Séance du 29 avril 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Dépôt du rapport d'une commission d'enquête
(p.
1
).
3.
Renforcement et simplification de la coopération intercommunale.
- Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
2
).
M. le président.
Suspension et reprise de la séance
(p.
3
)
Article additionnel avant l'article 52 (p.
4
)
Amendement n° 381 de M. Bret. - MM. Thierry Foucaud, Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. - Rejet.
Article 52 (p. 5 )
MM. Jean-Pierre Fourcade, Thierry Foucaud.
Amendement n° 189 de M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. - MM. le
rapporteur pour avis, le ministre, Philippe Marini. - Adoption.
Amendement n° 166 de M. Fréville. - MM. Yves Fréville, le rapporteur pour avis,
le ministre. - Retrait.
Amendement n° 163 de M. Fréville. - MM. Yves Fréville, le rapporteur pour avis,
le ministre. - Retrait.
Amendements identiques n°s 190 de M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, et
382 de M. Bret ; amendements n°s 164 et 165 de M. Fréville. - MM. le rapporteur
pour avis, Thierry Foucaud, le ministre. - Retrait des amendements n°s 164 et
165 ; adoption des amendements n°s 190 et 382.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 52 (p. 6 )
Amendement n° 173 de M. Fréville. - Retrait.
Article 53. - Adoption (p.
7
)
Article 54 (p.
8
)
Amendement n° 191 de M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. - Adoption.
Amendement n° 530 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur pour avis.
- Adoption.
Amendements n°s 192 et 193 de M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. - MM. le
rapporteur pour avis, le ministre. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 55. - Adoption (p.
9
)
Article 56 (p.
10
)
Amendements n°s 401 de M. Bourdin, 194 à 196 de M. Michel Mercier, rapporteur
pour avis ; 465, 462 rectifié de M. Fréville, 531 du Gouvernement et 262
rectifié à 264 de M. François. - MM. Joël Bourdin, le rapporteur pour avis,
Yves Fréville, le ministre, Philippe François. - Retrait des amendements n°s
401 et 465 ; adoption des amendements n°s 194 à 196, 466 rectifié, 531 et 262
rectifié à 264.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 56 (p. 11 )
Amendement n° 299 rectifié bis de M. Fréville. - MM. Yves Fréville, le rapporteur pour avis, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 56 bis (p. 12 )
Amendement n° 575 du Gouvernement. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 57 (p. 13 )
M. Jean-Pierre Fourcade, Mme Marie-Claude Beaudeau.
Amendements n°s 265 rectifié
bis
à 268 rectifié
bis
de M. Braye,
197 et 198 de M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. - MM. Dominique Braye,
le rapporteur pour avis, Jacques Larché, président de la commission des lois,
le ministre Jean-Claude Peyronnet, Paul Girod, Daniel Hoeffel, rapporteur de la
commission des lois ; Yves Fréville, Jean-Patrick Courtois, Jean-Pierre
Fourcade, Mme Marie-Claude Beaudeau.
Suspension et reprise de la séance (p. 14 )
MM. Dominique Braye, le rapporteur pour avis, le ministre. - Retrait des
amendements n°s 265 rectifié
bis
et 268 rectifié
bis
; adoption
des amendements n°s 197, 266 rectifié
bis
et 198, l'amendement n° 267
rectifié
bis
devenant sans objet.
Adoption de l'article 57 modifié.
Suspension et reprise de la séance (p. 15 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
4.
Questions d'actualité au Gouvernement sur la situation au Kosovo
(p.
16
).
M. le président.
MM. Henri Weber, Serge Vinçon, Yvon Collin, Ivan Renar, Jean Arthuis, Michel
Pelchat, Philippe Adnot.
M. Lionel Jospin, Premier ministre.
Suspension et reprise de la séance (p. 17 )
5.
Rappel au règlement
(p.
18
).
M. Henri de Raincourt, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice.
6.
Cour pénale internationale.
- Adoption d'un projet de loi constitutionnelle (p.
19
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice.
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
MM. Robert Badinter, rapporteur de la commission des lois ; Jacques Larché,
président de la commission des lois ; Georges Othily, Patrice Gélard, Michel
Duffour, Guy Allouche, Jean-Jacques Hyest, André Dulait.
Mme le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.
Article unique (p. 20 )
M. Emmanuel Hamel.
Adoption, par scrutin public, de l'article unique du projet de loi
constitutionnelle.
7.
Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers.
- Adoption d'un projet de loi (p.
21
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; M. Christian de La Malène, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
8.
Conventions relatives à la protection des intérêts financiers des communautés
européennes.
- Adoption de cinq projets de loi (p.
22
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; M. Christian de La Malène, rapporteur de la commission des affaires
étrangères ; Mme Danielle Bidart-Reydet.
Clôture de la discussion générale.
Adoption des articles uniques des cinq projets de loi.
9.
Modification de l'ordre du jour
(p.
23
).
10.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
24
).
11.
Dépôt d'un rapport
(p.
25
).
12.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
26
).
13.
Ordre du jour
(p.
27
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉPÔT DU RAPPORT
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
M. le président.
M. le président a reçu de MM. Francis Grignon, Jean-Claude Carle et André
Vallet un rapport fait au nom de la commission d'enquête sur la situation et la
gestion des personnels des écoles et des établissements d'enseignement du
second degré ainsi que de ceux des services centraux et extérieurs des
ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture, pour l'enseignement
agricole, créée en vertu d'une résolution adoptée par le Sénat le 5 novembre
1998.
Ce dépôt a été publié au
Journal officiel
- édition des Lois et décrets
d'aujourd'hui, jeudi 29 avril 1999. Cette publication constitue, conformément
au paragraphe III du chapitre V de l'instruction générale du bureau, le point
de départ du délai de six jours nets pendant lequel la demande de constitution
du Sénat en comité secret peut être formulée.
Ce rapport sera imprimé sous le n° 328 et distribué, sauf si le Sénat,
constitué en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la
publication de tout ou partie du rapport.
3
RENFORCEMENT ET SIMPLIFICATION
DE LA COOPÉRATION INTERCOMMUNALE
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 220,
1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif au renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale. [Rapport n° 281 et avis n° 283 (1998-1999).]
La commission des lois m'a fait savoir qu'elle avait besoin d'une dizaine de
minutes pour examiner les amendements, je vais donc suspendre la séance pour
lui permettre d'achever ses travaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures trente-cinq, est reprise à neuf heures
quarante-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
Dans la suite de la discussion des articles, nous en sommes parvenus à
l'amendement n° 381 tendant à insérer un article additionnel avant l'article
52.
Article additionnel avant l'article 52
M. le président.
Par amendement n° 381, MM. Bret, Foucaud et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 52, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 1636 B
sexies
du code général des impôts est ainsi
rédigé :
«
Art. 1636 B
sexies. - Sous réserve des dispositions des articles 1636
B
septies
et 1636 B
decies
, les conseils régionaux autres que
celui de la région d'Ile-de-France, les conseils généraux, les conseils
municipaux et les instances délibérantes des organismes de coopération
intercommunale dotés d'une fiscalité propre votent chaque année les taux des
taxes foncières, de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle. »
« II. - Dans le I de l'article 1636 B
septies
du même code, les mots :
"deux fois et demie" sont remplacés par les mots : "deux fois".
« III. - Dans le IV du même article, les mots : "deux fois" sont remplacés par
les mots : "deux fois et demie".
« IV. - Les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts
sont relevés à due concurrence. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 52 du
projet de loi reprend l'une des propositions les plus anciennes de notre groupe
en matière de fiscalité locale, à savoir celle de la libre fixation des taux
d'imposition pour les assemblées délibérantes des collectivités locales.
Cette disposition est contenue dans une proposition de loi déjà ancienne que
notre groupe a déposée et dont le rapporteur pour avis avait, en son temps, été
nommé rapporteur par la commission des finances.
Elle vise, dans les faits, à donner un sens, en matière de décision fiscale,
au principe de libre administration des collectivités territoriales.
Il nous apparaît nécessaire que, dans le cadre suffisamment précis offert par
l'article 1636 B
septies
du code général des impôts, toute liberté
puisse être laissée aux collectivités locales et à leurs structures de
coopération intercommunales pour déterminer les taux d'imposition appliqués aux
quatre taxes locales.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
L'amendement que vient de soutenir
M. Foucaud tend à organiser une déliaison totale des taux des impôts locaux
entre eux, à restreindre les possibilités d'augmenter les taxes qui pèsent sur
les ménages et à élargir les possibilités d'augmentation de la taxe
professionnelle.
Il n'est pas besoin d'explication supplémentaire pour justifier l'avis
défavorable de la commission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur Foucaud, le dispositif que vous
proposez ferait courir un risque non négligeable. En effet, si l'écart des taux
entre communes s'accroît, les entreprises opéreront des délocalisatisations
vers les communes où les taux de taxe professionnelle sont les plus stables.
Les ménages devront alors faire face à la hausse de la pression fiscale.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 381, repoussé par la commission des finances
et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 52
M. le président.
« Art. 52. _ L'article 1636 B
decies
du code général des impôts est
ainsi rédigé :
«
Art. 1636 B
decies
. _ I. _ Les communes membres d'une
communauté ou d'un syndicat d'agglomération nouvelle mentionnés à l'article
1609
nonies
B ou d'un établissement public de coopération intercommunale
soumis aux dispositions de l'article 1609
nonies
C votent les taux des
taxes foncières et de la taxe d'habitation, conformément aux dispositions
applicables aux communes.
« II. _ La communauté ou le syndicat d'agglomération nouvelle visés à
l'article 1609
nonies
B ou les établissements publics de coopération
intercommunale visés soit au I de l'article 1609
nonies
C, soit au II de
l'article 1609
quinquies
C votent le taux de la taxe professionnelle
dans les limites définies au b du 1, ainsi qu'aux 2 et 3 du I de l'article 1636
B
sexies
et à l'article 1636 B
septies
.
« Toutefois, l'obligation de diminuer le taux de taxe professionnelle dans une
proportion au moins égale, soit à la diminution du taux de la taxe d'habitation
ou à celle du taux moyen pondéré de la taxe d'habitation et des taxes
foncières, soit à la plus importante de ces diminutions lorsque ces deux taux
sont en baisse, prévue au b du 1 du I de l'article 1636 B
sexies,
ne
s'applique pas.
« Pour l'application du b du I, ainsi que des 2 et 3 du I de l'article 1636 B
sexies :
« 1° Le taux de la taxe d'habitation est égal au taux moyen de cette taxe
constaté dans l'ensemble des communes membres de l'établissement public de
coopération intercommunale ;
« 2° Le taux moyen pondéré de la taxe d'habitation et des taxes foncières est
égal à la somme des taux moyens constatés pour chacune de ces taxes dans
l'ensemble des communes membres de l'établissement public de coopération
intercommunale pondérés par l'importance relative des bases de ces trois taxes
pour l'année visée au 3° ; toutefois, pour l'application du 3 du I de l'article
1636 B
sexies,
pour le calcul des taux moyens pondérés constatés pour
chacune de ces taxes, il n'est pas tenu compte des taux inférieurs aux trois
quarts du taux moyen pondéré des communes membres du groupement constaté pour
chaque taxe l'année précédente ;
« 3° La variation des taux définis aux 1° et 2° est celle constatée l'année
précédant celle au titre de laquelle l'établissement public de coopération
intercommunale vote son taux de taxe professionnelle ou celui applicable dans
la zone d'activités économiques.
« III. _ Pour l'application du 3 du I de l'article 1636 B
sexies,
le
taux de taxe professionnelle à prendre en compte correspond au taux moyen
national constaté pour cette taxe l'année précédente pour les communes et leurs
établissements publics de coopération intercommunale.
« IV. _ Les établissements publics de coopération intercommunale visés au I de
l'article 1609
nonies
C votent le taux de taxe professionnelle dans les
limites définies au b du 1, ainsi qu'aux 2 et 3 du I de l'article 1636 B
sexies
et à l'article 1636 B
septies
.
« Pour l'application du b du 1 ainsi que des 2 et 3 du I de l'article 1636 B
sexies
précité :
« 1° Le taux de la taxe d'habitation est égal au taux moyen pondéré de cette
taxe constaté dans l'ensemble des communes membres ; pour le calcul de ce taux,
il est tenu compte du produit perçu par l'établissement public de coopération
intercommunale ;
« 2° Le taux moyen pondéré de la taxe d'habitation et des taxes foncières est
égal à la somme des taux moyens constatés pour chacune de ces taxes dans
l'ensemble des communes membres pondérés par l'importance relative des bases de
ces trois taxes pour l'année ; pour le calcul de ce taux, il est tenu compte
des produits perçus par l'établissement public de coopération intercommunale.
»
Sur l'article, la parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le ministre, mes collègues du groupe du RDSE, notamment M. Pelletier,
m'ont chargé de vous interroger sur vos intentions concernant la déliaison des
quatre taux des impôts locaux.
C'est un sujet dont on parle beaucoup dans les assemblées de maires.
En effet, le mécanisme rigide qui prévaut pour la détermination des taux des
quatre taxes constitue évidemment une atteinte à l'autonomie des collectivités
locales. Lorsque les collectivités de base se lanceront dans la création de
groupements, l'addition des mécanismes de taux rigides au niveau du groupement
et des mécanismes de taux rigides au niveau de chaque collectivité posera un
certain nombre de problèmes.
Le Gouvernement envisage-t-il à terme, une fois que l'expérience aura commencé
à se concrétiser sur le terrain, de modifier le régime de l'article 1636 B
sexies
du code général des impôts de manière à donner un peu plus de
souplesse soit au niveau des communes de base, soit au niveau du groupement ?
Il s'agit non pas de faire porter l'ensemble de l'effort sur la taxe
professionnelle, mais d'instituer un système de tunnel fixant un minimum et un
maximum.
Les assemblées locales disposeraient ainsi d'un peu plus d'autonomie pour
mieux maîtriser leur politique fiscale et l'accorder à ce qui se passe
effectivement sur le terrain.
Je vous remercie par avance de votre réponse, monsieur le ministre.
M. le président.
Sur l'article, la parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Je me devais, moi aussi, d'intervenir au nom de mon groupe sur cet article 52
portant sur une question qui nous est posée depuis de longues années et dont
nous venons de rappeler les termes dans notre amendement n° 381 : celle de
l'encadrement de la liberté de fixation des taux des impôts directs locaux par
les assemblées délibérantes des collectivités territoriales.
Cette question semble, avec cet article du projet de loi, devoir trouver une
nouvelle réponse.
Le débat que nous venons d'avoir sur l'amendement n° 381 illustre la position
de fond que nous avons depuis longtemps et que la commission des finances
partage quant au constat : le principe de libre administration des
collectivités territoriales, principe fondamental et préliminaire du code
général des collectivités territoriales, souffre en effet des dispositions par
trop restrictives des articles 1636 B
sexies
et 1633 B
septies
du
code général des impôts.
La déliaison des taux pose en fait deux séries de questions.
Première série de questions : cette déliaison tend à rendre aux collectivités
locales, et plus précisément à leurs groupements, une faculté de fixation des
taux de la taxe professionnelle qui est leur ressource essentielle. On ne peut
d'ailleurs que regretter que cette faculté ne soit pas généralisée.
En effet, si les établissements publics de coopération intercommunale sont les
seuls à bénéficier de cette possibilité nouvelle de fixation des taux, cela
constitue une incitation complémentaire au développement des structures
intercommunales.
On peut comprendre le processus à partir du caractère exclusif des ressources
des nouveaux EPCI, mais cela nous amènera à nous interroger sur la portée de la
fiscalité mixte, et cela caractérise encore plus profondément la nature de ce
projet de loi : il s'agit de proposer le second volet de la réforme de la taxe
professionnelle engagée dans le cadre de la loi de finances.
La seconde série de questions soulevées par l'article 52 est assez
pertinemment relevée par la commission des finances.
Il s'agit d'un problème que nous connaissons : qui doit participer au
financement de l'intercommunalité et, de façon plus générale, au financement
des collectivités territoriales ?
Sensible à certains arguments, notamment à ceux des responsables des chambres
consulaires, qui mènent campagne depuis le début de la discussion de ce projet
de loi contre la déliaison à la hausse, la commission des finances du Sénat
nous propose, pour sa part, de limiter celle-ci.
Pour autant, rien ne nous semble justifier aujourd'hui une telle
orientation.
C'est ainsi que l'intéressante publication que sont les « notes bleues » du
ministère de l'économie et des finances nous indique que les taux de la taxe
d'habitation et des taxes foncières ont crû de façon plus importante que les
taux de la taxe professionnelle. Par exemple, le taux de la taxe sur le foncier
bâti a augmenté de cinq points supplémentaires en cinq ans.
Quand on examine ensuite le problème de la contribution réelle des
contribuables, on observe que, si le mouvement général de hausse des produits
est de 6 %, il est de 8,6 % pour le foncier bâti et de 4,8 % seulement pour la
taxe professionnelle.
La réalité est claire : il n'y a pas objectivement de croissance spectaculaire
de la taxe professionnelle, d'autant que la part de la taxe acquittée en
définitive par l'Etat est en progression constante - le plafonnement valeur
ajoutée est passé de 18,6 milliards de francs en 1993 à 37 milliards de francs
en 1997. Il y a donc lieu de s'interroger plutôt sur un processus de mise à
contribution effective des entreprises au financement des collectivités
territoriales, mais j'y reviendrai plus tard.
Nous ne voterons donc pas les amendements proposés par la commission des
finances à l'article 52, tout en constatant que cet article ne fait qu'apporter
des réponses partielles et donc imparfaites au problème de la liberté fiscale
des collectivités territoriales.
M. le président.
Par amendement n° 189, M. Michel Mercier, au nom de la commission des
finances, propose de compléter le deuxième alinéa du II du texte présenté par
l'article 52 pour l'article 1636 B
decies
du code général des impôts par
une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l'établissement public de coopération
intercommunale fait application de cette disposition au titre d'une année, la
variation à la hausse du taux de taxe d'habitation ou du taux moyen pondéré de
la taxe d'habitation et des taxes foncières à prendre en compte pour la
détermination du taux de taxe professionnelle conformément au deuxième alinéa
du
b
du 1 du I de l'article 1636 B
sexies
est réduite de moitié
pendant les trois années suivantes. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Cet amendement est relatif aux règles à établir en
matière de liaison des taux des quatre impôts locaux.
La liaison stricte a toujours été perçue comme infantilisante par les élus
locaux. En effet, elle leur enlève toute responsabilité dans le système.
Elle repose sur l'idée saugrenue que les élus locaux seraient hostiles à
l'entreprise et qu'ils seraient prêts à taxer celle-ci pour décharger les
ménages. On se demande bien, aujourd'hui, quels élus pourraient avoir une telle
position !
En outre, avec le mécanisme de taxe professionnelle unique, la règle de
liaison des taux confine parfois à l'absurde, puisque le taux de taxe
professionnelle n'est pas voté par la même structure que les taux des trois
autres taxes directes locales.
Pour garantir les ressources du groupement, il faut donc que la taxe
professionnelle ne baisse pas, même si les communes membres décident de baisser
les taux des trois autres taxes des ménages, pour des raisons qui sont propres
aux communes.
Il faut donc organiser ce que l'on appelle techniquement et de façon un peu
triviale la « déliaison à la baisse ». Cette déliaison est nécessaire, mais il
ne faudrait pas que, par les effets pervers de bribes de liaison demeurant dans
notre système fiscal, les communes puissent, grâce à la déliaison à la baisse,
faire du « yoyo fiscal » en baissant fortement, une année, les taux de leurs
taxes locales directes, sans pour autant baisser la taxe professionnelle.
L'année suivante, elles pourraient remonter les taux de leurs taxes sur les
ménages un peu moins fortement que la baisse de l'année précédente, ce qui
entraînerait automatiquement une hausse de la taxe professionnelle sans
augmentation des prélèvements sur les ménages.
L'amendement n° 189 vise à éliminer cette possibilité ; il rétablit
pleinement, en matière de vote des taux, la responsabilité des élus locaux.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
M. Mercier proposant de rétablir le texte
initial du Gouvernement, je ne peux qu'être favorable à son amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 189.
M. Philippe Marini.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Je me réjouis de l'avis favorable donné par le Gouvernement ; cela montre, sur
un sujet extrêmement précis et expérimental concernant la conduite des
collectivités territoriales, l'utilité des travaux menés au sein de la Haute
Assemblée, notamment par la commission des finances. Ici, monsieur le ministre,
vous n'avez pas de sacrifice à faire à certains éléments de votre majorité
plurielle, ce qui vous permet d'approcher les choses de manière plus
raisonnable, plus équilibrée, comme nous le préconisons !
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. le rapporteur pour avis a très justement fait valoir que la déliaison
à la baisse permettant d'alléger la charge des ménages et des propriétaires
individuels peut se traduire l'année suivante, si l'on n'utilise pas le
mécanisme amortisseur qu'il préconise, par une revalorisation proportionnelle
de tous les taux avec, par conséquent, une pression fiscale sensiblement
alourdie sur les entreprises, entraînant des effets pervers pour le tissu
économique et pour l'emploi.
Je pense que, tout en respectant pleinement la liberté de gestion des
collectivités territoriales, l'amendement qu'il propose permettrait d'éliminer
les effets pervers qui pourraient apparaître, peut-être, en certains
endroits.
Cet amendement me semble donc aller tout à fait dans le bon sens ; je souhaite
qu'il soit très largement voté.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 189, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 166, M. Fréville et les membres du groupe de l'Union
centriste proposent, dans l'avant-dernier alinéa (2°) du II du texte présenté
par l'article 52 pour l'article 1636 B
decies
du code général des
impôts, après les mots : « année visée au 3° », de supprimer la fin de la
phrase.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Il s'agit d'un dispositif qui a été inventé à l'Assemblée nationale pour
permettre à un certain nombre de communautés d'agglomération ou d'EPCI de
profiter de la majoration de 5 % exceptionnelle du taux de la taxe
professionnelle. Pour que ce mécanisme puisse jouer, l'Assemblée nationale a
souhaité que, dans le calcul des taux moyens pondérés, il ne soit pas tenu
compte des taux inférieurs aux trois quarts du taux moyen pondéré des communes
membres. En remontant le taux moyen de cette façon, on permettrait à certains
groupements de bénéficier de cette majoration exceptionnelle.
Si l'application de cette disposition était limitée à la première année,
celle-ci serait peut-être acceptable. Mais j'ai un doute quant au caractère
glissant du mécanisme.
En effet, si l'on élimine, la pemière année, un certain nombre de communes du
calcul du taux moyen pondéré du groupement - car c'est très précisément à cette
motion qu'il est fait référence dans le texte tel qu'il nous vient de
l'Assemblée nationale - on va faire remonter ce taux moyen et on va donc
pouvoir majorer à nouveau le taux de la taxe professionnelle.
Le taux moyen du groupement ayant augmenté, l'année suivante, de nouvelles
communes pourront être éliminées, et ainsi de suite, ce qui permettra de
bénéficier à plusieurs reprises de cette possibilité de majoration
exceptionnelle.
Je ne maintiendrai cet amendement que si l'on m'assure que ce mécanisme
glissant n'existe pas et que le taux moyen du groupement est toujours calculé
sans élimination des communes qui ont des taux inférieurs aux trois quarts du
taux moyen pondéré.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Il faut d'abord préciser qu'il n'y a pas
suppression de la liaison des taux à la hausse. Nous venons de la supprimer à
la baisse mais, à la hausse, il y a simplement la possibilité d'une majoration
exceptionnelle encadrée. Le Gouvernement avait entrouvert cette faculté, qui a
été très légèrement élargie par l'Assemblée nationale.
Quoi qu'il en soit, le calcul est refait chaque année : il n'y a pas de
mécanisme glissant. C'est en tout cas ainsi que nous lisons le texte. Si le
Gouvernement confirme que notre lecture est la bonne, nous serons pleinement
satisfaits par le retrait de l'amendement de M. Fréville.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je dirai à M. Fréville que, s'il était bon
d'introduire un très modeste assouplissement pour des communes qui sont
socialement très « chargées » et qui ne peuvent absolument pas agir sur le taux
de la taxe professionnelle en raison du taux déjà très élevé des impôts sur les
ménages, comme le disait M. Michel Mercier, il ne faut pas « infantiliser » les
responsables et les élus locaux : il convient de leur donner quelques marges de
souplesse et de leur faire confiance.
M. le président.
Monsieur Fréville, l'amendement n° 166 est-il maintenu ?
M. Yves Fréville.
Je vais le retirer, monsieur le président, sans être pour autant convaincu.
Il est indiqué dans le texte qu'il n'est pas tenu compte des taux inférieurs
aux trois quarts du taux moyen pondéré des communes membres du groupement
constaté pour chaque taxe l'année précédente. Si, chaque année, certaines
communes sont éliminées, le taux moyen s'élèvera et les communes pourront
bénéficier à plusieurs reprises de cette majoration qui sera non plus
exceptionnelle mais renouvellée d'année en année.
Je crois que l'interprétation du rapporteur pour avis de la commission des
finances est juste ; cependant, elle ne me paraît pas correspondre à la lettre
du texte qui nous vient de l'Assemblée nationale.
Cette remarque étant faite, je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° 166 est retiré.
Par amendement n° 163, M. Fréville et les membres du groupe de l'Union
centriste proposent, dans le dernier aliéna (3°) du II du texte présenté par
l'article 52 pour l'article 1636 B
decies
du code général des impôts, de
supprimer les mots : « précédant celle ».
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Cet amendement vise à résoudre un problème que j'ai observé dans mon
département, lequel compte tout de même douze communautés de communes
appliquant la taxe professionnelle unique.
Ce problème, c'est celui du décalage d'une année existant entre le vote des
taux d'imposition sur les ménages par les communes et celui de la taxe
professionnelle par l'EPCI. Ce décalage est très gênant parce que, si l'on
veut, par exemple, augmenter le taux de la taxe professionnelle - je ne dis pas
que c'est souhaitable ! - il faut que les communes aient prédéterminé un an
auparavant l'augmentation des taux des impôts-ménages.
En outre, le contexte économique peut varier considérablement d'une année sur
l'autre.
En tout état de cause, l'intégration des résultats du recensement dans les
calculs de la DGF modifiera certainement les données.
Dès lors qu'il existe une certaine coordination entre les différents élus des
communes et l'EPCI, il me paraîtrait beaucoup plus simple de supprimer ce délai
d'un an et de faire en sorte que l'EPCI vote le taux de la taxe professionnelle
quinze jours après le vote des taux des impôts-ménages. C'est d'ailleurs la
raison pour laquelle cet amendement est complété par un autre amendement qui
vise à accorder un délai de quinze jours supplémentaires à l'EPCI pour voter
son taux de taxe professionnelle.
On éviterait ainsi de façon très simple le décalage d'un an et toutes les
difficultés qui sont apparues au cours des années récentes du fait de ce
décalage. Cette proposition me paraît de bons sens.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
La question que soulève notre collègue M. Fréville
est une vraie question.
D'abord, cet amendement montre bien que le groupement est dans une situation
de relative dépendance à l'égard des communes membres pour voter son budget.
Cet aspect peut être satisfaisant d'un certain point de vue : il marque la
permanence de la commune. Toutefois, dès lors que l'on veut ériger la taxe
professionnelle en impôt unique de l'intercommunalité, il devient gênant, voire
très gênant.
Sur le fond, ensuite, je crois que M. Fréville a tout à fait raison, et je
serais prêt à donner un avis favorable sur son amendement. Je crois cependant
qu'il nous faut envisager les aspects pratiques. C'est pourquoi, avant de
formuler un avis définitif, je souhaiterais entendre le Gouvernement pour
savoir si, grâce aux techniques modernes, notamment l'informatique, il ne
serait pas possible de faire en sorte que soit communiqué au groupement le vote
émis par les communes membres du groupement quinze jours auparavant.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je réponds à M. Mercier en même temps qu'à M.
Fréville : ce serait très compliqué et très contraignant puisque les communes,
d'une part, et l'EPCI, d'autre part, devraient avoir nécessairement des
calendriers différents pour le vote de leurs budgets et de leurs taux
respectifs. En particulier, une date limite devrait être imposée aux communes,
un délai précis étant ensuite imparti à l'EPCI pour voter son budget.
Le mieux est l'ennemi du bien. Cet exercice compliquerait inutilement la
procédure budgétaire en nécessitant un phasage de celle-ci, qui rendrait
finalement très difficile le contrôle de la légalité des taux. Ce délai d'un
an, qui n'est tout de même pas excessif, permet d'y voir clair tout en évitant
d'enfermer les élus locaux dans des contraintes de calendrier dont ils
souhaitent très souvent s'échapper.
Le Gouvernement est, par conséquent, défavorable à l'amendement n° 163.
M. le président.
Quel est, maintenant, l'avis de la commission des finances ?
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Sur ce sujet très technique, le Gouvernement nous
avoue qu'il n'est pas en mesure de faire fonctionner plus rapidement
l'administration, et je le regrette vivement.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministère de l'intérieur.
C'est plutôt aux élus que nous ne voulons pas
demander de travailler plus rapidement.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Non, les élus ont fait leur travail ! Ils attendent
que l'administration leur transmette les décisions que, à un autre niveau, ils
ont déjà prises : les communes ont voté leur budget, elles l'ont transmis et,
en tant que membres du groupement, elles attendent qu'on le leur
retransmette.
Si le Gouvernement nous dit que c'est impossible, je ne peux qu'inviter notre
collègue Yves Fréville à retirer son amendement. Nous constatons que la «
démarche qualité », le souci de la performance ou la réforme de l'Etat restent
d'actualité !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Les communes ont jusqu'au 30 mars pour voter
leur budget. Si elles le votent le vendredi 28 au soir, comment réglez-vous
cette difficulté ? Pour ma part, je n'ai pas la solution ! Je vous l'ai dit :
le mieux est l'ennemi du bien. Il faut quand même laisser une certaine
souplesse !
Je crois à la réforme de l'Etat...
M. Philippe Marini.
Elle avance !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur...
mais elle ne nous oblige pas à prendre des
dispositions inapplicables.
M. le président.
Monsieur Fréville, l'amendement est-il maintenu ?
M. Yves Fréville.
Naturellement, je ne vais pas essayer de faire voter un tel amendement qui ne
serait pas accepté par le Gouvernement, maître de l'administration. Mais il me
paraît à la fois souhaitable et possible, monsieur le ministre, de faire
étudier ce vrai problème par vos services et de trouver les moyens de le
résoudre.
Si l'on décidait tout simplement que, dans le cas des ECPI à taxe
professionnelle unique, il faut avancer de quinze jours le vote du budget pour
les communes, ou le retarder de quinze jours pour les EPCI, on parviendrait
nécessairement à une solution, j'en suis convaincu.
Bien entendu, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 163 est retiré.
Je suis maintenant saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 190 est présenté par M. Michel Mercier, au nom de la
commission des finances.
L'amendement n° 382 est déposé par MM. Bret, Foucaud et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer le IV du texte proposé par l'article 52 pour
l'article 1636 B
decies
du code général des impôts.
Par amendement n° 164, M. Fréville et les membres du groupe de l'Union
centriste proposent, dans l'avant-dernier alinéa (1°) du IV du texte présenté
par cet article pour l'article 1636 B
decies
du code général des impôts,
de remplacer les mots : « produit perçu » par les mots : « taux voté la même
année ».
Par amendement n° 165, M. Fréville et les membres du groupe de l'Union
centriste proposent, dans le dernier alinéa (2°) du IV du texte présenté par
l'article 52 pour l'article 1636 B
decies
du code général des impôts, de
remplacer les mots : « produits perçus » par les mots : « taux votés la même
année ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
190.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Nos avons organisé la déliaison des taux.
Cependant, il ne faut pas que, lorsqu'un groupement a décidé de recourir à la
fiscalité mixte, il puisse, du fait de cette décision, augmenter hors de
proportion le taux de l'impôt. Il ne faut pas que le recours à la fiscalité
mixte ait des effets inflationnistes par le biais de la taxe
professionnelle.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud, pour défendre l'amendement n° 382.
M. Thierry Foucaud.
Le paragraphe IV du présent article est la conséquence logique, en termes
d'encadrement des évolutions opérées sur les taux d'imposition, de la faculté
de mettre en place une fiscalité mixte pour les impôts normalement dus par les
ménages.
Nous ne sommes pas partisans de tels dispositifs, dont la conséquence
nécessaire sera l'accroissement de la pression fiscale pesant sur les
redevables de la taxe d'habitation et des taxes foncières. Des études récentes,
dont la presse s'est fait largement l'écho, ont prouvé que cette pression
fiscale avait augmenté de manière plus importante que celle qui frappe les
entreprises au travers de la taxe professionnelle.
Suivant en cela la logique de nos positions, nous vous proposons de supprimer
cet élément de l'article 52, d'autant que nous avons, à travers un amendement
portant article additionnel avant l'article 52, marqué notre inclination pour
un autre mode d'encadrement et de fixation des taux d'imposition.
M. le président.
La parole est à M. Fréville pour présenter les amendements n°s 164 et 165.
M. Yves Fréville.
Je les retire, monsieur le président.
M. le président.
Les amendements n°s 164 et 165 sont retirés.
Quel est l'avis de la commission des finances sur l'amendement n° 382 ?
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Comme vient de le rappeler M. Foucaud, cet
amendement participe à la mise en oeuvre d'un principe auquel les membres de
son groupe sont attachés, à savoir le refus de la fiscalité mixte.
Dans la mesure où, avec le Gouvernement et l'Assemblée nationale, la
commission des finances accepte le principe de la fiscalité mixte, elle ne peut
approuver la démarche qui a conduit au dépôt de cet amendement.
Au demeurant, dans la forme, l'amendement n° 190 de la commission doit donner
satisfaction à M. Foucaud, tout en reposant sur d'autres bases.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 190 et 382
?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 190 et 382, acceptés par le
Gouvernement.
(Ces amendements sont adoptés.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 52, modifié.
(L'article 52 est adopté.)
Article additionnel après l'article 52
M. le président.
Par amendement n° 173, M. Fréville et les membres du groupe de l'Union
centriste proposent d'insérer, après l'article 52, un article additionnel ainsi
rédigé :
« L'article 1639 A du code général des impôts est complété,
in fine,
par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dates limites visées ci-dessus sont reportées de quinze jours pour les
établissements publics de coopération intercommunale votant leurs taux suivant
les dispositions de l'article 1636 B
decies
. »
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 173 est retiré.
Article 53
M. le président.
« Art. 53. _ L'article 1639 A
ter
du code général des impôts est ainsi
modifié :
« 1° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements publics de coopération intercommunale faisant application
du régime prévu au II de l'article 1609
quinquies
C qui optent pour le
régime prévu à l'article 1609
nonies
C ou deviennent soumis à ce régime
doivent, dans le cas où des délibérations différentes étaient appliquées hors
de la zone d'activités économiques et dans la zone d'activités économiques,
antérieurement à la décision les plaçant sous le régime de l'article 1609
nonies
C, prendre une délibération précisant les délibérations
applicables sur l'ensemble de leur territoire. Cette délibération doit retenir
le régime appliqué soit dans la zone d'activités économiques, soit hors de la
zone d'activités économiques. Elle doit être prise lors de la décision de
l'établissement public de coopération intercommunale le plaçant sous le régime
de l'article 1609
nonies
C ; à défaut, les délibérations en vigueur hors
de la zone d'activités sont applicables. » ;
« 2° Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale, faisant
application du régime prévu au II de l'article 1609
quinquies
C, opte
pour le régime prévu à l'article 1609
nonies
C ou devient soumis à ce
régime :
« _ les exonérations applicables antérieurement à la modification du régime
hors de la zone d'activités économiques en exécution des délibérations des
conseils des communes membres ou de l'établissement public de coopération
intercommunale sont applicables dans les conditions prévues au premier alinéa
;
« _ les exonérations applicables antérieurement à la modification du régime
dans la zone d'activités économiques sont maintenues pour la quotité et la
durée initialement prévues. Les dispositions du premier alinéa sont maintenues
lorsqu'elles étaient appliquées antérieurement à la modification du régime
fiscal de l'établissement public de coopération intercommunale. » -
(Adopté.)
Article 54
M. le président.
« Art. 54. _ I. _ Le II
bis
de l'article 1411 du code général des
impôts est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : ", les communautés urbaines et les
districts, les organes délibérants de ces collectivités et groupements" sont
remplacés par les mots : "et les établissements publics de coopération
intercommunale à fiscalité propre, les organes délibérants de ces collectivités
et établissements publics" ;
« 2° Au deuxième alinéa, les mots : ", de la communauté urbaine ou du
district" sont remplacés par les mots : "ou de l'établissement public de
coopération intercommunale à fiscalité propre".
« II. _ Le deuxième alinéa du II de l'article 1518 du code général des impôts
est ainsi modifié :
« 1° Dans la première phrase, les mots : "de leurs groupements (communautés
urbaines ou districts)" sont remplacés par les mots : "des établissements
publics de coopération intercommunale à fiscalité propre" ;
« 2° A la deuxième phrase, les mots : "des communautés urbaines et des
districts" sont remplacés par les mots : "des établissements publics de
coopération intercommunale à fiscalité propre".
« III. _ Au deuxième alinéa de l'article 1609
quater
du code général
des impôts, les mots : "des syndicats de communes ou des districts" sont
remplacés par les mots : "ou des établissements publics de coopération
intercommunale".
« IV. _ Au premier alinéa de l'article 1609
nonies
D du code général
des impôts, les mots : "communautés de villes" sont remplacés par les mots :
"communautés d'agglomération".
« V. _ A l'article 1636 B
sexies
du code général des impôts, les mots :
"groupement" et "groupement de communes" sont remplacés par les mots :
"établissement public de coopération intercommunale" et les mots :
"groupements" et "groupements de communes" sont remplacés par les mots :
"établissements publics de coopération intercommunale."
« VI. _ L'article 1636 B
nonies
du code général des impôts est ainsi
modifié :
« 1° Le début de cet article est ainsi rédigé : "Dans les communautés urbaines
et, jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois après le renouvellement général
des conseils municipaux, à compter de la date de publication de la loi n° du
relative au renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale, dans les districts à fiscalité propre...
(le reste sans
changement)
." ;
« 2° A la fin de la première phrase, les mots : "le groupement" sont remplacés
par les mots : "l'établissement public de coopération intercommunale".
« VII. _ L'article 1638
quater
du code général des impôts est ainsi
modifié :
« 1° Dans le premier alinéa du I, après les mots : "En cas de rattachement",
sont insérés les mots : "volontaire ou suite à une transformation dans les
conditions prévues à l'article L. 5211-41-1 du code général des collectivités
territoriales" ;
« 2° Le mot : "groupement" est remplacé par les mots : "établissement public
de coopération intercommunale" et le mot : "groupements" est remplacé par les
mots : "établissements publics de coopération intercommunale" ;
« 3° Le dernier alinéa du
a
du I est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Le conseil de l'établissement public de coopération intercommunale peut, par
une délibération adoptée à la majorité des deux tiers de ses membres, modifier
la durée de la période de réduction des écarts de taux résultant des
dispositions visées ci-dessus, sans que cette durée puisse excéder douze ans. »
;
« 4° Après le III, sont insérés deux paragraphes ainsi rédigés :
« IV. _ En cas de rattachement volontaire ou suite à une transformation dans
les conditions prévues à l'article L. 5211-41-1 du code général des
collectivités territoriales d'une commune à un établissement public de
coopération intercommunale à fiscalité additionnelle, l'assemblée délibérante
vote les taux de taxe d'habitation, de foncier bâti, de foncier non bâti et de
taxe professionnelle dans les conditions prévues à l'article 1636 B
sexies
.
« V. _ Dans le délai de trois ans à compter de la publication de la loi n°
du relative au renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale, ou lors du renouvellement selon la procédure prévue aux
articles L. 5215-40-1 et L. 5216-10 du code général des collectivités
territoriales, les dispositions du I, du II et du III du présent article sont
également applicables aux communes faisant l'objet d'un rattachement à une
communauté urbaine ou à une communauté d'agglomération dont le périmètre est
étendu en application des articles précités. »
« VIII. _ Au deuxième alinéa du I et au III de l'article 1639 A
ter
du
code général des impôts, les mots : "d'une communauté de villes" et "de la
communauté de villes" sont remplacés par les mots : "d'un établissement public
de coopération intercommunale soumis aux dispositions fiscales prévues à
l'article 1609
nonies
C".
« IX. _ A l'article 1648 A du code général des impôts, le mot : "groupement"
et les mots : "groupement de communes" sont remplacés par les mots :
"établissement public de coopération intercommunale" ; le mot : "groupements"
et les mots : "groupements de communes" sont remplacés par les mots :
"établissements publics de coopération intercommunale". »
Par amendement n° 191, M. Michel Mercier, au nom de la commission des
finances, propose de rédiger ainsi le III de cet article :
« III. - Au deuxième alinéa de l'article 1609
quater
du code général
des impôts, les mots : "de syndicats de communes ou de districts" sont
remplacés par les mots : "et d'établissements publics de coopération
intercommunale". »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Il s'agit d'un amendement de nature purement
rédactionnelle.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 191, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 530, le Gouvernement propose, dans le 1° du VI de l'article
54, de remplacer les mots : « d'un délai de six mois » par les mots : « du
délai d'un an ».
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
L'Assemblée nationale a porté à un an après le
renouvellement des conseils municipaux le délai de transformation des
districts. Il est donc nécessaire d'harmoniser les dispositions fiscales.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 530, accepté par la commission des
finances.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements présentés par M. Michel Mercier,
au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 192 tend à supprimer le deuxième alinéa (1°) du VII de
l'article 54.
L'amendement n° 193 vise, dans le deuxième alinéa du 4° du VII de l'article
54, à supprimer les mots : « volontaire ou suite à une transformation dans les
conditions prévues à l'article L. 5211-41-1 du code général des collectivités
territoriales ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
L'amendement n° 192 a pour objet de tirer les
conséquences de la décision prise par la Haute Assemblée de supprimer, à
l'invitation de la commission des lois, les possibilités d'extensions
dérogatoires du périmètre des groupements.
Cette explication vaut également pour l'amendement n° 193.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 192 et 193 ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Logique avec la position que j'ai déjà exprimée,
je m'en remets à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 192, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 193, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 54, modifié.
(L'article 54 est adopté.)
Article 55
M. le président.
« Art. 55. _ I. _ Dans la sous-section 1 "Dispositions générales" de la
section 6 "Dispositions financières" du chapitre 1er du titre II du livre II du
code général des collectivités territoriales, l'article L. 5211-27 est
renuméroté L. 5211-21 et est ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa, la référence : "L. 5211-30" est remplacée par la
référence : "L. 5211-24" et les mots : ", sauf si l'une des communes s'y
oppose" sont supprimés ;
« 2° Les deuxième et quatrième alinéas sont supprimés.
« II. _ Aux articles L. 3333-1 et L. 5722-6 du code général des collectivités
territoriales, la référence à l'article L. 5211-27 est remplacée par la
référence à l'article L. 5211-21.
« III. _ Au
c
de l'article 1609
nonies
D du code général des
impôts, la référence : "L. 5211-27" est remplacée par la référence : "L.
5211-21." ». -
Adopté.)
Section 2
Fonds départementaux de péréquation
de la taxe professionnelle
Article 56
M. le président.
« Art. 56. _ L'article 1648 A du code général des impôts est ainsi modifié
:
« 1° Le I
ter
est ainsi rédigé :
« I
ter.
_ 1. Lorsque, dans un établissement public de coopération
intercommunale ayant opté pour le régime fiscal prévu au II de l'article 1609
quinquies
C, les bases d'imposition d'un établissement implanté dans la
zone d'activités économiques, rapportées au nombre d'habitants de la commune
sur le territoire de laquelle est situé l'établissement, excèdent deux fois la
moyenne nationale des bases communales de taxe professionnelle par habitant, il
est perçu directement un prélèvement de taxe professionnelle du groupement au
profit du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle.
« Ce prélèvement est égal au montant des bases excédentaires de
l'établissement pondérées par le taux de taxe professionnelle perçue par le
groupement sur la zone d'activités économiques.
« 2.
a)
Lorsque, dans un établissement public de coopération
intercommunale soumis de plein droit ou après option au régime fiscal prévu à
l'article 1609
nonies
C, les bases d'imposition d'un établissement
rapportées au nombre d'habitants de la commune sur le territoire de laquelle
est situé cet établissement excèdent deux fois la moyenne nationale des bases
communales de taxe professionnelle par habitant, il est perçu directement un
prélèvement de taxe professionnelle du groupement au profit du fonds
départemental de péréquation de la taxe professionnelle. Pour les
établissements créés avant le 1er janvier 1976, à l'exception de ceux
produisant de l'énergie ou traitant des combustibles, l'assiette du prélèvement
est limitée de manière que le groupement conserve, sur le territoire de la
commune sur lequel est implanté l'établissement, au moins 80 % du montant
divisé par 0,960 des bases de taxe professionnelle qui étaient imposables en
1979 au profit de cette commune. Pour les établissements publics de coopération
intercommunale résultant de la transformation d'un groupement de communes
mentionné au troisième alinéa du I, l'assiette du prélèvement, au profit du
fonds, sur les bases du groupement qui se substitue à une commune qui
bénéficiait des dispositions du troisième alinéa du I, est diminuée, à compter
de la date de la transformation, du montant de la réduction de bases qui était
accordée à cette commune l'année précédant la perception de la taxe
professionnelle en application du régime fiscal prévu à l'article 1609
nonies
C par l'établissement public de coopération intercommunale issu
de la transformation.
« Ce prélèvement est égal au montant des bases excédentaires de
l'établissement pondérées par le taux de taxe professionnelle perçue par le
groupement.
«
b)
A compter de la date de publication de la loi n° du relative
au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, les
établissements publics de coopération intercommunale, soumis de plein droit ou
après option au régime fiscal prévu au 1° du I de l'article 1609
nonies
C ne font plus l'objet d'un prélèvement direct de taxe professionnelle au
profit du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle dans
les conditions prévues au présent article.
« Toutefois, verront leurs ressources fiscales diminuées chaque année d'un
prélèvement égal au produit de l'écrêtement intervenu l'année précédant
l'application de l'alinéa précédent :
« _ les établissements publics de coopération intercommunale soumis au régime
du 1° du I de l'article 1609
nonies
C et qui faisaient l'objet l'année
précédente d'un écrêtement au profit du fonds départemental de péréquation de
la taxe professionnelle au titre du 1, du
a
ou du I
quater ;
« _ les établissements publics de coopération intercommunale soumis au régime
du 1° du I de l'article 1609
nonies
C et sur le territoire desquels une
ou plusieurs communes membres faisaient l'objet l'année de sa constitution ou
de son option pour le régime précité d'un écrêtement au profit du fonds
départemental de péréquation de la taxe professionnelle au titre du I.
