Séance du 5 mai 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Publication du rapport d'une commission d'enquête
(p.
1
).
3.
Epargne et sécurité financière.
- Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
2
).
Discussion générale : MM. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie ; Philippe Marini, rapporteur de la commission des
finances ; Alain Lambert, président de la commission des finances.
Suspension et reprise de la séance (p. 3 )
M. Joseph Ostermann.
Suspension et reprise de la séance (p. 4 )
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
MM. Gérard Delfau, Paul Loridant, Jean-Louis Carrère, Denis Badré, Joël
Bourdin, Pierre Laffitte, Robert Calmejane, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM.
Michel Sergent, Marcel Deneux.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre.
Division et articles additionnels
avant le titre Ier (p.
5
)
Amendements n°s 162 à 165 de Mme Beaudeau. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le
rapporteur, le ministre, Jean-Louis Carrère, Gérard Delfau, Paul Loridant, Joël
Bourdin, le président de la commission. - Rejet de l'amendement n° 163, les
amendements n°s 162, 164 et 165 devenant sans objet.
4.
Commission mixte paritaire
(p.
6
).
Suspension et reprise de la séance (p. 7 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
5. Epargne et sécurité financière. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 8 ).
Article 1er (p. 9 )
MM. Bernard Angels, Paul Loridant.
Amendement n° 166 de Mme Beaudeau. - Devenu sans objet.
Amendement n° 167 de Mme Beaudeau. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe
Marini, rapporteur de la commission des finances ; Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Paul Loridant, Alain
Lambert, président de la commission des finances ; Gérard Delfau, Joël Bourdin,
Jean-Louis Carrère. - Rejet par scrutin public.
Amendements n°s 1 de la commission et 126 de M. Angels. - MM. le rapporteur,
Bernard Angels, le ministre, Paul Loridant. - Adoption de l'amendement n° 1,
l'amendement n° 126 devenant sans objet.
Amendement n° 127 de M. Angels. - MM. Bernard Angels, le rapporteur, le
ministre. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Article 2 (p. 10 )
M. Claude Lise.
Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Louis
Carrère. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 3 (p. 11 )
Amendement n° 168 de Mme Beaudeau. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le
rapporteur, le ministre, Marcel Deneux, Yann Gaillard. - Rejet.
Amendement n° 169 de Mme Beaudeau. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le
rapporteur, le ministre, Jean-Louis Carrère. - Rejet.
Amendements identiques n°s 210 de M. Badré et 221 de M. Ostermann ; amendement
n° 215 de M. Bourdin. - MM. Marcel Deneux, Joseph Ostermann, Joël Bourdin, le
rapporteur, le ministre. - Retrait des trois amendements.
Amendement n° 170 de M. Loridant. - MM. Paul Loridant, le rapporteur, le
ministre. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article 4 (p. 12 )
Amendement n° 3 de la commission et sous-amendement n° 117 de M. Bourdin. - MM. le rapporteur, Joël Bourdin, le ministre. - Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 5 (p. 13 )
Amendement n° 128 de M. Angels. - MM. Jean-Louis Carrère, le rapporteur, le
ministre. - Rejet.
Amendement n° 129 de M. Angels. - Devenu sans objet.
Amendement n° 4 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 130 de M. Angels. - Devenu sans objet.
Amendement n° 161 rectifié de M. Bourdin. - MM. Joël Bourdin, le rapporteur, le
ministre. - Adoption.
Amendements n°s 131 de M. Angels et 171 à 173 de M. Loridant. - MM. Paul
Loridant, le rapporteur, le ministre. - Retrait des amendements n°s 171 à 173,
l'amendement n° 131 étant devenu sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article 6 (p. 14 )
M. Paul Loridant.
Amendement n° 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Amendements n°s 6 de la commission et 174 de M. Loridant. - M. le rapporteur,
Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le ministre, Bernard Angels. - Adoption de
l'amendement n° 6, l'amendement n° 174 devenant sans objet.
Amendements n°s 132 de M. Angels, 7 rectifié et 8 de la commission. - MM. le
rapporteur, le ministre. - Adoption des amendements n°s 7 rectifié et 8,
l'amendement n° 132 étant devenu sans objet.
Amendement n° 175 rectifié de Mme Beaudeau. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le
rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Article 7 (p. 15 )
Amendements n°s 133 de Mme Printz et 197 de M. Ostermann. - MM. Roger Hesling,
Joseph Ostermann, le rapporteur, le ministre. - Retrait des deux
amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 7 (p. 16 )
Amendement n° 9 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Louis Carrère, Joël Bourdin, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Yann Gaillard. - Adoption, par scrutin public, de l'amendement insérant un article additionnel.
Intitulé du chapitre III (p. 17 )
Amendement n° 10 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant la
division et son intitulé.
Renvoi de la suite de la discussion.
6.
Dépôt d'un projet de loi
(p.
18
).
7.
Transmission d'un projet de loi
(p.
19
).
8.
Texte soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
20
).
9.
Dépôt de rapports
(p.
21
).
10.
Ordre du jour
(p.
22
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à onze heures vingt-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
PUBLICATION DU RAPPORT
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
M. le président.
J'informe le Sénat qu'a expiré, ce matin, le délai de six jours nets pendant
lequel pouvait être formulée la demande de constitution du Sénat en comité
secret sur la publication du rapport fait au nom de la commission d'enquête sur
la situation et la gestion des personnels des écoles et des établissements
d'enseignement du second degré ainsi que de ceux des services centraux et
extérieurs des ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture, pour
l'enseignement agricole, créée en vertu d'une résolution adoptée par le Sénat
le 5 novembre 1998.
En conséquence, ce rapport a été imprimé sous le n° 328 et mis en distribution
aujourd'hui, mercredi 5 mai 1999.
3
ÉPARGNE ET SÉCURITÉ FINANCIÈRE
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 273, 1998-1999),
adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à
l'épargne et à la sécurité financière. [Rapport n° 300 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, je viens vous présenter, au nom
du Gouvernement, le projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité
financière.
Ce texte est l'aboutissement d'un processus de réflexion auquel le Parlement a
été très largement associé, comme en témoignent non seulement le rapport de
votre collègue député M. Raymond Douyère mais aussi les très nombreux rapports
de grande qualité que le Sénat a produits sur ce sujet ou encore les
propositions de loi que votre rapporteur a eu l'occasion de rédiger.
Ce long processus de réflexion au sein des deux assemblées s'inscrit, cela
n'aura échappé à personne, dans un environnement financier qui bouge très
rapidement, trop rapidement, aux yeux de certains. Quelles que soient les
opinions des uns et des autres sur la « globalisation financière » ou «
mondialisation », que l'on s'en réjouisse ou que l'on s'en plaigne, de toute
façon, il est impossible de l'ignorer. L'adaptation de nos circuits financiers
à ces données nouvelles est, à l'évidence, indispensable.
Ce projet de loi s'inscrit aussi dans un ensemble : il est une partie d'un
tout, ce tout étant l'action menée par le Gouvernement depuis bientôt deux ans
pour renforcer notre secteur financier, afin d'essayer de le mettre au service
de la croissance et de l'emploi tout en protégeant les épargnants.
Cette action a comporté plusieurs étapes. Le Gouvernement a ainsi pu refuser
de privatiser une entreprise quand il n'y voyait aucun intérêt, ni pour
l'entreprise elle-même, ni pour les salariés, ni pour le pays. Je pense ici à
la Caisse nationale de prévoyance, dont la mise sur le marché avait été prévue
par le précédent gouvernement, mais que nous n'avons pas voulu sortir du
secteur public.
En d'autres occasions, le Gouvernement a continué d'avancer. Je pense au CIC
et au GAN, dont le capital a été mis sur le marché en raison de contraintes
européennes. Chacun appréciera la façon dont cet objectif a été atteint, mais
l'idée était claire : redonner une vision d'avenir au CIC, au GAN, à la Société
marseillaise de crédit, au CDR et, demain, au Crédit Lyonnais, et renforcer
ainsi notre secteur financier.
Quant à la protection de l'épargnant, elle s'est notamment traduite par la
réforme du comité des taux réglementés, par le réaménagement des prêts PAP,
notamment ceux qui étaient à annuités progressives, par le droit au compte, qui
est désormais inscrit dans la loi d'orientation relative à la lutte contre les
exclusions, ainsi que par dispositions nouvelles en matière de
surrendettement.
Ce texte comprend deux parties, mais je note avec satisfaction que le Sénat a
jugé bon de ne désigner qu'un seul rapporteur, rejoignant ainsi ma propre
position sur l'unité profonde de ce texte.
Ces deux parties ne sont pas de nature différente, dont la première serait de
nature plus politique, comme je l'ai parfois entendu, et la seconde plus
technique. Il n'y a qu'un seul texte dont toutes les conséquences auront
beaucoup d'influence sur la vie quotidienne de nos concitoyens, et, nous
l'espérons tous, en l'améliorant.
Il n'y a pas non plus deux textes dont le contenu serait différent. Il y a en
fait, dans les deux cas, les mêmes choix, faire mouvement - car c'est
nécessaire - dans la solidarité en recherchant la plus grande efficacité. Je
voudrais rapidement illustrer devant vous ces trois points.
S'agissant d'abord du choix du mouvement, j'examinerai en premier lieu les
caisses d'épargne.
Dans notre pays, les caisses d'épargne sont une incontestable réussite. Il
s'agit du grand réseau de l'économie sociale qui, depuis très longtemps, a joué
un rôle essentiel dans le drainage et la protection de l'épargne populaire,
ainsi que dans le financement du logement social.
Mais, selon moi, les caisses d'épargne sont aujourd'hui à un tournant de leur
existence. En effet, ce réseau - c'est normal puisqu'il a été conçu ainsi voilà
longtemps - doit faire face à d'assez nombreux handicaps, qui sont connus de
tous.
Il s'agit tout d'abord d'une forme d'isolement statutaire, d'une sorte de
ghetto juridique. Aucun autre établissement de crédit n'a une telle absence de
statut. Aussi, ce réseau ne peut nouer quelque forme d'alliance que ce soit,
car pour cela il faut avoir un statut juridique que le droit des sociétés ou
d'autres droits permettent d'organiser. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. Les
caisses d'épargne sont donc isolées.
Ensuite, elles ont des parts de marché trop faibles et des résultats
insuffisants, ce qui justement nécessite de pouvoir s'allier avec d'autres. Les
résultats ne sont pas très élevés ; la rentabilité sur fonds propres des
caisses d'épargne est aujourd'hui inférieure à 3 %, ce qui place les caisses
d'épargne loin derrière tous les autres établissements de crédit de notre
pays.
Il n'y a aucune raison à cela, si ce n'est le troisième handicap, à savoir une
organisation assez déficiente. En particulier, il y a actuellement séparation
entre les fonctions décisionnelles et les fonctions opérationnelles dans le
fonctionnement du réseau : le CENCEP, le Centre national des caisses d'épargne
et de prévoyance, d'un côté, et la caisse centrale, de l'autre. C'est une des
nombreuses faiblesses d'organisation du système des caisses d'épargne. Il faut
donc bouger.
Dans ce mouvement, le Gouvernement a écarté deux voies possibles. La première
aurait consisté à ne changer presque rien, maintenir le
statu quo
de
principe et ajuster à la marge. C'était assurer, hélas ! la marginalisation
dans les cinq ou dix ans à venir de ce grand réseau des caisses d'épargne.
La seconde voie aurait été, à l'inverse, la banalisation complète des caisses
d'épargne. C'était, me semble-t-il, une voie inacceptable. Elle aurait
probablement conduit à l'échec de la réforme. En voulant aller trop loin sans
que ce soit nécessaire, sans même que ce soit utile, on aurait sans doute créer
les conditions d'une réforme qui n'aurait pas pu aboutir.
Le Gouvernement a fait un choix médian, celui de la coopérative, c'est-à-dire
ni le
statu quo
ni la banalisation. Le choix de la coopérative nous a
semblé bien répondre aux faiblesses qu'il fallait tenter de compenser et à
l'objectif du réseau des caisses d'épargne, notamment à sa mission d'intérêt
général. Il permet de nouer des alliances, françaises ou européennes ; c'est la
partie du mouvement. Il est aussi le plus adapté à l'histoire et à la
spécificité des caisses d'épargne. Tel a été l'objectif qui a présidé au choix
d'un principe coopératif.
En ce qui concerne le choix du mouvement, j'examinerai maintenant la sécurité
financière.
Comme pour les caisses d'épargne, la situation en matière de sécurité
financière n'est pas satisfaisante aujourd'hui dans notre pays. Mieux qu'un
long discours, qui vous lasserait, il suffit de dresser la liste des sinistres
que nous avons connus depuis peu de temps et qui ont dû être gérés par l'Etat
dans des conditions jamais très bonnes, au coup par coup, toujours un peu
pressé par le temps.
Je pense à la Compagnie du BTP, à la banque Pallas-Stern, au Crédit
martiniquais, à Finindus et à Europavie. Certains auraient pu ne pas exister si
des méthodes préventives avaient été à l'oeuvre, et le présent projet de loi en
prévoit. Le traitement de ces sinistres aurait pu être mieux organisé si des
méthodes curatives avaient été à l'oeuvre, le projet de loi en prévoit
également.
Quant à l'assurance, l'affaire est encore plus simple. L'exemple de Europavie
l'a montré. Il n'existe aucun dispositif de garantie en France en matière
d'assurance. Si une compagnie d'assurance fait faillite, les épargnants perdent
théoriquement tout ce qu'ils ont déposé. C'est bien sûr totalement non
satisfaisant. Le projet de loi qui vous est soumis prévoit des mécanismes de
garantie qui n'existent pas aujourd'hui dans le domaine de l'assurance.
Quant au domaine des banques, je ne dirai pas qu'il n'existe rien, mais le
système en vigueur est à ce point incomplet que, par exemple, pour la Compagnie
du BTP, la charge qui a pesé sur les épaules de l'Etat, et donc en fin de
compte sur les contribuables, a été de l'ordre de 800 millions de francs. De
façon à ne pas léser outre mesure les déposants, la faillite d'une structure
bancaire privée a donc coûté finalement à l'Etat, donc aux contribuables, 800
millions de francs. C'est totalement anormal, d'autant que la procédure a été
par ailleurs pénible, incertaine et très longue, : puisqu'elle s'est souvent
prolongée pendant plus d'un an. Ainsi, les 10 000 clients de Finindus n'ont pu
être indemnisés qu'au terme d'un délai qui a largement dépassé une année.
Cela relève d'un système bancaire, d'un système d'assurances ancien, qu'il
faut rénover. Là encore, le choix du mouvement est indispensable.
Mais le Gouvernement s'est refusé à initier ce mouvement dans une perspective
autre que la solidarité. Donc, le second choix guidant les orientations du
texte qui vous est soumis est celui de la solidarité. J'illustrerai de nouveau
mon propos pour les caisses d'épargne et pour la sécurité financière.
S'agissant des caisses d'épargne, le projet de loi vise à renforcer le thème
central de la mission des caisses d'épargne, à savoir l'intérêt général,
d'abord en l'inscrivant dans les textes. En effet, si chacun est ici convaincu,
à juste raison, que l'intérêt général est au coeur de la mission des caisses
d'épargne, cela n'a paradoxalement jamais été défini nulle part. Lorsque les
caisses d'épargne ont été créées au début du xixe siècle, et quand, par la
suite, elles ont évolué quelque peu, cette mission n'a jamais été clairement
définie. Pour la première fois, les missions d'intérêt général sont précisées,
dans le projet de loi en discussion.
L'engagement de non-banalisation pris en matière de livret A témoigne de la
même volonté. Le Gouvernement s'est exprimé sur ce sujet. C'est là une
spécificité du réseau des caisses d'épargne. Nous avons l'intention de la
préserver autant que faire se peut, et je suis sûr que nous y parviendrons. Là
encore, c'est le choix de la solidarité qui est fait puisque, on le sait, ces
capitaux collectés sur le livret A servent à financer le logement social. On
voit donc bien le circuit de solidarité qui est à l'oeuvre.
Il y a solidarité aussi en choisissant d'affecter une partie des résultats des
caisses d'épargne à des projets locaux et sociaux. Le circuit court ainsi
organisé pour permettre de financer, par une partie des résultats des caisses
d'épargne, des projets de proximité ou des projets sociaux est une autre
traduction de ce choix de la solidarité.
Sur ces trois aspects - missions d'intérêt général, livret A, projets locaux
et sociaux - la discussion à l'Assemblée nationale a permis de faire avancer le
débat.
Enfin, il est un quatrième point par lequel se traduit la solidarité : la
transformation des caisses d'épargne en coopérative permet de dégager un
capital, de l'ordre de 18,8 milliards de francs. Nous aurons l'occasion, au
cours du débat, de revenir sur la raison de la fixation de ce chiffre et,
éventuellement, sa discussion. Le Gouvernement souhaite - c'est inscrit dans le
texte - que ce capital soit versé au fonds de réserve pour les retraites par
répartition. Le financement des retraites est, nous le savons, pour notre pays,
l'un des grands problèmes de la décennie ou des deux décennies à venir.
Qu'est-ce qui exprime mieux la solidarité que d'affecter une ressource
provenant d'une activité d'intérêt général à un fonds de retraite, le fonds de
réserve pour les retraites par répartition, qui couvre tous les Français ?
S'agissant des caisses d'épargne, le choix de la solidarité est donc clair.
En ce qui concerne la sécurité financière, le dispositif complet qui vise à
être mis en oeuvre répond aussi, on le comprend bien, à une logique de
solidarité. Lorsque ce texte aura été adopté, si vous voulez bien le voter, la
France sera, parmi les pays de la zone euro, le premier à disposer d'un
mécanisme de garantie complet en matière d'assurance.
Aujourd'hui, 3 100 milliards de francs d'épargne sont déposés par nos
concitoyens dans les circuits d'assurance, ce qui est considérable. Aussi,
l'importance même de ce montant conduit à la nécessité de mettre en oeuvre un
dispositif de garantie fondé, bien évidemment, sur la solidarité.
Pour les banques, je l'ai dit, le dispositif en vigueur est incomplet. Il sera
fortement complété par le texte qui vous est soumis, notamment par la mise en
oeuvre d'une garantie des dépôts qui couvrira tous les établissements de crédit
de la même manière, quel que soit leur statut. Cela mettra un terme à
l'intervention de l'Etat un peu comme parachute - je l'évoquais tout à l'heure
à propos de la Compagnie du BTP mais on pourrait trouver bien d'autres
exemples.
Enfin, troisième élément, un mécanisme de garantie des investisseurs sera
instauré. Il est en effet souhaitable que les épargnants-investisseurs se
voient protégés si l'établissement qui tient leur compte et qui, avec leur
argent, pratique des investissements était, pour une raison ou pour une autre,
dans une situation difficile. Là aussi, l'épargnant doit être protégé. Le texte
prévoit des mécanismes de garantie qui vont dans ce sens.
S'y ajoute un apport du débat à l'Assemblée nationale, à savoir la création
d'un quatrième fonds de garantie, relatif aux cautions.
Ce sujet concerne en effet nombre de nos concitoyens. A l'heure actuelle, les
épargnants ne sont pas garantis contre la faillite des constructeurs de maisons
individuelles. Lorsqu'ils se sont engagés dans un acte d'épargne important,
l'acquisition d'un bien immobilier à construire, par exemple une maison
individuelle, il n'existe pas de procédure collective de garantie si,
d'aventure, pendant l'opération, avant la livraison du bien, mais alors que
l'épargnant a déjà payé tout ou partie des sommes dues, le constructeur fait
faillite. Là aussi, un fonds de garantie vous est proposé pour mutualiser ce
risque qui n'est pas très important puisque, heureusement, cela ne se produit
pas tous les jours, mais qui peut frapper durement certains de nos
concitoyens.
Au-delà des garanties strictement financières, il a semblé nécessaire au
Gouvernement de garantir, dans la solidarité, le droit des épargnants, dans les
procédures de liquidation lorsque, hélas ! elles arrivent. Le thème central est
que les clients n'ont pas à être responsables de la défaillance de leur banque.
Il faut donc trouver des modalités pour qu'ils puissent retrouver leurs avoirs,
non seulement dans la solidarité, mais également dans l'égalité, c'est-à-dire
de telle manière qu'il n'y ait pas de différence entre tel ou tel épargnant
selon qu'il sera plus capable d'apporter des éléments, de remplir des
formulaires, d'attendre.
L'indemnisation doit être rapide et simple. Jusqu'à un plafond qui est celui
garantissant l'épargne populaire, et qui est aujourd'hui fixé à 400 000 francs,
elle devra être automatique, sans qu'il y ait pour quiconque de délais ou de
difficultés administratives.
Nous avons opté pour le mouvement, ai-je dit au début de mon propos, et pour
la solidarité. Cela se traduit fortement dans les deux cas. Nous avons aussi
fait, et je terminerai ce point, le choix de l'efficacité.
Les caisses d'épargne doivent atteindre par un niveau de rentabilité normal,
sans laquelle la solidarité n'aurait d'ailleurs pas de sens. Il faut plus de
résultats pour créer plus de solidarité. Certes, on peut organiser tous les
mécanismes que l'on veut pour affecter les résultats des caisses d'épargne à la
solidarité, notamment dans les projets locaux ou sociaux, mais encore faut-il
que ces mécanismes jouent, que des résultats aient été obtenus. Il est clair
que la recherche d'une plus grande efficacité, grâce aux mécanismes qui vous
sont proposés et qui concernent l'utilisation des résultats des caisses
d'épargne, permettra une plus grande solidarité.
A l'issue de la réforme, la solidité financière des caisses d'épargne sera
considérablement renforcée. En effet, le ratio de solvabilité des caisses
d'épargne sera alors de quelque 11 %, soit environ 50 % supérieur à la moyenne
des établissements de crédit français. La réforme a donc bien, entre autres
caractéristiques, la particularité d'assurer la solidité du réseau, qui est
nécessaire compte tenu de la confiance qu'un très grand nombre d'épargnants,
pratiquement tous les Français, ont dans ce réseau.
Efficacité financière, disais-je, efficacité des structures aussi.
A cet égard, il faut passer d'un réseau décentralisé à un groupe décentralisé.
La création de la Caisse nationale des caisses d'épargne mettra fin à la
séparation que j'évoquais tout à l'heure entre les fonctions décisionnelles et
les fonctions opérationnelles. Les fonctions seront regroupées en une seule
main : la Caisse nationale des caisses d'épargne. A côté de cette Caisse
nationale, comme cela existe dans d'autres réseaux, une Fédération nationale
des caisses d'épargne assurera la représentation des intérêts du réseau, comme
il est normal, comme nous savons le faire, et ainsi que nous l'avons vécu
depuis longtemps dans des réseaux analogues.
Nous avons fait, enfin, le choix de l'efficacité de la stratégie. Aujourd'hui,
et demain encore, le réseau des caisses d'épargne continuera de bénéficier du
soutien privilégié de la Caisse des dépôts et consignations. Mais après-demain,
de nouveaux partenaires, notamment des partenaires européens, peuvent
apparaître, et les caisses d'épargne doivent être capables de vivre leur vie,
en entretenant avec la Caisse des dépôts et consignations les relations de
partenariat qu'elles souhaiteront avoir ni plus ni moins - relations normales
fondées sur un pacte d'actionnaires et non plus relations de tutelle, comme
cela a souvent été dénoncé par des membres du réseau.
Ce partenariat fort avec la Caisse des dépôts et consignations servira à
fonder un pôle financier public, point qui a été longuement discuté à
l'Assemblée nationale. En effet, la Caisse des dépôts et consignations, la
Caisse nationale de prévoyance, que le Gouvernement, comme je l'ai indiqué tout
à l'heure, a choisi de garder dans le secteur public, les caisses d'épargne, la
Banque pour le développement des petites et moyennes entreprises, La Poste,
peut-être demain le Crédit foncier, représentent un ensemble de structures
publiques diversifiées ayant chacune une activité spécifique et une cible dans
le marché et constituant bel et bien le pôle financier public que d'aucuns
appellent de leurs voeux.
Par ailleurs, s'agissant de l'efficacité pour la sécurité financière, j'ai
souhaité que des moyens forts soient mis en oeuvre visant plus à la prévention
qu'à la solution des crises. Si des dispositions telles que le remboursement
garanti et les délais raccourcis sont prévues en cas de crise, le mieux est
encore, bien évidemment, d'éviter cette dernière. Pour cela, deux mesures
principales sont proposées.
La première mesure est la création d'un collège des autorités de contrôle qui
regroupera les différentes structures existantes - la Commission bancaire, la
Commission de contrôle des assurances, la COB, le Conseil des marchés
financiers - et qui aura pour vocation de mieux contrôler les conglomérats. Ces
derniers, qui ont, par définition, des structures très diversifiées dépassant
éventuellement le cadre national, relèvent en effet tour à tour de chacune de
ces institutions, lesquelles, en l'absence de séances de travail formelles en
un collège permettant de tirer avantage des informations que chacun peut avoir,
ne peuvent effectuer un contrôle correct. Par conséquent, ce collège réunissant
les autorités de contrôle doit permettre un bien meilleur suivi, afin de
dénoncer à temps des situations qui deviennent dangereuses et d'éviter par là
même des sinistres.
La seconde mesure est l'attribution de moyens importants et nouveaux à ces
autorités de contrôle. J'en donnerai un exemple que je crois assez frappant :
le projet de loi prévoit que la commission bancaire aura le pouvoir, dans des
cas où elle jugerait qu'une banque est en situation de solvabilité délicate et
qu'elle risque, si elle continue dans cette voie, de mettre en danger son
existence et, par voie de conséquence, les fonds qui lui ont été confiés par
les épargnants, d'interdire la distribution de dividendes aux actionnaires de
la banque, afin que les ressources en question viennent renforcer les réserves
de celle-ci, que l'on aurait justement jugées insuffisantes pour garantir les
dépôts. L'interdiction de distribution de dividendes en situation de faiblesse
est une mesure très forte, qui ne sera sans doute pas utilisée tous les jours
mais qui doit permettre aux autorités de contrôle de mener une véritable action
préventive, sans se limiter à de simples discours, à l'endroit d'établissements
de crédit dont on estimerait qu'ils ont vraiment « franchi la ligne jaune ».
J'ai cité tout à l'heure une liste qui comprend, entre autres établissements
en difficulté, la Compagnie du BTP, la Société marseillaise de crédit et le
Crédit martiniquais. On voit bien comment un tel instrument aurait été utile
dans ces différents cas. Il aurait permis sinon d'empêcher totalement le
sinistre - je n'en sais rien - en tout cas de limiter considérablement les
conséquences qui ont découlé de celui-ci.
En conclusion, je résumerai mon propos, monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, car nous avons des heures de débat devant nous pour
éclaircir chacun des points. Il s'agit d'un texte qui comprend deux parties
fortement liées, d'un texte qui traduit la volonté du Gouvernement d'aller de
l'avant et d'adapter une large part de notre secteur financier à l'évolution du
monde financier qui nous entoure, d'un texte qui doit permettre aux caisses
d'épargne de se développer, au système bancaire et aux assureurs d'aller de
l'avant d'un pas, justement, plus assuré - lorsque l'on dispose de mécanismes
de garantie, il est plus facile de se développer, de prendre des initiatives,
car on met infiniment moins en danger les sommes qui vous ont été confiées - il
s'agit d'un texte qui vise à préserver la spécificité des caisses d'épargne et
leur mission d'intérêt général tout en leur permettant de se développer, ce
qui, de mon point de vue, est la condition de la survie de ce réseau à
l'échéance d'une dizaine d'années, bref, d'un texte qui sera, j'en suis sûr,
encore amélioré par la discussion au sein de la Haute Assemblée et dont la
vocation, lorsqu'il sera publié, sera d'avoir largement rénové ce secteur de
notre activité financière, conformément au besoin pressant ressenti par nombre
de nos concitoyens qui, d'une manière ou d'une autre, s'intéressent à la
structure du système financier.
Comme je le disais au début de mon propos, ce secteur, qui a bénéficié de
l'attention et de nombreux rapports de la part du Sénat, se trouve aujourd'hui
sur le devant de la scène. Beaucoup des idées émises par le Sénat figurent dans
ce texte de loi. Sur d'autres points, nous sommes moins d'accord, mais nous
aurons l'occasion d'en discuter. En tout cas, je souhaite que, sur un sujet de
cette nature - je suis d'ailleurs sûr que ce sera le cas - nous puissions
avoir, comme à l'accoutumée, la discussion éclairée et courtoise qui fait
toujours le charme des débats dans cet hémicycle.
(Applaudissements.)
M. le président.
Il ne fait pas de doute, monsieur le ministre, que les sénateurs ont été
sensibles au compliment que vous avez cru devoir leur adresser et au fait que
vous ayez souligné l'utilité du Sénat !
(Sourires sur les travées socialistes.)
M. Michel Sergent.
Ce n'est pas tout à fait ce qu'il a dit !
M. le président.
La parole est maintenant à M. le rapporteur, qui ne manquera pas de répondre à
vos voeux, monsieur le ministre, en vous suggérant quelques améliorations à
apporter au projet de loi.
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Monsieur le ministre, faire mouvement
dans la solidarité et pour renforcer l'efficacité ; comment contesterions-nous,
quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, les objectifs que
vous avez décrits ?
Cela dit, vous avez observé que la commission des finances s'est livrée à un
examen très approfondi de ce texte et qu'elle a adopté, sur l'initiative du
rapporteur que je suis, environ 120 amendements sur des sujets de portée
variable. Toutefois, vous aurez certainement remarqué que notre approche se
veut constructive, fondée sur le dialogue,...
M. Jean-Louis Carrère.
Libérale !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
... et que les améliorations que nous proposons n'ont aucun
caractère idéologique.
(M. Carrère s'exclame.)
Mon cher collègue, ne manifestez pas trop tôt vos sentiments, car nous
aurons certainement l'occasion, sur nombre de sujets et d'amendements,
s'agissant en particulier des caisses d'épargne, de nous retrouver sur telle ou
telle précision, quelle que soit son origine. Aussi, je vous en prie, ne
condamnez pas le travail de la commission avant de l'avoir analysé !
Les membres de la commission des finances souhaitent très posément, très
expérimentalement, trouver les meilleures solutions possibles. Ils aimeraient -
je ne sais si ce sera possible - trouver un terrain d'accord tant avec
l'Assemblée nationale qu'avec le Gouvernement. Nous verrons si ce voeu pourra
être exaucé.
Monsieur le ministre, le projet de loi regroupe différents éléments que vous
avez exposés de façon très brillante. Pour ma part, j'adopterai dans cette
présentation initiale une approche un peu différente : je concentrerai en effet
mon intervention sur le premier volet, c'est-à-dire la réforme des caisses
d'épargne, me réservant de prendre de nouveau la parole à l'ouverture de la
seconde partie traitant des questions de sécurité financière et des fonds de
garantie ; de même, lorsque viendra en examen le titre relatif aux obligations
foncières et à la création d'un nouveau marché financier, que nous pouvons
espérer très large et très prospère dans le cadre européen, je m'efforcerai de
soumettre au Sénat des éléments d'appréciation de portée générale. Il s'agit en
effet, monsieur le ministre, d'un point non négligeable dans votre texte et
dans cette nécessité d'un mouvement, à la suite de la mise en place de la
monnaie unique européenne et de la dynamisation que cette dernière produit pour
les professions financières et pour l'organisation des marchés.
Monsieur le ministre, le projet de réforme des caisses d'épargne et de
prévoyance marque, après les lois de 1983 et de 1991 auxquelles le Sénat a
attaché une importance particulière - beaucoup de dispositions d'origine
sénatoriale se sont retrouvées dans les textes promulguées en 1983 et en 1991 -
un nouveau progrès qu'il nous faut reconnaître et auquel nous espérons pouvoir
participer de la même manière.
Mais ce progrès certain est toutefois insuffisant.
La réforme des caisses d'épargne comporte quatre aspects positifs, dont le
premier est l'adoption d'un statut coopératif. Ce projet de loi tend ainsi à
clore une très longue période pendant laquelle les caisses d'épargne ont vécu
et se sont développées sous un statut
sui generis,
et à mettre fin aux
incertitudes relatives au régime de propriété de leurs fonds propres ; il vise
à intégrer les caisses d'épargne à une famille clairement définie, celle de la
coopération relevant de la loi, souvent modifiée depuis lors, du 10 septembre
1947.
Cette approche est conforme aux voeux de la commission des finances, déjà
maintes fois exprimés, en particulier par la proposition de loi dont notre
collègue M. Alain Lambert a été le premier signataire et qui résultait
elle-même de nombreux travaux de notre commission.
Le deuxième progrès tient au fait que l'organisation proposée s'inspire de
celle de réseaux ayant bien réussi, avec une structure à deux niveaux sur le
modèle du Crédit agricole ou du Crédit mutuel : d'une part, un centre
d'impulsion stratégique et de gestion des responsabilités du groupe,
c'est-à-dire la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance,
véritable organe central du réseau susceptible de prévoir, de préparer son
avenir, le cas échéant par l'organisation des alliances qui, demain, seront
nécessaires, et, d'autre part, la constitution d'une Fédération nationale des
caisses d'épargne et de prévoyance qui sera le reflet de la diversité des
caisses. Cette fédération traduira bien le principe coopératif à l'échelon
national et assurera la légitimité des orientations retenues.
Le troisième facteur de progrès est la suppression des restrictions qui
pesaient encore sur l'activité des caisses d'épargne, telle l'impossibilité
jusqu'à présent d'accorder des prêts aux entreprises faisant publiquement appel
à l'épargne, et donc l'ouverture du marché des grandes entreprises aux caisses
d'épargne, qui vont se trouver placées, en tant que réseau bancaire de plein
exercice, dans les conditions de la compétition.
Le quatrième facteur de progrès est la contractualisation des liens avec la
Caisse des dépôts et consignations. Je considère comme très positif le fait que
le présent projet de loi ne traite pas de la Caisse des dépôts et consignations
et qu'il laisse le soin aux actionnaires de la future Caisse nationale des
caisses d'épargne et de prévoyance de définir leurs rapports et, avec le temps,
l'avenir de ceux-ci.
Pour autant, monsieur le ministre, les choses sont loin d'être parfaites, et
la réforme que vous nous proposez est, à mon sens, à la fois ambiguë et
inachevée.
En premier lieu, s'agissant du livret A, vous n'êtes pas, me semble-t-il,
totalement à l'aise. Vous nous avez parlé tout à l'heure de la non-banalisation
du livret A, mais vous avez indiqué dans le même temps : « autant que nous
pourrons conserver cette spécificité », ce qui prouve que vous vous posez
vous-même des questions à ce sujet.
Au demeurant, nous savons bien que, lorsque la mission du député Raymond
Douyère a été définie, l'un des termes de sa lettre de mission était
précisément qu'il s'abstienne d'aborder ce sujet et d'étudier l'éventualité de
la création d'un livret d'épargne distribué universellement par tous les
réseaux et qui présenterait les mêmes caractéristiques que le livret A.
Les caisses d'épargne vont donc être placées dans la compétition. Elles vont
néanmoins demeurer, au moins pour un certain temps, les distributeurs exclusifs
des livrets A. Les membres de la commission des finances, bien qu'ils n'aient
pas présenté d'amendement sur ce point, ils pensent que ce problème se résoudra
avec le temps, estiment qu'il s'agit d'une position paradoxale et que le
Gouvernement pratique, en quelque sorte, l'autocensure.
En second lieu, nous regrettons l'absence d'évaluation ou de projection
financière digne de ce nom.
Sur leurs fonds propres, les caisses d'épargne ont déjà dû subir un
prélèvement de 5 milliards de francs résultant de la dernière loi de finances.
Elles vont aussi devoir financer la restructuration de leur caisse de retraite
et nous savons quelle est l'incertitude vis-à-vis de tels sujets. S'agissant du
coût en fonds propres du provisionnement des charges de retraite, les
fourchettes se situent entre 13 milliards et 40 milliards de francs selon les
hypothèses formulées. En tout état de cause, même si l'on retenait la meilleure
des hypothèses, le ratio européen de solvabilité permettant d'appréhender la
structure financière du groupe, serait ramené de 16,4 % dans les conditions
actuelles à 11,7 %.
Pour autant, monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des certitudes
quant au dénouement technique et financier de ce problème des retraites, qui
suscitera inéluctablement bon nombre de difficultés ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, l'évaluation des parts sociales que les
caisses d'épargne vont mettre sur le marché ne résulte - et c'est un sujet
d'étonnement - d'aucun calcul économique, mais se fonde sur une estimation
purement forfaitaire reflétant une négociation. On prend simplement la
sommation des dotations comptables des différentes caisses d'épargne, et cela
aboutit à 18,8 milliards de francs.
Du côté de leurs résultats, les caisses d'épargne, qui, aujourd'hui, il est
vrai, sont dépourvues de contraintes, vont subir deux fortes pressions
contradictoires : d'une part, la nécessité de rémunérer les fonds propres
détenus par les sociétaires et, d'autre part, le nécessité d'affecter une
fraction importante de leurs résultats à des actions d'intérêt général.
Nous nous inquiétons de voir que le ratio de solvabilité sera obéré, que la
capacité des caisses à renforcer leurs fonds propres pourrait être amputée de
moitié alors que les progrès de leur rentabilité ne sont encore qu'à l'état de
promesse et que la consolidation financière de leur régime de retraite n'est
pas achevée.
Une autre question qui pose véritablement problème est celle des groupements
locaux d'épargne, les GLE. Le système que vous préconisez dans ce texte
constitue une grave entorse au droit de la coopération et, dans toutes les
auditions que j'ai conduites, monsieur le ministre, je n'ai guère entendu que
des critiques à l'égard de ces groupements, qui semblent avoir été conçus comme
la solution par défaut à un problème qui est en effet un problème technique
assez délicat à résoudre.
On nous a présenté les GLE comme s'assimilant aux caisses locales du Crédit
agricole, en oubliant que ces dernières ne sont que le résultat d'une évolution
qui, progressivement, les a privées de substance économique.
Ces GLE sont critiquables sur quatre points.
En premier lieu, ce sont des organismes sans activité propre, qui ne servent
qu'à porter et à céder le capital des caisses d'épargne, ce qui est en
contradiction formelle avec les principes de la coopération.
En deuxième lieu, ce sont des structures formant écran entre les sociétaires
et leur caisse d'épargne. Comment mobiliser vraiment les détenteurs d'avoirs
auprès des caisses d'épargne si on ne leur propose pas d'être sociétaires de la
caisse d'épargne elle-même, qui est une entreprise avec ses espérances de
résultats et de développement et non une structure écran purement juridique et
comptable sans substance et sans activité vraie ?
En troisième lieu, les droits de vote seront pondérés dans les assemblées en
fonction du nombre de parts sociales que les détenteurs posséderont, ce qui est
en contradiction avec le principe de la coopération, qui est « un homme, une
voix ».
Enfin, en quatrième lieu, on fige ainsi la composition du capital des caisses
d'épargne, ce qui peut faire obstacle à certaines alliances de caractère
régional, voire transfrontières.
Un quatrième point d'insatisfaction nous paraît grave : c'est l'affectation du
produit de la cession au fonds de réserve pour les retraites, que nous
contestons, monsieur le ministre, car nous considérons que les choses ne sont
pas prises dans l'ordre logique. Il y a un rapport Charpin sur les retraites.
Il y a des perspectives financières, que l'on doit apprécier en toute liberté.
Et, à partir de là, il faut se poser des questions fondamentales, notamment
celle de savoir quelle est la responsabilité de l'Etat vis-à-vis des régimes de
retraite et comment elle s'exprime.
Une autre question fondamentale consiste à savoir quelle évolution nous
acceptons pour les taux de prélèvements obligatoires, notamment sur les
éléments salariaux.
Mais nous avons bien d'autres sujets d'inquiétude, en particulier s'agissant
des objectifs que l'on peut s'assigner en matière de taux de remplacement des
retraites. Et, à mon avis, ce n'est qu'après avoir fait la clarté sur ces
questions fondamentales que nous pourrons prendre la décision de doter au bon
niveau un éventuel fonds situé à côté de l'Etat. En effet, aujourd'hui, de deux
choses l'une : ou ce fonds restera de petite taille - et il ne sera jamais à la
hauteur des besoins, il sera épuisé en quelques jours après avoir été actionné
- ou il atteindra un volume substantiel et significatif par rapport aux
perspectives macroéconomiques à l'échelle de 2005, de 2010 ou de 2015
s'agissant du déséquilibre prévisionnel des régimes de retraite, et, là, à
suivre votre raisonnement, il faudrait avoir engrangé des milliers de milliards
de francs. Gérés comment ? Placés comment ? Avec quels objectifs ?
Monsieur le ministre, nous contestons une approche qui crée le réceptable
avant d'avoir décrit les fonctions à remplir. La commission des finances estime
qu'il faut substituer à cette approche une autre méthode, plus claire, tendant
à apporter enfin aux Françaises et aux Français non pas par des artifices mais,
par une vraie politique, les solutions au problème - qui est réel et que nous
ne pouvons nier ni les uns ni les autres - de l'équilibre financier, à terme,
des régimes de retraite.
Alors, mes chers collègues, les propositions de la commission des finances se
déduisent tout naturellement de ces appréciations. Elles reposent sur deux
principes : rapprocher les conditions d'exercice de l'activité des caisses
d'épargne du droit commun bancaire, et simplifier leur organisation en la
rapprochant des règles du droit de la coopération.
Nous pensons, en premier lieu, que la banalisation du livret A est
inéluctable, du fait des règles de la concurrence en Europe.
M. Gérard Delfau.
Mais non !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Mais ce point se réglera assurément de lui-même dans
l'avenir.
Nous considérons, en nous situant dans cette perspective de banalisation,
qu'il faut mettre fin à l'agrément ministériel pour la nomination du président
du directoire de la caisse centrale : si l'on veut créer un groupe de plein
exercice dans la compétition, il n'y a aucune raison de le maintenir dans un
ensemble administré.
En second lieu, monsieur le ministre, il faut envisager sérieusement de
réformer les modes de détermination du taux des livrets A des caisses d'épargne
et des autres formes d'épargne administrée. La commission des finances s'est
déjà exprimée à de nombreuses reprises sur ce sujet et avait considéré comme
positive votre approche de juin 1998, tout en regrettant que les contraintes
immédiates de la vie politique, que vous n'avez pas pu surmonter depuis lors,
vous aient conduit à maintenir des positions qui, à notre avis, ne sont ni
logiques ni techniques. Un jour ou l'autre, il faudra bien sortir de ces
contradictions ! Et vous savez que nous avons fait des recommandations en ce
sens.
En troisième lieu, nous estimons qu'il faut simplifier la structure du
sociétariat et que l'on peut très bien se passer des groupements locaux
d'épargne. Les souscripteurs de parts sociales doivent être les sociétaires
directs des caisses régionales et, pour animer localement le sociétariat, on
peut tout à fait mettre en place, dans les assemblées générales, des sections
locales d'épargne.
En quatrième lieu, monsieur le ministre, il faut alléger les contraintes
financières qui risquent de placer la barre à un niveau sensiblement trop haut
pour assurer toutes les conditions de succès au nouveau groupe des caisses
d'épargne.
C'est la raison pour laquelle nous proposons, d'abord, de supprimer la
référence aux dotations statutaires pour la fixation du capital social à mettre
sur le marché. Cette fraction doit procéder d'une évaluation objective et
extérieure qui pourrait être confiée, dans certaines limites, à la commission
des participations et des transferts.
Nous estimons, ensuite, que le capital des caisses d'épargne doit être fixé -
c'est une limite que nous assignerions au rôle de cette commission - par
référence à la proportion moyenne du capital social dans les fonds propres des
banques coopératives existantes, ce qui nous conduirait à un chiffre maximal
compris entre 13 milliards de francs et 16 milliards de francs, plutôt que fixé
à 18,8 milliards de francs.
Nous considérons, par ailleurs, que la contrainte de placement en quatre ans
de 18,8 milliards de francs de parts sociales n'est pas raisonnable et nous
souhaitons, à ce stade de la discussion, doubler le délai de placement pour le
porter à huit ans.
Nous souhaitons également supprimer le plancher et rétablir le plafond pour
l'établissement de la fraction du résultat devant être consacrée à des
financements d'intérêt général. Vous apprécierez sans doute, monsieur le
ministre, qu'en prenant cette position nous nous rallions purement et
simplement au texte initial du Gouvernement avant son passage à l'Assemblée
nationale !
En cinquième lieu, il convient de faciliter la souscription du capital. Nous
sommes favorables à la mise en place à titre gratuit de bons de souscription de
certificats coopératifs d'investissement, qui pourront être un levier puissant
pour que les caisses d'épargne, simultanément ou après avoir placé les parts
sociales, puissent augmenter réellement leurs fonds propres au fur et à mesure
que leur développement le nécessitera.
Pour faciliter la souscription du capital, nous proposons, en outre,
d'accorder des conditions préférentielles de souscription des parts aux anciens
salariés du réseau, selon une formule qui a déjà été utilisée dans les lois de
privatisation.
En sixième lieu, vous ne serez pas surpris si je vous dis que nous souhaitons
supprimer l'affectation du produit des parts au fonds de réserve du fonds de
solidarité vieillesse. Nous souhaitons que l'affectation soit opérée dans le
projet de loi de finances pour 2000, car nous espérons que, d'ici là, de
rapport en concertation ou en débat, nous y verrons plus clair dans la question
économique et sociale tout à fait centrale et stratégique du devenir de nos
retraites, sujet sur lequel pèsent, nous le savons tous, de nombreuses et très
compréhensibles angoisses.
Nous achèverons la liste de nos amendements avec notre souhait de voir le
texte se référer au droit commun du travail en ce qui concerne la dénonciation
des accords nationaux.
Enfin, pour parachever votre édifice et permettre à la Caisse nationale de
disposer de la liberté d'impulsion nécessaire pour dessiner un avenir librement
établi entre partenaires financiers majeurs, nous estimons qu'il suffit de
prévoir dans le texte que la Caisse nationale est détenue majoritairement par
les caisses d'épargne et non pas à plus de 60 %. Cette exigence ne nous semble
en effet pas nécessaire. Dès lors que l'on n'atteint pas la majorité
statutaire, la majorité qualifiée des deux tiers, pourquoi choisir ce chiffre
intermédiaire de 60 % ? Il est plus logique d'en rester à un contrôle
majoritaire à plus de 50 %.
Monsieur le ministre, j'arrête là ces considérations. Je vous ai présenté les
observations essentielles de la commission des finances sur la partie du texte
que vous nous proposez relative aux caisses d'épargne. Nous reviendrons, si
vous le voulez bien, sur la partie relative à la sécurité financière et aux
obligations foncières dans la suite de la discussion.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, la qualité et le caractère très complet des exposés qui ont
été faits tant par M. le ministre que par M. le rapporteur m'invitent à
n'aborder que quelques aspects essentiels du texte qui nous est soumis, et plus
spécialement, d''ailleurs, le volet relatif à la réforme des caisses
d'épargne.
Tout d'abord, pour tirer un motif réel de satisfaction, nous sommes, sur
l'essentiel, tous d'accord pour conférer aux caisses d'épargne un statut qui
leur permette d'ouvrir une nouvelle phase de leur développement, d'engager une
dynamique nouvelle pour prétendre jouer un rôle de premier plan dans le monde
bancaire et financier.
La commission des finances ne peut que se réjouir que le projet du
Gouvernement s'inspire de nombre de ses propositions faites depuis plusieurs
années, issues notamment du rapport « Banques » ou de la proposition de loi de
juillet 1997.
Mes chers collègues, lorsque l'on garde en mémoire les critiques qui, à
l'époque, les avaient accueillies, on mesure le chemin parcouru par tous depuis
cette date !
Néanmoins, monsieur le ministre, le projet que vous soumettez à notre examen,
même s'il vient à son heure, ne tire pas, selon moi et selon la majorité de
notre commission, toutes les conséquences des bouleversements considérables -
vous les avez évoqués - qui traversent les systèmes bancaires et financiers en
Europe et dans le monde.
On sent que le texte est le fruit d'un compromis évident et qu'il est privé de
l'étincelle d'audace dont tout projet d'avenir a besoin. En effet, dans le
monde de la finance tel qu'il est aujourd'hui, qu'on l'apprécie ou non,
l'audace est sans doute un élément nécessaire de la réussite sur le long
terme.
Disant cela, mes chers collègues, je souhaite vraiment vous convaincre que je
ne veux pas céder à la tentation de la provocation. Je ne cherche pas non plus
à justifier les excès auxquels s'abandonnent parfois les marchés financiers ni
ne souhaite refuser ou ignorer la spécificité du réseau des caisses d'épargne.
Mon propos est simple, et je vous demande de croire qu'il est même tout à fait
modeste : sommes-nous, au fond de nous-mêmes, vraiment persuadés que le statut
que nous allons adopter garantira les meilleures chances d'avenir aux caisses
d'épargne pour les dix ou quinze années à venir ? Leur dessinerons-nous un
cadre d'action pour le xxe ou pour le xxie siècle ? C'est la question qu'il
nous faudra nous poser tout au long de ce débat.
Bien entendu, ce texte comporte des éléments novateurs et positifs que M. le
rapporteur a parfaitement décrits dans son rapport et, tout à l'heure encore, à
cette tribune : l'adoption d'un statut coopératif - nous l'avions proposé dès
1996 - une organisation inspirée de celle du Crédit agricole - c'était l'objet
de notre proposition de loi - le statut de banque de plein exercice et la
contractualisation des liens avec la Caisse des dépôts et consignations.
Mais, à côté de ces éléments judicieux, je redoute à mon tour, après M. le
rapporteur, que d'autres composantes du statut ne viennent freiner le dynamisme
des caisses et ne leur permettent pas, comme elles le souhaitent, d'enclencher
un nouvel élan, de réussir un développement ambitieux dans les dix ou quinze
années qui viennent.
Prenons quelques exemples de contraintes susceptibles d'entraver la croissance
qui est voulue par le réseau et qui lui est nécessaire.
Même si la notion d'établissement sans but lucratif a été heureusement
écartée, il demeure que les missions disparates dévolues aux caisses régionales
et la consécration juridique du « dividende social » ne seront pas durablement
compatibles avec un statut de banque généraliste de plein exercice, soumise aux
exigeantes lois de la concurrence.
Comme vous tous, mes chers collègues, je suis naturellement tenté de me
laisser bercer par cette douce et envoûtante idée de banque « citoyenne »,
luttant contre toutes les formes d'exclusion, favorisant l'aménagement du
territoire et défendant l'environnement. Mais regardons la réalité en face :
dans l'univers de concurrence dure, que certains qualifient même d'impitoyable,
où les caisses sont désormais placées, qu'on s'en réjouisse ou qu'on le
regrette, demandons-nous si ce ne sont pas les concurrents des caisses
d'épargne qui se réjouiront les premiers et le plus fort de toutes ces
contraintes.
Si j'osais une comparaison, bien audacieuse, je le reconnais, je dirais que
nous lançons les caisses d'épargne dans le grand bain ligotées de bouées qui
leur permettront de flotter, mais qui pourraient les empêcher d'avancer et de
progresser.
Je souhaite, à ce sujet, exprimer mon regret que n'ait pu être ouvert un débat
serein, apaisé, responsable sur une banalisation progressive et adaptée de la
distribution du livret A. Le Gouvernement souhaite maintenir cet avantage
concurrentiel au profit du réseau, sans doute pour légitimer ses missions
d'intérêt général, et l'agrément ministériel à la nomination du président du
directoire de la Caisse nationale.
Mais, là encore, mes chers collègues, regardons bien la réalité en face. Comme
l'a démontré M. le rapporteur, cette banalisation, même si elle prend du temps,
est néanmois inéluctable.
Même les propos de M. le ministre étaient, me semble-t-il, empreints d'un
certain doute quant au caractère inéluctable de la banalisation.
M. Jean-Louis Carrère.
C'est bien, les obsessions ; cela permet d'y croire !
M. le président.
Souhaitez-vous interrompre l'orateur, monsieur Carrère ?
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
M. Carrère nous livrera son
message tout à l'heure, et je l'écouterai avec l'attention qu'il mérite.
La paradoxe est sans doute que, plus les caisses d'épargne seront dynamiques -
tous ensemble, nous le leur souhaitons - plus la fin de l'avantage
concurrentiel sera proche pour elles. Dès lors, pourquoi ne pas les préparer
dès à présent, par exemple sur cinq ans, à se priver de cet avantage
concurrentiel ?
Je ne souhaite pas que le Gouvernement recommence avec les caisses d'épargne
ce qui a été fait avec le Crédit foncier
(M. Delfau s'exclame)
,... lors
de la suppression des prêts aidés pour l'accession à la propriété, les PAP. Il
fallait me laisser finir ma phrase, monsieur Delfau !
M. Gérard Delfau.
Dont acte !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Soyons également conscients, mes
chers collègues, de la faible utilisation des fonds d'épargne pour leur
légitime destination, c'est-à-dire le financement du logement social. Cette
situation sera-t-elle tenable longtemps ? Pour ces raisons, je regrette que des
motifs largement idéologiques nous retiennent d'ouvrir ce débat de fond.
A titre personnel, j'estime que le renvoi du débat à plus tard ne sert pas la
cause des caisses d'épargne. Au contraire, nous risquons de les fragiliser pour
l'avenir.
Au fond, monsieur le ministre, le texte que vous nous proposez est sans doute
provisoire ; il n'est qu'une étape, certes utile, mais qui en annonce d'autres,
plus audacieuses et sans doute plus fécondes pour l'avenir des caisses.
Une autre question essentielle me paraît devoir être évoquée, celle du
gouvernement d'entreprise des caisses. Au fond, qui les gouvernera : la
technostructure, les porteurs de parts, la Caisse des dépôts et consignations,
les représentants des collectivités locales, voire l'Etat, par le biais de
l'agrément du président du directoire ?
Derrière ce débat s'en profile un autre : le réseau des caisses d'épargne
est-il appelé à devenir une pièce essentielle du « pôle financier public »
évoqué ici ou là, ou est-il destiné à passer des alliances avec des banques
commerciales privées ? Le texte soumis à notre examen semble un peu louvoyer
entre ces deux approches, qui ne sont pas aisément conciliables.
Mes chers collègues, qui déterminera la stratégie du groupe ? Pour ma part,
j'avoue ne pas en avoir une perception claire et évidente. Je le regrette, car
le réseau, lui, devra, dans les temps à venir, se déterminer sur le sujet.
Pour arrêter sa stratégie, le réseau devra avoir les coudées franches, ce qui
justifie une simple détention majoritaire de la Caisse nationale par les
caisses régionales, et disposer des ressources nécessaires pour financer sa
croissance. Or, le texte, tel qu'il nous est transmis, laisse peser des
incertitudes lourdes : les caisses risquent de rencontrer des difficultés
financières sérieuses pour, dans le même temps, apurer leur régime de retraite,
subir la ponction de 5 milliards de francs, rétribuer suffisamment les porteurs
de parts, sans doute au-delà de la rémunération du livret A, distribuer un
dividende social très important, dans des conditions opaques que nous
regrettons, et porter en réserve les sommes nécessaires au financement de leur
croissance et à la modernisation de leur réseau.
En esquivant un choix clair des priorités, sans doute d'ailleurs afin de
maintenir l'harmonie d'une majorité très plurielle, le Gouvernement laisse
peser une menace non négligeable sur l'avenir des caisses d'épargne.
C'est la raison pour laquelle la commission des finances proposera tout un
ensemble cohérent d'amendements - M. le rapporteur les a évoqués - qui viseront
à garantir l'avenir des caisses, qu'il s'agisse du montant du capital appelé,
de la libération de ce capital ou du plafonnement des financements d'intérêt
général.
Avant de conclure mon propos, je souhaite, monsieur le ministre, vous
interroger sur deux dossiers étroitement liés à l'avenir du réseau.
Le premier, c'est celui des modalités de fixation de la rémunération de
l'épargne administrée. Vous ne direz que cela semble être une obsession du
Sénat puisque M. le rapporteur en a déjà parlé ! Ce à quoi je répondrai que le
gouvernement précédent était, lui aussi, harcelé par le Sénat sur cette
question.
Le second dossier, c'est celui de l'avenir du Crédit foncier.
