des services déconcentrés.
En effet, 125 - contre 72 en 1997 - médecins vacataires ou salariés
d'associations de médecine du travail assurent actuellement la surveillance
médicale des personnels du ministère de la justice.
En outre, en matière de prévention des risques professionnels, la direction de
l'administration pénitentiaire a engagé une politique volontariste qui s'est
traduite, notamment, par la création d'un groupe de travail chargé d'élaborer
des recommandations en matière d'hygiène et de prévention des risques
professionnels destinées aux personnels pénitentiaires.
Ces travaux ont permis l'élaboration, puis la diffusion à tous les personnels
pénitentiaires - 30 000 exemplaires ont paru - d'une brochure destinée à
sensibiliser chacun des agents aux questions d'hygiène générale et de
prévention, par le biais de recommandations concrètes ancrées sur les pratiques
professionnelles.
Par ailleurs, s'agissant des agents victimes d'agression ou d'accident de
service, un dispositif particulier a été mis en place afin, d'une part, de
permettre une information immédiate et une coordination renforcée des services
concernés et, d'autre part, d'assurer le suivi médical et psychologique de
l'agent.
En ce qui concerne plus particulièrement la direction régionale des services
pénitentiaires de Rennes, il est à noter que la formation des agents chargés de
la mise en oeuvre des mesures d'hygiène et de sécurité dans chaque
établissement est achevée. De plus, soucieuse du suivi médical des agents ayant
été en contact avec l'amiante au cours de leur parcours professionnel, la
direction régionale, à partir des propositions du comité d'hygiène et de
sécurité départemental, a pris toutes les dispositions utiles en vue de la
prise en charge des agents concernés.
Pour ce qui est de l'encadrement, le centre pénitentiaire de Ploemeur dispose
actuellement de neuf premiers surveillants pour un effectif théorique de onze
et de deux chefs de service pénitentiaire pour un effectif théorique de quatre.
On observe là, effectivement, un déficit d'agents, ainsi que vous l'avez
souligné, monsieur le sénateur.
Une commission administrative paritaire a eu lieu le 21 octobre dernier et, à
cette occasion, un poste de premier surveillant à été proposé pour le centre
pénitentiaire de Lorient-Ploemeur. Un agent viendra donc renforcer
l'encadrement de cet établissement au cours du mois de mai 1999.
Par aillleurs, un chef de service pénitentiaire, actuellement en formation,
sera affecté sur ce site avant la fin de l'année 1999.
Ces deux affectations réduiront le déficit actuel de l'encadrement
pénitentiaire de cet établissement puisque, sur un effectif théorique de quinze
emplois de premiers surveillants et chefs de service pénitentiaire, treize
postes seront pourvus à la fin de cette année.
Tels sont les éléments de réponse que Mme la garde des sceaux m'a prié de vous
communiquer, monsieur le sénateur.
M. Christian Bonnet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet.
Je remercie M. le secrétaire d'Etat de sa réponse, qui satisfera certainement
pour partie ceux qui m'ont fait part de leurs préoccupations. Soucieux de
répondre à votre préoccupation concernant l'horaire de nos travaux, je
m'arrêterai là, monsieur le président.
RESPONSABILITÉ PÉNALE DES ÉLUS
M. le président.
La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 505, transmise à Mme le
garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Georges Mouly.
Je comprends très bien que Mme la ministre de la justice soit retenue à
Matignon. Son attaché parlementaire me l'a d'ailleurs fait savoir, et je suis
ravi de saluer votre présence parmi nous, monsieur le secrétaire d'Etat et
ancien éminent collègue.
Nul n'ignore plus aujourd'hui le malaise qui s'installe chez les élus locaux,
dont la responsabilité pénale est de plus en plus fréquemment mise en cause
compte tenu notamment, mais ce n'est qu'un élément du problème, d'une inflation
législative et réglementaire d'origine tant communautaire que nationale. J'ai
lu que plus de 3 000 articles seraient directement applicables aux
collectivités locales ! Cela prêterait à sourir si ce n'était affligeant.
Un échange a eu lieu récemment, au sein de notre assemblée, au cours duquel
notre collègue M. Haenel a excellemment développé les différents aspects de la
situation, pour le moins difficile, des élus, en même temps qu'il a suggéré des
propositions.
En réponse à son appel, Mme la garde des sceaux a évoqué des solutions
permettant de répondre aux inquiétudes des élus tout en excluant - on le
conçoit ! - le retour aux privilèges de juridiction ou de dépénalisation.
A juste titre, il a semblé utile à Mme la garde des sceaux de dresser un état
des lieux complet et objectif de l'ensemble des problèmes relatifs à la
responsabilité des élus, des fonctionnaires de l'Etat et des agents des
collectivités territoriales et de mettre en place un groupe d'étude restreint
composé d'élus, de magistrats, d'universitaires, qui est chargé de faire la
synthèse des réflexions menées jusqu'ici.
Dans ce contexte, j'ai attaché une attention toute particulière à l'initiative
de Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, qui vient de
constituer un groupe de travail au sein duquel sont associés les syndicats, les
fédérations de parents d'élèves et les services du ministère de la justice afin
de proposer une réforme législative assurant « à la fois la protection des
enseignants et la sécurité des élèves ». Il s'agirait de réformer la loi en
matière de responsabilité pour des faits de nature involontaire.
J'ai cru comprendre qu'un tel texte devrait également concerner tous les
personnels des établissements sanitaires et sociaux qui accueillent ou
hébergent des enfants.
Qu'en serait-il, dans le droit-fil de cette proposition, des établissements
médico-sociaux accueillant tant des enfants que des adultes ? Chacun imagine
aisément quel peut être le poids des responsabilités dans de tels
établissements.
Par ailleurs, y a-t-il une harmonisation avec le projet de Mme la ministre de
la justice ?
En tout état de cause, il serait, selon moi, opportun d'envisager d'associer
les organismes représentatifs des élus locaux aux réflexions ainsi menées, car
ces derniers sont toujours plus ou moins concernés par ces problèmes.
J'ajoute, pour finir, qu'il serait très heureux que les conclusions des
travaux en question soient rendues dans les délais les plus brefs.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le sénateur, pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure, je répondrai à
votre question à la place de Mme le garde des sceaux.
Dans votre intervention, vous avez légèrement dépassé le cadre de votre
question telle qu'elle avait été transmise à Mme Guigou. Par conséquent, vos
interrogations concernant les établissements médico-sociaux appelleront
ultérieurement d'autres réponses.
Vous aviez surtout interrogé Mme le garde des sceaux sur la participation des
élus locaux à un certain nombre de groupes de travail ayant à traiter du sujet
très important que vous avez évoqué et qui constitue, vous le savez, un vrai
motif de préoccupation pour le Gouvernement.
S'agissant de la réforme de la loi en matière de responsabilité pour faits de
nature involontaire, Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement
scolaire a souhaité, dans le cadre de la réflexion sur les questions liées à la
prise de responsabilité dans les écoles, que soient très prochainement créés
deux groupes de travail chargés de mener une réflexion, d'une part, sur les
sorties scolaires, d'autre part, sur la responsabilité des enseignants et plus
spécialement des instituteurs et des directeurs d'école.
C'est ainsi que, sous la présidence d'un des membres de son cabinet, une
réunion s'est tenue le 5 mars 1999 au ministère de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie, afin d'évoquer, avec les organisations
syndicales d'enseignants et de parents d'élèves, les modalités pratiques de
mise en place de ces deux groupes de travail, auxquels seront associés des
représentants de la Chancellerie.
Mme Guigou remarque qu'il ne lui appartient donc pas de décider d'intégrer des
représentants des élus locaux dans ces deux groupes de travail, qui ne se sont
pas encore réunis officiellement à ce jour et dont l'objet lui paraît concerner
directement l'éducation nationale.
Néanmoins, il est clair que Mme Guigou transmettra cette demande à Mme la
ministre chargée de l'enseignement scolaire.
Il peut être observé qu'au cours de l'année 1995 la Chancellerie avait pris
l'initiative de créer un groupe de travail chargé d'évoquer la responsabilité
pénale des élus, des fonctionnaires et, plus généralement, des personnes que
l'on désigne traditionnellement sous l'appellation de « décideurs publics ».
Cette réflexion, particulièrement riche et fructueuse, a donné lieu à
l'adoption de la loi du 13 mai 1996, destinée à clarifier la notion de faute
pénale d'imprudence et à exiger que les juridictions répressives se livrent à
une appréciation
in concreto
de cette faute, en tenant compte des
circonstances de chaque cas d'espèce.
Ces principes ont ensuite été déclinés dans plusieurs articles du code général
des collectivités territoriales et dans la loi du 13 juillet 1983 portant
droits et obligations des fonctionnaires.
Certes, avant même que des précisions soient apportées par cette loi, les
parquets et les juridictions s'efforçaient déjà d'apprécier concrètement la
responsabilité des élus.
La loi de 1996 a cependant renforcé la motivation sur les circonstances
précises ayant conduit à la réalisation d'un dommage à l'intégrité
corporelle.
Une décision de la Cour de cassation du 3 décembre 1997 rejetant un pourvoi
formé contre un arrêt ayant condamné un élu local pour ne pas avoir réglementé
la navigation sur un plan d'eau surplombé par une ligne électrique illustre
d'ailleurs le contrôle exercé par la haute juridiction sur cette motivation.
L'approche concrète et pratique à laquelle se livrent les juridictions pour
apprécier la responsabilité des élus dans ce type d'hypothèse se retrouve
également dans des décisions de relaxe.
Une décision de la cour d'appel de Nîmes en date du 11 mars 1999 relaxant un
maire poursuivi après un accident mortel survenu lors d'une manifestation
taurine peut être citée, tout comme une décision du tribunal correctionnel
d'Agen ayant relaxé un chef d'équipe d'une direction départementale de
l'équipement poursuivi après le décès d'un automobiliste provoqué par la chute
d'un arbre.
Les questions soulevées par la responsabilité pénale des agents publics, élus
ou fonctionnaires, sont cependant nombreuses.
Il est donc nécessaire, comme Mme Guigou a eu l'occasion de le rappeler
dernièrement devant le Sénat, d'engager sans tarder une mise à plat de
l'ensemble des problèmes afin de dresser un état des lieux complet et objectif
et de formuler des propositions concrètes.
Ce travail sera effectué très rapidement par un groupe d'étude restreint,
composé d'élus, de magistrats et d'universitaires.
M. Georges Mouly.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de la précision de la réponse
que vous m'avez faite au nom de Mme la ministre de la justice. Vous avez
confirmé l'intention de cette dernière de procéder à la mise à plat qui est
nécessaire en la matière. Nous souhaitons simplement que le processus soit le
plus rapide possible.
La présence de représentants des élus locaux au sein des groupes de réflexion
me paraît importante parce que les maires sont évidemment concernés chaque fois
qu'il est question d'enseignement et, en particulier, d'écoles primaires.
J'espère que la réflexion que j'ai cru devoir formuler concernant les
établissements médicaux et médico-sociaux ne restera pas sans suite, car on y
est également très sensible aux problèmes de cet ordre.
AIDE À LA RECONVERSION
DU BASSIN MINIER DE GRAISSESSAC
M. le président.
La parole est à M. Delfau, auteur de la question n° 465, transmise à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le secrétaire d'Etat, par votre entremise, je souhaite attirer
l'attention de Mme Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement, sur la grande misère budgétaire et morale du bassin minier de
Graissessac, qui comprend en outre les communes de Camplong et
Saint-Etienne-d'Estrechoux.
L'extraction du charbon a donné à ce territoire, durant un siècle, jusqu'au
début des années 60, une prospérité, payée, il est vrai, par la souffrance des
hommes et par la destruction de magnifiques paysages. C'est une situation que
vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, pour la vivre dans votre
propre région.
Aujourd'hui, Graissessac, par exemple, n'a plus un seul emploi industriel sur
son site et la commune est passée de 2 500 habitants au début du siècle à
environ 600 aujourd'hui.
Plus grave encore, une politique de reconversion industrielle mal conduite a
accumulé les friches industrielles, les ateliers-relais à la charge de la
collectivité et les équipements dont les Houillères du Centre Midi se sont
déchargées.
Pour compléter ce tableau, le fonds d'industrialisation, toujours en place,
fonctionne à partir de critères qui écartent impitoyablement tout projet des
communes proprement minières au profit de collectivités situées en aval, ce qui
accroît l'amertume des habitants.
A présent, les Houillères ont amorcé leur désengagement total et prétendent
vendre au plus offrant le patrimoine, laissant à la charge de la commune...
tout le reste.
Faute d'intervention spécifique des pouvoirs publics, les communes de ce
bassin minier n'ont aucune chance de sortir de ce sous-développement, car tous
les projets se heurent à des lignes de financement établies selon des critères
qu'elles ne peuvent respecter.
Aussi, au moment où les Houillères s'apprêtent à négocier leur départ, il
m'apparaît naturel que, sous l'autorité de Mme Voynet, s'engage un programme
financé par le Fonds national d'aménagement du territoire pour remédier, avec
l'aide du conseil général et du conseil régional, aux handicaps de ces communes
et faciliter leur projet de développement, notamment en termes de
reconstitution des paysages et de protection de la faune et de la flore,
particulièrement riches, selon une étude universitaire récente.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le sénateur, c'est avec plaisir que je vais répondre au nom de Mme Voynet ; car
j'ai effectivement rencontré des problèmes similaires, en Moselle, avec les
bassins ferrifère et houiller. Je sais donc combien est préoccupante la
situation que vous évoquez.
Voici la réponse que Mme Voynet souhaitait vous apporter.
En matière de réindustrialisation, les Houillères du bassin Centre Midi, le
groupe Charbonnages de France, par sa société de conversion, la société
financière pour favoriser l'industrialisation des régions minières - la SOFIREM
- et l'Etat, avec le fonds d'industrialisation du bassin minier, sont
intervenus, depuis la fermeture des mines, chacun dans le cadre qui est le
sien, par des mesures d'accompagnement à destination des entreprises implantées
dans le bassin.
Tout d'abord, au niveau immobilier, les Houillères du bassin Centre Midi sont
intervenues par la cession de bâtiments à des industriels, lors de la création
de leur entreprise.
Pour sa part, le fonds d'industrialisation du bassin minier, dans le cadre des
règles fixées par la circulaire ministérielle, est intervenu par des actions de
formation ou de certification au profit de deux entreprises, ICG et Fonderie
des Cévennes.
Quant à la SOFIREM, elle est également intervenue auprès des entreprises
Rolland, ICG et FILEC, entre 1984 et 1993, dans le cadre de ses modalités
d'intervention habituelles. Malheureusement, les difficultés rencontrées par
ces entreprises, dues principalement à une mauvaise adéquation entre leurs
produits et la demande de la clientèle, ont amené certaines d'entre elles à
cesser leur activité.
Le service « industrialisation » des charbonnages est aujourd'hui encore prêt
à contribuer à tout moment avec le bassin de Graissessac à l'amélioration de
l'environnement des entreprises susceptibles de se présenter sur la commune.
C'est dans cette optique que Charbonnages de France a confirmé à la commune
que, dans le cadre d'une recherche de potentialités d'implantation de nouvelles
activités industrielles, le fonds d'industrialisation du bassin minier de
l'Hérault pouvait prendre part au financement, avec les partenaires habituels,
d'un audit ou d'une étude concernant le redéploiement économique des communes
concernées et la réutilisation des friches industrielles.
Par ailleurs, la cession du patrimoine foncier des Houillères sera examinée en
concertation avec la commune de Graissessac.
Enfin, le projet de réaménagement du terril est prévu et les travaux pour sa
réhabilitation sont programmés.
S'agissant, d'une manière plus générale, du redéveloppement durable de ce
territoire, durement touché par les séquelles minières et les défaillances
d'entreprises, les pouvoirs publics sont prêts à examiner toutes les
initiatives locales en termes de projets porteurs pour l'avenir et à les
accompagner, soit au titre d'une prochaine programmation du Fonds national
d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, soit dans le cadre
de la préparation du contrat de plan en concertation avec les collectivités
locales compétentes, le conseil régional et le conseil général de l'Hérault.
Vous constatez, monsieur le sénateur, qu'il est important de présenter un
certain nombre de propositions pour que l'Etat, la SOFIREM, les Houillères de
bassin et Charbonnages de France puissent se relayer utilement au bénéfice de
l'emploi dans un secteur dont vous venez, à l'instant, de défendre les
intérêts.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie non seulement du contenu de
votre réponse mais aussi de la note personnelle que vous y avez apportée. Il
est important pour l'élu que je suis de savoir que, en me répondant, vous
songiez à des situations similaires et aussi difficiles à gérer.
S'agissant de l'aide de Charbonnages de France, l'audit est une bonne
nouvelle, mais le problème demeure entier. A l'heure actuelle, le
sous-développement économique est tel qu'il est illusoire d'espérer, dans
l'immédiat au moins, des miracles en matière de réindustrialisation.
S'agissant, en revanche, d'un accompagnement national de toute initiative
locale par le FNADT ou dans le cadre du contrat de plan, là, c'est franchement
une bonne nouvelle, d'autant que j'apporte ma propre moisson car, de notre
côté, nous ne sommes pas restés inactifs. En effet, depuis le dépôt de cette
question orale, il y a un mois et demi, une dynamique locale s'est enclenchée.
Nous avons ainsi tenu, en sous-préfecture, une réunion avec les représentants
des autres communes concernées. M. le sous-préfet a décidé de s'engager
totalement dans cette opération ; la communauté de communes dont dépendent les
villages dont je parlais a décidé, par délibération, d'être également partie
prenante. Le parc du Haut-Languedoc s'est engagé à fournir les études
techniques et il a commencé à travailler. Enfin, les autres communes des sites
miniers situés sur la veine charbonnière ont souhaité être associées.
Au reste, la décision que vous m'annoncez au nom de Mme le ministre n'est que
justice mais reste une bonne nouvelle dans la mesure où, quand un programe sera
présenté à l'échelon national, par exemple devant un comité interministériel
pour l'aménagement du territoire, il concernera l'ensemble du périmètre et sera
donc plus facilement accepté.
Voilà donc un ensemble de bonnes volontés concordantes. Il reste à les faire
aboutir mais, après les propos de M. le secrétaire d'Etat, et compte tenu de la
mobilisation locale, que je constate, je suis désormais très confiant.
ASILE TERRITORIAL
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat, auteur de la question n° 396, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Franck Sérusclat.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'être ce matin parmi nous alors que
d'autres préoccupations importantes vous accaparent et que vous avez déjà
répondu pour partie, le 8 avril 1999, à cette question que j'avais initialement
formulée par écrit. C'est ainsi que j'avais obtenu une réponse assez complète,
publiée au
Journal officiel,
sur le sort des ressortissants algériens
bénéficiant de l'asile territorial. Pouvez-vous, à cet égard, nous présenter un
bilan d'une année d'application de la loi du 11 mai 1998 ?
En revanche, je m'interroge encore sur les ressortissants des autres pays qui,
bien que bénéficiant également de l'asile territorial, connaissent une
situation beaucoup plus délicate. Ne disposant que d'un délai d'un mois pour
étudier la possibilité de donner une suite à leur asile, ils ne reçoivent pas
de droits semblables à ceux qui sont accordés aux ressortissants algériens.
Envisagez-vous une extension des droits au-delà du droit aux prestations de
sécurité sociale au bénéfice de ces étrangers en situation régulière ?
Pourraient-ils bénéficier du droit à exercer un travail, comme les
ressortissants algériens, afin de ne pas être laissés à la merci de
fournisseurs de ce travail au noir dont vous savez qu'il est une atteinte à la
dignité des individus ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, la procédure de l'asile
territorial mise en oeuvre par la loi du 11 mai 1998, dite loi RESEDA, et par
le décret du 23 juin 1998 prévoit que l'étranger qui se voit reconnaître
l'asile à ce titre bénéficie d'une carte de séjour temporaire portant la
mention « Vie privée et familiale ». Celle-ci lui est délivrée de plein droit
ainsi qu'aux membres de sa famille, c'est-à-dire à son conjoint et à ses
enfants mineurs, en application du nouvel article 12
ter
de l'ordonnance
de 1945.
L'asile territorial est d'abord et avant tout la reconnaissance d'un droit au
séjour : le ressortissant étranger qui établit que sa vie ou sa liberté est
menacée dans son pays d'origine, ou qu'il y est exposé à des traitements
contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales, est autorisé à demeurer sur le
territoire français.
Concernant la question précise que vous avez posée, je suis un peu surpris des
cas que vous semblez avoir à l'esprit, car la carte de séjour qui est délivrée
au bénéficiaire de l'asile territorial lui donne droit à l'exercice d'une
activité professionnelle. Peut-être ne peut-il exercer effectivement ce droit
tout simplement parce qu'il ne trouve pas d'employeur.
Par ailleurs, le bénéficiaire de l'asile territorial, en sa qualité d'étranger
en situation régulière, a droit à l'ensemble des prestations sociales. Les
derniers textes viennent d'être pris qui permettent que, désormais, sa
situation soit alignée sur celle des autres.
Il est donc inexact d'affirmer que les étrangers à qui a été accordé l'asile
territorial sont contraints de vivre dans une situation de précarité. Au
contraire, le législateur et le Gouvernement ont veillé à ce qu'ils soient
placés dans une situation identique à celle des autres étrangers établis
légalement sur notre territoire.
Encore une fois, monsieur le sénateur, les problèmes que vous avez évoqués
sont probablement dus au fait que ces personnes qui arrivent en France ne
trouvent pas immédiatement un emploi ; mais elles ont le droit d'exercer une
activité professionnelle, que ce soit parfaitement clair entre nous !
M. Franck Sérusclat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
Monsieur le ministre, les informations dont je disposais jusqu'à ce jour me
permettaient de penser que les ressortissants algériens, qui bénéficient d'un
droit au travail et d'une allocation d'insertion, étaient mieux traités que
d'autres, également dans une situation précaire pour avoir fui des pays
également dangereux pour eux, et qui, selon mes informations, ne jouissaient
pas des mêmes protections.
Mais votre réponse semble ouvrir des perspectives. J'espère que l'information
que vous venez de me donner sera confirmée.
STATUT DES CAISSES DES ÉCOLES
M. le président.
La parole est à M. Dussaut, auteur de la question n° 484, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Bernard Dussaut.
Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur le
fonctionnement des caisses des écoles, qui est régi par des textes très
anciens.
La loi du 10 avril 1867 offrait la possibilité à un conseil municipal de
créer, par délibération, et après appréciation du préfet, une caisse des
écoles.
C'est la loi du 28 mars 1882 qui, avec le principe d'obligation de scolarité,
a précisé qu'une caisse des écoles serait établie dans chaque commune. Elle
était destinée alors « à faciliter la fréquentation de l'école, à venir en aide
aux élèves, à encourager par des récompenses l'assiduité, l'émulation et le
progrès des élèves, à contribuer à l'amélioration de la santé en participant
aux frais de séjour dans les stations climatiques ».
Plusieurs dispositions législatives et réglementaires ont, depuis lors, adapté
ces textes aux évolutions de notre société : la loi du 18 janvier 1980, les
décrets des 12 et 14 septembre 1960 modifiés par celui de septembre 1983 et le
décret de février 1987.
Ces organismes, qui avaient pour mission initiale de favoriser la
fréquentation de l'école publique, ont vu leur champ d'activité
considérablement élargi grâce à la prise en charge de services sociaux
importants comme la cantine, le transport scolaire, parfois même les colonies
de vacances des élèves.
Loin de moi l'idée de revenir sur l'existence des caisses des écoles, dont la
création nous renvoie au principe fondamental d'une école pour tous, d'une
école républicaine. Toutefois, dans nos petites communes - je pense à celles de
moins de 3 500 habitants - les caisses des écoles n'ont parfois que peu
d'activité. Le développement des structures intercommunales a permis la prise
en charge de plusieurs services comme les transports et la restauration
scolaires. Certaines communes gèrent directement les cantines et, bien souvent,
les centres communaux d'action sociale, soutenus par les départements et par
l'Etat, aident les familles en difficulté.
Je voudrais préciser mon propos. Dans mon département, une commune de 915
habitants s'est vu rappeler à l'ordre par le sous-préfet, car elle n'avait pas
créé de caisse des écoles avec un budget annexe. Vous le savez, en effet, la
subvention de la commune est souvent la seule recette et, dans tous les cas,
elle est supérieure au montant des cotisations des membres. C'est pourquoi la
commune est obligée, pour créer une caisse des écoles, de recourir à un budget
annexe. Le maire de la commune en question doit donc se mettre en conformité
avec la loi et le décret n° 69-177 du 12 septembre 1960 et constituer un comité
composé du maire, de l'inspecteur primaire, de l'inspectrice des écoles
maternelle ou de leurs représentants, d'un membre désigné par le préfet, de
deux conseillers municipaux désignés par le conseil municipal, de trois membres
élus par les sociétaires réunis en assemblée générale - membres bienfaiteurs et
membres donateurs, de plus en plus difficiles à trouver. Ce comité doit tenir
des réunions trois fois par an au moins et, bien entendu, ouvrir un budget, et
ce pour des dépenses qui, bien souvent, ne s'élèveront pas à plus de 20 000
francs pour l'année, correspondant aux fournitures administratives de
l'école.
De ce fait, ne serait-il pas souhaitable de n'envisager l'obligation de la
création d'une caisse des écoles que pour les communes de plus de 3 500
habitants ou de fixer un plafond de dépenses au-dessous duquel il ne serait pas
obligatoire de créer une caisse des écoles, le budget communal intégrant ces
dépenses, ce qui, vous en conviendrez, simplifierait la gestion liée aux
fournitures scolaires, notamment par les petites communes ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, vous avez mis le doigt sur
un problème tout à fait réel.
Les lois du 10 avril 1867 et du 28 mars 1882 créant les caisses des écoles,
définissant leurs missions et les rendant obligatoires dans chaque commune, ne
correspondent plus aux besoins actuels, nombreux et divers, je vous
l'accorde.
Les caisses des écoles étaient prévues initialement pour favoriser la
fréquentation de l'école publique par l'attribution de récompenses aux élèves
assidus et de secours aux élèves indigents. Elles ont vu, il faut bien le dire,
leurs activités progressivement évoluer et se diversifier. Elles étaient à
l'origine financées non seulement par des subventions des collectivités
publiques mais aussi, pour une très large part, par des cotisations des
sociétaires, des dons d'origine privée, voire des recettes annexes. Je me
souviens, mon père étant instituteur, avoir cultivé, avec la classe, un champ
de pommes de terre, et ramassé les doryphores qui dévoraient les feuilles !
Nous écoulions la récolte qui permettait de financer les voyages de fin
d'année. J'ajoute qu'une assemblée générale des sociétaires représentés au
comité de la caisse était réunie. Mais tout cela appartient à une autre époque
!
Ces caisses sont désormais financées quasi intégralement par les subventions
des communes. Dans ces conditions, il est apparu plus rationnel à certaines
communes, de gérer directement les activités en direction des élèves des
écoles. Par conséquent, un nombre significatif de caisses qui ne peuvent être
juridiquement dissoutes sont désormais sans aucune activité.
Les situations actuelles sont très contrastées et montrent, selon les cas,
soit un élargissement des missions des caisses au-delà des missions initiales,
soit un désaisissement de ces établissements publics.
La question se pose donc, comme vous l'avez justement souligné, monsieur le
sénateur, de la prise en charge par les communes d'activités périscolaires dans
un cadre juridique actualisé. Cette question mérite d'être examinée en liaison
avec le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie. Pour ce qui me concerne, je suis tout prêt à le faire.
M. Bernard Dussaut.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut.
Monsieur le ministre, je vous remercie des éléments de réponse que vous m'avez
donnés ; vous avez constaté comme moi que ces caisses des écoles ne
correspondent plus à la réalité.
Le problème est donc posé. Si j'ai bien compris, c'est maintenant au ministère
de l'éducation nationale que j'aurai à m'adresser...
M. Roland du Luart.
Il y en a pour vingt ans !
M. Bernard Dussaut.
... afin de faire avancer cette préoccupation.
CONDITIONS DE DÉTENTION DES ARMES À FEU
M. le président.
La parole est à M. du Luart, auteur de la question n° 519, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Roland du Luart.
Monsieur le ministre, je souhaiterais vous interroger sur les effets du décret
du 16 décembre 1998 sur la réglementation des armes, dont on peut comprendre
l'inspiration mais qui soulève plusieurs difficultés graves pour les
chasseurs.
Il s'agit tout d'abord du fusil dit « à pompe », qui est maintenant classé en
quatrième catégorie et ne peut plus être utilisé par les chasseurs de gibier
d'eau, soit 200 000 chasseurs aux moyens modestes. C'est une véritable
spoliation, puisqu'ils ne peuvent plus ni utiliser ni revendre ces fusils ;
c'est à mon sens d'autant plus choquant qu'ils venaient de déclarer ces armes
auprès du ministère de l'intérieur, au titre d'un décret de 1995. Il convient
donc de prendre rapidement des mesures transitoires, confirmant peut-être les
interdictions à la vente mais permettant en tout cas aux détenteurs actuels de
continuer à les utiliser.
Il s'agit ensuite de régler les problèmes juridiques liés à l'emploi, à
l'article 5 du décret, du mot « acquisition », qui interdirait par exemple à
toute personne de détenir des armes de chasse acquises par héritage si elle
n'est pas elle-même détentrice d'un permis de chasse visé et validé.
Ce décret pose enfin de nombreux autres problèmes pour les tireurs sportifs,
les collectionneurs, les candidats au permis de chasser, qui doivent s'initier
au tir pour pouvoir passer leur examen, et les organisateurs de ball-trap,
problèmes qu'il convient de régler, étant entendu qu'ils n'ont absolument aucun
impact en termes de sécurité publique.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, vous n'ignorez pas qu'un
très grand nombre d'accidents se sont produits ces dernières années du fait de
l'utilisation d'armes à feu faciles à acquérir et ont entraîné mort d'homme
dans certaines circonstances où j'ai été amené à prendre des sanctions. Ce
problème est grave.
Le décret n° 98-1148 du 16 décembre 1998, qui modifie le décret n° 95-589 du 6
mai 1998 relatif au régime des armes, reclasse en quatrième catégorie des armes
jusqu'alors classées en septième ou en cinquième catégorie, parmi lesquelles
les fusils à pompe à canon lisse dont le chargeur ou le magasin peut contenir
cinq cartouches au plus, ce qui est déjà beaucoup !
Cette mesure obéit à des préoccupations de sécurité publique. Elle a été
rendue nécessaire en raison de la diffusion excessive de ces fusils à pompe
qui, en raison d'un maniement aisé, d'un prix relativement peu élevé et d'un
effet certain de mode, sont devenus des armes utilisées à de toutes autres fins
que la chasse, y compris dans nos banlieues. C'est donc à la suite du rapport
de l'inspecteur général de la police nationale Claude Cances que j'ai été
conduit à prendre cette mesure.
Au regard de cette évolution dangereuse et préoccupante pour la sécurité
publique, il a paru nécessaire de reclasser ces armes en arme de défense,
c'est-à-dire en quatrième catégorie.
Le reclassement en quatrième catégorie implique que l'acquisition, la
détention de ces armes sont prohibées, sauf autorisation délivrée par
l'autorité préfectorale pour les seuls motifs et dans les conditions prévus par
la réglementation en vigueur, à savoir la défense, en vertu de l'article 31 du
décret précité du 6 mai 1995, ou le tir sportif, conformément à l'article 28 du
même décret. Ce dernier motif ne peut par ailleurs pas être retenu pour le
fusil à pompe, qui n'est pas une arme de tir sportif.
En tout état de cause, monsieur le sénateur, la chasse ne constitue pas un
motif de détention d'une arme de quatrième catégorie, et aucune mesure
dérogatoire n'est prévue par la réglementation en vigueur pour les détenteurs
des armes qui font l'objet du reclassement en quatrième catégorie effectué par
le décret précité du 16 décembre 1998. Par conséquent, une mesure transitoire
n'est ni prévue ni nécessaire. Il s'agit d'une mesure d'interdiction.
Outre le reclassement en quatrième catégorie, le décret du 16 décembre 1998
introduit également dans le décret du 6 mai 1995 une disposition aux termes de
laquelle tout acquéreur d'arme ou de munitions de cinquième catégorie doit
présenter au vendeur un permis de chasser ou une licence de tir sportif en
cours de validité.
Cette disposition, qui concerne l'acquisition des armes ou des munitions de
chasse ou de tir sportif de ball-trap, est une mesure de bon sens puisqu'elle
conditionne cette acquisition à une pratique des activités pour lesquelles ces
armes et ces munitions sont destinées. Son application ne doit pas non plus
être limitée.
Toutefois, ce dispositif ne s'applique qu'aux personnes qui achètent des armes
ou des munitions de cinquième catégorie. Il ne concerne donc pas, je vous
l'accorde, celles qui entrent en possession d'une arme ou de munitions de
cinquième catégorie par voie successorale. Ainsi, si les personnes qui héritent
d'une arme ne l'utilisent pas à la chasse ou au tir sportif de ball-trap, elles
peuvent la détenir, sous réserve de la déclarer s'il s'agit d'une arme de
cinquième catégorie soumise à déclaration, sans être pour autant titulaires
d'un permis de chasser ou d'une licence de tir en cours de validité.
M. Roland du Luart.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir répondu à la question que je
vous avais soumise. Cette question comportait deux aspects, et visait, en
premier lieu, le problème des fusils à pompe.
Je comprends la préoccupation sécuritaire qui doit prévaloir, notamment en
banlieue. Mais je suis convaincu que, si les chasseurs, quant à eux, déclarent
bien leurs armes, les gangsters n'agiront jamais ainsi ! Nous sommes donc un
peu à côté de nos pompes s'agissant de cette réponse, si j'ose m'exprimer
ainsi.
(Sourires.)
Monsieur le ministre, normalement, aucune arme ne doit permettre aujourd'hui
de tirer cinq coups. Tous les chargeurs dont les chasseurs se servent sont
limités à deux coups. Vos services devraient donc savoir qu'aucun fusil à pompe
en action de chasse ne peut légalement tirer plus de deux coups.
Cela dit, je peux très bien comprendre le problème sécuritaire dont vous
faites état, connaissant les difficultés auxquelles vous êtes actuellement
confronté dans les banlieues, monsieur le ministre.
Le second aspect de la question concernait l'emploi du mot. Je vous remercie
de m'avoir confirmé que ce terme ne vise pas les personnes détenant des fusils
par héritage ; le contraire aurait en effet constitué une aberration.
Enfin, un point me paraît quelque peu obscur en l'état actuel de la
réglementation : un jeune chasseur, pour obtenir son permis de chasser, doit
obligatoirement passer une épreuve pratique de tir. Comment pourra-t-il s'y
préparer puisque, n'ayant pas encore son permis, il n'a pas le droit d'acquérir
des cartouches ? Il est donc nécessaire de procéder à une adaptation à cet
égard. Nous sommes en effet tous très attachés - comme Mme Voynet et comme
vous-même, monsieur le ministre, j'en suis sûr - au maintien d'une épreuve
pratique au permis de chasser, pour éviter tout accident lorsqu'un chasseur
pratiquera le sport qu'il chérit.
AVION DE TRANSPORT MILITAIRE DU FUTUR (ATF)
M. le président.
La parole est à M. Demilly, auteur de la question n° 502, adressée à M. le
ministre de la défense.
M. Fernand Demilly.
Monsieur le ministre, ma question concerne l'avion de transport militaire du
futur, l'ATF.
Sept pays européens - l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la France,
l'Italie, le Royaume-Uni et la Turquie - sont concernés par ce marché de 150
milliards de francs pour près de trois cents appareils ; la France prévoit d'en
acquérir une cinquantaine pour remplacer ses Transall dans l'armée de l'air.
Les industriels ont remis trois solutions aux gouvernements concernés :
l'achat d'appareils américains déjà existants ; l'appareil ATF construit
spécialement par Airbus Industrie, qui a créé, pour participer à l'appel
d'offres, une filiale militaire ; un transporteur développé sur la base de
l'Antonov russe.
Pour le chef d'état-major de l'armée de l'air, l'ATF constitue la meilleure
solution en termes de maîtrise des coûts et de satisfaction des besoins. Mais,
précise le délégué général pour l'armement, le lancement de l'ATF ne pourra
avoir lieu que si le budget pour 2000 inscrit les 30 milliards de francs
d'autorisations de programme nécessaires pour la cinquantaine d'appareils que
la France doit acheter.
Plusieurs inconnues subsistent : l'attitude des Allemands dans Airbus à
l'égard de la crédibilité de l'Antonov qui poserait des problèmes de
maintenance et de fourniture de pièces détachées ; l'attitude de la
Grande-Bretagne qui est pressée de moderniser sa flotte aérienne et qui a déjà
commandé 25 C-130 J au construteur américain Lockheed, et, enfin, l'attitude du
Gouvernement français, qui tarde à prendre position et à indiquer clairement sa
position.
Ma question est évidente, monsieur le ministre : quelle est la position
actuelle du Gouvernement français ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le sénateur, le gouvernement français a
une présentation de la réalité différente de celle qui apparaît dans votre
question, qui simplifie quelque peu un certain nombre d'enjeux. Lorsque, dans
la collectivité que vous administrez avec beaucoup de maîtrise, vous avez à
choisir entre plusieurs fournisseurs, vous jugez sans doute un peu hâtif
l'orateur qui vous explique qu'il sait déjà lequel est le bon !
La capacité de projection des forces est essentielle à nos armées pour
participer de manière cohérente à la gestion des crises. Et la question est
d'actualité !
Comme vous l'avez rappelé, la France doit renouveler à partir de 2005 -
l'échéance est proche ! - son parc d'avions de transport Transall construits en
coopération avec l'Allemagne dans les années soixante. Cette échéance, que nous
partageons avec d'autres partenaires européens malgré des différences de
calendrier, nous a amenés à étudier trois options ouvertes d'achat : le
développement de l'ATF par la filiale militaire d'Airbus - c'est le projet FLA,
Future Large Aircraft
, puisque l'on a retenu le sigle correspondant à la
dénomination anglaise -, l'achat d'appareils américains de type C 130-J et C
17, qui conviennent à la mission, et, enfin, l'acquisition d'avions qui
seraient dérivés de l'appareil russo-ukrainien Antonov 70, lequel ne répond
pas, dans sa version actuelle, aux spécifications attendues par les pays
européens.
Nous sommes huit pays à participer à cette démarche et l'acquisition de ces
avions s'inspire des méthodes commerciales pratiquées par les compagnies
aériennes qui, au moment du lancement d'un nouveau programme d'avions civils,
s'engagent à commander un certain nombre d'appareils selon un calendrier et un
coût bien déterminés. Le respect à la fois des objectifs opérationnels et du
bon usage des deniers du contribuable est à ce prix.
Dans le cas de l'ATF, il faudra donc que chacun des huit pays partenaires que
vous avez cités passe un contrat, dès le début de l'année prochaine, avec la
société qui aura été retenue, soit la filiale militaire de la société Airbus,
soit une autre société.
La première évaluation entre les trois solutions est conduite de façon
conjointe avec l'ensemble de nos partenaires et nous nous sommes réparti le
travail pour évaluer la solution russo-ukrainienne et la solution
américaine.
Les réponses à l'appel d'offres m'ont été remises par les industriels le 29
janvier. Elles sont en cours d'analyse et cette phase de comparaison doit durer
jusqu'à l'été. Je m'en occupe personnellement.
Nous aboutirons à un choix final vers la fin de l'année, après les travaux de
sélection qui seront menés par chaque nation, parce qu'il n'a pas été décidé
que nous achèterions automatiquement le même appareil : si nous avions suggéré
qu'un pays serait contraint d'acheter l'appareil qu'il n'a pas choisi, il n'y
aurait pas eu d'entente entre les huit pays pour définir ensemble les
spécifications !
Aujourd'hui, aucun des huit pays n'a formalisé, et encore moins annoncé, de
choix. L'analyse doit être poursuivie avant de pouvoir prononcer un choix final
pleinement éclairé, qui ne peut être guidé uniquement par des considérations
d'intérêt industriel local.
Vous avez mentionné la question des ressources budgétaires, des autorisations
de programme nécessaires pour pouvoir engager une commande pluriannuelle. C'est
un point sur lequel nous travaillons avec le ministère du budget, et il sera
résolu en temps utile.
D'autres questions restent à étudier de façon approfondie. Il en est ainsi de
l'impact industriel des différentes options, notamment à l'heure où Airbus
étudie par ailleurs la possibilité de lancer son projet civil A3XX, mais aussi
des compensations à un achat éventuel à l'étranger, qui pourraient également
être un élément favorable pour notre industrie.
Il faut aussi s'interroger sur les organisations capables de porter les
risques contractuels et mesurer l'apport d'un projet fédérateur européen pour
l'optimisation des forces aériennes européennes dans l'organisation de la
formation des équipages, de la maintenance, de la logistique, de
l'exploitation, enfin, sur une période très importante.
L'ensemble de ces questions fait l'objet de travaux conduits par les équipes
du ministère de la défense, en coopération avec nos partenaires européens. La
complexité des sujets et le nombre des intervenants permettent de comprendre le
calendrier de décisions que je vous ai décrit.
Je tiens à souligner que notre démarche vise à prendre en considération toutes
les dimensions du dossier : l'équipement des forces aériennes européennes, les
coûts d'acquisition et d'utilisation des appareils sur une durée de vie qui, en
l'occurrence, s'étale sur près de quarante ans, la fiabilité de l'organisation
pour l'acquisition puis pour la maintenance.
Les trois options sont aujourd'hui en compétition dans l'ensemble de ces
domaines. J'attacherai un souci constant, dans les mois qui nous séparent de
cette décision, à poursuivre les échanges avec la représentation nationale sur
ce projet particulièrement important pour mon département ministériel, mais
aussi pour l'industrie aéronautique, dont j'assure la tutelle.
M. Fernand Demilly.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Demilly.
M. Fernand Demilly.
Monsieur le ministre, je vous remercie de vos informations et je comprends vos
observations. Je voudrais cependant insister sur l'importance, pour
l'aéronautique et pour l'emploi, de la décision du Gouvernement français, qui
peut être déterminante en la circonstance.
Voilà quelques jours, le groupe d'études chargé de l'aviation civile au Sénat
et à l'Assemblée nationale, dont je suis membre, a reçu M. Yves Michot,
président d'Aérospatiale. Je lui ai posé la question de ce que représenterait
pour son groupe le programme ATF. La réponse a été claire : outre l'intérêt
d'améliorer le rapport défense-civil, c'est un marché énorme qui concernera
directement la société Aérospatiale - et, par conséquent, l'emploi dans cette
entreprise - ou qui partira ailleurs, chez les Américains probablement.
Dans ces conditions, il est effectivement urgent qu'une décision soit prise
par le gouvernement français, faute de quoi les Britanniques risquent de se
retirer du projet ATF, et Aérospatiale de perdre une chance exceptionnelle
d'exportation, car ce programme peut couvrir les besoins de bien des pays du
monde.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le sénateur, comme son nom l'indique, un
groupe d'études est fait pour étudier, et pas forcément pour répercuter
directement la présentation des dossiers par un industriel intéressé.
Il est sans doute de l'intérêt d'Aérospatiale que ce marché soit décidé par
plusieurs gouvernements et non pas par le seul gouvernement français car, si
nous prenions cette décision d'attribution sans être compris ni accompagnés par
nos partenaires, l'impact industriel serait faible, voire négatif.
Quoi qu'il en soit, votre groupe d'études aura certainement à coeur de
s'intéresser aux risques technologiques et financiers auxquels devra faire face
la société Aérospatiale !
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix est reprise à seize heures trente,
sous la présidence de M. Jean Faure.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
RAPPEL AU RÈGLEMENT
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
J'aurais bien aimé que Mme le garde des sceaux soit présente, monsieur le
président !
(Après quelques instants d'attente, certains sénateurs du RPR manifestent des
signes d'impatience.)
M. Jean Chérioux.
Mme le garde des sceaux fait attendre le Sénat !
Mme Hélène Luc.
C'est nous qui avons fait attendre Mme le garde des sceaux !
M. Patrice Gélard.
Exactement !
M. Henri Richemont.
Il faut suspendre !
M. Louis de Broissia.
C'est un Gouvernement virtuel !
(L'arrivée de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
dans l'hémicycle provoque des exclamations sur les travées du RPR.)
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, à
plusieurs reprises, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen
ont fait part de leur vive émotion au regard de la tragédie qui se développe au
Kosovo.
Sept semaines après le début des frappes, l'exode, le malheur du peuple
kosovar se poursuivent. Le nombre des victimes civiles sous les bombardements
de l'OTAN augmente chaque jour. Il faut sortir de cette impasse.
Le bombardement de l'ambassade de Chine à Belgrade souligne l'aspect
gravissime de la logique de guerre. Nous condamnons ce bombardement.
Il est temps de saisir toutes les chances pour la paix. De toute évidence, le
régime serbe envoie des signes ; nous devons y être attentifs.
M. Gérard César.
Il faut les décrypter !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
La diplomatie russe s'active et obtient des résultats. Les autorités
italiennes et grecques s'impliquent activement.
Il est regrettable de constater avec quelle rapidité le gouvernement
américain, suivi de près par Londres et par Bonn, balaie toute ouverture.
Notre objectif est une paix juste et durable, garantissant le retour des
Kosovars dans un Kosovo autonome et démilitarisé, ainsi que le respect des
droits fondamentaux de toutes les communautés de la province.