« Les prélèvements prévus au
b
sont versés aux fonds départementaux de
péréquation de la taxe professionnelle. Les montants de ces prélèvements
peuvent être augmentés dans la limite de l'accroissement d'une année sur
l'autre des taux et des bases de l'établissement qui faisaient l'objet d'un
écrêtement avant la transformation de l'établissement public de coopération
intercommunale en communauté urbaine ou en communauté d'agglomération, sous
réserve de délibérations concordantes entre l'établissement public de
coopération intercommunale concerné et le conseil général du département
d'implantation de l'établissement ou, le cas échéant, entre l'établissement
public de coopération intercommunale concerné et la commission
interdépartementale visée au II.
« En cas de cessation d'activité de l'établissement ayant donné lieu à
écrêtement ou lorsque le montant du produit de taxe professionnelle
correspondant à l'établissement devient inférieur au montant du prélèvement,
tel qu'il a été fixé pour la première année d'application, le prélèvement est
supprimé.
« Lorsque le montant du produit de taxe professionnelle correspondant à
l'établissement diminue par rapport à celui de l'année d'adoption du régime du
1° du I de l'article 1609
nonies
C mais qu'il reste supérieur au montant
du prélèvement, tel qu'il a été fixé pour la première année d'application, le
montant du prélèvement est réduit dans la même proportion.
« Pour l'application des deux alinéas précédents, le montant du produit de
taxe professionnelle correspondant à l'établissement est égal pour l'année
considérée au produit des bases de taxe professionnelle de l'établissement par
le taux voté l'année précédente par l'établissement public de coopération
intercommunale. » ;
« 2° Le I
quater
est ainsi rédigé :
« I
quater
. _ Pour les communautés de communes, lorsque les bases
d'imposition d'un établissement rapportées au nombre d'habitants de la commune
sur le territoire de laquelle est situé l'établissement excèdent deux fois la
moyenne nationale des bases de taxe professionnelle par habitant, il est perçu
directement un prélèvement au profit du fonds départemental de péréquation de
la taxe professionnelle égal au produit du montant des bases excédentaires par
le taux de taxe professionnelle de la communauté de communes.
« Pour les districts créés après la date de promulgation de la loi n° 92-125
du 6 février 1992 d'orientation relative à l'administration territoriale de la
République, lorsque les bases d'imposition d'un établissement rapportées au
nombre d'habitants de la commune sur le territoire de laquelle est situé
l'établissement excèdent deux fois la moyenne nationale des bases de taxe
professionnelle par habitant, il est perçu directement un prélèvement au profit
du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle égal au
produit du montant des bases excédentaires par le taux de taxe professionnelle
du district. Ces dispositions s'appliquent jusqu'à l'expiration d'un délai de
six mois après le renouvellement général des conseils municipaux suivant la
date de publication de la loi n° du précitée.
« Pour les districts créés avant la date de promulgation de la loi n° 92-125
du 6 février 1992 précitée et jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois après
le renouvellement général des conseils municipaux suivant la date de
publication de la loi n° du précitée, le prélèvement mentionné au deuxième
alinéa est égal au produit du montant des bases excédentaires par la
différence, lorsqu'elle est positive, entre le taux voté par le district
l'année considérée et le taux voté en 1998.
« Pour les communautés de communes issues de districts créés avant la date de
promulgation de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 précitée et à compter de
l'expiration d'un délai de six mois après le renouvellement général des
conseils municipaux suivant la date de publication de la loi n° du
précitée, le troisième alinéa reste applicable. » ;
« 3° Le deuxième alinéa du 2° du IV
bis
est ainsi rédigé :
« A compter du 1er janvier 1999, le prélèvement au profit de l'établissement
public de coopération intercommunale dont les bases ont été écrêtées ou qui a
subi un prélèvement au titre du troisième alinéa du
b
du 2 du I
ter
est fixé à 30 % au moins et 60 % au plus du montant de l'écrêtement. » ;
« 4° Le I
quinquies
est ainsi rédigé :
« I
quinquies
. _ La moyenne des bases de taxe professionnelle par
habitant à retenir pour l'application en Corse des I, 1 et 2 (
a
) du I
ter
et I
quater
est multipliée par 0,75. » ;
« 5°
Dans le troisième alinéa du II, après les mots : "écrêtement des
bases communales", sont insérés les mots : "ou le prélèvement prévu au
b
du 2 du I
ter
" et, après les mots : "du montant de l'écrêtement", sont
insérés les mots : "ou du prélèvement prévu au quatrième alinéa du
b
du
2 du I
ter
" ;
« 6° Le IV
bis
est ainsi modifié :
«
a)
Dans le premier alinéa du 1°, après les mots : "alimentée par",
sont insérés les mots : "le prélèvement prévu au
b
du 2 du I
ter
ou", après les mots : "dont les bases ont été écrêtées", sont insérés les
mots : "ou qui a subi un prélèvement au titre du troisième alinéa du
b
du 2 du I
ter
" et, après les mots : "du montant de l'écrêtement", sont
insérés les mots : "ou du prélèvement" ;
«
b)
Dans la première phrase du premier alinéa du 2°, après les mots :
"du fonds alimenté", sont insérés les mots : "par le prélèvement prévu au
b
du 2 du I
ter
ou" et, après les mots : "ont été écrêtées", sont
insérés les mots : "ou qui a subi un prélèvement au titre du troisième alinéa
du
b
du 2 du I
ter
" ;
«
c)
Au début du troisième alinéa du 2°, après les mots : "le cas où
l'écrêtement", sont insérés les mots : "ou le prélèvement prévu au
b
du
2 du I
ter
" et cet alinéa est complété par les mots : "ou le prélèvement
prévu au troisième alinéa du b du 2 du I
ter
". »
Sur cet article, je suis saisi de dix amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Par amendement n° 401, M. Bourdin et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants proposent de supprimer cet article.
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Michel Mercier, au nom de
la commission des finances.
L'amendement n° 194, vise à insérer, après le premier alinéa de l'article 56,
un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« 1° A. - Après le troisième alinéa du I de l'article 1648 A du code général
des impôts, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« La réduction appliquée aux bases des communes bénéficiant des dispositions
de l'alinéa précédent est maintenue en cas de transformation, à compter de la
date de publication de la loi n° du relative au renforcement et à la
simplification de la coopération intercommunale, du groupement auquel elles
appartiennent en établissement public de coopération intercommunale à fiscalité
additionnelle. Son montant est réduit de 10 % par an à compter de la date de la
transformation. »
L'amendement n° 195 a pour objet, dans la dernière phrase du cinquième alinéa
2
a
de l'article 56, après les mots : « au troisième alinéa du I »,
d'insérer les mots : « , postérieure à la date de publication de la loi n° du
relative au renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale ».
Par l'amendement n° 465, M. Fréville propose de rédiger ainsi la fin de la
seconde phrase du septième alinéa du 2 du texte présenté par le 1° de l'article
56 pour le I
ter
de l'article 1648 A du code général des impôts : « ...
département d'implantation de l'établissement sur proposition, le cas échéant,
de la commission interdépartementale visée au II ».
Par amendement n° 196, M. Michel Mercier, au nom de la commission des
finances, propose, à la fin de la seconde phrase du onzième alinéa de l'article
56, de remplacer les mots : « la commission interdépartementale visée au II »
par les mots : « les conseils généraux des départements concernés. »
Par l'amendement n° 466, M. Fréville propose de rédiger comme suit
l'antépénultième alinéa du 2 du texte présenté par le 1° de l'article 56 pour
le I
ter
de l'article 1648 A du code général des impôts :
« En cas de cessation d'activité de l'établissement ayant donné lieu à
écrêtement, le prélèvement est supprimé. Lorsque le montant du produit de la
taxe professionnelle correspondant à l'établissement devient inférieur au
montant du prélèvement tel qu'il a été fixé pour la première année
d'application, le prélèvement est réduit d'un montant assurant à
l'établissement un produit de taxe professionnelle après prélèvement égal à
celui dont il bénéficiait la première année d'application. »
Par amendement n° 531, le Gouvernement propose, dans la seconde phrase du
troisième alinéa et dans les quatrième et cinquième alinéas du 2° de l'article
56, de remplacer les mots : « d'un délai de six mois » par les mots : « du
délai d'un an ».
Par amendement n° 262 rectifié, MM. François, Courtois, Braye, Cornu, Dufaut,
Eckenspieller, Esneu, Fournier, Lassourd, Oudin, Vasselle, Doublet et les
membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, dans le second
alinéa du 3° de l'article 56, de remplacer le millésime : « 1999 » par le
millésime : « 2000 ».
Les deux derniers amendements sont présentés par M. François.
L'amendement n° 263 tend à compléter le second alinéa du 3° de l'article 56
par les mots : « , pour les groupements créés après le 31 décembre 1992 ».
L'amendement n° 264 a pour objet d'insérer, après le deuxième alinéa
a)
du 6° de l'article 56, cinq alinéas ainsi rédigés :
« ...) Après le premier alinéa du 1°, sont insérés quatre alinéas ainsi
rédigés :
« A compter de l'entrée en vigueur de la loi n° du relative au
renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, le
conseil général ou, le cas échéant, la commission interdépartementale visée au
II prélève, par priorité, au profit des groupements issus d'un établissement
public de coopération intercommunale faisant application des dispositions du II
de l'article 1609
quinquies
C, un montant égal à celui prélevé l'année
précédant l'application du régime fiscal prévu au I de l'article 1609
nonies
C.
« Ce montant peut être augmenté dans la limite de l'accroissement d'une année
sur l'autre du produit de l'établissement qui faisait l'objet d'un écrêtement
avant l'application du régime fiscal prévu au I de l'article 1609
nonies
C, sous réserve de délibérations concordantes entre l'établissement public de
coopération intercommunale concerné et le conseil général du département
d'implantation de l'établissement ou, le cas échéant, entre l'établissement
public de coopération intercommunale concerné et la commission
interdépartementale.
« En cas de cessation d'activité de l'établissement ayant donné lieu à
écrêtement ou si les bases d'imposition de cet établissement n'excédent plus le
seuil fixé au I de l'article 1648 A, le prélèvement au profit de
l'établissement public de coopération intercommunale est supprimé.
« Lorsque le montant du produit de taxe professionnelle correspondant à
l'établissement diminue par rapport à celui de l'année d'adoption du régime
fiscal du I de l'article 1609
nonies
C, le montant du prélèvement au
profit de l'établissement public de coopération intercommunale est réduit dans
la même proportion. »
La parole est à M. Bourdin, pour présenter l'amendement n° 401.
M. Joël Bourdin.
L'article 56 est important. Le fonctionnement des fonds départementaux de
péréquation de la taxe professionnelle est de plus en plus complexe, parfois
ambigu, qu'il s'agisse de leurs ressources ou des affectations auxquelles ils
doivent procéder. La vocation de ces fonds, qui est d'organiser la péréquation,
est sans cesse contrariée.
Ainsi, des groupements n'avaient pour objet que d'éviter l'écrêtement. De
même, des scissions d'entreprises ont été opérées afin d'éviter des
prélèvements. Il est donc nécessaire de s'interroger sur ce point, et c'est
d'ailleurs l'engagement qu'a pris le Gouvernement en prévoyant dans la loi de
finances pour 1999 le dépôt d'un rapport sur ce sujet.
Comme l'article 56 crée des complications supplémentaires, le groupe des
Républicains et Indépendants s'est demandé s'il n'était pas possible d'attendre
la publication de ce rapport pour « nettoyer », en quelque sorte, le système de
la péréquation. C'est pourquoi nous proposons la suppression de l'article
56.
Je profite d'ailleurs de l'occasion qui m'est donnée pour dire, devant M. le
président du Comité des finances locales, qui s'est réuni en février dernier,
que cette question doit nous amener également à réfléchir sur la complexité du
fonctionnement des fonds nationaux de péréquation : c'est Beaubourg, mais en
moins beau !
(Sourires.)
M. Philippe Marini.
C'est une question de goût !
M. Joël Bourdin.
Il est donc nécessaire de s'attaquer à ces problèmes.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter les amendements n°s
194 et 195.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Par l'amendement n° 194, la commission des finances
propose de parfaire un système qui a été ébauché par l'Assemblée nationale et
qui reprend d'ailleurs une disposition figurant dans le texte que M. Perben
avait envisagé de présenter au Parlement.
Cet amendement a donc pour objet de faciliter la transformation de syndicats
de communes en groupements à fiscalité propre. En effet, de nombreux syndicats
ne peuvent pas se transformer car, si l'un de leurs membres bénéficie, pour le
calcul de son écrêtement au profit du fonds départemental de péréquation de la
taxe professionnelle d'une réduction de base d'un montant équivalent à celui de
sa contribution au syndicat, il perdrait cet avantage en cas de
transformation.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement pour résoudre le problème en cas
de transformation du groupement en communauté de communes à taxe
professionnelle unique ; par l'amendement n° 194, nous proposons de résoudre le
problème en cas de transformation du groupement en communauté de communes à
fiscalité additionnelle.
Quant à l'amendement n° 195, il tend à apporter une précision. Il modifie
l'amendement adopté par l'Assemblée nationale relatif à la transformation de
syndicat en groupement à taxe professionnelle unique. Il précise que cette
disposition ne s'applique qu'aux transformations postérieures à l'entrée en
vigueur du présent projet de loi.
M. le président.
La parole est à M. Fréville, pour défendre l'amendement n° 465.
M. Yves Fréville.
L'article 56 est très important. En effet, il prévoit essentiellement la
suppression des fonds départementaux dans les communautés d'agglomération et
dans les communautés urbaines qui adoptent la taxe professionnelle unique.
Ce débat est récurrent ; il était déjà apparu en 1992, en 1993 puis en 1996.
En 1993, si mes souvenirs sont exacts, un rapport du Gouvernement avait fait le
point sur le sujet.
L'importance du sujet se traduit dans les chiffres : les fonds départementaux
représentent environ 3 milliards de francs, les dix principaux étant évalués, à
eux seuls, à près de 1 milliard de francs.
Actuellement, un seul fonds est directement concerné par le projet de loi,
celui du département d'Ille-et-Vilaine puisqu'il est le seul à être situé dans
un district ayant opté pour la taxe professionnelle unique.
En fait, deux logiques se sont opposées au cours de ces très longues
discussions qui se sont étalées sur quatre ans.
La première était une logique de péréquation : dans le cas d'un établissement
dit « exceptionnel » ayant, par exemple, 10 000 salariés répartis dans un
bassin d'emplois recouvrant 400 communes - dans mon département, il s'étend sur
la Loire-Atlantique, les Côtes-d'Armor et le Morbihan - il est tout à fait
logique d'opérer une péréquation de la taxe professionnelle exceptionnelle
entre toutes les communes.
En sens inverse, la seconde logique consistait à dire que, dans la mesure où
existe maintenant la taxe professionnelle unique, il est normal que
l'écrêtement soit non plus calculé sur la base de la population de la commune
d'implantation, mais en fonction de la population de l'agglomération tout
entière.
Telles étaient les deux logiques en présence et il était bien naturel
d'hésiter entre les deux.
Au fur et à mesure de l'apparition de ce problème et lors de la discussion à
l'Assemblée nationale, on a compris qu'il n'était pas possible d'accepter une
logique plutôt qu'une autre et qu'il fallait au fond trouver une sorte de
compromis. L'Assemblée nationale en a trouvé un pour les fonds départementaux à
taxe professionnelle unique. Il consiste à dire que les districts ou les
communautés d'agglomération à taxe professionnelle unique continueront à verser
aux fonds départementaux ce qu'ils versaient avant la promulgation de la loi
dont nous débattons aujourd'hui.
Quant au partage des ressources supplémentaires, des discussions pourraient se
nouer entre la commission interdépartementale ou le conseil général qui gère le
fonds départemental, d'une part, et l'organisme intercommunal, d'autre part.
Laisser les acteurs négocier, lorsque cela est possible, est une solution tout
à fait conforme à l'esprit de la décentralisation.
Il est donc souhaitable de maintenir en l'état la proposition de l'Assemblée
nationale concernant les fonds situés dans les communautés d'agglomération et
les communautés urbaines à taxe professionnelle unique.
Reste un point de détail qui est l'objet de mon amendement. Dans la mesure où
une négociation va s'engager, sous quelle forme celle-ci doit-elle avoir lieu,
lorsque plusieurs départements sont concernés ?
La solution proposée par l'Assemblée nationale et tendant à instaurer une
discussion entre la commission interdépartementale, au sein de laquelle siègent
sept représentants de chaque conseil général, et l'organisme délibérant du
district me satisfaisait. Il m'a été dit qu'il était juridiquement impossible
de la mettre en oeuvre. Je souhaiterais en avoir la confirmation. Si l'on
m'indiquait qu'elle est applicable juridiquement, je retirerais mon
amendement.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n°
196.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Cet amendement, de nature essentiellement
rédactionnelle, précise que, dans un fonds départemental de péréquation de la
taxe professionnelle qui s'occupe, en quelque sorte, des écrêtements concernant
plusieurs départements, le montant du prélèvement doit être modifié non pas par
la commission interdépartementale, car elle n'est pas juridiquement habilitée à
signer les conventions, mais par l'ensemble des conseils généraux concernés.
M. le président.
La parole est à M. Fréville, pour défendre l'amendement n° 466.
M. Yves Fréville.
Il s'agit de déterminer le prélèvement qui sera versé par l'EPCI à taxe
professionnelle unique au fonds départemental en cas de réduction du produit de
la taxe professionnelle.
Estimant que le projet de loi contient une disposition illogique, j'ai essayé
de trouver une solution. Il me paraissait en effet anormal qu'une simple
réduction des bases de la taxe professionnelle de l'établissement écrêté puisse
conduire à la suppression de tout reversement de l'EPCI au fonds
départemental.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 531.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Cet amendement tend à porter de six mois à un an
le délai de transformation des groupements existants.
M. le président.
La parole est à M. François, pour défendre les amendements n°s 262 rectifié,
263 et 264.
M. Philippe François.
S'agissant de l'amendement n° 262 rectifié, il convient de reporter au 1er
janvier 2000 la date à compter de laquelle s'effectue le prélèvement au profit
de l'EPCI dont les bases ont été écrêtées, selon les proportions fixées par le
projet de loi, à savoir 30 % au moins et 60 % au plus du montant de
l'écrêtement. La date du 1er janvier 1999 adoptée par l'Assemblée nationale
aurait un caractère rétroactif particulièrement pénalisant.
La date de promulgation de la présente loi sera nécessairement postérieure à
la date limite d'adoption des budgets des EPCI, fixée au 31 mars. Il convient
donc de reporter la date au début de l'an prochain.
Quant à l'amendement n° 263, l'article 56 tend notamment à simplifier le
régime des prélèvements prioritaires figurant à l'article 1648 A du code
général des impôts, en ne différenciant plus les groupements à fiscalité
additionnelle selon qu'ils ont été créés avant ou après le 31 décembre 1992.
Par cet amendement nous proposons que l'unification du prélèvement, dans une
fourchette comprise entre 30 % au moins et 60 % au plus, ne s'applique qu'aux
groupements créés postérieurement à la promulgation de la loi ATR, le 31
décembre 1992.
A défaut, nombre de districts préexistants, et appelés à se transformer en
communautés de communes en vertu de l'article 34 du présent projet de loi,
subiraient un grave préjudice financier, alors qu'ils ont été précurseurs dans
le domaine de l'intercommunalité de projet et d'intégration fiscale à l'échelon
intercommunal. Un cas que je connais bien remonte déjà à vingt-cinq ans.
J'en viens à l'amendement n° 264. L'écrêtement précédemment pratiqué est
remplacé dans l'article 56 par un prélèvement opéré sur la base de l'écrêtement
pratiqué l'année précédant le passage du groupement au régime de la TPU sur
option ou par obligation légale. Cet amendement prévoit que les groupements
antérieurement soumis au régime de la TPZ, la taxe professionnelle de zone, qui
optent pour la TPU continuent de percevoir un reversement prioritaire des fonds
départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, pour un montant égal
à celui qu'ils ont perçu l'année précédant l'application du régime de la TPU.
Il prévoit de surcroît, pour les années suivantes, l'évolution du montant de ce
prélèvement proportionnellement aux ressources des fonds départementaux sur les
établissements concernés.
En l'absence de cette mesure, les groupements pénalisés sur le plan financier
n'adopteraient pas le régime de la TPU, laquelle constitue pourtant l'un des
objectifs prioritaires du présent projet de loi.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des finances sur les amendements n°s 401,
465, 466, 531, 262 rectifié, 263 et 264 ?
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
S'agissant de l'amendement n° 401, force est de
reconnaître que l'analyse de M. Bourdin est pertinente. Un rapport sur la
réforme des fonds départementaux de la taxe professionnelle doit être déposé
par le Gouvernement d'ici à l'automne. Effectuer une restructuration de ces
fonds avant de savoir ce que sera la réforme elle-même peut sembler aberrant.
Cependant, il faut entendre l'article 56 du projet de loi comme un ensemble de
dispositions qui visent temporairement et avant l'application de la réforme à
permettre l'adoption de la taxe professionnelle unique tout en maintenant le
statu quo
pour les fonds départementaux. Aussi, la commission des
finances ne peut qu'inviter M. Bourdin à retirer cet amendement, sachant qu'il
obtiendra probablement satisfaction dans le projet de loi de finances pour l'an
2000.
En ce qui concerne l'amendement n° 465, j'ai déjà répondu à M. Fréville en
présentant l'amendement n° 196. Nous visons le même objet. L'amendement n° 196
respecte chaque département. Aussi, j'invite M. Fréville à se rallier à cette
position afin de permettre au fonds départemental de l'Ille-et-Vilaine de bien
fonctionner.
Quant à l'amendement n° 466, nous ne pouvonsqu'émettre un avis favorable, sous
réserve d'une simple modification rédactionnelle. Il convient en effet de
remplacer le mot : « établissement » par le mot « entreprise » lorsqu'il s'agit
d'une entreprise et, quand on vise l'établissement, de préciser qu'il s'agit
d'un établissement public de coopération intercommunale.
La commission des finances est favorable à l'amendement n° 531.
Elle est également favorable à l'amendement n° 262 rectifié, qui tend à ne pas
modifier les prévisions de recettes en fonction desquelles ont été réalisés les
budgets communaux pour 1999.
L'amendement n° 263 participe de l'esprit même de l'article 56, à savoir
permettre le choix de la taxe professionnelle unique sans bouleverser quoi que
ce soit jusqu'à l'intervention de la réforme des fonds départementaux. La
commission émet donc un avis favorable.
L'amendement n° 264 est un amendement d'appel. Le projet de loi gèle le
montant du prélèvement des groupements lorsqu'ils se transforment en
communautés d'agglomération ou en communautés urbaines à taxe professionnelle
unique. En revanche, le texte n'est pas clair s'agissant du retour des fonds
vers les groupements écrêtés. Or les taux de retour sont compris entre 20 % et
30 % pour les groupements à taxe professionnelle unique et entre 30 % et 60 %,
voire entre les deux tiers et les trois quarts, pour les groupements à
fiscalité additionnelle.
Cet amendement vise, selon nous, à geler le taux de retour en cas de
transformation d'un groupement à fiscalité additionnelle en groupement à taxe
professionnelle unique. Nous souhaitons connaître l'interprétation de ce texte
par le Gouvernement. En fonction de cela, soit M. François aura déjà
satisfaction, soit nous lui donnerons satisfaction.
M. le président.
Monsieur Fréville, acceptez-vous de rectifier votre amendement n° 466 dans le
sens proposé par M. le rapporteur pour avis ?
M. Yves Fréville.
Je comprends bien la position de M. le rapporteur pour avis. En l'occurrence,
le mot « établissement » a deux sens : il peut s'agir d'un établissement public
de coopération intercommunale ou d'un établissement exceptionnel. J'avais
repris le texte du Gouvernement. Cependant, si M. le rapporteur pour avis en
est d'accord, je préférerais la formulation suivante : « En cas de cessation
d'activité de l'établissement exceptionnel ayant donné lieu à écrêtement, le
prélèvement est supprimé. Lorsque le montant du produit de la taxe
professionnelle correspondant à l'établissement exceptionnel devient inférieur
au montant du prélèvement tel qu'il a été fixé pour la première année
d'application, le prélèvement est réduit d'un montant assurant à
l'établissement public de coopération intercommunale... ».
(M. le rapporteur pour avis fait un signe d'assentiment.)
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 466 rectifié, présenté par M. Fréville,
et tendant à rédiger comme suit l'antépénultième alinéa du 2 du texte proposé
par le 1° de l'article 56 pour le I
ter
de l'article 1648 A du code
général des impôts :
« En cas de cessation d'activité de l'établissement exceptionnel ayant donné
lieu à écrêtement, le prélèvement est supprimé. Lorsque le montant du produit
de la taxe professionnelle correspondant à l'établissement exceptionnel devient
inférieur au montant du prélèvement tel qu'il a été fixé pour la première année
d'application, le prélèvement est réduit d'un montant assurant à
l'établissement public de coopération intercommunale un produit de taxe
professionnelle après prélèvement égal à celui dont il bénéficiait la première
année d'application. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 401, 194, 195, 465,
196, 466 rectifié, 262 rectifié, 263 et 264 ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
En ce qui concerne l'amendement n° 401, je
rappellerai à M. Bourdin que les modifications prévues à l'article 56 ne
constituent qu'une mesure conservatoire pour les communautés d'agglomération et
les communautés urbaines, afin qu'elles ne soient pas pénalisées en termes
d'écrêtement lors de leur passage à la taxe professionnelle d'agglomération. Il
s'agit donc d'un dispositif transitoire qui permet de ne pas bouleverser le
système. Sous réserve de cette explication, je demande à M. Bourdin de bien
vouloir retirer cet amendement.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 194. Cette
disposition est en effet complémentaire de celle qui a été adoptée par
l'Assemblée nationale pour traiter les mêmes cas, mais elle concerne la
transformation des SIVOM en EPCI à taxe professionnelle unique.
Le Gouvernement émet également un avis favorable sur l'amendement n° 195, qui
est un amendement de précision.
S'agissant de l'amendement n° 465, je comprends votre souci, monsieur
Fréville, mais je préfère l'amendement n° 196 de la commission des finances. En
effet, sa rédaction vise les conseils généraux des départements concernés, ce
qui constitue une meilleure solution au problème posé par le texte adopté par
l'Assemblée nationale, car ainsi tous les conseils généraux seront signataires
de la convention, et pas seulement, comme vous le proposez, monsieur Fréville,
le conseil général du siège d'implantation de l'établissement écrêté. Aussi, je
vous demande, monsieur le sénateur, de retirer votre amendement au profit de
l'amendement n° 196.
En ce qui concerne l'amendement n° 466 rectifié, je rappellerai que le texte
actuel vise à préserver les groupements qui ont la responsabilité de structurer
les agglomérations autour d'un projet économique global, donc à ne pas les
pénaliser en termes d'écrêtement alors que la taxe professionnelle constitue
leur seule ressource fiscale. Aussi, j'émets un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 262 rectifié, c'est un amendement de précision. Il
vise à fixer la date d'entrée en vigueur du prélèvement au 1er janvier 2000,
afin d'éviter une application rétroactive. J'émets un avis favorable.
Je suis plutôt défavorable à l'amendement n° 263. En effet, la mesure
d'unification pour tous les groupements à fiscalité additionnelle, adoptée par
l'Assemblée nationale, s'inscrit dans la cohérence du projet de loi en
simplifiant les règles applicables en matière d'intercommunalité.
En ce qui concerne l'amendement n° 264, j'émets un avis défavorable. En effet,
la mesure générale que prévoit M. François risquerait de déséquilibrer
l'alimentation et la répartition des fonds départementaux de péréquation de la
taxe professionnelle dans les zones rurales.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission des finances sur l'amendement n°
264 ?
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Si j'ai bien compris, monsieur le ministre,
l'amendement n° 264 vise, selon vous, à supprimer les ressources des fonds
départementaux. En fait, tel n'est pas le cas. Il s'agit simplement de geler la
situation actuelle jusqu'à la réforme qui interviendra lorsque le Gouvernement
le souhaitera. C'est ainsi, en tout cas, que je comprends l'amendement présenté
par M. François, à savoir geler la situation existante, et non pas réduire les
apports aux fonds départementaux, ni d'ailleurs les retours. Il y a peut-être
une incompréhension.
Cet amendement participe de l'esprit de l'article 56 : on gèle la situation et
il y aura une réforme lorsque vous nous présenterez le texte adéquat. En
attendant, j'émets un avis favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 401.
M. Joël Bourdin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin.
Monsieur le ministre, je ne suis pas têtu. De surcroît, je suis membre de la
commission des finances et il n'est pas dans mon tempérament de désobéir au
rapporteur de ladite commission. Je vais donc retirer cet amendement.
Il n'en demeure pas moins qu'il subsiste un problème de fond. En effet, de loi
en loi, de texte en texte, on constate que les groupements à fiscalité propre
sont amenés à contribuer dans une moindre mesure au fonds ; en tous cas, il en
sera ainsi dans l'avenir. On constate également qu'ils bénéficient de plus en
plus du fonds. Aussi, je m'interroge depuis sur certains temps sur l'utilité
des fonds pour nos communes rurales. N'oublions pas que, ici, nombre d'entre
nous représentent des départements ruraux ; or, j'observe que les fonds
départementaux destinés à nos communes rurales répartissent des ressources de
plus en plus réduites.
J'espère donc que, après que le rapport aura été déposé et que nous aurons
obtenu des indications par département, par catégorie de collectivités locales
ou d'établissements publics, on remettra tout cela en ordre. En effet, il ne
faut pas perdre de vue notre objectif, qui est d'assurer une péréquation tout à
fait équitable. Or je crains que les amendements qui seront immanquablement
adoptés ne fassent la part belle à certains départements eu égard à leurs
structures et à leur mode d'organisation et ne compliquent en revanche le
fonctionnement d'autres départements.
Cela étant, je retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 401 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 194, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 195, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Monsieur Fréville, l'amendement n° 465 est-il maintenu ?
M. Yves Fréville.
Je vais retirer cet amendement, mais je suis pas certain que ce soit la bonne
solution. Je préférerais que ni le texte que j'ai soutenu ni le texte de la
commission des finances ne soient retenus.
En revanche, la rédaction de l'Assemblée nationale, qui donnait compétence à
la commission interdépartementale, me paraissait préférable, et ce pour une
raison très simple : la commission interdépartementale est constituée de sept
représentants de chaque conseil général à égalité. Puisqu'il y a négociation
avec l'EPCI, il était plus simple, à mon avis, que ce soit la commission
interdépartementale qui négocie. C'est pourquoi le texte de l'Assemblée
nationale me semblait préférable à la fois à mon amendement, que je retire, et
à l'amendement de la commission des finances.
M. le président.
L'amendement n° 465 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 196, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 466 rectifié.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Je n'ai pas compris la position du Gouvernement. J'ai très bien entendu M. le
ministre nous dire - d'ailleurs, je partage tout à fait sa position - qu'il ne
faut pas que l'EPCI perde de l'argent lorsqu'il y a baisse du produit de la
taxe professionnelle du fait d'une diminution des bases.
Mais autant je suis d'accord pour dire que l'EPCI ne doit pas perdre de
l'argent, autant je ne suis pas d'accord pour dire qu'il doit en gagner dans
cette hypothèse. Or le texte du Gouvernement, tel qu'il est rédigé, le
laisserait penser. L'exemple que j'ai pris tout à l'heure montre bien que, en
cas de baisse forte de la taxe professionnelle, le prélèvement disparaît au
profit du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle et que
l'EPCI voit au contraire ses ressources augmenter considérablement.
Je serais tout à fait prêt à retirer mon amendement si le Gouvernement me
disait que mon interprétation est erronée.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 466 rectifié, accepté par la commission des
finances et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 531, accepté par la commission des
finances.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 262 rectifié, accepté par la commission des
finances et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 263.
M. Philippe François.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. François.
M. Philippe François.
Je pense que l'avis « plutôt défavorable » de M. le ministre n'était pas un
avis vraiment défavorable ! Par conséquent, on peut presque le considérer comme
favorable !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 263, accepté par la commission des finances
et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 264.
M. Philippe François.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. François.
M. Philippe François.
Je crois avoir saisi, après la très remarquable explication de M. le
rapporteur pour avis, que M. le ministre était relativement hésitant
(Sourires.)
. M. Mercier a même fait remarquer que l'interprétation du
Gouvernement sur cet amendement n'était peut-être pas la bonne. Par conséquent,
j'insiste pour que le Sénat adopte cet amendement.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Je comprends très bien la proposition de M. François, mais je souhaiterais
avoir une précision.
L'amendement n° 264 fait référence aux établissements qui font application des
dispositions du II de l'article 1609
quinquies
C, c'est-à-dire des
établissements qui passeraient du régime de la taxe professionnelle de zone à
celui de la taxe professionnelle unique.
S'il s'agit de se rapprocher de ce que l'Assemblée nationale a donné aux
établissements qui sont déjà en TPU et qui conserveraient, en passant en
communautés d'agglomération, le régime de la TPU, j'y serai naturellement
favorable ; mais je serais heureux de savoir si telle est bien l'interprétation
que l'on doit donner à ce texte.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 264, accepté par la commission des finances
et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 56, modifié.
(L'article 56 est adopté.)
Article additionnel après l'article 56
M. le président.
Par amendement n° 299, M. Fréville propose d'insérer, après l'article 56, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le deuxième alinéa du I de l'article 1648 A du code général des impôts
est complété par les mots suivants : "ou après déduction de l'équivalent en
bases du prélèvement versé au fonds départemental de taxe professionnelle au
titre du deuxième alinéa du 2
b)
du I
ter
(nouveau). Pour un
groupement, la valeur nette des bases de taxe professionnelle est réduite du
montant de l'écrêtement corrigé, le cas échéant, du taux du prélèvement reçu au
titre du 1° du IV
bis
ou du deuxième alinéa (nouveau) du 2° du IV
bis
". »
« II. - La dotation globale de fonctionnement est majorée à due
concurrence.
« La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le
relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Cet amendement assez important vise le calcul du potentiel fiscal des EPCI à
TPU qui ne sont plus soumis à l'écrêtement au profit du fonds départemental de
péréquation de la taxe professionnelle mais qui continueront à être obligés de
verser à ce fonds un prélèvement égal à celui qui existait avant leur passage
en communauté d'agglomération.
Ces établissements, lorsqu'ils étaient placés sous le régime de l'écrêtement,
voyaient leur potentiel fiscal réduit d'autant. Il est donc tout à fait
logique, à mon avis, que, même s'ils ne sont plus placés sous le régime de
l'écrêtement, leur potentiel fiscal soit réduit à hauteur du prélèvement qu'ils
vont verser au fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle.
Telle est la première partie de l'amendement, qui vise le versement du
prélèvement et qui me paraît essentielle pour les EPCI.
J'en viens à la seconde partie de l'amendement. Il serait logique, lorsque les
établissements reçoivent du fonds départemental de péréquation de la taxe
professionnelle un droit de retour qui, dans le cas des établissements placés
sous le régime de la taxe professionnelle unique, s'élève de 20 % à 40 % du
montant du fonds et, dans le cas des établissements placés en taxe
professionnelle de zone, s'élève de 30 % à 60 % ou à 75 %, compte tenu des
amendements que nous venons de voter, que leur potentiel fiscal soit majoré des
sommes très importantes reçues.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
La commission des finances partage l'avis de M.
Fréville. Cet amendement est excellent, et il sera probablement parfait dès
lors que M. Fréville aura accepté de le rectifier : compte tenu des positions
prises précédemment par la Haute Assemblée, cet amendement, pour avoir un
avenir juridique certain, devrait être corrigé par la suppression des mots
suivants : « Pour un groupement, la valeur nette des bases de taxe
professionnelle est réduite du montant de l'écrêtement corrigé, le cas échéant,
du taux du prélèvement reçu au titre du 1° du IV
bis
ou du deuxième
alinéa (nouveau) du 2° du IV
bis
». La suppression de cette disposition
un peu absconse permettrait d'obtenir un amendement parfait !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement est favorable à la première
correction envisagée par M. Fréville. S'agissant de la seconde, il se rallie à
la position de la commission des finances, telle que M. Mercier vient de la
développer.
M. le président.
Monsieur Fréville, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur pour
avis ?
M. Yves Fréville.
Je remercie la commission des finances et le Gouvernement d'être d'accord avec
la première phrase de mon amendement, qui vise le cas où l'EPCI verse un
prélèvement au profit du fonds départemental de la taxe professionnelle.
On me suggère de supprimer la seconde phrase. Monsieur le rapporteur pour
avis, il s'agit non pas d'un problème formel mais d'un problème de fond. Depuis
un certain amendement Briane, qui a été voté dans les années quatre-vingt-dix,
on a supprimé le fait que les collectivités qui perçoivent des sommes du fonds
départemental de la taxe professionnelle voient leur potentiel fiscal augmenté.
Au fond, la proposition de M. le rapporteur pour avis, à laquelle se rallie le
Gouvernement, consiste à continuer à appliquer cette règle, à savoir que tous
les organismes, tous les établissements qui perçoivent les ressources des fonds
départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, lesquelles ressources
sont particulièrement importantes dans le cas des retours de 20 % à 40 % ou de
30 % à 60 % ou à 75 % que je citais tout à l'heure, ne verraient pas leur
potentiel fiscal augmenté.
Ne voulant pas les pénaliser à mon tour, je réponds positivement à la
suggestion de M. le rapporteur pour avis, qui est malgré tout - je dois le dire
- inéquitable, et je rectifie mon amendement.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 299 rectifié, présenté par M. Fréville,
et tendant, après l'article 56, à insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Le deuxième alinéa du I de l'article 1648 A du code général des impôts
est complété par les mots suivants : "ou après déduction de l'équivalent en
bases du prélèvement versé au fonds départemental de taxe professionnelle au
titre du deuxième alinéa du 2
b)
du I
ter
(nouveau)".
« II. - La dotation globale de fonctionnement est majorée à due
concurrence.
« La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le
relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 299 rectifié.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement lève le gage qui n'est pas
nécessaire puisque nous travaillons dans une enveloppe fermée.
Monsieur Fréville, la réflexion se poursuivra ; vous en serez tenu informé et
nous ne manquerons bien sûr pas de prendre vos conseils.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° 299 rectifié
bis
.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 299 rectifié
bis
, accepté par la
commission des finances et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 56.
Article 56
bis
M. le président.
« Art. 56
bis
. _ I. _ L'avant-dernier alinéa du IV de l'article 1648 B
bis
du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée
:
« Cette attribution est portée à douze fois l'attribution nationale moyenne
par habitant lorsque les communes concernées sont membres d'un établissement
public de coopération intercommunale à fiscalité propre. »
« II. _ Les pertes éventuelles de recette pour les collectivités locales sont
compensées par l'institution à due concurrence d'une taxe additionnelle sur les
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 575, le Gouvernement propose de supprimer le II de cet
article.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Il s'agit simplement de lever un gage prévu pour
cet article.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 575, accepté par la commission des
finances.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 56
bis,
ainsi modifié.
(L'article 56
bis
est adopté.)
Section 3
Fonds de solidarité des communes
de la région d'Ile-de-France
Article 57
M. le président.
« Art. 57. _ L'article L. 2531-13 du code général des collectivités
territoriales est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "par un prélèvement sur les ressources
fiscales des communes de la région d'Ile-de-France" sont remplacés par les mots
: "par des prélèvements sur les ressources fiscales des communes et des
établissements publics de coopération intercommunale de la région
d'Ile-de-France" ;
« 2° Au deuxième alinéa, les mots : "sont soumises au prélèvement" sont
remplacés par les mots : "I. _ Sont soumises à un premier prélèvement".
« Au neuvième et au onzième alinéa, les mots : "présent article" sont
remplacés par les mots : "présent paragraphe" ;
« 3° Après le dernier alinéa, il est ajouté trois paragraphes ainsi rédigés
:
« II. _ 1° Sont soumises à un deuxième prélèvement les communes de la région
d'Ile-de-France dont les bases totales d'imposition à la taxe professionnelle
divisées par le nombre d'habitants excèdent 3,5 fois la moyenne des bases de
taxe professionnelle par habitant constatée au niveau national.
« Pour les communes dont le revenu moyen par habitant est supérieur ou égal à
90 % du revenu moyen par habitant des communes de la région d'Ile-de-France, ce
prélèvement est égal au produit du taux en vigueur dans la commune par 75 % des
bases dépassant le seuil précité.
« Pour les communes dont le revenu moyen par habitant est inférieur à 90 % du
revenu moyen par habitant des communes de la région d'Ile-de-France, ce
prélèvement est égal au produit du taux en vigueur dans la commune par 75 % des
bases dépassant le seuil précité, sans toutefois que son montant puisse excéder
celui du prélèvement prévu au I.
« 2° Sont soumis à un prélèvement les établissements publics de coopération
intercommunale de la région d'Ile-de-France ayant opté pour les dispositions du
II de l'article l609
quinquies
C du code général des impôts, dont les
bases totales d'imposition à la taxe professionnelle divisées par le nombre
d'habitants excèdent 3,5 fois la moyenne des bases de taxe professionnelle par
habitant constatée au niveau national. Ce prélèvement est égal au produit du
taux de taxe professionnelle de zone en vigueur dans l'établissement public de
coopération intercommunale par 75 % des bases dépassant le seuil précité.
« 3° Lorsque la commune ou l'établissement public de coopération
intercommunale concernés font également l'objet d'un prélèvement au titre du I
de l'article 1648 A du code général des impôts, le prélèvement visé aux 1° et
2° ci-dessus est minoré du montant du prélèvement de l'année précédente au
profit du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle. »
« Le prélèvement opéré en application des 1° et 2° ne peut excéder 10 % du
montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune ou de
l'établissement public de coopération intercommunale constatées dans le compte
administratif afférent au pénultième exercice.
« Le prélèvement fait l'objet d'un plafonnement, à 20 % la première année, à
40 % la deuxième année, à 60 % la troisième année et à 80 % la quatrième année
d'application de la loi n° du relative au renforcement et à la
simplification de la coopération intercommunale.
« III. _ Pour l'application du II :
« _ la population à prendre en compte est arrêtée dans les conditions prévues
à l'article R. 114-1 du code des communes ;
« _ les bases totales d'imposition retenues sont les bases nettes de taxe
professionnelle après exonérations, mais avant écrêtement au profit du fonds
départemental de péréquation de la taxe professionnelle ;
« _ le revenu à prendre en compte est le dernier revenu imposable connu.
« IV. _ Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du
présent article. »
Sur l'article, la parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 57
se présente un peu comme une anomalie dans le projet de loi que nous
examinons.
En effet, il est bizarre, si l'on veut qu'un certain nombre de communes
importantes s'engagent dans la voie de l'intercommunalité, notamment pour créer
des communautés d'agglomération, de prévoir une surtaxation de leur capacité
qui n'est évidemment pas de nature à les inciter à entrer dans des mécanismes
collectifs !
Il existe en Ile-de-France, depuis 1991, un fonds de solidarité qui est
alimenté par des communes considérées comme riches et qui est distribué à des
communes connaissant des problèmes particuliers et considérées comme pauvres.
En 1998, ce fonds de solidarité a ainsi transféré 711 millions de francs.
Soixante-quinze communes franciliennes, dont la ville de Paris, ont contribué à
la collecte. La répartition a bénéficié à cent trente communes. C'est donc un
mécanisme régional de solidarité qui taxe, sur l'ensemble des quatre impôts
locaux, les collectivités dont le potentiel fiscal est le double de celui de la
moyenne régionale, et j'insiste sur le mot « régionale ».
L'article 57 prévoit de créer un second prélèvement, qui serait limité à la
taxe professionnelle pour les collectivités qui ont des bases élevées de taxe
professionnelle par habitant.
Alors que nous discutons depuis plusieurs jours - et que nous allons continuer
à discuter pendant plusieurs jours - d'une intercommunalité de projet, au
profit de laquelle nous essayons de mobiliser des moyens financiers pour
réaliser un certain nombre d'objectifs, on nous propose là un système
automatique dans lequel on prélève aux uns pour redistribuer aux autres sans
qu'il y ait le moindre projet, la moindre approche commune des objectifs.
Monsieur le président, mes chers collègues, si ce débat se déroulait selon une
procédure normale, c'est-à-dire si plusieurs lectures avaient été prévues,
j'aurais déposé un amendement de suppression de cet article. Mais, dans la
mesure où le Gouvernement a choisi de déclarer l'urgence, nous allons
immédiatement nous retrouver en commission mixte paritaire. C'est la raison
pour laquelle je ne suis pas favorable à un amendement de suppression complète
du dispositif.
Je n'y suis pas favorable pour une autre raison : je comprends parfaitement
les problèmes de solidarité intercommunale et de péréquation et je ne peux
m'opposer, pour des raisons morales et éthiques, à la majoration des ressources
du Fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, compte tenu
de la très grande diversité de la situation de ces communes.
En revanche, l'article tel qu'il nous est proposé me paraît présenter quatre
caractéristiques inacceptables.
Premièrement, les critères d'application de ce second prélèvement sont des
critères nationaux, alors que tout le mécanisme du Fonds de solidarité des
communes de la région d'Ile-de-France repose sur des critères concernant
uniquement les communes de cette région. Je souhaite donc que, pour ce
prélèvement, la moyenne des bases de taxe professionnelle par habitant de la
région d'Ile-de-France soit préférée à un critère national. En effet, chacun le
sait, la moyenne des bases de taxe professionnelle par habitant de l'ensemble
des communes d'Ile-de-France est nettement plus élevée que la moyenne
nationale.
Deuxièmement, l'article 57 intègre dans les bases retenues pour le prélèvement
le produit affecté au fonds départemental de péréquation. Cela me paraît
quelque peu anormal car, lorsqu'une commune comportera un établissement
exceptionnel - c'est le cas de la commune que j'ai l'honneur d'administrer,
puisqu'elle abrite le siège de Renault - on établira le prélèvement annuel non
pas sur les bases réelles qui restent à la disposition de la commune, mais sur
les bases qui intègrent le produit affecté au fonds départemental de
péréquation. Il s'agit là d'une double imposition qui n'est pas très normale et
qu'il conviendrait de supprimer.