Les caisses d'épargne, dès lors qu'elles auront des porteurs de parts à
rémunérer, et ce d'autant plus significativement que lesdites parts ne sont pas
réévaluables, seront les premières concernées par la fixation des taux du
livret A pour arrêter leur stratégie financière.
S'agissant de l'avenir du Crédit foncier, le Sénat aimerait connaître avec
précision, monsieur le ministre, l'état d'avancement du dossier au regard des
nombreux articles de presse qui paraissent presque chaque jour sur le sujet,
sans que le Parlement reçoive, lui, la moindre information.
En terminant, mes chers collègues, je veux vous dire que, tout au long de la
discussion des articles, tout au long, donc, de l'élaboration du statut des
caisses d'épargne, une préoccupation, et une seule, devra occuper nos esprits,
celle de l'avenir de ce réseau, celle des règles qui lui offriront les
meilleures chances de son avenir, celles qui lui ouvriront la voie du
développement.
Ceux qui veulent le bien des caisses d'épargne, ses meilleurs défenseurs
seront non pas ceux qui les enfermeront dans un noeud de contraintes, mais ceux
qui leur feront confiance pour devenir une banque de plein exercice, capable,
dans cet univers de concurrence, d'affirmer sa place et de construire un grand
destin.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 45 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 27 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
7 minutes.
A la demande du Gouvernement, le Sénat va maintenant interrompre ses travaux
quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à douze heures
trente-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi dont nous débattons aujourd'hui comprend une série de dispositions
attendues et indispensables pour assurer l'adaptation de notre paysage bancaire
et financier aux mutations profondes de son environnement international et pour
tirer les leçons des erreurs du passé.
M. le rapporteur et M. le président de la commission des finances ont évoqué
l'adaptation nécessaire du statut des caisses d'épargne. Néanmoins, les
dispositions proposées appellent de la part de mes collègues du groupe du RPR
et de la mienne, une série de remarques que j'aborderai en suivant les deux
parties du projet de loi.
En ce qui concerne les caisses d'épargne, tout d'abord, chacun d'entre nous,
je crois, s'accorde sur la nécessité d'une réforme.
Les caisses d'épargne ont pris beaucoup de retard par rapport aux autres
établissements bancaires. Elles cumulent, en outre, des handicaps en matière de
rentabilité, d'organisation et de fonctionnement internes ainsi qu'en matière
de statut, handicaps qui sont autant d'obstacles à leur insertion dans le
nouvel environnement financier. Compte tenu de la place centrale qu'elles
tiennent dans le paysage bancaire français, de leur action déterminante et
historique dans le développement de l'épargne en France et de la responsabilité
qu'il porte à leur égard, l'Etat se doit d'intervenir pour impulser et
accompagner les nécessaires transformations auxquelles elles doivent
procéder.
Ainsi, dans le texte soumis à notre examen, nous constatons que la
réorganisation du réseau qui est proposée ainsi que le glissement vers le
statut coopératif constituent des avancées significatives.
Toutefois, bien que le Gouvernement ait disposé d'une très longue période de
réflexion et de préparation, nous conduisant même en janvier dernier à proroger
les mandats, force est de constater que le présent projet de loi ne peut
nullement être assimilé à la grande réforme attendue.
Il est ainsi très étonnant que cette longue période de préparation ait abouti
à une évaluation irréaliste, voire à mon sens un peu fantaisiste du capital des
caisses d'épargne. La réalité s'inscrit plûtot autour de 14 milliards de
francs.
Ce texte est malheureusement révélateur des contradictions idéologiques qui
agitent la majorité plurielle.
En effet, monsieur le ministre, vous semblez hésiter entre, d'une part,
permettre aux caisses d'épargne de trouver leur place dans le secteur
concurrentiel et, d'autre part, maintenir la mainmise de l'Etat sur le réseau,
aboutissant ainsi à une réforme quelque peu bancale, ou plutôt à une réforme
par le plus petit dénominateur commun, ce qui constitue toujours une mauvaise
formule et ne saurait constituer un aboutissement en soi. Le premier handicap
dont souffrent les caisses d'épargne réside dans la faiblesse de leur
rentabilité. Or la réforme proposée, si elle était adoptée en l'état,
conduirait à leur imposer des contraintes telles qu'elle les empêcherait d'être
véritablement rentables.
Prenons ainsi pour exemple l'obligation qui leur est faite d'affecter au
moins un tiers de leurs résultats à des actions d'intérêt général. Ce seuil
rigide revient, comme le souligne notre collègue Philippe Marini dans son
excellent rapport, à inverser les priorités, la rémunération des sociétaires
passant au second plan. Mais cela constitue surtout une contrainte beaucoup
trop forte qui risque de nuire à une gestion équilibrée.
Quant aux missions d'intérêt général elles-mêmes, si personne ne songe à en
contester la légitimité, il n'en demeure pas moins que, là encore, la
définition qui en est proposée apparaît à la fois beaucoup trop rigide et
restrictive.
Le rapport Douyère, auquel vous vous référez souvent, monsieur le ministre, ne
préconise-t-il pas deux formes d'actions d'intérêt général, la subvention,
d'une part, et les prêts à la micro-économie, d'autre part ? Cette seconde
formule est d'ailleurs plus souple en matière de gestion. Or force est de
constater que le texte adopté par l'Assemblée nationale ne prévoit, à dessein,
que la première solution. C'est regrettable.
En incluant dans les mission d'intérêt général la protection de
l'environnement, le texte me semble en revanche cette fois beaucoup trop précis
et contraignant, ce n'est pas le rôle des caisses d'épargne.
L'originalité et la richesse des caisses d'épargne résident dans leur
implantation locale au plus près de leurs clients. Laissons à chacune d'entre
elles, par conséquent, la liberté de choisir et de définir elle-même le type
d'action qu'elles souhaitent financer.
Elles ont, depuis leur création, acquis la compétence suffisante pour
accomplir leurs missions d'intérêt général sans que le législateur ait besoin
d'intervenir une fois de plus, au risque d'ailleurs de se tromper ou d'imposer
des contraintes inadaptées.
Pour assurer leur objectif de rentabilité, elles ont besoin de souplesse et de
lisibilité. C'est en leur permettant d'être pleinement rentables qu'elles
pourront assumer correctement leurs missions d'intérêt général et non le
contraire.
Il convient, par conséquent, que l'Etat allège les contraintes qui pèsent sur
elles.
Par ailleurs, monsieur le ministre, tout en visant ouvertement à les rendre
concurrentielles, votre texte propose de maintenir de graves entorses aux
règles de la libre concurrence.
Ainsi, en n'abordant nullement l'inévitable question de la banalisation du
livret A, il semble ignorer l'avis du Conseil de la concurrence, qui estime que
le monopole de distribution du livret A constitue une restriction de
concurrence que ne justifie aucune considération d'intérêt général ; ce
monopole risque ainsi de se voir opposer le veto de la Commission
européenne.
D'un autre côté, l'élu alsacien que je suis ne peut qu'être fortement
interpellé, voire choqué, de voir que le Gouvernement argue précisément du
risque d'atteinte à la libre concurrence et du risque de veto de la Commission
pour justifier la suppression du régime du libre emploi dont bénéficient les
caisses d'Alsace-Moselle, régime que le prestigieux Conseil de la concurrence
n'a d'ailleurs pas jugé utile d'évoquer dans son rapport.
Ce régime est issu du droit local, que le législateur a, jusqu'à présent,
scrupuleusement préservé et respecté, et auquel les Alsaciens sont très
attachés. Il me semble, par conséquent, tout à fait surprenant de vouloir le
remettre en cause.
M. Jean-Louis Carrère.
Alors il faut effacer la première partie !
M. Joseph Ostermann.
C'est pourquoi, soutenu par mes collègues alsaciens, je présenterai un
amendement de rétablissement de ce dispositif.
Par ailleurs, pour en revenir au livret A, sa banalisation inciterait les
caisses d'épargne à remédier à leur inquiétante dépendance à l'égard du livret
et à rattraper leur retard dans la commercialisation des comptes de chèques et
des produits de diversification en général. Sur ce point, les chiffres sont
révélateurs : environ 40 % de leurs clients adultes détiennent un
compte-chèques, contre presque 100 %, par définition, dans les autres
établissements bancaires ; seulement 20 % y détiennent un compte principal. A
l'inverse, 85 % de leurs clients sont aussi clients d'un ou plusieurs autres
établissements financiers.
Je souhaiterais ensuite illustrer cette contradiction frappante entre le
passage au secteur privé et le maintien de la tutelle de l'Etat en évoquant un
deuxième exemple, celui du maintien totalement inacceptable, du fait du
changement de statut, de l'agrément ministériel à la nomination du président du
directoire de la Caisse nationale.
Je prendrai un autre exemple, celui du fonds de réserve pour les retraites. En
laissant de côté la question de l'opportunité d'un tel fonds, sur laquelle il y
aurait aussi beaucoup à dire, ne vous paraît-il pas contradictoire de refuser,
d'une part, d'assimiler la réforme des caisses d'épargne à une privatisation
et, d'autre part, d'en utiliser la méthode en affectant le montant de la
cession des parts à ce fonds ?
Enfin, en matière de droit du travail, en restant à mi-chemin entre droit
dérogatoire et droit commun, le texte ne permettra nullement de lever les
obstacles à la prise de décision, comme c'est actuellement le cas en matière de
réforme du régime spécial de retraite des caisses. Ce problème grève déjà le
résultat des caisses et il est, par conséquent, urgent de le régler. N'oublions
pas qu'une des principales causes de leur faible rentabilité réside dans la
lourdeur de leurs charges d'exploitation.
C'est donc une réforme en demi-teinte que vous nous proposez, empreinte de
contradictions, qui devront une nouvelle fois être réglées à court ou moyen
terme, sous peine d'empêcher les caisses d'épargne d'avoir la stabilité
nécessaire pour mener à bien les transformations urgentes auxquelles elles
doivent faire face.
Depuis 1983, c'est la troisième réforme qu'elles doivent subir, dans un
intervalle de huit ans à chaque fois. C'est beaucoup !
Prenons soin, par conséquent, d'éviter de leur faire subir une quatrième
réforme dans huit ans. Je tiens, sur ce point, à saluer le travail accompli
dans ce sens par notre rapporteur, travail qui permet, si les amendements sont
adoptés, de parvenir à une réforme équilibrée et aboutie.
Je souhaite maintenant aborder la deuxième partie du projet de loi, à avoir
les dispositifs de contrôle et de garantie relatifs aux banques, aux
entreprises d'investissement et d'assurances, qui appellent plusieurs
commentaires.
Nous ne pouvons, tout d'abord, que nous féliciter que M. le rapporteur général
propose une série d'amendements transposant la directive relative à la
surveillance prudentielle des entreprises du secteur financier ou directive «
post-BCCI », que la France devait normalement transposer avant 1996.
C'est la garantie des intérêts des épargnants qui doit, en effet, être au
coeur de nos préoccupations. La survie des entreprises ne doit, quant à elle,
venir qu'en deuxième lieu, sur la base de critères de rentabilité.
Il convient de cesser de maintenir à grands frais pour la collectivité et
l'économie nationale, des établissements à l'évidence non viables. Mes
collègues du groupe du RPR et moi-même apporterons donc notre soutien aux
propositions de la commission allant dans ce sens.
Par ailleurs, le texte qui résulte des travaux de l'Assemblée nationale
institue quatre fonds de garantie : pour les déposants, les assurés, les
investisseurs et les cautions.
Pour les déposants, tout d'abord, la mise en place d'un fonds sur le modèle de
ce qui existe dans les autres Etats européens est une bonne chose, puisqu'il
assurera non seulement une mission de garantie des dépôts de la clientèle, mais
aussi et surtout une mission curative et préventive auprès des
établissements.
De récents sinistres, tels qu'Europavie pour l'assurance ou Mutua-équipement
pour les cautions, nécessitaient une intervention urgente du législateur.
Une remarque d'ordre général sur ces fonds de garantie doit être faite : on
peut, en effet, émettre des doutes sur la capacité réelle d'un tel système à
réagir efficacement face à des sinistres d'une ampleur de plusieurs dizaines de
milliards de francs, et ce d'autant plus que la tendance actuelle est au
rapprochement des établissements dont la taille est de plus en plus
importante.
Cette évolution justifie la proposition de notre commission de réduire de
moitié le niveau des cotisations effectivement appelées au fonds de garantie
des déposants. Bloquer des sommes trop importantes est contre-productif et peu
rationnel, sachant que la moitié des cotisations non maintenue au sein du fonds
reste facilement identifiable dans les écritures des établissements
concernés.
Il est étonnant que nos collègues députés n'aient pas tiré l'ensemble des
conséquences de la création de ces fonds de garantie. En cas d'intervention
préventive, il semble, en effet, logique de leur laisser toute latitude pour
décider des mesures à prendre pour l'avenir de l'établissement en cause. De
même, dans le cadre d'une mission à caractère curatif, il est impératif que
l'agrément permettant à un établissement de fonctionner lui soit retiré,
lorsque celui-ci rencontre de graves difficultés.
En outre, depuis son institution à titre exceptionnel en 1982, le Sénat a
toujours émis des réserves sur la contribution des institutions financières. Le
projet de loi, dans son article 52, institue un crédit d'impôt imputable sur
cette contribution, d'un montant égal à 25 % des charges consacrées par les
établissements concernés.
Grâce à cette mesure, le Gouvernement souhaite atténuer les effets de la
contribution. Il convient, à mon sens, d'aller plus loin. L'amendement de la
commission visant au relèvement progressif du crédit d'impôt permettra à ces
établissements d'être dans une position moins handicapante par rapport à leurs
concurrents européens, qui ne supportent pas de telles taxes.
La position du Gouvernement, qui reconnaît l'existence d'un problème de
concurrence, mais ne voit pas de raison particulière pour supprimer cette
contribution, est paradoxale.
Si certaines de nos entreprises sont placées dans une position de faiblesse
par rapport à leurs concurrentes européennes du fait de taxes spécifiquement
françaises, il convient d'harmoniser sans attendre et d'abolir celles-ci.
Les quelque 3 milliards de francs que rapportent cette contribution à l'Etat
ne peuvent pas faire oublier, outre les problèmes d'efficacité qu'elle pose à
nos établissements dans la compétition internationale, son caractère
particulièrement pénalisant pour l'emploi, puisqu'elle est assise sur les frais
de personnel.
Chacun a été alerté dans son département par les représentants des banques
mutualistes et coopératives sur la nature des dispositions de l'article 37 du
projet relatif à la mise en réserve des résultats de ces établissements. La
prise en compte de leurs intérêts dans l'amendement de la commission des
finances, tendant à permettre de déroger au principe du plafonnement, permet de
donner une réponse satisfaisante aux préoccupations exprimées.
Enfin, la création d'un fonds de garantie des assurés, chargé de sécuriser le
paiement des prestations dues à ceux-ci en cas de défaillance d'une compagnie
d'assurance de personnes était nécessaire, comme l'a prouvé une récente
actualité.
Néanmoins, il est permis de s'interroger, en premier lieu, sur l'absence
d'application de ces dispositions aux institutions de prévoyance et aux
mutuelles.
Par ailleurs, il conviendrait que le Gouvernement éclaire le Sénat, de façon
plus satisfaisante qu'à l'Assemblée nationale, sur la nature précise du statut
juridique et fiscal de ce fonds. La définition qui en a été donnée, à savoir
que le fonds de garantie des assurés revêt la forme d'une personne morale de
droit privé n'appartenant à aucune catégorie juridique connue, n'est absolument
pas rigoureuse et risque, par conséquent, d'être à l'origine d'une certaine
insécurité juridique.
Nombreux ici regrettent que le texte adopté par l'Assemblée nationale ne
précise pas les modalités de financement de ce fonds de garantie. Même si les
conditions dans lesquelles ces ressources feront l'objet d'un décret en Conseil
d'Etat, elles devront, à mon sens, être similaires à celles qui sont prévues
pour le fonds de garantie des dépôts.
Par ailleurs, il convient de prendre conscience des limites d'intervention du
fonds. Celui-ci ne saurait, en effet, être suffisamment solide pour intervenir
lors de l'éventuelle faillite d'une grande société d'assurances, par exemple,
sans risquer d'entraîner celle, en chaîne, des autres entreprises appelées à
intervenir.
Voilà les remarques que je souhaitais formuler à l'égard d'un texte qui, s'il
va dans le bon sens, nécessite un certain nombre d'améliorations, sans
lesquelles mes collègues du groupe RPR et moi-même ne pourrons le voter.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures
cinq, sous la présidence de M. Guy Allouche.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne et à la sécurité
financière.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi sur l'épargne et la sécurité financière a des objectifs ambitieux.
Il réforme le statut des caisses d'épargne, qui font partie de la vie
quotidienne des Français. Il renforce les moyens de contrôle et de surveillance
sur les établissements de crédit, les sociétés d'assurances et les entreprises
d'investissement, action salutaire pour éviter de nouveaux sinistres. Enfin, il
modifie le régime des obligations foncières, ouvrant ainsi la voie à des
financements de prêts mieux sécurisés et il donne, par là, une nouvelle chance
au Crédit foncier.
Sur les grandes orientations de votre texte, monsieur le ministre, je vous
dirai d'entrée de jeu mon accord. Vos arbitrages ont fait preuve de prudence
pour ne pas ruiner l'acquis d'une longue et riche histoire, je pense à celle
des caisses d'épargne, tout en permettant l'évolution nécessaire. De plus, le
débat à l'Assemblée nationale a permis d'heureuses adjonctions ou précisions
qui confirment leur vocation à rester dans le champ de l'utilité sociale.
S'agissant du livret A, vous vous refusez à juste titre à sa banalisation sans
cesse réclamée par les banques. Vous maintenez ainsi à la fois une ressource
pour le logement social et un instrument de socialisation et d'intégration pour
la partie la moins fortunée de la population.
C'est une attitude courageuse, même si cela ne règle pas au fond l'accès de
tous aux services financiers de base que, justement, les banques ont cessé
d'assurer. C'est un sujet sur lequel nous reviendrons, car la loi d'orientation
relative à la lutte contre les exclusions n'apporte pas de solution.
Restent tout de même une inquiétude forte et quelques interrogations.
L'inquiétude porte sur la capacité des caisses d'épargne à « absorber » dans
le délai imparti, quatre ans, le choc du changement de statut et du fardeau
financier que représentent les diverses dispositions du texte de loi. Plus
particulièrement, outre la ponction directe prévue par la loi de finances pour
1999, la rémunération du capital social s'ajoutant à l'obligation de consacrer
le tiers des résultats à des actions d'intérêt général risque de compromettre
l'avenir du nouvel organisme.
Monsieur le ministre, vous faites prendre un risque à cet établissement,
jusqu'ici adossé à de confortables réserves, qui, soudain, devra faire face à
des sorties considérables, d'autant que demeure le redoutable problème du
financement des retraites.
Sur ce point central, la position du Gouvernement doit évoluer et le Parlement
a le devoir de proposer un rééquilibrage. Deux façons permettent d'y parvenir :
soit en doublant la durée de la période transitoire, soit en diminuant d'un
tiers le capital social, ce qui serait la mesure la plus logique eu égard à la
modification intervenue à l'Assemblée nationale. On peut aussi songer à un
mixte des deux.
J'exclus en tout cas, pour ma part, le
statu quo
pour une autre raison
d'ailleurs : une fragilisation de l'assise financière des caisses d'épargne
aurait une conséquence inéluctable, la rétraction rapide du réseau par
regroupement des caisses locales au détriment des zones rurales et des
quartiers urbains les plus sensibles.
Jusqu'ici, les caisses d'épargne sont implantées là où vivent les Français.
Elles assument, par leur présence, une mission de cohésion sociale et
d'aménagement du territoire à laquelle les élus locaux et les personnels sont
attachés. Je craindrais le pire si cette dimension-là n'était pas intégrée au
calcul de rentabilité du futur organisme. Sur ce point, aussi, nous avons
besoin d'être rassurés.
La vente des parts sociales induit un autre risque, celui d'une sélection par
l'argent, en contradiction avec la philosophie d'un établissement voué, pour
partie, à l'intérêt général et doté d'un statut coopératif. La bonne solution
serait de distribuer une part sociale à chaque déposant, et les arguments
juridiques avancés contre cette solution par vos services ne me convainquent
pas. A défaut, pourtant, il convient de prévoir un dispositif qui permette
d'ouvrir le capital aux revenus modestes en leur proposant une part sociale à
faible coût.
Derrière ce débat, apparemment technique, se cache tout le problème de
l'adéquation des orientations de l'article 1er avec les moyens que le texte met
en oeuvre.
Autre préoccupation : quel sera le statut du dividende social face à l'impôt ?
Les caisses d'épargne subiront-elles un double prélèvement ? Il est important
que le Gouvernement clarifie cette question et rassure les salariés de
l'entreprise.
Reste, enfin, un point délicat : la représentation des personnels à la
commission paritaire par le biais de leurs organisations syndicales. Le texte
de loi affaiblit la position des syndicats majoritaires au profit
d'organisations, certes légitimes, mais moins bien implantées. Le conflit en
cours à la SNCF plaiderait, au contraire, monsieur le ministre, pour le
maintien du
statu quo
. Nous écouterons avec intérêt vos explications.
Faute de temps, je n'ai pas abordé en détail les deux autres chapitres de cet
important projet de loi. Je me contenterai de dire mes craintes sur la
faiblesse de l'encadrement des prêts cautionnés par rapport au système
hypothécaire. Selon mes informations, les sinistres recommencent à croître très
vite dans ce secteur. Nous devrons donc en reparler.
Enfin, je veux saisir l'occasion pour me féliciter du nouveau cours engagé par
vous-même sur le dossier du Crédit foncier. Je lis avec quelque jubilation
l'appréciation positive portée par notre rapporteur sur cet établissement, dont
les missions d'intérêt général demeurent au coeur de la culture de ses
salariés.
Nous abordons à présent la dernière phase de règlement de ce dossier avec,
cette fois, des chances réelles de succès. Encore faut-il que cet établissement
mixte demeure dans le champ du pôle semi-public financier. Les caisses
d'épargne peuvent lui donner cette opportunité. J'y suis pour ma part très
favorable, compte tenu que La Poste a été écartée, l'an passé, sans que Bercy
ne fournisse la moindre explication, ce qui était - je le note au passage -
inacceptable.
Au total, monsieur le ministre, il s'agit d'un texte intéressant, novateur
sous certains aspects, utile pour conforter l'ensemble du système financier
français. Le débat au sein de la Haute Assemblée devrait l'améliorer encore,
notamment sur la question cruciale de l'équilibre financier durant la période
transitoire. Sous cette réserve, je voterai avec plaisir l'ensemble de votre
projet de loi.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de
loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière vise à réformer
profondément le cadre juridique des caisses d'épargne et de prévoyance, à
assurer une meilleure protection des épargnants et à développer les produits
hypothécaires en France.
Voilà un programme bien ambitieux pour un seul projet de loi. A elle seule, la
modification du statut des caisses d'épargne aurait pu justifier un projet de
loi spécifique tant les enjeux de cette réforme sont importants.
Sur cet aspect du dossier, ma collègue Marie-Claude Beaudeau exprimera la
position du groupe communiste républicain et citoyen.
Nous comprenons les objectifs du Gouvernement, qui cherche un point
d'équilibre entre la nécessité de faire évoluer les caisses d'épargne pour les
aider à affronter la concurrence sévère dans le domaine bancaire et l'exigence
du maintien de ses spécificités.
Le statut coopératif ne nous paraît pas en soi une évolution dangereuse pour
l'avenir des caisses d'épargne. Au contraire, sur certains aspects, il
comporterait même des avantages. Je pense notamment à la possibilité, grâce à
la direction unifiée, de définir et de mettre en oeuvre une véritable stratégie
de groupe pour assurer le développement à moyen et à long terme.
Néanmoins, il nous semble indispensable que ces évolutions ne se réalisent pas
au détriment des missions d'intérêt général que remplissent les caisses
d'épargne. Cela implique, selon nous, que les épargnants, les salariés et les
partenaires, au premier rang desquels figurent les collectivités territoriales,
soient pleinement associés au fonctionnement des caisses d'épargne et à la
définition des missions d'intérêt général. A mon sens, cela est possible à la
condition que ce passage au statut coopératif se fasse progressivement, dans le
dialogue.
Comme le dira ma collègue Marie-Claude Beaudeau, nous nourrissons quelques
craintes sur la poursuite des missions d'intérêt général.
Certes, pour la première fois de leur histoire, ces missions sont reconnues et
définies par la loi et le travail d'amendement des députés de la majorité
plurielle a contribué à les étoffer. Cependant, à nos yeux, le projet de loi ne
donne pas suffisamment aux caisses d'épargne les moyens financiers ou
politiques d'appliquer ces principes.
Or, s'il est exact de dire qu'en termes de rendement les caisses d'épargne ne
figurent pas parmi les premières entreprises agissant dans ce secteur, elles
occupent dans le champ social, notamment avec La Poste et les comptes courants
postaux, une place de premier ordre.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Paul Loridant.
Je pense en particulier aux ménages en situation de surendettement et aux 2,5
millions de personnes privées de chèques, mais aussi à tous les RMIstes et aux
personnes au revenu modeste victimes de fait de l'exclusion bancaire, au nom
des impératifs de rentabilité. Ces personnes ont néanmoins besoin d'un compte
bancaire ne serait-ce que pour percevoir les allocations.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Paul Loridant.
J'ajoute, et sur ce point nous proposerons un amendement, qu'il faut veiller à
ce que la réforme ne s'accompagne pas d'un recul social pour les salariés des
caisses d'épargne. Je pense, en particulier, au fonctionnement de la commission
paritaire nationale, à la place des syndicats représentatifs, ainsi qu'au
problème des retraites.
J'en viens à la seconde partie du projet de loi, qui mérite, à mon sens, une
attention au moins aussi importante, si ce n'est plus, que la réforme des
caisses d'épargne.
Les dispositions, vous l'avez dit, monsieur le ministre, sont certes
techniques et un peu austères mais elles visent un objectif important : assurer
la protection des épargnants et lutter contre l'insécurité financière, dans le
cadre d'une harmonisation européenne toujours prégnante.
Il est vrai que l'exacerbation de la logique libérale, la recherche du profit
immédiat ou la primauté exclusive donnée au rendement sur fonds propres ont
largement contribué à l'insécurité financière, jusqu'à faire plonger, en 1998,
40 % de la planète dans la récession. Parmi ces pays en crise se trouvent ceux
qui, hier encore, étaient cités en exemple par les thuriféraires du libéralisme
pour la performance de leur système financier et la flexibilité de leur
main-d'oeuvre.
L'intervention de l'Etat, hier vouée aux gémonies, est saluée partout,
notamment au Japon, où le Gouvernement va consacrer plus de 3 000 milliards de
francs pour nationaliser ou renflouer les banques menacées par les revers de
fortunes considérables de certains fonds spéculatifs auxquels elles avaient
imprudemment consenti des prêts.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Mais il s'en passerait très bien !
M. Paul Loridant.
Sur ce sujet, comment ne pas relever l'originalité de la position du
rapporteur, qui qualifie le dispositif de sécurisation d'« incomplet » ?
Serait-ce à dire que les libéraux souhaitent une intervention plus vigoureuse
de l'Etat pour imposer aux marchés financiers des règles du jeu plus strictes
?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Mais les vrais libéraux l'ont toujours dit !
M. Paul Loridant.
Pour critiquer depuis longtemps la déstabilisation de l'économie « réelle »
par la logique financière, je ne peux que me réjouir de l'instauration de
moyens d'action pour les autorités de contrôle du secteur financier, de la mise
en place de dispositifs innovants de garantie des épargnants et des assurés,
enfin de la clarification et de l'amélioration des procédures de redressement
des entreprises financières.
En ce qui concerne la mise en place d'un véritable marché des obligations
foncières, j'aimerais faire quelques remarques.
C'est un volet important de ce projet de loi car il crée un produit nouveau
touchant au financement de l'immobilier et des collectivités territoriales.
Si je comprends la démarche du Gouvernement, qui répond à des impératifs
d'harmonisation en vue de garantir et de développer la compétitivité de la
place financière de Paris, encore faut-il que cette harmonisation européenne se
traduise, pour les consommateurs et pour les salariés exerçant dans le secteur,
par des avantages ou une amélioration de leur statut.
Pour être compétitives par rapport aux
Phandbriefe
allemands, les
obligations foncières françaises, gérées par des filiales spécialisées
d'établissements exerçant des activités dans le secteur immobilier ou par des
collectivités locales, seront assorties d'un super privilège dérogatoire à la
législation sur les procédures collectives et sur le privilège du Trésor
public.
En clair, cela signifie qu'en cas de défaillance ou de faillite, les
créanciers de ces sociétés de crédit foncier seront remboursés avant le fisc
et, plus grave encore, avant les salariés. Il s'agit là d'une brèche importante
et dangereuse ouverte dans notre législation.
A quel niveau et au profit de qui doit s'effectuer l'harmonisation européenne
? Quel est le pays de référence ? Quelles sont les dispositions de référence ?
Ces questions méritent d'être posées. M. le rapporteur ne nous propose-t-il
pas, toujours en s'appuyant sur la nécessité de garantir la compétitivité de la
place de Paris, de remettre en cause les dispositions de la loi Scrivener,
auxquelles pourtant nous sommes très attachés, nous saurons le redire à
l'occasion du débat.
Monsieur le ministre, sachez que s'il approuve l'orientation générale du
texte, le groupe communiste républicain et citoyen souhaite néanmoins que son
examen nous donne l'occasion d'ouvrir un dialogue fructueux entre vous-même et
les différents partis de la majorité plurielle.
En tout cas, le groupe communiste républicain et citoyen se déterminera pour
le vote final en fonction des amendements de la majorité sénatoriale et de la
rédaction finale du projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne
réussit pas une réforme des caisses d'épargne si l'on ne prend pas
scrupuleusement en compte les aspirations légitimes des déposants et si, dans
le même temps, on ne se préoccupe pas des revendications tout aussi légitimes
des salariés.
Considérant qu'elles ne peuvent pas être complètement satisfaites dans cet
hémicycle, voire dans la loi, je n'accorderai pas une large part dans mon
intervention aux revendications des salariés. Je me contenterai de rappeler à
M. le ministre et à mes collègues les deux préoccupations essentielles qui les
assaillent : il s'agit, d'une part, du règlement de la caisse générale de
retraite, d'autre part, de la question lancinante de l'organisation du travail
au sein du groupe des caisses d'épargne et de la réduction du temps de travail,
sujet à l'ordre du jour dans nombre de grands groupes en ce moment.
Monsieur le ministre, je voudrais, au nom du groupe socialiste, intervenir
plus spécifiquement - vous l'avez bien compris - sur la partie de votre projet
de loi qui est relative à la réforme des caisses d'épargne.
Dès la création de la première caisse d'épargne, la Caisse d'épargne de Paris,
par Benjamin Delessert en 1818, et dès la première loi les concernant, en 1835,
toujours sur initiative de Benjamin Delessert, les caisses d'épargne ont acquis
leurs traits caractéristiques : ce sont des établissements privés d'utilité
publique ; les collectivités locales participent à leur gestion ; leur objectif
est social, à travers le développement de l'épargne populaire.
Leur développement et leur transformation en groupe bancaire à vocation
généraliste durant ces trente dernières années, évolution qui s'est accélérée
avec la loi du 1er juillet 1983, puis la loi du 10 juillet 1991, n'ont en rien
modifié ces caractéristiques, notamment la vocation sociale et la place à part
des caisses d'épargne dans le paysage économique et bancaire.
Elles sont ainsi devenues le grand réseau bancaire de l'économie sociale.
Elles représentent en effet, aujourd'hui, le premier interlocuteur financier
des Français, avec 40 millions de comptes gérés. Elles sont le deuxième
établissement financier pour le réseau, avec 5 000 agences et des encours de
dépôts et de placements supérieurs à 1 500 milliards de francs. Enfin, leurs
résultats financiers sont très corrects.
Dès lors, on peut se demander pourquoi revenir une nouvelle fois sur la
question de leur statut.
En une décennie, l'économie et particulièrement l'économie financière se sont
profondément modifiées. On appelle cela - vous le rappeliez ce matin, monsieur
le ministre - la « globalisation financière ». Cela a eu notamment pour
conséquence une modification rapide de l'environnement concurrentiel en Europe,
maintenant en France, ainsi qu'une profonde transformation du métier
bancaire.
Dans ce contexte, les caisses d'épargne doivent s'adapter et terminer leur
transformation pour demeurer ce grand réseau bancaire différent à vocation
sociale auquel les Français sont très attachés.
Elles doivent, en particulier, clarifier leur définition juridique et leurs
missions d'intérêt général, ne serait-ce que pour éviter qu'un jour un
gouvernement de tendance libérale ne veuille en faire un réseau bancaire
comparable aux autres, ce qui serait la négation même de leur histoire et de
leur vocation.
Elles doivent également pouvoir nouer des partenariats, afin de ne pas
demeurer isolées face aux nouveaux mastodontes financiers et mieux définir
leurs rapports avec leur partenaire privilégié qu'est la Caisse des dépôts et
consignations.
Elles doivent enfin renforcer leur rentabilité et réduire leur coefficient
d'exploitation - même si ce n'est pas leur credo absolu - pour ne pas voir leur
place s'éroder progressivement et maintenir ainsi leur rang dans ce secteur
bancaire devenu très concurrentiel.
Cependant, cette réforme nécessaire ne doit pas remettre en cause les
spécificités des caisses d'épargne et leur place originale dans le paysage
financier français. Elle doit, au contraire, les conserver et les renforcer.
Cela est tout à fait fondamental pour nous.
C'est pourquoi nous aurions refusé et nous combattrons toute tentative de
banalisation des caisses d'épargne. Je rappellerai les déclarations faites par
M. Arthuis, lorsqu'il était ministre de l'économie et des finances,...
M. Gérard Delfau.
Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère.
... sur sa volonté de « donner aux Caisses d'épargne un statut qui leur
permette de devenir une entreprise bancaire comparable aux autres
établissements ».
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est ce que nous sommes en train de faire !
M. Jean-Louis Carrère.
Peut-être n'avons-nous pas la même interprétation... Si vous m'écoutiez un peu
plus, vous verriez que nos interprétations divergent.
Cette volonté de banalisation me paraît malheureusement être celle de la
majorité de la commission des finances. Je ne peux donc que constater nos
divergences et regretter que, comme il y a cent vingt ans, en 1878, sur un
projet de loi créant la Caisse nationale d'épargne, la majorité conservatrice
du Sénat s'oppose au développement des caisses d'épargne.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Oh !
M. Jean-Louis Carrère.
Si, au début du xixe siècle, notre pays a eu besoin d'établissements
financiers dont la finalité n'était pas le profit, pensez-vous que cela ne soit
plus nécessaire aujourd'hui, notamment pour concourir à réduire la fracture
sociale ? Contrairement à ce que j'ai pu entendre ici ou là, les caisses
d'épargne sont donc non pas une curiosité à l'heure de la mondialisation, mais
une nécessité. Les banques privées sont lancées dans une course au gigantisme,
sont essentiellement préoccupées par la gestion de grands portefeuilles,
l'ingénierie financière, les activités de marché, et n'ont plus les yeux de
Chimène que pour un taux de rentabilité de l'ordre de 15 %.
M. Michel Sergent.
Très bien !
M. Jean-Louis Carrère.
Dans ce contexte, qui s'intéressera encore aux petits comptes, aux petites
entreprises locales, au secteur social, au développement de l'épargne des
couches populaires ?
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Jean-Louis Carrère.
Qui diffusera un capital risque de proximité et solvabilisera des demandes de
financement qui ne trouveront pas intérêt auprès de banques uniquement
préoccupées de rentabilité à court terme ?
La diversité des objectifs et des statuts est donc toujours une bonne chose
pour le financement d'une économie qui ne peut être résumée à ce casino mondial
dont nous voyons jour après jour les effets dévastateurs.
Quel serait l'intérêt d'une uniformisation des statuts et quel serait
l'intérêt pour notre économie d'une banalisation des caisses d'épargne ? Cette
nécessité de statuts diversifiés est d'ailleurs bien comprise par nos
concitoyens. Un sondage réalisé voilà quelques années a montré que les Français
considéraient que les caisses d'épargne avaient un rôle particulier à jouer
dans le paysage bancaire français avec une mission d'intérêt général. Le slogan
de l'Ecureuil : « Faire de la banque autrement » est donc bien compris et
pertinent aux yeux de ses clients.
L'adaptation du statut doit donc au contraire s'effectuer, selon nous, dans la
tradition et la vocation des caisses d'épargne, résumées par quatre grands
principes approuvés à l'unanimité en 1983 par le Parlement : le caractère non
lucratif ; la promotion et la collecte de l'épargne, le développement de la
prévoyance en vue de la satisfaction des besoins familiaux et collectifs ;
l'utilisation des ressources au profit de l'économie sociale et locale, en
liaison avec les collectivités territoriales ; enfin, la primauté du rôle des
caisses d'épargne dans le financement du logement social et dans l'aménagement
du territoire.
La réforme des statuts doit même renforcer cette vocation spécifique des
caisses d'épargne dans l'aménagement du territoire, le développement économique
local, en partenariat avec les collectivités territoriales et le soutien aux
catégories les moins aisées de la population.
La réforme doit également permettre aux déposants de mieux participer au
contrôle de leur caisse, dans l'esprit de la tradition mutualiste française.
C'est également l'occasion de préciser la nature et les composantes du réseau
afin de renforcer la cohérence des actions, même si le réseau doit rester
décentralisé.
Monsieur le ministre, il nous semble que la réforme que vous nous proposez, au
nom du Gouvernement, doit permettre de réaliser cette nécessaire adaptation
dans le respect des spécificités des caisses d'épargne et de leur vocation
historique. C'est pourquoi nous la soutenons.
En effet, le projet de loi affirme et étend les missions d'intérêt général des
caisses d'épargne, maintient leur caractère propre, qui veut que le profit ne
soit pas leur objectif exclusif, en en faisant une banque coopérative, et
renforce la cohérence et la gestion des caisses.
Le premier élément fondamental du texte touche au statut des caisses
d'épargne, qui sera désormais celui d'une banque coopérative. A l'encontre
d'une société commerciale classique, dont l'objet premier est la réalisation de
profits, elles conservent bien leur caractère propre et voient ainsi leur
positionnement historique spécifique renforcé. Ce choix de la coopération ouvre
également la voie à une plus grande participation des déposants.
Mais cela ne serait pas suffisant pour sauvegarder leur spécificité.
Ce statut coopératif est donc complété par une reconnaissance explicite des
missions d'intérêt général assumées par les caisses d'épargne : c'est le
deuxième élément fondamental du projet de loi.
Parmi ces missions, le texte énumère la participation à la mise en oeuvre des
principes de solidarité et de lutte contre les exclusions, la promotion et la
collecte de l'épargne, le développement de la prévoyance, la contribution à la
protection de l'épargne populaire et au financement du logement soacial. Notons
qu'il « sanctuarise » le livret A en l'incluant dans les missions d'intérêt
général des caisses.
La banalisation du livret A, souhaitée par M. le rapporteur et M. le président
de la commission des finances, serait dangereuse pour le réseau. Elle
aboutirait à une remise en question du financement du logement social et
supprimerait l'instrument financier privilégié des ménages à faibles
revenus.
Les principes posés en 1983 sont donc repris, explicités et renforcés par le
projet de loi.
Enfin, troisième étage du dispositif d'affirmation et de développement de la
spécificité des caisses d'épargne, une partie des résultats sera affectée au
financement de projets d'économie locale et sociale, ainsi que - c'est un ajout
de l'Assemblée nationale - au financement de projets contribuant à la
protection de l'environnement et au développement durable du territoire.
Gageons d'ailleurs que, dans cette affaire, seront respectées toutes les
aspirations locales qui sont compatibles avec l'aménagement du territoire et
l'environnement, notamment certaines pratiques ancestrales dans lesquelles je
me reconnais et qui ont cours dans cette région du sud de la France où j'ai
l'honneur et le plaisir de vivre.
M. Denis Badré.
La cynégétique !
M. Jean-Louis Carrère.
Vous l'avez tous compris, je veux en effet parler de pratiques populaires
comme la chasse !
(Sourires.)
L'affectation au financement de ces projets ne pourra être inférieure au
tiers des sommes disponibles après la mise en réserve. Cet élément complète les
missions d'intérêt général et confirme la vocation locale et sociale des
caisses d'épargne ; nous proposerons d'ailleurs que cette affectation soit
prévue dès l'article 1er.
Au-delà de ces éléments fondamentaux, le projet de loi permet également de
renforcer la cohérence et l'efficacité de la gestion des caisses d'épargne.
Les caisses d'épargne, jusqu'ici seulement « chapeautées » par un groupement
d'intérêt économique, le Centre national des caisses d'épargne et de
prévoyance, ou CENCEP, et par une caisse centrale des caisses d'épargne, auront
désormais un véritable chef de réseau : la Caisse nationale des caisses
d'épargne et de prévoyance, société anonyme à directoire et conseil de
surveillance.
La cohérence du réseau en sera
de facto
renforcée, d'autant que la
Caisse nationale disposera de larges prérogatives pour fédérer et contrôler le
réseau : les caisses d'épargne y seront affiliées, de même que tout
établissement contrôlé par les caisses d'épargne ou nécessaire au bon
fonctionnement du réseau. Le directoire nommera d'ailleurs un censeur dans
chaque caisse ou établissement affilié.
Le capital de la Caisse nationale sera détenu au moins à 60 % par les caisses
d'épargne. La Caisse des dépôts et consignations, partenaire naturel et
historique des caisses d'épargne, sera appelée à en détenir un peu plus de 30
%, le niveau exact de sa participation devant être défini par un pacte
d'actionnaire. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous apporter des
éclaircissements sur le rôle de cet actionnaire minoritaire, sur sa présence
dans l'avenir, et nous indiquer à qui ira ou pourrait aller le reste du capital
?
La Caisse nationale sera dirigée par un directoire et un conseil de
surveillance qui comprendra des membres élus par les salariés. D'où cette
deuxième série d'interrogations : comment seront répartis les sièges ? Quatre
pour la Caisse des dépôts et consignations, deux pour les salariés, deux pour
les conseils d'orientation et de surveillance, quatre présidents de directoire
? De plus, que veut dire « élus par les salariés » ? La procédure risque d'être
lourde si 42 000 agents sont appelés à voter !
La représentation des sociétaires sera assurée par une association, la «
fédération nationale », qui aura également pour rôle de coordonner les actions
du réseau, de contribuer à la définition des orientations sociales, de veiller
au respect des règles déontologiques et de définir les orientations des projets
d'économie locale et sociale.
Il est impératif que, à côté de la Caisse nationale, que l'on peut considérer
comme l'exécutif du réseau, cette fédération nationale soit composée en
majorité de présidents ou de représentants des COS.
L'élément le plus spécifique du nouveau statut concerne les groupements locaux
d'épargne, qui font également l'objet d'une formidable divergence avec la
majorité de la commission. Ces sociétés coopératives à capital variable
détiendront les parts sociales des caisses. On peut légitimement s'interroger
sur l'intérêt de cet échelon intermédiaire. Peuvent être sociétaires les
particuliers ayant effectué des opérations de banque dans une caisse d'épargne,
ce qui représente aujourd'hui 28 millions de personnes pour la France entière,
les salariés, les collectivités territoriales, ainsi que toute personne
physique ou morale qui entend contribuer par des apports financiers à la
réalisation des objectifs des caisses d'épargne.
Il fallait assurer l'existence d'un lien étroit et permanent entre la caisse
d'épargne et ses nombreux propriétaires, tout en permettant à chaque sociétaire
de s'exprimer à un niveau pertinent en termes de proximité et de prise en
compte de son expression.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est ce que nous proposons !
M. Jean-Louis Carrère.
Cette construction, du fait de la spécificité des caisses d'épargne, se
comprend donc. Et quand on vit à l'intérieur du réseau, on le comprend d'autant
mieux.
Un problème doit cependant être soulevé : il est étrange que le projet donne
un pouvoir régalien aux directoires des caisses d'épargne en matière de
création et d'implantation des groupements locaux d'épargne, ainsi que dans la
désignation de leurs administrateurs. Pardonnez-moi, mais, pour un républicain
comme moi, la légitimité vient de l'élection.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère.
Il faut donc que les COS soient au moins consultés sur l'organisation des
groupements locaux d'épargne, ou même qu'ils y soient associés.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il vaudrait mieux supprimer les groupements locaux d'épargne
!
M. Jean-Louis Carrère.
A défaut, nous connaîtrions les errements de directoires désignés par les COS,
lesquels directoires, par la suite, créeraient et organiseraient les GLE.
Enfin, les modes de négociation collectives des caisses d'épargne sont adaptés
: ils se rapprochent du droit commun de la négociation sociale, même si
certaines spécificités sont maintenues. Monsieur le ministre, entre le droit
actuel et le droit commun, nous aurions préféré que la balance penche plutôt en
faveur du premier. En effet, à condition que le droit actuel soit toiletté, il
nous apparaît comme offrant une procédure intéressante de négociation d'accords
collectifs.
Cela étant, nos principales interrogations concernent la periode de
transition.
Le capital initial des caisses sera égal à la somme des dotations statutaires
de chaque caisse arrêtée au 31 décembre 1997, soit 18,8 milliards de francs. Il
sera composé de parts sociales et de certificats coopératifs d'investissement,
en pratique environ 13 milliards de francs de parts sociales et 5,8 milliards
de francs de certificats coopératifs.
Monsieur le ministre, nous ne sommes pas totalemetn rassurés sur la contrainte
que va faire peser un tel montant à placer sur une aussi courte période.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Tout à fait d'accord !
M. Jean-Louis Carrère.
Je ne vous demanderai pas de doubler cette période ; cela donnerait à penser
que le groupe des caisses d'épargne ne serait pas capable, en quatre ans, de
placer ses parts sociales ; cela voudrait dire aussi que, collectivement, nous
aurions fait une erreur d'appréciation. Dès lors, un doublement de la période
serait inadaptée à l'enjeu.
Toutefois, modifier ce délai à la marge, en le portant de quatre ans à cinq
ans, et réduire la masse demandée pourraient nous permettre d'envisager la
réforme avec plus de sérénité.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cela va dans le bon sens !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Tout cela progresse !
M. Joël Bourdin.
Bravo !
M. Jean-Louis Carrère.
Enfin, monsieur le ministre, ainsi que je le disais au début de mon propos,
votre réforme va dans le bon sens eu égard aux attentes des déposants, eu égard
aussi à la configuration du paysage financier français et européen.
J'insiste, au nom du groupe socialiste, sur la nécessité absolue de faire en
sorte que cette réforme puisse être prise à bras-le-corps par les salariés,
dont nous aurons le plus grand besoin pour la mener à son terme.
Vous l'avez bien compris, monsieur le ministre, au-delà de ses interrogations,
le groupe socialiste approuve les objectifs et les modalités essentielles de
cette réforme, qui vise à permettre au réseau des caisses d'épargne de
consolider sa place de grand réseau bancaire à vocation locale et sociale.
Nous vous soutiendrons, en particulier, contre ceux qui veulent supprimer la
vocation sociale spécifique des caisses d'épargne en les réduisant à un groupe
bancaire comme les autres.
(Applaudissements sur les travées socialistes. -
MM. Delfau et Loridant applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos
sera centré sur la première partie du projet de loi, qui concerne la réforme
des caisses d'épargne. Mon excellent collègue et ami Marcel Deneux consacrera
tout à l'heure l'essentiel de son intervention à l'autre volet du dispositif,
relatif à la sécurité financière.
A l'instar de la plupart des caisses d'épargne européennes - c'est à dessein
que je démarre sur cette référence, qui me paraît s'imposer dans ce débat -,
les caisses d'épargne françaises constituent un acteur de premier plan dans le
paysage financier : en termes de fonds propres, comme le constate le très clair
rapport Douyère, elles figurent au second rang des banques françaises avec plus
de 65 milliards de francs.
Sur un plan plus qualitatif, le réseau se caractérise par une forte assise
locale - il constitue le deuxième parc d'agences en France - et par des tarifs
bancaires très compétitifs. En effet, selon une récente enquête réalisée par la
Confédération de la consommation, deux des trois banques les moins chères de
France seraient des caisses d'épargne. Au-delà d'un succès incontestable, il
s'agit également d'une institution en perpétuelle évolution depuis sa création,
au début du xixe siècle.
La préservation du rôle très particulier et irremplaçable que jouent les
caisses d'épargne recueille incontestablement un large consensus, qui efface
les clivages politiques ou idéologiques classiques. Mais ce consensus ne doit
pas nous faire oublier l'impérative nécessité pour le réseau de s'adapter, ce
qui est vrai dans l'ensemble des secteurs marchands, mais en particulier dans
le secteur financier et bancaire, actuellement en profonde mutation.
Ce qui est en cause, c'est l'avenir des caisses et de leurs personnels mais ce
sont aussi les intérêts des épargnants et de l'ensemble de leurs partenaires,
au rang desquels figurent évidemment les collectivités locales, chères à la
Haute Assemblée.
S'adapter aux réalités du monde moderne tout en restant fidèles à la vocation
forte et originale des caisses d'épargne, à savoir la collecte de l'épargne
populaire et le financement du logement social, tel est le défi auquel sont
durablement confrontés les responsables du réseau.
A cet égard, la création du Marché unique européen en 1993 et la mise en place
de l'euro le 1er janvier dernier ont accéléré le processus en cours. Cette
indispensable évolution, entamée dans les années soixante, a tout d'abord
permis d'élargir les services et les produits offerts : l'épargne-logement dès
1965, les comptes de chèques en 1978, l'accès aux marchés internationaux grâce
à la loi du 1er juillet 1983.
La réforme de 1983 constituait, par ailleurs, une première étape dans
l'évolution du statut des caisses, devenues alors établissements bancaires à
but non lucratif.
La loi de 1991 devait permettre l'indispensable restructuration du réseau,
menée dans un climat de dialogue social très constructif que nous devons tous
saluer.
A présent, le caractère de concurrence ouverte du marché financier et bancaire
révèle certaines fragilités qui pourraient mettre, à terme, en danger la
pérennité de l'institution. Il restait à franchir un nouveau cap avec,
notamment, la reconnaissance du caractère lucratif et la constitution d'un
véritable sociétariat.
Le projet de loi dont nous sommes saisis va dans ce sens - M. Lambert l'a
souligné avec le talent que nous lui connaissons - et il est effectivement
attendu avec impatience à la fois par les instances dirigeantes du réseau et,
apparemment, par une majorité des salariés, conscients des nouvelles
contraintes économiques qui pèsent sur leur entreprise.
Les membres du groupe de l'Union centriste et moi-même avons eu l'occasion de
rencontrer les différents interlocuteurs, dont l'adhésion est évidemment
indispensable à la réussite de la nouvelle réforme.
Cette adhésion semble assez largement comprise à l'intérieur des caisses. La
qualité de la concertation engagée par l'actuel gouvernement et par son
prédécesseur semble appréciée, et de bon augure.
La commission des finances, qui suit ce dossier de façon très approfondie
depuis de nombreuses années, a fait du bon travail. MM. Lambert et Marini se
sont eux-mêmes très directement impliqués dans cet exercice.
Sur toutes les dispositions qui posent encore problème, sur toutes les
imperfections qui subsistent dans le texte qui nous arrive de l'Assemblée
nationale, il nous faut trouver des solutions acceptables. Il vous
appartiendra, monsieur le ministre, de nous faire connaître vos réactions sur
les différentes mesures que nous avons proposé d'introduire, mais j'ai le
sentiment qu'un accord d'ensemble devrait être possible.
La majorité sénatoriale souscrit à la philosophie globale du dispositif : le
statut coopératif constitue bien, dans le contexte actuel, une bonne réponse
aux problèmes des caisses d'épargne, à condition de ne pas imposer au réseau
des contraintes ou des lourdeurs qui seraient exorbitantes par rapport à une
loi de 1947 qui a fait ses preuves. Mais il est certain, par ailleurs, que les
changements très rapides que connaît aujourd'hui le monde bancaire pourraient
imposer dans un avenir proche de nouvelles évolutions ; j'y reviendrai. M.
Lambert nous invitait d'ailleurs à être très audacieux et à engager une
réflexion prospective.
A l'heure actuelle, le statut coopératif semble bien adapté par rapport aux
besoins et aux spécificités des caisses d'épargne. Les difficultés du réseau
proviennent avant tout d'une insuffisante rentabilité des fonds propres dans un
contexte de concurrence accrue au niveau européen ainsi que de coûs de gestion
trop élevés. Ainsi, de 1994 à 1997, les frais de gestion ont progressé plus
vite que le produit national brut, ce qui dénote, en particulier, une maîtrise
insuffisante de certaines dépenses de fonctionnement. Mais, surtout, comme le
note également M. Douyère dans son rapport, la rentabilité des caisses
n'atteint pas celle des principaux établissements de crédit français, elle-même
déjà relativement faible par rapport à celle de leurs concurrents européens.
Rappelons que la rentabilité moyenne des banques mutualistes est de 6 %, alors
que celle des caisses avoisine 3 %.
L'émergence d'un vaste sociétariat s'appuyant sur des millions de «
clients-sociétaires », ambition du projet de loi, est à présent une nécessité.
Devenu banque à part entière, le réseau des caisses d'épargne pourra accorder
des prêts aux entreprises faisant publiquement appel à l'épargne et jouer ainsi
pleinement son rôle dans le développement économique et social, tout en
préservant ses attributions traditionnelles. Cela va évidemment dans le bon
sens, nul ne le contestera.
A ce propos, la réforme s'inspire directement de l'organisation d'une très
grande banque coopérative que j'ai personnellement connue de près alors que je
travaillais dans le secteur de l'agriculture : le Crédit agricole.
Mon collègue et ami Marcel Deneux parlera sans doute avec beaucoup plus
d'éloquence de ce grand établissement bancaire, mais permettez-moi de m'arrêter
sur cet exemple pour voir dans quelle mesure nous pouvons tirer des
enseignements des succès et des difficultés rencontrés par le Crédit
agricole.
Banque de proximité avec ses cinq mille sept cents agences, très
décentralisée, offrant à ses clients des services de grande qualité à un coût
réduit, le Crédit agricole est devenu une référence dans le secteur de
l'économie sociale.
Il est bon que cette référence ait largement guidé la réflexion des promoteurs
du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, car elle est riche
d'enseignements.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Symbole de rigueur financière, resté assez en dehors des spéculations
immobilières des années quatre-vingt, le Crédit agricole avait déjà des points
communs avec le réseau des caisses d'épargne, à une différence près : son
statut de société lui a permis de renforcer encore ses positions au sein d'un
monde financier européen en pleine restructuration. Ce mouvement se poursuit.
Le crédit agricole figure ainsi parmi les cinq premiers groupes bancaires en
Europe. Il est à présent candidat à la reprise de 10 % du capital du Crédit
Lyonnais et envisage des alliances avec quelques grands groupes d'assurance
européens. C'est à une telle latitude stratégique qu'aspirent désormais
l'ensemble des responsables du réseau des caisses d'épargne.
M. Jean-Louis Carrère.
Et voilà !
M. Denis Badré.
La mise en place d'un actionnariat initial ne suffit pas : il faut qu'il
puisse s'élargir et donc que les caisses d'épargne soient en mesure d'offrir à
leurs sociétaires des conditions de rémunération suffisamment attractives. Là
réside l'une des faiblesses de ce projet de loi. Il faudra la corriger. En ce
sens, l'obligation pour les caisses d'épargne d'affecter une partie de leur
résultat distribuable au financement de projets d'intérêt général est
bienvenue, mais elle pose un vrai problème.
De telles contraintes financières inspirées par des motifs qui relèvent aussi
de choix non financiers risquent fort, en effet, d'avoir un effet dissuasif à
l'égard d'éventuels investisseurs. Cette mesure paraît d'ailleurs irréaliste,
huit caisses sur trente-quatre étant actuellement déficitaires.
Et pour celles qui pourront - et devront alors - respecter cette obligation,
la question se posera de savoir qui appréciera le caractère d'intérêt général
des projets soumis. C'est une vraie question. Faute d'y répondre
intelligemment, c'est l'image du réseau qui risque elle-même d'être
compromise.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Denis Badré.