M. Emmanuel Hamel.
C'est à Milosevic qu'il faut dire cela !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
La France doit prendre une initiative. L'arrêt des bombardements constitue une
condition nécessaire à la recherche d'une paix négociée.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, avec plus de 200
parlementaires européens, demandent donc solennellement la suspension des
frappes pour donner, enfin, une chance à la logique de paix.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Acte vous est donné de cette déclaration, qui, conformément à votre souhait, a
été entendue par le Gouvernement, madame Bidard-Reydet.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, je veux d'abord faire une mise
au point.
Quand je suis entrée dans cet hémicycle, il y a un instant, j'ai entendu
quelques sénateurs me reprocher d'avoir fait attendre le Sénat.
A ceux-là, je signale que j'étais au Sénat depuis seize heures précises...
Mme Hélène Luc.
C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... parce qu'on m'avait dit que le Sénat voulait
commencer à l'heure, et qu'il m'a fallu, pour cela, quitter prématurément
l'Assemblée nationale, où je devais répondre à des questions d'actualité.
Personne ne m'a prévenue que la commission des lois, qui était réunie,
risquait de prolonger ses travaux au-delà de seize heures.
Je suis tout à fait prête à attendre le Sénat, mais j'aimerais au moins que
l'on ne dise pas que c'est moi qui l'ai fait attendre.
(Applaudissements sur
les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Madame le garde des sceaux, je vous donne acte de cette précision, qui est
parfaitement fondée.
M. René-Georges Laurin.
Et légitime !
6
PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ
Discussion d'une proposition de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de
loi (n° 310, 1998-1999), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale
en deuxième lecture, relative au pacte civil de solidarité. [Rapport n° 335
(1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi relative au pacte
civil de solidarité revient aujourd'hui en deuxième lecture devant votre
assemblée. Cet important débat de société qui s'est ouvert en octobre dernier,
sur une initiative de députés avec le soutien du Gouvernement, touche à son
terme. Par cette nouvelle loi, le Parlement permettra à des millions de
Français qui ne veulent ou ne peuvent se marier de sortir de l'insécurité
juridique dans laquelle ils sont contraints de rester.
Beaucoup d'arguments ont déjà été échangés ; je ne les reprendrai pas tous,
car chacun a pu se forger une opinion et les différentes positions sont
connues. Il me semble pourtant utile de rappeler les principes qui m'ont guidée
dans les débats.
Le PACS concerne le couple, il ne concerne pas la famille. Il est un contrat,
il n'est pas une institution. Il offre des droits en matière sociale et sur des
aspects de la vie courante, - tels que le logement, les congés ou les mutations
professionnelles -, mais il confère aussi des devoirs de solidarité. Je suis
profondément convaincue que la société a intérêt à encourager de nouvelles
solidarités, car l'isolement est l'un des maux qui la mine.
La commission des lois du Sénat fait une analyse différente, comme c'est bien
entendu son droit, et propose d'adopter une question préalable, considérant
qu'il n'y a pas lieu de débattre du texte. Je le regrette, car je pense que le
travail accompli depuis le dépôt de la proposition de loi, tant par l'Assemblée
nationale que par le Sénat, aurait pu être poursuivi et méritait mieux que ce
coup d'arrêt à la discussion.
Quelles que soient en effet les divergences d'opinion, on ne peut pas, devant
une question d'une telle importance, qui concerne près de cinq millions de
personnes dans leur vie quotidienne, refuser la confrontation des idées.
C'est le rôle même, me semble-t-il, de la représentation nationale que de
débattre, à plus forte raison quand il s'agit d'une question de société comme
celle-là. C'est d'ailleurs la démarche que vous aviez adoptée en première
lecture.
Certes, vous aviez modifié le texte adopté par l'Assemblée nationale le 9
décembre 1998 de façon radicale. Vous aviez supprimé purement et simplement
toutes les dispositions relatives au pacte civil de solidarité. D'une part,
vous lui aviez substitué une définition du concubinage en tant que situation de
fait, d'autre part, vous aviez organisé la possibilité, pour les concubins, de
passer un contrat pour régler leurs relations et organiser leur vie commune.
Le Gouvernement n'a pas accepté une telle substitution, mais il a néanmoins
engagé la discussion.
L'Assemblée nationale, comme vous le savez, en adoptant la proposition de loi
en seconde lecture le 7 avril dernier, a fait sienne votre démarche qui
consistait à prendre en considération l'ensemble des situations vécues par les
couples non mariés et, par une définition du concubinage, à lever les
discriminations dont sont victimes les concubins homosexuels. Tel est bien mon
objectif depuis le début de cette discussion.
Je comprends d'autant moins la motion adoptée par la commission des lois du
Sénat consistant à opposer la question préalable que les motifs avancés ne me
paraissent pas convaincants,...
Mme Hélène Luc.
Et pas courageux !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... et cela pour deux raisons. D'abord, l'idée que le
pacte civil de solidarité porterait atteinte au mariage et à la famille est une
fausse querelle. Il y a déjà été répondu amplement en première lecture.
Ensuite, un certain nombre d'observations pertinentes du Sénat sur les
difficultés juridiques et pratiques du texte ont été prises en compte par
l'Assemblée nationale lors de la deuxième lecture.
Je voudrais revenir sur ces deux aspects et, en premier lieu, sur les
prétendues atteintes que le pacte civil de solidarité porterait au mariage et à
la famille.
Je me suis exprimée très longuement à ce sujet en première lecture, non pas
parce que cet argument me paraît fondé, mais parce qu'il est avancé comme un
véritable leitmotiv par les adversaires du pacte civil de solidarité.
Je veux redire au Sénat que la création du pacte civil de solidarité n'a
jamais eu pour objet ni pour effet de porter une atteinte quelconque au
mariage, qui, comme le souligne la commission des lois, est une institution de
référence pour près de vingt-cinq millions de nos concitoyens.
Contrairement à ce qu'affirme la commission, il y a place, entre la pure
situation de fait que constitue le concubinage et l'institution du mariage,
pour un cadre juridique intermédiaire de vie en commun.
J'en veux pour seule preuve les documents de travail du service de la
législation comparée du Sénat qui établissent que en Belgique, au Danemark, en
Espagne, en Finlande, en Islande, en Norvège, aux Pays-Bas, au Portugal et en
Suède, les parlements ont tous été saisis de projets qui admettent d'autres
formes d'union légale que le mariage. Pourquoi notre droit positif serait-il le
seul à ne pas pouvoir faire une place à une construction juridique nouvelle du
couple ?
Le mariage et le pacte civil de solidarité ne s'adressent pas aux mêmes
personnes parce qu'ils procèdent d'une démarche profondément différente : ceux
qui signeront un pacte seront guidés par un choix de vie personnelle qui leur
fait écarter le mariage ou qui ne leur permet pas d'y accéder.
Il est tout aussi inexact de continuer à prétendre que le pacte civil de
solidarité aurait pour effet de dissuader les candidats au mariage en raison
des avantages qu'il procure et de l'absence d'obligations corrélatives.
Je rappellerai une fois encore que les obligations du pacte civil de
solidarité, même si elles sont plus limitées que celles du mariage, sont
pourtant bien réelles et que ses avantages ne sont pas comparables, et de loin,
à ceux qui sont procurés par le mariage.
Quant à l'atteinte à la famille, je crois véritablement qu'on ne peut pas
prétendre sérieusement qu'il y ait un risque à cet égard. Il n'y a aucun
recoupement possible entre les dispositions du pacte civil de solidarité et les
règles organisant le droit familial. Les règles relatives à l'autorité
parentale, à la filiation, à l'adoption, à la procréation médicalement assistée
ne sont en aucune manière affectées par l'existence d'un pacte civil de
solidarité.
Vous dites qu'il n'est pas opportun de discuter la proposition de loi relative
au PACS au moment où un groupe de travail est chargé, à la chancellerie, de
proposer une réforme du droit à la famille.
C'est précisément parce que le PACS est neutre à l'égard de la famille et
qu'il n'a rien à voir avec celle-ci, qu'il ne concerne que les liens que deux
adultes ont décidé de nouer, que le pacte civil de solidarité ne peut trouver
sa place dans une réflexion sur une réforme du droit de la famille et que le
Gouvernement a tenu à ce qu'il en soit ainsi.
Pour fonder sa question préalable, la commission des lois du Sénat avance en
second lieu que les difficultés posées par le texte sont telles qu'il serait
inapplicable. Franchement, une telle exagération nuit à la démonstration.
La solidarité pour les actes de la vie courante, le régime de l'indivision,
pour ne prendre que deux exemples, sont des mécanismes juridiques d'ores et
déjà couramment appliqués.
Il est certain que tout texte est perfectible. D'ailleurs, l'Assemblée
nationale, en rétablissant les dispositions du pacte civil de solidarité, les a
assorties d'aménagements techniques qui n'ont pas trouvé grâce aux yeux de la
commission des lois du Sénat bien qu'ils s'inspirent, pour certains, des
observations faites dans cette assemblée. Pourtant, ceux-ci me paraissent
constituer un progrès significatif, notamment en ce qui concerne la nature du
pacte, ses modalités de déclaration et de conclusion, le régime des biens des
partenaires et l'attribution préférentielle.
La proposition de loi précise désormais explicitement que le pacte civil de
solidarité est un contrat. Il fallait beaucoup d'aveuglement - ou de mauvaise
foi - pour en douter ; mais puisque certains parmi vous s'interrogeaient sur la
nature juridique du pacte civil de solidarité, les voilà désormais rassurés sur
ce point et sur le système juridique auquel les juges auront à se référer en
cas de difficultés d'application.
Le texte prévoit aussi que la conclusion d'un PACS sera interdite à un majeur
placé sous régime de la tutelle, ce qui, là encore, répond à une préoccupation
que vous aviez manifestée en première lecture.
Par ailleurs, une distinction a été opérée entre la déclaration du pacte civil
de solidarité, enregistrée par le greffier, et la convention conclue entre les
signataires du pacte civil de solidarité, visée par le greffier et remise à
chacun d'entre eux. Ce nouveau mécanisme facilitera, pour les partenaires, la
preuve du pacte conclu ainsi que la possibilité de modifier ultérieurement la
convention.
Ensuite, le texte adopté par l'Assemblée nationale, le 7 avril dernier,
clarifie l'obligation de résidence commune pour les signataires du pacte civil
de solidarité. La solidarité des dettes à laquelle sont tenus les partenaires
d'un pacte civil de solidarité a, en conséquence, été étendue aux dépenses
liées au logement.
Quant au régime de l'attribution préférentielle de l'article 832 du code civil
qui a fait l'objet de vives critiques, il est désormais écarté pour les
exploitations agricoles, domaine dans lequel il se révèle, en effet,
problématique.
Enfin, dans un souci de protection des partenaires, les dispositions sur les
conséquences de la rupture du pacte civil de solidarité ont été modifiées pour
faire clairement apparaître la possibilité, pour le juge, d'allouer des
dommages et intérêts, conformément au droit commun de la responsabilité
civile.
Ces différentes modifications montrent amplement que l'Assemblée nationale ne
s'est pas inscrite, contrairement à ce qu'affirme la commission des lois du
Sénat, dans une démarche d'exercice solitaire du pouvoir législatif. Elle a
enrichi le texte initial alors qu'aujourd'hui vous refusez le principe même de
sa discussion.
L'Assemblée nationale n'a certes pas retenu la solution alternative que vous
aviez votée en première lecture.
M. Patrice Gélard,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
C'est
dommage !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Mais l'absence de cohérence globale du dispositif
proposé rendait impossible toute adhésion.
M. Jean Chérioux.
Votre présentation est manichéenne !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
C'est vous qui le dites !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Oui, non seulement je le dis, mais je l'affirme et je
le crois.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Vous avez tort !
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas la vérité pour autant !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Alors que le texte que vous aviez voté reconnaissait
clairement la diversité des modes de vie en commun en dehors du mariage, aucune
conséquence n'en était tirée quant à l'application d'un statut fiscal
privilégié.
De même, alors que vous refusiez cette forme de solidarité particulière que
constitue le pacte civil de solidarité, vous adoptiez des dispositions offrant
des avantages fiscaux à des personnes que n'unissent aucun lien affectif ni
même une communauté de vie.
Enfin, alors que vous condamniez le pacte civil de solidarité au nom de la
défense du mariage, vous permettiez à des concubins d'adopter contractuellement
un quasi-régime matrimonial.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
C'est une caricature !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cela montre, en réalité, qu'il n'y a pas de solution
alternative satisfaisante au pacte civil de solidarité.
Le débat est bien circonscrit : il s'agit soit d'adhérer au mécanisme du pacte
civil de solidarité...
M. Gérard Cornu.
C'est cela le dialogue !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... avec des améliorations toujours possibles, soit de
le refuser...
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
C'est ce que nous allons faire !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... en faisant fi ainsi de l'attente de millions de nos
concitoyens.
C'est au nom de ceux-ci que je vous demande, mesdames, messieurs les
sénateurs, de rejeter la question préalable et de poursuivre l'examen de la
proposition de loi créant le pacte civil de solidarité.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Patrice Gélard,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de
loi relative au pacte civil de solidarité nous revient aujourd'hui dans la
rédaction que l'Assemblée nationale a jugé bon d'adopter. Dès lors, il convient
de rappeler la nouvelle conception du pacte civil de solidarité tel qu'il
résulte de ses travaux.
Tout d'abord, l'Assemblée nationale a intégralement rétabli le pacte civil de
solidarité tel qu'elle l'avait conçu lors de la première lecture. Ensuite, elle
a supprimé la totalité des articles additionnels votés par le Sénat. Enfin,
elle a pris partiellement en compte un certain nombre de critiques émanant du
Sénat. Mais elle a aussi introduit des dispositions qui dénaturent encore
davantage ce texte, qui, dès le départ, nous avait paru non amendable et
inapplicable.
A l'article 1er, l'Assemblée nationale a rétabli le PACS.
A l'article 2 et à l'article 4, elle a rétabli l'imposition commune en ce qui
concerne l'impôt sur le revenu, d'une part, et l'impôt de solidarité sur la
fortune, d'autre part.
A l'article 4
bis,
elle a rétabli la qualité d'ayant-droit du
partenaire d'un PACS pour la sécurité sociale.
A l'article 5, elle a rétabli la possibilité de congés communs.
A l'article 5
bis,
les partenaires d'un PACS ne continueront plus de
toucher l'allocation de soutien familial. Il en est de même, à l'article 5
ter,
pour l'allocation veuvage.
A l'article 6, l'Assemblée nationale a rétabli l'attribution d'un titre de
séjour en France pour un étranger qui serait partenaire d'un Français dans un
pacte civil de solidarité.
L'article 9 prévoit la continuation du bail en cas de décès de l'un des deux
partenaires.
L'article 11, enfin, renvoie, pour l'application du pacte civil de solidarité,
à un certain nombre de décrets d'application.
En d'autres termes, l'Assemblée nationale a agi exactement comme si le Sénat
n'avait rien fait.
Elle a par ailleurs supprimé la totalité des articles additionnels adoptés par
le Sénat. Je serai très bref sur ce point, qui concerne surtout le volet
fiscal. Je laisserai en effet à M. Marini, rapporteur pour avis, le soin de
présenter ses remarques.
Néanmoins, indépendamment des articles 2
bis,
2
ter,
3
bis,
4
bis
A, 4
bis
B, qui mettaient en place toute une série de
dispositions fiscales reposant sur la solidarité, nous constatons que
l'Assemblée nationale a supprimé l'article 1 A, qui consacrait la liberté de la
vie personnelle, l'article 1 B, qui définissait le mariage, et l'article 1 C,
qui donnait la définition du concubinage, il est vrai pour en donner une
autre.
J'en viens maintenant aux diverses modifications apportées en deuxième lecture
au texte que l'Assemblée nationale avait adopté en première lecture. Elle a
tenu compte, dans une certaine mesure, de notre approche en prévoyant de faire
désormais figurer dans le code civil une définition du concubinage. Il s'agit,
selon l'Assemblée nationale, d'une union de fait caractérisée par une vie
commune présentant un caractère de stabilité et de continuité entre deux
personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple.
Cette définition, beaucoup plus complexe que celle que nous avions proposée,
est surprenante à biens des égards. Elle l'est, d'abord, si l'on tient compte
des observations pertinentes de Mme le ministre lors du débat au Sénat, selon
laquelle la première définition que nous avions envisagée - nous l'avions
corrigée après - risquait de permettre de reconnaître les mariés concubins.
Je suis donc désolé de constater que l'Assemblée nationale autorise les mariés
concubins. Il y aura les concubins et les mariés concubins !
M. Yves Fréville.
C'est la polygamie !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Dans les faits, chacun le sait, des hommes mariés vivent en
union libre avec d'autres personnes. Désormais, avec le texte de l'Assemblée
nationale, il sera possible d'être marié et concubin.
Mais il y a plus grave !
Chacun sait que, lorsque deux concubins décident de se voir reconnaître un
certain nombre de droits, ils vont à la mairie ou devant le juge demander un
certificat de concubinage. Ce ne sera plus possible puisque la définition du
concubinage est fondée sur deux éléments très précis, qui sont la continuité et
la stabilité. On ne pourra donc pas être reconnu comme concubin s'il n'y a pas
de continuité ni de stabilité du couple.
Je souligne au passage que les contractants d'un pacte civil de solidarité ne
seront pas astreints, eux, à la stabilité et à la continuité. C'est tout à fait
paradoxal : le PACS n'oblige ni à la continuité ni à la stabilité, alors que le
concubinage en fait obligation !
Mais poussons plus loin la logique.
Le système proposé par le Sénat, qui était un système clair, prévoyait le
concubinage - je reconnais que la définition qu'il en donnait était peut-être
insuffisante et qu'on aurait pu l'améliorer et il pouvait y avoir un contrat.
Mais le texte que nous a transmis l'Assemblée nationale et qui, demain,
deviendra la loi prévoit qu'il y aura l'union libre, les concubins, les
concubins mariés, les concubins pacsés, les pacsés et les mariés. Il y aura au
moins six régimes juridiques différents...
M. Alain Gournac.
C'est tout !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... avec, cette fois, la possibilité d'avoir en même temps le
statut de concubin et de marié, de concubin et de pacsé. Je crois que l'on
atteint là le sommet de l'aberration juridique !
M. Jean Chérioux.
De l'incohérence !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Lorsqu'on va dans cette direction, on donne une définition du
concubinage, qui est celle de la Cour de cassation quand il y a des litiges
extrêmement graves entre concubins qui se séparent.
Je sais bien que nos collègues du groupe socialiste du Sénat ont tenté
d'améliorer le texte voté par l'Assemblée nationale en proposant une autre
définition, qui est d'ailleurs meilleure.Mais ce n'est pas la bonne voie.
Une définition trop rigide, trop stricte du concubinage va engendrer une
nouvelle catégorie qui n'existait pas dans notre esprit, celle des concubins
non déclarés. Certains se cacheront en effet pour échapper à l'embrigadement
que représente cette définition extrêmement stricte que l'Assemblée nationale a
choisie.
Un sénateur du RPR.
C'est le cas de le dire !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
L'Assemblée nationale a également modifié quelque peu son
texte initial en prévoyant que le PACS est un contrat. Mais pourquoi dès lors
ne pas avoir intégré le PACS dans la partie du code civil portant sur les
contrats ?
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Il y a là une aberration.
C'est un contrat d'une nature un peu spéciale, un contrat qui déroge au droit
général des contrats, en matière de capacité à contracter et de
dénonciation.
Voilà qui est étonnant ! Pourquoi ne pas permettre aux mineurs émancipés, qui
ont le droit de contracter, de signer un pacte civil de solidarité ? Pourquoi
exclure de ce droit les majeurs sous tutelle alors qu'ils ont le droit de se
marier ? On pourrait multiplier les exemples à l'infini !
Pourquoi l'Assemblée nationale a-t-elle exclu du PACS certaines catégories,
notamment les frères et les soeurs ? De même, pourquoi retenir pour le PACS les
interdictions s'appliquant à la capacité de contracter un mariage en limitant
le droit de signer un pacte civil de solidarité à ceux qui ne sont pas alliés
ou apparentés jusqu'au troisième degré ? Cela n'a pas de raison d'être.
Si c'est un contrat, il faut lui appliquer les règles générales de capacité
contractuelle et non pas des règles spécifiques.
Le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale comporte évidemment d'autres
éléments, notamment dans le souci d'améliorer le système de l'inscription au
greffe, dont le caractère aberrant avait été dénoncé. On l'améliore, certes,
mais en obligeant les partenaires à déposer deux exemplaires du contrat qui
sera visé par le greffier.
Ce dernier se contentera d'ailleurs d'apposer un tampon et sa signature sans
vérifier le contenu du contrat.
A quel moment aura lieu la vérification de ce contrat qui va être enregistré
et qui donnera naissance, en fait, à un état civil
bis
?
Ne nous leurrons pas ! Puisque l'on n'a pas voulu faire enregistrer les PACS
par les services de l'état civil - le lien étroit que nous avions établi entre
le mariage et le PACS aurait été évident - on a établi auprès du greffe un état
civil
bis
.
Mais on a prévu une complication supplémentaire : chaque fois qu'une
modification interviendra, il faudra retourner devant le greffier, qui visera à
nouveau le contrat et apposera un tampon sur les deux exemplaires du
contrat.
Fort bien ! Mais, en réalité, il n'est procédé à aucune vérification quant à
la licéité du contrat.
Certes, on va tout de même exiger que le greffier vérifie la capacité à
contracter des partenaires. Mais c'est tout, et le contrat pourra prévoir
n'importe quoi !
De surcroît, dès lors que le greffier a visé les textes, le PACS devient
immédiatement opposable aux tiers. Mais comment les tiers seront-ils avisés de
l'existence d'un PACS ? A quel moment aura-t-il été procédé à la publicité
auprès des tiers ? Personne ne le saura. Tout dépendra de la bonne volonté des
partenaires du pacte.
Bien sûr, il y a la nécessité de la résidence commune. Mais j'aimerais bien
savoir exactement quelle sera la portée de cette obligation, puisque le
rapporteur de l'Assemblée nationale a dit et répété que résidence commune ne
signifiait pas cohabitation. On pourra donc avoir une résidence commune et
habiter chacun chez soi !
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
C'est la garçonnière officielle !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Il n'y a donc pas d'obligation de cohabiter, il y a
simplement obligation de déclarer un domicile commun, comme on déclare le siège
social d'une société.
Bien entendu, l'article 515-4 du code civil étend la solidarité pour dettes
aux dépenses relatives au logement commun, ce qui augmente, une fois de plus,
les possibilités de fraude, voire de travail non rémunéré.
Après tout, pourquoi ne pas signer un PACS pour avoir chez soi quelqu'un qui
fasse la cuisine, le ménage et le reste, puisqu'il ne sera pas nécessaire, à
partir de ce moment-là, de payer de salaire ou de charges sociales ?
(Rires
sur les travées du RPR. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Ce n'est pas un risque théorique !
M. Henri de Raincourt.
C'est une bonne idée !
M. Jean Chérioux.
L'URSSAF y perd !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
La fraude peut être répandue à partir de ces définitions.
Elle sera importante, il faut s'y attendre.
Bien sûr, on a amélioré - nous avions été suffisamment convaincants ! - les
dispositions de l'article 515-5 du code civil concernant l'indivision.
Désormais, l'indivision sera simplement présumée, et on propose des régimes
différents pour les meubles meublants, qui, à défaut de stipulation contraire
contenue dans le PACS, seraient soumis à l'indivision, et les autres biens dont
le régime découlera de l'acte d'acquisition précisant s'ils ont été achetés en
commun ou non.
Je note, au passage, que ces dispositions sur l'indivision sont prises en
parfaite violation avec le droit commun, qui précise que nul n'est tenu de
rester dans l'indivision.
M. Jean Chérioux.
Absolument !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
En ce qui concerne le PACS, la règle ne s'applique plus ! On
déroge donc au droit des contrats. C'est un contrat vraiment spécial qui
n'obéit à aucune des règles contractuelles habituelles de notre droit
français.
S'agissant de l'indivision, on est en train de créer, ni plus ni moins, des
statuts de propriété directement assimilables à certains contrats de
mariage.
On nous avait dit, au cours du débat devant le Sénat, qu'en réalité nous
allions proposer un système qui rappellerait les contrats de mariage. C'est ce
que fait l'Assemblée nationale, sans tenir compte de ce que nous avions dit
précédemment.
Bien entendu, l'article 515-6 du code civil prend en considération, là encore,
nos propositions sur les attributions préférentielles. On a exclu les
exploitations agricoles de cette possibilité. Pourquoi ne pas avoir exclu les
fonds de commerce ? Je me le demande encore.
L'attribution préférentielle n'avait vraiment de raison d'être que pour le
logement, mais elle ne se justifie pas, me semble-t-il, pour le reste, surtout
si l'un des deux partenaires a des enfants, qui exigeront, eux-aussi,
l'attribution préférentielle.
Nous en venons à ce fameux article 515-8 du code civil, selon lequel le juge
tranche les conséquences patrimoniales de la rupture, sans préjudice de la
réparation du dommage pouvant donner lieu à des dommages et intérêts. En
d'autres termes, on va instaurer, pour la rupture du PACS, une procédure
comparable à celle du divorce. Non, ce n'est pas possible ! On nous a dit que
le PACS était un contrat qui pouvait être dénoncé unilatéralement à tout
moment, avec un préavis de trois mois, c'est vrai, sauf quand on se marie.
Maintenant, on va aller devant le juge, qui examinera systématiquement la
réparation du dommage et, éventuellement, les dommages et intérêts. Pourquoi
d'ailleurs ne pas préciser la possibilité d'une pension à vie au cas où il y
aurait rupture abusive ?
On entre dans le divorce, ni plus ni moins !
Bien sûr, quelques améliorations méritent d'être soulignées.
Pourquoi établir un délai de carence en cas de succession ? Cette disposition
a été supprimée. On nous dit que cela ne touche pas la famille. Mais faut-il
rappeler que, dorénavant, le partenaire d'un PACS, en matière de succession,
profitera d'un abattement fiscal supérieur à celui des enfants légitimes, et
que le bénéficiaire du capital décès, en l'absence d'un conjoint issu d'un
mariage, sera le partenaire du PACS, et non pas les enfants ?
M. Jean Chérioux.
C'est incroyable !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
C'est un texte, nous l'avons dit non amendable, mal préparé,
mal ficelé, source de multiples difficultés juridiques et même pratiques.
Prenons un exemple tout simple. Ce qui va inciter les gens à signer demain un
pacte civil de solidarité, ce sont les avantages fiscaux prévus par le texte
adopté par l'Assemblée nationale. Mais quelle fragilité pour ces avantages
fiscaux ! N'importe quelle loi de finances pourra les supprimer d'un trait de
plume, d'une année sur l'autre. Il n'existe aucune sécurité en la matière ! En
conséquence, nous nous trouvons face à un marché de dupes en quelque sorte ! Je
vous l'ai dit dès la première lecture, la protection des partenaires est
illusoire et, en réalité, le plus faible sera toujours la victime.
On trouve dans le texte les lourdeurs et les inconséquences d'un état civil
bis
ainsi qu'une multiplication encore aggravée des risques de
fraude.
En fait, le vrai problème, c'est que nous ne pouvons pas nous entendre, car
nous ne parlons pas la même langue, madame le ministre !
Mme Dinah Derycke.
C'est vrai !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Celle de l'Assemblée nationale et celle que vous avez
développée consistent à dire une fois pour toutes que le PACS est nécessaire et
qu'il ne sera pas tenu compte de tout ce que nous raconterons.
Nous avons essayé une autre politique. Nous avons tenté de démontrer que le
PACS ne tient pas la route et nous en sommes toujours convaincus. Nous sommes
également convaincus que toutes les associations d'homosexuels sont contre le
PACS. Ils veulent autre chose ; ils nous l'ont dit. Ils l'acceptent faute de
mieux. Après tout, pourquoi refuser un sucre d'orge quand on vous le donne ?
Mais le vrai problème n'est pas là. Personne ne veut de ce texte. Par volonté
politique, la majorité de l'Assemblée nationale, suivie par le Gouvernement,
veut l'imposer. On ne joue pas à ce jeu. Quand on ne parle pas la même langue,
on laisse tomber.
Laisser tomber, cela ne veut pas dire renoncer à nos prérogatives de
parlementaire et de législateur. Cela veut dire qu'on ne peut pas jouer le jeu
que l'on veut nous imposer, que l'on ne peut pas accepter la démarche que l'on
veut nous imposer.
Nous aurions été prêts à revoir ce texte si le Gouvernement et l'Assemblée
nationale avaient fait un effort. Or, vous nous l'avez dit, madame le ministre,
le Gouvernement n'en fera pas, car il veut le PACS.
Vous le voulez, nous nous n'en voulons pas ; les choses sont claires. Nous
refusons un texte qui va conduire à plus de difficultés et qui ne résoudra
réellement aucun des problèmes de société que vous aviez mis en lumière lors de
votre intervention. C'est la raison pour laquelle je défendrai tout à l'heure
la question préalable.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
7
SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE
DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE DE SLOVÉNIE
M. le président.
Mes chers collègues, je suis heureux de saluer la présence, dans notre tribune
officielle, d'une délégation du Conseil national de la République de Slovénie
conduite par son président, M. Tone Hrovat.
Cette visite se déroule à l'invitation du groupe sénatorial d'amitié
France-Slovénie, que préside notre collègue Serge Vinçon.
Au nom du Sénat tout entier, je souhaite à cette délégation une très
chaleureuse bienvenue et je forme des voeux pour le succès de sa visite.
(Mme le garde des sceaux, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et
applaudissent.)
8
PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ
Suite de la discussion et rejet d'une proposition de loi
en deuxième lecture
M. le président.
Nous reprenons la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi (n°
310, 1998-1999), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, relative au pacte civil de solidarité.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur pour
avis.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame le
ministre, mes chers collègues, au cours de la première lecture de ce texte,
nous avons fait preuve de modération et d'esprit d'ouverture. Nous avons
montré, sur l'initiative de la commission des lois, que le Sénat connaît la
réalité sociale et qu'il recherche honnêtement les moyens de répondre à des
attentes qui existent, les moyens de résoudre les problèmes concrets rencontrés
dans la vie par telle ou telle catégorie de Français.
Au cours de cette première lecture, bon nombre de membres de notre majorité,
souvent en dépit de leurs convictions personnelles, se sont accordés pour
considérer qu'il ne faut pas confondre morale et politique, ni éthique
personnelle et loi commune. En vertu de ces principes et de cette approche,
nous avons donc souhaité la reconnaissance, dans le code civil, de l'existence
du concubinage. Nous avons considéré que cela constituait une solution simple
et souple, qui, assortie de certains aménagements ponctuels de la fiscalité,
pouvait apporter aux intéressés autant de sécurité que le pacte civil de
solidarité, tout en respectant mieux leur liberté.
Comme vous le savez, mes chers collègues, la majorité de l'Assemblée nationale
n'en a pas voulu, s'enfermant dans une vision très manichéenne des choses. Elle
a notamment écarté, sans véritable examen, nos propositions fiscales, ajoutant
à cette attitude de principe des commentaires qui sont inusuels, et même
nettement discourtois dans le rapport écrit de M. Jean-Pierre Michel. Face à un
discours réaliste dans le diagnostic, à une approche pragmatique dans la
méthode - qui était la volonté du Sénat - nous avons donc perçu en retour un
dogmatisme, un certain mépris, une volonté de caricature ou, en tout cas, de
déformation de nos propos.
Je reviendrai très brièvement, mes chers collègues, sur les questions d'ordre
général avant de traiter, cursivement, des aspects fiscaux du problème.
La commission des lois nous avait incités, et la commission des finances
l'avait suivie, à faire preuve d'esprit d'ouverture et d'innovation. Nous
pensons avoir été réalistes en considérant que près de 5 millions de Français
vivant en dehors des liens du mariage et un enfant sur deux naissant de parents
non mariés, il fallait en effet entourer d'un minimum de sécurité juridique de
telles situations.
Nous avons été, du moins le croyons-nous, pragmatiques en nous efforçant de
répondre, sans considérations idéologiques, à des problèmes concrets que
rencontrent les concubins, tels que le droit au bail ou la transmission d'une
résidence principale commune.
Nous avons été novateurs, du moins je l'espère, en proposant, notamment, de
rendre possible un legs électif et de développer davantage toutes les formes de
solidarité, car l'Etat, mes chers collègues, ne peut être partout, ne peut tout
faire, et notamment ne peut se substituer à tout moment à l'initiative privée
et aux solidarités familiales et affectives.
Par rapport à cela, bien sûr, il est des perspectives que nous avons fermement
refusées.
Nous refusons la confusion des valeurs, en particulier lorsqu'il s'agit de
valeurs tout à fait fondamentales, voire fondatrices de notre société.
Madame le ministre, constamment, dans ce débat, et encore tout à l'heure dans
votre intervention à cette tribune, vous opposez la famille au couple en
prétendant nous faire légiférer sur le couple, en oubliant et en ignorant la
famille et les enfants, sa justification même.
Aujourd'hui, nous dites-vous, le sujet est le couple et tout ce qui a trait à
la famille est donc hors sujet. Et c'est bien ce qui nous sépare. Aussi est-ce
pourquoi, madame le ministre, au-delà d'un certain point, le dialogue ne
saurait se poursuivre. Pour nous, le couple, s'il ne se réduit pas à la
famille, ne peut, pour la plupart de nos concitoyens, être conçu et traité
complètement en dehors d'elle, voire en opposition par rapport à elle.
Nous avons des convictions. Ces convictions, que nous avons maintes fois
exprimées, portent sur une certaine vision que nous avons de la société, de
l'intérêt du pays et de son avenir. Les membres de la majorité sénatoriale
n'ont en rien l'intention de transiger avec elles.
Il est une hiérarchie des valeurs ; il est une hiérarchie des fonctions, qui
s'en déduit, entre le mariage, institution de l'Etat républicain, et l'union
libre, qui est un choix de vie résultant de décisions d'ordre privé ne
regardant pas l'Etat.
Le souci du Sénat a été, tout en confirmant cette hiérarchie des valeurs et
des fonctions, de respecter pleinement la liberté de chacun de mener sa vie
privée comme il l'entend, sans être induit à prendre quelque décision que ce
soit par l'intervention de l'Etat.
Nous nous sommes voulus pragmatiques. Nous l'avons montré par la série de
retouches ponctuelles que nous avons préconisées au sein du code général des
impôts. Ce fut l'apport plus particulier de la commission des finances du
Sénat.
Face à ce langage de raison, que nous a répondu l'Assemblée nationale ? Ses
rapporteurs ont dit que nous étions dans la démesure. J'ai même lu, dans le
rapport écrit de M. Jean-Pierre Michel, que les idées que je défendais étaient
marquées par l'
ubris
, mot grec, qui, dans la tragédie antique,
signifiait la démesure qui s'emparait des héros que les dieux voulaient perdre.
Merci, monsieur Michel, de bien vouloir considérer que nous sommes inspirés par
les dieux !
Mes chers collègues, je vous prie de le croire, la démesure est plutôt de
l'autre côté, du côté du Palais-Bourbon, ou au banc du Gouvernement, madame le
ministre.
M. Jean Chérioux.
Eh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
En effet, où est la démesure ? Est-ce dans un
ensemble de propositions concrètes de nature à répondre aux besoins divers des
couples et des familles, en premier lieu des fratries aujourd'hui laissées de
côté ?
N'est-ce pas plutôt dans le projet que vous présentez comme un remède miracle
que tout le monde attend ? Je ne résiste pas au plaisir de citer un passage
significatif du rapport de l'Assemblée nationale : « La commission préfère une
réponse globale qui apporte des solutions juridiques complètes, claires,
coordonnées, assumées à ceux et celles qui ne veulent ou ne peuvent se marier.
» C'est bien là la différence fondamentale : l'Assemblée nationale a un
système, elle est manichéenne ; nous ne sommes pas dans son système, nous
devons être rejetés avec nos thèses. Nous n'avons pas le droit de nous opposer
à ce « politiquement correct » vu par l'Assemblée nationale et par le
Gouvernement.
Enfermés dans ces oeillères, les promoteurs du PACS sont, naturellement,
convaincus d'être porteurs de la vérité. Nous, nous ne le sommes pas, nous nous
efforçons d'avancer tranquillement, méthodiquement et avec raison sur une route
délicate, semée d'embûches, qui est celle de la solution des problèmes concrets
que l'on rencontre dans la vie de tous les jours, et cette approche refuse
l'esprit de doctrine.
Cela est particulièrement visible s'agissant des aspects fiscaux du PACS, que
j'aborde à présent.
L'Assemblée nationale a réservé un sort totalement négatif à toutes nos
propositions fiscales, aimablement qualifiées de « bref catalogue de mesures
sur le thème des solidarités » de « simple échantillonnage », et
systématiquement présentées comme « n'ayant pas leur place dans la discussion
de la proposition de loi ».
La commission des finances s'élève, bien entendu, contre ces appréciations, et
elle continue à penser que le legs électif est une démarche importante de
solidarité ; elle continue à penser qu'il est raisonnable et équitable
d'étudier le rattachement au foyer fiscal de leurs parents des enfants majeurs
demandeurs d'emploi et pas seulement des enfants étudiants.
Tout cela a été écarté du revers de la main, de même que la simple
actualisation du barème de la tontine, qui, nous a-t-on dit, ferait courir des
risques de fraude fiscale. N'est-il pas étonnant, mes chers collègues, de voir
utiliser un tel argument alors qu'à la vérité - nous en avons fait la
démonstration et nous sommes en mesure de reprendre à tout moment cette
démonstration - c'est, au contraire, le PACS qui est un instrument
d'optimisation fiscale massive pour certaines catégories de contribuables ?
Pour achever ce propos, je vais revenir sur deux questions qui me paraissent
essentielles et que j'avais évoquées en ma qualité de rapporteur pour avis de
la commission des finances, en première lecture : en premier lieu, combien va
coûter le pacte civil de solidarité ? En second lieu, à qui vont profiter les
avantages fiscaux dont est assorti le PACS ?
Est-il incongru de s'interroger sur le coût du PACS ? A lire le rapporteur de
l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre Michel, on le croirait, mais on pourrait
aussi se demander quel est le rôle des parlementaires, si ce n'est autoriser le
financement des charges publiques.
Certes, il est vrai que, prise à la lettre, l'ordonnance organique relative
aux lois de finances ne vise pas les propositions de loi lorsqu'elle pose
l'obligation de chiffrage.
Mais, madame le ministre, s'agit-il bien encore d'une véritable proposition de
loi ? C'en est une de par l'initiative et la procédure, mais ce n'en est plus
une, et depuis longtemps, quant au fond, en raison du contrôle étroit exercé
sur toute cette discussion par le Gouvernement. Combien de gages avez-vous
levés en acceptant tel ou tel amendement ? Combien de modifications avez-vous
inspirées ou dictées ? Ne s'agit-il pas plutôt, comme nous l'avions soupçonné
depuis longtemps, d'un moyen détourné pour éviter en particulier le passage
devant le Conseil d'Etat, afin d'imposer plus rapidement, et avec peut-être
moins d'obstacles, la vision manichéenne qui est la vôtre ?
En ce qui concerne le chiffrage, j'adopte la même position, hélas ! mes chers
collègues, que lors de la première lecture.
Pourtant, le 22 février, j'ai demandé la collaboration du service de la
législation fiscale. Le 11 mars, j'ai confirmé par l'envoi d'un questionnaire
très précis le cadre dans lequel nous voulions raisonner. Le 21 avril, le
président de la commission des finances, Alain Lambert, a réitéré des questions
extrêmement précises. De tout cela, il n'a été nullement tenu compte, et je ne
dispose aujourd'hui, mes chers collègues, d'aucun élément de plus que lors de
la première lecture pour chiffrer l'impact de ce pacte sur les finances
publiques.
S'il ne fallait qu'une seule raison pour refuser de continuer à discuter d'un
tel texte, je crois que nous en disposerions déjà avec cette absence complète
de prise en compte des aspects budgétaires, qui ne seront certainement pas
négligables, tels que les simulations intuitives peuvent le montrer.
Il est véritablement choquant, mes chers collègues, du point de vue de
l'exercice des droits du Parlement, de voir le peu d'empressement, et c'est une
litote ! mis par le ministère des finances à répondre à nos demandes, ce qui
n'était pourtant que la moindre des choses.
J'en viens à ma seconde question : à qui vont profiter les avantages fiscaux
dont le PACS est assorti ?
Je me permettrai de le répéter : la mécanique fiscale et arithmétique est là
pour montrer que le PACS profite d'abord aux couples aisés dont les deux
membres présentent de fortes disparités de revenus. Il ne suffit pas pour
esquiver le problème de faire comme M. Michel et de se contenter de dire que le
régime fiscal du PACS n'est pas autonome et qu'il ne fait que reproduire les
avantages et les défauts du système français.
Faire des avantages consentis aux familles l'origine du caractère prétendument
inégalitaire de notre système fiscal, c'est précisément méconnaître les
motivations et les principes de base de la politique familiale.
De ce point de vue, mes chers collègues, le quotient familial n'est pas un
avantage que l'on octroierait aux familles, c'est la compensation de charges
supplémentaires assumées par lesdites familles dans l'intérêt de la société.
M. Jean Chérioux.
Absolument !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Le quotient conjugal auquel donne implicitement
accès le système du quotient familial n'est, à cet égard, que l'effet d'une
présomption de projet familial dont on peut faire bénéficier tout couple
marié.
La conviction que j'exprime ici, selon laquelle le PACS n'est en définitive
qu'un simple instrument d'optimisation fiscale, sort renforcée de l'examen du
texte en seconde lecture par l'Assemblée nationale.
Cet examen comporte désormais non seulement le PACS mais la reconnaissance du
concubinage dans le code civil, comme en a fait état notre collègue, M. Patrice
Gélard. A la question de savoir si le PACS apporte un plus par rapport au
concubinage, la réponse est simple, mes chers collègues.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Les avantages fiscaux !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Il apporte des avantages fiscaux. Cela suffira-t-il
à assurer le succès de la formule ? Nous en jugerons dans quelque temps, madame
le ministre.
Pour ma part, j'aurais tendance à dire que ce nouveau statut a peu de chances
d'intéresser les tenants de l'union libre, qui est bien souvent un état
transitoire, et qu'il ne pourra vraiment se développer qu'au détriment du
mariage, dès lors que lui seront attachés des avantages fiscaux à peu près
équivalents : il conférera presque autant d'avantages que le mariage, mais
tellement plus de souplesse !
D'ailleurs, nous observons dès maintenant - et nous allons observer
certainement dans les semaines qui viennent - le développement de toutes sortes
d'articles dans le style « le PACS, mode d'emploi » pour indiquer à tout un
chacun comment opérer avec les nouveaux instruments qu'une partie du pouvoir
législatif a la faiblesse de transcrire dans le code civil et le code général
des impôts.
Oui, sans doute, certains couples modestes bénéficieront du nouveau régime,
mais vous ne m'ôterez pas de l'idée que les principaux bénéficiaires de
l'imposition commune resteront des couples aux ressources élevées mais aux
revenus très dissemblables.
En définitive, le sentiment que j'exprime, au nom de la commission des
finances, est que ce statut n'intéressera que relativement peu de couples,
compte tenu des expériences étrangères auxquelles nous avons accès,...
Mme Nicole Borvo.
Alors, il n'y a pas de problèmes !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... mais qu'en revanche - et ne vous exprimez pas
trop sur le plan de l'équité ou de la justice sociale, mes chers collègues ! -
un petit nombre de couples y trouvera de gros avantages.
M. Jean Chérioux.
Eh oui, toujours les mêmes !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... et seul le bilan
ex post
que l'on
établira en 2003 ou en 2004 permettra de corroborer ce point de vue que je vous
livre, mes chers collègues, et dont, dans quelques années, nous pourrons
vérifier la véracité.
Dans ces conditions et pour toutes ces raisons, considérant, madame le
ministre, que pour dialoguer il faut être deux...
M. Jean Chérioux.
Oui.
M. Guy Allouche.
Au moins.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... et qu'il faut disposer d'un langage commun et
d'un minimum de bonne foi, ce dont je ne retrouve la trace ni dans les propos
du Gouvernement ni dans ceux des commissions de l'Assemblée nationale, la
commission des finances a décidé, à la majorité, de se joindre à la motion
opposant question préalable déposée par la commission des lois, motion qu'elle
vous recommande, mes chers collègues, de voter massivement.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Bel.
M. Jean-Pierre Bel.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition
de loi relative au pacte civil de solidarité, que nous examinons pour la
deuxième fois, nous oblige, d'une certaine manière, à revenir sur notre vision
du monde dans lequel nous vivons et, en même temps, à mieux évaluer la place de
l'Etat face à ses bouleversements. Les commentaires que la proposition de loi a
suscités, ainsi que la nature de nos débats antérieurs suffisent à nous en
persuader.
Il s'agit bien d'un texte par lequel la représentation nationale se doit de
mériter son nom : représenter l'ensemble de nos concitoyens, sans oublier
personne, et exprimer un choix pour l'orientation de la société que nous
voulons pour nos enfants.
En un mot, il nous appartient de traduire l'intérêt général, au-delà des
clivages partisans ou des particularismes personnels, autrement que par simple
addition des intérêts individuels.
Cette proposition de loi constitue un véritable progrès dans le sens d'une
société tolérante et plus libre..
En effet, ce texte ne comporte rien qui porte atteinte aux intérêts matériels
de telle ou telle catégorie sociale ou professionnelle, rien qui mette en
difficulté quiconque dans sa vie privée, rien qui entrave l'exercice des
libertés individuelles, rien non plus qui réduise les devoirs de chacun à
l'égard des autres, rien enfin qui nous détourne du principe d'égalité. Au
contraire, on perçoit dans ce pacte civil l'expression d'une vision des
relations humaines du rôle de la puissance publique dans la vie quotidienne des
Françaises et des Français qui renforce l'idée républicaine en s'appuyant sur
ses principes mêmes.