Troisièmement, les chiffres auxquels parvient le Gouvernement sont
certainement trop élevés, et l'addition du prélèvement actuel et du prélèvement
nouveau se traduirait par des sommes importantes. Permettez-moi, mes chers
collègues, de citer les chiffres qui concernent la commune que j'administre :
en 1999, elle recevra une DGF de 106 millions de francs, c'est-à-dire un peu
plus de 1 000 francs par habitant - c'est l'une des DGF les plus faibles de
France, et c'est bien normal, car la DGF est un élément de péréquation - tandis
que la contribution initiale du fonds de solidarité s'élèvera à 43 millions de
francs ; quant à la contribution supplémentaire qui serait demandée au travers
de l'article 57, elle oscillerait entre 55 et 66 millions de francs. Dès lors,
si l'on ajoute les deux prélèvements, la DGF risque de disparaître. Cela me
paraît trop élevé et, en dépit de l'amendement que le Gouvernement a bien voulu
accepter à l'Assemblée nationale, qui prévoit un étalement sur cinq ans de
cette nouvelle contribution, le fait, pour une commune, d'être privée
totalement de sa DGF dans une hypothèse de cette nature n'est pas
raisonnable.
Enfin, quatrièmement, ce dispositif, comme le précédent, est occulte, il
n'apparaît pas sur les avertissements fiscaux et les contribuables ne savent
pas que l'argent qu'ils versent à la commune n'est que partiellement affecté à
cette collectivité.
A l'heure actuelle, la première contribution au fonds de solidarité est
plafonnée à 5 % du total des dépenses de fonctionnement de la commune, et le
second prélèvement qui nous est proposé serait plafonné à 10 %. Cela signifie
que 15 % du total des dépenses de fonctionnement - j'incite les maires à
réfléchir sur ce pourcentage - seraient ainsi soustraits à la visibilité de
l'ensemble des citoyens. C'est la raison pour laquelle ce prélèvement devrait
être accompagné, me semble-t-il, d'une explication sur les feuilles d'impôt,
afin que les contribuables sachent exactement vers quelle collectivité vont
leurs versements.
Après une lecture attentive des débats de l'Assemblée nationale, après une
longue réflexion et compte tenu de la procédure adoptée par le Gouvernement,
puisque nous allons directement aller en commission mixte paritaire, j'ai pris
la décision de me rallier aux deux amendements de la commission des finances,
présentés par M. Mercier.
Le premier institue un système de plafonnement un peu moins désavantageux pour
les collectivités que celui qui figure dans le texte du Gouvernement.
Le second oblige le Gouvernement à faire figurer ce prélèvement sur les avis
d'imposition. Cela me paraît un moindre mal ! Je ne refuse pas la péréquation,
qui fait déjà partie des mécanismes actuels et qui s'applique, notamment, en
matière de DGF. C'est ainsi que la commune que j'administre reçoit une DGF
égale à la moitié de celle de Rouen, par exemple, ou d'autres grandes villes,
qui perçoivent plus de 2 000 francs par habitant.
Je ne suis pas hostile à l'augmentation du fonds de solidarité. Toutefois,
pour pouvoir diriger correctement une collectivité, programmer son
développement et organiser son avenir, je souhaite que l'on évite les
prélèvements trop brutaux.
C'est la raison pour laquelle, compte tenu de la décision prise par
l'Assemblée nationale d'étaler ce nouveau prélèvement sur cinq ans - 20 % la
première année, 40 % la deuxième, etc. - et compte tenu des positions modérées
adoptées par la commission des finances, je me rallierai aux amendements n°s
197 et 198.
M. le président.
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
L'article 57 traite de la question, assez spécifique, du devenir du Fonds de
solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, région qui, de notre
point de vue, présente deux spécificités. D'une part, par comparaison avec les
autres régions du pays, elle compte peu d'établissements publics de coopération
intercommunale. D'autre part, elle capitalise une part importante du produit
des quatre principaux impôts locaux, notamment de la taxe professionnelle.
La mise en place du fonds de solidarité a correspondu, en son temps, à un
constat : celui de la très inégale répartition des potentiels fiscaux et de la
non moins inégale répartition des difficultés sociales et économiques des
habitants de la région d'Ile-de-France.
C'est ainsi que, si l'on analyse les éléments chiffrés les plus récents en
matière économique et sociale, on constate que la pauvreté et la précarité ont
tendance à toucher aujourd'hui - et nous ne sommes pas les seuls à le dire,
puisque ces éléments figurent dans le document stratégique du préfet de région
pour le futur plan - quelques arrondissements parisiens situés à l'est, et même
au centre de la capitale.
Que l'on ne s'y trompe donc pas : il ne suffit pas de solliciter une forme de
solidarité plus ou moins forcée entre collectivités locales pour résoudre la
question des inégalités sociales et économiques de la région d'Ile-de-France,
inégalités qui sont d'ailleurs encore plus criantes dans cette région qu'elles
peuvent l'être dans les autres régions métropolitaines.
Cela ne nous interdit pas de penser que des dispositifs de solidarité
pourraient voir le jour dans d'autres régions du pays où s'accroissent
également ces inégalités, quand bien même la pression foncière et les
discriminations n'y ont pourtant pas la même importance qu'en région
parisienne.
Avec l'article 57, on nous invite clairement à sauvegarder les capacités du
fonds de solidarité en mettant à contribution les groupements de coopération
intercommunale, notamment ceux qui accueillent des établissements exceptionnels
ou un grand nombre d'entreprises.
Il s'agit ici d'éviter la mise en place de ce que j'appellerai une
intercommunalité d'aubaine. Nous sommes donc clairement opposés à l'amendement
de suppression de l'article déposé par nos collègues du groupe du RPR. A ce
propos, j'ai à l'esprit un exemple précis, celui d'un établissement public de
coopération intercommunale de mon département situé aux abords de l'aéroport
Charles-de-Gaulle, établissement dont la caractéristique essentielle est de
maintenir dans le périmètre du groupement une grande partie des recettes
fiscales liées à l'existence de la zone aéroportuaire de Roissy -
Charles-de-Gaulle.
Nous sommes également opposés aux amendements de repli présentés par les mêmes
auteurs et qui visent à créer une prime à l'intercommunalité, prime qui n'a
quand même pas grand-chose à voir avec la pertinence de l'action des
groupements et la notion d'opportunité financière.
Nous pourrions être un peu moins sévères s'agissant des amendements tendant à
spécifier aux contribuables locaux le montant de leur imposition découlant de
la pratique du prélèvement. Cependant, il y aurait beaucoup à dire en cette
matière, et peut-être gagnerait-on à indiquer aussi aux habitants de nos
communes les montants que les entreprises implantées dans nos localités
n'acquittent pas au titre de la taxe professionnelle en vertu des dispositions
correctrices de l'impôt actuellement en vigueur. Mais je suis persuadée que
certains élus s'en chargeront, et je dirai même qu'ils ne s'en priveront
pas.
Enfin, on peut s'interroger sur l'amendement de la commission des finances
relatif au niveau du prélèvement opéré, et qui modifie le montant des
ressources effectivement mobilisées pour alimenter le fonds de solidarité. Si
cet amendement est adopté, la mise en place des nouvelles conditions de
financement du fonds, et donc l'application du dispositif dans sa pleine
efficacité, risquent d'être retardées.
Sur le fond, il nous semble donc, monsieur le ministre, qu'il serait
préférable de garantir l'attribution des aides du fonds de solidarité au
travers d'un engagement précis de l'Etat.
Voilà, monsieur le président, ce que je tenais à dire sur cet article, et cela
vaut explication de vote sur les amendements qui l'affectent.
M. le président.
Sur l'article 57, je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Par amendement n° 265 rectifié
bis,
MM. Braye, Courtois, Demuynck,
François, Lanier, Larcher, Doublet et les membres du groupe du Rassemblement
pour la République proposent de supprimer l'article 57.
Par amendement n° 197, M. Michel Mercier, au nom de la commission des
finances, propose d'insérer, après le huitième alinéa de l'article 57, un
alinéa rédigé comme suit :
« Pour les communes dont les bases totales d'imposition à la taxe
professionnelle divisées par le nombre d'habitant sont inférieures à 3,5 fois
la moyenne des bases de taxe professionnelle par habitant de la région
d'Ile-de-France, le montant du prélèvement visé au premier alinéa du II ne peut
excéder celui du prélèvement prévu au I. »
Par amendement n° 266 rectifié
bis,
MM. Braye, Courtois, Demuynck,
François, Lanier, Larcher, Doublet et les membres du groupe du Rassemblement
pour la République proposent d'insérer, après de douzième alinéa de l'article
57, un alinéa ainsi rédigé :
« Le prélèvement opéré en application des 1° et 2° n'est pas applicable aux
communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale à
fiscalité propre. »
Par amendement n° 267 rectifié
bis,
MM. Braye, Courtois, Demuynck,
François, Lanier, Larcher, Doublet et les membres du groupe du Rassemblement
pour la République proposent d'insérer, après le douzième alinéa de l'article
57, un alinéa ainsi rédigé :
« Le prélèvement opéré en application des 1° et 2° est diminué de 50 % pour
les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale à
fiscalité propre. »
Par amendement n° 268 rectifié
bis,
MM. Braye, Courtois, Demuynck,
François, Lanier, Larcher, Doublet et les membres du groupe du Rassemblement
pour la République proposent d'insérer, avant le dernier paragraphe de
l'article 57, un paragraphe nouveau ainsi rédigé :
« ... - Les prélèvements visés au présent article font l'objet d'une
présentation spécifique sur les avis d'imposition adressés aux contribuables.
»
Par amendement n° 198, M. Michel Mercier, au nom de la commission des
finances, propose :
A. - De compléter
in fine
l'article 57 par un paragraphe ainsi rédigé
:
« II. - Après l'article 1659 A du code général des impôts, il est inséré un
article ainsi rédigé :
«
Art. 1659 B.
- Les avis d'imposition des contribuables des communes
soumises aux prélèvements prévus à l'article L. 2531-13 du code général des
collectivités territoriales mentionnent le montant de la contribution de leur
commune au Fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France. »
B. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention :
« I. ».
La parole est à M. Braye, pour présenter l'amendement n° 265 rectifié
bis.
M. Dominique Braye.
Le présent amendement a pour objet de supprimer l'article 57, qui institue un
nouveau prélèvement en faveur du FSCRIF, le Fonds de solidarité des communes de
la région d'Ile-de-France, applicable aux communes et groupements à taxe
professionnelle de zone dont les bases totales d'imposition à la taxe
professionnelle excédent 3,5 fois la moyenne nationale des bases de taxe
professionnelle par habitant constatée au niveau national.
Monsieur le ministre, j'avais déjà eu l'occasion d'évoquer mon opposition à ce
prélèvement supplémentaire lors de la discussion générale. Je ne suis
absolument pas opposé, que cela soit bien clair, au principe d'une nécessaire
solidarité et d'une péréquation des ressources entre les communes les plus
favorisées et les communes les moins favorisées, bien que ces disparités aient
été souvent engendrées à l'origine par des décisions étatiques et non par une
mauvaise gestion des collectivités locales elles-mêmes.
L'intervention de M. Fourcade m'a, certes, quelque peu ébranlé, mais
j'attends, sur ce point, naturellement, les explications de MM. les rapporteurs
et de M. le ministre.
On doit toutefois se poser la question : pourquoi cette mesure fiscale
frappe-t-elle encore une fois, après l'instauration de la taxe sur les bureaux
et locaux de stockage, uniquement la région d'Ile-de-France, alors qu'aucun
dispositif similaire n'est prévu pour le reste du territoire national ? Que des
disparités fortes existent au sein des collectivités locales de l'Ile-de-France
et qu'il faille les corriger, nul ne songe à le nier. Mais de telles disparités
n'existent-elles pas tout autant, sinon parfois plus, dans d'autres régions
françaises ?
Je ne vois franchement pas au nom de quel principe la loi devrait pénaliser
fiscalement certaines communes et certains groupements sous le seul prétexte
qu'ils appartiennent à la région d'Ile-de-France, alors que l'on n'applique pas
le même régime au reste du territoire quand il existe des disparités aussi
importantes.
Par ailleurs, comme à M. Fourcade, il me semble pour le moins curieux, puisque
la mesure doit concerner la seule région d'Ile-de-France, de proposer, pour
déterminer les communes et groupements redevables de ce nouveau prélèvement, un
critère fondé sur une comparaison avec le niveau national.
Est-il normal et équitable de soumettre au même régime toutes les communes
visées par ce nouveau prélèvement, sans tenir aucun compte des situations
particulières, notamment celle de certaines communes qui ont choisi une
véritable et coûteuse solidarité locale, que ce soit par le biais de
l'intercommunalité ou même, je le rappelle, par celui de l'abandon de certains
produits de leur fiscalité ; parfois très importante, à des communes voisines
en difficulté ?
En outre, je doute que la pénalisation fiscale systématique des villes ou
groupements ayant réussi leur développement économique soit une bonne idée. La
meilleure façon d'aider les communes les plus défavorisées me semble plutôt
être de les faire bénéficier d'exonérations fiscales ou de puissants systèmes
d'incitation financière et fiscale à l'implantation de nouvelles
entreprises.
Enfin, je me permettrai, monsieur le ministre, d'émettre de sérieuses réserves
sur la conformité de ce dispositif fiscal au principe de libre administration
des collectivités locales.
Mes chers collègues, ce dispositif, qui a été élaboré - il faut le dire - sans
la moindre concertation avec les élus locaux d'Ile-de-France, me semble injuste
et infondé. Etant donné que certains groupements de communes seront visés par
cet alourdissement de la fiscalité, je ne vois pas non plus en quoi cette
mesure trouverait sa place dans un texte législatif censé favoriser le
développement de l'intercommunalité ! Comme l'a dit M. Fourcade, cette mesure
va à l'encontre du but visé, qui est le développement de l'intercommunalité en
Ile-de-France.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet
amendement de suppression de l'article 57.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
197.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
L'article 57, les précédents orateurs viennent de
le rappeler, prévoit en quelque sorte la création d'une seconde part de
prélèvement pour le fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France.
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait qu'il était acquitté
par les communes dont les bases de taxe professionnelle sont supérieures à
trois fois et demie la moyenne nationale. A l'Assemblée nationale, les députés,
en première lecture, ont introduit un amendement prenant en compte le revenu
par habitant par rapport au revenu moyen de la région.
Il est en effet plus pertinent, s'agissant d'une sorte de péréquation
financière que le Gouvernement souhaite organiser au niveau de la région
d'Ile-de-France, de retenir des critères régionaux.
Notre amendement a donc pour premier objet d'introduire un nouveau critère
régional, qui est l'écart de base de taxe professionnelle par rapport à la
moyenne régionale.
Il tend également, comme l'a fait l'Assemblée nationale, à plafonner le
montant du nouveau prélèvement, mais au niveau du premier prélèvement opéré au
profit du fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France.
M. le président.
La parole est à M. Braye, pour présenter les amendements n°s 266 rectifié
bis
, 267 rectifié
bis
et 268 rectifié
bis
.
M. Dominique Braye.
L'amendement n° 266 rectifié
bis
procède, naturellement, du même esprit
que l'amendement de suppression de l'article.
Je l'ai dit à l'instant, l'une des raisons de mon opposition à ce dispositif
fiscal est que celui-ci ne fait aucune distinction entre les communes qui sont
membres d'un EPCI à fiscalité propre et celles qui ne le sont pas.
Quitte à instituer un nouveau prélèvement, il serait judicieux, dans ce projet
qui vise, je le rappelle, au renforcement de la coopération intercommunale,
d'en exonérer les communes qui sont membres d'un EPCI à fiscalité propre et
qui, de ce fait, participent donc déjà à la solidarité par l'intermédiaire
d'une péréquation intercommunale. Ce serait une mesure fiscalement incitative
en faveur de l'intégration intercommunale et une forme de justice envers les
communes qui ont fait l'effort de cette intégration.
Mes chers collègues, il nous faut rester cohérents avec l'objectif de ce
projet de loi. A cet égard, l'exonération fiscale ciblée que je propose
complèterait utilement le dispositif global d'incitation au développement de
l'intercommunalité à fiscalité propre.
L'amendement n° 267 rectifié
bis
participe toujours du même esprit.
Puisque le nouveau prélèvement risque d'être finalement adopté, il convient au
moins d'en limiter le poids pour les communes membres d'un EPCI. C'est l'objet
de cet amendement, qui tend à réduire de moitié le montant d'un éventuel
nouveau prélèvement pour les communes membres d'un EPCI à fiscalité propre.
C'est vraiment le moins que nous puissions faire en faveur de ces communes
membres d'un EPCI. A vrai dire, c'est même nettement insuffisant, car c'est, en
fait, l'exonération totale qui s'impose. Mais, vous l'avez compris, c'est là
l'amendement de repli ultime, l'amendement du dernier combat, pour ne pas dire
du désespoir.
Quant à l'amendement n° 268 rectifié
bis
, il prévoit, conformément au
souci qu'a exprimé M. Fourcade, que tout prélèvement qui n'est pas du ressort
ou du fait des élus locaux doit être signalé comme tel aux contribuables. Il
faut absolument que les contribuables d'une commune sachent qu'un tel
prélèvement est le fait non pas des élus locaux mais bien du législateur et que
son produit ira vers d'autres communes.
Cela répond au souci de la transparence de l'intercommunalité, qui est aussi,
avec sa simplification, l'objet du présent projet. Il faut que les
contribuables puissent être informés du devenir de leurs impôts.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 198
et pour donner l'avis de la commission des finances sur les amendements n°s 265
rectifié
bis
, 266 rectifié
bis
, 267 rectifié
bis
et 268
rectifié
bis
.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Notre amendement participe du même esprit que celui
que vient de défendre M. Braye : compte tenu du poids de ce prélèvement au
bénéfice du fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France, il convient
d'informer correctement les contribuables.
L'amendement n° 265 rectifié
bis
, qui tend à la suppression de
l'article, a reçu un avis favorable de la commission des lois. Pour ce qui est
des autres amendements, sur lesquels nous n'avons pas eu à nous prononcer, nous
ne pouvons donc qu'émettre un avis défavorable.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Nous sommes là dans un débat qui est
lourd de signification.
Ce qui me frappe, c'est de voir que l'on fait de la fiscalité comme si l'on
fait de la voltige, sans se rendre compte que, derrière cette fiscalité, et
quelles que soient les formes de l'impôt, il y a l'activité économique, le
progrès, l'utilisation des ressources.
De manière générale - je reconnais que le Gouvernement actuel est en train
d'essayer de corriger le tir, non sans avoir toutefois continué en instituant
une nouvelle taxe sur les bureaux - l'Ile-de-France a été matraquée par toute
une série de prélèvements.
Il en résulte que la ressource globale de cette région, qui doit être comparée
non pas aux autres régions françaises mais aux entités de dimension comparable
à l'échelon international, s'est trouvée très largement diminuée.
M. Raymond Courrière.
Elle reçoit de l'Etat plus que les autres régions !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Nous en connaissons parfaitement les
conséquences, non pas simplement pour la région d'Ile-de-France mais aussi pour
l'ensemble de l'économie française.
Nous sommes là en présence d'une technique de prélèvement qui devient
intellectuellement incompatible avec l'intercommunalité, qui est précisément
faite pour mettre en commun des ressources devant permettre, dans un ensemble
comprenant éventuellement des communes défavorisées et des communes plus
favorisées, de mener un certain nombre d'actions communes.
En l'espèce, on ne tire pas toutes les conséquences intellectuelles et
économiques de ce que l'on est en train de faire.
En fait, nous n'avons jamais véritablement accepté l'idée de décentralisation.
En effet - veuillez me pardonner de le répéter - la décentralisation repose
essentiellement sur la notion d'inégalité et sur celle d'activités autonomes,
que certains sont capables de faire, d'autres non, mais dont, finalement, tous
profitent.
Que se passera-t-il quand l'intercommunalité sera devenue une réalité ?
L'ensemble des ressources seront considérables ! Imaginez la ressource que
représentera la taxe professionnelle unique pour une collectivité de plus de 50
000 habitants ! Son produit servira nécessairement à financer un certain nombre
d'actions communes qui auront précisément pour effet de corriger des
inégalités. Si l'on ne veut pas, par le biais de cette taxe professionnelle
unique, corriger les inégalités, ce n'est pas la peine de l'instituer !
Nous constatons qu'en Ile-de-France - M. Jean-Pierre Fourcade a donné les
chiffres - les sommes prélevées sont déjà considérables, surtout si l'on ajoute
à ce qui se fait au niveau des communes ce qui se fait également au niveau des
départements.
Ainsi, je viens d'apprendre avec une extrême surprise qu'en raison de je ne
sais quel coefficient de logement social on me supprimait pratiquement 50
millions de francs de ressources, soit l'équivalent du financement d'un
collège, alors que j'ai, moi aussi, des collèges à construire. Un tel mécanisme
ne repose pas sur des bases saines.
Personnellement, j'ai beaucoup insisté - je ne sais quelle décision prendra
notre assemblée - pour que soit adopté l'amendement de suppression de
l'article, tout en rappelant que nous ne menions là qu'un débat
préparatoire.
En effet, la commission mixte paritaire risque de durer aussi longtemps que
nos débats
(Sourires),
tant nos positions sont éloignées de celles de
l'Assemblée nationale. Il ne sera pas commode de parvenir à un accord.
Nous avons déjà retenu la journée du 3 juin, de neuf heures à dix-huit heures,
voire dix-neuf heures. Nous prendrons en effet tout le temps nécessaire.
Peut-être certains aménagements seront-ils possibles, mais je voudrais - je
serai suivi ou non - que, dans la logique de l'amendement proposé par nos
collègues MM. Braye, Courtois, François, Lanier, Larcher et Doublet, nous
prenions une position de principe indiquant que la région d'Ile-de-France n'est
pas prête, de manière abrupte, comme nous le propose l'Assemblée nationale, à
supporter un nouveau type de prélèvement intégré à cette région, lequel
n'existe nulle part ailleurs. Je me demande pourquoi ce prélèvement serait
institué alors que, autour de Toulouse, de Bordeaux, de Rennes ou d'autres
villes encore, un tel mécanisme serait peut-être nécessaire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 265 rectifié
bis,
197, 266 rectifié
bis,
267 rectifié
bis,
268 rectifié
bis
et 198 ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je formulerai tout d'abord quelques
considérations générales.
Il n'est pas fondé de dire qu'il y a contradiction entre la péréquation et
l'intercommunalité, comme vient de l'indiquer M. Jacques Larché. Je sais que le
département de Seine-et-Marne a subi, cette année, un mécanisme d'écrêtement
très particulier. C'est une considération d'importance, mais qui est somme
toute conjoncturelle.
Chacun comprend bien que la région d'Ile-de-France a une certaine spécificité
: elle concentre plus du quart des bases de taxe professionnelle du pays ; elle
se prête moins bien que d'autres régions à l'exercice de l'intercommunalité,
bien que, naturellement, elle s'y prête également. Mais sa principale
spécificité tient au fait qu'il s'agit d'une agglomération à plusieurs
couronnes, qui s'est constituée autour de la ville capitale. Il suffit de
regarder une carte des régions avec leur moyenne de revenus pour voir qu'il y a
en France - c'est l'effet de notre histoire - une région beaucoup plus riche
que les autres.
Cela ne signifie pas que la région d'Ile-de-France n'a pas ses problèmes. Le
principal d'entre eux, c'est le dualisme social, c'est-à-dire l'écart qui va
croissant entre un certain nombre de communes très riches et d'autres dont le
revenu par habitant est considérablement plus faible, sans parler, bien sûr, de
leurs bases de taxe professionnelle.
M. Braye a dit tout à l'heure que nous n'avions pas procédé à une
concertation. Cela n'est pas exact. Un débat a été engagé avec les
parlementaires et avec le Comité des finances locales, présidé par M. Fourcade.
Nous ne sommes pas partis de rien.
J'ajoute que le Gouvernement a introduit un certain nombre d'assouplissements
dans son texte à l'Assemblée nationale, notamment l'étalement de la mesure sur
cinq ans.
Qui peut contester le bien-fondé d'une disposition qui vise à créer un second
prélèvement, c'est vrai, sur un nombre restreint de communes, mais dont les
bases de taxe professionnelle sont supérieures de trois fois et demie à la
moyenne des bases de taxe professionnelle par habitant à l'échelon national
?
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Me permettez-vous de vous
interrompre, monsieur le ministre ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois, avec l'autorisation
de M. le ministre.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Monsieur le ministre, nous nous
orientons vers un système dans lequel il n'y aura plus de taxe professionnelle
communale.
(M. le ministre fait un signe dubitatif.)
Mais oui, bien sûr, puisqu'on
va vers un système dans lequel il y aura une taxe professionnelle unique pour
l'agglomération.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Certes, mais très progressivement, monsieur
Larché !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Peut-être, mais quel sera le niveau
de la taxe professionnelle unique ?
Dans ces communes dites très riches, si l'on tient compte des taux qui
peut-être iront à la baisse dans un certain nombre de cas, quelle sera la
moyenne du taux de la taxe professionnelle ? On ne peut pas raisonner en nous
appuyant sur un système de prélèvement - la taxe professionnelle communale -
que nous sommes en train d'abandonner.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je vais répondre à votre argument, la réponse
est dans le texte dont nous débattons : dès lors qu'un groupement à taxe
professionnelle unique sera constitué, il sera exempté du prélèvement au titre
du FSCRIF.
M. Dominique Braye.
Pas les communes !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Les communes, bien entendu ! Chacun conçoit bien
que l'on ne peut pas passer du jour au lendemain au régime de la taxe
professionnelle unique dans la région parisienne,
a fortiori
dans tout
le pays. La transition sera progressive et elle s'étalera sur dix ou quinze
ans, voire sur une génération.
La réponse, je le répète, figure dans le texte. Les groupements à taxe
professionnelle unique n'auront plus à contribuer au FSCRIF.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Les communes membres en seront-elles exemptées ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Exactement !
Ce dispositif est raisonnable. Permettez-moi de rappeler une fois de plus dans
quel état d'esprit je participe à cette discussion. Nous élaborons un texte
qui, à certains égards, je le crois, sera fondateur de l'intercommunalité, en
tout cas autant que le texte de 1992, dont il simplifie les dispositions. Il
prévoit des mécanismes susceptibles de doper les progrès de l'intercommunalité
grâce aux incitations puissantes qui ont été mises en oeuvre et, qui je le
pense, seront renforcées au fil du temps.
Je mène cette discussion dans un esprit de dialogue et d'ouverture parce que
j'ai le sentiment que, si nous arrivons à adopter un texte sur lequel un
assentiment assez général aura pu être réuni, il passera mieux dans la réalité.
Je reste donc ouvert à toutes les propositions au Sénat comme à l'Assemblée
nationale dès lors que n'est pas détruite l'architecture du texte, dès lors que
l'on ne va pas vers des dispositions tellement souples qu'elles videraient le
texte de sa substance et qu'en réalité on ne ferait que favoriser une
intercommunalité d'aubaine. Autrement dit, à la limite, il y aurait ceux qui
s'intéresseraient à la dotation mais qui ne prendraient aucun engagement quant
à la mise en commun de la taxe professionnelle ou quant aux compétences qui
seraient en quelque sorte intégrées.
M. Raymond Courrière.
Ceux qui le veulent !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Par conséquent, sur l'amendement n° 265 rectifié
de M. Braye, évidemment, j'émets un avis défavorable puisqu'il vise à supprimer
l'article.
S'agissant de l'amendement n° 197, qui vise à plafonner la seconde
contribution au montant du premier prélèvement, je n'y suis pas favorable. Le
texte adopté par l'Assemblée nationale concerne les communes dont le niveau de
revenu par habitant est inférieur de 90 % à la moyenne régionale, soit un
rapport de un à deux.
Je suis prêt à faire un pas en avant, dès lors qu'il n'entraînerait pas une
perte de recettes trop considérable pour le FSCRIF. Je peux donc me rendre aux
arguments de M. Fourcade, dont j'apprécie le rôle qu'il joue à la tête du
Comité des finances locales, lequel s'intéresse à la cohérence de l'ensemble de
notre système, très complexe, trop complexe.
En tout état de cause, on peut aller jusqu'à envisager un plafonnement, à
hauteur non pas du montant du premier prélèvement, mais de 1,1 fois ce montant.
Naturellement, un certain nombre de calculs ont été faits, indiquant qu'il en
résulterait une perte de 16 millions de francs. Pour un prélèvement global qui
est de 269 millions de francs, cela ferait passer le prélèvement, en l'état
actuel de nos simulations, à 253 millions de francs. Cela reste raisonnable et
je suis donc prêt à accepter un plafonnement à hauteur de 1,1 fois le montant
du premier prélèvement.
M'adressant maintenant à M. Jacques Larché, je voudrais souligner qu'il vaut
mieux qu'un débat s'engage sur ce sujet entre le Sénat et le Gouvernement. En
effet, on peut évidemment tout supprimer à l'occasion de l'examen d'un projet
de loi.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Ce n'est pas du tout ce que nous
avons fait jusqu'à présent !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Cela permettrait d'abréger la discussion, mais
sans la faire progresser. Les débats de la commission mixte paritaire s'en
trouveraient peut-être un peu allongés, mais je crois qu'il vaut mieux que nous
fassions tous preuve de cet esprit de dialogue constructif que j'essaie de
manifester.
Sous réserve de cette rectification, j'accepterai l'amendement n° 197 de la
commission des finances.
M. Braye, par son amendement n° 267 rectifié
bis
, veut étendre
l'exonération non pas seulement aux EPCI à taxe professionnelle unique mais à
tous les EPCI, dès lors qu'ils ont simplement une fiscalité propre. C'est trop,
et l'on risquerait de tarir les ressources du fonds si on le suivait. Je n'y
suis donc pas favorable.
L'amendement n° 268 rectifié
bis
, également présenté par M. Braye, tend
à faire apparaître sur les avis d'imposition les prélèvements au titre du
FSCRIF. Cela rejoint l'amendement n° 198 de M. le rapporteur pour avis. Je ne
peux pas y être favorable. D'abord, ce serait très compliqué et l'on
n'arriverait pas à une identification satisfaisante par contribuable. En outre,
cette information complète des contribuables, pour être juste, impliquerait que
l'on puisse indiquer également l'ensemble des mécanismes de solidarité déjà
existants entre les collectivités lcoales, ainsi que les dotations de l'Etat.
Je suis donc défavorable aussi bien à l'amendement n° 268 rectifié
bis
qu'à l'amendement n° 198.
M. le président.
Monsieur le rapporteur pour avis, M. le ministre vient d'indiquer qu'il
pourrait être favorable à l'amendement n° 197 si vous le rectifiez. Quelles
sont vos intentions à cet égard ?
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Mais a-t-il seulement un avenir ?
(Sourires.)
Le Sénat doit d'abord se prononcer sur l'amendement n° 265
rectifié
bis.
Nous verrons bien après !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 265 rectifié
bis.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
J'ai bien entendu tout ce que l'on a pu dire à propos de l'article 57
concernant la région parisienne et son positionnement dans l'ensemble français.
Pour ma part, je pense que cet article est modéré.
Actuellement, se développe un peu partout dans la presse, sur l'initiative de
je ne sais quel groupe de pression, une argumentation visant à démontrer que la
région parisienne est pauvre, qu'elle a été « matraquée »...
M. Jean Chérioux.
Par vous !
M. Jean-Claude Peyronnet.
... - c'est le mot que vous avez utilisé et réutilisé, monsieur Larché - et
que le seuil de l'intolérable a été franchi.
Cette campagne ne me semble pas justifiée. Je suis à peu près persuadé que les
chiffres que l'on avance en matière de prélèvements, de richesse par habitant,
de part dans le produit intérieur sont faux ! Ils ne prennent pas en compte des
éléments majeurs.
Quel est le coût d'une autoroute en Ile-de-France ?... On continue pourtant à
en construire, alors que nous avons beaucoup de difficultés pour en faire en
province.
(M. Braye proteste.)
En plus, elles sont gratuites !
(Mme Beaudeau s'exclame vivement.)
Mais si, madame Beaudeau, en grande partie !
(Mme Beaudeau s'exclame de
nouveau.)
M. le président.
M. Peyronnet a seul la parole !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Plus précisément, quel est le coût des transports en Ile-de-France pour la
collectivité nationale ? Car ce ne sont pas uniquement les collectivités
locales de cette région qui financent ces transports ; la collectivité
nationale participe.
Quel est par ailleurs pour la sécurité sociale, pour la société, le coût qui
résulte des longs temps de transport : troubles de la santé, fatigue,
absentéisme plus élevé qu'en province ?
J'ai appris par la presse hier que le Gouvernement se préoccupait de
revaloriser les traitements des hauts fonctionnaires parce que, touchant à
Paris des primes plus élevées, ils refusent d'aller en province. Il est vrai
qu'à Paris le coût de la vie est exorbitant.
Je veux bien donner acte du fait que le « matraquage » avait un objectif
d'aménagement du territoire : éviter une concentration trop grande des
habitants, des activités et de la richesse à Paris et en région parisienne.
M. Raymond Courrière.
Cela a été un échec !
M. Jean-Claude Peyronnet.
C'est un échec patent. Nous ne pouvons qu'en prendre acte. Malgré tout, nous
sommes un certain nombre sur ces travées à souhaiter vivement que soit mis en
place un surprélèvement, une surtaxation correspondant à une richesse de
fait.
Je comprends toutefois que cela augmente les difficultés de gestion de
certaines collectivités, monsieur Fourcade. J'ai pourtant bien noté la
modération de vos propos : vous ne rejetez pas, sur le principe, le fait qu'il
puisse y avoir une péréquation.
J'attends la rectification statistique qui viendra dans un an, deux ans, trois
ans. Je suis persuadé que la région parisienne a, pour la collectivité
nationale, pour ses habitants, un coût exorbitant, et que l'aménagement du
territoire, au sens où on l'entendait autrefois, c'est-à-dire dicté par le
souci de rééquilibrer l'activité à travers notre territoire, est mort, ce qui
est une mauvaise chose.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Paul Girod.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Nous sommes dans une situation complexe, parce que plusieurs débats se
déroulent en même temps : le débat région parisienne-province, le débat interne
à la région parisienne, le débat sur une taxe professionnelle sur laquelle on
fait reposer toute une série de dispositifs alors que, dans le même temps, on
vide cette taxe d'un tiers de son contenu.
Tout cela est un peu compliqué, c'est le moins que l'on puisse dire ; quant au
débat sur l'article 57 et sur l'amendement de suppression de l'article, il
n'est guère plus simple.
J'étais, en 1991, à la place de M. Mercier. Je rapportais au fond - c'était
plus facile - un texte financier prévoyant un prélèvement sur la région
d'Ile-de-France.
Nous venons d'entendre la présentation par la commission des finances saisie
pour avis d'un amendement qui est le sien. Mais nous n'avons jamais eu
l'opinion de la commission saisie au fond sur l'ensemble des amendements
portant sur l'article 57.
(M. Hoeffel, rapporteur, proteste.)
Le président de la commission des lois s'est exprimé, mais pas le rapporteur !
Je n'ai pas entendu M. Hoeffel s'exprimer ni sur cet amendement n° 265 rectifié
bis
, ni sur les autres d'ailleurs. Par conséquent, nous sommes dans une
situation juridiquement, techniquement complexe.
A titre personnel, je crois que voter l'amendement de suppression serait une
erreur de fond pour le Sénat et les thèses qu'il défend dans cette affaire.
Tout à l'heure M. Fourcade l'a très bien expliqué en disant : attention ! Nous
sommes dans un débat d'urgence.
C'était également le cas en 1991. Or partir d'une situation de rejet sur un
tel sujet n'est probablement pas la meilleure base de départ pour arriver à
faire passer les arguments du Sénat.
Quels sont ces arguments du Sénat, plus précisément, ceux de la commission des
finances du Sénat ?
Tout d'abord, il convient de ne pas fixer de référence à des critères
nationaux pour déterminer des solidarités internes à la région parisienne. La
commission des finances a raison sur ce point.
Mais, pour l'instant, pour la détermination du seuil de basculement, ce sont
encore les critères nationaux qui figurent dans le texte de l'Assemblée
nationale ; et cela m'étonnerait que l'Assemblée nationale lâche sur ce point,
surtout en l'absence d'un texte du Sénat prévoyant des critères régionaux dans
le système de déclenchement de la contribution des collectivités de la région
parisienne. Priver la commission mixte paritaire de cet argument-là serait une
erreur.
De la même manière, je ne crois pas qu'il soit prudent, compte tenu de
l'évolution des choses, entre l'ensemble de la France et la région parisienne,
de démarrer sur la négation du fait que les distorsions internes à la région
parisienne ne se sont pas atténuées depuis quelques années.
C'est la raison pour laquelle, en 1991, lorsqu'un texte venant de l'Assemblée
nationale, qui était maximaliste, inacceptable, pour les communes de la région
parisienne, je le comprenais fort bien, est arrivé sur le bureau du Sénat, je
suis allé voir les élus de la région parisienne et je leur ai dit : « Je ne
peux pas soutenir en conscience devant la commission des finances puis,
éventuellement, devant le Sénat, une suppression pure et simple du fonds de
solidarité de la région d'Ile-de-France. Mettons-nous ensemble d'accord sur un
mécanisme infiniment moins effroyable que celui qui est prévu par l'Assemblée
nationale et essayons de le faire adopter. » C'est ce qui s'est passé.
Je ne crois donc pas que nier le problème soit la meilleure solution pour que
des arguments de raison puissent être opposés à des arguments maximalistes qui
ont été défendus par le Gouvernement et par l'Assemblée nationale.
Je ne voterai pas l'amendement de suppression. Je souhaite que ce soit
l'amendement de la commission des finances qui vienne en discussion et que l'on
puisse l'adopter pour disposer, en commission mixte paritaire, d'une base de
discussion.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Sans revenir sur le problème de fond qu'a évoqué à l'instant
notre collègue M. Paul Girod, je me dois de préciser un point de procédure.
D'abord, sur un plan général, je rappelle que tous les amendements sans
exception, qu'ils soient de nature institutionnelle ou financière, ont été
examinés par la commission des lois...
M. Paul Girod.
Cela, je le sais !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
... les amendements de nature fiscale et financière ayant par
ailleurs été également examinés par la commission des finances.
En début d'examen en séance publique de la partie financière de ce texte, j'ai
précisé que le rapporteur pour avis de la commission des finances présenterait
les amendements, ce qui ne veut pas dire que la commission des lois ne les ait
pas examinés.
M. Paul Girod.
Certes !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
En ce qui concerne l'article 57 plus particulièrement, la
commission des lois a déclaré que, dès lors que l'amendement n° 265 rectifié
bis
devait être adopté en séance plénière, les autres amendements
seraient évidemment sans objet.
Je souhaite qu'en aucun cas il ne soit retenu de cette discussion que la
commission des lois n'a pas fait son devoir ; elle a en effet examiné tous les
amendements, sans exception.
Je pense que tel n'était d'ailleurs pas l'esprit de l'intervention de M. Paul
Girod.
M. Paul Girod.
D'autant moins que j'ai participé à la discussion et que je n'ai jamais dit
cela !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Alors, nous sommes d'accord !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je voudrais que les choses soient
claires.
Il ne s'agit pas de supprimer la péréquation. Nous en sommes, en effet, déjà à
un prélèvement de 700 millions de francs, ce qui n'est tout de même pas
négligeable, d'autant qu'il est calculé en fonction de critères hasardeux.
Nous sommes en train de succomber sous le poids d'une fiscalité qui, de tous
côtés, écrase les collectivités locales, directement ou indirectement.
Puisqu'on a évoqué les expériences personnelles, je peux dire, par exemple,
m'exprimant sous le contrôle d'un de mes collègues de Seine-et-Marne, que l'«
intelligente » taxe sur les bureaux a fait disparaître du département de
Seine-et-Marne trois projets d'entreprises de logistique qui sont parties
s'installer ailleurs.
M. Raymond Courrière.
Elles ne seront pas plus mal !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Peut-être ! Mais ce n'est pas l'avis
des Seine-et-Marnais.
M. Raymond Courrière.
Concentrer toutes les activités au même endroit, ce n'est pas bien !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Bien sûr que non ! Mais ce n'est pas
non plus obligatoirement l'avis des habitants d'un autre département
méditerranéen que le vôtre !
En l'occurrence, il s'agit non pas...
M. Raymond Courrière.
C'est le système du toujours plus !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... de refuser la péréquation, mais
d'instituer un nouveau prélèvement, qui représente 50 % du prélèvement
actuel.
Ce mécanisme me paraît révélateur de l'insuffisance de notre réflexion par
rapport aux incidences économiques - qui peuvent être extrêmement préoccupantes
- des dispositions fiscales que nous votons.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Comme en commission des lois, je ne voterai pas l'amendement de notre collègue
M. Braye pour trois raisons. Et je précise d'emblée que, d'une façon générale,
j'adhère tout à fait au raisonnement de MM. Girod et Fourcade.
La première raison est qu'il s'agit d'une péréquation interne à la région
parisienne, laquelle a toujours connu des régimes spécifiques de péréquation.
Le mécanisme de péréquation de la taxe locale est même le premier mécanisme à
avoir été créé. Avant 1968, il existait un mécanisme national auquel s'est
superposé un mécanisme spécifique à la région parisienne, qu'on n'appelait pas
encore Ile-de-France...
La deuxième raison est non pas juridique mais économique. En province, nous
avons un écrêtement des établissements exceptionnels - il ne s'agit pas, il est
vrai, des communes - dès lors que les bases sont supérieures à deux fois et
demie la moyenne nationale. Or, ce système de péréquation, qui existe en
province, n'existe pratiquement pas dans la région parisienne, parce qu'il
s'agit de grandes communes.
J'ai déjà donné l'exemple de la Seine-Maritime, où 300 millions de francs
proviennent du fonds départemental de péréquation. Dans l'Ille-et-Vilaine, il
s'agit de 150 millions de francs. Et je ne vois pas ce qu'il y aurait
d'anormal, étant donné que les structures démographiques et les structures
économiques sont différentes selon les communes, à ce qu'il y ait une
péréquation de 700 millions de francs, voire de 1 milliard de francs, dans la
région parisienne.
Il est toutefois délicat d'adapter ces mécanismes qui fonctionnent en province
à une région qui, comme le soulignait M. le président de la commission des
lois, a une très grande spécificité.
Ce deuxième argument me paraît très fort.
La troisième raison tient au fait que si le bât blesse en région parisienne,
c'est peut-être non pas à propos des mécanismes d'alimentation, sur lesquels je
suis d'accord, mais à propos des mécanismes d'utilisation du fonds.
Ne devrions-nous pas faire porter notre réflexion sur la façon dont ces
ressources - 700 millions de francs - portées à 1 milliard de francs sont
réparties entre les communes ?
Si je poursuis ma comparaison avec les fonds départementaux de péréquation,
nous constatons que, en province, nous parvenons très bien à nous mettre
d'accord sur des mécanismes de péréquation. Plus que sur les mécanismes
d'alimentation donc, même s'ils me paraissent sans aucun doute devoir être
améliorés, c'est sur les mécanismes d'utilisation qu'il faudrait faire porter
l'effort.
Les propositions de la commission des finances me paraissent tout à fait
dignes d'intérêt, mais la péréquation mérite, en Ile-de-France comme en
province, d'être développée.
M. Dominique Braye.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
J'ai entendu les arguments qui ont été développés par nos différents collègues
et j'avoue avoir été quelque peu troublé par ce qui a été dit. Mais mon
collègue Jean-Patrick Courtois va vous faire une demande, monsieur le
président.
M. Jean-Patrick Courtois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois.
J'ai écouté les interventions des deux rapporteurs, de M. le ministre et,
surtout, de M. Fourcade. Il s'agit d'un problème spécifique à la région
d'Ile-de-France et il n'est nullement question d'instaurer une cotisation
supplémentaire sur l'Ile-de-France au profit de la province.
Afin d'arrêter une position commune sur la façon de régler ce problème dans
l'intérêt général, je souhaite, monsieur le président, une suspension de séance
de quelques instants.
M. le président.
Avant d'accéder à votre demande, monsieur Courtois, nous allons d'abord en
terminer avec les explications de vote sur cet amendement n° 265 rectifié
bis
.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Je regrette que la discussion se réduise à un débat Paris - province ; ce
n'est pas l'objet de cette mesure. Il s'agit d'un problème interne à
l'Ile-de-France et, comme vient de le dire M. Courtois, il faut garder à
l'esprit cette dimension.
Je tiens à formuler deux observations.
Si le Gouvernement avait accepté de ne pas utiliser la procédure d'urgence
pour ce texte, il est évident que l'amendement de suppression de M. Braye
permettait d'examiner le problème et de connaître la réaction de la Haute
assemblée. Mais compte tenu de la procédure d'urgence, il ne me paraît pas
judicieux, comme l'a dit Paul Girod, d'arriver en commission mixte paritaire
sans un texte adopté par le Sénat sur l'article 57. C'est la raison pour
laquelle je suis opposé à l'amendement de M. Braye, et je me rallie à la
position de la commission des finances qui me paraît raisonnable.
La commission des finances a déposé deux amendements.
M. le ministre a fait une petite proposition de compromis sur le premier. Nous
en discuterons tout à l'heure si l'amendement de M. Braye n'est pas adopté ; il
est inutile d'en parler avant.
S'agissant du second, je voudrais insister sur le problème de l'opacité du
prélèvement.
Tous les maires des trente, quarante ou cinquante collectivités concernées
auraient préféré que la péréquation se fasse sur la DGF plutôt que sur la
fiscalité. En effet, la péréquation sur la DGF est normale, parfaitement claire
et tient compte des capacités contributives. En revanche, un prélèvement
occulte sur des ressources fiscales encaissées par une commune n'est pas
convenable. C'est la raison pour laquelle, à tout le moins, je soutiendrai le
second amendement de la commission des finances - comme celui de M. Braye
d'ailleurs, puisque c'est un amendement commun - qui prévoit que les
contribuables doivent être informés de ce prélèvement.
Mais j'insiste sur le fait que, à partir du moment où le choix effectué est
clair, c'est une opération interne aux communes d'Ile-de-France.
En outre, il s'agit d'une augmentation du fonds de solidarité. Je reprends
l'argumentation excellente de M. Fréville : le problème du fonds de solidarité
réside moins dans son alimentation que dans son utilisation, et l'aspect
automatique de l'utilisation de ce fonds est certainement une question sur
laquelle il faudra revenir.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
J'ai indiqué, en intervenant sur l'article 57, les raisons pour lesquelles
nous sommes contre l'amendement de nos collègues du RPR. Si je prends à nouveau
la parole en cet instant, c'est parce qu'il s'agit d'une question interne à
l'Ile-de-France et que je ne vois donc pas pourquoi nos collègues socialistes
veulent opposer une région à une autre.