Il serait donc bien préférable de laisser à chaque caisse une plus grande
liberté dans l'utilisation de ses résultats, cela, bien sûr, dans l'intérêt du
réseau lui-même mais aussi dans celui de ses clients, de ses partenaires et
même des promoteurs de projets d'intérêt général, car les projets retenus
pourront alors bénéficier d'un soutien financièrement plus significatif et,
très généralement, d'un appui nettement plus résolu, engagé et personnalisé.
Alléger les contraintes financières pesant sur le réseau est également l'objet
des principaux amendements présentés par la commission des finances du Sénat.
Ils sont inspirés par un double souci de souplesse et d'efficacité. Le groupe
de l'Union centriste les votera, qu'il s'agisse de l'allongement du délai
accordé aux caisses pour placer leurs parts sociales dans le public ou du
remplacement des groupes locaux d'épargne par des sections locales d'épargne,
bien plus adaptées à l'animation du sociétariat. Je n'y reviens pas, sinon pour
dire que la référence au Crédit agricole est encore très intéressante. Monsieur
le ministre, il faut en tirer tous les enseignements.
Pour nous, priorité doit être donnée au renforcement et à l'amélioration de la
rentabilité des caisses, faute de quoi la réforme resterait inachevée, sinon
tout à fait vaine.
M. Jean-Louis Carrère.
Pour vous, il n'y a que le Crédit agricole !
M. Denis Badré.
Elle pourrait même avoir des effets pervers sur un réseau qu'elle entend
défendre.
Cela dit, même amendée, cette réforme ne peut être une fin en soi. Comme M. le
président de la commission l'a souligné, elle n'est qu'une étape importante
dans la modernisation inéluctable de l'une des structures financières les plus
anciennes et les plus enracinées dans notre pays. Dans la perspective de
futures alliances européennes, d'autres modifications de nature statutaire
seront certainement nécessaires.
Nous devrons rester très attentifs, en particulier, à l'évolution du statut
des caisses d'épargne de nos partenaires de l'Union européenne. Ainsi, les
caisses allemandes, qui représentent à elles seules près de 60 % du volume
d'affaires des caisses en Europe, devraient faire prochainement l'objet d'une
importante réforme, qu'il faudra suivre de près.
Si le réseau espagnol comporte beaucoup de similitudes avec le nôtre, les
caisses italiennes, depuis le début des années quatre-vingt-dix, ont été
scindées en deux entités distinctes avec des fondations, d'une part, des
établissements bancaires sociétés anonymes, d'autre part, ce qui leur confère
un incontestable dynamisme et pourrait aussi stimuler notre réflexion pour
l'avenir. Les rapprochements engagés avec ces différentes institutions doivent
être poursuivis et approfondis. Alors que l'Europe poursuit fortement sa
construction, il semble vraiment essentiel à l'Européen déterminé que je suis,
que les rapprochements entre ces entreprises soient facilités.
De façon plus générale, le monde bancaire en Europe connaît actuellement
d'importantes restructurations, dont la France est restée trop longtemps à
l'écart. Face aux géants américains ou japonais, des groupes bancaires
transnationaux sont en voie de constitution. Dans notre pays, les grandes
manoeuvres ne font que commencer ; les caisses d'épargne ne peuvent
l'ignorer.
En conclusion, la réforme proposée va dans la bonne direction. Sous réserve de
quelques améliorations, fondamentales sur certains points, elle permettra aux
caisses d'épargne d'améliorer leur compétitivité et d'affronter dans de
meilleures conditions la concurrence sur le marché européen.
Monsieur le président, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste
votera les amendements de la commission des finances et présentera quelques
propositions complémentaires, les uns et les autres étant destinés à renforcer
la cohérence du texte ou à gommer ce que nous considérons comme les faiblesses
d'un projet de loi globalement positif.
Notre objectif, au cours de ce débat, est bien de mettre les caisses d'épargne
sur un pied d'égalité avec les banques coopératives puisqu'il leur permettra de
poursuivre solidement et clairement l'effort engagé dans le sens d'une
diversification de leurs activités, et notamment, bien sûr, de mieux exercer
leur rôle de prêteur en faveur du secteur public local.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste. - M. le président de la commission et M.
le rapporteur applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la ville,
dans l'imaginaire du Français, c'est évidemment une mairie, une église, une
place, un marché et aussi, pas trop loin de là, la caisse d'épargne.
M. Jean-Louis Carrère.
Et le Crédit agricole !
M. Joël Bourdin.
En effet, dans tous les gros bourgs et les villes existe, depuis presque deux
siècles dans certains cas, la caisse d'épargne, lieu souvent bien matérialisé
et bien visible que chacun peut localiser avec certitude tant il fait partie du
contexte local, voire du patrimoine de la commune. Il est vrai que nombreux
sont les Français qui le fréquentent, comme déposants, détenteurs de livrets ou
emprunteurs, puisqu'un peu plus de vingt-cinq millions d'entre eux y détiennent
un livret ou un compte.
C'est dire que toute réforme des caisses d'épargne rencontre un large écho
dans la population et doit être entreprise avec circonspection et prudence,
dans un esprit consensuel.
Issues d'une histoire longue et toute dédiée à la promotion de l'épargne
populaire et de son affectation sociale dans un cadre local, les caisses
d'épargne se sont toujours tenues à l'écart des mouvements frénétiques de la
spéculation immobilière, boursière et internationale à laquelle ont succombé de
nombreuses institutions financières autrement plus dotées en capital et en
conseils d'administration dorés sur tranche.
Les caisses d'épargne, c'est l'histoire édifiante d'un Petit Poucet qui s'est
bien gardé de gâcher ses noisettes, pour faire son chemin parmi des ogres de
papier. Imprudents et bravaches, ces ogres ont perdu leurs bottes de sept
lieues et supplient maintenant le Petit Poucet d'aller moins vite en lui
imposant des semelles de plomb !
(Sourires.)
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Joël Bourdin.
Car c'est un peu de cela qu'il s'agit !
Monsieur le ministre, les caisses d'épargne n'ont pas peur de la réforme :
depuis cent quatre-vingts ans, elles ont été de réforme en réforme, souvent en
les sollicitant elles-mêmes. Celle que vous prônez, telle qu'elle a été
transmise par l'Assemblée nationale dans ses grands traits, les caisses
d'épargne l'aient souhaitée, en accord avec les principales propositions
formulées par M. Lambert, au nom de la commission des finances du Sénat. Mais
il n'est pas convenable d'assortir la mutation juridique programmée de
conditions qui risquent de contraindre les caisses d'épargne, en restreignant
pour l'avenir les moyens dont elles ont besoin pour assurer leur modernisation
et leur croissance.
Evoquer l'histoire des caisses d'épargne est un réel plaisir, car, sous
l'impulsion de quelques personnalités généreuses, elle est jalonnée par la
réalisation de quelques utopies sociales, et marquée par l'émergence et le
développement de l'épargne individuelle populaire. Car, ne l'oublions jamais -
c'est un trait qui demeure - les caisses d'épargne ne drainent, depuis leur
création, que de la petite épargne chèrement acquise, distraite d'un petit
salaire, d'une petite retraite ou d'une petite pension.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Tout à fait !
M. Joël Bourdin.
C'était cela, à l'origine, et c'est encore vrai aujourd'hui. Les caisses
d'épargne ont popularisé l'acte d'épargne auprès de populations dont le niveau
de revenu justifiait pourtant une totale affectation à la consommation. De
même, elles ont joué un rôle indéniable, bien que méconnu, dans la formation
progressive de l'épargne française, dont on sait qu'elle est le moteur et la
condition de l'investissement.
Depuis sa création, la caisse d'épargne s'affirme comme une institution
remplissant une fonction économique fondamentale au sein de la société ! En
1818, l'idée révolutionnaire de collecter l'épargne des catégories sociales
exposées aux aléas financiers va susciter une relation nouvelle à l'argent,
fondée sur son bon usage, tout en contribuant au bien public.
En effet, les pères fondateurs, Benjamin Delessert et François La
Rochefoucauld-Liancourt, en créant la première caisse d'épargne à Paris, ont eu
une démarche fortement imprégnée de motivations d'ordre à la fois social et
pédagogique.
Dans une période de forte incertitude pour une large frange de la population,
il s'agissait d'enseigner les bienfaits de la bonne utilisation de l'argent
conservé à l'aide de l'épargne.
A partir de 1837, s'enclenche un processus de réformes diverses - les plus
récentes sont celles de 1983 et de 1990 - qui vont donner aux caisses d'épargne
leur physionomie actuelle.
Aujourd'hui, il convient de souligner combien les efforts mis en oeuvre par le
réseau des caisses d'épargne, sur le plan tant de l'évolution de l'organisation
que du point de vue commercial, sont prometteurs.
Huit ans après la première réforme, le pari a été tenu et le développement du
groupe Caisse d'épargne a été spectaculaire.
En quelques années, la reconfiguration du réseau a eu lieu.
Sur le plan international, le groupe participe au capital de plusieurs
filiales et vient d'acquérir, voilà quelques mois, en décembre 1998, 6 % du
capital de la caisse d'épargne de Gênes.
Dans le domaine de la diversification des activités d'épargne et de crédit, le
pari est réussi. Aujourd'hui, le groupe Caisse d'épargne est le deuxième
établissement financier français par le total des dépôts et placements
gérés.
Le réseau de vente de proximité a été profondément rénové.
Par ailleurs, le grand développement des activités et des métiers du groupe a
nécessité un redéploiement des effectifs vers les fonctions commerciales. Il a
également mobilisé des moyens importants en termes de formation et de gestion
des carrières. En effet, trois quarts des salariés sont désormais formés aux
nouvelles techniques de vente.
Les équilibres financiers ont été maîtrisés. Par la poursuite d'une politique
prudente dans ce domaine - je rappelle qu'elles n'ont jamais été mêlées aux
spéculations immobilières - les caisses d'épargne ont obtenu, dans un
environnement difficile, des résultats financiers réguliers et positifs. La
progression des fonds propres a permis de conforter la solidité financière du
groupe, qui est attestée par une bonne notation de ses émissions.
Du point de vue social, afin de résoudre le déficit structurel de la CGR,
Caisse spécifique gestionnaire du régime de retraites des salariés, le CENCEP a
engagé une concertation interne. Il a notamment proposé son adhésion à l'AGIRC,
l'Association générale des institutions de retraite des cadres, et à l'ARRCO,
l'Association des régimes de retraites complémentaires, la mise en place d'un
régime complémentaire, ainsi qu'un régime de maintien de droits pour les
cotisations versées dans le passé par les salariés actuellement présents dans
le groupe. En 1997 et en 1998, le CENCEP a constitué d'importantes provisions
afin d'étaler dans le temps la gestion du passif social de la CGR.
M. Jean-Louis Carrère.
Surtout les caisses !
M. Joël Bourdin.
Alors qu'il connaît une évolution sans précédent, le groupe Caisse d'épargne a
sans cesse affirmé sa place et son rôle original dans le secteur bancaire
français et européen. Le défi de la diversification a été relevé, et le choix
de la proximité s'avère correspondre aux attentes des clients. Les caisses
d'épargne ont ainsi démontré leur capacité à s'adapter aux fortes évolutions du
contexte bancaire. Nous devons être fiers de ces évolutions, car elles
témoignent d'un véritable dynamisme du réseau des caisses d'épargne, lequel a
su évoluer avec son temps, avec l'appui consensuel du législateur. Cela nous
sort de la routine de la pensée unique, qui tendrait, si nous n'étions pas
vigilants, à confiner les formes juridiques à la seule société anonyme dominée
par les fonds de pension étrangers.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées socialistes. - M. Gérard Delfau applaudit également.)
Mais si la réforme est bienvenue, il demeure que, dans sa rédaction actuelle,
le texte qui nous est soumis fait peser sur l'avenir des caisses d'épargne des
contraintes et des incertitudes qui pourraient, si elles n'étaient pas allégées
ou annulées, entraver la marche de celles-ci vers la diversification et la
croissance.
M. le rapporteur de la commission des finances, avec son talent et son brio
habituels, a évoqué les lourdeurs encombrant le texte qui est soumis à notre
examen. Je ne m'appesantirai pas sur l'ensemble de celles-ci, car nous y
reviendrons lors de l'examen des articles. Je me permettrai en cet instant de
revenir sur trois d'entre elles. Elles concernent la fixation du niveau du
capital global des caisses d'épargne - article 21 - les contraintes de
l'affectation des résultats - article 6 - et l'absence de dispositif permettant
la réalisation d'opérations de partenariat et d'alliance.
M. Philippe Marini a excellemment évoqué le niveau du capital initial avec des
arguments qui conviennent. Il est en effet surprenant qu'aucune réflexion
économique et financière n'ait réellement précédé l'affirmation de la nécessité
d'arrêter le niveau du capital global des caisses d'épargne à 18,8 milliards de
francs. Même si le texte qui nous parvient de l'Assemblée nationale se réfère
au « montant des dotations statutaires de chacune des caisses » en semblant
donner une justification juridique à cette proposition, il ne faut pas être
dupe ! Les dotations statutaires constituées par les caisses d'épargne sont
dues au hasard, à des arbitrages le plus souvent locaux, de nature plus
comptable que juridique.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Effectivement !
M. Joël Bourdin.
Elles ne peuvent pas, de bonne foi, être assimilées au capital social des
sociétés commerciales. A la vérité, le chiffre auquel on passerait en
appliquant l'actuel article 21 est purement arbitraire,...
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Absolument !
M. Joël Bourdin.
... et je ne vous étonnerai pas, monsieur le ministre, en vous rappelant que
nous sommes ici en face d'un problème d'optimum à réaliser, lequel tient
compte, notamment, de la capacité des caisses d'épargne à rémunérer par
affectation de leurs résultats une telle masse de capital, mais aussi des
contraintes supportées par ailleurs par les réseaux concurrents de forme
mutualiste. Est-il vraiment raisonnable de passer d'un système sans contrainte
de distribution, qui, selon les concurrents, favoriserait les caisses
d'épargne, à un système de distribution excessive, qui ne favoriserait que
leurs concurrents ? Certainement pas !
Au terme de mes propres calculs, j'étais parvenu à un optimum de capital situé
entre 13 et 14 milliards de francs. Le rapporteur, M. Philippe Marini, parvient
à une fourchette légèrement élargie et différente. Mais comme j'ai bien le
sentiment que la science financière n'est pas une science exacte, je lui laisse
le bénéfice du doute et voterai l'amendement qu'il a préparé à cet effet avec
la commission des finances.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Merci !
M. Joël Bourdin.
Sous le prétexte qu'il faut mettre tous les concurrents financiers dans des
conditions identiques, il ne serait pas normal de faire peser sur les caisses
d'épargne une contrainte qui les affaiblirait et entraverait leur essor.
Quant aux dispositions adoptées par l'Assemblée nationale et relatives aux
règles d'affectation nouvelles qui seraient imposées aux caisses d'épargne,
elles ne font guère honneur à la représentation nationale puisqu'elles visent à
organiser la dilapidation des résultats des caisses d'épargne.
En effet, dans son état actuel, le texte est conçu comme si le premier
objectif des caisses d'épargne était de participer à fonds perdus au
financement des projets d'économie locale et sociale. Une priorité dans
l'affectation des résultats disponibles est accordée à la distribution de
moyens favorisant l'économie locale sur la rémunération des détenteurs de
parts. C'est un véritable attrape-nigauds ! Comment peut-on imaginer qu'un tel
dispositif permetra de trouver suffisamment de souscripteurs pour les parts
sociales qui seront mises sur le marché ?
Les caisses d'épargne ont un but social, que ses fondateurs lui ont assigné,
qu'elles honorent et ont tenu à affirmer en créant la Fondation contre
l'exclusion et en s'imposant l'obligation d'un dividende social égal à 10 % de
leur résultat net. Aucun texte ne l'imposait, mais chaque caisse d'épargne,
sans contrainte, par la seule affirmation d'une volonté sociale, consacre
chaque année 10 % de son résultat net en faveur de la culture, du sport, de la
lutte contre la précarité et l'exclusion. C'est un honneur qu'elles se sont
imposé et qui n'a pas d'équivalent chez leurs concurrents. Alors que les
caisses d'épargne ont été exemplaires, on comprend mal que l'on veuille les
pénaliser en leur imposant une obligation minimale, mal pesée, qui risquerait,
par sa lourdeur, de les mettre en mauvaise position.
Oui, les caisses d'épargne ont, à l'évidence, un but social. C'est leur
gloire, leur passé et leur avenir. Mais elles sont modestes et fragiles. Il
faut se garder de les considérer comme les supplétifs des CCAS, les centres
communaux d'action sociale, ou des organismes divers dépendant de l'Etat et des
collectivités qui ont pour mission directe d'agir dans le domaine social.
A la lecture du compte rendu, publié au
Journal officiel,
des débats
de l'Assemblée nationale sur ce sujet, j'ai eu l'impression que certains
députés découvraient un trésor et essayaient de se l'approprier pour des
actions diverses. Il n'y a pas de trésor ! Nous sommes en face d'un
établissement financier en situation de concurrence, qui doit tout à la fois
s'imposer par rapport à ses concurrents, rémunérer convenablement ses porteurs
de parts et assurer un bon niveau d'investissement pour développer ses
activités.
Le texte initial du Gouvernement, tout en rappelant la nécessité, pour les
caisses d'épargne, de participer aux actions d'intérêt social et local, ne
fixait pas auxdites caisses ni aux conseils d'orientation et de surveillance de
minimum à leur financement. Cette disposition me semble raisonnable. Elle a été
reprise d'une certaine manière par la commission des finances. Bien évidemment,
je la voterai.
Enfin, en son état actuel, le projet de loi qui nous est soumis ne permet pas
aux caisses d'épargne de se lancer, par une procédure simple, dans des
opérations de partenariat et d'alliance. En effet, obliger un partenaire
éventuel à adhérer à un groupement local d'épargne pour participer au capital
d'une caisse d'épargne...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Est surréaliste !
M. Joël Bourdin.
... n'est pas de nature à faciliter des démarches qui exigent, le plus
souvent, la confidentialité.
Pour faciliter les participations croisées, les alliances, qui semblent dans
la nature des choses à l'heure actuelle, il faut trouver le moyen d'associer, à
de bons niveaux, des partenaires investisseurs sans pour cela passer par
l'usine à gaz des groupements locaux d'épargne.
M. Joseph Ostermann.
Très bien !
M. Joël Bourdin.
La proposition de la commission des finances consistant à supprimer l'article
relatif aux groupements locaux d'épargne me donne bien sûr satisfaction, car
ainsi on peut réaliser ce qui est souhaitable et qui semble moderne...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Très bien !
M. Joël Bourdin.
Monsieur le ministre, c'est avec beaucoup d'optimisme que j'aborde la
discussion d'un texte qui, dans ses grandes lignes, était attendu, souhaité par
les caisses d'épargne et suggéré par la commission des finances du Sénat. Tel
qu'il nous parvient, il est perfectible et le groupe des Républicains et
Indépendants s'attachera, en suivant sur l'essentiel les propositions de la
commission des finances, à le parfaire.
Anticipant toutefois sur la commission mixte paritaire qui se tiendra dans les
semaines à venir, je me permets d'ajouter que, sur un sujet aussi sensible, qui
concerne tout le monde, les nombreux usagers des caisses d'épargne, leur
personnel, leurs dirigeants, les collectivités locales, il serait dangereux de
ne pas aboutir à une rédaction consensuelle. Vos prédécesseurs, en 1983 et en
1991, sont parvenus à des réformes réussies car ils n'ont eu de cesse de
réaliser un accord entre les deux assemblées. Je souhaite bien évidemment que
vous soyez sur la même ligne. Je ne doute pas, d'ailleurs, que vous en ayez
l'intention. En effet, notre objectif est de promouvoir non pas une nouvelle
forme d'utopie sociale, mais simplement une nouvelle phase de développement
pour les caisses d'épargne.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - M. Pierre
Laffitte applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne suis
pas membre de la commission des finances de cette assemblée,...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Quel malheur pour elle !
M. Pierre Laffitte.
... mais, depuis plus de trente ans, je me passionne pour le développement
économique local et la création d'emplois à partir de matière grise et
d'innovation. Cela ne m'a pas empêché, notamment, de me préoccuper activement,
avec la commission des affaires culturelles et le groupe de travail Innovation
et entreprises, de la création d'un nouveau marché inspiré du NASDAQ, des
problèmes financiers à incidence sociale et de la création d'emplois, notamment
dans le domaine des fonds communs de placement de l'innovation. Aussi - cela ne
surprendra sans doute personne dans cet hémicycle - je m'exprimerai notamment
sur les interactions entre le projet de loi que nous examinons et la
participation active des caisses d'épargne dans la promotion et le financement
d'innovations.
Européen convaincu et connaissant assez bien l'autre partie du moteur de
l'Europe, que constitue notre voisin d'outre-Rhin, j'interviendrai, ensuite, en
faveur d'un rapprochement de nos caisses d'épargne avec les Sparkassen et
Landesbanken allemands qui fonctionnent selon les mêmes principes et les mêmes
finalités sociales, institutions qui sont ancrées au coeur de tous les
Allemands. Il y a là pour l'avenir, d'une part, de l'Europe et, d'autre part,
de nos caisses d'épargne une possibilité d'alliance fondamentale.
Enfin, j'insisterai sur l'intérêt de porter une attention particulière à la
formation du personnel. Il ne suffit pas, en effet, de modifier la loi ; il
faut que le personnel puisse acquérir des connaissances nouvelles, en
particulier dans le domaine des nouvelles technologies qui sont désormais
indispensables et qui connaissent, dans les domaines financiers et économiques,
un développement explosif puisque, sans elles, une institution financière est
condamnée à la récession.
Le premier point de mon intervention sera donc consacré aux caisses d'épargne
et au financement de projets d'économie locale et sociale.
Les caisses d'épargne proposent déjà, selon les cas, des financements, des
crédits à court et à moyen termes et des prestations liées à l'activité des
entreprises. La question essentielle que je me pose est la suivante : compte
tenu de leur insertion locale très forte, dont le principe est essentiel,
comment peuvent-elles participer au financement en fonds propres des petites et
moyennes entreprises, en particulier de celles qui se créent ? En France, les
fonds propres de ces entreprises sont globalement trop faibles et, par voie de
conséquence, leur taille est très limitée.
Or, dans notre pays, les très petites entreprises sont majoritaires. Elles
éprouvent souvent des difficultés à disposer d'un capital-développement.
En effet, aujourd'hui, les sociétés, les institutions financières qui
investissent quelque 7 milliards de francs par an pour les domaines de
capital-risque sont en majorité attirées beaucoup plus par le financement de
sociétés déjà matures que par la création ou le stade initial, qui
n'intéressent que 20 % d'entre elles. Ce sont là des chiffres très faibles
qu'il faut absolument développer.
Dans son exposé des motifs, le Gouvernement insiste sur le renforcement des
missions d'intérêt général et des principes de solidarité. Il y a là, dans ce
domaine, une mission d'intérêt général et une nécessité de solidarité, car le
développement de l'emploi - chacun le sait désormais et le répète - est une
priorité absolue mais passe essentiellement par le développement des petites ou
très petites entreprises, voire de l'artisanat.
C'est là qu'un réseau, tel celui des caisses d'épargne, peut avoir une action
influente, compte tenu de son implantation très générale.
Tout récemment, le Sénat a adopté le projet de loi sur l'innovation et la
recherche qui était présenté par le ministre chargé de l'enseignement supérieur
et de la recherche et dont j'étais rapporteur. Je me réjouis de la qualité des
débats que nous avons eus à cette occasion, et j'espère que la navette nous
permettra encore d'améliorer le texte.
L'innovation a constitué une opération importante en 1998. Des opérations déjà
engagées par les gouvernements précédents ont été poursuivies. Les colloques
sur l'innovation, dans les régions et les assises nationales, à la Villette,
ont précisé l'importance de l'innovation en matière de compétitivité
économique.
La création d'entreprises à forte capacité de croissance - on le voit dans les
pays les plus concernés par les technologies innovantes - constitue le moyen
efficace et sûr de créer la majorité des emplois directs et engendre la plupart
des emplois indirects. C'est le cas aux Etats-Unis, où plus de la moitié des
emplois directs créés proviennent de cette source. Avec les emplois indirects
créés, cela compense largement les emplois détruits par la modernisation
économique et la mondialisation.
En Europe, où plus de 400 000 emplois viennent d'être créés à partir des
seules nouvelles technologies de l'information et de la communication, d'après
le
Bulletin sur l'emploi et le fonds social européen,
de mars 1999, 450
000 autres sont attendus. Il y a lieu de s'en réjouir, modestement toutefois,
parce que nous aurions pu probablement en créer le double, si les structures
financières avaient été mieux adaptées.
Vous voyez donc, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le lien entre
les structures financières et la création d'emplois, notamment dans les
nouvelles technologies, est essentiel et très direct.
A cet égard, je me réjouis tout particulièrement de ce que le projet de loi
sur la modification, l'extension des pouvoirs du réseau des caisses d'épargne
vienne à point. Le Sénat le souhaitait depuis longtemps. Je n'ai d'ailleurs pas
le sentiment, je dois l'avouer, que de très grandes différences d'appréciation
existent quant au bien-fondé de ce qui nous est proposé par le Gouvernement. Le
président et le rapporteur de la commission des finances ont tous les deux
indiqué que ce projet de loi allait dans le bon sens. Des différences
d'interprétation sont apparues sur lesquelles notre ami Jean-Louis Carrère a
beaucoup insisté.
Mais, à l'écouter, je n'ai pas eu le sentiment qu'il s'agissait d'une
opposition frontale. J'ai en effet constaté des éléments très convergents, ce
dont je me réjouis tout particulièrement.
Nous aurions pu faire beaucoup mieux, en matière de création d'emplois en
particulier si les fonds de pension étaient au même niveau que dans les pays
anglo-saxons.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Très bien !
M. Pierre Laffitte.
S'agissant du problème des fonds de pension, nous savons tous que la présence
massive de fonds de pension, notamment américains, est à la fois un bienfait et
un danger pour l'économie européenne : c'est un danger, car ces fonds de
pension sont volatils - ce n'est pas le président d'Alcatel qui me contredirait
sur ce point - et c'est un bienfait, car ils nous sont indispensables dans la
mesure où nous n'en avons pas et où le financement à partir des autres moyens
est insuffisant.
L'article 24 du projet de loi prévoit la création progressive d'un fonds de
réserve à un niveau modeste. J'ai constaté que le président et le rapporteur de
la commission des finances considéraient que les sommes envisagées n'étaient
peut-être pas à la hauteur de l'objectif.
En revanche, l'affectation d'une faible partie de ces fonds de pension à des
investissements dans des fonds communs de placement dans l'innovation, les
FCPI, dans des incubateurs, ou dans des fonds d'amorçage me paraîtrait de
nature à augmenter singulièrement l'effort de l'Etat qui, si je ne m'abuse, est
de l'ordre d'une centaine de millions de francs. C'est mieux que rien, mais
c'est nettement insuffisant. Il faudra y ajouter les fonds privés qui,
certainement, sont prêts à s'y investir sous réserve que, par exemple, cela
puisse entrer dans la nouvelle définition des FCPI.
Sur ce point, je pense que le projet de loi sur l'innovation devra être
légèrement amélioré pour que cela soit techniquement possible. Comme je l'ai
dit à vos collaborateurs, monsieur le ministre, il faudrait déposer un
amendement à cet égard soit à l'Assemblée nationale, soit ici même, lors de
l'examen de ce texte en nouvelle lecture.
Mais le problème est ouvert s'agissant des sociétés de gestion de ces
incubateurs ou des fonds d'amorçage, qui seraient certainement très heureuses
d'avoir les caisses d'épargne dans leur capital. Je crois qu'il y va de
l'intérêt des caisses d'épargne, car cela garantit pour l'avenir des clients en
faisant naître une forme d'amitié avec les sociétés innovantes ainsi créées.
J'insisterai sur un deuxième point qui me paraît essentiel : l'exemple
allemand de financement des PME par les caisses d'épargne. Ces dernières, qui
représentent 19 % du chiffre d'affaires du système financier allemand,
bénéficient d'un statut public désormais ancré dans le système fédéral. Elles
servent de relais aux collectivités locales et assurent les activités
classiques de banques d'affaires ; elles bénéficient d'un fonds de garantie des
dépôts et d'une garantie directement apportée par les collectivités publiques.
Elles savent s'adapter à l'exacerbation de la concurrence en poursuivant une
politique de coopération, voire, dans certains cas, de fusion avec les
Landesbanken
.
Il n'existe pas, en France, de système fédéral.
Nous n'avons pas encore évoqué dans cette enceinte, s'agissant de ce débat,
les sociétés de développement régional.
Bien entendu, nous avons, en France, la Caisse des dépôts et consignations,
qui vaut largement un certain nombre de
Landesbanken
allemandes. Mais,
d'une certaine façon, n'irions-nous pas vers une forme de régionalisation de
certaines institutions bancaires avec le développement des régions en Europe -
je n'irai pas jusqu'à parler de « régions européennes » ou d'« Europe des
régions » ?
Le problème qui se pose est sans aucun doute de prévoir l'avenir dans ce
domaine. En tant que président de l'Association franco-allemande pour la
science et la technologie, je connais un certain nombre de personnalités
allemandes, je connais assez bien le fonctionnement des régions allemandes et
des chambres de commerce et d'industrie, qui ont probablement une influence
plus grande dans la dynamique des affaires qu'en France. Il y a beaucoup à
apprendre de ces institutions allemandes.
Je suggère donc que ce système financier allemand, proche, convivial, voire
amical - en tout cas, il est perçu comme tel par les particuliers et par les
petites entreprises - puisse conduire à l'instauration, par exemple, de stages
réciproques, d'envois d'experts. L'objectif est que les gens se connaissent
mieux : on ne peut être véritablement partenaires que si l'on se connaît bien.
Il y a là, à mes yeux, une opération importante pour que les deux moteurs de
l'Europe puissent se développer sur ce problème des situations
correspondantes.
Enfin, troisièmement, j'ai évoqué le problème complexe de l'apprentissage des
nouvelles technologies.
On pourrait également, me semble-t-il, assigner aux caisses d'épargne un rôle
un peu moteur sur les missions nouvelles qui sont liées à l'irruption du
commerce électronique, des banques sur Internet, etc.
Il est souvent plus facile, en matière de culture d'entreprise, de sauter
certaines étapes, notamment en matière de modernité. On sait que les Chinois,
par exemple, ont déjà sauté un certain nombre d'étapes pour les disques et sont
en train d'en sauter d'autres, notamment en matière de téléphone et d'usage des
réseaux de téléphone mobile.
Il est important qu'une formation et une incitation constantes puissent être
assurées. La population française, y compris les épargnants populaires, en
particulier les plus jeunes, pratique de plus en plus Internet et y constate
les nouvelles stratégies en matière financière, en matière de banque directe et
de commerce électronique. Il suffit de « surfer » un peu pour voir que cela se
développe.
Pour ma part, je souhaite que les caisses d'épargne puissent participer à ce
mouvement et que soit accompli un effort de formation des personnels dans ce
domaine. Je le fais déjà avec succès dans le cadre de la fondation
Sophia-Antipolis avec les postiers, lesquels ne sont pas connus pour être à la
pointe de la modernité : eh bien ! c'est la base des postiers qui a été la plus
dynamique en la matière, alors que, souvent, la hiérarchie était un peu
réticente.
M. Gérard Delfau.
Eh oui !
M. Pierre Laffitte.
Le même phénomène peut se développer dans les caisses d'épargne. Il y a là une
direction qui permettrait de progresser rapidement. En effet, nous sommes tous
très conscients de l'importance du caractère social que les caisses d'épargne
représentent.
Mais nous sommes tous très conscients du fait que ce caractère social ne
suffit pas à assurer une pérennité. Les Allemands connaissent exactement le
même problème : ils constatent une certaine diminution de l'attractivité des
caisses tout simplement parce que les gens sont plus mobiles qu'auparavant. Ils
ne sont plus toujours au même endroit. Ils changent un peu de localisation. En
France, ceux qui viennent à Paris ont alors moins de contacts directs avec la
caisse d'épargne que dans les villages évoqués par notre collègue Joël
Bourdin.
Certes, un danger de récession existe. Il est d'ailleurs partout. Si l'on ne
progresse pas, on régresse. Il faut donc que nous ayons toutes les cordes à
notre arc pour que les caisses d'épargne progressent.
Intervenir dans le capital-risque de proximité, dans les incubateurs et les
fonds communs de placement dans l'innovation, relever le défi des nouvelles
technologies et assurer une liaison forte avec les équivalents européens, et
notamment allemands, tels sont les trois thèmes, qui me paraissent importants,
monsieur le ministre.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Calmejane.
M. Robert Calmejane.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi qui nous est soumis a, certes, le mérite de vouloir aller dans le bon sens,
mais il a aussi le défaut regrettable de faire compliqué là où il eût été bon
de faire simple et d'être dépourvue de toute approche économique.
Les intentions du Gouvernement, sur la base du rapport Douyère, étaient de
donner enfin un statut aux caisses d'épargne, leur permettant ainsi d'agir avec
plus d'efficacité dans l'environnement bancaire.
C'est l'objet de la première partie du présent texte, sur laquelle je vais
vous livrer quelques-unes de mes réflexions, autorisé que je pense l'être par
l'attachement que j'ai porté depuis toujours à ces établissements d'épargne
populaire, partenaires privilégiés des collectivités locales, et par
l'expérience que j'ai acquise durant près de dix ans comme membre du conseil
d'orientation et de surveillance de la caisse d'épargne « Ile-de-France Paris
».
L'adaptation unanimement souhaitée des caisses, amorcée timidement par les
lois de 1983 et de 1991, ainsi que du système coopératif fondé sur la loi de
1947 justifie pleinement la démarche législative qui nous réunit aujourd'hui.
Toutefois, une longue tradition de tutelle de l'Etat sur le réseau chargé de
collecter les fonds déposés sur les livrets A dans le cadre d'un monopole a
perverti la réflexion des auteurs de la réforme.
Il eût été simple, en effet, que les caisses vendent elles-mêmes leurs parts
sociales, établissant un lien direct et dynamique entre les sociétaires et
l'institution, la création d'assemblées locales parachevant la convivialité
souhaitable.
Pourquoi ne pas faire confiance au bon sens des membres du réseau, employés et
clients, plutôt qu'à une construction intellectuelle complexe, véritable usine
à gaz, violant au demeurant les termes de la loi de 1947 ? On prétend dans le
même temps bâtir un statut coopératif et on crée une singulière excroissance
étrangère aux principes du droit. Les groupements locaux d'épargne, les GLE, ne
sont que des coquilles vides sans existence concrète. Ils seront chargés, après
avoir acheté le capital des caisses au moyen de prêts sans intérêts consentis
par celles-ci, de vendre ledit capital sous forme de parts de GLE, qui ne
seront en aucune façon des parts de caisse d'épargne.
Les GLE seront les seuls sociétaires des caisses régionales, les clients
sociétaires de base n'auront aucune véritable voix au chapitre dans les
assemblées générales des caisses, qui ne seront composées que de GLE. Quant aux
représentants des élus locaux et des salariés, répartis en collèges distincts
en parfaite contradiction avec le droit coopératif, ils seront appelés à siéger
uniquement au conseil des caisses régionales, sans pouvoir participer aux
assemblées générales.
Ces groupements locaux d'épargne verront leur droit de vote en assemblée
déterminé en fonction du nombre de parts sociales possédées dans la limite de
30 %, ce qui, là encore, est une hérésie par rapport au droit coopératif. La
répartition des dividendes créera une inégalité de fait entre sociétaires
puisque, bien qu'étant clients de la même caisse régionale, ils ne dépendront
pas forcément du même GLE et, en conséquence, ne percevront pas la même
rémunération selon ce que chaque GLE décidera de mettre en réserve.
Est-ce ainsi que l'on va susciter parmi les clients l'attirance pour acheter
des parts, et surtout les intéresser au développement de l'entreprise, sur
l'activité de laquelle ils n'auront aucune prise directe ni même une véritable
information ? C'est un grave manquement aux critères qui définissent la
gouvernance d'entreprise, et plus simplement à la participation démocratique
des sociétaires à la vie de leur coopérative.
Il est un autre élément qui mérite interrogation : les GLE étant des personnes
morales intermédiaires, existe-t-il un risque de double imposition fiscale
entre ceux-ci et les caisses ?
La mise sur le marché dans ces conditions des parts sociales des GLE se révèle
particulièrement aléatoire, d'autant que la clientèle voudra connaître la
garantie de rentabilité assurée à son investissement par rapport au taux de
rémunération du livret A. Or, au manque de transparence que je viens de
déplorer, s'ajoutent les contraintes que la surenchère de votre majorité à
l'Assemblée nationale vous a conduit, monsieur le ministre, à accepter.
En effet, en partant de la collecte de l'épargne populaire affectée au
logement social, qui caractérise les caisses d'épargne, voilà que l'on veut en
faire des banques du coeur, en les rendant actrices de la lutte contre
l'exclusion ! Comment peut-on croire que la rentabilité des caisses se
développera si l'on en fait institutionnellement un refuge pour les comptes
débiteurs ? Le problème, sur le plan social, doit être abordé afin que soient
garantis les droits de chacun en matière bancaire, quel que soit le niveau de
solvabilité.
Mais est-ce à une banque, même coopérative, dont les sociétaires ont acquis
des parts dans l'espoir de faire fructifier un capital souvent modeste, de
jouer ce rôle ?
M. Gérard Delfau.
C'est à qui ?
M. Robert Calmejane.
Pour faire bonne mesure, on introduit dans la définition des actions d'intérêt
général que les caisses auront mission de mener une contribution à la qualité
de l'environnement. C'est le fourre-tout idéal pour toutes les vieilles
rengaines démagogiques d'une gauche plurielle qui n'a jamais su prendre en
compte les réalités économiques.
(Exclamations sur les travées
socialistes.)
M. Claude Estier.
Cela vous va bien !
M. Robert Calmejane.
Il ne peut entrer dans le métier des caisses d'épargne de financer des projets
d'infrastructures à fonds perdus.
Etablir, de plus, un seuil plancher pour ce dividende social présente un
risque majeur pour l'équilibre financier des caisses. Comment, en effet,
prélever un tiers des sommes disponibles après la mise en réserve sans diminuer
dangereusement la capacité d'augmentation des fonds propres des caisses, les
mettant ainsi en situation d'infériorité par rapport aux autres réseaux
bancaires ? De plus, toute augmentation de ces financements se fera au
détriment de l'intérêt versé aux sociétaires.
On mesure là l'absence totale d'analyse économique sous-tendant ce projet de
loi : à ne pas oser avouer que l'on devient sociétaire pour gagner de l'argent,
on va dissuader les épargnants, rendus perplexes par les charges qui pèsent sur
le résultat de l'entreprise et qui réduisent le versement d'intérêt à une
portion congrue des produits de l'activité déployée, de se porter acquéreurs de
parts.
Dans ces conditions, fixer à 18,8 milliards de francs le montant cumulé du
capital initial des caisses d'épargne à placer en quatre ans est une gageure
hors de portée. Par ailleurs, à supposer que ce chiffre soit atteint, la charge
de la rémunération serait alors très supérieure à celles de la concurrence,
aboutissant à un taux de distribution totale du résultat, dividende social
compris, de l'ordre de 60 %.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Deux assertions
contradictoires à deux phrases d'intervalle !
M. Robert Calmejane.
La sagesse impose de limiter à 14 milliards de francs le capital ainsi placé
sur le marché, comme le proposait d'ailleurs initialement le rapporteur du
projet de loi à l'Assemblée nationale.
Un délai de placement de six à huit ans me paraîtrait également plus
raisonnable. Pourquoi tant de précipitation et d'impréparation dans
l'élaboration d'éléments fondamentaux pour l'avenir des caisses ? Doit-on en
conclure - et ce serait une bien mauvaise logique - que le seul avantage
recherché est d'abonder le plus possible, et le plus rapidement possible, le
fonds de solidarité vieillesse ? Vous avez déjà prélevé aux caisses d'épargne,
dans la loi de finances pour 1999, 5 milliards de francs qui sont allés
alimenter le budget général de l'Etat.
La fin ne justifie pas les moyens et, en l'occurrence, on met en péril
l'avenir des caisses d'épargne au mépris des intérêts de leurs futurs
sociétaires pour tenter, en vain vraisemblablement, de régler un problème d'un
autre ordre et dont l'ampleur justifie plus que de tels expédients.
Le dernier point sur lequel je voudrais attirer votre attention est la
nécessité d'ouvrir le capital des caisses d'épargne aux investisseurs
institutionnels, tels que des caisses d'épargne européennes ou d'autres réseaux
bancaires : la loi de 1947 le prévoit explicitement dans son article 3
bis.
Il apparaît donc anormal, eu égard au cadre coopératif dans lequel le
Gouvernement prétend placer désormais les caisses d'épargne, de réserver aux
GLE la détention des parts. La seule émission de certificats coopératifs
d'investissement ne donnant pas de droit de vote ne suffira pas à susciter de
tels rapprochements. Dans l'espace bancaire européen, les caisses d'épargne ne
peuvent se trouver limitées dans leur développement et doivent avoir les moyens
de leur compétitivité.
En conclusion, je voudrais souligner l'impératif d'intérêt général que doit
respecter le statut des caisses d'épargne, héritières d'une tradition
bicentenaire, dont tout le personnel et les instances dirigeantes sont décidés
à entrer dans le xxie siècle avec détermination. Mais nous devons leur donner
les moyens de leur avenir. C'est le sens à donner à l'intense mobilisation des
personnels et à l'attention particulière des clients, face au cadre juridique
du développement des caisses d'épargne.
Je tiens à saluer le remarquable travail réalisé par la commission des
finances, par son président, M. Alain Lambert, et par son rapporteur, M.
Philippe Marini, qui ont su prendre la mesure de l'enjeu et répondre, par les
amendements qu'ils proposent, à l'attente de tous ceux qui sont désireux de
constituer un pôle coopératif dynamique autour des caisses d'épargne.
M. Jean-Louis Carrère.
Et un coup de violon !
M. Robert Calmejane.
Je voudrais terminer mon propos en reprenant le trait d'humour de notre
collègue Yves Deniaud à l'Assemblée nationale : « Laissez assez de noisettes à
l'écureuil pour qu'il vive longtemps et en bonne santé ! »
(Applaudissements
sur les travées du RPR. - M. le président de la commission des finances
applaudit également.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué ce matin, au début de votre
intervention, la nécessité pour notre pays d'adapter ses circuits financiers à
la mondialisation.
A ce propos, que nous suggère l'actualité ?
En premier lieu, les bénéfices des plus importantes entreprises françaises ont
augmenté, en 1998, de plus de 30 %. Les firmes se lancent dans des grandes
opérations de fusions et d'acquisitions, sans décider les investissements
nécessaires pour développer l'emploi. L'argent-profit est utilisé de façon
conquérante pour de nouveaux profits.
En second lieu, le CAC 40 a atteint un niveau encore jamais égalé, confirmant
spéculation, fructification des profits financiers. La France est donc riche
d'argent improductif.
Je m'en tiendrai à ce premier constat : l'argent disponible n'est pas employé
pour l'emploi. Les OPA, contre-OPA, alliances, fusions se substituent aux
objectifs d'emplois. Plus les profits augmentent, moins les emplois se créent.
Pis, les licenciements se poursuivent.
Mon second constat est que l'argent de l'épargne est devenu trop stérile.
Fruit de l'épargne des familles, cet argent sommeille. La tendance à l'utiliser
pour le progrès social et l'emploi n'existe pas. En revanche, existe celle de
tranférer cet argent dans le domaine de la spéculation.
C'est le danger qui menace les caisses d'épargne de se voir ponctionner, dans
un premier temps, de 18,8 milliards de francs qui ne seront utilisés ni pour
l'investissement ni pour l'emploi.
Nous reviendrons sur votre initiative tendant à verser ce capital au fonds de
retraite créé lors de l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999.
M. Marini se félicite par ailleurs des évolutions proposées et que vous
caractérisez de modernisation, monsieur le ministre. Nous, nous nous en
inquiétons !
Les caisses d'épargne existent depuis 1818. Elles ont résisté aux régimes, aux
Républiques développant la philosophie de l'épargne à rémunération modeste mais
susceptible de jouer un rôle d'intérêt général, avec un réseau de 600 agences.
Mais elles ont aussi connu des évolutions préoccupantes, des adaptations aux
méthodes des banques commerciales spéculant sur les marchés, sélectionnant la
clientèle en écartant la plus défavorisée, fermant des agences et imposant une
logique financière.
La réforme proposée, avec l'aggravation des mesures prévues par la majorité de
la commission des finances, présente des dangers tels qu'ils nous conduiront,
c'est évident maintenant, à émettre à un vote négatif, résolument négatif,
dirai-je même.
Nous nous posons des questions simples, monsieur le ministre.
Votre projet, qui supprime le caractère à but non lucratif des caisses
d'épargne, leur laisse-t-il les moyens de leur développement, d'un
investissement social ?
Le projet s'accompagne-t-il d'une politique de progrès social en faveur de
l'emploi ?
Les réponses à ces questions suscitent de la part des salariés, vous le savez,
beaucoup d'interrogations, d'inquiétudes, de critiques parfois sévères.
L'audition par notre commission des finances de l'intersyndicale des caisses
d'épargne en a porté témoignage.
Les élus s'inquiètent également de la fermeture de certaines agences,
notamment en milieu rural et dans les quartiers sensibles, de la suppression
d'emplois et aussi de la remise en cause de la spécificité, des qualités
propres des réseaux des caisses d'épargne.
Le débat mené il y a maintenant près de deux mois à l'Assemblée nationale a
permis, de ce point de vue, de lever un certain nombre d'équivoques : ont
notamment été inscrites dans la loi les missions d'intérêt général des
établissements du réseau, de même que la spécificité de ses ressources.
On peut aussi noter qu'il a été décidé de donner un relief particulier à
l'action des caisses d'épargne au travers de la mise en oeuvre du principe du «
dividende social », qui constituera, dans les faits, une sorte de retour vers
la collectivité, au bénéfice de celle-ci, du produit de l'activité du
réseau.
Pour autant, monsieur le ministre, il nous semble important que les choses
soient encore modifiées et améliorées. C'est le sens d'une part significative
des amendements que nous avons déposés, même si nous serons sans doute éloignés
de la position défendue par notre rapporteur et qui consiste à ouvrir un peu
plus les portes à une banalisation du réseau des caisses d'épargne, ce qui
demeure sa position idéologique de fond.
Il existe en effet dans notre pays, non seulement autour des caisses d'épargne
mais aussi au travers d'un certain nombre de placements de caractère
défiscalisé - épargne logement, LEP, livret-jeune notamment - un important
stock financier qui échappe, d'une certaine façon, à la simple application des
règles du marché.
Observons d'ailleurs, à ce titre, que cette originalité a, en particulier, un
volet fiscal, mais qu'elle est aussi liée pleinement à la question des emplois
adossés sur les ressources collectées.
Cela vaut, évidemment, de manière essentielle pour le livret A, dont l'usage
exclusif au bénéfice du logement social est la manifestation évidente.
De fait, nous ne partageons pas une analyse un peu à courte vue qui consiste
à prôner une réduction du niveau de rémunération de ces livrets et placements
divers et qui est - c'est du moins ce que nous ressentons - animée par
plusieurs motivations.
Sur le fond, les sommes collectées au travers de ces divers placements
attisent évidemment toutes les convoitises, notamment celles des établissements
de crédit « banalisés », toujours à la recherche de ressources au moindre coût
dans la perspective de montages financiers toujours plus discutables et qui ne
font pas, c'est le moins que l'on puisse dire, la part belle à l'emploi.
Par ailleurs, on est amené à penser que ce qui peut intéresser aussi les
tenants de cette position, c'est de conquérir des parts de marché à moindre
risque sur une clientèle - celle des caisses d'épargne - dont la solvabilité
est assez nettement avérée.
On ne peut ici oublier que les utilisateurs des fonds du livret A sont des
organismes bailleurs sociaux et que les principaux clients des caisses
d'épargne sont des collectivités locales que des obligations juridiques tout à
fait impérieuses mettent en demeure de répondre aux engagements financiers
qu'elles souscrivent.
La décollecte sur les livrets défiscalisés est donc non pas uniquement un
outil d'abaissement général du coût du crédit - encore qu'il convienne de
souligner que les caisses d'épargne, de par la nature de leur clientèle,
prêtent sur le long terme et non sur le court terme - mais bien plutôt une arme
de conquête de nouvelles parts de marché, de nouvelles marges de manoeuvres
financières et de profits injustes, car réalisés au détriment des besoins de
logement du plus grand nombre.
Cela nous amène à considérer désormais la question assez fondamentale,
soulevée dans le débat de l'Assemblée nationale, de la constitution, autour de
la Caisse des dépôts et consignations, d'un véritable pôle financier public.
Nous aurons l'occasion, au cours de l'examen des amendements, de préciser les
objectifs que doit se fixer ce pôle, en réponse aux mastodontes financiers
regroupant les établissements à vocation internationale.
Nous estimons que ce pôle doit servir à rendre prioritairement à
l'intervention publique en matière financière toute sa portée et toute son
efficacité.
Epargne et crédit sont à mettre au service de l'emploi et de la formation.
Cela implique, en particulier, que l'ensemble des organismes publics ou
investis d'une mission d'intérêt public ou d'intérêt général soient mis en
situation de travailler ensemble, sur la base de finalités précises et
d'objectifs généraux qu'ils seront à même de définir au travers de leurs
synergies et de leurs stratégies propres ou respectives.
Faut-il inscrire ces principes dans ce projet de loi, monsieur le ministre
?
En clair, ce texte est-il le plus indiqué pour débattre de la constitution de
ce pôle financier public, au moment où l'on traite du problème du statut des
caisses d'épargne et de la sécurité financière ?
Nous pensons, pour notre part, que, à défaut d'être conclu ici, pour des
raisons assez évidentes de rapport de forces politiques et de considérations
idéologiques, ce débat doit être ouvert et que chacun doit être amené à se
positionner en fonction de son approche de la question.
Nous formulerons donc dans le débat sur les articles un certain nombre de
propositions précises qui appellent naturellement la contradiction et la
réflexion de chacun sur le sujet.
Evidemment, nous serons amenés à nous opposer à un grand nombre d'amendements
de la majorité de la commission des finances.
Après Paul Loridant, qui s'est exprimé sur la seconde partie concernant le
renforcement de la sécurité financière, voilà, monsieur le président, monsieur
le ministre, mes chers collègues, ce que je voulais dire au nom du groupe
communiste républicain et citoyen.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue
et ami Jean-Louis Carrère s'étant exprimé au nom de mon groupe sur le volet
concernant les caisses d'épargne en des termes que je fais miens, je souhaite
intervenir, pour ma part, sur les deux autres volets que comprend ce projet de
loi, et tout d'abord sur celui qui porte sur le renforcement de la sécurité
financière.
Les mesures proposées constituent, à elles seules, une véritable loi-cadre
pour la consolidation du secteur financier.
Depuis près de vingt ans, le monde financier est dans une phase à la fois de
mutation et de déréglementation. En renforçant la sécurité financière, par une
prévention, un contrôle et une meilleure gestion des faillites financières, le
Gouvernement améliore la protection tant des opérateurs que des épargnants, ce
qui est une excellente chose.
Cette volonté était attendue. Je rappelle que les structures de notre système
financier n'ont pas sensiblement évolué au cours des années quatre-vingt-dix.
La nécessité d'une telle réforme se trouve d'ailleurs renforcée, aujourd'hui,
par les mutations qu'impose l'avènement de l'euro sur les marchés financiers,
ainsi que par les restructurations financières qui se multiplient à l'heure
actuelle.
C'est pourquoi l'ensemble de cette réforme ne pourra que renforcer la
crédibilité de la place de Paris. Le texte a d'ailleurs déjà reçu une large
approbation de la part des professionnels concernés, ce qui n'est pas
étonnant.
Une refonte des mécanismees de sécurité de place est ainsi engagée avec la
création d'un fonds unique de garantie des dépôts bancaires et, pour la
première fois dans la zone euro, avec la mise en place d'un dispositif
permettant de garantir les droits des assurés en cas de défaillance d'une
entreprise.
Chacun se souvient ici du cas d'Europavie. Il fallait tout mettre en oeuvre
pour qu'une telle faillite ne se reproduise plus. Le Gouvernement l'a fait.
Nous l'en félicitons et nous nous en réjouissons.
Je ne reviendrai pas sur le détail des mécanismes mis en place. Je souhaite
seulement appeler votre attention, monsieur le ministre, sur un certain nombre
de points qui nous paraissent importants, et en premier lieu la nécessaire
indépendance des structures mises en place.
Un collège des autorités de contrôle des entreprises du secteur financier est
créé. Ce collège doit faciliter l'échange d'informations entre les autorités de
contrôle et la coordination de leur action, et c'est une bonne chose.
Mais j'attire votre attention sur un objectif qu'il m'aurait semblé nécessaire
de fixer également, celui consistant à donner à ce collège, comme d'ailleurs à
l'ensemble des autorités de contrôle, - mais c'est là l'objet d'une réforme à
part entière - les moyens d'une véritable indépendance.
Il me semble que ces moyens n'existent pas totalement dans ce texte. Il ne me
paraît pas sain, en particulier, que siège à une place qui ne pourra qu'être
décisive, étant donné le poids qu'il représente, le gouverneur de la Banque de
France. Doit-on, au sein de telles instances, opérer un mélange des genres ?
Les personnes qui font la réglementation ne doivent pas être celles qui
effectuent le contrôle de cette réglementation. Il me semble utile que ces
remarques viennent enrichir la réflexion du Gouvernement dans ce domaine.
En matière de fonds de garantie, l'Assemblée nationale a contribué à améliorer
le texte, notamment sur le versement des cotisations, en permettant de les
relier aux risques objectifs que chaque adhérent fait courir au fonds ; ce
point peut être qualifié d'essentiel.
Nous déposerons nous-mêmes des amendements sur ce fonds de garantie pour les
assurés, sur les cotisations des adhérents pour des raisons de sécurité, comme
sur la distinction qu'il nous semble utile d'opérer entre contrats d'assurance,
selon leur nature, pour des raisons de justice.
Dans notre esprit, il convient de tout mettre en oeuvre pour qu'à l'avenir les
droits des assurés puissent être préservés.
Il y a beaucoup d'entreprises d'assurance-vie en France, aujourd'hui. Il faut
faire attention que certaines d'entre elles, afin de rester concurrentielles,
ne proposent pas des garanties excessives risquant de mettre à mal leur
solvabilité future, et donc la sécurité de leurs clients.
Pour cela, le fonds de garantie ne doit pas inciter certains assureurs à
s'affranchir de toute règle de prudence, sous prétexte de concurrence
internationale et de l'existence d'un fonds pour, le cas échéant, protéger les
assurés.
De même, il faut faire en sorte que ce fonds ne permette pas des interférences
du monde de l'assurance vis-à-vis de la commission de contrôle, qui doit rester
parfaitement indépendante et en capacité de mettre en oeuvre toutes ses
missions de surveillance et d'interpellation des entreprises qu'elle
contrôle.
Je souhaite maintenant revenir sur le dispositif prévu en matière de
surveillance des établissements de crédit.
Un article essentiel, supprimé par l'Assemblée nationale, mais dont vous avez,
monsieur le ministre, annoncé qu'il réapparaîtrait sous une autre forme au
Sénat, mérite d'être examiné de près ; je veux parler de l'article 37, qui
modifie la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération.
Je veux croire que cette disposition qui, en particulier, aménageait les
modalités de fixation de l'intérêt servi aux parts sociales des coopératives
avait été mal comprise.
Néanmoins, je souhaite que le Gouvernement s'attache encore à lever toute
interrogation : le dispositif proposé ne doit pas, dans ses modalités comme
dans ses objectifs, imposer, de près ou de loin, au secteur mutualiste une
autre logique que la sienne.
Les nouvelles règles proposées en effet, ont pu apparaître aux intéressés
comme étant contraires au fonctionnement coopératif lui-même.
Les banques coopératives ne sont pas des sociétés de capitaux qui rémunèrent
au maximum leurs associés. Je rappelle que leur objet est de rechercher non pas
obligatoirement un profit financier, mais également des avantages sociaux ou
économiques, comme cela a déjà été dit.