M. Jean Chérioux.
Vous avez dit : « républicaine » ?
M. Jean-Pierre Bel.
C'est donc avec cette grille de lecture, selon l'idée que je me fais, oui, de
la République et de la cohésion nationale, que j'aborde ce texte.
L'institution du mariage s'est appuyée sur la construction progressive du
concept de la famille telle qu'elle s'est forgée au cours de notre histoire, de
la même façon qu'il y a, par exemple, une définition de la commune qui émane de
la géographie des paroisses.
L'une et l'autre sont des legs de l'histoire, et sont respectables à ce titre.
Mais, pour le mariage comme pour la commune, le temps qui passe et la
République ont apporté leur lot de modifications, correspondant à ce qu'il est
naturel d'appeler l'éthique républicaine et qui repose sur la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen.
La République a eu la sagesse de laisser aux religions l'idée de sacrement, de
relation intemporelle, de lien entre la condition humaine et l'éternité. Ainsi,
en matière de mariage, l'Etat républicain n'administre pas une sorte de
sacrement
bis
: il dit simplement les droits que confère l'acceptation
des devoirs.
La version du PACS qui nous revient en deuxième lecture a été enrichie et
épurée par le travail parlementaire de nos deux assemblées.
M. Jean Chérioux.
C'est l'épuration technique !
M. Jean-Pierre Bel.
Au-delà des oppositions de principe, je me réjouis que les débats, au Sénat
comme à l'Assemblée nationale, aient apporté des éléments, tant techniques
qu'éthiques, permettant que nous soit soumise aujourd'hui une proposition plus
claire, mieux définie sur le plan juridique, davantage conforme aux situations
auxquelles la loi doit apporter une réponse.
Le travail du Sénat, à sa façon, a éclairé le débat, même s'il a débouché sur
un refus global de la première version du PACS.
L'Assemblée nationale a clarifié - comme, d'ailleurs, le groupe socialiste du
Sénat l'avait proposé - la question des fratries et adopté un certain nombre
d'amendements de nature à rendre le texte véritablement opératoire.
A propos du mariage, institution républicaine, et de la famille, je ne
reprendrai pas les arguments développés par madame la garde des sceaux, mais je
souhaite modestement vous dire mon intime conviction : aujourd'hui, que l'on se
trouve dans mes villages d'Ariège ou n'importe où en France, on se marie plutôt
par amour que pour développer la propriété familiale ; en tout cas, le mariage
réduit à l'acte notarié n'est plus de mise.
M. Jean Chérioux.
C'est du code civil qu'il est question !
M. Jean-Pierre Bel.
Aussi ai-je la faiblesse de croire que nos concitoyens distingueront ce qui
relève d'un contrat sécurisant de ce qui constitue l'acte solennel fondateur de
la famille.
M. Guy Allouche.
Très bien !
M. Jean-Pierre Bel.
Madame la garde des sceaux a, me semble-t-il, répondu fort clairement : le
PACS est un contrat ; il est neutre au regard du droit de filiation, de
l'adoption, de la procréation médicalement assistée et de l'autorité
parentale.
Non, vraiment, cet argument du danger pour la famille et pour le mariage ne
vaut guère si par mariage on entend l'institution laïque, protectrice du droit
des conjoints et de leur filiation et non pas le sacrement religieux, qui est
un engagement d'une tout autre nature.
Mme Dinah Derycke.
Tout à fait !
M. Jean Chérioux.
C'est une obsession ! Ce n'est pas le problème !
M. Jean-Pierre Bel.
On a les obsessions que l'on peut, mon cher collègue !
Désormais, la nécessité de légiférer sur la situation du couple indépendamment
de sa vocation procréatrice est posée et, me semble-t-il, acceptée par tous, en
tout cas par une très large fraction de l'opinion publique.
Bien sûr, la majorité de cette assemblée aurait préféré des modifications
éparses, dans les cadres légaux existants ; bien sûr, elle préférerait se
borner à une définition, bien imprécise du reste, du statut du concubinage.
Pour autant, l'existence de couples, non mariés et de couples homosexuels, qui
doivent pouvoir envisager leur vie sous la protection des lois de la
République, est admise.
C'est, à mes yeux, un progrès irréversible, par quoi la représentation
nationale dans son ensemble se rapproche des aspirations de nos concitoyens,
lesquels, dans leur majorité, attendent de l'Etat qu'il protège leur vie
privée, pas forcément qu'il leur fasse la morale.
En première lecture, la majorité sénatoriale a donc construit son rejet du
texte sur deux aspects : la supposée remise en cause de la famille et du
mariage - je viens d'en parler - et l'inutilité d'un cadre légal
supplémentaire, auquel elle préférait une modification du statut du
concubinage.
Toutefois, l'accent mis sur ce point au Sénat aura permis de revenir
opportunément sur la question du concubinage.
Jusque-là, le concubinage n'était admis par la jurisprudence que comme une
cohabitation de fait, stable et durable, ayant l'apparence du mariage.
L'inscrire dans la loi comme « le fait pour deux personnes de vivre en couple
sans être uni par les liens du mariage », vous en conviendrez, n'apporte pas de
grandes révélations, pas de nouveaux repères puisqu'on s'en remet frileusement
à la subjectivité des juges quant à la reconnaissance du couple homosexuel.
Lors de la séance du 18 mars, notre éminent collègue Robert Badinter, à qui je
souhaite, aujourd'hui encore, rendre hommage pour le travail qu'il a accompli
en faveur de la reconnaissance des libertés, a simplement demandé, au nom du
groupe socialiste, d'ajouter cinq mots à l'amendement : « ... quel que soit
leur sexe ». Cela lui a été refusé.
C'est pour cette raison, mais aussi pour apporter, comme le demandait monsieur
le rapporteur, plus de rigueur dans la rédaction du texte qui nous est soumis
que nous proposons, par un nouvel amendement, d'inscrire à l'article 518-8 du
code civil : « Le concubinage est une union de fait, attestée par une
communauté de vie stable et continue, entre deux personnes de sexe différent ou
de même sexe. »
Cette formulation me semble à la fois plus nette et plus simple que celle
qu'ont retenue nos collègues députés. Elle a le mérite de lever toute ambiguïté
sur l'intention du législateur, et elle ne devrait pas rencontrer d'opposition
puisque notre rapporteur, M. Patrice Gélard, a indiqué le 18 mars que la
majorité sénatoriale englobait, dans sa proposition, les couples homosexuels et
hétérosexuels. Il l'a indiqué, mais ne s'est pas résolu à en imposer
l'inscription.
J'en viens aux cinq améliorations significatives apportées par l'Assemblée
nationale.
Tout d'abord, il était en effet important de définir le PACS comme un contrat,
et ce afin de l'inscrire dans un système juridique précis.
La distinction entre la déclaration de PACS et la convention passée entre les
signataires me semble également être un facteur de clarté supplémentaire.
Par ailleurs, il était nécessaire de lier à l'obligation de résidence commune
la solidarité des dépenses de logement.
En outre, nous confirmons que l'application du régime de l'attribution
préférentielle de l'article 832 du code civil est trop large : la spécificité
du régime des exploitations agricoles le rendrait inapplicable en cas de
dissolution du PACS.
Enfin, la disposition relative à la liquidation des droits et obligations
pécuniaires des signataires, en cas de rupture, avec possibilité donnée au juge
d'allouer des dommages et intérêts, va dans le sens qui convient, pour une
meilleure protection des personnes.
En conclusion, je veux simplement répéter les raisons pour lesquelles il me
semble utile de voter la proposition de loi qui nous est soumise.
Fondamentalement, l'existence du texte se justifie en ce qu'il apporte une
reconnaissance du couple stable, acceptant d'inscrire sa relation dans la durée
sur un principe d'assistance mutuelle. A cela des mesures éparses, disséminées
dans les dispositifs juridiques existant, ne sauraient répondre.
Concrètement, tous les aspects du texte qui pouvaient prêter à confusion, qui
pouvaient laisser craindre à certains une interférence avec l'institution du
mariage et les droits propres au statut de la famille ont été gommés.
Par ailleurs, une requalification du concubinage comme situation de fait
concernant les couples homosexuels et hétérosexuels est de nature à compléter
le dispositif.
Le PACS apparaît aujourd'hui comme une véritable avancée sociale, comme un
dispositif nécessaire ; le débat auquel il a donné lieu, de bonne qualité dans
l'ensemble, marqué du sens des responsabilités, montre qu'il s'agit bien d'un
droit nouveau. Il est une avancée vers plus de justice sociale pour celles et
ceux qui sont, encore aujourd'hui, confrontés à de graves discriminations.
Mers chers collègues, qu'on le regrette ou qu'on s'en félicite, au moment où
nous en débattons, le PACS est largement entré dans les moeurs ; d'une certaine
manière il est presque assimilé avant de naître. Pourtant, rarement semblables
dispositions auront donné lieu à de tels procès d'intention, à de telles
vertueuses levées de bouclier, le plus souvent sans aucun rapport avec la
réalité du texte.
Mais cela est déjà derrière nous, et personne n'a envie aujourd'hui de revenir
à ces passes d'armes dérisoires, qui cachaient des angoisses et des inquiétudes
véritables, que nous ne sous-estimons pas, mais dont nous pensons qu'elles
étaient disproportionnées par rapport à ce qui nous est proposé.
Ce qui nous est proposé n'est ni plus ni moins que l'adoption d'une loi
nouvelle permettant à chacun de construire librement son existence ; c'est une
nouvelle étape sur une ligne faite de siècles de combat, un combat qui
n'appartient à personne, si ce n'est à des hommes et bien souvent à des femmes
qui avaient du couple l'idée d'une union libre et consentie entre deux êtres
égaux en droits et en devoirs.
Il nous revient, en cet instant, de répondre en toute indépendance à des
questions qui sont au coeur du sujet.
Après le mariage civil, après l'émergence du concubinage, après la
dépénalisation de l'homosexualité, sommes-nous d'accord pour accepter de
franchir un nouveau pas, pour considérer qu'il y a de la place pour de
nouvelles avancées de la loi dans le sens de l'égalité, dans le souci de
concilier les libertés individuelles et une organisation collective de la
société mieux en phase avec les aspirations nouvelles qui émergent ?
Parce que ces questions sont des questions de fond, qu'elles font appel à la
conscience de chacun, bien évidemment, nous nous devons de respecter les
réponses qui sont apportées et de refuser la caricature.
Mais, dans le même temps, vous nous permettrez, mes chers collègues, de
soutenir et de revendiquer avec fierté un texte équilibré, responsable,
moderne, qui donnera plus de confiance et de dignité à des centaines de
milliers de couples qui ne veulent ou ne peuvent se marier. Ceux-là nous
regardent, ceux-là attendent beaucoup de nous, et c'est pourquoi le groupe
socialiste, sans ambiguïté et sans états d'âme, mais avec la volonté de se
tourner délibérément vers l'avenir, votera le texte qui nous est présenté.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le
texte qui revient aujourd'hui au Sénat reprend globalement les dispositions
issues des travaux de l'Assemblée nationale en première lecture et rejetées par
le Sénat.
Notre assemblée avait retenu, en première lecture, une autre logique, en
définissant le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme célébrée par un
officier d'état civil - à l'époque de la rédaction du code civil, la mention «
d'un homme et d'une femme » n'était pas nécessaire, car cela allait de soi dans
les esprits - et en constatant par ailleurs dans la loi l'existence du
concubinage, c'est-à-dire le fait, pour deux personnes, de vivre en couple.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a décidé de cumuler les deux
statuts, PACS et concubinage, en apportant toutefois des modifications.
Dès le départ, vous n'avez pas caché, madame le garde des sceaux, que vous
vous opposeriez aux amendements du Sénat et feriez rétablir le texte voté par
l'Assemblée. C'est un déni de débat démocratique, et il est d'autant plus
étonnant que vous venez de plaider pour la confrontation des idées !
Pourtant, le rôle du Sénat est bien d'apporter réflexion et sérénité face aux
mouvements d'opinion. Cet apport trouve sa pleine mesure lorsqu'il s'agit
d'aborder les grands problèmes de société, et le Sénat sait, lorsqu'il le faut,
prendre en compte les évolutions des moeurs et de la vie collective, ainsi que
les avancées de la science.
Il l'a fait, par exemple, lors du vote de la loi sur l'interruption volontaire
de grossesse et des lois sur la bioéthique, et la navette entre les deux
assemblées a considérablement amélioré les textes.
Il est d'ailleurs remarquable que, sur de tels sujets, les votes aient dépassé
les traditionnels clivages politiques.
Pourquoi ici une telle obstination à faire passer un texte dont on sait bien
qu'il est loin de recueillir dans vos propres rangs une approbation massive
?
Je me souviens, vous aussi certainement, d'avoir lu dans
Le Monde
daté
du 27 janvier dernier un article intitulé « Ne laissons pas la critique du PACS
à la droite », signé évidemment de personnalités réputées de gauche.
Après avoir relevé un certain nombre d'incohérences dans un texte « mal pensé
», les auteurs concluaient ainsi : « Pourquoi s'entêter à vouloir résoudre un
problème qui exige la clarté » - nous sommes tous d'accord là-dessus - « par
une solution non seulement confuse mais aussi perverse, parce que
contradictoire, et risquant de créer beaucoup plus de situations problématiques
qu'elle n'en n'évitera ? »
Manque total de logique, confusion, effets pervers, tel est bien, en effet, le
contexte dans lequel s'inscrit le PACS.
Vous affirmez, madame le garde des sceaux, que ce texte ne concerne que le
couple et qu'il n'y a aucun lien avec la famille ni avec l'enfant. C'est
justement ce que nous déplorons !
Pardonnez-moi le côté peut-être trop direct de mon propos, mais une telle
affirmation ne peut procéder que d'une certaine hypocrisie ou plutôt - j'espère
- de l'inconscience. Comment, en effet, établir une cloison étanche entre
couple et famille, peut-on se demander avec Evelyne Sullerot ?
Dans une société de plus en plus égoïste qui perd de vue les notions de durée
et d'engagement, il ne faut pas nier que le mariage et la famille sont en
crise. Mais il faut aussi reconnaître - et vous l'avez fait - que l'instabilité
qui en résulte provoque des maux graves qui s'appellent incivilité - quel
euphémisme ! - violence, rébellion, surtout négative, souffrance psychologique
pour n'en citer que quelques-uns.
Face à cette réalité, on nous propose un « contrat non pas de solidarité, mais
de plaisir qui n'apporte rien en matière de protection du plus faible », pour
citer encore Evelyne Sullerot. C'est exactement le contraire de ce qu'il faut
faire, le rôle de l'Etat étant justement de préserver les droits du plus
faible.
On l'a dit et répété, un statut social ne peut être reconnu à une relation
privée que dans la mesure où cette relation implique des responsabilités dans
la société. Pour un couple, il s'agit d'assumer la charge irréversible de la
parenté à venir, c'est-à-dire des enfants, assurant ainsi la pérennité de cette
société.
Si l'on peut divorcer, c'est, en revanche, toute la vie que l'on reste parent,
avec les droits et obligations afférents.
C'est pourquoi l'échec éventuel d'un mariage doit rester un acte social
organisé et prononcé, comme le mariage, par un tiers qui veillera à assurer la
protection des plus faibles et, autant que faire se peut, l'avenir des
enfants.
Si l'on peut envisager de donner un appui aux couples non mariés, c'est-à-dire
aux concubins, c'est non pas pour donner un statut à ceux qui ne veulent pas de
reconnaissance, au moins pour les couples hétérosexuels, mais pour procéder à
une adaptation mesurée des règles de dévolution successorale, de pression
fiscale, de protection sociale aux individus tels qu'ils sont en vue de
réorganiser les solidarités en fonction, notamment, des réalités que sont la
monoparentalité, les divorces, les recompositions familiales, la procréation
médicalement assistée, l'allongement de la durée de la vie.
Certes, il faut adapter les mesures législatives techniques à ces situations
de fait.
Il est tout à fait possible, par exemple, d'aménager les dévolutions
successorales, de concevoir une plus grande liberté de tester, accompagnée de
mesures fiscales qui ne soient pas confiscatoires, sans pour autant remettre en
question la nature intangible de la filiation, mais il est tout aussi impératif
de ne pas oublier dans nos choix politiques le principe fondamental qui est,
pour l'Etat, la gestion de l'avenir.
Une expression fort en vogue dans un tout autre domaine me vient à l'esprit,
celle de « développement durable », et Dieu sait si nous en entendons parler !
Il me semble qu'elle peut aussi s'appliquer aux relations sociales et que la
priorité pour l'Etat est de préserver un ensemble cohérent de règles de droit,
pour le droit de la famille en particulier.
Les sociologues et les juristes s'accordent pour constater que le PACS, qui
reprend les souhaits émis par quelques groupes de pression très actifs et très
présents médiatiquement, n'a fait l'objet, en réalité, d'aucune étude sérieuse
quant à ses conséquences juridiques, sociales et économiques ; nos rapporteurs
les ont largement décrites. En revanche, vont se créer immanquablement des
situations insupportables qui donneront lieu à des contentieux sans fin.
Pour conclure, je citerai un passage du dernier rapport public du Conseil
d'Etat : « L'idée d'un Etat conçu comme principe éminent, tout entier tendu
vers l'unité de la volonté collective, garant de l'intérêt général face à la
diversité des intérêts de la société civile, est contrebattue par l'évolution
générale des démocraties contemporaines, qui tend à promouvoir la diversité et
la pluralité des intérêts, aux dépens du primat des valeurs communes. Les
ressorts de la politique moderne font plus de place aux intérêts de l'individu
qu'à ceux de la société. » Nous sommes en effet exactement dans ce cas de
figure.
Dans le débat d'aujourd'hui, l'intérêt commun, c'est la cohérence de la
société et sa pérennité, ce qui justifie une politique de la famille qu'il est
impossible de dissocier des textes que nous étudions à l'heure actuelle.
Compte tenu de l'ensemble de ces considérations, notre commission des lois est
parfaitement fondée à refuser la poursuite du débat ; en conséquence, je
voterai la motion tendant à opposer la question préalable.
(Applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Arnaud.
Bravo !
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues,
c'était avec un intérêt non dissimulé que nous nous apprêtions à débattre, en
seconde lecture, du texte relatif au PACS, que les députés de la majorité
plurielle ont rétabli, voire amélioré. Mais tel n'a pas été le choix opéré par
nos collègues de la majorité sénatoriale de droite, notamment par M. Gélard,
rapporteur de la présente proposition de loi, qui défendra dans quelques
instants une motion tendant à opposer la question préalable pour décider qu'il
n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur ce texte. Il va sans dire que
nous nous prononcerons contre cette motion de procédure, sans pour autant
douter de l'issue qui lui sera réservée.
Cela dit, l'attitude de la droite sénatoriale est singulière à plusieurs
égards.
Vous avez, chers collègues, tout fait, en première lecture, pour esquiver le
débat de fond, rejetant en bloc le dispositif du PACS et glissant sur le
terrain de la famille, du mariage et du concubinage, allant même jusqu'à donner
une définition du mariage. Quelle audace !
Vous avez cherché à brouiller les données du débat.
Vous avez, d'une part, catégoriquement refusé de définir clairement le
concubinage comme étant le fait pour deux personnes, sans distinction de sexe,
de vivre ensemble, comme le proposait notre collègue M. Robert Badinter.
Vous avez, d'autre part, réuni dans le même texte des dispositions relatives
aux unions libres, au mariage et aux solidarités familiales.
Enfin, la confusion est à son comble s'agissant des dispositions fiscales que
vous avez substituées aux conséquences du PACS.
Pour vous, tout se résume à une question de gros sous, nous en avons eu la
preuve avec la part prise par la commission des finances et par son rapporteur,
M. Marini, dans nos débats.
Et, aujourd'hui, vous nous proposez en deuxième lecture une motion de
procédure, comme l'ont fait vainement vos collègues députés de l'opposition à
l'Assemblée nationale, en première et en deuxième lectures. Mais, chers
collègues, ne s'agit-il pas là d'une attitude quelque peu paradoxale pour des
parlementaires qui n'ont de cesse de valoriser le rôle et la place du Sénat au
sein du parlement national ?
Ainsi, pour la seconde fois en moins de deux mois, sur un même sujet, mais
avec des méthodes différentes, vous refusez de débattre au fond d'un sujet de
société d'importance, consistant à prendre en compte la réalité du couple
homosexuel dans notre pays.
M. Hilaire Flandre.
Tu parles d'une affaire !
M. Robert Bret.
Eh oui ! Justement !
Guidés par la crainte de voir transparaître votre homophobie latente
(Protestations sur les travées du RPR.),
vous justifiez le dépôt d'une
telle motion en arguant du fait que la deuxième lecture du PACS est une perte
de temps. Bien au contraire !
En l'occurrence, on voit que l'examen du PACS par le Sénat, en première
lecture, avec la pugnacité de l'opposition de gauche dans la discussion, a
contribué, malgré tout, à faire avancer le débat général par la nécessité de
prendre en compte l'évolution de notre société et des différences, puisque la
légalisation du concubinage proposée par le Sénat a été retenue et améliorée
par les députés de la majorité plurielle en seconde lecture.
Le Gouvernement comme les parlementaires de la gauche plurielle, dans les deux
chambres, ne se sont donc pas laissés prendre à votre prétendue « solution
alternative ». Nous vous avons même pris à contre-pied, puisque non seulement
le PACS a été rétabli par l'Assemblée nationale - et même amélioré - mais aussi
le concubinage, tant hétérosexuel qu'homosexuel, a été clairement défini par
les députés de la majorité plurielle, « sans distinction de sexe » pour mettre
fin à la jurisprudence rétrograde de la Cour de cassation.
Ce que l'on peut regretter, c'est que le Sénat ne soit pas allé au bout de sa
démarche et qu'il ait refusé de nommer clairement les choses dans sa définition
du concubinage.
En réalité, votre attitude, chers collègues, tant en première lecture
qu'aujourd'hui même, révèle, si besoin en était, aussi bien les contradictions
internes à la majorité sénatoriale que les différentes prises de position à
droite entre sénateurs et députés, tant sur le PACS que sur le concubinage.
En déposant aujourd'hui cette question préalable, vous décidez de ne pas
débattre des dispositions du texte. C'est comme si vous refusiez de prendre
position, d'assumer vos responsabilités, notamment à l'égard du concubinage
homosexuel, désormais défini sans aucune ambiguïté.
Puisque nous n'aurons pas l'occasion d'examiner un à un les articles du texte
ou de faire des propositions d'amendements, permettez-moi d'évoquer brièvement
à la fois les améliorations apportées au dispositif par l'Assemblée nationale
et les modifications que nous aurions, pour notre part, voulu voir introduites
dans la loi.
La commission des lois de l'Assemblée nationale a tenu à réaffirmer les
principes qui ont présidé à l'instauration d'une procédure réfléchie, cohérente
et globale pour répondre aux attentes des couples non mariés et pour en finir
avec des discriminations d'un autre âge, fondées sur les choix sexuels.
Est-il nécessaire de redire que l'objectif de la présente loi est inscrit dans
la loi d'évolution des modes de vie ?
Faut-il rappeler, encore, que le PACS constitue un lien social moderne et
qu'il correspond à une véritable demande sociale ?
Initié par une minorité,...
M. Hilaire Flandre.
Très minoritaire !
M. Robert Bret.
... le PACS intéresse aujourd'hui la société tout entière. Et c'est donc notre
devoir de législateur de transcrire dans la loi ces différents modes de vie à
deux.
Loin de porter atteinte à l'institution du mariage ou à quelque droit que ce
soit, il s'agit juste, sans léser personne, de tendre vers plus d'égalité des
droits et de mettre enfin un terme à des discriminations qui paraissent
aujourd'hui d'un autre siècle.
Depuis l'automne dernier, force est de constater que le texte a été, à chaque
examen par la majorité plurielle de l'Assemblée nationale, enrichi. Je pense,
par exemple, à l'adoption, en seconde lecture, de l'amendement de mes amis
députés du groupe communiste, relatif aux possibilités accrues de mutation dans
la fonction publique d'un partenaire lié par un PACS.
Les suppressions des délais pour bénéficier des abattements sur la succession
du partenaire décédé, les dispositions ouvrant le PACS aux fratries, mais aussi
et surtout l'inscription dans le code civil de la notion de « concubinage sans
distinction de sexe », sont autant d'éléments positifs à inscrire à l'actif des
débats concernant le PACS.
Il reste toutefois, à notre sens, des aspects à améliorer.
Ainsi, s'agissant des étrangers liés par un PACS à un Français, le texte, en
l'état, laisse au préfet trop de liberté d'appréciation quant à la nature des
liens personnels et familiaux qui les unissent pour délivrer une carte de
séjour temporaire intitulée « vie privée et familiale ».
C'est pourquoi nous rappelons que nous proposons une rédaction plus ambitieuse
qui retiendrait le fait de conclure un PACS comme preuve de l'existence de
liens personnels en France.
Une telle précision permettrait d'éviter non seulement les différences de
traitement entre préfectures, mais aussi, il faut l'admettre, tout arbitraire
émanant des préfectures.
Au-delà, cela permettrait de régler des situations difficiles vécues par les
étrangers, lesquelles ne sont, somme toute, que fort peu nombreuses.
Il s'agirait d'un geste symbolique fort en matière de lutte contre les
discriminations, quelles qu'elles soient, et d'égalité des droits des
personnes.
D'un mot, j'évoquerai l'article 7 initial de la proposition de loi, qui a,
hélas ! définitivement disparu du texte. Il s'agissait d'une avancée en matière
de droit des étrangers, puisqu'il était question de prendre en compte le fait
qu'un étranger soit lié à un Français par un PACS depuis un an au moins, dans
le cadre de l'examen d'une demande de naturalisation.
J'en viens au volet fiscal du PACS et en particulier à l'imposition
commune.
Non seulement les délais imposés à l'article 2 font planer le doute, la
suspicion, sur la réalité des relations entre les partenaires « pacsés », mais,
au surplus, loin de supprimer des discriminations existantes, ce genre de
disposition a pour inconvénient d'en créer forcément d'autres.
Est-il sincèrement justifié de faire patienter des personnes vivant depuis
plusieurs années en couple et candidates au PACS jusqu'en 2003 - au mieux -
pour leur permettre de bénéficier d'une imposition commune ?
Dans la même logique, pourquoi les couples pacsés qui peuvent prouver par tout
moyen avoir reconnu dans le délai légal au moins un enfant ne pourraient-ils
pas bénéficier sans délai de l'imposition commune ?
En l'occurrence, il conviendrait de faire preuve de bon sens et de courage
dans la prise en compte de l'évolution de la notion de couple dans notre
société.
Avant d'en terminer, j'évoquerai le lieu d'enregistrement du PACS, qui demeure
le greffe du tribunal d'instance. Là encore, le bon sens voudrait que l'on
retienne, comme pour tous les autres actes de la vie, le service d'état civil
de la mairie, qui reste l'endroit le plus connu des citoyens, mais aussi le
plus accessible et le plus proche.
Est-il utile de préciser que les membres du groupe communiste républicain et
citoyen, qui soutiennent le PACS depuis longtemps, auraient voté pour le texte
rétabli et amendé dans un sens positif par les députés de la majorité plurielle
?
Tel ne peut être le cas, compte tenu de la configuration politique de la Haute
Assemblée, mais surtout parce que nous n'aurons le loisir ni de débattre des
dispositions inhérentes au PACS, ni de nous prononcer sur un texte quel qu'il
soit.
Le rôle parlementaire qui nous est imposé aujourd'hui est donc fort restreint,
et nous le regrettons. En effet, il s'agit uniquement de nous prononcer pour ou
contre la motion tendant à opposer la question préalable et présentée par nos
collègues de la majorité sénatoriale de droite.
Je ne surprendrai personne en disant que les membres de notre groupe
rejetteront avec force cette motion fortement imprégnée d'un ordre moral
rétrograde qui, à la veille d'un nouveau millénaire, tourne le dos à toute
évolution sociétale.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Josselin de Rohan.
C'est burlesque !
M. Robert Bret.
Vous êtes burlesque !
M. le président.
La parole et à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, en
écoutant l'orateur qui m'a précédé à cette tribune, j'ai bien eu l'impression
que nous rendions un grand service à l'opposition sénatoriale et, surtout, à la
majorité plurielle de l'Assemblée nationale. En effet, cela évite de poser les
vraies questions, que M. Bret a soulevées. C'est d'ailleurs une des raisons
pour lesquelles le Sénat ne peut accepter le PACS.
Comme pour tous les actes de l'état civil, le PACS devrait faire l'objet d'une
déclaration à la mairie, ont dit certains. Cela signifie que le PACS est non
pas un contrat comme les autres, mais une vraie institutionnalisation du couple
qui n'est pas marié. C'est autre chose que le concubinage puisqu'on reconnaît
que cela fait partie de l'état civil, de l'état des personnes. Convenez qu'un
certain nombre d'auteurs de propositions de loi prétendument à l'origine de
celle-ci ont tout de même largement provoqué l'opposition. En effet, ils ont
affirmé que si le texte s'en tient là, s'il n'autorise ni l'adoption ni la
procréation médicalement assistée, un jour viendra où cela sera possible. Ce
n'est pas nous qui avons tenu de tels propos !
Evidemment très gêné par ces propositions excessives, le Gouvernement a
toujours dit qu'il n'en était pas question, que la proposition de loi
concernait non pas la famille ni la société, mais seulement des individus
auxquels il convient naturellement de reconnaître, comme à toute personne
libre, responsable et adulte, le droit de vivre comme ils le souhaitent.
Le Sénat, madame le garde des sceaux, avait fait des efforts considérables.
Ainsi, certains de nos collègues s'étaient employés à inscrire dans le code
civil le concubinage sans distinction de sexe. Même si cette reconnaissance
était implicite, l'objet était de mettre en évidence le refus de la Cour de
cassation d'admettre pour les couples concubins homosexuels les conséquences
d'une communauté de vie et de leur appliquer les règles en vigueur pour les
couples concubins hétérosexuels.
Certaines personnes vivant ensemble depuis longtemps se heurtent en effet à
des difficultés. Aussi, nous pouvions très bien admettre, compte tenu de l'état
de la société, que les conséquences de droit du concubinage puissent leur être
appliquées.
Autre chose est de créer une institution-contrat. D'ailleurs, la déclaration
et le contrat me semblent contradictoires ; aucun contrat n'est déclaré ainsi.
Ou bien on passe un contrat, ou bien on fait une déclaration. D'ailleurs,
toutes les conditions prévues pour cette déclaration en font une
quasi-institution. Dans un premier temps, la déclaration devait avoir lieu à la
mairie. On y a renoncé devant la révolte à peu près généralisée de tous les
maires républicains.
On parle beaucoup de république, mais il faut savoir ce que l'on veut. La
république a été d'abord la République laïque. Contrairement à ce que disait
tout à l'heure un de nos collègues, le mariage civil a été institué pour éviter
que certaines personnes ne se marient qu'à l'église, sans passer par la mairie.
Je rappelle que le code civil comporte encore une disposition aux termes de
laquelle le mariage religieux est interdit si le mariage civil n'a pas eu lieu
précédemment.
(Marques d'approbation sur les travées du RPR.)
Il ne faut pas refaire
l'histoire et mélanger les choses !
Le mariage est un engagement pour la vie - même s'il peut par la suite y
avoir des échecs, et on reconnaît le divorce - et les couples stables sont
généralement ceux qui sont le mieux à même d'élever les enfants. C'est pourquoi
il a été prévilégié par toutes les sociétés qui sont à la base de notre culture
et de notre civilisation occidentales.
Dire que tout cela est ringard et qu'il faut uniquement se préoccuper des
individus, c'est se tromper de débat !
M. Jean Chérioux.
C'est le retour à Rousseau !
M. Jean-Jacques Hyest.
Rousseau ne disait pas tout à fait la même chose !
L'isolement est un des grands maux de notre société, avez-vous dit, madame le
garde des sceaux. J'en conviens. Mais il est d'autant plus fort que les
familles ne sont pas solides et que, dans notre société, les repères
disparaissent les uns après les autres. S'il y a une institution qui permet de
favoriser la construction d'une personnalité stable, c'est bien la famille !
Bien sûr, il y a des échecs mais, s'il n'y a pas de famille, l'échec est
certain.
Il s'agit d'un faux débat, me semble-t-il. En fait, on nous propose un
changement de société : on ne considère que des individus ; la société n'est
plus solidaire, elle est une succession d'individus.
D'ailleurs, on parle de personnes « pacsées ».
(M. André Maman sourit.)
Abomination des abominations ! Vous me
rétorquerez que l'on parle bien de RMIstes. Pourquoi ne pas continuer ? Le
terme « pacser » n'existe pas ! Il y a des personnes qui passent un contrat,
qui concluent un pacte civil de solidarité. Si elles sont « pacsées », cela
signifie qu'elles sont étiquetées. Cela me paraît très dangereux pour un grand
nombre de nos concitoyens. Ils ne se rendent peut-être pas compte aujourd'hui
des conséquences que cela pourra entraîner.
Pour toutes ces raisons, madame le garde des sceaux, le Sénat avait fait des
propositions alternatives tendant à résoudre le problème de ces personnes.
(Mais non ! sur plusieurs travées socialistes.)
Si ! D'ailleurs, un de
nos éminents collègues l'avait reconnu à un certain moment en ces termes : « Si
le concubinage homosexuel est reconnu, le PACS n'a en fait plus d'intérêt. »
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Jean-Jacques Hyest.
Ainsi, pour de simples raisons d'affichage, on bâtit un texte prévoyant un
contrat, qui a bien entendu des avantages, mais sans contrepartie puisqu'on
peut le rompre très facilement. Certains ont évoqué les obligations de la vie
commune. Or le concubinage permet, aux termes de la jurisprudence, d'obtenir
les mêmes avantages. Par ailleurs, il ne me semble pas nécessaire d'accorder de
droits particuliers, notamment en matière de succession. En effet, s'il
convient de prévoir des discriminations sur le plan fiscal, elles doivent être
réservées avant tout à la famille. Je ne vois pas au nom de quoi il faudrait
les octroyer à des individus. En effet, leur situation résulte d'un choix de
vie, sur lequel la société n'a pas à se prononcer. Celle-ci n'a pas à favoriser
certains individus par rapport à d'autres.
Pour toutes ces raisons, nous aurions pu bien entendu reprendre le débat.
Le Sénat aurait repris son texte sur le concubinage, qui est plus exact sur le
plan juridique ; nos collègues socialistes s'en étaient d'ailleurs rendu compte
puisqu'ils avaient déposé un amendement. En effet, aux termes du texte tel
qu'il résulte des travaux de l'Assemblée nationale, on peut, à la limite, être
marié et concubin officiel.
M. Patrice Gélard,
rappporteur.
Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest.
Cela démontre que lorsqu'on veut faire de l'idéologie, on ne respecte pas
forcément à la lettre les critères juridiques indispensables en matière de
droit civil.
Par ailleurs, nous aurions supprimé article après article les dispositions
relatives au PACS. En effet, nous l'avons, je crois, assez démontré, d'éminents
juristes l'ont démontré également, ce dispositif est inutile et dangereux ; il
risque de donner lieu à de fausses approches des problèmes de la vie
personnelle et de la vie en société.
Il ne s'agit pas, contrairement au titre d'un grand journal du soir,
d'abandonner le combat. Il s'agit de manifester solennellement que, selon nous,
le PACS est une mauvaise idée qui tronque le débat de société qui doit exister.
Il constitue une fausse réponse qui vise à donner satisfaction à quelques
lobbies...
M. Josselin de Rohan.
C'est exact !
M. Jean-Jacques Hyest.
... qui parlent haut et fort, alors que, selon moi, ils ne représentent pas
les centaines de milliers de personnes qui veulent pouvoir résoudre leurs
problèmes de vie commune et vivre ensemble sans être marquées par une
déclaration ou par autre chose. On leur rendrait mieux service, on respecterait
davantage leur dignité et leur responsabilité personnelle sans le PACS. Madame
le garde des sceaux, vous vous trompez, et l'avenir le prouvera !
(Très bien
! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou
garde des sceaux.
Je tiens d'abord à remercier MM. Bel et Bret du soutien
qu'ils ont apporté à ce texte.
Monsieur le rapporteur, nos conceptions sont en effet diamétralement opposées.
C'est clair. Cela est ressorti une fois encore de cette discussion.
En première lecture, vous aviez fait un effort de compréhension. Certains
propos que vous avez tenus aujourd'hui m'ont surpris. Je prendrais l'exemple du
travail au noir. Dire qu'un PACS sera souscrit pour permettre à une personne
d'employer une autre personne sans payer le salaire alors que, dans le même
temps, celle-ci deviendra solidaire des dettes de la vie courante,...
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
C'est possible !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... c'est une construction intellectuelle qui ne tient
pas la route.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Si !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis étonnée de vous entendre invoquer un tel
argument. Vous nous aviez habitués à autre chose ! A trop vouloir démontrer, on
finit par aboutir à des choses assez absurdes !
M. Jean Chérioux.
Vous l'avez prouvé, madame le ministre !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
M. Marini a répété les propos qu'il avait tenus en
première lecture, à l'exception d'une remarque sur la mesure et la démesure ;
mais, très franchement, j'avais plutôt l'impression que la mesure était de mon
côté, et la démesure ailleurs !
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas évident !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Madame Heinis, c'est vrai, le Gouvernement n'accepte
pas que l'on supprime le pacte civil de solidarité.
Vous avez fait un plaidoyer en faveur de la famille. Bien sûr, il faut
protéger la famille, et ce n'est pas parce que ce texte est neutre vis-à-vis
d'elle que nous nous interdisons - et nous allons d'ailleurs le faire -
d'améliorer notre droit pour que la protection de la famille soit plus
importante.
Je ne considère pas comme vous, madame le sénateur, que la famille et le
mariage sont en crise. Je constate au contraire que la famille est un refuge
pour nos concitoyens. Elle est considérée aujourd'hui non seulement comme le
lieu dans lequel s'exerce l'apprentissage des liens entre les générations et
des règles sociales, mais aussi comme le lieu de la solidarité : solidarité
entre les parents et les enfants - des parents vis-à-vis des enfants quand
ceux-ci sont jeunes, et des enfants vis-à-vis des parents quand ceux-ci sont
âgés - solidarité entre frères et soeurs, et, de plus en plus, solidarité des
grands-parents vis-à-vis des plus jeunes, en raison de l'allongement de la
durée de la vie et du niveau des retraites. Il faut donc, bien entendu,
protéger la famille.
Mais je ne vois pas comment on peut soutenir que le PACS menace en quoi que ce
soit la famille. Il existe certes, aujourd'hui, dans notre société, des règles
de droit menaçant la famille, et certaines d'entre elles - permettez-moi de
vous le dire - trouvent leur origine ici même, au Sénat.
J'ai d'ailleurs bien l'intention de proposer leur réforme, notamment
s'agissant des règles fragilisant l'exercice de l'autorité parentale. En effet,
lorsque l'on exige, pour que deux parents puissent exercer vis-à-vis de
l'enfant leurs responsabilités parentales - et un enfant a besoin de ses deux
parents - que leur vie commune ait duré un minimum de temps, permettez-moi de
dire que c'est alors que l'on fragilise la famille ; c'est ce genre de
dispositions dont je proposerai la modification
(M. Hilaire Flandre s'exclame.)
lorsque le groupe de travail, à qui j'ai
demandé de réfléchir à la stabilité de la filiation et à la possibilité de
faire en sorte que, quand un mariage se dissout - plus personne, aujourd'hui,
dans notre société, ne peut contraindre des gens à rester mariés s'ils ne le
souhaitent pas - cela se fasse le mieux possible, justement dans l'intérêt des
enfants, aura rendu ses conclusions.
Permettez-moi de dire que je ne considère pas non plus que le mariage soit en
crise. Le mariage est en effet plébiscité par 25 millions de nos concitoyens ;
et même si les jeunes ne se marient pas d'emblée aujourd'hui, la plupart
d'entre eux, lorsqu'ils souhaitent fonder une famille, choisissent le
mariage.
Rien, absolument rien dans ce que j'ai dit, dans tout ce qui a pu être dit à
l'Assemblée nationale et dans les dispositions du PACS ne fragilise la famille
et le mariage. Au contraire ! S'il y a des fragilités aujourd'hui, c'est parce
que notre droit évolue ; mais j'ai voulu que le PACS soit justement neutre, ce
qui ne veut pas dire que nous ne prendrons pas de dispositions pour permettre
aux parents de mieux exercer leurs responsabilités.
Je crois avoir ainsi répondu à M. Hyest, qui a fait le même type de
commentaires.
Je ferai simplement ici une remarque plus ponctuelle : il n'est pas exact de
dire que, si le concubinage homosexuel est reconnu, le texte sur le PACS n'a
plus d'intérêt. J'ai dit pourquoi en première lecture : le PACS consacre un
engagement. Il s'agit non pas seulement pas de supprimer une discrimination, ce
qui est très bien, mais aussi de consacrer un engagement, dans la durée et dans
la stabilité face à la société.
M. Jean Chérioux.
A la place du mariage !
M. Gérard César.
Il faut le dire !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Mais non ! Pas à la place du mariage : le PACS vise des
gens qui, de toute façon, ne se seraient pas mariés !
Quant au fait que l'on puisse être marié et vivre en concubinage, c'est déjà
le cas aujourd'hui, et le PACS ne change absolument rien à cette situation,
monsieur le sénateur !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi
que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - Exclamations
sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Hilaire Flandre.
Alors, il ne sert à rien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président.
Je suis saisi par M. Gélard, au nom de la commission des lois, d'une motion n°
1, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat,
« Considérant que le mariage républicain doit demeurer l'institution de
référence ;
« Considérant qu'il n'y a pas de place dans notre droit positif pour une
nouvelle construction juridique du couple, située entre le mariage et le
concubinage, au risque de porter atteinte au premier et de rejeter le second
dans le non-droit ;
« Considérant que les personnes liées par un PACS, bénéficieront, en
contrepartie d'obligations minimales et sans aucune justification sociale, de
nombreux avantages exorbitants du droit commun des contrats, au détriment
relatif tant des familles que des personnes vivant en concubinage ou des
personnes seules ;
« Considérant qu'il ne convient pas de légiférer sur le couple indépendamment
des enfants qui peuvent en être issus et que le PACS, en regroupant sous le
même statut des couples qui ont vocation à procréer et d'autres qui ne le
peuvent pas, contient des potentialités inquiétantes concernant la définition
de la parentalité ;
« Considérant qu'il n'est en tout état de cause pas opportun de discuter cette
proposition au moment où un groupe de travail est chargé, à la chancellerie, de
proposer une réforme générale du droit de la famille ;
« Considérant de surcroît que le texte proposé sera source d'importantes
difficultés pratiques et juridiques, notamment en raison des lourdeurs de
procédure, de la protection illusoire qu'il accorde aux partenaires et des
risques de fraude qu'il comporte ;
« Considérant que le Sénat a démontré, en première lecture, qu'il existait une
solution alternative au PACS en adoptant un dispositif simple et cohérent de
nature à supprimer les discriminations dont les couples homosexuels faisaient
l'objet du fait de la jurisprudence restrictive de la Cour de cassation, sans
toutefois porter atteinte au mariage ou à la famille ni générer de
discriminations à l'égard des personnes vivant en concubinage ou des personnes
seules ;
« Considérant, cependant, que, dès le lendemain de l'adoption de la
proposition par le Sénat, la commission des lois de l'Assemblée nationale
proposait le rétablissement du PACS tout en gardant une définition du
concubinage, montrant ainsi que l'Assemblée nationale tenait à tout prix à
imposer cette construction juridique, si inutile, dangereuse et inapplicable
qu'elle puisse être ;
« Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition
de loi relative au pacte civil de solidarité adoptée avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture (n° 310, 1998-1999). »
Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative
ou son représentant, pour quinze minutes un orateur d'opinion contraire, pour
quinze minutes également le président ou le rapporteur de la commission saisie
au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée
n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
La commission des lois a décidé, en application de l'article
44, alinéa 3, du règlement de la Haute Assemblée, de déposer une motion tendant
à opposer la question préalable.
Certes, nous aurions pu choisir d'en revenir à notre texte élaboré en première
lecture, et refuser ainsi tout le travail de l'Assemblée nationale, car il n'y
a vraiment rien à sortir du texte de l'Assemblée nationale, comme nous l'avons
démontré tout à l'heure. Mais là encore, nous aurions été accusés d'avoir
ralenti les travaux parlementaires, d'avoir fait de l'obstruction.
Or, madame le garde des sceaux, nous ne faisons pas d'obstruction. Nous disons
carrément que, dans cette affaire, nous ne parlons pas la même langue que vous.
Vous avez un autre discours que le nôtre. Nous ne pouvons pas continuer de
discuter quant l'un parle une langue et l'autre une autre langue. Sur ce sujet,
le dialogue de sourds n'est pas possible !
Vous nous affirmez un certain nombre de choses, et nous affirmons le
contraire. Vous nous dites que ce texte ne porte pas atteinte à la famille et
au mariage alors que nombre d'entre nous sont convaincus du contraire. Prenons
l'exemple des mesures fiscales : au détriment de qui ces mesures favorables au
PACS vont-elles être mises en place ? Naturellement, au détriment des
encouragements que l'on peut accorder à la famille, et au détriment de toute
une autre série de catégories de citoyens.
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
Mme Dinah Derycke.