La question posée est celle de l'utilisation du FSCRIF, utilisation sur
laquelle je reviendrai en défendant l'amendement n° 383 rectifié visant à
introduire un article additionnel après l'article 57.
Je voudrais dire à nos collègues socialistes qu'il serait dangereux de
considérer l'amendement de M. Braye comme un amendement modéré. Je le
qualifierai, moi, de scandaleux !
Je le répète, il ne faut absolument pas opposer les régions entre elles,
d'autant que leurs élus ici présents se heurtent aux mêmes problèmes, qu'il
s'agisse d'emploi, de logement, de transports...
Il serait également dangereux d'instaurer un péage sur les autoroutes de la
région d'Ile-de-France.
Depuis des années, nous sommes un grand nombre d'élus à lutter contre des
infrastructures qui pourraient être soumises à péage et qui, de ce fait,
imposeraient aux automobilistes qui circulent matin et soir en région
d'Ile-de-France pour se rendre à leur travail d'acquitter un péage.
Je vous rappelle qu'après les élections en Ile-de-France une nouvelle majorité
s'est créée et s'est opposée, pendant la campagne électorale, à l'instauration
de péage sur les autoroutes. Je pense qu'il serait par conséquent dangereux que
nous nous aventurions sur ce terrain.
M. le président.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à douze heures
vingt.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif au renforcement et à
la simplification de la coopération intercommunale.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 265 rectifié
bis.
M. Dominique Braye.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
Je voudrais revenir sur les motivations qui m'ont poussé à déposer cet
amendement.
Je répète que je ne suis pas du tout opposé à la péréquation entre communes
riches et communes pauvres d'Ile-de-France. En revanche, cette péréquation a
été décidée après une concertation plus que limitée - puisque l'on nous a dit
que concertation il y avait eu - avec les élus intéressés.
Par ailleurs, si l'on doit mettre en place une péréquation ou des mécanismes
de solidarité, je crois que cela doit se faire à l'échelon de l'ensemble de
notre pays et non pas à celui de l'Ile-de-France. Ce sont les disparités
constatées à l'échelon de l'ensemble du territoire qu'il nous faut essayer de
gommer.
Après la suspension de séance et la concertation qu'elle a permise, je
voudrais dire après, comme M. Fourcade, combien je regrette que l'urgence ait
été déclarée sur ce texte car, si tel n'avait pas été le cas, nous aurions pu
trouver à ce problème une bien meilleure solution que celle que nous allons
adopter. Il n'empêche qu'il nous faut maintenant adopter la moins mauvaise
solution. Par conséquent, je retire l'amendement n° 265 rectifié
bis
et
me rallie à l'amendement n° 197 de la commission des finances.
M. le président.
L'amendement n° 265 rectifié
bis
est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 197.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Pour répondre à la question que vous m'aviez posée
tout à l'heure, monsieur le président, j'indique que je n'entends pas modifier
la rédaction de cet amendement n° 197.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 197, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des finances sur l'amendement n° 266 rectifié
bis
?
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
L'amendement n° 266 rectifié
bis
prévoit que
le prélèvement opéré n'est pas applicable aux communes membres d'un
établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Je crois
pouvoir dire à M. Braye que cet amendement est satisfait par le texte même du
projet de loi puisque, dès lors que les bases ne sont plus communales mais
intercommunales, la possibilité d'opérer un prélèvement sur ces communes qui
sont membres d'un groupement à taxe professionnelle unique n'existe plus.
Si le Gouvernement avait une lecture de cet amendement différente, je serais
en revanche, à titre personnel et au nom de la commission des finances - je
pense pouvoir dire également au nom de la commission des lois quoi qu'elle ne
se soit pas prononcée -, favorable à l'amendement de M. Braye.
Je souhaite donc entendre le Gouvernement pour que, dans ce domaine très
technique, les choix soient bien clairs et que nous sachions parfaitement sur
quoi nous allons nous prononcer.
M. Dominique Braye.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
Je voudrais dire à M. le rapporteur pour avis que mon amendement va plus loin
que ce qu'il énonce en ce qu'il exempte les communes de tous les EPCI à
fiscalité propre et pas seulement celles des EPCI à taxe professionnelle
unique.
M. le ministre a dit tout à l'heure que la multiplication des prélèvements
n'allaient pas à l'encontre du développement de la coopération intercommunale.
Je m'inscris en faux contre cette assertion. Cela va manifestement à l'encontre
du développement de l'intercommunalité. Je le vis dans la structure que je
préside, où l'esprit de solidarité est excessivement vivant mais où, comme
ailleurs, la solidarité a ses limites.
Pour l'instant, au sein de cette structure, une petite commune de 2 600
habitants verse 1,4 million de francs au titre du premier prélèvement. Si le
texte qui nous vient de l'Assemblée nationale était adopté, elle paierait sept
fois et demie plus, c'est-à-dire plus de dix millions de francs. Vous imaginez
bien que cette commune, qui est déjà le principal pourvoyeur de recettes de
notre établissement de coopération intercommunale, n'en peut plus !
La solidarité, oui, mais avec certaines limites ! J'ai donc déposé cet
amendement afin que les communes qui jouent déjà très fortement la solidarité
au sein d'un territoire puissent être exemptées de ce deuxième prélèvement.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Il n'y a pas de « oui, mais... », monsieur
Braye, comme aurait dit le général de Gaulle ! « La solidarité, oui, mais... »,
non ! S'il y a mutualisation volontaire à travers la TPU, il n'y a plus de
prélèvement péréquateur, mais il faut la TPU, parce que créer un établissement
public de coopération intercommunale à fiscalité propre ne suffit pas. Je suis
donc favorable à l'exemption des communes qui auront créé un établissement
public de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique, mais on ne
peut pas aller au-delà, vous le comprendrez aisément.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Je maintiens la position dont j'ai tracé l'esquisse
tout à l'heure.
Monsieur le ministre, la justification de la création de la deuxième part du
fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France en recettes - vous l'avez
vous-même indiqué - se trouve dans le développement modéré ou trop modéré de la
coopération intercommunale en Ile-de-France.
On peut vous suivre sur ce raisonnement mais, dès lors qu'un pas est déjà
fait, c'est-à-dire qu'un groupement accepte d'avoir une fiscalité propre, il
faut l'encourager. Je suis donc favorable à la démarche de M. Braye.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 266 rectifié
bis
, accepté par la
commission des finances et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 267 rectifié
bis
n'a plus d'objet.
Quel est l'avis de la commission des finances sur l'amendement n° 268 rectifié
bis
?
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
La commission a déposé un amendement très voisin,
qu'elle a le tort de juger meilleur que celui de M. Braye.
M. le président.
Monsieur Braye, maintenez-vous votre amendement ?
M. Dominique Braye.
Puisque je suis l'auteur de cet amendement, il est nécessairement moins bien
rédigé que celui de la commission ; je le retire donc au profit de ce
dernier.
M. le président.
L'amendement n° 268 rectifié
bis
est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 198, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 57, modifié.
(L'article 57 est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quinze heures, sous
la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
4
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
SUR LA SITUATION AU KOSOVO
M. le président.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
La conférence des présidents a décidé, sur mon initiative, de consacrer cette
partie de la séance aux événements graves qui se déroulent dans les Balkans.
Monsieur le Premier ministre, lors de notre séance exceptionnelle du jeudi 15
avril, vous nous avez fourni des informations sur les efforts militaires,
humanitaires et diplomatiques de la France au Kosovo.
Une nouvelle fois, vous avez bien voulu venir devant le Sénat pour faire le
point sur les plus récents développements de cette crise. Ainsi, vous répondez
au voeu exprimé à l'unanimité par le Sénat, qui souhaite être informé sur
l'évolution des événements dans cette région.
Au nom de tous nos collègues, je tiens à vous en remercier.
Je rappelle que les modalités de cette séance exceptionnelle de questions sont
celles que nous avions appliquées lors de la séance du 15 avril dernier :
chaque auteur de questions dispose d'un temps de parole de cinq minutes au
maximum ; M. le Premier ministre répondra ensuite à l'ensemble des orateurs.
La parole est à M. Weber, pour le groupe socialiste.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Henri Weber.
Monsieur le Premier ministre, je voudrais tout d'abord vous dire, moi aussi,
notre satisfaction de vous retrouver au Sénat pour faire le point, une nouvelle
fois, sur l'évolution de la situation en Yougoslavie et sur les réponses que
notre pays doit y apporter. Le débat est légitime et nécessaire. Il est aussi
utile à la compréhension, et donc à l'efficacité de l'action engagée.
Nous approuvons la ligne de conduite que votre gouvernement et le Président de
la République ont définie face à la crise du Kosovo.
Votre gouvernement a eu raison de s'opposer à la politique d'épuration
ethnique de Slobodan Milosevic, d'abord par l'action diplomatique, puis par la
force armée, lorsqu'il est apparu que toutes les ressources de la négociation
étaient épuisées.
Il fallait donc un coup d'arrêt à l'ultranationalisme xénophobe, raciste,
belliciste qui ensanglante la Yougoslavie depuis dix ans, et cela, il fallait
le faire pour des raisons non seulement morales, mais aussi politiques. Il y a
d'autres Milosevic qui sommeillent et qui attendent leur heure, à qui il faut
montrer que l'exploitation des passions nationalistes pour conquérir et
conserver le pouvoir ne paie plus.
Votre gouvernement a eu raison de n'épargner aucun effort pour réintroduire la
Russie dans le jeu diplomatique et l'encourager à tenir le rôle très actif qui
est aujourd'hui le sien. Il n'y aura pas de retour à une paix juste et durable
dans la région sans le concours de la Russie. Les partisans d'une intervention
terrestre en Yougoslavie devraient davantage tenir compte de cette réalité.
Votre gouvernement a eu raison, conjointement avec le Président de la
République, de faire reconnaître la primauté de l'ONU dans le règlement de la
crise. C'est l'ONU, et non l'OTAN, qui représente la communauté des nations.
C'est en elle que réside la seule source de légitimité.
Votre gouvernement a eu raison d'expliquer aux Français qu'il n'y a pas de
guerre éclair possible quand on se soucie d'épargner au maximum la population
civile. Même si, par l'obstination de Milosevic, la guerre est plus longue que
beaucoup ne l'avaient prévu, il faudra persévérer, avec ténacité et
détermination, jusqu'à ce que le gouvernement serbe accepte les cinq conditions
formulées par M. Kofi Annan.
Slobodan Milosevic espérait diviser les pays de l'Union européenne, dresser
leur opinion publique contre l'intervention militaire, entraîner la Russie à
ses côtés. Sur ces trois points, il a échoué. La Serbie de Milosevic est
isolée. Elle est privée de toute perspective, hormis celle de devoir tenir
envers et contre tout ; mais pendant combien de temps ?
Le temps, précisément, travaille désormais contre le dictateur de Belgrade.
Plus nombreux qu'on ne le croit sont les dirigeants serbes qui se rendent
compte aujourd'hui que leur pays est engagé dans un bras de fer sans espoir et
qu'il n'y a d'autre issue que de revenir à la table de négociation.
Monsieur le Premier ministre, vous vous rendez samedi prochain en Albanie et
en Macédoine. Quelle aide pouvons-nous apporter à ces pays, ainsi qu'au
Monténégro, qui ploient aujourd'hui sous un flux incessant de déportés ?
La déstabilisation de ces pays est sans doute, désormais, le dernier atout de
Milosevic. Que pouvons-nous faire pour les conforter ?
Qu'entendez-vous proposer, plus largement, puisque le conflit est appelé à
durer, pour assurer aux 800 000 Kosovars qui souhaitent rester sur place des
conditions d'hébergement et d'existence décentes ?
Que comptez-vous faire, enfin, pour venir en aide aux déportés de l'intérieur,
ces populations errantes, soumises aux exactions des milices serbes et menacées
par la famine ?
Ce conflit a montré à tous combien il est nécessaire de doter enfin l'Europe
d'une défense et d'une diplomatie communes. Selon quelles modalités ? Un débat
approfondi, au Parlement, sur ces questions serait, me semble-t-il, le
bienvenu.
Monsieur le Premier ministre, nous savons qu'il n'y a pas de guerre propre
mais nous croyons qu'il y a des guerres justes et que celle que nous menons
aujourd'hui avec nos alliés, en Yougoslavie est clairement de celles-là.
C'est une guerre des démocraties contre le nationalisme ethnique,...
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Henri Weber.
... ce nationalisme d'exclusion, fondé sur la haine des autres plutôt que sur
l'amour des siens, et qui s'annonce comme l'un des grands fléaux du siècle
prochain.
Dans ce combat, monsieur le Premier ministre, soyez assuré de notre soutien
total.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - MM. Hamel et Machet
applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à M. Vinçon, pour le groupe du RPR.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.).
M. Serge Vinçon.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres,
mes chers collègues, vous me permettrez de renouveler solennellement notre
soutien à tous nos soldats, nos marins et nos aviateurs engagés au Kosovo.
Nous savons combien leur mission, qu'elle soit militaire ou humanitaire, est
difficile, pénible, éprouvante, d'une durée incertaine, mais nous savons aussi
qu'ils s'en acquittent tous avec beaucoup de courage et de dignité.
Parce que notre engagement est celui de la défense et de la protection des
droits de l'homme et de notre conception de la démocratie, c'est l'honneur de
la France que d'être présente au Kosovo.
L'élan de générosité que l'on a vu se développer en France montre bien que les
Français ont compris à quel point il y avait là un cause juste, qui devait être
défendue.
Aussi, nous devons poursuivre notre stratégie militaire et diplomatique à
l'encontre du gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie, afin que
notre détermination aboutisse à l'acceptation totale et sans condition par le
président Milosevic des cinq points de l'accord de paix proposés par l'OTAN. En
effet, nul ne peut accepter les exactions perpétrées à l'instigation d'un chef
d'Etat survivant d'une époque révolue ni la tragédie humaine qui en résulte.
De cette crise au Kosovo, nous devons tirer des enseignements.
Nous pouvons nous féliciter de la solidarité des quinze pays de l'Union, qui
laisse augurer leur volonté de mettre en oeuvre, de fait, une véritable
politique de défense, laquelle impliquerait un renseignement, une
communication, une chaîne de commandement, une force d'action ainsi que la
constitution d'une entité autonome, fût-elle membre à part entière de
l'OTAN.
Le Président de la République l'a bien précisé : « Il est indispensable que
l'Union européenne joue tout son rôle dans le règlement politique d'une crise
qui se déroule à nos portes. Pour la première fois, l'Union européenne est
prête à assumer ses responsabilités dans le règlement d'une crise majeure. On a
trop reproché à l'Europe sa faiblesse dans ce domaine pour ne pas saluer cette
détermination nouvelle. »
D'autre part, la France ne peut que se féliciter des résultats du sommet de
l'OTAN, qui déclinent la définition d'un nouveau concept stratégique, faisant
référence, comme le souhaitait notre pays, au respect des prérogatives de l'ONU
et, plus précisément, du Conseil de sécurité.
Cette évolution positive, nous la devons au Président de la République et à la
diplomatie française.
Alors que beaucoup se posaient la question du rôle et de la pérennité de
l'OTAN, celle-ci a su, au sommet de Washington, se donner un « cadre de
fonctionnement » qui l'aidera à affronter les défis du nouveau siècle.
Nos préoccupations, monsieur le Premier ministre, s'articulent en trois
volets.
Sur le plan diplomatique, selon les renseignements dont vous disposez, quelles
sont les chances de réussite des missions de M. Tchernomyrdine, au nom de
l'indispensable Russie, pour tenter une conciliation entre l'OTAN et Milosevic
et arriver à un accord de paix ?
Par ailleurs, quel est le degré d'avancement des propositions françaises quant
à un règlement du conflit sous l'égide de l'Union européenne avec le
déploiement sur place d'une force de l'ONU ?
Sur le plan politique, que devons-nous penser du limogeage de M. Draskivic ?
Quelle crédibilité peut-on lui accorder et dans quelle mesure celui-ci peut-il
encore influer sur l'opinion du peuple serbe ?
Les observateurs commentent l'embargo pétrolier qui a été décidé. Comment
pensez-vous que l'on puisse l'appliquer de la façon la plus efficace sans
mettre en difficulté les gouvernements voisins ?
A ce sujet, n'est-il pas urgent de mettre en oeuvre un plan de construction et
de soutien à l'Albanie et à la Macédoine, ce dernier pays étant
particulièrement éprouvé par l'arrivée massive des réfugiés ? Un tel plan est
indispensable pour éviter l'implosion de la Macédoine.
Sur le plan militaire, enfin, nous savons que les Etats-Unis viennent de
rappeler 33 000 réservistes. Cette décision américaine pourrait-elle influencer
ou inspirer les autres pays engagés dans le conflit du Kosovo et est-elle le
signe d'une évolution du type de notre intervention ?
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Collin.
(Applaudissements sur les travées du
RDSE.)
M. Yvon Collin.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres,
mes chers collègues, après plus d'un mois de frappes aériennes, l'issue du
conflit au Kosovo apparaît, hélas ! toujours incertaine. Milosevic démontre à
l'évidence une capacité de résistance que les forces de l'OTAN ont peut-être
sous-estimée.
La stratégie du « tout aérien » ne constitue pas pour autant un échec même si
elle inscrit la crise dans la durée. Un grand nombre de points stratégiques ont
été détruits avec des dégâts collatéraux, certes regrettables, mais finalement
inévitables par rapport aux 5 000 frappes effectuées dans le cadre des 11 000
sorties d'avions.
Par ailleurs, sur le plan de la politique interne à la Serbie, le limogeage du
vice-premier ministre, Vuk Draskovic, apporte peut-être les premiers signes de
fracture du régime de Milosevic. Certes, si la prudence s'impose - tant la
manipulation est une arme souvent utilisée par les idéologies extrémistes -
cette nouvelle porte néanmoins un coup à la cohésion du nationalisme serbe.
Elle laisse même entrevoir une possibilité d'opposition interne face à
l'entêtement de Milosevic.
En manipulant l'information, ce dernier avait réussi à l'évidence à faire
taire les divergences. Or, il serait erroné de croire que l'opposition n'existe
plus. Ces deux dernières années, elle avait été d'ailleurs particulièrement
active, jusqu'à pouvoir mettre Milosevic en difficulté, à tel point qu'on peut
d'ailleurs se demander si celui-ci n'a pas justement saisi la cause nationale
du Kosovo pour fédérer les Serbes. Entraînée malgré elle dans l'aventure
nationale-ethnique, l'opposition est peut-être aujourd'hui - on peut le
souhaiter - en phase de réveil.
En attendant, l'incertitude qui entoure cette information nous interdit de
compter sur l'éclatement du régime.
La stratégie à poursuivre demeure donc la même. Après la réunion de
Washington, l'Alliance a décidé de continuer et même d'intensifier la campagne
de bombardements aériens sur la Yougoslavie. L'éventualité d'une action au sol
qui suscite, à juste titre sans doute, beaucoup de commentaires semble être
actuellement écartée. Bill Clinton l'a répété. Vous-même, monsieur le Premier
ministre, l'avez rappelé ici même voilà quinze jours et plus récemment de
concert avec le Président de la République.
Je voudrais d'ailleurs souligner combien le consensus qui règne sur ce sujet
dans notre pays nous apporte un immense crédit sur le plan international. Comme
vous le savez, monsieur le Premier ministre, la cohabitation connaît, par
définition, des moments difficiles, mais il est rassurant de constater que,
lorsqu'il s'agit des intérêts supérieurs de la France, le Premier ministre et
le Président de la République savent parler d'une même voix. Ce fait mérite
d'autant plus d'être souligné que ce n'est pas toujours le cas dans les autres
pays de l'Alliance.
Je voudrais maintenant préciser ma question. Depuis quelques jours, la Russie
est davantage entrée dans le jeu diplomatique. Je m'en réjouis pour ma part et
je crois, mes chers collègues, que cette orientation doit à l'évidence être
approfondie. Il faut le dire, le choix d'écarter pour le moment l'hypothèse
d'une intervention au sol est motivé non seulement par la peur d'un risque
d'enlisement sur le terrain, mais aussi par le fait que l'Alliance peut
difficilement prévoir la réaction de la Russie en cas d'engagement
terrestre.
Qu'on le veuille ou non, la Russie est donc un partenaire incontournable. Elle
exerce une influence particulière dans la région et auprès de Belgrade, même si
les premières démarches effectuées par M. Primakov, et plus récemment encore
par M. Tchernomyrdine, ont donné peu de résultats.
Par ailleurs, négliger la Russie pourrait raviver la solidarité slave et
orthodoxe et alimenter un panslavisme propice à l'exacerbation des forces
nationalistes et populistes à Moscou. Les élections de 1995 à la Douma et le
premier tour de l'élection présidentielle de 1996 avaient déjà mis en évidence
le retour en force des nationalistes.
La Russie connaîtra dans les prochains mois deux scrutins essentiels. La
gestion de la crise du Kosovo pourrait donner matière aux campagnes
législatives et présidentielles russes.
Nous nous battons actuellement, monsieur le Premier ministre, pour la
stabilité des Balkans. Dans une perspective plus large et plus lointaine, nous
devons également oeuvrer dans la mesure du possible pour que soient favorisés
les tenants des valeurs démocratiques en Russie. Cette fois-ci, c'est une
question de stabilité mondiale.
Monsieur le Premier ministre, je souhaiterais avoir votre avis sur la
signification que vous donnez au limogeage de Vuk Draskovic et connaître les
premiers résultats des initiatives engagées avec la diplomatie russe ces
derniers jours.
Je souhaite également exprimer, à mon tour, ma solidarité et mon soutien au
Gouvernement et avoir une pensée affectueuse pour tous nos compatriotes engagés
dans ce conflit.
(Applaudissements sur les travées du RDSE et sur les
travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Renar, au nom du groupe communiste républicain et
citoyen.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres,
mes chers collègues, la guerre s'est installée en Europe. Nous voici entrés
dans la sixième semaine du conflit qui oppose l'Alliance atlantique et la
République fédérale de Yougoslavie.
Je tiens d'entrée à souligner que j'ai lu avec le plus vif intérêt les propos
que vous avez tenus l'autre jour à l'Assemblée nationale, monsieur le Premier
ministre, et que j'ai noté un encouragement, des points d'appui forts pour tous
ceux, dont vous êtes, qui recherchent un retour à la paix, à une paix durable
dans cette région des Balkans ravagée par l'histoire, par les guerres.
Le martyre du Kosovo est insupportable. La violence et la terreur subies par
les Kosovars ne semblent plus avoir de limite. Je le dis et je le répète pour
que les choses soient claires : Milosevic et les ultranationalistes qui
l'entourent portent la responsabilité de cette tragédie et de cette
barbarie.
M. Emmanuel Hamel.
C'est bien de le dire !
M. Ivan Renar.
Dès les premières heures des bombardements, nous avons posé la question : « Et
maintenant, après ces premiers bombardements, comment retrouver le chemin qui
mène à la paix ? » Nous ajoutions : « Loin de soulager les souffrances de la
population, loin d'empêcher l'armée yougoslave de pousser la répression au
Kosovo, les bombardements de l'OTAN vont aggraver la situation. »
Un mois plus tard, les événements apportent une dramatique justification à
cette analyse.
Notre solidarité va à ces hommes, à ces femmes, à ces enfants, victimes des
exactions abominables de l'épuration ethnique ; elle va à tous les peuples de
la région, aux victimes des bombardements ; elle va à ces démocrates qui
résistent à Milosevic et s'opposent à la barbarie nationaliste.
Dans le même temps, il nous faut créer les conditions du retour chez elles de
ces centaines de milliers de familles aujourd'hui poussées à l'exode.
Il nous faut également empêcher l'embrasement de la région et tout faire pour
enrayer l'engrenage de la guerre.
Ma première question, monsieur le Premier ministre, porte sur l'aide
humanitaire indispensable aux réfugiés comme aux populations des pays
limitrophes. Des millions de nos concitoyens se sont mobilisés. Quels moyens
supplémentaires l'Etat compte-t-il dégager pour renforcer les dispositifs mis
en place par les collectivités territoriales et les associations humanitaires
et pour faire face aux milliers de demandes d'accueil encore en attente ?
Ma deuxième question, monsieur le Premier ministre, porte sur l'essentiel.
La difficulté à apprécier l'efficacité ou l'inefficacité des frappes aériennes
a fait ressortir les plans d'interventions terrestres, les tentations du
va-tout de certains alliés, la fuite en avant devenant une réponse tragique au
sentiment d'impuissance et d'échec devant une opération si mal engagée et
mettant en cause le
leadership
américain.
(Murmures sur les travées
du RPR.)
C'est pourquoi, monsieur le Premier ministre, vous comprendrez que nous
apprécions positivement, comme la majorité de notre peuple, le refus de
l'exécutif de voir la France s'engager dans des opérations terrestres.
Il faut agir vite et fort pour avancer vers une solution politique.
Nous approuvons les propos de M. Kofi Annan, qui a souligné hier qu'« une
solution durable au Kosovo ne pourra être gagnée sur le champ de bataille ».
Chacun pressent que chaque jour d'enlisement nous entraîne au bord du
précipice, c'est-à-dire vers la tentation de l'offensive terrestre. Il faut
mettre en avant d'autres solutions que le sang et les larmes.
Comment la France entend-elle, dans les heures et les jours qui viennent,
faire avancer l'idée du vote d'un plan de paix par le Conseil de sécurité de
l'ONU ? Vous avez indiqué à l'Assemblée nationale votre souci d'amener la
Russie à cette démarche.
Où en sommes-nous des contacts, de la prise en compte des propositions de la
Russie qui a été mise sur la touche par la décision de l'OTAN de frapper en
dehors de tout cadre légal ?
Comment appréciez-vous, enfin, les premières fissures provenant de la Serbie ?
Serez-vous prêt à saisir la moindre chance qui puisse permettre à la paix de
triompher ?
La France et l'Europe ont un rôle décisif dans le devenir de cette crise.
Vous savez, monsieur le Premier ministre, et je tiens à vous le réaffirmer
aujourd'hui, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, que tout acte,
tout geste, tout effort aussi minime soit-il des autorités françaises,
susceptible d'avancer vers une solution politique, recueillera notre soutien
plein et entier.
Un sénateur de l'Union centriste.
On attend !
M. Ivan Renar.
Je me souviens d'une époque où je participais à des colloques sur le thème «
guerre juste-guerre injuste ». Je préfère désormais parler, comme notre ami
Walter Veltroni, de « paix juste ».
Quelles seraient, selon vous, monsieur le Premier ministre, les conditions
d'une paix juste ?
En ces temps de barbarie ordinaire, où l'on a parfois l'impression de tâter
l'avenir avec une canne blanche, les peuples attendent beaucoup de la France,
et, effectivement, beaucoup dépend de notre pays et des Français, pour redonner
une chance à la paix, une paix juste et durable.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines
travées socialistes et du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Arthuis, au nom de l'Union centriste.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean Arthuis.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres,
mes chers collègues, la participation des forces françaises aux opérations en
Yougoslavie se poursuit. Je tiens à saluer de nouveau la détermination et le
courage des militaires qui s'y trouvent engagés. Les missions de
ravitaillement, de reconnaissance et de frappe au sol que conduit l'armée de
l'air française depuis plus d'un mois témoignent de la volonté de notre pays de
participer à l'action de l'OTAN afin de contraindre le régime de Belgrade à
reprendre les négociations.
Parallèlement, environ deux cents rotations aériennes à vocation humanitaire
ont permis de soulager, en partie, par ce pont aérien incessant, la détresse
des populations réfugiées dans les pays voisins de la République fédérale de
Yougoslavie. Enfin, les premières troupes françaises de la force de sécurité
ont commencé à s'installer en Albanie.
A ces opérations menées sous l'autorité du Président de la République par
votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, le groupe de l'Union
centriste réitère son soutien sans réserve, tant il est vrai qu'il s'agit, au
plus vite, de donner une solution diplomatique et politique à cette crise
dramatique qui meurtrit le Kosovo.
C'est la solution que nous attendons, mais c'est également la solution qui,
au-delà des frappes aériennes, doit associer la Russie à travers un rôle de
médiation, de négociation et de recherche de mesures concrètes qui ramèneront
la paix dans cette région des Balkans.
La Russie, par l'autorité morale qu'elle exerce sur les opinions balkaniques,
est sans doute à même de débloquer bien des situations. A cet égard,
pouvez-vous nous éclairer, monsieur le Premier ministre, sur le contenu de la
mission du secrétaire général des Nations unies, M. Kofi Annan, qui est
aujourd'hui à Moscou ?
Mais il est une autre question : quelles sont les conséquences d'un éventuel
embargo pétrolier, et donc d'un bouclage de l'Adriatique, sur l'implication de
la Russie ? Nul n'ignore que Moscou a d'ores et déjà fait savoir qu'il ne
reconnaîtrait pas les contraintes liées à cet éventuel blocus. Par ailleurs, la
Grèce ne paraît pas non plus favorable à cet embargo.
Les pays membres de l'OTAN engagés dans ces opérations, et plus encore les
pays d'Europe, souhaitent parvenir à une paix durable, impliquant
l'indispensable rétablissement des Kosovars sur leur territoire et dans leurs
droits. C'est la condition du retour de la stabilité dans l'ensemble des
Balkans.
Au carrefour du Proche-Orient, de l'Europe centrale et de l'Europe
méditerranéenne, la péninsule balkanique n'a que trop souffert de crises
politiques et de véritables déchirements régionaux aux conséquences
funestes.
Après avoir souligné le rôle de la Russie dans la recherche de la voie
diplomatique et politique, j'aborderai la place que pourraient prendre dans ce
dispositif les pays voisins de la Serbie, en particulier la Bulgarie et la
Roumanie.
Monsieur le Premier ministre, estimez-vous - c'est ma troisième question - que
ces pays pourraient être impliqués dans ce processus de recherche de paix ?
La stabilisation politique doit s'accompagner d'une reconstruction des
économies et d'une redécouverte de la croissance dans les pays des Balkans
éprouvés par une véritable régression sociale et économique. Les témoignages
des réfugiés kosovars - ils sont désormais plus d'un million - qui nous
parviennent chaque jour soulignent avec violence la nécessité d'assurer une
assistance humanitaire efficace, complète et durable. Ils nous appellent aussi,
au-delà de la générosité des peuples d'Europe et de l'aide financière des pays
de l'Union européenne, à bâtir un soutien sans faille au développement des
Balkans.
Nous vous serions reconnaissants, monsieur le Premier ministre, de confirmer
au Sénat la cohérence et l'ampleur des moyens que vous entendez, avec nos
partenaires européens, consacrer à cette cause.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Pelchat, au nom du groupe des Républicains et
Indépendants.
M. Michel Pelchat.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres,
mes chers collègues, voilà quelques jours, à Washington, les dix-neuf membres
de l'OTAN ont à nouveau confirmé leur détermination.
Le groupe des Républicains et Indépendants soutient lui aussi avec
détermination cette intervention, qu'il juge toujours légitime, mais, je tiens
à le rappeler, il a également souligné dès le début les limites de ces frappes
aériennes.
Les événements lui donnent d'ailleurs raison et montrent que les avions, et
même demain les hélicoptères, ne peuvent, à eux seuls déloger l'armée et les
milices de Belgrade ni, hélas ! mettre fin à l'épuration ethnique.
Aujourd'hui, certains se raccrochent encore à l'espoir que Slobodan Milosevic
pourrait fléchir. Je souhaiterais d'ailleurs savoir comment le Gouvernement
interprète l'optimisme affiché par Moscou, ainsi que les récentes déclarations
des responsables yougoslaves. Et que devons-nous penser du limogeage du
vice-Premier ministre Draskovic ?
Si le régime de Belgrade ne cède pas, nous serons obligés de nous poser à
nouveau la question d'une intervention terrestre, malgré tous les risques que
celle-ci comporte.
Au-delà de ces risques, une telle intervention ne sera pas envisageable sans
l'accord du Parlement, contrairement à ce qui s'est fait lors du déclenchement
des frappes aériennes. Le groupe des Républicains et Indépendants a pris acte
de l'engagement pris sur ce point par M. le Premier ministre devant l'Assemblée
nationale.
La campagne aérienne, qui dure maintenant depuis un mois, qualifiée au départ
de simple « crise », est désormais reconnue pour ce qu'elle est : une vraie
guerre, même si elle n'est pas déclarée.
Sur le plan diplomatique, l'ONU et la Russie ont pu paraître un temps isolées.
La situation s'est depuis largement améliorée sous l'impulsion de l'Union
européenne et, surtout, de la France. Nous nous en félicitons.
Sur le plan humanitaire, les gouvernements ont semblé, au début, dépassés par
l'ampleur de l'exode des réfugiés du Kosovo.
Après quelques jours de confusion, des moyens considérables ont été engagés
pour faire face à l'arrivée de dizaines de milliers puis de centaines de
milliers de personnes.
A cet égard, le groupe des Républicains et Indépendants tient, une fois de
plus, à saluer la grande générosité de nos compatriotes.
Mais nous considérons également qu'il faut tirer les conséquences de la
décision de l'OTAN de ne continuer que les frappes aériennes sans intervention
terrestre. C'est une stratégie qui ne peut en effet réussir que sur la
durée.
Aussi, à moins d'un événement heureux, la guerre va durer encore des semaines,
voire des mois.
Or cela change profondément la nature de l'aide humanitaire qu'il faut
prévoir. Elle doit désormais s'inscrire dans la durée, et non plus seulement
dans l'urgence.
De nouveaux réfugiés arriveront en Albanie, en Macédoine et au Monténégro, par
milliers. Pas plus que ceux qui y sont déjà, ils ne rentreront chez eux avant
longtemps. Il faut donc prévoir des hébergements de longue durée pour remplacer
les camps provisoires improvisés dans l'urgence.
De nouveaux besoins vont également apparaître dans le domaine médical. Il faut
donc aussi prévoir des hôpitaux de campagne et des infrastructures
sanitaires.
Enfin, il faut prendre au sérieux les problèmes économiques posés aux pays
riverains par l'arrivée massive de ces réfugiés.
Ces pays sont déjà très fragiles et nous devons veiller à ce que M. Milosevic
n'entraîne pas toute cette région, sinon dans la guerre, du moins dans la
ruine.
Le Gouvernement peut-il nous préciser quelles sont les mesures prises pour
anticiper ces nouvelles dimensions humanitaire et économique ? Je pense en
particulier au rôle confié à l'Union européenne et à la Banque mondiale pour
coordonner l'aide aux pays voisins du Kosovo.
Au-delà de ces aspects économiques et financiers, je souhaite saluer l'action
admirable des organisations humanitaires et de nos militaires, qui viennent en
aide aux réfugiés et acheminent sur place du matériel, dans des conditions
souvent très difficiles.
Je veux aussi, avec vous tous, rendre hommage à ces héros anonymes du Kosovo,
civils innocents, exécutés ou assassinés par les milices de Belgrade,
simplement pour avoir voulu sauver leur maison, empêcher un viol ou protéger
leur famille.
C'est pour eux, et non seulement pour la liberté et les droits de l'homme, que
nous n'avons pas le droit d'abandonner, que nous n'avons pas le droit de perdre
cette guerre. C'est pour eux, surtout, que nous devons rester déterminés
jusqu'à ce que le Kosovo dispose d'un statut d'autonomie qui reconnaisse les
droits et garantisse la sécurité de tous ses habitants.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Adnot, au nom de la réunion administrative des sénateurs ne
figurant sur la liste d'aucun groupe.
M. Philippe Adnot.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres,
mes chers collègues, les Français, dans une très large majorité, soutiennent
l'action que le Gouvernement, sous l'autorité du Président de la République, a
engagée au Kosovo dans le cadre de l'OTAN.
Comment pourrait-il en être autrement, alors que des informations alarmantes
nous sont communiquées sur les exactions commises par les milices et que
déferlent sous nos yeux les images désolantes des réfugiés kosovars ?
La question qui se pose aujourd'hui est la manière dont nous allons terminer
ce conflit. On nous dit que celui-ci risque d'être long, qu'il n'est pas
question de toucher à l'intégrité du territoire serbe et l'on a un peu le
sentiment que l'objectif est de vouloir revenir, sous couvert international, au
statut antérieur.
Je ne crois pas qu'avant un certain temps il nous soit possible de faire
cohabiter sans risques des peuples qui se sont affrontés avec une telle
violence. L'expérience nous montre que les régimes qui succèdent à ceux qui
sont combattus ne sont pas toujours meilleurs ; l'exemple des Talibans est, à
cet égard, édifiant.
Ne pensez-vous pas qu'il soit nécessaire, afin de mettre rapidement un terme
au conflit qui pourrait devenir une véritable catastrophe pour les deux
peuples, d'envisager une partition du Kosovo, les Kosovars disposant ainsi
d'une vraie indépendance, les Serbes conservant, quant à eux, le berceau de
leur nation, mais acceptant de perdre une partie de leur territoire ?
Je sais que cette proposition n'est pas à l'ordre du jour, qu'elle est taboue
et que son application ne serait certainement pas facile à mettre en oeuvre.
Mais,
a contrario
, sauf à vouloir rayer de la carte la totalité de la
Serbie, je ne crois pas que le dispositif actuel soit en mesure de mettre un
terme à une guerre qui fait souffrir des centaines de milliers d'innocents.
Monsieur le Premier ministre, vous avez, ainsi que M. le Président de la
République, notre soutien, mais il me paraît urgent, si nous ne voulons pas que
l'irréparable continue de s'accomplir, que la France sache prendre des
initiatives, même dérangeantes, pour accélérer le processus de paix.
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, le Président de la République, depuis le début de cette crise, a eu
l'occasion de s'adresser à plusieurs reprises au pays. Comme chef du
Gouvernement et dans la responsabilité qui est la mienne, j'ai eu davantage la
mission de m'exprimer devant la représentation nationale, devant le
Parlement.
Le ministre des affaires étrangères et le ministre de la défense ont été
assidus à vos commissions pour répondre à vos questions. Moi-même, à plusieurs
reprises, accompagné du chef d'état-major des armées, j'ai été amené à donner
aux présidents des groupes et aux présidents de la commission de la défense
nationale et de la commission des affaires étrangères à l'Assemblée nationale
et de votre commission commune au Sénat toutes indications qui étaient
demandées.
Depuis que je suis intervenu, le 15 avril dernier, devant votre assemblée, nos
buts dans ce conflit n'ont pas varié ; notre détermination dans la conduite des
frappes reste entière ; nous continuons naturellement à faire face aux
conséquences humanitaires de ce conflit dramatique ; mais nous préparons
l'issue diplomatique qui devra clore ce drame nouveau dans les Balkans, en même
temps que, nous projetant dans l'avenir, nous devons poursuivre notre réflexion
sur le rôle que l'Union européenne devra davantage jouer en matière de
politique extérieure et, sans doute aussi, de défense.
Oui, nos buts dans ce conflit n'ont pas varié.
Lors du sommet de Washington, les chefs d'Etat et de gouvernement ont adopté,
le 23 avril dernier, une déclaration sur le Kosovo qui réaffirme la
détermination de l'Alliance à l'emporter, face au défi lancé à nos valeurs
fondatrices que sont la démocratie, les droits de l'homme et la primauté du
droit.
Je vous l'avais indiqué le 15 avril - et c'est une opinion partagée par tous -
du fait de l'obstination de M. Milosevic à refuser un compromis qui paraissait
pourtant à portée de main, il est apparu, hélas ! clairement, après de long
mois d'efforts, à Rambouillet, puis à Paris, que le processus diplomatique
était dans l'impasse.
La volonté du gouvernement serbe de régler par la force le conflit au Kosovo,
le début des exactions dans cette région de la République fédérale de
Yougoslavie, les mouvements de population qui s'amorçaient, la détermination à
mettre en oeuvre en tout état de cause la politique d'épuration ethnique et de
déportation au travers de plans qui étaient programmés nous ont conduits à
penser que, si nous ne voulions pas être condamnés à l'impuissance, il nous
restait une seule voie : engager des opérations militaires avec nos alliés pour
changer le cours des choses.
Avons-nous provoqué des malheurs plus importants que ceux que nous voulions
éviter ? Sincèrement, je ne le crois pas, et soyez sûr que le responsable
politique et l'homme que je suis se pose cette question presque tous les
jours.
D'abord, quelles qu'aient été ces frappes, rien ne pouvait justifier le fait
que M. Milosevic déporte ses propres citoyens, puisque les Kosovars étaient des
citoyens de la République fédérale de Yougoslavie.
M. Michel Pelchat.
Eh oui !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
La responsabilité de ces déportations appartient
entièrement au régime serbe, notamment à M. Milosevic.
Comme je l'ai dit voilà un instant, tout montre que, si les démocraties
occidentales avaient indiqué clairement qu'elles prenaient leur part de l'échec
diplomatique et qu'elles n'envisageaient pas d'agir par la pression, puis par
la menace, enfin par l'engagement des frappes - frappes qui peuvent s'arrêter
aussitôt que M. Milosevic témoignera d'une volonté d'aller vers une solution
politique - ce mouvement de déportation - j'en suis convaincu parce que nous en
avons fait l'expérience historique auparavant, par exemple en Bosnie - se
serait produit, mais sans que le régime serbe ait au moins quelque part à en
payer le prix.
Aujourd'hui, nous agissons pour que cesse la campagne de répression et
d'épuration ethnique déclenchée par les autorités serbes au Kosovo, pour que
les forces militaires et paramilitaires, les milices, quittent la province où
elles commettent leurs exactions, pour que la population albanophone dispose
d'un statut d'autonomie reconnaissant la plénitude de ses droits et
garantissant la sécurité de tous les habitants. Nous nous battons pour le
retour des Kosovars au Kosovo, et il faudra pour cela un cadre politique dont
les accords de Rambouillet ont été la matrice ; et il faudra une force de
sécurité internationale déployée sous garantie militaire, dans les conditions
qui sont celles de cette région, pour permettre le retour des réfugiés.
Il s'agit là des cinq conditions posées par le groupe de contact, l'OTAN,
l'Union européenne, mais aussi le secrétaire général des Nations unies pour un
arrêt des frappes, qui peut se produire à tout moment si cette volonté est
exprimée par l'autre partie et si le processus est engagé.
C'est pourquoi, tant que ce mouvement ne s'opère pas, tant que cette
manifestation de la recherche d'une issue raisonnable et humaine à ce conflit
n'est pas concrétisée, notre détermination d'agir reste entière.
Appliquée avec ténacité, la stratégie des frappes aériennes produira, avec le
temps, ses effets.
On a évoqué, à cette occasion, les rapports entre la France et l'OTAN.
Dans le conflit du Kosovo, je le répète, la France occupe toute sa place :
celle d'un membre respecté de l'Alliance. Elle n'a pas été « entraînée » dans
les opérations militaires menées par l'OTAN ; elle en a partagé la décision
avec ses alliés, après en avoir évalué les risques et considéré qu'il n'y avait
plus d'alternative possible. Elle est associée à la conduite des frappes
aériennes et son avis est suivi lorsqu'elle s'oppose à une opération, comme
c'est le cas, j'imagine, pour les autres partenaires de l'Alliance. Par
exemple, tout récemment, c'est en toute connaissance de cause qu'il a été
décidé que les forces alliées mènent des attaques contre les forces militaires
au Monténégro, et notamment sur l'aérodrome militaire de Podgorica.
En effet, vous le savez, nous avons le souci de veiller à l'équilibre au
Monténégro ; nous voulons préserver cette province. Nous suggérons donc - et
nous avons en conséquence marqué des oppositions à des frappes - une stratégie
d'« encagement » du Monténégro, - c'est le terme employé par les militaires -
de façon que, pour éviter, par exemple, le transport de produits pétroliers, on
frappe en Serbie plutôt qu'au Monténégro même, parce qu'il y a là une situation
d'instabilité possible à laquelle nous devons veiller.
Mais lorsque, sur un aérodrome militaire, est concentrée une partie de ce qui
reste de la force aérienne du régime serbe et que ce dernier veut s'en servir,
nous sommes obligés d'intervenir. Voilà comment sont pesées presque chaque jour
les décisions qui doivent être prises par le chef d'état-major des armées dans
son contact avec les autorités de l'OTAN, mais tout cela, sous le contrôle
politique direct du Président de la République et du Premier ministre que je
suis avec, naturellement, les avis du ministre de la défense et du ministre des
affaires étrangères.
En ce qui concerne le cadre institutionnel de l'engagement français, sur
lequel M. Pelchat m'a interrogé, j'ai déjà indiqué devant l'Assemblée
nationale, avant-hier, que l'article 35 de la Constitution visant la
déclaration de guerre autorisée par le Parlement, c'est-à-dire par l'Assemblée
nationale et le Sénat, n'était pas applicable. C'est donc dans un autre cadre
institutionnel - mais d'autres articles le permettent - que nous devrions vous
consulter. Je veux le redire ici : aucun changement majeur dans la stratégie
suivie jusqu'à présent - et ce changement, je ne le veux pas, je ne le crois ni
nécessaire ni vraisemblable - aucun changement majeur, disais-je, ne pourrait
se concevoir sans que vous soyez amenés à vous exprimer par un vote formel.
C'est là - je le rappelle, car cette question a été évoquée tant à l'Assemblée
nationale qu'au Sénat - une question de principe, une question régissant les
rapports entre le pouvoir exécutif - le Gouvernement en tout cas - et le
Parlement.
Cela ne veut naturellement pas dire que, sur le fond, ma position soit
différente de celle que j'ai exprimée clairement à l'Assemblée nationale.
Les frappes, à mon sens, produiront dans la durée tous leurs effets. Certes,
les frappes n'ont pas empêché que se poursuive une épuration ethnique
programmée de longue date et engagée au lendemain de Rambouillet avec la
militarisation du Kosovo. Mais ni une intervention terrestre à haut risque ni
le renoncement à toute action laissant libre cours aux activités criminelles du
régime serbe et de ses milices n'auraient été en tout état de cause en mesure
de l'interdire.
Au moins l'intervention de l'Alliance a-t-elle bouleversé l'inégal rapport de
forces entre Serbes et Kosovars, entre troupes militaires et paramilitaires
surarmées d'un côté, populations civiles sans défense ou groupements faiblement
armés de l'autre côté, non pas aujourd'hui, pour le moment, au Kosovo même - et
les populations, nous le savons, en paient le prix - mais pour déterminer
l'issue du conflit qui a été engagé.