Il serait donc malvenu de revenir sur le principe même de cette
sous-rémunération des parts sociales, même si cette pratique est considérée
comme un avantage concurrentiel anormal par les banques commerciales.
Nous avons toujours eu un attachement profond pour le secteur coopératif :
d'une part, bien sûr, en raison de son histoire comme de sa finalité ici
rappelée, mais, d'autre part, pour des raisons que je qualifierai
d'économiques.
N'oublions pas, en effet, que ce secteur est « non-OPEable ». Cette donnée est
loin d'être négligeable quand on la rapporte à la situation que connaît le
monde financier à l'heure actuelle. C'est pourquoi, pour la stabilité et
l'indépendance du système bancaire français, dans le contexte actuel des
fusions multiples, il importe de conforter et non pas de fragiliser ce
secteur.
Je ne peux oublier non plus que ces établissements se voient bien souvent
confier des missions d'intérêt général par la puissance publique.
Ce secteur ne peut et ne doit donc pas être traité à parité avec le réseau
concurrentiel des banques de l'Association française des banques, l'AFB.
J'en viens maintenant au troisième volet de ce projet de loi, celui qui porte
sur la création du marché des obligations foncières et sur la réforme des
sociétés de crédit foncier.
Cette réforme va dans le bon sens. Elle permettra un vrai développement des
mécanismes de refinancement des prêts à l'immobilier ainsi qu'aux collectivités
locales.
Elle doit permettre également de donner au Crédit foncier de France des atouts
supplémentaires pour réussir la procédure d'adossement, actuellement en
cours.
Je me félicite ici de l'orientation prise par le Gouvernement. Le temps n'est
pas si loin où un autre gouvernement avait choisi une autre voie : vendre le
Crédit foncier à une valeur quasiment symbolique, pour ne pas dire une valeur
de casse. Ces temps sont révolus, et tout le monde ne peut que s'en réjouir.
Il convient toutefois de parachever l'exercice afin de donner au Crédit
foncier les véritables moyens de redémarrer dans de bonnes conditions.
On pourra me rétorquer que l'on ne légifère pas pour un seul établissement.
C'est juste mais, en l'occurrence, il ne faut pas oublier que, lorsque le
législateur, abrogeant ses statuts, fixe de nouvelles règles du jeu, il est
normal qu'il aille jusqu'au bout et qu'il se préoccupe également du devenir de
l'établissement.
S'agissant du Crédit foncier - mes remarques s'appliquent également au Crédit
foncier d'Alsace-Lorraine - il est évident que sa tâche, qui consistera à
basculer l'essentiel de son actif dans une filiale
ad hoc
, comme il lui
est demandé, sera une tâche infiniment plus délicate que celle de toutes les
autres banques qui souhaiteront intégrer ce nouveau marché.
C'est pour cette raison et parce que se profile la procédure d'adossement, sur
laquelle je reviendrai plus tard, qu'il est impérieux de prévoir un dispositif
qui, dans son ensemble, ne vienne pas fragiliser de manière induite, et loin
s'en faut, cet établissement.
De ce point de vue, j'avoue m'interroger sur les modalités techniques qui ont
été choisies pour l'article 62.
Cet article précise que les prêts éligibles doivent être garantis soit par une
hypothèque, soit par un cautionnement. Cette dernière garantie n'est pas
usuelle pour le Crédit foncier de France, dont les prêts sont garantis par une
hypothèque. Je note que les prêts cautionnés dans le cadre du dispositif
d'obligation foncière n'existent pas non plus en Allemagne.
On comprend bien l'idée poursuivie par le Gouvernement en permettant aux prêts
cautionnés d'être éligibles à ce marché : il s'agit de lui donner les moyens de
son plein essor. Il est important que, sur le marché des obligations foncières,
notre pays puisse enfin rivaliser avec l'Allemagne.
Néanmoins, dès lors que des règles de quotité sont prévues dans le cadre de
l'hypothèque, il n'y a, à notre sens, aucune raison pour qu'il n'en soit pas de
même pour la caution.
Il nous semble fondamental, lorsqu'un marché est ouvert à la concurrence, que
celle-ci puisse jouer sans distorsion d'aucune sorte. Or, en l'espèce, cela ne
nous paraît pas être le cas. Un prêt offert sans quotité est plus attrayant
pour l'emprunteur qu'un prêt avec quotité. Même si les deux prêts en cause ne
sont pas de nature identique, il n'y a aucune raison pour qu'ils ne soient pas
traités sur un pied d'égalité, sauf à vouloir avantager certains plutôt que
d'autres, ce qui, j'en suis sûr, n'est pas dans les intentions du Gouvernement.
Je souhaite donc que l'on puisse également améliorer le texte sur ce point.
Nous nous interrogeons aussi sur l'article 65, qui instaure un privilège pour
le porteur d'obligation foncière. Nous en comprenons bien la nécessité, mais
chacun comprendra que nous ne puissions envisager ce principe sans être sûrs
qu'il n'y ait aucune ambiguïté. En effet, ce privilège prenant rang devant
celui du Trésor, et surtout devant les droits des salariés, il est important de
s'assurer que les modalités techniques prévues n'impliquent aucune perte de
droits fondamentaux pour les salariés.
Les amendements que nous avons déposés sont de nature à lever toute ambiguïté.
J'espère qu'ils seront adoptés.
Au demeurant, et sur le fond, les nouvelles filiales créées par le texte ne
sont que de simples véhicules financiers. En l'espèce, s'agissant du Crédit
foncier, les 2 300 salariés resteront dans la maison mère, avec des droits de
super-privilège parfaitement intacts.
Il conviendra à l'avenir qu'aucun personnel ne soit jamais affecté à aucune de
ces filiales
ad hoc,
et ce pour toutes les sociétés de crédit foncier
qui seront créés.
De même, pourrait-on trouver un dispositif pour permettre, en cas de procédure
collective, une continuité, jusqu'à son terme, du contrat de gestion passé
entre la société de crédit foncier et l'établissement de crédit foncier et
l'établissement de crédit.
De manière générale, se pose la question des rapports futurs entre la société
mère et sa filiale.
Pour le Crédit foncier de France, cette question est d'importance. En effet,
seront transférés à la filiale les obligations et les actifs correspondants,
c'est-à-dire l'essentiel de ses activités, alors que le personnel restera dans
la structure mère, avec un actif appauvri. On voit bien alors quel type de
risques peut nourrir l'inquiétude du personnel.
Dans la procédure actuelle d'adossement, il est fondamental que le futur
cahier des charges impose au repreneur de reprendre à la fois la société fille
et la société mère.
Si cette règle n'était pas établie, on voit bien quelle pourrait être
l'attitude dévastatrice pour le devenir de cet établissement et de son
personnel, du repreneur.
De même, il est essentiel que le cahier des charges prévoit que le Crédit
foncier continuera à être un établissement bancaire, à statut d'institution
financière spécialisée.
Par ailleurs, il est important d'obtenir confirmation que le basculement prévu
par la réforme s'effectuera bien en toute neutralité fiscale.
Ces dernières questions ne relèvent pas de la loi, j'en conviens, mais
j'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des précisions,
lesquelles, on le comprend bien, sont aussi importantes, pour l'avenir du
Crédit foncier, que les mesures législatives que nous allons voter.
Monsieur le ministre, vous l'avez bien compris, les interrogations évoquées
par Jean-Louis Carrère et par moi-même ayant reçu réponse, nous voterons ce
texte important, pour autant, bien sûr, qu'il ne soit pas profondément modifié,
voire dénaturé par la majorité sénatoriale !
(Applaudissements sur les
travées socialistes. - M. Paul Loridant applaudit également.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Voyons ! Nous améliorons, nous ne dénaturons pas !
M. le président.
La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi qui nous est présenté aujourd'hui répond à deux exigences particulièrement
urgentes : réformer les caisses d'épargne afin d'assurer la pérennité de leur
mission et les adapter à un marché ouvert, de plus en plus concurrentiel ; la
seconde priorité est le renforcement de la sécurité financière du secteur
bancaire et financier.
S'agissant de la réforme des caisses d'épargne, permettez-moi de me réjouir
que ce soit la forme coopérative qui ait été retenue, ce qui constitue la
reconnaissance de la modernité et du caractère démocratique de ce statut.
Lorsque cette réforme sera terminée, monsieur le ministre, ce sont plus de 65
% du PNB bancaire qui seront générés par le secteur coopératif en France,
...
M. Jean-Louis Carrère.
Pas générés, gérés !
M. Marcel Deneux.
... la France rejoignant en cela les autres grands pays européens.
Mais je regrette, et j'en suis préoccupé, les atteintes à la loi coopérative
que comporte le projet de loi, même si je comprends les difficultés qu'il y a à
faire évoluer une institution aussi complexe que les caisses d'épargne.
Je souhaite donc revenir sur deux aspects particulièrement importants du
projet de loi car ils conditionnent la capacité d'investissement et le degré de
démocratie du futur réseau. Il s'agit des charges financières imposées au
groupe Caisses d'épargne et de l'organisation des structures de base.
Je n'insisterai pas sur les incohérences du projet de loi tel qu'il a été
amendé par une composante de la majorité à l'Assemblée nationale. Le texte
prévoit effectivement une série de mesures financières contraignantes que je
considère incompatibles avec les objectifs de développement du groupe affichés
par le Gouvernement. Le président de la commission des finances, M. Alain
Lambert, le rapporteur, M. Philippe Marini, et mon collègue de l'Union
centriste M. Denis Badré ont très clairement dénoncé ces ambiguïtés tout à
l'heure.
Comment, en effet, imaginer que les caisses d'épargne devenues banques
coopératives, ce qui est une bonne chose en soi, puissent participer à « la
lutte contre l'exclusion bancaire et financière de tous les acteurs de la vie
locale, sociale et environnementale » ? Ce sera effectivement difficile avec ce
texte et les conditions que vous leur préparez.
On ne peut pas à la fois souhaiter que le réseau de l'Ecureuil entre dans le
système concurrentiel tout en lui imposant ainsi des fonctions nouvelles et des
charges qui dépassent totalement le cadre du statut coopératif. En somme, le
grand tort du projet gouvernemental est, comme l'on dit vulgairement, de « trop
charger la barque », que ce soit pour le délai accordé aux caisses pour placer
leurs parts sociales dans le public - quatre ans seulement - ou pour la cadence
et le montant des reversements au fonds de mutualisation.
A contrario,
la plupart des amendements de la commission des finances
sont inspirés par un souci d'efficacité de bon aloi. La priorité est donnée au
renforcement des fonds propres, conformément aux souhaits des dirigeants des
caisses ainsi, semble-t-il, que par la majorité du personnel. Je pense aussi à
l'amendement de la commission rendant possible l'émission de bons de
souscription de certificats coopératifs d'investissement, ce qui pourrait
effectivement faciliter la souscription au capital.
Quant au problème des structures de base, il constitue également un des
aspects les plus fondamentaux de la réforme : le statut des banques
coopératives de réseau, que je connais bien, comporte de telles structures,
éléments indispensables à l'expression des sociétaires. On peut néanmoins
s'interroger sur l'opportunité des fameux groupements locaux d'épargne, qui
seraient chargés de placer les parts sociales des caisses. Un tel système
risque en effet de créer à terme des problèmes.
Je partage l'avis de la commission : les caisses d'épargne devraient pouvoir
vendre directement leurs parts sociales, sans passer par des groupements «
parasites ». A défaut, on pourrait en effet assister à des oppositions entre
entités au sein du même groupe, ce qui n'est pas dans l'intention de la
réforme. Pourtant, le risque existe.
Par ailleurs, restons-en au droit coopératif : la loi de 1947 qui reste la
charte, bien que modifiée, prévoit la possibilité pour les sociétés
coopératives de créer des sections locales d'épargne chargées de la
représentation des sociétaires. Cette solution a le mérite d'être facile à
mettre en oeuvre : elle avait d'ailleurs, à l'origine, la préférence des
initiateurs du projet de loi. C'est un système qui a fait largement ses preuves
en France et dans tous les pays d'Europe du Nord. Monsieur le ministre,
pourquoi faire compliqué là où l'on pouvait faire simple ?
Telles sont mes quelques remarques concernant la réforme des caisses d'épargne
sur laquelle je suivrai, avec mon groupe, l'avis de la commission des finances
du Sénat.
Monsieur le ministre, la structure que vous proposez n'est bonne ni pour la
démocratie ni pour les possibilités d'expression des sociétaires.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Très bien !
M. Marcel Deneux.
S'agissant de la deuxième partie du projet de loi, la sécurité financière,
permettez-moi, tout d'abord, d'émettre des réserves sur la méthode employée à
l'occasion de l'examen d'un texte, par ailleurs très attendu dans les milieux
professionnels.
Voilà un projet de loi qui comporte une petite centaine d'articles et dont un
tiers environ concerne la sécurité financière et les systèmes de garantie, pas
moins ! Dans ce texte, sont concernés des secteurs aussi divers que les banques
membres de l'AFB, les établissements bancaires coopératifs et mutualistes, les
compagnies d'assurances, les mutuelles et sociétés d'investissement. Or il faut
regretter que certaines dispositions, par exemple l'article 37 du projet de loi
initial relatif à la mise en réserve des banques coopératives, et l'article 47
sur les fonds de garantie des dépôts, n'aient pas fait l'objet d'une réelle
concertation avec les responsables concernés.
L'article 37, supprimé par l'Assemblée nationale, ouvrait la possibilité de
déplafonner l'intérêt versé aux parts sociales. A l'heure actuelle, seules les
banques membres de l'AFB fixent librement la rémunération servie aux
actionnaires, alors que celle qui est versée aux détenteurs de parts sociales
est plafonnée. Le projet de déplafonnement a provoqué une véritable levée de
boucliers de la part des « coopérateurs » et je les comprends. Nous avons
l'impression que cette proposition n'est qu'une mesure tendant à régler un
problème ponctuel, celui de permettre aux caisses d'épargne de placer auprès
des coopérateurs éventuels le capital social avec une bonne rémunération.
Cette disposition révèle en effet une certaine méconnaissance de l'esprit et
de l'organisation des sociétés coopératives, secteur que je connais bien
personnellement et auxquels les Français restent très attachés. N'oublions pas
que ce secteur a su allier, notamment dans le secteur bancaire, rigueur et
efficacité.
Or, l'un des principes fondamentaux du système coopératif est la mise en
commun de moyens qui constituent un bien communautaire impartageable : cela
implique, à la différence des sociétés par actions, d'une part la mise en
réserve d'une grande partie des résultats en faveur du développement de
l'entreprise et, d'autre part, le versement d'une rémunération limitée aux
sociétaires.
En outre, le déplafonnement des intérêts est contradictoire avec l'objet
général du projet de loi, qui est la sécurité financière des établissements de
crédit. Il offre en effet la faculté de distribuer une part plus grande du
résultat net, contrariant d'autant la constitution des fonds propres
nécessaires pour la sécurité.
A titre personnel, je préférerais que l'on en reste pour le moment au statut
de 1947, modernisé en 1992.
Je note néanmoins que la nouvelle version de l'article 37 proposée par la
commission des finances est plus protectrice des légitimes intérêts des banques
coopératives, mais qu'elle peut encore être améliorée.
Il est toujours possible en effet, à partir du moment où le principe du
plafonnement est respecté - comme vous l'avez admis, me semble-t-il, monsieur
le ministre - de discuter du mode de fixation du plafond déjà modifié à
plusieurs reprises, à condition que soit prise en compte l'idée selon laquelle
le capital souscrit par les coopérateurs doit être rémunéré dans des conditions
analogues à celles des placements à moyen et à long terme auxquels il
s'assimile, et ce dans des limites qui laissent toute sa signification au
plafonnement et à la mise en réserve des résultats pour renforcer la solidité
et la capacité de développement de la coopérative. Quant à l'article 47, il
suscite d'autres inquiétudes : la création d'un fonds de garantie unique
devrait avoir pour conséquence de faire payer deux fois les banques
fonctionnant en réseau, au niveau des organes centraux et des banques locales,
conformément aux dispositions de la loi bancaire en vigueur aujourd'hui.
Certes, on ne peut que souscrire à l'objectif intrinsèque de cette loi, qui
vise à renforcer la sécurité des déposants et, donc, la crédibilité de la place
financière de Paris.
Cependant, il apparaît que seul le système applicable aux banques commerciales
pose actuellement un problème : les exemples récents ne manquent pas où l'Etat
a dû intervenir afin d'assurer une indemnisation à hauteur du plafond légal,
soit 400 000 francs.
A ma connaissance, il n'en est pas de même pour les groupes mutualistes et les
banques à réseau, qui, depuis quinze ans, chaque fois que c'était nécessaire,
ont assumé toutes leurs responsabilités.
L'existence d'un système de garantie unique peut se justifier par la
multiplication des fusions et des partenariats entre banques coopératives et
banques commmeciales. Mais il n'est pas normal de réserver un traitement
uniforme à toutes les banques alors que leurs situations respectives sont
différentes. C'est particulièrement le cas en matière de calcul des cotisations
et du crédit d'impôt y afférent.
Nonobstant le risque de double paiement pour les banques fonctionnant en
réseau - problème sur lequel j'aimerais entendre M. le ministre - il
conviendrait que le montant des cotisations au fonds de garantie reflète le
risque rééel propre à chaque établissement.
Nos collègues députés ont souhaité que la formule de répartition des
cotisations annuelles « reflète les risques objectifs que l'adhérent fait
courir au fonds ». Voilà un principe que j'approuve entièrement. Quant aux
modalités précises de calcul des cotisations, elles seraient définies par
décret. Dès maintenant, à la faveur de ces débats, je souhaiterais connaître
les intentions du Gouvernement à ce sujet.
Parmi les critères retenus, j'estime que devraient figurer, outre le montant
des dépôts garantis, l'importance des fonds propres et des engagements, de même
que l'existence ou non d'un dispositif de solidarité interne garantissant la
liquidité et la solvabilité au sein des réseaux à organe central.
Concernant le crédit d'impôt égal à 25 % des versements au fonds de garantie,
l'établissement cotisant ne sera en mesure d'utiliser la totalité de son crédit
d'impôt que si le montant de ce dernier est inférieur à celui de la
contribution des institutions financières qu'il acquitte.
Ce dispositif est à l'origine d'une autre inégalité aux dépens des
établissements à organe central. En effet, les organes centraux sont amenés à
acquitter la majeure partie de la cotisation de leur groupe, les crédits
garantis étant centralisés en tout ou partie.
Dans le cas du Crédit agricole, la centralisation est de l'ordre de 80 %. A
l'inverse, la contribution des institutions financières est payée
essentiellement dans les réseaux à organe central par les établissements
affiliés, à hauteur de 94 % au Crédit agricole.
Dans la pratique, le crédit d'impôt affecté à l'organe central risque donc
d'être sensiblement supérieur à la contribution des institutions financières
dont il est redevable.
Les banques à réseau craignent donc de subir une perte fiscale non négligeable
par rapport au droit commun. Cette perte est estimée par les professionnels à
l'équivalent d'un surplus de cotisation de l'ordre de 20 %.
Par ailleurs, l'importante contribution des établissements bancaires qui
auront participé à la montée en puissance du dispositif de garantie durant les
premières années doit être prise en compte dans les conditions d'adhésion
d'éventuels nouveaux membres.
Dans le texte voté à l'Assemblée nationale, il n'est pas indiqué que le cas
spécifique des nouveaux membres sera traité par le règlement d'application du
comité de la réglementation bancaire et financière. Cela est susceptible de
créer une injustice entre les différents adhérents et une distorsion de
concurrence au profit des nouveaux entrants dans le secteur. Un de mes
amendements au projet de loi vise à combler cette lacune.
D'un point de vue plus général, est-il vraiment opportun de superposer les
charges liées à l'approvisionnement du fonds unique à celles qui correspondent
à la contribution des institutions financières. Cette dernière taxe,
rappelons-le, n'existe nulle part ailleurs en Europe, ce qui constitue un
nouveau handicap pour nos établissements financiers face à la concurrence
internationale.
Alors que les banques françaises sont actuellement engagées dans un profond
processus de restructuration, conséquence de l'ouverture du marché au niveau
européen et de l'introduction de l'euro, il me paraîtrait de bonne politique de
réfléchir à une suppression progressive de la contribution des institutions
financières.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Parfait !
M. Marcel Deneux.
Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un article 53
bis
nouveau, qui
prévoit d'élargir les compétences de l'Association française des établissements
de crédit et des entreprises d'investissement au dialogue social.
Véritable cavalier, cette disposition n'a fait l'objet d'aucune concertation
avec l'association concernée : la commission des finances propose de la
supprimer et rejoint ainsi l'avis des membres de l'AFACEI qui se sont prononcés
récemment en assemblée générale en faveur du retrait de l'amendement.
Nonobstant ces observations, un peu sévères parfois, la deuxième partie du
projet comporte également des mesures fort opportunes, je tiens à le souligner
; je pense à la coordination des autorités de contrôle existantes qui
facilitera l'échange d'informations et la surveillance des établissements
financiers.
Le renforcement des prérogatives de la commission bancaire se révèle également
nécessaire ; l'histoire récente l'a, hélas ! démontré.
S'agissant du titre consacré aux sociétés de crédit foncier, le projet de loi
va aussi dans le bon sens en créant à Paris un vrai marché des obligations
foncières. Ainsi les établissements français pourront-ils enfin se positionner
dans ce secteur par rapport à leurs concurrents européens, en particulier leurs
concurrents allemands. Il était temps de le faire.
En conclusion, le groupe de l'Union centriste votera l'ensemble du projet de
loi tel qu'il sera modifié par le Sénat.
Avec ce vote, la Haute Assemblée aura apporté sa pierre à une réforme majeure
dans l'histoire de nos institutions financières.
Le mérite en revient en premier lieu, et je tiens à le féliciter encore, au
président de la commission des finances et à notre rapporteur, ainsi qu'à
l'ensemble de la commission des finances. Je veux les féliciter pour leur
travail intelligent et approfondi.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jean-Louis Carrère.
Les violons !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, qui doit avoir des éléments de réponse à
apporter aux intervenants.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Les réponses que
je vais apporter aux orateurs n'épuiseront heureusement pas le débat, sinon
cela viderait de tout intérêt les longues heures que nous allons passer encore
ensemble sur les différents articles. Néanmoins, je vais essayer d'être complet
pour vous en faire bénéficier, monsieur le président, au cas où vous ne
pourriez assister à la suite des débats.
M. le président.
Je me ferai un plaisir d'être là, monsieur le ministre !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je vous remercie,
monsieur le président.
Je ferai d'abord une remarque d'ensemble. J'ai apprécié les observations des
différents orateurs. Certaines ont été plus laudatives que d'autres ; certaines
ont été plus critiques que d'autres. C'est bien normal.
Je constate, comme il est bien normal aussi, que certains des points que
plusieurs d'entre vous ont évoqués ne me sont pas totalement inconnus. J'ai en
effet reçu de la part des différents corps constitués qui s'intéressent à ce
sujet les mêmes documents que ceux dont vous disposez. Comme c'est normal dans
une démocratie comme la nôtre, les
lobbies
de toutes sortes - puisque
c'est ainsi qu'il faut les appeler - ont joué leur rôle, permettant aux uns et
aux autres de bénéficier des mêmes documents. Je ne suis donc pas surpris d'en
retrouver trace dans les différentes interventions.
Monsieur le rapporteur général, vous avez appelé à plus d'audace ; je vous
reconnais bien là.
(Sourires.)
Je crois cependant que, s'agissant de ce projet de loi, l'audace, c'est de
vous le présenter
(Nouveaux sourires)
et de vouloir aller jusqu'au bout
d'une réforme dont beaucoup d'entre vous ont souligné qu'elle était attendue
depuis longtemps.
Si j'ai souligné dans mon intervention liminaire la qualité, le nombre et
l'ancienneté des travaux que le Sénat avait pu faire sur ce sujet, c'était
certes pour rendre hommage au Sénat dans son ensemble et aux rédacteurs de ces
travaux en particulier, mais aussi pour faire remarquer, en creux, que,
disposant de tous ces rapports depuis longtemps, le précédent gouvernement
aurait certainement eu le temps de mener à bien la réforme, s'il en avait eu
l'audace !
(Sourires.)
Les thèmes abordés ne sont pas nouveaux. Vous y avez beaucoup contribué,
depuis très longtemps. A défaut d'être très étonné, du moins suis-je légèrement
surpris que vous n'ayez pas mis à profit les longues périodes pendant
lesquelles la majorité du Sénat coïncidait avec celle de l'Assemblée
nationale...
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Si courtes !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... si courtes,
dites-vous, monsieur le rapporteur - c'est un point de vue - en tout cas
suffisamment longues, pour mener à bien la réforme que vous avez si bien
nourrie de tous les arguments que je n'arrive pas à comprendre pourquoi ce
n'est qu'en 1983, en 1991 et en 1999, c'est-à-dire quand une majorité de gauche
est au pouvoir, pour que l'on s'intéresse vraiment aux caisses d'épargne, à
croire que les caisses d'épargne n'intéressent finalement pas les partis
conservateurs de ce pays.
(M. Carrère applaudit.)
M. Michel Sergent.
Tout à fait !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Parce qu'il y a alternance à
toutes les élections !
(M. le rapporteur approuve.)
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Voilà ! Il y a
des alternances à toutes les élections, et cela permet au statut des caisses
d'épargne d'avancer.
En tout cas, reconnaissez avec moi que, s'il est facile de dire que, lorsqu'on
bouge, on ne bouge pas assez - c'est un reproche qui a été fait par plusieurs
orateurs - il m'est plus facile encore de faire remarquer - et vous me
pardonnerez cette facétie avant d'aborder les questions plus techniques - que
critiquer le mouvement quand il existe ne vous excuse pas d'avoir échappé à ce
mouvement quand vous pouviez le mettre en oeuvre.
L'intervention de M. le rapporteur, comme celle, d'ailleurs, de M. le
président de la commission, ont été à ce point riches qu'elles ont couvert
pratiquement tous les sujets que les autres orateurs ont évoqués par la suite.
J'aurais scrupule à répondre à tous les points au travers des deux
interventions principales et à ne pas répondre aux autres. Je vais donc, dans
une certaine mesure, répartir en quelque sorte mes réponses. Je pense que ni M.
Marini ni M. Lambert ne m'en voudront.
Commençons par le livret A. Monsieur Marini, vous nous proposez une indexation
législative du livret A. Certes, cela a un rapport puissant avec notre texte,
mais pas un rapport immédiat. Vous savez que ce n'est pas la position du
Gouvernement. Il y a donc là peu de débat, il y a une position différente.
Nous pensons que le livret A doit garder sa spécificité. C'est d'ailleurs un
thème qui sera évoqué par beaucoup d'entre vous au travers de la question de sa
banalisation ; mais je l'évoque là au travers du taux, qui est celui de la
rémunération.
Nous pensons que le livret A doit garder sa spécificité, donc son caractère
spécifique attaché à un réseau et à un mode de définition du taux de
rémunération qui doit être laissé au Gouvernement.
Vous le savez, nous avons créé une commission, dite des taux réglementés, qui
est appelée à donner son avis. Elle l'a d'ailleurs fait il y a quelques
semaines.
Mais le Gouvernement est libre, en fonction d'autres impératifs que ceux qui
sont uniquement financiers, de choisir la politique qui leur semble la
meilleure.
Nous n'aurions d'ailleurs pas intérêt collectivement à enserrer tous les
gouvernements à venir et qui se succéderont - car, M. Lambert l'a rappelé, il y
a des alternances - dans un cadre à ce point contraignant que, finalement, il
n'y aurait plus aucune maîtrise, l'automaticité de l'indexation se substituant
aux choix politiques.
Pour autant, il fallait un encadrement. C'est le rôle du comité des taux
réglementés. C'est, je crois, un bon équilibre mais je conçois qu'il puisse y
avoir, sur ce point, des divergences entre nous.
Vous avez évoqué un point très important, monsieur le rapporteur, relatif à
l'affectation souhaitée par le Gouvernement des 18,5 milliards de francs de
capital des caisses - un montant sur lequel je reviendrai dans un instant - à
un fonds de retraite.
Je ne peux pas dire que je sois convaincu par votre argumentation. En somme,
vous nous dites que ce problème des retraites n'est pas encore totalement
élucidé et qu'il n'a pas été entièrement traité par le Gouvernement, ce qui est
exact. Dans ces conditions, semblez-vous dire, il ne faut rien faire tant qu'on
ne sait pas exactement où l'on va sur l'ensemble. Et cela, ce n'est pas exact
car, avec un tel raisonnement, qui est typiquement français et bien cartésien
mais peut-être insuffisant, il faudrait avoir totalement résolu le problème sur
le papier pour commencer à prendre des décisions concrètes.
Nous savons de toute façon que, quelles que soient les décisions prises, le
système de retraite par répartition dans notre pays a besoin d'argent. Il est
tout à fait légitime que le capital issu de la transformation des caisses
d'épargne en coopératives serve un objectif de solidarité nationale. Quel
objectif plus grand de solidarité nationale peut-on trouver que le système de
retraite par répartition ? Mettons-y les 18,8 milliards de francs. Cela ne
résout pas le problème des retraites, cela va sans dire, mais c'est mieux que
de ne pas les y mettre.
Je ne peux pas accepter un raisonnement qui consiste à dire que c'est soit
trop petit, soit trop grand. C'est certes trop peu, mais c'est un petit bout du
chemin. On en fera d'autres avec d'autres ressources, d'autres excédents qui
peuvent apparaître dans les comptes sociaux. Et, petit à petit, nous aboutirons
à un fonds qui atteindra, je le crois, plusieurs centaines de milliards de
francs.
Ce fonds ne résoudra pas non plus à lui seul le problème des retraites, car il
y a une démographie difficile ; mais il y contribuera le jour venu.
Il n'est que temps de commencer, et je ne peux croire un instant - je ne vous
ferai pas cette injure - que c'est justement parce que nous commençons que vous
vous trouvez gênés que près de 20 milliards de francs soient affectés aux
retraites.
Ce n'est certainement pas votre raisonnement, monsieur Marini. De ce fait,
vous devez reconnaître que ces quelque 20 milliards de francs sont les
bienvenus pour une affectation d'intérêt général.
La question et la suivante : pourquoi 18,8 milliards de francs ? Vous êtes le
premier, et beaucoup d'autres vous ont suivi dans cette voie, à avoir souligné
l'idée que l'on ne voyait pas très bien pourquoi mettre 18,8 milliards de
francs et non 14 milliards de francs. Si ce n'est vous, monsieur le rapporteur,
d'autres ont évoqué des chiffres tournant autour de 13 milliards, 14 milliards
ou 15 milliards de francs.
Vous avez raison, mais vous avez également tort. Vous avez raison, car les
18,8 milliards de francs ne résultent pas d'une appréciation totalement
rigoureuse. D'ailleurs qui serait capable de définir avec une rigueur
arithmétique le capital social que doivent avoir les caisses d'épargne ? Ce
chiffre correspond à la somme des dotations qui revient au capital actuel des
caisses.
Cela a-t-il un sens ? Il est vrai que la somme des dotations aurait pu être
trois fois trop forte ou trois fois trop faible. Ce montant est-il à peu près
au niveau qui convient ? C'est en tout cas le sentiment du Gouvernement,
puisque le ratio capital sur fonds propres, si nous retenons le chiffre de 18,8
milliards de francs pour le capital des caisses d'épargne, sera de 35 %, alors
qu'il est de 37 % pour les Banques populaires et de 41 % pour le Crédit mutuel.
Notre proposition semble raisonnable. Mais, bien sûr, vous m'objecterez que
l'on pourrait en rester à 14 milliards de francs. Cependant, il me semble que
vous n'avez pas plus d'arguments pour justifier ce chiffre que je n'en aurais
pour justifier celui de 18,8 milliards de francs. Vous en avez même plutôt
moins, car le chiffre de 18,8 milliards de francs correspond au moins à la
somme des dotations actuelles.
Si nous avions à notre disposition un instrument qui nous permette
véritablement de fixer avec exactitude le montant du capital nécessaire, nous
nous y rallierions tous, car il n'y aurait aucune raison de ne pas le faire.
Mais nous ne disposons pas d'un tel instrument.
A défaut, on peut établir une comparaison avec les réseaux similaires, et j'ai
cité à cet égard les Banques populaires et le Crédit mutuel. Certes,
ressemblance n'est pas identité.
On pourrait donc estimer que le capital nécessaire est plutôt de 18 milliards
de francs, de 19 milliards de francs ou de 17 milliards de francs, mais le
chiffre de 18,8 milliards de francs représente justement le capital existant.
Par conséquent, pourquoi s'écarter de ce chiffre ? Cela ne serait pas vraiment
logique, même si je reconnais, encore une fois, que la rigueur mathématique
n'impose pas le chiffre de 18,8 milliards de francs.
Je pense que s'il y a peu de raisons de retenir ce montant, il y en a encore
moins de retenir celui de 18,5, de 18 ou de 17,5 milliards de francs. Optons
donc pour le chiffre de 18,8 milliards de francs, car il correspond au moins à
la situation actuelle.
Peut-être craignez-vous en fait que le réseau n'ait bien du mal à placer ces
18,8 milliards de francs de parts ? C'est possible, je conçois que l'on puisse
nourrir cette crainte. Cependant, dans ce cas, si c'est bien cela qui fonde
votre raisonnement, si vous pensez que le réseau peut placer 13 ou 14 milliards
de francs, mais pas 18,8 milliards de francs, et qu'il vaut mieux fixer un
capital moins important - peut-être est-ce le cas, monsieur le rapporteur
-...
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est une crainte parmi d'autres !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Alors je puis
vous rassurer tout de suite. Selon le choix du Gouvernement, les 18,8 milliards
de francs se décomposent en 13 milliards de francs à collecter par le réseau,
le reste étant placé sous la forme de certificats d'investissement auprès
d'institutionnels. On retrouve donc votre chiffre puisque, au bout du compte,
ce seront 13 milliards de francs qui devront être placés par le réseau. Cela
correspond - c'est même un peu inférieur - aux 14 milliards de francs que
nombre d'entre vous ont proposé.
En conséquence, si votre crainte est la capacité de placement du réseau, alors
nous vous avons entendus. En effet, je pense que le réseau aurait eu du mal à
placer auprès des épargnants 18,8 milliards de francs. C'est pourquoi il n'aura
à en placer que 13 milliards de francs.
Nous sommes donc d'accord sur les chiffres. Nous avons prévu que le reste
proviendra d'une autre source. Il n'y a donc plus de difficultés entre nous sur
ce sujet.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il faudra quand même rémunérer davantage !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. le rapporteur
me dit qu'il faudra rémunérer davantage. Dans ce cas, sa crainte n'est plus que
le réseau des caisses d'épargne ne parvienne pas à placer ces 18,8 milliards de
francs ; je viens d'y répondre. Sa crainte semble être qu'il ne soit pas
capable de les rémunérer.
Qu'il me soit permis, sans ironie, d'être surpris que le grand libéral qu'est
le sénateur Philippe Marini ne cherche pas une rentabilité suffisante et
s'inquiète de ce que le réseau des caisses d'épargne ait trop de rentabilité à
fournir ! En règle générale, monsieur le rapporteur, vous nous avez habitués à
raisonner dans l'autre sens.
D'ailleurs, aujourd'hui encore, vous-même comme nombre d'intervenants de la
majorité sénatoriale, ont développé le thème de l'insuffisante banalisation du
réseau des caisses d'épargne. Il faudrait aller plus loin vers la banque
traditionnelle.
Or les ratios de rentabilité de la banque traditionnelle aujourd'hui sont bien
plus élevés que ce qui va être nécessaire aux caisses d'épargne, dans la
situation qui découlera de ce texte de loi, pour rémunérer ces 18,8 milliards
de francs.
Soyons donc cohérents jusqu'au bout ! Ou bien vous souhaitez une plus grande
banalisation - et vous l'avez dit - et vous souhaitez donc une rentabilité du
réseau bien plus grande encore que celle qui est demandée par le texte de loi.
C'est cohérent, c'est votre droit, même si ce n'est pas ma position. Mais, dans
ce cas, vous ne pouvez dire, à un autre moment du débat, qu'il est impossible
de rémunérer les 18,8 milliards de francs dans les conditions fixées par le
projet. Il faut qu'entre le début et la fin des interventions il y ait quand
même un minimum de cohérence !
Le choix du Gouvernement a été de dire « non » à la banalisation. Ce n'est pas
une banque comme les autres ; le dividende social et d'autres éléments sur
lesquels je reviendrai ultérieurement trouvent leur justification dans le fait
que ce n'est pas un circuit financier, ce n'est pas un établissement financier
comme les autres. Dans ces conditions, il ne doit pas être assujetti à une
rentabilité qui peut être aussi forte que celle que les banques commerciales
doivent assumer devant leurs actionnaires.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il ne pourra pas rémunérer 18,8 milliards de francs !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Pour autant, cela
ne signifie pas qu'il ne pourra pas rémunérer 18,8 milliards de francs.
Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas votre raisonnement. Rémunérer 18,8
milliards de francs n'est impossible que si l'on veut imposer au réseau les
mêmes taux de rendement que ceux du réseau commercial. Dans le cas contraire,
vous pouvez rémunérer 18,8 milliards de francs, mais à un taux de rendement
plus faible.
Par conséquent, la vraie question est la suivante : voulez-vous imposer au
réseau des caisses d'épargne un taux de rémunération ou un taux de rendement
aussi dur que celui du réseau commercial ? Si c'est « oui », c'est votre droit,
mais ne venez pas dire que c'est nous qui imposons des contraintes. Si c'est «
non », nous sommes d'accord : avec les résultats obtenus, nous pourrons
rémunérer les 18,8 milliards de francs, mais à un taux de rendement plus faible
que les banques commerciales.
Personnellement cela me satisfait, car je ne veux pas imposer au réseau des
caisses d'épargne des contraintes qu'il ne pourrait pas satisfaire.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Ce n'est pas ce que les souscripteurs en penseront.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Pour les
souscripteurs, monsieur le rapporteur, nous verrons.
La dernière grande critique importante que fait M. le rapporteur et qui mérite
beaucoup de réflexion porte sur la mise en place des groupements locaux
d'épargne, les GLE, auxquels je vois beaucoup de qualité et un défaut
principal, qui est le sigle relativement malheureux. Bref, puisque ce sont des
GLE, appelons-les des GLE !
Les GLE, dites-vous, sont inutiles. Nombre d'entre vous ont évoqué « l'usine à
gaz », ce qui n'est pas obligatoirement une critique en soi. Dans nombre de
secteurs, notamment le secteur gazier, les usines à gaz ne posent pas problème.
Pourquoi en poseraient-elles dans le nôtre ?
A cela, vous répondez que nous n'avons pas besoin de cet échelon et que vous
n'avez entendu dans les auditions que des critiques contre les groupements
locaux d'épargne. Vous formulez donc deux remarques : premièrement, nous n'en
avons pas besoin ; deuxièmement, ils ne suscitent que des critiques.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Sauf au ministère des finances !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Certes, sauf dans
ce mauvais ministère qui ne cherche que le malheur de l'ensemble des Français
!
S'agissant de la première remarque, selon laquelle nous n'en aurions pas
besoin, je crois, au contraire, que nous en avons besoin pour animer le
sociétariat et pour accélérer la mutualisation. Cela est tellement vrai
s'agissant du sociétariat que, dans votre rapport écrit, monsieur le
rapporteur, vous précisez qu'il faut non pas créer des groupements locaux
d'épargne, mais organiser des sections locales d'épargne. Très bien !
Quelle est la différence entre les deux ? Le groupement local d'épargne a la
personnalité juridique, alors que la section ne l'a pas. Je reconnais bien
volontiers que c'est un peu plus compliqué, mais reconnaissez aussi que cela ne
change pas fondamentalement les choses. Il faut bien une structure pour animer
le sociétariat, vous le reconnaissez donc vous-même. Vous la faites plus simple
que la mienne, j'en suis d'accord !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Alors acceptez notre proposition, monsieur le ministre !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Vous la faites
plus simple parce qu'elle n'a pas la personnalité juridique, mais
objectivement, vous ne pouvez pas vous passer d'une structure.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Il en faut une.
Vous l'appelez « section locale d'épargne ». La seule différence donc est
qu'elle n'a pas la personnalité juridique.
Pourquoi ne pas choisir votre voie, accepter cette structure - que nous
appellerons section locale d'épargne ou autre - qui sera suffisante pour animer
le secrétariat ? Puisqu'il n'y a pas besoin de la personnalité juridique, il
est inutile de compliquer la situation à plaisir !
Mais, dans ces conditions, vous ne remplissez pas obligatoirement les autres
fonctions dont nous avons besoin, notamment l'accélération de la mutualisation,
et pendant ce temps indéfini nous ne saurons pas à qui appartient une part du
capital.
Ce n'est pas un problème très important, me direz-vous. Vous aurez peut-être
raison. Mais la contrainte que je propose, la création des GLE avec
personnalité juridique, n'est pas non plus un problème insurmontable. L'usine à
gaz, c'est d'avoir une structure et de devoir la faire vivre, mais ce n'est pas
le fait qu'elle ait ou non la personnalité juridique !
Au total, je ne vois pas trop d'inconvénients au système qui a été choisi.
Mais ni vous, monsieur le rapporteur, ni moi ne sommes totalement experts en ce
domaine, encore que vous l'êtes plus que moi. Nous sommes des apprentis face
aux professionnels de ce sujet. C'est tout de même vers ceux-là qu'il faut se
tourner pour savoir ce qu'il en est.
On sait que, dans un débat de cette nature, je le disais au début de mon
propos, il existe des groupes de pression. Certains sont pour, d'autres sont
contre en fonction de leur intérêt propre. Raison de plus pour se tourner vers
les professionnels qui ont pour mission de défendre l'intérêt du réseau des
caisses d'épargne dans son ensemble. Qui est mieux placé pour cela que le
président du directoire des caisses d'épargne qui vient d'être nommé pour ses
compétences et son sens de l'intérêt général à la reconnaissance de tous ?
Au cours de l'audition à laquelle vous avez procédé, qu'a répondu le président
du directoire, M. Milhaud, à la question que vous lui posiez concernant
l'utilité des GLE ? Je cite le compte rendu de la commission : « Toujours en
réponse à M. Philippe Marini, qui se demandait si les groupements locaux
d'épargne étaient vraiment indispensables, le président du CENCEP a indiqué que
les caisses d'épargne devaient disposer d'un capital fixe si elles voulaient
être en mesure d'émettre des certificats coopératifs d'investissement ce qui
nécessitait un échelon intermédiaire de placement des parts sociales. Il a par
ailleurs estimé que les GLE constituaient une structure nécessaire d'animation
du sociétariat. » En conséquence, il y a au moins une personne auditionnée qui
n'a pas dit du mal des GLE : c'est celle qui, sur ce sujet, est la plus
compétente puisqu'il s'agit du président du directoire des caisses d'épargne
!
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est sans doute pour ne pas vous faire de peine, monsieur
le ministre ! J'en suis même sûr !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Devant une
institution aussi éminente que la Haute Assemblée, je ne pense pas que M.
Milhaud ait dit autre chose que ce qu'il pensait.
Dans ces conditions, puisque la personne en charge de la vie et du
développement du réseau, choisie pour ses compétences, reconnue par ses pairs,
issue du milieu des caisses d'épargne puisqu'elle y a fait sa carrière -M.
Milhaud était encore récemment président des caisses d'épargne de Provence -
Alpes - Côte d'Azur -...
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il faudra donc suivre toutes ses recommandations !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... nous dit
qu'elle y voit un intérêt - et l'argumentation que je reprenais tout à l'heure,
je le dis avec modestie, ne fait que se calquer sur la sienne -, je ne vois pas
pourquoi nous y renoncerions et pourquoi vous ne vous y rallieriez pas.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Parce qu'il nous a tenus des propos différents à d'autres
moments !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Vous accusez M.
Milhaud d'être lunatique,...
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Non, pas du tout !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... mais je n'en
vois trace dans le compte rendu de la commission.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Pas ce jour-là !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
président de la commission des finances, vous, vous voulez banaliser. C'est un
choix qui est légitime. Je ne le partage pas, mais je le comprends. On peut
penser que cette histoire des caisses d'épargne date de deux siècles maintenant
et qu'il s'agit d'une antienne que nous avons assez entendue. Vous voulez donc
transformer ce réseau en une banque comme les autres.
Ce n'est pas le choix du Gouvernement. Dès lors, les critiques que vous
formulez sont cohérentes, mais vous comprendrez que je ne puisse pas les
reprendre.
C'est là que vous entrez dans la contradiction que j'évoquais tout à l'heure,
en réponse à M. Marini. Vous soutenez que, dans le projet de loi, les
contraintes sont trop nombreuses. Mais si l'on banalisait totalement, comme
vous le souhaitez, les contraintes sur le réseau seraient beaucoup plus fortes,
notamment la contrainte de rentabilité.
Selon vous - j'ai pris note de vos propos à la volée - nous lançons les
caisses d'épargne dans le grand bain, ligotées avec un ensemble de bouées. Des
gueuses de plomb !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Des GLE de plomb !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Dans le même
temps, vous soutenez qu'il faut banaliser le livret A, alors que le monopole du
livret A constitue à l'évidence un avantage pour le réseau des caisses
d'épargne, et même leur arme principale !
Vous nous avez habitués à une cohérence du discours et à une rigueur de la
pensée qui ne m'autorisent pas à imaginer que vous ne percevez pas la
contradiction entre ces deux points !
Le livret A est utile pour les caisses d'épargne, et certes pour les
épargnants - mais c'est un autre débat - car ce réseau est encore fragile. Il
doit donc pouvoir bénéficier d'un atout, qui est le livret A. Ne le lui
retirons pas et ne considérons pas qu'en le lui laissant on lui lie les mains.
C'est le contraire : on lui facilite une concurrence qui va se développer - on
peut le regretter ou s'en féliciter - avec l'ensemble des autres réseaux
bancaires.
Monsieur Lambert, vous avez souhaité savoir qui déterminera la stratégie du
groupe. Cela me paraît extrêmement simple : le groupe est prévu avec une
structure de conseil de surveillance et de directoire. Le conseil de
surveillance, qui regroupera les actionnaires, aura à déterminer la stratégie
du groupe. Les actionnaires seront la Caisse des dépôts et consignations pour
une part, les caisses régionales pour une autre... Cela fonctionnera
normalement, comme doit fonctionner un ensemble de cette nature. Je ne vois
pas, pour ma part, de difficulté majeure dans ce domaine.
S'agissant des taux administrés, je n'y reviens pas.
Vous m'avez également interrogé sur l'avenir du Crédit foncier, qui est un
point très important, en disant que vous vous offusquiez - mais vous le disiez
avec un sourire - de lire certaines choses dans la presse dont le Sénat n'a pas
été informé. Etant trop averti pour accorder un quelconque crédit à ce qu'on
peut lire dans la presse, j'ai donc plaisir à informer le Sénat directement.
La restructuration du Crédit foncier s'achève dans de bonnes conditions. La
recapitalisation s'élève à 1,8 milliard de francs, ainsi que j'ai déjà eu
l'occasion de le dire au Sénat. Les obligations foncières prévues dans le texte
dont nous discutons aujourd'hui sécuriseront ce bilan. Dans le même mouvement,
les relations avec l'Etat ont été assez largement simplifiées.
Je crois donc que ce travail de remodelage du Crédit foncier était utile, et
c'est sans doute parce qu'on ne l'avait pas fait l'année dernière que la
tentative de poursuite de l'opération lancée par le précédent gouvernement a
fini par échouer, au mois d'août dernier.
Comme vous le savez, on a repris les cartes, on a retraité le problème.
L'opération est maintenant terminée, et nous pouvons entrer dans la deuxième
phase.
Le comité central d'entreprise va être consulté. Des rapports étroits se sont
noués entre mon ministère, la direction du Crédit foncier et les structures
syndicales à propos de l'organisation qui peut être donnée à cet
établissement.
A la mi-mai, c'est-à-dire dans quelques jours, une nouvelle procédure
d'adossement sera lancée. Si tout se passe correctement, elle devrait pouvoir
aboutir fin août ou fin septembre, disons à la fin de l'été. Ce sera
évidemment, comme il le faut, une procédure ouverte, non discriminatoire,
transparente, mais pour aboutir à un adossement du crédit foncier rénové,
c'est-à-dire recapitalisé, simplifié, renforcé.
Si j'ai bien lu les coupures de presse auxquelles vous semblez vous référer et
qui émanaient du même directeur ou du président du directoire des caisses
d'épargne, de nombreuses structures sont intéressées par le Crédit foncier. Je
ne désespère donc pas, au contraire, que nous trouvions une solution française
qui nous permette de redonner au Crédit foncier un avenir dans la stabilité.
M. Ostermann nous a dit que la prévision des 18,8 milliards de francs était
irréaliste ; il propose 14 milliards de francs. Ayant déjà évoqué cette
question, je n'y reviens pas.
Pourquoi 14 milliards de francs ? Je ne sais pas. C'est son choix. Mais,
monsieur le sénateur, c'est justement la somme de 13 milliards de francs que le
Gouvernement a retenue pour être placée auprès des épargnants. Je suis sûr que
là nous allons trouver un accord.
Le point suivant sur lequel vous avez insisté, monsieur le sénateur, point
important que je n'ai pas encore évoqué, a trait à la part minimale du résultat
qui doit être consacrée au dividende social.
Le texte issu de l'Assemblée nationale prévoit qu'un tiers au minimum du
résultat doit être affecté au dividende social. Qu'est-ce que le dividende
social ? Ce sont des projets locaux ou des projets sociaux.
Vous me corrigerez si je me trompe : si vous êtes inquiets, c'est parce que,
implicitement, vous craignez une rentabilité insuffisante de ces projets
locaux. En effet, si vous avez à l'esprit qu'ils auront une forte rentabilité,
aucun problème particulier ne peut se poser. Mais si vous pensez qu'ils auront
une rentabilité insuffisante, alors cessez de discuter du développement de
l'épargne de proximité pour financer certains projets qui ne trouvent pas à se
développer avec le système bancaire traditionnel !
Je m'étonne qu'une assemblée comme la vôtre, qui est, plus que d'autres,
soucieuse du sort des collectivités locales et proche des réalités du terrain,
puisse se préoccuper moins qu'une autre - je pense à l'Assemblée nationale - de
l'épargne de proximité et du financement des opérations locales.
Pour ma part, je crois que les sujets d'intérêts locaux ont une forte
rentabilité et que le système financier actuel ne les prend pas assez en
compte. Je crois aussi que ce fameux dividende social, dont vous semblez mettre
en doute la rentabilité, sera bel et bien rentable, car les investissements
qu'il faut financer et qui sont rentables sont bien à réaliser maintenant dans
les régions, dans les communes.
Dans ces conditions, pourquoi devrions-nous éprouver des craintes face à ce
dividende social ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est un acte de foi !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
C'est
effectivement un acte de foi ; pour ma part, j'ai foi en la décentralisation,
en l'activité des communes, et je me refuse à croire qu'il en soit autrement de
la part des sénateurs.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Si vous nous prenez par les sentiments !
(Sourires.)
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
En tout cas, ce
choix rejoint celui que j'évoquais tout à l'heure, qui consiste à savoir si on
veut ou non banaliser les caisses d'épargne. Si on veut les banaliser, qu'il
soit clair que telle n'est pas l'option retenue par le Gouvernement.
Si on ne veut pas les banaliser, comment se traduit ce choix ? Je l'ai dit :
du côté des ressources, par le monopole du livret A ; du côté des emplois, par
un certain nombre d'emplois d'intérêt général qui ne sont pas obligatoirement
ceux que fait n'importe quelle banque.
Monsieur le sénateur, vous avez aussi évoqué le livret A, je n'y reviens pas ;
le sujet est clair, je crois.
Vous avez évoqué un point très important : la situation de l'Alsace -
Moselle.
Ce sujet a été longuement débattu à l'Assemblée nationale. Je vois bien
pourquoi les caisses d'épargne d'Alsace, qui ont, historiquement, un statut
particulier, veulent le conserver. C'est légitime. Mais je vois aussi la
contradiction qu'il y a à prôner la banalisation et à vouloir conserver les
petits avantages locaux que l'histoire a pu générer.
M. Joseph Ostermann.
Mais non !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ce qu'il ne faut
pas, c'est que la réforme nuise aux caisses d'épargne alsaciennes, j'en suis
d'accord. La proposition du Gouvernement vise à neutraliser le fait qu'elles
soient soumises au statut commun.
La perte qui pourrait en résulter sera compensée franc pour franc, notamment
grâce au passage du taux de 0,7 % à 1,2 %. Au bout du compte, le statut des
caisses d'épargne sera le même sur tout le territoire, sans que les Alsaciens
et les Mosellans y perdent financièrement. Je crois, honnêtement, que c'est une
manière de procéder satisfaisante.
Je sais que vous avez déposé des amendements sur ce point ; je serai obligé de
demander au Sénat de les repousser. Je ne sais s'il me suivra ou non. En tout
cas, il n'y a aucune raison de vouloir perpétuer un statut spécifique contraire
à toutes les règles de l'homogénéité et de la concurrence. Je le répète, les
conséquences de l'harmonisation pour l'Alsace et la Moselle, seront compensées
franc pour franc, mais il convient que le statut des caisses d'épargne soit
harmonisé sur l'ensemble du territoire.
Monsieur le sénateur, vous êtes le premier orateur à être intervenu sur
l'article 37.
Cet article a été visiblement très mal rédigé par le Gouvernement, je le
confesse, si bien qu'à l'Assemblée nationale des éclaircissements nombreux ont
dû être donnés. La bonne foi du Gouvernement n'est pas en cause, mais l'article
était tellement mal rédigé que des inquiétudes n'ont pu être dissipées.
Le Gouvernement a donc décidé d'en proposer la suppression en attendant qu'ici
même, au Sénat, ou en commission mixte paritaire, un texte conforme au souhait
du Gouvernement et recueillant l'accord des deux assemblées soit rétabli. C'est
le but que nous visions avec la première rédaction.
Trop compliquée, peut-être incomplète, elle a suscité de l'émoi dans
l'ensemble du monde mutualiste. Visiblement, le Gouvernement n'a pas su la
mettre en forme correctement.
Au demeurant, s'il réussissait toujours à mettre parfaitement en forme ses
intentions, le rôle des assemblées parlementaires s'en trouverait diminué. Je
suis donc ravi que cette mauvaise rédaction nous donne l'occasion de souligner
l'apport parlementaire.
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Continuez donc à mal rédiger !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je remercie M.
Delfau de son approbation générale.
Il s'inquiète, lui aussi, de l'importance du capital et craint qu'il ne soit
difficile à placer. Il nous suggère de diminuer cette somme d'un tiers. On en
revient ainsi aux 13 milliards, voire 14 milliards de francs.
Je tiens une fois encore à vous rassurer, mesdames, messieurs : ce sont bien
13 milliards ou 14 milliards de francs que le réseau devra placer. Cela ne
posera pas de difficulté. Lorsqu'on interroge le réseau - à cet égard vos
sources d'information sont justes - il confirme qu'il sera possible en quatre
ans - à un an près - de placer 13 milliards de francs. C'est la raison pour
laquelle nous avons retenu ce chiffre.
Quand on parle d'un capital de 18,8 milliards de francs, on comprend les 5
milliards de francs qui devront être placés en CCI, ce qui est autre chose.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Non, ce n'est pas autre chose.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Si, car ce ne
sont pas les épargnants qui devront les financer. Il s'agit donc d'un autre
réseau de placement faisant appel à d'autres modalités de placement.
Lorsque l'on dit que le réseau ne pourra pas placer plus de x milliards de
francs auprès des épargnants, on pense bien à ce qui va être proposé aux
guichets. Autre chose est le placement institutionnel des 5 milliards de francs
de CCI, qui ne donneront pas lieu aux mêmes procédures de vente.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Ils manqueront quand il faudra augmenter les fonds
propres.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Nous verrons bien
! Ne soyez pas un oiseau de mauvais augure ! Puisque vous affirmez souhaiter la
réussite de cette réforme, ne dites pas en permanence qu'il manquera ceci ou
cela.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Nous voulons qu'elle réussisse.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je sais que vous
vous réjouirez avec nous quand la réforme aura réussi.
