Séance du 1er avril 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Protocole relatif aux privilèges et immunités d'Europol.
- Adoption d'un projet de loi (p.
1
).
Discussion générale : MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ;
Paul Masson, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Mme Danielle
Bidard-Reydet.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
3.
Renforcement et simplification de la coopération intercommunale.
- Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
2
).
Discussion générale : MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ;
Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois ; Michel Mercier,
rapporteur pour avis de la commission des finances ; Jacques Larché, président
de la commission des lois ; Jean-Claude Peyronnet.
Suspension et reprise de la séance (p. 3 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
4.
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire d'Arménie
(p.
4
).
5.
Questions d'actualité au Gouvernement
(p.
5
).
M. le président.
VOLET DIPLOMATIQUE DE LA CRISE AU KOSOVO (p. 6 )
MM. Xavier de Villepin, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
VOLET HUMANITAIRE DE LA CRISE AU KOSOVO (p. 7 )
MM. Bernard Plasait, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
VOLET HUMANITAIRE DE LA CRISE AU KOSOVO (p. 8 )
MM. Claude Estier, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
VOLET MILITAIRE DE LA CRISE AU KOSOVO (p. 9 )
MM. Jacques Legendre, Alain Richard, ministre de la défense.
VOLET DIPLOMATIQUE DE LA CRISE AU KOSOVO (p. 10 )
MM. Jean-Luc Bécart, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
CENTRE D'INFORMATION CIVIQUE (p. 11 )
MM. Paul Girod, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.
RÉORGANISATION DU SYSTÈME HOSPITALIER EN VENDÉE (p. 12 )
M. Philippe Darniche, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
HAUSSE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
ET DÉPENSES PUBLIQUES EN L'AN 2000 (p.
13
)
MM. Francis Grignon, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.
ACCIDENT DU TUNNEL DU MONT-BLANC (p. 14 )
MM. Jean-Claude Carle, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.
CONCENTRATION DES CAPITAUX
DANS LE MILIEU DU FOOTBALL PROFESSIONNEL (p.
15
)
M. Jean-Pierre Demerliat, Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.
RÉVISION DU TAUX DE CROISSANCE POUR 1999 (p. 16 )
MM. Guy Vissac, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.
Suspension et reprise de la séance (p. 17 )
6.
Candidatures à une commission mixte paritaire
(p.
18
).
7.
Renforcement et simplication de la coopération intercommunale. -
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
19
).
Discussion générale
(suite) :
MM. Paul Girod, Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur ; Yves Fréville.
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
MM. Joël Bourdin, Philippe Darniche, Jean-Patrick Courtois, Robert Bret, Louis
Souvet, Philippe Arnaud, Claude Saunier, Gérard Delfau, Thierry Foucaud, Pierre
Mauroy, Jacques Peyrat.
Renvoi de la suite de la discussion.
8.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
20
).
9.
Polices municipales. -
Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire (p.
21
).
Discussion générale : MM. Jean-Paul Delevoye, rapporteur pour le Sénat de la
commission mixte paritaire ; Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ;
Michel Duffour.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire (p. 22 )
M. le rapporteur.
Vote sur l'ensemble (p. 23 )
MM. Jean-Claude Peyronnet, Daniel Hoeffel.
Adoption du projet de loi.
10.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
24
).
11.
Retrait d'une proposition de loi
(p.
25
).
12.
Ordre du jour
(p.
26
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
PROTOCOLE RELATIF AUX PRIVILÈGES
ET IMMUNITÉS D'EUROPOL
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 229, 1998-1999)
autorisant la ratification du protocole établissant, sur la base de l'article K
3 du traité sur l'Union européenne et de l'article 41, paragraphe 3, de la
convention Europol, les privilèges et immunités d'Europol, des membres de ses
organes, de ses directeurs adjoints et de ses agents (Rapport n° 282
[1998-1999]).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur,
mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, j'ai l'honneur de
soumettre aujourd'hui au vote de votre assemblée un projet de loi relatif à
l'Office européen de police, Europol. Ce projet de loi autorise la ratification
du protocole concernant les privilèges et immunités d'Europol, des membres de
ses organes, de ses directeurs adjoints et de ses agents, signé à Bruxelles le
19 juin 1997.
La convention portant création d'Europol, adoptée par l'Union sous présidence
française, est entrée en vigueur le 1er octobre 1998, marquant une étape
significative dans le développement de la coopération policière entre les Etats
membres de l'Union européenne.
Les Etats signataires du traité sur l'Union européenne ont souhaité créer une
structure commune pour faire face aux nouvelles formes de criminalité
internationale, notamment aux trafics internationaux de drogue.
Sa mise en oeuvre reste subordonnée à l'entrée en vigueur de plusieurs
protocoles cités dans l'article 45, parmi lesquels figure le protocole sur les
privilèges et immunités.
Ce dernier protocole a maintenant été ratifié par tous les Etats membres, à
l'exception de la France et de l'Italie.
Toutefois, il convient de noter que l'unité « Drogues Europol », précurseur
d'Europol, fonctionne depuis 1993 comme équipe non opérationnelle chargée de
l'échange et de l'analyse d'informations et de renseignements. Ses compétences
ont aussi été étendues au fil des années, anticipant sur la mise en place
d'Europol. Elles ont permis d'atteindre des résultats somme toute
satisfaisants, comme l'a d'ailleurs indiqué dans son rapport Paul Masson.
Ainsi, l'unité facilite les échanges d'informations sur le blanchiment de
l'argent, les réseaux d'immigration illégale, le trafic de voitures volées et
la traite des êtres humains. D'importantes initiatives ont aussi été prises
pour faciliter la mise en oeuvre de la convention Europol, qui entraînera un
accroissement de la coopération européenne dans ce domaine.
Europol sera, pour l'essentiel, une structure intergouvernementale de
collecte, d'analyse et d'échange d'informations entre les services répressifs
des Etats membres. Son caractère intergouvernemental est garanti par la
répartition des rôles entre les agents de l'Office et les officiers de liaison,
qui représentent leur unité nationale au sein de l'Office. Surtout, Europol,
placé sous l'autorité de son directeur, fonctionnera sous le contrôle de son
conseil d'administation, composé d'un représentant de chaque Etat membre.
Enfin, tout différend relatif à l'interprétation ou à l'application de la
convention doit, dans un premier temps, être examiné au sein du Conseil
statuant à l'unanimité, en vue de parvenir à une solution.
Outre la mise en commun d'informations collectées par les services répressifs
des Etats membres, l'apport le plus novateur d'Europol est la notion d'analyse
criminelle à l'échelon européen. Les analystes de l'Office traiteront les
informations ainsi réunies de façon à améliorer l'efficacité des enquêtes qui
s'étendent au-delà des frontières nationales. Les résultats d'analyse seront
mis à la disposition des services répressifs nationaux. Ceux-ci disposeront
ainsi de toutes les informations leur permettant de démanteler, en coopération
avec les polices d'autres Etats membres, des filières internationales de trafic
de stupéfiants ou d'immigration clandestine.
Le rôle d'Europol dans le développement de la coopération policière a été
consolidé par le traité d'Amsterdam, qui prévoit que le Conseil doit, dans les
cinq ans suivant son entrée en vigueur, encourager la coopération par
l'intermédiaire d'Europol. Dans ce dessein, Europol doit apporter son appui à
la mise en oeuvre d'enquêtes et d'actions opérationnelles menées par des
équipes conjointes des Etats membres. Il faudra, dans le même délai, permettre
à Europol de demander aux autorités compétentes des Etats membres de coordonner
leurs enquêtes dans des affaires précises.
Quant au protocole dont il est question aujourd'hui, il prévoit différentes
mesures visant à garantir la protection des activités d'Europol et de ses
agents, à savoir une immunité de juridiction et une exemption de perquisition,
saisie, réquisition, confiscation et de toute autre forme de contrainte pour
l'Office, l'inviolabilité des archives d'Europol ainsi que de tous les papiers
et autres matériels officiels des agents d'Europol, l'exonération d'impôts et
de droits dans le cadre des fonctions officielles de l'Office, des immunités de
juridiction pour toutes les paroles prononcées ou écrites et pour les actes
accomplis dans l'exercice de fonctions officielles, l'exonération de l'impôt
sur le revenu relatif aux traitements et émoluments versés par Europol, sous
réserve de l'application du taux effectif et dans la mesure où ces revenus sont
soumis à un impôt au profit d'Europol ; cette exonération ne vise pas les
pensions et retraites versées aux anciens membres du personnel d'Europol et à
leurs ayants droit, mais est-il utile que je le précise ?
Le protocole prévoit par ailleurs une procédure de levée des immunités et de
règlement des différends. Une évaluation des conditions de son application,
sous la supervision du conseil d'administration d'Europol, est prévue dans les
deux années qui suivront son entrée en vigueur.
Ainsi, le protocole s'inscrit dans le cadre des textes de même nature visant
d'autres organisations internationales, notamment le texte concernant
Interpol.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle le protocole
concernant les privilèges et immunités d'Europol, des membres de ses organes,
de ses directeurs adjoints et de ses agents, signé à Bruxelles le 19 juin 1997,
qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, je ne reviendrai pas sur le dispositif d'un accord qui vient de nous
être présenté dans ses détails.
Certains pourraient penser que c'est à une formalité que nous sommes conviés
aujourd'hui, en application des dispositions de l'article 41, paragraphe 3, de
la convention Europol. Toutefois, l'Office mérite autre chose qu'une formalité,
dans son texte comme dans son contexte. C'est pourquoi je saisirai l'occasion
de cette ratification, qui ouvre enfin la voie au fonctionnement effectif
d'Europol, pour relever quelques points qui peuvent poser interrogation et sur
lesquels, monsieur le ministre, vous pourrez peut-être nous répondre dans un
instant.
Observons - mais cela est assez connu - les très longs délais qu'il fallut
pour aboutir à la fin d'un processus extrêmement lent et difficile, puisque
aussi bien près de dix ans se sont écoulés depuis le début des premières
négociations, en 1991.
A mon avis, ces longs délais tiennent, pour une part, aux habitudes
diplomatiques, que nous connaissons bien, mais peut-être aussi, au fond, aux
divergences de vue qu'il y eut toujours, dans cette affaire, entre, d'un côté,
l'Allemagne et les Pays-Bas, qui sont, par tradition, toujours portés à mettre
en place une organisation supranationale dotée de compétences opérationnelles
et intégrées dans le cadre communautaire et, de l'autre - c'était la trame de
la négociation - la France et le Royaume-Uni, qui, eux, sont partisans d'une
coopération intergouvernementale fondée sur le seul échange d'informations.
On pourrait y voir les tenants d'une tradition policière qui remonte à
l'expression d'un pouvoir centralisé fort et les habitués d'une police fédérale
qui travaille en démultiplication, et qui sont, bien entendu, partisans d'un
pouvoir fédéral. C'est cette ligne de force qui, pendant longtemps, a conduit
les partisans des deux thèses à discuter et à chercher la voie d'équilibre
entre l'une et l'autre des positions.
La conception franco-britannique l'emporta finalement : Europol a pour mission
principale de favoriser l'échange d'informations entre les polices des Etats
membres, tandis que les pouvoirs d'enquête demeurent de la stricte compétence
des services nationaux.
C'est là un point important, mes chers collègues. En effet, on a trop souvent
tendance à penser qu'Europol est un système qui coiffe les polices nationales
et qui, en quelque sorte, précède une future intégration. Je laisse à
l'histoire le soin de déterminer l'évolution qui se fera dans tel ou tel sens -
peut-être celui-là ! - dans dix ou vingt ans. Pour l'instant, le cadre
juridique d'Europol implique l'information, l'échange des données sur les
bandes organisées qu'ont les polices des Etats membres.
Vous avez cité l'unité « Drogues Europol » et ses résultats, monsieur le
ministre. Ils ne sont pas minces, ils sont même intéressants. C'est
effectivement là, sous l'aspect spécifique de la lutte contre la drogue, une
démarche qui peut préfigurer ce que peut être l'activité étendue d'Europol dans
cet esprit d'information.
J'en viens aux quatre questions que je souhaite aborder à cette occasion,
monsieur le ministre.
Tout d'abord, nous sommes nombreux à considérer que l'influence française au
sein d'Europol est modeste, pour ne pas dire insuffisante.
A cet égard, j'ai commis une analyse sur la capacité qu'a le ministère de
l'intérieur dans sa globalité, bien sûr ! - à assumer des tâches européennes en
formant des fonctionnaires aptes à répondre aux conditions un peu spécifiques
d'une organisation internationale. Ce rapport a été une contribution modeste à
la recherche pouvant conduire à avoir, au sein de votre maison, une optique
plus efficace et plus tournée vers la pénétration des organisations
internationales.
Europol est le prototype même du système - j'espère, monsieur le ministre, que
vous nous direz que cela va changer, avec le relais d'un directeur adjoint -
où, jusqu'à présent, la position de notre pays est sans aucune commune mesure
avec les charges financières qu'implique notre participation à cet organisme
international, avec la place que nous occupons, avec le rôle que nous jouons
dans la lutte contre les turpitudes du monde moderne et avec les
responsabilités que nous assumons, sur le plan international à cet égard.
Ma deuxième interrogation porte sur les modalités de contrôle d'Europol. En
effet, actuellement, Europol est un dispositif qui semble être doté de beaucoup
de choses sauf d'un contrôle institutionnel.
Le contrôle du directeur d'Europol, c'est-à-dire le chef des polices, qui a
pour objet, à travers un espace européen, de déterminer les conditions dans
lesquelles une information est distribuée à d'autres, notamment aux polices
nationales, s'effectue par le biais du conseil d'administration.
Chacun sait ce qu'est un conseil d'administration. C'est essentiellement
formel. La subtilité, je dirai la délicatesse de certaines procédures de
traitement de l'information au travers d'un dispositif européen ne peut pas
être toujours bien perçue par un conseil d'administration qui se réunit de
façon formelle deux fois par an et qui a tendance à avaliser, de façon tout à
fait naturelle, les propositions préparées par l'administration du directeur et
soumises par le directeur à partir d'un ordre du jour arrêté par le
directeur.
Tout cela est léger. Il faut qu'il y ait autre chose qui supervise l'action de
l'ensemble, que ce soit le directeur ou le conseil.
Sur ce sujet, le débat est ouvert. Il y a la position de la France, qui
souhaite avoir une autorité administrative indépendante, et celle de
l'Allemagne, qui souhaite avoir un organisme de caractère juridictionnel. Je
n'entre pas dans le détail. Peut-être M. le ministre pourra-t-il nous éclairer
sur le compromis qui peut se dessiner.
La troisième incertitude est liée à l'extension des compétences d'Europol
après l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, ce qui ne saurait tarder. La
faculté que le Conseil de l'Union européenne pourrait notamment reconnaître à
Europol de demander aux autorités nationales de mener et de coordonner des
enquêtes dans des affaires précises ne revient-elle pas à conférer à Europol un
pouvoir d'injonction, si je puis dire, vis-à-vis des Etats membres ?
Une telle évolution ne serait certes pas conforme à l'esprit initial du
traité. Ceux qui se sont intéressés à cette affaire depuis longtemps le savent.
Cette évolution est toutefois rendue possible par l'application du traité
d'Amsterdam, qui peut donner à Europol, par le jeu même des accords que nous
avons ratifiés, une perspective qui n'était pas celle qui était initialement
prévue.
J'en arrive à ma dernière question, que vous connaissez bien, monsieur le
ministre, à savoir la nécessaire coordination d'Europol avec les autres
instances de coopération policière, qui mériterait une attention vigilante. En
effet, outre Europol et Interpol, que vous avez cités, il y a aussi le système
d'information Schengen.
Ma conclusion, mes chers collègues, sera simple : le renforcement de la
coopération policière européenne est une priorité, surtout dans le contexte
dans lequel nous vivons, où les différents réseaux de criminalité se jouent, on
le sait bien. des frontières.
La mise en place effective d'Europol, que permettra la ratification du
protocole relatif aux privilèges et immunités de cette organisation, constitue
un jalon utile, certes quelque peu formel mais absolument incontournable, dans
l'effort d'une coordination, nécessaire et souhaitée par tous, entre toutes les
polices européennes.
C'est pourquoi, malgré les quelques points d'incertitude que j'ai exposés à
l'occasion de ce rapport, la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées invite le Sénat, par ma voix, à adopter le présent projet
de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'expérience
nous montre l'importance d'une coopération européenne et internationale forte
en matière de lutte contre le crime organisé. N'évalue-t-on pas à 500 milliards
de dollars par an les sommes que ces activités de grande délinquance
représentent ?
C'est cette coopération qu'affirme vouloir développer Europol, organisme
policier qui crée, entre autres, des équipes communes d'enquêteurs - policiers,
gendarmes, douaniers - et demande aux polices nationales d'enquêter sur des
affaires concernant plusieurs pays.
Il s'agit aujourd'hui non pas de ratifier Europol, mais de voter sur un projet
de loi prévoyant que cet organisme bénéficie, entre autres, d'une
quasi-immunité diplomatique, de l'inviolabilité de ses archives, d'une immunité
de juridiction ainsi que d'exemptions de perquisition, saisie, réquisition,
confiscation et toute autre forme de contrainte.
Autant nous voulons contribuer au renforcement de la lutte contre le crime,
autant nous voulons attirer l'attention sur certains risques liés à l'absence
de contrôle démocratique.
Monsieur le ministre, le texte du protocole suscite beaucoup d'interrogations.
Les premières portent sur les contrôles à instituer. Le Parlement européen,
dans une résolution de 1997 portant sur la réalisation de la collaboration dans
les domaines de la justice et de l'intérieur, critiquait ce qu'il qualifiait, à
l'époque, de « création d'un espace sans droit inacceptable ». Monsieur le
ministre, quel est votre sentiment sur cette appréciation ?
Dans son rapport écrit, M. le rapporteur doute - il vient de le rappeler - que
le conseil d'administration d'Europol « puisse exercer un réel contrôle sur le
directeur général et ses adjoints, dont les propositions risquent fort d'être
entérinées par l'autorité politique sans un examen suffisant ».
Il nous semble que le législateur s'en remet, de fait, beaucoup trop au
pouvoir exécutif et, finalement, aux administrations et aux bureaucraties, qui
sont ainsi déconnectées de tout contrôle.
Le protocole, dans son article 3, prévoit l'inviolabilité des archives
d'Europol. Que penser de l'établissement d'un système informatisé fondé, d'une
part, sur un fichier de victimes, de suspects et de coupables, et, d'autre
part, sur des critères « permettant d'établir l'identité, et notamment les
signes physiques particuliers, objectifs et inaltérables » ?
Nous partageons, avec d'autres, le souci du nécessaire respect des droits
individuels au regard de la collecte, du stockage, de l'utilisation et de la
transmission des données. D'ailleurs, dès 1997, la commission Meijers, qui est
une ONG, et qui est composée notamment de juristes de droit international et de
droit pénal, avait critiqué le manque de contrôle parlementaire et juridique,
le régime des immunités et l'opacité totale qui régnerait autour d'Europol.
On peut d'ailleurs s'interroger sur la réelle portée de l'article 8 du
protocole, relatif au régime des immunités.
Dans l'état actuel des choses, il sera très difficile de savoir quels critères
de travail auront été réellement retenus et par quels moyens les informations
auront pu être recueillies. Le texte actuel ne fait que renforcer, me
semble-t-il, l'opacité déjà soulignée.
Au moment où grandissent des exigences légitimes de transparence et de
contrôle démocratique - je pense notamment, en l'occurrence, au nécessaire
contrôle judiciaire des investigations policières - il serait incompréhensible
d'augmenter encore l'opacité.
Parce que nous voulons à la fois assurer une lutte efficace contre le crime et
une protection des libertés individuelles et collectives, nous vous soumettons,
monsieur le ministre, plusieurs propositions.
Ne serait-il pas possible d'obtenir que les représentants des pays membres du
conseil d'administration d'Europol puissent approuver les résolutions de
celui-ci que s'ils obtiennent un accord de leur parlement national ? C'est déjà
le cas d'un pays de l'Union européenne.
Cela n'exclut pas, bien sûr, un autre contrôle d'une autorité indépendante du
type de la commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL.
Ne serait-il pas utile de favoriser la coopération entre parlements de nos
différents pays sur ce sujet ? Je pense ainsi à l'éventuelle mise en place
d'une commission interparlementaire contribuant à un contrôle plus efficace en
la matière.
Compte tenu du fait que le texte pose de nombreuses questions qu'il faudrait
éclairer, et à ce stade de la discussion, le groupe communiste républicain et
citoyen s'abstiendra.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée la ratification du protocole établissant,
sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne et de l'article
41, paragraphe 3, de la convention Europol, les privilèges et immunités
d'Europol, des membres de ses organes, de ses directeurs adjoints et de ses
agents, fait à Bruxelles le 19 juin 1997, et dont le texte est annexé à la
présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
3
RENFORCEMENT ET SIMPLIFICATION
DE LA COOPÉRATION INTERCOMMUNALE
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 220, 1998-1999),
adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au
renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale. [Rapport
n° 281 (1998-1999) et avis n° 283 (1998-1999)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, le projet de loi sur l'organisation urbaine et la simplification de
la coopération intercommunale vient devant le Parlement, après une longue phase
de préparation et de concertation à laquelle certains d'entre vous ont été
associés.
Avant même d'être adopté par le conseil des ministres du 28 octobre 1998, un
avant-projet a été présenté au comité des finances locales ainsi qu'aux
associations d'élus locaux et il a fait l'objet d'une longue concertation au
milieu de l'année dernière.
Ce projet de loi est un texte d'apparence modeste, mais qui comprend des
dispositions pratiques, porteuses d'effets importants à moyen et long terme.
C'est, en effet, une nouvelle étape de la décentralisation visant à mobiliser
des moyens accrus au niveau de décision le plus pertinent, afin d'assurer le
développement du territoire et de réduire les inégalités sociales, tout en
respectant, bien entendu, la libre décision des communes et les rythmes adaptés
à chaque situation locale.
Je souhaite que nous ayons, comme à l'Assemblée nationale, un débat de fond
sur l'intercommunalité, afin d'aboutir à un texte qui connaisse un vrais succès
dans son application, sur l'initiative des élus, car c'est de cela qu'il
s'agit.
La forte identité de l'institution communale n'a pas empêché la création de
nombreuses structures de coopération à fiscalité propre depuis 1992, sur la
base de la loi du 6 février 1992 d'orientation pour l'administration
territoriale de la République. On compte ainsi, au 1er janvier 1999, 1 679
établissements publics à fiscalité propre, regroupant près de 34,5 millions
d'habitants et 18 876 communes, soit la moitié des communes de France.
Cette relance de la solidarité entre les communes est venue heureusement
compléter la coopération syndicale, laquelle remonte à la loi du 22 mars 1890
qui a institué le syndicat intercommunal à vocation unique. Nos communes, qui
puisent leur permanence dans l'histoire, ont su depuis longtemps se regrouper,
d'abord pour gérer des services spécialisés, ensuite, et de plus en plus, pour
orienter le développement local.
Ce succès masque toutefois des déséquilibres. Des régions entières, et surtout
les villes, sont restées à l'écart du mouvement. La répartition géographique
est encore inégale. On relève depuis deux ans un fléchissement de la
progression du nombre d'établissements publics de coopération intercommunale
créés : 131 créations en 1997 et 103 en 1998, contre 211 en 1996, et davantage
encore les années précédentes. Il est vrai que le mouvement a naturellement
tendance à s'amortir. L'intercommunalité dans la période récente a surtout
profité aux petites unités et au milieu rural. Aux districts et aux communautés
urbaines ne sont venues s'ajouter que cinq communautés de villes et le partage
de la richesse, à travers la taxe professionnelle unique, n'a pas rencontré le
succès espéré, il faut bien le dire.
Les moyens institutionnels et financiers de l'intercommunalité paraissent
aujourd'hui insuffisants, il convient de le reconnaître.
Alors même que les charges financières des agglomérations s'accroissent,
celles-ci éprouvent les plus grandes difficultés à développer les ressources.
Les disparités de taux de taxe professionnelle au sein d'une même agglomération
et les inégalités cumulatives que cette situation génère accentuent les
déséquilibres existants. Ces inégalités témoignent de l'absence de solidarité
au sein de territoires qui devraient au contraire avoir pour objectif de
rechercher et d'organiser leurs complémentarités.
Sur le plan institutionnel, on ne peut pas non plus considérer que le fait
urbain bénéficie d'une reconnaissance satisfaisante. Au côté des syndicats, les
formules de coopération à fiscalité propre prennent ainsi souvent en charge la
gestion de services d'intérêt communautaire soit du fait de la volonté du
législateur - c'est le cas de certaines communautés urbaines et des syndicats
d'agglomération nouvelle - soit en raison de la volonté des communes qui les
composent.
La distinction entre la coopération urbaine et rurale s'est perdue au fil du
temps. La communauté de communes, qui est la formule de coopération
intercommunale à fiscalité propre la plus souple, est certes utilisée, surtout
en milieu rural, mais elle l'est aussi en milieu urbain. Je pense à la ville de
Marseille et aux communes périphériques.
De même, il existe des districts en milieu rural. La communauté de villes,
dotée de compétences plus intégrées et d'outils fiscaux plus puissants, reste
une formule exceptionnelle. Cela doit nous faire réfléchir, mesdames, messieurs
les sénateurs, parce qu'il est évident que les formules trop étudiées, trop
encadrées ne connaissent que rarement le succès. Les élus locaux entendent
avoir leur mot à dire sur les formes d'organisation de la coopération
intercommunale.
La communauté urbaine, formule très intégrée sur le plan des compétences, est
peu à peu détournée de sa vocation initiale du fait d'une dotation globale de
fonctionnement très incitative et d'un seuil démographique de création trop
bas.
Partant de ces constats, le projet de loi poursuit quatre objectifs :
développer l'intercommunalité en milieu urbain tout en la consolidant en milieu
rural ; promouvoir la taxe professionnelle unique ; simplifier les outils mis à
la disposition des élus locaux ; renforcer la démocratie des structures
intercommunales.
Le premier objectif est à la fois de repenser notre organisation urbaine et de
sauvergarder nos communes rurales.
Le projet de loi vise à rendre plus cohérente la situation confuse que je
décrivais. Le Gouvernement vous propose une architecture de l'intercommunalité
simplifiée autour de trois grandes formes, alors qu'il en existe huit
actuellement, avec des communautés urbaines pour les agglomérations de plus de
500 000 habitants, des communautés d'agglomération pour les agglomérations de
plus de 50 000 habitants et des communautés de communes.
Le fait urbain - et sa traduction, l'agglomération - est devenu aujourd'hui un
trait dominant de la société française. Jusqu'en 1931, la majorité de notre
population vivait encore dans les communes rurales de moins de 2 000 habitants.
A l'heure actuelle, les trois quarts des Français vivent dans des aires
urbaines. La crise sociale, le chômage, l'insécurité, les déséquilibres
économiques et les fractures sociales, culturelles et scolaires se concentrent,
il faut bien le dire, dans les agglomérations. Certains quartiers se sont ainsi
transformés, au fil des ans, en quasi-ghettos où la montée des communautarismes
bat en brèche l'expression des valeurs républicaines.
Ainsi s'édifie sous nos yeux un modèle de société inégalitaire qui est aux
antipodes de ces valeurs. La ségrégation spatiale redouble la ségrégation
sociale, et c'est le projet de citoyenneté, censé fonder notre République, qui,
de plus en plus, est menacé de tourner à vide.
Il faut donc se donner tous les moyens de lutter sur le long terme contre
l'
apartheid
social, et, puisque celui-ci revêt de plus en plus la forme
d'un
apartheid
spatial, il faut repenser notre organisation urbaine,
afin de défendre à l'échelon pertinent le modèle de citoyenneté auquel nous
sommes attachés.
A la réalité physique des agglomérations, de leurs villes-centres, de leurs
communes périphériques, de leurs cités agrégées au fil de la croissance
urbaine, ne correspond plus aujourd'hui, il faut bien le dire, aucune entité
politique et juridique capable de prendre les décisions qui engagent le long
terme : nouvelle répartition de l'habitat, remodelage des banlieues,
dédensification de certains quartiers par la destruction des barres et des
tours, reconstitution du tissu urbain, politiques ciblées de formation et
d'emploi, plans de circulation et de transports publics. L'agglomération est,
de toute évidence, le niveau le plus pertinent pour la définition et la mise en
oeuvre d'une politique de la ville efficace sur le long terme.
Le projet de loi vise à forger l'outil nécessaire.
Il s'agit de structurer les agglomérations comptant plus de 50 000 habitants
autour d'une ville-centre de 15 000 habitants au moins, pour créer une nouvelle
sorte d'établissements publics : la communauté d'agglomération, dotée
obligatoirement d'une taxe professionnelle unique.
Pour créer ces nouveaux espaces de solidarité, il faut, bien sûr, fixer des
compétences et des périmètres. A un noyau dur de compétences - développement
économique et aménagement de l'espace, habitat, politique de la ville,
organisation des transports - pourront s'ajouter au moins trois autres :
assainissement et qualité de l'eau, collecte et traitement des déchets, gestion
d'équipements collectifs.
Quant au périmètre, il est assez logique de le faire coïncider avec celui de
l'aire urbaine au sens de l'INSEE, soit un espace comptant au moins 5 000
emplois et où au moins 40 % de la population résidente a un emploi. Les seuils
ont été fixés pour déterminer cent quarante et une aires urbaines qui
concentrent 75 % de la taxe professionnelle et 70 % de la taxe d'habitation.
Mais la loi n'imposera pas cette notion d'aire urbaine et il appartiendra aux
élus et au préfet de discuter les périmètres pertinents.
La création des communautés d'agglomération va de pair avec le relèvement du
seuil de création des communautés urbaines, désormais fixé à 500 000 habitants
au lieu de 20 000 ; comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure, c'est le bon
sens même.
Il ne convient cependant pas d'opposer le rural et l'urbain.
L'un et l'autre ont leurs problèmes, qui requièrent des traitements adaptés,
des solutions spécifiques. Si les fractures au sein des agglomérations doivent
être prises en compte, car il en va de la cohésion sociale de notre pays, je
n'en suis pas moins attentif aux espaces ruraux. Ils doivent être structurés
autour d'un bourg-centre ou d'une petite ville. Il leur faut trouver la bonne
taille pour être capable d'investir : dans le domaine des services de base aux
habitants, ainsi en matière d'eau, d'assainissement, de déchets ; dans celui du
développement économique et du soutien à la création d'emplois ou encore en
matière d'aménagement de l'espace.
Il s'agit aussi de mettre en commun des moyens de fonctionnement que n'ont pas
les communes de très petite taille. Les sénateurs sont bien placés pour le
savoir. Les maires dépourvus de moyens doivent pouvoir trouver un appui auprès
des bourgs et des petites villes pour résoudre leurs problèmes, de plus en plus
complexes, dont provient une partie du malaise que ressentent certains d'entre
eux.
J'en suis persuadé : l'intercommunalité constitue le seul avenir de nos
communes rurales. Pour ma part, je suis très attaché au devenir de ces
dernières, car je sais que l'une de nos forces par rapport à nos voisins
européens est justement l'étendue de son territoire.
La recomposition de l'intercommunalité urbaine permet ainsi à la communautés
de communes de retrouver sa vocation initiale.
Elle redevient, comme cela était prévu en 1992, la structure institutionnelle
tournée d'abord vers le milieu rural et adaptée à une intercommunalité de
petite taille.
Elle s'affirme ensuite comme la structure intercommunale de référence pour les
communes qui souhaitent organiser leur coopération avec prudence et
progressivité. Elle sera ainsi la structure d'accueil des districts et des
communautés de villes qui ne pourront ou ne voudront devenir une communauté
d'agglomération.
Et vous savez que le financement de la dotation globale de fonctionnement des
communautés d'agglomération se fera à part, sur des ressources nouvelles et non
sur la base actuelle de la DGF, notamment celle qui est réservée aux commuautés
de communes.
C'est en cela, et j'y insiste parce que ce n'est pas toujours bien compris,
que le projet de loi concourt à une logique de développement et d'aménagement
du territoire qui ne se fait pas au détriment du monde rural, qui n'oppose pas
l'urbain et le rural car il distingue les sources de financement et il permet
le développement harmonieux de l'intercommunalité, aussi bien dans le milieu
rural que dans le milieu urbain.
J'en viens au deuxième objectif : il s'agit d'encourager la taxe
professionnelle unique, la TPU. C'est un objectif de bon sens et je suis
persuadé que je n'aurai pas besoin de faire un gros effort pour vous
convaincre.
En effet, il n'y a pas de solidarité territoriale sans mutualisation des
ressources.
La loi doit offrir les moyens de lutter contre un certain campanilisme,
c'est-à-dire contre le repli sur elles-mêmes des communes riches ou qui,
simplement, se croient favorisées, à tort ou à raison, et souvent à tort, bref
contre le refus des règles de solidarité qui, seules, peuvent permettre une vie
démocratique et civilisée.
Je sais qu'il faut convaincre les citoyens, et d'abord les élus, que la mise
en commun des resources et, à terme, une certaine mixité sociale, comportent
beaucoup moins d'inconvénients que le développement de la ségrégation urbaine,
qui est la mère de toutes les violences. Nous pouvons faire progresser cet
objectif en faisant appel au bon sens, à l'esprit républicain, au souci de
l'intérêt général.
C'est pourquoi les communautés d'agglomération comme les nouvelles communautés
urbaines doivent obligatoirement bâtir leur projet commun à partir de la taxe
professionnelle unique d'agglomération. Par amendement, l'Assemblée nationale
en a fait le régime fiscal de plein droit pour tous les groupements de plus de
500 000 habitants : communautés urbaines et districts existants ainsi que
communautés de communes existantes ou à venir.
Les agglomérations sont en effet plus particulièrement confrontées au problème
de la grande dispersion des taux entre communes. Je vous le disais à l'instant
: la taxe professionnelle unique reste trop peu répandue, puisque seuls cent
groupements l'ont adoptée, ce qui équivaut à près de 7 % du produit total de
taxe professionnelle. C'est peu. La réforme de la taxe professionnelle adoptée
en loi de finances n'a en rien réglé ce sujet. En matière de développement
économique et d'aménagement du territoire, le partage volontaire de la taxe
professionnelle sera plus efficace que sa nationalisation, qui avait été prônée
en 1995 par le Conseil national des impôts.
L'unification de la taxe professionnelle doit être progressive, et s'effectuer
sur douze ans, c'est-à-dire la durée de deux mandats, si les conseils
municipaux le décident.
Pour réussir le passage à la taxe professionnelle unique, il est indispensable
de garantir la sécurité budgétaire des communautés d'agglomération et des
communautés urbaines nouvelles.
Comment y parvenir ? Le choix s'est porté sur un mécanisme de fiscalité
additionnelle qualifié de « fiscalité mixte », qui figurait déjà dans le projet
préparé par M. Perben en 1997, dont celui que je vous propose reprend une
grande partie des orientations.
Contre l'avis du Gouvernement, l'Assemblée nationale a levé l'encadrement qui
visait à limiter cette possibilité aux cas de déséquilibres budgétaires liés à
des pertes de taxe professionnelle. Les députés ont fait valoir que le
développement des services collectifs et la gestion d'équipements confiés aux
communautés urbaines et aux communautés d'agglomération concernaient toute la
population.
Le projet vise également à permettre une déliaison des taux entre la taxe
professionnelle et les « impôts ménages ». Ces derniers doivent en effet
pouvoir diminuer, là où ils sont très élevés, sans que le groupement perde des
ressources de taxe professionnelle, comme on a pu le constater ces dernières
années. Il serait en effet paradoxal que le transfert de certaines charges
communales ne puisse pas, si l'occasion se présente, se traduire par une
moindre pression fiscale sur les ménages.
L'Assemblée nationale, contre l'avis du Gouvernement, a étendu ces nouvelles
libertés fiscales aux communautés de communes adoptant la taxe professionnelle
unique. Nous aurons à en débattre.
Enfin, la péréquation volontaire des charges et des ressources sera sans doute
plus difficile à réaliser en Ile-de-France, notamment dans la partie la plus
densément peuplée de l'aglomération, même si des projets y ont déjà vu le jour.
C'est pourquoi il est prévu de renforcer le mécanisme du fonds de solidarité
des communes de la région d'Ile-de-France, qui organise un prélèvement sur les
recettes des communes les plus riches en taxe professionnelle et une
redistribution aux communes à faible potentiel fiscal et aux charges, notamment
sociales, élevées.
Il reste que ces deux mesures fiscales ne sauraient être suffisantes sans
qu'une DGF fortement incitative complète l'effort des communes.
Les communautés d'agglomération qui seront créées d'ici au 1er janvier 2005
bénéficieront d'une dotaton globale de fonctionnement fixée à 250 francs par
habitant, soit plus du double de celle qui est accordée aujourd'hui aux
communautés de villes. L'objectif du projet de loi s'inscrit dans la durée : à
horizon de cinq ans, il s'agit d'atteindre 40 % de la cible potentielle, soit
une bonne cinquantaine de communautés d'agglomération, sans que soit remis en
cause par ailleurs le financement des créations de groupements issus de la loi
de 1992. Le coût de la réforme créant les communautés d'agglomération est
estimé à 2,5 milliards de francs sur cinq ans, soit 500 millions de francs par
an en moyenne. C'est là le financement spécifique dont je vous parlais tout à
l'heure.
Le projet de loi prévoit que ce financement est assuré par un prélèvement sur
les recettes de l'Etat et non à partir de l'enveloppe de dotation globale de
fonctionnement. Ainsi le partage entre la DGF réservée auc communautés de
communes et celle qui est réservée aux dotations de solidarité allouées aux
communes - DSU et DSR - sera-t-il plus facile. Ainsi, surtout,
l'intercommunalité en milieu rural pourra-t-elle être encore mieux soutenue, le
comité des finances locales pouvant faire progresser la dotation moyenne.