Cela n'a rien à voir !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Vous avez essayé de justifier le pacte civil. Il n'a aucune
justification ! Il n'y a aucun engagement dans le pacte civil ! Vous évoquez la
durée et la stabilité. Non, il n'y a ni durée ni stabilité dans le PACS
puisqu'il peut à tout moment être dénoncé ! De plus, maintenant, le nouveau
texte permettra d'être « pacsé » avec une personne et concubin d'une autre !
Cette situation démontre bien que nous sommes confrontés à un texte
inapplicable, dangereux et inutile, contrairement aux solutions que nous avions
proposées.
Le Sénat, disais-je au début de mon propos, aurait pu, en deuxième lecture,
reprendre son texte initial, il aurait bien sûr pu tenter de donner une autre
définition du concubinage. Nous aurions perdu encore un mois ou deux dans cette
affaire, nous aurions fait perdre du temps à tout le monde, et on aurait dit
dans la presse que le Sénat paralysait l'activité parlementaire.
Eh bien, non ! Nous disons franchement que nous avons tenté de trouver un
terrain d'entente avec l'Assemblée nationale et une ouverture. Mais la balle
n'a pas été rattrapée au bond. Nous ne jouons plus parce que nous ne parlons
plus la même langue !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Derycke, contre la motion.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je
n'étonnerai personne en annonçant d'emblée que le groupe socialiste ne votera
pas la motion tendant à opposer la question préalable déposée par M. le
rapporteur, au nom de la commission des lois du Sénat.
Notre excellent collègue Jean-Pierre Bel et Mme la ministre, à l'instant, ont
expliqué avec talent et conviction la philosophie de la proposition de loi
relative à la création d'un nouveau statut juridique pour les couples
hétérosexuels ou homosexuels qui ne veulent ou ne peuvent se marier mais qui
souhaitent établir un lien de solidarité et aspirent à une reconnaissance
sociale.
Ce texte a donc pour finalité de procéder à la nécessaire adaptation de notre
droit à l'évolution des moeurs tout en mettant fin aux injustices et
discriminations qui persistent.
Face à la précarisation des situations, face au repli sur soi et à
l'égocentrisme qui se développent, le fait de favoriser la stabilité des unions
et d'encourager la solidarité entre deux personnes, quel que soit leur sexe,
qui partagent un projet de vie présente un intérêt évident pour la
collectivité. Telle est la justification sociale des avantages consentis aux
couples liés par un PACS, avantages qui sont loin d'être exorbitants,
contrairement à ce qui a été dit.
Le mariage ne peut plus être la réponse exclusive pour des millions de
couples, pas plus que le concubinage ne peut l'être, même si cette situation de
fait doit aujourd'hui être reconnue afin de lever toute discrimination, en
particulier à l'encontre des couples homosexuels.
Oui, nous croyons qu'il y a place, dans notre droit positif, pour un droit
nouveau, un choix supplémentaire, une nouvelle liberté entre le mariage et
l'union libre.
Qu'édifier ainsi une nouvelle construction juridique ne soit pas chose aisée,
c'est évident. Mais là est bien le sens de notre mission législative -
élaborer, améliorer, voter des lois pour une meilleure organisation sociale -
mission à laquelle la commission nous propose de renoncer par la motion tendant
à opposer la question préalable.
Oui, nous voulons le PACS ! Nous avons montré notre détermination en première
lecture, et nos amendements, repris dans l'esprit si ce n'est dans la lettre
par les députés de la majorité, ont contribué à l'amélioration du texte.
Nous espérions continuer ce travail en deuxième lecture au Sénat, le texte
restant perfectible - Mme la ministre l'a souligné - par exemple pour la
définition du concubinage.
Mais vous ne voulez pas de PACS et vous refusez même toute discussion à ce
sujet.
Je voudrais revenir sur les quelques arguments développés pour rejeter
catégoriquement ce texte.
Nombre d'entre vous ont accusé la majorité plurielle d'instaurer le PACS non
par conviction mais parce qu'il s'agissait d'une promesse électorale. Mme la
garde des sceaux a d'ailleurs eu l'occasion, en première lecture, de vous
répondre sur ce point.
Honorer des engagements électoraux ne me semble ni honteux ni scandaleux. Cela
devrait, au contraire, constituer une règle de base, tant il est vrai que la
démagogie se révèle un piège redoutable pour la démocratie.
Il nous a également été reproché « d'imposer le PACS », l'opposition ayant,
selon nous, juridiquement tort parce que politiquement minoritaire.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
C'est ce que vous pensez !
Mme Dinah Derycke.
Je pourrais retourner le compliment ici, dans la Haute Assemblée, et prétendre
que vous rejetez le PACS parce que, étant ici même politiquement majoritaires,
vous croyez avoir juridiquement raison.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Non !
Mme Dinah Derycke.
Je l'ai entendu à cette tribune, et nous pourrions retourner l'argument ; mais
il n'est pas sérieux, et je ne l'emploierai donc pas.
(Exclamations sur les
travées du RPR.)
Mais d'autres l'ont fait, et à l'instant précédent.
Enfin, nous céderions - je cite un député de l'opposition, mais cela vient
d'être dit également à cette tribune - « à un réflexe idéologique qui
privilégie l'absolu libertaire et individualiste » !
Je remarque que le PACS a, tout au contraire, vocation à encourager la
solidarité entre deux personnes vivant en couple et qu'il constitue une réponse
concrète, pragmatique, et non idéologique aux difficultés et aux aspirations
d'une partie de nos concitoyens,...
M. Jean Chérioux.
En concurrence avec le mariage !
Mme Dinah Derycke.
... et ce sans réduire aucunement les droits et libertés des autres. On peut
alors se demander de quel côté est l'idéologie quand vous affirmez que le
mariage doit rester la seule référence ou lorsque vous vous érigez en
défenseurs exclusifs de la famille, plus précisément d'une famille normative
qui ne correspond plus aujourd'hui à la réalité ?
Répétons-le une fois de plus, après Mme le garde des sceaux et MM. Bel et
Bret, le PACS n'a pas été conçu pour concurrencer voire pour condamner le
mariage républicain. D'autres pays ont d'ailleurs adopté un statut similaire
sans que le mariage en pâtisse.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Oui, mais sans avantages fiscaux !
Mme Dinah Derycke.
Peut-être le mariage retrouvera-t-il une nouvelle vigueur
(Exclamations sur
les travées du RPR.),
l'alternative ouverte par le PACS offrant aux couples
un véritable choix là où, à tort ou à raison, ces derniers ont le sentiment
d'être contraints à un choix limité, un choix entre mariage et union libre.
Répétons-le une fois de plus, après Mme la garde des sceaux, et MM. Bel et
Bret, le PACS ne traite pas de la famille. Il n'ouvre droit ni à l'adoption, ni
à la procréation médicalement assistée, ni à la filiation.
M. Jean Chérioux.
Nous vous le rappellerons !
Mme Dinah Derycke.
Qu'en sera-t-il dans vingt ou trente ans, ou plus encore ? Nul ne le sait, et
l'adoption ou le rejet du PACS n'y changera rien.
Mais, à travers cette question qui semble vous angoisser...
M. Hilaire Flandre.
Les angoisses ne sont pas ici !
Mme Dinah Derycke.
... on sent bien que c'est la reconnaissance du couple homosexuel qui pose
problème, même si vous vous en défendez.
C'est ainsi qu'au fil des débats on a pu noter, parmi la majorité sénatoriale,
des approches diverses. Entre ceux qui pensent que l'homosexualité est une
maladie, une déviance
(Protestations sur les travées de l'Union centriste,
du RPR et des Républicains et Indépendants),...
Cela a été dit à cette tribune ! J'ai relu attentivement les débats !
Entre ceux-là, ceux qui pratiquent l'amalgame entre homosexualité et
pédophilie et les plus progressistes, il est vrai, qui considèrent que
l'homosexualité est une orientation sexuelle relevant du domaine strictement
privé et doit le rester, il y a là bien des différences et beaucoup de non-dits
qui expliquent votre décision de ne pas délibérer davantage, par crainte que
ces désaccords n'apparaissent en pleine lumière.
(Nouvelles protestations
sur les mêmes travées.)
M. Jean Chérioux.
Absolument pas !
Mme Dinah Derycke.
Même l'alternative proposée par la majorité sénatoriale ne fait pas
l'unanimité dans vos rangs.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Qu'en
savez-vous ?
Mme Dinah Derycke.
Il est parmi vous quelques intégristes qui refusent que le concubinage
homosexuel, mais aussi hétérosexuel, soit officiellement défini et donc
reconnu. Ces divergences d'appréciation étaient évidentes en première lecture
!
De fait, la question préalable, certes juridiquement légitime, vous permet
surtout d'escamoter le débat et de masquer vos désaccords. En termes sportifs,
on dirait « botter en touche »
(Exclamations sur les mêmes travées.),
mais on peut dire aussi « déclarer forfait », ou « se faire porter pâle »,
si vous préférez : la langue française est riche de toute une série
d'expressions en la matière.
M. Jean Chérioux.
Nous ne voulons pas de votre intégrisme libertaire, voilà tout !
Mme Dinah Derycke.
Quoi qu'il en soit, vous refusez effectivement d'aborder sérieusement la
question, d'en discuter et d'amender le texte.
Enfin, adopter la question préalable, ce serait non seulement évacuer un réel
problème de société mais cela nous conduirait à renoncer à nos prérogatives de
législateurs.
Au moment où, en raison des positions prises par le Sénat lors de récents
débats - chacun s'en souvient ici - nos concitoyens doutent de la pertinence du
bicamérisme...
M. Jean Chérioux.
Ça y est ! La menace ! Il ne manquait plus que cela !
Mme Dinah Derycke.
... et s'interrogent sur l'utilité d'une seconde chambre,...
M. Josselin de Rohan.
C'est du chantage !
Mme Dinah Derycke.
Non, c'est un simple constat, ce n'est pas du chantage : je constate
simplement que nos concitoyens ne comprennent pas toujours à quoi sert une
deuxième chambre. Et, parce que celle-ci refuse effectivement de faire son
travail,...
M. Jean Chérioux.
Elle a montré le contraire en première lecture !
Mme Dinah Derycke.
... de faire ce pourquoi elle est élue, légitimement, en effet, ils se posent
la question de savoir pourquoi elle existe. C'est une réalité : il est
dangereux de ne pas exercer pleinement ses responsabilités.
M. Jean Chérioux.
Nous l'avons fait en première lecture !
Mme Dinah Derycke.
Parce que nous croyons que le PACS peut améliorer la vie d'une part non
négligeable de notre population,...
M. Hilaire Flandre.
Combien ?
Mme Dinah Derycke.
... parce que nous sommes convaincus que notre rôle, notre mission, est
d'adapter notre législation à l'évolution des moeurs, nous ne voterons pas la
question préalable.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La commission souhaite-t-elle intervenir ?
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, de
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. Guy Allouche.
Le rapporteur jette l'éponge ?
(Sourires.)
Mme Dinah Derycke.
Oui, j'avais oublié cette expression tout à l'heure !
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Madame le garde des sceaux, ce texte
sera voté par votre majorité à l'Assemblée nationale, c'est un fait.
Vous étiez sûre dès le départ que vous aboutiriez au résultat que vous
recherchiez, alors que, de notre côté, tout au long de la première lecture,
nous avons voulu trouver une solution qui puisse être acceptable par tous, à la
condition que, dans cette majorité qui vous soutient, il n'y ait pas cette
volonté idéologique et cette intention manifeste de céder à un
lobby
dont on connaît l'activité et les manifestations.
Etant donné la situation, nous allons être amenés à adopter la question
préalable.
On pourra, bien sûr, prétendre que nous escamotons le débat, que nous «
bottons en touche », que nous déclarons forfait. Mais tout cela n'est que
mauvaise plaisanterie : tous ceux qui sont intervenus au nom de notre majorité
sénatoriale ont rappelé avec toute la clarté et toute la netteté nécessaires ce
que nous avions dit dès le départ, à savoir que le PACS est, pour nous, une
menace contre la famille.
(Murmures sur les travées socialistes.)
Cette menace est évidente, dans la mesure où des avantages fiscaux et sociaux
de toutes natures seront consentis à ceux qui seront dorénavant désignés par ce
vocable dont je vous laisse finalement la responsabilité - car c'est vous qui
l'aurez créé - de « pacsés ».
Vous serez ainsi, madame le garde des sceaux, le ministre de la justice qui
aura attaché son nom à la création du PACS. Nous vous donnons rendez-vous dans
quelque temps, quand la loi sera votée. Nous en verrons les effets, les
conséquences, et nous nous rendrons compte, dans le même temps, que vous aurez
eu tort de ne pas vouloir entendre ce que nous vous avons dit.
Je relisais récemment, madame le garde des sceaux, un propos tenu par Harold
Laski, le père spirituel du travaillisme anglais.
En 1945, au moment où Churchill avait été battu par une majorité écrasante de
travaillistes, on l'interrogeait : « Nous sortons d'un régime de guerre, et
vous avez tous les pouvoirs. Vous êtes majoritaire, et vous allez pouvoir faire
ce que vous voulez. »
Et Laski, très franchement, de répondre : « Nous ferons beaucoup de choses,
effectivement. »
Son interlocuteur, avec une mauvaise foi que je reconnais, lui demanda alors :
« Qu'est-ce qui vous différencie d'un régime totalitaire ? »
Et Laski, après avoir réfléchi : « Eh bien, monsieur, la différence qui existe
entre nous, majorité démocratique, et un régime totalitaire, c'est que nous
nous interdisons de toucher aux âmes et que nous toucherons très rarement aux
moeurs. »
Or, madame le garde des sceaux, c'est ce que vous êtes en train de faire :
vous touchez aux moeurs de notre société, vous êtes en train de démolir un des
fondements essentiels sur lesquels notre société, notre civilisation
occidentale et, je le dis, notre tradition judéo-chrétienne, ont longtemps
vécu.
Vous avez tort, et vous verrez que le résultat sera mauvais. Je vous donne
rendez-vous et, dans l'avenir, lorsqu'il y aura des cours de morale - peut-être
? - dans les écoles primaires, il faudra que l'on explique désormais aux petits
enfants ce qu'est le « pacsé ». Et on leur dira que c'est vous, madame, qui en
aurez pris la responsabilité. Je le regrette pour vous !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne peux pas laisser passer une telle intervention
sans réagir.
Mme Dinah Derycke.
Tout à fait ! C'est scandaleux !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Sachez d'abord que je suis effectivement fière d'avoir
défendu ce texte.
M. Emmanuel Hamel.
Triste fierté, madame !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Peut-être ne l'aurais-je pas rédigé exactement ainsi si
j'en avais pris moi-même l'initiative, mais je l'ai soutenu et je suis fière
d'avoir contribué, sur l'initiative des députés à l'Assemblée nationale et avec
le soutien de la minorité, ici, au Sénat, à faire en sorte de donner des droits
à des personnes qui, pour en être aujourd'hui totalement dépourvues, se
trouvent dans des situations souvent dramatiques.
De cela, monsieur le président de la commission des lois, je m'enorgueillis en
effet et je suis fière !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Sachez ensuite que je m'interroge sur la dramatisation - à mes yeux
incompréhensible - dont sont empreints vos propos. Je crois en effet que,
lorsqu'on fera des cours de morale - mais on en fait déjà aujourd'hui ! - dans
nos écoles,...
M. Martial Taugourdeau.
On n'en fait pas assez !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
...on prendra bien soin, comme on le fait déjà
aujourd'hui, de ne pas dire aux enfants issus de couples qui ne sont pas
légitimement unis par le mariage qu'ils sont différents des autres.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je parlais des enfants de couples
homosexuels !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis également convaincue que l'on prend précisément
grand soin, dans les écoles, de ne pas frapper d'ostracisme ces enfants, et
j'espère bien que personne, dans les écoles de la République, ne franchira ce
type de ligne jaune !
M. Guy Allouche.
C'est le principe de la laïcité !
M. Jean Chérioux.
C'est une République sans références !
M. Hilaire Flandre.
Et sans repères !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Permettez-moi par ailleurs de dire aussi qu'il est des
références morales dont nous pouvons être fiers. Il en est ainsi, par exemple,
de la reconnaissance de droits en faveur de gens qui n'en ont aucun !
Sachez en tout cas que nous ne fragilisons en aucune façon le mariage et la
famille puisque, par ailleurs, vous aurez l'occasion de constater - je vous
donne rendez-vous dans quelques mois - que le Gouvernement souhaite consolider
la famille, sous ses diverses formes. Il n'y a plus, en effet, aujourd'hui, une
seule sorte de famille dans notre société.
Ainsi, le Gouvernement souhaite faire en sorte que les enfants pâtissent de
moins en moins des situations que nous pouvons rencontrer de nos jours. En
effet, le mariage n'est pas en crise, mais, c'est vrai, avec l'allongement de
la durée de la vie et compte tenu d'un certain nombre d'évolutions, il arrive
que certains se marient plusieurs fois, aient des enfants de différentes
unions.
De ce point de vue, nous pourrons, en effet, être fiers de l'oeuvre
législative que nous aurons accomplie, sans parler des textes sur la
présomption d'innocence, que vous aurez l'occasion d'examiner ici même
prochainement, ou encore sur l'indépendance de la justice.
M. Jean-Jacques Hyest.
Et sur la séparation des pouvoirs ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
L'oeuvre que nous aurons accomplie pourra, devant
l'histoire, être comparée avantageusement à d'autres !
(Applaudissements sur
les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. Jean Chérioux.
On la jugera à ses fruits ! Pour le moment, ils sont amers !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Madame le garde des sceaux, le Sénat aussi a eu pour
préoccupation, grâce au texte qu'il a adopté, de mettre fin à des
discriminations.
Madame le garde des sceaux, le Sénat aussi a eu à coeur d'empêcher que restent
sans solution les problèmes qui se posent aujourd'hui.
Madame le garde des sceaux, le Sénat aussi a trouvé une solution qui, elle,
avait l'avantage de ne mettre en cause ni le mariage ni d'autres institutions,
d'être totalement neutre. En fin de compte, c'était la seule solution
valable.
Je suis convaincu, madame le garde des sceaux, que, dans quatre ans, nous nous
retrouverons. Vous verrez alors qu'en réalité c'était le Sénat qui voyait loin
et qui avait raison !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question
préalable.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
La dernière intervention de M. le président de la commission des lois montre
que la majorité sénatoriale a vraiment changé d'attitude par rapport à un débat
qu'elle voulait conciliant en première lecture.
Ce changement d'attitude entre la première et la deuxième lecture met en
exergue, si besoin était, non seulement les contradictions internes de la
majorité sénatoriale, mais également les contradictions entre sénateurs et
députés - pourtant du même bord - ces derniers n'ayant apprécié que très
modérément, semble-t-il, votre proposition de solution alternative.
Faut-il ajouter à cela que votre démarche en première lecture n'a pas trouvé
d'adhésion du côté des détracteurs du PACS, qui ont manifesté un certain 31
janvier 1999 ?
En revanche, loin de constituer un piège pour le Gouvernement et sa majorité,
comme cela a été dit, la législation sur le concubinage que vous avez proposée
en mars dernier - sans pour autant aller au bout de votre logique - a bel et
bien été reprise et améliorée. C'est ainsi que la commission des lois de
l'Assemblée nationale a pris au mot la majorité sénatoriale, mais en évitant
toute équivoque sur le concubinage homosexuel.
Cette reconnaissance du concubinage homosexuel a pourtant été proposée - vous
l'avez dit, et vous l'avez répété encore aujourd'hui - comme une alternative au
PACS. A l'époque, nous avions eu bien raison de ne pas vous croire !
Vous montrez clairement aujourd'hui, avec votre question préalable, que vous
n'en vouliez pas plus que du PACS. En fait, vous avez essayé de noyer le
poisson, pour employer une autre expression.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Mais non !
Mme Nicole Borvo.
L'Assemblée nationale a précisé son texte en reconnaissant le concubinage de
fait, et elle a bien fait. Le PACS trouve tout naturellement sa place entre le
mariage, d'une part, et l'union libre, d'autre part, sans les affaiblir.
M. Gélard continuait, tout à l'heure, de parler de solution alternative, en
augurant que l'on verrait bien que le Sénat avait raison. Mais, outre l'aspect
tactique, dont je viens de parler, je souligne tout de même que la démarche
d'ouverture du Sénat vis-à-vis du concubinage demeurait marquée d'une grande
frilosité au regard des droits qui y sont attachés.
Les dispositions proposées, loin de concerner les seuls concubins, étaient
plutôt de portée générale et ne constituaient pas, en conséquence, un statut de
concubins.
Il s'agissait, en fait, d'une réforme débouchant sur un ersatz de droits. Vous
ne preniez aucunement en compte les aspirations légitimes des personnes qui ne
veulent ou ne peuvent pas se marier et qui, ne vous en déplaise, mes chers
collègues, ne peuvent se résumer à une vision successorale et patrimoniale.
De quel droit et pour quelles raisons refuserions-nous à ces personnes, dès
lors qu'elles sont engagées dans une construction durable, le bénéfice de
certaines garanties, concernant, par exemple, le droit au bail, le droit à
congés, le droit à l'imposition commune ?
D'autres l'ont dit avant moi, le PACS est différent du concubinage et du
mariage. Il ne porte en aucune façon atteinte au droit de la famille, ni sur la
filiation, ni sur la parentalité, ni sur l'exercice de l'autorité parentale.
Est-il, enfin, nécessaire de préciser que, dans le domaine concerné, les
couples n'ont pas tous une dimension procréatrice et familiale ? A suivre votre
logique, mes chers collègues, le mariage devrait être interdit à des couples
qui ne sont plus en âge de procréer.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Mais non ! Cela n'a rien à voir !
M. Hilaire Flandre.
C'est une caricature !
Mme Nicole Borvo.
Je regrette que vous ne l'ayez pas dit.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la question préalable.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Emmanuel Hamel.
Ce sont de mauvaises raisons !
M. Hilaire Flandre.
On l'a connue meilleure !
M. Gérard César.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. César.
M. Gérard César.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'Assemblée
nationale, sans même s'interroger sur le système inutilement complexe qu'elle a
mis en place, a rétabli, en deuxième lecture, le PACS, en plus du concubinage
homosexuel.
En outre, l'Assemblée nationale a supprimé les apports du Sénat aussi
essentiels que la reconnaissance de la liberté de la vie personnelle,
l'affirmation du caractère hétérosexuel du mariage, la mise en place de mesures
fiscales et successorales qui répondaient aux difficultés rencontrées
réellement par les concubins sans faire référence à leur sexe.
Je ne m'attarderai pas sur les débats qui se sont déroulés à l'Assemblée
nationale, où l'on a souvent reproché à la Haute Assemblée sa mauvaise foi et
son conservatisme après les propositions qu'elle avait adoptées en première
lecture.
N'est-ce pas tromper les personnes intéressées par cette proposition de loi
que de leur promettre un statut hybride inapplicable, n'offrant à aucun des
partenaires une réelle protection juridique ?
N'est-ce pas une volonté manifeste de ne pas aller de l'avant que de refuser
des dispositifs fiscaux et successoraux offrant de vraies solutions aux
problèmes que les personnes intéressées sont venues exposer devant la
commission des lois lors des auditions publiques, comme l'ont rappelé son
président et son rapporteur ?
C'est parce que nous ne pouvons souscrire à un dispositif inapplicable et
insatisfaisant, qui fera sans aucun doute le bonheur des avocats spécialisés,
que notre groupe votera la question préalable présentée par le rapporteur,
notre collègue Patrice Gélard, fin juriste, dont je tiens à saluer encore une
fois le remarquable travail sur un sujet aussi difficile.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet de la proposition de
loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
94:
Nombre de votants | 313 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 214 |
Contre | 99 |
M. Emmanuel Hamel. Même pas 100 ! (Sourires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Le Sénat a adopté.
En conséquence, la proposition de la loi est rejetée.
9
COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution
d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons de rejeter.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission
mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.
Le Sénat va maintenant interrompre ses travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf
heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
10
EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE PÉNALE
Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n°
306, 1998-1999), modifié par l'Assemblée nationale, renforçant l'efficacité de
la procédure pénale. [Rapport n° 336, (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président, monsieur
le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinez aujourd'hui, en
deuxième lecture, le projet de loi renforçant l'efficacité de la procédure
pénale que l'Assemblée nationale avait adopté au mois de juin 1998.
Cet examen est tout d'abord l'occasion pour moi de faire le point sur l'état
des autres projets de loi qui, avec le présent texte, constituent, vous le
savez, les trois volets de la réforme engagée par le Gouvernement : une justice
plus proche des citoyens, une justice plus soucieuse des libertés et une
justice plus indépendante.
Le projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les
droits des victimes a été adopté le 30 mars par l'Assemblée nationale ; il sera
examiné très prochainement, M. Jolibois en étant le rapporteur, par votre
assemblée. Il s'inscrit dans le deuxième volet de la réforme.
Le projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale, qui redéfinit
les relations du garde des sceaux et du ministère public, sera examiné en
première lecture par l'Assemblée nationale à partir du 22 juin prochain ; il
sera examiné par le Sénat au cours de la prochaine session. Il constitue le
point principal du troisième volet de la réforme.
Le texte dont nous débattons aujourd'hui s'inscrit dans le premier volet de la
réforme de la justice, avec, d'ailleurs, la loi du 18 décembre 1998 sur l'accès
au droit. Je vous rappelle que le premier objectif de la réforme engagée par le
Gouvernement est de rapprocher la justice des citoyens, de la rendre plus
accessible, plus rapide et plus efficace.
Ce texte, qui s'inscrit dans cette perspective, concerne la procédure pénale.
La procédure civile, celle qui concerne très directement nos concitoyens dans
leur vie quotidienne, a été profondément réformée, elle aussi, par le décret du
28 décembre 1998, qui permet une accélération et une simplification des
affaires civiles.
Sur ce premier volet relatif à la justice au quotidien, nous avons donc trois
textes : deux sont déjà définitivement votés et le dernier que nous examinons
ensemble aujourd'hui complétera ce dispositif. Je suis très heureuse que ce
premier volet de la réforme soit le plus avancé. Il constitue en effet, pour
moi, une priorité car j'estime qu'il faut améliorer la justice au quotidien si
nous voulons rendre confiance à nos concitoyens dans le service public de la
justice.
L'objet du présent projet est de renforcer, à tous les stades de la procédure
pénale, l'efficacité des réponses que l'institution judiciaire est susceptible
d'apporter aux actes de délinquance. Il a pour finalité d'améliorer la justice
au quotidien, celle qui concerne le plus grand nombre d'affaires, celle à
laquelle sont confrontés nos concitoyens dans leur vie de tous les jours.
Mes propos seront brefs car les questions qui, au cours de cette deuxième
lecture, demeurent encore en discussion sont désormais très limitées.
Je ne peux à cet égard que me féliciter du caractère très consensuel de ce
texte et des rapprochements qui ont pu intervenir entre l'Assemblée nationale
et le Sénat sur les quelques points à propos desquels existaient des
différences d'appréciation. Ces convergences sont d'autant plus remarquables
qu'il s'agit d'un projet de loi qui présente, au-delà de l'aspect parfois
technique de ses dispositions, une importance pratique considérable pour
améliorer le fonctionnement de notre institution judiciaire.
Je veux ainsi remercier très vivement le rapporteur de la commission des lois
du Sénat, M. Fauchon, pour le travail qu'il a accompli, dans un esprit
particulièrement constructif.
J'évoquerai d'abord les dispositions qui sont conformes.
En ce qui concerne les alternatives aux poursuites, je me réjouis, en premier
lieu, de voir la commission des lois adopter les dispositions du projet
consacrant les différentes formes d'alternatives aux poursuites qui viennent
compléter la consécration de la médiation pénale intervenue dans la loi du 4
janvier 1993.
Je me réjouis, en second lieu, de l'accord intervenu entre le Sénat et
l'Assemblée nationale sur la procédure de composition pénale - qui doit
désormais sa dénomination à M. Fauchon - procédure qui concilie de façon
pragmatique et équilibrée les droits des personnes, - auteurs des faits et
victimes - et l'efficacité de la répression.
Je m'en remettrai à la sagesse du Sénat en ce qui concerne l'amendement
portant à 25 000 francs l'amende de la composition pénale. Ce chiffre, qui
correspond au minimum de l'amende correctionnelle, constitue en effet un bon
compromis entre les 10 000 francs adoptés par l'Assemblée nationale et les 50
000 francs retenus par le Sénat en première lecture.
Je souhaite revenir brièvement sur la notion de classement sans suite, qui a
fait l'objet de nombreuses discussions devant la représentation nationale et
qui n'est pas toujours connue avec suffisamment de précisions.
Je souhaite profiter de l'opportunité qui m'est offerte d'apporter des
précisions sur ces chiffres parce qu'il est important de ne pas donner de
l'action judiciaire une vision erronée et partielle.
A ce titre, je rappellerai les données suivantes.
En 1997, sur 4 937 000 plaintes, reçues par les parquets, 3 088 000 concernent
des faits commis par des personnes qui n'ont pas été identifiées par les
services de police et de gendarmerie, soit 63 % du total. Le classement de ces
procédures ne correspond en rien à un mauvais fonctionnement du service public
judiciaire, mais à un échec de la procédure d'enquête.
Sur les 1 849 000 plaintes dont les auteurs ont été identifiés, les parquets
ont procédé à 302 000 classements, purs et simples, sans réponse, poursuite ni
de « troisième voie ». Ces classements représentent seulement 16 % des plaintes
pour des faits dont l'auteur est connu et 6 % de l'ensemble des plaintes. Nous
sommes donc loin de ce que l'on prétend couramment, à savoir que la justice
classe la majorité des faits dont elle est saisie.
Quand la justice est saisie de faits commis par des personnes identifiées,
elle répond par une poursuite ou par une mesure de réparation, dans 84 % des
cas. Encore faut-il souligner que les classements sont parfois justifiés en
opportunité par des éléments de droit - les faits peuvent être prescrits, ou
l'infraction peut ne pas être constituée - ou des éléments de pure
opportunité.
Je vous donnerai trois exemples de classement pour des raisons de pure
opportunité particulièrement éclairants : le vol de nourriture par une mère de
famille démunie dans le seul but de nourrir ses enfants ; le coup de pied porté
par un enseignant - il n'aurait certainement pas dû le faire - récemment à
Rouen, à l'égard d'un mineur particulièrement turbulent ; l'homicide
involontaire commis par un père qui tue accidentellement son fils, passager de
la voiture qu'il conduit. Vous en conviendrez, dans tous ces cas, le classement
de l'affaire est justifié, même si l'auteur du fait est connu et les
conséquences particulièrement graves.
Le texte dont nous débattons aujourd'hui a pour objet de limiter les
classements, non pas dus à l'opportunité mais dus à l'absence de réponses
possibles et adaptées.
Je me réjouis que sur les autres dispositions du projet des accords aient pu
également être trouvés.
Je ferai également une remarque sur les officiers de police judiciaire
douaniers.
Je me bornerai à observer que la commission a une excellente idée en proposant
de codifier dans le code de procédure pénale les dispositions adoptées par
l'Assemblée nationale et qui résultaient d'un amendement du Gouvernement, dont
l'objet est de donner certaines prérogatives de police judiciaire à différentes
catégories d'agents de douane.
Il s'agit en effet de dispositions importantes qu'il me paraît effectivement
logique d'insérer dans la partie du code de procédure pénale consacrée aux «
fonctionnaires et agents chargés de certaines missions de police judiciaire
».
Voilà pour nos points d'accord. Quels sont nos points de divergence ?
Trois questions - qui correspondent aux amendements de fond adoptés par la
commission - restent en discussion.
Il s'agit tout d'abord du champ d'application de la composition pénale et de
la conduite en état alcoolique.
La commission propose d'étendre la composition pénale au délit de conduite
sous l'empire d'un état alcoolique. Un amendement similaire a été rejeté par
l'Assemblée nationale. Les débats qui ont eu lieu sur ce point ont fait
apparaître le risque de voir considérer l'extension de la composition pénale à
ce type de délits comme un affaiblissement de la répression.
Je partage cette inquiétude et je ne souhaite pas que l'extension proposée
puisse être interprétée comme une diminution de la lutte qui est engagée contre
le fléau que représente l'alcool au volant.
C'est trop grave ; nous ne devons pas donner ce signal.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Plusieurs parlementaires ont rappelé l'aspect
pédagogique de la comparution devant une juridiction pour ce type d'infraction.
Je crois que cet aspect pédagogique garde toute son importance.
De plus, je ferai observer que l'objectif du texte est de permettre des
réponses systématiques et rapides à tous les actes de délinquance, notamment
petite et moyenne. La conduite en état alcoolique est actuellement
systématiquement poursuivie par les parquets. Faire figurer cette infraction
parmi celles pour lesquelles une composition pénale serait possible ne me
paraît pas conforme à la finalité du projet.
C'est pour ces raisons que je m'opposerai à l'amendement déposé par votre
commission sur ce point.
J'en viens à la possibilité de renvoi pour les chefs de cours.
S'agissant de l'amendement visant à supprimer l'article 19 du projet de loi,
qui facilite des possibilités de renvoi d'une juridiction à une autre, le
Gouvernement ne peut évidemment y être favorable. En effet, de nombreuses
juridictions, petites ou moyennes, ne peuvent pas juger les affaires pénales du
fait des incompatibilités entre fonctions d'instruction et de jugement,
notamment pendant les périodes de vacances.
C'est le cas de tribunaux à une chambre, qui ne comptent que quatre ou cinq
magistrats du siège. Le jugement des affaires n'est alors possible que par le
renfort soit de magistrats placés auprès des premiers présidents, soit
d'avocats. Ces deux solutions ne sont pas totalement satisfaisantes et elles
sont contraignantes, parfois pour une seule affaire dans laquelle il y a une
incompatibilité.
Le système proposé est plus souple et permet une gestion plus efficace de ces
cas d'incompatibilité.
J'ai toutefois déposé sur cet article un amendement, qui tient compte des
observations de M. le rapporteur et qui me semble pouvoir recevoir l'accord de
la Haute Assemblée. Je m'en expliquerai lorsqu'il viendra en discussion.
Naturellement, il vous appartiendra de vous déterminer, mesdames, messieurs
les sénateurs, mais je souhaitais faire un pas dans votre direction.
S'agissant des emplois-jeunes, je souhaite exposer les raisons qui ont conduit
le Gouvernement à proposer des dispositions relatives aux emplois-jeunes.
Ce texte permet de doter la justice pénale d'outils efficaces pour l'adapter
aux missions qui sont aujourd'hui les siennes. Vous le savez, le Gouvernement a
engagé une réforme d'ampleur de la lutte contre la délinquance, en particulier
contre cette délinquance qui se nourrit de faits répétés, quotidiens, qui
troublent la vie de nos concitoyens.
Il convient à cet égard, non seulement de modifier notre droit, mais aussi de
doter le service public de la justice des moyens adaptés à cette politique. Il
est souhaitable que, dans tous les cas où c'est possible, la justice puisse
être secondée pour répondre mieux et plus vite aux besoins de nos
concitoyens.
Le conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999 a donc décidé le
recrutement de 2 500 emplois-jeunes pour le ministère de la justice.
Ces agents seront notamment employés à des fonctions d'accueil des
justiciables, dans les juridictions, les maisons de la justice et du droit, ou
à des fonctions d'assistance des personnels des services déconcentrés des
directions de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'administration
pénitentiaire.
Bien entendu, il s'agit, non pas de remplacer des personnels expérimentés,
mais de leur venir en appui.
Ces emplois-jeunes doivent être pris en charge en totalité par l'Etat, sans
que les juridictions aient notamment à quérir le complément de financement
auprès des collectivités locales et des associations parce qu'il s'agira de
véritables missions régaliennes de service public. Dans la mesure où cette
possibilité n'a pas été prévue par la loi du 16 octobre 1997, il faut
l'inscrire dans ce projet de loi.
Le Gouvernement a déposé de nouveaux amendements.
Je vous demande d'en adopter deux relatifs aux auxiliaires de justice.
Le premier a pour objet de clarifier la loi du 31 décembre 1990 sur les
sociétés d'exercice libéral, en permettant expressément à l'ensemble des
professionnels libéraux de constituer des sociétés d'exercice libéral sous
forme d'entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée.
La cour d'appel de Paris a en effet estimé que cette forme sociétale n'était
pas ouverte aux professionnels libéraux, dans la mesure où l'article 1er de la
loi du 31 décembre 1990 dispose que les sociétés d'exercice libéral ont pour
objet la pratique en commun de chaque profession concernée.
Cette analyse conduit à priver les professionnels libéraux d'un mode
d'exercice particulièrement adapté à leurs besoins et qu'ils ont, au demeurant,
largement plébiscité. La plupart des sociétés sont en effet constituées sous la
forme d'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée.
Je vous propose donc de modifier l'article 1er de la loi du 31 décembre 1990
afin de rendre le texte compatible, d'une part, avec les aspirations des
professionnels libéraux et, d'autre part, avec la volonté initiale du
législateur de 1990.
Le second amendement que propose le Gouvernement vise à autoriser le partage
entre les débiteurs et les créanciers des frais d'huissier liés à l'exécution
des décisions de justice.
Le décret du 12 décembre 1996 portant tarif des huissiers prévoyait le partage
entre le débiteur et le créancier des frais relatifs au recouvrement forcé des
créances, alors que l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme
des procédures civiles d'exécution impliquait que la totalité des frais serait
à la charge des débiteurs.
En conséquence, le décret du 12 décembre 1996 a été déclaré illégal sur ce
point par le Conseil d'Etat.
J'estime qu'il est juste de ne pas accabler les seuls débiteurs, souvent
impécunieux, et de faire supporter à certains créanciers une part limitée des
coûts du recouvrement des sommes qui leur sont dues. Je vous demande donc de
modifier en ce sens l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991.
Je précise, pour qu'il n'y ait pas d'équivoque, que le Gouvernement n'entend
nullement procéder par ce biais à une augmentation du tarif des huissiers. Il
souhaite seulement donner une base légale solide et stable à la rémunération de
ces professionnels et parvenir à une répartition socialement équitable des
frais de justice. Je soulignerai simplement, en conclusion, l'importance de ce
projet de loi dont les dispositions sont très attendues par les praticiens et
qui, incontestablement, rapprocheront la justice des justiciables.
Je remercie votre commission, plus particulièrement votre rapporteur, de leur
contribution.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen et de l'Union centriste.)
M. Emmanuel Hamel.
Il y sera sensible !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous voici donc de
nouveau réunis pour examiner ce texte portant diverses mesures d'amélioration
de la procédure pénale.
Je m'étais permis de dire, avec le sourire, d'ailleurs, que, compte tenu de
son caractère quelque peu hétéroclite, il me faisait penser aux mendiants !...
Et vous avez bien voulu, madame le garde des sceaux, me signaler que les
mendiants peuvent être un dessert succulent, mais aussi - permettez-moi
d'ajouter - roboratif.
Si j'ai fait ce rappel, c'est non par esprit critique, mais pour me dispenser
de présenter une philosophie d'ensemble sur un texte regroupant des
dispositions si diverses.
Tout d'abord, j'évoquerai l'une d'entre elles, sur laquelle je reviendrai, et
qui est particulièrement intéressante : la composition pénale. J'ai la
conviction que cette mesure apportera, avec le temps, un progrès et sera une
modification peut-être plus substantielle que nous ne l'aurions imaginé de
notre procédure pénale.
Je me bornerai à formuler quelques observations.
La commission des lois a considéré que, dans un texte de cette nature, qui
comporte essentiellement des dispositions de caractère technique, nous
n'allions pas entrer dans le petit jeu consistant à dire : nous avons préféré
une rédaction en première lecture ; l'Assemblée nationale en a retenu une autre
; alors, revenons à notre première rédaction.
L'Assemblée nationale, nous semble-t-il, a tenu compte de nos réflexions et a
fait avancer les siennes. Dès lors qu'il n'y a pas de principe en cause, nous
pouvons accepter la rédaction de l'Assemblée nationale dont nous n'avons aucune
raison
a priori
de penser qu'elle n'est pas aussi valable que la
nôtre.
Ce raisonnement concerne un certain nombre de points qui ont soulevé quelques
difficultés un peu plus aiguës. Je pense notamment aux notifications aux
avocats.
Nous avons eu des hésitations sur ce point et je sais qu'un débat s'est engagé
à l'Assemblée nationale. Finalement, après avoir consulté les professionnels,
il nous a semblé que les convocations par télécopie avec récépissé du
télécopieur pour les réunions d'instruction n'ont pas donné lieu, depuis des
années, à des incidents. En revanche, comme vous l'avez souligné, madame le
garde des sceaux, il serait dangereux d'exiger un récépissé, au sens propre du
terme, du cabinet d'avocats. Celui-ci peut ne pas l'envoyer, ne serait-ce que
par une certaine passivité qui peut-être critiquable !
La troisième possibilité, c'est le circuit postal. Mais les lettres
recommandées posent également des problèmes. La personne habilitée à les
recevoir peut être absente, et elle doit se rendre à la poste pour les
retirer.
Finalement, les avocats avec lesquels nous avons discuté nous ont dit que,
selon eux, le dispositif prévu ne présentait pas d'inconvénients. Nous nous
rallions donc à la rédaction que vous souhaitiez.
Une autre difficulté résidait dans le renvoi à la collégialité par le juge
unique. Il nous avait en effet semblé que le Conseil constitutionnel ne
laisserait pas au juge unique, en matière pénale, cette possibilité.
Il semble que cette jurisprudence, selon une formule que j'ai trouvée assez
amusante de l'un de nos collègues, qui est le mieux placé pour en parler, a
quelque chose d'un peu ancien. Et, si j'ai bien compris, l'ancienneté, là non
plus, n'est pas parfaitement considérée. Il n'y a donc pas lieu de craindre une
censure !
Après avoir pensé qu'il fallait à tout le moins une demande des parties, nous
avons estimé qu'il était plus sage d'admettre le texte issu des travaux de
l'Assemblée nationale.
Enfin, nous sommes d'accord pour que les douaniers - et cela fera plaisir à M.
Charasse -, dans certains cas et dans certaines limites que vous avez définies,
bénéficient de pouvoirs de police judiciaire.
Restaient deux difficultés sur des questions qui sont de plus grande portée,
mais qui sont en voie d'être résolues.
La première, madame le garde des sceaux, tient à votre souhait de conférer au
premier président d'une cour d'appel la possibilité, à propos d'une affaire
déterminée, de désigner le tribunal qui en connaîtra lorsque la juridiction
compétente ne peut être composée en raison des incompatibilités prévues par la
loi.
Nous étions choqués par cette disposition, dans l'intérêt même du bon
fonctionnement de la justice. Nous n'avons jamais d'autres préoccupations, vous
le savez.
Mais il peut arriver, et il arrivera forcément, que, dans telle ou telle
affaire où un premier président de cour d'appel désignera un tribunal, la
presse fasse des commentaires ! Pourquoi a-t-on désigné tel tribunal au lieu de
tel autre ? Est-ce parce que M. Untel est connu pour sa sévérité ou pour son
laxisme ?
Il est fâcheux, mais je crois que vous l'avez perçu, madame le garde des
sceaux, d'ouvrir la porte à de telles interprétations, à de telles
incertitudes. Nous avions suggéré que le premier président de la cour d'appel
fixe un tableau de substitution de juridiction, valable un an et non
modifiable.
Nous disposerons ainsi d'une mesure qui ne pourra pas être critiquée parce
qu'elle sera prise non pas
ad homine
mais d'une manière générale. Je
crois donc que, sur ce point, il n'y aura pas de difficulté.
En ce qui concerne les emplois-jeunes, je dirai que cette assemblée, en tout
cas sa majorité, n'y croit pas plus qu'à tous les simili-emplois que l'on a
successivement inventés. Même si celui-ci a été revêtu d'un appareil verbal
renouvelé, ce n'est jamais qu'une variante des TUC, ou autres CES !
Cela n'est pas franchement mauvais, cela n'est pas non plus un remède aux maux
dont souffre notre société dans le domaine de l'emploi.
J'ajoute que, dans le cas particulier de la justice, on manque tellement, me
semble-t-il, d'emplois qu'il nous paraît que, si l'on a un peu d'argent pour
créer des emplois complémentaires, il vaudrait mieux réserver l'argent de
l'Etat à l'essentiel. C'est pourquoi nous sommes sceptiques. Nous ne voulons
pas non plus en faire une querelle.
Après tout, c'est une décision de caractère politique. L'Assemblée nationale
n'a pas la même majorité que le Sénat. Elle a adopté ce texte. Nous lui en
laissons la responsabilité et nous n'avons pas présenté d'amendements.
Cela ne signifie pas que nous approuvions particulièrement ce dispositif. Mais
nous ne croyons pas devoir manifester une opposition de principe à un texte
dont nous laissons la responsabilité à l'Assemblée nationale.
Enfin, nous sommes tout à fait contents de voir comment a évolué l'idée de
composition pénale. Je n'ai pas de vanité d'auteur, mais je crois que tout le
monde a admis que la formule composition pénale était plus conforme à nos
habitudes de langage que celle de compensation judiciaire.
Là n'est pas l'important ! Ce qui est intéressant, c'est que le texte ait été
adopté par l'Assemblée nationale. M. Mermaz, le rapporteur, l'a approuvé, et
l'Assemblée nationale l'a amélioré sur un certain nombre de points.
L'Assemblée nationale a apporté des améliorations en ce qui concerne les
droits de la défense et de la victime ; elle a interdit que la composition
pénale soit proposée au cours d'une garde à vue, ce qui aurait effectivement
donné à penser que des pressions risquaient d'être exercées.