L'autre point qu'a abordé le premier M. Delfau et qui est très important
concerne la part sociale de chaque épargnant.
C'était, je l'avoue, une bonne idée de dire que, puisque l'institution n'avait
pas de propriétaire jusqu'à maintenant, c'était la nation tout entière qui
l'était et que chaque Français pouvait avoir au moins une part, quitte à donner
des parts supplémentaires à ceux qui apportaient des concours financiers.
J'ai été très séduit par cette proposition lorsqu'elle a été émise. Elle se
heurte cependant à un certain nombre d'arguments juridiques. Vous avez dit,
monsieur le sénateur, que vous n'étiez pas convaincu par ces arguments
juridiques. C'est une bataille de juristes.
Quels sont ces arguments juridiques ? Il y en a deux principaux.
La proposition concrète qui était formulée consistait à donner une part à
chaque détenteur d'un livret de caisse d'épargne.
Le problème réside dans la violation que cela implique du principe d'égalité
inscrit dans la Constitution. En effet, ceux qui ne détiennent pas de livret de
caisse d'épargne n'auraient pas cette part. Par conséquent, entre deux
Français, dont l'un aurait un livret de caisse d'épargne et l'autre non
l'égalité serait été rompue. On peut débattre de cela sans fin. Mais je ne peux
pas garantir que le Conseil constitutionnel, qui a parfois pris des positions
que l'on a trouvé sévères, au nom même du principe d'égalité, en matière
fiscale par exemple, n'aurait pas la même attitude sur la question qui nous
occupe aujourd'hui.
Un autre argument qui met en cause la responsabilité du Gouvernement, peut
être invoqué. En effet, celui-ci est garant des deniers publics, et il ne peut
pas aliéner sans contrepartie un bien qui appartient à la nation, ou alors cela
signifie que celui-ci n'a aucune valeur. Par conséquent, le Gouvernement
pourrait faire l'objet de critiques s'il remettait gratuitement à un autre
propriétaire, en l'occurrence à un titulaire de livret A, une part, fût-elle
minime, du patrimoine national. Cela pose donc un problème de responsabilité
propre du Gouvernement, si bien qu'une autre solution doit être envisagée.
Si l'on veut effectivement permettre à tous ceux qui le souhaitent de devenir
coopérateurs au sein de cette coopérative que seront les caisses d'épargne, et
si l'on ne veut pas que l'importance du montant à débourser soit dissuasif pour
les familles et les individus à revenu modeste, il faut fixer, cela est
légalement possible, à un montant extrêmement faible, à savoir quelques
dizaines de francs, le prix de la première part.
Alors, chacun pourra - car si l'on détient un livret de caisse d'épargne,
celui-ci n'est pas complètement vide - consacrer dix, vingt, trente ou quarante
francs - je ne sais pas quel sera le montant retenu, cela reste à déterminer -
à l'achat de la première part. Tous ceux qui le souhaitent pourront ainsi, dans
l'esprit qui a été évoqué, devenir coopérateurs, sans que nous encourions de
risques juridiques. Je crois que c'est la voie que nous devons emprunter, et
nous allons étudier comment nous pouvons mettre en oeuvre cette solution. Cela
permettra peut-être à des millions de Français ou d'épargnants présents sur
notre territoire de devenir coopérateurs, sans qu'aucun problème juridique ni
financier ne se pose.
Monsieur Loridant, vous vous inquiétez du fonctionnement démocratique de
l'ensemble de la structure qui sera mise en place, si les deux assemblées
l'acceptent, au lendemain de l'adoption du présent projet de loi.
Croyez-le bien, votre souci est partagé par le Gouvernement, et plusieurs
dispositions, que l'on peut sans doute encore améliorer, visent précisément à
assurer ce fonctionnement démocratique.
D'abord, il y aura deux collèges, l'un pour les collectivités locales, l'autre
pour les salariés, ce qui est un moyen de permettre, au sein des conseils,
l'expression de voix différentes.
Ensuite, le rôle même des fameux groupements locaux d'épargne est évidemment
un élément de fonctionnement démocratique, que l'Assemblée nationale a
d'ailleurs renforcé en précisant les missions d'intérêt général que ces
groupements doivent contribuer à développer dans l'animation du sociétariat.
Peut-on aller plus loin ? Pour ma part, j'y suis disposé, mais je ne crois pas
que le nombre des représentants de telle ou telle catégorie ait une réelle
incidence. Peut-être trouverons-nous d'autres dispositifs propres à assurer
mieux encore le fonctionnement démocratique de l'ensemble. En tout cas, tout ce
qui peut aller dans ce sens est évidemment bienvenu.
Le problème du droit social est un peu plus complexe, car nous avons à
concilier, chacun l'a bien compris, le mouvement lié à la modernisation de la
structure des caisses d'épargne et leurs spécificités, qui doivent être
préservées.
Malheureusement, à cet égard, ne rien changer à la situation actuelle
reviendrait à entériner une situation où le dialogue social n'est pas, c'est le
moins qu'on puisse en dire, extrêmement animé.
En effet, dans le réseau des caisses d'épargne, pas un seul accord n'a été
conclu depuis six ans, notamment parce que les modalités de fonctionnement de
la concertation sont bloquées par les règles de pourcentage que vous
connaissez.
Faudrait-il, à l'inverse, banaliser totalement ? Nous répondons non, pour les
raisons symétriques de celles que j'exposais précédemment.
Nous avons donc essayé de trouver une solution intermédiaire, telle qu'il soit
possible de relancer une mécanique de dialogue social sans aboutir pour autant
à une banalisation totale. Bien entendu, on peut discuter du curseur, mais je
ne crois pas que nous puissions en rester à la situation actuelle, qui n'a pas
permis, au cours des années passées, au dialogue social de se nouer et
d'aboutir à la signature d'accords.
Je souhaite un dialogue très fructueux dans les caisses d'épargne. Il faut
donc essayer de lever les obstacles qui, nous le constatons, l'ont quelque peu
empêché.
Le dernier point de votre intervention que je voudrais évoquer, monsieur
Loridant, concerne les sociétés de crédit foncier.
Le superprivilège des obligations foncières est un des principes de la
sécurisation des titres. Il est donc très difficile de ne pas le mettre en
oeuvre, vous le savez comme moi. Cela pose un problème, dites-vous, parce que
ce superprivilège fera passer ces créanciers avant les salariés. Certes, mais
les filiales en question sont des filiales outils : il n'y a pas de personnel
dans les sociétés de crédit foncier. Dès lors, ce superprivilège ne peut porter
atteinte aux droits du personnel et le fait que, parmi les différents
créanciers financiers, ceux qui relèvent des obligations foncières passent
avant d'autres devient, reconnaissez-le, beaucoup moins gênant.
En fait, il n'y a rien là de véritablement anormal : que des sociétés de
crédit foncier privilégient plus les obligations foncières que d'autre créances
qu'elles peuvent détenir n'est pas tellement choquant. C'est leur raison d'être
!
Ce qui serait choquant, ce serait que, par là même, elles passent devant les
droits des salariés. Mais, dans la mesure où il s'agit de sociétés outils, sans
personnel, ce risque n'existe pas. Je tenais à vous rassurer sur ce point.
Si cela n'est pas suffisamment clair dans le texte, peut-être convient-il de
le préciser. Vous avez déposé, avec M. Sergent, un amendement dans ce sens.
Nous en débattrons le moment venu. Je suis cependant d'accord pour le préciser
si c'est nécessaire.
M. Paul Loridant.
Nous en reparlerons !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Carrère, qui
est un grand connaisseur de ces questions en raison de ses fonctions
particulières dans le réseau des caisses d'épargne...
M. Jean-Louis Carrère.
Et un grand connaisseur de la chasse !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
De la chasse
aussi, et je dirai plus tard quelques mots des palombes !
(Sourires.)
... M. Carrère, donc, a d'emblée souligné le problème de la caisse de
retraite. Il est exact que c'est une grande préoccupation des salariés. Là
aussi, il faut que les choses soient claires et simples. Personne ne cherche à
inquiéter pour le plaisir !
Une négociation est en cours entre les partenaires sociaux du réseau pour voir
comment le montant nécessaire à la garantie des retraites à verser en fonction
des droits acquis des salariés peut effectivement être dégagé. Il peut l'être
et il le sera.
Le seul rôle des pouvoirs publics dans cette affaire est de veiller à ce que
les droits acquis par les salariés soient conservés. Les modalités pratiques
seront établies par les partenaires sociaux et les milliards nécessaires pour
garantir ces droits, car il s'agit bien de milliards de francs, seront mis de
côté. Cela est possible aujourd'hui, chacun le sait, grâce aux montants
disponibles dans les réserves des caisses d'épargne.
Le problème des retraites des salariés des caisses d'épargne, qui est
effectivement important, sera donc réglé, et ces salariés peuvent être
pleinement rassurés, s'ils ne l'étaient déjà.
J'ai apprécié, monsieur Carrère, votre remarque selon laquelle les caisses
d'épargne sont, à l'heure de la mondialisation, non une curiosité mais une
nécessité. Je suis absolument d'accord. J'ajouterai seulement cette précision :
les caisses sont une nécessité parce qu'elles apportent une manière de faire de
la banque autrement. Encore faut-il que cette manière de faire de la banque
autrement leur permettre de vivre et de se développer.
C'est donc, là encore, un équilibre qu'il faut trouver entre le
statu
quo,
qui ne permettrait pas ce développement, et la banalisation, qui ne
permettrait pas de continuer à faire de la banque autrement. Bien entendu,
nulle création humaine n'étant exempte de faiblesses, la solution que nous vous
proposons pour assurer cet équilibre est sans doute susceptible
d'améliorations.
Vous m'interrogez par ailleurs sur le rôle de la Caisse des dépôts et
consignations. Vous savez qu'un protocole d'accord est en cours d'élaboration.
L'objectif est celui d'un partenariat « mutuellement avantageux ». Cela
signifie en clair que ce partenariat ne doit jouer ni totalement au bénéfice de
la Caisse des dépôts, ni totalement au bénéfice des caisses d'épargne : chacun
doit y trouver un avantage.
Cela peut passer par l'entrée de la Caisse des dépôts et consignations dans le
capital de la Caisse nationale des caisses d'épargne, pour une part qui sera
comprise entre 30 % et 35 % du capital. Symétriquement, cela peut passer par
l'entrée des caisses d'épargne dans le capital de filiales de la Caisse des
dépôts et consignations.
Ainsi, des liens se noueront qui doivent, bien entendu, avoir un sens,
c'est-à-dire déboucher sur un gain en termes d'efficacité. Il ne doit pas
s'agir de participations, pour le plaisir. Sur des métiers spécifiques, sur des
activités spécifiques, des liens doivent se tisser, et se traduire par des
participations croisées. Mais les entités concernées doivent être placées sur
un pied d'égalité, car il est clair que la Caisse des dépôts et consignations
n'a pas à prendre le pas sur les caisses d'épargne.
A propos des 18,8 milliards de francs, vous avez évoqué l'idée d'allonger la
durée de placement pour la porter de quatre à cinq ans. Faut-il une année de
plus ? Nous débattrons de cette question lorsque cette disposition viendra en
discussion.
Vous m'avez enfin interrogé sur la répartition des sièges au sein du conseil
de surveillance. Cette question relève des statuts. Elle est encadrée par la
loi de 1966 qui prévoit entre trois et vingt-quatre membres au prorata des
actionnaires. De toute façon, quatre sièges au plus seront attribués aux
salariés. Ce sont, en tout cas, les futurs statuts qui définiront la
répartition. Nous voyons donc comment la répartition va s'opérer mais je ne
peux évidemment dire maintenant ce qu'elle sera précisément.
J'en viens à la chasse à la palombe. J'ai un instant cru comprendre que vous
vouliez orienter le dividende social, notamment, vers le développement de la
chasse à la palombe, compte tenu de son intérêt local dans les Landes. Je ne
suis pas certain de pouvoir vous suivre sur cette voie, mais vous vous en
doutiez !
M. Jean-Louis Carrère.
Il suffirait de ne pas l'interdire !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Certes, mais
cette question ne relève plus du texte sur les caisses d'épargne.
Monsieur Badré, vous avez tenu à souligner la qualité de la concertation qui a
été engagée, ce dont j'ai été, d'emblée, enclin à me réjouir. Cependant,
comprenant ensuite que vous visiez surtout la concertation engagée par le
précédent gouvernement, j'ai été moins ravi. Constatant finalement que vous
associiez le gouvernement actuel à cet hommage, j'ai retrouvé le sourire qui
m'est coutumier quand j'ai le plaisir de vous écouter !
(Sourires.)
L'affectation d'une part du résultat à des projets locaux ou sociaux ne vous
convient guère. Je ne reviens pas sur ce que j'ai dit à ce sujet.
Vous indiquez, à l'appui de votre position, que certaines caisses d'épargne
sont déficitaires. C'est vrai : il y en a effectivement qui sont déficitaires.
Mais, tant qu'elles le seront, le problème ne se posera pas pour elles puisque,
de toute façon, il n'y aura pas de résultat à partager. Cela étant, j'espère
que ces caisses d'épargne déficitaires redeviendront des caisses bénéficiaires
le plus vite possible.
S'agissant des caisses d'épargne qui sont déjà bénéficiaires, y a-t-il un
inconvénient majeur à ce qu'une part de leur résultat soit affectée au
dividende social ? J'ai déjà répondu par la négative ; ou alors, cela n'a pas
de sens de parler d'épargne de proximité, de rentabilité des projets locaux.
Mais il y a un autre argument.
Vous redoutez que les alliances que nous voulons voir la Caisse nationale
nouer ne se concluent difficilement du fait de la faible rentabilité induite
par le dividende social.
Bien sûr, le Gouvernement n'a pas à décréter qui seront les partenaires de ces
alliances, mais nous imaginons celles-ci conclues surtout avec les autres
réseaux de caisses d'épargne européens. Or ces réseaux ont des activités tout à
fait analogues et fonctionnent selon des principes qui, même s'ils ne reposent
pas sur les mêmes bases juridiques, vont dans le même sens. Tous ces réseaux,
s'ils n'ont pas un « dividende social », affectent une part de leur résultat à
des projets locaux ou sociaux.
C'est précisément pour cette raison que leur collaboration, par-delà les
frontières, est souhaitable et possible. Nous aurons ainsi créé, à terme, un
grand réseau de l'économie sociale européenne, regroupant des caisses d'épargne
de pays différents, qui ne sont pas exactement identiques mais qui ont toutes
les mêmes objectifs, se résumant à l'intérêt général.
Dès lors, monsieur Badré, votre crainte de voir le dividende social empêcher
les alliances n'est, de mon point de vue, pas fondée, sauf si l'on cherche une
alliance entre les caisses d'épargne et je ne sais quelle banque commerciale.
Mais tel n'est pas l'objectif.
Si l'objectif est bien de consolider, de façon transnationale, les liens avec
d'autres réseaux de caisses d'épargne, il n'y a pas de raison de craindre
l'existence du dividende social.
Je vous remercie, en tout cas, monsieur le sénateur, d'avoir conclu en
indiquant que ce projet était globalement positif. Cela m'a rappelé d'autres
époques mais j'espère que, sur ce sujet-là, la vérité sera au rendez-vous.
(Sourires.)
M. Bourdin a fait une intervention particulièrement intéressante, ce qui n'est
guère surprenant de la part du représentant du Sénat au CENCEP, le Centre
national des caisses d'épargne et de prévoyance, et qui est en outre président
du COS de Haute-Normandie.
Je ne reviens pas sur le thème des 18,8 milliards de francs. Je pense que les
précisions que je vous ai fournies devraient avoir levé les inquiétudes qui ont
été exprimées sur ce chiffre.
Vous avez également beaucoup insisté, monsieur Bourdin, sur le thème du
dividende social.
Votre fine connaissance du réseau vous conduira certainement à être d'accord
avec moi. Nous ne pouvons pas dire que le réseau des caisses d'épargne doit
conserver une motivation, une raison d'être autour de l'intérêt général sans
traduire cela, d'une manière ou d'une autre, dans l'affectation de ses
résultats.
Peut-être la méthode proposée par le Gouvernement n'est-elle pas la meilleure.
Mais je crois que nous ne pouvons pas déroger au principe qui consiste à donner
aux caisses d'épargne une mission différente de celle d'un autre réseau ; ou
alors toute la thématique sur l'intérêt général et la spécificité tombe à l'eau
!
Vous savez mieux que quiconque dans cette assemblée que cette conception de
l'intérêt général est, pour l'ensemble du réseau, pour les dirigeants, pour les
salariés comme pour les épargnants qui viennent déposer leur épargne sur les
livrets de caisse d'épargne, une motivation particulièrement forte. Si l'on
veut donner un sens, un contenu aux missions d'intérêt général du réseau de
caisses d'épargne, il faut que, d'une manière ou d'une autre, cette affectation
soit possible.
Cela va-t-il nuire à la sécurité financière ? Je ne le crois pas, puisqu'un
tiers au maximum est mis en réserve. Donc, pas d'inquiétude sur la sécurité
financière. D'ailleurs, le ratio de solvabilité de 11 % à la fin du processus
est confortable. Atteignons ce ratio-là, nous serons alors sensiblement
au-dessus de la moyenne des établissements de crédit français aujourd'hui et
nous aurons rempli notre contrat, qui est de rendre ce réseau concurrentiel,
apte à se développer, capable d'un avenir ouvert, tout en lui conservant une
spécificité.
Si l'on suivait une autre voie, dont je conçois qu'elle est tentante à
certains égards, je craindrais beaucoup, que, petit à petit, malgré la bonne
volonté de chacun et malgré les discours qui pourraient être prononcés à cette
tribune comme dans d'autres enceintes, cette mission d'intérêt général n'en
vienne à disparaître faute d'avoir été imposée par la loi. Nombreux seraient
alors ceux qui pourraient légitimement nous faire observer, dans cinq ans ou
dans dix ans, qu'au bout du compte notre réforme des caisses d'épargne n'aurait
abouti qu'à faire de ce réseau un réseau comme les autres. Cette banalisation
n'aurait pas nécessairement un caractère dramatique, mais ce serait tout de
même dommage. En effet, nous disposons d'un système fortement spécifique qui,
non seulement trouve ses racines dans notre histoire, mais encore satisfait une
demande à laquelle aucun autre réseau ne répond. Il me paraît donc nécessaire
de le conserver le mieux possible, en le conciliant avec les contraintes qui
nous sont imposées.
Disant cela, j'ai bien conscience de donner le sentiment de vous proposer un
compromis mi-chèvre, mi-chou. Il n'en est rien, simplement nous plaçons le
curseur au bon endroit - mais nous pouvons en discuter - pour éviter une
banalisation qui n'apporterait rien. A quoi servirait-il de doter notre pays
d'un réseau bancaire banalisé de plus, lui qui en compte déjà tant ? En
revanche, conserver les spécificités des caisses d'épargne en les rendant
capables d'aller de l'avant, c'est un apport décisif.
Je me tourne maintenant vers M. Laffitte, pour qui le dividende social doit
être un élément du développement local. Je partage naturellement son sentiment,
à condition qu'il n'y ait pas de confusion entre les opérations commerciales et
le dividende social, sauf à faire relever du dividende social des opérations
qui seraient, en fait, des opérations normales. Il n'y aurait pas de cohérence,
car ce sont, bien sûr, des concepts différents. Cela étant, par le biais
d'affectations particulières, on peut effectivement soutenir le dynamisme
local, et tel est bien l'objectif.
Ensuite, vous avez dit des choses très justes sur les nouvelles technologies,
dont le lien avec le texte est apparu à tous. Vous avez notamment suggéré que
l'on profite de la rénovation du réseau pour franchir un pas de plus. C'est
ainsi que je l'ai compris. Il est vrai que, chaque fois que l'on réforme
suffisamment une institution, plutôt que de la mettre simplement à niveau, on
peut se demander si ce n'est pas l'occasion d'aller un cran plus loin.
S'agissant de l'Internet et des nouvelles technologies en général, dont vous
êtes un expert reconnu, on voit bien que la réforme peut être l'occasion pour
le réseau de prendre de l'avance dans ce domaine. De ce point de vue, votre
intervention, qui ne trouvera pas obligatoirement de traduction législative,
apporte un contenu nouveau à la rénovation du réseau. Je vous suis donc très
reconnaissant de ces remarques, comme de celles que vous avez faites à propos
de la comparaison avec les caisses d'épargne allemandes, que j'ai moi-même
évoquées tout à l'heure d'un mot. Il y a, dans les exemples étrangers, une
source d'inspiration évidente.
M. Calmejane est absent, mais je souhaite lui apporter une réponse que ses
collègues lui transmettront.
M. le président.
Il lira votre réponse dans le
Journal officiel,
monsieur le ministre !
(Sourires.)
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Sur les
groupements locaux d'épargne, M. Calmejane semblait s'inquiéter du fait que les
sociétaires d'une même caisse régionale puissent avoir une rémunération
différente, et il avait raison. Ce serait tout à fait anormal, et ce n'est
d'ailleurs pas ce qui se passera. Les sociétaires d'une même caisse régionale
jouiront de la même rémunération, qui sera décidée à l'échelon de la caisse
régionale et mise en oeuvre à l'échelon des groupements locaux. Mais le
problème soulevé est réel, et la réponse est dans le texte. Gardons-nous en
effet d'établir des différences de rendement entre les porteurs de parts d'une
même caisse régionale.
Je souhaite également le rassurer : il n'y aura pas de double imposition
fiscale, bien entendu.
M. Calmejane s'est livré à quelques digressions sur les missions d'intérêt
général qu'il voudrait ne pas voir maintenues. Je ne sais pas si cela
correspond à l'opinion de l'ensemble du Sénat. Je n'en ai pas eu l'impression,
car nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, souhaitent au
contraire préserver ces missions d'intérêt général. Cela a conduit M. Calmejane
à quelques « dérapages » sur la gauche plurielle, qui n'aurait jamais su
prendre en compte les réalités économiques, ou sur l'absence totale d'analyse
économique qui sous-tendrait ce projet de loi. Tout cela fait partie d'une
rhétorique que je ne voudrais pas commenter trop longtemps, sinon pour dire,
tout de même, que cette accusation, si elle est amusante, est un peu risquée de
la part d'un sénateur qui a soutenu le gouvernement précédent, dont il ne m'est
pas apparu, à en juger aux critiques nationales et internationales dont il a
fait l'objet, que sa conduite de la politique économique ait été mieux
appréciée que la nôtre !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Vous globalisez, monsieur le ministre ! Vous faites un large
amalgame !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Oui, j'amalgame.
Je retire donc ce que je viens de dire, étant néanmoins assuré que M. le
sénateur pourra retrouver mon propos dans le
Journal officiel !
(Sourires.)
Madame Beaudeau, je voudrais vous apporter des précisions sur trois points.
Vous avez dit que les 18,8 milliards de francs seraient ponctionnés sur les
caisses d'épargne et ne seraient pas utilisés à d'autres fins comme
l'investissement ou le soutien de la croissance. Non, les 18,8 milliards de
francs résultent de l'épargne apportée par les coopérateurs.
Donc, la réforme est neutre pour les caisses d'épargne. Ces 18,8 milliards de
francs ne sont pas pris aux caisses d'épargne au détriment d'autres actions. Ce
sont 18,8 milliards de francs que les coopérateurs, par leur épargne, ou les
institutionnels, par les certificats d'investissement, vont appporter. De ce
point de vue, c'est une mobilisation de l'épargne nationale. Tout le débat est
bien sûr ensuite de savoir ce que l'on fait de cette somme. Mais cette
mobilisation de l'épargne nationale ne nuit en rien aux caisses d'épargne. Je
voulais vous rassurer sur ce point.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est une façon de voir les choses !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est votre argent, madame
Beaudeau !
(Sourires.)
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
président de la commission, au bout du compte, tout ce qui existe dans ce pays
vient de l'argent de ceux qui y habitent, et c'est bien normal !
J'en viens au livret A. Vous êtes opposée, madame le sénateur, à la baisse du
taux. Ce n'est pas l'objet de notre débat, mais je partage votre sentiment. Le
taux de rémunération de l'épargne populaire doit être suffisant, la notion de «
taux suffisamment rémunérateur » devant s'apprécier au vu du niveau de
l'inflation et des autres taux. Donc, sur le principe, je suis d'accord avec
vous. Cependant, j'ai noté, par exemple, que mon collègue chargé de
l'équipement, des transports et du logement avait le souci de faire en sorte
que le financement du logement social se fasse à un taux faible, ce qui pouvait
parfois le conduire à souhaiter un taux de rémunération peu élevé... C'est
d'ailleurs ainsi qu'il a justifié la baisse du taux intervenue au mois de juin
dernier. Mais ce sont des contradictions qui nous sont communes à tous : d'un
côté, on veut rémunérer l'épargnant le plus possible, d'un autre côté, on veut
financer le logement social au moindre coût. Entre vous, madame Beaudeau, et
mon collègue ministre de l'équipement, des transports et du logement, je ne
sais qui choisir !
(Sourires.)
De toute façon, la question ne se pose
pas ici. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Enfin, sur le pôle public, je vous rejoins tout à fait. Ce débat important a
d'ailleurs traversé toute la discussion à l'Assemblée nationale et, même si ce
n'est pas le texte adéquat, comme vous l'avez dit, pour régler le problème,
c'est peut-être l'occasion d'en parler.
Je crois qu'il est très important en effet que la réflexion du Gouvernement et
de la majorité qui le soutient sur le pôle public progresse. Ce pôle public,
dont j'ai dit un mot dans mon propos liminaire, comporte plusieurs éléments
dont il faut voir comment ils peuvent se concilier pour que le pays dispose à
la fois d'un organe central très puissant, comme la Caisse des dépôts et
consignations, d'un réseau très populaire, comme celui des caisses d'épargne,
et de structures spécialisées, comme la BDPME ou la CNP. Je suis tout à fait
sur votre ligne, mais ce n'est pas l'objet du présent texte. Nous aurons sans
doute l'occasion de poursuivre ce débat dans d'autres circonstances.
M. Sergent, avant-dernier intervenant, a évoqué la sécurité financière et les
obligations foncières.
Monsieur Sergent, vous ne voulez donc pas du Gouverneur de la Banque de France
dans le collège. Ne nous y trompons pas : le président du comité de la
réglementation bancaire, c'est le ministre, ce n'est pas le Gouverneur. Il n'y
a donc pas de confusion des rôles.
En revanche, le Gouverneur est président de la commission bancaire et, en tant
que tel, il est membre de droit du collège comme les présidents de toutes les
autres structures représentées au sein de ce collège. Il n'y a donc pas à
redouter de confusion « contrôlé-contrôleur » dans la mesure où le comité de la
réglementation bancaire n'est pas présidé par le Gouverneur de la Banque de
France.
Je crois donc qu'il n'y a pas de difficulté à mettre en oeuvre la procédure
telle qu'elle a été prévue. Si vous en voyez une qui m'échappe pour le moment,
nous y reviendrons au cours de la discussion des articles, mais je ne vois pas,
pour ma part, de problème majeur.
Par ailleurs, vous souhaitez, monsieur le sénateur, que soit opérée une
distinction dans l'indemnisation des assurés, selon qu'il s'agit de contrats
d'épargne pure ou de contrats de prévoyance, et vous avez déposé des
amendements dans ce sens. Nous approfondirons donc cette question lors de
l'examen de vos propositions, mais je pense qu'il est en effet souhaitable
d'introduire cette distinction, qui n'était pas prévue initialement. Je me
rallierai donc assez volontiers à votre position quand nous en arriverons aux
dispositions concernées.
S'agissant de l'article 37, j'ai reconnu que le Gouvernement avait été
maladroit. La concertation avec les mutualistes est en cours, et je pense que
nous trouverons une solution qui satisfera tout le monde.
En ce qui concerne les obligations foncières, vous souhaitez renforcer la
sécurité associée aux prêts cautionnés. Là encore, vous avez déposé des
amendements
ad hoc,
et nous en débattrons lorsqu'ils viendront en
discussion.
Je crois que votre position est assez fondée, mais faut-il procéder exactement
comme vous le préconisez ? Nous verrons bien, mais cela fait partie, en tout
état de cause, des améliorations techniques tout à fait bienvenues que l'on
peut apporter à ce texte.
Enfin, vous vous interrogez, monsieur Sergent, sur la pérennité du lien entre
le Crédit foncier et sa filiale. De ce point de vue, le cahier des charges est
clair : la pérennité de ce lien est l'une des conditions qu'il pose. Il n'y a
donc pas d'ambiguïté ici. Certes, tout le monde n'a peut-être pas encore lu ce
cahier des charges, et c'est bien normal, mais tel est bien l'objectif du
Gouvernement. Nous nous rejoignons donc sur cette question.
M. Deneux, quant à lui, trouve que l'on charge à l'excès la barque
financièrement. C'est une manière de faire se rejoindre le problème du capital
des caisses d'épargne, fixé à 18,8 milliards de francs, et celui du dividende
social. Je n'insisterai pas davantage, il en a déjà été beaucoup question.
M. Deneux est revenu aussi sur les groupements locaux d'épargne. Tout a été
dit sur ce point également, je n'y reviens pas.
S'agissant de la sécurité financière, M. Deneux reprend un argumentaire
tendant à démontrer que les établissements ne doivent pas être mis sous le même
« chapeau ».
Je crois au contraire qu'il faut tendre vers une « maison commune » des
banques, qui ont la même mission - financer l'économie nationale - et que nous
ne rapprocherons jamais assez leur fonctionnement de ce point de vue.
Dans ces conditions, il est souhaitable de n'avoir qu'une seule institution
qui organise la garantie. Pour autant, cela signifie-t-il qu'on ne doive pas
tenir compte des caractéristiques des établissements ? Non, bien sûr, on doit
tenir compte des fonds propres, des dépôts, bref, de tout ce qui fonde la
situation financière de l'établissement pour évaluer sa contribution au fonds
de garantie. Il y a bien une différenciation selon les caractéristiques
financières de l'établissement ou, autre manière de le dire, selon le risque
qu'il présente. Voilà de quoi vous rassurer, monsieur Deneux.
Vous avez par ailleurs regretté qu'il n'y ait pas eu une concertation
suffisante sur la sécurité financière. Honnêtement, la concertation avec les
professionnels a été très large. D'ailleurs, il y a un quasi-consensus de place
sur le fonds de garantie, sur les obligations foncières et sur le renforcement
des autorités de contrôle. Je ne vois pas beaucoup de divergences. Il peut y en
avoir ponctuellement, tel ou tel type d'établissement préférant une solution
différente, mais, globalement, au terme d'une grande concertation, nous sommes
parvenus à un résultat qui, je crois, est accepté par tous.
Vous avez évoqué ensuite la contribution des institutions financières - ce
n'est pas le sujet, mais c'est évidemment l'occasion de l'aborder - dont vous
demandez la suppression progressive. Certes. Tout le monde est toujours
d'accord pour qu'il y ait moins d'impôts. Le problème, c'est que la
contribution des institutions financières apporte de l'argent au budget de
l'Etat et que la suppression de celle-ci suppose que l'on ait trouvé des
ressources équivalentes pour la compenser.
C'est bien sûr le rôle de l'opposition, majoritaire au Sénat, de faire de
telles suggestions. Votre proposition consistant à supprimer progressivement la
contribution des institutions financières serait plus convaincante si les
gouvernements précédents avaient commencé. Mais ils ne l'ont pas fait ! Cela ne
veut pas dire que nous ne devions pas le faire, mais en tout cas nous ne le
ferons pas à l'occasion de l'examen de ce texte. Nous attendrons d'avoir trouvé
les ressources nécessaires à la compensation de cette contribution pour
commencer à envisager le fait d'en débarrasser les banques françaises.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Par conséquent, vous acceptez cet objectif, monsieur le
ministre ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je le dis
volontiers devant le Sénat, comme je le dis volontiers devant tous les Français
: avec ce Gouvernement, vous avez le premier gouvernement qui a vraiment
l'intention d'essayer de faire en sorte que les impôts des Français baissent.
(Sourires et exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ils ne s'en sont pas vraiment
rendu compte !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Vous me demandez,
monsieur le rapporteur, si j'accepte cet objectif. Je vous réponds : oui.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Je suis heureux de
l'enthousiasme que mes propos déclenchent sur les travées du Sénat.
Le précédent gouvernement s'était engagé dans cette voie en voulant supprimer
une part de l'impôt sur le revenu, mais, par malheur, il avait oublié de
prévoir comment il allait financer cette mesure et il s'était donc retrouvé, à
la mi-1997, avec un budget dit infaisable, au point que cela a déclenché de
tels événements politiques que j'ai aujourd'hui la chance de pouvoir m'exprimer
devant vous. Contrairement à ce gouvernement, qui supprimait les impôts avant
de savoir comment il les financerait, le gouvernement auquel j'appartiens fait,
c'est tout bête, exactement l'inverse : il commence par chercher à savoir par
quoi il va remplacer, et à ce moment-là il décide de supprimer les impôts. Vous
le verrez, c'est moins spectaculaire, mais plus pérenne.
(Applaudissements
sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est surtout grâce à une bonne conjoncture mondiale !
Supprimerez-vous la surtaxe de l'impôt sur les sociétés ? Nous attendrons la
réponse !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je suis ravi de
l'ensemble des questions dont vous assaillez le Gouvernement. Cela montre
combien la politique qu'il conduit suscite d'intérêt chez vous. Cependant, je
ne laisserai pas déborder ce débat, déjà trop long de ma faute, sur toutes les
questions de la politique économique. Vous m'autoriserez donc à en rester au
dernier point abordé par M. Deneux, à savoir la possibilité ouverte par un
amendement adopté à l'Assemblée nationale de transporter la négociation sociale
de l'AFB vers l'échelon supérieur qu'est l'AFECEI, l'Association française des
établissements de crédit et des entreprises d'investissement. A la tribune, M.
Deneux a dit - mais peut-être ai-je mal entendu, auquel cas je m'en excuse à
l'avance auprès de lui - qu'il s'agissait d'un cavalier car cette disposition
n'avait donné lieu à aucune concertation. Il n'y a pas de lien ! Ce n'est pas
un cavalier parce que cette disposition n'aurait donné lieu à aucune
concertation. Il est vrai qu'elle n'a pas donné lieu à beaucoup de
concertation, mais c'est l'essence même d'un amendement. Quand il n'émane pas
du Gouvernement, on ne peut pas reprocher à celui-ci de ne pas avoir mené une
concertation sur ce point.
Est-ce un cavalier ? Je ne le pense pas. C'est un élément important. Il permet
non pas de retirer la négociation au niveau de l'AFB, mais de lui donner une
possibilité nouvelle au niveau de l'Association française des établissements de
crédit et des entreprises d'investissement. C'est là, me semble-t-il, un
enrichissement de notre système et donc une plus grande sécurité, au sens
large, du système financier. Si, en fin de compte, les deux assemblées décident
de conserver cette disposition, nous aurons, en fait, amélioré le
fonctionnement du système financier et, par là même, nous l'aurons rendu plus
sûr.
Je conclus, en vous priant de m'excuser d'avoir été si long et de n'avoir sans
doute répondu qu'imparfaitement à toutes les remarques que vous avez eu la
bonté de formuler.
Comme nombre d'entre vous l'ont rappelé, ce projet de loi est en gestation
depuis très longtemps. S'il n'a pas été présenté plus tôt, c'est sans doute
parce que c'est bien compliqué de réformer les caisses d'épargne. Au vu des
difficultés que je rencontre moi-même, je comprends les hésitations de mes
prédécesseurs. Peut-être ont-ils été plus sages que moi et ont-ils, avec
raison, mis le dossier sous le tapis ? Peut-être fallait-il simplement que la
concertation puisse se dérouler pendant une période suffisante ?
En tout cas, nous sommes parvenus au point où, enfin, cette réforme des
caisses d'épargne peut se mettre en oeuvre. Peut-être faudra-t-il - certains
ont évoqué ce point - modifier encore quelque chose dans cinq, dix ou vingt
ans. Mais c'est la réalité de la vie. En effet, rien n'est jamais définitif.
Aujourd'hui, les caisses d'épargne ont besoin de cette réforme. L'esprit de
celle-ci est simple : il faut bouger. Il ne faut pas bouger en banalisant les
caisses d'épargne et en en faisant un réseau de plus, un réseau comme les
autres. Il faut donc sortir du
statu quo
et ne pas les banaliser. Entre
les deux, le Gouvernement vous propose une voie. Il est prêt, évidemment, sur
tel ou tel point, à la faire évoluer, en fonction des remarques, souvent
fondées, que les uns et les autres pourront faire. Cependant, toute remarque
qui viserait à revenir au
statu quo
ne pourrait qu'être rejetée par le
Gouvernement, car nous voulons bouger, il faut bouger pour les caisses
d'épargne elles-mêmes. Toute démarche qui aurait pour objet de banaliser ne
pourra qu'être rejetée, car ce n'est pas la ligne que le Gouvernement entend
choisir ; ce serait un gigantesque gâchis de banaliser ce réseau, d'en faire un
réseau de plus, comme les autres, alors qu'il a une spécificité si forte.
J'invite donc le Sénat, s'il veut faire oeuvre utile, à collaborer avec le
Gouvernement pour améliorer ce projet de loi. Je lui demande de ne pas faire de
propositions qui seraient si éloignées, soit par
statu quo,
soit par
banalisation, du texte que je vous présente que, finalement, elles ne
pourraient pas être retenues. Ce serait en effet une satisfaction bien modeste
pour une assemblée aussi haute que la vôtre d'adopter à un moment donné des
amendements tout en sachant qu'ils ne pourront pas être introduits dans le
texte définitif. Je préférerais, m'inscrivant dans une tradition de
collaboration avec le Sénat dont je me réjouis, que nous limitions les
amendements à ceux qui peuvent être pris en compte, afin d'améliorer ensemble
un texte dont notre système financier a bien besoin.
(Applaudissements sur
les travées socialistes. - M. Gérard Delfau applaudit également.)
M. le président.
Nous passons à la discussion des articles.
PREMIÈRE PARTIE
DE LA RÉFORME DES CAISSES D'ÉPARGNE
Division et articles additionnels avant le titre Ier
M. le président.
Je suis saisi, par Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen, de quatre amendements.
L'amendement n° 162 a pour objet d'insérer, avant le titre Ier, une division
additionnelle ainsi rédigée :
« Titre...
« Du pôle financier public. »
L'amendement n° 163 vise à insérer, avant le titre Ier, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Il est institué un "pôle financier public" autour de la Caisse des dépôts et
consignations, associant le réseau des services financiers de La Poste, le
réseau des caisses d'épargne et de la prévoyance, la Banque de développement
des PME, le réseau des organismes d'assurance crédit à l'exportation, le Crédit
foncier de France.
« Pour remplir les missions qui lui sont confiées par la présente loi, le pôle
financier public développe des coopérations renforcées avec le Crédit
populaire, le réseau des caisses du Crédit mutuel, le réseau des caisses du
Crédit agricole mutuel.
« Ces coopérations renforcées peuvent conduire, le cas échéant, à accroître le
nombre des institutions, établissements ou réseaux, partie prenante au pôle
financier public. »
L'amendement n° 164 tend à insérer, avant le titre Ier, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Le pôle financier public est chargé d'une mission de service public de
l'épargne et du crédit, au service du financement de l'emploi et de la
formation. Il s'efforce notamment de développer une sélectivité nouvelle du
crédit en distribuant des prêts à long terme à l'investissement dont les taux
d'intérêt seront abaissés à proportion de l'efficacité en termes d'emploi et de
formation des opérations ainsi financées.
« Pour remplir cette mission, il développe les coopérations nécessaires en
France avec toutes les banques et institutions financières. Il recherche aussi,
en en définissant lui-même les conditions, un partenariat avec les institutions
financières analogues des autres pays de l'Union européenne. Il insère son
action dans le cadre des orientations du système européen de banques centrales
et de la Banque centrale européenne.
« Dans ce cadre, chacun des réseaux et établissements partie prenante du pôle
financier public exerce les missions d'intérêt général qui lui sont confiées.
»
L'amendement n° 165 a pour but d'insérer, avant le titre Ier, un article
additionnel ainsi rédigé :
Un comité stratégique du pôle financier public définit les grandes
orientations permettant d'atteindre les missions de service public définies.
« Y siègent les représentants des instances dirigeantes des différentes
institutions parties prenantes au pôle, des représentants des assemblées
parlementaires nationales, des représentants des organisations patronales, des
représentants des organisations syndicales représentatives des salariés.
« Il veille aussi à l'établissement de relations institutionnelles et
financières équilibrées entre chacune de ses composantes.
« Une délégation régionale du comité stratégique du pôle financier public est
instituée dans chaque région de France. Le secrétariat en est assuré par la
succursale régionale de la Banque de France. Le directeur de celle-ci y siège
ès qualité ainsi que des membres élus du Conseil régional et du Conseil
économique et social régional.
« Un décret pris en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du
présent article. »
Madame Beaudeau, je vous propose de réserver l'amendement n° 162 jusqu'après
l'examen de l'amendement n° 165, car il tend à insérer une division
additionnelle.
(Mme Beaudeau fait un signe d'assentiment.)
Vous avez donc la parole, pour défendre l'amendement n° 163.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet amendement tend à définir à la fois d'une manière souple et relativement
précise les contours du périmètre du pôle financier public dont nous souhaitons
que l'existence soit consacrée par le présent projet de loi.
Il ne s'agit pas, ici, de répondre d'une manière que l'on pourrait qualifier
de défensive à la constitution dans le secteur bancaire privatisé de quelques
mastodontes financiers, comme l'actualité récente le montre.
Il ne s'agit pas non plus de demander aujourd'hui la constitution d'une
nébuleuse d'organismes aux statuts les plus divers, en renforçant entre eux les
liens capitalistiques qu'ils seraient amenés à entretenir.
Il ne s'agit pas plus, en urgence, de décider, au nom de ce que l'on pourrait
appeler, ici ou là, « la nostalgie de l'économie administrée », de contraindre
des organismes financiers ou des institutions financières spécialisées à
travailler ensemble, sous la férule des autorités de l'Etat.
Il s'agit, en fait, pour nous, de décliner, dans le cadre de ce titre
additionnel que nous souhaitons insérer dans le projet de loi, les conditions
de la nécessaire évolution de l'utilisation du crédit dans notre pays. La
France est en effet confrontée à une double réalité.
Il s'agit, tout d'abord, de la persistance - ce qui est préoccupant - d'un
taux de chômage important, chômage associé dans de nombreux cas à une
insuffisance de formation des salariés, reflet de politiques restrictives de la
dépense publique et d'une affectation trop peu transparente des moyens de la
formation contractuelle dans l'entreprise.
De notre point de vue, on ne peut d'ailleurs pas répondre à cette exigence de
formation et de création d'emplois en persistant à faciliter le recours au
travail peu qualifié et faiblement rémunéré, processus qui tend à reporter sur
les générations futures le coût éventuel et bien sûr prévisible de la
suppression progressive des emplois.
La seconde réalité qui marque le paysage économique et social de notre pays
est celle de la croissance et de l'importance des moyens financiers dont nous
disposons
a priori
pour répondre aux exigences.
J'observe d'ailleurs ici cette réalité tend à aiguiser les appétits de
certains vis-à-vis des fonds d'épargne - 800 milliards de francs, je le
rappelle - indépendamment de la question de l'utilité sociale et économique de
ces fonds.
Il existe en effet dans notre pays, à travers les différents réseaux de
proximité, comme dans le secteur « banal » de la banque et de l'assurance, des
liquidités importantes, dont l'utilisation est déterminante pour faciliter le
fonctionnement de l'ensemble de l'économie et pour faire en sorte que la
richesse qui est créée par le travail n'aboutisse naturellement qu'à y revenir,
par le biais de circuits de financement renouvelés et revivifiés.
Dans les faits, nous estimons donc nécessaire que l'ensemble des réseaux que
nous citons explicitement dans la formulation de cet amendement soit partie
prenante d'une démarche prioritaire de financement à moindre coût de l'emploi
et de la formation, ceux-ci étant considérés comme les finalités impérieuses de
toute réforme du crédit.
Chacun de ces établissements, dans le cadre des missions qu'il a pu accomplir
dans le passé, a d'ailleurs pu répondre à ces finalités. Par exemple, on ne
dira jamais assez que l'existence d'une utilisation prioritaire des fonds
déposés sur le livret A au profit du financement du logement social est en
elle-même une condition du maintien et du développement de l'emploi dans le
secteur du bâtiment, en même temps qu'un facteur d'innovation architecturale ou
technique.
Mais, nous l'avons dit, nous ne sommes pas des nostalgiques désespérés du
passé et nous considérons que la création de ce pôle financier public
favorisera l'utilisation la plus productive d'emploi à travers une démarche la
plus décentralisée possible - ce qui est à la fois une nécessité et une forme
de rupture avec le passé - que nous décrirons par la suite.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je suis très intéressé par cet amendement. En effet, alors
qu'il s'agit d'un texte technique, un peu aride, qui traite de dispositions de
nature financière, nous commençons, grâce à Mme Beaudeau et aux membres du
groupe communiste républicain et citoyen, par de grandes envolées, de grandes
perspectives qui nous aérent, il faut bien le reconnaître, en cette fin
d'après-midi, dans cet hémicycle un peu confiné par force et par
architecture.
Cela étant dit, hélas ! chère collègue, il faut revenir sur terre et constater
que le pôle financier public que vous évoquez n'est qu'une fresque, peut-être
agréable à certains yeux, mais en tout cas très éloignée de la réalité. Au
demeurant, vous nous proposez cela en antichambre à l'examen d'un projet de loi
sur les caisses d'épargne. Or, les caisses d'épargne rénovées, restructurées,
avec leur nouveau statut, seront-elles des entités du secteur public ? J'ai le
regret de vous répondre : non. Ce seront des sociétés coopératives, régies par
le droit de la coopération, des entreprises tout aussi privées que le Crédit
agricole, le Crédit mutuel ou les banques populaires.
Aussi, en dehors du discours général que vous avez tenu, j'avoue ne pas
comprendre comment on peut instituer un pôle financier public s'agissant
d'entités extrêmement diverses qui n'ont aucun rapport de capital entre elles,
qui obéissent à des logiques très différentes et se situent sur des métiers
fort éloignés les uns des autres.
A la lecture du compte rendu des débats qui se sont déroulés à l'Assemblée
nationale, j'ai cru comprendre que vos collègues députés du groupe communiste
s'étaient livrés, pour des raisons de doctrine, à une sorte de démonstration ;
au Palais-Bourbon, M. le ministre l'avait accueillie avec beaucoup d'amabilité,
pour des raisons inhérentes à l'arithmétique parlementaire. Mais je pense que
le commentaire que M. le ministre fera dans un instant confortera l'approche
que je viens de présenter et l'avis défavorable émis par la commission des
finances sur une proposition qui n'a pas sa place dans le projet de loi et qui
va à l'encontre de toute l'évolution de la vie financière et de l'ensemble des
entreprises concernées.
Aujourd'hui, on ne peut plus considérer que l'Etat, par le moyen d'un secteur
public, de procédures, de tutelles, soit vraiment en mesure de contingenter, de
contrôler, de réaliser des opérations d'économie dirigée, de distribuer des
crédits bonifiés et de dire ce qui est bien et ce qui est mal. Tout cela va
complètement à rebours de toute l'évolution observée dans l'Union européenne et
sur laquelle le nouveau président de la commission de l'Union européenne, M.
Romano Prodi, s'exprimait d'ailleurs devant le Parlement européen voilà
seulement quelques heures, à en croire la presse.
Or M. Prodi - vous le savez, madame Beaudeau - bien que faisant profession ici
de libéralisme économique, a gouverné l'Italie avec vos amis, ce qui prouve,
mes chers collègues, qu'il faut savoir évoluer avec son temps !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'est vous qui faites de l'idéologie !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Vous ne serez pas
étonnés, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement ne partage pas
les analyses du rapporteur.
D'abord, il ne les partage pas sur M. Prodi - mais ce n'est pas le sujet du
débat d'aujourd'hui - car ce que prouve la façon dont l'Italie a été gouvernée,
c'est justement que nos économies européennes ont encore besoin de
l'intervention publique.
Il ne partage pas non plus les vues de M. Marini sur l'inéluctabilité de la
domination des marchés. Si vraiment vous croyez ce que vous dites, monsieur le
rapporteur, il faut d'urgence quitter la commission des finances, vous occuper
d'affaires étrangères ou d'autre chose ! Il n'y a plus rien à faire en matière
législative, sur le plan économique, si vous pensez véritablement qu'il faut
laisser tout le pouvoir au marché.
En réalité, vous ne le pensez pas, et même vous qui êtes un libéral sinon
extrême du moins engagé, vous savez bien que l'Etat, le législateur ont besoin
d'intervenir, et c'est pour cela que vous vous en préoccupez et que vous êtes
rapporteur de la commission des finances sur ce texte. Il est donc bien
légitime que nous allions plus loin que vous encore.
Je suis convaincu que, dans notre pays, et pour longtemps, nous avons besoin
de régulations mises en place par la puissance publique. Ce n'est d'ailleurs
pas vrai seulement pour un pays comme le nôtre : c'est vrai du système
monétaire international, c'est vrai de l'ensemble de la mécanique que nous
connaissons.
Comme le disait tout à l'heure à juste raison M. Loridant, à la tribune, ce
système que nous connaissons a mis 40 % des économies de la planète en
difficulté.
C'est parce que nous manquons de régulation - et non parce que la régulation
est trop importante - que le système économique ne fonctionne pas bien, et
c'est bien aux Etats de la mettre en oeuvre.
Que cette mise en oeuvre soit différente de celle que nous avons connue il y a
dix, vingt ou trente ans, c'est exact : l'intervention publique n'est plus la
même, et ce que nous essayons de construire ensemble pour les caisses d'épargne
est la preuve, s'il en fallait une - mais il y en a bien d'autres ! - du fait
que nous n'agissons plus comme voilà vingt ans. Mais il ne faut pas jeter le
bébé avec l'eau du bain ! Il ne faut pas croire que, pour autant, il suffit de
laisser les marchés seuls.
L'existence dans notre pays d'un pôle public - je reviendrai sur ce dernier
terme - jouant un rôle spécifique est souhaitable. Il n'y a pas d'arithmétique
dans ce que j'évoque là.
Pour ma part, je n'ai jamais prétendu, au contraire de mes prédécesseurs,
qu'il fallait privatiser la Caisse des dépôts et consignations. Elle est
publique, et nous en avons besoin comme telle. Etant donné qu'elle est
l'actionnaire de référence des caisses d'épargne, parler d'un ensemble public a
un sens.
Je n'ai pas voulu privatiser la CNP : il n'y avait aucune raison de la mettre
sur le marché ; elle est beaucoup mieux dans le secteur public.
Par conséquent, au total, nous avons bien un ensemble d'instruments - par
exemple la BDPME ou La Poste - qui jouent un rôle différent de celui des autres
institutions. Loin de moi l'idée que toute l'économie doit fonctionner ainsi !
Mais il me paraît souhaitable d'avoir un pôle public, avec une Caisse des
dépôts et consignations puissante comme elle l'est, qui joue un rôle qu'aucune
autre institution ne peut jouer, avec des réseaux lui étant associés - dans
l'assurance, la CNP ; dans la banque de détail, le réseau des caisses
d'épargne, etc. - et de pouvoir par là même faire passer des orientations que
nous avons du mal à faire passer.
Pourquoi avons-nous besoin dans notre pays de la BDPME ? Peut-être me
répondrez-vous qu'elle ne nous est pas nécessaire, mais je ne crois pas que
vous irez jusque-là ! Si l'on en a besoin, c'est bien parce que les autres
éléments du système financier ne remplissent pas suffisamment la mission en
direction des PME que nous voulons voir exercée. Il y a donc des raisons pour
que, dans notre pays, des éléments financiers, dont la Caisse des dépôts et
consignations est certainement l'élément le plus important, répondent à
l'impulsion des pouvoirs publics, et je ne vois pas ce qu'il y a d'anachronique
à souhaiter un pôle financier public cohérent plutôt que des éléments épars.
Toutefois, je considère - et là je rejoins Mme Beaudeau - qu'il faut réfléchir
à la structuration, à la coopération, à l'activité de ce pôle. Il ne faut pas
le figer dans des articles de loi, outre le fait que, sans doute, cette loi-là
ne serait pas celle qui serait le mieux adaptée pour comporter ces articles.
Mais, indépendamment de cela, je ne suis pas sûr qu'il faille figer les
missions ou l'étendue, le périmètre de ce pôle. Nous avons parlé du Crédit
foncier à plusieurs reprises. Je ne sais pas, finalement, quel sera le sort
d'adossement du Crédit foncier. Mais il ne faudrait pas qu'à un moment donné un
périmètre fixé empêche d'autres éléments d'entrer dans ce pôle public.
Je pense donc que c'est plus la pratique du pôle public qui en fait la
réalité. Cette pratique doit découler de discussions, de débats, d'orientations
sur l'utilisation de ce pôle, et non pas d'un cadre législatif fermé qui
l'enserrerait dans un carcan et lui retirerait sans doute sa raison d'être.
C'est pourquoi autant je dis que nous avons intérêt à faire vivre le mieux
possible les différents éléments et établissements financiers qui, en totalité
ou pour partie, relèvent d'un capital public, et donc suivent une orientation
qui peut être celle des pouvoirs publics, autant nous n'avons pas intérêt à
figer cela dans un texte ; de toute façon, le voudrions-nous que ce texte-là ne
serait sans doute pas le mieux adapté.
Ce que nous pouvons sans doute faire - et je vous propose que nous y
réfléchissions - c'est introduire les considérations que je viens de formuler
dans l'exposé des motifs du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité
financière, dans lequel il est légitime d'évoquer l'importance des associations
publiques. Mais je ne vois pas comment nous pourrions introduire des articles
limitatifs, et donc contraignants, dans un texte dont ce n'est pas l'objet.
Je vous propose donc, madame la sénatrice, de retirer ces amendements - le
débat a sans doute été insuffisant, mais il a eu déjà un peu lieu, et il sera
d'ailleurs repris à l'Assemblée nationale - afin que nous voyions ensemble
comment l'évocation de ce débat peut apparaître - car il doit apparaître - dans
l'exposé des motifs et que nous puissions ainsi cheminer sur la constitution de
ce pôle public et sur la manière de le faire vivre sans nous bloquer dans un
débat législatif qui, de toute façon - vous le reconnaissiez vous-même -
n'apporterait sans doute pas grand-chose.
Telle est ma proposition. Je ne sais pas si elle peut vous satisfaire, madame
Beaudeau. Si elle vous satisfaisait, cela nous permettrait, je crois, d'avancer
positivement dans cette direction.
M. le président.
Madame Beaudeau, les amendements sont-ils maintenus ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je comprends très bien le propos de M. le ministre, puisque le débat a eu lieu
également en partie à l'Assemblée nationale et que j'en ai lu le compte
rendu.
La proposition nouvelle que vous formulez aujourd'hui, monsieur le ministre,
c'est l'insertion dans l'exposé des motifs du projet de loi d'un certain nombre
de modifications.
Cela ne peut nous suffire, monsieur le ministre. Il nous faut maintenant plus
que des paroles : il nous faut non seulement des écrits généraux, mais aussi
des éléments concrets. Nous avons pris, les uns et les autres, un certain
nombre d'engagements, et je crois pouvoir vous dire, au nom de mon groupe,
qu'il nous est impossible de retirer ces amendements.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je suis un peu comme Mme Beaudeau : j'apprécie les choses
concrètes. M. le ministre a formulé une contre-proposition consistant en une
modification de l'exposé des motifs du projet de loi.
Je voudrais bien comprendre ce que vous entendez par là, monsieur le ministre.
L'exposé des motifs en question, puisque nous ne le votons pas, n'est pas un
texte législatif : c'est l'exposé liminaire du Gouvernement, qui a déjà été
établi, si je ne me trompe, lors de la présentation du projet de loi en conseil
des ministres. Vous envisagez donc, me semble-t-il, de modifier en quelque
sorte rétrospectivement cet exposé des motifs, ce qui est tout à fait,
semble-t-il, votre droit.
Mais, pour autant, ce texte n'aura pas de portée législative puisqu'il n'aura
pas été voté par les chambres du Parlement.