L'Alliance atteint progressivement ses objectifs militaires : désormais, les
avions alliés dominent le ciel yougoslave. Les forces serbes au Kosovo ont
perdu leur mobilité. Leur logistique est largement affaiblie. Les instruments
de la propagande serbe sont défaillants et seront frappés à nouveau. La
cohésion de l'outil de guerre serbe décline jour après jour. Les renforts
aériens que les alliés vont déployer dans les tout prochains jours
contribueront à accélérer le déclin de la force serbe. Il y aura bientôt plus
de 1 000 avions alliés sur le théâtre des opérations offrant vingt-quatre
heures sur vingt-quatre la capacité de conduire aussi bien des attaques
d'objectifs stratégiques que d'objectifs militaires ponctuels et policiers au
Kosovo.
Enfin, les premières lézardes apparaissent sur la façade d'un régime serbe qui
jusqu'ici faisait bloc. M. Collin, avec d'autres, m'a interrogé à cet égard.
Que puis-je dire ? Quand le vice-Premier ministre d'un régime présenté comme
un bloc, un opposant certes au parcours diversifié mais qui s'était rallié au
pouvoir de M. Milosevic, doit être limogé après des déclarations aussi sévères
que celles qu'il a prononcées, et quoi qu'on pense de sa personnalité, c'est
indiscutablement un signe.
Mais il nous faut, pour interpréter ce signe, être prudents et attentifs.
Prudents, parce que nous connaissons la nature autoritaire de ce régime, la
complexité de ses structures de pouvoir, l'idéologie d'une partie de l'élite du
pays. Les événements de ces derniers jours le démontrent, où il faut déchiffrer
ce qui reste opaque. Il faut donc, surtout, que les actes viennent au secours
des paroles, d'où qu'elles viennent, c'est-à-dire que les autorités serbes
s'engagent à respecter les cinq conditions fixées par la Communauté
internationale.
Nous restons en même temps attentifs, parce que nous espérons que, malgré la
propagande, des Serbes restent lucides, parce que nous n'avons pas oublié ces
importantes manifestations organisées par le peuple de Belgrade. Certes, ces
dernières portaient sur d'autres objets, à savoir les rapports de pouvoir, les
élections truquées, la question de la démocratie, et, à la limite, les mêmes
hommes ou femmes qui s'étaient engagés dans ces combats peuvent, surtout quand
leurs leaders changent de camp, être enfiévrés par les idées du nationalisme ;
ces deux mouvements ne peuvent donc pas s'identifier absolument dans le temps.
Mais nous espérons que les Serbes pourront se convaincre, par tous les moyens
malaisés de pression sur leurs autorités qui sont les leurs, que le respect des
conditions posées par l'Alliance atlantique donnerait le signal de la fin des
frappes.
Il est donc très important de continuer à parler au peuple serbe ; nous savons
qu'il nous entend par différentes voies, et c'est pourquoi aussi il était
important de limiter la puissance d'une propagande scandaleuse. Nous savons
bien que, par de multiples canaux, les Serbes entendent aussi et voient
peut-être un peu ce qui se passe au Kosovo, qu'ils entendent ce que nous avons
à leur dire. Oui, il faut leur redire que nous ne nous battons pas contre le
peuple serbe et que nous sommes prêts à bâtir avec lui, s'il en fait ce choix
clairement, dans une Europe démocratique et aussi dans les Balkans avec les
autres peuples, un nouvel avenir, un avenir différent de l'impasse tragique,
humiliante, déshonorante aussi dans laquelle l'enferme son dictateur.
MM. Emmanuel Hamel et Michel Pelchat.
Très bien !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Oui, l'efficacité de la stratégie arrêtée ne pourra
s'apprécier qu'avec le temps. Il faut donc faire preuve de ténacité, de nerf,
de courage aussi, parce que tant de choses provoquent en même temps chez nous
l'émotion, la peine et le désarroi que nous pourrions parfois être tentés
d'arrêter pour que tout cela cesse. Or nous savons très bien, étant donné notre
adversaire, que nous, nous nous arrêterions, que nous, nous subirions une
défaite, mais que lui ne s'arrêterait pas. Nous n'avons jamais jusqu'ici reçu
de sa part le signe, qui viendra peut-être, forcé par les circonstances, qu'il
pourrait raisonner autrement.
Une intervention terrestre n'est donc pas à l'ordre du jour. Cette position,
l'ensemble des membres de l'Alliance atlantique l'ont exprimée au sommet qui
vient de se tenir à Washington. Les scénarios qui postulent l'échec des frappes
aériennes et envisagent une offensive terrestre au Kosovo sont lourds, selon
moi, de trop de risques. Passer d'une logique de coercition, presque de
sanction, si l'on peut dire, d'une campagne aérienne à un engagement militaire
au sol, c'est accepter le principe d'affrontements meurtriers pour les
populations et pour nos soldats. C'est entrer dans la logique d'une guerre
totale.
En tout état de cause - je vous l'ai dit et je le confirme - aucune décision
ne pourrait être prise sans que vous soyez formellement consultés.
En revanche, il a été décidé, au sommet de Washington, d'étudier un embargo
pétrolier. M. Vinçon, notamment, m'a interrogé à ce propos.
L'OTAN, c'est vrai, en étudie les modalités juridiques et pratiques. Le
Gouvernement français déterminera quant à lui sa position sur ce point en
fonction de la teneur des propositions alliées. Nos experts en sont aujourd'hui
saisis. Nous garderons à l'esprit le souci de préserver les intérêts, en
particulier économiques, du Monténégro.
La France reste attentive, y compris dans ces circonstances exceptionnelles,
au respect du droit maritime international et maintient sa préférence pour des
solutions fondées sur le volontariat, ce qui correspond d'ailleurs à la
démarche des quinze pays de l'Union.
A cet égard, je crois utile de rappeler que le droit international n'autorise
en haute mer les navires de guerre qu'à pratiquer la reconnaissance, opération
qui consiste à s'assurer à distance de l'identité et de la nationalité d'un
navire marchand.
Il existe en outre un « droit de visite », qui consiste à vérifier cette
nationalité, la nature de la cargaison et sa destination, par l'examen soit des
documents - c'est « l'enquête de pavillon » - soit de la cargaison - cela peut
être une perquisition. Mais ce droit ne peut être exercé que dans un nombre
restreint de cas : dissimulations de nationalités, pirateries, actes
illégitimes de violence ou émissions de radio non autorisées. Nous ne nous
trouvons, semble-t-il, dans aucun de ces cas précisément énumérés par le droit
de la mer.
Une question qui vous a naturellement tous préoccupés et qui est au premier
rang des priorités de la France est la façon dont nous faisons face aux
problèmes humanitaires. MM. Weber et Pelchat nous ont interrogés à cet
égard.
Plus de 700 000 personnes ont fui le Kosovo depuis un an, et l'on compte
aujourd'hui environ 367 000 réfugiés en Albanie, 142 000 en Macédoine et 63 000
au Monténégro. Au Kosovo même, plusieurs centaines de milliers de personnes
déplacées survivent dans des conditions extrêmement précaires.
Dès le début de l'exode, la France a mis en place un dispositif d'aide
humanitaire qui la met au premier rang. Outre notre contribution à l'effort de
l'Union européenne, soit 265 millions de francs, l'Etat a débloqué 300 millions
de francs pour porter secours aux réfugiés. Ce sont largement plus de 500
millions de francs que la France consacre à cet effort.
En Macédoine et en Albanie, la France met à disposition des personnels
militaires, déploie les centaines de spécialistes de la cellule d'urgence, de
la sécurité civile et du SAMU. Elle assure la gestion de plusieurs camps de
réfugiés. Elle achemine sur place, depuis son territoire, des milliers de
tonnes de fret humanitaire, nourriture, médicaments, tentes, produits de
première nécessité.
En Macédoine, prenant le relais de nos soldats, l'action humanitaire française
gère maintenant, avec des organisations non gouvernementales, le camp de
Stenkovec, où séjournent plus de 11 000 personnes.
En Albanie, la France assure, au sein de l'opération « Abri allié », la
protection de la zone sud du pays. Des unités d'intervention de la sécurité
civile, des élements de notre corps du génie travaillent sur place. Notre pays
administre là aussi plusieurs camps. Des médecins français assurent la
couverture épidémiologique du pays et s'apprêtent à réhabiliter un hôpital à
Tirana.
Nous apporterons une aide directe au familles albanaises ou macédoniennes qui
accueillent des réfugiés, selon des modalités actuellement à l'étude. Dans le
même esprit, nous accorderons une aide économique et financière aux pays les
plus touchés. La France a déjà obtenu du Fonds monétaire international un
moratoire sur les dettes de la Macédoine et de l'Albanie. La Banque mondiale
prépare, avec l'Union européenne, un programme pour la reconstruction de ces
deux pays. Avec ses partenaires de l'Union, la France prendra ses
responsabilités pour apporter aux voisins du Kosovo l'aide que réclament leurs
économies, durement touchées par le conflit.
En réponse aux questions qui ont été posées à cet égard, j'indique qu'avec nos
partenaires nous sommes prêts à aller beaucoup plus loin pour aider
économiquement cette région des Balkans à l'issue du conflit.
Nous le savons tous, la population française s'est mobilisée elle-même dans un
élan exceptionnel. Nous tenons le compte de l'aide qui est offerte, rassemblée
et triée, souvent par des bénévoles : plus de 20 000 tonnes d'aide seront
acheminées sur place par les moyens de l'Etat, avec l'aide de plus en plus
manifeste des collectivités locales ; plus de 10 000 familles se sont portées
volontaires pour accueillir des réfugiés. A ce jour, nous avons organisé, dans
le respect du droit international et des compétences du HCR, l'accueil
d'environ 1 800 personnes dans des centres d'hébergement collectif. Nous
poursuivrons cet effort de solidarité. Une partie de ces réfugiés rejoindront
des familles françaises, et ce librement. Le jour venu, nous les aiderons à
retrouver leurs foyers au Kosovo.
Demain, vous le savez peut-être, je me rendrai en Albanie, puis en Macédoine.
Ce sera l'occasion pour moi de prendre la mesure de la situation très difficile
à laquelle ces deux pays sont confrontés et d'exprimer aux réfugiés comme aux
autorités politiques la solidarité de la France. Je mettrai ce déplacement à
profit pour évoquer avec les autorités macédoniennes et albanaises nos vues sur
l'évolution du conflit au Kosovo. Je recueillerai leur appréciation sur les
perspectives de l'issue politique que nous devons rechercher ensemble. Je veux
surtout témoigner de la solidité et du caractère durable de notre engagement au
côté des pays voisins du Kosovo, que le gouvernement de M. Milosevic espère
sans doute déstabiliser. Plus précisément, nous approfondirons, avec nos
interlocuteurs, les discussions engagées sur la meilleure façon de venir en
aide, sur les plans économique et financier, à ces pays.
Dès maintenant, et cependant que se poursuit le processus des frappes, nous
préparons l'issue diplomatique de ce conflit. Cela a d'ailleurs constitué la
démarche constante de la France et de sa diplomatie, mise en oeuvre par M.
Hubert Védrine.
Les frappes ne sont pas pour moi, je l'ai dit, une impasse militaire. Les
frappes ne sont pas non plus la première étape d'un engrenage ou d'une fuite en
avant, elles ne sont qu'un moyen auquel il nous a fallu nous résoudre pour nous
frayer un chemin vers la paix. Ce chemin passe nécessairement par
l'Organisation des Nations unies. M. Collin, en particulier, a insisté sur ce
point.
De même que M. Kofi Annan recherche, avec nos alliés occidentaux et par des
contacts avec les Russes, dans le même esprit que nous, à dégager les voies
d'une issue politique, de même nous pensons que nous devons, pour réussir dans
cette voie, avoir la Russie à nos côtés. Notre démarche doit donc être
progressive et prendre en compte le point de vue de ce pays indispensable au
règlement politique de la crise, de ce partenaire majeur d'un avenir de paix et
de stabilité sur notre continent.
Nous espérons que M. Tchernomyrdine - M. Vinçon s'est interrogé à cet égard -
pourra jouer un rôle utile dans les négociations. Dans les discussions que nous
aurons avec lui, nous n'accepterons de transiger ni sur les principes qui sont
les nôtres ni sur les fins que nous poursuivons - le retour des réfugiés,
l'autonomie du Kosovo, le caractère pluriel, pluraliste et démocratique de la
vie sociale et politique dans ce pays, le retrait des forces armées et des
forces de répression serbes - mais nous devrons à chaque instant être ouverts
aux modalités qui permettent de poursuivre ces fins et de les atteindre.
De ce point de vue, nous devrons, notamment sur la composition de la force,
être extrêmement attentifs au point de vue des Russes, ainsi qu'à ce que les
autorités et le peuple serbes peuvent accepter dans cette affaire.
Lorsque sera venu le temps, pour le Conseil de sécurité, d'adopter, sous
chapitre VII, une résolution, celle-ci devra, de l'avis de la France, prévoir
les conditions du déploiement au sol d'une force de sécurisation
internationale. Sa composition et son mandat retiendront particulièrement notre
attention. Quant à la puissance déployée, quant à l'unicité nécessaire de sa
chaîne de commandement, quant à l'efficacité des règles d'engagement qui
doivent être les siennes, la configuration de cette force doit être définie
avec précision. Elle ne peut pas, à l'évidence, être une simple force civile,
sur le modèle de l'ancienne « Mission des vérificateurs au Kosovo ».
M. Philippe François.
Très bien !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Ce ne peut pas être non plus une force de l'OTAN
stricto sensu,
cela ne permettrait pas de déboucher sur un accord
politique. C'est pourquoi il est important que la Russie soit associée à la
préparation, à la mise en oeuvre et à la garantie de l'accord politique à
venir.
M. Philippe François.
Tout à fait !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Quant au futur statut du Kosovo, sur lequel s'est
interrogé, par exemple, M. Adnot, nous restons, à ce stade, sur l'orientation
adoptée à Rambouillet : un Kosovo autonome, dont j'ai indiqué les
caractéristiques pluralistes et démocratiques, peut-être sous administration
provisoire au nom des Nations unies ; à cet égard, l'Union européenne a fait
état de sa disponibilité. Nous n'envisageons pas, pour l'instant, une
partition, mais nous verrons où nous conduira ce conflit...
Le dernier point que je voudrais aborder, mesdames, messieurs les sénateurs,
concerne le rôle que doit jouer, à court comme à long terme, l'Union
européenne.
Le conflit du Kosovo met en lumière le besoin que nous avons d'une défense
européenne. Il renforce la conviction chez nos partenaires que nous devons nous
doter d'une véritable politique étrangère et de sécurité commune, y compris
d'une défense européenne. Dans la recherche d'une solution négociée pour le
Kosovo comme dans l'intervention militaire, les Quinze élaborent et tiennent un
langage commun. Nous nous appuierons sur cette solidarité dans le conflit et
dans la recherche de la paix pour relancer le projet d'une défense commune.
L'Union doit être capable de prendre, dans un cadre intergouvernemental, des
décisions en matière de défense et de gestion de crise. Cela suppose qu'elle se
dote, sans redondance et en relation avec l'OTAN, de moyens propres pour
évaluer les situations, pour planifier de façon autonome des moyens, pour
disposer librement de capacités d'action.
Mais, parce que les Quinze sont de vieilles nations qui ont leurs traditions
militaires, parce que certaines sont des puissances nucléaires et que d'autres
sont neutres, parce qu'elles ont des conceptions stratégiques particulières et
des liens très divers avec les Etats-Unis, nous savons bien que ce mouvement
sera progressif. C'est la démarche que nous avons retenue avec le Président de
la République à Saint-Malo.
A plus court terme, l'Union européenne prendra toute sa part de la solution
politique de cette crise. La France, avec ses partenaires, est prête à jouer un
rôle essentiel dans la reconstruction du Kosovo. L'Union européenne, le 14
avril, s'est déclarée disponible pour prendre la responsabilité d'une
administration provisoire du Kosovo, si du moins le Conseil de sécurité en
décide ainsi.
Concernant nos relations avec les pays voisins du Kosovo - M. Arthuis m'a
notamment interrogé sur ce point - le Conseil des ministres de l'Union a, le 26
avril, décidé d'envisager le resserrement de nos liens avec la Macédoine et
l'Albanie. La Commission européenne doit explorer la voie d'accords
d'association. Nous nous réjouissons de ce résultat, auquel le France a
contribué. Compte tenu de l'écart de développement qui subsiste, de la
nécessité de préserver l'économie de ces pays d'une concurrence trop vive et de
la grande diversité culturelle et sociale des pays européens, l'association
constitue, à mes yeux, une meilleure option que l'accélération, peut-être un
peu irréfléchie, de l'élargissement de l'Union.
Y a-t-il une place pour la Serbie ? Nous ne voulons pas enfermer le peuple
serbe, je l'ai dit, dans l'impasse du nationalisme et de la violence, dans
laquelle, malheureusement, il s'est laissé entraîner depuis dix ans. Le but de
notre intervention est bien de ramener la Serbie « en Europe », c'est-à-dire
d'aider les Serbes à ouvrir les yeux sur les exactions qui sont commises, en
leur nom, contre leurs concitoyens yougoslaves, c'est-à-dire de favoriser dans
ce pays le développement d'une véritable démocratie, respectueuse des droits
des minorités, c'est-à-dire, bien sûr, le jour venu, de consentir les efforts
nécessaires à la reconstruction de l'ensemble des pays des Balkans.
Cette Europe prospère, démocratique, celle qui est la nôtre, elle est offerte
à tous. N'avons-nous pas nous-mêmes, au sein de cette Union, des partenaires
qui furent longtemps des adversaires que nous avons combattus à travers les
siècles et avec qui nous avons su nous réconcilier et nouer des amitiés
durables ? Nous avons un modèle à proposer, une démarche historique à
offrir.
Pour que le règlement de cette crise dans les Balkans soit lui aussi durable,
le tribunal pénal international devra être en mesure de sanctionner les
agissements de tous les criminels de guerre. La France a pleinement l'intention
de le seconder dans cette tâche. Mme Louise Arbour sera d'ailleurs reçue la
semaine prochaine à Paris, et nous veillerons à ce que les informations, les
observations et les témoignages nécessaires au travail du tribunal lui soient
fournis.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Le tribunal pénal international a pour mission de poursuivre, d'inculper puis
de châtier les criminels de guerre. Les gouvernements de l'Alliance, eux, ont
pour objectif de chercher une solution politique à la crise du Kosovo. Le
moment venu, nous le savons bien, ces deux démarches seront appelées à se
rejoindre.
Cette Europe prospère, démocratique, dans laquelle nous souhaitons un jour
accueillir tous les membres de la famille européenne, est aussi, en effet, une
Europe du droit, dans laquelle aucun crime ne restera impuni.
Oui, comme l'a dit M. Renar, ce sont bien les conditions d'une paix juste que
nous recherchons dans la crise du Kosovo à travers, aujourd'hui encore, la
poursuite déterminée des frappes, pour faire céder un homme et un régime qui,
jusqu'ici, n'ont bougé que devant la force et non devant la lumière de la
raison.
Mais, en même temps, il nous faut garder une attention constante aux chances
de la négociation quand elles s'offrent, et qu'il faut savoir saisir en ne
faisant pas preuve de lourdeur d'esprit ou d'hésitation dans les démarches,
sans perdre de vue les fins qui sont les nôtres : le retour des réfugiés,
l'autonomie d'un Kosovo pluriel, une Serbie acceptant enfin une conception
citoyenne et non pas ethnique de la nation, refusant les fièvres du
nationalisme pour n'éprouver que de la fierté nationale, comme il est légitime
pour chaque peuple, pour chaque pays, et acceptant de cohabiter dans la paix
avec ses voisins.
Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez sûrs que la France saisira toutes les
chances de paix.
(Applaudissements.)
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement sur la
situation au Kosovo.
Avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, le Sénat va interrompre
ses travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures
trente.)
M. le président. La séance est reprise.
5
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Henri de Raincourt.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Monsieur le président, mes chers collègues, ce rappel au règlement s'impose,
au moment où, après la mise en cause de l'Etat dans un incendie criminel en
Corse, les pouvoirs publics semblent s'enliser.
Il y a un an, M. Chevènement jurait que tout serait mis en oeuvre pour arrêter
les assassins du préfet Claude Erignac. Aujourd'hui, ce sont les gendarmes qui
sont incarcérés !
Face à une situation aussi grave, le Premier ministre a utilisé les ressorts
de la sémantique en invitant à ne pas confondre une affaire d'Etat avec une
affaire de l'Etat.
M. Claude Estier.
Il a eu raison !
M. Henri de Raincourt.
La représentation nationale ne saurait se satisfaire, monsieur Estier, de ce
genre de pirouette !
Le Gouvernement peut bien engager une enquête et promettre des sanctions, les
faits sont là.
Soit le groupe de pelotons de sécurité, unité d'élite constituée sur décision
du Gouvernement et sous contrôle direct du préfet, a opéré sur ordre et, dans
cette hypothèse, qui a donné l'ordre, qui couvre, où est la vérité ?
Soit les gendarmes ont agi seuls, et comme le dossier de la Corse est géré en
direct par le Premier ministre, cela signifierait alors que le chef du
Gouvernement, responsable de l'administration et de la défense, n'est pas au
courant de l'activité de services placés sous sa responsabilité. Nous avons
peine à le croire, alors que, selon un quotidien du soir, la hiérarchie de la
gendarmerie nationale aurait été informée deux jours après que les faits se
sont produits.
On aura beau tourner les explications dans tous les sens - et le ministre de
l'intérieur s'y est essayé hier soir - dans un cas comme dans l'autre, la
réalité s'impose : où est l'Etat ? Où est le droit ?
Quel que soit le résultat de l'enquête, le mal est déjà fait : l'autorité de
l'Etat est, une nouvelle fois, affectée par une escapade nocturne peu
glorieuse.
Il ne s'agit pas du tout de polémique politicienne
(M. Claude Estier
s'exclame)
, comme j'ai entendu certains le déclarer, mais de l'utilisation
de pratiques louches au nom du rétablissement de l'Etat de droit. Comme méthode
c'est condamnable ; comme comportement c'est coupable.
Dans cet esprit, il faut tirer les leçons des événements, car sont en cause
non seulement l'autorité politique du Gouvernement sur l'appareil d'Etat, mais
également le fonctionnement de l'Etat lui-même sur tout le territoire
national.
Dans cette affaire, il faut se garder de faire de la Corse et des gendarmes
des boucs émissaires presque parfaits. Les uns sont nos compatriotes ; nous les
aimons. Les autres sont les serviteurs zélés de la République ; nous les
respectons.
La représentation nationale, ici les sénateurs, sont en droit de demander que
toute la lumière soit faite rapidement et que les responsabilités des uns et
des autres puissent être établies. Il en va, me semble-t-il, de l'intérêt
supérieur de la nation.
(Applaudissements sur les travées des Républicains
et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le sénateur, je vous rassure : le Gouvernement
fera en sorte que toute la lumière soit faite sur cette déplorable affaire, et
M. le Premier ministre a d'ailleurs indiqué hier de la façon la plus nette à
l'Assemblée nationale que plusieurs dispositions étaient prises en ce sens.
Bien entendu, la justice a été saisie immédiatement, dès qu'il est apparu que
cette affaire pourrait - nous sommes obligés d'employer le conditionnel,
naturellement - impliquer des gendarmes. Elle l'a été d'ailleurs dès lors que
l'incendie paraissait être de nature criminelle.
Non seulement le Gouvernement n'a mis aucune entrave, mais il a apporté, par
ses services administratifs, son entier concours à la justice. En effet, vous
avez pu noter que les services de la gendarmerie ont immédiatement prêté leur
concours au procureur en charge de l'enquête, au procureur général et
maintenant au juge d'instruction.
Je redis ici qu'il ne peut pas être question que la moindre entrave soit
apportée à l'enquête judiciaire ; au contraire, depuis le début, tout est mis
en oeuvre pour que l'ensemble des services de l'Etat apportent à la justice
tout leur concours.
Je rends d'ailleurs hommage à la gendarmerie. En effet, au plan local, au
niveau de la brigade territoriale, lorsqu'il n'existait pas encore de soupçons
pesant sur des gendarmes, ou deux jours plus tard, le jeudi, au niveau de la
section régionale de recherche de Corse, puis au plan national à partir de
vendredi dernier lorsqu'il a semblé que les craintes et les risques
d'implication de gendarmes se précisaient, la gendarmerie a immédiatement
apporté son concours à la justice.
Le Gouvernement a diligenté deux enquêtes administratives qui, bien entendu,
sans empiéter sur l'enquête pénale, auront pour objectif, d'une part, de faire
la lumière sur le fonctionnement des services de l'Etat et, d'autre part, de
réexaminer, comme l'a indiqué M. le Premier ministre, le fonctionnement du
groupe de pelotons de sécurité.
Lorsque les responsabilités auront été établies, quelle que soit la qualité
des personnes qui auraient ou qui auront été mises en cause dans cette affaire,
il va de soi que toutes les sanctions administratives ou disciplinaires seront
prises, sans préjuger des peines que pourra prononcer la justice.
Cela dit, il faut veiller au respect de toutes les règles de la procédure
pénale. Même si, aujourd'hui, quatre gendarmes sont mis en examen et placés en
détention provisoire, ils sont toujours présumés innocents. Tant que les faits
n'auront pas été établis par la justice, ils ont droit évidemment, comme chacun
d'entre nous, à la présomption d'innocence.
Dans cette affaire, il est évidemment de l'intérêt de notre pays que nous ne
remettions pas en cause la politique de retour à l'Etat de droit qui a été
engagée par ce gouvernement avec le soutien de M. le Président de la
République. Autant il faut condamner sans faiblesse et sans hésitation les
dérapages en l'occurrence très graves, si ils sont confirmés, autant il faut
faire en sorte de ne pas prêter le flan à des insinuations, à des polémiques
qui fragiliseraient le retour à l'Etat de droit en Corse, car nous savons que
d'énormes intérêts sont en jeu pour faire en sorte que nous abandonnions cette
politique.
Voilà ce à quoi je voulais vous rendre sensible. Permettez-moi de vous dire
pour terminer - mais telle n'a pas été votre attitude - que je trouve que,
quelquefois, la tonalité de certaines interventions pourrait laisser douter de
la véritable volonté que l'on aurait de restaurer l'Etat de droit en Corse.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen. - M. Jean-Jacques Hyest applaudit
également.)
6
COUR PÉNALE INTERNATIONALE
Adoption d'un projet de loi constitutionnelle
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle (n°
302, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, insérant au titre VI de la
Constitution un article 53-2 et relatif à la Cour pénale internationale.
[Rapport n° 318 (1998-1999)].
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, alors que les signataires du statut de Rome
ont écrit, dans le préambule de celui-ci, qu'ils avaient « à l'esprit qu'au
cours de ce siècle, des millions d'enfants, de femmes et d'hommes ont été
victimes d'atrocités qui défient l'imagination et heurtent profondément la
conscience humaine », ce n'est pas seulement à l'esprit, hélas ! que nous avons
ces crimes, mais sous nos yeux, aujourd'hui même, au Kosovo.
Vous venez d'entendre le Premier ministre affirmer que le tribunal pénal
international devra être en mesure de sanctionner les agissements de tous les
criminels de guerre. Nous avons en effet indiqué à Mme Harbour, procureur
auprès du tribunal pénal de La Haye, qui doit se rendre à Paris la semaine
prochaine, que nous ferions tout ce qui est en notre pouvoir afin de lui
permettre de réunir, dans les formes requises, les témoignages des réfugiés
accueillis sur notre sol qui lui seront nécessaires pour commencer à bâtir ses
dossiers.
Dans le statut de Rome, les signataires ont indiqué qu'ils étaient conscients
du fait que tous les peuples sont unis par des liens étroits et que leurs
cultures forment un patrimoine commun. Que resterait-il de cette conscience si
la communauté internationale ne se donnait pas les moyens pratiques et
juridiques de mettre effectivement un terme à tout projet de destruction de la
diversité humaine ?
Quand les mêmes signataires du statut de Rome rappelaient qu'ils étaient
déterminés, dans l'intérêt des générations présentes et futures, à créer une
Cour pénale internationale permanente et indépendante, reliée au système des
Nations unies, ayant compétence à l'égard des crimes les plus graves qui
touchent l'ensemble de la communauté internationale, n'est-ce pas qu'ils
savaient que des actes comme le génocide des Arméniens de 1915 pourraient se
reproduire ; que des échanges de populations comme ceux qui eurent lieu entre
la Grèce et la Turquie après la guerre de 1923 pourraient se reproduire ; que
se reproduiraient également les exodes de la Seconde Guerre mondiale ; que les
millions de personnes déplacées des guerres de Bosnie, de Croatie et de Serbie
pourraient se trouver de nouveau sur les routes ?
A cet égard, le projet de cour pénale internationale, qui aura compétence pour
juger les crimes les plus graves qui se commettront à l'avenir, fait preuve
d'un pessimisme probablement lucide. Mais il montre aussi combien nous nous
sommes éloignés de l'idéal des Lumières, qui pariaient que, avec le progrès des
sciences et des arts, viendrait le progrès éthique, moral et politique.
Pourtant, de façon peut-être parodoxale, les signataires de la convention de
Rome ont montré aussi, semble-t-il, un singulier optimisme. En effet, ce qu'ils
ont également affirmé, c'est que les crimes les plus graves qui touchent
l'ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis et que
leur répression doit être effectivement assurée par des mesures prises dans le
cadre national lorsque c'est possible et par le renforcement de la coopération
internationale lorsque cela ne l'est pas.
Vous connaissez tous les prémices de la Cour pénale internationale. C'est la
volonté de ne pas laisser impunis les grands criminels nazis et japonais qui
allait conduire à la mise en place des tribunaux militaires internationaux de
Nuremberg, par l'accord de Londres du 8 août 1945, et de Tokyo, par une
proclamation du commandant en chef MacArthur, le 19 janvier 1946.
Le projet de création d'une cour criminelle internationale permanente,
envisagé dès 1948, à l'article 10 de la convention sur la prévention et la
répression du crime de génocide, n'a pas pu voir le jour pour des raisons
historiques et politiques liées à la confrontation des blocs.
Mais c'est à l'instigation de la France, et particulièrement de Robert
Badinter, que le comité de juristes français, comprenant notamment Pierre
Truche et le professeur Pellet, est parvenu à faire adopter par le Conseil de
sécurité la création, en 1993, du tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie, qui avait alors pour mission de « juger les personnes
présumées responsables de violations graves du droit humanitaire international
commises depuis 1991 ».
Le tribunal pour le Rwanda, quant à lui, sera institué l'année suivante.
Il s'agissait, je le souligne, après des années d'effort, d'un événement
considérable parce que, pour la première fois depuis Nuremberg et Tokyo, les
auteurs de crimes internationaux allaient être jugés par des juridictions
vraiment internationales qui appliqueraient, non le droit de tel ou de tel
Etat, mais des règles définies internationalement.
Depuis 1948, année de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de
la convention sur le génocide, le droit humanitaire international n'avait cessé
de se développer, d'abord avec les quatre conventions de la Croix-Rouge de
1949, auxquelles se sont ajoutés les deux protocoles de 1977 et, plus
récemment, en 1984, par l'adoption de la convention des Nations unies contre la
torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Avec la signature, à Rome, de la convention portant statut de la Cour pénale
internationale, la communauté internationale franchit un nouveau pas dans
l'affirmation d'un droit international sanctionné par une juridiction
internationale permanente qui aura une compétence universelle.
En ce sens, elle va bien au-delà de la création de juridictions
ad hoc
auxquelles certains membres des Nations unies pourraient opposer leur veto si
leurs intérêts étaient menacés. Surtout, comme l'écrit avec pertinence M. le
rapporteur, « seule une juridiction permanente et dotée de compétences
nécessaires peut constituer un facteur de dissuasion à l'encontre de ceux qui
seraient enclins à commettre des crimes contre l'humanité ou des crimes de
guerre ».
Voilà pour l'importance du texte dont nous allons, par la révision de la
Constitution, je l'espère, permettre d'autoriser la ratification.
Quel est le statut de la Cour, sa compétence, et quelle procédure est prévue
?
La définition de la compétence de la Cour pénale internationale est un point
essentiel du statut. Elle est d'abord
ratione materiae
, c'est-à-dire en
fonction du genre de crime.
A l'heure actuelle, quatre crimes et quatre seulement, entrent dans la
catégorie des crimes les plus graves parmi les plus graves pour lesquels la
Cour sera compétente : génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et
crimes d'agression.
Le génocide est défini à l'article 6 du statut comme un acte commis dans
l'intention de détruire un groupe national ethnique, racial ou religieux qu'il
s'agisse de meurtre, d'atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale, ou de
soumission intentionnelle à des conditions d'existence telles qu'elles
entraînent la destruction et, enfin, de mesures visant à entraver les
naissances ou à transférer des enfants d'un groupe à un autre.
Le crime contre l'humanité est défini par l'article 7 et mentionne un grand
nombre d'actes dans la mesure où ils sont commis dans le cadre d'une attaque
généralisée ou systématique contre une population civile, et en connaissance de
cette attaque bien entendu.
Le crime d'agression pour lequel la Cour n'a qu'une compétence virtuelle du
fait que les négociateurs n'ont pas pu se mettre d'accord sera défini par un
avenant qui sera a adopté lors d'une autre conférence.
Les crimes de guerre entrent également dans la compétence de la Cour, mais ils
seront soumis à un régime spécial du fait de l'article 124. En effet, cet
article permet à un Etat partie de décliner la compétence de la Cour, pendant
sept ans, pour les crimes de guerre qui seraient commis soit sur son
territoire, soit par ses ressortissants.
Il est donc possible de ne pas mettre en oeuvre les dispositions de l'article
12 du statut relatif à la compétence obligatoire de la Cour. C'est cette
disposition transitoire, adoptée sur l'initiative de la France, qui a permis un
accord général sur le statut de la Cour.
La définition des crimes de guerre au sens du statut est distincte de celles
des crimes contre l'humanité ou du génocide en ce sens qu'elle peut recouvrir
des actes isolés. Des plaintes sans fondement, teintés d'arrière-pensées
politiques et dont le seul objet serait d'embarrasser publiquement le pays
concerné, pourraient donc plus aisément être dirigées contre les personnels de
pays qui, comme le nôtre, sont engagés fréquemment sur des théâtres extérieurs,
notamment dans le cadre d'opérations de maintien de la paix.
Enfin, pour terminer sur ce sujet - provisoirement en tout cas, car nous y
reviendrons certainement dans la discussion - j'ajoute que le fait que la
France ait annoncé qu'elle ferait jouer l'article 124 n'est évidemment pas une
manière de permettre à nos militaires de commettre des crimes de guerre, pour
la bonne et simple raison que, si des personnels français devaient commettre de
tels crimes, ils seraient de toute façon traduits devant les tribunaux
français, puisque la Cour pénale internationale a seulement une compétence
complémentaire.
S'agissant de la procédure qui sera suivie devant la Cour pénale
internationale, je rappelle en premier lieu que la création de cette cour n'a
pas pour objectif de décharger les Etats de leurs responsabilités. La
convention de Rome a nécessairement une valeur préventive et incitative à
laquelle le principe de « complémentarité » donne toute sa force.
La juridiction internationale ne se substituera pas aux systèmes nationaux de
justice pénale ; elle viendra les suppléer lorsqu'ils n'auront pas pu, ou pas
voulu, connaître eux-mêmes des crimes relevant de la compétence de la Cour, qui
apparaît donc comme un système de sauvegarde, une garantie collective, contre
l'impunité des auteurs des crimes les plus graves.
Cependant, et parallèlement à cette responsabilité première qui est celle des
systèmes nationaux de justice pénale, notre responsabilité est aussi de
permettre au droit international d'avoir les moyens de pallier, dans certaines
hypothèses, les insuffisances des Etats défaillants ou des Etats malveillants.
Pour ce faire, il faut que les procédures applicables devant la Cour pénale
internationale soient à la fois efficaces, respectueuses des droits de l'homme
et représentatives de la diversité des cultures juridiques dans le monde.
S'agissant de l'efficacité, tout d'abord, je souligne que la saisine de la
Cour pourra être faite aisément, soit par un Etat partie, soit par le Conseil
de sécurité, soit par le procureur lui-même qui, destinataire d'une plainte
formée par une ou plusieurs victimes, pourra ouvrir une enquête après en avoir
obtenu l'autorisation auprès de la chambre préliminaire, organe juridictionnel
composé de trois juges de la Cour.
Pour remplir sa mission, le procureur pourra compter sur la coopération des
Etats parties, qui seront tenus de répondre à ses demandes d'assistance et de
lui remettre les personnes contre lesquelles des charges suffisantes auront été
réunies.
Pour ce qui est du respect des droits de la défense, toutes les garanties
procédurales inhérentes au procès pénal reconnues par les conventions
internationales relatives à la protection des droits de l'homme figurent dans
le statut de la Cour pénale internationale. Je ne les énumérerai pas, car les
signataires du statut n'en ont oublié aucune, comme l'a d'ailleurs confirmé le
Conseil constitutionnel dans la décision dont nous reparlerons dans un
instant.
S'agissant enfin du respect du nécessaire équilibre entre les différentes
cultures juridiques du monde, le trait principal et nouveau de la procédure
suivie devant la Cour pénale internationale est, en effet, son caractère
mixte.
A dominante accusatoire, inspirée par conséquent, du système anglo-saxon, elle
laisse cependant une place non négligeable à l'intervention des juges, en
particulier dans la phase préalable au procès. Si le procureur est le
personnage principal de la mise en état du procès pénal, la chambre
préliminaire occupe elle aussi, à ce stade, une place de premier plan,
puisqu'elle est chargée d'assurer une sorte de contrôle juridictionnel de
l'activité du procureur. Cette initiative, là encore, est extrêmement
importante pour la défense de notre culture juridique.
C'est, à mon sens, tout à l'honneur de la France d'avoir proposé et obtenu la
création de cette chambre préliminaire, qui permet de rééquilibrer la phase
préalable au procès et d'éviter que des personnes ne soient mises en accusation
sans que le caractère sérieux des charges réunies à leur encontre ait pu être
vérifié par un organe juridictionnel.
Je soulignerai maintenant la place faite aux victimes devant la Cour, car la
plus grande innovation du statut de la Cour pénale internationale est de leur
reconnaître certains droits.
Oubliées jusqu'à présent par la justice pénale internationale, elles
obtiennent enfin, dans ce statut, la place qui leur revient. Les dispositions
relatives à l'accès des victimes à la procédure internationale et à la
réparation de leur préjudice sont encore modestes, mais elles permettent de
placer l'individu au coeur de la justice internationale.
Ainsi, le droit international, qui est plus traditionnellement le droit des
Etats souverains, ouvre ses portes à de nouveaux sujets de droit.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le fait que 120 Etats se soient accordés
pour définir avec précision le génocide, les crimes contre l'humanité et les
crimes de guerre, pour dire qu'ils étaient imprescriptibles et affirmer que la
Cour avait une compétence obligatoire, est un événement fondamental de la
société internationale contemporaine.
Mais je ne voudrais pas, spécialement devant votre assemblée qui a constamment
le souci de réfléchir à la portée des décisions qui sont prises, dissimuler que
cet événement pose également des questions très complexes.
En effet, il va d'abord falloir que cette justice internationale puisse
déterminer un équilibre entre la souveraineté des Etats et les limitations à
cette souveraineté.
Dès lors que les Etats sont en cause - et ils le sont au premier chef lorsque
nous parlons des crimes contre l'humanité, des crimes de génocide, des crimes
de guerre ou d'agression - il y a toujours eu de très forts obstacles de nature
politique, mais aussi juridique, qui se sont opposés à toute possibilité de
juger au plan international les personnes par l'intermédiaire desquelles cet
Etat a agi. C'est d'ailleurs la raison principale pour laquelle il a fallu tant
de temps pour aboutir à une justice pénale internationale. L'Etat est toujours
venu s'interposer entre le droit international et les personnes privées.
Pour mettre fin à l'impunité des agents de l'Etat, du plus petit au plus
grand, sans que la qualité officielle de l'un ou de l'autre puisse s'y opposer,
il fallait qu'on puisse atteindre, au-delà de l'Etat, la personne privée auteur
d'un crime défini internationalement. Alors que l'Etat constituait un écran
opaque entre les victimes et le droit international, « le voile étatique »
pourra se déchirer dans les conditions que j'ai décrites et atteindre, au-delà
de l'Etat, la personne physique auteur du crime et la sanctionner.
Tout système juridique qui permet cela comporte nécessairement une limitation
de la souveraineté des Etats, même s'ils déclarent y consentir en vue de
l'organisation et de la défense de la paix, comme le proclame le XVe alinéa du
préambule de la Constitution de 1946. Ces limitations sont nécessaires à
l'édification d'un ordre juridique international qui peut contribuer à la
défense d'un certain nombre de principes fondamentaux de protection des droits
de l'homme sur lesquels repose la société internationale. Mais tout le problème
est évidemment de trouver un équilibre entre la souveraineté des Etats et
l'édification d'un ordre juridique qui transcende ces souverainetés.
Je prendrai deux exemples de ce délicat équilibre.
Je citerai d'abord la décision des lords anglais relative au général Pinochet,
qui est à cet égard exemplaire puisqu'en l'espèce le droit international
appréhende une personne privée en refusant la protection
ratione
materiae
ou
ratione personae
que lui assurait le manteau étatique de
ses anciennes fonctions.
Un tel événement est de nature à transformer le droit international en mettant
fin à l'immunité des personnes agissant ou ayant agi au nom de l'Etat. Dans
quelque lieu qu'ils se trouvent et à quelque moment que ce soit, les plus
grands criminels n'auront désormais aucun abri sûr.
C'est évidemment une des ambitions que réalise le statut de Rome puisque, sur
saisine du Conseil de sécurité, la Cour pourrait être compétente pour juger le
ressortissant d'un Etat non-partie d'un crime commis sur le territoire d'un
autre Etat également non partie.
Mais je voudrais également attirer l'attention sur la transformation du droit
international que l'on observe dans le cas du général Pinochet, parce que les
actes juridiques des juges nationaux ou internationaux ont des répercussions en
termes diplomatique et politique. Et, pour éviter ces répercussions, qui peut
dire qu'un Etat ne préférerait pas parfois expulser un criminel de guerre de
son territoire plutôt que de le juger ?
J'en viens au deuxième exemple : la combinaison des articles 17 du statut
relatif au principe de complémentarité et 20 relatif au principe
non bis in
idem
rend très improbable que la Cour puisse déclarer recevable une affaire
qui aurait déjà été jugée.
En cela, le statut de la Cour est respectueux des ordres juridiques nationaux.
Cependant, ce même article 20 autorise la Cour à se saisir d'une affaire déjà
jugée si la procédure avait pour objet de soustraire une personne à sa
responsabilité pénale.
Cette disposition est entièrement légitime car la gravité, la cruauté et
l'inhumanité de certains crimes n'autorisent en aucun cas qu'ils puissent faire
l'objet d'un oubli. Elle répond à l'idée qu'il ne peut y avoir de paix sans
justice, de réconciliation sans vérité et que, par conséquent, la raison d'Etat
ne peut jamais l'emporter sur l'Etat de droit.
Mais qui peut dire que, dans tous les cas, partout et toujours, il
conviendrait de sanctionner ? L'Afrique du Sud a exploré une autre voie en
mettant en oeuvre, par exemple, la commission « vérité de réconciliation »
prévue par la Constitution intérimaire de 1993.
Sur le plan des rapports entre la paix et la justice, le statut de la Cour
réalise un délicat compromis entre les exigences de l'une qui pourrait
commander l'oubli et celles de l'autre qui pourrait commander la vérité.
A cet égard, l'article 16 du statut, qui octroie au Conseil de sécurité des
Nations unies la faculté de demander à la Cour de surseoir aux enquêtes ou aux
poursuites engagées, a suscité de nombreuses critiques au motif qu'il est peu
souhaitable qu'une instance politique et interétatique ait à intervenir dans le
fonctionnement d'une juridiction. Mais je crois cette disposition
nécessaire.
Dans la mesure où cette demande du Conseil de sécurité se situe dans le cadre
du chapitre VII de la Charte des Nations unies, c'est-à-dire dans le contexte
d'une menace contre la paix, on peut comprendre qu'il y ait un intérêt
essentiel à ne pas judiciariser entièrement la vie politique internationale et
à faire toute sa place à la politique et à la diplomatie.
De la même façon, s'agissant du crime d'agression, la France a défendu une
position qui tend à préserver les prérogatives du Conseil de sécurité, premier
responsable, en vertu de la Charte, pour déterminer l'existence d'un acte
d'agression.
Telles sont les quelques questions qui me paraissent importantes et sur
lesquelles, naturellement, la Cour pénale internationale devra, par sa
pratique, instaurer un équilibre avec le Conseil de sécurité des Nations unies.
Tel qu'il a été négocié, le statut donne effectivement toutes ses chances à la
réalisation de ces équilibres. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement
est déterminé à ratifier dès que possible la convention de Rome.
Nous avons signé la convention le lendemain de son adoption, et nous aimerions
que tous les pays qui ont voté en faveur de ce texte - ils étaient cent vingt -
fassent de même très rapidement.
La ratification de ce traité, qui marquera l'attachement de la France aux
valeurs fondamentales que la Cour pénale internationale contribuera à défendre,
nécessite au préalable que notre Constitution soit modifiée, tant il est vrai
que le statut de Rome change certaines données traditionnelles du droit
français.
Je reviens donc maintenant aux raisons qui font qu'une révision
constitutionnelle s'impose.
Je rappelle que le Conseil constitutionnel a été saisi conjointement par le
Président de la République et le Premier ministre de la question de savoir si
l'autorisation de ratifier le traité dont je viens d'exposer les grandes lignes
devait être précédée d'une révision de la Constitution.
Pour répondre à cette question, le Conseil constitutionnel a confronté le
traité à trois séries de normes d'égale valeur constitutionnelle : d'abord, les
dispositions mêmes de la Constitution de 1958 ; ensuite, les principes de rang
constitutionnel en matière de droit pénal et de procédure pénale ; enfin, le
respect des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.
Par décision du 22 janvier 1999, le Conseil a estimé que le traité qui lui
était soumis était conforme, à l'exception de certaines de ses stipulations.
Avant de détailler les points qui ont fait l'objet de déclarations
d'inconstitutionnalité, je voudrais faire quelques remarques.
Ma première remarque tient au fait que certaines stipulations ne posent pas de
problèmes constitutionnels.
Je crois important d'appeler votre attention sur le fait que les déclarations
de non-conformité à la Constitution ne traduisent aucune espèce de réserve de
la part de la haute juridiction à l'encontre du traité signé à Rome le 18
juillet dernier.