Je sais que vous souhaitez une réduction plus importante des écarts. Votre
volonté n'est pas passé inaperçue lorsque j'ai eu l'occasion d'exposer le
projet devant vos commissions.
Vous le savez, le Gouvernement a accepté de relever à 150 francs par habitant
la DGF attribuée aux communautés de communes d'au moins 3 500 habitants qui,
sans atteindre le seuil des 50 000 habitants, ont néanmoins la taille et les
compétences pour fournir les services nécessaires à notre temps et ont adopté
la taxe professionnelle. Ne pas exiger de telles compétences serait en effet
favoriser une intercommunalité d'aubaine. Nous devons au contraire promouvoir
des structures viables et suffisamment intégrées pour permettre un réel
aménagement du territoire et des politiques efficaces pour lutter contre la
désertification du tissu rural.
A cet égard, le plancher de 3 500 habitants répond à une forte logique si nous
voulons atteindre cet objectif.
S'agissant du montant de la dotation, aller beaucoup plus loin que 150 francs
- et je me tourne particulièrement vers MM. les rapporteurs - pourrait menacer
les équilibres de la répartition de la DGF que j'évoquais et compromettre
notamment la progression de la dotation de solidarité rurale. Je leur demande
d'y réfléchir.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Avec M. Hoeffel, nous sommes
l'équilibre même !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je connais, monsieur le rapporteur pour avis,
votre souci de l'équilibre et donc votre capacité à mettre le curseur au bon
endroit ; je vous fais confiance.
Le troisième objectif du projet de loi, c'est la simplification des outils mis
à disposition des élus locaux.
C'est un projet qui améliore la décentralisation par le nombre de dispositions
tendant à simplifier et à rationaliser les règles d'organisation et de
fonctionnement des groupements. Nombreuses sont celles qui avaient été
préparées par M. Perben en 1997 et que le Gouvernement a bien volontiers
reprises, tant elles allaient dans le bon sens.
Il s'agit de rendre les règles de l'intercommunalité plus lisibles pour les
élus et pour les citoyens. D'abord, il convenait de simplifier le code général
des collectivités locales, dont 71 articles sont supprimés. Ensuite, il fallait
harmoniser les règles de création et de dissolution, celles des majorités
qualifiées et celles qui portent sur la désignation des délégués, leur statut
et la durée de leurs mandats. Ces règles seront, le plus souvent possible,
communes aux trois formes d'intercommunalité. Ce sera une simplification
considérable.
Je l'ai déjà dit, ce projet de loi réduit le nombre de catégories juridiques à
fiscalité propre à trois grandes formes : les communautés de communes, les
communautés d'agglomération et les communautés urbaines. Grâce à des
amendements adoptés à l'Assemblée nationale, les SAN, syndicats
d'agglomérations nouvelles, pourront en effet être aisément transformés en
communautés d'agglomération, aujourd'hui ou à l'achèvement de leur mission.
Enfin, diverses dispositions encouragent à limiter les superpositions de
périmètres et de compétences entre les syndicats et les groupements à fiscalité
propre, source de complexité et, parfois, d'opacité pour les citoyens.
Le quatrième objectif du projet de loi, c'est le renforcement de la démocratie
et de la transparence dans le fonctionnement des structures intercommunales.
La plupart d'entre vous sont, comme moi, très attachés aux libertés communales
et à ce que la coopération soit librement décidée.
Si le projet est volontariste, il repose aussi sur le volontariat et sur le
contrôle démocratique. Il est en cela très respectueux des principes de la
décentralisation.
La création autoritaire de communautés d'agglomération me semblerait remettre
en cause les principes d'une décentralisation qui implique la
responsabilité.
Le projet de loi prévoit seulement la possibilité pour le préfet de proposer
des périmètres cohérents et d'être l'initiateur de projets de regroupements.
Mais ces derniers resteront décidés par les conseils municipaux, selon les
règles de majorité qualifiée déjà instituées en 1992.
M. Jean-Pierre Plancarde.
Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Chacun a compris que l'élection au suffrage
universel des délégués communautaires n'était pas à l'ordre du jour.
Ce serait mettre la charrue devant les boeufs et ériger les établissements
publics de coopération en collectivités territoriales avant même qu'une
véritable communauté d'intérêts soit réalisée. Comme je l'ai dit à l'Assemblée
nationale, et je le répète ici même au Sénat : le mieux est souvent l'ennemi du
bien. Ce serait se donner une contrainte qui risquerait de rebuter le
volontariat et de porter ainsi préjudice à l'ensemble du projet.
L'Assemblée nationale a souhaité que, pour les seules communautés urbaines,
les conseillers communautaires soient distingués parmi les candidats aux
conseils municipaux lors des élections municipales. Il est vrai que les
communautés urbaines, structures très intégrées et dotées d'une forte identité,
se prêtent mieux à cette transparence. En aucune façon cette disposition ne
menace l'existence des communes, qu'il convient au contraire de préserver.
Pour les autres catégories, tâchons plutôt d'introduire davantage de
démocratie et de transparence.
Ainsi, il est prévu de ne déléguer dans les structures intercommunales que les
conseillers municipaux. Cette exigence pourrait d'ailleurs être étendue, si le
Parlement le souhaitait, aux syndicats intercommunaux. Vous admettrez que la
gestion et le coût des compétences exercées par ces syndicats, considérables en
matière d'assainissement, d'eau, de déchets ou de transports, ne connaissent
pas toujours, aujourd'hui, le contrôle démocratique nécessaire.
Le texte prévoit d'autres mesures permettant un fonctionnement plus
transparent des structures intercommunales et un renforcement de la
participation et de l'information des habitants, par la création de comités
consultatifs et par l'organisation systématique de débats. Je suis prêt à
examiner avec vous tout ce qui pourrait encore développer la démocratie
locale.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
dispositions que le Gouvernement soumet à la représentation nationale.
C'est une réforme d'ampleur de la coopération intercommunale qui, je pense,
peut rassembler une large majorité au Parlement, avant d'être appliquée, dans
les villes et les campagnes, par les élus de toutes les rives républicaines.
Je sais que, grâce à la grande expérience de ces sujets qu'ont vos
rapporteurs, MM. Daniel Hoeffel et Michel Mercier, le Sénat saura apporter à ce
texte toute l'autorité dont il sait faire preuve en matière de
décentralisation.
L'intercommunalité disposera désormais de formules mieux ciblées et mieux
adaptées au développement local et à la diversité des territoires. Les
communautés de communes, les communautés d'agglomération et les communautés
urbaines correspondent, en effet, à des niveaux d'intégration et de compétences
qui tiennent compte des particularités économiques, humaines, spatiales et
physiques de notre pays.
Cette réforme est inspirée du double souci de faire vivre la démocratie locale
et de redonner du souffle à la décentralisation, laquelle, vous le comprenez
aisément, doit répondre aux besoins de notre temps pour trouver toute sa
légitimité.
C'est donc un grand acte de confiance, mesdames, messieurs les sénateurs, que
nous accomplissons à l'égard des élus locaux à travers ce projet de loi et un
grand acte de foi dans les vertus de la décentralisation. J'espère que vous
saurez le reconnaître.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur le projet de
loi relatif à l'intercommunalité a lieu à un moment où, dans le pays, des voix
s'élèvent pour évoquer la nécessité de rationaliser les structures
territoriales françaises, à commencer par l'échelon communal. Ce débat a lieu
aussi à un moment où il faut constater qu'il existe en Europe, s'agissant des
collectivités territoriales, une spécificité française qui est caractérisée par
une très grande diversité et par un émiettement communal.
Concilier la recherche d'une plus grande efficacité dans la gestion des
collectivités locales avec le respect de cette exception française sur ce plan
aussi, tel est le but recherché par cette nouvelle et nécessaire étape.
Je ne reviendrai pas sur l'historique ; la lecture du rapport écrit de la
commission des lois pourra utilement compléter votre information à cet égard.
Je mentionnerai simplement six caractéristiques du présent projet de loi, qu'il
est nécessaire de connaître avant d'aborder le débat de fond.
Premièrement, toutes les initiatives gouvernementales qui ont été prises au
cours des dernières décennies ont été orientées essentiellement vers
l'intercommunalité et non vers les fusions, à une exception près bien connue :
celle de la loi de 1971.
Deuxièmement, le libre choix a toujours été privilégié par rapport à la
contrainte, sauf dans la loi de 1966 relative à la création des premières
communautés urbaines.
Troisièmement, la stimulation financière a été un facteur d'incitation fort,
mais l'expérience montre que la solidité des structures intercommunales dépend
d'abord de la capacité de fédérer les communes autour d'un projet.
Quatrièmement, le développement intercommunal à la carte a abouti à une
superposition de structures et à une complexité de la nouvelle carte
intercommunale. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, il existe huit
catégories différentes de structures.
Cinquièmement, malgré cette complexité, les établissements publics de
coopération intercommunale à fiscalité propre ont connu un réel développement
dans notre pays, en particulier depuis six ans, puisque, aujourd'hui, ils
regroupent environ 19 000 communes et 33 millions d'habitants.
Enfin, sixièmement, le succès de l'intercommunalité a été, peut-être
paradoxalement, plus réel dans les zones rurales que dans beaucoup de zones
urbaines, alors que la nécessité d'une coopération intercommunale se révèle
aussi grande en milieu urbain qu'en milieu rural.
Aujourd'hui, sur cet arrière-plan, il est nécessaire d'essayer de simplifier,
de rationaliser, d'accentuer la solidarité, de privilégier l'intercommunalité
de projet par rapport à l'intercommunalité circonstancielle,...
M. Pierre Fauchon.
Très juste !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
... mais - et ce sera important tout au long de ce débat - en
dégageant les moyens financiers en fonction de toutes ces caractéristiques.
C'est dans cet esprit que le Gouvernement a déposé son projet de loi. C'est
dans cet esprit également que la commission des lois, à travers un groupe de
travail présidé par notre collègue M. Delevoye, a formulé, en 1996 et en 1997,
un certain nombre de propositions en liaison étroite avec le ministre de
l'époque, M. Dominique Perben.
De ce groupe de travail ont été dégagées trois grandes propositions. Elles
visent à réduire le nombre des structures, à créer un tronc commun de règles
applicables à toutes les structures dans le code général des collectivités
territoriales et, enfin, à favoriser l'intercommunalité de projet.
C'est dans ce cadre que s'inscrit votre projet de loi, monsieur le ministre,
projet à propos duquel j'évoquerai rapidement six caractéristiques majeures.
La première concerne la structuration de l'intercommunalité.
Les districts et les communautés de villes sont appelés à disparaître. Sont
créés trois niveaux de communautés : les communautés de communes, qui ont
vocation à constituer prioritairement des regroupements de moins de 50 000
habitants, les communautés d'agglomération avec plus de 50 000 habitants et les
communautés urbaines nouvelles à partir de 500 000 habitants. Les syndicats
intercommunaux à vocation multiple, SIVOM, et les syndicats intercommunaux à
vocation unique, SIVU, sont maintenus, car ils peuvent être considérés souvent
comme étant un stade de préparation à l'esprit intercommunal et, parfois aussi,
comme étant susceptibles d'apporter une réponse concrète et efficace à des
problèmes spécifiques.
A ce propos, on peut se poser une question : était-il nécessaire de prévoir
trois catégories de communautés dans ce texte ? Deux n'auraient-elles pas été
suffisantes ? Je pense aux communautés de communes et, pour les formules plus
élaborées, aux communautés urbaines. Des raisons d'ordre financier n'ont
probablement pas été totalement étrangères à ce choix !
M. Jacques Peyrat.
C'est bien évident !
M. Louis Souvet.
Quel euphémisme !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Compte tenu des contraintes budgétaires qui n'épargnent aucun
gouvernement, un minimum de compréhension s'avère nécessaire.
Dans cet ensemble structurel, la grande novation est représentée par les
communautés d'agglomération. Le seuil minimal est fixé à 50 000 habitants, à
condition que la ville-centre compte 15 000 habitants et plus. La commission
des lois propose un assouplissement à cette règle.
Par ailleurs, les communautés d'agglomération doivent être d'un seul tenant et
homogènes. Encore faut-il, sur ce plan aussi, tenir compte de la réalité du
terrain, qui est diverse d'une région et d'une zone géographique à une
autre.
La deuxième caractéristique est le grand problème de l'option entre
volontariat, libre choix ou contrainte. Il s'agit d'un véritable débat de
fond,...
M. Jacques Peyrat.
Oui !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
... que nous aurons probablement à engager au cours de cette
discussion.
Ce qui est prévu pour les trois catégories de communautés, c'est que le préfet
ait un pouvoir d'initiative dans la création, outre son pouvoir d'appréciation
sur le périmètre ; ce qui est aussi prévu, c'est que la solidarité ne soit pas
mise en échec par l'existence d'un certain nombre d'enclaves à l'intérieur d'un
périmètre. La commission des lois formule trois observations à ce propos.
D'abord, elle dit « oui » au pouvoir d'initiative du préfet, mais elle demande
qu'il y ait un avis obligatoire de la commission départementale de coopération
intercommunale, qui, à ce propos, pourrait sans dommage subir une cure de
jouvence et à qui l'on pourrait donner une impulsion nouvelle pour qu'elle joue
effectivement le rôle correspondant à l'esprit dans lequel elle a été créée.
Ensuite, si la commission des lois est favorable à l'absence d'enclave à
l'intérieur d'un périmètre, elle est cependant opposée à l'extension du
périmètre sans accord exprès des communes concernées. Cela pourrait éviter un
certain nombre d'extensions de circonstance, sans que je me sente obligé de
donner à ce terme la définition que chacun pourra formuler lui-même.
Enfin, la commission des lois estime que l'adhésion à un établissement public
de coopération intercommunale doit non pas se faire par défaut, c'est-à-dire en
l'absence d'une réponse, mais faire l'objet d'un acte de volonté. Une absence
de réponse n'est pas suffisante pour donner l'élan et le contenu à un
groupement intercommunal.
La troisième caractéristique est le problème important des compétences.
Il est prévu dans le projet de loi quatre compétences obligatoires et deux
compétences optionnelles au départ pour les communautés d'agglomération.
L'objectif est incontestablement judicieux.
Mais la commission se demande si six compétences dès le départ ne représentent
pas un dispositif trop lourd et si cela ne risque pas d'être dissuasif pour la
création d'un certain nombre de structures intercommunales.
Elle propose donc, sans remettre en cause l'objectif de ces compétences, qu'il
puisse y avoir une dévolution progressive des compétences pendant la période
d'unification des taux de la taxe professionnelle.
L'objectif visé est le même, monsieur le ministre, mais la voie nous paraît
plus sûre pour permettre à un maximum de vocations intercommunales de se
dégager dès le départ.
La commission estime, en outre, qu'un certain nombre de compétences
mériteraient d'être revues en fonction des expériences qui ont été réalisées
sur le terrain.
Ainsi, pour ce qui concerne les ordures ménagères, elle opère une distinction
entre la collecte, d'une part, et le traitement, d'autre part, les périmètres
retenus pour ces deux actions ne coïncidant pas, bien souvent.
Elle estime également qu'en matière d'eau et d'assainissement il existe, à
l'échelon départemental, un certain nombre de syndicats qui fonctionnent bien,
...
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
... qui répondent à ce que l'on attend et qui mériteraient
d'être préservés.
La commission, par ailleurs, n'a pas très bien compris ce que signifiait la «
compétence énergétique », et elle propose, à cet égard, d'alléger la liste des
compétences proposées.
M. Dominique Braye.
Qui l'a compris ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Enfin, en ce qui concerne la politique de la ville et
l'action sociale, il nous paraît souhaitable de favoriser une bonne
harmonisation des compétences avec l'échelon départemental, la clarification
des compétences étant pour vous, monsieur le ministre, comme pour le Sénat, un
objectif permanent.
La quatrième caractéristique touche à la démocratie et à la transparence.
Il est évidemment nécessaire d'améliorer au maximum l'information :
l'information entre les structures intercommunales et les conseils municipaux,
mais aussi l'information entre les EPCI et la population.
Nous sommes également favorables au fait que, désormais, le choix des délégués
intercommunaux se limitera aux seuls conseillers municipaux élus. C'est un
élément de légitimité auquel il faut adhérer, mais là se pose le problème que
vous avez soulevé, monsieur le ministre, sur l'élection ou non des délégués
intercommunaux au suffrage universel.
A titre personnel, je suis persuadé que ce sera probablement une évolution
réaliste pour l'avenir mais, dans l'immédiat - nous sommes totalement d'accord
avec votre vision des choses - il y a un risque de rivalité entre une structure
communale élue au suffrage universel et une structure intercommunale élue au
suffrage universel, ...
M. Louis Souvet.
Ce sera pareil dans le futur !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
... ce qui serait une entrave et un obstacle au développement
de l'intercommunalité.
L'Assemblée nationale a fait, à propos des communautés urbaines, une
proposition consistant à prédésigner, sur la liste des conseillers municipaux,
les personnes qui siégeraient au conseil de la communauté urbaine.
C'est une proposition ingénieuse, mais les applications pratiques s'avéreront
excessivement difficiles sauf si, au cours du débat, une réponse peut être
apportée quant à la mise en oeuvre de cette mesure. A défaut, la commission des
lois propose d'en revenir au projet de loi initial.
La cinquième caractéristique concerne les finances. Je serai bref sur ce point
puisque c'est notre collègue M. Michel Mercier qui l'abordera, mais la
commission des lois se devait d'évoquer le sujet.
Deux incitations sont prévues : l'une fiscale, par l'intermédiaire de la taxe
professionnelle unique, assortie d'une fiscalité additionnelle et d'une
déliaison des taux, l'autre financière, par le biais des dotations globales de
fonctionnement soumises à trois niveaux chiffrés différents selon la nature des
communautés prévues.
A ce propos, la commission estime souhaitable que l'écart de montant de la DGF
entre les communautés de communes et les communautés d'agglomération soit
resserré. En effet, un écart trop grand risquerait de donner le sentiment que
nous voulons traiter de façon trop différente l'intercommunalité en milieu
rural et les autres intercommunalités en sachant, en particulier, que les
communautés d'agglomération doivent créer une symbiose entre la ville centre et
les zones rurales environnantes. Tout ce qui ira dans le sens d'une réduction
de cet écart, si cela se situe dans des proportions raisonnables - et qui
pourrait prétendre que la commission des finances ne l'est pas ? - ira dans le
bon sens.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Nous nous interrogeons aussi sur l'avenir de la DGF
intercommunale dans l'ensemble de la DGF. Nous nous posons également la
question de l'avenir de la dotation de compensation de la taxe professionnelle,
DCTP, qui joue le rôle de variable d'ajustement depuis des années. Je ne suis
pas certain que l'abondement actuellement prévu par le projet de loi pour
financer la réforme soit de nature à préserver les missions qui doivent
incomber depuis l'origine à la DCTP.
A propos des finances, je livrerai une dernière observation d'ordre général.
Nous ne sous-estimons pas les contraintes budgétaires, monsieur le ministre. Il
faut avoir conscience du fait que tout élargissement du financement par de
multiples assouplissements de seuils rendrait impossible le respect d'autres
engagements financiers dans le cadre du même texte.
Puisse ce texte, y compris dans les amendements qui lui seront apportés, faire
en sorte que toutes les missions incombant à la DGF soient respectées.
Comment ne pas évoquer en cet instant les craintes qui peuvent naître dans les
milieux économiques quant à une superposition de fiscalité locale.
A cela, je répondrai que les élus locaux ont montré leur sens des
responsabilités et que nous sommes certains que leur sens du devoir saura
éviter que la fiscalité locale ne constitue une entrave au développement
économique.
Enfin, je terminerai mon intervention en évoquant la simplification en
général.
La simplification est un objectif...
M. Christian Bonnet.
Jamais atteint !
(Sourires.)
M. Pierre Fauchon.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
C'est un objectif jamais atteint, et ce depuis longtemps !
(Nouveaux sourires.)
La simplification figure dans l'intitulé du projet de loi ; c'est une
aspiration généralement éprouvée.
Puissent les textes qui sortiront de nos débats - et cela ne dépend pas que du
Gouvernement ; cela dépend aussi de nous tous - préserver l'objectif global de
simplification.
Il n'est probablement pas inutile, en guise d'introduction, que tous, nous
nous assignions cet objectif. Je suis persuadé que chacun, pour sa part,
veillera à y apporter sa contribution.
En conclusion, je dirai que l'intercommunalité est un objectif indispensable.
Le projet de loi qui nous est présenté va globalement dans la bonne direction,
et les modifications qui vous sont suggérées par la commission des lois
amélioreront encore le texte à travers des propositions plus réalistes, plus
attractives et plus simples.
Monsieur le ministre, la commission des lois a la volonté d'être constructive
dans ce débat. A ce propos, je me devais tout de même de souligner qu'il est
regrettable que la procédure d'urgence réduise les possibilités de navette, qui
sont toujours un facteur d'amélioration et de perfectionnement.
Toutefois, nous gardons l'espoir qu'un accord pourra intervenir à l'issue de
cette discussion pour qu'une nouvelle étape constructive soit franchie sur la
longue voie d'une simplification et d'une meilleure efficacité des structures
territoriales françaises.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord, au nom de la commission des
finances, remercier la commission des lois et son rapporteur, M. Hoeffel,
d'avoir aussi largement et aussi pleinement associé la commission des finances
à l'étude de ce texte et à la préparation de sa discussion.
Merci, monsieur le rapporteur, d'avoir laissé à la commission des finances
jouer pleinement son rôle. Merci également d'avoir su le faire dans un esprit
de bonne entente et de bonne coopération, ce qui nous a permis de bien préparer
la discussion de ce texte important.
Le projet de loi que nous soumet le Gouvernement constitue, en effet, une
étape marquante de la construction de la coopération intercommunale ; c'est sa
première caractéristique.
C'est aussi un texte qui sera marqué du sceau du réalisme et qui verra souvent
son ambition limitée par le financement budgétaire.
Nous aborderons la discussion des dispositions techniques et financières de ce
texte avec le même souci de réalisme que le Gouvernement.
Il est vrai que ce projet constitue une étape dans l'édification de la
coopération intercommunale, en s'appuyant sur une construction institutionnelle
classique mais en prévoyant - c'est là, me semble-t-il, le point essentiel -
une intégration financière qui doit suivre l'intégration des compétences.
Il s'agit d'une architecture institutionnelle classique, M. Daniel Hoeffel
vient de le démontrer, parce qu'elle s'appuie sur deux institutions : l'une est
destinée au monde rural, ce sont les communautés de communes, et l'autre
s'adresse au monde urbain. Mais votre architecture, monsieur le ministre, tient
compte des réalités financières. C'est la raison pour laquelle vous n'avez pas
retenu la communauté urbaine comme structure de droit commun dans le domaine
urbain et que vous nous proposez, à ce titre, la communauté d'agglomération.
En effet, les communautés urbaines constituent en quelque sorte, dans votre
texte, une catégorie spéciale. Nous le comprenons, car les réalités spécifiques
aux grandes agglomérations peuvent conduire à cela. Mais plus encore que ces
réalités spécifiques, ce sont probablement les réalités financières qui
justifient essentiellement la constitution d'une catégorie relativement fermée
et restreinte.
La commission des finances estime que, dès lors qu'il s'agit de vraies
restrictions financières qui s'imposent à tous, il convient de bien encadrer
cette catégorie spécifique, tout en veillant à ce qu'elle ne déborde pas
financièrement sur les autres catégories de groupements de communes.
Toutefois, ce qui constitue la nouveauté du texte qui nous est soumis, c'est
l'idée selon laquelle l'intégration financière doit accompagner la mise en
commun des compétences. Il s'agit là d'un apport important et intéressant.
La taxe professionnelle unique ou d'agglomération devient ainsi l'impôt de
l'intercommunalité.
Nous ne pouvons qu'être d'accord avec cette idée, mais, là encore, la réalité
nous montrera très vite les limites de cette réforme.
La taxe professionnelle unique sera le régime fiscal de droit pour toutes les
communautés d'agglomération et pour les nouvelles communautés urbaines. Les
autres communautés urbaines et tous les groupements de plus 500 000 habitants
sont fortement incités à recourir à la taxe professionnelle unique puisqu'il
faudra qu'une décision négative prise à la majorité qualifiée des conseils de
ces groupements s'y oppose pour que ce régime ne devienne pas leur régime
fiscal.
Le Gouvernement essaie, en outre, de faciliter l'accès à la taxe
professionnelle unique en allongeant la période d'unification des taux et en
restreignant les capacités pour les groupements à recourir à la taxe
professionnelle de zone. Cela devrait les conduire tout naturellement à mettre
en place la taxe professionnelle unique.
Enfin, le Gouvernement a accepté que les communautés de communes à taxe
professionnelle unique se voient attribuer une DGF moyenne supérieure à celle
des autres communautés de communes.
On voit bien là l'affirmation d'un principe sur lequel on a beaucoup travaillé
au cours des années passées, celui de la spécialisation de l'impôt : la taxe
professionnelle, c'est l'impôt économique, et l'impôt de l'agglomération a
aussi un rôle économique. Il y a là une belle construction, mais cette
construction trouve au moins deux grandes limites.
Une première limite tient à l'incertitude quant au rendement de la taxe
professionnelle. Cette incertitude tient elle-même à l'inconvénient qu'il y a
pour le Gouvernement et pour nous tous de mener deux réformes à la fois : d'une
part, la réduction de la taxe professionnelle, qui est intéressante et dont on
peut comprendre la logique par la diminution de la part salaires ; d'autre
part, la transformation de la taxe professionnelle en impôt de
l'intercommunalité. L'addition de ces deux réformes présente quelques
difficultés, d'autant que les compensations prévues seront au franc le franc la
première année, mais évolueront ensuite indépendamment de la conjoncture
économique.
Cette incertitude est renforcée par la crainte que peut susciter le fait de
mettre les groupements de communes les plus intégrés face à un seul
contribuable. C'est d'autant plus dangereux que la taxe professionnelle unique
s'ajoute, pour la plupart des groupements intégrés, à la compétence en matière
de transport, compétence financée par le versement transport acquitté par les
entreprises. Les groupements très intégrés, jouissant de compétences lourdes,
n'auraient ainsi en face d'eux que le contribuable économique.
Face à cette relative incertitude, la belle idée intellectuelle de
spécialisation de l'impôt doit reculer. Cette réalité a conduit le Gouvernement
et l'Assemblée nationale, lors de l'examen de ce projet en première lecture, à
s'orienter vers ce que l'on a appelé la fiscalité mixte, dont l'objectif est de
permettre aux groupements financés par la taxe professionnelle unique
d'utiliser les trois autres taxes locales.
Ce recours à la fiscalité mixte apparaît comme un secours providentiel,
certes, mais qui fait appel à la responsabilité des élus si l'on veut éviter la
surfiscalisation locale.
C'est le même appel à la responsabilité des élus que réalise en quelque sorte,
de façon très technique, ce que l'on appelle la « déliaison » des taux des
impôts entre eux.
Il est bien certain que, si l'on fait de la taxe professionnelle
d'agglomération l'impôt du groupement, on ne peut pas faire dépendre le montant
de l'impôt du groupement de décisions des communes membres et qu'il faut
accepter la « déliaison » des taux, au moins lorsque les communes membres
baisseront le taux de leur impôt.
Il convient de souligner que ces dispositions fiscales conduisent finalement à
un véritable appel à la responsabilité des élus locaux. C'est, d'un certain
point de vue, un approfondissement de la décentralisation auquel nous ne
pouvons que souscrire.
Si l'échafaudage édifié par ce projet de loi quant à l'organisation
institutionnelle et fiscale nous paraît entrer tout à fait dans la ligne des
textes précédents, comme avec ceux-ci, nous nous heurtons aux difficultés du
financement par l'Etat de l'intercommunalité. Ces difficultés sont celles que
rencontrent tous les gouvernements, et nous les étudierons de façon ouverte et
responsable.
La dotation globale de fonctionnement est le mode de financement normal par
l'Etat des collectivités territoriales et de leurs groupements. C'est donc
autour de cette dotation globale de fonctionnement qu'il nous faut appréhender
ce financement.
Je voudrais tout d'abord rappeler une réalité, et examiner quels espoirs on
peut tout de même nourrir s'agissant de ce financement de
l'intercommunalité.
La réalité, c'est que la dotation globale de fonctionnement constitue une
enveloppe financière fermée et que ce que l'on donne aux uns, c'est très
naturellement ce que l'on enlève aux autres. En outre, les règles qui régissent
l'évolution du montant de la dotation globale de fonctionnement sont
étroitement liées à la fois à l'évolution des prix et à celle de la croissance.
Tout cela enferme et le Gouvernement et le Parlement dans un système très
contraint, où les marges de manoeuvre sont des plus faibles.
C'est donc en ayant pleinement conscience de cette réalité que je voudrais
présenter les dispositions que contient le projet de loi que nous soumet le
Gouvernement. C'est parce que ce système est soumis à de sévères contraintes
que le Gouvernement nous propose, en quelque sorte, de « décoincer » les
mécanismes de comparaison qui déterminent la répartition de la DGF allouée aux
groupements.
Deux mécanismes très techniques, sur lesquels nous reviendrons, commandent la
répartition de la DGF entre les groupements.
Le premier, c'est ce que l'on appelle le coefficient d'intégration fiscale.
Nous aurions d'ailleurs souhaité, sur ce point, que l'on mette plutôt en place
un coefficient d'intégration budgétaire, mais je reconnais les difficultés
techniques de l'entreprise. Ce coefficient d'intégration fiscale doit servir à
mesurer exactement le financement des compétences transférées par les communes
au groupement. Si l'on veut éviter tout regroupement « d'aubaine », toute
recherche artificielle de versements de DGF, et continuer à servir aux communes
une DGF qui s'accroît, il faut un coefficient d'intégration fiscale qui soit le
plus exact possible.
Nous sommes prêts à suivre le Gouvernement sur ce point s'il est lui-même prêt
à aller jusqu'au bout de son idée. Nous aurons, là encore, monsieur le
ministre, l'occasion d'en reparler.
La garantie de la dotation globale de fonctionnement est ramenée à 80 % pour
tous les groupements. Je dois le dire, c'est une bonne chose, car c'est la
seule façon de faire en sorte que les mécanismes de répartition liés au
potentiel fiscal et à l'intégration puissent jouer. Toute garantie à 100 % de
la DGF pour les groupements conduit à vitrifier les situations : un tel
maintien des droits acquis ne conduit pas à un progrès de
l'intercommunalité.
Un espoir, cependant, dans cette situation extrêmement bloquée : je veux
parler du financement partiel de la dotation d'intercommunalité des communautés
d'agglomération.
Nous reconnaissons tout à fait, monsieur le ministre, l'effort que vous avez
dû fournir pour obtenir du Gouvernement un prélèvement sur recettes de 500
millions de francs par an afin de financer la dotation des communautés
d'agglomération.
Nous savons aussi que, si le succès suit vos espérances - et, sur ce point,
elles sont aussi les nôtres - ces 500 millions serviront à financer, en partie,
les dotations des nouvelles communautés d'agglomération et la partie
supplémentaire de DGF pour les groupements qui se transformeront. Mais, vous le
savez comme nous, ce sera insuffisant. C'est pourquoi vous avez prévu d'aller
chercher dans la dotation de compensation de la taxe professionnelle le
financement manquant. Vous allez donc puiser dans une ressource communale les
crédits nécessaires pour éviter que le financement des communautés
d'agglomération ne conduise à une baisse de la DGF des communes.
Il existe là une réelle difficulté que nous devons essayer d'examiner
ensemble. C'est la raison pour laquelle la commission des finances estime qu'il
faut limiter dans le temps le recours à la dotation de compensation de la taxe
professionnelle afin qu'on puisse remettre celle-ci à plat lorsque le contrat
de solidarité et de croissance que le Gouvernement a conclu l'an dernier avec
les collectivités territoriales arrivera à échéance.
Mais cette réalité concernant la dotation globale de fonctionnement
justifie-t-elle une intercommunalité à deux ou trois vitesses ? Les communautés
urbaines perçoivent, en effet, un peu plus de 450 francs de DGF en moyenne par
habitant, contre 250 francs pour les communautés d'agglomération, 123 francs
pour les communautés de communes à taxe professionnelle unique et maintenant
150 francs pour les communautés de communes à taxe professionnelle unique de
plus de 3 500 habitants et exerçant certaines compétences.
Si nous pensons qu'il est normal que le financement par l'Etat de
l'intercommunalité en milieu urbain soit différent de celui de
l'intercommunalité en milieu rural, nous estimons qu'un tel écart ne se
justifie pas.
M. Louis Souvet.
Très bien !
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Aussi la commission des finances proposera-t-elle
de réduire de façon responsable cet écart, c'est-à-dire sans mettre en cause
l'équilibre général de la DGF mais en utilisant simplement les marges de
manoeuvre dégagées, dans la DGF des groupements, par la transformation de
communautés de communes existantes en communautés d'agglomération afin de
porter, au minimum, à 175 francs la dotation moyenne par habitant des
communautés de communes à taxe professionnelle unique.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, comme tout projet, comporte un
certain nombre de dispositions diverses dont nous aurons à débattre.
Pour ce qui concerne les fonds départementaux de péréquation de la taxe
professionnelle, nous avons bien compris qu'il s'agissait, en quelque sorte,
d'un accord intérimaire, avant la réforme prévue de ces fonds sur lesquels la
loi de finances pour 1999 oblige le Gouvernement à déposer, à l'automne, un
rapport devant le Parlement.
S'agissant du fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France,
nous avons également compris que vous souhaitiez, en créant un deuxième
prélèvement, favoriser la coopération intercommunale entre les communes
d'Ile-de-France. Sur ce dernier point, nous présenterons au Sénat un système un
peu plus équilibré que celui qui ressort de la première lecture à l'Assemblée
nationale.
Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, ce projet de loi, qui
s'inscrit pleinement dans ce qu'on peut appeler aujourd'hui « la tradition
française de la construction de l'intercommunalité », apporte un certain nombre
d'innovations, surtout dans le domaine de l'intégration financière à travers la
taxe professionnelle unique.
Dès lors que les dispositions proposées reposent sur l'adhésion volontaire des
élus municipaux et des conseils des groupements et qu'elles vont dans le sens
d'une plus grande responsabilisation des élus, donc d'un approfondissement de
la décentralisation, elles apparaissent comme devoir être accueillies dans
notre droit positif.
La commission des finances, en remerciant encore la commission des lois de
l'honneur qu'elle lui a fait en l'associant à son travail, est d'avis d'engager
la Haute Assemblée à étudier le texte qui lui est proposé de façon ouverte, sur
les bases que je viens de rappeler.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en entendant les
excellents rapports qui viennent de nous être présentés par nos collègues MM.
Daniel Hoeffel et Michel Mercier, excellence dont nul ne sera surpris, je suis
persuadé que chacun, s'il en était besoin, aura saisi l'importance particulière
que présente, aux yeux du Sénat, ce projet de loi relatif à l'intercommunalité.
Cette importance me fait regretter, une fois de plus, la procédure retenue par
le Gouvernement pour l'examen de ce texte.
Monsieur le ministre, vous avez décrété l'urgence. Or, cette urgence ne
repose sur aucun motif de fond. Au nom de la commission des lois tout entière,
j'ai demandé, en conférence des présidents, que le Gouvernement veuille bien
modifier sa conception première mais je me suis heurté à une fin de
non-recevoir.
J'indique, une fois de plus, que décréter l'urgence ne conduit pas
obligatoirement à accélérer les débats.
Dans le domaine dont nous débattons aujourd'hui, l'inconvénient de cette
procédure, qui ne me paraît donc pas justifiée, aurait pu être atténué si le
Gouvernement avait songé - l'idée lui a échappé - à soumettre ce texte en
premier lieu au Sénat et non à l'Assemblée nationale. Compte tenu de la
compétence qui est la nôtre en ce domaine, nous aurions peut-être pu éviter que
quelques erreurs techniques ne soient commises lors de la lecture par
l'Assemblée nationale, erreurs sur lesquelles il faudra revenir, ce qui ne
facilitera pas notre tâche.
De toute manière, il serait indispensable que, sur un texte de cette nature,
circule entre les deux chambres une information réciproque qui aurait pu être
d'une grande utilité. Compte tenu des nombreuses divergences qui subsistent par
rapport au texte de l'Assemblée nationale, le travail en commission mixte
paritaire s'annonce considérable et difficile. Rien ne nous permet de dire que
nous pourrons parvenir à un accord.
La lettre des textes a été parfaitement analysée. Des correctifs sont
toujours possibles. Nous en proposons dans le domaine de la réglementation et
dans celui des dispositions financières. Nous verrons ce qu'il en est au cours
de nos débats et de la suite de la procédure. Mais laissons de côté ce que je
me permets d'appeler des détails, mais qui, hélas ! n'en sont pas.
Trois questions essentielles paraissent se poser. Tout d'abord, certains
d'entre nous, moi-même en particulier, s'interrogent sur le véritable état
d'esprit qui a présidé à l'élaboration de ces dispositions.
Ensuite, il est évident que de nombreuses questions se posent quant à la
pertinence des procédures retenues pour la mise en place des futures
intercommunalités.
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Enfin, la définition des compétences
paraît d'une imprécision telle que le transfert de l'une d'entre elles peut
entraîner une dépossession quasi totale de la collectivité de base.
Revenons, tout d'abord, sur la finalité. Ce texte, qui pourrait sembler
d'apparence technique et qui s'inscrit dans une certaine tradition, est un
texte politique...
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... au sens noble du terme et, tout
comme le Gouvernement, semble-t-il, nous le prenons pour tel. Nous sommes donc,
sur ce point au moins, en plein accord avec lui.
En effet, la structure territoriale de la France, telle qu'elle existe, est
ancrée dans notre tradition et dans notre culture. N'oublions jamais que le
mérite essentiel du nombre, jugé trop important par certains, des communes est
de générer un corps de 500 000 hommes et femmes et de 36 000 maires qui
acceptent - et la chose est suffisamment rare pour être soulignée - de
s'occuper des affaires de leurs concitoyens.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Regrouper les structures, soit !