Par ailleurs, quelle diffusion envisagez-vous de donner à cet énoncé
d'intentions ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Fort
heureusement, le matériau législatif ne se limite pas aux articles qui sont
votés, monsieur le rapporteur ; nos discussions et les comptes rendus qui en
sont donnés participent à l'élaboration de la législation dans notre pays ; il
en est de même des exposés des motifs. Par conséquent, tout ce qui constitue
l'exposé des motifs du texte, comme ce que, par ma voix, le Gouvernement a
exprimé lors de mon intervention liminaire, ainsi d'ailleurs que les réponses
que je vous apporte et les discussions qui sont conduites ici font partie d'un
matériau qui traduit la politique du Gouvernement.
Quant à la diffusion ? La plus grande, je l'espère, monsieur le rapporteur !
(Sourires au banc de la commission.)
L'objectif est clair. Nous avons, avec un certain nombre de représentants de
l'opposition sénatoriale, une convergence de vues sur ce qu'il faut faire. Nous
avons une divergence sur le fait de savoir si on peut l'inscrire dans la
loi.
Pour ma part, je pense qu'on ne peut pas inscrire cela dans la loi et, de
toute façon, pas dans celle-là, quand bien même on pourrait faire une loi sur
ce sujet. De toute façon, je pense que ce point n'a pas de caractère
législatif, et, dans ces conditions, je ne propose pas que soient retenus les
amendements de Mme Beaudeau.
Pour autant, je partage les objectifs qui sont les siens. C'est là un peu le
paradoxe.
(M. le président de la commission rit.)
Je crois que nous
avons besoin de faire vivre ce qui est public, mais je ne vois pas pour autant
comment nous pourrions faire une loi définissant les missions de ce pôle. De
toute façon, cela ne peut pas entrer dans ce texte-là.
J'évoquais donc l'idée que les propositions quant au pôle public ne restent
pas à l'état de discours à l'Assemblée nationale ou au Sénat, mais qu'elles
soient introduites dans l'exposé des motifs du texte, car cela relève d'une
orientation politique et non pas d'un article de loi.
Mais si Mme Beaudeau, comme c'est tout à fait son droit, n'acceptait pas cette
proposition et préférait maintenir ses amendements, je demanderais alors au
Sénat de ne pas les retenir. Je pense en effet que nous ne pouvons pas figer
l'avenir par l'adoption de ces amendements. Et quand bien même nous voudrions
le faire, un projet de loi sur les caisses d'épargne ne serait pas le cadre
adéquat, car c'est là un sujet beaucoup plus vaste que la question des seules
caisses d'épargne.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre les amendements n°s 164 et 165.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le ministre, nous ne cherchons pas à figer l'avenir ; au contraire,
nous voulons l'assurer, et ensemble.
L'amendement n° 164 porte sur la définition la plus précise possible des
missions effectivement dévolues au pôle financier public dont nous déclinons,
dans cette série d'amendements portant articles additionnels avant l'article
1er, les caractéristiques. Je ne peux ici manquer de rappeler que la
formulation de l'amendement n° 164 vise en particulier à répondre aux
propositions faites par le Gouvernement lui-même, appelant, dans le cadre du
débat parlementaire mené sur le projet de loi à l'Assemblée nationale, à
l'organisation d'un « pôle financier public qui aurait vocation à animer une
réforme importante du service public de l'épargne et du crédit, au service du
financement de l'emploi et de la formation ».
Il va sans dire que notre réflexion essentielle dans le cadre de la mise en
place de ce pôle financier public part d'un constat pour le moins clair. Ce
constat est celui qui procède de l'existence dans notre pays d'une masse
importante de sommes disponibles, et pas uniquement dans les fonds d'épargne
centralisés, pour faire face aux besoins de financement de l'activité et pour
créer les conditions du développement économique et social, celui-ci ayant, de
par la réalité de la création d'emplois associée à tel ou tel investissement ou
à tel ou tel effort de recherche-développement, vocation à être ainsi quantifié
et mesuré.
Nous proposons, en fait, que le niveau de création d'emplois et de mise en
oeuvre de politiques de formation soit l'élément de définition des conditions
de participation des fonds rassemblés dans le cadre du pôle financier public
et, notamment, du taux d'intérêt associé à ces financements.
Il s'agira donc de mettre les institutions participant au pôle financier
public en situation de proposer, notamment aux petites et moyennes entreprises,
des fonds les moins coûteux possibles et dont le remboursement, tant en capital
qu'en intérêts, sera d'autant plus facilité que la croissance de l'entreprise
sera pleinement associée à sa capacité de création d'emplois et d'optimisation
des compétences des salariés.
La spécificité des fonds collectés par les différents réseaux associés
permettra de mener avec le maximum de réussite cette politique de définition de
financement en dehors des simples règles du marché financier et bancaire
traditionnel.
Nous observerons d'ailleurs, à ce propos, que l'une des caractéristiques du
pôle financier public est de répondre néanmoins, à une préoccupation récurrente
qui nous anime : nous constatons qu'il y a aujourd'hui, dans un contexte de
faiblesse des taux d'intérêt de court terme et de désinflation, persistance
d'une difficulté à mobiliser les fonds collectés par les établissements
bancaires ou les capitaux propres des entreprises au financement de l'emploi et
de la formation, une part importante demeurant utilisée aujourd'hui pour mener
notamment, vous le savez bien, monsieur le ministre, de coûteuses opérations
capitalistiques.
L'existence du pôle financier public a donc aussi, à nos yeux, la vertu de
mettre en évidence la nécessité de changer les règles du jeu en termes
d'utilisation du crédit.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 163.
M. Jean-Louis Carrère.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Sans allonger le débat, je veux simplement dire à notre collègue Mme Beaudeau
que je comprends son souci et que je le partage. S'agissant, toutefois, d'un
projet de loi modifiant le statut des caisses d'épargne, il ne me paraît pas
judicieux d'intégrer cette préoccupation dans la rédaction de ce texte. Une
telle initiative serait, au contraire, contre-productive par rapport aux
souhaits et aux soucis légitimes exprimés.
Je ne sais pas quelle est la meilleure méthode. S'agit-il d'évoquer cette
préoccupation dans l'exposé des motifs et d'engager une réflexion sur les
modalités de mise en oeuvre du pôle public d'épargne ? En tout cas, je vous
demande très clairement de ne pas ajouter dans ce texte un concept qui n'y
aurait pas sa place, sauf à en changer complètement la nature et à envisager
concrètement de réaliser un holding, par exemple.
Bien qu'il partage complètement l'objectif de nos collègues du groupe
communiste républicain et citoyen, le groupe socialiste ne s'associera pas au
vote de ces amendements.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je prendrai
l'exact contrepied de M. le rapporteur, d'abord pour faire ce constat : le
secteur financier privé ne remplit pas quelques missions d'intérêt général
aussi vitales pour la population que l'accès aux services financiers de base,
le financement pour la création et le développement de la très petite
entreprise, l'accès des couches populaires à l'achat de logements, et j'en
oublie forcément car je ne veux pas faire une énumération exhaustive. Il y a
là, en cette fin de siècle, un problème grave.
Par ailleurs, tout un autre secteur, que Mme Beaudeau et ses collègues du
groupe communiste républicain et citoyen appellent « pôle financier public »,
remplit pour partie - pour partie seulement, d'ailleurs - et souvent avec
difficulté ces fonctions. Il faut donc avancer, non seulement pour pérenniser,
mais aussi pour clarifier et conforter les missions de ce secteur.
Mais surgissent alors, madame Beaudeau, un certain nombre de questions, et en
premier lieu un problème de dénomination. Je préfère, pour ce qui me concerne -
mais cette opinion est à confronter à d'autres - parler de « services
financiers publics mixtes », parce que les statuts juridiques sont différents,
parce que les missions sont duales : tantôt il s'agit d'activités sur le
marché, tantôt de services réservés. Le livret A et le service du courrier,
pour La Poste, en sont de bons exemples.
Nous devons par ailleurs mener une réflexion sur le périmètre, comme vous
l'indiquez, d'ailleurs, dans l'objet de vos amendements.
M. le ministre, qui est expert en la matière, a bien évidemment soulevé la
question : doit-on inclure ou non La Poste dans ce champ ? Celle-ci, par ses
services financiers, assure, évidemment, une mission de cohésion sociale et
d'aménagement du territoire, ce qui plaide en ce sens ; mais, dans le même
temps, je milite pour l'unité de La Poste et je ne voudrais pas voir ainsi
ouvrir une brèche qui permettrait à certains de proposer un découpage de cet
opérateur public autonome, au nom des difficultés que parfois il rencontre dans
ce rôle.
S'agissant des missions de la Caisse des dépôts et consignations, il faut
clarifier la notion de chef de file. Quel sera le lien organique avec le
capital de chaque entreprise ? La Caisse des dépôts et consignations elle-même
est une structure duale, et les salariés défendent l'unité de cet
établissement, ce que je comprends.
Bref, chaque fois que l'on pose de nouvelles questions, on se dit qu'il faut
avancer tout en étant précautionneux, car il ne faudrait pas aller à l'encontre
de l'objectif recherché.
J'ajoute un dernier élément de réflexion : nous aurions tout intérêt à opérer
une liaison avec le traité sur l'Union européenne, plus précisément avec
l'article 90-2, récemment conforté par l'article 7 D, qui fait état de services
d'intérêt économique général.
Si nous voulons conforter nos services publics et nos opérateurs publics, il
importe donc de rechercher des articulations, des collaborations, et pourquoi
pas une certaine homogénéisation sur les bases que nous défendons et non pas
sur des options contraires.
Bref, tout en m'étant exprimé dans la presse en faveur d'un pôle financier
mixte, je suis perplexe à cet instant du débat. Il importe, à mes yeux, que M.
le ministre concrétise rapidement sa proposition, mais je ne parle ici qu'en
mon nom personnel : peut-être pourrait-il s'engager à ce que l'exposé des
motifs du projet de loi ne soit que le début d'une réflexion qu'il pourrait
conduire, à sa diligence mais pourquoi pas conjointement avec le Parlement,
pour aboutir assez rapidement, soit à un texte de loi soit à une déclaration
assez précise pour introduire une clarification entre ceux qui suivent les
positions adoptées par le rapporteur et ceux qui soutiennent le point de vue
que Mme Beaudeau et moi nous défendons.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Je crois qu'il faut bien analyser la proposition du groupe communiste
républicain et citoyen et voir comment elle s'inscrit dans la dynamique du
Gouvernement ... et de la majorité plurielle, il faut parler clairement.
M. le ministre a envoyé une lettre à M. Robert Hue lui indiquant qu'il
souhaitait l'établissement d'un pôle financier public.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Ah ! voilà l'exposé des motifs : c'est la lettre à Robert Hue
!
M. Paul Loridant.
Nous prenons donc acte des intentions du Gouvernement, nous nous situons bien
dans le domaine public.
Notre groupe formule une série de propositions, mais je précise à notre
collègue M. Carrère qu'il s'agit non pas de dévier du débat sur les caisses
d'épargne, mais de proposer un chapitre à part dans lequel sont réaffirmés les
prinicipes de ce pôle financier public. Nous en dessinons un premier contour,
peut-être insuffisant, mais dont l'objet est de prendre acte de cette
orientation. Et, comme vous l'avez dit et les uns et les autres, nous
constatons que le secteur financier privé - pour employer cette expression -
est très largement défaillant puisqu'un certain nombre d'exclus ne peuvent pas
avoir, par exemple, de compte bancaire.
Nous savons que le financement des PME obéit à une approche particulière : la
rentabilité n'y étant pas nécessairement assurée, il y a un risque supérieur.
Nous savons aussi que La Poste, au même titre, d'ailleurs, que les caisses
d'épargne, joue un rôle essentiel qui consiste à assurer à un certain nombre de
nos concitoyens des services essentiels pour la vie quotidienne. Encore
faudrait-il que le Gouvernement nous précise comment va se faire la
coordination entre la banque des PME, La Poste, la Caisse des dépôts et
consignations et le réseau des caisses d'épargne !
Allez-vous créer un GIE ? Y aura-t-il un coordinateur pour ces établissements
? Avez-vous l'intention de rédiger une instruction à destination de ces
établissements pour vous assurer que l'ensemble sera cohérent et viendra en
appui de l'action gouvernementale, prendrez-vous en charge un domaine qui, il
faut bien le dire, n'est pas assuré par le secteur public ?
Tel est l'objet de ces amendements, que notre groupe votera. Nous avons
compris que nos collègues du groupe socialiste, aujourd'hui, en saisissent la
nécessité mais n'en voient pas l'opportunité. Quant à M. le ministre, il doit
nous dire quelles sont réellement ses intentions et, surtout, son
calendrier.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Nous n'allons pas
prolonger le débat sur ce point : tout ce qui a été dit est public.
Je ne vois pas pourquoi un coordinateur des différents éléments du pôle public
serait nécessaire, car le coordinateur, c'est le ministre ! Si le Gouvernement
a souhaité réunir dans un même ministère tous les éléments, y compris La Poste,
qui font partie de ce que nous pouvons considérer comme cette « sphère publique
», pour reprendre le vocabulaire de M. Delfau, c'est bien parce que le
coordinateur, c'est le Gouvernement !
Je ne crois cependant pas qu'il faille figer cette situation dans un texte de
loi. Soyons clairs : oui, à une activité publique différente de l'activité
privée, mais oui à condition que ce soit une activité publique qui vit, qui se
développe, qui évolue et qui n'est pas enserrée dans un carcan.
L'activité économique ne se définit pas par des textes de loi. C'est parce
que, moi le premier, nous l'avons peut-être trop cru dans le passé que des
difficultés sont apparues sur certains sujets. Sachons faire le partage ! Ne
refusons pas le public au nom de l'efficacité ! Le public est très efficace
dans de très nombreux domaines, mais il faut lui donner les possibilités
d'évoluer, de s'adapter, de fonctionner.
Par conséquent, ce n'est pas un problème législatif. Au demeurant,
l'argumentation développée par M. Delfau à propos de La Poste montre bien toute
la difficulté qu'il y a à agir en la matière. Ne nous mettons donc pas
nous-mêmes des boulets aux pieds en nous donnant une sorte de satisfaction
illusoire parce que nous aurons inséré trois articles dans une loi, alors que
nous savons très bien que ce n'est pas un sujet qui relève de la loi : c'est un
sujet d'action économique.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Voilà qu'il devient libéral !
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ne jetez pas de l'huile sur le
feu, monsieur le rapporteur !
(Nouveaux sourires.)
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
On en reparlera
!
M. Delfau dit que c'est le début d'une discussion - ce n'est même pas son
début, on l'a déjà entamée il y a longtemps ! - qu'il faudra poursuivre, et
c'est également ce que vous voulez dire. D'accord, mais une discussion concrète
sur la façon de faire évoluer l'activité de la BDPME, de La Poste, de la CNP
!
Voilà pourquoi je disais que le coordinateur, c'était le ministre ; c'est de
lui que tout cela relève, en concertation, bien sûr, avec les parlementaires,
sont tout particulièrement avec sa majorité, et en dehors de tout carcan
juridique, j'y insiste.
Il n'y a pas de divergence entre nous sur l'objectif à atteindre ; quant au
moyen de l'atteindre, il ne me paraît pas utile - je n'y vois même que des
inconvénients - à mettre en place des instruments pour définir un périmètre ou
mener des missions qui sont, au surplus, très délicates à conduire.
Dans les amendements présentés, d'inspiration au demeurant sympathique, on
nous propose de mettre en place une politique de taux bas. Belle orientation !
Mais, en termes législatifs, cela ne veut pas dire grand-chose : qu'est-ce que
des taux bas ? Bas par rapport à quoi ? Bas de combien par rapport au taux du
marché ? Tout cela relève d'une appréciation concrète. C'est la politique
économique de tous les jours et, cette politique, il est normal que le
Gouvernement la conduise, sous le contrôle et avec l'appui de sa majorité.
On ne va tout de même pas essayer de fixer la politique du Gouvernement dans
des textes de loi à l'avance ! D'abord, on n'y parviendrait pas ; ensuite, on
ne sait plus très bien à quoi servirait un gouvernement.
Ne nous y trompons pas : une orientation politique, c'est une chose, et la
définition de ses axes de gestion n'a pas à figurer dans un texte de loi, en
tout cas, pas dans un texte sur les caisses d'épargne.
Voilà ce que je pouvais dire sur ce sujet. Ne nous disputons pas alors que
nous sommes d'accord sur le fond. Quant aux modalités, je vous ai dit quel
était mon sentiment.
M. Joël Bourdin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne veux
pas revenir sur les excellents arguments qui ont été développés de part et
d'autre, notamment par M. le rapporteur et par M. le ministre.
Je veux toutefois insister, alors que j'entends parler de pôle public, sur le
fait qu'une caisse d'épargne est une personne morale de droit privé. Ce n'est
pas parce que la Caisse des dépôts et consignations a une participation dans la
Caisse nationale - elle n'est d'ailleurs pas majoritaire - que l'on peut
classer les caisses d'épargne dans le domaine public.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Absolument !
M. Joël Bourdin.
Je fais partie de ceux qui souhaitent, bien sûr, que les caisses d'épargne
diversifient quelque peu, à l'avenir, leurs participations. D'ailleurs - je
pose la question - peut-être est-ce d'un pôle de mutuelles que nous avons
besoin !
En tout cas, il faut laisser aux futurs dirigeants des caisses d'épargne le
soin de définir leur politique en la matière. Peut-être iront-ils dans cette
direction. Ce qui est sûr, c'est qu'il est assez difficile de leur imposer ce
carcan dont j'entends parler maintenant.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ce débat extrêmement intéressant
va peut-être me permettre d'obtenir une réponse plus précise à la question que
j'ai posée, à l'occasion de la discussion générale, à M. le ministre sur le
gouvernement d'entreprise, pour savoir qui, au fond, allait fixer la stratégie
du groupe des caisses d'épargne.
M. le ministre m'a répondu tout à l'heure qu'il s'agissait d'une société
coopérative, avec des porteurs de parts, et que ce sont donc les organes
normaux de la société coopérative qui fixeraient la stratégie.
Puis, alors que M. Joël Bourdin évoquait, dans son excellent propos, la Caisse
des dépôts et consignations, M. le ministre a insisté sur l'importance de cette
dernière dans le capital du groupe et sur son appartenance au pôle public.
Alors, monsieur le ministre, ôtez-moi d'un doute ! Avec la naïveté que vous me
connaissez, je vous ai demandé qui, au fond, allait commander. La réponse est
simple, m'avez-vous dit : vous savez ce qu'est le statut coopératif ; il y a
des organes.
Alors, en fin de compte, c'est public ou privé ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je veux répondre
à M. le président de la commission et à son indignation feinte
(Sourires.)
Il est clair pour tout le monde depuis le début que la Caisse des dépôts
et consignations est censée avoir de 30 % à 35 % du capital, et probablement la
minorité de blocage, au moins au démarrage du système.
Un actionnaire avec une minorité de blocage, cela veut dire quelque chose, et
ce dans le cadre même, qui est celui que vous évoquiez, du gouvernement
d'entreprise sinon rien ne veut plus rien dire.
Mais ce n'est pas tellement cela qui fait que le réseau des caisses d'épargne
a légitimement droit de cité dans ce pôle public qui nous intéresse tant,
visiblement vous autant que nous.
En fait, nous fixons dans la loi des missions d'intérêt général et, à ma
connaissance, c'est plus la sphère publique que la sphère privée qui se sent
concernée par les missions d'intérêt général.
La Caisse des dépôts et consignations, qui a une minorité de blocage,
interviendra en effet, sous l'impulsion du Gouvernement, si d'aventure le
réseau des caisses d'épargne voulait s'écarter de ces missions d'intérêt
général que nous sommes nous-mêmes en train de fixer dans la loi. C'est parce
qu'il y a intérêt général qu'il y a relation avec un pôle public d'intervention
financière.
Les décisions seront prises selon les règles du gouvernement d'entreprise que
vous évoquiez tout à l'heure, je le confirme, mais avec un partenaire public
important, même s'il n'est pas majoritaire, à savoir la Caisse des dépôt et
consignations et surtout avec d'autres partenaires qui devront s'inscrire dans
le cadre de la loi qui définit les missions d'intérêt général.
A ma connaissance, vous ne proposez pas de modifier ces missions d'intérêt
général dans les amendements que vous présentez, monsieur le président. Vous
reconnaissez donc bien l'idée que ces missions, telles qu'elles sont issues de
la discussion à l'Assemblée nationale, doivent être conduites. Nous en avons
d'ailleurs beaucoup parlé au cours de la discussion générale.
Conduire des missions d'intérêt général, c'est rejoindre l'intérêt public que
le Gouvernement est précisément chargé de mettre en oeuvre. Je ne vois là, pour
ma part, aucune contradiction : les organes dirigeants des caisses d'épargne
conduiront leur action normalement, dans le cadre, évidemment, de la loi que
vous allez voter - vous ne voudriez tout de même pas qu'ils le fassent hors la
loi ! Or, cette loi définit l'intérêt général. Il n'y a donc aucune
difficulté.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 163, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
En conséquence, les amendements n°s 164, 165 et 162 n'ont plus d'objet.
4
COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de
vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion du projet de loi relatif au renforcement et à la simplification de
la coopération intercommunale.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à
désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour, à M. le président de l'Assemblée nationale, une demande
tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : Lionel Jospin. »
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission
mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.
Le Sénat va maintenant interrompre ses travaux ; il les reprendra à vingt et
une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une
heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
ÉPARGNE ET SÉCURITÉ FINANCIÈRE
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne et à la sécurité
financière.
Dans la discussion des articles, le Sénat en est parvenu à l'article 1er.
TITRE Ier
DISPOSITIONS PERMANENTES
Chapitre Ier
Le réseau des caisses d'épargne
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Le réseau des caisses d'épargne remplit des missions d'intérêt
général. Il participe à la mise en oeuvre des principes de solidarité et de
lutte contre les exclusions. Il a en particulier pour objet la promotion et la
collecte de l'épargne ainsi que le développement de la prévoyance, pour
satisfaire notamment les besoins collectifs et familiaux. Il contribue à la
protection de l'épargne populaire, à la collecte des fonds destinés au
financement du logement social, à l'amélioration du développement économique
local et régional et à la lutte contre l'exclusion bancaire et financière de
tous les acteurs de la vie économique sociale et environnementale.
« Dans les conditions fixées par l'article 6 de la présente loi, les caisses
d'épargne et de prévoyance utilisent une partie des ressources relevant de leur
activité bancaire et commerciale pour le financement de projets contribuant à
la protection de l'environnement et au développement durable du territoire et
pour celui de projets d'économie locale et sociale. »
Sur l'article 1er, la parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
Les caisses d'épargne remplissent, dans notre pays, des missions essentielles
d'intérêt général dont les spécificités et la vocation historique ne sauraient
être aujourd'hui remises en cause.
En ce sens, l'article 1er a une importance toute particulière puisqu'il entend
énumérer, et ce pour la première fois, de façon tout à fait explicite ces
différentes missions.
La promotion et la collecte de l'épargne, le renforcement et le développement
de la prévoyance, la contribution à la protection de l'épargne populaire et au
financement du logement social sont autant d'axes de participation du réseau
des caisses d'épargne à la mise en oeuvre des principes de solidarité et de
lutte contre les exclusions qui sont ainsi mis en évidence.
Le second apport fondamental de cet article réside dans l'affectation d'une
partie des résultats des caisses d'épargne au financement de projets d'économie
locale et sociale ainsi que - et ce sur l'initiative de nos collègues de
l'Assemblée nationale qu'il faut saluer - au financement de projets contribuant
à la protection de l'environnement et au développement de l'aménagement durable
du territoire.
Notre groupe proposera deux amendements précisant la rédaction de cet article
et regroupant l'ensemble des dispositions concernant les missions d'intérêt
général des caisses d'épargne.
Cet article, contrairement à l'appréciation du rapporteur, n'est en rien une
simple déclaration d'intentions et n'illustre pas - je cite M. le rapporteur -
« l'hypocrisie du Gouvernement ».
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Nous n'avons pas la même analyse du texte !
M. Bernard Angels.
Au contraire, il permet de bien mettre en valeur l'ensemble des missions
essentielles du réseau des caisses d'épargne, réaffirmant par là même leur
caractère original dans le monde bancaire.
C'est bien là que l'on peut toucher du doigt, mes chers collègues, la marque
idéologique de la majorité sénatoriale, pourtant décriée par notre rapporteur
ce matin. Selon lui, les caisses d'épargne ont vocation à devenir des
établissements coopératifs comme les autres.
Nous ne pouvons pas accepter une telle éventualité. La Caisse d'épargne n'est
pas le Crédit agricole et elle ne doit pas le devenir. Elle doit, au contraire,
renforcer ses missions d'intérêt général pour une meilleure défense des
principes de solidarité. Il est nécessaire que subsiste dans notre pays un
secteur financier différent au service des ménages les moins favorisés, au
service des acteurs économiques de proximité et, donc, au service de l'intérêt
général. C'est là le sens de l'article 1er et c'est pourquoi nous le
soutenons.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Sur l'article 1er, la parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
L'examen de l'article 1er nous donne l'occasion de rappeler la grande
sensibilité des élus sur l'ensemble des missions conférées au réseau des
caisses d'épargne.
La forme juridique des caisses d'épargne telle qu'elle ressort du projet de
loi présente un certain nombre de spécificités, à savoir le statut coopératif
et l'existence d'un dividende social sur lequel nous reviendrons à l'occasion
de l'examen de l'article 6.
Par ailleurs, sont affirmées pour la première fois les missions d'intérêt
général du réseau des caisses d'épargne. Nous nous réjouissons de voir ainsi
explicitement définie dans cet article l'étendue de ces missions.
Pour autant, si pertinents que soient ces critères, se pose une question de
fond : cette mission d'intérêt général qui est, pour la première fois définie,
est-elle exclusivement réservée aux caisses d'épargne compte tenu de la
spécificité de leur ressources et de la nature de leurs emplois ou bien ne
devrait-elle pas, d'une façon ou d'une autre, et peut-être à un degré moindre,
être étendue à d'autres établissements financiers de la place ?
Ces établissements, aujourd'hui pour le moins soucieux d'acquérir des
positions dominantes ou une certaine « masse critique », sont-ils exonérés de
la nécessité de lutter contre les exclusions, de favoriser le développement
économique local et régional, de lutter contre l'exclusion bancaire et
financière ?
Nous ne pouvons en fait placer uniquement le réseau des caisses d'épargne en
position de prendre en compte tout ce que les autres établissements de crédit
ne souhaitent pas traiter, en les mettant sur un « segment » de clientèle qui
leur serait propre.
Comme vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, le réseau des
caisses d'épargne a désormais une mission d'intérêt général, ainsi qu'un statut
coopératif. Il a donc bien un statut particulier.
Si j'ai pris la parole sur l'article 1er, c'est pour affirmer clairement et
explicitement l'intention du législateur : le réseau des caisses d'épargne doit
assurer une mission d'intérêt général à l'égard de nos concitoyens, notamment
les plus démunis, et en matière d'aménagement du territoire et de développement
local.
Cette mission, monsieur le ministre, vous l'avez rappelée tout à l'heure, même
si vous n'avez pas accepté les amendements déposés par notre groupe ; les
caisses d'épargne doivent remplir en quelque sorte une mission de service
public, être un pôle financier public ou mixte, comme le souhaitait mon
collègue M. Delfau. Ainsi, à l'avenir, en dépit de leur statut coopératif, les
caisses d'épargne devront jouer un rôle dans le financement du développement
économique et du logement social de notre pays.
M. le président.
Par amendement n° 166, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent, avant le premier alinéa de
cet article, d'ajouter un alinéa ainsi rédigé :
« Le réseau des caisses d'épargne participe au service public de l'épargne et
du crédit exercé par le "pôle financier public" au service de l'emploi et de la
formation. Dans ce cadre, il assume des missions d'intérêt général en
partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations. »
Madame Beaudeau, les termes « pôle financier public » n'ayant pas été retenus
tout à l'heure par le Sénat, cet amendement me semble ne plus avoir d'objet.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
En effet, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 166 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 167, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter
in fine
le premier alinéa de l'article 1er par les mots : « grâce en particulier aux
fonds collectés sur le livret A dont la spécificité est maintenue. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet amendement procède bien entendu d'une position de principe que nous avons
depuis de longues années : mettre à la disposition du financement du logement
social des ressources échappant, autant que faire se peut, aux seules
contraintes du marché financier.
Depuis de longues années, il apparaît en effet que les sommes centralisées sur
le livret A sont utilisées de manière exclusive au bénéfice du financement de
la construction et de la réhabilitation de logements sociaux.
Cette mission assignée aux organismes d'épargne nous semble devoir être
confirmée dans ce texte.
Nous ne pouvons toutefois manquer l'opportunité offerte par ce débat pour
échanger quelques idées quant à la question des coûts de sortie de souscription
des emprunts adossés à la collecte du livret A.
En l'état actuel de la situation, les coûts de sortie sont aujourd'hui de 4,2
%, ce taux étant représentatif, d'une part, de la rémunération du livret A en
tant que tel et, d'autre part, de la prise en compte de la charge de gestion et
de collecte du réseau des caisses d'épargne.
Nous estimons, pour notre part, que nous pouvons encore améliorer les
conditions de financement des opérations menées sur le parc locatif social.
Faut-il pour cela adapter, ainsi que certains le proposent, le taux de
rémunération du livret A aux conditions du marché, encore que nous ne puissions
oublier que ce sont les taux courts et non les taux longs qui sont invoqués par
l'Association française des banques pour motiver sa demande, souvent réitérée,
de réduction de rémunération de ce livret et, de manière générale, des autres
livrets défiscalisés ?
Nous ne pensons pas que ce soit souhaitable, d'autant que le risque de
décollecte demeure avec toute décision de réduction du niveau de rémunération
du livret A.
Nous pensons, en revanche, qu'il est nécessaire, monsieur le ministre,
notamment dès que cette loi sera promulguée et que se profilera la loi de
finances pour 2000, que vous étudiiez la question de la bonification des prêts
accordés aux bailleurs sociaux.
Si le Gouvernement se fixe entre autres priorités de lutter contre toutes les
formes d'exclusion - objectif que l'on peut tout à fait partager - notamment
celles qui découle de l'insuffisante application du droit au logement - il doit
trouver un instrument de bonification approprié pour faire tendre les prêts
accordés vers le taux zéro ou conduire à mixer le financement des opérations
concernées vers cet objectif.
Le taux de 4,2 % demeure en effet trop élevé encore, dans un contexte où la
croissance est située entre 2 % et 2,5 % et où l'inflation est quasiment
inexistante.
Une question se pose. Si un gouvernement de droite a, il y a quelques années,
réussi à mettre en place un prêt à taux zéro pour l'accession à la propriété -
moyennant des contreparties dont il est inutile de rappeler ici la teneur -
c'est une chose, mais il importe qu'un gouvernement de gauche soit en mesure de
remettre les choses en place et de recadrer la nécessaire priorité au locatif
social.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cet amendement me donne l'occasion d'évoquer l'article 1er et
son effet d'affichage quant à l'objet social des caisses d'épargne. Mes chers
collègues, il s'agit d'un pur effet d'affichage, dépourvu de portée
concrète.
Dans cet article, on croit utile d'élargir - ou plutôt d'afficher plus
explicitement - les missions des caisses d'épargne. S'il est précisé que « le
réseau des caisses d'épargne remplit des missions d'intérêt général », je
persiste à dire que cette mention n'a pas de portée normative ou n'a qu'une
portée normative très limitée. Dès lors que le présent texte n'impose pas
d'obligation en conséquence de ce principe, cette disposition reste du domaine
du verbe.
Le texte précise en outre : le réseau des caisses d'épargne « participe à la
mise en oeuvre des principes de solidarité et de lutte contre les exclusions ».
Très bien ! Mais, là aussi, mes chers collègues, on cherche vraiment la portée
pratique de cette déclaration, qui ne se traduit par aucune disposition
contraignante pour les caisses d'épargne.
Il s'agit d'un écho à la loi d'orientation de juillet 1998 relative à la lutte
contre les exclusions, qui prévoyait que « la lutte contre les exclusions est
un impératif national fondé sur le respect de l'égale dignité de tous les êtres
humains et une priorité de l'ensemble des politiques publiques de la nation »,
le sixième alinéa de cet article faisant obligation aux caisses d'épargne, en
tant qu'acteurs de l'économie solidaire, de lutter contre les exclusions. Mais
cela me semble rester du domaine des énoncés d'intention, sans obligation
normative concrète.
En ce qui concerne la mission de promotion et de collecte de l'épargne
traditionnellement allouée aux caisses d'épargne - et nous en arrivons là à
l'amendement de Mme Beaudeau - l'article 1er ajoute que le réseau « contribue à
la protection de l'épargne populaire » et « au financement du logement social.
»
Je maintiens que, là encore, l'ajout par rapport au droit existant n'apporte
rien. Il suffit pour s'en convaincre de lire le rapport de M. Douyère : «
L'ensemble de la réglementation bancaire est destiné à assurer la protection de
l'épargne. Les caisses d'épargne étant soumises à la loi n° 84-46 du 24 janvier
1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, dite
loi bancaire, elles doivent contribuer
de facto
à la protection de
l'épargne ».
Elles sont bien placées, dans le même cadre que les autres établissements de
crédit ! Ni plus, ni moins !
La seule réalité concrète qui est maintenue dans le texte est celle qui est
relative au financement du logement social : les caisses d'épargne sont
chargées de distribuer le livret A dont les fonds, centralisés auprès de la
Caisse des dépôts et consignations, servent à financer le logement social.
Madame Beaudeau, votre amendement entre dans ce cadre. Mais il convient de
rappeler que l'article 1er, tel qu'il nous est soumis, prévoit déjà cette
contribution du réseau des caisses d'épargne à la collecte des fonds destinés
au financement du logement social. Et il n'est pas utile, me semble-t-il,
d'introduire une disposition redondante dans l'article 1er.
Cela dit, votre amendement présente l'intérêt de mettre l'accent sur le seul
aspect normatif et concret du dispositif que l'on nous demande d'adopter.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Le Gouvernement
est favorable à l'amendement n° 167 de Mme Beaudeau, qui vient heureusement
préciser les choses. Toutefois, puisque cet amendement a été l'occasion
d'autres commentaires, je souhaite dire quelques mots, en m'efforçant de ne pas
être long.
Contrairement à ce que vient de dire M. le rapporteur, cet article 1er, qui
énonce des considérations d'intérêt général, a bel et bien des conséquences de
portée normative. D'ailleurs, nous avons passé une bonne partie de l'après-midi
à entendre les représentants de la majorité sénatoriale se plaindre du
dividende social.
On peut être pour ou contre cette disposition, mais on ne peut pas à la fois
se plaindre du caractère contraignant du dividende social et dire que ce ne
sont que des mots et qu'ils n'ont pas de conséquence normative.
Cependant, l'ajout proposé par les auteurs de l'amendement est bienvenu et le
Gouvernement l'accepte bien volontiers.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 167.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Avec l'intervention de M. le rapporteur, nous sommes entrés dans le vrai débat
sur ce projet de loi. En effet, comme vient de le préciser M. le ministre, si
nous votons un projet de loi concernant les caisses d'épargne, qui précise
explicitement que ce réseau remplit des missions d'intérêt général et les
énumère, ce n'est pas pour qu'ensuite certains prétendent que le texte n'est
pas normatif, n'a pas de conséquences directes.
Il s'agit là d'un point important parce qu'il porte sur les intentions du
législateur. Un jour ou l'autre, des juristes seront conduits à se référer aux
débats parlementaires pour connaître les intentions du législateur lors de la
modernisation du réseau des caisses d'épargne. Il faut donc que nous soyons
clairs, les uns et les autres.
Il s'agit bien d'un réseau particulier. Il a pour vocation notamment de se
constituer une clientèle qui n'est pas particulièrement fortunée, qui n'est pas
particulièrement recherchée par le réseau bancaire. De plus, il a pour mission
d'affecter les ressources qu'il récolte. En outre, comme vient de le dire M. le
ministre - on le verra à propos de l'article 6 - il doit distribuer un
dividende social.
Monsieur le rapporteur, il faut être cohérent. Vous avez dit, ainsi qu'un
certain nombre de membres de la majorité sénatoriale, que vous étiez d'accord
avec l'orientation générale de ce projet de loi. Dès lors, ou vous acceptez
cette réforme des caisses d'épargne dans l'esprit que vous propose le
Gouvernement, ou vous faites un contre-projet. Mais vous ne pouvez pas dire que
vous êtes pour ce projet de loi et, en même temps, combattre l'intention
fondamentale de ce qu'a voulu faire le Gouvernement auteur du projet de loi et
de ce que veut la majorité gouvernementale au Parlement.
(Applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées
socialistes.)
M. Gérard Delfau.
Il fallait que ces choses soient dites !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur le président, je
voudrais dire que j'ai le sentiment que cela commence bien mal.
M. Gérard Delfau.
A qui la faute ?
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Il ne faudrait pas que la
discussion au Sénat sooit un point de cristallisation de la majorité plurielle.
Mes chers collègues, si vous avez cette intention, nous sommes mal partis !
Je comprends parfaitement vos convictions, je les respecte totalement et je
vous demande, avec un calme que justifie ma sollicitation, d'accepter de suivre
la recommandation de la commission des finances : ne pas introduire dans les
textes, qui finissent par prendre de l'embonpoint, des dispositions qui ne sont
pas nécessaires pour la bonne compréhension de la loi.
Je croyais que nous avions tous le désir d'aboutir à une solution de
consensus. M. Loridant s'est, avec une volonté acharnée, engagé dans un débat
idéologique.
Monsieur Loridant, la démocratie repose sur l'échange des convictions.
M. Jean Chérioux.
Pas pour M. Loridant !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Pourquoi voulez-vous
impérativement introduire, dans un texte qui n'en a pas besoin, une disposition
comme celle-ci ? Je crois que vous cherchez en quelque sorte l'affrontement. Si
tel est votre souhait, nous n'esquiverons pas le débat, mais sa durée excédera
sans doute ce que nous avions prévu au départ, et il sera vraisemblablement
marqué par un esprit totalement différent de ce que nous avions souhaité.
A titre personnel - mais je crois pouvoir m'exprimer ici au nom de la
commission que j'ai l'honneur de présider - je le regretterais.
Que chacun reste campé sur ses positions me paraît tout à fait normal et
honorable, mais si vraiment nous nous engageons dans un marathon où, amendement
après amendement, chacun tente véritablement d'imposer sa propre conviction à
propos de chaque alinéa du texte, nous n'en sortirons pas.
Afin que les choses soient bien claires, l'objet de ce texte étant de nature à
donner aux caisses d'épargne le statut dont elles ont besoin pour assurer leur
avenir, je demande, au nom de la commission des finances, un scrutin public sur
cet amendement.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Nous sommes évidemment sensibles à l'argumentation de M. le président de la
commission des finances, mais puis-je lui dire, avec la tranquillité qui fut la
sienne il y a un instant, qu'il ne s'agit pas d'affichage idéologique ?
L'amendement qui nous est soumis a un objet très précis : introduire la
mention du livret A et la reconnaissance de sa spécificité dans un texte
concernant les caisses d'épargne. Il ne s'agit pas d'une déclaration
d'intention, il s'agit d'un fait déjà ancien, que le législateur veut,
aujourd'hui, ou ne veut pas - c'est tout le problème pour vous d'ailleurs -
inscrire dans la loi.
Monsieur le président de la commission des finances, vous comprendrez qu'il y
a là un débat de fond. Vous avez expliqué tout à l'heure pourquoi vous vouliez
au plus vite la banalisation du livret A. Eh bien, nous, ce n'est pas notre
position. Ce n'est pas non plus celle de M. le ministre. Et nous souhaitons que
ce soit dit dans le texte de loi relatif aux caisses d'épargne.
Il va y avoir un scrutin public et chacun se prononcera ; nos électeurs, ceux
qui suivent nos travaux, notamment les maires, qui sont très attachés au livret
A, apprécieront la position que chacun d'entre nous prendra.
M. Jean Chérioux.
On en reparlera dans quelque temps !
M. Joël Bourdin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin.
Monsieur le président, je suis, moi aussi, étonné de la tonalité du débat.
En tant que défenseur de la spécificité des caisses d'épargne et des livrets
A, je me dois de donner mon point de vue.
En fait, je pense que les caractéristiques du livret A et leur affectation
doivent être définies dans un texte de loi sur le financement du logement
social, puisque c'est ce dernier qui est à l'origine du livret A. Je ne vois
pas comment nous pourrions nous arroger le droit de décider de la politique du
logement dans un texte sur les caisses d'épargne.
Pour être personnellement très attaché à cette formule et ne souhaitant pas
qu'elle soit modifiée à très court terme, je ne peux pas voter cet amendement.
Je le regrette, mais pour moi, c'est une sorte de cavalier.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Exact !
M. Jean-Louis Carrère.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Je suis étonné de la tonalité du débat.
M. Jean Chérioux.
Nous aussi !
M. Jean-Louis Carrère.
Je souscris volontiers aux propos apaisants du président de la commission,
tout en constatant que quasiment tout le monde répond à côté de la question.
Permettez-moi de relire l'amendement : « Compléter
in fine
le premier
alinéa de cet article par les mots : "grâce en particulier aux fonds collectés
sur le livret A dont la spécificité est maintenue". »
Je ne pense pas qu'il donne matière à un combat idéologique féroce. En tout
état de cause, nous ne cherchons pas à l'entretenir. Nous disons simplement que
le groupe socialiste votera cet amendement, qui constitue un des fondements du
texte.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 167, repoussé par la commission et accepté
par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
91:
Nombre de votants | 314 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 99 |
Contre | 215 |
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 1, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de rédiger ainsi le second alinéa de cet article :
« Dans les conditions fixées par l'article 6 de la présente loi, les caisses d'épargne et de prévoyance utilisent une partie de leurs excédents d'exploitation pour le financement de projets d'économie locale et sociale. »
Par amendement n° 126, MM. Angels, Carrère, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger ainsi le second alinéa de cet article :
« Dans les conditions fixées par l'article 6 de la présente loi, les caisses d'épargne et de prévoyance utilisent une partie de leurs excédents d'exploitation pour le financement de projets d'économie locale et de projets contribuant à la protection de l'environnement et au développement durable du territoire. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement porte sur le second alinéa de l'article 1er, dans lequel une ambiguïté mérite d'être levée.
Cet alinéa reprend, en la modifiant légèrement, la disposition de la loi de 1983 tendant à orienter une partie des ressources des caisses vers le financement de l'économie locale et sociale.
Il dispose que : « Dans les conditions fixées par l'article 6 de la présente loi, les caisses d'épargne et de prévoyance utilisent une partie des ressources relevant de leur activité bancaire et commerciale pour le financement de projets contribuant à la protection de l'environnement et au développement durable du territoire et pour celui de projets d'économie locale et sociale. »
C'est l'utilisation du terme « ressources », concomitamment avec la référence à l'article 6, qui nous pose un problème d'interprétation.
En effet, monsieur le ministre, les ressources d'un établissement bancaire sont les fonds dont cet établissement dispose pour exercer son activité. La formule précisant que les ressources dont l'emploi est suggéré sont celles qui relèvent de l'activité bancaire et commerciale des caisses laisse entendre qu'il s'agit de toutes les ressources collectées par les caisses autres que les fonds d'épargne centralisés à la Caisse des dépôts et consignations.
Un tel alinéa viserait donc à préciser que l'octroi de prêts financés sur des ressources autres que l'épargne réglementée pour assurer le développement local et social entre bien dans les attributions des caisses d'épargne, et nous avions en 1991 retenu une telle interprétation.
Toutefois, celle-ci est contredite par la référence à l'article 6 du présent projet de loi, qui prévoit qu'une partie du résultat net comptable des caisses d'épargne doit être, après la constitution des réserves légales et statutaires, affectée au financement de projets d'économie locale et sociale.
L'article 6 fait référence non pas aux ressources, mais aux sommes disponibles après imputation sur le résultat net comptable des versements aux réserves légales et statutaires. Or il y a bien une différence économique très nette entre les ressources d'un établissement bancaire et son résultat net comptable, différence que l'Assemblée nationale ne semble pas avoir clairement prise en compte.
C'est pourquoi la commission, par l'amendement n° 1, propose d'indiquer que c'est une partie des excédents d'exploitation des caisses qui est utilisée pour le financement de projets d'économie locale et sociale. Il serait difficile de faire peser cette contrainte sur la globalité des ressources des caisses, et l'interprétation que nous donnons par cet amendement devrait correspondre aux intentions des auteurs initiaux du texte. Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez le confirmer.
En tout état de cause, il est nécessaire de supprimer toute ambiguïté par cette référence aux excédents d'exploitation en s'inspirant en cela de l'article 16 de la loi de 1947 portant statut de la coopération.
M. le président. La parole est à M. Angels, pour présenter l'amendement n° 126.
M. Bernard Angels. Cet amendement vise à réécrire le second alinéa de l'article 1er afin de préciser deux éléments.
Premièrement, il s'agit de bien coordonner cet article avec l'article 6 en précisant que le financement des projets doit être effectué à partir des excédents d'exploitation. Sur ce point, mon amendement rejoint celui de la commission.
Deuxièmement, il s'agit de procéder à une réécriture afin de préciser qu'il revient aux caisses d'épargne de financer tant des projets d'économie locale et sociale que des projets contribuant à la protection de l'environnement et au développement durable du territoire.
Je ne comprends pas pourquoi M. le rapporteur supprime cet excellent ajout de l'Assemblée nationale, qui permet d'élargir l'action des caisses d'épargne à des projets dont l'objet me paraît utile à la collectivité et particulièrement important aujourd'hui. Je me permets d'indiquer par ailleurs que le Sénat a toujours été très attentif au développement durable du territoire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 126 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je suis tout à fait d'accord avec M. Angels, non seulement sur la référence aux excédents d'exploitation, mais aussi sur la référence à la protection de l'environnement et au développement durable du territoire. Mais, nous incluons la référence à la protection de l'environnement et au développement durable du territoire dans l'article 6, ce qui nous semble plus cohérent par rapport à l'architecture du texte.
Par ailleurs, l'amendement n° 7 de la commission me semble répondre au souci exprimé par M. Angels.
En résumé, la conjugaison des amendements n°s 1 et 7 de la commission me paraît regrouper l'ensemble des éléments qui figurent dans l'amendement n° 126.
Je souhaiterais donc qu'après ces explications M. Angels retire son amendement et se rallie tout de suite à l'amendement n° 1 et un peu plus tard à l'amendement n° 7.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 1 et 126 ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mon avis est exactement le symétrique de celui de M. le rapporteur.
Si la modification qui est introduite sur l'excédent d'exploitation me paraît excellente, je ne souhaite pas que l'on supprime l'ajout que l'Assemblée nationale a introduit par amendement.
Je propose donc au Sénat de suivre la version de M. Angels plutôt que celle de la commission.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. La précision contenue dans les deux amendements nous paraît opportune. Je tiens simplement à rappeler que, dans la mesure où les caisses d'épargne ont pour mission d'assurer le développement de l'épargne populaire, il leur faut être présentes dans les banlieues difficiles. Or certaines caisses d'épargne - je parle en connaissance de cause - ont eu la tentation de fermer leurs bureaux précisément dans les banlieues difficiles, et il a fallu batailler âprement pour leur rappeler qu'elles étaient tenues à une mission d'intérêt général.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 126 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 127, MM. Angels, Carrère, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter in fine l'article 1er par un alinéa ainsi rédigé :
« Les missions définies au premier alinéa, ainsi que les projets d'économie locale et sociale et les projets contribuant à la protection de l'environnement et au développement durable du territoire, dovient présenter à la fois un intérêt en termes de développement local ou d'aménagement du territoire et un intérêt en termes de développement social ou de l'emploi. Chaque caisse d'épargne et de prévoyance tient compte des orientations définies par la Fédération nationale des caisses d'épargne et de prévoyance pour le choix des projets sur son ressort territorial et pour apporter sa contribution aux actions régionales et nationales entreprises par le réseau. »
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Cet amendement est essentiellement rédactionnel puisqu'il transfère le dernier alinéa de l'article 6 à la fin de l'article 1er, tout en coordonnant les rédactions.
En effet, l'article 1er définit les missions d'intérêt général des caisses d'épargne ainsi que leur rôle social. Il apparaît en conséquence nécessaire de regrouper dans cet article les précisions apportées dans l'article 6 sur les missions des caisses d'épargne et sur la définition des projets qu'elles financent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous ne sommes pas en désaccord sur le fond, nous sommes en désaccord sur la place que ces dispositions doivent occuper dans le texte, et cela au nom d'une vision logique du texte.
L'article 1er exprime, de manière générale - d'une manière, à mon avis, très qualitative et, je persiste à le dire, très peu normative - les missions des caisses d'épargne.
L'article 6, quant à lui, précise, d'une manière beaucoup plus technique et opérationnelle, les conditions d'affectation des résultats des caisses : c'est à l'article 6 que l'on trouve des indications concrètes sur la définition des projets susceptibles d'être financés par les caisses d'épargne au titre de ce que l'on est convenu d'appeler, selon moi improprement, le « dividende social ».
Evoquer le développement local, l'aménagement du territoire, les projets en matière d'environnement et d'emploi, c'est effectivement conforme à l'objet de ce texte. Toutefois, dans un souci de bonne écriture du texte, c'est à l'article 6 que de telles dispositions doivent figurer, car cet article a trait aux caractéristiques que doivent présenter les projets susceptibles d'être financés à l'aide de cette affectation partielle des résultats des caisses d'épargne. Il ne s'agit pas des missions générales des caisses d'épargne.
Au bénéfice de ces explications, M. Angels pourrait considérer que son amendement est satisfait par l'amendement n° 7 que la commission présentera à l'article 6.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 127, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Le réseau des caisses d'épargne comprend les caisses d'épargne et
de prévoyance, les groupements locaux d'épargne, la Caisse nationale des
caisses d'épargne et de prévoyance et la Fédération nationale des caisses
d'épargne et de prévoyance. »
Sur l'article, la parole est à M. Lise.
M. Claude Lise.
J'ai tenu à intervenir sur cet article afin d'attirer votre attention,
monsieur le ministre, sur la situation très particulière des caisses d'épargne
des départements d'outre-mer, ou plus exactement des caisses des Antilles
puisque, comme vous le savez, celle de Guyane n'existe plus et celle de la
Réunion a été rattachée à la caisse de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
En effet, on peut craindre que l'actuelle réforme ne crée à ces caisses de
sérieuses difficultés compte tenu des handicaps structurels qu'elles
connaissent.
Ces handicaps sont de trois ordres : premièrement, des coûts de structures
beaucoup plus élevés qu'en métropole, tenant, d'une part, à des charges de
fonctionnement spécifiques et, d'autre part, au fait qu'un grand nombre
d'épargnants utilisent leur compte sur livret comme un compte courant ;
deuxièmement, une épargne des ménages disponible relativement réduite, ce qui
ne manquera évidemment pas de poser certains problèmes lors de la vente des
parts sociales ; troisièmement, un niveau de fonds propres particulièrement
faible.
Pour illustrer ce dernier point, je précise que la caisse métropolitaine ayant
le plus bas niveau de capitaux propres dispose d'une réserve correspondant à
huit fois celle de la caisse de Martinique, dont la réserve n'est que de 68
millions de francs, ce qui représente néanmoins le double de la réserve de la
caisse de Guadeloupe : 35 millions de francs, soit exactement le niveau requis
dans le cadre de la dotation statutaire minimum des établissements
bancaires.
De toute évidence, monsieur le ministre, le projet de loi que nous examinons a
été conçu pour des caisses disposant d'une surface financière beaucoup plus
importante : c'est la conséquence des regroupements très souvent opérés en
métropole au cours de la dernière décennie. On ne peut donc se contenter de
l'appliquer aux Antilles sans prendre des précautions toutes particulières. Il
y va de la survie même des deux petites caisses qui s'y trouvent et dont
personne ne peut, je crois, sous-estimer l'intérêt sur le plan local.
J'ai renoncé à déposer des amendements qui auraient pu sembler aller à
contre-courant de la réforme que le Gouvernement a conçue pour l'ensemble des
caisses d'épargne, réforme dont je comprends et partage la philosophie.
Mais je souhaite vraiment, monsieur le ministre, que vous nous donniez des
assurances quant à la volonté du Gouvernement de prendre toutes les
dispositions nécessaires, autres que législatives, pour que les deux caisses de
Martinique et de Guadeloupe puissent poursuivre, voire élargir les missions
indispensables d'intérêt général qu'elles exercent au service des populations
concernées.
M. le président.
Par amendement n° 2, M. Marini, au nom de la commission, propose, dans
l'article 2, de supprimer les mots : « les groupements locaux d'épargne, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cet amendement est la simple conséquence d'une position de
principe que la commission va vous demander, mes chers collègues, d'adopter à
l'article 4, s'agissant de la suppression, à notre avis nécessaire, des
groupements locaux d'épargne et de leur remplacement par des sections locales
au sein des assemblées générales des caisses d'épargne.
Je crois que, pour la clarté de nos débats, il est préférable que la
discussion de fond sur les groupements locaux d'épargne ait lieu sur l'article
qui en traite et qui doit, selon nous, être substantiellement modifié.
Au cours de la discussion générale, j'ai indiqué les motifs qui nous
conduisent à penser que les groupements locaux d'épargne sont inutiles et
inopportuns. J'apporterai, monsieur le ministre, tout à l'heure, quelques
précisions complémentaires, notamment à propos du financement des caisses
d'épargne par émission de certificats coopératifs d'investissement, car c'est
un point technique qu'il faut éclaircir, afin de pouvoir supprimer en toute
lucidité les groupements locaux d'épargne.
En résumé, cet amendement n° 2 traduit la position de principe de la
commission des finances en faveur d'une simplification de l'architecture
institutionnelle des caisses d'épargne, et donc d'une suppression des
groupements locaux d'épargne.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Avant de donner
l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2, je voudrais, si vous me le
permettez, monsieur le président, répondre brièvement à l'intervention de M.
Lise, qui a très justement souligné la spécificité de la situation des
départements d'outre-mer au regard des caisses d'épargne, spécificité qui
n'avait pas échappé au Gouvernement.
En vérité, cette spécificité est d'ailleurs double.
Première caractéristique : la faiblesse des fonds propres des caisses. M. Lise
l'a dit, ils atteignent, en effet, 68 millions de francs en Martinique et 35
millions de francs en Guadeloupe.
La seconde caractéristique réside dans le fait qu'une très grande part de
l'épargne intermédiaire est collectée par les caisses d'épargne : près de 75 %,
contre 50 % en moyenne pour l'ensemble du réseau. Cela montre l'importance du
rôle joué par le réseau des caisses d'épargne dans ces départements
d'outre-mer.
Comme vous l'avez dit, monsieur Lise, ce texte peut, de prime abord,
apparaître comme plus adapté au territoire métropolitain qu'aux DOM. Je veux
vous rassurer sur ce point : la mécanique mise en place doit permettre de
continuer à assurer un retour important de l'épargne sur le territoire des DOM,
particulièrement en ce qui concerne les Antilles. Le Gouvernement y veillera
très précisément.
Il est clair que c'est l'intérêt du réseau que de continuer d'alimenter, comme
il l'a fait jusqu'à maintenant, les besoins de financement aussi bien des
particuliers que des entreprises dans les deux départements des Antilles. Bien
sûr, pour cela, il faudra mettre en oeuvre des procédures particulières.
Je souhaite donc que vous rassuriez l'ensemble de nos concitoyens des DOM en
général, et des départements des Antilles en particulier. Ils doivent savoir
que leur spécificité n'a pas échappé aux rédacteurs du projet de loi.
J'en viens maintenant à l'amendement n° 2, qui concerne les groupements locaux
d'épargne, sujet que nous avons déjà longuement évoqué cet après-midi.
Le Gouvernement considère que ces groupements sont nécessaires pour les
raisons que j'ai déjà énoncées et qui tiennent à la rapidité de la
mutualisation du processus et à l'animation du sociétariat.
Je le répète, M. le rapporteur est tellement d'accord avec l'idée qu'il faut
animer ce sociétariat qu'il propose dans son rapport écrit de créer d'autres
structures pour remplir cette mission.