En effet, le Conseil constitutionnel a tenu à réaffirmer que le respect de la
souveraineté nationale ne fait pas obstacle au fait que, sur le fondement du
préambule de la Constitution de 1946, la France peut conclure des engagements
internationaux en vue de favoriser la paix et la sécurité du monde et d'assurer
le respect des principes généraux du droit public international.
Aucune disposition de notre loi fondamentale ne s'oppose à ce que la France
puisse signer et ratifier un traité qui prévoit en particulier la création
d'une juridiction internationale permanente destinée à protéger les droits
fondamentaux de la personne humaine, en sanctionnant les atteintes les plus
graves qui leur seraient portées.
Une telle prise de position montre bien que notre pays est ouvert au droit
international, comme le confirme le fait que le préambule de la Constitution de
1946 énonce que la République, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles
du droit international.
Celles-ci ne portent pas atteinte en elles-mêmes à la souveraineté nationale,
d'autant moins que le quinzième alinéa du même préambule dit clairement que, «
sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté
nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix ». Or tel est bien le
but de l'institution de la Cour pénale internationale.
A cet égard, je considère que la décision du Conseil constitutionnel est
extrêmement importante quand elle affirme que, eu égard à l'objet de la
convention de Rome, la clause de réciprocité n'a pas lieu de s'appliquer.
En effet, le fait que les autres Etats parties ne respecteraient pas les
obligations qui leur incombent ne saurait être un motif pour exonérer la France
des siennes, pour ne pas sanctionner les crimes les plus odieux.
Si la haute juridiction marque ainsi l'adhésion de la France au système du
droit international, en revanche, elle a souligné - comme elle l'avait déjà
fait dans ses décisions sur les traités européens - que, si les engagements
internationaux de la France contiennent une clause contraire à la Constitution,
il faut en effet procéder à une révision constitutionnelle avant de les
ratifier.
Qu'en est-il en l'espèce ? Comme le relève la décision du Conseil
constitutionnel, le traité portant statut de la Cour pénale internationale est
incompatible avec la Constitution sur trois points.
Ma deuxième remarque porte sur les stipulations incompatibles avec la
Constitution.
Il y a une incompatibilité entre le statut de Rome et les dispositions
constitutionnelles qui posent des règles spéciales de fond ou de compétence en
matière de responsabilité pénale du Président de la République, des membres du
Gouvernement ou du Parlement, dans la mesure où, comme je l'ai déjà fait
remarquer, le statut de Rome ne prévoit pas de régime spécial ou d'immunité
particulière pour ces personnes exerçant des fonctions législatives ou
exécutives.
Comme la Cour peut, au titre de l'article 27 du statut, exercer sa compétence
auprès de toute personne investie de fonctions officielles, il est incompatible
avec les régimes particuliers de responsabilité institués par les articles 26,
68 et 68-1 de la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a estimé que, malgré le principe de subsidiarité et
de complémentarité, le transfert de compétence résultant de la convention au
profit du juge international dans les cas d'intervention d'une loi d'amnistie
ou d'application des règles nationales de prescriptions portait atteinte aux
conditions essentielles d'exercice de la souveraineté.
Dans le cas particulier de la France, une personne de nationalité française ne
pourrait être poursuivie devant la Cour pénale internationale à ce titre et ne
pourrait être condamnée que dans des circonstances tout à fait extraordinaires.
Il faudrait que les faits soient prescrits, qu'ils soient couverts par
l'amnistie ou que la justice française ait renoncé à poursuivre des crimes
graves.
Toutefois, en premier lieu, certains des crimes pour lesquels la Cour est
compétente sont également imprescriptibles en droit français. C'est le cas du
génocide et des autres crimes contre l'humanité.
En deuxième lieu, les lois d'amnistie françaises excluent généralement les
faits d'une extrême gravité.
Enfin, en troisième lieu, il y a lieu d'écarter évidemment l'hypothèse dans
laquelle le système judiciaire français renoncerait à poursuivre ou juger les
auteurs de crimes graves, à moins d'imaginer que notre pays cesse d'être un
Etat de droit.
Par conséquent, si l'hypothèse dans laquelle s'est placé le Conseil
constitutionnel est largement théorique et constitue le corollaire du contrôle
abstrait et
a priori
qu'il exerce, il faut partir de l'idée qu'il n'y a
pas d'atteinte réelle et sérieuse à la souveraineté du système judiciaire
français. Si, comme je le pense, la justice française exerce normalement ses
compétences, elle poursuivra évidemment les auteurs des crimes d'une extrême
gravité.
Enfin, bien que les pouvoirs que le procureur de la Cour pénale internationale
tient de l'article 99 soient exclusifs de tout recours à la contrainte, le
Conseil constitutionnel a jugé qu'il pouvait également être porté atteinte aux
conditions essentielles de l'exercice de la souveraineté nationale. Il a jugé
que la possibilité donnée au procureur de recueillir directement sur le
territoire de l'Etat des dépositions de témoins et d'inspecter des sites ou des
lieux publics était trop vague au regard de la règle qui veut que les autorités
judiciaires françaises soient seules compétentes pour accomplir les actes
demandés par une autorité étrangère au titre de l'entraide judiciaire.
Ma troisième remarque porte sur les conséquences de cette décision.
Le Président de la République et le Gouvernement ont estimé que les obstacles
de nature constitutionnelle, au demeurant très limités, devaient être surmontés
afin que le Parlement puisse autoriser la ratification du statut de la Cour
pénale internationale et que le Président de la République puisse déposer les
instruments de ratification.
C'est la raison pour laquelle il vous est proposé de compléter le titre VI de
la Constitution relatif aux traités et accords internationaux par un article
53-2 nouveau, disposant que la République peut reconnaître la juridiction de la
Cour pénale internationale dans les conditions prévues par le traité signé le
18 juillet 1998. Ainsi, par une formule générale qui permet de répondre à
l'ensemble des motifs d'inconstitutionnalité relevés par le Conseil
constitutionnel, le Parlement pourra autoriser la ratification du statut de la
Cour pénale internationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, par cette révision constitutionnelle, que
l'Assemblée nationale a déjà adoptée le 6 avril dernier à l'unanimité moins une
abstention, la France démontre qu'elle est déterminée à faire aboutir la mise
en place de la Cour pénale internationale permanente et qu'elle fera tout ce
qui est en son pouvoir - je tiens à le souligner - pour que soixante Etats au
moins ratifient la convention de Rome.
Cela ne sera pas facile. Il nous faudra, pour y parvenir, déployer des talents
de persuasion envers des Etats qui nous sont liés.
Parce qu'il remet en cause la nature humaine et les fondements mêmes de la
communauté internationale, le crime contre l'humanité doit être poursuivi et
sanctionné.
Parce qu'il dépasse les frontières, le crime contre l'humanité mérite une
réponse forte et coordonnée des systèmes nationaux et internationaux de justice
pénale.
A Rome, l'été dernier, après tant d'années d'attentes et d'espoirs déçus, nous
avons franchi le cap du possible et du probable pour entrer dans une phase
moins théorique et illusoire, où l'on s'efforcera enfin de concevoir et
d'appliquer différemment la place de la justice pénale internationale dans la
résolution des conflits les plus graves. Nous sommes ainsi passés de la
conception et de l'expérimentation à la construction.
Vous pouvez compter sur moi et sur le ministère dont j'assume aujourd'hui la
charge pour participer activement à cette construction.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur les travées de l'Union centriste et du
RDSE).
(M. Gérard Larcher remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Badinter,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Madame la
ministre, vous avez rappelé à juste titre que ce projet de loi constitue, dans
l'histoire de la justice internationale et de la lutte pour le châtiment des
grands criminels contre l'humanité, un moment essentiel, et je sais que, dans
cette entreprise, nous pouvons compter sur vous ; vous en avez déjà donné les
preuves. C'est donc avec une particulière satisfaction, je ne le dissimule pas,
que j'assume ce rapport.
Je me souviens d'ailleurs - c'est une continuité - qu'ici même, voilà trois
ans - c'était un autre garde des sceaux, votre prédécesseur - je rapportais
déjà, au nom de la commission des lois, sur les modifications nécessaires à
apporter à notre législation pour la mettre en conformité avec les exigences
nées de la création du tribunal pénal international pour le Rwanda.
A cette occasion, au nom de la commission unanime, j'avais fait savoir à votre
prédécesseur que nous souhaitions que la France contribue, autant qu'elle le
pourrait, à la naissance de la Cour pénale internationale, seule juridiction
permanente susceptible d'assurer la répression des criminels contre
l'humanité.
Nous sommes à la fin du siècle, on se plaît à le rappeler très souvent. Hier,
à la commission des lois, je ne résistais pas à la mélancolie de dire que le
siècle avait commencé, pour les juristes, à La Haye, avec une conférence sur la
résolution de tous les conflits par la conciliation et l'arbitrage. Nos
lointains prédécesseurs vivaient ainsi dans une vision irénique d'un droit
régnant sur les relations internationales.
Ce siècle que nous achevons, aura finalement été souillé par les crimes contre
l'humanité les plus sanglants, depuis le génocide arménien, le génocide
rwandais, jusqu'aux événements qui se déroulent presque sous nos yeux au
Kosovo.
Le crime contre l'humanité sous toutes ses formes a déshonoré ce siècle, et je
suis malheureusement convaincu que, pour les générations à venir, Auschwitz en
restera le terrible symbole.
Au moins, à la fin du siècle, assistons-nous à ce progrès judiciaire, décisif
à mon sens, que représente la naissance d'une Cour pénale internationale.
En quoi cela constitue-t-il un progrès ? D'abord, par rapport aux juridictions
antérieures qui ont vu le jour, par rapport à Nuremberg ou à Tokyo, parce que
ce n'est pas la justice des vainqueurs qui s'exerce sur les vaincus, même si
elle leur reconnaissait toutes les garanties du droit. Ensuite, par rapport au
tribunaux
ad hoc
pour la Yougoslavie et le Rwanda, parce qu'il s'agit
d'une institution permanente, qui, à ce titre, détient un pouvoir de
dissuasion, qu'une juridiction créée après les crimes, avec un objet limité,
dans un cas, pour une durée limitée, ne peut évidemment détenir.
Comme vous l'avez rappelé, madame le garde des sceaux, la Cour pénale
internationale a fait l'objet de ce traité qui porte son statut, lequel a été
voté l'année dernière à Rome, après bien des difficultés, par cent vingt pays,
ce qui est énorme, sept pays seulement, non des moindres malheureusement,
votant contre et vingt s'abstenant.
Nous en sommes aujourd'hui au premier stade. Nous savons, en effet, que cette
révision constitutionnelle ne prend son sens que par rapport à la ratification
de ce traité.
Elle est nécessaire, mais, vous avez eu raison de le rappeler, madame le garde
des sceaux, au coeur de la problématique, il y a évidemment l'analyse de la
portée des dispositions du traité.
Sur la Cour pénale internationale, vous avez dit l'essentiel ; je me bornerai
donc à rappeler certains points qui me paraissent particulièrement
importants.
S'agissant de l'organisation, indiscutablement, c'est la chambre préliminaire
qui doit retenir notre attention, dans la mesure où elle améliore, par rapport
au tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, les procédures
d'enquête.
S'agissant de la compétence sous toutes ses formes, et d'abord de la
compétence matérielle, vous l'avez rappelé, la Cour est compétente pour les
crimes les plus importants. Ainsi, le génocide, le crime contre l'humanité ou
le crime de guerre sont définis et précisés. J'ai d'ailleurs relevé que, dans
l'article 7 du traité, une disposition s'applique directement à ce qui se passe
en ce moment même au Kosovo, puisque sont visés « la déportation ou le
transfert forcé de populations ». Ainsi donc, la déportation ou le transfert
massif de populations civiles réalisés par la force et dans le cadre d'un plan
systématique, constituent, il n'est pas indifférent de le rappeler à cette
minute, un crime contre l'humanité.
Pour le crime d'agression, que vous avez heureusement qualifié de « virtuel »,
je m'interroge : le verrons-nous jamais sortir de sa virtualité ? On nous en
parle depuis si longtemps... Je le dis clairement, au nom de la commission,
nous ne considérons pas que ce soit le plus important pour l'avenir. Ce qui
compte, c'est le châtiment des criminels, et non la prise en compte des
responsabilités des Etats dans une sorte de forum international. Mais les trois
grands crimes que j'ai évoqués suffisent pour fonder la compétence
matérielle.
Je rappelle, car c'est également important, que cette compétence sera mise en
oeuvre, que les crimes soient commis dans le cadre d'un conflit international
ou dans le cadre d'un Etat au cours d'un conflit interne, comme c'est le cas en
ce moment.
Cette compétence ne prendra évidemment corps qu'à dater du moment où la Cour
aura été créée, c'est-à-dire lorsque les ratifications nécessaires seront
intervenues. Raison de plus, dirais-je, avec l'éminent rapporteur de la
commission des affaires étrangères, pour ne pas perdre de temps et pour donner
l'exemple !
M. André Dulait.
Très bien !
M. Robert Badinter,
rapporteur.
En ce qui concerne les compétences
ratione personae
et
ratione loci
de la Cour, comme aurait dit notre éminent collègue Jean
Foyer, c'est-à-dire compétence personnelle et compétence territoriale, elles
s'appliquent quand l'auteur présumé du crime est un national d'un des Etats
parties ou lorsque les crimes ont été commis sur le territoire d'un des Etats
parties.
Cela ne suffit pas, hélas ! à créer une compétence universelle, mais cela
marque aussi que c'est à la mesure des ratifications que le champ de compétence
territoriale s'étendra. Il est donc d'autant plus important - comme vous l'avez
souligné, invoquant à cet égard le concours actif du Gouvernement, ce dont nous
nous réjouissons - que nous suscitions le plus grand nombre de ratifications
possible dans le délai le plus bref possible.
Au-delà de ces compétences certaines, deux autres, que je qualifierai
d'éventuelles, sont prévues dans le traité. L'une est très importante, l'autre
s'explique par certaines circonstances de fait.
Je commence par la dernière, qui s'exerce dans le cas où un Etat non partie au
traité demande que des crimes qui ont été commis sur son territoire soient
jugés par la Cour pénale internationale. On pense à certains malheureux Etats
ravagés par des génocides et qui n'ont pas de système judiciaire leur
permettant de procéder par eux-mêmes au jugement des crimes contre l'humanité
dont ils ont été les victimes.
Quant à la première compétence, d'importance majeure, elle est déclenchée par
une résolution du Conseil de sécurité dans le cadre du chapitre VII de la
charte des Nations unies. Je pense que nous verrons sa mise en oeuvre dans les
circonstances les plus importantes. Je souligne qu'en l'occurrence la
compétence est enfin universelle.
Comme vous l'avez rappelé, madame, trois modes de saisine sont prévus : par
l'Etat partie ; par le Conseil de sécurité des Nations unies agissant dans le
cadre du chapitre VII de la charte ; enfin par le procureur.
Indiscutablement, le procureur sera le moteur le plus important de cette
juridiction. Il sera totalement indépendant et sa fonction sera considérable.
Il est vrai que ses initiatives seront contrôlées par une chambre préliminaire
composée de magistrats du siège. Ainsi, l'exercice de l'action et de l'enquête
par le procureur sera entouré de toutes les garanties nécessaires.
Comme l'a d'ailleurs souligné le Conseil constitutionnel, les autres règles de
procédure sont conformes à toutes les exigences requises pour le déroulement
d'un procès équitable.
Ce qui, à mon sens, dans cette procédure, constitue en effet une innovation -
je le rappelle avec plaisir au regard des efforts déployés par la délégation
française à Rome - c'est l'instauration de la chambre préliminaire. Vous avez
bien fait, madame le garde des sceaux, d'indiquer que l'on assistait là à la
naissance d'une sorte de procédure mixte qui emprunte beaucoup au système
accusatoire anglo-saxon - après tout, à l'audience, c'est ainsi chez nous
depuis lontemps - et qui, par ailleurs, introduit cette chambre et ce contrôle
des initiatives de la partie poursuivante, si importants à nos yeux.
Je rappelle que c'est à la suite de ce qui, à cet égard, avait été relevé au
sein du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et presque à la
demande des magistrats de cette institution que l'on a créé cette chambre
préliminaire. Cela est très important pour l'avenir, car je crois que naîtra
ainsi, notamment au sein de l'Union européenne, un modèle commun de procédure
pénale répondant à toutes les exigences du procès équitable.
En ce qui concerne les peines, je ne peux pas passer sous silence le fait que,
à Rome, on ait considéré que le châtiment des pires criminels, des criminels
contre l'humanité, devait être une peine de réclusion criminelle à perpétuité.
Cent vingt Etats ont voté cette disposition ; au regard de l'abolition de la
peine de mort, cela méritait d'être souligné.
En ce qui concerne les victimes, c'est en effet grâce à la France que l'on a
pu introduire des dispositions qui n'étaient pas indispensables au regard de la
conception générale du procès pénal et de la conception anglo-saxonne
notamment. Je n'ai pas besoin de rappeler que, s'agissant de crime contre
l'humanité, le nombre si élevé de victimes interdit, on le conçoit, le type
d'intervention que nous connaissons et qui convient s'agissant de victimes
individuelles. Peut-on imaginer ce qu'auraient été les constitutions de parties
civiles au procès de Nuremberg ! C'est l'humanité tout entière qui,
véritablement, était concernée.
Ces dispositions ne prennent, à mon sens, toute leur portée qu'au regard de
deux considérations.
La première a trait aux Etats eux-mêmes. Ce qui est construit dans ce nouvel
espace judiciaire, ce n'est pas une institution des Nations unies, c'est une
institution liée à l'ONU mais qui est l'expression de la souveraineté des Etats
se traduisant dans le cadre d'un traité.
Par conséquent, lorsqu'on regarde de près ce traité, on se rend compte, comme
il est indiqué d'ailleurs excellemment dans le rapport de la commission des
affaires étrangères, que nous sommes en présence d'un système, sinon de
subsidiarité, en tout cas de complémentarité. Autrement dit, il revient aux
Etats eux-mêmes de châtier les criminels contre l'humanité qui sont leurs
ressortissants. C'est seulement s'ils ne peuvent le faire, s'ils ne veulent pas
le faire ou, pis encore, s'ils essaient, par un simulacre de justice, de
dérober les responsables à la sanction, que la Cour pénale internationale
interviendra.
A cette obligation de châtiment s'ajoute l'obligation de coopération, sans
laquelle la lutte pour le châtiment des criminels contre l'humanité ne pourra
pas véritablement s'engager.
Il convient donc d'insister sur le rôle premier des Etats dans cette
entreprise de lutte contre l'impunité et sur le respect de leur souveraineté
essentielle qui en découle.
S'agissant du Conseil de sécurité, vous avez évoqué les réserves qu'avait
suscitées la clause du traité aux termes de laquelle le Conseil de sécurité
peut, par une résolution, demander pendant douze mois la suspension des
poursuites. Il est évident que, dans la pratique, cette hypothèse se réalisera
très peu souvent. Je rappelle que la France est membre permanent du Conseil de
sécurité. Par conséquent, la résolution en question devra être prise avec notre
accord et celui de tous les membres permanents du Conseil. Nous resterons donc
maîtres de la continuité des poursuites. Finalement, cette clause qui a suscité
une telle émotion ne me paraît pas devoir être, dans la pratique, autre chose
qu'une possibilité qui, dans certains cas pourra se révéler d'une certaine
utilité.
Voilà pour les rapports avec les Etats. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été
évoqué à propos de l'article 124 sur ce point. La discussion relative à la
faculté laissée aux Etats de ne pas souscrire à la disposition concernant les
crimes de guerre s'inscrit davantage dans le cadre du débat de ratification que
dans celui de la révision constitutionnelle.
S'agissant de la révision constitutionnelle proprement dite, bien évidement,
nous nous en félicitons. Le Président de la République et le Premier ministre
ont saisi conjointement le Conseil constitutionnel, qui a rendu une décision,
longue, marquant à quel point la procédure suivie répondait à toutes les
exigences qui s'imposent à nous en matière de droit pénal et de procédure
pénale.
Il a relevé trois chefs de contrariété du traité à la Constitution. Tout le
monde s'y attendait s'agissant, en particulier des régimes spéciaux en matière
de procédure pénale et même d'immunité pénale aussi bien pour le Président de
la République que pour les membres du Gouvernement et pour les
parlementaires.
Il était évident que si l'on n'admettait pas la possibilité de poursuivre tel
ou tel responsable au plus haut niveau - là encore, nous ne pouvons que penser
à ce qui se passe actuellement dans les Balkans - le traité aurait perdu toute
portée et la Cour toute efficacité.
Mais il est évident aussi que cela impliquait une révision constitutionnelle.
C'est à celle-ci que nous procédons.
En ce qui concerne l'amnistie, vous avez dit, madame la ministre, ce qu'il
fallait en dire. Peut-on songer une seconde à amnistier le crime contre
l'humanité ? Peut-on songer une seconde à amnistier le génocide ? Je n'insiste
pas !
En ce qui concerne la prescription, le génocide et le crime contre l'humanité
sont déjà imprescriptibles. Nous en serons quittes pour modifier notre code
pénal, en fonction des infractions visées dans le traité.
Une inconstitutionnalité s'est ajoutée, celle qui est relative aux pouvoirs du
procureur indépendant, qui ne reçoit aucune instruction d'aucun Etat. Il peut
éventuellement, en cas d'urgence - on perçoit très bien l'intérêt de cette
faculté - se transporter dans l'un des Etats parties et demander à entendre un
témoin. Si ce dernier ne souhaite pas être entendu, il ne l'est pas. Le
procureur peut aussi visiter des sites et procéder à certaines constatations
matérielles. Là non plus, aucune voie d'exécution forcée n'est prévue.
Le Conseil constitutionnel a considéré qu'il y avait une atteinte aux
conditions essentielles d'exercice de la souveraineté. Dès lors, il convenait
de réviser la Constitution également sur ce point.
La voie choisie par le Président de la République et par le Gouvernement est
la bonne. Il est évident que nous n'allions pas reprendre chacun des articles
ou éventuellement procéder à des ajouts, notamment en ce qui concerne les
pouvoirs du procureur.
La seule façon convenable et rapide de procéder consistait, comme pour les
traités d'Amsterdam et de Maastricht, à recourir à un article unique.
La formulation retenue m'a laissé un instant perplexe : le terme « juridiction
» a un sens précis en droit international public. Peut-être aurait-on dû se
contenter de la compétence. Mais nous n'allons pas faire preuve d'un
perfectionnisme de la langue juridique qui risquerait, en l'occurrence, d'être
considéré comme excessif.
Il s'agit donc simplement de décider que la République reconnaît la
juridiction de la Cour pénale internationale dans son état, et sous réserve,
bien entendu, de ratification du traité. Cela implique que, en cas de révision
du traité, il appartiendra aux plus hautes instances de l'Etat ou aux
parlementaires de saisir à nouveau le Conseil constitutionnel. Nous verrons ce
qu'il en adviendra.
Telle est l'économie de cette révision constitutionnelle.
Je l'ai dit, la commission des lois, unanime, approuve entièrement ce projet
de révision, dont j'ai souligné l'importance.
Oui, c'est un progrès considérable. Je sais bien que cela ne répond pas à
toutes les attentes des organisations. Je sais bien qu'on aurait rêvé d'une
cour qui aurait joui de la compétence universelle. Je sais bien que l'article
124 a été beaucoup critiqué, y compris par moi-même. Il demeure que, par
rapport à ce que l'on souhaite depuis si longtemps, à savoir qu'il soit mis un
terme à l'impunité des criminels contre l'humanité, c'est bien une avancée que
nous devons saluer et à laquelle nous devons nous rallier.
Cela étant, cette avancée ne deviendra effective que si elle rallie le
concours des Etats. Sur ce point, nous devons tous, en particulier les
gouvernements de toutes les puissances, tirer la leçon de ce qui s'est passé à
propos du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
Si les puissances intéressées avaient fait preuve de toute la fermeté et
peut-être même de toute l'audace requises pour arrêter des criminels contre
l'humanité identifiés et localisés - je pense en particulier à Karadzic et à
Mladic, lequel est de retour sur le théâtre de ses sinistres exploits et à
nouveau « opérationnel » en ce sens qu'il continue de commettre des crimes
contre l'humanité - ceux qui sont aujourd'hui à l'oeuvre au Kosovo auraient su
que c'était leur sort personnel qui était en jeu, que, tôt ou tard, ils
auraient été amenés à devoir rendre des comptes devant la justice
internationale, avant de se retrouver là où ils doivent finir, c'est-à-dire
dans un établissement pénitentiaire, probablement à La Haye.
Cette dissuasion-là est une dissuasion personnelle d'une force considérable :
la crainte pour votre destin même, quand on vous demande de commettre des
crimes contre l'humanité, c'est tout autre chose que des frappes sur des
objectifs militaires, industriels ou politiques. C'est leur propre avenir même
que ces criminels savent en jeu au moment où ils se rendent coupables de leurs
exactions.
Je le dis, c'est de cette fermeté dans l'action que dépend l'avenir de la Cour
pénale internationale puisque, sans les Etats, elle sera désarmée. Pour le
reste, je fais confiance à ceux qui auront à mettre en oeuvre les pouvoirs qui
lui sont reconnus.
Nous savons qu'il y a une loi classique qui s'applique à toute juridiction.
Elle va jusqu'à la limite de ses pouvoirs. Il en ira de même pour la Cour
pénale internationale.
S'agissant de la mission de ceux qui auront à la faire fonctionner, c'est
assurément une des plus grandes qui se puisse concevoir parce que, vous l'avez
rappelé, madame la ministre, il n'y a pas de paix possible sans justice et,
pour les victimes, il n'y a pas d'apaisement possible sans justice.
Pour la conscience collective, mais particulièrement pour les victimes, à la
fin de ce siècle, il n'y a rien de plus intolérable que de penser que les
auteurs de ces crimes pourraient couler une vieillesse paisible, entourés des
leurs, de l'affection de leurs proches, de l'amitié de leurs voisins, alors que
les victimes, elles, resteraient seules avec leur malheur.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je n'avais pas,
primitivement, l'intention d'intervenir dans ce débat mais, à ne pas le faire,
j'aurais eu l'impression de manquer à un devoir, celui-ci consistant d'abord
pour moi à remercier notre rapporteur de l'excellence du travail qu'il a
accompli, au nom de notre commission, en présentant de manière extrêmement
éclairante un dossier singulièrement difficile. Pour des raisons que nous
comprenons, il est d'ailleurs allé au-delà de la stricte sécheresse juridique,
en évoquant la signification profonde de ce texte.
Il n'est pas anodin, mes chers collègues, que ce débat s'engage alors que le
siècle s'achève, un siècle qui s'est ouvert sur des espoirs de paix et de
progrès.
Le hasard a voulu que, feuilletant l'autre jour un vieux journal, je retrouve
la trace de cette chanson naïve que l'on avait fait composer pour le banquet de
clôture de l'Exposition universelle de 1900 : des paroles au caractère un peu
pompier, certes, mais chaleureuses, témoignant d'un profond espoir dans la
paix. On sait ce qu'il en a été !
Peut-être l'époque que nous venons de vivre s'inscrira-t-elle parmi les plus
noires de l'histoire de l'humanité. Mais, malgré les heures sombres qui
ponctuent cette histoire, demeure chez tous les hommes cette volonté de
parvenir à un état de paix juste et durable, c'est-à-dire à ce qui doit être
pour tous, selon la définition éternelle de saint Augustin, « la sécurité dans
l'ordre ».
Si l'on transpose les rapports entre les groupes sociaux et les individus aux
relations entre les nations, on constate que l'ordre international, comme
l'ordre social, ne peut être respecté qu'à une triple condition : il faut qu'il
existe une loi - ou un code - un juge et une force.
La loi, voilà longtemps que l'on s'efforce de l'établir, parce qu'on sait
qu'elle est nécessaire et parce qu'elle coïncide avec une aspiration
profondément ancrée dans le coeur des hommes. Hélas ! elle a été souvent
violée, et ces violations ont été trop souvent accomplies dans la plus totale
des impunités.
Des juges ont aussi été mis en place. Car on oublie qu'une première tentative
a vu le jour au lendemain de la Première Guerre mondiale. Tentative vite
abandonnée parce que cette guerre, dont on découvre maintenant qu'elle a été
tragiquement inutile, a été malgré tout une guerre classique : lors d'un
conflit qui mettait en présence des forces armées obéissant tout de même à une
sorte de code, l'horreur aura été finalement « acceptable ».
Le procès de Nuremberg, sans doute inévitable, sans doute nécessaire, n'a pas
été à l'abri de critiques strictement juridiques ; j'en discutais avec notre
rapporteur. Certes, les droits des coupables ont été respectés, mais il a fallu
poser, à la demande du procureur soviétique, le principe selon lequel l'excuse
de la réciprocité ne serait jamais admise.
Que peut-on espérer de cette cour que l'on veut mettre en place, après celle
que l'on vient de créer, à compétences matérielles réduites ?
Sa création implique pour nous de modifier, une fois de plus, notre
Constitution. Je me permets de dire au passage qu'il faudra bien trouver un
moyen qui nous permette d'aborder de manière globale les modifications de notre
loi fondamentale rendues nécessaires par les accords internationaux, de plus en
plus nombreux, auxquels la France entend légitimement souscrire.
Au-delà de la pertinence de son action, cette cour a pour moi une valeur
d'avertissement : faire savoir à l'avance que, dans une guerre ouverte ou dans
un conflit armé qui ne reçoit pas cette qualification juridique précise, tout
n'est pas possible. Et cet avertissement vaut également pour tous les
manquements à un ordre défini qui se produiraient à l'intérieur des frontières
d'une nation. C'est peut-être là la signification la plus importante de ce que
nous sommes en train d'accomplir.
S'agissant du conflit du Kosovo, permettez-moi de vous faire part d'une
remarque, selon moi intelligente, d'un auteur de politique fiction. Supposez,
disait-il en substance, que Hitler, démocratiquement élu, ait observé, en 1933
ou en 1935, un respect absolu de l'ordre international et déclaré que, tout en
respectant le traité de Versailles, il était souverain chez lui et entendait
simplement expulser les Allemands d'origine juive ou, le cas échéant, les
massacrer ; nous n'aurions rien pu faire. Or, si nous avons agi, c'est parce
que Hitler a eu, permettez-moi de le dire, l'imprudence de se livrer à une
aventure internationale au terme de laquelle il a été possible de le
sanctionner, lui et les siens.
L'exercice par un Etat de sa souveraineté nationale - et ce point me paraît
fondamental - est désormais encadré de deux façons : le droit est rappelé et,
compte tenu de l'existence d'un juge, la menace de la sanction plane.
Reste le troisième pilier auquel je faisais allusion, c'est-à-dire celui de
la force nécessaire. Pour que le juge soit saisi, pour que, le cas échéant, la
loi soit respectée, il faudra bien, sous une forme quelconque, doter la
souveraineté internationale de la force nécessaire.
Le xxe siècle n'aura pas été cette époque de paix et de progrès que l'on
espérait. Peut-être le xxie siècle le sera-t-il, grâce à ce que nous sommes en
train d'accomplir.
Nous avons cru, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, que la paix était
acquise. Ce que l'Afrique a vécu, l'existence d'Etats criminels dont on a
découvert les crimes après leur effondrement ou leur disparition, et contre
lesquels nous n'avons rien pu faire, et les événements qui se déroulent en
Europe montrent, s'il en était besoin, au-delà des intentions juridiques, la
difficulté de la tâche qui reste à accomplir.
La reconnaissance d'une loi, l'existence d'un juge et peut-être un jour la
force nécessaire dont sera dotée la souveraineté internationale permettront,
enfin, de voir se réaliser le voeu de saint-Augustin : la paix, c'est-à-dire la
sécurité dans l'ordre.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union
centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 45 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, notre
débat de ce jour devrait théoriquement se limiter à l'examen des aspects
constitutionnels liés à la vraisemblable ratification du traité de Rome du 17
juillet 1998 portant création d'une Cour pénale internationale.
Nous savons en effet que certains aspects de cet engagement, contracté par les
délégués de cent vingt pays, ne sont pas conformes à notre loi fondamentale et
imposent donc sa révision.
Cela dit, il m'est difficile de ne pas anticiper sur l'objet même du traité,
et ce pour une raison bien simple : ou bien cet accord doit être approuvé, et
la révision constitutionnelle s'impose ; ou bien, à l'inverse, cet engagement
ne recueille pas notre adhésion, et ce projet de loi constitutionnelle devient
inopportun.
Je souhaite, dès à présent, faire savoir à la Haute Assemblée ainsi qu'au
Gouvernement que mon propos s'inscrira dans le cadre du premier terme de cette
alternative : celui de la nécessaire ratification du traité de Rome et de la
révision concomitante de la Constitution.
La justice pénale est, malgré de nombreuses tentatives, quasiment absente de
l'ordre international. Les rares percées du droit pénal au sein de l'histoire
contemporaine mondiale sont consécutives aux tragédies de la Seconde Guerre
mondiale avec les procès de Nuremberg et de Tokyo ou, plus récemment, aux
guerres de Bosnie et du Rwanda, avec la constitution de tribunaux
ad
hoc.
Ce mode opératoire, ponctuel et imposant, dans chaque cas, la réunion des
acteurs internationaux, n'est pas réellement satisfaisant, car il s'inscrit
dans le cadre d'une justice non pas pérenne, mais seulement occasionnelle.
Les juridictions internationales d'espèce constituent certes une avancée
substantielle, mais elles présentent toutefois l'inconvénient d'intervenir
a
posteriori,
c'est-à-dire après la commission des crimes qu'elles sont
amenées à juger, ce qui ôte tout caractère dissuasif à l'action pénale.
La création d'une Cour pénale internationale témoigne donc de la volonté,
exprimée par plus de cent vingt nations, de ne plus jamais laisser impunis les
crimes les plus graves.
Une actualité brûlante nous rappelle d'ailleurs quotidiennement que, sur notre
continent, à quelques kilomètres seulement de nos frontières, la barbarie est
toujours de ce monde.
Si maigre soit la consolation que pourrait, à l'heure actuelle, nous apporter
l'existence d'une telle Cour pénale internationale qui, bien évidemment,
n'aurait pas le pouvoir de mettre fin aux massacres orchestrés, je ressens
néanmoins une profonde satisfaction.
En effet, la création de cette juridiction hautement supérieure est un message
fort que les nations signataires adressent, pour la première fois, aux
malheureuses victimes d'agissements inqualifiables.
Désormais, nous pouvons leur dire que leurs souffrances ne resteront plus
impunies et qu'aucune exception de nationalité, de territorialité ou de
temporalité n'empêchera la justice des hommes de passer.
Paradoxalement, cet aboutissement, qui ne peut que nous réjouir, symbolise
aussi une renonciation
a priori,
dans la mesure où cet engagement
consacre avec fatalité l'existence, présente ou à venir, de situations
analogues à celle que nous connaissons, par exemple, au Kosovo.
En clair, cela signifie qu'au même instant la saisine de la future Cour pénale
internationale entérinera l'échec de la prévention diplomatique et des
dispositifs de négociation en faveur d'un retour à la paix.
Mon enthousiasme s'émousse quelque peu à la lecture de la liste des pays
signataires de ce traité de Rome ou, plus exactement, à l'énoncé du nom des
Etats ayant refusé de souscrire à cet engagement presque unanime, parmi
lesquels figurent, notamment, les Etats-Unis, la Chine, l'Inde et Israël.
Que le Président de la République et le Gouvernement n'interprètent pas mes
propos comme une critique - il s'agit plutôt de l'expression d'un désarroi -
mais je n'arrive pas à admettre, même si je le comprends, que nos échanges avec
Pékin se limitent à la vente d'Airbus.
Je sais que les plus hautes autorités de notre pays ont à coeur d'attirer
systématiquement l'attention des dirigeants chinois sur la question du respect
des droits de l'homme. Pourtant, nous devons, hélas ! constater que ces efforts
n'ont toujours pas porté leurs fruits.
Cela étant, et même si je le déplore, le refus chinois s'inscrit, si j'ose
dire, dans une tradition à laquelle nous sommes malheureusement habitués. C'est
pourquoi le refus américain me semble presque plus gênant.
Après les guerres du Golfe et de Bosnie, la crise du Kosovo nous donne un
nouvel exemple de la mainmise américaine sur l'ordre planétaire.
Il s'agit d'un véritable paradoxe que je ne parviens pas à saisir : l'action
militaire menée en ex-Yougoslavie ne pouvait être mise en place sans l'aval des
Etats-Unis ; parallèlement, l'action diplomatique menée dans le cadre de la
Cour pénale internationale n'a pu, quant à elle, être mise en place avec l'aval
de ce pays.
Je ne comprends pas l'attitude réservée qu'adoptent les Etats-Unis lorsqu'il
est question des droits de l'homme. Pourquoi cet Etat, pourtant imprégné de
valeurs qui ne nous sont pas étrangères, ne parvient-il pas à participer aux
objectifs que nous cherchons à atteindre ?
Pourquoi, par exemple, ce grand pays, pourtant si attaché à la notion
d'humanisme, persiste-t-il à appliquer la peine capitale alors que la plupart
des démocraties modernes ont adhéré au protocole additionnel à la Convention
internationale des droits de l'homme qui interdit ce châtiment ?
Mes chers collègues, si j'ai choisi d'évoquer le cas de la Chine et des
Etats-Unis, c'est pour une raison fort simple qui tient aux modes de saisine de
la future Cour pénale internationale.
Le traité prévoit, en effet, que cette juridiction fonctionnera dans le cadre
d'une étroite coopération entre les Etats parties et l'Organisation des Nations
unies.
C'est ainsi que la Cour pénale internationale pourra être saisie par un
signataire du texte ou par le Conseil de sécurité des Nations unies. Or, dans
cette dernière hypothèse, chacun songe évidemment au fait que sont membres
permanents du Conseil de sécurité, et disposent à ce titre d'un droit de veto,
la Chine et les Etats-Unis.
En résumé, cela signifie que ces deux pays, qui ont pourtant choisi de
demeurer en dehors du traité de Rome, parviendront néanmoins à encadrer
l'application d'un texte auquel ils sont étrangers : ainsi, une seule de leurs
voix aura plus d'écho que celles des cent vingt signataires de la
convention.
Ayant fait part de mon étonnement à propos de ces situations, je souhaite, à
présent, vous faire connaître mes réels motifs de satisfaction quant à la
présence à Rome de nombreux Etats dont je ne peux que saluer le courage de la
démarche.
Je pense, en effet, et vous le comprendrez très bien, à ces nombreux pays
d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique latine qui, malgré une faible expérience de la
démocratie, ont néanmoins choisi d'adhérer à cet engagement commun.
Je me réjouis de relever que certains d'entre eux, dont l'histoire récente
atteste pourtant de profondes hésitations quant au choix de leur régime
politique, ont cependant décidé d'agir à nos côtés en faveur d'une
reconnaissance internationale des droits de l'homme. En raison des liens
particuliers qui nous lient à ces Etats, la France ne peut que se féliciter de
la qualité d'une telle démarche.
En l'état des discussions, nous sommes amenés à nous prononcer sur un projet
de loi constitutionnelle qui, en réalité, ne pose guère de difficultés, le
Conseil constitutionnel ayant fait savoir que l'esprit du traité de Rome
n'était pas incompatible avec celui de notre loi fondamentale.
La rédaction qui nous est proposée par le Gouvernement, outre les aspects
pratiques qu'elle revêt, dans la mesure où elle permet d'éviter des réponses
ponctuelles aux objections du Conseil constitutionnel qui auraient pu être
difficiles à exprimer, traduit à mon sens, la volonté d'adhérer sans réserve à
la Cour pénale internationale dont l'existence sera désormais consacrée par
notre Constitution.
Mes chers collègues, il est de notre devoir de soutenir la création de cette
juridiction indispensable et d'apporter ainsi une nouvelle pierre à
l'élaboration du droit fondamental international.
Dût sa modestie en souffrir, je souhaite à cette occasion remercier notre
excellent rapporteur de la qualité de son travail et de la précision des
explications qu'il nous a apportées.
Mes pensées vont aussi vers ceux sans lesquels un tel édifice n'aurait
certainement jamais vu le jour et qui, grâce à leur détermination, sont
parvenus à faire comprendre aux nations qu'il était essentiel d'abandonner une
parcelle de leur souveraineté interne, et ce dans l'intérêt commun. Je veux
parler de François Mitterrand et de M. Boutros Boutros-Ghali.
S'inscrivant pleinement dans cette détermination, le groupe du Rassemblement
démocratique et social européen, unanime, apportera son soutien à ce projet de
loi constitutionnelle.
(Applaudissements sur les travées du RDSE et sur les travées socialistes,
ainsi que de l'Union centriste, du RPR et sur certaines travées des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous
avons pris l'habitude de ratifier un certain nombre de traités en deux temps :
le premier consiste à modifier la Constitution, le second à autoriser, par une
loi, la ratification. Il en résulte des débats décousus et incomplets. En
l'occurrence, nous avons en effet abordé à la fois la forme, la révision de la
Constitution, et le fond, c'est-à-dire le contenu même du traité. Les
magistraux exposés de Mme le garde des sceaux et de M. le rapporteur sur le
contenu du traité étaient bien sûr nécessaires pour nous éclairer et pour
justifier, dans une certaine mesure, l'intérêt de la révision
constitutionnelle. C'est sur ce premier point que je voudrais tout d'abord
m'arrêter.
En matière de révision constitutionnelle, nous avons pris de très mauvaises
habitudes. Qu'il s'agisse du traité de Maastricht, du traité de Schengen, du
traité d'Amsterdam et, maintenant, du traité de Rome, nous sommes amenés, à
chaque fois, à réviser la Constitution. Comme il s'agit de traités évolutifs,
chaque fois que nous les modifierons, que nous y ajouterons quelque chose, nous
devrons sans doute, après décision du Conseil constitutionnel, procéder à une
nouvelle révision constitutionnelle.
M. Emmanuel Hamel.
Et bientôt il n'y aura plus de France !
M. Guy Allouche.
Mais non, monsieur Hamel !
M. Patrice Gélard.
A ce rythme, notre Constitution risque de contenir plus de références aux
traités qu'au reste.
Madame le garde des sceaux, il est peut-être temps d'abandonner notre
conception du droit international issue du xixe siècle et d'envisager d'autres
formules en matière de ratification des traités. A cet égard, je vous suggère
de confier à la commission des lois du Sénat le soin de réfléchir à la
possibilité de faire figurer dans un article unique de la Constitution les
dispositions permettant de ratifier les traités qui comportent délégation de
compétence.
Cette formulation, à laquelle je n'ai pas encore suffisamment réfléchi,
pourrait être la suivante : « Les traités qui impliquent délégation de
souveraineté ne peuvent être ratifiés que par référendum ou au moyen d'une loi
organique. » C'est une possibilité ; il en est certainement d'autres. Nos
débats y gagneraient en clarté et les choses seraient plus simples.
En effet, la rédaction à laquelle la commission des lois s'est ralliée, sur
proposition de M. le rapporteur, est la suivante : « La République peut
reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les conditions
prévues par le traité signé le 18 juillet 1998. » Cette formulation n'est pas
satisfaisante.
Mettons-nous dans la situation de chacun de nos concitoyens : il a bien
entendu sur sa table de nuit la Constitution, qu'il relit régulièrement
(sourires),
mais il n'aura pas le texte du traité du 18 juillet 1998. Il
ne saura pas ce qu'il y a dedans ; il devra faire une gymnastique
intellectuelle pour se renseigner et en connaître le contenu.
M. Emmanuel Hamel.
Il ne dormira plus !
M. Patrice Gélard.
Il y a là un vrai problème de démocratisation de notre droit, et cela me
permet d'en venir au deuxième point de mon intervention.
La lecture du traité de Rome est assez rocailleuse, c'est le moins que l'on
puisse dire. Le texte français est rédigé dans une langue bizarre ; mais les
textes russe ou anglais ne sont pas mieux lotis. Il s'agit en effet d'une sorte
de franglais dans lequel les mots n'ont pas l'acception habituelle qui est la
leur dans la langue française. Peut-être est-ce le résultat de la fatigue des
négociateurs ou de l'insuffisance de la connaissance de l'autre langue par nos
rédacteurs ? Je suis assez surpris par la médiocrité actuelle de la rédaction
des textes internationaux, qu'il s'agisse du traité de Rome ou des traités
européens rédigés dans une même langue. C'est une sorte de volapuk. Nous ne
faisons plus attention à la qualité de la rédaction des traités. A cet égard,
il faut réaliser un effort capital.
Le droit n'est compréhensible que lorsqu'il est clair, quand il est bien
écrit, quand il ne laisse pas la place à des interprétations. Or on ne peut,
hélas ! pas dire que le traité de Rome soit une merveille du genre.
De plus, les imperfections du texte ont une conséquence et une cause : notre
contamination, à l'échelon des juridictions internationales, par la pratique de
la
Common law,
selon laquelle les juges continuent de se réserver un
pouvoir d'appréciation et se satisfont de textes flous. Cette dérive est
d'abord apparue au sein des décisions de la Cour européenne des droits de
l'homme, puis de la Cour de Luxembourg. Je crains qu'elle ne soit aussi le fait
du tribunal pénal international.
A partir du moment où l'on est dans le domaine international, les choses
doivent être claires pour être comprises de la même façon par tous. Or la façon
dont est rédigé le traité, dont sont définis le génocide, le crime contre
l'humanité, les crimes de guerre n'est pas, au regard de notre tradition
juridique pénale, très satisfaisante.
Ce traité est une première étape, à partir de laquelle il sera sans doute
souhaitable d'adopter un code pénal international et un code de procédure
pénale international, à condition que nos diplomates fassent des efforts de
rédaction en revenant à une langue juridique, et non en utilisant une langue
que je qualifierai de langue mixte, où se mêlent le langage diplomatique, les
termes juridiques, et les formulations de convivialité.
Cette deuxième remarque me paraît avoir son importance.
J'en viens au troisième point de mon intervention, empiétant sur le débat qui
aura lieu lors de l'examen du projet de loi visant à autoriser la ratification
du traité. Compte tenu des excellents exposés liminaires du Gouvernement et de
la commission, je me contenterai de formuler quelques remarques.
D'abord, les dictateurs ne pourront plus faire de voyages internationaux dans
les années à venir.
(Marques d'approbation sur plusieurs travées.)
Tel ou tel homme d'Etat
non fréquentable ne pourra pas se rendre en visite d'Etat ou à une conférence
internationale sans prendre le risque d'être immédiatement arrêté sur
réquisition du procureur ou du Conseil de sécurité des Nations unies.