Mais le texte proposé conduira presque inévitablement à terme à un regroupement
généralisé à l'échelle du territoire. Est-ce cela que l'on veut ?
Dans le même temps, en a-t-on bien pesé toutes les conséquences, ne serait-ce
que dans le domaine de la libre volonté, de la libre détermination de ceux qui
acceptent de s'occuper des affaires des autres ? Compte tenu des contraintes
qui pèsent sur eux, à quel résultat aboutira-t-on si l'on vide de leur
substance les affaires communales ?
N'oublions pas ce qui a été accompli en matière d'équipements et d'action
sociale par les communes dans le cadre de leur autonomie actuelle. Et veillons,
je le répète, à ne pas aboutir, au travers de la mise en commun des efforts, à
un fléchissement qui serait à la fois légitime et dangereux de l'intérêt qui se
manifeste actuellement pour l'action communale.
Cette véritable réécriture de la carte territoriale française, qui va la
décider ?
Dans le projet actuel, un rôle déterminant est reconnu aux représentants de
l'Etat. Une telle capacité d'action, compte tenu de ses conséquences, est
difficilement acceptable, et ce d'autant plus qu'une telle décision, prise, en
substance, par le préfet, est génératrice de transferts de compétences
extrêmement importants. J'ai déjà indiqué le caractère très imprécis de la
définition de certaines d'entre elles.
Cependant, une question doit d'ores et déjà être posée : compte tenu de
l'ampleur des transferts qui vont être réalisés, si une décision est imposée à
une commune contre sa volonté, n'organise-t-on pas, en fait, une atteinte
directe et inconstitutionnelle au principe fondamental de libre administration
des collectivités territoriales ?
En conclusion, il est clair, mes chers collègues, qu'il est de notre devoir de
nous montrer extrêmement attentifs à ce qui nous est proposé.
Le nombre des amendements extérieurs à ses propres travaux que la commission
des lois se dispose à examiner montre l'intérêt que ce texte a suscité sur les
différentes travées de la Haute Assemblée.
Nous ne refusons pas une évolution sans doute nécessaire, mais nous veillerons
à ce que les caractéristiques à nos yeux essentielles de notre vie locale ne
s'en trouvent pas fondamentalement bouleversées. Dans une époque où l'on dit à
l'envi qu'il existe une véritable fragilisation de l'esprit démocratique, nous
ne pouvons prendre le risque de porter atteinte à ce qui constitue un élément
fondamental de notre vie démocratique.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 60 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 39 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le ministre, le texte que vous nous présentez est très attendu.
J'ajouterai que si, par moment, il est forcément d'une grande technicité, en
particulier en matière fiscale, son architecture est pourtant simple et claire.
On sent bien que, pour le préparer, vous n'avez pas cru bon d'avoir recours aux
génies éthérés qui peuplent un grand organisme prétendument chargé d'aménager
notre territoire.
(Sourires.)
En effet, il est bien difficile de ne pas établir la
comparaison avec le volet territorial, pour s'en tenir à ce seul volet, du
projet de loi dont nous avons poursuivi la discussion la nuit dernière.
De votre côté, c'est limpide et simplifié, comme il était demandé par tous et
ainsi que le projet de M. Perben, dont vous retenez bien des aspects, avait
commencé à le faire. De l'autre côté, c'est flou et incertain. De votre côté,
on trouve une architecture des pouvoirs locaux de la République ordonnée,
hiérarchisée, avec des chiffres et des seuils. Je ne reviens pas sur les trois
niveaux qui ont été largement développés. On peut, bien sûr, contester ces
chiffres, discuter des seuils. Nous-mêmes, constatant que certains départements
pourraient ne pas bénéficier même d'une seule communauté d'agglomération en
raison de leur faible densité de population, nous proposerons un amendement
prévoyant une mesure dérogatoire.
Mais enfin, tout cela est cohérent et vous fixez fermement le cadre
administratif dans lequel vivent, nous dit-on, 80 % de la population - c'est
bien l'objet principal de votre projet de loi - sur 20 % du territoire. De
l'autre côté, on organise dans 80 % du territoire à partir de pays dont on ne
sait toujours pas s'ils seront des ectoplasmes - finalement, c'est sans doute
l'hypothèse la plus vraisemblable - ou s'ils seront, comme certains l'ont
imaginé, malgré leur dénégation, des structures administratives nouvelles ou «
émergentes », comme ils disent.
Mais quel « projet » pour ces pays ? L'expression est à la mode, mais il ne
suffit pas d'avoir sans cesse le mot à la bouche pour créer la chose ; on peut
réellement douter de la pertinence de nombre de ces pays regroupant cent, deux
cents communes, voire davantage, sur un territoire peu peuplé. Quel projet
global - je parle bien d'un projet global - peut-on avoir dans ces cas-là autre
que de satisfaire la frustration de tel élu en mal de présidence de conseil
général ?
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis,
et M. Jean-Patrick Courtois.
Très bien !
M. Jean-Claude Peyronnet.
De votre côté, on parle de niveau de peuplement, de mode de désignation, de
compétences, de collaboration, de concertation entre les différents niveaux
d'administration locale. Vous avez pris la précaution d'écouter les élus locaux
autant que nationaux, de tenir compte des travaux antérieurs, aussi bien ceux
de M. Perben que ceux du Sénat. En plaisantant, je vous dirai : merci, monsieur
le ministre, d'être revenu à Balzac ou, peut-être mieux, à Flaubert, après ce
détour vers la littérature ésotérique.
(Sourires.)
Ma critique de fond, pour être, je crois, majeure, ne vous concerne pas. En
fait, si vous organisez les territoires urbains - car c'est bien l'objet de
votre projet de loi, comme l'intitulé initial le prouve et malgré la relative
ruralisation opérée par l'Assemblée nationale - c'est qu'il fallait bien le
faire. Vous avez raison d'agir. Mais si nous en sommes là, n'est-ce pas le
résultat d'une politique du laisser-faire, de l'économie de marché sans
entrave, ou presque, qui a conduit, par facilité, à toujours plus de
concentration des activités et donc des hommes, sans se soucier des surcoûts
collectifs induits ?
Un sénateur socialiste.
Très bien !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Ce laisser-faire, on le justifie - les mêmes que tout à l'heure le justifient
- après coup, en feignant d'en avoir été les organisateurs, alors qu'ils ne
prennent acte que d'une situation de fait, résultat de leurs propres carences
et impuissance.
En d'autres termes, on parle de l'aménagement du territoire depuis quarante
ans au moins, mais en fait, en cette fin de siècle, on ne parle plus du tout de
la même chose que dans les années soixante. Jadis, on s'essayait, même, avec
beaucoup d'utopie, à organiser l'ensemble du territoire, ce qui voulait dire
développer la vie partout, et donc mieux répartir les activités et les
hommes.
M. Dominique Braye.
Changer la vie !
M. Jean-Claude Peyronnet.
C'est très antérieur !
Aujourd'hui, on prend acte de l'afflux des populations depuis cinquante ans
dans les villes, afflux que l'on n'a en aucune façon freiné, ni d'ailleurs
accéléré, mais pas plus organisé, ce qui, en fin de compte, est le signe
manifeste de l'échec.
Les choses en sont donc là, et je n'ai nulle nostalgie. Mais enfin, lequel de
nos gouvernants influents dira un jour que la civilisation urbaine est à un
tournant et que, s'il est avéré qu'au fil des millénaires la ville a toujours
apporté la lumière et le progrès, il n'est plus sûr du tout qu'il en soit ainsi
en ce qui concerne les grandes conurbations dans lesquelles les inconvénients
l'emportent désormais à l'évidence sur les avantages, ici et ailleurs ?
(Applaudissements sur plusieurs travées socialistes.)
De là découle la justification d'un type d'organisation à la française autour
de la ville ou de l'agglomération moyenne - de 50 000 à 400 000 habitants -
qui, je le crois, est profondément d'avenir et qu'il est donc essentiel de
conforter ; votre projet de loi y contribue. C'est un type d'organisation dans
lequel la prétendue opposition entre urbain et rural est en voie de
dépassement, si ce n'est déjà fait, du fait de l'interpénétration étroite des
populations en raison de leur lieu de travail, qui est souvent urbain, et de
leur lieu de résidence, qui est souvent rural.
M. Dominique Braye.
Périurbain, et non rural !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Ces « rurbains », comme on dit parfois, veulent disposer à la campagne, ce qui
n'est pas sans soulever des problèmes, du maximum de services de type urbain.
Il existe donc, malgré les conflits conjoncturels, une évidente communauté
d'intérêts entre la ville et son plat pays ; ils se confortent l'un l'autre,
les modes de vie s'uniformisent et les aspirations s'égalisent.
Monsieur le ministre, votre texte, avec son innovation que sont les
communautés d'agglomération, qui vise à reconnaître et à renforcer les
agglomérations moyennes, sur un spectre de population assez large, répond, me
semble-t-il, à cette réalité de notre temps et à cette spécificité française
dont il faut faire une chance et qui est, hors l'exception francilienne,
l'absence de mégalopole. Peut-être n'est-il pas encore trop tard pour sauver ce
modèle que seule peut permettre la mise en oeuvre harmonieuse d'une partie
importante de notre territoire, un territoire vaste qui est, vous l'avez dit
vous-même, notre chance de demain. Dommage que l'autre texte considère le reste
du territoire précisément comme un reste, un solde encombrant qui risque de
devenir un vaste conservatoire. Mais, je l'ai dit, ce n'était pas vraiment
votre sujet.
Je sais bien cependant que le fait de définir des structures, de mettre sur
pied des constructions administratives ne suffit pas à permettre le
développement et à résoudre les problèmes sociaux ou d'équipement, même s'il
peut y contribuer. Il y faudra beaucoup plus, il y faudrait beaucoup plus, et
d'abord une volonté politique forte. Je souhaite que le Gouvernement l'affirme
et se donne les moyens de la mettre en oeuvre.
J'ai dit tout le bien que je pense de votre projet de loi. Cela ne va pas
jusqu'à l'admiration inconditionnelle et béate. Quelques ajustements seraient
sûrement nécessaires. J'en ai déjà cité quelques-uns. J'ai par ailleurs lu les
excellents rapports de nos collègues MM. Daniel Hoeffel et Michel Mercier.
A
priori
, nous ne sommes pas complètement hostiles à certaines remarques et
propositions.
Nous devons veiller à ne pas casser ce qui existe, qui a fait ses preuves et
qui fonctionne. C'était vrai hier pour les départements face à l'offensive des
prétendus progressistes. C'est tout aussi vrai aujourd'hui s'agissant des
formes de coopérations de services. Il faut trouver les moyens d'éviter qu'un
transfert automatique des compétences d'une partie des communes, d'un syndicat
par exemple, vers une communauté d'agglomération ne laisse le syndicat
dépouillé et les autres communes qui le composent nues et crues !
Nous ne sommes pas opposés à positiver par un vote explicite toute adhésion à
une forme ou à une autre de coopération. Une adhésion par défaut laisserait
très mal augurer de la suite ; les communes ne coopèrent pas entre elles de
façon efficace si elles traînent les pieds.
MM. Gérard Delfau et Dominique Braye.
Très bien !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Voilà pourquoi l'obligation de continuité territoriale pose aussi problème, et
ce pour les mêmes raisons que précédemment - il faut une adhésion à un projet -
et pour des raisons de fond qui tiennent tout simplement aux libertés
communales proclamées par la grande loi fondatrice de 1982, qui tiennent
peut-être aussi, dans certains cas, à leur existence même. Nous sommes nombreux
sur ces travées à être très attachés à l'existence des communes. Notre volonté
est grande de ne pas les contraindre,...
M. Jean-Pierre Plancade.
Absolument !
M. Jean-Claude Peyronnet.
... même si je sais bien qu'il est souvent insupportable d'accepter qu'une
commune prétendument riche refuse de coopérer avec d'autres communes moins
favorisées. Il y a là un vrai débat.
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Hoeffel a évoqué la progressivité des transferts de compétences. Dans son
rapport écrit, il souligne que sa principale crainte tient à l'insuffisance
possible des ressources nécessaires à l'absorption de toutes les compétences
prévues, et donc au danger d'augmentation inconsidérée de la pression fiscale.
Je crois que la question peut être posée en gardant aussi à l'esprit un autre
élément, à savoir la réticence de nombre de communes à se défaire de certaines
de leurs compétences ou d'un nombre d'entre elles qui leur paraîtrait trop
important. On ne doit donc pas perdre de vue qu'une trop grande précipitation
pourrait avoir un effet contraire à celui qui est recherché, et finalement
freiner le développement de l'intercommunalité.
M. Hoeffel a également insisté sur le rôle, qu'il souhaite renforcé, de la
CDCI, la commission départementale de coopération intercommunale. Votre texte,
monsieur le ministre, renforce singulièrement le fonctionnement démocratique
des organismes de coopération, ne serait-ce que par l'obligation de rapport
devant les conseils municipaux. Il me semble que l'avis sollicité de la CDCI,
composée d'élus, va dans le même sens sans entraver les prérogatives du
préfet.
Enfin, dans un tout autre domaine, le montant de la DGF attribué, avec votre
appui, aux communautés de communes - certains de mes collègues reviendront sur
ce point - nous semble bien faible et insuffisamment incitatif. On m'objectera
que c'est dans le milieu rural que la coopération intercommunale a, de très
loin, été la plus active depuis 1992 : cela fonctionne tout seul, en quelque
sorte. Certes, mais combien y a-t-il eu de communautés d'aubaine ?
M. Jean-Pierre Plancade.
C'est vrai !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Vous voulez lutter contre ces communautés d'aubaine et vous avez parfaitement
raison. Si l'on veut donc inciter à une vraie coopération, avec les contraintes
de compétences que vous imposez très justement, je crois qu'un petit effort au
niveau de la DGF serait nécessaire.
Je terminerai par une interrogation de fond. Votre construction, que M. le
rapporteur pour avis a bien soulignée, et de façon brillante, est fondée
globalement sur l'incitation, les contraintes que l'on trouve dans le texte qui
résulte des travaux de l'Assemblée nationale ayant plutôt été ajoutées par nos
collègues députés. Ces incitations ont un préalable et un moteur, une sorte de
levier : la TPU, la taxe professionnelle unique. C'est bien et, là encore,
c'est simple et clair. Mais que se passera-t-il si la taxe professionnelle
continue d'évoluer vers sa disparition ? J'ai un peu de mal à imaginer comment
se passeraient les choses avec une TPU virtuelle remplacée par une compensation
d'Etat.
Monsieur le ministre, sur tous ces points qui méritent des débats approfondis,
nous attendons en particulier vos explications avant de nous prononcer.
Cependant, vous l'avez compris, ces ajustements souhaitables ne sauraient
remettre en cause une adhésion très forte au texte que vous venez de présenter
devant nous.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
certaines travées de l'Union centriste. - M. Braye applaudit également.)
M. le président.
Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons maintenant
interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quinze heures, sous
la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
La séance est reprise.
4
SOUHAITS DE BIENVENUE À
UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE D'ARMÉNIE
M. le président.
Mes chers collègues, il m'est particulièrement agréable de saluer la présence,
dans nos tribunes officielles, d'une délégation de parlementaires d'Arménie,
conduite par M. Khosrov Haroutunian, président de l'Assemblée nationale, et qui
séjourne en France à l'invitation de la Haute Assemblée de la République
française.
(Mmes et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et
applaudissent.)
Cette visite s'inscrit dans le cadre des relations interparlementaires
qui, depuis plusieurs années, connaissent une particulière vitalité, grâce,
notamment, à l'action conduite par le groupe sénatorial d'amitié que préside
notre collègue Jacques Oudin.
Je forme des voeux sincères pour que la venue de nos collègues arméniens
renforce la coopération entre nos deux assemblées et ouvre, dans les heures
troublées que nous traversons, des perspectives de paix et d'amitié dans le
monde en général, et en particulier entre le peuple français et le peuple
arménien, auquel tant de liens nous unissent.
Qu'ils veuillent bien agréer nos souhaits de très cordiale bienvenue, ici, au
Sénat, où nous sommes heureux de les accueillir.
(Nouveaux applaudissements.)
5
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, comme vous le savez, j'ai été reçu ce matin par le
Premier ministre pour faire le point sur la situation au Kosovo. A l'issue de
cet entretien, il m'a demandé de vous présenter ses excuses pour son absence
aux questions d'actualité au Gouvernement, car, en ce moment même, il participe
aux obsèques de notre regretté collègue Michel Crépeau, à La Rochelle.
Au nom du Sénat, je tiens à faire part de notre sympathie attristée à tous les
proches de Michel Crépeau, à son épouse et à toute la famille radicale.
Par ailleurs, en ce qui concerne la crise du Kosovo, M. le Premier ministre a
bien voulu m'assurer qu'il se rendrait prochainement au Sénat pour nous tenir
informés de l'évolution de la situation dans cette région européenne.
Je rappelle enfin que, conformément à la règle posée par la conférence des
présidents, l'auteur de chaque question et le ministre qui y répond disposent
chacun de deux minutes trente. Chaque intervenant aura à coeur de respecter le
temps imparti, afin que tous puissent bénéficier de la retransmission télévisée
de nos débats.
VOLET DIPLOMATIQUE DE LA CRISE AU KOSOVO
M. le président.
La parole est à M. de Villepin.
M. Xavier de Villepin.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et porte sur les
perspectives de règlement politique de la crise au Kosovo.
Je fais partie de ceux - et ils sont nombreux dans cet hémicycle - qui
estiment que, lorsqu'une action militaire est engagée, notre premier souci doit
être de soutenir nos soldats dans la délicate mission qui leur a été confiée.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste du RPR
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur les travées du RDSE et sur
les travées socialistes.)
Je leur ai rendu visite hier, au côté du ministre de la défense, que je tiens
à remercier. Nous nous sommes rendus sur la base d'Istrana et sur le
porte-avions
Foch.
Je veux donc, plus fortement encore, saluer
aujourd'hui leur courage et leur compétence. Ils méritent notre soutien !
Mais nous devons aussi tout mettre en oeuvre, parallèlement aux opérations
militaires en cours, pour préparer le règlement politique qui apportera seul,
tôt ou tard, une solution durable à la crise actuelle.
Comme on pouvait le craindre, le Premier ministre russe, M. Primakov, n'a pu
obtenir mardi, à Belgrade, une base acceptable pour une telle solution
politique. Je ne crois pas que le rôle constructif que peut jouer la Russie
pour faire pression sur M. Milosevic soit pour autant terminé. Pouvez-vous,
monsieur le ministre, nous donner votre sentiment sur ce point ?
D'autres initiatives diplomatiques peuvent-elles, à vos yeux, être entreprises
- et avec quelques chances de succès - dans les circonstances présentes ? Les
Nations unies vous paraissent-elles en mesure de reprendre l'initiative ? Une
réunion du groupe de contact peut-elle être envisagée ?
Restent deux éléments d'appréciation complémentaires de ces perspectives
politiques, sur lesquels je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous vous
exprimiez devant le Sénat.
En termes d'opportunité, d'abord, estimez-vous que de telles initiatives sont
envisageables en l'état, ou supposent-elles nécessairement au préalable l'arrêt
des exactions et un cessez-le-feu immédiat sur le terrain ?
Sur le fond des choses, ensuite, et compte tenu de la répression qui s'est
abattue sur le Kosovo - y compris sur ses dirigeants modérés - estimez-vous que
les conclusions de Rambouillet peuvent encore constituer une base de règlement
crédible pour parvenir à la solution politique que nous espérons tous ?
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le sénateur, on ne répétera
jamais assez que, si nous avons dû en venir aux actions militaires qui sont en
cours en ce moment, c'est parce que, pendant des mois et des mois, pour ne pas
dire pendant des années, tout ce qui était politiquement ou diplomatiquement
possible a été tenté pour asseoir la coexistence des Serbes, des Kosovars et
des autres minorités du Kosovo sur une base qui permette de sortir du cycle
sans fin des tragédies.
Naturellement, tout a été tenté, on l'a vu et on s'en souvient ici, par de
nombreux pays européens - dont la France et la Grande-Bretagne, mais aussi par
beaucoup d'autres, y compris la Russie - dont on a oublié jusqu'au travail et
qui avaient pourtant tout tenté.
C'est vraiment parce qu'à un moment donné il fallait conjurer une escalade
plus importante et tenter d'éviter les drames qui se produisent aujourd'hui -
et qui se seraient produits de toute façon, comme ils s'étaient produits il y a
un an, comme ils s'étaient produits l'été dernier et à l'automne, voilà peu de
mois encore - que nous avons dû nous résoudre à employer, à un moment donné,
des moyens différents pour essayer de briser cette machine de répression qui,
depuis des années et des années, a provoqué ce que l'on sait dans
l'ex-Yougoslavie. Il faut le rappeler sans arrêt, parce que c'est le cadre de
toute cette action.
Au moment où nous en sommes, le travail destiné à essayer de porter un coup
décisif à ce système, à cette machine de répression, est en cours. Mais ce
n'est pas sur ce point que vous m'interrogez.
Je peux vous dire que les contacts sont maintenus et qu'ils sont quotidiens
entre tous les membres du groupe de contact, y compris la Russie, même si elle
n'est pas dans la même posture que les autres par rapport aux actions
militaires. Cela signifie, en pratique, que, presque tous les deux jours, le
Président de la République a M. Eltsine ou M. Primakov au téléphone, que j'ai
mon collègue russe au téléphone tous les jours, que nous réfléchissons et que
nous travaillons ensemble. Les membres du groupe de contact se parlent tous les
jours, ainsi que les autres Européens, et nous avons par ailleurs des contacts
réguliers avec les pays voisins.
Cela étant, pour préparer l'étape suivante, qui viendra forcément à un moment
ou à un autre, il y a un certain nombre d'éléments sur lesquels on ne peut pas
transiger : il faut un arrêt immédiat de toutes les formes de répression et
d'exactions, il faut que tout ce qui est entrepris pour terroriser les
populations du Kosovo s'arrête, il faudrait au minimum que les forces serbes et
yougoslaves soient ramenées au niveau qui avait été fixé en octobre dernier, et
que cet engagement soit pris sans condition. Ce n'est pas un élément de
négociation, c'est une exigence immédiate, impérative, non négociable.
Si nous étions dans cette situation, nous pourrions, en effet, reprendre la
recherche d'une solution politique.
Enfin, monsieur le sénateur, je ne veux pas répondre définitivement
aujourd'hui - c'est encore trop tôt - à votre dernière question, qui est
peut-être la plus importante. Je rappelle que les accords de Rambouillet, qui
avaient tenté de bâtir une autonomie substantielle pour les Kosovars et les
autres minorités du Kosovo dans le cadre d'une souveraineté yougoslave
maintenue, supposaient tout de même un minimum sinon de confiance, du moins de
capacité à faire fonctionner ensemble ce qui restait une structure fédérale. Or
chaque jour qui passe, même s'il ne faut pas ajouter foi à toutes les
informations qui circulent, rend ce contexte plus précaire.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du RDSE,
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
VOLET HUMANITAIRE DE LA CRISE AU KOSOVO
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur de président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le
ministre des affaires étrangères et concerne les conséquences humanitaires du
conflit au Kosovo.
Monsieur le ministre, hier midi, les informations disponibles faisaient état
de plus de 180 000 réfugiés parvenus en Albanie, en Macédoine et au Monténégro,
et la situation s'est encore dégradée depuis.
On estime que 4 000 réfugiés franchissent chaque heure les frontières de ces
trois pays : 180 000 hier, 250 000 aujourd'hui, 500 000 peut-être dans les
jours qui viennent. Des femmes, des enfants, des personnes âgées sont chassés
de leur pays et arrivent dans des pays qui n'ont pas la capacité de les
accueillir. L'Albanie, par exemple, ne dispose pas des structures sanitaires
adéquates.
Au Kosovo même, la famine menace. Selon le Programme alimentaire mondial, elle
pourrait commencer à faire des ravages dans dix à quinze jours si aucune aide
d'envergure n'est apportée d'ici là.
A cettre tragédie humaine nous devons apporter une réponse forte et
immédiate.
En toute logique, au moment même où la France et ses alliés engageaient les
frappes aériennes, a forcément été prévu un plan d'aide humanitaire aux
populations qui seraient alors victimes de l'accélération de l'offensive serbe
au Kosovo.
Nous ne pouvons imaginer qu'un tel plan n'ait été préalablement établi, tant
le phénomène des réfugiés que nous constatons était prévisible.
C'est la raison pour laquelle le groupe des Républicains et Indépendants
souhaiterait, monsieur le ministre, que vous nous dévoiliez aujourd'hui la
nature et les modalités de ce plan d'aide humanitaire que la France a prévu, en
concertation avec ses partenaires européens notamment.
Ce plan d'aide envisage-t-il, par exemple, un pont aérien pour acheminer sur
place l'aide alimentaire et sanitaire ?
Quels types de soins, de matériels, compte-t-on apporter aux réfugiés ?
L'envoi d'hôpitaux de campagne est-il étudié ? Projette-t-on d'envoyer des
moyens humains sur place, comme du personnel médical, des sapeurs-pompiers ou
des spécialistes de l'équipement ?
Voilà, monsieur le ministre, les questions concrètes auxquelles le
Gouvernement doit répondre, afin que le sentiment de totale improvisation qu'a
pu laisser planer le déplacement précipité, ces dernières heures, de Mme Bonino
dans la région soit dissipé et, plus encore, que l'aide humanitaire soit à la
hauteur du drame vécu par les réfugiés du Kosovo.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le sénateur, je ferai d'abord
la même remarque que dans ma réponse précédente : la question des réfugiés du
Kosovo se pose depuis longtemps. C'est même la raison pour laquelle il y a tant
de réfugiés kosovars en Allemagne, en Suisse et dans d'autres pays d'Europe.
Nous avons déjà eu à faire face à des vagues de réfugiés au cours de l'année
passée. En effet, ce drame, qui a pris aujourd'hui une ampleur encore plus
grande, encore plus visible, était commencé depuis longtemps. Il fallait mettre
un terme à tout cela.
Pour ce qui est des chiffres, mieux vaut se référer à ceux du
Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, qu'à ceux qui
émanent de sources variées, car ils sont parfois des plus fantaisistes. Selon
le HCR donc, depuis la fin des pourparlers de Rambouillet et jusqu'à
maintenant, il y a eu 85 000 réfugiés supplémentaires en Albanie, 14 500 en
Macédoine et 20 000 au Monténégro, sans compter les déplacements considérables
de populations depuis le début de la crise.
Naturellement, nous ne menons pas uniquement une action propre, même si nous
voulons faire le maximum à ce titre ; nous agissons aussi avec tous nos
partenaires européens.
Nous avons demandé que la coordination européenne soit plus intense. M.
Fischer a proposé une conférence que nous avons acceptée tout de suite.
Nous travaillons en relation étroite, par ailleurs, avec le Haut-commissariat
aux réfugiés.
En Albanie, une mission franco-germano-italienne est en train d'évaluer les
besoins supplémentaires.
M. le Premier ministre a demandé à M. Josselin de se rendre en Albanie et en
Macédoine, M. Josselin est parti aujourd'hui.
L'Union européenne a déjà débloqué 2 millions d'euros d'aides d'urgence pour
la Macédoine et 10 millions d'euros supplémentaires pour faire face à
l'ensemble de la crise humanitaire.
Une mission conjointe de Mme Bonino et d'un ministre allemand a été prévue en
Macédoine et en Albanie.
Quant à la réunion de la présidence allemande, dont je viens de parler, elle a
lieu aujourd'hui même. Elle associe, outre les organismes que j'ai cités,
l'organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, et les
pays de la région.
Selon les indications que nous avons, il ne se pose, à l'heure actuelle, aucun
problème d'acheminement de l'aide. Tous les moyens logistiques sont mis en
oeuvre. La France a mis à la disposition de l'ensemble des programmes d'aide
dix avions qui peuvent faire la navette en permanence.
Il ne se pose pas non plus de problème de quantité.
En fait, il se pose simplement, sur place, un problème de coordination et de
choix des emplacements les plus adéquats compte tenu de l'avenir.
Ainsi que M. le Premier ministre l'a rappelé, l'un des éléments importants,
dans cette lutte que nous avons entamée, c'est la réaffirmation du droit absolu
de ces réfugiés à rentrer chez eux. Il faut absolument refuser que notre action
s'inscrive dans un plan consistant à les faire partir sans espoir de retour.
Cela a, bien sûr, des conséquences sur la façon de les héberger, de les traiter
et de localiser les secours.
M. le Premier ministre a arrêté un programme supplémentaire de 75 millions de
francs, qui s'ajoutent à notre contribution à l'ensemble des programmes
européens.
Pour le reste, nous ferons le point au retour de M. Josselin et après la
conférence qui a lieu en Allemagne aujourd'hui.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
VOLET HUMANITAIRE DE LA CRISE AU KOSOVO
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Les questions sur la situation au Kosovo étant nombreuses, aujourd'hui, il est
inévitable qu'elles se recoupent plus ou moins.
Plus que sur le bilan d'une semaine de frappes aériennes sur la Serbie - il
est peut-être encore trop tôt pour l'établir de façon précise -, ma question
portera sur les aspects humanitaires de la situation.
Je suis de ceux - mes amis partagent ce sentiment - qui sont convaincus que ce
n'est pas l'intervention armée de l'OTAN qui a provoqué une épuration ethnique
que le dictateur Milosevic avait depuis longtemps programmée - elle était même
déjà mise en oeuvre - comme il l'avait d'ailleurs fait en Bosnie.
Si l'on en croit une information donnée, hier, par le ministre allemand de la
défense, M. Scharping, des camps de concentration auraient même été installés
au Kosovo. Peut-être pourrez-vous le confirmer, monsieur le ministre.
Il reste que l'exode massif de populations kosovares albanophones vers le
Monténégro, la Macédoine et surtout l'Albanie - exode qui, j'y insiste, avait
commencé bien avant le début des frappes de l'OTAN - pose à ces pays des
problèmes qu'ils n'ont absolument pas les moyens de surmonter.
Le Haut-commissariat aux réfugiés, malgré le dévouement inlassable de ses
représentants, ne peut faire face seul, surtout si, comme on peut le craindre,
cet exode doit se prolonger.
Le Premier ministre a fait état, dès hier, des actions déjà engagées par la
France soit sur le plan national, soit dans le cadre d'une coordination
européenne.
Vous venez de rappeler, monsieur le ministre, que le ministre de la
coopération, M. Josselin, se trouve aujourd'hui à Tirana et qu'il doit se
rendre également à Skopje.
Nous avons appris aussi qu'aujourd'hui se tient à Bonn une réunion a laquelle
participent les ministres des huit pays voisins de la Yougoslavie.
En réponse à la question précédente, vous venez de donner un certain nombre
d'indications sur ce que peut être l'aide apportée aujourd'hui à ces
populations plongées dans le plus grand désarroi.
La représentation nationale est toutefois désireuse d'obtenir le maximum de
détails sur les actions envisagées ou déjà engagées, sur leur nature, leur
localisation, leur programmation dans le temps mais aussi dans l'espace. La
question se pose en effet de savoir si les populations qui sont aujourd'hui en
Albanie, par exemple, doivent rester là ou si l'on envisage de les faire passer
dans des pays voisins.
Nous souhaitions également avoir des précisions - mais vous venez de nous les
donner - sur le nombre de réfugiés recensés à ce jour, car les chiffres les
plus contradictoires circulent, vous l'avez dit.
Si la France a raison de participer au combat contre Milosevic, elle se doit
d'être au premier rang pour ce qui est de l'aide qui doit être apportée aux
victimes de son régime sanguinaire.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur Estier, en matière d'aide, je
l'ai dit, la France prend toute sa part et cherche à être le plus efficace
possible. Si nous avons demandé à M. Josselin de se rendre sur place, c'est,
précisément, pour compléter les évaluations que nous avons déjà de par nos
contacts avec nos partenaires européens et avec le HCR.
Je le répète, c'est plutôt aux chiffres du HCR qu'il faut se fier, et non pas
à ceux des autres organismes, dont ce n'est pas la véritable vocation de
dénombrer les réfugiés.
Si nous travaillons ainsi, c'est parce que nous voulons parvenir à une
situation qui soit le plus compatible possible avec les moyens, les
responsabilités et les demandes de l'Albanie, de la Macédoine et du Monténégro
- ce n'est pas tout à fait sur le même plan - mais aussi des pays européens qui
peuvent également être des pays d'accueil ou qui l'ont déjà beaucoup été - j'ai
cité l'Allemagne et la Suisse, je pourrais, naturellement, citer l'Italie. Nous
voulons arriver à une approche globale.
Le problème posé est non pas celui des moyens mais celui de la coordination de
l'action des organismes, afin qu'ils travaillent ensemble au lieu de se
concurrencer de façon stérile.
Toute cette action doit être placée sous le signe du refus absolu de la
politique qui consiste à terroriser des populations. Il faut donc installer ces
populations et les aider dans des endroits qui préfigurent leur retour le plus
proche possible, car ce sera naturellement l'un des éléments de tout règlement
politique lorsqu'on en reviendra à ce niveau.
En tout cas, je puis vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous
faisons absolument tout ce qui est en notre pouvoir pour atténuer les
souffrances des populations.
(Applaudissements sur les travées socialistes,
ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union centriste.)
VOLET MILITAIRE DE LA CRISE AU KOSOVO
M. le président.
La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense.
On me permettra, tout d'abord, de réaffirmer, au nom du groupe du
Rassemblement pour la République, tout notre soutien et toute notre solidarité
à l'égard de nos soldats, de nos aviateurs et de nos marins engagés dans le
conflit du Kosovo. Qu'ils soient assurés de notre reconnaissance et de notre
admiration. Ils exercent leur mission au nom de la France et pour le respect
des droits de l'homme.
MM. Jacques Chaumont et Jacques Machet.
Très bien !
M. Jacques Legendre.
Depuis lundi, les forces de l'OTAN sont engagées dans les deux premières
phases d'une action visant à réduire le potentiel militaire de l'armée serbe au
Kosovo.
Au bout d'une semaine, peut-on évaluer, monsieur le ministre, l'impact et
l'efficacité de ces opérations d'envergure, et peut-on même parler de réussite
?
Comment la France envisage-t-elle la suite de cet engagement puisqu'il semble
que cette crise s'inscrive dans la durée ? Pouvez-vous d'ores et déjà répondre
aux interrogations et parfois, disons-le, aux inquiétudes des Français
concernant le déroulement des opérations à venir ?
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux
d'abord vous dire l'importance de l'expression, par les parlementaires -
c'était le cas de ceux qui m'accompagnaient, hier, auprès des unités - du
soutien et de la solidarité morale de l'ensemble des pouvoirs publics et de
notre démocratie vis-à-vis des militaires français qui sont engagés dans cette
action aux côtés de leurs camarades des autres nations européennes et des
Etats-Unis.
Notre action développe une cohérence dont l'objectif, vous l'avez rappelé, est
d'affaiblir et de limiter la capacité du potentiel militaire et répressif de
l'autorité yougoslave.
Cette action se déroule avec des moyens aériens diversifiés, répartis entre
les alliés, et qui offrent une réponse rapide à la crise devant laquelle nous
étions, chacun de nous ayant pu vérifier avec certitude que l'épuration
ethnique, l'éviction par la force et par la terreur des populations
albanophones du Kosovo étaient engagées.
Nous avons bien fait d'agir sans attendre, à partir du moment où les
diplomates ont constaté le refus délibéré de l'autorité yougoslave d'arriver à
un compromis. Différer plus longtemps l'engagement de l'action aurait
simplement fait apparaître les premiers massacres avant l'action militaire,
mais n'aurait pas changé la réalité.
Le potentiel militaire yougoslave a déjà été affaibli et, jour après jour,
lorsque, comme nous de notre côté, M. Milosevic et ses chefs militaires font
leur
briefing
pour évaluer ce qui se passe, ils constatent qu'une partie
de leurs moyens, une partie de leur potentiel, ont été éliminés.
Il faut que nous gardions le sens du temps, le sens de la détermination, pour
faire en sorte que cette autorité, très largement assise sur la force depuis
des années et des années, mesure les conséquences du maintien de sa positions
actuelle.
En revanche, nous le savons, ces frappes, cette action par voie aérienne, ne
ralentissent que faiblement l'action policière, l'action des milices, soutenus
certes par l'armée, mais une armée qui est au milieu de la population du Kosovo
en mouvement.
Nous savons donc que les actions d'éviction par la violence des habitants
d'une partie du Kosovo ne peuvent pas être arrêtées immédiatement au moyen des
frappes aériennes. Simplement, quand j'entends faire ce constat, je constate
aussi qu'aucune autre proposition n'est faite pour empêcher ces actions
d'éviction plus rapidement.
Ce sont les gouvernements unanimes, ce sont les autorités politiques de
l'Alliance, et pas une technocratie militaire en apesanteur, qui ont fait le
choix des cibles, le choix des objectifs.
Aujourd'hui, ce choix est centré sur les unités militaires en action au
Kosovo. L'action est toujours menée avec le souci de préserver la population,
ce qui nous conduit, chaque jour ou chaque nuit, à différer certains tirs pour
ne pas faire courir de risques aux civils innocents.
Cette action devra cependant se poursuivre pour amener l'autorité yougoslave à
constater que la voie de la violence et de la répression dans laquelle elle
s'est engagée est une impasse.
(Applaudissements sur les travées socialistes
et sur celles du RDSE, ainsi que sur certaines travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste.)