Elle a par ailleurs demandé que seuls les officiers de police judiciaire - et
non les agents - puissent transmettre la proposition de composition pénale
faite par le procureur, étant entendu qu'elle devra être formulée par écrit.
Cet écrit, cela peut être un fax. Nous avions souhaité avec vous, madame le
garde des sceaux, mettre en place un système aussi simplifié que possible parce
que les choses ne fonctionnent que si elles sont réellement simples et parce
que nous voulons que ce dispositif fonctionne.
Compte tenu de la rédaction de l'Assemblée nationale, nous pouvons au moins
essayer ce système, et puis nous verrons. Grâce au fax, cela devrait être
possible. De plus, il ne me paraît pas choquant de réserver à un officier de
police judiciaire la possibilité de transmettre à l'auteur des faits la
proposition du procureur.
Je rappelle que, dans notre esprit, il ne s'agit pas seulement d'apporter une
réponse pénale à un certain nombre d'affaires actuellement classées sans suite,
ni de soulager les audiences pénales, dont nous savons qu'elles sont
terriblement surchargées dans la plupart des cas.
Il résultera de la composition pénale une amélioration qualitative, qui mérite
d'être soulignée et qui est l'aspect le plus intéressant de ce texte, à savoir
que l'on va passer, dans un certain nombre de cas, d'une situation dans
laquelle les prévenus, les délinquants nient systématiquement - même quand ils
savent qu'ils ont l'évidence contre eux, parce que c'est le jeu - à une
situation dans laquelle ils reconnaissent les faits.
En tant qu'avocat, je me souviens très bien la façon dont les choses se
passent. J'ai assez pratiqué ! Les délinquants nient toujours, car il ne faut
jamais reconnaître sa faute. De ce fait, on entre dans un processus factice et
artificieux, celui qui nie sachant parfaitement qu'il sera reconnu coupable et
l'avocat fondant sa plaidoirie sur le fait que, si son client n'était pas
considéré comme étant coupable, il n'aurait rien à dire, et qu'il doit donc
poser comme hypothèse qu'il est considéré comme coupable et expliquer qu'il a
des quantités de bonnes excuses !
Nous allons donc vers plus de dignité. En effet, au cours d'un entretien avec
le procureur, la personne qui reconnaît avoir fait telle bêtise espère très
légitimement retirer de cette reconnaissance une réduction de sa pénalité,
voire éviter la prison et est amenée à réfléchir sur la situation de la victime
et le moyen d'apporter réparation.
Ce nouveau processus ne constitue-t-il pas un très grand progrès psychologique
pour notre justice pénale par rapport à ce système d'affrontement avec négation
des uns et affirmation des autres ?
Je ferai la comparaison avec ce qu'on dit aux enfants : une faute avouée est à
moitié pardonnée. C'est au fond dans la ligne de cette vieille philosophie que
se situe notre composition pénale, « votre » composition pénale plutôt, puisque
c'est vous qui en avez pris l'initiative.
Nous espérons qu'elle introduira dans tout notre système pénal une sorte de
démarche de plaidé coupable, que nous connaissons dans le droit anglo-saxon.
Nous n'avons pas du tout envie d'en arriver au
plea bargaining
des
Américains, avec ce que cette notion même de « marchandage » contient de
choquant pour notre sensibilité.
Tirer profit de ce que peut être la reconnaissance de la délinquance, de ce
qui l'accompagne et de ses suites est une voie dans laquelle il est grand temps
d'entrer et qui, me semble-t-il, correspond mieux que le système purement
répressif du passé à l'état de la conscience moderne. C'est donc d'une manière
très délibérée que nous souhaitons entrer dans cette voie.
Cela nous a conduits à approuver les extensions apportées au champ de la
composition par l'Assemblée nationale sur la détention et le port d'armes ainsi
que sur l'usage des stupéfiants, qui n'est pas poursuivi de manière
habituelle.
Nous nous sommes également interrogés sur la possibilité d'une extension
supplémentaire, car nous pensons qu'il en sera dans ce domaine comme pour le
juge unique, dont le champ d'action a été petit à petit étendu. On a commencé
par le faire pour très peu de cas, puis le nombre de cas a augmenté à plusieurs
reprises. Je ne me risquerai pas à être trop affirmatif en avançant un chiffre,
car il y a des spécialistes qui connaissent ces choses-là beaucoup mieux que
moi.
Voilà pourquoi, madame le garde des sceaux, nous proposons une extension du
champ de la composition à la conduite en état d'ivresse. Vous nous avez répondu
tout à l'heure que la répression ne devait pas être affaiblie et qu'il ne
fallait pas renoncer à l'effet - ou à l'effet supposé, entre nous soit dit - de
l'audience. Compte tenu du nombre de personnes qui défilent à l'audience, et à
quelle vitesse, je ne suis pas sûr que cela ait un effet et que, là aussi, on
ne connaisse pas la routine. Je me demande si la comparution dans le bureau du
procureur - vous nous avez précisé, dans d'autres textes, quel est leur rôle -
ne serait pas autant de nature à faire réfléchir le contrevenant.
Nous retenons aussi l'existence de degrés dans la conduite en état d'ivresse.
Vous vous êtes réservé dans vos projets, ce qui est tout naturel, la
possibilité de donner des instructions générales. Il vous appartient
parfaitement d'expliquer aux procureurs que, pour un taux faible d'ivresse, ils
peuvent procéder par voie de composition, mais qu'au-delà d'un certain taux,
que vous pouvez d'ailleurs préciser, bien entendu, vous considérez qu'il y a
lieu de déférer à l'audience.
Cela entre parfaitement dans la responsabilité des procureurs, puisque ce sont
eux qui apprécient l'opportunité de la poursuite, et vous pouvez parfaitement,
dans la position qui est celle du garde des sceaux, gérer cela par voie de
circulaire. Je ne pense donc pas qu'il y ait de danger.
Permettez-moi de faire observer, non sans une pointe de chagrin, qu'à
l'Assemblée nationale vous vous en étiez remise à la sagesse. Le Sénat
serait-il, selon vous, moins sage que l'Assemblée nationale
(Mais non ! sur
les travées du RPR.),
puisque vous n'avez pas tenu ici de tels propos ?
Nous n'avons peut-être pas beaucoup de qualités, mais notre sagesse est
généralement reconnue !
Je me permets donc de faire appel à votre esprit de compréhension si,
toutefois, je ne sors pas de mon rôle de rapporteur en vous adressant cette
requête. Nous y reviendrons dans quelques instants.
Nous avons proposé, et nous vous remercions de l'accepter, de porter le
montant de l'amende à 25 000 francs. L'amende doit avoir un effet dissuasif.
Par ailleurs, nous savons très bien que 10 000 francs ou 25 000 francs, cela
peut revenir au même pour des personnes ayant des revenus différents. Nous
sommes donc d'accord sur tous ces points.
Reste à dire quelques mots sur les amendements que vous nous présentez.
S'agissant de la société unipersonnelle pour les professions libérales se pose
un problème d'interprétation de la loi, qui n'a pas, semble-t-il, été très bien
rédigée, et nous sommes d'accord pour préciser le texte de 1990.
S'agissant des huissiers, j'y reviendrai dans quelques instants, se pose un
problème de fond que j'exposerai brièvement. A la faveur de l'amendement que
vous proposez, vous nous demandez de vous habiliter à procéder par voie de
décret en ce qui concerne la répartition des frais de l'exécution forcée entre
débiteur et créancier, mais la voie que vous avez choisie, tout comme votre
prédécesseur d'ailleurs, ne nous semble pas la bonne et elle se heurte à des
questions de principe graves. En effet, elle consiste à dire qu'une partie des
frais de recouvrement forcé de créances établis par voie judiciaire restera à
la charge du créancier alors que, selon les textes en vigueur, le principe est
qu'en matière d'exécution forcée les frais de recouvrement sont à la charge du
débiteur.
En ce qui concerne les dépens, le juge du fond peut en laisser une partie à la
charge du créancier ; le juge de l'exécution peut également, dans certaines
circonstances, laisser à la charge du créancier certains frais de
recouvrement.
Nous admettons qu'existe une possibilité d'exception au principe général selon
lequel l'accessoire suit le principal. Mais dès lors que l'on est le débiteur
et que l'on a obligé son créancier à engager des poursuites, il est tout de
même juste de supporter les conséquences desdites poursuites. Les exceptions
doivent être contrôlées par le juge et, selon nous, il ne faut pas sortir de
cette démarche. Il serait en effet choquant de poser un principe selon lequel
un créancier serait automatiquement pénalisé parce qu'il a le malheur d'être
créancier, et parce qu'il a le malheur encore plus grand d'être placé face à un
mauvais débiteur !
C'est un petit point de désaccord entre nous. Il n'est pas majeur, d'autant
qu'une proposition de loi de M. Gouzes a le même objet que votre amendement et
pourrait nous permettre de reprendre le problème de manière approfondie.
Si l'on considère que le pouvoir du juge de l'exécution d'attribuer une partie
des dépens au créancier est considéré comme étant trop restrictif, nous
pourrions revoir cette rédaction en examinant la proposition de M. Gouzes, que
le Gouvernement a toute facilité pour inscrire à l'ordre du jour. Nous
préférerions qu'il en soit ainsi.
Telles sont les quelques observations que je voulais formuler. Elles
témoignent - et je vous remercie d'avoir bien voulu le relever fort gentiment
tout à l'heure - de notre souci d'améliorer la justice sur votre invitation et
en collaboration avec l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, du RDSE
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de
loi relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la
procédure pénale qui nous est soumis aujourd'hui en deuxième lecture répond à
la volonté du Gouvernement d'améliorer la justice au quotidien.
La délinquance a connu, ces derniers mois, une hausse importante, hausse en
grande partie liée à la décision du conseil de sécurité du 8 juin dernier de
donner une réponse systématique à chaque acte de délinquance. Mais le sentiment
d'insécurité qui règne dans certains quartiers provient autant de cette
augmentation que de la nature de cette délinquance et de ses auteurs.
De 1994 à 1997, les dégradations ont augmenté de 230 %, les coups et blessures
volontaires de 113 % ; quant aux infractions de masse affectant notre vie
quotidienne, elles représentent 70 % du total de la criminalité.
Cette délinquance de plus en plus violente implique des auteurs de plus en
plus jeunes. La crise économique et sociale, dont souffre notre pays, et les
phénomènes d'exclusion sont en grande partie responsables de cette évolution de
la délinquance.
M. Emmanuel Hamel.
Manque d'éducation !
Mme Dinah Derycke.
Le sentiment d'insécurité est alimenté par l'impression d'impunité dont
bénéficient les auteurs d'infraction.
Je ne reviendrai pas sur le taux élevé des classements sans suite, mais je
vous remercie, madame la ministre, des précisions utiles que vous venez de nous
apporter sur ce sujet.
Les gouvernements successifs se sont attachés à renforcer l'efficacité de la
réponse judiciaire à la montée de la délinquance. Ils ont développé le
traitement en temps réel des affaires dont la caractéristique principale est le
signalement systématique des procédures au parquet. Ces mesures ont permis de
réduire sensiblement les délais de jugement et d'augmenter la part des
comparutions rapides devant les tribunaux.
En parallèle, et en dehors de tout dispositif législatif, une troisième voie
s'est développée entre le classement sans suite et les poursuites. On a vu
apparaître le rappel à la loi, la médiation pénale, la réparation pénale, qui
permettent ainsi d'apporter une réponse à des faits ne nécessitant pas
forcément de poursuites. Ces dispositifs ont trouvé ultérieurement une
traduction législative.
En 1995, un de vos prédécesseurs, madame la ministre, proposait la mise en
place d'une procédure, l'injonction pénale, qui devait, elle aussi, permettre
de réprimer certaines infractions sans pour autant avoir recours à la voie
répressive. Ce dispositif ne satisfaisait pas aux principes constitutionnels.
Le projet que vous proposez reprend sur le fond le dispositif de 1995 en tenant
compte, bien évidemment, des exigences du Conseil constitutionnel.
Ainsi, le procureur de la République aura la possibilité de proposer, à titre
de compensation judiciaire, à une personne majeure qui reconnaît avoir commis
un ou plusieurs délits limitativement énumérés, d'exécuter certaines mesures
qui auront pour conséquence d'éteindre l'action publique. Ces mesures devront
être validées par le président du tribunal de grande instance.
Il devenait indispensable de proposer une alternative crédible aux classements
sans suite. Je me félicite, madame la ministre, que vous ayez pris cette
initiative.
Le projet de loi, outre les dispositions relatives aux mesures alternatives
aux poursuites et à la composition pénale, comporte une série d'articles
d'importance variable, dont le seul point commun est la volonté de renforcer
l'efficacité de la procédure.
Je me réjouis tout particulièrement de la possibilité offerte au juge unique
de renvoyer une affaire devant la formation collégiale du tribunal de grande
instance si elle présente une complexité particulière. Cette disposition
introduit dans le jugement des délits par le juge unique une souplesse
nécessaire. Cela vient d'être relevé par notre rapporteur.
Le texte améliore la coopération judiciaire internationale. Il permet une
accélération et une meilleure efficacité des procédures d'entraide en
permettant que les actes effectués pour le compte des autorités judiciaires
étrangères répondent aux impératifs procéduraux de ces dernières et en
attribuant aux procureurs généraux certaines prérogatives actuellement dévolues
au ministre de la justice.
Ces modifications sont l'occasion d'introduire dans le code de procédure
pénale, pour la première fois dans notre droit, un titre spécifiquement
consacré à l'entraide pénale internationale. Les juridictions sont de plus en
plus confrontées à une délinquance et à une criminalité transfrontalières. Ces
dispositions devenaient donc indispensables.
Je ne voudrais pas achever mon propos sans dire un mot des dispositions
relatives aux emplois-jeunes introduites par l'Assemblée nationale en première
lecture par le Gouvernement.
En effet, madame la garde des sceaux, vous avez souhaité, pour mettre en
oeuvre avec davantage d'efficacité les réformes que vous entreprenez, prévoir
le recrutement de 2 500 emplois-jeunes pour le ministère de la justice.
Ces emplois seront destinés, vous venez de le rappeler, à seconder les
magistrats et les fonctionnaires chargés de ces questions. Ils pourront être
employés à l'accueil des justiciables dans les maisons de justice et du droit
ou à des fonctions d'assistance des personnels des services déconcentrés de la
protection judiciaire de la jeunesse ou de l'administration pénitentiaire. Je
ne peux que saluer cette initiative.
Toutefois, madame la ministre, la mise en oeuvre de votre politique ambitieuse
nécessite que vous poursuiviez, dans les années à venir, les efforts en matière
de personnels et de structures adaptées. La carte judiciaire doit également
être révisée, afin que la justice s'adapte aux mouvements de population de ces
dernières décennies.
Sous cette réserve, le groupe socialiste vous accompagnera avec enthousiasme,
dans ce nouveau volet de votre vaste réforme ; il votera ce projet de loi.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous
examinons aujourd'hui, pour la seconde fois, le projet de loi renforçant
l'efficacité de la procédure pénale, amendé par l'Assemblée nationale, le 6
avril dernier.
Permettez-moi de revenir sur les postulats qui ont sans nul doute présidé à
l'élaboration de ce projet de loi constituant l'un des sept textes de la
réforme de la justice engagée par le Gouvernement voilà plusieurs mois
maintenant.
Chacun s'accorde à reconnaître les dysfonctionnements de la justice, dont les
premières victimes sont nos concitoyens.
La confiance de ces derniers envers l'institution judiciaire est, depuis trop
longtemps maintenant, largement entamée. Cette situation s'explique par la
lenteur des procédures, par les difficultés pour accéder à la justice, par la
complexité de la loi, quand ce n'est pas par le sentiment d'une trop grande
dépendance de la justice à l'égard du pouvoir politique, même si l'actualité
nous apporte la démonstration inverse, et c'est bien, car tel n'a pas toujours
été le cas dans le passé.
Les citoyens font aussi le reproche à l'institution judiciaire d'être
inefficace au regard de l'aggravation de la délinquance.
A cela s'ajoute un sentiment accru d'insécurité qui, alors même qu'il est
souvent disproportionné par rapport à la réalité, s'explique pour partie par le
nombre inquiétant des affaires classées sans suite, se traduisant par une
impunité croissante pour les auteurs d'infractions.
Le présent texte est donc destiné à rendre notre « justice plus accessible,
plus rapide, plus efficace », selon la formule désormais consacrée.
Nous est ainsi proposé un dispositif tendant à renforcer l'efficacité des
réponses susceptibles d'être apportées par l'institution judiciaire aux actes
de délinquance, et ce à tous les stades de la procédure.
Nous ne pouvons que souscrire à de tels objectifs, qui visent à désengorger la
justice tant en amont qu'en aval.
Sans entrer à nouveau, à ce stade de la procédure parlementaire, dans le
détail de chaque article, je m'arrêterai sur celles des dispositions du projet
de loi qui nous semblent être les plus importantes, à savoir l'instauration de
la composition pénale et la limitation du champ d'intervention du juge unique,
mais aussi sur les modifications les plus marquantes apportées par l'Assemblée
nationale.
S'agissant de la composition pénale, nous avons dit en première lecture, par
la voix de mon ami Robert Pagès, notre regret de voir instaurer une telle
procédure, qui introduit « des rapports d'argent dans le rendu même de la
justice ».
Déjà, en 1994, mon groupe s'était prononcé contre la transaction pénale,
proposée alors par M. Méhaignerie.
Comment, avec un tel système, ne pas penser à l'immanquable risque de
marchandage, à l'inéluctable inégalité devant la justice, à l'insuffisance des
garanties par rapport au principe du contradictoire et au regard de la
présomption d'innocence, sans parler du sentiment que l'impunité pourrait
s'acheter ?
C'est pour ces raisons que nous avions, en juin dernier, déposé un amendement
visant à supprimer l'article 1er. Notre inquiétude était d'autant plus
justifiée que la commission des lois proposait, à cette époque, de porter le
montant maximum de l'amende de 10 000 francs à 50 000 francs.
Après l'examen du texte par l'Assemblée nationale, qui a de nouveau fixé ce
plafond à 10 000 francs, M. le rapporteur nous propose aujourd'hui de « couper
la poire en deux » et de conserver un plafond de 25 000 francs.
Nous ne sommes pas pour autant convaincus du bien-fondé d'une telle démarche,
d'autant que ce dispositif est censé s'appliquer à la petite et moyenne
délinquance.
L'examen en deuxième lecture par l'Assemblée nationale a toutefois permis
d'améliorer le dispositif retenu pour la composition pénale.
Ainsi, de nouvelles dispositions tendent à renforcer les garanties qui
entourent cette procédure, notamment pour ce qui est de l'information de
l'auteur des faits et de la victime.
S'agissant de l'élargissement de la liste des délits susceptibles de donner
lieu à composition pénale - je pense en particulier au délit d'usage de
stupéfiants introduit à l'Assemblée nationale - nous estimons que d'autres
solutions plus adaptées existent déjà ou pourraient être retenues, à savoir
l'injonction thérapeutique, et, le cas échéant, un travail au profit de la
collectivité.
On peut se demander quels jeunes délinquants pourraient s'acquitter d'une
telle indemnité, relevée, de surcroît, par l'amendement de la commission.
Quant à l'extension de la composition pénale au délit de conduite en état
d'ivresse proposée par la commission des lois et qui a déjà fait l'objet d'un
débat à l'Assemblée nationale sans avoir été retenue, j'estime qu'elle est
discutable.
Etant donné la gravité de ces infractions, vous avez raison, madame la garde
des sceaux, il ne faut ni donner le signe d'une quelconque indulgence ni
accepter qu'il y ait un vide entre le classement sans suite et le passage
devant le tribunal.
Quant à la compétence du juge unique en matière correctionnelle largement
étendue en 1995, le projet de loi initial y apportait une double limite : d'une
part, le juge unique ne serait plus compétent dans le cas d'une récidive ;
d'autre part, le juge unique pourrait, si la complexité des faits le justifie,
décider de renvoyer l'affaire devant le juge collégial.
La commission des lois a, en première lecture, supprimé cette dernière
possibilité, ce qui, avec les amendements relatifs à la composition pénale,
avait motivé notre abstention sur l'ensemble du projet de loi.
Nous nous sommes toujours prononcés pour la collégialité qui, selon nous, par
les échanges et la confrontation des idées et par la prise de décision
collégiale qu'elle entraîne, offre toute garantie dans le prononcé des
jugements.
Nous nous félicitons que la commission des lois du Sénat accepte, finalement,
que le juge unique puisse renvoyer à la collégialité une affaire quand sa
complexité l'exige, ainsi que l'ont rétabli les députés.
J'en viens à présent aux articles additionnels adoptés par l'Assemblée
nationale sur proposition du Gouvernement et sur lesquels nous n'avons pas
encore eu l'occasion de nous exprimer.
Le premier a trait à l'habilitation de certains douaniers qui pourront ainsi
remplir des missions de police judiciaire pour lutter contre la fraude.
Il s'agit d'un dispositif important puisqu'il devrait permettre aux magistrats
de bénéficier du concours des douaniers, lesquels disposent de compétences
techniques spécifiques, notamment dans le domaine des contrefaçons.
Il convient évidemment, pour des raisons que chacun peut comprendre, de bien
encadrer l'action nouvelle des agents des douanes.
Ainsi, l'octroi de la qualité de police judiciaire, limité à un nombre
restreint de douaniers et soumis à quatre conditions restrictives, nous semble
satisfaire à la nécessité de ne pas confondre le pouvoir normal des douaniers
et la nouvelle compétence qui leur est ainsi attribuée.
Permettez-moi, toutefois, de poser quelques questions.
Ces agents, qui vont assumer des missions nouvelles, suivront-ils une
formation professionnelle adaptée ?
Verront-ils leur rémunération adaptée à leur nouvelle qualification ?
Bénéficieront-ils d'une reconnaissance de leur nouvelle qualification ?
La question des effectifs et des moyens risque, par ailleurs, de se poser
rapidement, étant entendu que les agents ainsi habilités seront non plus dans
leurs services mais sur le terrain pour enquêter.
Le second article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale,
a pour objet la création d'emplois-jeunes annoncés lors du conseil de sécurité
du 27 janvier dernier.
Bien évidemment, nous sommes favorables au recrutement de jeunes gens âgés de
dix-huit à vingt-six ans pour exercer les missions d'agents de justice auprès
des magistrats et fonctionnaires de la justice.
Encore faut-il permettre à ces jeunes de bénéficier d'une formation
adaptée.
De plus, la période de recrutement étant de cinq ans non renouvelable,
n'est-il pas souhaitable de se préoccuper, dès maintenant, s'il s'agit
d'emplois « émergents », des moyens de les pérenniser ?
Telles sont, mes chers collègues, les quelques observations que je tenais à
formuler, au nom du groupe communiste républicain et citoyen.
Je précise que notre abstention en première lecture sur l'ensemble de ce texte
était motivée par les reculs votés, ici même, par la majorité sénatoriale.
La navette parlementaire a cependant permis à l'Assemblée nationale de
rétablir certaines dispositions, voire d'en améliorer d'autres.
Le Sénat ayant pour une large part accepté les modifications émanant des
députés, nous voterons le texte ainsi remanié.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles
est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas
encore adopté un texte identique.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er - L'article 41-1 du code de procédure pénale devient l'article 41-4
et il est inséré, après l'article 41, trois articles 41-1 à 41-3 ainsi rédigés
:
«
Art. 41-1.
- S'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible
d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble
résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des
faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur
l'action publique, directement ou par délégation :
« 1° Procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant
de la loi ;
« 2° Orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou
professionnelle ;
« 3° Demander à l'auteur des faits de régulariser sa situation au regard de la
loi ou des règlements ;
« 4° Demander à l'auteur des faits de réparer le dommage résultant de ceux-ci
;
« 5° Faire procéder, avec l'accord des parties, à une mission de médiation
entre l'auteur des faits et la victime.
« La procédure prévue au présent article suspend la prescription de l'action
publique.
«
Art. 41-2.
- Le procureur de la République, tant que l'action
publique n'a pas été mise en mouvement, peut proposer, directement ou par
l'intermédiaire d'une personne habilitée, une composition pénale à une personne
majeure qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits prévus par les
articles 222-11, 222-13 (1° à 10°), 222-16, 222-17, 222-18 (premier alinéa),
227-3 à 227-7, 227-9 à 227-11, 311-3, 313-5, 314-5, 314-6, 322-1, 322-2, 322-12
à 322-14, 433-5 à 433-7 et 521-1 du code pénal, par les articles 28 et 32 (2°)
du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes
et munitions et par l'article L. 628 du code de la santé publique, qui consiste
en une ou plusieurs des mesures suivantes :
« 1° Verser une amende de composition au Trésor public. Le montant de cette
amende de composition, qui ne peut excéder ni 10 000 F ni la moitié du maximum
de l'amende encourue, est fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que
des ressources et des charges de la personne. Son versement peut être
échelonné, selon un échéancier fixé par le Procureur de la République, à
l'intérieur d'une période qui ne peut être supérieure à un an ;
« 2° Se dessaisir au profit de l'Etat de la chose qui a servi ou était
destinée à commettre l'infraction ou qui en est le produit ;
« 3° Remettre au greffe du tribunal de grande instance son permis de conduire
ou son permis de chasser, pour une période maximale de quatre mois ;
« 4° Effectuer au profit de la collectivité un travail non rémunéré pour une
durée maximale de soixante heures, dans un délai qui ne peut être supérieur à
six mois.
« Lorsque la victime est identifiée, et sauf si l'auteur des faits justifie de
la réparation du préjudice commis, le procureur de la République doit également
proposer à ce dernier de réparer les dommages causés par l'infraction dans un
délai qui ne peut être supérieur à six mois. Il informe la victime de cette
proposition.
« La proposition de composition pénale émanant du procureur de la République
peut être portée à la connaissance de l'auteur des faits par l'intermédiaire
d'un officier de police judiciaire. Elle fait alors l'objet d'une décision
écrite et signée de ce magistrat, qui précise la nature et le quantum des
mesures proposées et qui est jointe à la procédure. A peine de nullité, cette
proposition ne peut intervenir pendant la durée de la garde à vue de l'auteur
des faits.
« La composition pénale peut être proposée dans une maison de justice et du
droit.
« La personne à qui est proposée une composition pénale est informée qu'elle
peut se faire assister par un avocat avant de donner son accord à la
proposition du procureur de la République. Ledit accord est recueilli par
procès-verbal. Une copie de ce procès-verbal lui est transmise.
« Lorsque l'auteur des faits donne son accord aux mesures proposées, le
procureur de la République saisit par requête le président du tribunal aux fins
de validation de la composition. Le procureur de la République informe de cette
saisine l'auteur des faits et, le cas échéant, la victime. Le président du
tribunal peut procéder à l'audition de l'auteur des faits et de la victime,
assistés, le cas échéant, de leur avocat. Les auditions sont de droit si les
intéressés le demandent. Si ce magistrat rend une ordonnance validant la
composition, les mesures décidées sont mises à exécution. Dans le cas
contraire, la proposition devient caduque. La décision du président du
tribunal, qui est notifiée à l'auteur des faits et, le cas échéant, à la
victime, n'est pas susceptible de recours.
« Si la personne n'accepte pas la composition ou si, après avoir donné son
accord, elle n'exécute pas intégralement les mesures décidées ou, si la demande
de validation prévue par l'alinéa précédent est rejetée, le procureur de la
République apprécie la suite à donner à la procédure. En cas de poursuites et
de condamnation, il est tenu compte, le cas échéant, du travail déjà accompli
et des sommes déjà versées par la personne.
« La prescription de l'action publique est suspendue entre la date à laquelle
le procureur de la République propose une composition pénale et la date
d'expiration des délais impartis pour exécuter la composition pénale.
« L'exécution de la composition pénale éteint l'action publique. Elle ne fait
cependant pas échec au droit de la partie civile de délivrer citation directe
devant le tribunal correctionnel dans les conditions prévues au présent code.
Le tribunal ne statue alors que sur les seuls intérêts civils, au vu du dossier
de la procédure qui est versé au débat.
« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en
Conseil d'Etat.
« Art. 41-3.
- La procédure de composition pénale est également
applicable en cas de violences ou de dégradations contraventionnelles.
« Le montant maximum de l'amende de composition ne peut alors excéder 5 000
francs ni la moitié du maximum de l'amende encourue, la durée de la remise du
permis de conduire ou du permis de chasser ne peut dépasser deux mois et la
durée du travail non rémunéré ne peut être supérieure à trente heures, dans un
délai maximum de trois mois.
« La requête en validation est portée devant le juge d'instance. »
Par amendement n° 4, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans le
premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 41-2 du code de
procédure pénale, après les mots : « armes et munitions », d'insérer les mots :
« , par l'article L. 1er du code la route ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cet amendement, auquel j'ai fait allusion dans mon exposé
liminaire, tend à étendre les possibilités de composition pénale à la conduite
en état d'ivresse. Cela peut constituer une amélioration considérable dans la
mesure où, actuellement, dans certaines juridictions correctionnelles, la
moitié des audiences est occupée par les infractions pour conduites en état
d'ivresse.
Je ne crois pas, par ailleurs, que cela puisse engendrer une quelconque
banalisation.
Lorsque je mets en parallèle la comparution des personnes ayant conduit en
état d'ivresse, devant le juge qui distribue les peines en appliquant son
barème, et le passage des mêmes personnes devant un procureur qui les reçoit
dans son bureau et a un court dialogue avec elles, j'ai tendance à penser que
la seconde formule permet une meilleure prise de conscience de sa propre
responsabilité que la première formule, qu'en tout cas on ne peut pas dire
a
priori
que l'une des solutions soit meilleure ou moins bonne que
l'autre.
Je me permets donc de vous dire, madame le garde des sceaux, que vous devriez
renoncer à cette idée selon laquelle la solennité de l'audience est de nature à
faire plus réfléchir que le passage dans le bureau du procureur. Je rappelle,
encore une fois, qu'il est en votre pouvoir d'orienter le choix des procureurs
par une circulaire. Naturellement, dans les cas caractérisés, pour un taux
d'alcool très important, ils ne recourront pas à la composition pénale.
Le système ne me semble pas présenter d'inconvénient. En tout cas, je le
répète, il comporterait un gros avantage si l'on considère l'effet de
décongestion des audiences pénales qu'il pourrait engendrer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne vais pas reprendre les arguments que j'ai
développés tout à l'heure. C'est vrai, je ne souhaite ni banaliser ce type
d'infraction, qui me paraît particulièrement grave, ni affaiblir la répression.
Toutefois, comme vous m'avez fait remarquer, monsieur le rapporteur, que je
m'en étais remise à la sagesse de l'Assemblée nationale, je m'en remets
aujourd'hui à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
M. Guy Fischer.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
Mme Dinah Derycke.
Le groupe socialiste également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 5, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans la
deuxième phrase du deuxième alinéa (1°) du texte présenté par l'article 41-2 du
code de procédure pénale, de remplacer la somme : « 10 000 francs » par la
somme : « 25 000 francs ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je crois que nous sommes d'accord sur ce point comme Mme le
garde des sceaux a bien voulu l'indiquer tout à l'heure. Elever à 25 000 francs
le montant de l'amende permettra au procureur de tenir compte des situations
respectives des uns et des autres.
Je répondrai par ailleurs à M. Bret qu'il ne s'agit pas du tout d'acheter
l'impunité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je m'en remets, là encore, à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?... Je mets aux voix l'amendement n° 5, pour
lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Le dernier alinéa de l'article 41 du code de procédure pénale est
supprimé. » -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 2
M. le président.
Par amendement n° 6, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans l'avant-dernier alinéa de l'article L. 11-1 du code de la route,
après les mots : "amende forfaitaire", sont insérés les mots : ", l'exécution
d'une composition pénale".
« II. - L'avant-dernier alinéa (7°) de l'article L. 30 du même code est
complété par les mots : "ainsi que de l'exécution d'une composition pénale".
« III. - Dans le premier alinéa de l'article L. 32 du même code, après les
mots : "aux condamnations judiciaires,", sont insérés les mots : "aux
compositions pénales,".
« IV. - Le troisième alinéa (1°) du même article est complété par les mots :
"pour les compositions pénales, à compter du jour où la mesure est exécutée ;".
»
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de conséquence.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 2.
Articles 2
bis
et 2
ter
M. le président.
« Art. 2
bis. -
La première phrase du dernier alinéa de l'article 6 du
code de procédure pénale est complétée par les mots : "ou par l'exécution d'une
composition pénale". » -
(Adopté.)
« Art. 2
ter.
- I. - Le dernier alinéa de l'article 1er de la loi n°
91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est complété par les mots
: "et de la composition pénale".
« II. - L'intitulé de la troisième partie de la même loi est complété par les
mots : "et de la composition pénale".
« III. - Dans le premier alinéa de l'article 64-2 de la même loi, les mots :
"au septième alinéa de l'article 41" sont remplacés par les mots : "au 5° de
l'article 41-1 et aux articles 42-2 et 42-3". » -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 2
ter
M. le président.
Par amendement n° 11, M. Fauchon au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 2
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 809 du code de procédure pénale, un article
809-1 ainsi rédigé :
«
Art. 809-1. -
Pour l'application de l'article 41-2, les références
aux articles 28 et 32 (2°) du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des
matériels de guerre, armes et munitions et à l'article L. 1er du code de la
route sont remplacées par les références aux dispositions applicables
localement qui répriment la détention ou le port d'arme et aux dispositions
applicables localement en matière de circulation routière qui répriment la
conduite sous l'empire d'un état alcoolique ou en état d'ivresse manifeste.
»
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cet amendement tend à rendre applicable aux territoires
d'outre-mer la composition pénale en matière de conduite sous l'empire d'un
état alcoolique, ainsi qu'en matière de détention ou de port d'arme.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement serait favorable à cet amendement
puisqu'un processus d'adaptation est en effet nécessaire pour la Polynésie et
la Nouvelle-Calédonie.
Mais, comme je conserve ma réserve sur l'application de cette procédure pour
la conduite sous l'empire d'un état alcoolique, je m'en remets à la sagesse du
Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 2
ter.
Article 3
M. le président.
« Art 3. - I. -
Non modifié.
« II. - L'article 398-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé
:
« Le tribunal correctionnel siégeant dans sa composition prévue par le
troisième alinéa de l'article 398 peut, si la complexité des faits le justifie,
décider, d'office ou à la demande des parties ou du ministère public, de
renvoyer l'affaire devant le tribunal correctionnel siégeant dans les
conditions prévues au premier alinéa du même article. Les dispositions de
l'alinéa qui précède ne sont alors pas applicables. Cette décision constitue
une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours. »
-
(Adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art 5. - I et II. -
Non modifiés
.
« III. - L'article 529-6 du même code est abrogé.
« A l'article 529-7 du même code, les mots : "prévues par l'article 529-6"
sont remplacés par les mots : "dont la liste est fixée par décret en Conseil
d'Etat".
« IV. - Les dispositions du présent article entreront en vigueur à la date de
publication du décret en Conseil d'Etat prévu au II. »
Par amendement n° 3 rectifié, MM. Flosse, Lanier et César proposent de
compléter,
in fine,
cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« A. - L'article 850 du code de procédure pénale est complété,
in fine,
par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant et les modalités d'acquittement des amendes forfaitaires sont
fixés par les assemblées délibérantes. »
« B. - A la fin du premier alinéa du même article, les mots : "est ainsi
rédigé" sont remplacés par les mots : "est remplacé par deux alinéas ainsi
rédigés". »
La parole est à M. César.
M. Gérard César.
La Polynésie française étant dotée d'un statut particulier, M. Flosse a pensé
qu'il était nécessaire de déposer un amendement concernant les modalités
d'acquittement des amendes forfaitaires fixées par les assemblées
délibérantes.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission regrette de ne pas pouvoir proposer au Sénat
d'adopter cet amendement. Mais celui-ci ne vise pas seulement les modalités
d'acquittement des amendes forfaitaires, il vise également leur montant, qui
serait fixé par les assemblées délibérantes.
Cela nous paraît impossible, dans la mesure où nous sommes dans le domaine de
la procédure pénale, celle-ci étant de la compétence de l'Etat ; nos collègues
le savent bien.
En revanche, lorsque nous aurons à examiner un nouveau statut pour la
Polynésie française, dans le cadre de l'évolution programmée du territoire,
nous pourrons de nouveau poser valablement cette question.
Je me permets donc de suggérer à nos collégues de retirer présentement leur
amendement.
M. le président.
Monsieur César, l'amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
M. Gérard César.
Compte tenu des indications fournies par le rapporteur, je le retire, monsieur
le président.
M. le président.
L'amendement n° 3 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Articles 7, 9, 12, 15, 16, 16
bis
et 17
M. le président.
« Art. 7. - I. -
Non modifié.
« II. - L'article 60 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes désignées pour procéder aux examens techniques ou
scientifiques peuvent procéder à l'ouverture des scellés. Elles en dressent
inventaire et en font mention dans un rapport établi conformément aux
dispositions des articles 163 et 166. Elles peuvent communiquer oralement leurs
conclusions aux enquêteurs en cas d'urgence.
« Sur instructions du procureur de la République, l'officier de police
judiciaire donne connaissance des résultats des examens techniques et
scientifiques aux personnes à l'encontre desquelles il existe des indices
faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction,
ainsi qu'aux victimes. »
« III et IV. -
Non modifiés. » - (Adopté.)
« Art. 9. - L'article 80 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
« I. - Le troisième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Le procureur de la République peut alors soit requérir du juge
d'instruction, par réquisitoire supplétif, qu'il informe sur ces nouveaux
faits, soit requérir l'ouverture d'une information distincte, soit saisir la
juridiction de jugement, soit ordonner une enquête, soit décider d'un
classement sans suite ou de procéder à l'une des mesures prévues aux articles
41-1 à 41-3, soit transmettre les plaintes ou les procès-verbaux au procureur
de la République territorialement compétent. Si le procureur de la République
requiert l'ouverture d'une information distincte, celle-ci peut être confiée au
même juge d'instruction, désigné dans les conditions prévues au premier alinéa
de l'article 83. »
« II. -
Non modifié. » - (Adopté.)
« Art. 12. - Il est inséré, après le deuxième alinéa de l'article 385 du code
de procédure pénale, un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction a été rendue sans que
les conditions prévues par l'article 175 aient été respectées, les parties
demeurent recevables, par dérogation aux dispositions du premier alinéa, à
soulever devant le tribunal correctionnel les nullités de la procédure. »
-
(Adopté.)
« Art. 15. - Il est inséré, après l'article 583 du code de procédure pénale,
un article 583-1 ainsi rédigé :
«
Art. 583-1.
- Les dispositions de l'article 583 ne sont pas
applicables lorsque la juridiction a condamné une personne en son absence,
après avoir refusé de faire application des dispositions des articles 410 ou
411. En ce cas, le pourvoi en cassation ne peut porter que sur la légalité de
la décision par laquelle la juridiction n'a pas reconnu valable l'excuse
fournie par l'intéressé en application de l'article 410 ou a refusé de le juger
en son absence conformément à l'article 411. »
- (Adopté.)
« Art. 16. - L'article 41-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
« I. -
Non modifié.
« II. - Il est inséré, après la première phrase du troisième alinéa, une
phrase ainsi rédigée :
« Il en est de même lorsque le propriétaire ou la personne à laquelle la
restitution a été accordée ne réclame pas l'objet dans un délai de deux mois à
compter d'une mise en demeure adressée à son domicile. »
- (Adopté.)
« Art. 16
bis
. - L'article 56 du code de procédure pénale est complété
par un alinéa ainsi rédigé :
« Le procureur de la République peut également, lorsque la saisie porte sur
des espèces, lingots, effets ou valeurs dont la conservation en nature n'est
pas nécessaire à la manifestation de la vérité ou à la sauvegarde des droits
des personnes intéressées, autoriser leur dépôt à la Caisse des dépôts et
consignations ou à la Banque de France. »
- (Adopté.)
« Art. 17. - Il est inséré, après l'article 99-1 du code de procédure pénale,
un article 99-2 ainsi rédigé :
«
Art. 99-2.
- Lorsqu'au cours de l'instruction la restitution des
biens meubles placés sous main de justice et dont la conservation n'est plus
nécessaire à la manifestation de la vérité s'avère impossible, soit parce que
le propriétaire ne peut être identifié, soit parce que le propriétaire ne
réclame pas l'objet dans un délai de deux mois à compter d'une mise en demeure
adressée à son domicile, le juge d'instruction peut ordonner, sous réserve des
droits des tiers, la destruction de ces biens ou leur remise au service des
domaines aux fins d'aliénation.
« Le juge d'instruction peut également ordonner, sous réserve des droits des
tiers, de remettre au service des domaines, en vue de leur aliénation, des
biens meubles placés sous main de justice appartenant aux personnes
poursuivies, dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de
la vérité et dont la confiscation est prévue par la loi, lorsque le maintien de
la saisie serait de nature à diminuer la valeur du bien. S'il est procédé à la
vente du bien, le produit de celle-ci est consigné pendant une durée de dix
ans. En cas de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, ou lorsque la peine de
confiscation n'est pas prononcée, ce produit est restitué au propriétaire des
objets s'il en fait la demande.
« Le juge d'instruction peut également ordonner la destruction des biens
meubles placés sous main de justice dont la conservation n'est plus nécessaire
à la manifestation de la vérité, lorsqu'il s'agit d'objets qualifiés par la loi
de dangereux ou de nuisibles, ou dont la détention est illicite.
« Les décisions prises en application du présent article font l'objet d'une
ordonnance motivée. Cette ordonnance est prise soit sur réquisitions du
procureur de la République, soit d'office après avis de ce dernier. Elle est
notifiée au ministère public, aux parties intéressées et, s'ils sont connus, au
propriétaire ainsi qu'aux tiers ayant des droits sur le bien, qui peuvent la
déférer à la chambre d'accusation dans les conditions prévues aux cinquième et
sixième alinéas de l'article 99.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent
article. »
- (Adopté.)
Article 18
(coordination)
M. le président.
« Art. 18. - Il est ajouté, après l'article 706-30 du code de procédure
pénale, un article 706-30-1 ainsi rédigé :
«
Art. 706-30-1.
- Lorsqu'il est fait application des dispositions du
troisième alinéa de l'article 99-1 à des substances stupéfiantes saisies au
cours de la procédure, le juge d'instruction doit conserver un échantillon de
ces produits afin de permettre, le cas échéant, qu'ils fassent l'objet d'une
expertise. Cet échantillon est placé sous scellés.
« Il doit être procédé par le juge d'instruction ou par un officier de police
judiciaire agissant sur commission rogatoire à la pesée des substances saisies
avant leur destruction. Cette pesée doit être réalisée en présence de la
personne qui détenait les substances, ou, à défaut, en présence de deux témoins
requis par le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire et choisis
en dehors des personnes relevant de leur autorité. La pesée peut également être
réalisée, dans les mêmes conditions, au cours de l'enquête de flagrance ou de
l'enquête préliminaire, par un officier de police judiciaire, ou, au cours de
l'enquête douanière, par un agent des douanes de catégorie A ou B.
« Le procès-verbal des opérations de pesée est signé par les personnes
mentionnées ci-dessus. En cas de refus, il en est fait mention au
procès-verbal. »
Par amendement n° 7, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans la
première phrase du texte présenté par cet article pour l'article 706-30-1 du
code de procédure pénale, de remplacer la référence : « 99-1 » par la référence
: « 99-2 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
L'article 18 a été adopté conforme. Il s'agit, monsieur le
président, d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18, ainsi modifié.
(L'article 18 est adopté.)
Article 19 A
M. le président.
« Art. 19 A. - I A. - Dans le premier alinéa de l'article 626 du code de
procédure pénale, après le mot : "préjudice", sont insérés les mots : "matériel
et moral".
« I et II. -
Non modifiés. - (Adopté.)
Article 19 B
M. le président.
L'article 19 B a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Article 19
M. le président.
« Art. 19. - Il est inséré, après l'article 667 du code de procédure pénale,
un article 667-1 ainsi rédigé :
«
Art. 667-1.
- Si la juridiction normalement compétente ne peut être
composée en raison de l'existence des incompatibilités prévues par la loi, le
premier président de la cour d'appel peut ordonner le renvoi devant une
juridiction limitrophe située dans le ressort de cette cour.
« La requête aux fins de renvoi est présentée par le procureur de la
République de la juridiction saisie.
« Elle est signifiée à toutes les parties intéressées, qui ont un délai de dix
jours pour présenter leurs observations auprès du premier président.
« Celui-ci statue dans les quinze jours de la requête. Sa décision constitue
une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours.
»
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 8, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
Par amendement n° 10, le Gouvernement propose :
I. - A la fin du premier alinéa du texte présenté par cet article pour
l'article 667-1 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « devant
une juridiction limitrophe située dans le ressort de cette cour » par les mots
: « devant la juridiction limitrophe située dans le ressort de cette cour et
désignée par l'ordonnance prévue au dernier alinéa du présent article ».
II. - De compléter le texte présenté par cet article pour l'article 667-1 du
code précité par l'alinéa suivant :
« Après avis des présidents des tribunaux de grande instance concernés et du
procureur général, le premier président prend chaque année une ordonnance
indiquant, pour chacune des juridictions de son ressort, la juridiction devant
laquelle des procédures sont susceptibles d'être renvoyées en application des
dispositions du présent article. Cette ordonnance ne peut être modifiée en
cours d'année. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 8.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Compte tenu du dépôt par le Gouvernement d'un amendement qui
résout de manière assez satisfaisante le problème posé, nous retirons cet
amendement.