Nos chefs d'Etat y perdront peut-être en termes de tourisme, mais la moralité
internationale y gagnera. En revanche, il faudra protéger nos chefs d'Etat de
toutes poursuites arbitraires. Je me demande dans quelle mesure il ne faudra
pas établir une convention sur le statut des chefs d'Etat, pour leur éviter des
poursuites abusives dans les années à venir.
Plusieurs orateurs ont mentionné les crimes de guerre ou les génocides qui
sont commis à l'heure actuelle au Kosovo. Dans un conflit, il y a toujours deux
versions. Il ne faudrait pas, comme cela a été parfois le cas, qu'il y ait un
seul coupable. Mais il ne faudrait pas que, chaque fois qu'interviennent des
éléments de guerre, de violence, de génocide ou autre, les deux parties se
retrouvent systématiquement devant le tribunal, parce qu'il y aura eu des
victimes de part et d'autre.
Je m'interroge ensuite sur la façon dont seront ressenties les opérations de
maintien de l'ordre, par exemple, dans un pays où se produiront des troubles
dus à une minorité quelconque qui formulera telle ou telle revendication. Il ne
s'agit là que de simples interrogations. Je m'en remets naturellement à la
sagesse des Etats, du Conseil de sécurité, et, ultérieurement, à la sagesse des
juges. Je me demande tout de même si toutes les conséquences du traité ont été
examinées par les négociateurs.
Arrivé à ce stade, je ne peux que saluer le travail remarquable accompli par
les négociateurs français. Sans eux, il est vraisemblable que cette expérience
n'aurait pas pu aboutir. Sans eux, ce grand pas en avant dans quelque chose de
tout à fait nouveau n'aurait probablement pas pu être fait.
Ce traité, ce n'est pas une pierre de plus au dispositif de protection des
droits de l'homme et du citoyen ; ce n'est pas une meilleure protection
apportée aux victimes de tous les crimes abominables que notre siècle et les
siècles précédents ont connus ; c'est une véritable révolution ; c'est un
bouleversement qui appelle une modification en profondeur du comportement des
Etats et de leurs responsables.
Je l'ai dit tout à l'heure : désormais, aucun dictateur ne se sentira nulle
part à l'aise. En raison de la non-rétroactivité des dispositions du traité,
certains dictateurs ne seront pas concernés par le dispositif. Mais à l'avenir,
aucun dictateur ne connaîtra un moment de repos, aucun dictateur ne pourra se
sentir tranquille. A cette occasion, nous passerons du droit international des
Etats à un autre droit international, dans lequel l'Etat ne sera plus
totalement souverain.
Telles sont les quelques remarques que je voulais formuler.
Cela étant dit, je tiens à préciser que, à une très large majorité, les
membres du groupe du RPR voteront ce projet de loi constitutionnelle.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur plusieurs travées de l'Union centriste.)
M. Emmanuel Hamel.
Vos réserves étaient très fortes et elles nous interpellent violemment !
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, alors
que les célébrations du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle
des droits de l'homme sont encore si proches, les événements terribles de
l'ex-Yougoslavie démontrent, une nouvelle fois, que le fossé est large entre
les espoirs, les mots et la réalité.
Nous allons entamer l'ultime ligne droite d'un siècle bien sanglant.
L'émotion, l'horreur nous assaillent à la vision des centaines de milliers de
personnes déportées du Kosovo. La peur de la guerre, que l'on croyait révolue
dans notre Europe, rejaillit.
Cette proximité de l'indicible ne doit d'ailleurs pas nous faire oublier tous
ces autres lieux où le crime, la violence dominent, et ils sont, hélas !
nombreux.
C'est dans ce contexte que nous sommes amenés à débattre de l'instauration du
tribunal pénal international ou du moins, dans un premier temps, de
l'adaptation de notre Constitution pour permettre sa création.
Nous devons avoir une vision globale de l'objectif d'une justice
internationale.
Même si c'est dans la douleur, l'aspiration des peuples à la paix, l'émergence
de valeurs démocratiques font peu à peu leur chemin. Les violations cyniques
des droits fondamentaux de la personne humaine deviennent progressivement plus
intolérables à des millions de gens. Ce sentiment est général, et les
explosions de cruauté et de haine n'effacent pas cette tendance : rien ne
permet de désespérer des peuples, même si leurs dirigeants donnent souvent la
nausée.
Mes propos sont-ils un peu trop utopiques ?
Il est clair que le Cambodge, l'Afghanistan, la Sierra Leone, l'Afrique
australe, la Bosnie hier, le Kosovo aujourd'hui, nous rappellent que la
barbarie n'est pas éradiquée. Mais le monde devient un village, tout s'y
entremêle, et les dérives criminelles de dirigeants, factions ou clans seront
tôt ou tard jugées par leurs propres peuples.
La Cour pénale internationale apporte une ébauche de réponse à ces
préoccupations. Son instauration est donc très positive.
Les impatiences sont grandes, notamment chez les organisations non
gouvernementales, et elles se sont largement exprimées à Rome, l'été dernier.
La lenteur des procédures mises en mouvement irrite. L'horreur des situations
rend ces attitudes compréhensibles.
Il faut cependant rappeler que l'instauration d'une telle juridiction
internationale relève d'un long processus. Déjà, au début du siècle, l'idée
germait. C'est avec l'écroulement de l'URSS et la multiplication de conflits
locaux, théâtres d'atrocités et de violence inouïes, qu'un pas décisif a été
franchi pour la création d'une Cour pénale internationale.
Le processus est donc long et l'adhésion d'une grande majorité d'Etats n'est
pas, à ce jour, acquise.
Il s'agit d'un point crucial, selon nous. Comment envisager une juridiction
internationale si elle n'est reconnue que par une minorité d'Etats ?
Les organisations non gouvernementales jouent un rôle de premier plan. Loin de
moi l'idée de vouloir réduire leur place : elles sont sur les terrains
d'affrontements ; elles mobilisent des compétences ; elles suscitent les
dévouements. Il est donc très utile qu'elles soient considérées comme des
intermédiaires actifs entre la Cour et les Etats parties. Leur intervention et
leur responsabilité ne se substituent pas pour autant à celle des Etats. Je
suis sensible à l'argumentation développée par certains juristes, tel par
exemple, à M. Serge Sur.
Où en sommes-nous aujourd'hui ?
Certes, cent vingt Etats ont voté pour la création de la Cour pénale
internationale. Mais déjà sept Etats ont voté contre - et pas des moindres
comme le disait M. le rapporteur - et vingt et un Etats se sont abstenus.
Pour ce qui est des deux étapes suivantes nécessaires, la route est loin
d'être dégagée.
L'attitude des Etats-Unis pèse négativement. Son refus incompréhensible,
puisqu'il reviendrait à la justice américaine de juger ses soldats ou ses
citoyens, ne peut que pousser des Etats à faire preuve de peu d'empressement de
leur côté.
Rappelons que, pour parvenir à la mise en place de la Cour pénale
internationale, il faut recueillir soixante ratifications. Nous pensons que
beaucoup d'efforts sont à faire - vous l'avez dit, madame la ministre - pour
convaincre suffisamment d'Etats de ratifier ce texte dans un délai raisonnable.
La déception serait trop grande si, durant des années et des années, la Cour
pénale internationale restait à l'état de projet.
M. le rapporteur a dit à juste raison que la Cour aurait un grand rôle
préventif. Je ne veux pas reprendre le scénario du pire. Mais songeons, face à
un drame surgissant sur notre planète en l'an 2005, que l'on soit encore à
regretter que la Cour n'ait pas vu le jour...
C'est dans cet environnement, au-delà des insatisfactions compréhensibles et
justifiées ici et là, que l'action du gouvernement de la France doit être
appréciée. Notre pays, on le sait, a été longtemps réticent.
Nous savons que la motivation de l'attitude de la France s'est fondée pour une
part sur la volonté de protéger nos militaires en action sur des territoires
extérieurs de toute contestation éventuelle de leurs actions. Nous reviendrons
probablement sur ce point lors de l'examen des articles de la loi au moment de
la ratification du traité. Mais cette attitude était bien peu confiante pour
l'avenir. Pourquoi faire douter des observateurs de notre volonté profonde de
vivre désormais avec les réalités nouvelles, alors que c'est bel et bien notre
intention ?
L'exigence d'une Cour pénale internationale s'est renforcée avec l'expérience
des tribunaux internationaux, constitués ces dernières années.
Le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et le tribunal
international pour le Rwanda ont marqué une avancée significative en matière de
juridiction internationale.
Je tiens cependant à faire une remarque sur l'un et l'autre.
S'agissant du tribunal relatif au Rwanda, ce sont les manques de moyens
criants qui me viennent à l'esprit. Si mes informations sont exactes, trente
personnes, dont dix-neuf détachées par les seuls Pays-Bas, sont à la
disposition de cette juridiction. Face à l'ampleur et à la complexité des faits
à examiner, ces moyens apparaissent tout de même quelque peu dérisoires.
Pour ce qui est du tribunal relatif à l'ex-Yougoslavie, mon interrogation est
plus fondamentale. Ce tribunal n'a-t-il pas été un peu le reflet d'un recul de
la solution politique ? Le recours ô combien nécessaire à la justice ne
pallie-t-il pas l'absence de règlement politique durable d'une situation ?
Autant la justice consolide la paix en créant les conditions de la
réconciliation, autant la justice internationale doit compléter les solutions
politiques et non s'y substituer. Je crois que c'est en termes clairs que le
Premier ministre nous a rappelé cette nécessité, cet après-midi, dans la
réponse qu'il a apportée aux orateurs sur le drame du Kosovo.
La définition des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale
internationale a été l'objet de négociations serrées afin de permettre
l'acceptation du statut pour le plus grand nombre.
Quatre séries de crimes seront concernées. Je n'évoquerai à cet égard que les
crimes d'agression, qui ne sont actuellement pas définis et qui feront l'objet
d'une prochaine négociation.
Cette question est de première importance quant à la répartition des rôles
entre Conseil de sécurité et Cour pénale internationale. Qui définira à
l'avenir les situations d'agression : le Conseil de sécurité ou la Cour pénale
internationale ? Vous avez répondu à cette interrogation, madame la
ministre.
Mais cette question est importante, car, à mon sens, elle permettra, une fois
résolue, de clarifier vraiment la place de la Cour pénale internationale dans
l'ordre institutionnel et, surtout, de créer les conditions d'un ordre
international plus juste et, si possible, plus consensuel.
Enfin, la dernière série de critiques ou réserves présentées par les
détracteurs de la Cour pénale internationale porte sur la remise en cause de
notre souveraineté.
Une lecture superficielle aurait pu le faire penser, mais les garde-fous
instaurés sont précis et ne permettent pas de telles interprétations. La
compétence de la Cour pénale internationale est subsidiaire à celle des
juridictions nationales.
Les questions liées à l'amnistie sont importantes. Elles mettent en lumière la
nécessité d'une étroite collaboration entre l'action de l'ONU et la Cour pénale
internationale. Quand faudra-t-il décider de poursuivre ou non, au risque de
déstabiliser une fragile réconciliation nationale ?
La situation de l'Afrique du Sud a été évoquée. C'est à mon avis un bon cas
d'école. Nous considérons, comme M. le rapporteur, que l'émoi suscité par la
possibilité accordée au Conseil de sécurité de surseoir à la procédure n'est
guère justifié.
J'ai évoqué l'ONU. Je souhaite, avant de conclure, m'arrêter quelque peu sur
le sujet.
L'ONU a été beaucoup critiquée. Les Etats-Unis pour leur part, on le sait,
supportent difficilement que leur statut d'hyperpuissance soit éventuellement
contesté par la société des Etats.
Le rôle de l'ONU depuis 1945 a pourtant été déterminant pour l'élaboration et
la généralisation de nouveaux concepts démocratiques. L'organisation a été
porteuse, durant des décennies, des droits fondamentaux, des droits des
peuples.
Ce fut - qui peut le nier ? - le lieu privilégié du dialogue entre Etats, de
l'expression de l'ensemble des nations, quelle que soit leur importance.
Une réforme de l'ONU est sans nul doute nécessaire pour aider à faire
respecter le droit international. Cette réforme doit, à notre sens, permettre
une réflexion sur le retour au premier plan de l'assemblée générale. La force
de l'ONU, c'est sa représentativité de la société internationale dans son
ensemble.
Sans détourner notre débat - telle n'est pas mon intention - comment ne pas
faire le lien entre l'attitude adoptée à l'égard de la constitution de la Cour
pénale internationale et le rejet du cadre légal de règlement des conflits que
constitue l'ONU ?
Si l'OTAN devait, demain, jouer le rôle que lui assigne la Maison-Blanche - ce
n'est pas, je le sais, le point de vue de notre gouvernement - quel serait le
poids de la future Cour pénale, alors que le principal pays du monde ne serait
pas un de ses Etats parties constitutifs ?
Nous approuvons, dans ce climat, la volonté des autorités françaises d'engager
la création de la juridiction internationale sur une base permettant de
rassembler largement.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront donc le
projet de révision de la Constitution, avec la ferme conviction que, pour
accompagner efficacement ce combat contre les crimes les plus graves et pour
assurer la sécurité internationale et sa représentation, l'ONU doit être
confortée.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. le
président de la commission et M. le rapporteur applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « conscient
que tous les peuples sont unis par des liens étroits et que leurs cultures
forment un patrimoine commun, ayant à l'esprit qu'au cours de ce siècle, des
millions d'enfants, de femmes et d'hommes ont été victimes d'atrocités qui
défient l'imagination et heurtent profondément la conscience humaine... ».
Ces quelques lignes extraites du préambule du traité de Rome du 18 juillet
1998 instituant la Cour pénale internationale marquent l'ambition d'un progrès
collectif fondamental dans la lutte contre l'impunité et la sanction des
violations des droits de l'homme.
La conférence diplomatique des plénipotentiaires des Nations unies, réunie du
15 juin au 17 juillet 1998, a parachevé la tâche historique qu'est la création
d'une « cour criminelle internationale » efficace, opérationnelle et
indépendante. Elle le sera vraiment si elle s'en donne les moyens et si les
Etats signataires coopèrent naturellement pour qu'il en soit ainsi. Le degré de
coopération sera garant de son efficacité.
Cette décision est l'un des pas les plus importants accompli dans la défense
des droits de l'homme depuis l'adoption de la Déclaration universelle des
droits de l'homme, il y a un demi-siècle.
Plus de cinquante après le procès de Nuremberg, les génocides, les exécutions
massives d'opposants politiques, les purifications et nettoyages ethniques, les
crimes contre l'humanité continuent de servir d'instrument politique dans de
nombreuses régions du globe. Il y avait absolument nécessité de renforcer le
système de la justice pénale internationale.
Cinquante ans après la signature de la Convention internationale contre le
génocide, qui voulait éviter que ne se reproduise plus jamais ce que le régime
nazi venait de faire subir au monde, la société internationale se dote d'un
instrument supposé sanctionner, mais aussi prévenir les crimes qui, par leurs
exceptionnelles gravité et monstruosité, heurtent la conscience universelle.
Avec la fin de la « guerre froide », qui avait en quelque sorte « congelé » la
création de cette Cour pénale internationale, le temps est enfin venu pour les
auteurs de génocides, de crimes contre l'humanité, de crimes de guerres, de
tomber sous le coup de sanctions pénales exemplaires, sanctions qui ne seront
jamais à la hauteur des crimes commis. M. Kofi Annan ne disait-il pas - et
comment ne pas l'approuver ? - le 18 juillet 1998, à Rome, que la création de
cette Cour pénale internationale est « un cadeau de l'espérance pour les
générations futures » ?
Ce siècle qui s'achève n'a pourtant pas manqué d'atrocités partout dans le
monde.
« Plus jamais ça » ! Lequel d'entre nous n'a-t-il cru en ce cri de douleur et
d'espoir lancé après l'holocauste ! Pourtant, un demi-siècle après la Shoah,
les mots de purification et de nettoyage ethniques font à nouveau partie,
depuis l'offensive serbe en Croatie et en Bosnie, de notre vocabulaire
quotidien. Des crimes contre l'humanité ont de nouveau été commis au coeur de
l'Europe, au nom d'idéologies aussi implacables que meurtrières. La tragédie du
Kosovo n'est pas non plus la première dans l'ex-Yougoslavie.
L'actualité donne à notre débat un éclairage cru et tout particulier. Il est
rarissime que l'actualité internationale colle de si près à un débat
parlementaire ! Qui osera dire encore - comme ce fut le cas il y a soixante ans
- « qu'il ne savait pas » ? Seuls ceux qui sont traditionnellement favorables à
ne rien faire, ou à laisser faire, qui acceptent de contempler les atrocités de
notre monde avec cynisme, peuvent s'en réjouir. Aux sceptiques, aux
réfractaires, disons simplement : « Regardez et écoutez ». Le drame du Kosovo
nous renvoie aux heures les plus noires de notre histoire contemporaine.
Il a fallu attendre le lendemain de la Première Guerre mondiale pour que
naisse l'idée d'une juridiction chargée de sanctionner pénalement les crimes de
guerre. L'ampleur des massacres, le génocide arménien, les destructions
considérables et, déjà, l'exigence de l'opinion publique, dont la pression sera
de plus en plus forte, ont favorisé la prise de conscience des dirigeants des
puissances alliées.
A la tragédie de la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale a
ajouté l'horreur absolue de l'holocauste. De nombreux criminels de guerre ont
été jugés par les tribunaux internationaux de Nuremberg et de Tokyo. Pour la
première fois, ces tribunaux ont défini précisément les crimes contre
l'humanité. L'instauration d'une justice pénale internationale s'est orientée
délibérément vers la répression, à l'échelle internationale, des crimes les
plus graves. Hélas ! cela n'a pas empêché la seconde partie de ce siècle de
renouer avec la barbarie. L'institution des tribunaux
ad hoc
pour juger
les crimes dans l'ex-Yougoslavie et au Rwanda a favorisé une nouvelle prise de
conscience politique pour aller vers la création d'une Cour pénale
internationale.
Mes chers collègues, osons dire que c'est le début d'une « justice sans
frontière ».
Cette Cour pénale internationale sera mieux à même de mener comme il couvient
la lutte contre l'impunité et pour la répression des grands responsables de
crimes contre l'humanité. Elle mettra fin, je l'espère, « à l'exercice criminel
de la souveraineté de l'Etat ». On mesurera, alors, que les criminels contre
l'humanité sont poursuivis au nom de la communauté internationale tout entière,
et que c'est elle qui demande justice. Cela répond à l'exigence première des
droits de l'homme, à leur universalité, à leur indivisibilité, car ils sont
ceux des êtres humains sur toute la terre. Et les criminels contre l'humanité,
parce qu'ils outragent, à travers la personne des victimes, l'humanité tout
entière, doivent être poursuivis au premier chef, au nom de la communauté
internationale. Ils sauront ainsi qu'ils auront à rendre compte de leurs actes
ignobles.
Le temps d'élever un nouveau rempart contre l'immunité et l'impunité est enfin
venu. Les temps judiciaires à venir ne seront plus, et ne devront plus être
cléments aux bourreaux et aux dictateurs, qui deviendront des justiciables à
vie, c'est-à-dire à tout moment, à tout âge, en tout pays, ou presque, puisque
le criminel d'un Etat non partie au traité qui se réfugie dans son pays pourra
encore échapper à des poursuites tant qu'il ne le quitte pas. Il sera donc
prisonnier chez lui. L'époque qui s'ouvre n'oubliera jamais ses propres
tourmenteurs.
La Cour pénale internationale ne sera pas un supertribunal mondial qui
pourrait se substituer à la justice nationale ou se saisir de ses affaires à sa
convenance. La justice nationale continue d'avoir la priorité. la Cour pénale
internationale ne sera compétente que lorsque les tribunaux nationaux
n'existent pas, ne sont pas capables ou refusent de poursuivre ces crimes.
Projet ambitieux, la création de la Cour pénale internationale concrétise des
droits universels. Elle permet de dépasser, sans pour autant l'ignorer, le
droit des Etats. Confrontés à la question de l'étendue de leurs pouvoirs, les
Etats signataires ont accepté de mettre en jeu ce qui définit une partie de
leur souveraineté. C'était une condition indispensable, car le respect absolu
de la souveraineté des Etats ne doit plus permettre de préserver l'impunité des
auteurs de crimes contre l'humanité. Nous savons que la sécurité internationale
et les droits de l'homme sont intrinsèquement liés, parce qu'ils associent la
souveraineté, la liberté et la sécurité des Etats à celles des hommes qui les
peuplent.
Pourrai-je ajouter que c'est encore une façon d'exercer sa pleine souveraineté
que d'accepter de se soumettre à la compétence d'une telle juridiction, l'Etat
ne renonçant jamais à sa souveraineté ?
La compétence de la Cour pénale internationale est limitée aux crimes les plus
graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale. Pour un pays
comme la France, nous pouvons dire qu'il n'y a pas d'atteinte réelle et
sérieuse à la souveraineté du système judiciaire français si, comme on le
pense, la justice française exerce normalement ses compétences en poursuivant
les auteurs de crimes d'une extrême gravité.
« Beaucoup d'Etats auraient aimé une cour investie de pouvoirs encore plus
importants, mais cela ne doit pas nous pousser à minimiser l'avancée capitale
qui a été réalisée », disait M. Kofi Annan.
La création de la Cour pénale internationale soulève, en effet, de nombreuses
interrogations, qui peuvent se résumer dans les propos de Mme Louise Arbour,
procureur près le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, selon
laquelle il ne faudrait pas que cette nouvelle institution se trouve moins bien
armée que les deux tribunaux
ad hoc.
Le point le plus violemment critiqué est la possibilité donnée à chaque Etat
signataire de se soustraire pendant sept ans, jusqu'à la révision du texte, aux
obligations du traité pour l'une des quatre catégories de crimes concernées :
les crimes de guerre.
La France, qui réclamait cette faculté de dérogation, a largement fait les
frais des critiques des représentants des organisations non
gouvernementales.
Madame la ministre, j'ai bien compris le sens de votre déclaration à
l'Assemblée nationale : « Si des personnels français civils ou militaires
devaient commettre des crimes de guerre, ils seraient de toute façon traduits
devant les tribunaux français. L'article 124 n'y changerait rien, puisque la
Cour pénale internationale est complémentaire des tribunaux nationaux. »
Reconnaissons cependant que cette disposition ne fait que repousser l'examen
d'un point important : la sanction des violations du droit international
humanitaire par les membres des forces de maintien de la paix.
Certes, nous sommes au stade de la modification constitutionnelle, et il est
fort probable que nous ayons à revenir sur ce point lors du débat de
ratification.
L'autonomie de la Cour pénale internationale fut l'un des grands débats lors
des négociations opposant les tenants d'une totale indépendance de la justice à
ceux qui défendaient les prérogatives du politique, au premier rang desquels
les membres permanents du Conseil de sécurité, dont la France.
L'article 16 du statut de la Cour octroie au Conseil de sécurité, dans les
limites d'un équilibre raisonnablement défini entre ses attributions et celles
de la Cour pénale internationale, la faculté de demander à la Cour de surseoir
pendant douze mois renouvelables aux enquêtes ou aux poursuites qu'elle a
engagées.
Cette disposition est pour le moins discutable et cette interférence est même
choquante, puisqu'elle revient à accorder au Conseil de sécurité la possibilité
d'empêcher quasi indéfiniment toute poursuite contre des personnes soupçonnées
de crimes relevant de la compétence de la Cour.
Je reconnais cependant que la portée pratique de l'article 16 du statut doit
être relativisée.
En effet, le Conseil de sécurité peut dès à présent agir pour que la Cour
pénale internationale n'engage pas de poursuites, compte tenu des prérogatives
que lui reconnaît le chapitre VII de la Charte des Nations unies.
En second lieu, ainsi que le précise M. Mario Bettati, professeur à
l'université Paris II, qui a été auditionné par la commission des affaires
étrangères, l'intervention du Conseil est plutôt favorable à la Cour : « Il
suffira qu'une seule voix d'un membre permanent soit hostile à une résolution
destinée à suspendre les poursuites, et le procureur pourra continuer à
travailler tranquillement. »
Madame la ministre. il est regrettable que cette disposition d'application
incertaine figure dans le statut car, en donnant l'impression que l'on pourrait
s'orienter vers une « jurisprudence à la carte », c'est l'indépendance de la
Cour et, par voie de conséquence, la fonction judiciaire même qui sont en
cause.
Les autres limites de l'indépendance du procureur concernent les poursuites
abusives fondées sur des arrière-pensées politiques.
Les deux Etats qui interviennent le plus à l'étranger, les Etats-Unis et la
France, ont tenu à se protéger, mais pour des raisons différentes. Certes, les
Etats-Unis n'ont pas signé le traité de Rome. Mais la France a demandé et
obtenu la mise en place d'une chambre préliminaire de juges chargée de trancher
en cas de contestation de la légitimité des poursuites. Cet aspect relève
davantage de la tradition judiciaire des pays latins que de la tradition
anglo-saxonne ; il s'agit d'éviter certaines dérives, tant accusatoires que
médiatiques.
M. Emmanuel Hamel.
Vous reconnaissez qu'il peut y avoir des dérives !
M. Guy Allouche.
Autre question de nature dialectique, bien que le choix du principe de
non-rétroactivité s'explique à la fois par des considérations pratiques mais
aussi en raison du fait que la création de la Cour pénale internationale n'a
pas pour objet la restitution de la mémoire, comment concilier le principe de
l'imprescriptibilité des crimes actuels et celui de la non-rétroactivité ?
La création de la Cour pénale internationale résulte d'un accord interétatique
très large. Sept pays s'y sont opposés, dont les Etats-Unis, pourtant
favorables à la mise en place des tribunaux pénaux internationaux. Ce pays ami
donne surtout l'impression de vouloir utiliser ces instances plus pour des
raisons politiques que pour la défense d'un idéal de justice.
Nous connaissons la conception très stricte des Etats-Unis en matière de
souveraineté. Ils souhaitent éviter, autant qu'il est possible, que des
ressortissants américains relèvent de juridictions autres qu'américaines. Nous
ne pouvons que regretter que ce grand pays, cette grande démocratie, s'exonère
de la justice universelle.
La France a progressivement cherché, par ses propositions, à réunir le plus
grand nombre de signataires. Le travail de la représentation française dans la
préparation du projet de création de la Cour pénale internationale doit être
salué. Notre pays a joué un rôle actif lors des travaux du comité préparatoire
des Nations unies chargé d'étudier les questions relatives à l'établissement de
cette nouvelle instance, en présentant un projet complet de statut dont les
délégations étrangères ont reconnu la qualité.
Réjouissons-nous également que la France ait signé le traité dès le lendemain
de l'adoption de la convention.
A ce stade de mon propos, mes chers collègues, je veux m'adresser à M. le
président de la commission des lois pour lui dire que je tiens personnellement
à le remercier d'avoir une nouvelle fois proposé à notre collègue Robert
Badinter de rapporter ce projet de loi. Vous l'aviez déjà fait précédemment, M.
Badinter l'a rappelé, avec un texte présenté par M. Toubon sur le Rwanda, et
vous avez eu raison d'assurer cette continuité en laissant à notre collègue le
soin de présenter au nom de la commission des lois - et, par voie de
conséquence, au nom du Sénat tout entier - ce rapport sur la création de la
Cour pénale internationale.
Monsieur le rapporteur, cher ami Robert Badinter, vous féliciter pour la
qualité de votre rapport serait certes juste, mais, à mes yeux, ce serait un
peu court.
Je me fais un devoir, et surtout un plaisir, de rappeler encore, car on ne le
dira jamais assez, quelle énergie et quels efforts considérables vous déployez
- et avec quelle constance, avec quelle farouche détermination ! - au service
du droit, de la justice universelle et du respect de la dignité humaine.
Votre action vous honore, certes. Mais, en cet instant, elle honore aussi le
Sénat tout entier et le Parlement français, car nous pouvons nous sentir fiers
de vous compter parmi nous.
Nul doute que nombreux sont ceux qui retiennent déjà et que plus nombreux
encore seront ceux qui retiendront que toute votre action, depuis de très
nombreuses années, s'inscrit dans le droit fil de l'action menée par
d'éminentes personnalités françaises, et notamment, pour n'en citer qu'une, par
le regretté René Cassin.
Moins de six mois après cette signature, le Président de la République
française et le Premier ministre ont saisi conjointement le Conseil
constitutionnel de la question de la compatibilité des dispositions du traité
avec la Constitution. Dans sa décision du 22 janvier dernier, le juge
constitutionnel a considéré que l'autorisation de ratifier le traité exigeait
une révision préalable de la Constitution.
Le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis ne répond pas point par
point aux décisions du Conseil ; il tend à inscrire dans la Constitution une
formule générale dont le choix mérite d'être approuvé.
En effet, afin de couvrir tous les cas d'inconstitutionnalité, il est apparu
préférable d'utiliser une formule plus large, et de faire référence à la
reconnaissance de la juridiction de la Cour pénale internationale. Le nouvel
article inséré dans la Constitution permet la ratification du traité de Rome et
l'adhésion de la France aux principes de paix et de justice défendus par la
Cour pénale internationale.
Madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste du Sénat votera
avec honneur et enthousiasme ce projet de loi constitutionnelle. La France peut
s'enorgueillir d'être l'un des premiers pays à s'engager dans une procédure qui
la conduira à adhérer à un statut qu'elle a largement contribué à élaborer.
Seul le Sénégal nous a précédés dans la ratification du traité.
Cette volonté de la France, et de ses plus hautes instances, d'élargir le
champ de la justice universelle renforce sa position de leader en termes de
défense des droits de l'homme et des libertés sur la scène internationale. En
cela, la France demeure fidèle à son idéal et à ses valeurs.
La Cour pénale internationale va dans le sens de l'histoire, et l'idée de
créer une forme de menace permanente sur les criminels contre l'humanité est
fondamentalement liée à une idée de progrès.
Malgré ses imperfections, ou grâce à elles, le statut de la Cour pénale
internationale permettra de mettre en oeuvre le célèbre précepte de Pascal,
selon lequel il faut « mettre ensemble la justice et la force, et pour cela,
faire que ce qui est juste soit fort et que ce qui est fort soit juste ».
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Soucieux de laisser la parole à mon excellent collègue André Dulait, auteur
d'un remarquable rapport - M. Badinter l'a relevé - sur le statut de la Cour
pénale internationale, je serai bref.
La révision constitutionnelle est, à l'évidence, nécessaire. Elle ne pose pas
de problème. La décision du Conseil constitutionnel est surtout importante en
ce qu'elle indique qu'il n'y a pas réciprocité dans le cas qui nous occupe, les
autres considérantes visant les conditions nécessaires pour pouvoir ratifier le
statut de la Cour pénale internationale.
Les traités internationaux sont, bien entendu, toujours le fruit de compromis
: compromis entre un certain nombre d'Etats, mais aussi compromis
linguistiques.
Nous attachons beaucoup d'importance à la langue, une langue que, pour notre
part, nous ne savons pas toujours très bien défendre, d'ailleurs. Mais c'est
ainsi !
Or, en l'espèce, je constate que, globalement, le droit français - c'est
notamment vrai pour la chambre préliminaire - a profondément marqué le statut
de la Cour pénale internationale. Il convient de s'en réjouir.
Bien entendu, nombre de points de droit sont évoqués dans ce statut de la
Cour.
Tout le monde rêve d'une justice telle que tous les Caïn de la terre - Caïn
fut le premier à commettre un crime contre l'humanité ! - ne puissent trouver
de repos nulle part. Souhaitons qu'un jour cela puisse devenir une réalité !
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Dulait.
M. André Dulait.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, j'ai
eu effectivement l'opportunité de présenter récemment, au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui sera
naturellement saisie le moment venu - cela a été longuement évoqué - du projet
de loi autorisant la ratification de la convention de Rome portant création de
la Cour pénale internationale, un rapport d'information visant à approfondir
certains aspects de son statut.
En effet, la justice pénale internationale n'est pas sans conséquences sur le
fonctionnement de la société internationale. Quelle incidence la Cour pénale
internationale aura-t-elle sur les rapports entre justice pénale et paix, entre
justice pénale et souveraineté ? Quelles incidences auta-t-elle, enfin, sur
certaines questions militaires ?
Les crimes qui relèveront de la compétence de la Cour sont le plus souvent
commis dans des situations de conflits, internationaux ou non. Ils peuvent
également être perpétrés dans le cadre de régimes autoritaires exerçant à
l'égard de leurs opposants une répression massive, violente et systématique.
La Cour pénale internationale aura donc un rôle dissuasif ; elle interviendra
également pour accompagner des processus de pacification intérieurs ou
internationaux La Cour pénale internationale devra donc tenter, tout d'abord,
de concilier justice pénale et paix, ce qui ne va pas toujours de soi.
Ainsi les deux tribunaux pénaux
ad hoc
actuellement en exercice
sont-ils étroitement associés à un processus de pacification, qu'il soit
international - Dayton pour l'ex-Yougoslavie - ou national - pour le Rwanda.
Ils ont cependant été tous deux créés par une résolution du Conseil de sécurité
des Nation unies, et donc après une appréciation politique de sa part, même si
les droits de la défense ont pu être respectés dans une très large moyenne.
C'est d'ailleurs là une de leurs principales limites. On a pu dire qu'ils
symbolisaient ainsi une justice sélective, dans la mesure où ce qui a été
décidé pour le Rwanda ou l'ex-Yougoslavie ne l'a pas été - ou pas encore - pour
le Cambodge, le Congo démocratique et tant d'autres théâtres de conflits où ont
été commis des crimes particulièrement odieux.
Tel ne sera pas le risque encouru par la Cour pénale intenationale. Sa
compétence aura une vocation universelle, et elle aura surtout un caractère
permanent.
La justice pénale internationale peut-elle, par ailleurs, conforter ou, au
contraire, fragiliser la paix, en particulier dans des situations de conflit
intérieur ? Les démarches de réconciliation nationale conduites par certains
pays comme le Salvador ou, surtout, l'Afrique du Sud seront-elles encore
possibles dans l'avenir ?
Dans ce débat, certains considèrent légitimement que le retour à la démocratie
impose que toute la lumière soit faite sur les agissements d'une dictature,
afin d'éviter l'impunité et de respecter les victimes. D'un autre côté, les
amnisties pour de tels agissements sont parfois le prix à payer pour un retour
à la démocratie. L'exemple de l'Afrique du Sud est, à cet égard, tout à fait
significatif.
Pour préserver ces démarches de réconciliation, le statut de la Cour pénale
internationale n'oblige pas le procureur à ouvrir automatiquement une enquête
dès qu'il est saisi d'une plainte. Une disposition lui donne la possibilité,
dans certains cas, de renoncer à enquêter s'il estime qu'une telle action irait
à l'encontre des intérêts de la justice et des victimes. Même s'il n'allait pas
de soi de confier ainsi à un juge, dont la mission s'inscrit dans une logique
strictement judiciaire, la responsabilité de porter une appréciation politique,
cette disposition n'en constitue pas moins, à mon sens, une garantie
importante.
Dans la même logique, le statut prévoit aussi la possibilité pour le Conseil
de sécurité, prioritairement en charge de la paix et de la sécurité
internationale, d'exiger de la Cour qu'elle suspende, pour une durée de douze
mois renouvelable, une enquête qui risquerait de fragiliser un effort de paix.
Cette disposition a été parfois contestée, mais je crois qu'il s'agit d'une
mesure réaliste et utile.
On peut rappeler que, en sens inverse, lorsque le Conseil de sécurité saisit
la Cour, celle-ci a une compétence plus large que dans les deux autres modes de
saisine : elle peut ainsi intervenir même si l'Etat en cause n'est pas partie
au statut, quelle que soit la nationalité du suspect, quel que soit l'Etat sur
le territoire duquel le crime a été commis, le Conseil agissant alors en vertu
du chapitre VII de la Charte.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet équilibre
entre les prérogatives de la Cour, d'une part, et celles du Conseil de
sécurité, d'autre part, peut apparaître sastisfaisant. Au cours de la
négociation, plusieurs délégations avaient plaidé pour une totale indépendance
entre la Cour pénale internationale et le Conseil de sécurité. Je crois que
cette indépendance aurait abouti
in fine
à diminuer la crédibilité de la
Cour elle-même.
Le rapport entre la justice pénale internationale et la souveraineté des Etats
constitue un autre aspect important du statut. La Cour pénale internationale ne
sera pas sans incidence - c'est l'objet même de notre débat - sur la
souveraineté des Etats. Ainsi, la règle de compétence de la Cour lui
permettrait-elle d'ouvrir une enquête sur une personne ressortissante d'un Etat
non partie accusée de crimes relevant de sa compétence, pour peu que l'Etat où
a été perpétré le crime soit partie à la convention de Rome. C'est la cause
principale, on le sait, du refus des Etats-Unis de souscrire au projet.
La Cour pourrait également se saisir d'une affaire alors même que le crime
commis aurait fait l'objet d'une amnistie dans le pays de son auteur, ou que ce
pays aurait prescrit le crime commis par cette personne. C'est l'un des points
relevés par le Conseil constitutionnel et qui fait l'objet de la réforme que
nous examinons aujourd'hui.
Enfin, la saisine de la Cour par le Conseil de sécurité, déjà évoquée, quelle
que soit alors la nationalité de l'auteur du crime ou l'Etat sur le territoire
duquel il a été commis, a été considérée par certains Etats - c'est le cas de
l'Inde - comme une atteinte à leur souveraineté et a entraîné leur refus
final.
La Cour requiert donc des Etats parties qu'ils acceptent certaines limitations
de souveraineté. Toutefois, en adhérant à la convention de Rome, ils ont
exprimé leur libre consentement à des concessions, somme toute limitées, et qui
s'inscrivent, il faut le rappeler, dans le cadre de la complémentarité entre la
Cour pénale internationale et les juridictions nationales.
Les Etats parties auront par ailleurs l'obligation de coopérer avec la Cour
dans l'exercice de sa mission. En effet, pas plus que les tribunaux spéciaux,
la Cour pénale internationale ne disposera en propre de l'appareil judiciaire
ou policier nécessaire à la conduite d'une enquête, à l'audition de témoins, au
ressemblement de preuves ou à l'arrestation de personnes soupçonnées de crimes.
Sans le concours des Etats, la Cour pénale internationale serait paralysée et
impuissante.
Les possibilités de réaction de la Cour face à la réticence d'un Etat à
coopérer avec elle semblent cependant peu contraignantes.
Si la Cour se heurte au refus d'un Etat de coopérer, elle peut ainsi faire «
remonter » la question à l'assemblée des Etats parties au statut, qui en prend
acte. Il est à craindre que les conséquences concrètes de cette procédure ne
soient guère incitatives.
Il en irait différemment si le refus de coopérer intervenait dans le cadre
d'une saisine par le Conseil de sécurité. Dans cette hypothèse, le constat de
carence remonterait au Conseil de sécurité, qui pourrait alors prendre des
mesures coercitives dans le cadre du chapitre VII de la Charte - ce sera, sans
doute, la procédure la plus efficace.
Un troisième point important concerne les rapports entre la Cour pénale
internationale et certaines questions liées au domaine militaire.
Nous avons tous à l'esprit les critiques portées contre des responsables
militaires de l'ONU lors de récents événements tragiques survenus en
ex-Yougoslavie. Pendant la négociation, certaines délégations voulaient
initialement inscrire dans le statut, pour ce qui concerne les crimes de
guerre, la notion de responsabilité pénale pour « omission », « non-assistance
à personne en danger », voire « négligence ». Une telle disposition aurait eu,
je crois, des conséquences négatives : ces forces sont en effet contraintes, de
par leurs règles d'engagement, et on peut le regretter, de ne recourir à la
force qu'en cas de légitime défense. Finalement, le statut ne prévoit,
opportunément, de responsabilité pénale que si l'intention de commettre le
crime est avérée.
Vient, ensuite, la clause de l'article 124, très contestée, de limitation
temporaire de la compétence de la Cour en ce qui concerne les crimes de guerre.
Cette disposition, dont la France a déjà indiqué qu'elle y aurait recours,
prévoit que, par déclaration spéciale, des Etats pourront, pendant une durée de
sept ans, ne pas accepter la compétence de la cour pour les crimes de guerre
les concernant.
Ce dispositif est en effet très critiqué. Qu'en est-il ? Ses détracteurs
considèrent que des garanties suffisantes figurent au statut, garanties qui
permettront d'éviter des plaintes abusives. Le Gouvernement reconnaît que ces
garanties existent - principe de complémentarité, rôle de la chambre
préliminaire, notamment - mais il est légitimement soucieux de bénéficier d'un
délai lui permettant d'en apprécier le bon fonctionnement. De fait, les
dommages politiques et mêmes militaires qui pourraient résulter, pour une
mission de maintien de la paix, de plaintes dénuées de fondement judiciaire
réel, fondées sur des arrière-pensées politiques et relayées pendant des
semaines par les médias, pourraient être considérables, voire irréparables.
Une dernière préoccupation pouvait concerner, enfin, le rôle des forces
multinationales dans l'arrestation de criminels, lorsqu'une telle force est
déployée sur un territoire donné, lors d'une opération de maintien de la paix.
En excluant le procès « par contumace », le statut ne laisse d'ailleurs de
choix qu'entre l'arrestation et l'impunité, cette dernière n'étant pas
acceptable. Or l'expérience de la SFOR démontre que les militaires sont parfois
réticents, en cas de défaillance de l'Etat, qui devrait y procéder, à effectuer
eux-mêmes l'arrestation, souvent délicate, de telles personnes. Ce genre
d'opérations peut en effet gravement dégénérer. L'avènement de la Cour pénale
internationale aurait pu conduire, dans le cadre de l'obligation de coopérer, à
ce que ce type de mission de police soit désormais explicitement et
systématiquement prévue pour les forces relevant de l'ONU. Cela n'aurait rendu
que plus complexe tant la possibilité de leur déploiement sur le territoire
d'un Etat donné que leur mission de pacification.
En réalité, en prévoyant, sur ce point, la possibilité d'accords spécifiques
entre la Cour pénale internationale et les organisations intergouvernementales
compétentes, le statut s'en remet aux mandats des forces qui seront définis,
comme à l'heure actuelle, par le Conseil de sécurité. C'est donc dans ce cadre
d'appréciation politique et militaire qu'il reviendra aux Etats de prendre
leurs responsabilités sur ces missions délicates.
Au total, je crois que le statut de cette Cour pénale internationale repose
sur un équilibre satisfaisant entre la nécessaire efficacité d'une justice
pénale internationale et le respect, tout aussi nécessaire, de la souveraineté
des Etats qui fonde la société internationale.
La longue négociation de la convention de Rome a été l'occasion de voir se
confirmer le rôle de premier plan tenu par les organisations non
gouvernementales dans l'élaboration de ce texte important. Elles auront par
ailleurs un rôle actif dans le fonctionnement même de la Cour par les
informations qu'elles pourront transmettre au procureur.
Il était en effet légitime que ces organisations, dont certaines d'entre elles
ont acquis sur le terrain, parfois au prix de grandes difficultés, une
expérience et une légitimité reconnues, soient associées à la définition de
normes destinées à promouvoir et à protéger le droit international humanitaire.
Après la convention d'Ottawa proscrivant l'usage des mines anti-personnel, la
convention créant la Cour pénale internationale illustre ce rôle d'« aiguillon
de la diplomatie » qu'elles jouent désormais sur la scène internationale.
Certains jugent ce développement avec réserves, considérant qu'étant, par
nature, dépourvues de légitimité politique, contrairement aux gouvernements qui
engagent des Etats, ces organisations s'efforceraient de promouvoir les
dispositions tendant à placer ceux-ci « sous contrôle ».
Il s'agit là d'une donnée nouvelle de la vie internationale à laquelle
gouvernements et parlements doivent être attentifs.
La Cour pénale internationale aura un effet dissuasif. Si, malgré tout, ce qui
est hélas ! à redouter, des crimes aussi graves que ceux qui relèvent de la
compétence de la Cour sont commis, chacun saura, du criminel à la victime, que
l'impunité ne sera plus aussi facile qu'auparavant.
Beaucoup reste encore à négocier pour que la Cour fonctionne dans de bonnes
conditions, mais notre pays a contribué positivement à ce que l'on aboutisse à
un texte qui ne soit pas déséquilibré au détriment des intérêts des Etats et
des principes qui régissent la société internationale.
Telles sont, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, les remarques
que je souhaitais formuler. La suite dépend de notre volonté. Aujourd'hui, nous
allons nous prononcer sur le projet de loi constitutionnelle, ensuite nous
pourrons ratifier la convention. Alors il nous faudra entreprendre une démarche
de conviction de
lobbying
afin de convaincre les grands pays qui ne nous
ont pas encore suivis d'adhérer à ce texte.
Ainsi, la France, fidèle à son image de 1789, inscrira l'année 1999 dans les
grandes dates de son histoire.
(Applaudissements.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, je veux tout d'abord remercier
les différents orateurs qui sont intervenus, et me féliciter une fois de plus
de la qualité du travail accompli par le Sénat, et en premier lieu - cela a été
souligné à juste titre - par le rapporteur de la commission des lois, M.
Badinter, et du soin avec lequel la commission des lois - son président en a
porté témoignage - a examiné ce texte dans tous ses détails et dans toutes ses
implications.
Je remercie à nouveau tous les orateurs qui, sur toutes ces travées, ont
exprimé une opinion très favorable à ce texte. Mais le chemin à parcourir est
encore long avant que cette Cour puisse effectivement voir le jour.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.).
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Il est inséré, au titre VI de la Constitution, un
article 53-2 ainsi rédigé :
«
Art. 53-2. -
La République peut reconnaître la juridiction de la Cour
pénale internationale dans les conditions prévues par le traité signé le 18
juillet 1998. »
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Hamel pour explication de vote.
M. Emmanuel Hamel.
J'ai profondément admiré l'éloquence, et plus encore que l'admirable
éloquence, l'inspiration de Mme le garde des sceaux, de même que j'ai continué,
comme je le fais déjà depuis longtemps, à éprouver un sentiment d'admiration
pour notre éminent collègue M. Badinter.
Je n'en suis que plus malheureux de dire que je ne peux pas voter ce texte,
car j'ai été très marqué par les réserves exprimées par notre collègue Patrice
Gélard, comme j'ai été également interpellé par les interrogations rapportées
par notre collègue Guy Allouche.