VOLET DIPLOMATIQUE DE LA CRISE AU KOSOVO
M. le président.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
si mes collègues et moi-même sommes d'accord pour reconnaître les efforts
diplomatiques que le Gouvernement a déployés pour éviter que la violence ne
s'emballe, si nous sommes d'accord pour refuser de rester passifs devant les
agissements de Miloscevic, principal responsable de cette crise et des
exactions criminelles dont les Kosovars sont victimes, si nous sommes, bien
évidemment, nous aussi, par la pensée, près de nos soldats engagés, nous ne
pouvons pas être d'accord sur les moyens et sur la politique employés pour
résoudre cette crise.
L'inquiétude grandit, car personne ne sait où tout cela va mener.
Les bombardements de l'OTAN, sans mandat de l'ONU - dangereux précédent ! -
devaient servir à affaiblir Milosevic, à le contraindre à négocier et à éviter
massacres et catastrophe humanitaire au Kosovo. C'est, logiquement, le
contraire qui se produit.
M. Yann Gaillard.
Que faites-vous au Gouvernement ?
M. Jean-Luc Bécart.
Conforté dans son rôle de « dictateur-martyr » de la cause serbe, Milosevic
refuse de céder d'un pouce. La violence appelant la violence, les premières
bombes de l'OTAN rendant furieuses police et milices serbes, le désastre
humanitaire, l'exode, l'horreur règnent au Kosovo.
Et maintenant, que va-t-il se passer ?
La logique du « shérif américain », la « frappamania », va-t-elle continuer de
prévaloir, les bombardements vont-ils se poursuivre des semaines, des mois, des
années durant, comme en Irak, pour le plus grand confort politique de Saddam
Hussein et le plus grand malheur du peuple irakien ?
Une autre logique, plus politique, va-t-elle pouvoir se frayer un chemin ?
C'est un chemin étroit et difficile. Mais c'est sur ce chemin que nous avions
vu, voilà quelques semaines, la diplomatie française et une mission
d'observation de l'OSCE entreprendre sur le terrain du bon travail préventif,
amorce d'une présence d'interposition.
Le déploiement d'une telle force d'interposition sous mandat de l'ONU, couplé
à l'arrêt des bombardements de l'OTAN, devient une exigence partagée par un
nombre croissant de Français, comme l'a rappelé, hier, notre collègue Hélène
Luc à M. le Premier ministre.
En ces moments dramatiques, qui appellent, bien sûr, une aide humanitaire
forte, notre pays ne devrait-il pas être l'initiateur d'une conférence
européenne ouverte sous l'autorité de l'OSCE et de l'élaboration d'un plan de
paix à l'ONU sous l'égide du Conseil de sécurité pour qu'à terme les
Yougoslaves puissent se réconcilier avec eux-mêmes ou, pour le moins, puissent
coexister ?
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
Plusieurs sénateurs du RPR.
C'est M. Gayssot qui va répondre ?
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le sénateur, je rappellerai
tout d'abord que les trois résolutions du Conseil de sécurité qui avaient été
votées l'automne dernier l'avaient été sous l'empire du chapitre VII. Certes,
elles n'étaient pas aussi détaillées que la France aurait pu le souhaiter à
l'époque quant à la mise en oeuvre, mais elles étaient extrêmement exigeantes
par rapport aux autorités yougoslaves sur l'arrêt de la répression, le retrait
des troupes, l'engagement sincère dans la recherche d'une solution politique.
Jamais ces exigences n'ont été satisfaites.
Je rappellerai ensuite que, deux jours après le début des frappes aériennes,
la Russie a introduit un projet de résolution au Conseil de sécurité pour
l'arrêt immédiat de celles-ci ; le Conseil de sécurité a rejeté ce texte par
douze voix sur quinze.
A un moment donné, même si ce n'est pas sous une forme aussi complète que nous
l'aurions souhaité pour des raisons de principe, le Conseil de sécurité de
l'ONU a donc été saisi de cette affaire.
Pour avoir naturellement vécu à chaque étape les efforts qui ont été déployés
pour aboutir à une solution qui aurait permis d'éviter d'avoir à en passer par
ce que nous connaissons aujourd'hui, je voudrais porter témoignage que les
autorités yougoslaves, non seulement n'ont pas saisi les occasions qui étaient
proposées, mais ont combattu méthodiquement tout compromis à tout moment ; il a
semblé que, pour eux, le compromis, la solution politique que nous avions
élaborée au sein du groupe de contact, c'était la pire des menaces.
Voilà ce qui a du être malheureusement constaté au bout du compte, après que
de nombreux délais avaient été donnés à la demande des Européens, mais aussi
des Américains, qui ne se sont pas séparés de nous sur ce point.
Toute recherche de solution politique est bonne, que ce soit dans le cadre de
l'ONU, de l'OSCE, dont vous avez parlé, de l'Union européenne, ou du groupe de
contact qui a toujours sa légitimité, mais à condition que l'initiative
politique puisse commencer par obtenir l'arrêt des exactions et l'arrêt des
méthodes visant à terroriser les populations.
Il n'y a pas d'initiative politique utile, valable, sur laquelle on puisse
travailler, consistant à rassembler des gens qui mènent une politique
pacifique, qui sont d'accord entre eux, si, dans le même temps, les autorités
de Belgrade poursuivent la politique qui est la leur aujourd'hui.
La bonne initiative politique est celle qui réussira à peser sur ce
comportement que nous voyons encore au Kosovo, après qu'il s'est
malheureusement illustré depuis des années dans l'ex-Yougoslavie, ce à quoi
nous voulons mettre un terme.
(Applaudissements sur les travées socialistes,
ainsi que sur de nombreuses travées du RDSE et de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
CENTRE D'INFORMATION CIVIQUE
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Avant d'aborder ma question, je voudrais dire le respect que nous devons avoir
toutes et tous pour ceux qui, à tous les niveaux de l'Etat, ont en ce moment en
charge, individuellement ou collectivement - individuellement de toute façon au
niveau de leur conscience personnelle - la conduite des affaires de notre pays
face à la crise qui vient de s'ouvrir.
Ma question s'adressait à M. le Premier ministre. Les membres du groupe du
RDSE comprennent plus que tout autre - M. Crépeau était très proche d'un
certain nombre d'entre nous - les raisons pour lesquelles M. le Premier
ministre n'est pas présent parmi nous aujourd'hui.
Pendant des décennies, les campagnes répétées du centre d'information civique,
le CIC, destinées aussi bien à amener nos concitoyens à prendre conscience de
leur devoir de membre du peuple souverain, en général, qu'à attirer leur
attention sur l'utilité, pour ne pas dire la nécessité, de voter aux
consultations électorales qui se profilaient de mois en mois, ont rythmé notre
vie politique.
Sans aucunement méconnaître les difficultés internes qui ont, d'après mes
informations, fortement réduit l'activité réelle de ce centre, la disparition
d'un organisme indépendant et objectif en la matière pose un certain nombre de
questions.
En effet, voir, comme cela a été le cas ces derniers temps - je vise en
particulier la campagne d'inscriptions sur les listes électorales de décembre
1998, qui a été conçue et diffusée par le ministère de l'intérieur -
l'engagement de la machine d'Etat, donc gouvernementale, dans une action de ce
genre peut légitimement apparaître à certains comme orientée ou, à tout le
moins, potentiellement orientable.
Il n'est pas inutile de rappeler que le CIC assurait également une formation
dans les écoles et éditait de nombreuses notes, publications et argumentaires
sur le fonctionnement et le rôle de nos institutions.
La reprise de ces dernières activités dans le cadre auquel je faisais allusion
ne pourrait qu'augmenter la confusion.
Par ailleurs, au sein du CIC, cohabitaient un certain nombre de cellules
d'études, dont, par exemple, le Comité national de liaison défense-armée-nation
qui en était un comité spécialisé au même titre que le Conseil national de la
consommation.
Privé de moyens à la suite de négociations qui ont échoué avec le service
d'information du Gouvernement, la mort du CIC semble programmée à court ou à
moyen terme et l'assèchement des cellules de réflexion dont je vous parlais
causerait un dommage complémentaire.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, me dire comment vous envisagez d'aider
soit à la restauration du CIC, soit à l'émergence d'une nouvelle structure tout
aussi indépendante du pouvoir politique ?
L'approche des élections européennes, pour lesquelles nous craignons tous que
l'abstention ne soit trop forte, ne fait qu'augmenter l'urgence d'une prise de
position en ce domaine.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE,
ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
L'arrêt du versement de la subvention annuelle
au Centre d'information civique est intervenu à la suite d'un contrôle exercé
sur le Service d'information du Gouvernement par la Cour des comptes et des
observations exprimées par le contrôleur financier auprès des services du
Premier ministre.
Les critiques portaient, notamment, sur la situation très préoccupante des
finances et des activités du centre d'information civique. Elles concluaient à
la nécessité de procéder à un réexamen des relations juridiques et financières
entre le centre d'information civique et le service d'information du
Gouvernement avant tout nouvel engagement financier de l'Etat.
Ce réexamen a conduit le service d'information du Gouvernement à suggérer au
centre d'information civique de modifier ses statuts pour permettre à de
nouveaux partenaires, notamment associatifs, de relayer ses actions.
Il s'agissait d'intensifier les rapports développés par le centre
d'information civique en démultipliant des actions de proximité pour toucher
des publics variés avec des moyens adaptés.
Par ailleurs, il s'agissait de nommer un comptable public comme trésorier de
l'association, ce qui peut paraître une exigence légitime.
Quant aux actions d'information menées par l'Etat à l'occasion de la campagne
d'inscription sur les listes électorales ou en vue des élections européennes -
notamment à destination des ressortissants communautaires - je vous ferai
simplement observer, monsieur le sénateur, que ce sont celles non pas du
Gouvernement, mais de l'Etat, qui a devoir de neutralité et qui peut s'en
acquitter, me semble-t-il, aussi bien que le centre d'information civique
lui-même.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
RÉORGANISATION DU SYSTÈME HOSPITALIER EN VENDÉE
M. le président.
La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche.
Monsieur le président, mes chers collègues, le Kosovo mobilise toute notre
attention et notre énergie. Vous ne m'en voudrez pas cependant si, après les
questions prioritaires posées par l'ensemble de mes collègues, j'en reviens à
un sujet beaucoup plus local.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Elle
entend mettre clairement en évidence les profondes inquiétudes de nos
concitoyens au sujet de la carte sanitaire.
Les deux lois de 1970 et de 1991 ont le même objectif - que nous partageons
tous - celui de poursuivre une juste répartition territoriale de l'offre de
soins et une bonne adaptation des équipements hospitaliers aux besoins des
populations, et au plus proche des populations.
Hélas ! sur le terrain, des conflits ou des incohérences jalonnent cette
refonte en profondeur. L'hôpital est bien souvent, dans les petites villes, le
premier employeur. Nous entendons tous, ici, défendre l'emploi partout,
a
fortiori
lorsqu'il s'agit d'emplois liés à la santé.
C'est la raison pour laquelle nombre d'élus et d'administrés se mobilisent
contre des fermetures annoncées, contre des réorganisations parfois inadaptées
qui conduisent à la régression de la couverture sanitaire.
Alors même que de nombreux services publics sont réduits ou fermés en secteur
rural, comment imaginer que le plus indispensable d'entre eux, l'hôpital, soit
réorganisé au détriment de la population qui, pour sa part, revendique
légitimement le maintien des soins de proximité ?
La révision des schémas régionaux d'organisation sanitaire de 1998 et la
restructuration pour les cinq prochaines années du tissu hospitalier en Vendée,
mon département, est au coeur de ma question.
En Vendée, madame la ministre, les élus, les médecins, les syndicats et la
population rejettent la proposition du directeur de l'agence hospitalière
concernant l'hôpital de Luçon. Les discussions préalables nous avaient
rassurées. Or, ces derniers mois, on nous impose au bout du compte un résultat
inacceptable : celui d'une rigidité trop normative.
Il est envisagé de fermer la maternité et de la remplacer par un centre de
périnatalité, alors que l'objectif minimum de 300 accouchements par an pour le
maintien du service est dépassé. Le service mobile d'urgence et de réanimation
local, le SMUR, doit disparaître pour devenir une simple antenne locale du
service d'aide médicale urgente, le SAMU, et du SMUR de la Roche-sur-Yon.
Enfin, le bloc opératoire devra être fermé la nuit : c'est la mort programmée
de l'hôpital de Luçon !
Cela fait beaucoup pour un établissement situé en secteur rural, desservant
six cantons et une population de plus de 50 000 habitants, hôpital dont
personne ne se plaint, et dont les services sont reconnus pour leur compétence
et leur efficacité.
Que comptez-vous faire, madame la ministre ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, comme
vous l'avez indiqué, la révision des schémas régionaux d'organisation de la
santé vise à la fois à améliorer la qualité et la sécurité des soins pour nos
concitoyens et aussi - il faut le dire, car on ne peut pas poursuivre ensemble
des objectifs sans être clair - à obtenir une organisation optimale des
ressources de la nation. On ne peut pas en même temps demander l'équilibre des
comptes de la sécurité sociale et ne pas accepter qu'un certain nombre de
décisions soient prises.
Dans cette logique, les directeurs des agences régionales d'hospitalisation,
les ARH, travaillent depuis un an et demi maintenant à la réalisation de ces
schémas régionaux.
En Vendée comme ailleurs, la direction de l'ARH a proposé aux établissements
publics et privés une charte destinée à se mettre d'accord sur la façon dont
nous allions réfléchir ensemble.
Quatre groupes de travail ont été mis en place. L'ensemble des élus ont été
effectivement consultés. D'ailleurs, des accords très importants ont été
conclus en Vendée sur la réorganisation de la psychiatrie, sur la création de
lits supplémentaires dans le département, sur le regroupement des plateaux
techniques et sur le principe de ne pas procéder à des suppressions des sites
d'urgence, par rapport à ce qui avait été préalablement proposé.
J'en viens aux problèmes de Luçon, et notamment de sa maternité.
Aujourd'hui, nous nous heurtons à une double difficulté et je le dis très
simplement devant vous, monsieur le sénateur ; entre, d'un côté, la qualité et
la sécurité et, de l'autre, la proximité, je choisirai toujours la qualité et
la sécurité.
Cette année, nous avons été conduits à fermer 330 établissements. Ces
fermetures ont toutes fait l'objet d'une concertation. Si vous laissez de côté
Pithiviers et Bitche, où la fermeture est intervenue dans le mois où nous
sommes arrivés, toutes les autres fermetures ont été effectuées en étroite
concertation et sans difficulté, parce que la population et les élus ont
compris le bien-fondé des décisions que nous avons prises.
En ce qui concerne Luçon, vous le savez bien, d'ailleurs, on se heurte à des
difficultés rémanentes pour recruter du personnel médical : aujourd'hui, on
compte un unique anesthésiste pour l'ensemble de l'établissement, qui assure
une rotation, et un pédiatre qui n'effectue que trois vacations par semaine,
alors même que de nombreuses maternités voisines de Luçon sont accessibles aux
populations en moins de trente minutes - Fontenay, La Roche-sur-Yon, Les
Sables-d'Olonne - ce qui explique d'ailleurs qu'il y a à peine plus de trois
cents accouchements aujourd'hui à Luçon, car chacun sait que des risques
existent.
Si nous résolvons ces problèmes, la maternité de Luçon pourra continuer à
fonctionner. Mais ce n'est pas le cas aujourd'hui et, encore une fois, pour
moi, la qualité et la sécurité doivent primer ; je pense que vous pouvez nous
rejoindre sur ce point.
Nous continuons le travail. Hier, le directeur de l'ARH a écrit à l'ensemble
des élus pour traiter ce problème particulièrement : ou bien nous trouvons une
solution, ou bien nous mettrons en place un centre avancé d'accès de
périnatalité à Luçon.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
HAUSSE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
ET DÉPENSES PUBLIQUES EN L'AN 2000
M. le président.
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
devant la gravité de la situation internationale, je suis à mon tour un peu
gêné de poser une question sur l'économie et conséquemment sur l'emploi ; mais
enfin, le train des problèmes quotidiens reste, et c'est une question qui
s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
La semaine dernière, nous apprenions que la pression fiscale et les
prélèvements obligatoires en général, dans ce pays, étaient restés en 1998 à un
niveau beaucoup trop élevé par rapport à nos principaux partenaires européens,
soit 46,1 % de la production nationale.
Certes, vous n'êtes pas responsables de tout.
(Si ? sur les travées du
RPR.)
Ce que nous reprochons au Gouvernement, c'est d'avoir haut et fort,
et à plusieurs reprises, annoncé à nos concitoyens une baisse des impôts et des
taxes.
Lors du dernier débat budgétaire, le Sénat avait pourtant attiré fortement
votre attention sur l'insuffisante baisse des dépenses publiques, et il avait
vigoureusement critiqué l'absence d'une réduction significative des
prélèvements obligatoires. Pourquoi avoir annulé la baisse de l'impôt sur le
revenu engagée par le précédent gouvernement ?
M. Claude Estier.
Et la TVA ?
M. Christian Demuynck.
C'est une très bonne question !
M. Francis Grignon.
Pourquoi avoir prélevé 80 milliards de francs d'impôt supplémentaire entre
juin 1997 et décembre 1998 ?
(Murmures approbateurs sur les travées du RPR.)
Non ! monsieur le secrétaire d'Etat, tout cela n'est pas crédible. Quand
allez-vous enfin engager la politique annoncée de diminution des dépenses
publiques et des impôts...
M. Dominique Braye.
Jamais !
M. Francis Grignon.
... tant attendue par nos entreprises et par nos citoyens ?
(Vives exclamations et applaudissements sur les travées de l'Union centriste,
des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, M. Dominique
Strauss-Kahn assistant aux obsèques de Michel Crépeau, je répondrai à sa
place.
Vous avez mentionné un niveau de prélèvements obligatoires de 46,1 %. Il
s'agit du rapport, pour 1998, entre les impôts et les cotisations sociales,
d'une part, et la production annuelle, d'autre part.
Permettez-moi de vous rappeler, très courtoisement, qu'en 1993 ce taux était
de 43,9 %. Mais peut-être direz-vous que 1993 était, comme 1997, une année
ambiguë !
(Protestations sur les travées du RPR.)
Entre 1994 et 1996, la responsabilité politique me semble tout à fait
claire.
M. Dominique Braye.
Vous n'avez pas tenu vos promesses !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Que ces chiffres vous gênent, messieurs les sénateurs
de l'opposition, je le regrette !
(Nouvelles protestations sur les travées
du RPR.)
M. le président.
Je vous en prie, messieurs !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
En 1994, le taux était de 44,1 %, et il atteignait
45,7 % en 1996.
M. Dominique Braye.
Et en 1991 ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
La hausse de 1,5 point représente 120 milliards de
francs de prélèvements supplémentaires effectués sur les entreprises, mais
aussi et surtout sur les ménages.
Chacun garde présent à l'esprit les deux points de TVA de l'été 1995 !
(Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Alain Lambert.
Vous les avez conservés !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je voudrais simplement ajouter une remarque en ce qui
concerne l'année 1998.
M. Dominique Braye.
Répondez à la question !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
La question est très claire ; la réponse l'est aussi !
(Exclamations sur les travées du RPR.)
En 1998, les masses prévues d'impôts et de cotisations sociales ont été
exactement celles dont nous avions débattu au cours de l'automne 1997.
M. Dominique Braye.
Et vos promesses ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Ce qui a changé, c'est le dénominateur, la production
intérieure brute, qui, en raison d'une moindre hausse des prix, est moins
élevée.
(Vives exclamations sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. Jean Chérioux.
Mauvaises prévisions, mauvais budget !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Grignon, nous pouvons tous nous féliciter que
la hausse des prix ait été plus faible. C'est autant de pouvoir d'achat
supplémentaire pour nos concitoyens. Il s'agit d'un élément de dynamisme de la
croissance française, qui la différencie de celle d'un certain nombre de pays
étrangers.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Par conséquent, en ce qui concerne les prélèvements obligatoires, la hausse
enregistrée de 1993 à 1997 est interrompue et, à compter de l'an 2000, vous
verrez ces prélèvements obligatoires diminuer, comme le Gouvernement s'y est
engagé.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen. - Vives protestations sur les travées
des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye.
Pourquoi pas cette année ?
ACCIDENT DU TUNNEL DU MONT-BLANC
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du
logement.
Pour la troisième fois en quelques semaines, Chamonix et la vallée du
Mont-Blanc sont endeuillés par un drame. En saluant la mémoire des victimes, je
veux assurer leurs familles de notre profonde compassion.
Je veux également témoigner de notre soutien aux sauveteurs - pompiers,
gendarmes, agents de sécurité - et aux élus, au premier rang desquels M. le
maire de Chamonix, Michel Charlet. Tous font face avec compétence et courage
aux épreuves terribles qu'endure la vallée.
Monsieur le ministre, l'heure est à la recherche, non pas de boucs émissaires,
mais de solutions pour que pareille catastrophe ne se reproduise plus
jamais.
Lors de sa visite en Haute-Savoie - à laquelle il n'a d'ailleurs pas jugé
utile d'associer les parlementaires de notre département - le Premier ministre
s'est contenté d'annoncer un plan franco-italien de sécurité sous les
tunnels.
Nous n'en attendions pas moins du Gouvernement, mais n'est-il pas plus urgent
de traiter d'abord le problème de la saturation du trafic routier dans les
Alpes françaises ?
Le problème n'est pas nouveau : depuis 1970, le trafic de marchandises a été
multiplié par cinq et, aujourd'hui, plus de 35 millions de tonnes de
marchandises transitent entre la France et l'Italie.
L'essentiel de ce trafic est supporté par la route. A lui seul, le tunnel du
Mont-Blanc en absorbe le tiers.
Monsieur le ministre, ce n'est pas l'effort des collectivités locales qui est
en cause : avec treize pompiers professionnels, je vois difficilement comment
une petite commune de 10 000 habitants comme Chamonix pourrait faire plus. Non
! c'est la politique de l'Etat en matière de transports qui pose question.
Au nom de mes collègues parlementaires Michel Meylan, Pierre Hérisson et
Jean-Paul Amoudry, j'émets le souhait que le Gouvernement précise sa position
et s'engage au-delà de vagues promesses.
Lors du sommet franco-italien de Chambéry, en 1997, le projet d'autoroute
ferroviaire Lyon-Turin avait été retenu comme une priorité au titre des grands
travaux européens. Depuis, nous n'entendons plus parler du ferroutage. Quelles
mesures allez-vous prendre pour en accélérer la réalisation ?
A plus brève échéance, qu'attendez-vous pour donner la priorité à la
réalisation du plan autoroutier, retardée sous la pression de vos alliés «
Verts » ? Je pense notamment à l'achèvement de l'A 41, qui permettrait de
répartir de manière plus fluide le trafic de poids lourds entre les deux voies
du Mont-Blanc et du Fréjus.
Certes, la réalisation de ce plan pèse sur les finances publiques, mais
beaucoup moins que le trou financier du Crédit lyonnais...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Et les dividendes versés aux actionnaires des sociétés d'autoroutes ?
M. Jean-Claude Carle.
... qui a englouti l'équivalent de plusieurs années d'équipements routiers ou
ferroviaires.
C'est ce que réclament les habitants et les élus de la vallée. Ils sont
conscients que l'Italie est le premier de nos partenaires économiques, mais ils
n'acceptent plus la menace pour l'environnement et le danger quotidien liés à
la saturation du trafic routier du tunnel du Mont-Blanc.
(Applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre
(Exclamations amusées sur les travées du
RPR.)
M. Christian de La Malène.
On ne croyait pas vous voir aujourd'hui, monsieur le ministre !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, vous avez évoqué la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc. Comme vous,
je pense que l'on ne peut pas l'évoquer sans avoir une pensée pour les victimes
de cette tragédie et sans témoigner, comme l'a fait, lundi dernier, M. le
Premier ministre, de la solidarité et de la compassion du Gouvernement, des
élus et du pays tout entier aux familles si cruellement frappées.
M'étant rendu sur place le soir même de la catastrophe et étant resté de
nombreuses heures aux côtés des secouristes, je puis témoigner du courage et du
dévouement de tous ceux qui ont agi pour porter secours aux victimes.
Mais j'en viens plus précisément aux questions que vous avez posées.
M. le ministre de l'intérieur et moi-même avons immédiatement lancé une
enquête administrative et technique, parallèlement à l'enquête judiciaire, de
sorte que l'on comprenne ce qui s'est passé et que l'on puisse également tirer
des enseignements et formuler des propositions en fonction des éléments dont
nous disposerons. Nous avons demandé à disposer des premiers éléments
d'information dès le 9 avril prochain.
Sans attendre ces conclusions, M. le Premier ministre a fait une déclaration
et ne s'est pas contenté de dire ce que vous avez rapporté. Vous ne l'avez pas
bien entendu !
M. Jean-Claude Carle.
Nous n'étions pas invités !
Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Peut-être que
vous n'y étiez pas, en effet. Profitez donc de ma réponse pour savoir ce que M.
le Premier ministre a dit !
Il a déclaré, d'une part, que nous engagions - à l'échelle du pays tout entier
- une expertise pour établir un diagnostic de tous les tunnels routiers de plus
d'un kilomètre afin de connaître exactement les conditions de sécurité...
M. Jacques Mahéas.
Tout le monde a entendu cela !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... et, d'autre
part, qu'il s'agissait de donner la priorité au transport ferroviaire et
combiné.
Vous m'avez souvent entendu le dire ici, mesdames, messieurs les sénateurs,
depuis maintenant presque deux ans, et vous m'entendrez peut-être encore
quelques temps le dire
(Exclamations sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
, le Gouvernement met
en oeuvre une politique destinée à développer la complémentarité entre les
différents modes de transport. Cela implique d'importants efforts en faveur du
rail, de la voie d'eau, du transport combiné qui, trop longtemps, a souffert
d'une absence de volonté dans notre pays.
Cette politique ambitieuse est conforme aux décisions de développer la part du
transport par rail dans le massif alpin.
Pour ce qui est de l'autoroute A 41, ce projet n'est pas remis en cause. Comme
vous le savez, il a été déclaré d'utilité publique, mais il s'avère que
l'assise juridique de la concession est incertaine au regard des normes
actuelles au plan européen, et vous en connaissez les raisons. J'ai donc
interrogé le Conseil d'Etat. J'attends sa réponse car c'est de cette réponse
que dépendront les conditions de la réalisation de cette infrastructure.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen et sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac.
N'attendez pas trop !
CONCENTRATION DES CAPITAUX
DANS LE MILIEU DU FOOTBALL PROFESSIONNEL
M. le président.
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la jeunesse et des sports et
concerne certaines dérives affairistes que l'on peut constater dans le domaine
sportif.
La compétition au niveau du football professionnel européen et français génère
aujourd'hui une forme d'activité économique à laquelle s'appliquent purement et
simplement les règles de la concurrence commerciale et financière. Cette dérive
met d'ores et déjà gravement en péril l'éthique sportive et la régularité des
compétitions, caractéristiques qui en sont l'essence même.
En effet, de grands groupes de communication - Canal + et Pathé pour la France
- des équipementiers internationaux, tels que Adidas et Nike, des banques
d'affaires, investissent des sommes vertigineuses ; certains d'entre eux
faisant, au niveau européen, main basse simultanément sur plusieurs clubs
susceptibles de se rencontrer dans la même compétition.
Chez nous, Canal + a investi dans le PSG et le Servette de Genève. Le risque
potentiel de rencontres, en France même et dans le même championnat, de clubs
ayant les mêmes actionnaires est donc réel.
On est en présence d'un véritable bouleversement dans les structures sportives
et, partant, dans la pratique même du sport. D'ores et déjà, les plus grands
clubs français, ceux qui sont contrôlés par des trusts financiers - OM par
Adidas, PSG par Canal +, Strasbourg par IMG Fance, Lyon par Pathé, etc. - se
regroupent hors des structures officielles de la ligue nationale pour
promouvoir une évolution purement capitalistique du football français et
imposer une cotation en bourse.
Il y a là un problème stratégique, politique, éthique et sportif.
Je vous demande donc, madame la ministre, quelles mesures vous entendez
prendre et quelles mesures entend prendre le Gouvernement pour s'opposer, au
nom de l'éthique sportive, à la dérive actuelle d'un sport professionnel, le
football, qui devient une industrie du spectacle régie par les seules règles du
commerce et du droit des sociétés.
Quel sera donc, à cet égard, le message de la France lors des assises
européennes du sport, à Olympie, en mai prochain ?
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Monsieur le sénateur, je partage
votre inquiétude sur la situation d'une partie du sport professionnel,
notamment du plus populaire, le football.
En effet, quelques groupes financiers audiovisuels français et étrangers - on
peut citer aussi Murdoch ou Kirch - exercent une pression très forte pour
essayer de casser la cohésion fédérale du mouvement sportif français.
Il y a les dérives que vous avez citées, mais il en est d'autres, comme
l'achat de joueurs de dix ans, de quinze ans. On peut dire qu'il s'agit là d'un
esclavage de luxe en quelque sorte, mais dont les victimes sont des enfants.
Le prochain projet de loi sur le sport, qui sera examiné au dernier trimestre
de 1999, permettra d'ouvrir le statut des clubs en F1, avec redistribution de
dividendes, mais avec interdiction qu'un groupe possède plusieurs clubs et
interdiction des cotations en bourse parce que, comme le dit si bien Michel
Platini, les compétitions ne peuvent pas se faire à la lumière du CAC 40.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
Bien sûr, les propositions françaises ne trouveront leur pleine
efficacité que si elles sont portées au-delà de l'Union européenne.
Je rappelle que la conférence de Vienne des chefs d'Etat et de gouvernement
avait mandaté l'Europe pour sauvegarder l'esprit sportif et le rôle social du
sport. C'est donc ces propositions que je vais porter, avec d'autres collègues
européens, à la réunion du 31 mai.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
RÉVISION DU TAUX DE CROISSANCE POUR 1999
M. le président.
La parole est à M. Vissac.
M. Guy Vissac.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie et porte sur l'annonce des nouvelles prévisions économiques du
Gouvernement.
Voilà seulement quatre mois, le Sénat, notamment par la voix du président de
notre groupe, M. Josselin de Rohan, et de mon collègue, M. Philippe Marini,
mettait en garde le Gouvernement sur les conséquences de son excès
d'optimisme.
M. Jacques Mahéas.
C'était la même chose l'année dernière !
M. Guy Vissac.
La prévision - ou plutôt le pari - sur lequel reposait votre budget pour 1999
était de 2,7 % de croissance. Aujourd'hui, vous nous annoncez une fourchette de
2,2 % à 2,5 %, donnant ainsi acte au Sénat de la justesse de son analyse, et ce
malgré la fin de non-recevoir que vous opposiez à nos avertissements.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
Ces nouvelles prévisions reposent sur l'hypothèse d'école selon laquelle
l'environnement international et celui de la zone euro vont cesser de se
dégrader. Le Gouvernement nous dit à présent que tout devrait aller mieux au
deuxième semestre. Or, les plus récentes prévisions de l'INSEE indiquent que
l'amélioration annoncée est, hélas ! contredite par une dégradation
observable.
« Les faits sont têtus », monsieur le secrétaire d'Etat, et ces prévisions
modifient vos marges de manoeuvre, les recettes de la croissance n'étant pas au
rendez-vous. Face à cette situation, quelle option allez-vous privilégier ?
Allez-vous encore resserrer un étau fiscal qui étouffe les énergies
individuelles et fait figurer notre pays au triste palmarès des plus imposés
d'Europe ? L'augmentation constante de la dépense publique est une tentation et
le meilleur moyen de la faire cesser est de ne pas y succomber !
Allez-vous revenir sur certaines de vos promesses coûteuses, comme la
réduction autoritaire et uniforme du temps de travail ? Allez-vous vous engager
fermement sur la voie de la réduction des déficits afin que nos enfants ne
soient pas astreints à régler une dette qu'ils n'ont pas eux-mêmes contractée ?
Sans quoi, pour reprendre la phrase de Clemenceau, notre pays continuera à
planter plus d'impôts pour récolter davantage de fonctionnaires.
Monsieur le secrétaire d'Etat, en finances publiques, les paris sont
hasardeux. Il ne s'agit pas de théologie ; nous, en Auvergne, les compatriotes
de Blaise Pascal, nous sommes bien placés pour le savoir !
Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, dire clairement aux Français qui
nous écoutent quelle voie le Gouvernement entend emprunter ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, comme il est rituel en
cette saison, la direction de la prévision du ministère des finances a publié
des perspectives de croissance pour les années 1999 et 2000.
Pour l'année 1999, la prévision que nous faisons se situe effectivement entre
2,2 % et 2,5 %, alors que nous avons établi le budget, chacun s'en souvient,
sur une perspective de croissance de 2,7 %.
M. Alain Lambert.
Malgré ce qu'on vous a dit au Sénat !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président de la commission des finances,
nous avons beaucoup débattu de ce sujet.
Je voudrais mentionner brièvement deux éléments de confiance.
M. Alain Vasselle.
Vous êtes toujours confiants !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Depuis l'été 1997, ce n'est plus la demande extérieure
qui tire l'économie française ; c'est, pour l'essentiel, la demande intérieure,
en particulier la consommation des ménages, elle-même bénéficiaire de gains de
pouvoir d'achat exceptionnels parce que l'emploi se développe.
(Vives exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Dominique Braye.
Le pouvoir d'achat des emplois-jeunes !
M. Jean-Claude Carle.
On n'a pas les mêmes chiffres !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
L'année 1998 est une année reccord puisque 400 000
emplois ont été créés. D'un mois sur l'autre, il peut y avoir des variations,
mais il est clair que le pouvoir d'achat des Français a crû de façon
exceptionnelle
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)...
M. le président.
Je vous en prie, mes chers collègues, un peu de silence ! Seul M. le
secrétaire d'Etat a la parole.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... et que la hausse des prix, chacun l'a reconnu, est
plus faible que prévu. Donc, la consommation des ménages est forte.
Le logement connaît une des meilleures années de la décennie
(Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.),
...
M. Dominique Braye.
Tout va très bien, madame la marquise !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... en particulier grâce aux mesures fiscales qui ont
été adoptées à l'occasion du budget pour 1999, et l'investissement des
entreprises, qui a connu un moment d'hésitation durant le trou d'air de
l'automne, est reparti d'après les dernières enquêtes sérieuses dont on
dispose.
M. Dominique Braye.
Bref, tout a repris !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Voilà pour le premier élément de confiance qui nous
permet d'espérer une croissance entre 2,2 et 2,5 %.
M. Alain Gournac.
Poisson d'avril !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le second élément de confiance réside dans la
comparaison de notre taux de croissance - et vous y avez très justement fait
allusion - avec les taux de croissance allemand ou italien - 1,5 %.
M. le président.
Concluez, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je conclus, monsieur le président !
En 1999, puis en 2000, nous aurons un des plus beaux taux de croissance de
l'Union européenne
(Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de
l'Union centriste.),
... et je m'arrêterai sur cette note de satisfaction
!
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jacques Mahéas.
Taisez-vous les sauvageons !
Mme Hélène Luc.
Ils ne sont pas sérieux !
M. Henri de Richemont.
Mieux vaut être « sauvageons » que « godillots » !
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons
interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures
quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
6
CANDIDATURES A` UNE COMMISSION
MIXTE PARITAIRE
M. le président.
J'informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale
m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle
présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la sécurité
routière.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
7
RENFORCEMENT ET SIMPLIFICATION
DE LA COOPÉRATION INTERCOMMUNALE
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale après déclaration d'urgence, relatif au renforcement et à la
simplification de la coopération intercommunale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le ministre, avant d'entrer dans le vif de notre débat, je souhaite
m'attarder un instant sur les conditions dans lesquelles ce projet de loi -
capital, convenons-en - nous parvient : une fois encore, et alors qu'il vient
de faire de même avec l'aménagement du territoire, lequel est d'ailleurs fort
voisin de l'intercommunalité, le Gouvernement a déclaré l'urgence sur un projet
de loi.
Je ne suis pas le premier, monsieur le ministre, à regretter cet état de fait
; le président de la commission des lois s'en est déjà ouvert à vous lors de
votre audition. Cette habitude, qui commence à devenir fâcheuse, peut, sur des
sujets comme celui-là, se révéler dangereuse.
Est-il franchement sérieux qu'un texte qui contient plus de 90 articles, qui a
suscité le dépôt de plus de 500 amendements, ne fasse l'objet que d'une lecture
unique ?
Vous avez justifié, monsieur le ministre, la déclaration d'urgence de votre
projet de loi par le fait que celui-ci reprenait pour partie celui de votre
prédécesseur, lequel avait fait l'objet d'une large concertation et que vous
souhaitiez par ailleurs qu'il soit adopté avant la fin de l'année.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur
le sénateur ?
M. Paul Girod.
Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
En effet, monsieur le sénateur, il m'est apparu
que, si l'on voulait permettre aux collectivités locales d'utiliser
judicieusement la manne des 500 millions de francs prévue en l'an 2000, il
fallait leur donner le temps d'opérer quelques simulations avant de prendre un
certain nombre de décisions ; je pense notamment aux décisions de
transformation qui sont permises par le projet de loi.
Si l'on veut véritablement qu'avant la fin de l'année de telles décisions
puissent être prises, il y a réellement urgence. C'est un second argument qui
s'ajoute au premier.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le ministre, j'ai évoqué les deux arguments.
Vous avez repris une partie des idées de votre prédécesseur et nous en sommes
tous ravis. Mais, que je sache, les idées de M. Perben n'ont jamais fait
l'objet d'un quelconque examen par notre assemblée. Ne nous sont parvenues que
des rumeurs, mais aucune information officielle.
Bien sûr, nous sommes favorables à toute forme de concertation, notamment
lorsqu'il s'agit de prendre, au préalable, la mesure de ce que ressentent nos
concitoyens pour imprégner nos travaux. Cela dit, peut-on y être aussi
favorable lorsqu'il s'agit, par la suite, d'invoquer ladite concertation pour
raccourcir les débats ? Ma réponse est clairement négative, car qui dit
concertation ne dit pas première lecture !