En fait, la seule différence entre nous porte sur le statut juridique de ces
structures : je considère que les groupements locaux d'épargne doivent être
pourvus de la personnalité morale. Cela m'apparaît comme une différence mineure
au regard des avantages qu'on peut en retirer.
Parmi ceux-ci, il en est un que je n'ai pas évoqué cet après-midi et que je
voudrais mentionner ce soir. Ce que nous souhaitons tous ici, c'est que le
sociétariat soit uniformément réparti sur le territoire. Le risque, si l'on
supprime les groupements locaux d'épargne, est que les chefs-lieux, où les
caisses d'épargne sont le plus implantées, drainent la plupart des sociétaires,
et l'on voit bien par quelle mécanique. Si l'on veut pénétrer plus profondément
le territoire, toucher l'ensemble de la population, les groupements locaux
d'épargne constituent un intermédiaire indispensable.
Ce souci d'avoir un sociétariat qui ne soit pas concentré dans les
chefs-lieux, là où sont les sièges des caisses d'épargne, mais qui soit au
contraire dispersé sur l'ensemble du territoire devrait être partagé par
tous.
Au regard de tous les avantages des groupements locaux d'épargne, je ne vois
pas bien en quoi la complication supplémentaire qui consiste à leur accorder la
personnalité morale, même si elle est indiscutable, serait rédhibitoire.
A l'inverse, pourquoi tant d'acharnement, monsieur le rapporteur, à l'encontre
des groupements locaux d'épargne ? Puisqu'une structure est de toute façon
nécessaire, pourquoi ne pas attribuer la personnalité morale à ces groupements
?
Honnêtement, je crois que le dispositif tel il est proposé est meilleur. Par
conséquent, je demande au Sénat de repousser l'amendement n° 2.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Jean-Louis Carrère.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Monsieur le rapporteur, j'ai bien écouté tout ce qui s'est dit depuis ce matin
sur les groupements locaux d'épargne et je suis très étonné que vous persistiez
à vouloir y substituer d'autres structures qui seraient dépourvues de la
personnalité morale, ce qui ne manquerait pas de poser un certain nombre de
problèmes aux sociétaires.
Quiconque connaît les difficultés que soulèvent l'animation des caisses
d'épargne à l'heure actuelle, par exemple lorsqu'il s'agit de regrouper
l'ensemble des conseillers consultatifs, sait que les groupements locaux
d'épargne, grâce à leur statut juridique et surtout à leur ancrage dans le
terrain, peuvent constituer un instrument extrêmement précieux.
Si vous aviez proposé la suppression pure et simple des groupements locaux
d'épargne, sans suggérer un dispositif alternatif, si vous étiez en quelque
sorte « culturellement » opposé à l'existence même de ces groupements locaux
d'épargne, cela aurait pu être intellectuellement admissible. Mais cette
substitution, qui donne à croire que vous allez dans le sens que nous
souhaitons au regard de l'animation au plus près du terrain, alors que vous
supprimez la personnalité particulière aux groupements locaux, est une solution
trompeuse. Elle ne peut permettre une véritable animation, elle ne peut offrir
aux petits épargnants, qui ont vocation à devenir de futurs sociétaires par
l'intermédiaire des groupements locaux d'épargne, la considération qu'ils
méritent.
Monsieur le rapporteur, je vous supplie donc de retirer cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Chapitre II
Les caisses d'épargne et de prévoyance
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Les caisses d'épargne et de prévoyance sont soumises, sous réserve
des dispositions de la présente loi, aux dispositions de la loi n° 47-1775 du
10 septembre 1947 portant statut de la coopération et aux dispositions de la
loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.
« Elles sont des établissements de crédit et peuvent, nonobstant les
dispositions de l'article 3 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée,
exercer toutes les opérations de banque dans le cadre prévu par la loi n° 84-46
du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de
crédit. »
Par amendement n° 168, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, au début du
second alinéa de cet article, après les mots : « Elles sont des établissements
de crédit », les mots : « à but non lucratif ».
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Si elle peut être considérée comme nécessaire, la réforme du statut des
caisses d'épargne ne doit cependant pas faire oublier quelques-uns des
principes fondamentaux du statut actuel de ces organismes.
Dans ce cadre, le caractère non lucratif de l'activité des caisses d'épargne
doit être clairement réaffirmé, même si son maintien pourrait, à première vue,
paraître quelque peu surprenant.
Le problème se pose notamment dans le cadre de ce projet de loi et des
principes qui président à la rédaction de l'article 6 et ceux qui sont relatifs
au sociétariat même.
Cette contradiction apparente peut cependant être résolue dès lors que l'on
part de l'idée propre à la rédaction actuelle du texte, celle de la
constitution, sur le plan juridique, d'une nouvelle catégorie d'établissements
financiers, originale, spécifique, que l'on peut aujourd'hui définir sous la
nouvelle forme du réseau des caisses d'épargne.
Pour notre part, comme d'ailleurs les salariés du réseau, nous estimons
nécessaire de préserver la spécificité même des caisses d'épargne, notamment
leur caractère non lucratif.
Il s'agit clairement, pour nous, d'affirmer ici que les « nouvelles » caisses
d'épargne échapperont, pour une part, aux simples mécanismes du marché, attendu
que les règles d'affectation de leurs excédents de gestion, la nature des fonds
qu'ils collectent comme l'usage social qui en est fait constituent autant
d'éléments qui échappent à la simple banalité des activités bancaires.
On peut s'en offusquer ou le regretter, mais on peut aussi le relever de
nouveau.
Comment ne pas encore noter ici que l'utilisation de la collecte des fonds
d'épargne présente une assez sensible différence avec ce que font les
établissements de crédit traditionnels ? On peut d'ailleurs regretter que
l'épargne salariale à vue collectée par ces établissements n'ait pas plus
souvent comme emploi le financement de la création d'emplois ou le
développement de la formation des salariés.
Le caractère non lucratif des caisses d'épargne nous semble donc devoir être
maintenu et pris en compte, ne serait-ce que par rapport aux modes mêmes de
collecte et d'utilisation des fonds d'épargne.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
La commission n'est pas favorable à cet amendement car, pour
elle, les caisses d'épargne sont appelées à devenir des établissements de
crédit coopératifs de droit commun. Madame Beaudeau, les caisses d'épargne, je
le répète, ne seront pas différentes des caisses régionales de crédit agricole,
des caisses de crédit mutuel ou des banques populaires. On ne peut dès lors pas
les qualifier d'établissements « à but non lucratif. »
Il est clair, au demeurant - ne nous cachons pas la réalité des choses - que
les caisses d'épargne devront faire la preuve de leur efficacité économique,
donc de leur rentabilité, et devront, pardonnez-moi ces mots grossiers, madame
Beaudeau, réaliser des profits pour financer l'accroissement de leurs fonds
propres et, d'ailleurs, également, si nous votons l'article 6 tout à l'heure,
pour contribuer au financement d'un certain nombre de projets d'intérêt
général.
Tout cela ne permet pas de qualifier les caisses d'épargne d'« établissements
à but non lucratif. »
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je ne crois pas
que les caisses d'épargne deviennent des établissements exactement comparables
au Crédit agricole et au Crédit mutuel, et ce justement parce que nous avons
tenu à introduire dans le dispositif les missions d'intérêt général et le
dividende social. Je me sépare donc, sur ce point, de M. le rapporteur. Mais,
pour autant, il fallait bien modifier le texte de la loi de 1991.
Je ne sais pas très bien ce que signifient les mots « à but non lucratif ».
Les coopérateurs qui viendront apporter leur épargne doivent être rémunérés,
mais ils ne sont pas pour autant animés par un esprit de lucre. Ou bien on les
rémunère et on a des coopérateurs, ou on est contre le statut de la
coopérative. Mais, si on l'accepte, il faut verser un intérêt. L'essentiel,
pour moi, est que nous disposions d'un dividende qui pourra être utilisé dans
les projets locaux et sociaux, nous l'avons suffisamment rappelé.
Il faut donc un résultat. L'objectif est d'avoir plus de résultat, pour plus
de solidarité. Interdire aux caisses de dégager un résultat serait contraire à
l'esprit même du texte, qui suppose des résultats pour l'exercice des missions
de solidarité à travers le dividende social. Si les mots « à but non lucratif »
signifient qu'il n'y a pas de recherche de résultat, nous allons à l'encontre
de l'ambition même du texte, qui est de susciter des résultats pour exercer
cette solidarité. Mais peut-être l'expression a-t-elle une autre acception qui
m'échappe...
En tout état de cause, le texte me semble plus précis dans la mesure où cette
formule un peu mythique est abandonnée mais où sont clairement définies les
missions d'intérêt général et les moyens de les remplir. Je préfère donc que
nous en restions à la rédaction actuelle.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 168.
M. Marcel Deneux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux.
J'attire l'attention de M. le ministre, qui a parlé d'entreprises dégageant
des résultats, sur le fait que ces résultats peuvent être négatifs. Il faut
bien préciser que les résultats doivent être positifs, faute de quoi, on ne
peut pas parler de but lucratif.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Tout à fait !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il me semble qu'il existe, dans les faits, une certaine contradiction entre la
démarche imprimée par l'article 1er - la définition des missions d'intérêt
général et le dividende social, par exemple - et la nécessité de rémunérer les
détenteurs de parts sociales. Cette contradiction peut être résolue au moyen
d'une relative rigidité sur la question des taux d'intérêt servis aux
emprunteurs par les caisses d'épargne ou sur celle de la tarification des
services à la clientèle.
Lorsque nous avons entendu l'intersyndicale des caisses d'épargne, les
salariés nous ont indiqué que l'un des aspects fondamentaux de la loi
antérieure était précisément l'application du principe de la non-lucrativité
quant à la poursuite de l'action de ces établissements.
C'est pourquoi je persiste à penser que cette mention doit être introduite
dans l'article 3.
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Nous avons entendu de la part de M. le ministre des explications du style «
Couvrez ce sein que je ne saurais voir », mais je ne sais toujours pas si le
Gouvernement est défavorable à l'amendement. Si tel est bien le cas, je suis
tout à fait d'accord avec sa position !
(Sourires.)
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Il me semblait
pourtant avoir été très clair. Visiblement, je ne l'ai pas été suffisamment
pour que M. Gaillard me comprenne !
Monsieur Gaillard, lorsque le Gouvernement se déclare favorable au maintien du
texte en l'état, il pourrait tout aussi bien dire qu'il est contre l'amendement
: il n'y a, entre les deux, aucune différence sémantique. Mais, si vous le
préférez, dorénavant, je veillerai à être plus précis afin que vous suiviez les
débats d'un bout à l'autre !
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 168, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 169, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent, au début du second alinéa
de l'article 3, après les mots : « Elles sont des établissements de crédit »,
d'insérer les mots : « a utilité économique et sociale spécifique ».
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Vous avez compris qu'il s'agit d'un amendement de repli. Evidemment, il
procède fondamentalement de la même logique, même s'il ne fait que reprendre en
quelque sorte l'état des lieux.
J'ai souligné tout à l'heure le caractère pour le moins particulier de la
collecte des fonds d'épargne comme de son utilisation.
Il apparaît donc que les caisses d'épargne ont, de fait, une utilité
économique et sociale spécifique dont nous souhaitons, en dernière instance,
qu'elle soit au minimum inscrite dans la loi.
Tel est le sens de cet amendement de repli.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
L'idée est intéressante car il s'agirait de créer une
nouvelle catégorie juridique, celle des établissements de crédit ayant une «
utilité économique et sociale spécifique ». A la limite, on pourrait d'ailleurs
se demander s'il y a des établissements de crédit qui n'ont pas d'utilité
économique et sociale spécifique.
M. Jean-Louis Carrère.
La question est intéressante !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
J'avoue donc ne pas bien comprendre le concept.
Cependant, je comprends le repli, ainsi que le malaise qui s'exprime ici,
devant un article 1er qui annonce de grandes idées généreuses et une loi qui, à
mon avis, de manière avisée, ménage un cadre, mais un cadre de droit commun,
que vous le vouliez ou non, le droit commun de la coopération, assorti, certes,
de dispositions un peu spécifiques sur la répartition du résultat.
Mes chers collègues, les amendements de Mme Beaudeau me paraissent très
révélateurs de ce malaise et de cette contradiction...
M. Michel Sergent.
Il n'y a pas de malaise !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
... que j'ai moi-même constatés en auditionnant des
représentants de syndicats. Ces derniers soulignaient qu'au-delà des énoncés
d'intention très généreux, ce projet de loi revenait à créer des contraintes
quelque peu contradictoires qui avaient pour conséquence de limiter en pratique
la portée des déclarations d'intention.
M. Paul Loridant.
Mais il recommence ?
M. Jean-Louis Carrère.
Eh oui ! Il recommence !
M. Philippe Marini
rapporteur.
Mes chers collègues, c'est la réalité des choses ! Nous
vivons dans un monde difficile et M. le ministre nous a dit tout à l'heure, et
à juste titre, que, pour présenter un tel projet de réforme, il fallait
naviguer entre des contradictions et des obstacles multiples. A quoi bon se
cacher que ce projet de loi crée bel et bien un nouveau réseau coopératif,
certes spécifique et obéissant à des règles propres, mais qui n'en sera pas
moins, comme les autres, dans la compétition ?
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 169.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Convaincu par
l'argumentation de M. le rapporteur, qui a répété à plusieurs reprises que ce
réseau coopératif comportait des caractères spécifiques, le Gouvernement est
favorable à l'amendement n° 169 !
(Sourires.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 169.
M. Jean-Louis Carrère.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Je suis, pour ma part, un peu étonné d'entendre la commission des finances du
Sénat mettre en avant les craintes légitimes des salariés des caisses d'épargne
pour justifier les réponses qu'elle propose.
Monsieur le rapporteur, vous qui vous inquiétez légitimement des
interrogations des salariés du groupe des caisses d'épargne, vous auriez dû
pousser plus avant vos questions pour suggérer à la commission dont vous êtes
le rapporteur les réponses que ces salariés attendaient d'elle. Mais vous
apportez des réponses diamétralement opposées ! Vous utilisez les bons
arguments sans essayer d'apporter les bonnes réponses. Dialectiquement, cette
démarche offre un certain intérêt ; politiquement, elle a ses limites !
L'amendement n° 169 est plus aisé à voter que le précédent, sur lequel nous
nous sommes abstenus. Cette fois-ci, nous participerons positivement au
scrutin.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 169, repoussé par la commission et accepté
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Les deux premières sont identiques.
L'amendement n° 210 est présenté par M. Badré et les membres du groupe de
l'Union centriste.
L'amendement n° 221 est déposé par MM. Ostermann et Fournier.
Tous deux tendent, dans le second alinéa de l'article 3, à remplacer les mots
: « de banque dans le cadre prévu » par le mot : « prévues ».
Par amendement n° 215, M. Bourdin et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants proposent, dans le second alinéa de l'article 3, après les mots :
« toutes les opérations », de supprimer les mots : « de banque ».
La parole est à M. Deneux, pour présenter l'amendement n° 210.
M. Marcel Deneux.
La réforme du réseau des caisses d'épargne a notamment pour objet de placer
les caisses d'épargne dans le droit commun au regard du périmètre de leur
activité. Les caisses d'épargne n'auront notamment plus de restrictions légales
tenant à leur type de clientèle. Le projet de loi prévoit, par référence à la
loi bancaire, qu'elles peuvent « exercer toutes les opérations de banque ».
Bien que cela soit implicite, il serait utile, pour éviter toute ambiguïté du
fait de l'historique de restriction connu par les divers partenaires ou clients
des caisses d'épargne, de préciser qu'elles peuvent également effectuer les
opérations connexes à leur activité au sens de l'article 5 de la loi bancaire :
les opérations de change, les opérations sur or et les placements ainsi que les
opérations extra-bancaires au sens de l'article 7 de la loi bancaire.
La restriction aux seules opérations de banque pourrait laisser penser que le
champ de compétence actuel des caisses d'épargne, qui, de fait, réalisent déjà
aujourd'hui des opérations connexes et extra-bancaires, est réduit, alors que,
précisément, la loi a pour objet de l'élargir. La notion d'opérations couvertes
par la loi bancaire correspond davantage à l'objectif que l'on cherche à
atteindre par le présent projet de loi.
Cet amendement a pour seul but d'apporter sur ce point une clarification
indispensable.
M. le président.
La parole est à M. Ostermann, pour défendre l'amendement n° 221.
M. Joseph Ostermann.
Je n'ai rien à ajouter aux propos de notre collègue M. Deneux.
M. le président.
La parole est à M. Bourdin, pour défendre l'amendement n° 215.
M. Joël Bourdin.
Cet amendement ne porte pas sur le même mot, mais a la même signification que
les deux amendements qui viennent d'être présentés. En effet, comme l'a rappelé
notre collègue, M. Deneux, la notion d' « opérations de banque » a un sens très
précis. On risque, si l'on maintient le mot « banque », de retenir cette
signification précise, alors que la référence à la loi n° 84-46 du 24 janvier
1984 ajoute aux opérations de banque un certain nombre d'autres opérations qui
ne sont pas strictement des opérations de banque, mais qui sont tout de même
des opérations financières et que l'on qualifie d'« opérations connexes » - je
pense aux opérations de change. Je ne reprendrai pas ce que M. Deneux a dit à
cet égard. D'ailleurs, l'amendement qu'il a présenté et celui que je défends se
complètent. En effet, on peut très bien écrire : « les opérations prévues par
la loi... ».
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 210, 221 et 215 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Les auteurs de ces amendements cherchent à obtenir une
précision. Ils voudraient être assurés, monsieur le ministre, que les
opérations connexes aux opérations de banque, au sens de la loi bancaire, sont
bien dans le champ couvert par les activités des caisses d'épargne. Dans
l'esprit du projet de loi, cela me semble clair. Je suis tenté de donner un
avis favorable sur les amendements n°s 210 et 221. Peut-être avez-vous,
monsieur le ministre, des éléments d'appréciation à nous apporter sur ce point.
La précision proposée, qui va bien dans le sens de votre projet de loi,
est-elle techniquement nécessaire ?
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. le rapporteur
a bien vu les choses. Le souci des auteurs de ces amendements est légitime,
mais les amendements eux-mêmes sont inutiles. En effet, les opérations de
banque telles qu'elles sont définies dans la loi bancaire et d'ailleurs
interprétées par le CECEI intègrent l'ensemble des opérations annexes. Par
conséquent, cette modification n'apporte rien. En revanche, je précise
clairement que, compte tenu de la rédaction du texte en son état actuel, toutes
les opérations connexes qui sont visées par la loi bancaire sont possibles pour
les caisses d'épargne. Aussi, le plus simple serait peut-être que ces
amendements soient retirés. Mais le Sénat fera comme bon lui semblera.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Compte tenu des explications de M. le ministre selon
lesquelles les activités connexes aux activités de banque sont conformes à la
loi bancaire, je pense que nos collègues ont reçu toutes assurances.
M. le président.
Monsieur Deneux, l'amendement n° 210 est-il maintenu ?
M. Marcel Deneux.
Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 210 est retiré.
Monsieur Ostermann, l'amendement n° 221 est-il maintenu ?
M. Joseph Ostermann.
Cet amendement est également retiré, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 221 est retiré.
Monsieur Bourdin, qu'en est-il de l'amendement n° 215 ?
M. Joël Bourdin.
Les explications de M. le ministre me conviennent et elles figureront au
procès-verbal. Aussi, je retire cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 215 est retiré.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ainsi, la loi n'aura pas trop
d'embonpoint : c'est parfait !
M. le président.
Par amendement n° 170, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter
in fine
l'article 3 par un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements de crédit soumis aux dispositions de la loi n° 47-1775 du
10 septembre 1947 portant statut de la coopération s'engagent à respecter les
principes d'organisation et de fonctionnement démocratique inhérents au statut
coopératif. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Cet amendement, qui porte sur l'article 3, complète notre position de principe
sur les modalités de fonctionnement propres au réseau des caisses d'épargne.
En l'occurrence, il s'agit, pour nous, de mettre en évidence le fait
nécessaire de l'application des principes de la démocratie dans le
fonctionnement même des instances délibératives des groupements locaux
d'épargne comme des caisses d'épargne.
En effet, nous voulons réaffirmer le principe « un homme, une voix », propre
au sociétariat dans les structures coopératives et qui en fait l'originalité
par rapport au système des sociétés par actions, où les droits de vote sont
assez directement liés à la possession d'un nombre d'actions, et non de parts
sociales.
Au-delà, cela implique également un fonctionnement que nous qualifierons de
transparent des assemblées générales, notamment en matière de modalités de
convocation ou de mise à disposition de documents à l'intention des
sociétaires.
J'ajoute que nous examinerons un peu plus tard dans ce débat un amendement
visant à permettre l'acquisition à un tarif préférentiel de la première action.
Il s'agit de faire en sorte que les sociétaires les plus modestes puissent de
toute façon être propriétaires d'au moins une part sociale.
C'est dans cet esprit que nous présentons cet amendement. Il s'agit
d'instaurer une vraie coopérative, où chacun des sociétaires aura son mot à
dire, quel que soit le nombre de part qu'il détient.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Là encore, la commission est très intéressée par cette
disposition. En effet, cet amendement vise à préciser que les établissements de
crédit soumis à la loi sur la coopération doivent respecter cette loi. C'est
intéressant. Ce genre de raisonnement pourrait s'appliquer à tout. On pourrait
donc, dans toute loi, quelle qu'elle soit, rappeler que ceux qui sont
assujettis à un régime doivent respecter celui-ci. Bien entendu, il n'y aurait
plus de limites, et on pourrait alors citer le sapeur Camember : « Quand les
bornes sont franchies, il n'y a plus de limites. »
Je crois très sincèrement, mes chers collègues, que nous sommes bien ici -
nous n'avons cessé de le répéter - dans le cadre de la loi portant statut de la
coopération, votée en 1947 et modifiée plusieurs fois depuis.
Elle comporte des prescriptions très précises en ce qui concerne le
fonctionnement des assemblées générales, et notamment le respect des procédures
démocratiques internes à ces différentes formes juridiques coopératives. Je
crois que cela suffit largement, et qu'il n'est pas nécessaire d'encombrer le
présent texte, qui est déjà complexe et qui le resterait même si les
groupements locaux d'épargne ne survivaient pas. Alors, essayons de ne rien y
ajouter qui ne soit strictement nécessaire !
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Il faut
distinguer deux choses : d'une part, le souci, que chacun peut avoir, que les
établissements de crédit assujettis à la loi de 1947 la respecte effectivement
et, d'autre part, le fait de dire formellement qu'ils doivent la respecter.
Je dois reconnaître que le fait d'ajouter ces quelques lignes ne change rien.
Quand elles auront le statut de coopérative, les caisses d'épargne seront
assujetties à la loi de 1947, qui porte obligation des établissements ayant
statut coopératif. Le fait de le répéter n'apporte donc rien. Une autre
question est de savoir si, effectivement, les exemples dont nous disposons sont
satisfaisants. On peut en discuter, mais ce n'est pas cet amendement qui
changera quoi que ce soit.
Je pense donc qu'il ne nuit pas, si ce n'est à l'embonpoint, mais qu'il
n'ajoute rien. Aussi, je m'en remets à la grande sagesse du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 170.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
J'indique tout de suite à M. le ministre et à M. le rapporteur que je vais
retirer cet amendement.
Néanmoins, je voudrais dire que M. Marini que, à une époque, dans cet
hémicycle - il n'était pas encore membre du Sénat - fut présenté un projet de
loi de mutualisation, ou de privatisation, du Crédit agricole. Or, en dépit des
appels de prudence que feu le président Dailly et moi-même avions alors
adressés, le législateur avait cependant fait en sorte que, à l'intérieur du
statut coopératif du Crédit agricole, tous les sociétaires ne soient pas égaux
; une prime particulière avait été donnée à certains sociétaires qu'étaient les
agriculteurs.
J'avais alors été pour la première fois le rédacteur d'un recours auprès du
Conseil constitutionnel et je m'honore, mon cher collègue rapporteur, d'avoir
obtenu satisfaction, au motif que le Crédit agricole ne respectait pas la loi
sur le statut coopératif. Par conséquent, ce n'est pas tout à fait un hasard si
le sénateur Loridant a déposé le présent amendement.
Cela étant dit, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 170 est retiré.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - Les parts sociales des caisses d'épargne et de prévoyance ne
peuvent être détenues que par les groupements locaux d'épargne.
« Les statuts des caisses d'épargne et de prévoyance peuvent prévoir que le
nombre de voix dont dispose chaque groupement est fonction du nombre de parts
dont il est titulaire. Lorsque la part de capital que détient un groupement
local d'épargne dans la caisse d'épargne et de prévoyance à laquelle il est
affilié excède 30 % du total des droits de vote, le nombre de voix qu'il lui
est attribué est réduit à due concurrence. »
Par amendement n° 3, M. Marini, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« Les parts sociales des caisses d'épargne et de prévoyance sont détenues par
des sociétaires. Peuvent être sociétaires des caisses d'épargne et de
prévoyance les personnes physiques ou morales ayant effectué avec la caisse
d'épargne et de prévoyance une des opérations prévues aux articles 1er, 5, 6 et
7 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, les salariés de cette caisse
d'épargne et de prévoyance, les collectivités territoriales et, dans les
conditions définies par l'article 3
bis
de la loi n° 47-1775 du 10
septembre 1947 précitée, les autres personnes physiques ou morales mentionnées
à cet article. Les collectivités territoriales ne peuvent toutefois pas détenir
ensemble plus de 10 % du capital de chacune des caisses d'épargne et de
prévoyance. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 117, présenté par M.
Bourdin et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, et tendant,
après les mots : « dans les conditions définies par l'article 3
bis
de
la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée », à rédiger comme suit la fin
de la deuxième phrase du texte présenté par l'amendement n° 3 : « avec l'accord
de la caisse d'épargne et de prévoyance et de la Caisse nationale des caisses
d'épargne et de prévoyance, les personnes mentionnées à cet article.»
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cet amendement de principe vise à supprimer l'échelon
intermédiaire que constituent les groupements locaux d'épargne. Sans répéter ce
qui a déjà été dit, je voudrais apporter quelques précisions
supplémentaires.
La question de l'organisation interne des caisses a été posée par tous ceux
qui sont intervenus sur ce sujet. Je me suis notamment référé, monsieur le
ministre, au rapport établi à l'intention de M. le Premier ministre et à la
demande de celui-ci par notre collègue député M. Douyère et intitulé : Pour une
banque différente - la modernisation des caisses d'épargne. A la page 106 de ce
document, sous le titre « Les assemblées locales, modalités de l'expression des
sociétaires », M. Douyère évoque - et il a totalement raison - le souci de
proximité. Il précise en effet : « Deux réponses peuvent être apportées à ce
souci de proximité. La première repose sur l'article 10 de la loi du 10
septembre 1947 portant statut de la coopération, qui prévoit que les statuts
peuvent décider que les sociétaires seront appelés à voter en sections locales.
La seconde pourrait être celle de la caisse locale. » Ce sont bien les deux
solutions possibles.
La commission des finances préfère, pour des raisons de simplicité, les
sections d'assemblée générale sans personnalité morale. Nous considérons que
cela suffit pour assurer l'animation du sociétariat et une bonne implantation
territoriale et commerciale des établissements.
L'autre solution, ce sont les caisses locales devenues en l'occurrence des
groupements locaux d'épargne. A cet égard, je reprends la citation de M.
Douyère : « La mise en place des caisses locales serait toutefois une
organisation lourde. En effet, celles-ci doivent être dotées de la personnalité
morale. Cela suppose que le sociétariat soit institué au niveau de la caisse
locale pour dévolution d'une part des fonds propres de la caisse régionale. Si
cette attribution de pouvoirs effectifs à un niveau proche et concret a le
mérite d'être valorisante et mobilisatrice pour les sociétaires, elle impose un
schéma complexe dont il n'est pas certain qu'il soit le mieux à même de
garantir le dynamisme et le développement de la caisse régionale. Au demeurant,
il présente l'inconvénient de démultiplier le problème de la constitution du
sociétariat de départ par le nombre de caisses locales » - groupements locaux
d'épargne - « puisque les sociétaires seraient propriétaires des caisses
locales qui, elles-mêmes, détiendraient les caisses régionales. La section
locale, en revanche - concluait-il - circonscription électorale et lieu de
débat, si elle pâtit de l'inconvénient d'une plus grande abstraction quant à
l'exercice des pouvoirs du sociétariat, présente en contrepartie l'avantage de
sa souplesse et de sa simplicité de mise en oeuvre. Elle correspond, en outre,
davantage au souhait de renforcer la dimension régionale des caisses en mettant
en évidence la solidarité des sociétaires au sein de la caisse régionale. »
Je ne peux qu'approuver le diagnostic, très objectif, qui me semble avoir été
porté par M. Douyère.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l'heure un point technique qui
est parfois abordé sur ce sujet et qui porte sur les difficultés qu'aurait un
établissement coopératif à capital variable pour émettre des certificats
coopératifs d'investissement, des CCI. C'est souvent une objection technique
qui est émise à l'égard d'une formulation comme celle que nous défendons en cet
instant.
Il faut se souvenir en effet que les groupements locaux d'épargne, dans le
dispositif du projet de loi, sont des sociétés coopératives à capital variable
et que les caisses d'épargne, toujours dans le dispositif du projet de loi,
sont des sociétés coopératives à capital fixe.
Sur le plan juridique, rien ne s'oppose à ce qu'une société coopérative à
capital variable émette des certificats coopératifs d'investissement.
Aujourd'hui, dix-huit caisses régionales de Crédit agricole, toutes sociétés
coopératives à capital variable, ont pu émettre des certificats coopératifs
d'investissement, chacune de ces émissions ayant été visée par la Commission
des opérations de bourse.
La loi de 1947 précise simplement, d'une part, que les titulaires de CCI
disposent d'un droit dans l'actif net, dans la proportion du capital qu'ils
représentent, et, d'autre part, que toute décision modifiant les droits des
titulaires de CCI n'est définie qu'après approbation de ces titulaires en
assemblée spéciale, dans des conditions fixées par décret. La loi n'impose donc
pas la fixité de l'actif net auquel les CCI donnent droit.
Comment les choses se passent-elles en pratique au Crédit agricole ? Je vous
l'ai dit, dix-huit caisses ont émis 23,5 millions de certificats coopératifs
d'investissement, représentant plus de 10 milliards de francs de capitalisation
boursière. Lors de ces émissions, les caisses régionales ont systématiquement
pris l'engagement vis-à-vis des investisseurs d'éviter toute dilution des
certificats coopératifs d'investissement dans le capital social.
Cet objectif est géré avec souplesse et pragmatisme, à l'aide de différents
moyens techniques que je ne détaillerai pas mais qui permettent la réalisation
de ces opérations.
Quelles conséquences pouvons-nous en tirer pour les caisses d'épargne ? Il est
tout à fait envisageable, mes chers collègues, pour les futures caisses
d'épargne coopératives, d'émettre des certificats coopératifs d'investissement
sans avoir besoin pour cela d'adopter une structure juridique identique à celle
qui est choisie par le Crédit agricole en faisant intervenir des groupements
locaux d'épargne à côté des caisses d'épargne locales. Il faut toutefois que
leur capital ne fluctue pas excessivement afin de maintenir la part des CCI
dans le capital social à un niveau au moins égal à celui qu'elle atteignait à
l'émission.
Pour faire en sorte que les entrées et sorties des sociétaires n'aient pas
d'impact sur le montant du capital social en cours d'exercice, il suffit de
créer des comptes-tampons, en quelque sorte, des comptes de créances permettant
de gérer les fluctuations. Ainsi, tout nouveau sociétaire se verrait ouvrir,
lors de son adhésion, un compte courant bloqué au sein de la caisse régionale,
sur lequel il déposerait un montant équivalant à la valeur de la ou des parts
sociales qu'il souscrirait et, à la fin de l'exercice, ce montant serait
converti en parts sociales et le capital social augmenté d'autant, l'opération
inverse étant effectuée en cas de sortie de sociétaires. La caisse d'épargne
serait alors en mesure de prévoir le nombre de certificats qu'il conviendrait
d'émettre, si besoin gratuitement, pour maintenir constante la proportion de
certificats coopératifs d'investissement au capital social.
Si j'ai donné ces quelques explications détaillées, c'est parce que, au cours
des nombreuses auditions auxquelles la commission s'est livrée, ce point a
souvent été considéré comme la véritable question sous-tendue par l'existence
ou non de groupements locaux d'épargne.
Je crois que des solutions techniques existent ; les spécialistes peuvent
vérifier celles que j'ai avancées. La possibilité d'envisager le financement du
développement des caisses d'épargne dans des conditions tout à fait
satisfaisantes devrait permettre, monsieur le ministre, compte tenu de tout ce
qui a été dit au cours de ce débat à propos de ce point de désaccord - que vous
avez vous-même qualifié de relativement mineur - de lever les objections qui
avaient été faites à l'encontre de la formule des sections locales que nous
proposons.
Je vous propose donc de retenir cette architecture et de suivre la position de
la commission des finances.
M. le président.
La parole est à M. Bourdin, pour défendre le sous-amendement n° 117.
M. Joël Bourdin.
L'amendement de la commission reprend le texte de l'article 9 voté par
l'Assemblée nationale, qui détermine les différentes catégories de sociétaires,
à cette différence près que, pour la commission, il s'agit des sociétaires de
la caisse d'épargne, alors que le texte voté par l'Assemblée nationale vise les
sociétaires des GLE.
Quatre catégories de sociétaires sont retenues : les personnes physiques ou
morales déjà clientes de la caisse d'épargne, les salariés de la caisse
d'épargne, les collectivités territoriales et les autres personnes physiques ou
morales non coopérateurs relevant de l'article 3
bis
de la loi du 10
septembre 1947, c'est-à-dire n'ayant pas vocation à recourir aux services de la
caisse d'épargne.
Cette rédaction repose sur une distinction entre les sociétaires déjà clients
de la caisse d'épargne et les sociétaires non clients qui n'auraient pas
l'intention de recourir aux services de la caisse d'épargne, donc de devenir
clients un jour.
Cette distinction concernant les caisses d'épargne est génante à plusieurs
points de vue.
L'article 3
bis
de la loi de 1947 vise les personnes qui n'ont pas
vocation à recourir aux services de la coopérative, et ce en raison de l'objet
restreint de la coopérative, qu'il s'agisse d'une coopérative maritime ou
rurale, par exemple. Or, dans un établissement de crédit à compétence générale
comme les caisses d'épargne, toute personne a vocation à devenir client. C'est
évident pour toute personne physique, comme pour la quasi-totalité des
personnes morales. Il est même difficile de déterminer quels établissements ne
sont pas en mesure de recourir aux services d'une caisse d'épargne.
Enfin, la distinction entre sociétaires clients et sociétaires non clients
aurait pour conséquence paradoxale et assez inacceptable de conférer des droits
de vote beaucoup plus élevés aux non-clients relevant de l'article 3
bis
de la loi de 1947 qu'aux sociétaires clients détenteurs d'une seule voix
quelle que soit la fraction du capital détenue.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 117 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il serait utile, sur ce point, que nous entendions le
Gouvernement, même si j'ai, pour ma part, tendance à penser
a priori
que
cette précision n'est pas absolument nécessaire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je souhaite
revenir brièvement sur les commentaires qu'a formulés M. le rapporteur avant de
m'exprimer sur le sous-amendement n° 117.
De manière schématique, deux arguments ont été développés : l'absence de
nécessité d'avoir un capital fixe et la référence à ce maître qui nous gouverne
tous sur cette affaire - il l'a tant travaillée ! - à savoir M. Raymond
Douyère.
(Sourires.)
Sur le premier sujet, il est tout à fait exact, je le confirme, qu'il n'est
point besoin d'aller chercher des experts pour dire qu'il est légalement
possible d'émettre des CCI avec un capital qui n'est pas fixe.
Le problème, c'est que, si vous voulez simplifier, en l'occurrence, vous
partez dans la mauvaise direction parce que le dispositif que vous proposez est
tellement compliqué que, quand les caisses agricoles auxquelles vous faites
allusion l'ont expérimenté dans le début des années 1990, elle s'en sont à tel
point mordu les doigts qu'elles n'ont plus jamais recommencé et qu'elles
rachètent leurs CCI pour sortir de cette situation.
On peut donc vous suivre, mais c'est atrocement difficile. C'est pourquoi,
complication pour complication, je préfère les GLE : capitaux fixes et solution
simple.
Quant à votre référence à M. Douyère et à son rapport, vous n'avez pas relaté
l'histoire dans son intégralité. Vous vous êtes contenté de citer son rapport
au Premier ministre, dans lequel il mentionne effectivement les deux solutions
qu'il envisage, mais vous avez passé sous silence un document qui l'emporte en
raison de son caractère postérieur : je veux parler de son rapport à
l'Assemblée nationale, dans lequel il précise sa préférence pour les GLE. Si
vous accordez tant de prix aux écrits de Raymond Douyère, allez donc jusqu'au
bout en adoptant sa préférence.
(M. Carrère applaudit.)
Dans ces conditions, je suis partisan des groupements locaux d'épargne. Si on
les conserve et qu'on rejette votre amendement, le sous-amendement n° 117
n'aura plus d'objet, ce qui me dispense d'émettre une opinion à son sujet.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 117, repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - Les caisses d'épargne et de prévoyance sont dirigées par un
directoire sous le contrôle d'un conseil de surveillance. Ce dernier prend le
nom de conseil d'orientation et de surveillance.
« Le conseil d'orientation et de surveillance est composé de dix-sept
membres.
« Il comprend, dans des conditions prévues par les statuts :
« - des membres élus directement par les salariés sociétaires de la caisse
d'épargne et de prévoyance ;
« - des membres élus directement par les collectivités territoriales,
sociétaires de groupements locaux d'épargne affiliés à la caisse d'épargne et
de prévoyance ;
« - des membres élus par l'assemblée générale des sociétaires de la caisse
d'épargne et de prévoyance. Ne sont pas éligibles à ce titre les collectivités
territoriales ou leurs représentants, ni les salariés de la caisse d'épargne et
de prévoyance.
« Dans chaque conseil d'orientation et de surveillance, le nombre des membres
élus par les salariés est identique à celui des membres élus par les
collectivités territoriales et ne peut être supérieur à trois.
« Les membres du directoire sont proposés par le conseil d'orientation et de
surveillance. Le directoire de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de
prévoyance s'assure qu'ils présentent l'honorabilité nécessaire et l'expérience
adéquate pour cette fonction, et propose leur agrément au conseil de
surveillance de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance.
Lorsque celui-ci a délivré l'agrément, le conseil d'orientation et de
surveillance de la caisse d'épargne et de prévoyance procède à la nomination
des membres du directoire.
« Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article 45 de la loi
n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, l'agrément peut être retiré par le
conseil de surveillance de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de
prévoyance, sur proposition de son directoire et après consultation du conseil
d'orientation et de surveillance de la caisse d'épargne et de prévoyance
concernée. Le retrait d'agrément emporte révocation du mandat de l'intéressé.
»
Par amendement n° 128, MM. Angels, Carrère, Sergent et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, au début du quatrième alinéa de cet
article, de remplacer les mots : « des membres élus » par les mots : « trois
membres élus ».
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
L'Assemblée nationale a fixé à dix-sept le nombre des membres des conseils
d'orientation et de surveillance.
Cet amendement vise à tirer les conséquences de cette précision en fixant
également la représentation des salariés et des collectivités locales.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
La commission a considéré que cette matière devait être régie
par les statuts et qu'il fallait faire confiance aux assemblées générales pour
définir ceux-ci. C'est bien, de notre point de vue, le domaine de la liberté
statutaire et il ne nous semble pas indispensable de graver dans le marbre de
la loi le nombre des représentants des salariés et des collectivités
locales.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 128, repoussé par la commission et accepté
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 129, MM. Angels, Carrère, Sergent et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, au début du cinquième alinéa de l'article
5, de remplacer les mots : « des membres élus » par les mots : « trois membres
élus ».
Cet amendement n'a plus d'objet.
Par amendement n° 4, M. Marini, au nom de la commission, propose, dans le
cinquième alinéa de l'article 5, de supprimer les mots : « groupements locaux
d'épargne affiliés à ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est un amendement de conséquence après la suppression des
GLE.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 130, MM. Angels, Carrère, Sergent et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, au début du sixième alinéa de l'article 5,
de remplacer les mots : « des membres élus par l'assemblée générale » par les
mots : « onze membres élus directement par l'assemblée générale ».
Cet amendement n'a plus d'objet.
Par amendement n° 161 rectifié, M. Bourdin propose, dans la seconde phrase du
sixième alinéa de l'article 5, de supprimer les mots : « ou leurs représentants
».
La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin.
Le sixième alinéa de l'article 5 prévoit, s'agissant des membres élus par
l'assemblée générale des sociétaires de la caisse d'épargne et de prévoyance,
les dispositions suivantes : « Ne sont pas éligibles à ce titre les
collectivités territoriales ou leurs représentants... » Je ne sais pas trop ce
que cela signifie !
Je comprends bien que les collectivités locales qui peuvent être élues dans le
premier collège ne puissent pas à nouveau faire acte de candidature dans le
deuxième collège. Mais, si les représentants sont sociétaires à titre privé, il
n'est pas convenable de leur refuser le droit de se présenter, d'autant que,
dans le premier collège, ne peuvent faire acte de candidature que les
collectivités locales sociétaires.
C'est la raison pour laquelle cet amendement tend à supprimer la référence aux
représentants.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cet amendement semble fort utile en ce qu'il apporte une
précision intéressante. La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 161 rectifié, accepté par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 131, MM Angels, Carrère, Sergent et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de supprimer le septième alinéa de l'article
5.
Les trois amendements suivants sont présentés par M. Loridant, Mme Beaudeau,
M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 171 vise à rédiger ainsi le septième alinéa de l'article 5
:
« Dans chaque conseil d'orientation et de surveillance, le nombre des membres
élus par l'assemblée générale des sociétaires est identique à celui des membres
élus par les collectivités territoriales et ne peut excéder six. »
L'amendement n° 172 tend, après le mot : « salariés », à rédiger comme suit la
fin du septième alinéa de l'article 5 : « est fixé à trois, celui des membres
élus par les collectivités territoriales est fixé à cinq. »
L'amendement n° 173 a pour objet, à la fin du septième alinéa de l'article 5,
de remplacer le chiffre « trois » par le chiffre « quatre ».
L'amendement n° 131 n'a plus d'objet.
La parole est à M. Loridant, pour défendre les amendements n°s 171, 172 et
173.
M. Paul Loridant.
Bien que les trois amendements que nous avons déposés sur l'article 5 aient
quelques différences, je me dois, en effet, de les soutenir ensemble, attendu
qu'il s'agit d'une triple variation sur un seul thème, celui de la composition
des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne.
Nous nous devons de relever, de manière liminaire, que ces conseils ont un
caractère particulier au regard de ce qui peut se pratiquer dans d'autres
situations dans le secteur bancaire et financier.
Il convient de voir dans la particularité des missions accomplies par les
caisses d'épargne et dans la spécificité de leur clientèle les raisons de
l'originalité de la composition de leurs organes dirigeants, à savoir la
représentation des salariés et celles des collectivités territoriales.
Cette spécificité doit, à notre sens, être maintenue. Il nous semble, en
particulier, indispensable, dans un premier temps, qu'aucune catégorie de
membres des conseils d'orientation et de surveillance ne puisse jouir d'un
poids plus important que les autres.
Notre premier amendement vise donc à faire en sorte que les sociétaires
disposent du même nombre de sièges que les collectivités locales, celles-ci
demeurant,
a fortiori
dans le contexte de définition des missions
d'intérêt général assignées au réseau des caisses d'épargne, les principaux
interlocuteurs naturels des établissements concernés.
Ce poids spécifique des collectivités locales, sensible également dans le
sociétariat, nous amène à proposer un amendement de repli qui, s'il assure que
les sociétaires disposent de la majorité des sièges au conseil, permet de
prendre en compte la spécificité des caisses d'épargne au travers de la
représentation des élus locaux à hauteur de cinq membres.
Enfin, la troisième proposition consiste à faire en sorte que la « minorité »
des membres des conseils d'orientation et de surveillance soit partagée
également entre les salariés et les élus locaux.
La philosophie de ces trois amendements est clairement de tirer l'essentiel de
la spécificité de l'organisation du réseau des caisses d'épargne et de la
réaffirmer autour de la structuration de leurs organes de direction, ceux-ci
ayant vocation, dans les années à venir, à prendre des décisions importantes en
termes d'affectation de ressources - nous le verrons à l'article suivant - en
faveur du développement économique et social.
Cela étant dit, on ne peut en effet disjoindre totalement ce débat de certains
autres débats que nous avons menés ces dernières semaines, notamment celui qui
est relatif à la politique de l'aménagement du territoire ou celui, que nous
venons juste de conclure, sur la coopération intercommunale.
La nécessité de financements appropriés à l'accomplissement des
investissements induits par les politiques associées à ces deux grands projets
de loi et la nécessité de favoriser une allocation de ressources adaptée sont
les deux raisons fondamentales qui nous amènent à soumettre ces trois
amendements à l'approbation de la Haute Assemblée.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 171, 172 et 173 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
S'agissant de l'amendement n° 171, il ne nous semble pas
opportun de plafonner le nombre des représentants des sociétaires au sein des
COS. Comme je l'ai dit tout à l'heure à nos collègues du groupe socialiste,
c'est aux statuts qu'il appartient, dans le cadre défini par la loi, d'affiner
la répartition des sièges.
En ce qui concerne l'amendement n° 172, il ne nous semble pas davantage
opportun de modifier la répartition des sièges au sein des conseils
d'orientation et de surveillance, laquelle répartition est déjà dérogatoire au
droit commun.
J'ajoute que vouloir accroître l'implication des collectivités territoriales
dans des instances comme les COS des caisses d'épargne et vouloir faire de ces
derniers de petites assemblées territoriales en modifiant leur composition
n'est probablement pas une bonne chose s'agissant d'un établissement de crédit
appelé à être géré normalement. A chacun sa responsabilité !
Enfin, s'agissant de l'amendement n° 173, là encore il ne nous semble pas
opportun de modifier la répartition des sièges, déjà dérogatoire au droit
commun.
La commission émet donc un avis défavorable sur les trois amendements.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Le Gouvernement
est défavorable à ces trois amendements.
Une exception a déjà été faite à la loi de 1947, loi à l'application stricte
de laquelle M. Loridant tenait tout à l'heure beaucoup s'agissant de la
création de collèges. Il ne faut pas exagérer dans l'autre sens et
déséquilibrer la composition.
La loi de 1947 ne prévoit que des sociétaires. Il a été prévu deux collèges
spécifiques pour représenter les salariés et les collectivités locales. Je
crois qu'il faut garder les proportions que prévoit le texte.
M. Paul Loridant.
Je retire les amendements.
M. le président.
Les amendements n°s 171, 172 et 173 sont retirés.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - Les sommes disponibles après imputation sur le résultat net
comptable des versements aux réserves légales et statutaires sont réparties par
l'assemblée générale entre l'intérêt servi aux parts sociales, les
distributions opérées conformément aux articles 11
bis,
18 et 19
nonies
de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée, les mises en
réserve et les affectations définitives au financement de projets d'économie
locale et sociale. Les sommes mises en réserve doivent représenter au minimum
le tiers des sommes disponibles telles que définies au présent article. Cette
proportion peut toutefois être augmentée sur décision de la Caisse nationale
des caisses d'épargne et de prévoyance, au vu de la situation financière de la
caisse d'épargne et de prévoyance dont il s'agit. Les sommes affectées au
financement des projets d'économie locale et sociale, de protection de
l'environnement et de développement durable du territoire ne peuvent être
inférieures au tiers des sommes disponibles après la mise en réserve.
« Les projets d'économie locale et sociale ainsi que les missions contenues à
l'article 1er de la présente loi doivent présenter à la fois un intérêt en
termes de développement local ou d'aménagement du territoire et un intérêt en
termes de développement social ou de l'emploi. Chaque caisse d'épargne et de
prévoyance tient compte des orientations définies par la Fédération nationale
des caisses d'épargne et de prévoyance pour le choix des projets d'économie
locale et sociale sur son ressort territorial ou pour apporter sa contribution
à des actions régionales ou nationales entreprises par le réseau. »
Sur l'article, la parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
L'article 6, qui concerne l'affectation des résultats de chacune des caisses
d'épargne, est une disposition importante du projet.
Il prévoit, en particulier, que peuvent être financées avec une partie du
résultat des missions d'intérêt général ou d'utilité économique et sociale.
Monsieur le ministre, j'aimerais que vous m'assuriez que des règles strictes
de concurrence et de transparence seront effectivement appliquées par les
caisses d'épargne.
Je m'explique. On peut très bien imaginer qu'une caisse d'épargne, voulant
favoriser tel client, lui propose de financer tel projet, mais en adjoignant à
ce financement des crédits d'utilité sociale, ce qui viendrait en quelque sorte
fausser les règles normales de la concurrence avec les autres établissements de
crédit. Je n'entre pas dans le détail ; vous voyez bien ce que je vise.
Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, dans quelles conditions les
fonds affectés aux missions d'intérêt général seront distribués ?
M. le président.
Par amendement n° 5, M. Marini, au nom de la commission, propose, dans la
première phrase du premier alinéa de l'article 6, de supprimer le mot : «
définitives. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
L'article 6 définit les conditions d'affectation du résultat,
et nous nous préoccupons plus particulièrement ici du financement des projets
d'économie locale et sociale.
Il prévoit les affectations définitives d'une partie du résultat distribuable
des caisses. Nous proposons, nous, de supprimer le mot « définitives ».
Nous considérons en effet que des prêts consentis à des conditions
exceptionnellement favorables - donc des prêts de caractère concessionnel,
monsieur le ministre - ainsi que des investissements en capital de petites et
moyennes entreprises devraient pouvoir être éligibles à l'affectation du
résultat au titre des projets d'économie locale et sociale.
Or, ces prêts à des conditions préférentielles ou ces investissements en
capital développement dans de petites entreprises sont susceptibles de ne pas
intervenir à titre définitif, dès lors que la caisse d'épargne peut, s'agissant
d'un investissement en capital, le recéder en cas de succès de l'entreprise et,
s'agissant d'un prêt à titre concessionnel, c'est-à-dire à un très bas taux
d'intérêt, escompter, bien entendu, son remboursement.
Cet amendement permettrait de laisser une liberté suffisante aux caisses
d'épargne dans l'affectation de leurs résultats tout en respectant l'esprit des
dispositions qui nous sont proposées, et donc de favoriser un certain nombre de
décisions conformes à l'intérêt général.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Tout d'abord, le
Gouvernement est sensible à la préoccupation de M. Loridant.
Il ne faudrait pas qu'au travers du dividende social les caisses d'épargne
puissent exercer une concurrence déloyale à l'encontre d'autres
établissements.
Voilà pourquoi je tiens à bien préciser ici que le dividende social n'a pas
vocation à compléter les opérations commerciales menées par les caisses
d'épargne. Mais, dans ces conditions, il ne faut pas non plus que la tentation
devienne trop grande.
En ce sens, l'amendement de la commission, même s'il est inspiré, j'en suis
certain, par les meilleures intentions, risque, au contraire, en passant
d'opérations à caractère définitif à des opérations à caractère non définitif,
et par conséquent à des prêts, d'accroître cette zone de recouvrement qu'il
faut, au contraire, éviter entre les opérations commerciales, d'une part, et
les opérations relevant du dividende social, d'autre part.
Je ne suis donc pas favorable à l'amendement, qui accroît le risque de
confusion, et je confirme à M. Loridant que cette confusion n'a pas lieu
d'être.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 6, M. Marini, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit la dernière phrase du premier alinéa de l'article 6 :
« Les sommes affectées au financement des projets d'économie locale et sociale
ne peuvent excéder, pour chaque caisse d'épargne et de prévoyance, le montant
total de l'intérêt servi aux parts sociales et des distributions effectuées
conformément aux articles 11
bis,
18 et 19
nonies
de la loi n°
47-1775 du 10 septembre 1947 précitée. »
Par amendement n° 174, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent, après les mots : « être
inférieures », de rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :
« pour chaque caisse d'épargne et de prévoyance, au montant des sommes mises en
réserve ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cet amendement vise à en revenir au texte initial du
Gouvernement, qui nous semble acceptable.
Nous souhaitons en effet rétablir le plafonnement de l'affectation aux projets
d'économie locale et sociale, et supprimer le plancher de ce dividende dit
social.
En effet, les députés ont souhaité inverser l'ordre de priorité prévu
initialement par le texte dans l'affectation du résultat. Ainsi, selon eux, les
caisses devraient d'abord consacrer un tiers de leurs résultats, après
constitution des réserves, au financement de projets d'économie locale et
sociale, et ce n'est que dans un second temps qu'elles pourraient rémunérer
leurs sociétaires avec le solde.
Or, avec un capital initial prévu à hauteur de 18,8 milliards de francs, les
caisses devraient débourser au minimum 600 millions de francs au titre de
l'intérêt statutaire à verser aux porteurs de parts.
Si le solde du résultat est insuffisant - ce n'est pas impossible - les
caisses d'épargne risquent d'être contraintes de puiser dans leurs réserves,
c'est-à-dire dans leurs fonds propres, pour rémunérer leur part sociale, comme
le permet d'ailleurs l'article 17 de la loi de 1947 portant statut de la
coopération. En tout état de cause, elles verront leur capacité à accroître
leurs fonds propres sérieusement obérée, à tout le moins.
Pour ne pas fragiliser la capacité de développement futur des caisses
d'épargne, notre amendement vise à rétablir le texte initial du Gouvernement,
qui prévoyait que la fraction du résultat consacrée aux projets d'économie
locale et sociale ne peut excéder la fraction du résultat destinée à rémunérer
les sociétaires. On reviendrait ainsi à quelque chose de raisonnable, alors que
les débats à l'Assemblée nationale ont pollué ce texte des concessions que vous
avez été contraint de faire, monsieur le ministre, pour en obtenir le vote.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 174.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet amendement portant sur les conditions d'affectation des excédents de
gestion des caisses d'épargne est un amendement de principe.
Pour que ce qui nous concerne, nous sommes particulièrement attentifs au fait
que l'article 6 prévoit expressément une utilisation sociale des excédents de
gestion dégagés.
On peut faire aujourd'hui une première observation : ces excédents de gestion
existent déjà - pour un montant de 2,5 milliards de francs - et ne sont pas
encore affectés de façon tout à fait positive, ce qui implique donc que nous y
réfléchissions.
En l'état actuel du texte, il importe donc de se demander si les principes que
nous allons finalement adopter seront suffisamment précis pour favoriser
effectivement l'accomplissement des missions d'intérêt général dévolues au
réseau des caisses d'épargne ou si les sommes en jeu ne permettront de soutenir
qu'un nombre trop réduit de projets au regard des besoins de financement
exprimés.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 6 précise qu'un tiers au moins des
excédents de gestion est inscrit en réserve dans les comptes sociaux des
organismes d'épargne. Pour le solde, c'est-à-dire deux tiers, un tiers de cet
ensemble, soit 22 % ou, par exemple, un peu plus de 500 millions de francs
aujourd'hui, serait consacré à aider des actions concourant au développement
économique et social sous forme de subventions directes.
Nous estimons, pour notre part, nécessaire de renforcer clairement cette
priorité en précisant, par le biais de cet amendement, que les sommes ainsi
affectées sont, en pratique, équivalentes à celles qui sont mises en réserve et
permettent donc de compléter utilement la liste des projets éligibles, qu'ils
soient portés par des acteurs de l'économie sociale ou par des collectivités
locales.
L'affirmation de cette orientation va de pair avec notre position de fond
quant au niveau de la rémunération des sociétaires qui ne peut présenter de
caractère excessif - cela ramènerait en effet le curseur du potentiel de
rémunération aux alentours du taux du livret A majoré d'un point, comme nous le
proposons - et avec notre conception du rôle des caisses d'épargne dans le
paysage financier français, rôle dont nous avons déjà souligné la particularité
lors de l'examen des articles initiaux du projet de loi.