M. le président.
L'amendement n° 8 est retiré.
La parole est à Mme le garde des sceaux, pour présenter l'amendement n° 10.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Sensible aux observations de M. le rapporteur, le
Gouvernement a déposé un amendement qui prévoit que la juridiction de renvoi
devra être désignée à l'avance, dans une ordonnance annuelle du premier
président non susceptible de modification en cours d'année.
Je pense que cette solution devrait répondre aux interrogations de votre
rapporteur.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 19, ainsi modifié.
(L'article 19 est adopté.)
Article 20
M. le président.
« Art. 20. - Il est inséré, après l'article 803 du code de procédure pénale,
un article 803-1, ainsi rédigé :
«
Art. 803-1
- Dans les cas où, en vertu des dispositions du présent
code, il est prévu de procéder aux notifications à un avocat par lettre
recommandée ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la
notification peut aussi être faite sous la forme d'une télécopie avec
récépissé. » -
(Adopté.)
Article 20
bis
M. le président.
« Art. 20
bis.
- I. - Des agents des douanes de catégories A et B,
spécialement désignés par arrêté des ministres chargés de la justice et du
budget, pris après avis conforme d'une commission dont la composition et le
fonctionnement sont déterminés par décret en Conseil d'Etat, peuvent être
habilités à effectuer des enquêtes judiciaires sur réquisition du procureur de
la République ou sur commission rogatoire du juge d'instruction.
« Ces agents ont, pour l'exercice des missions prévues par la présente loi,
compétence sur l'ensemble du territoire national. Ils sont compétents pour
rechercher et constater les infractions prévues par le code des douanes, les
infractions en matière de contributions indirectes, les infractions prévues aux
articles L. 716-9 à L. 716-11 du code de la propriété intellectuelle, ainsi que
pour les infractions qui leur sont connexes.
« Toutefois, sous réserve des dispositions du II, ils n'ont pas compétence en
matière de trafic de stupéfiants, de trafic d'armes, de vols de biens culturels
et de blanchiment du produit de ces trois catégories d'infractions.
« II. - Pour la recherche et la constatation des infractions prévues par les
articles 222-34 à 222-40 du code pénal et par le décret-loi du 18 avril 1939
fixant le régime des matériels de guerre, armes et munition, et des infractions
qui leur sont connexes, le procureur de la République ou le juge d'instruction
territorialement compétent peut constituer des unités temporaires composées
d'officiers de police judiciaire et d'agents des douanes pris parmi ceux
mentionnés au I ci-dessus. Le procureur de la République ou le juge
d'instruction désigne le chef de chaque unité qu'il constitue.
« Les unités temporaires agissent sous la direction du procureur de la
République ou du juge d'instruction mandant, conformément aux dispositions du
code de procédure pénale. Elles ont compétence sur toute l'étendue du
territoire national.
« III. - Les agents de l'administration des douanes mentionnés aux I et II ne
sont pas compétents pour effectuer des enquêtes judiciaires lorsque les faits
ont été constatés en application des dispositions du code des douanes.
Toutefois, ils peuvent dans ce cas exécuter des commissions rogatoires du juge
d'instruction.
« IV. - Les agents des douanes désignés dans les conditions prévues au I
doivent, pour mener des enquêtes judiciaires et recevoir des commissions
rogatoires, y être habilités personnellemenet en vertu d'une décision du
procureur général.
« La décision d'habilitation est prise par le procureur général près la cour
d'appel du siège de leur fonction. Elle est accordée, suspendue ou retirée dans
des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
« Dans le mois qui suit la notification de la décision de suspension ou de
retrait de l'habilitation, l'agent concerné peut demander au procureur général
de rapporter cette décision. Le procureur général doit statuer dans un délai
d'un mois. A défaut, son silence vaut rejet de la demande. Dans un délai d'un
mois à partir du rejet de la demande, l'agent concerné peut former un recours
devant la commission prévue à l'article 16-2 du code de procédure pénale. La
procédure applicable devant cette commission est celle prévue par l'article
16-3 du même code et ses textes d'application.
V. - Pour l'exercice des missions mentionnées aux I et II, les agents des
douanes sont placés sous la direction du procureur de la République, sous la
surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre
d'accusation du siège de leur fonction dans les conditions prévues par les
articles 224 à 230 du code de procédure pénale.
« VI. - Lorsque, sur réquisition du procureur de la République, les agents des
douanes mentionnés aux I et II procèdent à des enquêtes judiciaires, il est
fait application des articles 54 (deuxième et troisième alinéas), 56, 57 à 62,
63 à 67, 75 à 78, 706-28, 706-29 et 706-32 du code de procédure pénale.
« Lorsque ces agents agissent sur commission rogatoire d'un juge
d'instruction, il est également fait application des articles 152 à 155 du même
code.
« Ces agents sont autorisés à déclarer comme domicile l'adresse du siège du
service dont ils dépendent.
« VII. - Les agents des douanes mentionnés aux I et II sont placés sous la
direction administrative d'un magistrat de l'ordre judiciaire selon des
modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.
« VIII. - Les agents de l'administration des douanes mentionnés aux I et II ne
peuvent, à peine de nullité, exercer d'autres attributions ou accomplir
d'autres actes que ceux prévus par le code de procédure pénale dans le cadre
des faits dont ils sont saisis par l'autorité judiciaire.
« IX. - L'article 343 du code des douanes est complété par un 3 ainsi rédigé
:
« 3. L'administration des douanes ne peut exercer l'action pour l'application
des sanctions fiscales dans les procédures dont ses agents ont été saisis en
application des I et II de l'article 20
bis
de la loi n° du
renforçant l'efficacité de la procédure pénale. Cette action est, dans ces cas,
exercée par le ministère public, et les dispositions de l'article 350 ne sont
pas applicables. »
« X. - Les dispositions du présent article entreront en vigueur le premier
jour du septième mois suivant sa publication. »
Par amendement n° 9 rectifié, M. Fauchon, au nom de la commission, propose
:
I. - Avant le premier paragraphe de cet article, d'ajouter un alinéa ainsi
rédigé :
« A. - Il est inséré, après l'article 28 du code de procédure pénale, un
article 28-1 ainsi rédigé : »
II. - En conséquence, de faire précéder cet article de la mention : «
Art.
28-1.
- ».
III. - Dans le deuxième alinéa du paragraphe I de cet article, de remplacer
les mots : « la présente loi » par les mots : « le présent article ».
IV. - A la fin de la première phrase du second alinéa du paragraphe II de cet
article, de remplacer les mots : « du code de procédure pénale » par les mots :
« du présent code ».
V. - A la fin de l'avant-dernière phrase du dernier alinéa du paragraphe IV de
cet article, de supprimer les mots : « du code de procédure pénale ».
VI. - Dans la dernière phrase du dernier alinéa du paragraphe IV de cet
article, de supprimer les mots : « du même code ».
VII. - A la fin du paragraphe V de cet article, de supprimer les mots : « du
code de procédure pénale ».
VIII. - A la fin du premier alinéa du paragraphe VI de cet article, de
supprimer les mots : « du code de procédure pénale ».
IX. - A la fin du deuxième alinéa du paragraphe VI de cet article, de
supprimer les mots : « du même code ».
X. - Dans le paragraphe VIII de cet article, de remplacer les mots : « le code
de procédure pénale » par les mots : « le présent code ».
XI. - Au début du paragraphe IX de cet article, de remplacer la mention : «
IX. - » par la mention : « B. - ».
XII. - A la fin de la première phrase du second alinéa du paragraphe IX de cet
article, de remplacer les mots : « 20
bis
de la loi n° du
renforçant l'efficacité de la procédure pénale » par les mots : « 28-1 du code
de procédure pénale ».
XIII. - Au début du paragraphe X de cet article, de remplacer la mention : «
XIII. - » par la mention : « C. - ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit, par cet amendement, de codifier la disposition
adoptée par l'Assemblée nationale et tendant à attribuer certains pouvoirs de
police judiciaire aux agents des douanes.
Mme le garde des sceaux a bien voulu, tout à l'heure, donner par avance son
accord sur cette proposition ; je n'ai donc pas à insister davantage sur une
démarche de nature technique qui paraît justifiée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 20
bis
, ainsi modifié.
(L'article 20
bis
est adopté.)
Articles 20
ter
et 21
M. le président.
« Art. 20
ter
. - Pour développer des activités répondant à des besoins
non satisfaits, l'Etat peut faire appel à des agents âgés de dix-huit à moins
de vingt-six ans ou des personnes de moins de trente ans répondant aux
conditions définies à l'article L. 322-4-19 du code du travail, recrutés en
qualité de contractuels de droit public pour une période maximale de cinq ans
non renouvelable afin d'exercer les missions d'agents de justice auprès des
magistrats et fonctionnaires du ministère de la justice.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent
article. Il définit notamment les missions des agents de justice ainsi que les
conditions d'évaluation des activités concernées. » -
(Adopté.)
« Art. 21. - Le titre X du livre IV du code de procédure pénale devient le
titre IX de ce même livre et il est inséré à sa suite un titre X ainsi rédigé
:
« TITRE X
« DE L'ENTRAIDE JUDICIAIRE INTERNATIONALE
«
Art. 694.
- Les demandes d'entraide émanant des autorités judiciaires
étrangères sont exécutées, selon l'origine de la demande ou la nature des actes
sollicités, dans les formes prévues par le présent code pour l'enquête,
l'instruction ou l'audience de jugement.
« La demande d'entraide doit être exécutée dans les formes prévues pour
l'instruction lorsqu'elle nécessite certains actes de procédure qui ne peuvent
être ordonnés ou exécutés que par un juge d'instruction.
« La demande d'entraide doit être exécutée dans les formes prévues pour
l'audience de jugement lorsqu'elle doit être réalisée en audience publique et
contradictire. Elle est alors confiée, selon le cas, au tribunal correctionnel
siégeant dans sa composition prévue par le troisième alinéa de l'article 398 ou
au tribunal de police.
«
Art. 695.
- Pour l'application de l'article 53 de la convention
signée à Schengen le 19 juin 1990, le procureur général du ressort de la cour
d'appel est chargé de transmettre les demandes d'entraide auprès des autorités
judiciaires compétentes et d'assurer le retour des pièces d'exécution.
«
Art. 696.
- Pour le retour des pièces d'exécution en urgence entre
les autorités judiciaires françaises et les autres Etats parties à la
convention signée à Schengen le 19 juin 1990, les compétences confiées au
ministère de la justice par le paragraphe 2 de l'article 15 de la convention
européenne d'entraide judiciaire en matière pénale faite à Strasbourg le 20
avril 1959 sont exercées par le procureur général du ressort de la cour
d'appel.
«
Art. 696-1.
- Les autorités judiciaires sollicitant un acte urgent
d'entraide judiciaire en matière pénale peuvent, dans le cadre des conventions
en vigueur, saisir les autorités compétentes de l'Etat requis, afin d'obtenir,
dans les meilleurs délais, le retour des pièces d'exécution de l'acte
sollicité.
«
Art. 696-2.
- Les autorités judicaiires saisies d'une demande
d'entraide judiciaire en matière pénale internationale dont elles estiment que
la mise à exécution pourrait être de nature à porter atteinte à la sécurité, à
l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de la Nation, prennent les
dispositions nécessaires pour permettre aux autorités compétentes d'apprécier
la suite à lui réserver. » -
(Adopté.)
Articles additionnels après l'article 21
M. le président.
Par amendement n° 1, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 21, un
article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 1er de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice
sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut
législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé est ainsi modifié :
« I. - Le deuxième alinéa est supprimé.
« II. - Au début de l'avant-dernier alinéa, le mot : "Elles" est remplacé par
les mots : "Ces sociétés".
« III. - Au début du dernier alinéa, les mots : "Ces sociétés" sont remplacés
par le mot : "Elles".
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'ai déjà expliqué tout à l'heure, dans mon exposé
introductif, l'objet de cet amendement, qui vise à lever l'ambiguïté de la
rédaction actuelle de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1990 relative aux
sociétés d'exercice libéral et à permettre à l'ensemble des professionnels
libéraux de constituer des entreprises unipersonnelles à responsabilité
limitée.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 21.
Par amendement n° 2, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 21, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Le début du premier alinéa de l'article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet
1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution est ainsi rédigé :
« A l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement
qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des
conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les frais de l'exécution
forcée...
(Le reste sans changement.)
»
La parole est Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cet amendement a pour objet de ne pas faire peser
automatiquement la totalité des frais liés à l'exécution forcée des décisions
de justice sur les seuls débiteurs, qui sont souvent impécunieux.
Je comprends que le fait de faire supporter aux créanciers une partie de ces
frais puisse susciter des interrogations mais je crois qu'il n'existe pas de
solution idoine en la matière.
Ma proposition, d'ailleurs tout à fait conforme à ce que suggère M. Gouzes,
auquel monsieur le rapporteur a fait allusion tout à l'heure, a au moins le
mérite de présenter des avantages pratiques et de réaliser un certain
équilibre. Elle permet de garantir aux huissiers qui procèdent à une mesure
forcée d'exécution d'être effectivement rémunérés. C'est indispensable si l'on
ne veut pas que des actes de ce type soient effectués par des services privés
qui factureront n'importe quoi.
Je précise que, bien entendu, en matière de recouvrement de dettes
alimentaires ou prudhomales, les créanciers n'auront aucun frais à
supporter.
Au demeurant, s'agissant des créances commerciales, les frais supportés par
les créanciers seront très limités : 338 francs pour 3 000 francs de
recouvrement et 448 francs pour 4 000 francs de recouvrement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Madame le garde des sceaux, si un accord se dégage entre nous
sur la plupart des dispositions que nous examinons ce soir, sur celle-ci, à mon
grand regret, apparaît une opposition de fond.
Il se peut que les huissiers connaissent des difficultés, mais ce n'est pas
une raison pour poser que, de manière générale et automatique, une fraction des
frais de recouvrement sera mise à la charge des créanciers. Dans l'objet même
de cet amendement, il est indiqué qu'« il faut pouvoir tenir compte des
situations concrètes qui peuvent justifier que la charge de frais ne pèse pas
dans tous les cas exclusivement sur le débiteur ». Nous sommes d'accord, madame
le ministre : il faut effectivement pouvoir tenir compte des situations
concrètes !
Il peut en effet arriver qu'il y ait lieu de faire supporter au créancier une
partie des émoluments de l'huissier pour le recouvrement d'une dette, mais on
ne saurait en faire une règle. Or le texte que vous nous proposez ne permet pas
d'apprécier les situations concrètes : c'est un texte de portée générale.
Vous nous dites qu'en matière de créances prud'homales ou de créances
alimentaires cette disposition ne s'appliquerait pas. Encore heureux ! S'il
fallait en plus que ces créanciers aient à payer des frais pour récupérer leurs
créances, les malheureux n'y comprendraient vraiment plus rien ! De quoi donc
sont-ils coupables ? Et il en va de même, en tout état de cause, pour les
autres créanciers !
S'il s'agit de tenir compte des situations concrètes, c'est au juge qu'il faut
confier le soin de les apprécier.
C'est pourquoi nous souhaitons qu'on en reste à la rédaction de l'article 32
de la loi de 1991, qui permet effectivement au juge de l'exécution de mettre
une partie des frais de recouvrement à la charge du créancier.
On peut réfléchir à une révision de cet article 32 - la proposition de M.
Gouzes éventuellement permet d'ouvrir la discussion - mais on ne saurait poser
un principe général selon lequel les créanciers doivent supporter
automatiquement une partie du coût de recouvrement de leur créance.
Il y a là une démarche qui nous choque profondément. Elle se heurte au
principe général selon lequel l'accessoire suit le principal, mais elle se
heurte aussi - même si je comprends que des préoccupations d'ordre social
puissent conduire à considérer qu'il ne faut pas accabler le débiteur - à un
principe encore plus général de notre droit public selon lequel une charge
publique ne peut peser sur une catégorie particulière. Ce n'est tout de même
pas la faute des créanciers si leurs débiteurs ont des difficultés !
Ce que vous pouvez nous proposer, en revanche, madame le ministre, c'est de
faire supporter cette charge par l'ensemble de la collectivité.
Pour toutes ces raisons, avec le regret de ne pas pouvoir vous être agréable,
nous sommes obligés de demander à la Haute Assemblée de repousser cet
amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Robert Bret.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret
Cet amendement, que l'on peut à l'évidence qualifier de « cavalier », a trait
au tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale.
Un rappel s'impose.
Par un décret du 12 décembre 1996, ont été fixées les modalités du tarif des
huissiers de justice.
Après une mobilisation de la profession d'avocat, qui considérait que les
dispositions dudit decrét portaient gravement atteinte à l'intérêt des
justiciables, une procédure a été engagée devant le Conseil d'Etat, qui a, dans
un arrêt en date du 5 mai 1999, annulé partiellement le texte du décret.
Aujourd'hui, le Gouvernement nous présente un amendement qui a en fait pour
objet de reprendre des dispositions annulées par le Conseil d'Etat.
Ce procédé a le double inconvénient de n'avoir que très peu de rapports
communs avec l'objet du texte en discussion et d'être présenté dans l'urgence,
sans aucune concertation.
Je m'interroge, comme les avocats du barreau de Marseille, qui dénoncent dans
un courrier - signé de M. le bâtonnier - qu'ils m'ont adressé aujourd'hui la «
non-conformité » de cet amendement « à l'intérêt du justiciable » et le fait
qu'il est la reprise partielle du texte annulé par le Conseil d'Etat.
Ils exigent qu'« un dialogue puisse s'établir dans la clarté et la loyauté,
sans que ni leur instance ni celle de leurs hauts représentants soient
surprises ».
Il s'agit là, non de nier le droit à rémunération normale des huissiers pour
leur activité, mais plutôt de contester une démarche qui rétablit d'un côté ce
qui a été condamné de l'autre.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen
s'abstiendra sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 22
M. le président.
« Art. 22. - La présente loi est applicable dans les territoires d'outre-mer,
en Nouvelle-Calédonie et dans la collectivité territoriale de Mayotte. » -
(Adopté.)
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième
lecture.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures
quinze, sous la présidence de M. Jacques Valade.)
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
11
LICENCIEMENT DES SALARIÉS
DE PLUS DE CINQUANTE ANS
Rejet d'une proposition de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de
loi (n° 253, 1998-1999), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale
en deuxième lecture, tendant à limiter les licenciements des salariés de plus
de cinquante ans. (Rapport n° 297 [1998-1999].)
J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales m'a fait connaître
qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle
présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte
paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion de la proposition de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai
réglementaire.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les
sénateurs, nous sommes de nouveau réunis pour discuter, en deuxième lecture, de
la proposition de loi déposée par le groupe communiste dans le cadre de l'ordre
du jour réservé de l'Assemblée nationale. Cette proposition de loi a été
adoptée par l'Assemblée nationale sans modification par rapport au texte
qu'elle avait déjà voté en décembre 1998 et que votre assemblée a décidé de
rejeter le 9 février dernier, en adoptant trois amendements visant à supprimer
trois articles d'une proposition de loi qui, justement, n'en comprend que
trois...
Les positions de chacun étant connues sur ce texte, je ne reviendrai que
brièvement sur l'essentiel de ce qui continue de nous opposer. La commission
des affaires sociales vous suggère, mesdames, messieurs les sénateurs, de
maintenir la position adoptée par la Haute Assemblée en première lecture.
Les élus que vous êtes mesurent bien ce que les hommes et les femmes de
cinquante ans peuvent ressentir lorsque, après un licenciement, le chômage
devient « une situation passagère qui ne passe pas ». Chacun d'entre vous
mesure le sentiment d'abandon de ceux qui, après avoir contribué à la richesse
de notre pays, doivent vivre de l'assurance chômage. Parce que cette population
est naturellement plus fragile, le Gouvernement mène une politique de l'emploi
particulièrement active en direction de ces salariés âgés et qui tient en
quelques mots clés : éviter les licenciements, reclasser les salariés et en
accompagner certains vers la retraite.
Il s'agit, d'abord, d'éviter les licenciements en intervenant le plus amont
possible des plans sociaux pour trouver des solutions alternatives, comme la
réduction du temps de travail.
Il s'agit, ensuite, de reclasser les salariés en veillant à la qualité des
plans sociaux lorsqu'ils n'ont pu être évités.
Il s'agit, enfin, d'accompagner les salariés qui sont entrés précocément dans
le monde du travail en accédant à leur volonté de partir à la retraite,
moyennant l'embauche d'un jeune.
Cette politique doit être complétée par la nécessité de dissuader les
licenciements des salariés de plus de cinquante ans. C'est le sens de notre
présence ce soir.
Cette nécessité de dissuader les licenciements des salariés les plus âgés est
apparue dès 1987, au moment de la suppression de l'autorisation administrative
de licenciement par le gouvernement de M. Jacques Chirac, alors Premier
ministre.
Dans son principe, personne ne conteste l'utilité d'une contribution qui taxe
spécifiquement les licenciements des salariés les plus âgés pour dissuader
leurs employeurs, ou en tout cas pour qu'ils mesurent bien, pour la
collectivité, le coût social et financier de leurs décisions.
Les faits ont d'ailleurs plaidé en faveur d'un tel mécanisme puisque les
entrées en assurance chômage de personnes de plus de cinquante-cinq ans se sont
d'abord réduites de 25 000 après l'instauration de cette contribution entre
1987 et 1990. Cette tendance s'est ensuite inversée. C'est pourquoi Mme Martine
Aubry avait alors étendu le champ de cette contribution à toute rupture d'un
contrat de travail de salarié de plus de cinquante ans.
Cela permit, dans un environnement beaucoup moins favorable qu'en 1987, de
freiner à nouveau les entrées au chômage des plus de cinquante-cinq ans.
Depuis 1994, ces licenciements sont, hélas ! repartis à la hausse, malgré une
conjoncture meilleure, pour revenir à un niveau de 71 000 en 1997, notamment
parce que certaines entreprises ont mis en place des stratégies que l'on
pourrait qualifier « de contournement »
C'est donc pour revenir à l'efficacité d'une contribution dont chacun apprécie
le bien-fondé que nous débattons aujourd'hui de la présente proposition de
loi.
Pour corriger les imperfections du dispositif, il vous est proposé
d'assujettir au versement de la contribution Delalande les ruptures du contrat
de travail qui interviennent dans le cadre des conventions de conversion.
Ainsi, le Gouvernement, loin de faire le procès des conventions de conversion,
en défend le principe, en recentrant le dispositif sur les bénéficiaires qui y
adhèrent sans la pression, parfois discutable, de leur employeur. Certains
employeurs poussent en effet leurs salariés vers ce dispositif uniquement pour
échapper au paiement de la contribution Delalande et à la discussion avec
l'Etat de l'éventuelle mise en oeuvre de préretraites.
Comme a pu le constater M. Souvet dans son rapport de première lecture, le
nombre des conventions concernant les plus de cinquante-cinq ans a été
multiplié par douze depuis 1990, alors que M. Souvet lui-même s'interrogeait en
première lecture sur l'utilité réelle de ces conventions pour les salariés de
plus de cinquante-cinq ans, compte tenu du très faible taux de reclassement que
l'on constate dans cette tranche d'âge.
Ces chiffres auraient dû démontrer aux plus sceptiques que, en ce domaine, il
y a matière à interrogation.
S'agissant de la deuxième faille de la contribution, le refus de préretraites
ASFNE, le Gouvernement n'a pas contesté le nombre très faible de fraudes.
Le fait de signaler malgré tout leur existence ne peut être assimilé à un «
procès d'intention fait aux entreprises ».
Je rappelle également, pour que ne subsiste aucune ambiguïté, que ne seront
soumises à la contribution Delalande que les conventions ASFNE qui ont fait
l'objet d'un refus du salarié.
Je regrette également que la commission des affaires sociales du Sénat
persiste à voir dans cette proposition de loi un frein à l'embauche des
quarante-cinq - cinquante ans.
C'est justement pour éviter tout effet de seuil qu'il a été annoncé que le
taux de la contribution Delalande serait progressif jusqu'à cinquante-sept ans
et dégressif ensuite jusqu'à soixante ans.
Au-delà, je rappelle que tout employeur qui embauche aujourd'hui une personne
âgée de plus de cinquante ans n'aurait pas à payer la contribution en cas de
licenciement.
J'ajoute, enfin, qu'il apparaît clairement que la tranche d'âge évoquée par M.
le rapporteur comme menacée par l'extension de la contribution Delalande, celle
des quarante-cinq - cinquante ans, n'est pas à proprement parler la plus
touchée par le chômage, et tant mieux.
Au contraire, les quarante-cinq - quarante-neuf ans sont ceux qui connaissent
le taux de chômage, au sens du BIT, le Bureau international du travail, le plus
faible de la population française, puisqu'il s'établit à 8,4 %.
S'agissant des aspects pratiques que certains ont pu soulever, je pense à
l'entrée en vigueur rétroactive de la loi qui a pour objet d'éviter tout effet
pervers dans l'attente de la promulgation de la loi, je rappelle que les
petites entreprises de moins de vingt salariés, c'est-à-dire les entreprises
pour lesquelles la rétroactivité pourrait poser quelques difficultés,
continueront à être exonérées pour le premier licenciement.
En ce qui concerne l'affectation des recettes, je ne ferai, là encore, que
répéter les engagements pris par le Gouvernement. Toutes les dispositions ont
été prises pour que les ressources de l'UNEDIC ne soient pas affectées par les
mesures prises ; mieux, le régime d'assurance chômage devrait faire des
économies sur l'indemnisation des personnes de plus de cinquante ans, qui pèse
aujourd'hui sur les comptes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois avoir répondu à un certain nombre
d'interrogations formulées dans le rapport écrit. Ce texte est un complément
important à la politique que le Gouvernement mène en faveur des salariés âgés.
Il vient corriger certaines imperfections qui sont apparues au cours de
l'application d'un dispositif instauré en 1987, déjà aménagé en 1992 par Mme
Martine Aubry et auquel il convient d'apporter ces nouvelles modifications pour
lui rendre son plein effet dissuasif.
(Applaudissements sur les travées
socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en deuxième lecture, le 4
mars 1999, l'Assemblée nationale n'a pas apporté de modification à la
proposition de loi tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de
cinquante ans, qu'elle avait adoptée en première lecture le 10 décembre 1998 et
que le Sénat a rejetée le 9 février 1999.
Cette proposition de loi, déposée par M. Alain Belviso et les membres du
groupe communiste et apparentés, vise à étendre le champ de la contribution
Delalande due pour le licenciement d'un salarié de plus de cinquante ans.
Elle soumet à cette contribution les ruptures des contrats de travail des
salariés ayant adhéré à ces conventions de conversion - c'est l'article 1er -
et les licenciements des salariés ayant refusé le bénéfice de la préretraite
dans les limites du Fonds national de l'emploi - c'est l'article 2.
Elle prévoit, dans l'article 3, que ces dispositions seront applicables pour
toutes les ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er janvier
1999, c'est-à-dire de manière rétroactive. Difficile exercice !
Cette proposition de loi est présentée par le Gouvernement comme le complément
indispensable du doublement - voire, dans certains cas, du triplement - de la
contribution Delalande, décidé par voie réglementaire à compter du 31 décembre
1998. En application du décret n° 98-1201 du 28 décembre 1998, le taux de cette
contribution est désormais progressif : il va de deux mois de salaire brut à
cinquante ans à douze mois de salaire brut à cinquante-six et cinquante-sept
ans. Il est ensuite dégressif à partir de cinquante-huit ans.
En première lecture, constatant que le Gouvernement attendait de la majoration
et du doublement de la contribution Delalande des recettes supplémentaires de
1,4 milliard de francs, la commission des affaires sociales avait été conduite
à s'interroger sur la nature exacte de cette contribution : constituait-t-elle
une contribution de dissuasion ou une contribution de rendement ?
Dans le premier cas, l'objectif consiste à dissuader, autant que possible, les
licenciements des salariés : l'idéal serait donc que le produit de cette
contribution soit quasiment nul, ce qui témoignerait de l'efficacité du
dispositif.
Dans le second cas, la finalité est tout autre : il s'agit d'accroître le
produit d'un prélèvement en en majorant le taux et en en élargissant
l'assiette. C'est ce qu'a fait Mme le secrétaire d'Etat.
La commission des affaires sociales avait estimé que le Gouvernement semblait
se faire peu d'illusions quant à l'efficacité réelle du nouveau dispositif et
privilégiait avant tout le rendement financier de cette contribution.
Elle avait relevé que la présente proposition de loi reposait sur des
fondements fragiles et contestables. Elle avait en effet considéré que les
prétendus contournements de la contribution Delalande par les conventions de
conversion ou par les refus de conventions de préretraite n'étaient pas
prouvés.
Elle avait pensé que la simple constatation d'une augmentation de la part des
salariés de plus de cinquante ans dans les entrées en convention de conversion
paraissait très insuffisante à démontrer un contournement massif et un abus
généralisé justifiant une intervention du législateur. J'ai relu, madame le
secrétaire d'Etat, le rapport auquel vous avez fait allusion ; je crois qu'il y
a de votre part un abus de langage, car je n'y ai pas retrouvé les chiffres que
vous avez cités, venant en tout cas du rapporteur.
Il nous avait en outre paru contradictoire de faire porter la contribution
Delalande, qui procède d'une logique de sanction, sur les conventions de
conversion qui ont précisément pour objectif de faciliter le reclassement du
salarié dont le licenciement n'a pu être évité.
Nous avions regretté que le Gouvernement semble condamner l'utilisation de ces
conventions pour les salariés âgés de plus de cinquante ans et se satisfasse
ainsi de l'exclusion définitive de ces salariés du marché du travail.
S'agissant des refus de préretraites FNE, la commission des affaires sociales
avait constaté que les affirmations concernant d'éventuels abus ne reposaient
pas davantage sur des éléments précis. Nous avions souligné que, sur une
moyenne de 20 000 entrées en préretraite FNE chaque année, le nombre de refus
était extrêmement faible et portait sur une soixantaine de salariés par an
seulement.
Après avoir relevé que le refus du salarié pouvait, dans certains cas, être
motivé par une indemnisation au titre de l'assurance chômage plus avantageuse
que la préretraite, la commission avait estimé que le nombre des refus
susceptibles de résulter d'une éventuelle pression de l'employeur était, dans
l'hypothèse la plus pessimiste, de l'ordre de quelques dizaines à peine.
Dans ces conditions, nous nous étions interrogés sur le bien-fondé d'une
intervention du législateur pour réprimer un nombre effectif d'abus qui
devaient vraisemblablement se compter sur les doigts d'une seule main.
La commission avait jugé inacceptable le procès d'intention fait aux
entreprises, globalement considérées par les initiateurs de cette proposition
de loi comme ayant un comportement frauduleux.
Elle avait estimé que la proposition de loi ne semblait répondre qu'à des
considérations très politiques et visait avant tout, pour le Gouvernement qui
avait demandé l'inscription de ce texte à l'ordre de jour prioritaire du Sénat,
à conforter la cohésion de sa majorité.
La commission des affaires sociales avait dénoncé « la logique de sanction et
d'accroissement des charges des entreprises » qui animait cette proposition de
loi. Là où des dispositifs positifs, dynamiques et imaginatifs étaient
nécessaires, ce texte ne visait à mettre en place que des mesures pénalisantes
et contraignantes pour les entreprises.
Nous avions exprimé la crainte que cette proposition de loi, qui entendait
préserver l'emploi, ne constitue en définitive un véritable frein à l'emploi,
notamment pour les salariés âgés de quarante-cinq à cinquante ans.
Pour répondre à votre propos liminaire, madame le secrétaire d'Etat, il paraît
évident que cette proposition de loi va décourager les employeurs d'embaucher
des personnels approchant la cinquantaine.
Nous nous étions enfin interrogés sur la cohérence de la politique que mène le
Gouvernement en matière d'emploi des salariés les plus âgés. Nous avions
souligné qu'il était paradoxal d'augmenter la contribution Delalande afin de
sanctionner les entreprises qui licencient des salariés âgés de plus de
cinquante ans, tout en encourageant simultanément certaines entreprises - je ne
les citerai pas - à rajeunir leur pyramide des âges par des départs massifs et
anticipés de salariés dits « âgés ».
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des affaires sociales avait
proposé au Sénat, comme vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'Etat,
d'adopter trois amendements de suppression des trois articles de cette
proposition de loi. Il n'en restait plus guère, évidemment !
L'adoption par le Sénat de ces amendements, le 9 février 1999, a conduit au
rejet de la proposition de loi.
Délibérant, en application de l'article 109 de son règlement, sur le texte
qu'elle avait adopté en première lecture, l'Assemblée nationale n'a pas
souhaité modifier ce texte en deuxième lecture.
A cette occasion, ni le Gouvernement ni le rapporteur n'ont apporté d'éléments
nouveaux permettant de justifier le bien-fondé de cette proposition de loi et
susceptibles de faire évoluer la position adoptée par le Sénat en première
lecture. Nous n'étions pas fermés, mais encore eût-il fallu nous apporter
quelques précisions.
En outre, aucune réponse n'a été apportée aux interrogations concrètes
formulées par la commission des affaires sociales.
Nous avions par exemple jugé que la rédaction retenue par l'article 1er de la
proposition de loi concernant la participation financière de l'entreprise aux
conventions de conversion était pour le moins imprécise et pouvait
s'interpréter de deux façons : soit la référence se faisait sur la base de
l'article D. 322-2 du code du travail, qui détermine la participation de
l'entreprise au sens large du terme, préavis du salarié y compris, soit
l'interprétation se faisait plus stricte, et la participation de l'entreprise
se limitait au forfait de 4 500 francs.
Sur ce point, aucune précision n'a été apportée par le Gouvernement, et nous
sommes toujours dans le cadre de nombreux contentieux possibles.
La commission s'était également inquiétée de l'affectation des recettes
supplémentaires que le Gouvernement attend de la majoration et de l'extension
de la contribution Delalande. Alors que l'UNEDIC est, en application de
l'article L. 321-13 du code du travail, le seul bénéficiaire des sommes
prélevées au titre de la contribution Delalande, le Gouvernement avait indiqué
par la voix de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, que
ces recettes supplémentaires iraient à l'Etat si les partenaires sociaux se
refusaient à améliorer l'indemnisation du chômage des salariés précaires.
Nos craintes ont été, hélas ! confirmées par un arrêté du 1er avril 1999 qui
prive
de facto
l'UNEDIC du produit du doublement de la contribution
Delalande.
Cet arrêté augmente en effet la participation de l'UNEDIC au financement des
préretraites FNE d'un montant équivalent au produit attendu du doublement de la
contribution Delalande, soit 1,15 milliard de francs en 1999. La participation
de l'Etat au financement de ces préretraites en est évidemment réduite
d'autant.
Cet arrêté, comme vous l'imaginez bien, a été très vivement critiqué par
l'UNEDIC, qui a dénoncé « une remise en cause unilatérale des engagements de
l'Etat » et a souligné que les dispositions de l'accord de 1987 pouvaient être
modifiées, non par un arrêté ministériel mais par les seuls signataires de
l'accord. Vous êtes passée outre, madame la secrétaire d'Etat.
Enfin, la commission des affaires sociales avait fait valoir les problèmes
pratiques et les risques de contentieux que ne manquerait pas de soulever
l'entrée en vigueur rétroactive de la loi au 1er janvier 1999.
L'Assemblée nationale n'a pas tenu compte de cette observation et a rejeté un
amendement présenté par M. Bruno Bourg-Broc, député de la Marne, prévoyant
précisément que la présente loi n'entrerait en vigueur qu'à compter de sa date
de publication.
Dans ces conditions, et pour l'ensemble de ces raisons, la commission des
affaires sociales vous propose, mes chers collègues, de maintenir la position
exprimée par le Sénat en première lecture.
Elle vous invite à adopter trois amendements de suppression des trois articles
de ce texte et à rejeter par conséquent une nouvelle fois cette proposition de
loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous
examinons ce soir en deuxième lecture une proposition de loi qui tend à
compléter le dispositif de la contribution Delalande dont l'objectif est de
dissuader les employeurs de licencier les salariés de plus de cinquante ans. Il
s'agit ici de définir un dispositif général pour les entreprises de plus de
vingt salariés qui envisagent de se séparer de leurs employés les plus âgés.
Sans préjuger le contenu et les conclusions du tout prochain débat que nous
allons avoir à propos des retraites, nous pouvons d'ores et déjà affirmer que
notre pays n'est pas en capacité d'assumer le coût social et économique que ne
manquerait pas d'engendrer la cessation d'activité généralisée pour les
salariés à partir de cinquante ans.
Le désaccord qui nous opposait en première lecture à propos des dispositions
de ce texte demeure. Il porte essentiellement sur deux points.
D'une part, y a-t-il, oui ou non, de la part de certains employeurs un recours
abusif aux deux dispositifs permettant le départ de l'entreprise, dispositifs
qui, jusqu'à maintenant, échappent au paiement de la contribution : je veux
parler des conventions de convertion et des allocations spécifiques du FNE ?
D'autre part, le renchérissement de la contribution Delalande, qui pourra
atteindre, selon le nouveau barème instauré en décembre dernier, douze mois de
salaires, constitue-t-il un obstacle à l'embauche des demandeurs d'emploi qui
abordent la cinquantaine ?
Pour étayer et éclairer notre jugement, nous disposons notamment de données
chiffrées que nous fournit l'UNEDIC. La question est la suivante : quelle
signification et quelle interprétation leur donnons-nous ?
Ainsi, selon la majorité de la commission des affaires sociales, si l'on
s'attache à l'évolution des conventions de conversion, l'augmentation de la
part des salariés de plus de cinquante ans ne suffirait à démontrer ni un
contournement massif ni un abus justifiant une intervention du législateur.
L'objectif premier des conventions de conversion est le reclassement des
salariés grâce à des actions de formation. Or, le taux de progression des
entrées dans ce dispositif est instructif : les personnes âgées de plus de
cinquante ans ont augmenté de 4000 en quatre ans, de 1994 à 1998.
Le nombre des entrants âgés de plus de cinquante-cinq ans est encore plus
éloquent puisqu'il a été multiplié par six, alors que, malheureusement, le taux
de reclassement de ces personnes chute au fil des années pour n'atteindre que
18 % après cinquante-six ans.
Un tel attrait pour un dispositif dont l'efficacité s'altère en fonction de
l'âge auquel on adhère témoigne pour le moins de certaines dérives, d'abus
manifestes, voire de dévoiements du dispositif.
L'intervention du législateur se justifie-t-elle ? Les sénateurs socialistes
considèrent qu'il est de la responsabilité des parlementaires de régler les
dysfonctionnements de certains dispositifs législatifs, qu'il relève de la
compétence du Parlement de débattre des réponses que peut apporter la
collectivité aux difficultés qui apparaissent de plus en plus insurmontables
pour les chômeurs de plus de cinquante ans. Nos discussions, l'année dernière,
sur l'ASA, l'allocation supplémentaire d'attente, furent ainsi particulièrement
intéressantes et éclairantes.
L'interrogation est identique en ce qui concerne les ASFNE : les cas de refus
d'entrée dans le dispositif émanant des salariés, qui ont abouti à des ruptures
de contrats de travail, justifient-ils une extension de la contribution
Delalande ?
Les licenciements sont ici justifiés par un motif économique. Dès lors, nous
ne voyons pas pourquoi le droit commun, qui prévoit pour ces licenciements le
versement de la contribution Delalande, ne s'appliquerait pas.
C'est pourquoi je réaffirme la position défavorable des sénateurs socialistes
sur les propositions de suppression des trois articles de la proposition de loi
de M. Belviso.
Par ailleurs, ces dispositions auront-elles un effet dissuasif sur les
embauches de demandeurs d'emplois aux abords de la cinquantaine ?
Je rappellerai ce que je disais en première lecture : défendre cette analyse,
c'est admettre implicitement que les employeurs gèrent leur stratégie
d'embauche en fonction de la facilité avec laquelle ils vont pouvoir licencier,
appréciant par ailleurs, bien entendu, que la solidarité nationale mette
progressivement en place des filets de sécurité tels que l'allocation chômeurs
âgés, l'ACA, ou l'allocation supplémentaire d'attente, l'ASA, qui permettent
d'assurer un revenu minimum de remplacement jusqu'à la liquidation de la
retraite, avec cependant - nous le savons bien - un grand nombre de situations
difficiles et précaires, en dépit des efforts de la collectivité.
Cette approche existe chez certains employeurs, mais les pouvoirs publics ne
peuvent la cautionner.
Il existe d'ailleurs des garde-fous : ainsi, les ruptures de contrats de
travail signés après juin 1992 avec des demandeurs d'emplois de plus de
cinquante ans au chômage depuis plus de trois ans sont exonérées du paiement de
cette contribution. Les entreprises de moins de vingt salariés qui seraient
amenées à licencier un salarié âgé d'au moins cinquante ans en sont également
exemptées.
Enfin, depuis nos débats en première lecture, un arrêté du ministère de
l'emploi est venu préciser les modalités d'affectation du produit de
l'augmentation de cette contribution.
Il faut retenir des négociations entre les partenaires sociaux et le ministère
que l'UNEDIC ne sera en rien pénalisée. Les modifications intervenant au titre
de la dotation de l'Etat pour l'AS-FNE s'effectueront dans le cadre d'une
compensation intégrale.
Cette affectation, qui établit un lien direct entre le licenciement des
salariés âgés qui éprouvent de grandes difficultés à retrouver un emploi et le
financement d'une allocation versée à une personne jusqu'à l'âge de sa
retraite, est une réponse à ceux qui, lors de nos discussions, dénonçaient le
risque de voir le produit de ce doublement affecté à l'amélioration de
l'indemnisation des jeunes chômeurs.
Je me permets à cet égard de faire une remarque : il est souvent pervers et
toujours périlleux d'opposer les générations les unes aux autres, surtout
lorsqu'il s'agit de chômeurs. Quand bien même le produit du doublement de la
contribution Delalande aurait participé à l'amélioration de la situation des
jeunes chômeurs, je ne vois là rien de choquant.
Ce qui est choquant, en revanche, c'est le systématisme avec lequel les plans
sociaux prennent pour cible les salariés d'un certain âge ; ce qui est
inadmissible, c'est le renoncement de certains responsables d'entreprises
lorsqu'il s'agit de déterminer les priorités de la formation continue.
La contribution élargie qui nous est proposée ce soir devrait donc permettre à
la fois d'agir comme argument de dissuasion et d'abonder directement les fonds
de l'UNEDIC pour l'ASFNE, mesure qui coûte cher à la collectivité.
En conséquence, souscrivant à ces objectifs, le groupe socialiste ne votera
pas le texte tel qu'il est proposé par la majorité
sénatoriale.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 9 février
dernier, la Haute Assemblée, suivant les recommandations de la majorité de la
commission des affaires sociales, supprimait les trois articles d'une
proposition de loi qui, tout en renforçant le dispositif Delalande, optimisait
la protection de la fin de carrière des salariés âgés.
Intervenant alors, je m'opposais à cette démarche de rejet pur et dur,
convaincu du bien-fondé de cette intervention législative.
Fort judicieusement, l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, a réabli le
texte dans sa version initiale. Grâce à cette initiative du groupe communiste,
le champ de la cotisation due par les entreprises en cas de licenciement de
salariés de plus de cinquante ans sera étendu et son efficacité renforcée.
Désormais, les ruptures de contrat de travail des salariés ayant adhéré à des
conventions de conversion et les licenciements des salariés ayant refusé le
bénéfice d'une préretraite FNE seront assujettis au versement de cette
contribution.
A noter que la décision du Gouvernement du 31 décembre dernier, permettant de
doubler le taux de la contribution Delalande, complétera utilement cette action
prioritaire de prévention des risques de licenciement et de partage des coûts
consécutifs aux destructurations d'emploi.
Demanderesse de toujours moins de contraintes pour les entreprises, dénonçant
la logique de sanction, une nouvelle fois, la majorité sénatoriale s'apprête à
réduire à néant la présente proposition de loi.
Pourtant, mesdames, messieurs, certains chiffres, certains faits, sont
éloquents !
Entre 1994 et 1997, les licenciements de salariés de plus de cinquante ans
sont passés de 55 000 à 71 000 par an.
Actuellement, pour éviter le coût d'une préretraite, certaines entreprises
préfèrent recourir aux licenciements secs de salariés quinquagénaires. Pour ces
salariés, passé un certain âge, le chômage ne recule pas, bien au contraire, la
réinsertion sur le marché de l'emploi ressemblant à un véritable chemin de
croix.
Il ne suffit pas de déplorer les drames humains, drames personnels et
familiaux, que sont contraintes de vivre au quotidien les personnes exclues
prématurément de l'emploi ; il convient de s'attaquer à la cause de ces maux,
de stopper certaines dérives inquiétantes.
Alors pourquoi, si ce n'est par réflexe politique d'opposition systématique à
toute mesure dissuasive, responsabilisante pour les entreprises, contester de
telles réalités et rejeter les remèdes préconisés ?
Comment, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, peut-on choisir de ne
rien faire pour freiner les licenciements et les entrées au chômage des plus de
cinquante-cinq ans ?
Comment peut-on soutenir la proposition du MEDEF d'allonger à quarante-cinq
ans la durée de cotisation requise pour avoir droit à une retraite complète -
solution socialement impraticable - et se soustraire à toute réflexion visant à
imposer aux entreprises de ne plus évincer dès cinquante ans les salariés ?
La logique de votre raisonnement m'échappe !
Je regrette que nous n'ayons pu débattre de l'ensemble des dispositions
contenues initialement dans la proposition de loi, qu'il s'agisse de celles qui
tendent à améliorer la situation des plus de cinquante ans au regard de la
retraite ou de celles qui sont relatives à l'ARPE. Cela aurait été l'occasion
de pointer les incohérences de vos positions concernant la situation des
salariés âgés.