En ce qui concerne votre souhait de voir le texte adopté avant la fin de
l'année, permettez-moi de vous dire que l'argument me semble faible, puisqu'il
aurait pu être satisfait sans qu'il soit nécessaire de recourir à la procédure
d'urgence.
Ainsi, sur un texte dont l'urgence est peut-être encore pire - je pense au
PACS - l'Assemblée nationale délibère aujourd'hui, en deuxième lecture, alors
que nous avons examiné ce projet voilà moins de dix jours. Le retour au Sénat,
après une navette, du texte sur l'intercommunalité ne nous aurait nullement
conduits à des échéances telles que celles que vous avez évoquées en
filigrane.
Vous savez que le Sénat, qui est, par sa nature constitutionnelle, l'assemblée
le plus au fait des problèmes de gestion des collectivités territoriales,
aborde ce débat dans un esprit largement constructif.
Nous pensons que, pour légiférer en dernier ressort, si cela doit être le cas
- et je ne le souhaite pas - l'Assemblée nationale a absolument besoin de
connaître les apports et les réflexions du Sénat.
Monsieur le ministre, puis-je me permettre de vous rappeler que la convocation
d'une commission mixte paritaire avant une nouvelle navette n'est nullement
obligatoire et que le Gouvernement, à l'éclairage de ce qu'auront été les
débats, peut parfaitement laisser une nouvelle navette se dérouler ? A mon
avis, ce faisant, il s'honorerait.
Monsieur le président, je referme là une parenthèse que je regrette d'avoir eu
à ouvrir et j'en viens au fond du débat.
J'indiquais à l'instant, monsieur le ministre, que l'aménagement du territoire
et l'intercommunalité étaient liés, voire étroitement liés. Permettez-moi de
préciser ma pensée sur ce point.
Ces deux thèmes sont effectivement tellement proches que, dans l'esprit de nos
collègues, ils ne font quasiment qu'un seul sujet. Je crains qu'il n'en soit
malheureusement pas de même en ce qui concerne les membres du Gouvernement. Je
ne vous cache pas que cette constatation m'inquiète quelque peu.
Avant-hier, Mme Voynet a reconnu devant nous que le texte de M. Chevènement ne
traitait pas de l'agglomération tout à fait de la même manière que le sien.
Elle nous a appris que l'examen consécutif des deux textes relevait en réalité
d'une coïncidence. Curieuse conception de l'art de gouverner, permettez-moi de
vous le dire !
Afin de ne pas placer le Gouvernement en porte-à-faux, les membres du groupe
socialiste ont été contraints de s'abstenir sur un amendement de notre collègue
M. Hoeffel, aujourd'hui rapporteur du texte sur l'intercommunalité, dont ils
reconnaissaient pourtant la valeur, craignant que pour une même entité les deux
textes n'en arrivent à des définitions différentes. Nous voilà tout de même
devant une situation un peu paradoxale !
Mme Voynet a pourtant tenté de nous persuader qu'il n'existait pas
d'incohérence entre ces deux projets de loi. Chacun a pu mesurer néanmoins,
lorsqu'il s'est agi de déterminer les seuils contenus dans le projet de loi
d'aménagement du territoire, que la solution n'apparaîtrait qu'au cours du
présent débat. Bel exemple de coordination, permettez-moi de vous le dire de
nouveau !
Au demeurant, monsieur le ministre, c'est une démarche louable que d'opérer en
faveur de la simplification intercommunale.
Votre projet de loi comporte beaucoup de dispositions allant dans ce sens, et
nous sommes nombreux ici à nous en réjouir. En effet, il est légitime d'aspirer
à plus de transparence dans le fonctionnement des établissements publics de
coopération intercommunale.
Pourtant, au regard de ces objectifs de simplicité et de transparence, la
présence au sein du texte que nous examinons de certaines dispositions
contraignantes me semble inconvenante.
J'ai consulté le dictionnaire de l'Académie française afin de connaître avec
précision le sens du mot « coopération ». Ethymologiquement, ce terme vient du
latin
cooperari,
qui signifie : « faire quelque chose conjointement avec
quelqu'un ». Par coopérer, il faut par conséquent entendre « concourir à une
oeuvre ou à une action commune ». Lorsque le mot « coopération » est employé en
matière économique, il signifie « oeuvre collective fondée sur l'association
dans le travail ». C'est réellement dans cet esprit de communauté d'association
qu'ont été créées et existent aujourd'hui les structures de coopération
intercommunale, qu'elles soient anciennes ou plus modernes.
Malheureusement, je crains, monsieur le ministre, que votre texte ne prenne
pas vraiment en compte cet aspect volontariste. Or la réussite d'une entité
intercommunale dépend vraiment de la volonté d'adhésion des communes
concernées.
A cet égard, les majorités qualifiées prévues me semblent - mais peut-être mon
opinion est-elle déviante ? - insuffisantes.
Je rappelle en effet, et cela est important, que le risque est de voir des
communes associées au sein d'un établissement public de coopération
intercommunale alors même qu'elles auront rejeté l'offre d'association.
Qu'il faille en passer par là dans certaines hypothèses, soit. Mais, à mon
sens, ce cas ne peut et ne doit être qu'exceptionnel, car aucune coopération ne
saurait être efficace si elle intervient sous la contrainte.
Vous avez cité, monsieur le ministre, le taux de 50 % de communes adhérant à
ce jour à un organe de coopération à fiscalité propre. Le département de
l'Aisne, que je représente ici avec d'éminents collègues, s'enorgueillit du
fait que 85 % de ses communes se trouvent dans cette situation. C'est la
conséquence du fait que, aucun schéma contraignant n'ayant été adopté, la
création des structures s'y est faite dans une totale liberté et le plus
souvent sur des projets communs réels.
C'est pourquoi j'accueille avec beaucoup de scepticisme les missions que le
Gouvernement souhaite désormais confier au préfet en matière
d'intercommunalité. Que le représentant de l'Etat soit à l'initiative de
certaines créations, pourquoi pas ? Une telle démarche peut se révéler
intéressante si elle revient à apporter une forme d'assistance ou de conseil
aux communes concernées par cette éventuelle structure.
En revanche, que le préfet dispose d'un pouvoir discrétionnaire en ce domaine,
c'est remettre en cause la légitimité des élus et, surtout, vider de son sens
le terme « coopération », qu'il faudrait, à ce moment-là, remplacer par
l'expression « association forcée ». Et je pèse mes mots, monsieur le ministre
!
Les commissions départementales de coopération intercommunale ont un rôle à
jouer. La commission des lois du Sénat en a tenu compte en prévoyant qu'elles
auraient un avis à émettre lorsque la fixation du périmètre de l'EPCI serait
diligentée par l'Etat.
Je souhaite que nous allions plus loin et que nous exigions que cet avis soit
conforme, de façon que l'initiative d'Etat ne puisse être exercée en
contradiction avec les orientations souhaitées par les élus locaux, seuls
responsables devant la population.
Cette disposition, qui figure à l'article 21, n'est pas la seule à susciter
des inquiétudes. Ce même article, monsieur le ministre, n'exclut pas, en fait,
qu'une commune déjà membre d'un EPCI à fiscalité propre puisse être intégrée
contre son gré dans un nouvel établissement, et ce alors même, d'une part, que
l'article 18 interdit à une commune d'appartenir à plus d'un EPCI à fiscalité
propre à la fois et, d'autre part, que le départ de cette commune risque de
déséquilibrer ou de détruire la construction commune préalablement réalisée
avec d'autres collectivités, dont on la contraint de divorcer.
Pour être franc, mes craintes ne se limitent pas aux incohérences que je viens
d'évoquer. Elles sont parfois plus profondes.
Si les communautés d'agglomération devaient être amenées à rencontrer un réel
succès, la création de ces nouvelles structures entraînerait presque
automatiquement des conséquences néfastes à l'encontre des structures de taille
plus modeste.
Comment en effet ne pas craindre l'attraction résultant de la création d'une
communauté d'agglomération sur les communes périphériques ? Je redis que ces
dernières, qui adhèrent quelquefois d'ores et déjà à une communauté de
communes, vont voir par leur migration détruire tout un équilibre local
péniblement construit depuis ces dernières années. Il y a là un point important
sur lequel je me permets d'insister.
La loi d'orientation de 1992 avait créé la communauté de villes. Ainsi que
notre rapporteur l'a rappelé, cette structure n'a suscité que peu d'engouement,
essentiellement en raison des contraintes juridiques qui en accompagnaient la
constitution.
Le Gouvernement nous propose de la supprimer pour y substituer une communauté
d'agglomération, en espérant qu'elle rencontrera plus de succès. Cependant, si
nous adoptions l'article 1er sans modification, nous refuserions d'office que
certains départements voient naître cette nouvelle structure en raison de
l'absence en leur sein d'une commune-centre de plus de 150 000 habitants. C'est
un des aspects négatifs du texte. L'autre aspect est que certaines villes têtes
de vrais bassins de vie - de vrais « pays », au sens du texte qui est par
ailleurs en discussion - ne pourront avoir accès à cette amélioration, et cela
faute de banlieue ! Au moment où les banlieues posent les problèmes que l'on
sait, c'est tout de même un comble !
Or c'est ce manque de souplesse qui a tué dans l'oeuf les communautés de
villes. Prenons garde à ne pas rééditer la même erreur !
Ce manque de souplesse se manifeste également dans la dévolution des
compétences confiées aux communautés d'agglomération. Le système progressif qui
est suggéré par notre rapporteur me semble beaucoup plus près de la réalité.
Cette question des compétences renforce mon hostilité à un rôle excessif du
préfet. Force est en effet de noter à la fois leur étendue et leur flou.
Je ne prendrai qu'un exemple, celui du réseau routier, qui doit être d'«
intérêt communautaire ». Qui sera juge final de cet intérêt ? Et quelles seront
les voies de recours en cas de contestation ? Et
quid
des communes déjà
regroupées pour leur voirie au sein de SIVOM ou de SIVU, ce qui aboutit à une
double délégation de compétences ? J'aimerais beaucoup obtenir des réponses
claires à ces questions.
Pour ce qui concerne la désignation des délégués des communautés urbaines,
disons-le franchement, le texte tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale
est inapplicable.
Je comprends le souhait exprimé par l'Assemblée nationale : instaurer plus de
démocratie. Mais le système du petit signet sur les bulletins de vote me semble
aventureux, d'autant que, si chaque liste met tous les signets en tête de
liste, on se retrouvera, une fois les conseils municipaux élus, à n'avoir que
des conseillers municipaux destinés à siéger au sein de l'instance
intercommunale. Comment fera-t-on le tri ? Où est la transparence ? Tout cela
est un peu étonnant !
Bien sûr, je comprends qu'il s'agit d'introduire plus de transparence dans des
instances qui ont une autorité fiscale, mais je crois qu'il est encore trop tôt
pour procéder ainsi.
Mes chers collègues, nous mesurons quotidiennement les difficultés liées au
processus même de la décentralisation, qui est néanmoins indispensable ;
n'allons pas troubler complètement les images en cours de route ! Des
confusions existent d'ores et déjà dans l'esprit de nombreux électeurs au sujet
des compétences exercées par les collectivités décentralisées. Nous sommes en
train de les empiler comme si nous confectionnions un mille-feuilles, le
ministre de l'intérieur tenant le rôle du pâtissier et nous celui du gâte-sauce
!
(Sourires.)
Je ne suis pas certain que ce soit la voie sur laquelle nous
devions nous orienter si nous voulons être constructifs.
Il reste que l'applicabilité de l'ensemble du texte repose sur une profonde
modification des règles fiscales. Bien entendu, nous touchons là à
l'essentiel.
La taxe professionnelle unique constitue vraisemblablement un moyen efficace
d'atteindre les objectifs que vous visez, monsieur le ministre, surtout dans
les agglomérations denses.
Cependant, est-il raisonnable de faire de cet impôt, que d'autres textes
commencent tout doucement à vider de sa substance, surtout au détriment des
futures implantations - qui n'auront pas, en particulier, de référence «
main-d'oeuvre » - le pivot, sinon le but réel, de la réforme ? Nous retrouvons
là une de ces incohérences de conception dont j'ai relevé l'existence au début
de mon propos.
Pour autant, le mode de prélèvement devra requérir une adhésion pleine et
entière des entités concernées.
A cet égard, je partage l'avis de la commission des finances quant au caratère
prématuré de la date choisie pour l'instauration du régime de droit, surtout
avec l'influence excessive du préfet, que j'ai dénoncée tout à l'heure.
La présence de ces dispositions fiscales m'incite à rappeler une nouvelle fois
que le succès de l'intercommunalité réside dans l'acquiescement des élus au
projet de réforme. Les mesures proposées ne pourront être mises en place que
progressivement, et avec l'assentiment de chacun.
S'agissant de la DGF, je me réjouis que soit révisé le mode de calcul du
coefficient d'intégration fiscale pour chasser l'intercommunalité d'aubaine au
profit de l'intercommunalité de projet - sur ce point, je n'ai jamais varié -
d'autant que l'Assemblée nationale a tenu compte des délégations de second
ordre, de nature opérationnelle, à des organismes de coopération de dimension
supérieure.
Mais la réévaluation proposée par le Gouvernement, légèrement modifiée par
l'Assemblée nationale, n'est pas réellement satisfaisante : ni par son
financement ni par sa nature. D'un côté, des groupements percevraient 250
francs par habitant, tandis que d'autres verraient ce montant s'élever «
généreusement » de 123 francs à 150 francs. Je parle sous le contrôle du
président du comité des finances locales.
Franchement, cette disparité de traitement n'est pas acceptable. On peut
comprendre que la dotation allouée aux communautés d'agglomération soit
supérieure à celle dont bénéficieraient les communautés de communes en raison
de l'étendue des compétences exercées, mais dans le flou et dans des conditions
discutables. Cependant 100 francs d'écart, c'est vraiment trop !
Monsieur le ministre, la coopération intercommunale est un élément de progrès
dans l'aménagement de notre territoire, dans la vie de nos communes, personne
ne le nie. Mais elle doit être pensée en ayant en permanence à l'esprit les
aspirations de nos communes.
Certaines des dispositions du texte que vous nous présentez ne répondent pas à
cet objectif.
Nos commissions, plus particulièrement nos rapporteurs, qui ont effectué un
travail impressionnant, nous proposent aujourd'hui un projet de réforme qui
comble de nombreuses lacunes - nous essaierons individuellement d'améliorer le
texte ici ou là - et qui traduit une réelle volonté d'impliquer l'ensemble des
acteurs de la vie communale et le Sénat tout entier.
Aussi, avec la majorité des collègues de mon groupe, apporterai-je mon soutien
au texte issu des travaux de notre assemblée si elle suit ses rapporteurs.
Je souhaite que la compréhension entre le ministre de l'intérieur, qui a en
charge les collectivités locales, et le Sénat, encore grand Conseil des
communes de France, avant de devenir peut-être le « petit Conseil des grandes
collectivités »,...
M. le président.
Quelle belle formule !
M. Paul Girod.
... soit la plus large et la plus profonde possible. C'est pourquoi, monsieur
le ministre, je vous le dis, renoncez à l'application de l'urgence.
Ecoutez-nous, laissez s'ouvrir le dialogue, et nous ferons ensemble un travail
constructif. C'est, je crois ce que nous souhaitons sur toutes les travées de
cet hémicycle.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un
titre de projet de loi prometteur puisqu'il est question de renforcement et de
simplification !
Loi de simplification ? Permettez-moi d'en douter !
S'agissant du nombre de structures, la simplification est assez modeste
puisque la DGF d'intercommunalité devra être partagée entre six types de
groupements à fiscalité propre.
Quant à la simplification des outils, elle est aussi un peu illusoire, car
elle s'exprime dans un jargon obscur. Il est, certes, très commode de parler de
l'article 1609
nonies
C, mais il faudrait au moins savoir s'il s'agit de
taxe professionnelle unique, de taxe professionnelle d'agglomération, de taxe
professionnelle unifiée d'agglomération. Même nos excellents rapporteurs n'ont
pas totalememt unifié, en ce domaine, leur vocabulaire !
(Sourires.)
S'agit-il d'une loi de modernisation ? Le défi à relever n'est pas
nouveau : l'intercommunalité a été une réussite et une chance pour nos communes
rurales, mais elle se révèle mal adaptée aux zones urbaines. En effet, en
raison de l'évolution des transports, des déplacements domicile-travail, la
ville n'est plus une commune isolée ; elle n'est même plus l'agglomération
bâtie continue. C'est une vaste zone urbaine. Les zones urbaines concernent
aujourd'hui en France 43 millions d'habitants et 13 000 communes !
Là est le défi, parce que nous voulons, dans ces zones, conserver aux communes
leur caractère de lieu de vie et d'intégration sociale mais nous ne voulons pas
nier leur appartenance à une aire intégrée économiquement.
Or, jusqu'à présent, en tant que législateur, nous avons très largement échoué
: avec la communauté urbaine, avec la communauté de villes, un peu moins avec
le district. La question se pose de savoir si nous réussirons mieux avec la
communauté d'agglomération, qui est apparemment très proche de la communauté de
villes ?
J'examinerai d'abord rapidement le problème de la cohérence du concept de
communauté d'agglomération pour ensuite souligner les difficultés que présente
son application.
Monsieur le ministre, votre projet de base, à savoir la communauté
d'agglomération, est-il cohérent ?
Ce projet s'appuie sur un socle fiscal, la taxe professionnelle unique. Je
crois - et je partage à cet égard le point de vue que vous avez énoncé ce
matin, monsieur le ministre - que la taxe professionnelle unique est la
condition nécessaire de survie de la taxe professionnelle, c'est-à-dire d'un
impôt local assis sur les activités économiques.
Or, actuellement, en zone urbaine, il faut bien le reconnaître, du fait de la
parcellisation communale, on voit apparaître des sortes de « trous noirs »
communaux où s'engouffrent les entreprises à la recherche d'un taux bas de taxe
professionnelle. Un processus cumulatif s'enclenche, de telle sorte que les
retombées fiscales, au lieu de profiter à l'ensemble de l'agglomération, unité
économique, bénéficient seulement à quelques communes, au détriment, bien
entendu, d'autres qui abritent les salariés de ces entreprises.
Il est certain que, si nous ne savons pas résoudre ce problème, c'est M. Joxe
qui aura raison. C'est le Conseil des impôts qui triomphera. Ce sera la fin de
la taxe professionnelle, qui sera transformée en une dotation d'Etat. Ce sera
donc la fin des libertés communales parce qu'il n'y a pas de liberté sans
compétences, certes, mais surtout sans ressources.
En aire urbaine, l'unification de la taxe professionnelle est cependant
beaucoup plus difficile à réaliser qu'en zone rurale.
Un point me semble n'avoir jamais été souligné dans ce débat. Qui va supporter
le choc de la taxe professionnelle ? Les entreprises ! Certes, certaines
entreprises, particulièrement les entreprises localisées dans les
centres-villes fortement imposés - banques, compagnies d'assurance, services à
haute technicité - verront le taux de leur taxe professionnelle diminuer. Très
nombreuses seront cependant celles qui verront le taux de leur taxe
professionnelle s'accroître ; ce sera notamment le cas des industries des zones
périphériques.
Il faut être extrêmement attentif au fait qu'une progression annuelle de 0,5
point de taxe professionnelle ne peut que se traduire, au terme de quelques
années, par un poids extrêmement lourd, de sorte qu'il arrive souvent que les
entreprises finissent par quitter les zones urbaines ; je l'ai constaté très
fréquemment en Ille-et-Vilaine.
Tout cela emporte naturellement certaines conséquences sur la délimitation des
communautés d'agglomération. Je suis tout à fait d'accord pour qu'il n'y ait
pas d'enclave et que la communauté soit d'un seul tenant en pôle urbain. Mais,
monsieur le ministre, il faut éviter - et j'ai préféré les propos que vous avez
tenus ce matin à ceux que vous avez tenus dans d'autres enceintes - que le
périmètre de la communauté d'agglomération soit systématiquement calqué sur
celui de l'aire urbaine tout entière.
La communauté d'agglomération ne doit pas phagocyter toutes les zones
périurbaines, en particulier les commaunautés de communes qui ont pu encercler
le noyau central de l'agglomération. Je pense qu'il faut d'ailleurs laisser
subsister un décrochage de taux de taxe professionnelle entre le centre de
l'agglomération, d'une part, et la zone périphérique, d'autre part, ne
serait-ce que dans une perspective d'aménagement du territoire.
Ce pouvoir fiscal immense que nous donnons à la communauté d'agglomération, à
quoi servira-t-il ? Notre excellent rapporteur a dit qu'il fallait créer une
intercommunalité de projet ; j'ajouterai qu'il faut instituer une
intercommunalité de solidarité.
Intercommunalité de projet ? Oui, bien sûr, et les deux premières compétences
obligatoires données aux communautés d'agglomération, qui concernent le
développement économique de l'agglomération, sont parfaitement logiques. Mais
il ne faudrait pas que, pour les autres compétences, la notion d'intérêt
communautaire soit galvaudée. Il ne faudrait pas que l'on fasse progressivement
remonter toutes les compétences au niveau de la communauté. Là comme ailleurs,
il faut respecter le principe de subsidiarité.
Quand je vois remonter au niveau de la communauté des compétences comme les
équipements scolaires, je m'interroge réellement sur cette notion d'intérêt
communautaire. Il n'y a intérêt communautaire que lorsque les effets des
équipements et des services qu'ils fournissent débordent les limites d'une
commune et intéressent la totalité de l'agglomération. Je souhaiterais que,
lors de nos débats, ce point puisse être précisé.
A côté de l'intercommunalité de projet, l'intercommunalité de solidarité me
paraît essentielle. Il se trouve que mon département est en quelque sorte un
laboratoire de la taxe professionnelle unique puisque onze communautés - depuis
le district de Rennes, qui a une certaine couleur politique, jusqu'à la
communauté du pays de Redon, qui en a une autre - regroupant 150 communes et
500 000 habitants, ont adopté cette taxe.
On perçoit très bien les raisons qui ont amené les maires de toutes ces
communes à s'associer. Cette réussite s'explique parce que la taxe
professionnelle unique a été ressentie comme la traduction de ce que
j'appellerai une « solidarité réduite aux acquêts ». Chacun conserve ce qu'il a
- la dotation de compensation - mais tout le monde partage ce qu'apporte le
développement.
Quand, le long d'une route à quatre voies - nous avons la chance d'en avoir un
certain nombre en Ille-et-Vilaine - les communes s'accordent pour créer une
zone d'activités unique, elles le font parce qu'elles savent très bien qu'une
partie substantielle de cette taxe professionnelle supplémentaire sera répartie
entre elles. Par conséquent, une solidarité réelle se crée, ce qui explique
aussi la réussite de la taxe professionnelle unique. Il s'agit non pas
uniquement de transférer des compétences à l'échelon supérieur, mais aussi de
partager.
La condition de la réussite a été très bien mise en valeur par la commission
des lois. Pour arriver à un résultat substantiel en ce domaine, toute réforme
des compétences doit se faire de façon progressive. L'intercommunalité vécue
exige un apprentissage. C'est l'apprentissage par la pratique, comme disent les
économistes.
Les différentes communes doivent s'apprivoiser. Cela ne se réalise pas du jour
au lendemain et le transfert progressif des compétences comme le propose M. le
rapporteur, quand l'intérêt communautaire le justifie, de l'échelon communal à
l'échelon supérieur, est le gage de la réussite.
Je souhaite maintenant aborder de façon constructive les difficultés que me
semble soulever la mise en place de ces communautés d'agglomération, sur le
plan, d'abord, des mesures incitatives et, ensuite, de la fiscalité mixte.
Vous avez préféré l'incitation à la contrainte. Je suis tout à fait d'accord
avec cette démarche. Apparemment, ces mesures incitatives sont importantes
puisque la DGF d'intercommunalité est abondée de 500 millions de francs par an
et que les communautés d'agglomération capteront les ressources des fonds
départementaux de la taxe professionnelle, par suppression de l'écrêtement des
établissements dits « exceptionnels ».
Permettez-moi, cependant, de m'étonner que ces mesures incitatives soient
pérennes.
Nous nous heurtons à de nombreuses difficultés tenant aux effets de seuil,
dont nous allons débattre. Mais pourquoi, par exemple, maintenir indéfiniment à
250 francs le montant moyen par habitant de la DGF versée à la nouvelle
catégorie de communautés d'agglomération ? Lorsqu'on amorce une pompe, il me
paraît effectivement opportun d'aider à effectuer le passage, mais ces mesures
incitatives, qui sont actuellement centrées sur les zones urbaines, ne doivent
pas devenir pérennes.
M. Pierre Fauchon.
Très juste !
M. Yves Fréville.
Il n'y a aucune raison, dans le système définitif, d'avoir un écart de 1 à 4
entre la communauté urbaine, qui percevra en moyenne 400 francs, et la
communauté de communes, qui percevra en moyenne 100 francs, alors que, pour
l'ancienne DGF forfaitaire, l'écart était limité de 1 à 2,5.
Je suis favorable aux mesures incitatives, mais je voudrais que soit, ensuite,
instauré un régime de croisière qui tiendrait compte, suivant des principes
pour tous identiques, du coefficient d'intégration fiscale et du potentiel
fiscal éventuellement stratifié. J'accepte parfaitement la stratification par
taille de groupement parce que les besoins ne sont pas les mêmes pour les
métropoles et pour les petites agglomérations, mais il faut véritablement
raisonner de manière globale, et non pas type de groupement par type de
groupement.
Ces mesures incitatives devraient être également transitoires parce que,
logiquement, si l'on crée des communautés d'agglomération, ce n'est pas pour
avoir des dépenses supplémentaires, bien au contraire.
Quand on parle de fusion - j'emploierai, pour ma part, les mots «
consolidation intercommunale » afin de ne pas donner au terme « fusion » la
signification qu'il a juridiquement - c'est, en principe, pour obtenir des
économies d'échelle, des coûts plus bas, et non pour nourrir des structures
administratives coûteuses. Dans cet esprit, il faudrait réexaminer assez
rapidement le système incitatif dans un cadre plus global.
Par ailleurs, si nous adoptons un système de financement uniquement incitatif,
de très nombreuses communes seront perdantes, alors qu'elles sont allées
jusqu'au stade de la fusion. Permettez-moi de prendre l'exemple du Grand
Saint-Malo : trois communes de 20 000 habitants ont fusionné, avant 1971. Dans
ce cas, une communauté d'agglomération ne se justifie pas nécessairement.
Pourquoi, dès lors, des communes qui ont compris, d'elles-mêmes, quel était
leur intérêt seraient défavorisées par rapport à celles qui créent une
intercommunalité d'aubaine ? Je m'explique mal cette disparité de
traitement.
Puisque vous avez choisi un système d'incitations financières, vous avez été
bloqué, pour la définition des seuils de 50 000 ou de 500 000 habitants, qui
sont de ce fait arbitraires, par le montant du budget que vous aviez à votre
disposition. Si l'on se réfère à la délimitation des aires urbaines de l'INSEE,
qui a réalisé un travail extrêmement intéressant, on s'aperçoit qu'il n'y a pas
de frontière pour les zones urbaines à 50 000 habitants. Il est simplement
question d'un bassin d'emploi autour d'un pôle urbain de plus de 5 000 emplois.
Si vous avez fixé un seuil de 50 000 habitants, c'est naturellement parce que
vous y avez été contraint par le budget limité dont vous disposiez et je suis
d'accord pour qu'il en soit ainsi, à condition que telle soit bien la
justification.
Or, faute de sources de financement très importantes, vous êtes
automatiquement amené à faire payer une partie de ce système incitatif par les
communes elles-mêmes. C'est là que réside l'anomalie. M. Michel Mercier l'a
fort excellemment souligné ce matin en évoquant la DGF et la reprise de la
dotation de compensation de la taxe professionnelle créée en 1986 et qui a subi
de multiples rabotages depuis.
Cela vaut aussi pour les fonds départementaux de la taxe professionnelle.
Prenons un exemple. L'écrêtement des établissements exceptionnels dans les
grandes agglomérations est supprimé. Fort bien ! Prenons le cas d'une usine
employant 10 000 ouvriers, implantée en zone urbaine, et dont les deux tiers
des salariés habitent en zone rurale
Grosso modo,
les deux tiers de la
taxe professionnelle étaient reversés aux communes de cette zone rurale. Si
vous supprimez l'écrêtement, la zone urbaine en percevra l'intégralité et les
commune rurales perdront autant.
Je sais, monsieur le ministre, que des mesures transitoires ont été prises à
l'Assemblée nationale. J'espère qu'elles seront efficaces. Il n'en reste pas
moins que le principe de suppression de l'écrêtement n'est guère
satisfaisant.
Les dernières difficultés tiennent à l'apparition de deux systèmes fiscaux
locaux fonctionnant en parallèle dans notre pays. Nous aurons, d'un côté, une
fiscalité additionnelle et, de l'autre côté, la taxe professionnelle unique
avec fiscalité mixte. Il est très difficile de faire fonctionner, notamment en
matière de péréquation, un tel système dual. Je voudrais vous citer quelques
exemples.
Comment concilier, par exemple, l'existence d'une forte solidarité locale, qui
est très appréciée et souhaitable, avec les règles de péréquation nationale
?
Examinons, par exemple, les modalités de calcul du potentiel fiscal d'une
commune, problème qui n'a pas été abordé dans ce projet de loi. Nous savons
tous, sans entrer dans les détails, que, dans nombre de mécanismes de
péréquation, le potentiel fiscal est déterminant.
Or, quand des usines s'implantent dans une commune qui joue le jeu de
l'intercommunalité avec TPU, tous les suppléments de base aussi générés
profitent non plus à cette dernière, mais à la communauté de communes. Il
m'empêche, monsieur le ministre, qu'avec la définition actuelle du potentiel
fiscal vous allez continuer à calculer la richesse de la commune comme si elle
ne participait pas à l'effort de solidarité. Il est totalement impossible
d'expliquer une telle réglementation à un maire même pétri de bonnes intentions
à l'égard de l'intercommunalité.
M. Philippe François.
Absolument !
M. Yves Fréville.
Voilà un exemple ! Prenons-en un autre en sens inverse.
Si un groupement bénéficie d'un reversement du fonds départemental de la taxe
professionnelle, ces sommes, qui peuvent atteindre des montants considérables,
ne lui sont pas comptées dans son potentiel fiscal.
En d'autres termes, le Gouvernement n'a pas été jusqu'au bout de sa logique
parce qu'il n'a pas pris en compte dans les mécanismes de péréquation de l'Etat
cette solidarité locale, ce qui est regrettable.
En ce qui concerne la fiscalité mixte, je dirai brièvement, car le temps m'est
compté, qu'il est tout à fait opportun de veiller à ce que le recours à cette
fiscalité, lorsqu'il est nécessaire, ne soit pas une façon d'accroître la
pression fiscale. A cet égard, l'amendement proposé par la commission des
finances en matière de liaison des taux est très satisfaisant.
S'il est nécessaire, dans certains cas, de recourir à la taxe d'habitation et
aux taxes foncières, il ne faut pas que la communauté qui y recourt puisse en
profiter pour accroître le taux de la taxe professionnelle. Le maintien de la
liaison avec les seuls taux communaux me semble une mesure de sagesse.
Pour conclure, mes chers collègues, je dirai que la construction de
l'intercommunalité est un processus un peu semblable à la construction
européenne. Il comporte des incertitudes et des risques, mais il doit s'appuyer
sur une vision communautaire forte, à condition que celle-ci soit respectueuse
du principe de la subsidiarité.
A cette fin, il faut faire preuve de souplesse et introduire plus d'équité que
ne le fait le projet de loi. Je m'en suis expliqué en particulier en ce qui
concerne la répartition de la dotation globale de fonctionnement. Enfin, il
faudra faire preuve d'une plus grande audace et revoir un jour les droits
acquis.
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Yves Fréville.
Vous ne le ferez que par la réforme des bases ainsi que par la révision - je
mets les pieds dans le plat - de la dotation de compensation dans les
groupements à TPU.
En effet, il n'est pas nécessaire que certains avantages jadis accordés soient
indéfiniment pérennisés, d'autant que l'inflation ne vient plus corriger
certaines situations aberrantes.
Il s'agit peut-être là d'une vision d'avenir. En attendant, vous nous proposez
une modernisation bien sûr plus modeste, monsieur le ministre, rendue plus
acceptable, grâce aux travaux des commissions, que la version qui nous vient du
Palais-Bourbon.
J'espère, monsieur le ministre, que vous serez ouvert aux propositions très
raisonnables de notre commission et du groupe de l'Union centriste.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
(M. Paul Girod remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui
est soumis à notre discussion vient à point nommé. Nous l'attendions, d'une
certaine manière, et même nous le souhaitions car, effectivement, le dispositif
de la coopération intercommunale n'est pas toujours cohérent, a été parfois mal
appliqué, est quelquefois redondant et reste insuffisant.
Ce dispositif n'est pas toujours cohérent, car la loi de 1992, probablement
adoptée dans l'urgence, comprend des dispositions floues, qui ont gêné maintes
fois les commissions départementales de coopération intercommunale, ne
serait-ce que du fait de l'absence de définition du contenu du périmètre des
établissements publics de coopération intercommunale. Ainsi a-t-on pu observer
parfois des communautés de communes « en archipel », dont la logique s'éloigne
des stricts critères économiques et qui ressortissent plutôt à des affinités
politiques.
A cet égard, j'apprécie qu'ait été affirmé dans le texte que vous nous
soumettez, monsieur le ministre, le principe de continuité territoriale, même
si, comme d'autres orateurs, je suis plus réservé sur l'exigence affirmée d'un
territoire sans enclave. Le propre d'une enclave n'est-il pas en effet,
finalement, de disparaître avec le temps ?
On pourrait ajouter d'autres exemples d'imprécisions qui appelaient un nouveau
texte, qu'il s'agisse de celui qu'avait préparé M. Dominique Perben ou du
vôtre.
Si votre texte est bienvenu, monsieur le ministre, je dois préciser que je ne
comprend pas pourquoi - cela a été dit à plusieurs reprises - le Gouvernement a
choisi, sur un thème aussi essentiel qui ne saurait être soumis à des
impératifs conjoncturels et qu'aucun événement majeur n'impose, la procédure de
l'urgence. Vous le savez, monsieur le ministre, on ne légifère pas bien dans la
précipitation et, faute de nous donner le temps de la réflexion et de l'étude
approfondie, votre texte entraînera par nécessité la rédaction d'un nouveau
texte de simplification, ce qui laisse du travail pour vos successeurs.
Si le dispositif actuellement en vigueur n'est pas toujours cohérent, je tiens
aussi à témoigner qu'il n'a pas toujours été bien appliqué. Pour avoir observé
la pratique du contrôle de légalité en ce domaine dans un échantillon
représentatif de départements, je suis étonné de l'autorisation qui a été
donnée à certains montages en dépit des principes fondamentaux de notre
droit.
Quand j'observe, par exemple, que l'article 66 du projet de loi précise que
doivent être exclues du calcul du coefficient d'intégration fiscale les
dépenses dites « de transfert », je me dis qu'il est quand même étonnant qu'un
texte de loi se borne à confirmer la loi si ce n'est pour rappeler que cela n'a
pas toujours été le cas.
Il n'en demeure pas moins que ce qui a pu être fait ici avec une prime de DGF
n'a pu être autorisé ailleurs, et que s'il a été judicieux, dans certains
départements et à une certaine époque, de procéder de cette manière, il a été
injuste de pénaliser les autres.
Le dispositif en vigueur est, par ailleurs, redondant, car la nature, le mode
de fonctionnement et, souvent, les compétences des districts et des communautés
de communes et de villes sont effectivement proches, comme peuvent se
rapprocher les communautés de communes et les communautés de villes, lorsque
les premières ont adopté, comme la loi le permet, la taxe professionnelle
d'agglomération. C'est une bonne initiative d'avoir fondu en une même
catégorie, les communautés de communes, ces trois formes juridiques
voisines.
Enfin, le dispositif est insuffisant. Entre le système intercommunal très
intégré qu'est la communauté urbaine et le système de communautés de communes
avec fiscalité additionnelle, il manquait sans doute un étage occupé maintenant
par la communauté d'agglomération avec taxe professionnelle unique. On peut
discuter de la place des curseurs dans le système à étages qui va des
communautés de communes aux communautés urbaines, en passant par les
communautés d'agglomération, mais la hiérarchie du moins au plus intégré est
pertinente. L'éventail nouveau des EPCI à fiscalité propre est beaucoup plus
cohérent que l'ancien. Ce n'est pas sur ce point que je vous ferai grief.
Quant à l'architecture que vous proposez pour les EPCI à fiscalité propre, je
suis en accord avec vous, c'est-à-dire que j'approuve l'objet de ce texte.
Toutefois, je remarque qu'il a subi un ravalement révélateur lors de son
passage à l'Assemblée nationale. Alors que, avec honnêteté, vous l'avez
intitulé « projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la coopération
intercommunale », en insistant sur son véritable caractère qui est de favoriser
l'organisation urbaine, à l'Assemblée nationale, les membres de la majorité
gouvernementale, sans changer l'orientation très urbaine du texte, ont modifié
son titre en gommant son particularisme et en le destinant maintenant au «
renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale ». Nos
collègues de la majorité de l'Assemblée nationale ne savent plus ce que c'est
que le parler vrai, que vous pratiquez ; ils se réfugient dans un euphémisme
qui traduit leur embarras face à un texte qui fait la part belle aux villes et
qui marginalise les territoires ruraux.
M. Philippe François.
Parfaitement !