Tel est l'objet de l'amendement n° 174.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 174 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je l'ai déjà dit en présentant l'amendement n° 5 de la
commission, nous considérons que la disposition retenue par l'Assemblée
nationale est trop contraignante pour les caisses d'épargne et qu'il faut en
revenir à un dispositif plus raisonnable, à savoir supprimer le plancher et
rétablir le plafond. Or Mme Beaudeau va strictement dans le sens opposé.
Dans ces conditions, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable sur
l'amendement n° 174 considérant que la disposition que présente Mme Beaudeau
mettrait en péril l'avenir économique des caisses d'épargne.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 6 et 174 ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Les arguments de
Mme Beaudeau détruisent l'amendement de M. le rapporteur et les arguments de M.
le rapporteur détruisent l'amendement de Mme Beaudeau !
Il faut un plancher au dividende social. L'Assemblée nationale a retenu un
tiers des excédents de gestion, ce qui me paraît raisonnable. Si l'on optait
pour un plancher inférieur, la réalité du dividende social aurait tendance à
disparaître, ce qui est d'ailleurs cohérent avec les propos qu'a tenus M. le
rapporteur depuis le début de ce débat. Toutefois, lorsqu'il nous a dit qu'il
n'y a pas de réalité formelle et contraignante dans le texte qui réponde à
l'intérêt général, c'est qu'il anticipait déjà la suppression du plancher du
dividende social. A partir du moment où il existe, il ne faut donc pas le
supprimer.
A l'inverse, il ne faut pas non plus que nous empêchions la rémunération
normale des coopérateurs car nous voulons tous qu'ils soient le plus nombreux
possible.
Des amendements viendront en discussion, m'a-t-on dit, qui visent à instaurer,
ce à quoi le Gouvernement est disposé, une première part à un coût
particulièrement faible. Cela démontre bien que nous voulons que le plus grand
nombre soit sociétaire.
Le plus grand nombre de sociétaires possible inclut à l'évidence des
épargnants modestes. Or je ne vois pas pourquoi les épargnants modestes
devraient obligatoirement se contenter de taux de rendement faibles, laissant
aux gros épargnants les taux de rendement élevés du reste du marché
financier.
Il faut que nous puissions garantir une rentabilité raisonnable aux petits
épargnants pour lesquels nous créons cette part de coopérative particulièrement
bon marché. Il n'y a pas de raison de les défavoriser. Il faut donc qu'il reste
de quoi rémunérer les parts coopératives.
C'est pourquoi, entre ces deux positions extrêmes, je crois qu'il faut s'en
tenir au texte actuel. En conséquence, je suis défavorable aux amendements n°s
6 et 174.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
M. Bernard Angels.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
Comme nous l'avons précédemment exprimé lors de la discussion de l'article
1er, la rédaction de l'article 6 adoptée par l'Assemblée nationale concernant
la part affectée aux financements des projets d'économie sociale et locale nous
satisfait dans le sens où la répartition choisie permet tout à la fois un
financement efficace desdits projets et une marge de manoeuvre suffisante pour
les caisses d'épargne dans la rémunération des sociétaires et l'accroissement
des fonds propres.
Ce partage des résultats, conjugué à l'assurance que le financement des
projets d'économie locale et sociale ne sera pas un vain mot, sont des éléments
fondamentaux de ce projet.
D'aucuns ont mis en avant la difficulté pour le réseau et pour quelques
caisses en particulier d'être en capacité à, conjointement, rémunérer les
sociétaires, consolider les fonds propres et assurer le financement des actions
d'intérêt général.
Cette inquiétude est légitime mais la question ne se pose en réalité que pour
la période initiale de placement et doit alors être reliée aux contraintes
inhérentes à cette même période. Il serait illogique et malvenu de résoudre
cette question en restreignant les capacités offertes aux caisses d'épargne de
financer des projets d'économie sociale et locale.
En conclusion, nous ne voterons pas l'amendement proposé par le rapporteur.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 174 n'a plus d'objet.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 132, MM. Angels, Carrère, Sergent et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de supprimer le second alinéa de l'article
6.
Par amendement n° 7, M. Marini, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit la première phrase du second alinéa de ce même article :
« Les projets d'économie locale et sociale doivent présenter à la fois un
intérêt en termes de développement local ou d'aménagement du territoire ou de
protection de l'environnement, et un intérêt en termes de développement social
ou d'emploi. »
Par amendement n° 8, M. Marini, au nom de la commission, propose de compléter
le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
« Les projets d'économie locale et sociale financés par les caisses d'épargne
et de prévoyance font l'objet d'une annexe détaillée au rapport annuel de la
Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance. »
La parole est à M. Angels, pour défendre l'amendement n° 132.
M. Bernard Angels.
Cet amendement n'a plus d'objet dans la mesure où les amendements que j'avais
déposés à l'article 1er n'ont pas été adoptés.
M. le président.
L'amendement n° 132 n'a plus d'objet.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre les amendements n°s 7 et 8.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
L'amendement n° 7 vise à rétablir le texte initial du
Gouvernement. Je ne sais pas, monsieur le ministre, si vous qualifierez cette
disposition d'extrémiste, comme vous l'avait fait tout à l'heure s'agissant
d'une proposition qui ne faisait que reprendre la version initiale du
Gouvernement !
(Sourires.)
Il s'agit là d'un sujet qui est, je pense, beaucoup moins sensible puisqu'il
s'agit d'ajouter aux missions d'intérêt général des caisses d'épargne, la
protection de l'environnement. Nous avions évoqué cette question avec M.
Angels, lors de l'examen de l'article 1er, et je lui avais annoncé cet
amendement n° 7, qui vise, je le répète, à rétablir le texte initial du
Gouvernement en y ajoutant l'allusion aux missions d'aménagement du territoire
et de protection de l'environnement.
Quant à l'amendement n° 8, il vise à permettre l'information des sociétaires
sur les projets d'économie locale et sociale financés sur le résultat
distribuable, et ce dans la préoccupation du « gouvernement d'entreprise »
qu'évoquait au début du débat le président de la commission, M. Lambert, et
pour que la politique d'imputation sur le dividende social soit parfaitement
transparente, pour que l'on ne se serve pas de cette affectation du résultat
pour procéder à je ne sais quel saupoudrage clientéliste ou financer je ne sais
quel projet qui ne serait pas vraiment justifié par l'intérêt social de la
caisse d'épargne.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 7 et 8 ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
En ce qui
concerne l'amendement n° 7, la réécriture proposée par M. le rapporteur est
bienvenue, mais, dans cette réécriture, il a supprimé la référence aux missions
figurant à l'article 1er. C'est dommage !
Si cette suppression n'est pas intentionnelle, réinsérons le membre de phrase
et reprenons la réécriture de M. le rapporteur qui me paraît meilleure que
celle du projet de loi.
Si la suppression de ce membre de phrase est intentionnelle, je ne suis pas
favorable à cet amendement. Peut-être M. le rapporteur pourra-t-il nous
éclairer sur ce point...
Quant à l'amendement n° 8, il tend à introduire un élément de transparence :
établir un rapport sur le dividende en question me paraît judicieux. Le
Gouvernement émet un avis favorable.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
J'accepte bien volontiers de rectifier l'amendement n° 7 dans
le sens suggéré par M. le ministre. Il se lirait donc ainsi : « Les missions
définies à l'article 1er de la présente loi ainsi que les projets d'économie
locale et sociale doivent présenter à la fois un intérêt en termes de
développement local ou d'aménagement du territoire ou de protection de
l'environnement, et un intérêt en termes de développement social ou d'emploi.
»
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Marini, au
nom de la commission, et tendant à rédiger comme suit la première phrase du
second alinéa de l'article 6 :
« Les missions définies à l'article 1er de la présente loi ainsi que les
projets d'économie locale et sociale doivent présenter à la fois un intérêt en
termes de développement local ou d'aménagement du territoire ou de protection
de l'environnement, et un intérêt en termes de développement social ou
d'emploi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 175 rectifié, Mme Beaudeau, MM. Loridant et Foucaud, et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter
in fine
l'article 6 par un alinéa ainsi rédigé :
« L'intérêt servi aux parts sociales, hors les parts bénéficiant de prix de
souscription privilégiés, rapporté à la valeur nominale de chaque part ne peut
être supérieur au taux de rémunération du livret A des caisses d'épargne. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet amendement relatif à la rémunération des parts sociales présente une
certaine cohérence avec notre amendement portant sur l'utilisation de ce que
l'on appelle le « dividende social » de l'activité des caisses d'épargne.
Nous avons précédemment indiqué notre souci de voir s'accroître la part des
excédents de gestion affectés au financement des projets de développement
économique et social et se réduire en conséquence la part des résultats
utilisés au bénéfice des sociétaires.
Il importe clairement pour nous de spécifier que le niveau maximal de
rémunération des sociétaires ne peut excéder le taux moyen des obligations
privées - 4,1 % - et d'« accrocher » la rémunération des parts sociales à
l'élément fondamental de la collecte du réseau, c'est-à-dire au livret A.
Il s'agit pour nous de compléter notre conception propre de la réforme en
affirmant par cet amendement que les priorités de l'allocation des ressources
dégagées par les caisses doivent primer sur la simple rémunération des
sociétaires, celle-ci demeurant toutefois attractive dans un contexte de très
faible inflation.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
La commission estime qu'il n'est pas possible de placer dans
le public 14, 15 ou 18 milliards de francs de parts sociales sans que les
souscripteurs puissent en attendre une rémunération correcte.
Cette rémunération est déjà plafonnée par l'article 14 de la loi relative à la
coopération. Mme Beaudeau voudrait la plafonner davantage. Si on la suivait,
c'est la diffusion dans le public des parts de sociétaires qui serait vouée à
l'échec. La commission ne peut donc qu'émettre un avis défavorable sur cet
amendement.
A ce propos, monsieur le ministre, nous voudrions souligner que la difficulté
du placement peut être accrue par le niveau des taux administrés.
En ce domaine, sachant que les souscripteurs seront en même temps des
titulaires de livrets de caisse d'épargne et qu'ils auront probablement
tendance à déplacer un peu d'épargne du livret A vers la souscription de parts,
nous nous demandons si nous sommes bien aujourd'hui - mais c'est un débat que
nous reprendrons peut-être dans la suite de la discussion - dans une
conjoncture vraiment propice au placement des parts.
M. Jean-Louis Carrère.
On a intérêt à abandonner le livret A, c'est incroyable !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je ne comprends
pas bien la rationnalité de l'amendement. En effet, le taux de rendement d'une
épargne dépend de deux facteurs : le risque lié à l'émetteur et la
liquidité.
En l'occurrence, entre le livret A et les parts de coopérative, c'est le même
émetteur et le risque est le même. Par conséquent, il ne reste plus que le
facteur liquidité. Or, à l'évidence, le livret A est plus liquide que la part
de coopérateur. Il paraît donc tout à fait naturel que la rémunération de la
part de coopérateur soit, en pourcentage, supérieure au taux du livret A.
Sinon nous mettrions tout cul par-dessus tête. Il n'y a pas beaucoup de lois
économiques qui soient vérité d'Evangile, mais quelques-unes ont tout de même
un peu de sens. En l'occurrence, c'est la liquidité qui fait la différence
entre les deux titres ou les deux placements - appelez-les comme vous voulez -
provenant du même émetteur, et il est clair que celui qui est plus liquide doit
être moins rémunéré que celui qui est moins liquide.
Par conséquent, je ne peux pas accepter cet amendement, même si je comprends
les motivations qui sont à l'origine de son dépôt. En effet, on ne peut pas
vouloir tout changer, même lorsque l'objectif que l'on vise est louable. Il y a
quand même un minimum de règles de fonctionnement de notre économie qui
s'imposent à nous, et je ne voudrais pas que, en suivant votre proposition,
madame Beaudeau, nous finissions par donner raison à M. Marini, qui veut que,
étant donné deux placements provenant du même émetteur, l'un étant plus liquide
que l'autre, le plus liquide soit le plus rémunérateur.
Plus personne ne voudrait dès lors prendre des parts de coopérateur, et nous
n'aurions pas atteint l'objectif visé, qui est bien de moderniser les caisses
d'épargne.
En conclusion, nous ne pouvons pas accepter ce plafonnement du rendement que
vous nous proposez, madame Beaudeau.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Quelle déception pour Mme
Beaudeau qui voulait changer la vie !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 175 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - Les sommes déposées sur le premier livret des caisses d'épargne
sont centralisées à la Caisse des dépôts et consignations et bénéficient de la
garantie de l'Etat. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 133, présenté par Mme Printz, M. Hesling et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent de compléter,
in fine,
cet
article par un alinéa ainsi rédigé :
« S'agissant du régime du libre emploi propre aux caisses d'épargne et de
prévoyance des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les
décrets d'application devront respecter les dispositions prévues par le décret
n° 54-1080 du 6 novembre 1954 complété et modifié, notamment par le décret n°
85-624 du 20 juin 1985 relatif à l'organisation financière du réseau des
caisses d'épargne et de prévoyance. »
Par amendement n° 197, MM. Ostermann, Eckenspieller, Grignon, Haenel, Hoeffel,
Jean-Louis Lorrain et Richert proposent de compléter l'article 7 par un second
alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les caisses d'épargne d'Alsace et de Moselle bénéficient d'un
régime particulier en application du décret n° 85-624 du 20 juin 1985 relatif à
l'organisation financière du réseau des caisses d'épargne et de prévoyance.
»
La parole est à M. Hesling, pour présenter l'amendement n° 133.
M. Roger Hesling.
L'article 7 du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière
supprime le régime spécifique des caisses d'épargne d'Alsace et de Moselle, qui
permet à celles-ci, depuis 1895, de bénéficier du libre emploi des ressources
du livret A. En effet, les établissements de ces trois départements ont la
possibilité d'employer directement sur place 50 % des dépôts sur livret A en
prêts aux collectivités locales et en prêts hypothécaires aux particuliers.
Ce système de financement court et décentralisé, né de la spécificité de notre
région, donne globalement satisfaction aux caisses d'épargne et aux clients, il
favorise le développement de l'économie régionale et s'avère indispensable à
l'équilibre du tissu bancaire.
Ce régime particulier plonge ses racines dans les lois locales du 14 juillet
1885 et d'août 1912, qui instituaient pour les caisses d'épargne d'Alsace et de
Lorraine-Nord une large autonomie et des règles de gestion moderne. Le
législateur, par la loi du 1er juillet 1983, a pris acte de l'attachement des
Alsaciens et des Mosellans à leur statut et a confirmé le maintien de ce régime
du libre emploi. Le décret du 20 juin 1985 comporte, en conséquence, des
dispositions spécifiques aux caisses des trois départements concernés.
Il s'agit là d'un héritage historique et culturel auquel nous tenons tous
beaucoup dans la région, d'autant que, depuis toujours, le résultat financier
du circuit court en place a été correct pour les caisses, les collectivités
locales et les clients.
Le maintien du mécanisme du libre emploi est aussi indispensable à l'équilibre
du tissu bancaire et ne constitue, en aucun cas, une menace pour la pérennité
du livret A. Dans ce domaine, comme dans d'autres, le droit local est
parfaitement adapté à un contexte moderne de bonne gestion. Il est fort à
craindre que l'application du régime général ne se traduise par une perte
immédiate et prolongée de nature à mettre en question la survie de ces
établissements et qu'elle ne risque, de ce fait, de menacer gravement
l'équilibre bancaire de la région.
Enfin, on oppose à notre volonté de voir maintenu le régime spécifique
d'Alsace-Moselle la Commission de Bruxelles, qui n'accepterait pas cette
exception. A cet argument, il convient de rétorquer, d'une part, que
l'incidence financière est faible par rapport à la globalité des sommes en jeu,
d'autre part, que les
Sparkassen
allemandes ont toujours recours au même
système. Sur le plan européen, l'exception n'en est plus une !
Pour conclure, le régime du libre emploi ne mérite ni excès d'honneur ni excès
de critique, il est une spécificité du droit local alsacien et mosellan, il est
un héritage historique et culturel. De plus, il fonctionne bien, comme
fonctionnent bien d'autres dispositions particulières, dont nous avons eu
récemment à nous inspirer : mesures sur l'endettement, régime local d'assurance
maladie, régime des retraites, notamment.
Monsieur le ministre, laissons fonctionner ce qui fonctionne et ne mettons pas
en péril l'équilibre bancaire d'une région qui a beaucoup souffert et qui
souffre encore sur les plans humain et économique.
M. le président.
La parole est à M. Ostermann, pour défendre l'amendement n° 197.
M. Joseph Ostermann.
Monsieur le président, monsieur le ministre, permettez-moi également de
préciser la teneur de cet amendement, bien qu'il soit largement connu, puisque
je l'ai longuement évoqué dans mon intervention liminaire.
Bien entendu, il s'agit du libre emploi dont bénéficient les caisses d'Alsace
et de Moselle et qui a été institué par un décret de 1954 et confirmé en
1985.
Le régime est issu du droit local, que le législateur a jusqu'à présent
scrupuleusement préservé et respecté.
Contrairement au monopole de la distribution du livret A, le libre emploi dont
bénéficient les caisses d'Alsace et de Moselle n'a pas été évoqué par le
prestigieux Conseil de la concurrence. Au-delà du texte que nous examinons,
monsieur le ministre, vous ne pouvez ignorer que le droit local en vigueur en
Alsace et Moselle n'est pas le résultat de manifestations ou de toute autre
expression violente de rue.
Le droit local est et reste le témoin de périodes sombres de l'histoire de
notre pays, périodes qui ont particulièrement marqué l'Alsace et les
Alsaciens.
Aujourd'hui, vous touchez, et sans doute pour la première fois, le droit
local. Vous le modifiez en utilisant, monsieur le ministre, un terme
significatif : « harmonisation ». J'en prends note.
Je souhaite simplement que le droit local soit pleinement respecté en la
circonstance.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 133 et 197 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Les dispositions dont il s'agit sont traditionnelles en
Alsace et en Moselle depuis plus de cent ans.
La commission des finances, vous le savez, mes chers collègues, et certains ne
sont pas d'accord sur ce point, se situe dans une perspective de banalisation
progressive du livret A. Dans notre conception, durant la période de
banalisation, qui s'étalerait sur quelques années, et qui permettrait
d'aménager les transitions nécessaires, je pense que l'on trouverait des
solutions pour adapter le régime spécifique de l'Alsace et de la Moselle.
Cependant, dans l'immédiat, tirer un trait de plume sur ce régime, qui n'est
certainement pas indifférent à l'équilibre économique de nombre d'activités en
Alsace et en Moselle ainsi qu'au financement des collectivités territoriales,
nous paraît un peu brutal, même si les dispositions prévues par le Gouvernement
permettent de neutraliser l'impact financier sur les caisses d'épargne par le
jeu du taux de commissionnement.
Monsieur le ministre, compte tenu du caractère délicat de ce sujet, à ce
stade, la commission est tentée de s'en remettre à la sagesse de la Haute
Assemblée sur les deux amendements.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 133 et 197 ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
J'ai déjà pu
donner le sentiment du Gouvernement à l'occasion de la discussion générale.
Il s'agit là d'un dispositif qui est traditionnel et qui, cependant, crée une
distorsion. Cette distorsion de concurrence est susceptible de générer quelques
difficultés, non seulement d'ordre interne, mais aussi, éventuellement, d'ordre
international.
Il faut donc, de mon point de vue, profiter du projet de loi dont nous
débattons pour faire disparaître ce caractère historique, mais aujourd'hui sans
doute obsolète, qui s'applique aux caisses d'épargne d'Alsace et de Moselle.
Pour autant, faut-il par là même défavoriser l'économie locale ? Certainement
pas ! C'est pourquoi plusieurs mesures sont proposées, dont je voudrais que
vous saisissiez l'importance.
La première consiste à neutraliser l'effet de la banalisation en intervenant
sur le stock de crédits octroyés par les caisses d'Alsace et de Moselle.
Puisque le débat porte sur la centralisation totale ou partielle et sur la
perte d'autonomie, en quelque sorte, dont disposaient jusqu'alors de façon
spécifique les caisses d'Alsace et de Moselle, l'idée de la neutralisation vise
à ce que, pour les quelque 4 milliards de francs d'en-cours, une ligne de
financement spécifique soit prévue à la Caisse nationale des caisses d'épargne
à titre de compensation.
Deuxièmement, pour aller plus loin - je vous livre là une information qui n'a
encore, à aucun moment, été discutée - il a semblé bon au Gouvernement de
permettre aux caisses d'Alsace et de Moselle de continuer à bénéficier de cette
neutralisation sur un flux. Ce n'est pas seulement le passé qui est neutralisé,
c'est aussi le futur, et ce au niveau qui est aujourd'hui celui des engagements
nouveaux passés chaque année, soit
grosso modo
700 millions de francs. Cela veut dire que la Caisse
nationale des caisses d'épargne disposera d'une ligne spécifique permettant de
conserver les avantages dont disposaient les caisses d'Alsace et de Moselle au
niveau d'aujourd'hui, qui est de 700 millions de francs.
Il s'agit d'un ensemble considérable : c'est non seulement la neutralisation
du passé, mais aussi, dans une certaine mesure, la poursuite de l'avantage sous
d'autres formes qui ne posent pas de problème de concurrence et de regards
externes.
Allons plus loin : pour être sûrs que cela correspond bien aux intérêts des
populations, des collectivités territoriales d'Alsace et de Moselle, ce qui
avait été annoncé initialement n'est en rien retiré et le taux de
commissionnement, en passant de 0,75 % à 1,2 %, apportera, en rémunération, une
vingtaine de millions de francs de plus par an à ces caisses.
Je me résume : le paquet qui est proposé en marge du projet de loi pour
permettre une banalisation par ailleurs nécessaire - je voudrais que vous me
fassiez confiance sur ce point - consiste à neutraliser le passé, à perpétuer
la réalité de l'avantage sous d'autres formes pour l'avenir et à couronner le
tout avec un passage du taux de commissionnement de 0,75 % à 1,2 %.
Les deux directeurs des caisses d'épargne d'Alsace et de Moselle ont estimé
que ces dispositions étaient satisfaisantes et les parlementaires au contact de
cette réalité mosellane et alsacienne pourront peut-être en débattre avec
eux.
Le dispositif proposé par le Gouvernement permet de sortir d'une situation
qui, de toute façon, poserait un problème, par le haut, c'est-à-dire en ne
défavorisant pas l'économie - c'était le risque évoqué par M. le rapporteur -
qu'il s'agisse de l'économie territoriale des communes, des entreprises ou
encore de toute sorte d'activités financières que pouvaient mener les caisses
d'Alsace et de Moselle puisque la neutralisation est acquise et que la
rémunération est augmentée.
Je ne sais pas si je saurais vous convaincre. Ce débat est complexe car il ne
faut pas que ce que nous disons entre nous puisse être retenu contre le réseau
des caisses d'épargne. Je veux donc rester réservé. Mais je pense très
sincèrement que cet ensemble est très satisfaisant pour les caisses d'Alsace et
de Moselle, je dirai même plus que satisfaisant en ce qu'il surcompense
l'avantage qui existait jusqu'à présent sous une autre forme et qu'il fait
disparaître par ailleurs les réserves juridiques.
Je souhaite donc que MM. Hesling et Ostermann acceptent, comme d'ailleurs
l'ont fait leurs collègues de l'Assemblée nationale après la même discussion,
de retirer leurs amendements afin que nous mettions en ordre et en place une
procédure qui soit totalement favorable aux populations, aux entreprises et aux
collectivités territoriales d'Alsace et de Moselle, sans présenter les
inconvénients juridiques que j'évoquais.
M. le président.
Monsieur Hesling, l'amendement n° 133 est-il maintenu ?
M. Roger Hesling.
Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 133 est retiré.
L'amendement n° 197 est-il maintenu, monsieur Ostermann ?
M. Joseph Ostermann.
Il s'agit d'un problème économique local tout à fait sensible, à propos duquel
je ne souhaite pas que le Sénat se divise. C'est pourquoi je retire mon
amendement.
M. le président.
L'amendement n° 197 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article additionnel après l'article 7
M. le président.
Par amendement n° 9, M. Marini, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Sans préjudice des dispositions spécifiques qui les régissent, les taux
d'intérêt nominaux annuels des comptes d'épargne-logement, des premiers livrets
de caisses d'épargne, des comptes spéciaux sur livrets du Crédit mutuel, des
comptes pour le développement industriel, des comptes sur livrets d'épargne
populaire, et des plans d'épargne-logement sont révisés semestriellement par
arrêté du ministre chargé de l'économie et des finances.
« Les taux d'intérêt nominaux annuels des premiers livrets de caisses
d'épargne, des comptes spéciaux sur livret du Crédit mutuel et des comptes pour
le développement industriel ne peuvent être inférieurs au taux de l'indice des
prix à la consommation majoré d'un point et ne peuvent excéder le taux
d'intérêt du marché interbancaire à un mois minoré de 0,5 point.
« Un décret détermine les conditions d'application du présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement particulièrement important, auquel
la commission tient beaucoup. Il a pour objet de modifier les conditions de
révision des taux administrés.
Vous vous souvenez, mes chers collègues, que le 5 juin dernier le Gouvernement
annonçait une diminution des taux réglementés. Parallèlement, était créé un
comité consultatif des taux réglementés, « chargé de veiller à l'équilibre
entre la juste rémunération de l'épargne populaire et un financement efficace
du logement social et des PME pour que le malaise qui existait jusqu'à présent
ne se reproduise pas à l'avenir ». C'était le texte du communiqué.
Ce dernier ne laissait aucun doute sur les évolutions à venir du livret A. Il
indiquait que son taux évoluerait désormais entre deux termes : un plancher,
fondé sur une garantie de progression du pouvoir d'achat, c'est-à-dire que le
taux du livret A resterait supérieur d'au moins 1 % à l'inflation, et un
plafond, déterminé par les taux courts de marché minorés de 0,5 %.
Je constate, mes chers collègues, que les innovations annoncées le 5 juin
dernier n'ont pas tenu leurs promesses et que l'équilibre entre la juste
rémunération de l'épargne populaire et un financement efficace du logement
social et des PME n'a pas été atteint.
L'avis du comité consultatif des taux réglementés, pourtant présenté comme
l'organisme chargé de veiller à cet équilibre, n'a pas été suivi d'effets.
Réuni le 23 mars dernier, sous la présidence de M. Babeau, ce comité a
recommandé que le taux d'intérêt des livrets d'épargne à vue soit abaissé de
0,75 point.
Vous-même, monsieur le ministre, par un communiqué en date du 30 mars, avez
décidé de ne pas suivre la recommandation ainsi formulée.
Ce refus de suivre l'avis du comité consultatif des taux réglementés contredit
manifestement l'objet de la réforme annoncée à l'été 1998.
Notre amendement vise donc à préciser les choses et à parfaire cette réforme
que vous avez vous-même annoncée à l'été 1998.
Deux dispositions nouvelles sont préconisées. La première consiste en une
révision semestrielle des taux réglementés par arrêté du ministre. La
commission a toujours souhaité que la révision des taux réglementés soit
périodique, afin d'éviter les perturbations créées par des révisions inopinées
et irrégulières.
Nous souhaitons en effet que les mouvements portant sur les taux de l'épargne
administrée soient aussi fréquents, réguliers et récurrents que nécessaire de
telle sorte que les décisions de fixation ne soient plus des événements
perturbants pour l'opinion publique.
En mars 1996, le Sénat avait ainsi voté à l'unanimité un amendement imposant
au Gouvernement l'obligation de déterminer, au moins une fois par an, les taux
de l'épargne administrée.
Vous observerez, monsieur le ministre que, quel que soit le Gouvernement,
notre langage ne change pas sur ce sujet.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Sur ce sujet !
Vous faites bien de le préciser !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Oui, monsieur le ministre, notre langage peut changer par
ailleurs dès lors que les interlocuteurs sont différents et que les thèses
qu'ils défendent sont elles-mêmes différentes. Mais, lorsqu'il s'agit d'un
sujet de fond, travaillé consciencieusement, avec constance par la commission
des finances, je puis vous assurer - et je vous invite à le vérifier - que nos
positions sont constantes et en tout cas que les propos tenus en séance, au nom
de la commission, sont convergents quels que soient les interlocuteurs.
Il nous arrive parfois, avec le recul, de regretter que nos amis ne nous aient
pas écoutés. Peut-être d'ailleurs les conseils que nous donnons valent-ils tout
aussi bien pour ceux dont la logique politique diverge de la nôtre !
Je reprends le rappel des prises de position précédentes.
En avril 1997, c'est M. Alain Lambert, alors rapporteur général de la
commission des finances, M. Paul Loridant, et votre serviteur qui avaient pris
l'initiative de déposer une proposition de loi n° 301 relative à la
détermination des taux d'intérêt de l'épargne administrée. Cette proposition de
loi imposait une révision semestrielle des taux réglementés par décision du
Comité de la réglementation bancaire et financière, le CRBF.
Aujourd'hui, la commission constate qu'il est plus que temps de réactiver ce
dispositif, afin de sortir du blocage créé par la force symbolique, et
politique, attachée à toute révision des taux, fût-elle recommandée par un
comité d'experts indépendants.
Par ailleurs, et c'est le second objet de l'amendement, la commission souhaite
l'établissement d'un mécanisme d'indexation. Nous le suggérions déjà en avril
1997 et d'ailleurs, monsieur le ministre, c'est dans ce sens qu'allait votre
annonce de juin 1998. Nous regrettons simplement que vous n'ayez pas mis en
oeuvre ces intentions !
Le taux du livret A et des livrets qui lui sont rattachés seront ainsi
encadrés, selon le dispositif annoncé en juin 1998, dont vous êtes
l'initiateur.
L'objet de cette seconde disposition est important : sans figer l'évolution du
taux, que le ministre fixera semestriellement, l'amendement prévoit une
fourchette d'évolution en fonction de l'inflation et des taux de court terme,
ce qui doit permettre - c'est notre but, croyez-le, monsieur le ministre ; nous
le disions de la même façon à votre prédécesseur - de dépassionner et de
dépolitiser la décision de fixation du taux de rémunération des livrets A et
des autres formes d'épargne administrée.
Cet amendement est au coeur du sujet que nous traitons ce soir, car le livret
A est concurrent des parts sociales. Qu'il s'agisse des GLE ou des parts
sociales directement émises par les caisses - nous le disions tous les deux il
y a quelques instants - le livret A et les parts sociales seront de toute
manière concurrents : ce seront deux produits destinés à la même clientèle.
Enfin, cet amendement s'inscrit tout à fait dans le sujet traité par le projet
de loi, en tout cas au moins autant que l'article 7, qui centralise les fonds
du livret A à la Caisse des dépôts et consignations et concerne tout aussi bien
La Poste.
Monsieur le ministre, il est important que nous approfondissions avec vous ce
débat et que vous puissiez nous donner votre position sur ce sujet, que vous
avez traité par vos annonces de juin 1998...
M. Jean-Louis Carrère.
C'est hors sujet !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Non, j'ai expliqué en quoi cela était directement dans le
sujet, mon cher collègue ! On ne peut pas traiter des caisses d'épargne sans
s'intéresser à ce point ! On ne peut pas créer un groupe de droit commun
compétitif avec le système de l'épargne administrée et le mode de détermination
de ses taux encore en vigueur dans ce pays. Il y a une contradiction entre
cette volonté et la façon très archaïque, très politique, de fixer les taux de
rémunération de l'épargne administrée, en particulier du livret A, dont
l'exclusivité appartient encore - pour un grand nombre d'années,
souhaitez-vous, mes chers collègues - au réseau des caisses d'épargne.
Il faut vraiment sortir de cette contradiction et, croyez-nous, monsieur le
ministre, les propositions que nous faisons à ce sujet sont vraiment
apolitiques.
(M. Carrère s'exclame.)
Elles visent à sortir du champ du
politique une décision qui n'est pas politique !
En effet, tous les taux d'intérêt sont définis par des mécanismes de marché, à
l'exception de ceux de l'épargne administré, qui, naturellement, conditionnent
- vous y faisiez allusion vous-même au début du débat, monsieur le ministre -
le coût de bien des choses, en particulier celui du logement social dont
dépendent un certain nombre de décisions d'autres acteurs économiques,
aujourd'hui pénalisés par une conjoncture de taux qui n'est pas en phase avec
l'échelle logique des taux d'intérêt de notre économie, qu'il s'agisse de
l'économie française ou de l'économie européenne, puisque aujourd'hui nous
n'avons plus qu'une échelle de taux d'intérêt, celle de l'Union économique et
monétaire.
Monsieur le ministre, je suis certain qu'avec notre amendement nous vous
apportons des arguments pour aller dans un sens que vous ne pouvez
qu'emprunter.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je formulerai
trois remarques.
D'abord, monsieur le rapporteur, nos tendances politique respectives divergent
et, là, nous en avons une traduction forte.
Contrairement à ce que vous dites, l'épargne populaire, celle des ménages les
plus modestes, est un sujet politique. Certes, ce n'est pas seulement un sujet
politique, il a aussi des aspects économiques, mais vouloir le traiter comme un
sujet purement économique conduit directement, selon la pente que vous suivez
depuis le début de cette discussion, à la banalisation du livre A et à la
banalisation du réseau des caisses d'épargne.
C'est un choix que l'on peut comprendre, je le répète, mais ce n'est pas celui
du Gouvernement, précisément parce qu'il y a un aspect politique dans le réseau
des caisses d'épargne, le mot « politique » étant pris au sens le plus noble du
terme, qui est la recherche de l'intérêt général, intérêt général auquel
vous-même, monsieur le rapporteur, vous êtes référé à plusieurs reprises.
Si ce que l'on appelait le bien public dans un passé qui n'est pas tellement
lointain est reflété, partiellement sans doute mais reflété néanmoins, dans ce
réseau des caisses d'épargne, au travers notamment du monopole de collecte sur
un produit qui a vocation à servir ceux qui ont l'épargne la plus modeste,
alors le sujet a bien une composante politique et nous ne pouvons pas tout
simplement mettre en place un mécanisme automatique d'indexation.
C'est pourquoi lorsqu'il a défini la réforme de juin dernier, qui visait à
encadrer l'ensemble, le Gouvernement s'est réservé la possibilité de s'informer
auprès du comité des taux réglementés sans qu'il y ait automaticité de la prise
de décision, car celle-ci doit tenir compte d'autres éléments qui, cela ne vous
a pas échappé, sont de nature plus politique.
Ensuite, le mécanisme que vous évoquez vise en fait à retirer un pouvoir à
l'exécutif.
Vous dites : cela vous facilite les choses. Certes, mais le rôle du
Gouvernement n'est pas toujours de se faciliter les choses en se lavant les
mains ; il doit prendre ses responsabilités.
J'ai compris à vous entendre que les gouvernements d'une autre couleur
politique qui m'ont précédé ont eu la même attitude que celle que je décris.
C'est que, en effet, gouverner c'est prendre ses responsabilités et ne pas se
réfugier derrière une automaticité.
Il faut que le Gouvernement garde une marge d'appréciation et c'est ce que
garantit le dispositif que j'ai défini en juin dernier et qui n'a pas été trahi
en mars, puisque le comité des taux réglementés a été consulté mais que, pour
un ensemble de raisons, le Gouvernement a préféré choisir une autre voie.
Cela me conduit à la troisième remarque que je voulais formuler.
A partir du moment où l'on veut qu'il y ait une rémunération suffisamment
supérieure à l'inflation pour un placement qui a un caractère populaire - car
telle est bien sa définition - à quoi faut-il comparer le taux de rendement ? A
l'inflation passée ou à l'inflation future ? A l'inflation future, bien sûr !
En effet, on définit un taux de rendement pour l'avenir : c'est donc bien
l'inflation à venir qui nous intéresse.
Certes, on peut essayer de se faire une idée de celle-ci en étudiant
l'inflation passée, mais les choses ne se passent pas toujours de manière
mécanique. Si vous interrogez le gouverneur de la Banque de France, qui, j'en
suis sûr, vient régulièrement rendre visite à la commission des finances du
Sénat, il vous dira que, selon lui, il existe des potentialités non
négligeables de remontées inflationnistes dans notre pays. Je suis d'ailleurs
certain qu'il vous a déjà dit cela.
C'est donc bien au regard de l'inflation future que nous devons nous
déterminer. Dès lors, l'automaticité n'est plus possible, car personne ne
connaît exactement quelle sera cette inflation. Chacun essaie de l'estimer, de
l'apprécier comme il le peut, et c'est là que nous rejoignons la nécessité,
pour le Gouvernement, d'avoir une marge d'appréciation. C'est moins sur
l'inflation passée qu'il nous faut nous fonder que sur l'appréciation que nous
portons sur l'évolution à venir de l'inflation.
Cela justifie l'existence d'un système qui permette de fixer grossièrement le
cadrage - nous l'avons défini au mois de juin dernier - sans rendre pour autant
obligatoire la fixation du taux à un certain niveau.
Pour toutes ces raisons, le système qui a été mis en place en juin me paraît
bon, et je ne propose donc pas qu'il soit modifié, quelque facilité que cela
puisse apporter au Gouvernement. J'assume la difficulté.
Lorsque nous serons assurés que les conditions de taux d'intérêt, d'une part,
et d'inflation, d'autre part, sont stabilisées, le Gouvernement dira s'il est
ou non opportun de prendre une décision.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
M. Jean-Louis Carrère.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
L'amendement n° 9 tend à fixer une procédure de détermination des taux
réglementés.
En premier lieu, une telle initiative ne nous semble pas, contrairement à ce
que M. le rapporteur a affirmé, avoir sa place dans un projet de loi portant
réforme du statut des caisses d'épargne.
En second lieu, le maintien à des niveaux attractifs des taux réglementés, en
particulier du taux du livret A, nous apparaît comme une bonne chose.
Rappelons-nous que, durant une longue période, les taux réglementés étaient
inférieurs à l'inflation.
De plus, il s'agit en général d'épargne populaire. Tout le monde sait que les
heureux possesseurs de fortunes imposantes peuvent, en recourant à des
gestionnaires de patrimoine, optimiser leurs placements grâce à des taux
souvent bien supérieurs à ceux dont peuvent bénéfier les détenteurs d'un
CODEVI, d'un PEL ou d'un livret A. Ce petit « plus » apporté à des épargnants
modestes ne me choque donc pas, bien au contraire.
Je suis d'ailleurs surpris de l'acharnement de la commission des finances
s'agissant de la fixation des taux de l'épargne populaire. Regardons plutôt
l'ensemble de la question de la rémunération et de la fiscalité de l'épargne.
La solution ne peut être envisagée que globalement, non avec la seule volonté
de réduire la rémunération de l'épargne populaire.
Enfin, la fixation des taux réglementés me semble faire partie de la politique
économique et sociale d'un gouvernement. Même si le ministre de l'économie et
des finances peut recourir à des avis, comme il vient de le confirmer, c'est
lui qui, en dernier ressort, demeure libre et il doit le demeurer de fixer ces
taux. La loi n'a pas à prévoir un « corridor » de fixation.
En conséquence, monsieur le président de la commission des finances, monsieur
le rapporteur, vous comprendrez que le groupe socialiste ne puisse vous suivre
et adopter cet amendement, bien sûr dépourvu d'arrière-pensées politiques.
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Vous êtes contre le logement
social !
M. Joël Bourdin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin.
L'amendement défendu par notre rapporteur général me gêne d'abord sur le plan
de la forme.
Il me souvient que, voilà quelques minutes, à l'article 1er, nous avons
repoussé un amendement n° 167 de Mme Beaudeau qui fixait un objectif concernant
le livret A. Or il me semble que cet amendement n° 9 présente exactement le
même péché : c'est un cavalier et il n'a pas vraiment sa place dans ce
texte.
Ensuite, sur le plan doctrinal, je suis d'accord - une fois n'est pas coutume
- avec M. le ministre. On ne peut pas traiter l'épargne populaire comme on
traite l'épargne d'une manière générale. Le taux du livret A, comme d'ailleurs
celui du livret bleu, c'est autre chose. Il faut faire très attention à la
sensibilité des épargnants populaires face aux modifications du taux du livret
A.
Enfin, sur le plan technique, ce qui me gêne aussi dans cet amendement, c'est
le système d'indexation. Du reste, personnellement, je ne suis guère favorable
aux systèmes d'indexation, ce qui, d'une certaine façon, me facilite la
tâche.
En l'occurrence, ce système d'indexation viserait à permettre de fixer des
taux de rémunération du livret A qui pourraient varier d'un mois sur
l'autre.
Or, l'observation de l'évolution des collectes du livret A révèle que nous
avons affaire à une clientèle particulièrement sensible aux variations des taux
nominaux, cette sensibilité étant d'ailleurs plus forte à la baisse qu'à la
hausse.
Même à l'époque où les taux réels étaient négatifs, les épargnants ne
bougeaient pas parce que le taux nominal ne variait pas. Aujourd'hui, alors que
les taux réels sont tout à fait intéressants, dès qu'est annoncée une baisse du
taux nominal du livret A, nous assistons à une fuite très nette des épargnants.
Bien sûr, quand il est arrivé que le taux du livret A augmente, cela a, certes,
entraîné une augmentation de la collecte, mais sûrement pas un mouvement de
foule. A l'inverse, à la moindre baisse, la décollecte est importante, comme ce
fut le cas au mois de juin dernier.
Pour ces raisons, je n'irai pas jusqu'à voter contre l'amendement défendu par
M. le rapporteur - étant membre de la commission des finances, je suis un peu
embarrassé -...
M. Jean-Louis Carrère.
Moi aussi, j'en suis membre !
M. Joël Bourdin.
... mais je m'abstiendrai.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole pour explication ce vote.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet amendement est une nouvelle illustration de la thèse selon laquelle
l'actuelle rémunération des livrets défiscalisés pèserait sur le niveau des
taux d'intérêt sur les marchés.
Nous ne partageons évidemment pas les attendus de cet amendement parce que
nous connaissons les véritables intentions qui animent ceux qui, depuis de
longues années, font cette analyse.
Il ne faut pas oublier dans ce débat que, au-delà de la question des
ressources et de leur rémunération, se pose la question des emplois
associés.
L'utilité sociale des livrets défiscalisés - singulièrement celle du livret A
mais aussi celle des comptes et livrets d'épargne logement - n'est plus à
démontrer et, de notre point de vue, en dernière instance, c'est ce dont on
doit bien se souvenir.
Je relèverai simplement que notre rapporteur est beaucoup moins attentif à
cette question de l'emploi des ressources quand il s'agit des sommes engagées
par les établissements de crédit banalisés, alors que de nombreux exemples
illustrent les montages coûteux qui peuvent être conçus sur cette ressource
relativement facile d'accès que constitue l'épargne salariale à vue.
De même, il y a une certaine forme d'indécence à demander la révision des taux
des livrets défiscalisés alors que nous venons de connaître plusieurs années
d'accroissement spectaculaire de la capitalisation boursière de la place de
Paris, accroissement qui se fait pour l'essentiel contre la croissance de
l'économie réelle.
Nous voterons donc contre cet amendement n° 9.
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Il est un peu dommage que cette discussion ait lieu à une heure si tardive,
alors qu'il s'agit d'une question qui est au centre de notre équilibre
monétaire et financier. D'ailleurs, chaque fois que l'on aborde les problèmes
relatifs à cet équilibre, on bute nécessairement sur cette question ; ce fut le
cas, le président Lambert en est témoin, lorsque nous avons élaboré le rapport
sur le système bancaire français.
Mme Beaudeau fait état des mauvaises intentions des banquiers. Mais un homme
comme le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, qui passe
pour être un homme de progrès, dont les sympathies politiques ne semblent en
tout cas pas être de notre côté, ne fait pas, sur ce point, une analyse
différente de la nôtre.
Il faudra tout de même bien en sortir un jour parce que c'est un des points de
blocage de la modernisation du système financier et bancaire français.
D'ailleurs, M. le ministre le sait bien lui-même, mais il ne veut pas aller
jusqu'au bout du raisonnement, pour des raisons politiques, qui sont d'ailleurs
tout à fait honorables, mais qui retardent largement la modernisation de notre
pays dans ce domaine.
Moi, je voterai cet amendement. Je sais bien que, même s'il est adopté au
Sénat, il ne le sera probablement pas définitivement, mais il s'agit d'une
occasion que nous ne devons pas laisser passer.
Une nouvelle fois, je regrette que ce débat n'ait pas lieu en pleine lumière
et qu'il se tienne dans l'intimité d'une séance de nuit.
M. Marcel Deneux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux.
Il est dommage, en effet, que nous discutions sur ce sujet, si important, à
minuit et demi.
Cela étant, monsieur le ministre, je me permettrai de présenter deux
objections aux propos que vous avez tenus.
Je crois d'abord que l'expression « épargne populaire » est à manier avec
beaucoup de précaution s'agissant du livret A. Il suffit d'examiner le volume
que représentent les livrets pleins. Voilà des gens qui profitent d'une épargne
défiscalisée mais qui ne ressortissent pas véritablement à ce que l'on
sous-entend généralement lorsqu'on parle d'« épargne populaire ».
Par ailleurs, je rappelle que les CODEVI conditionnent directement les prêts
aux entreprises. Lorsque vous baissez les taux servis aux détenteurs de CODEVI,
vous baissez du même coup le taux des prêts consentis. Ainsi, par le biais de
l'impôt sur les sociétés, vous récupérez des sommes non négligeables qu'il faut
aussi prendre en compte.
Quitte à m'écarter du sujet, je veux également dire mon étonnement devant les
comparaisons de taux entre les parts sociales et le livret A. Personne
n'intègre dans le raisonnement les incidences non négligeables de l'avoir
fiscal. C'est un élément qu'il faut prendre en considération et qui invalide
les raisonnements que j'ai entendus.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Ce n'est pas nous, monsieur le ministre, qui avons rédigé le
communiqué du 5 juin 1998, qui était très clair et commençait ainsi : « Des
taux réglementés trop élevés nuisent au financement de l'économie, notamment du
logement social et des PME. »
Un peu plus loin, il était indiqué : « Le Gouvernement a décidé de remédier à
cette situation économiquement malsaine tout en veillant à la mise en place
d'un dispositif protégeant efficacement l'épargne populaire. »
Quel était donc ce dispositif ?
«
a)
Le maintien de la rémunération du livret d'épargne populaire à
4,75 %, comme aujourd'hui.
«
b)
La création d'un comité consultatif des taux réglementés qui sera
chargé de veiller à l'équilibre entre la juste rémunération de l'épargne
populaire et un financement efficace du logement social et des PME pour que la
situation malsaine qui existait jusqu'à présent ne se reproduise pas à
l'avenir. »
Ecoutez bien, mes chers collègues, la phrase suivante : « C'est pourquoi le
taux du livret A évoluera entre un plancher fondé sur une garantie de
progression du pouvoir d'achat... » - le Gouvernement prenant ainsi
l'engagement que le taux du livret A resterait supérieur d'au moins 1 % à
l'inflation, quelle que soit son évolution - « .... et un plafond déterminé par
les taux courts de marché minorés de 0,5 % ».
Ainsi, en juin 1998, vous disiez, monsieur le ministre, « évoluera entre ».
Or, aujourd'hui, nous ne sommes plus à l'intérieur de cette fourchette. Ce que
vous avez communiqué au mois de juin n'est plus la vérité, et de loin.
Pourtant, vous concluiez en ces termes : « Le Gouvernement démontre sa volonté
d'agir concrètement, efficacement, à la fois pour la justice sociale,
l'investissement, la croissance et l'emploi », propos qu'il faut toujours faire
figurer en conclusion d'un communiqué de presse !
Ce n'est pas nous qui avons inventé ce dispositif, au reste de bon sens et
bienvenu. Mais, peu de mois après, nous sommes sortis de cette fourchette que
vous aviez définie vous-même, en prévoyant une évolution entre un terme haut et
un terme bas. Monsieur le ministre, mettez donc en oeuvre les orientations que
vous avez vous-même annoncées !
Nous n'avons d'autre souci que de vous y aider en rédigeant un texte de loi
qui soit un peu plus directif que le vôtre et qui vous prémunisse contre des
discussions à n'en plus finir alors que vous avez tant d'autres choses plus
importantes à faire !
(Sourires.)
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
rapporteur, depuis de longues minutes déjà, vous louez ce communiqué. Puisque
vous le trouvez si bien, restons-en là et gardons-le. Pourquoi absolument
changer ?
Mais ce que j'ai dit alors, comme d'ailleurs ce que j'ai dit au mois de mars
dans un autre communiqué, que vous ne citez pas, c'est qu'il faut attendre la
stabilisation des conditions de marché. Nous n'allons pas changer le taux de
rémunération du livret A toutes les cinq minutes ! Rien ne nous dit - je
parlais de l'inflation future tout à l'heure - que les taux de marché seront ce
qu'ils sont dans quinze jours, dans trois semaines, dans deux mois.
M. Bourdin l'a rappelé avec beaucoup de sagesse tout à l'heure, et il connaît
ces questions mieux que moi, en matière d'épargne populaire, il faut agir avec
modération.
Vous m'opposez le « évaluera ». Or le Gouvernement ne s'est pas fixé de délai
et, ne s'étant pas fixé de délai, il n'a en rien pu trahir sa parole.
Le dispositif comprend une borne supérieure et une borne inférieure. Lorsque
ces bornes bougeront, le taux sera amené à bouger. Alors, attendons de savoir
si ces bornes se stabilisent comme il est dit, en matière d'inflation vers le
bas, en matière de taux de marché vers le haut. S'il le juge opportun, le
Gouvernement prendra alors une décision. Mais à aucun moment, dans le
communiqué que vous citez et dont vous faites votre bible momentanée, monsieur
le rapporteur, il n'est dit que, dans l'heure, le Gouvernement fera telle ou
telle chose. Ce serait très déraisonnable, alors même que le taux d'inflation
comme d'ailleurs les taux de marché sont susceptibles de fluctuer extrêmement
rapidement.
C'est toute la différence entre une action correctement conduite et la
précipitation que vous voulez instaurer par une indexation. D'ailleurs, dans
tous les pays où des indexations, de toute nature, ont été mises en place, il
n'en est résulté que des malheurs. Je pense, vous vous en souvenez comme moi,
au SMIC brésilien, qui fut indexé sur l'inflation sur les conseils
d'économistes de l'école de Chicago, école que vous devez chérir par ailleurs,
monsieur le rapporteur !
Prenons le temps de réfléchir à chaque fois qu'une information nous est
apportée.
Au mois de mars, le comité des taux réglementés nous a proposé une baisse. Le
Gouvernement a considéré que les conditions conjoncturelles n'étaient pas
suffisamment stablisées pour qu'il soit sûr qu'elles revêtaient un caractère
pérenne. Nous verrons ce qu'il en est un peu plus tard et, si la situation
actuelle s'avère définitive, peut-être faudra-t-il alors agir pour le logement
social. Mais peut-être la situation ne se stabilisera-t-elle pas au niveau
actuel, et alors il ne faudra pas agir. Tout cela sera réaffirmé en temps
utile.
Il n'y a aucune raison de se précipiter. Honnêtement, l'article additionnel
que vous nous proposez n'apporterait pas de simplification, mais susciterait
peut-être une agitation dans les taux du livret A à mesure que les taux
d'inflation et les taux de marché se trouveraient eux-mêmes agités.
Le Sénat doit une bonne part de sa réputation - justifiée - à la sérénité avec
laquelle il sait envisager les questions et les trancher. Je suis donc d'autant
plus surpris de la nervosité avec laquelle vous souhaitez que nous réagissions
sur le taux de rémunération du livret A. Sachez que nous agirons, en ce qui
concerne le livret A, au pas que cette assemblée a su définir et qu'on qualifie
volontiers de « train de sénateur ».
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
92:
Nombre de votants | 319317 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 220 |
Contre | 97 |
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.
Chapitre III
Les groupements locaux d'épargne
M. le président.
Par amendement n° 10, M. Marini, au nom de la commission, propose de supprimer
cette division et son intitulé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cet amendement tire la conséquence de la suppression des
GLE.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 10.
M. Jean-Louis Carrère.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Monsieur le président, peut-être pourrions-nous nous expliquer un peu plus
longuement sur cet amendement-là et, partant, renvoyer cette discussion à
demain matin ?
M. le président.
Mon cher collègue, j'avais l'intention de terminer l'examen du chapitre III ce
soir pour laisser à mon successeur au fauteuil de la présidence le soin de
reprendre demain matin la suite la discussion à l'article 8.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, la division et son intitulé sont supprimés.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'adhésion de
la République française à la convention internationale contre la prise
d'otages.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 339, distribué et renvoyé à la
commisison des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
7
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant création d'une
couverture maladie universelle.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 338, distribué et renvoyé à la
commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle
d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
8
TEXTE SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de directive du Conseil concernant l'accord-cadre sur le travail à
durée déterminée conclu par l'Union des confédérations de l'industrie et des
employeurs d'Europe (UNICE), le Centre européen des entreprises à participation
publique (CEEP) et la Confédération européenne des syndicats (CES).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1247 et distribué.
9
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu un rapport déposé par M. Alain Lambert, président de l'Office
parlementaire d'évaluation des politiques publiques, sur l'évaluation du
dispositif public de promotion des investissements étrangers en France, établi
par M. Serge Vinçon, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des
politiques publiques.
Le rapport sera imprimé sous le n° 333 et distribué.
J'ai reçu de M. Michel Souplet un rapport fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan sur le projet de loi d'orientation agricole
adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture (n°
311, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 334 et distribué.
J'ai reçu de M. Patrice Gélard un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée avec modifications
par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative au pacte civil de
solidarité (n° 310, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 335 et distribué.
J'ai reçu de M. Pierre Fauchon un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée
nationale, renforçant l'efficacité de la procédure pénale (n° 306,
1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 336 et distribué.
J'ai reçu de M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi
autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan sur l'encouragement
et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (n°
215, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 337 et distribué.
10
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, jeudi 6 mai 1999 :
A neuf heures quarante-cinq :
1. Suite de la discussion du projet de loi (n° 273, 1998-1999), adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne et à la
sécurité financière.
Rapport (n° 300, 1998-1999) de M. Philippe Marini, fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
A quinze heures :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.
Délai limite pour le dépôt des amendements
Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, relative au pacte civil de solidarité (n° 310, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 10 mai 1999, à dix-sept
heures.
Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, renforçant l'efficacité de
la procédure pénale (n° 306, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 10 mai 1999, à dix-sept
heures.
Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de
cinquante ans (n° 253, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 10 mai 1999, à dix-sept
heures.
Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, modifiant l'ordonnance n°
82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances (n° 275,
1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 10 mai 1999, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 6 mai 1999, à zéro heure quarante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance du mercredi 5 mai 1999
SCRUTIN (n° 91)
sur l'amendement n° 167, présenté par Mme Marie-Claude Beaudeau et les membres
du groupe communiste républicain et citoyen tendant à compléter l'article 1er
du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif à l'épargne et à la sécurité financière (maintien de la spécificité du
livret A).
Nombre de votants : | 313 |
Nombre de suffrages exprimés : | 313 |
Pour : | 99 |
Contre : | 214 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
4. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer et
Yvon Collin.
Contre :
18.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Contre :
98.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Pour :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Contre :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Contre :
46.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean-Claude Gaudin, qui présidait
la séance.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
1. _ M. Gérard Delfau.
N'ont pas pris part au vote :
6.
Ont voté pour
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
N'ont pas pris part au vote
MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Hubert Durand-Chastel, Alfred Foy,
Bernard Seillier et Alex Türk.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jean-Claude Gaudin, qui
présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 314 |
Nombre de suffrages exprimés : | 314 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 158 |
Pour l'adoption : | 99 |
Contre : | 215 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 92)
sur l'amendement n° 9, présenté par M. Philippe Marini au nom de la commission
des finances, tendant à insérer un article additionnel après l'article 7 du
projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif à l'épargne et à la sécurité financière (fixation des taux
administrés).
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 316 |
Pour : | 219 |
Contre : | 97 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
15.
Abstention :
1. _ M. Paul Loridant.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
18.
Contre :
4. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer et
Yvon Collin.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
98.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
45.
Abstention :
1. _ M. Joël Bourdin.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean-Claude Gaudin, qui présidait
la séance.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
6.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Gérard Delfau.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-PhilippeLachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle
Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
MM. Joël Bourdin et Paul Loridant.
N'a pas pris part au vote
M. Gérard Delfau.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jean-Claude Gaudin, qui
présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 317 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 159 |
Pour l'adoption : | 220 |
Contre : | 97 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.