Le Gouvernement a fait le choix de mener une politique sociale et une
politique de l'emploi volontaristes. Ce choix commence à porter ses fruits, le
chômage continuant à régresser.
Toutefois, la précarisation du marché du travail continue ; les nombreuses
annonces de suppressions d'emplois inquiètent et viennent quelque peu
contrecarrer ces embellies
Selon un relevé de plans sociaux effectué ces quatre derniers mois par les
fédérations de la Confédération général du travail, 21 052 suppressions
d'emplois annoncées ou en cours dans les entreprises en France ont été
récensées. Au hit-parade des entreprises - les plus touchées, on peut relever
Mode Industrie Ouest, en Vendée, avec 3 000 emplois supprimés d'ici à
septembre, Elf, avec 2 000 emplois supprimés en deux ans et IBM
Corbeil-Essonne, avec 1 150 emplois supprimés sur trois ans.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Il ne s'agit pas là de salariés âgés de plus de cinquante ans
!
M. Guy Fischer.
Sans vouloir généraliser, force est malheureusement de constater que les
entreprises - le plus souvent de grands groupes qui, par ailleurs, distribuent
à leurs actionnaires des dividendes respectables - recourent facilement aux
licenciements. C'est pourquoi les membres du groupe communiste républicain et
citoyen considèrent qu'il est nécessaire de légiférer, pour éviter tout
détournement du code du travail, pour assurer une meilleure protection des
salariés contre les abus en matière de licenciement.
Par conséquent, nous nous opposons au rejet du texte envisagé par la
commission des affaires sociales.
Enfin, très prochainement, nous déposerons sur le bureau de cette assemblée
une proposition de loi offensive, destinée à combattre les licenciements
économiques, ultime recours, en intégrant notamment au code du travail toutes
les avancées jurisprudentielles récentes, mais aussi en renforçant
l'information et l'écoute des salariés et de leurs représentants ou
l'obligation de reclassement.
Je souhaite que les pouvoirs publics prennent toutes leurs responsabilités,
que les ambiguïtés nées entre autres de la jurisprudence récence concernant IMB
France soient levées et qu'enfin nous nous engagions pour modifier en
profondeur la philosophie de la loi sur les licenciements pour motif économique
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des
articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont
pas encore adopté un texte identique.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. _ Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article L. 321-13 du
code du travail, un alinéa ainsi rédigé :
« La cotisation est due également pour chaque rupture du contrat de travail
intervenue du fait de l'adhésion d'un salarié à une convention de conversion
prévue par l'article L. 322-3. Le montant de cette cotisation tient compte de
la participation de l'entreprise au financement de la convention de conversion.
»
Par amendement n° 1, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Comme je l'avais annoncé dans mon propos liminaire - ce n'est
donc une surprise pour personne - la commission propose de supprimer l'article
1er, qui assujettit à la contribution Delalande les ruptures de contrat de
travail des salariés ayant adhéré à des conventions de conversion.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement ne peut que s'opposer à cet
amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er est supprimé.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - L'avant-dernier alinéa de l'article L. 321-13 du code du travail
est ainsi rédigé :
« Cette cotisation n'est pas due dans le cas où le salarié bénéficie des
allocations spéciales prévues par le 2° de l'article L. 322-4. »
Par amendement n° 2, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Cet amendement vise à supprimer l'article 2, qui assujetit à
la contribution Delalande les licenciements des salairés ayant refusé le
bénéfice d'une préretraite dans le cadre du fonds national de l'emploi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2 est supprimé.
Article 3
M. le président.
« Art. 3. _ Les dispositions des articles 1er et 2 sont applicables pour
toutes les ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er janvier
1999. »
Par amendement n° 3, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
J'ajoute toutefois que l'article 3 introduit une notion de rétroactivité qui,
en pratique, poserait de redoutables problèmes d'application, vraisemblablement
à l'origine de nombreux contentieux.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3 est supprimé.
Tous les articles de la proposition de loi ayant été successivement supprimés,
il n'y a pas lieu de procéder à un vote sur l'ensemble.
La proposition de loi est rejetée.
12
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de
constitution d'une commisison mixte paritaire sur le texte que nous venons de
rejeter.
Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et
de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été
affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du
Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean Delaneau, Louis Souvet, Serge Franchis, André Jourdain,
Jacques Machet, Mme Marie-Madeleine Dieulangard et M. Guy Fischer ;
Suppléants : MM. François Autain, Jacques Bimbenet, Mme Nicole Borvo, MM.
Louis Boyer, Alain Gournac, Dominique Leclerc et Jean-Louis Lorrain.
13
CHÈQUES-VACANCES
Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n°
275, 1998-1999), modifié par l'Assemblée nationale, modifiant l'ordonnance n°
82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances. [Rapport n° 296
(1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat au tourisme.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, pour ouvrir le débat en deuxième lecture de ce projet de loi
concernant l'élargissement de l'attribution du chèque-vacances, je souhaite
brièvement rappeler le dessein du Gouvernement.
S'appuyant sur le rôle joué par le chèque-vacances depuis sa création, en
1982, pour l'accès de tous aux vacances, le Gouvernement a souhaité élargir le
champ des bénéficiaires de cette mesure aux salariés des entreprises de moins
de cinquante salariés, qui en étaient écartés. C'est en effet dans ce secteur
que l'on retrouve les salaires les plus modestes et un grand nombre de
non-partants.
En premier lieu, il s'agit bien de répondre à une question de justice sociale.
Cette question fut d'ailleurs mise en exergue par un rapport de 1998 de la
section des affaires sociales du Conseil national du tourisme. Il notait que le
taux de départ augmente en moyenne avec les revenus des ménages et qu'ainsi les
ouvriers non qualifiés et les retraités partent douze fois moins que les cadres
et les professions libérales. Cette étude relevait aussi que ce sont les
ouvriers - 56 % - et les employés - 51 % - qui sont le moins partis en vacances
pour des raisons économiques.
C'est donc ancré sur la volonté d'offrir le bénéfice de la mesure à tous les
salariés, quels que soient l'entreprise dans laquelle ils travaillent, la
taille de celle-ci et le secteur d'activité, que le Gouvernement présente ce
projet de loi s'adressant aux salariés des PME-PMI, qui, je le rappelle, sont
aujourd'hui plus de 7 millions et demi.
Le Gouvernement, monsieur le rapporteur, n'a pas, comme je l'ai relevé dans
votre rapport, une position ambiguë qui entretiendrait la confusion.
Il existe, je le rappelle, deux voies d'accès au chèque-vacances. La première,
prévue par l'article 1er de l'ordonnance et qui est de droit commun, est la
mise en place directe du chèque-vacances par l'entreprise. Dans ce cadre, la
contribution de l'employeur est soumise à cotisation sociale.
La seconde voie apparaît au travers de l'article 6, qui donne la possibilité
aux organismes sociaux, aux comités d'entreprises et, pour la fonction
publique, à la mutualité fonction publique, d'accéder au dispositif dans le
cadre d'activités sociales elles-mêmes non soumises à cotisation sociale.
La voie prévue par l'article 6 s'est développée beaucoup plus fortement grâce
à l'initiative des comités d'entreprise ou, dans la fonction publique, de la
mutualité fonction publique.
En effet, je le rappelle, 95 % de la diffusion du chèque-vacances s'est faite
par leur biais, ces comités ayant vu dans le chèque-vacances un moyen de
développer une politique sociale en faveur des salariés au travers de leur
budget d'activités sociales.
Les salariés des petites et moyennes entreprises de moins de cinquante
salariés non pourvues par la loi d'un comité d'entreprise étaient privées de ce
moyen d'accès. Le projet de loi qui vous est présenté vise à développer la mise
en place du chèque-vacances dans ces entreprises par l'article 1er, en les
exonérant de cotisations sociales sous réserve de la conclusion d'un accord
d'entreprise.
Les débats lors de la première lecture dans les assemblées ont suscité un
besoin de clarification sur le champ d'attribution autant que sur
l'élargissement du chèque-vacances, ce que je trouve d'ailleurs parfaitement
légitime.
Je serai amenée à proposer un amendement à l'article 6 qui permettra d'ouvrir
plus largement à tous les organismes sociaux l'accès au chèque-vacances et
d'éviter à cet effet une énumération exhaustive des bénéficiaires dans
l'article 1er, dont la fonction essentielle est de définir une relation
contractuelle individuelle entre le salarié et l'employeur.
Malgré cela, je le sais, des divergences subsistent sur ce projet de loi.
Elles tiennent au fait de visions très différentes sur les finalités du
chèque-vacances.
Ainsi, la diffusion d'un plus grand nombre de chèques-vacances ne saurait être
un but en soi. Mon objectif est de permettre à des centaines de milliers de
familles de pouvoir enfin partir en vacances.
C'est pourquoi, je le rappelle, l'accès au chèque-vacances est soumis à un
plafond de ressources.
D'ailleurs, je note avec intérêt, monsieur le rapporteur, que vous avez
intégré la notion de revenu fiscal de référence. Toutefois, je constate que les
montants proposés par le biais d'un amendement de la commission édulcorent le
caractère social de cette mesure.
Permettez moi d'appeler votre attention sur l'étude que le ministère de
l'économie et des finances a réalisée à cet effet : elle montre que le revenu
fiscal de référence retenu dans le projet de loi couvre 75 % des salariés, soit
dix-sept millions de personnes.
Malgré la prise en considération de la situation familiale dans le revenu
fiscal de référence retenue dans le projet de loi, la commission renouvelle ses
amendements sur la majoration pour enfants à charge.
Permettez moi de préciser que l'on ne saurait résumer toute la politique
familiale à travers le chèque-vacances. Disant cela, je ne suis pas moins
attachée que vous au départ des familles en vacances ; en témoigne la tenue la
semaine dernière, sur mon initiative, des états généraux du tourisme social et
associatif, rassemblant près de mille participants où ces questions ont été
largement débattues.
Par ailleurs, j'ai souhaité que, dans le cadre du travail de la délégation
interministérielle à la famille qu'anime ma collègue Martine Aubry, les
vacances retrouvent toute leur place dans la politique familiale.
Pour ce faire, un groupe de travail, placé sous ma présidence et intitulé «
Vacances et politique familiale » vient d'être mis en place. Y sont associés la
Caisse nationale des allocations familiales, le ministère de l'emploi et de la
solidarité, le ministère de la jeunesse et des sports, l'Union nationale des
associations familiales, et la délégation interministérielle à la famille.
Ce groupe de travail présentera des réflexions et propositions dans les
semaines et mois qui viennent au Premier ministre pour permettre un réel accès
des familles aux vacances.
Un amendement de la commission modifie les modalités de mise en place du
chèque-vacances et les conditions de négociations dans l'entreprise.
Mettre en place le chèque-vacances dans des entreprises, fussent-elles de
petite dimension, est un moment important du dialogue social que j'entends
favoriser. En témoigne d'ailleurs la mise en oeuvre de la loi sur les
trente-cinq heures à propos de laquelle, comme je vous l'avais précédemment
indiqué, nombre d'accords sont conclus par les salariés mandatés.
Votre proposition, monsieur le rapporteur, me semble remettre en cause cette
démarche.
Venons-en maintenant au partenariat que vous voulez voir inscrire dans la loi
entre l'ANCV et d'autres établissements.
Soyez assurés que le projet de loi qui vous est présenté ne s'arrêtera pas au
vote de la loi. Mon ambition est de voir se développer rapidement et largement
le chèque-vacances pour que cette loi entre effectivement dans la vie des
salariés des petites et moyennes entreprises.
Tous les dispositifs techniques, commerciaux et relationnels allant dans ce
sens doivent être explorés. C'est pourquoi j'ai demandé au président-directeur
général de l'ANCV, l'agence nationale pour les chèques-vacances, de me proposer
une nouvelle stratégie de diffusion du chèque-vacances, s'appuyant sur des
nouveaux partenariats que ce soit avec l'économie sociale ou d'autres
acteurs.
Le partenariat que vous proposez relève, quant à lui, de la gestion de
l'agence nationale pour les chèques-vacances et non d'une disposition
législative.
Enfin, je voudrais vous réaffirmer que le chèque-vacances n'est pas un
titre-service. Outil d'aide au départ, il doit en effet garder son rôle social.
Celui-ci s'exprime, je vous le rappelle, au travers de son mode d'attribution
qui est soumis à conditions de ressources. Il s'exprime aussi par le caractère
non lucratif de la structure en charge de sa diffusion et de sa gestion dont
les excédents contribuent à une politique sociale.
Ces excédents de gestion ont en effet permis de subventionner, entre 1994 et
1998, à hauteur de 82 millions de francs, des villages de vacances, la petite
hôtellerie, des terrains de camping et des maisons familiales de vacances. Ils
ont par ailleurs aidé au départ des jeunes et des familles, à concurrence de
plusieurs millions de francs par an.
Le débat parlementaire en première lecture a permis un approfondissement du
texte que je propose d'acter au travers de deux amendements au cours de cette
deuxième lecture.
Le premier amendement vise à insérer un troisième alinéa à l'article 6. Cette
nouvelle rédaction aura l'avantage de confirmer que diverses catégories
sociales salariées ou non salariées peuvent accéder au chèque-vacances au titre
de l'article 6. Elle évite de fait, comme je l'ai dit précédemment, une
énumération hasardeuse des bénéficiaires, et elle permet de surcroît, par sa
simplification, une clarification de l'article 1er.
Le second amendement concerne l'extension de l'utilisation du chèque-vacances
au territoire des Etats membres de la Communauté européenne.
Ici même, le 2 mars dernier, j'avais demandé à M. Fischer, présent dans
l'hémicycle, de bien vouloir retirer l'amendement déposé par le groupe
communiste républicain et citoyen dans l'attente des résultats d'une évaluation
interministérielle sur ce sujet.
Il se révèle que ces travaux ont pu aboutir positivement. Leurs conclusions se
retrouvent dans l'amendement déposé par le Gouvernement sur l'article 1er.
Cet amendement s'inscrit dans la logique de construction de l'Europe sociale.
Il correspond aux aspirations légitimes de nos concitoyens à voyager en Europe.
Il anticipe enfin sur le libellé des chèques-vacances en euro.
De plus, l'ouverture proposée, dont les conditions seront fixées par décret
afin d'en maîtriser toutes les conséquences, peut être un point d'appui pour la
création et le développement du chèque-vacances dans d'autres pays d'Europe.
Un pays réceptif comme le nôtre en matière touristique devrait dans l'avenir,
au travers des réciprocités, y trouver avantage !
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, des éléments nouveaux sur ce projet
de loi qui, je le souhaite, répondront aux attentes de la représentation
nationale et permettront ainsi d'aller le plus rapidement possible vers la mise
en oeuvre de l'élargissement de l'attribution du chèque-vacances aux familles
qui attendent ce nouveau droit.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur de la commission, des affaires sociales.
Monsieur le
président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lors de l'examen
en première lecture de ce projet de loi, le Sénat avait adopté un dispositif
important d'amendements visant à assurer une portée réelle à cette réforme du
chèque-vacances.
Notre assemblée rejoignait le Gouvernement dans un « diagnostic partagé » sur
deux points. Le chèque-vacances, en s'inscrivant dans une logique de
participation à forte dimension sociale, peut constituer une aide tout à fait
efficace pour permettre aux familles de partir en vacances. Mais la législation
actuelle est trop restrictive pour permettre à ce dispositif de jouer à plein,
ce qui explique son bilan en demi-teinte.
Pourtant, si le diagnostic est partagé, les conclusions à en tirer
divergent.
Il nous a en effet semblé que le projet de loi initial comportait plusieurs
insuffisances qui ne permettraient pas d'assurer une plus large distribution du
chèque-vacances.
Ce projet était d'abord peu incitatif. Certes, il proposait deux nouvelles
voies de distribution des chèques, soit par le biais des organismes paritaires
de gestion d'activités sociales, soit par l'exonération de charges sociales au
titre de la contribution de l'employeur dans les petites et moyennes
entreprises. Mais ces voies restaient très étroites : dans le premier cas, le
coût du financement des organismes paritaires est loin d'être négligeable ;
dans le second cas, l'incitation financière est faible.
Ce projet était également une nouvelle source de complexité pour les
entreprises. Ainsi, il ne rétablissait pas la neutralité fiscale et sociale
entre les deux circuits de distribution. Bien au contraire, il instituait un
troisième circuit spécifique aux petites et moyennes entreprises, avec des
modalités à la fois lourdes et restreintes de mise en place des
chèques-vacances. Or, d'après un sondage commandé par l'agence nationale pour
les chèques-vacances, 29 % des dirigeants de PME considèrent que la complexité
administrative est un frein au développement des chèques-vacances.
Ce projet manquait aussi d'imagination. Il ne cherchait pas à moderniser et à
rendre plus efficace l'agence nationale pour les chèques-vacances en permettant
à celle-ci de passer des conventions avec les organismes pouvant permettre
d'assurer une plus large distribution du chèque, vous y avez fait allusion,
madame le secrétaire d'Etat. En outre, alors que toutes les réformes
précédentes du chèque-vacances avaient permis une revalorisation sensible du
plafond de ressources, celui-ci demeurait inchangé.
Ce projet ne comportait, enfin, aucune disposition en faveur des familles. Or
le succès du chèque-vacances passe nécessairement par une meilleure prise en
compte des charges de famille, le coût des vacances croissant à l'évidence avec
le nombre des enfants.
La commission ne peut que regretter une telle lacune au moment où vous semblez
pourtant, madame le secrétaire d'Etat - et vous nous l'avez confirmé tout à
l'heure - partager ce constat, comme en témoigne votre décision de créer, le 8
avril dernier, un groupe de travail interministériel « Vacances et politique
familiale » chargé de faire des propositions, afin de développer l'accès des
familles aux vacances. Parmi ces propositions, vous pouvez retenir celle que
vous fait la commission en ce qui concerne la majoration de 10 %.
La commission apportera donc sa contribution à ce travail en proposant de
mieux prendre en compte la situation des familles pour l'attribution du
chèque-vacances.
Dans ces conditions, le Sénat avait sensiblement modifié, en première lecture,
le texte initial pour adopter un dispositif à la fois pragmatique et équilibré
visant à assurer un développement plus important et plus rapide du
chèque-vacances, pour un coût nul pour les finances publiques, une étude de
l'observatoire français des conjonctures économiques ayant montré que le
développement de cet outil était favorable à l'emploi et à la croissance ; vous
l'avez vous-même reconnu à plusieurs reprises, madame le secrétaire d'Etat.
Mais, en première lecture, l'Assemblée nationale a globalement rétabli le
texte du projet de loi initial, en supprimant la plupart des apports introduits
par le Sénat.
Un seul article - l'article 6 - a été adopté conforme ; cet article
réaffirmait le monopole d'émission de l'ANCV.
Deux dispositions introduites par le Sénat ont été maintenues, bien que
légèrement modifiées. D'abord, l'Assemblée nationale a accepté de limiter à 2 %
du SMIC le montant minimal du versement mensuel du salarié, mais elle a
maintenu la durée minimale à quatre mois alors que nous proposions de la
ramener à trois mois. Ensuite, l'Assemblée nationale a retenu l'idée de la
publication d'un rapport annuel faisant le bilan économique et social de
l'utilisation du chèque-vacances, mais elle a chargé le ministre du tourisme,
et non l'ANCV, de le rédiger.
La commission ne peut que regretter ce manque d'ouverture de l'Assemblée
nationale sur un sujet important qui aurait, à l'évidence, nécessité une
approche plus consensuelle. Il me semble cependant que les critiques formulées
contre les propositions du Sénat témoignent en réalité de l'incompréhension de
la démarche qui a été la nôtre. Notre assemblée s'est inscrite dans une logique
exclusivement pragmatique qui visait à donner au texte proposé les moyens de
son ambition.
Mais si l'Assemblée nationale n'a pas jugé bon de reprendre les améliorations
apportées par le Sénat, elle a en revanche introduit certaines modifications
par rapport au texte initial du Gouvernement. Or ces modifications se révèlent
bien hasardeuses et témoignent d'une évidente confusion.
Les premières modifications, aux articles 1er et 6 du projet de loi, portent
sur l'accès de certains publics au chèque-vacances. Lors de l'examen du texte
en première lecture, la commission des affaires sociales s'était inquiétée des
difficultés rencontrées par plusieurs catégories de personnes pour bénéficier
du chèque-vacances. Ces difficultés touchent avant tout deux types de
personnes.
Elles concernent d'abord les salariés sous statut particulier : «
emplois-jeunes », contrats emploi-solidarité, contrats emploi consolidé, agents
contractuels des fonctions publiques. Elles touchent aussi les non-salariés,
qu'il s'agisse des travailleurs indépendants, des retraités ou des
préretraités.
Il n'existe pourtant aucun obstacle législatif pour qu'ils puissent bénéficier
des chèques-vacances.
Les premiers, même s'ils relèvent d'un statut spécifique, restent avant tout
des salariés. Ils peuvent donc bénéficier du chèque-vacances dans les
conditions de droit commun.
En pratique cependant, l'accès aux chèques-vacances reste difficile pour les
agents de droit privé employés par l'Etat. La raison en est simple : les
circulaires définissant le champ des bénéficiaires potentiels des
chèques-vacances, sur la base de l'article 6 de l'ordonnance, ne les prennent
pas en considération. Il appartient donc à l'Etat employeur de faire respecter
l'esprit de la loi.
Vous nous aviez annoncé en première lecture, madame le secrétaire d'Etat,
qu'une négociation était en cours pour résoudre ce problème. Je pense qu'il est
désormais réglé, sans doute pourrez-vous nous le confirmer.
S'agissant des non-salariés, ils peuvent en théorie bénéficier des
chèques-vacances sur la base de l'article 6 de l'ordonnance, la difficulté
étant bien entendu de trouver un organisme abondeur.
En tout état de cause, des voies législatives d'accès aux chèques-vacances
existent déjà, mais elles ne sont pas mises en pratique par les employeurs ou
par les organismes sociaux. Ce sont donc les comportements et non le droit
qu'il faut faire évoluer.
L'Assemblée nationale a pourtant estimé qu'il était souhaitable d'introduire
de nouvelles dispositions dans le projet de loi, rappelant que différents
publics peuvent acquérir des chèques-vacances : emploi-jeunes, contrats emploi
consolidé, préretraités, agents non titulaires des fonctions publiques,
retraités.
Or, ces dispositions sont dépourvues de toute portée normative et elles
n'amélioreront en rien la situation des personnes visées. Bien au contraire,
elles risquent d'avoir des effets pervers en fermant, pour ces personnes, le
circuit de distribution « employeur » et ne font finalement qu'obscurcir plus
encore le débat.
Conscient des limites de ces dispositions, le président de la commission des
affaires culturelles de l'Assemblée nationale a d'ailleurs décidé, au cours de
la discussion, de créer un groupe de travail chargé de faire le point sur
l'accès de ces catégories aux chèques-vacances et a demandé aux parlementaires
de retirer leurs amendements sur ces dispositions dans l'attente des
conclusions du groupe de travail.
D'autres modifications apportées par l'Assemblée nationale paraissent
également contestables. J'aurai l'occasion d'y revenir lors de la présentation
des amendements de la commission.
Au total, le texte qui nous est soumis en deuxième lecture ne fait que
renforcer cette impression d'« occasion manquée » que constitue ce projet de
loi. Tant le Gouvernement que l'Assemblée nationale ont en effet opposé une fin
de non-recevoir aux propositions du Sénat, accentuant ainsi le risque de
limiter la portée du texte à la portion congrue.
Dans ces conditions, la commission vous proposera de rétablir la plupart des
orientations adoptées par la Haute Assemblée en première lecture. Toutefois,
dans le souci de permettre la reprise du dialogue entre les dex chambres du
Parlement, elle vous proposera d'apporter certaines inflexions au texte voté en
première lecture.
Ainsi, elle propose d'accepter le changement du critère d'appréciation des
ressources et d'adopter, comme le prévoit le projet de loi initial, le critère
du revenu fiscal de référence, Mme le secrétaire d'Etat s'étant engagée, en
première lecture et encore tout à l'heure, à résoudre la question de la
diffusion de données fiscales personnelles dans l'entreprise. La commission
propose également une revalorisation du plafond de ressources plus faible que
celle qui a été adoptée en première lecture, mais qui prend mieux en compte la
situation de famille que le projet initial.
La commission demande également de limiter à 30 % du SMIC - et non à 40 %,
comme le Sénat l'avait voté en première lecture - le montant de la contribution
de l'employeur pouvant être exonérée de charges sociales. En revanche, elle
propose de maintenir la majoration de ce taux de dix points par enfant à
charge, ainsi que l'obligation de modulation de cette contribution en fonction
du nombre d'enfants à charge. Il est en effet indispensable de mieux intégrer
la dimension familiale dans le dispositif du chèque-vacances.
Elle vous demande en conséquence, mes chers collègues, de revenir sur la
suppression du plafonnement global des sommes consacrées par l'employeur aux
chèques-vacances - c'est l'article 3 de l'ordonnance - qui avait été adoptée en
première lecture.
Enfin, la commission, en première lecture, avait proposé de permettre à
l'agence nationale de prospecter à l'étranger afin d'ouvrir à des étrangers la
possibilité d'utiliser le chèque-vacances comme moyen de financement de leurs
dépenses de vacances en France. Il s'agissait, pour nous, de prendre une «
longueur d'avance » dans la perspective d'un chèque-vacances européen. Les
débats parlementaires ont cependant montré qu'un tel projet n'était pas mûr, la
France étant le seul pays de l'Union européenne à avoir institué un tel
dispositif, comme vous l'avez rappelé, madame le secrétaire d'Etat.
De la même manière, il nous a semblé qu'il était prématuré d'autoriser
l'utilisation du chèque-vacances par les Français sur le territoire des autres
Etats de l'Union européenne, en l'absence de réciprocité. Prévoir une telle
situation avant le lancement d'une future négociation sur le chèque-vacances
européen contribuerait à fragiliser la position française dans la négociation.
A l'issue de celle-ci, il sera toujours temps d'adopter une telle disposition
dans un texte portant diverses mesures d'ordre social.
En outre, madame le secrétaire d'Etat, vous aviez à juste titre insisté, au
cours du débat en première lecture, sur le rôle économique du chèque-vacances,
qui, selon vos propres termes, « constitue un véritable outil de développement
du tourisme dans notre pays » et qui contribue à créer des emplois. Dans ces
conditions, il serait regrettable de fragiliser cet instrument qui doit, dans
la situation actuelle, garder sa cohérence et conserver son rôle : aider à
financer les vacances en France.
C'est donc une démarche constructive, une démarche qui préserve les apports
essentiels adoptés par le Sénat en première lecture que propose la commission.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de loi tel qu'il revient devant le Sénat ce soir nous convient. En
effet, la majorité de l'Assemblée nationale a permis, par ses amendements, de
revenir à la philosophie du texte initial, qui est aussi la nôtre.
La majorité sénatoriale avait détourné l'orientation du chèque-vacances vers
une conception de placement financier et de complément salarial exonéré de
charges sociales patronales.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Mais non !
M. Claude Domeizel.
La majorité de gauche de l'Assemblée nationale a resitué le chèque-vacances
dans une perspective de progrès social, comme la grande mesure du droit aux
vacances pour les personnes aux revenus modestes et leur famille.
M. Hilaire Flandre.
C'est n'importe quoi !
M. Claude Domeizel.
C'est pourquoi nous nous réjouissons de la suppression par l'Assemblée
nationale de l'article 7, que la majorité sénatoriale avait inséré dans le
texte et qui aurait permis toutes les dérives par le passage aux mains de
grandes sociétés privées de la diffusion du chèque-vacances.
De même, nous considérons qu'il est indispensable d'en revenir au revenu
fiscal de référence, en tant que critère d'appréciation des ressources. Nous
constatons que la majorité de la commission s'y est finalement ralliée, mais
seulement sur le principe, puisqu'elle nous propose dans le même temps un
amendement qui revalorise plus que substantiellement la majoration par
demi-part supplémentaire. L'adoption de cet amendement modifierait la nature du
chèque-vacances, qui deviendrai ainsi plus un instrument supplémentaire en
faveur de la politique familiale pour les classes moyennes qu'une mesure
sociale.
M. Hilaire Flandre.
Dites-le, que vous n'aimez pas la famille !
M. Claude Domeizel.
L'objet du chèque-vacances n'est pas d'aider à partir en vacances des salariés
qui peuvent largement le faire avec leurs propres ressources, comme ce serait
le cas avec le plafond de 25 000 francs par demi-part que le Sénat proposait.
Il est de permettre l'exercice du droit aux vacances et aux loisirs par des
personnes qui en sont empêchées en raison de leur situation économique.
Au demeurant, 75 % des salariés ont vocation à avoir accès au
chèque-vacances.
Ce vaste champ d'application du chèque-vacances a été encore élargi en
première lecture à l'Assemblée nationale, qui a pris en compte nos
préoccupations.
Ainsi, au-delà des salariés des petites entreprises, sont, en effet, intégrées
des catégories sur lesquelles nous avions déjà attiré votre attention, madame
la secrétaire d'Etat. Je pense aux contractuels de la fonction publique, aux
emplois-jeunes, aux bénéficiaires de contrats emplois consolidés, puisque la
durée de leur contrat de travail le permet et, enfin, aux préretraités
conservant un lien juridique avec l'employeur.
C'est une première étape que vous n'hésitez pas à doubler en quelque sorte
avec l'amendement n° 14 que vous avez déposé à l'article 5 et sur lequel je
dirai quelques mots dès à présent.
Nous sommes particulièrement satisfaits de cet amendement, qui répond de façon
claire et ouverte aux demandes émanant de diverses catégories
socio-professionnelles. Grâce à l'ouverture, par les organismes sociaux, d'une
seconde entrée dans le dispositif, les personnes ayant de faibles ressources,
salariées ou non, pourront, dès lors que leur branche d'activité sera organisée
à cette fin, accéder aux chèques-vacances.
Cette disposition est particulièrement importante pour les agriculteurs, les
commerçants et les artisans qui ne disposent que de faibles ressources et qui
ne peuvent aujourd'hui partir en vacances. C'est reconnaître l'évolution de
notre société que de permettre à ces catégories, souvent tout aussi maltraitées
par la politique des grands groupes que les salariés, de bénéficier d'un
avantage social. Il leur appartient maintenant de mettre en oeuvre ce nouveau
droit par le biais, par exemple, de la mutualité sociale agricole, la MSA, des
mutuelles ou d'autres organismes qui devront être interpellés.
S'agissant des salariés, nous constatons avec satisfaction que le seuil
minimal d'épargne demeure à 2 % du SMIC mensuel, ce qui correspond,
malheureusement, à la capacité réelle d'épargne de nombreuses familles. Il est
positif que notre commission tire les conséquences de cette évolution et ne
propose pas à nouveau le blocage de ces sommes très modiques dans un plan
d'épargne.
Je dirai, pour terminer, un mot de l'ouverture à l'Europe que le Gouvernement
accepte de réaliser. Comme vous le savez, madame la secrétaire d'Etat - nous en
avions déjà parlé en première lecture - nous sommes soucieux de ne pas
pénaliser les personnes modestes qui, jusqu'à présent, ne peuvent utiliser
leurs chèques-vacances pour découvrir d'autres horizons et d'autres cultures.
Cela revient à les priver d'un facteur d'enrichissement personnel et
d'ouverture aux autres.
Vous nous aviez alors répondu que le Gouvernement souhaitait prolonger son
expertise sur ce point, étudier les possibilités d'agrément hors territoire
national et d'accords de réciprocité. Nous avions bien volontiers accepté vos
remarques. Nous en sommes, en quelque sorte, récompensés, puisque vous nous
proposez aujourd'hui un texte qui reprend d'ailleurs la formulation suggérée
par notre collègue Guy Fischer.
Il est important que la France, qui, la première, a mis en oeuvre ce
dispositif, en propose maintenant l'extension aux autres Etats de l'Union
européenne. L'harmonisation en matière sociale doit se faire par le haut. Nous
avons souvent l'occasion de nous en inquiéter. C'est une perspective
réjouissante que de voir le Gouvernement aller dans cette direction. Nous
suivrons avec attention la préparation du décret, dans un délai que nous
espérons raisonnable, afin que cette disposition puisse entrer en application
dès le troisième millénaire.
Au total, madame la ministre, nous sommes satisfaits du texte tel qu'il nous
parvient de l'Assemblée nationale, clarifié et enrichi par vos soins. Demeurant
en l'état, nous le voterions bien volontiers. Néanmoins, la majorité
sénatoriale a choisi de revenir pour l'essentiel, et comme les amendements
qu'elle s'apprête à adopter l'indiquent, à son texte premier.
Plusieurs de ces propositions font avec nos propres conceptions l'objet d'un
désaccord de fond, qu'il s'agisse du plafond de revenu, qui, trop élevé,
aboutit à dénaturer l'objet du texte, de l'ouverture en direction des grandes
sociétés privées ou de la décision patronale après simple consultation des
salariés dans les entreprises de moins de cinquante salariés encore dépourvues
de délégués du personnel. Il est fondamental que le chèque-vacances soit mis en
place après un accord, alors qu'il servirait ici à ébrécher les modalités de la
représentation collective.
Enfin, le chèque-vacances - transformé par la majorité sénatoriale en une
sorte de traveller's check - ne doit pas servir non plus de prétexte à de
nouvelles exonérations de charges patronales. Il n'y a ainsi pas lieu de
majorer de dix points par enfant à charge le montant de la contribution de
l'employeur donnant lieu à exonération. De même, le paiement de la CSG doit
être maintenu.
C'est pourquoi le groupe socialiste, tout en vous faisant part de son accord
sur votre projet de loi, se trouvera conduit, après l'adoption de ses
amendements par la majorité sénatoriale, à voter contre le texte profondément
dénaturé.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues. Le
projet de loi qui nous est soumis procède à une actualisation rendue
aujourd'hui nécessaire de l'ordonnance du 26 mars 1982 portant création des
chèques-vacances.
Les dix-sept années qui séparent la création du dispositif chèques-vacances du
projet de loi que nous examinons sont marquées, c'est une évidence, par une
remise en cause insidieuse, mais bien réelle, du droit aux vacances.
Qui contestera que les notions de temps libre et de société des loisirs,
vantées encore en 1982, sont aujourd'hui loin du réel de nos compatriotes ?
Au-delà des chiffres, nombre de familles ayant plus de trois enfants sont
privées du droit aux vacances parce qu'elles n'ont pas les moyens financiers de
partir. En outre, nos compatriotes partent moins nombreux et pour des durées
inférieures à ce qu'elles étaient par le passé.
De fait, d'année en année, le modèle économique toujours plus libéral érode
les droits essentiels des salariés, à commencer par le droit aux vacances.
Nous comprenons dès lors, madame la secrétaire d'Etat, que vous ayez décidé
prioritairement de rénover le dispositif chèques-vacances afin de le rendre
plus attractif, tout en élargissant l'éventail des publics auxquels il est
destiné.
Encore cet élargissement ne doit-il pas conduire à une dénaturation de ce
dispositif.
Comme l'indiquait en première lecture mon amie Odette Terrade, ce dispositif
doit continuer de s'adresser au premier chef aux plus défavorisés.
Le système original de cogestion entre les employeurs et les salariés doit
être préservé et étendu aux entreprises qui étaient, par leur taille, exclues
des négociations sur les chèques-vacances.
Enfin, le cartactère public de l'agence nationale pour les chèques-vacances
est un atout à conserver.
Que l'importance des sommes collectées dans le cadre de l'application de
l'ordonnance de 1982 suscite quelques appétits financiers, cela va sans
dire.
Pour autant, nous avons à coeur, madame la secrétaire d'Etat, de défendre les
chèques-vacances dans le prolongement des trois axes que je viens de citer.
En méconnaissant délibérément l'esprit de l'ordonnance de 1982 en première
lecture, la majorité de la Haute Assemblée remettait en cause les principes
fondamentaux de celle-ci.
Nous souhaitons, pour notre part, revenir à un débat plus serein, permettant
aux salariés les plus défavorisés, et quelles que soient les formes de leur
contrat de travail, de retrouver le droit essentiel aux loisirs et aux
vacances.
Les chèques-vacances ne doivent pas conduire à consentir un avantage fiscal
supplémentaire aux entreprises.
Tout au mieux s'agit-il d'adapter les mécanismes contributifs afin de les
rendre plus incitatifs que ceux qui existent pour permettre aux salariés des
PME-PMI de bénéficier des chèques-vacances, afin d'élargir encore les
catégories des salariés susceptibles de bénéficier d'un tel dispositif.
L'ensemble de ces motifs nous conduit donc à la plus extrême vigilance pour ce
qui relève de la nature des amendements déposés par la majorité sénatoriale.
L'empressement, par exemple, à vouloir grossir les rangs, non sans
arrière-pensée, des salariés pouvant bénéficier du dispositif, s'il peut
paraître de prime abord louable, surprend quand il est à l'initiative de ceux
pour qui les salariés sont toujours trop rémunérés.
(Scandaleux ! sur les
travées du RPR.)
De la même façon, les accords de branche dénatureraient-ils dans un sens
conforme aux intérêts des salariés le dispositif des chèques-vacances ?
La possibilité pour l'agence nationale des chèques-vacances de confier une
partie de ses missions à des entreprises privées prestataires ne
constituerait-elle pas une remise en cause essentielle du caractère public de
cette dernière ?
Ces questions, que nous posions déjà en première lecture, reviennent à nouveau
occuper le devant de la scène dans un débat que nous souhaiterions pour notre
part tout occupé par le droit fondamental des salariés aux vacances.
Aussi, du texte que nous examinons à la version adoptée en deuxième lecture
par la Haute Assemblée, et donc de sa conformité aux intérêts des salariés,
dépendra l'issue finale de notre vote.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles
est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas
encore adopté un texte identique.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - I. - Le premier alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n°
82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances est remplacé par
deux alinéas ainsi rédigés :
« Les salariés des entreprises, sociétés et organismes soumis aux dispositions
de l'article L. 223-1, des 3° et 4° de l'article L. 351-12 et de l'article L.
351-13 du code du travail, leur conjoint ainsi que les personnes à leur charge,
telles qu'elles sont définies aux articles 6 et 196 du code général des impôts,
peuvent, avec la contribution de leur employeur, acquérir des titres nominatifs
appelés "chèques-vacances".
« Les salariés soumis aux dispositions des articles L. 322-4-8-1 et L.
322-4-18 du code du travail, leur conjoint ainsi que les personnes à leur
charge, telles qu'elles sont définies aux articles 6 et 196 du code général des
impôts, peuvent acquérir, dans les conditions fixées à l'article 6, des titres
nominatifs appelés "chèques-vacances". »
II. - Il est inséré, après le premier alinéa du même article, un alinéa ainsi
rédigé :
« Les salariés soumis aux dispositions des 1° et 2° de l'article L. 351-12 ou
aux dispositions de l'article L. 322-4 du code du travail, leur conjoint ainsi
que les personnes à leur charge, telles qu'elles sont définies aux articles 6
et 196 du code général des impôts, peuvent, avec la contribution de leur
employeur, acquérir dans les conditions fixées à l'article 6 des titres
nominatifs appelés "chèques-vacances". »
Par amendement n° 1, M. Blanc, au nom de la commission, propose :
I. - De supprimer le deuxième alinéa du texte présenté par le I de cet article
pour remplacer le premier alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n° 82-283 du
26 mars 1982.
II. - En conséquence, dans le premier alinéa du I de cet même article, de
remplacer les mots : « remplacé par deux alinéas ainsi rédigés » par les mots :
« ainsi rédigé ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en
même temps l'amendement n° 2.
Ces amendements visent à préciser le champ d'application du dispositif.
En première lecture, l'Assemblée nationale a étendu ce dispositif à certaines
catégories de personnes qui rencontrent des difficultés pour bénéficier des
chèques-vacances : les « emplois-jeunes », les titulaires d'un contrat emploi
consolidé, les contractuels de la fonction publique...
Ces dispositifs soulèvent plusieurs problèmes, sans pour autant permettre de
règler la question de l'accès aux chèques-vacances pour ces publics.
D'abord, elles sont dépourvues de toute portée normative et ne font que
rappeler que toute personne peut bénéficier de chèques-vacances sur la base de
l'article 6 de l'ordonnance de 1982, c'est-à-dire par l'intermédiaire des
organismes sociaux.
Ensuite, elles risquent d'avoir des effets pervers. En effet, elles sont
restrictives, car elles ne prévoient qu'une voie pour permettre à ces personnes
de bénéficier des chèques-vacances, celle de l'article 6, alors que les «
emplois-jeunes » ou les titulaires de contrats emplois consolidés peuvent en
bénéficier grâce au circuit de distribution des employeurs.
Enfin, elles ne font qu'ajouter à la confusion qui existe entre les deux
circuits de distribution.
Pour ces raisons, et dans la mesure où il n'existe pas d'obstacle d'ordre
législatif, la commission vous propose de rétablir le texte initial du projet
de loi, qui définit le champ d'application des chèques-vacances d'une manière à
la fois large, souple et cohérente.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1 ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Par cet amendement, vous souhaitez revenir au texte de
l'ordonnance de 1982, modifié lors de la première lecture du fait de
l'actualisation du code du travail, proposition que j'approuve.
Le Gouvernement partage le souci de lisibilité de l'article 1er que vous
manifestez. Toutefois, le débat en première lecture, tant dans cette assemblée
qu'à l'Assemblée nationale, a mis en évidence le souhait qu'un certain nombre
de catégories ne soient pas exclues de l'accès aux chèques-vacances.
C'est pourquoi nous proposerons une nouvelle rédaction de l'article 6 de
l'ordonnance qui est à même de satisfaire l'ensemble des parlementaires.
J'exprime donc un avis favorable à cet amendement, dans la perspective que
soit inséré, à l'article 6, un nouvel alinéa conforme à l'amendement que
proposera le Gouvernement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 2, M. Blanc, au nom de la commission, propose de supprimer
le II de l'article 1er.
M. le rapporteur a précédemment défendu cet amendement.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 13, le Gouvernement propose de compléter,
in fine,
l'article 1er par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Il est inséré après le deuxième alinéa du même article un alinéa ainsi
rédigé :
« Les chèques-vacances peuvent également être remis en paiement des dépenses
effectuées sur le territoire des Etats membres de la Communauté européenne aux
prestataires qui ont signé, selon les conditions fixées par décret, des
conventions avec l'Agence nationale pour les chèques-vacances. »
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Si le chèque-vacances a un contenu social affirmé, il
ne doit pas pour autant limiter ses bénéficiaires à demeurer sur le seul
territoire national.
A l'heure où l'Europe sociale est à l'ordre du jour, ouvrir, dans des
conditions qui seront précisées par décret, le chèque-vacances aux autres pays
de l'Union me paraît opportun.
Il en va de la connaissance des cultures, des peuples, de pays ayant une
histoire différente de la nôtre. Il en va de valeurs comme l'échange des
cultures, le recul de la xénophobie, la solidarité.
A un moment où d'autres pays mettent en place un dispositif similaire, la
France n'a-t-elle pas valeur d'exemple et de rôle pilote ? C'est d'ailleurs un
dossier qui sera évoqué lors de la présidence française de l'Union européenne
au cours du second semestre 2000.
Enfin, à ceux qui s'inquiètent du déséquilibre que cela provoquerait dans
l'industrie touristique nationale, je rappelle que la France est un pays
réceptif d'excellence ; elle pourra, dans la perspective du développement du
chèque-vacances dans d'autres pays d'Europe, bénéficier ainsi de l'apport de
nouvelle clientèle.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Je me suis exprimé sur ce sujet dans mon intervention
liminaire. Je ne reprendrai donc pas ce que j'ai dit tout à l'heure.
L'introduction d'une telle disposition dans la loi paraît prématurée, aucun
pays de l'Union européenne ne disposant à l'heure actuelle de chèques-vacances.
De plus, au lieu de nous donner des arguments dans une négociation, ce sont les
autres pays qui risquent, en définitive, d'aller à l'encontre de ce que nous
voulons.
Par ailleurs, je l'ai dit également, nous souhaitons favoriser le tourisme en
France, en particulier dans certaines régions plus défavorisées qui,
actuellement - je veux parler du tourisme rural - s'ouvrent précisément grâce
aux chèques-vacances.
Une telle disposition risquerait d'inciter les bénéficiaires de
chèques-vacances à choisir d'autres destinations, l'Italie et l'Espagne en
particulier, ce qui ne correspond pas à ce que nous souhaitons.
Enfin, dans la mesure où l'ouverture des chèques-vacances aux pays européens
se fera non pas par l'ANCV, mais automatiquement par sous-traitance ou
convention avec des organismes qui ont l'habitude de diriger les gens vers des
destinations étrangères, je vois également dans cette disposition une
contradiction avec ce que vous nous avez dit tout à l'heure.
C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
En tout état de cause, lorsque la négociation avec les pays de l'Union
européenne aura abouti, il est clair que nous pourrons toujours, à l'occasion
d'un texte portant diverses dispositions d'ordre social, prendre acte de cette
future ouverture européenne et donc l'adopter.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Nous voterons cet amendement. En effet, même s'il peut surprendre, nous
pensons que certains des arguments développés par M. le rapporteur méritent
d'être entendus.
Cet amendement permettra de développer le dynamisme du tourisme français au
sein de l'Union européenne, particulièrement dans les pays qui sont connus en
termes de tourisme. Vous y avez fait allusion, madame le secrétaire d'Etat.
De plus, il ne faut pas porter sur cet amendement des critiques injustifiées.