M. Joël Bourdin.
En effet, monsieur le ministre, si je ne conteste pas votre système en trois
catégories d'EPCI à fiscalité propre, je suis réservé sur les conséquences
financières de votre texte et je regrette qu'une étude d'impact n'ait pas été
réalisée à ce sujet. Car si je pressens des déformations dans les modes
d'allocation des ressources financières des communes et de leurs groupements
qu'augmenterait votre texte, je ne suis pas en mesure d'en calculer les
incidences et j'aurais aimé que des simulations fussent effectuées en ce qui
concerne le changement que provoquera ce texte. C'est mon premier grief. A-t-on
réellement le droit de modifier les modes d'allocation de ressources de l'Etat
et de fonds départementaux sans informer la représentation nationale des
conséquences des décisions adoptées ? A-t-on le droit d'introduire, dans un
système aussi sensible, aussi fragile et aussi complexe que les fonds
départementaux des innovations législatives sans en mesurer les conséquences
?
Si votre texte vise un bon objectif, il ne trace pas avec netteté les voies de
l'avenir. C'est au doigt mouillé, sans estimation de ses conséquences sur
l'équilibre des finances des communes et de leurs groupements que vous nous
demandez de nous prononcer. Je le regrette. En effet, s'il est dans notre
mission de modifier le cadre de vie des personnes et des institutions, il est
aussi de notre mission de nous engager en conscience, uniquement par des moyens
dont nous pouvons estimer les conséquences.
A cet égard, si je comprends que vous souhaitiez procéder par des incitations
financières dans votre volonté de pousser les villes à s'organiser au sein de
communautés d'agglomération, quand elles ne sont pas intégrées dans une
communauté urbaine, je ne saisis pas pourquoi vous n'en profitez pas pour
inciter les communautés de communes à se doter d'une TPU avec la même
incitation.
En voulant faire beaucoup pour les communautés d'agglomération et peu pour les
communautés de communes, vous laissez planer le soupçon que vous vous méfiez
des zones rurales. C'est dommage. En effet, l'équilibre de notre territoire,
s'il exige de meilleures conditions et probablement un meilleur financement de
la mutualisation des charges des agglomérations qui aspirent Français et
Françaises, exigerait que soient fournis de plus amples moyens aux communautés
rurales, souvent des communautés de communes, où les Français et les Françaises
préféreraient le plus souvent épanouir leur existence. L'équilibre et l'équité
se conjuguent pour justifier que la dotation moyenne par habitant des
communautés de communes soit relevée au-delà des 150 francs indiqués dans le
projet de loi. Je suis tout à fait en accord sur ce sujet comme sur d'autres
avec le rapporteur pour avis de la commission des finances et avec le
rapporteur de la commission des lois.
Mais allons plus loin. Non seulement votre texte risque de déséquilibrer notre
territoire en intensifiant les flux publics de financement vers les
agglomérations au détriment des communes et des communautés de communes,
notamment par l'intermédiaire des attributions de DGF, mais il risquerait, s'il
était adopté en l'état, de provoquer un véritable détournement des flux des
fonds départementaux de péréquation, au détriment des seules communes
rurales.
Je tiens à développer ces deux arguments car, en l'état, je crains que le
texte qui est soumis à notre délibération n'entraîne des perturbations dans
l'équilibre de nos ressources.
La première crainte est donc que l'émergence des communautés d'agglomération
ne génère un effet de siphon sur les ressources des autres communes. En effet,
la principale des dotations d'Etat attribuées aux communes provient d'une
ressource qui est prédéterminée, la DGF, dont nous pouvons, assez longtemps à
l'avance, prévoir le montant. Dans notre jargon financier, c'est, comme l'a
rappelé M. Michel Mercier tout à l'heure, une enveloppe fermée, qui est
répartie en fonction de critères déterminés, laissant peu de marge de manoeuvre
au comité des finances locales, lequel a pour mission d'en affecter les masses
par catégorie de collectivités locales.
Dans cet exercice de répartition, une hiérarchie est opérée. On prélève
d'abord, concernant les communes, la part réservée à la dotation forfaitaire ;
puis le reste, constituant la dotation d'aménagement, est affecté d'abord à la
dotation des groupements de communes à fiscalité propre ; le reliquat est
destiné à la DSU, la dotation de solidarité urbaine, et à la DSR, la dotation
de solidarité rurale. Je tiens à formuler deux remarques sur ce point.
Premièrement, la dotation destinée aux groupements de communes ne peut pas,
elle, être prédéterminée, car elle dépend du nombre d'EPCI à fiscalité propre
créés dans l'année et de l'évolution de leur coefficient d'intégration fiscale.
C'est, sur le plan mathématique et économique, une variable aléatoire, dont le
montant n'est connu qu'au moment où on effectue la répartition. Deuxièmement,
la part destinée à la DSU et à la DSR est conçue, je le disais tout à l'heure,
comme un reliquat. C'est ce qu'il reste de la dotation d'aménagement quand ont
été dotés les EPCI à fiscalité propre.
Bien avant le dépôt de votre texte sur le bureau de nos assemblées, le comité
des finances locales et son président, M. Jean-Pierre Fourcade, vous ont
alerté, comme ils avaient alerté vos prédécesseurs, sur cette anomalie et cette
incertitude qui pèsent sur la DSU et la DSR.
A fortiori
devons-nous être inquiets quant à la conséquence de votre
texte, qui entraîne mécaniquement un gonflement des ressources destinées aux
EPCI à fiscalité propre. Vous l'avez bien compris, puisque vous avez prévu
d'abonder la DGF d'un montant annuel de 500 millions de francs pendant cinq
ans. Mais le texte prévoit aussi que si cet abondement est insuffisant, ce qui
est probable, au moins après deux ou trois ans, un complément de ressources
sera prélevé - là encore, M. le rapporteur pour avis l'a bien noté - sur la
DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle.
Nous ne nous situons pas dans un jeu à somme nulle. Par conséquent, vous en
êtes conscient, monsieur le ministre, il faut faire appel à une ressource
extérieure pour essayer d'équilibrer les ressources de la DGF.
Je poursuis mon raisonnement. Comme cette ressource extérieure était jusqu'à
présent surtout destinée aux communes, cela signifie clairement que vous
prévoyez qu'une partie des ressources des communes regroupées dans le cadre
d'EPCI type communauté d'agglomération proviendra des autres. En schématisant,
je dirai que votre texte prévoit que les ressources des communes rurales sont
menacées d'être siphonnées pour contribuer au financement des communautés
d'agglomération. C'est un système inique. Peut-on valablement se targuer
d'avoir une politique d'aménagement du territoire quand on organise
l'appauvrissement des communes rurales ?
Ma crainte est, hélas ! renforcée quand j'analyse l'article 56 du présent
projet de loi. L'article 56, tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale,
ne vise en effet rien de moins qu'à exonérer pour l'avenir certains EPCI, à
contribuer aux fonds départementaux ou à geler leurs contributions quant aux
établissements exceptionnels situés sur leur territoire, ou à leur permettre
d'en être plus largement bénéficiaires.
Quand on sait l'apport financier que peut constituer la ressource de
péréquation départementale pour certaines communes rurales qui accueillent sur
leur territoire des personnels d'établissements écrêtés, on doit regarder à
deux fois avant de les pénaliser lourdement, alors qu'elles subissent
réellement des charges induites par la proximité d'un établissement
exceptionnel.
Monsieur le ministre, ce genre d'article pollue votre texte, car il souligne
le caractère néfaste dont on le suspecte à l'endroit des communes rurales.
J'ajoute que, lorsque votre texte prévoit que la part de la DDR - 25 % des
dotations départementales actuellement - affectée aux communes rurales doit
être supprimée, on doit se poser des questions. Le Gouvernement veut-il la mort
lente des communes rurales non regroupées, ou veut-il les forcer toutes à des
regroupements qu'elles ne souhaiteraient pas ? A-t-il décidé de pousser la
France à rassembler sa population dans des agglomérations ? Je ne le crois pas
encore, mais j'ai des doutes. J'aimerais que, à l'occasion du débat qui s'ouvre
maintenant, vous me rassuriez. Bien sûr, le problème n'est pas que je sois
l'élu d'un département plutôt rural, mais j'observe que plus on pousse les gens
à s'agglomérer plus l'insécurité croît et le bien-être social diminue.
Dans un premier abord, j'ai jugé positivement votre texte, du moins quant à
son objet. Après l'avoir analysé et avoir mesuré les conséquences qu'il
entraînerait pour la majorité de nos communes, je suis, vous le sentez bien,
plus dubitatif qu'enthousiaste. J'attends beaucoup de vos réponses, comme
d'ailleurs du vote de certains amendements proposés par les commissions ou par
quelques-uns de nos collègues, pour me forger une opinion définitive et
déterminer mon vote. Mon sentiment est celui de l'ensemble des membres du
groupe des Républicains et Indépendants.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
l'intercommunalité est, selon moi, synonyme d'espace économique et social
cohérent. Qu'il s'agisse des communes rurales ou des communes urbaines, elle
passe impérativement par un espace territorial homogène, par des choix
consentis de compétences, mais surtout par la solidarité et par le renforcement
des identités de chacun.
Monsieur le ministre, votre projet de loi vise clairement à renforcer et à
simplifier la coopération intercommunale. Le renforcement de l'intercommunalité
en milieu urbain et la recherche d'une simplification du régime de la
coopération intercommunale est un souci tout à fait louable. Cependant, il ne
doit pas aboutir à un processus incontrôlable et dommageable de «
réagglomération » de la ville.
Je m'inquiète particulièrement du devenir des communes périurbaines - ou
suburbaines - dont le développement correspond à une volonté forte de leur
population : conserver à deux pas de la ville la qualité de vie irremplaçable
de la campagne.
Monsieur le ministre, je crains que, dans le cadre très précis de ces
communes, les communautés d'agglomération ne viennent rompre cet équilibre
apprécié entre urbain et rural et n'entraînent un regrettable processus de
renforcement de la ville au détriment de son secteur rural périphérique.
Au contraire, il m'apparaît nécessaire de tout mettre en oeuvre pour valoriser
chacun des éléments constitutifs de vos futures communautés d'agglomération et
de renforcer leur identité propre. Il serait dangereux, à mes yeux, de figer
cette identité dans une structure densifiant l'impact urbain - c'est l'esprit
de votre texte de loi - pour lequel la communauté d'agglomération à venir sera
une formule intégratrice et non fédératrice et valorisante de la diversité de
ses composantes.
Vous l'avez compris, je ne voudrais pas qu'au fil du temps les communautés
d'agglomération conduisent à un renforcement administratif de la ville-centre
et à l'apparition, à terme - pourquoi pas ? - de nouveaux pouvoirs politiques
locaux issus uniquement du secteur urbain et contraires aux volontés des
populations. Pourra-t-on, par exemple, éviter qu'apparaisse un jour l'idée
d'élire le maire de la communauté d'agglomération ?
Une communauté de communes en milieu rural et urbain est une communauté
d'intérêt, tandis qu'une communauté d'agglomération peut engendrer un véritable
enjeu politique. En cela, j'adhère parfaitement aux propos qu'a tenus ce matin
le président Jacques Larché, rappelant combien l'initiative communale est
irremplaçable.
Bien entendu, trouver le juste équilibre entre l'indispensable coopération
intercommunale et les dynamiques locales reste l'enjeu essentiel de toute
réforme territoriale.
Mes inquiétudes sont aggravées par le projet de TPU. Certes, c'est au bout
d'un long processus de douze ans que l'on viendrait à l'instaurer, mais ce
projet vient anéantir les immenses efforts qu'au fil des années les élus locaux
ont entrepris pour créer à grand-peine les faibles ressources de leur
territoire communal.
La notion de partage est, certes, essentielle, et nul ne la conteste, mais
cette TPU ne risque-t-elle pas d'entraîner, à terme, de lourds déséquilibres
dans les finances locales des communes péri-urbaines, ainsi que l'ont dit avant
moi de nombreux collègues ?
Alors même que les taxes professionnelles de zone intercommunale, aujourd'hui
mises en place dans les communautés de communes sur des territoires
intercommunaux identifiés, donnent toute satisfaction en préservant les taxes
professionnelles communales, je crains que votre dispositif de TPU ne soit un
repoussoir et n'empêche le passage, pourtant financièrement incitatif, de la
communauté de communes à la commune d'agglomération.
Monsieur le ministre, en conclusion, je souhaite que ces communes périurbaines
ne soient pas absentes de vos réflexions et, à cet instant de notre débat, je
ne peux soutenir votre texte, car il ne m'apporte pas encore d'apaisement sur
ce sujet.
M. le président.
La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'importance
du texte aujourd'hui soumis à notre examen ne peut échapper à personne. Il sera
l'occasion pour le Sénat de s'acquitter de son rôle constitutionnel de Grand
conseil des communes de France.
Monsieur le ministre, nous prenons acte de votre décision de déclarer
l'urgence sur ce projet de loi, mais nous la regrettons vivement sur un texte
aussi important pour les collectivités locales, dont la technicité nécessitait,
à l'évidence, un examen approfondi.
En préambule, il convient de rappeler que la France possède une longue
expérience de l'intercommunalité. Attaché à la diversité communale, notre pays
a développé ces dernières années des formes variées de coopération, ouvrant de
multiples possibilités d'exercice en commun des compétences locales.
Sur le fond, le groupe du Rassemblement pour la République a exprimé un avis
plutôt favorable sur le texte soumis à notre examen, puisque celui-ci reprend
les grandes lignes des propositions qui avaient été élaborées en 1997 par M.
Dominique Perben, au nom du gouvernement de l'époque.
Rappelons que les objectifs étaient, d'abord, de simplifier le paysage
institutionnel ; ensuite, de favoriser la taxe professionnelle d'agglomération
sans pour autant systématiser les dispositifs à taxe professionnelle unique ;
enfin, de mieux répartir la dotation globale de fonctionnement. Ces trois
objectifs prioritaires, votre texte, monsieur le ministre, ne les a, à
l'évidence, pas tous fait siens.
Ainsi, monsieur le ministre, vous prétendez que votre projet procéderait à une
simplification en supprimant soixante et onze articles du code général des
collectivités territoriales. Hélas ! la simplification n'est ni une simple
affaire d'arithmétique ni un simple toilettage des codes. Il faut aller plus
loin, et je ne suis pas sûr que le texte adopté à l'Assemblée nationale aille
dans le sens de la simplification.
Certes, il est proposé de substituer aux types de structures existants trois
catégories d'établissements publics. Mais je dois avouer ma crainte, face à la
complexité de certaines dispositions adoptées par les députés, de voir
localement des volontés intercommunales freinées par tant d'obstacles.
Nous partageons avec vous le souci de ne pas opposer le milieu urbain et le
milieu rural à l'occasion du renforcement de la coopération intercommunale.
Mais force est de constater que le Gouvernement a plutôt une vision très
urbaine de la société, que nous ne partageons pas.
Il n'est pas possible de justifier la création des communautés d'agglomération
ou la modification du statut des communautés urbaines par le prétendu retard
qui aurait été pris par le secteur urbain en termes d'intercommunalité. Pour
nous, il s'agit d'une vision déformée de la réalité.
Si, en milieu urbain, les communes ont opté pour des formules
d'intercommunalité plutôt créées à l'origine pour le milieu rural, comme les
communautés de communes, c'est bien en raison du caractère inadapté des EPCI
mis en place pour le milieu urbain.
Avec les obligations qui entourent la constitution des communautés
d'agglomération et le caractère contraignant des dispositions présidant à leur
fonctionnement, on prend le risque d'assister à la même désaffection que celle
qu'ont connue les communautés de villes, dont le nombre n'a jamais excédé
cinq.
Sur le plan tant institutionnel que fiscal, c'est la liberté de choix pour les
élus locaux qui oeuvre en faveur de l'amélioration de l'intercommunalité. La
coercition, la volonté d'imposer sont des voies qui ont montré leurs
limites.
Pour illustrer mon propos, je prendrai plusieurs exemples.
La continuité territoriale et l'absence d'enclave imposées tant aux
communautés d'agglomération qu'aux communautés de communes nous semblent
constituer des freins plutôt que des incitations au développement de
l'intercommunalité.
En effet, dans un certain nombre de cas, ce qu'il est convenu d'appeler les
égoïsmes municipaux, que chacun connaît bien, empêcheront la réalisation de la
continuité ainsi imposée. L'existence de ceux-ci et le caractère trop rigoureux
du projet de loi bloqueront les initiatives et empêcheront les volontés de
regroupement de s'exprimer véritablement.
Bien sûr, nos collègues députés n'ont pas manqué d'imagination en créant ce
qu'ils ont pudiquement appelé une « procédure dérogatoire » tendant à étendre
le périmètre d'une communauté d'agglomération. Cette procédure, même
exceptionnelle, ne peut cependant être retenue puisqu'elle revient à intégrer
contre son gré une commune dans une communauté d'agglomération. Elle porte donc
atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités
territoriales.
Notre groupe s'est opposé à cette procédure dérogatoire, ainsi qu'à celle qu'a
adoptée l'Assemblée nationale pour les communautés urbaines.
Dans la même logique, qui consiste à faire prévaloir la libre décision sur la
contrainte, notre groupe proposera de supprimer l'obligation de continuité
territoriale. Nous pensons que l'intercommunalité ne peut se mettre en place
qu'avec les communes, et non pas contre elles. Il convient donc de permettre
aux collectivités locales d'évoluer à leur rythme, au sein d'un maillage de
structures plus compréhensible. L'adhésion de nos concitoyens permettra alors
d'engager la véritable réforme de l'Etat.
Libérées du carcan dans lequel elles sont contenues, les initiatives venant de
la base pourront alors s'exprimer, comme l'a appelé de ses voeux le Président
de la République dans son discours de Rennes.
S'agissant du volet institutionnel, nous nous sommes longuement interrogés sur
les modalités de sortie des membres d'un EPCI. Certes, il convient de prévoir
un certain nombre de garde-fous permettant d'éviter des départs irréfléchis que
l'on regrette ensuite. Mais, pour certains cas spécifiques, je pense
souhaitable d'instaurer une procédure plus souple.
Actuellement, il suffit que l'EPCI de départ s'oppose à la sortie d'une
commune pour que la situation soit définitivement bloquée. Ainsi, afin de
résoudre cette difficulté, nous proposerons que cette sortie puisse être
acceptée après avis de la commission départementale de coopération
intercommunale et sur décision du préfet, à la seule condition que la commune
concernée intègre un autre EPCI. Les blocages de pure opportunité pourront
alors être évités.
Un sujet me tient particulièrement à coeur, monsieur le ministre, celui du
coefficient d'intégration fiscale. J'en viens ainsi aux dispositions
financières du texte.
Dans un souci toujours louable de simplification, les auteurs du projet de loi
se sont fixé pour objectif de mettre fin aux excès parfois constatés en matière
de relèvement artificiel du CIF par des dépenses de transfert ne correspondant
pas à des compétences effectivement exercées. A cette fin, le texte prévoit
d'exclure ces dépenses du calcul du CIF.
La proposition sur laquelle nous avons travaillé a le mérite de la simplicité.
Elle consiste à ne retenir, au titre des dépenses de transfert entrant dans le
calcul du CIF, que les seules dépenses faites au profit d'un organisme
bénéficiant de la dotation globale de fonctionnement.
Un autre avantage - et c'est sans doute le principal - serait d'empêcher toute
tentative du ministère de l'économie et des finances de multiplier, au fil des
années, le nombre des dépenses de transfert à exclure du calcul du CIF, dans le
dessein de vider finalement celui-ci de toute sa substance et de compliquer
ainsi le système.
Qui dit complication dit contrôle et surcroît de travail pour les personnels
des mairies, des sous-préfectures et des préfectures, sans que le système en
soit amélioré pour autant.
Prenons garde, pour le CIF, de ne pas nous laisser enfermer dans la logique
qui a prévalu pour le fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA.
Sur ce point, souffrez que je préfère la simplicité et l'efficacité de notre
proposition au service des collectivités locales et des EPCI à l'opacité et à
la complication proposées par l'Assemblée nationale, qui feront le jeu du seul
ministère des finances.
Le coefficient d'intégration fiscale m'amène naturellement à examiner le
problème de la dotation globale de fonctionnement, et nous sommes là sur l'un
des points cruciaux de ce projet de loi. Bien sûr, chacun est conscient du fait
que l'intercommunalité doit se construire non pas sur les seuls intérêts
financiers mais, surtout, sur les intérêts communautaires et la volonté
d'exercer ensemble un certain nombre de compétences.
Le vif débat qui a opposé le milieu urbain et le milieu rural ne doit pas
trouver ici matière à se nourrir. Le montant de DGF par habitant a été fixé à
250 francs pour les communautés d'agglomération et à 150 francs pour les
communautés de communes et nous connaissons maintenant la technique de calcul
utilisée par le Gouvernement pour atteindre cette somme de 250 francs.
La proposition de modification des seuils de population nécessaires à la
création des communautés d'agglomération a été refusée à l'Assemblée nationale
pour rester dans l'enveloppe de 500 millions de francs ouverte par le
Gouvernement pour financer l'accroissement de la DGF en faveur de ces
communautés.
Il convient ici, pourtant, de s'interroger sur la différence de 100 francs de
dotation de DGF par habitant entre les communautés d'agglomération et les
communautés de communes.
Un effort a déjà été fait à l'Assemblée nationale, mais il est à l'évidence
insuffisant. Pourquoi pénaliser une communauté de communes qui ne peut pas
remplir les critères de population ou le critère de continuité territoriale
alors qu'elle souhaiterait se transformer en communauté d'agglomération et
qu'elle a fait l'effort de prendre des compétences nouvelles et d'adopter le
régime de la taxe professionnelle unique ? Notre proposition, dans ce cas,
serait de faire passer la dotation des communautés de communes à 220 francs,
sachant que celle-ci devra évoluer annuellement dans les mêmes conditions que
la dotation dévolue aux communautés d'agglomération.
Pour achever mon propos, je souhaite aborder le problème de la TPU. Le passage
à la TPU est rendu obligatoire par le projet de loi pour la transformation en
communauté d'agglomération ou pour la création d'une telle structure.
A notre sens, le caractère obligatoire jouera le rôle d'un véritable frein au
développement de ce type d'EPCI, qui constitue pourtant la clé de voûte du
texte.
La décision de rendre obligatoire le passage à la TPU doit se fonder sur des
études financières très précises, qui ne sont pas actuellement disponibles. La
communauté d'agglomération représentera un changement majeur de
l'intercommunalité. Cet EPCI aura une dimension politique plus forte que les
autres, due à plus de solidarité entre les communes membres.
C'est dans cette perspective que nous proposons de rendre le passage à la TPU
seulement optionnel.
Le concept de taxe professionnelle unique conduit à une autre interrogation.
Le budget pour 1999 initie une réforme sur cinq ans de la taxe professionnelle,
qui aura pour effet de faire de l'Etat le plus gros contributeur à cette taxe.
Cette réforme ne va-t-elle pas considérablement affaiblir les volontés de
regroupement en TPU qui peuvent se faire jour ?
La suppression de la part salaire de l'assiette de la taxe professionnelle
n'est-elle pas la première étape d'une disparition de cette taxe que tant
réclament ? Autant de questions sans réponse qui suscitent bien des inquiétudes
sur le plan local.
Rappelons, par ailleurs, que, pour financer sa coûteuse réforme, le ministère
des finances vide petit à petit le fonds de péréquation de la taxe
professionnelle.
La cotisation minimale et la cotisation nationale de péréquation n'ont-elles
pas été confisquées ? Finalement, le fonds se retrouve exsangue. Des craintes
légitimes existent donc sur l'avenir du financement de l'intercommunalité.
Le groupe du Rassemblement pour la République aborde ce débat dans un esprit
ouvert et constructif. Nous déterminerons notre position en fonction des
réponses que le Gouvernement apportera à nos légitimes préoccupations et aux
propositions que nous ferons.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons
aujourd'hui à débattre d'un projet de loi relatif au renforcement et à la
simplification de la coopération intercommunale.
Ce texte est d'une extrême importance, car il se pourrait qu'il soit de nature
à modifier en profondeur les actuels rapports entre les collectivités
territoriales et l'Etat, entre les collectivités territoriales elles-mêmes,
ainsi qu'entre les collectivités territoriales et les citoyens. Ce serait un
chamboulement dans l'organisation de la vie publique et des institutions
françaises, qui constitue encore actuellement une exception, cette spécificité
française évoquée ce matin par le rapporteur de la commission des lois, notre
collègue Daniel Hoeffel.
Aussi, je tiens, dans ces propos préliminaires, à redire - après M. le
rapporteur et d'autres orateurs - combien je regrette que l'urgence ait été
déclarée sur ce texte, auquel le Parlement se devait de consacrer plus de temps
pour l'améliorer, tout en comprenant également la volonté du Gouvernement de
mettre tous les moyens en oeuvre pour réussir la nécessaire rénovation de la
vie politique qu'il a engagée.
Dans l'esprit de la démocratisation de la vie publique, les parlementaires
communistes souhaitent également une remise à plat des lois de
décentralisation, une réactualisation qui tienne compte de l'expérience de ces
dix-sept années, des difficultés des collectivités locales, tant en matière de
cohérence des compétences qu'en matière de financement et de moyens
budgétaires.
Je souhaite d'ailleurs, au moment où j'évoque la révision des lois de
décentralisation, rappeler à mes collègues de la majorité sénatoriale, qui
s'affichent aujourd'hui comme les vaillants défenseurs de la décentralisation,
des communes et des départements, qu'ils s'étaient, en 1982 et 1983,
farouchement opposés aux lois qui en posent les principes.
Le présent texte, que vous aimez définir comme une nouvelle étape de la
décentralisation, monsieur le ministre, propose modernisation, démocratisation
et harmonisation, ce dont l'intercommunalité a effectivement besoin.
Les transferts de compétences politiques à des regroupements communaux ne sont
pas nouveaux puisque la première des lois qui a traité de ces questions date du
22 mars 1890.
Les coopérations intercommunales se sont, quant à elles, développées
considérablement depuis plus d'un siècle. En témoignent les 1 680
établissements publics de coopération intercommunale, qui regroupent, à l'heure
actuelle, 18 876 communes, soit près de 35 millions d'habitants.
Pourtant, derrière ce développement, qui semble important, au regard de
chiffres fulgurants, se cache une réalité différente. Des régions entières et
surtout des villes, des grandes villes même, sont restées à l'écart du
mouvement.
La progression du nombre d'établissements créés ces dernières années s'est
ralentie. La taxe professionnelle unique n'a pas rencontré le succès escompté
par ceux qui l'ont instaurée. J'en veux pour preuve le petit nombre de
communes, quatre-vingt-sept, qui ont choisi la communauté de villes.
Ce constat nous amène de nouveau à réaffirmer combien il est important de ne
pas prévoir des structures toutes ficelées, des moules trop rigides.
La coopération intercommunale doit se fonder sur des projets communs de
synergie d'intérêts locaux, de rationalisation des structures de services.
Les politiques économiques d'aménagement de l'espace - les transports urbains
et interurbains, par exemple - de l'habitat ou encore les nouvelles normes en
matière d'environnement - collecte et traitement des déchets, assainissement
des eaux - ne peuvent se développer dans des territoires restreints, c'est
évident.
Cela pose la question de la pertinence des territoires actuels comme cadres
institutionnels pour les réponses à apporter aux différents enjeux
socio-économiques et politiques.
Il est actuellement évident qu'aucune commune ne peut avoir, par exemple, sa
propre filière de tri et de recyclage des déchets urbains. Ce serait inutile et
non viable. De toute façon, les budgets des communes ne le permettent pas.
Je ne vais pas développer la question des difficultés financières des
collectivités locales, marquées par une distortion persistante entre les
compétences que leur ont données les lois de décentralisation - je l'évoquais
voilà un instant - et les recettes dont elles disposent. Mon ami Thierry
Foucaud y reviendra plus avant dans le débat.
La coopération intercommunale doit donc être de projet. Et là, visiblement, il
y a débat sur la définition même de la coopération de projet.
Comment dire qu'une coopération est fondée sur un projet commun quand les
compétences transférées sont déjà déterminées et imposées, quand les modes de
financement sont préétablis ?
Les communes ne s'y sont d'ailleurs pas trompées puisque les établissements
publics de coopération intercommunale les plus intégrants sont aussi les moins
développés.
Pour nous, la coopération intercommunale, cette notion que vous qualifiez,
monsieur le ministre, d'« intercommunalité à la carte », doit permettre aux
communes associées d'améliorer les réponses aux besoins de nos concitoyens, que
ce soit en matière de transports, d'action sociale ou de logement.
Malheureusement, la coopération n'est pas toujours décidée avec cet objectif ;
elle est plutôt d'aubaine, et pas seulement dans les zones rurales, car, bien
souvent, elle s'avère la seule issue possible, vu les marges de manoeuvre
financière actuelles des communes.
Nous souscrivons, monsieur le ministre, aux propos que vous avez tenus lors
des débats à l'Assemblée nationale quand, en réponse à M. Gouzes, rapporteur,
vous avez dit que l'intégration et le développement à tout prix risqueraient de
freiner l'intercommunalité. C'est également notre avis.
La réussite de la coopération intercommunale dépend en grande partie de la
souplesse des structures, respectant le principe de libre administration des
collectivités territoriales et les règles de la démocratie locale.
Mais force est de constater que de nombreuses dispositions du projet de loi,
tel qu'il ressort des travaux de l'Assemblée nationale, nient ces principes.
Les règles de majorité requise pour la création étaient pourtant suffisamment
incitatives. Mais, en l'état actuel du texte, le préfet pourrait, sans même
consulter les communes, élargir le périmètre et inclure des communes à leur
insu, au nom de la cohérence spatiale.
Cette disposition nous semble extrêmement dangereuse. Nous nous y opposerons
par voie d'amendement.
Pour rester sur les questions de périmètre, il nous semble primordial que les
communes et leurs conseils soient un élément moteur de la délimitation.
Le texte prévoit que l'ensemble des établissements publics de coopération
intercommunale forment un espace spatial et économique cohérent.
Nous sommes attachés à cette pertinence territoriale. Cependant, il nous
semble opportun de permettre aux communautés de communes de déroger à cette
règle afin de conserver toute la souplesse de cette structure et de permettre à
des communes de s'associer librement, sans avoir à imposer la coopération à une
commune qui ne le souhaiterait pas.
Dans les faits, nous savons tous que la règle des deux tiers n'a pas été
beaucoup utilisée. Mais nous savons aussi qu'obliger les communautés à se
constituer « d'un seul tenant et sans enclave » va également les contraindre à
recourir à cette majorité des deux tiers du conseil de communauté. C'est une
règle qui ignore la démocratie et le libre choix des collectivités.
Les conditions contraignantes dans lesquelles vont se constituer, se
transformer ou s'élargir les communautés urbaines et d'agglomération, les
conditions dans lesquelles vont s'opérer les transferts de compétences et se
décider la mise en place de la taxe professionnelle unique ont considérablement
été durcies par l'Assemblée nationale.
J'en veux pour preuve l'extension des compétences transférées, la
transformation automatique, sauf avis contraire, des EPCI relativement souples
en EPCI très intégrés, le passage automatique à la taxe professionnelle unique,
la possibilité, pour la quasi-totalité des structures, de recourir à la
fiscalité mixte. Toutes ces mesures contribueraient à vider les communes de
leur substance, à en faire des coquilles vides sant prérogatives ni budget.
Si nous avons bien compris votre attachement aux institutions que sont les
communes et les départements, monsieur le ministre, nous restons interrogatifs
sur le futur rôle qui leur sera dévolu, si toutefois, comme de nombreux élus
locaux, de droite comme de gauche, le pensent, ces collectivités territoriales
ne sont pas vouées à disparaître.
A la lecture des compétences transférées, que ce soit à une communauté
d'agglomération ou à une communauté urbaine, la liste des prérogatives restant
aux communes devient quasi inexistante.
Si l'on ajoute à ce constat la possibilité offerte par nos collègues députés à
ces mêmes communautés de prélever au lieu et place des communes la taxe
professionnelle, mais aussi les taxes foncières et la taxe d'habitation - ce
que l'on nomme la fiscalité mixte - on voit que les communes se retrouvent
complètement démunies.
Certes, elles continuent d'exister, mais leurs compétences seront limitées,
demain, à gérer l'état civil !
De deux choses l'une : soit on vise la suppression des communes et des
départements, et la transformation des EPCI en véritables institutions ; soit
on cherche à donner les moyens aux communes de fournir des réponses plus justes
et pertinentes aux besoins des populations. Vous avez compris que nous
préférons la seconde solution !
Si ce projet de loi répond au second objectif, il nous semble extrêmement
dangereux d'introduire le suffrage universel, même dans les conditions adoptées
à l'Assemblée nationale.
Ce mode de désignation répond plus à l'objectif de reconnaître les
établissements publics de coopération intercommunale comme des institutions à
part entière, alors qu'ils n'exercent des compétences qu'en vertu du principe
de subsidiarité, principe selon lequel la souveraineté communale reste
entière.
Chers collègues, l'argument de la démocratie est également souvent avancé pour
convaincre de l'opportunité d'élire les conseillers communautaires urbains.
Il faut reconnaître que c'est un vrai débat. Mais, une fois que nous aurons
permis cette élection au suffrage universel, il s'agira non plus de coopération
entre communes mais bien de supra-communalité.
Quel contrôle restera-t-il aux communes sur les choix politiques de la
communauté, alors que - je le redis, car cela me semble essentiel - les EPCI
n'agissent qu'en vertu de la subsidiarité ?
De plus, on sait les liens importants qui existent entre les citoyens et leur
mairie. La mairie n'est-elle pas le lieu de référence le plus proche pour nos
concitoyens ?
Il n'est pas besoin de sortir de Polytechnique pour comprendre que plus les
lieux de décicion réelle sont proches des habitants, plus ceux-ci sont incités
à y exercer leur citoyenneté.
L'élection au suffrage universel direct des conseils de communautés, en
éloignant radicalement les instances de décision des lieux où vivent et
réfléchissent les gens, ne favorisera évidemment pas le développement de la
démocratie directe. Bien au contraire !
Soucieux aussi d'améliorer le fonctionnement démocratique des structures de
coopération, nous proposerons, au cours de l'examen des articles, plusieurs
amendements qui tendent à démocratiser les EPCI.
A titre d'exemple, nous souhaitons harmoniser le mode de désignation des
conseillers. Nous proposons que les membres du comité syndical des syndicats
intercommunaux et des syndicats mixtes soient également des membres désignés en
leur sein par les assemblées délibérantes des collectivités locales.
Nous proposons que les minorités puissent également être représentées.
La loi permet d'établir des règlements intérieurs, gage de consensus et de
respect de l'autonomie communale. Par conséquent, nous insistons sur les
notions de majorité, de libre choix, de volontariat et de souveraineté des
communes.
Autrement dit - ce sera ma conclusion - l'objectif de notre groupe est bien de
contribuer à un développement de l'intercommunalité, que nous considérons comme
nécessaire et indispensable pour améliorer les réponses aux besoins de nos
concitoyens. Aussi espérons-nous un débat constructif, à la recherche de
l'intérêt général.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur certaines travées socialistes. - M. le président de la commission
des lois applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet.
Le projet de loi que nous sommes amenés à examiner comprend tout un ensemble
de mesures, dont certaines, qui figuraient d'ailleurs dans le projet de votre
prédécesseur, monsieur le ministre, étaient attendues depuis un certain temps
par les élus locaux.
Ce texte a déjà été beaucoup discuté, et j'observe qu'il comporte des
dispositions intéressantes, comme la simplification des formes de coopération
intercommunale ou la prise en compte et la rationalisation de
l'intercommunalité, notamment en milieu rural. Je regrette simplement qu'il
fasse l'objet d'une déclaration d'urgence.
Aussi est-ce en adoptant une attitude constructive que je vais vous livrer
maintenant quelques réflexions et interrogations.
Je profiterai également de mon expérience de dix ans de présidence de l'un des
districts les plus anciens de France, et l'un des plus importants du point de
vue de l'étendue de ses compétentes - une trentaine, aujourd'hui - district que
vous connaissez bien, monsieur le ministre.
On voudra donc bien me pardonner un propos technique, personnalisé, limité au
district que je connais bien et qui concerne principalement l'une des
dispositions essentielles du texte, à savoir la création des communautés
d'agglomération.
En effet, plus qu'une évolution du paysage intercommunal, cette nouvelle forme
annonce un changement profond, notamment par l'extension du nombre des
compétences obligatoires dont la communauté d'agglomération sera dotée par
rapport aux actuelles communauté de villes et de communes, et par la mise en
place d'une taxe professionnelle à taux unique à l'intérieur de son périmètre.
Il s'agit, je crois, de l'article 51.
Sur le plan des attributions, le texte qui nous est soumis prévoit quatre
compétences obligatoires, plus trois autres à choisir parmi cinq domaines.
Je voudrais souligner ici la difficulté qu'il y a à définir exactement
l'étendue, et donc la répartition de ces compétences et la notion d'intérêt
communautaire qui s'y attache. A l'heure où une répartition plus nette des
attributions entre les différents niveaux de collectivités est plus que
souhaitable, ce texte me paraît insuffisamment clair.
Ainsi, que signifie précisément l'intitulé de la compétence optionnelle, ainsi
rédigé à l'article 1er, section 4, 5° : « En matière de développement durable :
efficacité énergétique et maîtrise des consommations d'énergie » ? J'imagine
que cet article fait référence à la future loi sur l'électricité, mais son
intitulé laisse supposer que d'autres énergies peuvent être concernées. Cette
définition me paraît floue et imprécise, du point de vue de son contenu. Sans
concertation avec M. Hoeffel, j'ai d'ailleurs lu dans son excellent rapport
qu'il en propose la suppression.
Dans le même esprit, il me paraît nécessaire de définir le troisième domaine
de compétence optionnelle par référence à la notion d'« intérêt communautaire
», comme c'est le cas pour les autres domaines de compétence énoncés.
Voilà, monsieur le ministre, quelques problèmes posés par ce texte sur la
question des compétences.
S'agissant maintenant des dispositions fiscales, le volet le plus important du
projet de loi concerne l'adoption obligatoire par la communauté d'agglomération
de la taxe professionnelle à taux unique. Cette obligation m'apparaît comme
très dirigiste, d'autant que, sans TPU, il n'y a pas de contractualisation
possible avec l'Etat.