Je partage vos convictions démocratiques. Je partage votre espoir d'un
troisième millénaire qui serait celui non plus de la haine et de la guerre,
mais de la paix et du respect des droits de l'homme, non seulement chez nous,
en France, mais dans le monde entier. Toutefois, je crains que, dans son
application, cette convention n'aboutisse parfois, selon les modalités de
fonctionnement qui ont été prévues pour cette Cour pénale internationale, à des
injustices, à des dénis de justice, de telle sorte que je ne veux pas, à
l'avance, m'en rendre solidaire en votant ce projet de loi
constitutionnelle.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi constitutionnelle.
Je rappelle que, en application de l'article 59 du règlement, le scrutin
public est de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 90 :
:
Nombre de votants | 312 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 309 |
Contre | 3 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.) 7
CONVENTION SUR LA LUTTE
CONTRE LA CORRUPTION
D'AGENTS PUBLICS ÉTRANGERS
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 172, 1998-1999)
autorisant la ratification de la convention sur la lutte contre la corruption
d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales,
faite à Paris le 17 décembre 1997 [Rapport n° 305 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président, monsieur
le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, j'ai
l'honneur de soumettre aujourd'hui au vote de votre assemblée un projet de loi
destiné à autoriser la ratification de la convention sur la lutte contre la
corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales
internationales, que j'ai signée avec M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie, à l'occasion de la conférence de
signature organisée à Paris, à l'OCDE, le 17 décembre 1997.
Cette convention a pour objet de permettre aux pays membres de l'organisation
de coopération et de développement économiques d'agir de façon coordonnée pour
l'adoption de lois nationales d'incrimination de la corruption d'agents publics
étrangers.
Elle a été négociée dans le cadre du comité de l'investissement international
et des entreprises multinationales pour la mise en oeuvre d'une recommandation
adoptée le 27 mai 1997 par le Conseil des ministres de l'OCDE.
Pour parvenir à cet engagement de lutte coordonnée des Etats contre la
corruption, la convention contient une définition de la notion d'agent public -
à la différence des instruments élaborés par l'Union européenne, que le
Gouvernement présentera tout à l'heure, textes qui renvoient au droit national
de chaque Etat membre - et développe des éléments d'incrimination limités à la
corruption active, que les Etats membres s'engagent à couvrir dans leurs lois
nationales.
La différence avec les textes élaborés par l'Union européenne, qui retiennent
tant la corruption active que la corruption passive, s'explique par le
caractère universel de la convention OCDE. Les textes de l'Union européenne ne
visent que les fonctionnaires nationaux des Etats membres ; le texte de l'OCDE
s'applique à tous les fonctionnaires, quel que soit leur pays
d'appartenance.
C'est la raison pour laquelle l'incrimination de la corruption n'est envisagée
par l'OCDE que du côté du corrupteur - c'est-à-dire de la corruption active -
l'OCDE laissant aux Etats dont il relève - notamment ceux qui ne sont pas
membres de l'organisation - la responsabilité de sanctionner et de juger le
fonctionnaire corrompu.
Surtout, une procédure d'évaluation du respect de l'engagement des Etats
membres est organisée dans le cadre du suivi de la recommandation adoptée par
les ministres de l'OCDE en 1997.
S'agissant du contenu, les Etats parties à la convention s'engagent, de même
que dans le cadre de l'Union européenne, à prévoir des sanctions pénales
applicables efficaces, proportionnées et dissuasives incluant des peines
privatives de liberté, ainsi qu'à permettre une entraide judiciaire effective
et l'extradition. Le blanchiment des infractions de corruption d'agent public
étranger est visé par la convention, au même titre que celui qui concerne les
infractions de corruption d'agent public national.
La convention énonçant que les mêmes règles de compétence des Etats membres
applicables à la corruption des agents publics nationaux s'appliquent à la
corruption des agents publics étrangers, la France n'est pas obligée, à la
différence des instruments de l'Union européenne que nous allons examiner dans
un instant, d'effectuer une déclaration précisant la mise en oeuvre des
dispositions de l'article 113-8 du code pénal.
Il est à noter également que la convention peut servir de base légale à
l'entraide judiciaire ou à l'extradition lorsque les Etats parties à la
convention ne sont liés par aucun autre traité bilatéral ou multilatéral en la
matière.
Des modalités particulières d'entrée en vigueur de la convention sont énoncées
par le texte pour garantir l'entrée en vigueur simultanée entre les principaux
pays exportateurs. Compte tenu des dépôts de ratification déjà enregistrés
auprès du secrétariat général de l'OCDE - Etats-Unis, Allemagne, Japon,
Royaume-Uni, Canada, Corée, Norvège, Finlande, Grèce, Hongrie, Islande et
Bulgarie - la convention est entrée en vigueur le 15 février dernier.
S'agissant de la France, la convention entrera en vigueur le soixantième jour
suivant la date du dépôt de son instrument de ratification. Au plan interne, il
convient de relever que, de même que pour les instruments négociés dans le
cadre de l'Union européenne se rapportant à la corruption, l'absence actuelle
dans notre code pénal de dispositions couvrant la corruption active d'agents
publics étrangers nécessite l'adoption d'une loi d'adaptation, pour en assurer
l'incrimination et conférer la compétence nécessaire aux juridictions
françaises.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention
sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les
transactions commerciales internationales, faite à Paris le 17 décembre 1997,
et que le Gouvernement a l'honneur de soumettre à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian de La Malène,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes
chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a examiné avec une attention toute particulière - et ce n'est pas
une clause de style - cette convention sur la lutte contre la corruption
d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales
signée par les vingt-neuf pays de l'OCDE, ainsi que par l'Argentine, le Brésil,
la Bulgarie, le Chili et la République slovaque.
Le thème de la corruption connaît un écho grandissant au sein des
organisations internationales, qui dénoncent ses effets sur l'équilibre
politique et le développement économique de nombreux pays et tentent de
promouvoir ce que l'on appelle la « bonne gouvernance ».
La convention élaborée dans le cadre de l'OCDE témoigne d'un angle de vue
quelque peu différent, à savoir un objectif de transparence de la concurrence
commerciale internationale. Elle s'inscrit donc dans un contexte bien
particulier : celui de la réglementation de la compétition internationale pour
la conquête des marchés à l'exportation. C'est dire son importance pour notre
pays, quatrième exportateur mondial, dont près du quart du produit intérieur
brut dépend du commerce extérieur.
Destinée à sanctionner les actes de corruption à l'égard d'agents publics
étrangers, elle a vocation à s'appliquer prioritairement aux domaines du
commerce international, où la décision politique est prépondérante : travaux
publics, énergie, communications, aéronautique, armement, autant de domaines
dans lesquels nos industriels ont fait la preuve de leur performance.
Je ne reviendrai pas sur le dispositif de la convention, analysé dans mon
rapport écrit. Il est au demeurant extrêmement simple, puisqu'il s'agit, pour
les Etats signataires, de s'engager à créer dans leur droit pénal une
incrimination de la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions
internationales assortie de sanctions effectives, proportionnées et
dissuasives, comme vous l'avez dit, madame le garde des sceaux.
J'insisterai surtout sur les réflexions, les observations, voire les réserves
de la commission face à ce texte. En effet, si l'objectif de moralisation de la
convention ne peut qu'entraîner l'adhésion générale, son application soulève en
revanche des problèmes complexes et suscite des inquiétudes que nous ne pouvons
passer sous silence et sur lesquelles nous souhaitons alerter le Gouvernement,
car c'est lui, en définitive, qui portera la responsabilité de la mise en
oeuvre de ce texte.
Tout d'abord, à l'évidence, ce texte ne saurait faire disparaître les
phénomènes de corruption, car il n'est signé que par trente-quatre pays et ne
concerne pas tous les autres, qui, eux aussi, participent au commerce
international. Il n'agit que sur « l'offre » susceptible d'émaner d'entreprises
exportatrices et reste sans effet sur ceux qui décident de l'attribution du
marché et qui sont, le plus souvent, les véritables initiateurs et les
bénéficiaires de la corruption.
On touche ici du doigt une première limite et une faiblesse importante de la
convention. Face à des pays qui ont pour ainsi dire élevé la corruption au rang
de droit d'accès à leur marché et qui ne modifieront pas du jour au lendemain
leur comportement, les entreprises des pays signataires pourraient se retrouver
placées « entre le marteau et l'enclume », compte tenu du renforcement des
législations pénales dans leurs Etats respectifs.
Notre première crainte est que, pour échapper à ce dilemme, apparaisse ce que
l'on pourrait appeler une « zone grise », dans laquelle pourraient subsister
des formes moins visibles, plus complexes et plus sophistiquées de corruption
utilisant par exemple des sociétés écrans et les paradis fiscaux. Bien entendu,
seules les très grosses sociétés seraient en mesure d'utiliser de tels
procédés, mais il y aurait là un véritable contournement de la convention.
L'impact réel de la convention dépendra des mesures de transposition prises
par chaque Etat signataire et de la plus ou moins grande fermeté avec laquelle
elles seront appliquées.
Les Etats-Unis possèdent depuis 1977 une législation réprimant la corruption
d'agents publics étrangers par des citoyens ou des entreprises américaines en
vue de l'obtention d'un marché. Dans mon rapport écrit, j'ai précisé les
principales caractéristiques de cette législation, qui est directement à
l'origine de la convention qui nous occupe aujourd'hui, les Etats-Unis
souhaitant que des règles comparables s'imposent aux autres pays
exportateurs.
On a souvent souligné que les industriels américains se considéraient
pénalisés face à leurs concurrents, affranchis de toute menace de sanction
pénale, mais on a également souvent relevé que cette législation, pourtant
sévère dans son principe, avait donné lieu à très peu d'applications concrètes
- on peut discuter les chiffres - : une vingtaine de dossiers examinés en vingt
ans...
M. Emmanuel Hamel.
Un par an !
M. Christian de La Malène,
rapporteur.
... cinq poursuites engagées et des sanctions prises, dont la
plus sévère se limitait à une année d'emprisonnement avec sursis.
La France, pour sa part, a préparé un projet de loi de transposition modifiant
le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la corruption, déposé
au mois de janvier au Sénat.
Ce projet introduit dans le code pénal l'incrimination de corruption d'agents
publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, assortie
d'une peine de dix ans d'emprisonnement et d'un million de francs d'amende. Il
prévoit des peines complémentaires pour les personnes physiques et un régime de
responsabilité des personnes morales. Ce régime de sanctions pénales envisagé
par la France est particulièrement rigoureux, plus sévère même que celui de la
plupart de nos partenaires.
Le projet de loi comporte deux dispositions qui me paraissent particulièrement
importantes.
D'une part, il dispose que les poursuites ne pourront être exercées qu'à la
seule requête du ministère public, ce qui signifie que le dépôt d'une plainte
avec constitution de partie civile ne suffira pas à mettre en mouvement
l'action publique.
D'autre part, le dispositif pénal ne s'appliquera qu'aux contrats conclus
après l'entrée en vigueur de la loi et ne couvrira donc pas l'exécution
d'engagement pris dans les limites de contrats antérieurs à cette
promulgation.
Au travers de ce qui existe déjà aux Etats-Unis, c'est-à-dire une législation
complète mais peu appliquée, et de ce qui est envisagé pour la France, nous
voyons qu'en réalité chaque Etat signataire disposera d'une certaine marge
d'appréciation pour la transposition de la convention. Or l'objectif recherché,
à savoir une concurrence loyale dans un environnement assaini, ne peut
valablement être atteint que si la convention est appliquée de manière
similaire par l'ensemble des parties.
Telle est la justification du principe d'équivalence sur lequel repose toute
la crédibilité de cette convention. En effet, que le régime des sanctions
diffère, que l'interprétation des textes soit souple ici et rigide ailleurs ou
que la propension des parquets des différents pays à poursuivre soit par trop
disparate, la convention créera d'inacceptables distorsions de concurrence au
lieu de les réduire.
C'est sur ce point que réside notre plus forte inquiétude, car il y a un
risque réel de distorsion dans la transposition de la convention par les
différents pays. On constate déjà une certaine variété dans le régime des
sanctions pénales. Les pénalités encourues par les personnes morales ne sont
pas partout du même ordre.
Ce risque de distorsion réside surtout dans la mise en oeuvre des actions
pénales qui obéissent, selon les pays, à des règles et des traditions
juridiques différentes.
Je ne citerai que le cas des Etats-Unis, où le monopole des poursuites en
matière de corruption appartient au département de la justice sous l'autorité
de l'attorney general. Encore ce dernier doit-il convaincre un « grand jury »,
en lui apportant les éléments de preuve dont il dispose, avant d'être autorisé
à engager les poursuites, l'ensemble de cette procédure ne donnant lieu, par
ailleurs, à aucune publicité. C'est dire qu'un filtrage sévère, dans lequel le
pouvoir discrétionnaire de l'attorney general qui apprécie l'opportunité des
poursuites joue un rôle prépondérant, s'applique avant toute mise en oeuvre de
l'action publique. Qui plus est, l'entreprise qui serait mise en cause a
toujours la possibilité d'éviter un procès, nous le savons, en pratiquant une
transaction pénale, c'est-à-dire en plaidant coupable sur un délit de moindre
importance.
Qu'en sera-t-il en France ?
Certes, le projet de loi déposé au Sénat exclut l'automaticité des poursuites
liée au dépôt de plainte avec constitution de partie civile. Le monopole des
poursuites appartiendra au ministère public mais, en l'occurrence, chacun des
cent quatre-vingt un procureurs sera juge de l'opportunité des poursuites. Une
circulaire de politique pénale de la Chancellerie suffira-t-elle à uniformiser
les pratiques des parquets ?
Il paraît clair que, dans les trente-quatre pays signataires, la propension
des parquets à poursuivre prendra une intensité variable, d'autant que les
faits incriminés auront été commis dans un pays tiers, c'est-à-dire que le
préjudice porté à l'ordre public national ne sera pas évident.
La seule réponse apportée par la convention à la question fondamentale du
respect du principe d'équivalence réside dans la mise en place d'un groupe de
travail chargé du suivi de l'application du texte. Ce groupe, composé de
représentants de tous les pays signataires, aura pour mission de surveiller les
pratiques nationales et l'on espère qu'il saura déceler et dénoncer les
éventuelles distorsions dans l'application de la convention. Je pense, pour ma
part, qu'il n'y a pas lieu de placer des espoirs exagérés dans un tel
mécanisme.
J'en arrive aux conclusions de la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées sur une convention qui, vous l'aurez compris, ne
saurait susciter une adhésion sans réserves, malgré ses bonnes intentions.
Ces réserves sont nombreuses et découlent du risque, trop important à nos
yeux, d'application déséquilibrée de cette convention. Pour autant, elles ne
nous sont pas parues de nature à remettre en cause sa ratification.
La commission souscrit, bien entendu, à l'objectif de la convention, à savoir
lutter contre une corruption qui, outre ses méfaits dans les pays qui la
pratiquent, entretient dans le commerce international un manque de transparence
dont nos entreprises exportatrices se passeraient bien. Au demeurant, nos
principaux partenaires, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, le
Japon ou le Canada l'ont déjà ratifiée.
La commission a donc émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi,
mais elle a assorti cet avis de quatre observations, qui sont autant de
demandes à l'adresse du Gouvernement, afin qu'il fasse preuve d'une vigilance
particulière dans la mise en oeuvre de cette convention. Il y va de nos
industries exportatrices et, au-delà, de l'emploi.
La première observation adressée au Gouvernement vise à lui demander de
militer, dans les différentes enceintes internationales, pour une extension
géographique des dispositions de la convention, par exemple à tous les pays de
l'organisation mondiale du commerce. C'est un objectif que pourraient utilement
se fixer les pays de l'OCDE afin de généraliser à l'ensemble du commerce
international les règles qu'ils ont imposées à leurs exportateurs.
La deuxième observation concerne la transposition de la convention dans le
droit pénal français. Cette transposition doit à notre sens être stricte,
c'est-à-dire pleinement conforme à la convention, tout en ayant le souci de
respecter le principe d'équivalence, qui suppose une mise en oeuvre similaire
de la convention dans tous les pays signataires. Il faudra pour cela s'en tenir
à la définition des actes de corruption donnée par la convention et veiller à
établir un régime de sanctions pénales comparable à celui de nos partenaires.
Il faudra également veiller à ce que l'engagement des poursuites soit réservé
au ministère public, ce qui est le minimum exigé chez nos partenaires. Il nous
semble que ces conditions sont satisfaites par le projet de loi déposé au
Sénat. Encore faut-il que l'équilibre réalisé par ce projet de loi soit
préservé.
La troisième observation tient à la date d'entrée en vigueur de la convention.
Il nous semble qu'il serait néfaste, d'un point de vue de sécurité juridique,
que la convention entre en vigueur avant la loi interne, car il y aurait alors
une période d'incertitude sur le plan juridique. Il serait donc sage d'attendre
l'adoption du projet de loi interne pour déposer les instruments de
ratification de la convention. Ainsi, une seule et même date serait retenue
pour l'entrée en vigueur de la convention et celle de la loi interne. Le
Gouvernement peut-il nous donner des assurances en ce sens ?
Enfin, la quatrième observation s'adresse également au Gouvernement pour lui
demander d'accorder une vigilance spéciale à la procédure de suivi de
l'application de la convention, seul moyen dont nous disposerons pour nous
assurer que cette application sera uniforme dans l'ensemble des pays concernés.
Pour cela, il faudra envoyer au groupe de travail chargé du suivi des
représentants parfaitement conscients et mobilisés sur les enjeux de cette
convention pour nos entreprises exportatrices.
C'est en insistant fortement sur ces observations, qui, elle l'espère, seront
entendues par le Gouvernement, que la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées vous propose, mes chers collègues, d'adopter le
présent projet de loi.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du
RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique
. - Est autorisée la ratification de la convention sur
la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions
commerciales internationales, faite à Paris le 17 décembre 1997, et dont le
texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
8
CONVENTIONS RELATIVES
À LA PROTECTION DES INTÉRÊTS FINANCIERS
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Adoption de cinq projets de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 173, 1998-1999) autorisant la ratification de la
convention établie sur la base de l'article K 3 du traité sur l'Union
européenne relative à la protection des intérêts financiers des Communautés
européennes, faite à Bruxelles le 26 juillet 1995. [Rapport n° 304
(1998-1999).]
- du projet de loi (n° 174, 1998-1999) autorisant la ratification du protocole
établi sur la base de l'article K 3 du traité sur l'Union européenne à la
convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés
européennes, fait à Dublin le 27 septembre 1996. [Rapport n° 304
(1998-1999).]
- du projet de loi (n° 175, 1998-1999) autorisant la ratification du protocole
établi sur la base de l'article K 3 du traité sur l'Union européenne concernant
l'interprétation, à titre préjudiciel, par la cour de justice des Communautés
européennes de la convention relative à la protection des intérêts financiers
des Communautés européennes, fait à Bruxelles le 29 novembre 1996. [Rapport n°
304 (1998-1999).]
- du projet de loi (n° 177, 1998-1999) autorisant la ratification de la
convention établie sur la base de l'article K 3, paragraphe 2, point c, du
traité sur l'Union européenne relative à la lutte contre la corruption
impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires
des Etats membres de l'Union européenne, faite à Bruxelles le 26 mai 1997.
[Rapport n° 304 (1998-1999).]
- du projet de loi (n° 176, 1998-1999) autorisant la ratification du deuxième
protocole établi sur la base de l'article K 3 du traité sur l'Union européenne
à la convention relative à la protection des intérêts financiers des
Communautés européennes, fait à Bruxelles le 19 juin 1997. [Rapport n° 304
(1998-1999).]
La conférence des présidents a décidé que ces cinq projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme le garde des
sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de soumettre aujourd'hui à
votre assemblée cinq projets de loi qui sont destinés à autoriser, d'abord, la
ratification de la convention relative à la protection des intérêts financiers
des Communautés européennes, convention qui a été signée à Bruxelles le 26
juillet 1995, communément appelée « convention fraude », et les trois
protocoles qui s'y rattachent, d'autre part, la convention relative à la
corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des
fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne, signée à Bruxelles le
26 mai 1997, communément appelée « convention corruption » de l'Union
européenne.
Le Gouvernement a choisi de présenter ensemble à votre examen ces cinq textes,
d'abord parce qu'ils se trouvent liés par les thèmes concernés : la fraude et
la corruption ; ensuite parce qu'ils nécessitent une adaptation législative
interne pour laquelle un projet de loi se trouve également soumis au
Parlement.
Je rappelle que le Conseil européen d'Amsterdam, en juin 1997, a insisté sur
l'importance de faire ratifier l'ensemble de ces instruments.
C'est d'ailleurs, me dit-on, parce que ces instruments constituent un ensemble
que la ratification de la convention relative à la protection des intérêts
financiers des Communautés, signée à Bruxelles le 26 juillet 1995, ne vous a
pas été présentée plus tôt. On aurait néanmoins pu avancer !...
M. Michel Charasse.
C'est le Quai d'Orsay !
(Sourires.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
La convention du 26 juillet 1995 sur la fraude, outre
l'incrimination des faits de fraude portant atteinte aux intérêts financiers
des Communautés, impose aux Etats membres l'obligation de prévoir des sanctions
pénales effectives, proportionnées et dissuasives pour tous les cas de fraude
portant sur un montant supérieur à 4 000 euros.
Elle exige également des Etats membres de prévoir des peines de privation de
liberté pouvant entraîner l'extradition au moins dans les cas graves de fraude
portant sur un montant supérieur à 50 000 euros.
Le premier protocole, signé en septembre 1996, vise, quant à lui, à définir
des incriminations de corruption, passive ou active, liée à la fraude affectant
les recettes et les dépenses communautaires.
Son champ d'application concerne les fonctionnaires nationaux des Etats
membres - la définition de la notion de fonctionnaire national est renvoyée au
droit interne de chaque Etat membre concerné - et les fonctionnaires
communautaires.
Le protocole fait obligation aux Etats membres, pour les faits de corruption,
de prévoir des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives
incluant, au moins dans les cas graves, des peines privatives de liberté
pouvant entraîner l'extradition.
S'agissant de la compétence, les deux conventions « fraude » et « corruption »
prévoient l'application du principe
aut dedere, aut judicare
- « ou
extrader, ou juger » - qui impose aux Etats membres d'établir leur compétence
pour des faits de fraude commis à l'étranger s'ils n'extradent pas l'auteur de
ces faits qui se trouve sur leur territoire.
Au plan interne, la France dispose, d'ores et déjà, des incriminations
nécessaires pour la mise en oeuvre de la convention relative à la protection
des intérêts financiers des Communautés européennes.
Cependant, l'incrimination de la corruption, active ou passive, d'agents
publics étrangers ou internationaux ne figure pas dans les dispositions de
notre code pénal. C'est pourquoi une loi d'adaptation est nécessaire pour
assurer l'incrimination des infractions de corruption, active ou passive,
prévue par le protocole du 27 septembre 1996 et la convention « corruption » du
26 mai 1997 et pour conférer la compétence nécessaire aux juridictions
françaises.
Il convient encore de souligner que les différents protocoles ne pourront
entrer en vigueur que lorsque la convention du 26 juillet 1995 à laquelle ils
se rattachent sera elle-même entrée en vigueur.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales dispositions, d'une part, de la
convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés
européennes, faite à Bruxelles le 26 juillet 1995, et de ses protocoles et,
d'autre part, de la convention relative à la lutte contre la corruption
impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires
des Etats membres de l'Union européenne, faite à Bruxelles le 26 mai 1997.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian de La Malène,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers
collègues, la fraude affectant le budget communautaire est régulièrement
signalée comme une faiblesse préoccupante de la construction européenne. J'ai
tenté, dans mon rapport écrit, d'en analyser rapidement les formes, l'évolution
et l'impact.
J'ai cité les montants en jeu, soit au moins 1,4 milliard d'euros en 1997. Ce
chiffre représente les seules infractions décelées et il doit donc être
considéré comme un minimum.
J'ai également décrit les principales formes de fraudes, en soulignant leur
caractère largement transnational, et le rôle que jouent, en cette matière, les
filières criminelles internationales.
Profitant pleinement des facilités offertes par la libre circulation des
personnes et des marchandises dans le marché intérieur, ces filières savent
parfaitement jouer des disparités de législation entre Etats membres et surtout
du cloisonnement des organisations de la police et de la justice des différents
Etats.
La lutte contre la fraude implique donc une vaste panoplie de mesures dans des
secteurs aussi variés que les procédures réglementaires, le contrôle budgétaire
et financier, la coopération douanière, fiscale, policière ou judiciaire ou
encore le contrôle du fonctionnement interne de la Commission, plus que jamais
à l'ordre du jour.
Elle suppose une prise de conscience de multiples acteurs, à savoir chacun des
Etats membres mais aussi le Conseil européen, la Commission, le Parlement
européen dans le cadre de sa mission de contrôle budgétaire, la Cour des
comptes et la Cour de justice des Communautés européennes. Chacune de ces
entités tente de prendre en compte, dans le cadre de ses compétences et avec
des degrés d'efficacité divers, la lutte contre la fraude au budget
communautaire.
Je constate simplement que, pour diverses raisons, la responsabilité
essentielle de la lutte contre la fraude incombe aux Etats membres. Par leurs
administrations fiscales et douanières, ils sont les plus aptes à déceler les
fraudes. C'est sur eux que repose l'enclenchement des poursuites. Enfin, en
vertu des traités, la lutte contre la fraude, dans ses aspects judiciaires, est
englobée dans les questions de justice et d'affaires intérieures, dans le «
troisième pilier ».
C'est donc le cadre intergouvernemental qui a été privilégié par les traités
pour les questions concernant la lutte contre la fraude de dimension
internationale, la coopération judiciaire en matière pénale et la coopération
douanière et policière.
Les conventions et protocoles dont nous sommes saisis sont le fruit de cette
coopération intergouvernementale et traitent d'un aspect particulier, mais
néanmoins essentiel, de la lutte contre la fraude au budget communautaire, à
savoir la protection juridique - et, en l'occurrence, pénale - des intérêts
financiers des Communautés européennes.
En d'autres termes, il s'agit ici de s'assurer que les quinze pays de l'Union
adopteront une même définition des comportements frauduleux au préjudice des
Communautés européennes, prévoiront, dans leur droit pénal, l'incrimination de
ces comportements et appliqueront des sanctions d'une même sévérité.
En effet, le degré variable avec lequel ces trois éléments sont pris en compte
dans les quinze pays membres nuit aujourd'hui à l'efficacité de la lutte contre
la fraude.
Ces textes répondent donc à un objectif commun : réaliser une certaine
harmonisation des droits pénaux des Etats membres et garantir une coordination
des procédures pénales, de manière à renforcer l'efficacité des enquêtes, des
poursuites ainsi que de la répression des fraudes au budget communautaire et de
la corruption.
En ratifiant ces textes, les Etats membres vont s'engager à introduire, dans
leur droit pénal, plusieurs incriminations, à savoir la fraude portant atteinte
aux intérêts financiers des Communautés européennes, la corruption passive ou
active d'un fonctionnaire national et d'un fonctionnaire communautaire, le
blanchiment de capitaux des produits de la fraude et de la corruption.
Ils s'engagent à prévoir des sanctions effectives, proportionnées et
dissuasives à l'encontre de ces comportements.
Ils s'accordent sur plusieurs principes de coopération et d'entraide
pénale.
J'ajoute, enfin, que, pour entrer dans les faits, le dispositif des deux
conventions et des trois protocoles nécessitera des mesures législatives
nationales. Tel est l'objet du projet de loi modifiant le code pénal et le code
de procédure pénale qui a été déposé au Sénat par le Gouvernement.
Ainsi que je l'indiquais, ces cinq textes ont pour objet de traiter un aspect
limité et néanmoins important de la lutte contre la fraude. Celle-ci passe par
bien d'autres actions, telles que l'amélioration du fonctionnement des
administrations nationales et communautaires chargées de la lutte contre la
fraude, la coopération policière et judiciaire, le renforcement de l'efficacité
des organes de contrôle et l'indispensable réforme du fonctionnement interne de
la Commission.
M. Emmanuel Hamel.
Indispensable.
M. Christian de La Malène,
rapporteur.
Les textes qui nous sont proposés contribueront à aplanir des
difficultés que les filières criminelles organisées ont su exploiter et ils
permettront de réaliser des avancées significatives dans le difficile combat
contre la fraude.
Il est donc utile que la France les ratifie et c'est pourquoi la commission
des affaires étrangères vous invite, mes chers collègues, à donner un avis
favorable à ces cinq projets de loi.
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, les
présents projets de loi qui visent à autoriser la signature par notre pays de
conventions relatives à la protection des intérêts financiers des Communautés
européennes sont d'une très grande actualité.
La démission de la Commission européenne, la sévérité de la presse à l'égard
de certains de ses responsables, la notoriété de certains de ses membres mis en
cause ont illustré, s'il en était besoin, les limites d'une Commission où
l'absence de transparence et de contrôles effectifs des citoyens des Etats
membres permet, voire engendre un certain nombre de dysfonctionnements.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
La « transparence absolue » évoquée par le président Prodi n'est-elle pas, à
elle seule, l'aveu d'une profonde remise en cause des institutions européennes,
notamment de la Commission de Bruxelles ?
Le fonctionnement complexe de l'Union et la confusion des pouvoirs ajoutent au
désarroi de nos concitoyens face à une construction européenne détachée des
réalités nationales. Du détachement à la corruption, il y a un pas que certains
n'ont pas manqué de franchir.
Il convient, à cet égard, de répondre à l'inquiétude des opinions publiques à
l'égard des larges pouvoirs de la Commission.
Au moment où émerge dans notre pays et dans l'ensemble des sphères de la
société une exigence légitime de transparence et de démocratie participative,
la construction actuelle de l'Europe repose sur des pouvoirs non élus à la
puissance presque discrétionnaire. C'est vrai de la Commission, mais aussi de
la Banque centrale européenne.
La soumission aux seules lois du marché et aux seules contraintes
internationales d'ordre économique dessaisit la classe politique dans son
ensemble des pouvoirs qui lui sont conférés par le suffrage universel.
Les dogmes libéraux du « moins d'Etat » sont, au fond, pleinement responsables
des dérives qui se font jour ici ou là et qui rejaillissent très souvent, trop
souvent, sur l'ensemble de la classe politique de nos pays.
Il nous faut donc prendre la mesure de ces dérives et redonner à l'Europe les
possibilités d'une construction réellement démocratique.
Aux procédures de contrôles externes proposées par les conventions et les
protocoles qui nous sont soumis, il conviendrait d'adjoindre, dès à présent, un
renforcement plus grand des procédures de contrôles internes des budgets des
Communautés.
Comme l'indique notre rapporteur, la lutte contre la fraude au budget
communautaire « apparaît donc comme un objectif à la fois prioritaire et
difficile à atteindre. Elle implique la mise en oeuvre d'une vaste panoplie
d'actions nationales, communautaires et interétatiques ».
Elle implique également, selon nous, un renforcement des prérogatives du
pouvoir politique au sein de l'Europe.
De fait, la lutte contre la fraude et la protection des intérêts financiers
des Communautés européennes visent à permettre une harmonisation de l'ensemble
des législations pénales des Etats membres afin d'améliorer l'efficacité des
dispositifs ainsi mis en place.
Le domaine pénal étant de la seule compétence des Etats membres, compétence
exclusive à laquelle nous sommes attachés, c'est donc par la voie des
conventions internationales qu'il est possible de prétendre à une harmonisation
des législations, afin de garantir au mieux les intérêts des Communautés.
Ainsi, sous la présidence allemande, ont été définis les principes retenus
pour la protection juridique des intérêts financiers des Communautés dans les
cas de corruption, de blanchiment et de responsabilité des personnes
morales.
Sous la présidence française, un accord politique est intervenu sur le contenu
de la convention relative à la protection des intérêts financiers des
Communautés.
La présidence espagnole a permis la négociation d'un premier protocole relatif
à la corruption.
Un deuxième protocole fut négocié sous la présidence italienne pour ce qui
concerne les aspects liés au blanchiment et à la responsabilité des personnes
morales et un élargissement fut proposé visant à inclure dans ces dispositifs
l'ensemble des faits de corruption susceptibles d'impliquer des fonctionnaires
communautaires.
La convention du 26 juillet 1995 et les protocoles qui s'y rattachent
constituent le fondement des règles juridiques à adopter au sein de notre droit
pénal international.
Cette convention définit, dans son article 1er, la fraude portant atteinte aux
intérêts financiers des Communautés en matière tant de dépenses que de recettes
communautaires et pose le principe de sanctions pénales effectives,
proportionnées et dissuasives en prévoyant, dans les cas de faute grave, des
peines privatives de liberté pouvant entraîner l'extradition.
Cette convention prévoit, en outre, que chaque Etat membre doit établir sa
compétence pour les fraudes commises sur son territoire.
Elle précise également les règles d'extradition qui imposent aux Etats membres
de prévoir leur compétence pour des faits de fraude commis à l'étranger.
Le premier protocole élargit la protection des intérêts face à des agissements
autres que la fraude, notamment les actes de corruption commis par des
fonctionnaires ou envers eux.
Le deuxième protocole demande aux Etats membres de faire figurer dans leur
législation pénale le blanchiment de capitaux issus du produit de la fraude et
de la corruption et prévoit d'instituer à ce titre une responsabilité des
personnes morales.
Le protocole du 29 novembre, quant à lui, donne compétence au titre du
préjudice à la Cour de justice des Communautés européennes pour
l'interprétation des conventions et protocoles qui nous sont soumis
aujourd'hui.
Cette compétence de la Cour de justice des Communautés doit être interprétée
au sens strict pour ce qui concerne notre pays, puisque la France a souhaité
que seules les juridictions suprêmes puissent demander à la Cour de justice
européenne de statuer à titre préjudiciel. La Cour de justice des Communautés
rend des arrêts sans appel.
Pour ce qui nous concerne, nous sommes extrêmement attachés à la compétence
exclusive des Etats en matière pénale. Il s'agit, selon nous, d'une garantie
essentielle pour les droits fondamentaux de chacun.
Le Parlement européen doit obtenir les prérogatives d'un véritable Parlement
et exercer un réel contrôle sur la Commission et les Parlements nationaux
doivent être plus associés qu'ils ne le sont aujourd'hui à la conduite des
affaires de l'Europe, notamment en matière de corruption. Les fraudes et la
corruption ne sont-elles pas des symptômes de la faiblesse de la volonté
politique ?
L'ensemble de ces questions, on le voit, déborde largement les protocoles et
conventions dont nous sommes appelés à autoriser la ratification. Au vu de cet
ensemble de réflexions et malgré certaines réserves, que vous avez bien
comprises, le groupe communiste républicain et citoyen est favorable à tout pas
en avant dans la lutte contre la corruption. Il votera donc cet ensemble de
projets de loi.
M. Christian de La Malène,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian de La Malène,
rapporteur.
Mme Bidard-Reydet a repris, en les amplifiant, un certain
nombre de remarques que j'avais faites dans mon rapport.
M. Emmanuel Hamel.
De réserves !
M. Christian de La Malène,
rapporteur.
Mais elle ne s'est pas dressée contre ces remarques. Elle a
proposé quelques réformes qui vont bien au-delà, naturellement, des
conventions.
Je voudrais lui faire remarquer qu'il existe deux moyens de progresser dans le
domaine qui nous préoccupe aujourd'hui : d'une part, la méthode
conventionnelle, qui consiste à rapprocher les codes pénaux et les procédures,
et, d'autre part, la méthode institutionnelle. Je suis partisan de la méthode
conventionnelle et, si j'ai bien compris, Mme Bidard-Reydet devrait l'être
également. Elle s'y est ralliée puisque, se répondant à elle-même, elle a dit
qu'elle voterait ces projets de loi.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
PROJET DE LOI N° 173
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 173.
«
Article unique.
- Est autorisée la ratification de la convention
établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne relative
à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, faite à
Bruxelles le 26 juillet 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi.
»
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
PROJET DE LOI N° 174
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 174.
«
Article unique.
- Est autorisée la ratification du protocole établi
sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne à la convention
relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes,
fait à Dublin le 27 septembre 1996, et dont le texte est annexé à la présente
loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
PROJET DE LOI N° 175
M. le président.
Nous passerons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 175.
«
Article unique. -
Est autorisée la ratification du protocole établi
sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne concernant
l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés
européennes de la Convention relative à la protection des intérêts financiers
des Communautés européennes, fait à Bruxelles le 29 novembre 1996, et dont le
texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
PROJET DE LOI N° 177
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 177.
«
Article unique. -
Est autorisée la ratification de la convention
établie sur la base de l'article K. 3, paragraphe 2, point c, du traité sur
l'Union européenne relative à la lutte contre la corruption impliquant des
fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats
membres de l'Union européenne, faite à Bruxelles le 26 mai 1997, et dont le
texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
PROJET DE LOI N° 176
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 176.
«
Article unique. -
Est autorisée la ratification du deuxième protocole
établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne à la
convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés
européennes, fait à Bruxelles le 19 juin 1997, et dont le texte est annexé à la
présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
9
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
Le Gouvernement, en accord avec la commission des lois, propose que la séance
du mardi 4 mai se poursuive éventuellement le soir.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
En conséquence, l'ordre du jour est fixé comme suit :
A dix heures, à seize heures et, éventuellement, le soir : suite de la
discussion du projet de loi sur la coopération intercommunale.
10
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Michel Charzat, Bertrand Delanoë, Mme Danièle Pourtaud, MM.
Claude Estier, Jean-Noël Guérini, Franck Sérusclat et les membres du groupe
socialiste et apparenté, une proposition de loi relative à l'organisation
administrative de Paris, Marseille et Lyon.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 331, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
11
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu un rapport déposé par M. Alain Lambert, président de l'Office
parlementaire d'évaluation des politiques publiques, sur le rôle des flux
financiers entre les collectivités publiques et les entreprises en matière
d'emploi, établi par M. Gérard Bapt, député, au nom de l'Office parlementaire
d'évaluation des politiques publiques.
Le rapport sera imprimé sous le n° 329 et distribué.
12
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Yann Gaillard un rapport d'information, fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation, sur les aspects fiscaux et budgétaires d'une politique de relance du
marché de l'art en France.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 330 et distribué.
13
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 4 mai 1999, à dix heures, à seize heures et, éventuellement, le
soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 220, 1998-1999), adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au renforcement et à
la simplification de la coopération intercommunale.
Rapport (n° 281, 1998-1999) de M. Daniel Hoeffel, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Avis (n° 283, 1998-1999) de M. Michel Mercier, fait au nom de la commission
des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la
nation.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif à l'épargne et à la sécurité financière (n° 273, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 4 mai 1999, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 3 mai 1999, à seize
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES
M. Louis de Broissia a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 291
(1998-1999) renforçant la protection de la présomption d'innocence et les
droits des victimes, adopté par l'Assemblée nationale, dont la commission des
lois est saisie au fond.
M. Ivan Renar a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 288
(1998-1999) de M. Ivan Renar et des membres du groupe communiste républicain et
citoyen portant création d'établissements publics à caractère culturel.
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET DU PLAN
M. Francis Grignon a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 254 (1998-1999) de M. Jean-Pierre Raffarin et plusieurs de ses collègues tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires.
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES
M. André Boyer a été nommé rapporteur du projet de loi n° 307 (1998-1999)
autorisant la ratification de la convention relative à l'adhésion de la
République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la
convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en
matière civile et commerciale, ainsi qu'au protocole concernant son
interprétation par la Cour de justice, avec les adaptations y apportées par la
convention relative à l'adhésion du Royaume de Danemark, de l'Irlande et du
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, par la convention relative
à l'adhésion de la République hellénique et par la convention relative à
l'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise.
M. André Boyer a été nommé rapporteur du projet de loi n° 308 (1998-1999)
autorisant la ratification de la convention relative à l'adhésion de la
République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la
convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la
signature à Rome le 19 juin 1980, ainsi qu'aux premier et deuxième protocoles
concernant son interprétation par la Cour de justice, faite à Bruxelles le 29
novembre 1996.
M. Hubert Durand-Chastel a été nommé rapporteur du projet de loi n° 314
(1998-1999) autorisant l'approbation de l'avenant n° 5 à la convention du 28
février 1952 entre la France et la Principauté de Monaco sur la sécurité
sociale.
M. Paul Masson a été nommé rapporteur du projet de loi n° 315 (1998-1999)
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République
française et le Conseil fédéral suisse relatif à la réadmission des personnes
en situation irrégulière, signé à Berne le 28 octobre 1998, dont la commission
est saisie au fond.
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
FONDS D'INVESTISSEMENT ET DE DÉVELOPPEMENTÉCONOMIQUE ET SOCIAL DES TERRITOIRES
D'OUTRE-MER (FIDESTOM)
En application de l'article 7 du décret n° 92-758 du 4 août 1992, M. le
président du Sénat a désigné, le 28 avril 1999, M. Simon Loueckhote en qualité
de membre titulaire du comité directeur du Fonds d'investissement et de
développement économique et social des territoires d'outre-mer (FIDESTOM).
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Réactualisation de la liste des produits inscrits
au tarif interministériel des prestations sociales
528.
- 29 avril 1999. -
M. Dominique Leclerc
attire l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur l'urgente nécessité de réactualiser la liste des produits inscrits au TIPS.
Cette actualisation devrait se faire, à l'heure où la gratuité des soins va
être offerte aux personnes dont les ressources sont inférieures à un certain
niveau, non plus à partir des critères qui jusqu'à présent ont prévalu mais en
fonction des besoins existants et s'accompagner d'une définition précise des
produits - médicaments, dispositifs médicaux, soins, etc. - qui figurent ou
seront appelés à figurer sur ce tarif. Il lui semble indispensable que s'ajoute
à cette action une harmonisation des taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA)
répertoriés au sein du TIPS, et ceci quel que soit le chapitre dans lequel ils
sont inscrits. Il lui demande en conséquence de bien vouloir lui faire savoir
si le Gouvernement envisage de prendre de telles mesures.
Suppression du pool des risques aggravés en Corse
529.
- 29 avril 1999. -
M. Paul Natali
appelle l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur les problèmes d'assurance en Corse. En 1988, afin de maintenir une bonne
couverture des risques face aux nombreux attentats enregistrés en Corse, les
compagnies d'assurances se sont regroupées sous forme d'un « pool des risques
aggravés ». Aujourd'hui, considérant le recul du nombre d'attentats en Corse,
l'assemblée plénière des sociétés d'assurance-dommages vient de décider la
suppression de ce groupement à compter du 1er juillet 2000. Or il est évident
que les risques sont encore avérés. C'est pourquoi il lui demande quelles
mesures pourraient être prises pour trouver une solution satisfaisante et
juste, tant pour les assurés que pour les compagnies d'assurances.
Redéploiement des dépenses de défense en faveur
de la recherche, des études et du développement
530.
- 29 avril 1999. -
M. Pierre Laffitte
demande à
M. le ministre de la défense
s'il ne serait pas indispensable de redéployer une part des dépenses du
ministère en faveur de la recherche, des études et du développement. Le volume
de celles-ci a fortement diminué depuis quelques années, alors que l'expérience
prouve que c'est le contraire qu'il conviendrait de faire, pour deux groupes de
raisons. C'est désormais la technologie et la logistique qui constituent les
points essentiels sur le plan militaire comme les récents conflits le
démontrent. Par ailleurs, les usages civils et les moyens civils, notamment
dans le secteur des technologies d'information et de communication, sont de
plus en plus sophistiqués et souvent de même nature que les technologies
militaires. Cela a conduit le Department of Defense aux USA à développer de
plus en plus des recherches duales et même à financer des déploiements mondiaux
de systèmes satellitaires tels que le GPS, qui constitue désormais un monopole
stratégique mondial préoccupant. Quelques milliards de plus pour la recherche
satellitaire auraient des effets induits pour les applications des satellites
aux usages civils considérables en même temps qu'un renforcement de la position
française et européenne dans un domaine crucial pour la défense.
Allégement des charges sociales sur les bas salaires
531.
- 29 avril 1999. -
M. Gérard Braun
appelle l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur la question des allégements de charges sociales sur les bas salaires. Il
lui rappelle que nombre d'entreprises françaises provenant d'horizons
industriels divers ont en commun une importante capacité de main-d'oeuvre peu
qualifiée et de travailleurs manuels. Ces entreprises connaissent aujourd'hui
de graves difficultés, liées essentiellement à un contexte économique
extrêmement contraignant, et se heurtent à un double obstacle : d'une part, à
la compétitivité croissante et à la concurrence parfois très agressive de pays
émergents qui envahissent et perturbent le marché européen, notamment en
matière de prix et de marges ; d'autre part, à un encadrement national
pénalisant : le manque de compétitivité de nos entreprises, dans la course à la
conquête des marchés, s'explique en grande partie par l'arrivée à son terme du
plan Borotra et par l'absence de résultats (positifs) du « pari risqué » des 35
heures. Il lui précise qu'en matière d'aide aux entreprises, monsieur le
président du Sénat, alors président de la commission des finances du Sénat,
avait déposé une proposition de loi tendant à alléger les charges sur les bas
salaires afin de retenir et de développer l'emploi, proposition de loi votée en
première lecture au Sénat le 29 juin 1998 et en instance depuis cette date à
l'Assemblée nationale. Ainsi, compte tenu de la situation critique de certains
pans de l'industrie française employant une main-d'oeuvre nombreuse, qui
subissent durement les contraintes imposées par la concurrence et qui ne
pourront y faire face sans une aide appropriée, il lui demande s'il a
l'intention de reprendre ce texte et de l'inscrire prochainement à l'ordre du
jour de l'Assemblée nationale.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance du jeudi 29 avril 1999
SCRUTIN (n° 90)
sur l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi
constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, insérant au titre VI de la
Constitution un article 53-2 et relatif à la Cour pénale internationale.
Nombre de votants : | 311 |
Nombre de suffrages exprimés : | 311 |
Pour : | 308 |
Contre : | 3 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
18.
N'ont pas pris part au vote :
4. _ MM. François Abadie, Jean-Michel
Baylet, André Boyer et Yvon Collin.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
92.
Contre :
3. _ MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène et Charles
Pasqua.
N'ont pas pris part au vote :
4. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat, et M. Gérard Larcher, qui présidait la séance, MM. Michel Caldaguès et
Yann Gaillard.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Pour :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
47.
SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE (7) :
Pour :
5.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Gérard Delfau et Bernard
Seillier.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber
Ont voté contre
MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène et Charles Pasqua.
N'ont pas pris part au vote
MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Michel Caldaguès, Yvon
Collin, Gérard Delfau, Yann Gaillard et Bernard Seillier.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 312 |
Nombre de suffrages exprimés : | 312 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 157 |
Pour l'adoption : | 309 |
Contre : | 3 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.