Aujourd'hui, si les chèques-vacances ne sont, c'est vrai, utilisables qu'en
France, ils seront, grâce à ce projet de loi, porteurs d'une ambition partagée
au sein des pays de l'Europe, porteurs aussi de la volonté, pour un nombre
marginal de familles, de découvrir des pays comme l'Espagne, le Portugal,
etc.
Grâce au travail que nous avons accompli aujourd'hui, une petite lumière va
s'éclairer nous permettant de faire valoir notre tourisme dans d'autres pays
européens et de faire en sorte que les Français, eux-mêmes, contribuent au
développement du tourisme.
Je crois que cet amendement, en définitive, sera plus porteur de négociations
futures que source d'effets négatifs.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - L'article 2 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 précitée est
ainsi rédigé :
«
Art. 2.
- I. - Les salariés doivent justifier chaque année, auprès de
leur employeur, que le montant des revenus de leur foyer fiscal de
l'avant-dernière année, tels qu'ils sont définis au V de l'article 1417 du code
général des impôts, n'excède pas la somme de 87 680 F pour la première part de
quotient familial, majorée de 19 990 F par demi-part supplémentaire. Ces
chiffres sont actualisés chaque année, dans la même proportion que la limite
supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu.
« II. - L'avantage résultant de la contribution de l'employeur à l'acquisition
des chèque-vacances par les salariés est exonéré de l'impôt sur le revenu, dans
la limite du salaire minimum de croissance apprécié sur une base mensuelle.
« Cette contribution de l'employeur est exonérée de la taxe sur les salaires
prévue à l'article 231 du code général des impôts.
« Les chèques-vacances sont dispensés du timbre.
« III. - L'employeur, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut,
des délégués du personnel ou de toute autre instance de concertation ayant
compétence en matière d'oeuvres sociales, définit, sous réserve des
dispositions du 2° du II de l'article 2-1 de la présente ordonnance, les
modalités de l'attribution éventuelle de chèques-vacances à ses salariés qui
répondent aux conditions fixées au présent article. »
Par amendement n° 3, M. Blanc, au nom de la commission, propose :
A. - Dans la première phrase du texte présenté par cet article pour le I de
l'article 2 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982, de remplacer la somme :
« 87 860 » par la somme : « 90 000 » et la somme : « 19 990 » par la somme : «
25 000 ».
B. - De compléter cet article par un paragraphe II ainsi rédigé :
« II. - Les pertes de recettes éventuelles résultant de la majoration des
conditions de ressources introduite au I de l'article 2 de l'ordonnance
précitée du 26 mars 1982 sont compensées par une majoration à due concurrence
des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
»
C. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article par la mention
: « I ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
L'amendement n° 3 vise à préciser les conditions de
ressources permettant au salarié de bénéficier du chèque-vacances par le
circuit employeur.
En première lecture, le Sénat avait adopté une rédaction visant à maintenir le
critère actuel d'appréciation.
Cependant, comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire, la commission
est maintenant tout à fait prête à retenir le critère de revenu fiscal de
référence proposé par le Gouvernement dans le projet de loi initial puisque Mme
le secrétaire d'Etat s'est engagée à garantir la confidentialité de l'avis
d'imposition. Nous proposons toutefois une revalorisation du plafond moins
importante mais davantage centrée sur les familles. La revalorisation porterait
ainsi essentiellement sur la majoration par demi-part supplémentaire, celle-ci
passant de 19 990 francs à 25 000 francs.
C'est, je pense, une incitation de nature à favoriser la politique familiale,
car chacun sait que partir en vacances avec les enfants coûte beaucoup plus
cher que partir seul ou en couple.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Par cet amendement la commission dui Sénat souhaite
que le revenu fiscal de référence qu'elle a finalement adopté, soit
sensiblement relevé tant pour la première part que pour une demi-part
supplémentaire.
S'agissant de la confidentialité, je rappelle ce que j'ai déjà dit en première
lecture : le caractère confidentiel sera préservé. A ce sujet, la direction
générale des impôts a été chargée d'établir un nouveau formulaire préservant la
discrétion nécessaire en matière fiscale.
Je comprends votre souhait d'ouvrir largement l'accès aux chèques-vacances,
mais, ainsi que je l'ai indiqué lors de la première lecture, le seuil proposé
par le Gouvernement inclut plus des trois quarts des salariés de notre pays, ce
qui n'est pas mince. D'après les chiffres fournis par le ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie, en bénéficieront de fait 8 millions
de salariés non imposables et 8 millions de salariés imposables ayant un revenu
fiscal de référence inférieur aux plafonds.
Ces plafonds d'accès aux chèques-vacances, comme vous le constatez, sont, à ce
jour, assez ouverts pour permettre l'accès d'un grand nombre de nos concitoyens
à cette forme d'épargne.
L'objet de ce projet de loi est bien de faire accéder aux chèques-vacances
plusieurs millions de nouveaux bénéficiaires, celles et ceux pour qui ce titre
est indispensable pour partir en vacances.
Ne souhaitant pas banaliser le chèque-vacances et voulant au contraire lui
garder un caractère social affirmé, j'émets donc un avis défavorable sur cet
amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 4, M. Blanc, au nom de la commission, propose de compléter
le deuxième alinéa du II du texte présenté par l'article 2 pour l'article 2 de
l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 par les mots : « dans les conditions
fixées à l'article 231
bis
K du même code et au III de l'article 20 de
la loi n° 88-1149 de finances pour 1989 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Cet amendement vise à mettre l'ordonnance de 1982 en
cohérence avec la législation actuelle.
Cette ordonnance prévoyait que la cotisation de l'employeur soit exonérée de
la taxe sur les salaires.
La loi de finances pour 1989 a apporté une double précision. Elle a fixé cette
exonération dans la limite d'un SMIC apprécié sur la base mensuelle ; elle a
étendu cette exonération fiscale à la taxe d'apprentissage, à la participation
des employeurs au financement de la formation professionnelle et au 1 %
logement.
Il s'agit donc simplement d'actualiser le texte de l'ordonnance de 1983 en
reprenant explicitement ces deux dispositions.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
La commission souhaite que la contribution de
l'employeur à l'acquisition des chèques-vacances soit exonérée non seulement de
la taxe sur les salaires, comme le souhaite le Gouvernement, mais également de
la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs au financement de
la formation professionnelle continue et à l'effort de construction.
Vous notez, monsieur le rapporteur, que cette exonération avait été prévue par
la loi de finances pour 1989. Mais, comme vous le savez, l'assiette de ces
divers prélèvements a été, pour des raisons de simplification, alignée sur
l'assiette des cotisations sociales à compter du 1er janvier 1996.
Pour ne pas alourdir la gestion des entreprises, je crois que ce lien doit
être maintenu.
L'exonération que vous demandez sera donc acquise pour les entreprises de
moins de soixante salariés, en application de l'article 3 du texte.
Vous avez voulu également, par cet amendement, étendre l'exonération de
charges aux entreprises de plus de cinquante salariés, alors que le projet de
loi ne vise que les entreprises de moins de cinquante salariés, pour tenir
compte de l'absence de comité d'entreprise dans ces sociétés.
Je rappelle à la Haute Assemblée que l'obligation de constitution d'un comité
d'entreprise au-delà de cinquante salariés est prévue par le code du travail et
80 % des entreprises soumises disposent d'un comité d'entreprise.
Le Gouvernement n'entend, à la faveur de ce projet de loi, ni remettre en
cause le rôle des comités d'entreprises dans la gestion des activités sociales
et culturelles ni encourager les situations d'absence de comités d'entreprise,
dont les compétences vont bien au-delà de ces seules activités.
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 5, M. Blanc, au nom de la commission, propose de supprimer
le III du texte présenté par l'article 2 pour l'article 2 de l'ordonnance n°
82-283 du 26 mars 1982.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Cet amendement, qui tend à revenir au texte voté en première
lecture, est un amendement de coordination.
La paragraphe III de cet article définit les conditions de mise en place du
chèque-vacances dans les entreprises de plus de cinquante salariés. La
commission proposera, dans ses amendements 6 et 7, d'unifier le régime fiscal
et social applicable et les modalités de mise en place des chèques-vacances
quelle que soit la taille de l'entreprise.
En conséquence, elle vous demande de supprimer cette disposition.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
La suppression du paragraphe III de l'article 2 est en
contradiction avec la volonté que nous affichons les uns et les autres de
développer le dialogue social.
En effet, il est essentiel, dans ce dispositif, que les modalités
d'attribution du chèque-vacances donnent lieu à un accord d'entreprise, conclu
soit par un délégué syndical s'il existe, soit par un salarié mandaté, et ne
soient pas laissées à la seule initiative de l'employeur.
En conséquence, j'émets un avis défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
Art. 3. - Il est inséré, après l'article 2 de l'ordonnance n° 82-283 du 26
mars 1982 précitée, un article 2-1 ainsi rédigé :
«
Art. 2-1. -
I. - Dans les entreprises de moins de cinquante salariés,
dépourvues de comité d'entreprise et qui ne relèvent pas d'un organisme
paritaire mentionné au dernier alinéa de l'article 6 de la présente ordonnance,
l'avantage résultant de la contribution de l'employeur à l'acquisition des
chèques-vacances par les salariés satisfaisant à la condition de ressources
fixée au I de l'article 2 est exonéré des cotisations et contributions prévues
par la législation du travail et de la sécurité sociale, à l'exception de la
contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de
la dette sociale. Le montant de l'avantage donnant droit à exonération, qui ne
peut excéder les plafonds fixés au dernier alinéa de l'article 3, est limité,
par salarié et par an, à 30 % du salaire minimum de croissance apprécié sur une
base mensuelle.
« II. - L'exonération prévue au I ci-dessus est accordée si :
« 1° La fraction de la valeur des chèques-vacances prise en charge par
l'employeur est plus élevée pour les salariés dont les rémunérations sont les
plus faibles ;
« 2° Le montant de la contribution de l'employeur et les modalités de son
attribution, notamment la modulation définie conformément au 1° ci-dessus, font
l'objet soit d'un accord collectif de branche au niveau national, régional ou
local prévoyant des modalités de mise en oeuvre dans les entreprises de moins
de cinquante salariés, soit d'un accord conclu dans les conditions prévues aux
deux premiers alinéas de l'article L. 132-30 du code du travail, soit d'un
accord d'entreprise conclu avec un ou plusieurs délégués du personnel désignés
comme délégués syndicaux ou, en l'absence d'une telle représentation syndicale,
avec un ou plusieurs salariés mandatés dans les conditions prévues au III de
l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation
relative à la réduction du temps de travail ;
« 3° La contribution de l'employeur ne se substitue à aucun élément faisant
partie de la rémunération versée dans l'entreprise, au sens de l'article L.
242-1 du code de la sécurité sociale, ou prévu pour l'avenir par des
stipulations contractuelles individuelles ou collectives. »
Par amendement n° 6, M. Blanc, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« I. - Il est inséré, après l'article 2 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars
1982 précitée, un article 2-1 ainsi rédigé :
«
Art. 2-1. -
L'avantage résultant de la contribution de l'employeur à
l'acquisition des chèques-vacances par les salariés satisfaisant à la condition
de ressources fixée au I de l'article 2 est exonéré de l'ensemble des
cotisations et contributions prévues par la législation du travail et de la
sécurité sociale, à l'exception de la contribution pour le remboursement de la
dette sociale. Le montant de l'avantage donnant droit à exonération, qui ne
peut excéder les plafonds fixés au dernier alinéa de l'article 3, est limité,
par salarié et par an, à 30 % du salaire minimum de croissance apprécié sur une
base mensuelle ; ce taux est majorté de 10 points par enfant à charge au sens
des articles 6 et 196 du code général des impôts.
« L'exonération prévue à l'alinéa précédent n'est accordée que si :
« 1° la fraction de la valeur des chèques-vacances prise en charge par
l'employeur est modulée en faveur des salariés dont les rémunérations sont les
plus faibles et comporte une majoration pour enfant à charge ;
« 2° la contribution de l'employeur ne se substitue à aucun élément faisant
partie de la rémunération versée dans l'entreprise, au sens de l'article L.
242-1 du code de la sécurité sociale, ou prévu pour l'avenir par des
stipulations contractuelles individuelles ou collectives.
« II. - L'extension des exonérations de charges sociales aux entreprises de 50
salariés et plus et l'exonération de contribution sociale généralisée pour
l'ensemble des entreprises sont compensées à due concurrence par l'institution
d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Cet amendement vise à rétablir le texte adopté en première
lecture pour l'article 3 du projet de loi.
Il prévoit quatre mesures, à savoir l'extension de l'exonération de charges
sociales au titre de la contribution de l'employeur à l'ensemble des
entreprises, l'exonération de la CSG versée par le salarié, la majoration du
plafond d'exonération en fonction du nombre d'enfants à charge et la modulation
de la contribution de l'employeur en fonction du nombre d'enfants à charge.
La commission des affaires sociales propose toutefois une modification par
rapport au texte adopté en première lecture. Dans la mesure où le Gouvernement
a bien précisé que le plafond d'exonération s'appréciait par rapport au SMIC
brut et non au SMIC net, il est possible de maintenir le plafond d'exonération
à 30 % du SMIC, celui-ci étant majoré de 10 % par enfant à charge.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Par cet amendement, la commission souhaite étendre
l'exonération des cotisations sociales à toutes les entreprises, introduire des
majorations pour enfants à charge, supprimer le II de l'article 2.
Ainsi que je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, l'objet de ce projet de
loi est d'étendre l'accès au chèque-vacances aux salariés des entreprises de
moins de cinquante salariés. Ce n'est pas de remettre en cause le dispositif
existant pas plus d'ailleurs que la place et le rôle des comités d'entreprise,
qui jouent un rôle déterminant pour le droit et l'accès aux vacances pour les
salariés.
Je ne souhaite pas, à la faveur du projet de loi qui nous est soumis et alors
que des états généraux du tourisme social et associatif se sont tenus voilà
quelque jours, autour du thème « le droit aux vacances », permettre une remise
en cause du rôle original des comités d'entreprise à travers l'exonération
généralisée des cotisations sociales.
J'en viens aux majorations pour enfant à charge.
La notion de revenu fiscal de référence est déjà axée sur la composition du
foyer.
Relever le plafond d'exonération, qui, je le rappelle, dans le projet, est
égal au double de la participation constatée des employeurs, n'est pas une
demande du patronat.
Je note par ailleurs que l'amendement qui est proposé subordonne l'exonération
dont bénéficie l'employeur à un double critère : critère de revenu afin de
faire en sorte que les salariés dont les salaires sont les plus faibles soient
pris en compte, mais également critère familial.
De fait, cela se traduira, pour les jeunes salariés, par une difficulté
d'accès au chèque-vacances, celui-ci étant centré sur les familles. Telle n'est
pas ma volonté d'autant que les chiffres montrent que les jeunes sont parmi les
catégories qui partent le moins en vacances.
Quant à la suppression du II de l'article 3, c'est-à-dire de l'obligation de
négociation pour la mise en place du chèque-vacances, elle viderait de tout
contenu le dialogue social, et ne peut donc être retenue.
Enfin, bien que je puisse comprendre le souci de la commission, je me dois de
dire que ce texte n'a pas vocation à résoudre tous les problèmes de la
politique familiale. J'ai conscience des difficultés rencontrées par les
familles pour partir en vacances. C'est pourquoi je viens d'installer, dans le
cadre de la délégation interministérielle à la famille, un groupe de travail
qui abordera la question des vacances dans le cadre de la politique
familiale.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé.
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - Le premier alinéa de l'article 3 de l'ordonnance n° 82-283 du 26
mars 1982 précitée est supprimé. »
Par amendement n° 7, M. Blanc, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« Le premier alinéa de l'article 3 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982
précitée est ainsi rédigé :
« Le montant de la contribution de l'employeur et les modalités de son
attribution font l'objet soit d'une consultation du comité d'entreprise, soit
d'un accord d'entreprise conclu avec un ou plusieurs délégués syndicaux ou
délégués du personnel désignés comme délégués syndicaux, soit, en l'absence de
tels délégués, d'un accord d'entreprise conclu en application d'un accord de
branche mettant en oeuvre les dispositions de l'article 6 de la loi n° 96-985
du 12 novembre 1996 relative à l'information et à la consultation des salariés
dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire,
ainsi qu'au développement de la négociation collective, ou conclu avec un ou
plusieurs salariés mandatés dans les conditions prévues au III de l'article 3
de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative au
temps de travail, soit d'un accord conclu dans les conditions prévues aux deux
premiers alinéas de l'article L. 132-30 du code du travail. A titre
expérimental, dans les entreprises de moins de 50 salariés où n'existent pas de
délégués syndicaux ou de délégués du personnel désignés comme délégués
syndicaux ni de salariés mandatés dans les conditions prévues au III de
l'article 6 de la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996 précitée ou au III de
l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 précitée, le montant de la
contribution de l'employeur et les modalités de son attribution peuvent être
fixées après consultation des délégués du personnel. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Cet amendement rétablit le texte voté au Sénat en première
lecture.
Il vise à assurer une meilleure diffusion du chèque-vacances sur le terrain en
simplifiant les procédures. Il prévoit ainsi d'ajouter aux deux procédures
prévues par le projet de loi, qui sont l'accord d'entreprise ou l'accord de
regroupement d'entreprise, deux voies nouvelles pour mettre en place les
chèques-vacances dans l'entreprise : un accord d'entreprise négocié avec un
salarié mandaté en application de la loi du 12 novembre 1996 et, en l'absence
de toute autre solution, la consultation des délégués du personnel.
Contrairement à certaines affirmations, cet amendement ne se traduit en aucun
cas par une limitation du dialogue social, il l'amplifie au contraire. D'abord,
il ouvre de nouvelles voies aux accords d'entreprise négociés par les salariés
mandatés dans vingt-cinq branches regroupant 850 000 salariés.
Je remarque à ce propos que les partenaires sociaux considèrent que le système
de mandatement issu de la loi du 12 novembre 1996 est un moyen efficace de
relance du dialogue social dans les petites entreprises. Ils viennent en effet,
le 8 avril dernier, de reconduire à l'identique l'accord interprofessionnel de
1995, dont la loi de 1996 reprend les grandes lignes.
Ensuite, la consultation des délégués du personnel est déjà prévue par
l'ordonnance de 1982 et ne doit intervenir qu'en dernier recours. L'objectif
est ici très pragmatique. Il s'agit de permettre la mise en place du
chèque-vacances dans les petites entreprises où n'existent ni présence
syndicale ni système de mandatement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Ainsi que je viens de l'indiquer, vous entendez, par
cet amendement, monsieur le rapporteur, confondre les rôles respectifs des
comités d'entreprise, des délégués du personnel et des délégués syndicaux. Or
le projet qui vous est soumis n'a pas vocation à modifier sensiblement les
règles de la négociation collective de ce pays.
La mise en place des chèques-vacances, qui, je le rappelle, n'a pas de
caractère obligatoire, relève d'une politique sociale d'entreprise et constitue
une occasion de nouer ou de renouer le dialogue social, selon un processus qui
connaît déjà un progrès avec la loi sur la réduction du temps de travail.
(Exclamations sur plusieurs travées du RPR.)
Ramener le rôle des représentants du personnel à une simple consultation est
un appauvrissement de la participation des salariés à la vie de l'entreprise et
à la citoyenneté.
Par ailleurs, la loi portant réduction du temps de travail a introduit les
salariés mandatés afin de faire grandir le dialogue social dans les PME et les
PMI. Leur rôle est aujourd'hui non négligeable, à telle enseigne que les
partenaires sociaux ont, tout récemment, renouvelé leur accord sur ce
dispositif.
J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 7.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Mêmes raisons mais effet contraire !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
Article 4
bis
M. le président.
« Art. 4
bis
. - Dans le deuxième alinéa de l'article 3 de l'ordonnance
n° 82-283 du 26 mars 1982 précitée, le pourcentage : " 4 %"est remplacé par le
poucentage : "2 %". » -
(Adopté.)
Article 4
ter
M. le président.
L'article 4
ter
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais par amendement n° 8, M. Blanc, au nom de la commission, propose de
rétablir cet article dans la rédaction suivante :
« Au début du dernier alinéa de l'article 4 de l'ordonnance n° 82-283 du 26
mars 1982 précitée, les mots : "Le salarié titulaire" sont remplacés par les
mots : "Le titulaire". »
La parole est à la M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Cet amendement vise à rétablir le texte voté au Sénat en
première lecture. Il s'agit de lever un obstacle à la diffusion des
chèques-vacances auprès des non-salariés par le biais des organismes
sociaux.
L'ordonnance de 1982 ne précise en effet, dans son article 4, les conditions
de remboursement des chèques-vacances que pour les salariés.
Or cet article 4 a vocation à s'appliquer aussi bien dans le cas du circuit «
employeur » que dans celui du circuit « organisme social ».
Cet amendement prévoit, par cohérence, que les non-salariés peuvent également
bénéficier du remboursement. Il s'agit simplement de fixer le principe du
remboursement, les organismes sociaux restant bien entendu libres d'en définir
les conditions pratiques.
Là encore, nous proposons d'étendre au maximum le bénéfice des
chèques-vacances.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Votre commission souhaite que soit supprimée du
dernier alinéa de l'article 4 de l'ordonnance la mention du « salarié ».
Si les bénéficiaires du chèque-vacances peuvent en effet être soit le
conjoint, soit les personnes à charge du salarié, c'est bien celui-ci qui est
titulaire du chèque-vacances dans la mesure où l'épargne est constituée par lui
et où il est donc seul à même de se faire rembourser le chèque-vacances.
Dans le cas où le titulaire du chèque-vacances n'est pas salarié et/ou
bénéficie du chèque-vacances au titre de l'article 6, c'est l'organisme qui
délivre les chèques-vacances qui fixe les modalités de remboursement du
chèque-vacances.
C'est donc pour des raisons de cohérence que j'émets un avis défavorable sur
cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 4
ter
est rétabli dans cette rédaction.
Article 4
quater
M. le président.
« Art. 4
quater. -
Dans le deuxième alinéa de l'article 5 de
l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 précitée, les mots : "de l'économie et
des finances et du ministre du temps libre" sont remplacés par les mots :
"chargé du tourisme".
« II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le ministre chargé du tourisme rend public chaque année un rapport
établissant un bilan économique et social de l'utilisation du chèque-vacances.
»
Par amendement n° 9, M. Blanc, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le paragraphe I de cet article :
« I. - Dans le deuxième alinéa de l'article 5 de l'ordonnance n° 82-283 du 26
mars 1982 précitée, les mots : "ministre du temps libre" sont remplacés par les
mots : "ministre chargé du tourisme". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Cet amendement vise à maintenir le régime actuel de tutelle
de l'Agence nationale pour les chèques-vacances, à savoir une tutelle exercée
conjointement par le ministre de l'économie et des finances et le ministre
chargé du tourisme.
En première lecture, l'Assemblée nationale a voté, contre l'avis du
Gouvernement, un amendement présenté par le rapporteur et prévoyant que la
tutelle serait exercée par le seul ministre chargé du tourisme.
Le maintien d'une cotutelle impliquant le ministre de l'économie et des
finances semble souhaitable dans la mesure où l'ANCV est chargée d'émettre les
titres de paiement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Je partage, sur ce point, le sentiment de la
commission : avis favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4
quater
, ainsi modifié.
(L'article 4
quater
est adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - I A. - A l'article 6 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982
précitée, les mots : "bureaux d'aide sociale" sont remplacés par les mots :
"centres communaux d'action sociale".
« I B. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les retraités, notamment ceux dont les pensions de retraite sont les plus
faibles, peuvent acquérir des chèques-vacances par l'intermédiaire des caisses
de retraite dont ils relèvent. Celles-ci ont la possibilité de passer une
convention avec l'établissement chargé d'émettre les chèques-vacances visé à
l'article 5. »
« I. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Peuvent également être versées sous forme de chèques-vacances les aides aux
vacances accordées par tout organisme paritaire de gestion d'une ou plusieurs
activités sociales, dont la création et les principes de fonctionnement sont
prévus par un accord collectif de branche, ou territorial, conclu conformément
aux articles L. 132-1 et suivants du code du travail. »
Par amendement n° 14 rectifié, le Gouvernement propose de rédiger comme suit
le paragraphe I B de cet article :
« I B. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les aides aux vacances peuvent être accordées, par les organismes visés au
présent article, dans les limites de leurs compétences, aux ayants droit, leur
conjoint ainsi que les personnes à leur charge telles qu'elles sont définies
aux articles 6 et 196 du code général des impôts, qu'ils exercent ou non une
activité professionnelle, salariée ou non salariée, notamment à ceux dont les
ressources sont les plus faibles, conformément aux conditions et modalités
d'attribution fixées par lesdits organismes. »
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Le présent amendement vise à regrouper dans un seul
alinéa de l'article 6 de l'ordonnance l'ensemble des amendements, acceptés ou
non par le Gouvernement, présentés à l'Assemblée nationale et ayant pour
objectif de confirmer que diverses catégories sociales, de salariés ou de non
salariés, peuvent acquérir des chèques-vacances dans les conditions fixées
audit article 6, avec l'aide des organismes visés par cet article.
Il reprend, en la généralisant, la priorité accordée aux personnes ayant les
ressources les plus faibles, que le paragraphe IB de l'article 5 adopté en
première lecture par l'Assemblée nationale ne prévoyait que pour les aides aux
vacances accordées par les caisses de retraite.
Est confirmée la liberté de détermination des conditions et des modalités
d'attribution reconnue par l'article 6 aux organismes d'activités sociales,
sous réserve de la priorité aux ayants-droit « dont les ressources sont les
plus faibles » et dans les limites des compétences de ces organismes.
Il est également confirmé que ces organismes s'adressent aux salariés et aux
non-salariés - notamment aux retraités, aux exploitants agricoles, aux
travailleurs indépendants et, le cas échéant, aux personnes sans activité
professionnelle - toujours dans les limites des compétences des organismes
d'activités sociales. Aucune charge nouvelle obligatoire n'est imposée aux
organismes visés puisqu'il est précisé que les aides aux vacances « peuvent
être accordées ».
En outre, en indiquant que ces aides sont accordées « conformément aux
conditions et modalités d'attribution fixées par lesdits organismes », est
affirmée clairement la liberté de décision de ces organismes d'accorder ou non
ces aides, étant entendu qu'ils exercent également la responsabilité des
modalités des aides et qu'ils en assument la charge financière.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Selon la commission, cet amendement n'a aucune portée
normative. Néanmoins, il a effectivement le mérite de dissiper une certaine
confusion, issue de la discussion à l'Assemblée nationale, en proposant une
rédaction générale qui permet d'inclure l'ensemble des publics visés dans le
champ de l'article 6 de l'ordonnance et d'attirer ainsi l'attention sur les
difficultés d'accès au chèque-vacances.
La commission s'en remet, par conséquent, à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié, pour lequel la commission s'en
remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, ainsi modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 7
M. le président.
L'article 7 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 11, M. Blanc, au nom de la commission, propose de
rétablir cet article dans la rédaction suivante :
« Après le premier alinéa de l'article 5 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars
1982 précitée, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cet établissement public est chargé de promouvoir et diffuser le titre
nominatif "chèque-vacances". A cette fin, il est autorisé à conclure des
conventions de partenariat avec les entreprises ou organismes susceptibles d'en
assurer la plus large diffusion. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Par cet amendement nous proposons une nouvelle rédaction de
l'article 7 qui a été adopté en première lecture au Sénat mais supprimé par
l'Assemblée nationale.
Il prévoit que, afin d'assurer la diffusion des chèques-vacances, l'ANCV
puisse conclure des conventions avec des entreprises ou des organismes, l'ANCV
étant bien entendu libre de choisir ses partenaires. Ces entreprises ou
organismes pourraient être, par exemple, les organismes sociaux de l'article 6
de l'ordonnance ou des entreprises connaissant bien le réseau des PME, et donc
susceptibles d'y assurer une mise en place rapide des chèques-vacances, ce qui
est l'objet du projet de loi.
Il faut observer qu'il existe déjà une convention entre l'ANCV et la mutualité
de la fonction publique, qui charge cette dernière de gérer les
chèques-vacances pour la fonction publique. On voit mal pourquoi le
conventionnement serait limité à la seule fonction publique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur, vous souhaitez inclure dans le
texte la notion de partenariat. Comme je l'ai dit dans mon intervention
liminaire, le partenariat que vous proposez peut tout à fait relever de la
gestion de l'ANCV ; il n'est pas nécessaire de prévoir une nouvelle disposition
législative.
Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur cet amendement, tout en vous
précisant que ce que vous proposez est déjà possible et sera certainement
expérimenté.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Cela va mieux en le disant !
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Pourquoi surcharger le texte de la loi ?
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 7 est rétabli dans cette rédaction.
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - Toutes les mesures nécessaires seront prises afin de permettre une
large diffusion des dispositions de la présente loi au sein des entreprises,
sociétés et organismes visés à l'article 1er de l'ordonnance n° 82-283 du 26
mars 1982 précitée. »
Par amendement n° 12, M. Blanc, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
L'article 8, qui a été introduit par l'Assemblée nationale,
tend à assurer la publicité de la future loi en précisant que toutes les
mesures nécessaires seront prises afin de permettre une large diffusion de ses
dispositions dans les entreprises.
La commission, même si elle partage cette préoccupation de l'Assemblée
nationale, considère cependant qu'un tel voeu n'a pas à figurer dans un texte
de loi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Sur cette question, le Gouvernement s'en était remis à
la sagesse de l'Assemblée nationale. Il s'en remettra, aujourd'hui, à la
sagesse de la Haute Assemblée.
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 8 est supprimé.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet d'une deuxième
lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
débat qui s'achève aura permis à la majorité sénatoriale d'atténuer un certain
nombre des positions qu'elle avait défendues en première lecture. Nous prenons
acte de ces inflexions positives.
Nous vous remercions, madame la secrétaire d'Etat, d'avoir fait vôtre une
proposition que nous avons formulée en première lecture et qui vise à étendre
l'utilisation des chèques-vacances à l'Espace économique européen.
Cette démarche s'inscrit pleinement dans la construction sociale de l'Europe
que nous défendons de longue date et qui pourrait permettre aux salariés les
plus modestes de s'ouvrir aux réalités diverses des différents pays de notre
continent.
Cependant, le texte est modifié sur des points essentiels.
Nous ne doutons pas, pour notre part, qu'une nouvelle lecture permettra de
trouver un accord définitif afin de parvenir à préserver un droit essentiel des
salariés.
Tout en votant contre le texte tel qu'il ressort des travaux du Sénat, nous
formulons le souhait de le voir adopter définitivement au plus tôt dans la
rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Le projet de loi que nous venons de discuter en deuxième lecture apporte une
nouvelle pierre à un édifice dont l'idée est née dans les rangs des
Républicains et Indépendants à la fin des années soixante-dix.
L'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements visant à restaurer le
texte qu'elle avait voté en première lecture, ainsi que quelques
modifications.
Il convenait donc de rétablir la plupart des amendements que nous avions
nous-mêmes adoptés en première lecture. Dans un souci de compromis, nous avons
toutefois tenu compte, à l'instigation du rapporteur, M. Paul Blanc, des
positions de l'Assemblée nationale.
Plusieurs amendements rendent l'exonération de charges sociales véritablement
incitative, que ce soit son extension à la CSG et à la contribution au
remboursement de la dette sociale ou sa généralisation à l'ensemble des
entreprises, ou encore l'augmentation du plafond de la contribution de
l'employeur ouvrant droit à l'exonération.
On se félicitera également de la simplification apportée à la procédure de
mise en place des chèques-vacances dans les PME et de l'extension du bénéfice
des chèques-vacances aux non-salariés.
Le rétablissement de la cotutelle du ministre chargé du tourisme et du
ministre chargé des finances sur l'Agence nationale pour les chèques-vacances
s'imposait étant donné les implications fiscales et financières indéniables du
dispositif.
Enfin, si nous n'avons pas repris l'amendement déposé en première lecture qui
visait à étendre la mission de l'ANCV, la modification apportée donnera à
celle-ci la faculté de conclure des conventions de partenariat avec des
entreprises ou des organismes dans le but d'assurer la plus large distribution
du chèque-vacances.
Tous ces amendements permettent de faire sauter un certain nombre de verrous
qui risquaient de brider l'essor du chèque-vacances.
Le texte que nous allons adopter donnera donc au dispositif le nouvel élan
dont il avait besoin. C'est pourquoi les sénateurs du groupe des Républicains
et Indépendants voteront le projet de loi tel qui résulte des travaux de notre
assemblée.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
14
DÉPÔT D'UNE QUESTION ORALE AVEC DÉBAT
M. le président.
J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante
:
« Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et
à l'action sociale sur les difficultés que rencontre la gynécologie médicale en
France. Depuis 1986, la spécialité de gynécologie médicale est supprimée et
remplacée par la spécialité « chirurgicale » de gynécologie-obstétrique, plus
technique et plus orientée vers l'obstétrique et la chirurgie. On n'enseigne
plus la gynécologie médicale depuis treize ans et il n'y aura plus un seul
gynécologue médical dans vingt-cinq ans. Pourtant, les consultations de
gynécologie médicale ne coûtent pas cher et font faire de grosses économies
tant humaines que financières, car elles ont développé la prévention depuis
trente ans : prévention des cancers, des maladies sexuellement transmissibles
(MST), nette diminution des interventions mutilantes, des stérilités, des
interruptions volontaires de grossesse (IVG), de l'ostéoporose, etc.
Aujourd'hui, 60 % des femmes s'imposent un suivi gynécologique régulier, grâce
à la confiance qu'elles ont acquise au fil du temps dans ces médecins
complémentaires des gynéco-obstétriciens, spécialement formés pour la
prévention et les soins. Si les femmes n'ont plus la liberté de choisir leur
médecin dans ce domaine délicat, beaucoup risquent de ne plus consulter. A
l'heure où l'on cherche à améliorer le dépistage et la prévention des MST et
des cancers féminins, est-ce bien le moment de supprimer ceux et celles qui ont
été spécifiquement formés dans ce sens, qui ont développé cette prévention
jusqu'à ce jour et exercent leur métier avec compétence et efficacité ? Il est
à noter que 150 000 femmes ont signé une pétition pour le maintien de la
gynécologie médicale telle qu'elle existe aujourd'hui.
« Elle lui demande ce que prévoit le Gouvernement :
« 1° pour garantir, dans les textes officiels, à toutes les femmes de ce pays
le libre accès à leur gynécologue ;
« 2° pour recréer une filière universitaire de formation spécifique de
gynécologie médicale, spécialité « santé publique », avec l'attribution d'un
titre distinct de la gynéco-obstétrique, spécialité à plateau technique lourd.
» (N° 13.)
Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec
débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la
discusison aura lieu ultérieurement.
15
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Guy Fischer, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart,
Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Robert Bret, Michel Duffour,
Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc,
MM. Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi
relative à la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie et aux combats en
Tunisie et au Maroc.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 344, distribuée et renvoyée à
la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle
d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
16
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition d'action commune, adoptée par le Conseil sur la base de l'article
K. 3, paragraphe 2, point
b,
du traité de l'Union européenne, relative à
la lutte contre la criminalité grave au détriment de l'environnement.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1248 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Projet d'action commune relative à la poursuite pénale des pratiques
trompeuses ou autres pratiques déloyales faussant la concurrence dans la
passation des marchés publics au sein du marché intérieur.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1249 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord avec la République
d'Islande et le Royaume de Norvège sur l'association de ces deux Etats à la
mise en oeuvre, à l'application et au développement de l'acquis de Schengen.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1250 et distribué.
17
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu un rapport déposé par M. Jacques Larché, vice-président de l'office
parlementaire d'évaluation de la législation, sur l'exercice de l'action civile
par les associations, établi par M. Pierre Albertini, député, au nom de
l'office parlementaire d'évaluation de la législation.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 343 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Pierre Schosteck un rapport fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale sur la proposition de résolution
présentée par MM. Jean Arthuis, Guy Cabanel, Henri de Raincourt et Josselin de
Rohan tendant à créer une commission d'enquête sur la conduite de la politique
de l'Etat en Corse (n° 342, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 345 et distribué.
18
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Serge Lepeltier un rapport d'information, fait au nom de la
délégation du Sénat pour la planification, sur les instruments économiques et
fiscaux visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 346 et distribué.
19
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, mercredi 12 mai 1999, à neuf heures trente et à quinze
heures :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 273, 1998-1999), adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne et à la
sécurité financière.
Rapport (n° 300, 1998-1999) de M. Philippe Marini, fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
Délais limites pour le dépôt des amendements
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la
délivrance des grades dans les disciplines relevant des arts martiaux (n° 274,
1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 17 mai 1999, à dix-sept
heures.
Projet de loi d'orientation agricole, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 311, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 17 mai 1999, à douze
heures.
Projet de loi portant organisation de la réserve militaire et du service de la
défense (n° 171, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 18 mai 1999, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 12 mai 1999, à zéro heures quinze.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
OFFICE PARLEMENTAIRE
D'ÉVALUATION DE LA LÉGISLATION
Au cours de sa séance du jeudi 6 mai 1999, l'Office parlementaire d'évaluation
de la législation a complété son bureau en désignant :
Mme Dinah Derycke et M. Patrice Gélard vice-présidents ;
M. Michel Duffour secrétaire.
En conséquence, le bureau est ainsi constitué :
Mme Catherine Tasca, présidente de droit ;
M. Jacques Larché, vice-président de droit ;
Mme Michèle Alliot-Marie, M. Christophe Caresche, Mme Dinah Derycke et M.
Patrice Gélard, vice-présidents ;
MM. Michel Duffour et François Sauvadet, secrétaires.
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
COMMISSION NATIONALE
POUR L'ÉLIMINATION DES MINES ANTIPERSONNEL
En application de l'article 9 de la loi n° 98-564 du 8 juillet 1998, M. le
président du Sénat a désigné, le 6 mai 1999, Mme Marie-Claude Beaudeau et M.
Daniel Goulet pour siéger au sein de la Commission nationale pour l'élimination
des mines antipersonnel.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Réglementation applicable aux gens du voyage
539.
- 7 mai 1999. -
M. Jean-Louis Lorrain
appelle l'attention de
M. le secrétaire d'Etat au logement
sur les problèmes liés aux séjours des gens du voyage. La proposition de loi du
Sénat adoptée en première lecture le 6 novembre 1997 n'a pas été examinée par
l'Assemblée nationale. Un dispositif législatif concernant leur stationnement,
annoncé à plusieurs reprises par le Gouvernement, serait actuellement en
préparation au ministère pour pallier les carences législatives en la matière.
Si nos élus, toutes tendances confondues, sont globalement partisans d'un
renforcement de leurs pouvoirs de police, les associations représentatives des
gens du voyage appréhendent ces nouvelles mesures et leur application
effective. Des précisions sur le contenu, les grands axes et l'échéance de
parution de ce projet de loi peuvent-elles être fournies et, dans
l'affirmative, les observations de l'Association des maires de France, portant
notamment sur l'article 28 de la loi du 31 mai 1990, y seront-elles prises en
compte ?
Aides aux commerçants en zone rurale
540.
- 11 mai 1999. -
M. Philippe Arnaud
souhaite attirer l'attention de
Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à
l'artisanat
sur les importantes difficultés que rencontrent les petits commerces de
proximité, notamment en zone rurale, surtout lorsque ceux-ci ne bénéficient pas
des mesures accompagnant les multiples ruraux ou les points multiservices.
Faible chiffre d'affaires, peu ou pas de trésorerie, temps de travail élevé
(plus de 80 heures par semaine), revenu souvent inférieur au SMIC, ces
commerces sont condamnés, alors qu'ils apportent un réel service aux
populations isolées et qu'ils offrent une activité à des personnes qui sans
cela relèveraient de la solidarité nationale. Aussi il lui demande si le
Gouvernement envisage de prendre des mesures pour pérenniser ces petits
commerces : éligibilité au fonds d'intervention pour la sauvegarde, la
transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales
(FISAC), détaxation des carburants, allégement des charges, etc.
Avenir de l'hôpital de Sainte-Foy-la-Grande
541.
- 11 mai 1999. -
M. Philippe Madrelle
appelle l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale
sur les menaces de fermeture totale du service de chirurgie et de fermeture
partielle des urgences de l'hôpital de Sainte-Foy-la-Grande en Gironde. Outre
le rôle essentiel et irremplaçable d'hôpital de proximité joué par cet
établissement, il lui rappelle que cet hôpital qui compte 400 agents représente
la plus grande entreprise du secteur, dans une zone rurale où la population
âgée atteint le double de la moyenne nationale, voire le triple pour les plus
de soixante-quinze ans. La commune de Sainte-Foy-la-Grande est située dans un
secteur caractérisé par la précarité et où 50 % de foyers sont non imposables.
Déjà lourdement pénalisée, cette population risque de l'être encore plus par
les effets de ces fermetures. En conséquence, il lui demande de bien vouloir
mettre tout en oeuvre pour qu'avec l'agence régionale de l'hospitalisation,
l'hôpital de Sainte-Foy-la-Grande puisse constituer un maillon efficace du
réseau hospitalier sur ce secteur géographique de la Gironde.
Avenir de l'OEuvre Notre-Dame de Strasbourg
542.
- 11 mai 1999. -
M. Daniel Hoeffel
attire l'attention de
Mme le ministre de la culture et de la communication
sur l'avenir de l'OEuvre Notre-Dame, fondation privée située à Strasbourg.
L'OEuvre Notre-Dame a une histoire continue de près de huit siècles, son
patrimoine le plus précieux est le savoir-faire et le talent de ses artisans
ainsi que les techniques ancestrales des tailleurs de pierres qui, grâce au
soutien de la ville de Strasbourg, ont pu pérenniser les techniques anciennes,
abandonnées ailleurs pour des raisons économiques. Les compétences techniques
de l'OEuvre Notre-Dame sont unanimement reconnues, ce qui lui a permis de mener
à bien jusqu'à présent la restauration de la cathédrale. Le dernier compromis
prévoyait que deux tiers des travaux étaient confiés à l'Etat sous la direction
d'un architecte en chef des monuments historiques et un tiers à l'OEuvre
Notre-Dame, sous la direction de l'architecte en chef de l'oeuvre. Un terrain
d'entente avait toujours été trouvé, et ce en dépit des vicissitudes de
l'histoire de l'Alsace. Cette spécificité séculaire a su perdurer et être
préservée pour entretenir le trésor du patrimoine universel que représente la
cathédrale de Strasbourg, symbole fort de la culture et de la spiritualité
européennes. Une nouvelle convention prévoit la nomination d'un architecte
unique, choisi par la ville parmi des professionnels proposés par l'Etat pour
quatre ans renouvelables. L'absence d'architecte sur place va entraîner un
certain nombre d'inconvénients : l'architecte des monuments historiques a en
charge de nombreux monuments et missions dans d'autres régions françaises et
risque de n'avoir matériellement pas le temps de s'occuper spécifiquement de la
cathédrale comme il conviendrait que ce soit le cas. Il ne sera pas tenu compte
de la spécificité de cet édifice prestigieux et le risque de changement
fréquent d'architecte nuirait à la continuité de ce chantier. L'OEuvre
Notre-Dame tire son existence de son pivot central représenté par le service
d'architecture composé d'un architecte et d'une équipe d'ouvriers oeuvrant en
permanence au chevet de la cathédrale. Il y va de l'existence d'un patrimoine
considérable, legs de l'histoire. Il lui demande quelles sont les dispositions
qui sont envisagées pour répondre à ces légitimes inquiétudes et
interrogations.
Aménagement de la RN 147 entre Poitiers et Limoges
543.
- 11 mai 1999. -
M. Jean-Pierre Demerliat
attire l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur le dossier de la mise en 2 × 2 voies de l'axe Nantes-Poitiers-Limoges, la
RN 147. En effet, Limoges et Poitiers, deux capitales régionales, quoique
relativement proches, restent encore mal reliées et cela malgré les efforts
menés par ces deux villes pour l'amélioration de cet axe routier. Pourtant, la
densité du trafic et la fréquence des accidents - dont plusieurs mortels -
constatés sur cette route, plus particulièrement sur la portion Limoges-Bellac
en Haute-Vienne, montrent bien la nécessité de l'aménager. Il lui demande donc
où en est ce dossier et dans quels délais on peut espérer une liaison 2 × 2
voies entre Poitiers et Limoges.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 11 mai 1999
SCRUTIN (n° 94)
sur la motion n° 1, présentée par M. Patrice Gélard au nom de la commission des
lois, tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi, adoptée
avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative au
pacte civil de solidarité.
Nombre de votants : | 312 |
Nombre de suffrages exprimés : | 312 |
Pour : | 213 |
Contre : | 99 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
14.
Contre :
4. - MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin et
Jacques Pelletier.
N'ont pas pris part au vote :
4. - MM. Guy-Pierre Cabanel, Pierre
Jeambrun, Bernard Joly et Aymeri de Montesquiou.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
97.
Contre :
1. - M. Jacques Chaumont.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
50.
N'ont pas pris part au vote :
2. - M. Jean Faure, qui présidait la
séance, et M. Pierre Jarlier.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
46.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Jean-Claude Gaudin.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
6.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Gérard Delfau.
Ont voté pour
François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Jacques Pelletier
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
MM. Guy-Pierre Cabanel, Gérard Delfau, Jean-Claude Gaudin, Pierre Jarlier,
Pierre Jeambrun, Bernard Joly et Aymeri de Montesquiou.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 313 |
Nombre de suffrages exprimés : | 313 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 157 |
Pour l'adoption : | 214 |
Contre : | 99 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.