Que l'impôt généré par la présence des entreprises sur un territoire soit
consacré à des dépenses d'aménagement, de développement de celui-ci me paraît
cohérent. Aussi y-a-t-il une certaine logique à ce qu'il soit perçu par la
communauté d'agglomération.
Que son taux soit unifié au sein d'une même agglomération peut s'expliquer par
la volonté de supprimer une certaine forme de concurrence au sein d'une même
agglomération. Cela dit, on a repoussé cette concurrence à la périphérie, avec
toutes les retombées possibles sur l'activité et les incidences sur les
finances locales.
Toutefois, cette TPU peut emporter de graves conséquences.
Tout d'abord, s'agissant du dynamisme des communes, la présence d'entreprises
sur le territoire des communes génère parfois - et même souvent - des nuisances
de plus en plus mal supportées par les habitants - bruit, pollution, trafic...
Celles-ci sont aujourd'hui « compensées » par la taxe professionnelle perçue
par la commune et donc par la richesse supplémentaire qu'une implantation
d'entreprise apporte avec l'emploi, bien évidemment.
Quel maire, demain, acceptera d'accueillir des entreprises sur sa commune, si
la taxe professionnelle est perçue en totalité par l'agglomération ? Les
entreprises s'installeront-elles toutes dans des zones d'activité ? Leur
présence est nécessaire, dans les villes, car si elles génèrent parfois
quelques nuisances, elles créent aussi de la vie, du dynamisme, dans une
cité.
Quel dynamisme, précisément, insuffleront les maires des villes moyennes ou
importantes qui ne percevront que le produit des impôts des ménages et une
dotation de compensation de taxe professionnelle, qui se réduira d'année en
année ? S'ils ne sont pas intéressés aux résultats de leurs actions futures,
les maires préféreront construire des jardins pulics que d'installer des
entreprises. Une dynamique risque de se ralentir.
Par ailleurs, la dotation de compensation de taxe professionnelle versée par
le groupement aux communes n'inclut pas la dotation de compensation de l'Etat
au titre de la réduction pour embauches et investissement, la REI. Cela se
traduira par une perte financière immédiate pour les villes - environ 400 000
francs pour Montbéliard en 1999.
Ce point mérite d'être reconsidéré, ce projet de loi étant en effet fondé sur
le principe d'une garantie de ressources - hors transfert de compétences, bien
sûr - pour les communes concernées.
Les conséquences se feront sentir également sur les charges des entreprises.
L'instauration de la TPU alourdira inévitablement les charges supportées par
les entreprises. En effet, les communes sur le territoire desquelles sont
implantées bon nombre d'activités économiques sont en général celles qui ont
les taux de taxe professionnelle les plus faibles. Leur taux augmentera
nécessairement, compte tenu du mécanisme d'unification, quand bien même le
Gouvernement a par ailleurs exclu la part salaires de l'assiette de calcul de
la taxe professionnelle.
Sur ce point, justement, je voudrais souligner, monsieur le ministre, une
contradiction essentielle entre ce projet de loi et la loi de finances pour
1999.
Alors que la taxe professionnelle, impôt local, devient l'instrument du
développement local, en particulier celui des agglomérations, et que l'on veut
unifier son taux, le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale ont,
dans le même temps, à l'occasion du vote de la loi de finances pour 1999, mis
en place un dispositif de compensation de la perte de taxe professionnelle
issue de l'exclusion de la part salaires.
Mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur deux effets de
cette mesure ; c'est, en tout cas, ainsi que je l'ai comprise.
En premier lieu, elle entraîne une baisse des recettes à venir des
collectivités locales, dans la mesure où la dotation de compensation versée par
l'Etat sera bloquée sur la base des données 1998 et 1999. Par conséquent, la
part salaires dans le calcul de la taxe professionnelle payée par toute
entreprise qui s'installera à compter de 1999 ne sera pas compensée par l'Etat.
Cela représente, en moyenne nationale, une baisse de 34 % du produit de la taxe
professionnelle générée par ces nouvelles entreprises.
En second lieu, cette mesure alourdira la fiscalité locale. Par exemple, dans
le district de Montbéliard, un million de francs de produit fiscal provient
actuellement pour 72 % de la taxe professionnelle.
Avec la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle, ce même
million de francs sera financé demain pour seulement 66,8 % par la taxe
professionnelle, soit une perte de 5,2 %. Et encore, sommes-nous à Montbéliard
dans un cas de figure où les salaires ne représentent que 22 % des bases de
taxe professionnelle, alors que ce pourcentage peut aller jusqu'à 45 % dans
certaines agglomérations.
Vous constaterez comme moi l'augmentation nécessaire de la part des impôts des
ménages pour aboutir au même produit fiscal, ou alors l'augmentation inévitable
du taux de la taxe professionnelle, si celle-ci constitue la recette fiscale
unique de l'EPCI.
Enfin, l'intégration progressive de la compensation versée par l'Etat dans la
DGF, transforme pour partie cet impôt local en dotation de l'Etat. On peut
d'ailleurs redouter qu'à terme ce soit la totalité de la taxe professionnelle
qui se transforme en dotation de l'Etat.
Il y a là, à l'évidence, une diminution réelle de l'autonomie locale, une
dépendance accrue à l'égard de l'Etat.
Dès lors, il est permis de s'interroger sur l'intérêt de mettre en place cette
TPU, si celle-ci devait disparaître à moyen terme.
J'ajoute qu'il me paraîtrait prudent et de bonne gestion, avant toute
application, que des simulations en vraie grandeur sur des cas précis soient
effectuées. L'EPCI que je préside ferait alors acte de candidature à cet
exercice de vérité.
Enfin, et je termine cette intervention sur ce point, ce texte qui nous est
soumis accorde une large place au mode de calcul du coefficient d'intégration
fiscale. J'y ai relevé une inégalité. Il s'agit, me semble-t-il, de l'article
66.
Il ne me paraît pas normal en effet que l'on exclue du coefficient
d'intégration fiscale, le CIF, toutes les dépenses de transfert effectuées par
l'EPCI. En effet, un ancien district qui se transforme en communauté
d'agglomération va verser au service départemental d'incendie et de secours, le
SDIS, une participation importante représentant environ 30 millions de francs
dans notre cas, alors qu'une communauté d'agglomération nouvelle pourra en être
exonérée. Dans le premiers cas, le CIF sera minoré à cause de la déduction de
la dépense de transfert au profit du service départemental d'incendie et de
secours. Dans le second cas, il n'y aura pas de minoration.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, les quelques
questions ou interrogations qui me paraissent devoir être soulevées, avec
celles évidemment qui sont posées par MM. les rapporteurs, avant de prendre
position lors du vote de ce projet de loi, projet de loi qui me paraît
complexe, touffu ; il gagnerait sans doute à être simplifié pour être plus
lisible, notamment pour ce qui concerne les dispositions fiscales qui ont été
disséquées dans l'excellent rapport de Michel Mercier, au nom de la commission
des finances.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de
loi relatif au renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale nous intéresse au plus haut point.
Le Sénat, comme vous le savez tous, a pour fonction de représenter les
collectivités territoriales, et tout ce qui touche à leur organisation, à leur
fonctionnement et à leur financement exige de notre part une attention
particulière.
Par votre projet de loi, monsieur le ministre, vous affirmez vouloir renforcer
et simplifier la coopération intercommunale. Je vous remercie de cette volonté
clairement affichée, que j'approuve totalement, ainsi, je crois, que le Sénat
dans son ensemble.
Cependant, nous entendons bien que le texte issu de vos propositions et des
travaux de l'Assemblée nationale et du Sénat satisfassent réellement à ces deux
idées-forces. mais je nourris quelques inquiétudes sur ce point quant à la
forme et au fond.
S'agissant d'abord de la forme, reconnaissez, monsieur le ministre, que le
projet de loi que vous nous soumettez est presque illisible, donc
incompréhensible, en tout cas pour moi. Sa présentation n'est que renvois en
cascade à des articles numérotés de différents codes et lois, par exemple le
code général des impôts ou celui des communes. Cela manque singulièrement
d'explication de texte !
Permettez-moi, par conséquent, de saluer ici le remarquable travail de
traduction qui a été accompli par MM. Daniel Hoeffel et Michel Mercier, par la
commission des lois et celle des finances, ainsi que par les administrateurs du
Sénat. Ce travail nous a permis de découvrir le contenu du texte.
S'agissant toujours de la forme, le sujet abordé, plus complexe qu'il n'y
paraît, aurait mérité de mon point de vue de faire l'objet d'un examen très
approfondi, avec débat et échanges parlementaires, dans l'optique du
fonctionnement normal de nos institutions. Mais il nous est soumis après
déclaration d'urgence par le Gouvernement ; il en va d'ailleurs de même pour le
projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du
territoire, qui lui est étroitement lié.
En conséquence, il n'y aura pas de nouvelle lecture, le débat est tronqué, le
texte ne pourra pas bénéficier d'un véritable enrichissement par le Parlement.
Et vous avez appelé tout à l'heure, monsieur le ministre, les élus à se
mobiliser sur ce texte et à apporter leur pleine contribution !
La solidarité intercommunale s'exerce et se vit sur le terrain ; elle a donc
de multiples facettes. Je ne suis pas sûr, mais je ne veux faire injure à
personne, que chacun d'entre nous, y compris nos collègues éminents
spécialistes de cette matière, ait eu le temps nécessaire d'appréhender
finement cette complexité dans sa réalité. C'est dommage.
Monsieur le ministre, je ne vois pas ce qui peut justifier cette urgence.
En une lecture, mes chers collègues, nous devrons être parfaits. En une
lecture, nous devrons appréhender les effets, tous les effets des dispositions
que nous allons adopter, sans droit à rattrapage. Et attention aux effets
pervers !
Quand on cherche à corriger les anomalies dans une matière complexe par
addition de règles ou contraintes relevant de l'accessoire, oubliant
l'essentiel, on prend de grands risques, notamment celui de générer ces effets
pervers. De plus, au lieu de simplifier, on complique davantage encore.
Puisque l'on ne peut tout prévoir, je vous invite, mes chers collègues, avec
la sagesse coutumière de notre assemblée, à ne voter que des dispositifs
simples et souples, en n'oubliant jamais l'essentiel qui est de renforcer et de
développer la coopération intercommunale, de simplifier pour éviter les
interprétations contradictoires et de mettre un frein - et si c'est possible un
terme - au développement de communautés d'aubaine, dont la seule motivation
est, si je puis dire, de récupérer des sous facilement.
Je partage votre point de vue, monsieur le ministre, quand vous déclarez que
la solidarité territoriale ne peut exister sans mutualisation des ressources
ni, bien sûr, sans partage des charges.
Nous devons profiter de ce projet qui, je le répète, affiche des objectifs que
j'approuve, pour relancer la décentralisation. Mais la décentralisation doit
avoir un corollaire, à savoir la déconcentration : déconcentration des pouvoirs
et des moyens vers l'échelon territorial le mieux adapté, ce qui permettrait
d'ailleurs à l'Etat de se concentrer ou se recentrer sur ses prérogatives, ses
missions régaliennes et stratégiques.
Plus de démocratie locale, plus de solidarité intercommunale, plus de
responsabilité qui va de pair avec la liberté, c'est plus d'efficacité et
souvent de pertinence dans la gestion territoriale.
Malheureusement, nombre de dispositions du projet de loi initial, comme
d'ailleurs du texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, vont à
l'encontre de votre souci de renforcement de la coopération et de
simplification.
Monsieur le ministre, vous avez une solide réputation de pragmatisme et de bon
sens. Alors, je reste confiant et je suis convaincu que vous saurez nous
écouter, nous entendre et accepter nos propositions de correction.
D'ailleurs, je crois qu'il ne pourrait en être autrement, par cohérence, car
un projet de loi est toujours sous-tendu par un projet et une volonté
politiques. Or nos corrections vont dans le sens de votre projet, soutiennent
votre volonté et répondent à votre propos de tout à l'heure qui réaffirmait que
les nouvelles dispositions en faveur des agglomérations ne seraient pas
financées au préjudice des communautés rurales. En effet, n'ouvrez pas de
guerre urbain-rural.
Je vais maintenant attirer votre attention sur un certain nombre de points
qui, entre autres, ne me semblent pas conformes aux objectifs annoncés.
Ainsi, pour renforcer et développer la solidarité intercommunale, il faut
inciter les EPCI à développer leur fiscalité propre, en d'autres termes à
mutualiser leurs ressources, pour gérer en commun des équipements et des
services collectifs, pour concevoir et réaliser des projets de développement de
leur territoire.
Une DGF vient accompagner l'effort de péréquation et de mutualisation fiscale
ainsi réalisé par référence au fameux CIF, aujourd'hui malmené, de mon point de
vue.
La rédaction du projet de loi est un peu confuse et justifie une grande
inquiétude quant au mode de calcul du CIF de la part des élus.
Par exemple, les collectivités locales, souvent en EPCI, assuraient la gestion
des services d'incendie et de secours, elles en payaient les charges ;
aujourd'hui, la loi a organisé la gestion de ces services au niveau
départemental ; les SDIS ont été créés, mais rien n'a changé pour les
collectivités locales, si ce n'est leur contribution, en constante et forte
augmentation. Les collectivités locales continuent à en assumer la charge au
travers de la taxe de capitation.
Serait-il juste de sortir ce contingent au SDIS du calcul du CIF, alors même
que nous avons là un exemple de mutualisation accompli ? Ou alors transférez à
un autre niveau - mais lequel ? - la charge financière des SDIS.
Il en est de même pour les services d'ordures ménagères : collecte,
traitement, déchetterie, etc. Conformément à la loi, ce sont les préfets qui on
arrêté les schémas départementaux de traitement des ordures ménagères.
Conclusion : les collectivités locales sont dans l'obligation de mettre en
oeuvre ces schémas ; communes et EPCI ont fait le constat que, pour satisfaire
aux obligations nouvelles et aux lourds investissements qui en découlent, il
n'y avait pas d'autres solutions que d'agir ensemble. Quelles que soient les
modalités d'organisation de ces services, ce sont encore ces mêmes
collectivités, souvent - je le répète - en EPCI, qui continuent à en assumer la
responsabilité et la charge financière ; ce sont encore elles qui financent,
par la fiscalité communautaire, une taxe spécifique, une redevance ou au
travers de leur budget assis sur les quatre taxes. Ne sortez pas les services
d'ordures ménagères du calcul du CIF, dès lors que cette compétence est assurée
par la communauté de communes.
Sur le SDIS et les ordures ménagères, j'aurais aimé être rassuré.
D'autres exemples démontrent qu'il convient d'être prudent lorsque l'on veut
définir l'exercice d'une compétence par le seul examen de telle ou telle
imputation budgétaire.
Là, je ne suis pas forcément en plein accord avec un certain nombre de mes
collègues.
Prenons l'exemple d'une communauté de communes qui aurait compétence pour
assurer le fonctionnement de trois écoles maternelles et de ses services
annexes.
Pour l'une d'entre elles, la plus importante, elle dispose de son propre
personnel titulaire de la communauté de communes, mais pour les deux autres,
elle a passé convention avec les communes sièges de ces écoles - je pense
surtout aux communes rurales - qui assurent pour son compte l'entretien - les
services de garderie... - avec leur personnel titulaire, tout simplement parce
que les communes sièges disposent de personnels titulaires de la fonction
publique qui, souvent, sont employés à temps incomplet. Ce service, alors
budgété au compte 657, serait sorti du CIF ! La communauté de communes exerce
pourtant bien sa responsabilité et sa compétence !
Autre exemple : quand une communauté de communes décide, pour installer son
siège, d'acheter un terrain, de construire, c'est une charge directe nette sur
son budget qui ne pose pas de problème au niveau du calcul du CIF. En revanche,
si, par souci de bonne gestion et d'économie, cette communauté de communes
passe un arrangement avec une commune qui dispose de locaux et qu'elle loue ces
locaux, l'imputation budgétaire de la location se trouve alors inscrite aux
comptes 655 ou 657, qui sont les deux comptes concernés.
Il est tout de même paradoxal de constater que si cette même communauté de
communes louait un bâtiment à un tiers privé, cet élément serait pris en compte
dans le calcul du CIF. Cette charge ne serait donc pas, au sens des
propositions et des orientations qui sont faites, une charge de transfert. Mais
si la communauté de communes loue le bâtiment à une collectivité publique, il
s'agit d'une charge qui n'est pas intégrée dans le calcul du CIF.
Je pourrais multiplier les exemples. Je tenais seulement à mettre en évidence
les effets pervers que j'évoquais tout à l'heure et à démontrer que la
solidarité intercommunale ne peut être réduite ni justifiée par simple
référence à une nomenclature comptable.
Il y a coopération et solidarité intercommunale authentique dès lors qu'une
compétence est prise en charge par le budget d'un EPCI, donc lorsque cette
compétence et cette charge font appel à l'équilibre de la fiscalité
communautaire, et ce quelles que soient les modalités pratiques de mise en
oeuvre.
Dans ce projet de loi, monsieur le ministre, des communes pourraient avoir
adhéré à un EPCI à fiscalité propre, partager solidairement les charges, mettre
en commun des ressources par une fiscalité communautaire fortement intégrée,
satisfaire donc à nos exigences et se trouver malgré tout pénalisées. Ce n'est
pas acceptable, parce que c'est contraire à l'objectif recherché.
Permettez-moi de vous faire une proposition. Peut-être est-elle
iconoclaste.
Pour être simple et pratique, l'Etat ne pourrait-il pas confier à son
représentant dans le département, le préfet, le soin de formuler un avis
a
priori
sur le caractère authentique de l'intégration fiscale ?
Le fait qu'une discussion intervienne entre les collectivités locales et le
préfet avant qu'un transfert ne s'opère pour permettre aux préfets,
représentants de l'Etat, de vérifier l'authenticité de cette opération
éviterait, à mon sens, quelques jolies escroqueries légales. De surcroît, cela
rassurerait ceux que je qualifie d'« honnêtes », tout en allant dans le sens de
la déconcentration.
D'autres amendements vous sont soumis qui visent à régler des problèmes
importants : les seuils et, surtout, leurs effets sur la capacité ou non à
créer une communauté d'agglomération, l'éligibilité ou non à la DDR, à la DGE,
les écarts trop importants entre les dotations d'agglomération et les dotations
« rurales ». Ce sont autant de points qui appellent beaucoup de vigilance de
notre part si nous ne voulons pas pénaliser et paralyser en croyant bien
faire.
Avant de conclure, monsieur le ministre, j'attire votre attention sur le fait
que rien de tout ce que vous pourrez faire, de ce que nous pourrons construire
ensemble ne sera viable, s'il n'y a pas de solides fondations, si les
communautés aujourd'hui existantes ne sont pas rassurées d'abord, assurées
ensuite d'un minimum de sécurité quant à l'évolution de leurs ressources, en
premier lieu les dotations de l'Etat.
Cette nuit, monsieur le ministre, je présentais à mon conseil de communauté le
budget pour 1999. Nous étions le 31 mars, et la DGF ne nous était toujours pas
notifiée !
M. Dominique Braye.
C'est pareil pour nous !
M. Yves Fréville.
Absolument !
M. Philippe Arnaud.
Je vous rappelle que nous avons l'obligation de voter nos budgets au plus tard
le 31 mars. Ce n'est pas correct, monsieur le ministre !
Je suis prêt à vous pardonner si vous m'annoncez que ce retard,
incompréhensible par ailleurs, serait justifié par une augmentation de la DGF
que vos services seraient en train de calculer. Je crains malheureusement qu'il
n'en soit autrement. J'ai lu qu'il pourrait être procédé, dans la masse
globale, à une baisse de 6 % à 7 %. J'aimerais avoir un éclairage sur ce
point.
En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite à
faire évoluer le texte qui nous est soumis vers plus de souplesse et de
prudence, en ayant le souci de ne pas casser la dynamique intercommunale.
Les enjeux sont considérables : seules, isolées, les communes de France sont
perdues, elles sont condamnées ; ensemble, elles peuvent se battre, et, pour
peu qu'on les accompagne sans croc-en-jambe, elles ont de l'avenir. Et cet
avenir, c'est celui de notre territoire !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Saunier.
M. Claude Saunier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en quelques
semaines, le Parlement aura examiné une série de projets de loi qui visent à
l'adaptation de notre dispositif administratif aux nouvelles réalités
économiques et sociales : textes sur la parité, le cumul, le scrutin
sénatorial, l'aménagement et le développement durable du territoire, et, en ce
moment, le renforcement et la simplification de la coopération
intercommunale.
Monsieur le ministre, cette série de textes illustre la volonté du
Gouvernement de faire bouger la société française, d'engager un long travail de
modernisation. L'heure est venue, en effet, d'ouvrir le chantier de la
modernisation de la vie publique.
Au cours des dernières décennies, plusieurs lois ont déjà modifié le paysage
administratif. Nous avons tous en mémoire les lois sur la décentralisation en
1982, sur l'intercommunalité en 1992, sur l'aménagement du territoire en 1995.
Mais, il faut le reconnaître, l'essentiel du dispositif français repose encore
sur un schéma qui date d'environ deux siècles. Or les attentes de la société
sont nouvelles, les besoins de l'économie ouverte sur le monde s'expriment. Il
est de plus en plus nécessaire de maîtriser l'argent public et d'avoir la
capacité de mobiliser les acteurs du développement local sur un projet de
développement.
Un cadre nouveau à l'administration territoriale doit être effectivement
imaginé, prenant pleinement en compte - et je le dis devant notre assemblée -
les 36 000 communes qui constituent non seulement l'exception française, mais
aussi la richesse de notre pays.
La démarche qui a été engagée - et le débat en témoigne - n'est pas seulement
une démarche technique. C'est une démarche politique.
Tout d'abord, cette démarche oblige à conjuguer la volonté de changement et la
capacité de mobilisation. Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le
ministre, n'aura aucun effet - nous avons des exemples dans l'histoire - s'il
n'est pas accepté et soutenu par les élus locaux qui l'appliqueront sur le
terrain.
M. Alain Gournac.
Absolument !
M. Claude Saunier.
Il doit donc répondre à quelques principes pour obtenir leur adhésion. Ces
principes, qui figurent dans votre projet de loi, sont le réalisme dans la
définition d'une organisation administrative véritablement adaptée aux besoins
de la population ; le volontarisme dans l'adaptation des structures à une
vision de l'aménagement, cela pour être effectivement en phase avec la vision
qui a été exprimée en la matière au Sénat voilà peu et qui consiste à vouloir
faire bouger les choses ; la lucidité et le pragmatisme en reconnaissant
derrière l'unité historique de notre pays, qui remonte à deux siècles, la très
grande diversité des situations régionales héritées de l'histoire, diversité
qu'il faut être capable d'appréhender et à laquelle il faut pouvoir
répondre.
Ce projet de loi doit également répondre à quelques grands objectifs
politiques et sociaux : la clarification des responsabilités entre les
différentes structures intercommunales et communales ; le renouvellement de la
pratique démocratique - nous sommes dans une société qui n'a rien à voir avec
la société d'il y a deux siècles - le renforcement des solidarités dans le
cadre des bassins de vie qui utilisent des équipements, les services communs ;
enfin, bien sûr, la simplification de l'intercommunalité, dont la complexité
alourdit considérablement l'administration locale.
Dans cette première approche, j'organiserai mon propos autour de trois idées
de caractère plus politique que technique.
La première - c'est elle qui a inspiré le projet de loi - est la
complémentarité nécessaire entre les villes et les campagnes. La deuxième est
la reconnaissance de la spécificité urbaine. La troisième est la volonté de
renouveler les règles de la démocratie intercommunale.
En ce qui concerne la complémentarité entre les villes et les campagnes, les
propos qui ont été tenus depuis le début de l'après-midi montrent que les
positions sont moins arrêtées qu'on n'aurait pu l'imaginer. Cette
complémentarité est à la fois une réalité et une nécessité.
L'opposition entre villes et campagnes est aujourd'hui totalement infondée. Si
80 % de la population vit dans les zones urbaines, la quasi-totalité des
territoires ruraux sont en synergie totale avec les centres urbains. Les
agriculteurs eux-mêmes, dans leur vie professionnelle, dans leur vie
personnelle, dépendent de la ville et sont tournés vers elle.
Il n'y a pas et il ne doit pas y avoir d'opposition entre le mondre rural et
le monde urbain ; il doit y avoir interaction, complémentarité.
Il revient au Sénat d'exprimer la voix des campagnes, qui couvrent 80 % de
notre territoire, mais le Sénat doit aussi entendre la voix des villes, qui
représentent 80 % de la population.
Soyons précis : il ne s'agit pas de plaider ici pour une croissance sans
limite de je ne sais quelle mégapole. Il n'en existe pas en Europe, et encore
moins dans notre pays. Mais il faut en effet poser un choix politique, et c'est
celui que vous avez fait.
Affirmer la complémentarité des villes et des campagnes, c'est reconnaître la
place des villes dans l'organisation de notre territoire, c'est faire un choix
politique d'aménagement équilibré du territoire, d'une société fondée sur des
principes humanistes. C'est aussi poser le postulat que, au lieu du
laisser-faire, une volonté politique oriente le destin de la nation.
Ce projet de loi, on le voit, est loin d'être un simple texte technique. C'est
un projet de loi d'inspiration politique très forte.
Nous devons veiller à éviter le double écueil du passéisme et du futurisme.
La place des villes est reconnue dans votre texte, monsieur le ministre. Il
est vrai qu'aujourd'hui le fait majeur, c'est l'urbanisation de notre pays.
Le texte qui nous est soumis nous propose de repenser notre dispositif
administratif territorial en reconnaissant aux agglomérations la place qu'elles
doivent tenir dans le pays.
J'ai déjà exprimé la crainte qu'une opposition stérile ne s'instaure entre la
ville et la campagne. Je voudrais rappeler ici la spécificité urbaine, ce que
les villes apportent et ont apporté à l'ensemble de notre pays en matière
culturelle, économique et sociale, le rôle qu'elles doivent continuer à jouer,
rôle de moteur, d'avancée et d'éclairage de l'ensemble du pays.
Je tiens aussi à souligner les difficultés qu'elles rencontrent, et
j'évoquerai pour mémoire les charges de centralité et le poids de la lutte
contre l'exclusion sociale.
Je rappelle enfin que les grandes politiques, celles qu'exige le pays, celles
qu'attend la nation pour régler les problèmes en matière d'environnement et de
développement économique, par nature sont et doivent être impulsées par les
villes et par les agglomérations.
Dans ce contexte, ce projet de loi tendant à réorganiser l'administration
territoriale autour des pôles urbains, non pas contre mais avec les campagnes,
va dans le bon sens.
Je dirai d'un mot, monsieur le ministre, parce que le temps m'est compté, que
nous aimerions retrouver, dans le fonctionnement de l'appareil d'Etat, le même
effort d'adaptation que celui qu'ont consenti les collectivités locales depuis
maintenant une bonne quinzaine d'années. Je ne suis pas certain que cette
mutation que nous opérons depuis maintenant des décennies ait été réalisée avec
autant de force par l'Etat.
Puis-je vous dire, monsieur le ministre - et je sais que vous serez très
sensible à cette interrogation - qu'il nous arrive parfois, nous élus locaux,
de douter que l'Etat assume pleinement ses missions et son rôle de régulateur
républicain. Il y a là un thème de réflexion, auquel on ne peut être
indifférent.
Mon dernier thème de réflexion touche à la démocratie intercommunale.
Il s'agit là d'un enjeu politique majeur, voire d'une question de principe.
Le renforcement des responsabilités et de la fiscalité des structures
intercommunales pose en effet aujourd'hui - plus encore qu'auparavant - la
question de la légitimité des élus intercommunaux, de leur mode de désignation
et de la transparence des gestions intercommunales.
Monsieur le ministre, ce projet de loi comporte de réelles avancées à cet
égard. Mais, à un moment ou à un autre, et le plus tôt sera le mieux, il faudra
aller plus loin et s'engager plus fortement.
Et, puisque l'on a évoqué à plusieurs reprises les grands principes
républicains, il me semble bon de rappeler que l'un des grands principes
fondateurs de la République voulait que ceux qui lèvent l'impôt détiennent une
légitimité issue du suffrage universel.
Voilà les quelques pistes de réflexion que je voulais vous soumettre, monsieur
le ministre.
En conclusion, je dirai que ce projet de loi, qui est d'ailleurs, à
l'évidence, indissociable du texte sur l'aménagement durable du territoire que
nous a présenté Mme Voynet, va dans le bon sens, parce qu'il renforce les
solidarités, parce qu'il prend en compte les inégalités territoriales et
sociales, parce qu'il reconnaît aux pôles urbains la place qui est la leur,
parce qu'il permet à ces pôles urbains, à ces agglomérations de fonctionner
avec une plus grande efficacité.
Je le redis encore une fois : l'intercommunalité nous a fait marquer des
points au cours de ces dernières années, elle nous a permis de répondre aux
attentes de la population et du pays. Il est clair, cependant, qu'elle doit
aujourd'hui être renforcée, simplifiée et amendée. C'est ce que vous proposez,
monsieur le ministre, et c'est ce qui est attendu.
Les réalités économiques et sociales ont considérablement évolué au cours des
dernières années. Les problèmes que nous devons affronter les uns et les autres
imposent un renforcement des agglomérations. La réforme est complexe ; elle
pose des interrogations légitimes qui s'expriment ici et là, mais elle est
indispensable et urgente. Je rappellerai qu'elle a en réalité été mise en
chantier voilà maintenant plusieurs années, grâce à la réflexion engagée par M.
Perben. Si elle n'est pas poursuivie au cours des prochains mois, elle sera
différée de plusieurs années.
Le Sénat peut et doit enrichir le contenu du texte que vous proposez. Il doit
aussi permettre la réforme que la nation attend. Je vous engage, monsieur le
ministre, peut-être à la différence de mon prédécesseur à cette tribune, à
maintenir le cap de la réforme et à tenir bon. Votre gouvernement a été nommé
non pour faire du surplace, mais pour faire avancer le pays. Pour cela, vous
aurez notre soutien !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi relatif au renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale était attendu au Sénat. Notre assemblée, composée d'une majorité
d'élus locaux, souhaitait, à la fois, une clarification et une accélération du
mouvement de regroupement des collectivités mettant en commun une partie de
leurs compétences sans renoncer pour autant à leur souveraineté.
Vous nous proposez un texte très lisible et techniquement intéressant, qui
nous paraît susceptible d'enclencher une nouvelle dynamique là où trop de nos
collègues manquent d'audace.
D'ailleurs, quel paradoxe ou, plutôt, quel démenti au « politiquement correct
» : sur le chemin escarpé de la solidarité intercommunale, ce sont nos villages
et nos villes petites et moyennes qui sont le plus en avance ! La grande
agglomération est souvent frileuse, d'où votre projet de loi. Où est le
traditionnalisme ? Ou est la modernisation dans ce cas ?
Si l'on voulait bien sortir des clichés et renoncer aux arguments commodes, on
admettrait que, quelque part, hors des centres-villes qui se vident et des
quartiers urbains en crise, se cherche une nouvelle civilisation, synthèse de
modes de vie urbains et d'un cadre de vie préservé, proche de la nature, lieu
où cesse l'anonymat. C'est en tout cas ce que plébiscitent nos concitoyens
quand ils le peuvent comme le montrera le recensement en cours.
Mais, justement, la ville fait souvent peur, et la coopération avec les
communes limitrophes marque le pas. Il faudrait d'ailleurs, à ce sujet, que
certains des élus de nos grandes villes acceptent d'entamer leur examen de
conscience.
C'est pour remédier à cette situation que vous nous proposez l'innovation
majeure que représente la communauté d'agglomération, et c'est sur elle que je
voudrais m'arrêter.
Votre démarche, que j'approuve, cherche à concilier deux attentes de la
nation.
Vous voulez, en premier lieu, relancer le mouvement de regroupement entre
communes d'une agglomération urbaine et, pour cela, vous utilisez deux leviers
: l'incitation fiscale et les dispositifs législatifs capables de forcer le
destin, c'est-à-dire les calculs égoïstes - cela existe - ou tout simplement la
peur de l'inconnu. Mais ce faisant, et c'est là qu'est le problème, vous vous
heurtez au principe fondamental de la libre administration des collectivités
territoriales. Dure contradiction !
Je voudrais vous suivre jusqu'au bout, car l'objectif est juste, mais,
monsieur le ministre, je discute une partie de vos moyens. Par exemple, comment
admettre que l'incitation financière engendre une telle disparité entre les
citoyens ? La DGF par habitant serait de 150 francs pour un membre d'une
communauté de communes et de 250 francs pour un membre d'une communauté
d'agglomération. Cette inégalité est excessive au regard des besoins et des
efforts consentis par le milieu rural et les petites villes pour intégrer une
population trop souvent en déshérence et issue, justement, de la ville voisine.
N'en doutez pas, si le Gouvernement ne fait pas un geste pour combler l'écart,
se posera un problème politique.
La deuxième source de litige est encore plus sérieuse ; je vais m'y arrêter
plus longuement.
Nous nous sommes battus, vous et moi, monsieur le ministre, contre toutes les
tentatives de fusion autoritaire de communes dans les années soixante-dix. Plus
près de nous, je me suis souvent reproché, à propos de la loi de 1992, non pas
d'avoir soutenu le principe des communautés de communes, mais d'en avoir
accepté une modalité, celle de la date butoir d'août 1993, qui avait pour
objectif de forcer la main aux conseils municipaux récalcitrants.
Or, si je vous ai bien lu, de plusieurs façons au moins, vous cherchez à
échapper à la règle d'or du volontariat pour les communes.
Je peux admettre le droit d'initiative du préfet, mais pas son pouvoir
discrétionnaire révolu depuis les lois Defferre. Je peux comprendre, à
l'extrême rigueur, que l'on soumette à des conditions plus strictes la
dissolution de ces établissements de coopération, encore qu'il vaille mieux
prévoir un divorce quand le mariage tourne mal, mais trois dispositifs me
paraissent injustifiables au regard du suffrage universel qu'incarnent les
municipalités.
Comment accepter, par exemple, qu'une commune puisse adhérer par défaut, par
consentement tacite, si, dans un délai de trois mois, elle n'a pas délibéré ?
Il est contraire aux lois de décentralisation qu'une population puisse se
retrouver incluse dans une structure intercommunale levant l'impôt sans que son
conseil municipal se soit prononcé.
Enfin, et surtout, ne commettons pas l'erreur de vouloir contraindre à
l'adhésion une commune sous prétexte de continuité territoriale, à partir d'un
habillage apparemment démocratique. Le vote positif des deux tiers des conseils
municipaux avoisinant ou représentant plus de la moitié de la population totale
du périmètre préalablement déterminé par le préfet, aux termes de l'article 21,
le permettrait.
Mais il y a plus étonnant encore : selon un amendement de l'Assemblée
nationale, le représentant de l'Etat pourrait, à sa discrétion, inclure une
commune non consentante à l'occasion de la transformation d'un EPCI existant.
Cette procédure dérogatoire contredit formellement les lois de
décentralisation.
Je vois bien l'argument : il s'agit, ici, de briser une rente de situation
liée à des revenus exceptionnels en taxe professionnelle et, là, de surmonter
les mauvaises relations entre communes voisines, parfois l'antagonisme
politique des élus. Il s'agit d'accélérer l'allure et de ne pas laisser de trou
dans la carte des futures communautés d'agglomération. Mais, monsieur le
ministre, cela ne peut se faire en contraignant le suffrage universel.
Voilà, monsieur le ministre, ce que je tenais à dire dans le peu de temps qui
m'est imparti, et je vous prie d'excuser le schématisme de mon propos. Je
souhaite que nos échanges permettent de lever mes craintes et mes objections.
Sur le dernier point, le respect de la libre administration des communes, on
touche aux principes et donc à l'essentiel. Si le désaccord persistait au fil
des votes, je sais que vous comprendriez ma position, car - et toute votre vie
publique en est l'illustration - sur les principes, on ne transige pas !
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Braye applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon
intervention aura surtout trait à la question du financement de
l'intercommunalité qui ne peut, de l'avis des élus communistes - et je pense à
d'autres élus également - être complètement dissociée des difficultés
financières des collectivités locales.
Face à ces difficultés, les élus locaux ont déployé des efforts importants en
vue d'équilibrer leurs budgets. Ils ont réduit leurs dettes, introduit plus de
rigueur dans leur gestion, recherché dans la coopération la mise en commun de
moyens, afin d'accroître l'efficacité de leur action, et cela à la ville comme
à la campagne.
Le manque de moyens des collectivités locales s'est, dans le même temps,
révélé de plus en plus criant, du fait de l'application des dispositions
adoptées sous le gouvernement Juppé.
Le pacte de stabilité, qui en est un triste exemple, s'est traduit pour les
collectivités par un manque à gagner de quelque 14 milliards de francs sur
trois ans.
Et les maires, dans le silence ou dans le bruit, ne supportent plus d'entendre
dire qu'ils ont des moyens suffisants pour gérer leur commune.
Bien sûr, cela ne s'adresse pas à vous, monsieur le ministre. Je vise celles
et ceux qui prétendent que tout va bien dans les collectivités et que, pour
améliorer leur sort, il faudrait simplement faire en sorte qu'elles
s'associent.
Le problème est, bien sûr, plus complexe. Il faut des moyens, il faut des
pouvoirs.
Les élus locaux constatent en outre qu'une part croissante de leurs recettes
provient des dotations. Les finances locales sont ainsi un peu plus dépendantes
des décisions prises par les gouvernements.
Cela étant, il faut le reconnaître, la mise en place du pacte de solidarité et
de croissance est un premier pas. Les élus communistes, ainsi que de nombreux
élus locaux et l'Association des maires de France, considèrent toutefois qu'il
serait légitime de faire bénéficier les collectivités territoriales des fruits
de la croissance à hauteur de 50 %.
