Séance du 6 mai 1999
M. le président. L'article 37 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 30 rectifié, M. Marini, au nom de la commission, propose de rétablir cet article dans la rédaction suivante :
« L'article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée est ainsi modifié :
« 1° Après les mots : "est au plus égal", la fin de cet article est ainsi rédigée : "à la moyenne annuelle du taux à échéance constante à dix ans (TEC 10), calculé quotidiennement par le comité de normalisation obligataire, plus un point" ».
« 2° Cet article est complété par un second alinéa ainsi rédigé :
« Les statuts des coopératives qui sont agréées en qualité de banque mutualiste ou coopérative peuvent toutefois prévoir que l'assemblée générale extraordinaire des associés peut déroger à cette disposition. Les dispositions de l'article 17 de la présente loi ne sont alors pas applicables. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 262 présenté par M. Deneux et les membres du groupe de l'Union centriste, et tendant : « après les mots : "(TEC 10)", à rédiger ainsi la fin du troisième alinéa du texte de l'amendement n° 30 rectifié : ", c'est-à-dire le taux de rendement actuariel d'une valeur du trésor fictive dont la durée de la vie serait égale, à chaque instant, à 10 ans, calculé quotidiennement par le comité de normalisation obligataire." ».
La parole est à M. Marini, pour présenter l'amendement n° 30 rectifié.
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le ministre, la commission va dans votre sens, puisqu'elle tâche d'imaginer un dispositif permettant raisonnablement le déplafonnement du taux de rémunération des parts sociales pour les coopératives agréées en tant que banques.
L'article 14 de la loi sur la coopération du 10 septembre 1947 plafonne le montant de l'intérêt que les coopératives peuvent servir à leurs sociétaires. Ce plafond est déterminé par référence au taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées, le TMO.
Tout d'abord, il est indispensable de substituer à cet indicateur, qui n'est plus utilisé, le taux représentatif du taux de rendement actuariel des emprunts d'Etat à dix ans majoré d'un point, substitution évoquée avec les professionnels eux-mêmes.
Sur le principe du déplafonnement, l'article 37, qui a été supprimé par l'Assemblée nationale, prévoyait, dans sa version initiale, de faire exception pour les seules sociétés coopératives agréées en qualité de banque à ce plafonnement, qui est général en droit de la coopération. Il assignait, en outre, aux banques mutualistes et coopératives les mêmes obligations que celles qui sont prévues par l'article 6 pour les caisses d'épargne en matière d'affectation du résultat distribuable.
Notre amendement est quelque peu différent du dispositif que vous avez initialement prévu, puisqu'il donne la faculté aux coopératives bancaires de décider, par une révision de leur statut et à la majorité qualifiée, le déplafonnement de l'intérêt servi à leurs sociétaires.
Cela signifie, je le répète, que seule l'assemblée générale extraordinaire des associés peut exercer cette option.
Cela signifie encore davantage que seuls les dirigeants de la coopérative peuvent soumettre à l'assemblée générale une résolution au terme de laquelle ce déplafonnement serait réalisé. Ce dernier ne doit pas avoir pour effet d'appauvrir les établissements de crédit coopératifs ou mutualistes en puisant dans leurs réserves.
Il faut, me semble-t-il, écarter expressément les dispositions de l'article 17 de la loi de 1947, qui prévoit cette possibilité de puiser dans les réserves en cas d'insuffisance de résultat.
Monsieur le ministre, ces dispositions me semblent équitables, ne compromettre en rien les principes du droit de la coopération auxquels nous tenons beaucoup et de nature à faire évoluer les choses de façon raisonnable. Au cours du débat, vous avez dit in medio stat virtus. Nous avons essayé de nous conformer à ce principe.
M. le président. La parole est à M. Badré, pour défendre le sous-amendement n° 262.
M. Denis Badré. Ce sous-amendement tend à retenir comme plafond de rémunération des parts sociales le taux de rendement actuariel des emprunts d'Etat à dix ans, principal indicateur obligataire des marchés. M. le rapporteur vient de préciser que le TMO n'est plus usité. Nous sommes bien dans la même logique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Il ne me semble pas possible d'accepter cette modification du plafond. Dans l'amendement n° 262, nous substituons au TMO le TEC majoré d'un point. Si nous retenions le TEC sans majoration, comme il est inférieur au TMO, le plafonnement serait plus bas que dans le statu quo , ce qui ne serait pas raisonnable.
M. Denis Badré. Dans tous les cas ?
M. Philippe Marini, rapporteur. En tout cas dans la situation actuelle, compte tenu de la courbe des taux d'intérêt. Je ne peux pas jurer que cette échelle sera toujours la même.
Je pense qu'au bénéfice de cette explication nos collègues devraient retirer le sous-amendement n° 262.
M. le président. Monsieur Badré, maintenez-vous le sous-amendement n° 262 ?
M. Denis Badré. Les membres du groupe de l'Union centriste ont comme seul souci d'essayer de faire du très bon travail. Cela étant, mon collègue Marcel Deneux aurait sûrement été convaincu par les arguments développés par M. le rapporteur. Je pense donc être en droit de retirer ce sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 262 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 30 rectifié ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le Gouvernement est admiratif devant la qualité technique des amendements qui sont proposés par les sénateurs et la qualité technique non moins grande de leur réfutation.
Revenons à l'amendement.
Comme je l'ai déjà dit, l'article 37 a été mal rédigé, je suis donc mal placé pour émettre des critiques. J'ai accepté sa suppression à l'Assemblée nationale de façon que nous ayons le temps de réfléchir, conjointement avec les organismes concernés, à la mise en place d'un dispositif plus satisfaisant.
Vous proposez une solution qui va dans le bon sens, monsieur le rapporteur. Je ne suis pas sûr pour autant que nous puissions la retenir en l'état.
D'abord, la concertation qui a été engagée avec l'ensemble du mouvement coopérative n'est pas terminée. Or, il me semble que nous devons à ces organismes d'attendre leurs propositions. C'est là un argument de forme, auquel, j'en suis sûr, vous serez sensible, monsieur le rapporteur.
Au demeurant, en l'état, l'amendement ne me paraît pas totalement satisfaisant. Ainsi, il fait référence aux OAT. Je sais bien que le caractère un peu désuet du TMO nous impose de choisir un autre indicateur, mais il convient d'en choisir un qui reflète la situation du secteur privé et non pas la situation de l'émetteur souverain.
Il y aurait tout de même un paradoxe à vouloir plafonner la rémunération de titres qui - vous l'avez suffisamment souligné, monsieur le rapporteur - relèvent d'une activité analogue à une activité privée, en la comparant - fût-ce majorée d'un point - à l'évolution des rémunérations des titres du secteur public.
Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas à la fois avoir défendu, tout au long du débat, la thèse d'une institution de nature privée, commerciale, concurrentielle, contre celle de Mme Beaudeau, que vous avez tellement chagrinée en refusant de croire comme elle en la constitution d'un pôle public car, disiez-vous, les caisses d'épargne se comporteront en structure privée, et revenir à la logique de Mme Beaudeau en utilisant les titres d'Etat comme indicateurs.
Comme je vous le disais, la réflexion est nécessaire pour trouver un indicateur bien adapté.
La seconde raison technique pour laquelle il me paraît difficile de retenir votre proposition en l'état, c'est que, pour déplafonner, il faudra, comme vous l'avez rappelé, passer par l'assemblée générale extraordinaire. Mais passer par l'assemblée générale extraordinaire, c'est non seulement extrêmement lourd, c'est aussi faire fi du droit des sociétés dans la mesure où cela revient à prévoir l'affectation du résultat au niveau de l'assemblée générale plutôt qu'au niveau du conseil d'administration. Actuellement, le mode de distribution de résultats est organisé en dehors de l'assemblée générale.
Pour ces deux raisons techniques, la solution que vous proposez, qui va pourtant dans le bon sens, n'est donc pas encore parfaite, monsieur le rapporteur.
Il faudra trouver une autre solution. Je propose que nous n'arrêtions pas dès maintenant la rédaction définitive de l'article 37, laquelle sera sans doute, au bout du compte, assez proche de celle que vous préconisez, monsieur le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le ministre, la concertation dont vous parlez, nous l'avons menée, même si ce n'est pas avec les mêmes moyens que ceux dont vous disposez. J'ai ainsi reçu les réactions du Crédit agricole, du Crédit mutuel et du Groupement national de la coopération.
D'ailleurs, si la solution que nous envisageons n'avait pas reçu un accueil favorable, je pense que vous auriez constaté un grand émoi ici ou là. S'il n'en a pas été ainsi, c'est probablement que la concertation a été assez bien entamée, car si je ne me trompe, monsieur le ministre, à l'Assemblée nationale, les réactions ont été fortes sur ce thème extrêmement sensible que vous avez vous-même inscrit dans le projet de loi, sans concertation préalable.
Si cette concertation préalable avait eu lieu, au moment du dépôt du projet de loi, il n'y aurait pas eu toutes ces réactions, attisées par les réseaux coopératifs que j'ai cités, lesquels étaient légitimement inquiets.
S'ils ne se sont pas manifestés de la même façon avant la première lecture du projet de loi au sénat, on peut y voir la preuve de ce début de concertation que j'évoquais.
Au demeurant, la formulation actuelle du dispositif n'est sans doute pas parfaite.
Pour ma part, j'avais envisagé un autre index ; ce sont les représentants de l'un des groupes que j'ai cités qui m'ont suggéré de retenir celui-là. Comme il était à peu près acceptable sur le plan financier, je me suis dit : pourquoi pas ? En effet, le choix de l'index m'est tout à fait indifférent, dès lors qu'il s'agit d'un index que l'on peut consulter, qui est pratique d'accès, qui est publié périodiquement ou qui se situe à un niveau raisonnable dans la hiérarchie des taux. Je n'ai pas vraiment les moyens de choisir et ce débat technique m'est quelque peu indifférent.
En tout cas, monsieur le ministre, il me semble opportun que le Sénat prenne acte aujourd'hui du point où nous en sommes sur ce sujet, donc que l'amendement de la commission soit voté. Trois semaines environ nous séparent de la réunion de la commission mixte paritaire. Après tout, si, d'ici là, le Sénat vous rendait le service de régler ce petit problème en trouvant une bonne formulation, cela permettrait à vos services de passer à un autre sujet ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 37 est rétabli dans cette rédaction.
Article 38