L'augmentation, cette année, de l'enveloppe consacrée à la dotation de
solidarité urbaine dénote aussi la volonté du Gouvernement d'amplifier la
redistribution des richesses entre les collectivités.
Construire une véritable intercommunalité doit se faire à partir de la
commune, et surtout avec des collectivités plus fortes, des collectivités
reconnues, des collectivités disposant de pouvoirs accrus.
L'objectif premier visé à travers le projet de loi que nous examinons est
l'élargissement de la solidarité et de la péréquation, grâce à la mise en place
quasi systématique de la taxe professionnelle unique.
L'instauration d'une taxe professionnelle unique au sein d'une communauté crée
effectivement un espace de solidarité qui contribue à une redistribution des
richesses.
Mais quel sera le taux de la taxe professionnelle qui rejoindra l'autre ?
Reconnaissez-le, monsieur le ministre, tant que des moyens nouveaux ne seront
pas dégagés en faveur des collectivités territoriales, celles-ci se partageront
les difficultés financières.
Certes, le Gouvernement s'est engagé à contribuer, à hauteur de 500 millions
de francs pendant cinq ans, au développement de l'intercommunalité. C'est bien,
mais chacun sait que cela est insuffisant. Selon les prévisions ministérielles,
semble-t-il, près de 15 millions d'habitants seraient concernés. Il est clair,
dans ces conditions, que la dotation de l'Etat sera insuffisante.
Il manque plus de 1,2 milliard de francs, qui seront prélevés, selon l'article
66 du projet de loi, dans la dotation de compensation de la taxe
professionnelle. Or cette dotation sert déjà de variable d'ajustement et ses
fonds sont complètement déconnectés de la réalité. Une telle mesure ne pourrait
que contribuer à diminuer encore un peu plus les budgets locaux.
Qu'en sera-t-il, par ailleurs, du financement de cette dotation spéciale après
2004 ? Selon nous, 250 francs ne représentent pas un financement « pérennisable
».
Le projet de loi prévoit des mécanismes de péréquation, notamment aux articles
57 et 58, qui traitent du fonds de solidarité des communes de la région
d'Ile-de-France.
La déliaison des taux, que nous exigeons inlassablement depuis plusieurs
années, reçoit un début d'application. Nous proposerons de rendre cette
déliaison encore un peu plus pertinente et plus efficace.
Vous le savez, au-delà des élus communistes, cette revendication est
aujourd'hui partagée par l'AMF.
Ce texte aurait pu, à notre sens, être un peu plus ambitieux en ce qui
concerne le rééquilibrage des ressources entre collectivités.
Réduire les inégalités de ressources entre les communes suppose de revoir les
modalités de la péréquation. En 1995, 2,5 milliards de francs ont été
redistribués au titre de la péréquation départementale, et je tiens à souligner
le rôle important joué par les départements en la matière. Par ailleurs, 3,3
milliards de francs ont été redistribués au titre de la péréquation nationale,
soit moins de 4 % du produit de la taxe.
Revoir les modalités de redistribution des richesses pourrait, par exemple,
consister à relever le plancher de la valeur ajoutée, le produit de la
cotisation minimale devant impérativement abonder le Fonds national de
péréquation de la taxe professionnelle, ce qui n'est malheureusement pas le cas
aujourd'hui.
Améliorer les mécanismes de solidarité ne saurait suffire à résoudre les
difficultés financières des collectivités.
C'est pourquoi nous proposons d'inclure les actifs financiers dans l'assiette
de la taxe professionnelle. Cette proposition répond au souci de nombre d'entre
nous, ainsi qu'au constat fait par notre collègue M. Delevoye, président de
l'Association des maires de France, quant à la sous-fiscalisation de la
richesse financière. Taxer les actifs financiers décelables dans le bilan des
entreprises à hauteur de 0,30 % rapporterait 88 milliards de francs.
En 1997, je le rappelle, l'ensemble des actifs représentait plus de 29 000
milliards de francs.
Nous proposons là de suivre une voie originale, car nous sommes pour
l'intercommunalisation mais aussi pour le développement de la démocratie locale
et de l'autorité locale.
Il s'agit, selon nous, de « nourrir » la taxe professionnelle, car il faut des
moyens, des ressources nouvelles pour lutter pour le social et contre la
ségrégation urbaine, comme vous le dites justement, monsieur le ministre.
Ce projet doit donc être assorti de moyens financiers : c'est la condition
d'une véritable intercommunalité, et ce sera le sens de beaucoup de nos
amendements.
Après mon ami Robert Bret, je voudrais à mon tour m'arrêter quelques instants
sur la possibilité offerte par les députés à la quasi-totalité des
établissements de coopération intercommunale de prélever également les impôts
locaux sur les ménages en lieu et place des communes.
Autoriser la fiscalité mixte constitue, à nos yeux, une dérive dangereuse,
pernicieuse, qui risque d'alourdir encore les impôts pesant sur les ménages.
Par ailleurs, il nous semble extrêmement dangereux pour la démocratie locale
et l'autonomie communale de permettre à une communauté déjà constituée
d'effectuer le passage à la taxe professionnelle unique et,
a fortiori,
à la fiscalité mixte sans même consulter les communes membres.
Nous vous proposerons que d'aussi importantes décisions ne puissent être
prises sans l'accord des conseils municipaux des communes membres.
L'Assemblée nationale a également introduit une mesure qui entame encore plus
gravement la liberté des collectivités, en rendant le passage à la taxe
professionnelle unique automatique par tacite acceptation. Nous nous opposerons
évidemment à cette transgression de la démocratie.
Ce texte, qui a vocation à mutualiser les moyens des communes par la
constitution de communautés de communes, n'assure pas, en l'état, une
mobilisation efficace des acteurs sociaux et économiques en vue d'une vraie
coopération intercommunale de projet, enrayant la crise urbaine, contribuant à
une résorption efficace du chômage et de la précarité.
Comme vous, monsieur le ministre, nous souhaitons redonner du souffle à la
décentralisation, comme vous, nous voulons servir le progrès social et les
valeurs républicaines. Cette volonté fonde les amendements que nous
défendrons.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Mauroy.
M. Pierre Mauroy.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le
renforcement de la coopération intercommunale, dont nous débattons aujourd'hui,
est certainement la voie de la raison, celle qui, dans un pays riche du nombre
de ses collectivités, de l'engagement de ses élus, conduira à s'adapter à la
civilisation urbaine et à la dimension européenne.
Je salue votre projet de loi et vos initiatives, monsieur le ministre, et je
les approuve.
Vos propositions rationnalisent l'intercommunalité, la clarifient, la
fortifient et revêtent donc une importance particulière. En tout cas, ce projet
de loi s'inscrit dans la voie de la décentralisation ouverte dès 1982.
Certes, l'examen de ce texte nous confronte aussi et encore à la fameuse «
exception française ».
La première spécificité de cette exception française est l'émiettement
communal. Lorsque l'Europe comptait douze pays membres, nous avions, à nous
seuls, plus de communes que les onze autres pays réunis. Dans l'Europe des
Quinze, nous représentons encore près de la moitié de l'effectif communal de
nos quatorze partenaires.
Au moment où l'Europe se fait - et elle se fera ! - on ne peut continuer à
reproduire cette situation, qui appelle indiscutablement des solutions.
Seconde spécificité de l'exception française : la trop lente application de la
nécessaire réforme du regroupement. Si plus de la moitié de nos communes sont
aujourd'hui associées au sein de structures intercommunales, et si nous sommes
31 millions à vivre dans ces structures, force nous est d'admettre l'échec
relatif des tentatives effectuées dans le passé.
Alors que bien des pays voisins du nôtre ont réussi à fusionner leurs
communes, un tel mouvement ne s'est pas imposé en France, loin de là.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Sauf à Lille !
M. Pierre Mauroy.
Je suis à peu près le seul à avoir tenté cette opération, il y a fort
longtemps. J'en reste partisan et, parce que je m'apprête à en réaliser une
autre, on prétend que cela soulève des problèmes au regard de la démocratie
!
Je rappellerai l'échec de la loi Marcellin qui, en 1971, a instauré un cadre
juridique propre aux fusions de communes, ainsi que le modeste résultat de la
loi de 1966 créant des communautés urbaines, puisqu'il n'en existe pas plus de
douze trente ans après - je dis bien : douze en trente ans ! - et encore le
mouvement s'est-il accéléré dans les dernières années. Quant au bilan de la loi
ATR de 1992, il est bien contrasté dans la mesure où les communautés de
communes se sont bien développées, alors que seulement cinq communautés de
villes ont vu le jour.
La décentralisation ne peut se satisfaire ni de cette atomisation encore trop
grande ni des graves déséquilibres qui ne permettent pas d'assurer au mieux la
complémentarité indispensable entre zones rurales et zones urbaines. Elle
suppose une cohérence institutionnelle qu'il faut renforcer, sur des
territoires évidemment pertinents.
Intervenant parmi d'autres collègues socialistes, je limite mon propos aux
communautés urbaines.
Structures imposées à l'origine, et dans des conditions plus autoritaires que
démocratiques - mais, au fond, la bonne direction était prise, je le reconnais,
même si, j'y étais au départ hostile - avec bien d'autres, elles furent, en
1966, qualifiées de « monstrueux regroupements » qui allaient étouffer les
communes.
Reconquises par les élus à la faveur de la décentralisation, elles constituent
aujourd'hui un modèle, en tout cas le modèle le plus élaboré, d'organisation
intercommunale.
Elles apportent la réponse adaptée à la nécessité de doter notre pays de
grandes villes à vocation internationale et aussi d'agglomérations plus
modestes à forte dynamique régionale.
Elles seront désormais réservées à des ensembles de 500 000 habitants. Ce
seuil valide un objectif, que je fais mien, celui de structurer la France
autour de grandes métropoles comparables à celles qui se développent sur tous
les continents.
M. Jacques Peyrat.
Bien sûr !
M. Pierre Mauroy.
Avec, toutefois, un correctif : nous sommes loin, en France, des vastes
ensembles urbains, regroupant des millions et des millions d'habitants. Nous
restons à l'échelon français et européen.
Rien ne justifie donc que l'on s'alarme, bien au contraire, car il est clair
qu'aucune région ne pourra se développer valablement sans une capitale
suffisamment forte.
M. Jacques Peyrat.
Voilà !
M. Pierre Mauroy.
Entre l'ambition qui serait démesurée de vouloir grand, trop grand, et le
sentiment parfois pusillanime, mais bien français, quand on touche à ces
problèmes, de préférer petit, toujours trop petit - on parle de sa petite
maison ou de son petit jardin - il existe un équilibre qui est bien dans la
nature de la France et qui doit se retrouver impérativement dans l'aménagement
du territoire.
Les communautés urbaines ont en commun de s'être imposées à la fois comme
relais des collectivités de base et comme partenaires actifs des pouvoirs
publics, notamment en matière de grands équipements.
S'agissant de l'élargissement des compétences, monsieur le ministre,
l'Assemblée nationale a souhaité pour les communautés urbaines existantes un
dispositif très incitatif. La taxe professionnelle unique, couplée à
l'extension des compétences, devient la règle sauf si une majorité qualifiée
s'y oppose dans un délai de six mois. Par ce « renversement de la charge de la
preuve », les députés ont en quelque sorte ajouté le volontarisme à la volonté.
En matière d'organisation administrative, il faut de la volonté et sans doute
encore plus de volontarisme.
Vous avez suivi les députés, monsieur le ministre. Je partage ce souci de
permettre aux structures qui ont été les pionnières du mouvement de
l'intercommunalité de rester au coeur de cette dynamique. Je formulerai
cependant quelques remarques.
La première est dictée par le souci d'éviter une précipitation qui
n'apporterait rien. Elle porte sur l'allongement de six mois à un an après la
promulgation de la loi du délai pour choisir le nouveau système. Ce délai d'un
an me semble raisonnable.
La seconde remarque procède de la préoccupation de ne pas se montrer trop
rigide, de laisser de la respiration dans la coopération et de la souplesse
dans les transferts de compétence.
S'il est clair que nous voulons l'intercommunalité, il est tout aussi certain
que celle-ci doit se faire avec nos communes et dans le respect de leur
identité. Par expérience, je peux ajouter que vouloir en faire trop ou vouloir
trop contraindre les communes nuit au développement d'un esprit communautaire
qui est absolument indispensable au rayonnement de l'intercommunalité.
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Pierre Mauroy.
D'une manière plus générale, je crois qu'il est essentiel d'introduire dans ce
texte la notion de compétence partagée, pour faciliter une articulation
harmonieuse entre l'intérêt communautaire - je parle toujours des communautés
urbaines - et la subsidiarité des communes.
J'entends toujours dire que les compétences ne sont pas respectées, mais on ne
peut pas le faire. Aucun gouvernement ne pourra les faire respecter de manière
absolue parce qu'elles ne sont pas dans la nature des choses.
Je prendrai l'exemple des équipements culturels. Leur coût élevé justifie une
prise en charge communautaire, d'ailleurs réclamée par les maires, mais je ne
crois pas opportun de déposséder les villes de leur rôle d'animation en ce
domaine. Par conséquent, il est absolument indispensable que cette compétence
reste dévolue aux villes, mais il convient aussi de procéder à quelques
aménagements en faveur des communautés urbaines.
La culture est une part de l'âme des villes et les établissements
communautaires ne sont pas encore touchés par la grâce ! Cela viendra
peut-être, mais ce n'est pas encore le cas. Je proposerai donc une possibilité
de conventionnement entre les communes et les communautés urbaines dans les cas
d'équipements complexes où se retrouvent liées des fonctions d'agglomération et
des fonctions de proximité.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Pierre Mauroy.
Nous ne sommes pas compétents en matière d'enseignement supérieur, et pourtant
nous avons, à Lille, alimenté un fonds de concours communautaire et, par le jeu
d'une convention, nous avons aidé les villes à accroître le nombre de leurs
étudiants. Nous avions un tel retard en ce domaine que nous étions montrés du
doigt. Le Nord - Pas-de-Calais était la région française qui comptait le moins
d'étudiants. Mais en dix ans, nous avons véritablement accompli des progrès
considérables, et la communauté urbaine, qui n'était pas compétente, a trouvé
le moyen, par le biais de ce fonds de concours, d'apporter une contribution
décisive qui a été appréciée par tous. Comment voudriez-vous que je fasse
autrement ?
Lille a été retenue comme capitale européenne de la culture. C'est très bien,
et elle va sans doute rester pionnère de cette opération, mais si la communauté
urbaine ne l'appuie pas en matière d'équipements culturels, il ne se passera
rien du tout. Par conséquent, le bon sens veut qu'on aille vers un partage en
la matière.
Nous devrions pouvoir agir de même dans le domaine culturel, mais aussi
sportif ou en matière d'équipements de réseau, quand il existe un intérêt
communautaire et que la décision en est prise à la majorité qualifiée. Peut-on
compter sur une initiative de votre part en ce domaine, monsieur le ministre ?
Ce serait essentiel.
Par ailleurs, la question de l'élection au suffrage universel des délégués
communautaires a été posée. Elle est sans doute prématurée. Les responsabilités
assumées par les communautés urbaines en termes de compétences et de budgets
justifient pourtant cette interrogation sur une démarche de légitimation.
L'Assemblée nationale a voté un dispositif de distinction des futurs délégués
sur les listes municipales des communes de plus de 3 500 habitants.
J'approuve un tel système, qui aura l'avantage de renforcer l'identité des
communautés urbaines sans mettre en cause celle des communes. Il marque un
progrès important et ouvre la voie à de nouvelles avancées qui, un jour,
deviendront inéluctables. Sur ce plan-là, il ne faut jamais prendre le pari
d'être en retard ; il faut toujours, au contraire, prendre celui d'être en
avance !
Monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous soumettez ouvre une étape
nouvelle de la décentralisation mais, surtout, une étape nécessaire parce
qu'elle est fondée sur la double exigence de modernisation de nos collectivités
et de prise en compte de l'avenir de nos territoires. Je vous en remercie.
Le renforcement et la simplification de la coopération intercommunale ont sans
doute besoin de beaucoup de sagesse - et vous en trouverez beaucoup dans cette
assemblée - mais aussi d'audace. Nous sommes trop en retard par rapport aux
autres Etats ; nous sommes trop en retard par rapport à la nécessité dans
laquelle se trouve la France de se moderniser, d'aller plus haut, d'aller plus
loin. A nous de faire en sorte que, enfin, elle se donne une réforme
administrative de son territoire à la hauteur de ses ambitions et des
aspirations de sa population !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées
du RPR. - M. le rapporteur pour avis applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Peyrat.
M. Jacques Peyrat.
Monsieur le ministre, l'intercommunalité est mon combat permanent dans le pays
azuréen, et je dois dire que j'ai écouté avec ravissement mon prédécesseur à la
tribune, notre collègue Pierre Mauroy. Il est du Nord, je suis du Sud ; il a
une communauté urbaine, je n'en ai pas encore ; il est la rose, je suis le
réséda.
(Sourires.)
Et pourtant nous avons sur cette question des sentiments
assez semblables.
L'intercommunalité prolonge et amplifie l'oeuvre de la décentralisation tout
en étant inséparable de l'idée de responsabilité. Elle favorise des économies
d'échelle et permet, monsieur le ministre, de répondre à l'évolution curieuse
de notre société qui a vu le citoyen réclamer et obtenir de nouveaux droits, le
contribuable avoir de nouvelles exigences et l'usager de nouveaux besoins.
Elle est aussi un progrès et non un recul pour la liberté communale, car, au
fond, que signifie être libre aujourd'hui si ce n'est détenir à la fois le
savoir, c'est-à-dire la compétence technique et juridique, mais aussi le
pouvoir, c'est-à-dire les moyens de financement ?
Or, nous sommes dans une société où les petites communes se trouvent
complètement démunies face à cette complexité technique. Elles sont obligées de
s'en remettre parfois aux services de l'équipement, donc à l'Etat, pis à
certains groupes privés qui géreront leurs affaires, qu'il s'agisse de l'eau,
des déchets ou de la voirie.
Voilà ce qu'apporte l'intercommunalité en termes d'avantages. En renforçant la
coopération entre les communes, votre projet de loi, monsieur le ministre, est
donc une bonne chose tant il est vrai que les formes successives qui se sont
empilées les unes sur les autres n'ont fait qu'accroître la complexité du
système. Mais est-ce vraiment simplifier que de créer dans le même temps, par
l'intermédiaire de votre collègue Dominique Voynet, la notion de pays, ce qui
ajoute dès lors une structure supplémentaire ?
Votre texte semble malheureusement s'arrêter au milieu du gué.
S'agissant de la prétendue simplification des niveaux administratifs, vous ne
pouvez doter les nouvelles communautés d'agglomération de compétences
importantes sans poser clairement le problème du nombre et de l'empilement des
niveaux de décentralisation.
Si tout ce que vous proposez est adopté, pouvez-vous nous expliquer à quoi
servira, demain, un conseiller général dans une grande agglomération qui, de
surcroît, aurait la possibilité de contractualiser avec l'Etat ?
Avez-vous raison, par ailleurs, monsieur le ministre, de limiter la
possibilité - et là, je suis intéressé - de créer de nouvelles communautés
urbaines, certes pour des raisons financières ?
Votre projet de loi visait, à l'origine, l'organisation urbaine qui a été
abandonnée au bénéfice du renforcement et de la simplification de la
coopération intercommunale, et je le regrette.
Le sénateur, mieux que tout autre, est le défenseur de la commune, mais le
maire d'une grande agglomération comprend mieux que tout autre aussi la
nécessité d'une intercommunalité à base d'organisation urbaine qu'il assume,
d'ailleurs, dans sa plénitude.
Le développement inéluctable des grandes agglomérations amène à devoir les
structurer. Les actions de développement économique, les programmes locaux
d'habitat, la voirie et la communication, les plans d'occupation des sols, les
équipements portuaires et aéroportuaires exigent inévitablement des
concertations avec les partenaires de leurs abords, banlieues et communes
limitrophes.
Or, on se trouve confronté à deux difficultés.
La première tient à la crainte qu'inspire la grande agglomération aux communes
limitrophes de plus petite taille. Cette crainte est parfois de nature
politique mais c'est, le plus souvent, celle d'être dévorée et de voir
disparaître son indépendance, sa liberté de choix, bref, sa liberté.
En face, cependant, la ville, l'agglomération urbaine, ne sait pas comment
équilibrer ses charges de « centralité » écrasantes pour entretenir des
structures communautaires lourdes dont les petites communes ont pris l'habitude
de bénéficier sans aucune contrepartie.
La seconde difficulté réside dans le fait que ces communes préfèrent des
regroupements au sein de réseaux d'amitié ou d'habitudes générées par le
travail, souvent autour d'un chef-lieu de canton, et créent désormais des
communautés de communes.
Si, de plus, la DGF leur offre des moyens nouveaux par une subvention de 150
francs par habitant, que certains, dont notre rapporteur, veulent voir porter à
175 francs, je crains que le mouvement de repli en syndicat de communes ne soit
aggravé.
Certes, votre projet de loi donne au préfet, garant de l'intérêt général, des
pouvoirs non négligeables. Mais quelle est l'étendue réelle de son pouvoir en
ce domaine ?
Dans le même ordre d'idées, quelle sera l'étendue de son pouvoir de persuasion
pour que le périmètre qu'il aura tracé, et qui correspondra à l'aire urbaine,
soit adopté par tous ? C'est une question essentielle dont dépend la réussite
de votre projet de loi.
C'est d'ailleurs parce que vous doutiez de la volonté réelle de nombreuses
communes d'avancer sur ce chemin de la coopération intercommunale que vous
aviez prévu au départ, et de façon autoritaire, la création dans la loi de sept
nouvelles communautés d'agglomération.
Vous n'avez pas voulu aller jusque-là. Vous avez choisi d'être incitatif
plutôt qu'autoritaire et sans doute avez-vous eu raison. Mais il nous faudra
expliquer, combattre la frilosité des maires des petites communes craintifs à
l'égard des « grosses pointures » et jaloux de conserver leur liberté
communale.
En effet, je doute que les communes, qui ont jusqu'à présent refusé de
s'engager sur la voie de la coopération par le biais de communauté urbaine et
désormais de communauté d'agglomération, y viennent facilement, et ce malgré
les incitations financières supplémentaires que vous leur promettez.
Je crains, dès lors, que, malgré toutes les bonnes intentions, ce nouveau
projet de loi ne soit finalement qu'un projet de plus sur l'intercommunalité.
Et si tel était le cas, je le regretterais profondément, car vous avez eu le
grand mérite de proposer des solutions originales sous-tendues par une volonté
qui était espérée.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Mes chers collègues, conformément à la décision prise par la conférence des
présidents, nous allons maintenant interrompre la discussion du projet de loi
relatif au renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale. Elle sera reprise le mardi 6 avril.
8
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept
membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant
diverses mesures relatives à la sécurité routière.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jacques Larché, Lucien Lanier, Patrice Gélard, Daniel
Hoeffel, Paul Girod, Jacques Mahéas et Robert Bret.
Suppléants : MM. Guy Allouche, Robert Badinter, Guy Cabanel, Jean-Patrick
Courtois, Pierre Jarlier, Charles Jolibois et Jean-Pierre Schosteck.
9
POLICES MUNICIPALES
Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 265,
1998-1999) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux polices
municipales.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il m'est agréable de
rendre compte des travaux de la commission mixte paritaire. Celle-ci, en effet,
a abouti à un accord. Il convient de saluer l'effort accompli par les deux
chambres du Parlement et par la commission mixte paritaire pour parvenir à un
texte qui règle le statut des policiers municipaux.
Ce texte aurait pu, dès le départ, être soumis à une double tentative, les uns
souhaitant privilégier l'aspect sécuritaire et les autres priver les
collectivités territoriales de certains pouvoirs. Nous avons été animés par un
souci d'efficacité et de recherche de l'équilibre.
En réalité, quelques points de désaccord très profonds subsistaient, treize
articles ayant été votés conformes. Ces divergences concernaient la convention
de coordination, le double agrément des agents et le statut social. Il faut
souligner qu'un rapprochement important était déjà intervenu entre les deux
assemblées sur le point le plus médiatisé, à savoir le principe de l'armement
des policiers, sur lequel un accord complet a été trouvé en commission mixte
paritaire, notamment pour tenir compte de la nécessité d'harmonisation des
catégories d'armes avec la réglementation européenne.
La commission mixte paritaire a supprimé la possibilité pour le préfet, en
l'absence d'accord avec le maire, d'établir seul un règlement de coordination,
ce qui, aux yeux des collectivités locales, paraissait totalement inacceptable.
Elle a ainsi eu la sagesse de retenir une solution équilibrée, tenant compte de
la réalité du terrain. En effet, la coordination est actuellement effectuée
dans de bonnes conditions dans toutes les collectivités locales qui ont à leur
disposition une police municipale. Mais, en l'absence de convention de
coordination, la police municipale ne pourrait pas être armée, et ne pourrait
pas intervenir la nuit entre vingt-trois heures et six heures. Il y a donc une
forte incitation à parvenir à un accord sur cette convention de
coordination.
Les représentants de l'Assemblée nationale ayant accepté la proposition des
représentants du Sénat, nous sommes parvenus à un accord sur ce point
essentiel. Ainsi, une convention de coordination sera conclue entre le
représentant de l'Etat et le maire.
Compte tenu de cette concession, les représentants du Sénat ont accepté le
principe du double agrément des agents, par le préfet et le procureur de la
République. Nous avions émis quelques réserves sur la nécessité de l'agrément
par le préfet, qui nous avait semblé à la fois inutile et contraire aux lois de
décentralisation. Dans un souci d'équilibre, nous avons accepté cette
proposition.
Nous avons clairement affirmé le principe de l'armement et, à cet égard, nous
sommes parvenus à un accord.
Nous nous sommes accordés aussi sur le principe d'une identification commune
pour les forces de l'ordre. Nous avons pris acte, monsieur le ministre, de la
réponse que vous aviez faite à notre collègue M. Peyrat, dans cette assemblée
même, et aux termes de laquelle la couleur bleue, qui est le signe de
l'autorité, pourrait être retenue pour les uniformes. C'est un point très
important, qui nous a permis de donner notre accord sur le principe.
Un grand débat a eu lieu sur le délai d'agrément des agents. En effet, les
élus sont très inquiets. Ils craignent de devoir supporter inutilement la
charge de la formation d'agents qui ne recevraient pas l'agrément du préfet ou
du procureur de la République.
Nous n'avons pas pu obtenir d'accord sur une délivrance tacite de l'agrément,
passé un certain délai, mais, monsieur le ministre, nous sollicitons de votre
part des instructions très fermes pour que les représentants de l'Etat
délivrent les agréments dans des délais raisonnables.
M. Jean-Paul Amoudry a rappelé la nécessité de résoudre le problème des
communes touristiques. C'est un sujet important. Il s'agit, notamment, de
donner la possibilité d'agréer temporairement des agents pour tenter de
répondre à de très fortes augmentations de population.
S'agissant de la formation continue obligatoire, nous avions prévu le
versement d'une redevance pour prestations de services au Centre national de la
fonction publique territoriale par les communes concernées. L'Assemblée
nationale souhaitait que ce financement revienne au CNFPT. Nous sommes parvenus
à un accord sur la rédaction du Sénat.
Ainsi l'esprit du texte est, me semble-t-il, respecté : en contrepartie des
pouvoirs plus importants octroyés aux policiers municipaux par l'Etat, un
équilibre a été recherché entre les collectivités territoriales et les préfets.
Dès lors, les policiers municipaux ont à leur disposition l'uniforme,
l'armement et les moyens juridiques pour faire face à leurs obligations.
En conclusion, ce texte est raisonnable car il répond au souci d'efficacité
des collectivités territoriales et me paraît équilibré.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, la commission mixte paritaire est donc parvenue à un texte commun
pour le projet de loi relatif aux polices municipales, que je vous avais
présenté en juin dernier. Je m'en réjouis. Je félicite les parlementaires qui y
ont contribué, au premier rang desquels M. Delevoye, rapporteur pour le Sénat
de la commission mixte paritaire.
Cet accord va permettre une adoption plus rapide de ce texte et aussi, bien
entendu, son entrée en vigueur dans des délais plus rapprochés. Attendu par les
maires, par les agents de police municipale, mais aussi souhaité par l'Etat
depuis une dizaine d'années, il fournira un cadre à l'action des polices
municipales et permettra une articulation adéquate entre celles-ci et la police
ou la gendarmerie nationales.
Je tiens encore à remercier tout particulièrement M. Jean-Paul Delevoye qui,
en sa double qualité de rapporteur et de président de l'Association des maires
de France, a joué un rôle certain dans la recherche de compromis réalistes
entre les positions - somme toute, peu éloignées - de l'Assemblée nationale et
du Sénat.
Les différences existantes, après la deuxième lecture, portaient d'ailleurs
davantage sur l'accent mis par chacune des deux assemblées sur l'un ou l'autre
des deux objectifs qu'il s'agissait de concilier : d'une part, la nécessité de
prévoir un cadre législatif homogène pour l'action des polices municipales et
leurs relations avec la police ou la gendarmerie nationales - objectif sur
lequel l'Assemblée nationale insistait davantage - et, d'autre part, le respect
du principe de libre administration des collectivités locales, objectif auquel
vous accordiez bien sûr une grande importance.
Mais, au fond, l'Assemblée nationale et le Sénat, avec des accents différents,
cherchaient à atteindre simultanément ces deux objectifs. C'est pourquoi les
conditions d'un accord en commission mixte paritaire étaient réunies, dès lors
qu'existait - ce qui souvent manque le plus - la volonté d'aboutir.
Deux sujets de désaccord significatifs subsistaient à l'issue de la deuxième
lecture : d'une part, la possibilité d'un règlement de coordination par acte
unilatéral du préfet, en l'absence de convention, et, d'autre part,
l'obligation d'un double agrément par le préfet et le procureur de la
République.
La commission mixte paritaire a retenu le texte du Sénat pour l'article 2 et
celui de l'Assemblée nationale pour l'article 6. Je pense qu'il faut y voir là
non pas une volonté de « couper la poire en deux », mais simplement le souci
d'aboutir à un compromis dynamique. Ce compromis permet, sur le premier point,
de conserver une incitation suffisante à la conclusion d'une convention de
coordination, dès lors que le travail de nuit et l'armement ne seront pas
possibles en l'absence d'une telle convention. Il permet, sur le second point,
de consacrer de façon solennelle la contribution effective des agents de police
municipale tant à la police judiciaire qu'à la police administrative par un
double agrément du procureur de la République et du préfet.
Dès lors qu'un compromis avait été trouvé sur ces deux points de désaccord, la
commission mixte paritaire a pu, sans grande difficulté, parvenir à un accord
sur les points sur lesquels les divergences étaient moindres : le financement
de la formation continue obligatoire, la désignation des membres de la
commission consultative, les procédures de vérification de l'organisation et du
fonctionnement d'une police municipale, les conditions de l'armement éventuel
des agents, et les dispositions diverses et transitoires.
Vous avez, monsieur le rapporteur, accepté le retrait de l'amendement relatif
aux conditions de révocation et de suspension des gardes-champêtres
intercommunaux. Je prends ici l'engagement de trouver et donc de vous proposer
dans les meilleurs délais une issue aux difficultés qui ont jusqu'à présent
retardé la prise des dispositions rendant possible le recrutement de tels
agents.
Ces difficultés résident, vous le savez, dans la contradiction entre le
pouvoir de police du maire et le recrutement d'agents par un groupement de
communes ou une collectivité. Il existe plusieurs possibilités de sortir « par
le haut » de cette contradiction, et on peut les conjuguer : premièrement,
clarifier le rôle du groupement de communes dans l'hypothèse du second alinéa
de l'article L. 2213-17 du code général des collectivités territoriales ;
deuxièmement, faciliter la mise en oeuvre de l'embauche par plusieurs communes
d'un garde champêtre en application du premier alinéa du même article ;
troisièmement, explorer les possibilités reconnues par la loi de 1984 aux
centres départementaux de gestion de mettre des fonctionnaires à disposition
d'une ou plusieurs collectivités pour des missions permanentes à temps non
complet. Ces solutions devront, bien entendu, être étudiées avec Mme la
ministre de l'environnement. Mais je prends devant vous un engagement de bonne
fin, quitte à m'en entretenir à nouveau avec vous.
J'en viens maintenant à l'application de la loi.
Dès lors que - je n'en doute pas - vous adopterez le texte qui vous est
proposé par la commission mixte paritaire, se pose la question de la mise en
oeuvre de ses dispositions.
Huit articles nécessitent la prise d'un décret d'application. Je prends ici
l'engagement de prendre quatre d'entre eux dans un délai de quatre mois à
compter de la promulgation de la loi, c'est-à-dire d'ici à la fin du mois de
juillet. Il s'agit des décrets en Conseil d'Etat. Les plus urgents portent sur
l'article 1er pour la liste des contraventions aux dispositions du code de la
route que les agents de police municipale pourront relever par procès-verbal,
sur l'article 2 pour les clauses de la convention type de coordination, sur
l'article 3 pour les dispositions permettant la désignation des membres de la
commission consultative des polices municipales, enfin, sur l'article 7 pour
les circonstances et les conditions dans lesquelles, par type de mission, les
agents de police municipale peuvent porter une arme.
J'ai d'ores et déjà tenu informés les préfets des tâches qui les attendent
ensuite pour négocier les conventions de coordination, agréer les agents et
autoriser l'armement le cas échéant.
Je suis sensible, mesdames, messieurs les sénateurs, au souci que vous avez
exprimé et selon lequel le double agrément ne doit pas se traduire par un
allongement de délai. C'est pourquoi le délai de deux mois au total me paraît
tout à fait raisonnable. C'est l'objectif que j'assignerai aux préfets.
Les autres décrets sont ceux qui devront être soumis à l'avis préalable du
Conseil supérieur de la fonction publique territoriale ou de la commission
consultative des polices municipales, ou des deux. Ils seront pris dans les
meilleurs délais, en ménageant le temps nécessaire à la sérénité de ces
consultations. Il s'agit des décrets en Conseil d'Etat relatifs aux
caractéristiques des équipements - article 8 - au code de la déontologie -
article 9 - à la formation continue - article 15 - et aux pensions et rentes
viagères d'invalidité - article 16.
Par ailleurs, je vous confirme que le Conseil supérieur de la fonction
publique territoriale sera saisi du projet de décret portant statut particulier
des agents d'encadrement des polices municipales relevant de la catégorie B. Le
décret d'application de l'article 14
bis
sur le relevé d'identité à la
SNCF et à la RATP sera bien entendu pris dès que possible, en concertation
étroite avec M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Enfin, je vous indique que j'ai d'ores et déjà proposé à M. le président du
Centre national de la fonction publique territoriale la signature d'un
protocole relatif à la participation de la police nationale à la formation
initiale des cadres d'emplois de la police municipale.
Comme vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'adoption
définitive de la loi sur les polices municipales ouvre le champ d'un travail
important pour sa mise en oeuvre. Vous pouvez compter sur ma détermination en
ce sens !
Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à confirmer par votre
vote les choix de la commission mixte paritaire. Les polices municipales, que
les communes peuvent créer quand elles le jugent utile, trouveront là un cadre
pour leur action quotidienne et les moyens d'une cohérence avec la police et la
gendarmerie nationales. Ce sera, j'en suis certain, l'occasion d'une
contribution positive à la politique de police de proximité que je m'efforce
d'appliquer par ailleurs et qui est une des grandes priorités du
Gouvernement.
Vous montrerez qu'il en est d'une législation nécessaire comme de l'élection
présidentielle : il ne faut pas nécessairement renoncer après deux échecs. Je
rappelle en effet que deux projets de loi avaient été déposés auparavant, l'un
par M. Paul Quilès et l'autre par M. Charles Pasqua, qu'avait repris M.
Jean-Louis Debré. La troisième tentative peut parfois être la bonne ! Nous
aurons apporté cette démonstration, qui fera également reculer la supers-tition
selon laquelle « jamais deux sans trois ». Nous pouvons donc considérer que ce
texte est, à cet égard, particulièrement républicain !
(Sourires.)
M. Jean-Paul Delevoye,
rapporteur.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
commission mixte paritaire est parvenue à élaborer le texte commun qui nous est
présenté aujourd'hui.
A la lecture du rapport, il ressort clairement que, sur les quinze articles
restant en discussion, douze reprennent finalement la rédaction voulue par les
sénateurs. Pourtant, quelques parlementaires ont trouvé que ce texte n'était
pas suffisamment libéral !
Les désaccords entre les deux chambres étaient loin d'être négligeables avant
la réunion de la commission mixte paritaire, qu'il s'agisse du règlement de
coordination, du double agrément ou de l'armement des agents de police
municipale.
Un accord a été trouvé pour retenir, à l'article 2, la rédaction issue des
travaux du Sénat et, à l'article 6, celle de l'Assemblée nationale. Quant à
l'article 7, le principe de l'armement sous conditions a été retenu, en
conférant toutefois un caractère cumulatif et non pas alternatif aux conditions
justifiant cet armement.
Puisqu'il s'agit, à ce stade du débat, d'un compromis, nous l'acceptons. Il
était en effet indispensable d'encadrer juridiquement les polices municipales
qui ont fleuri un peu partout, et nous voterons donc ce texte.
Je maintiens simplement, monsieur le ministre, que votre projet de loi initial
était meilleur - je l'ai dit en commission mixte paritaire - car il affirmait
davantage la responsabilité de l'Etat en matière de sécurité, délimitait
clairement les missions des policiers municipaux et posait de manière plus
équilibrée le principe de l'armement de ces agents.
Nous serons donc attentifs à ce que ce texte ne soit pas perçu comme un
encouragement à recruter et à armer des policiers municipaux, ce qui donnerait
le sentiment que l'Etat n'assumerait plus ses responsabilités en la matière et
que la police de proximité serait du ressort essentiel de la police municipale,
l'Etat se consacrant à des missions de maintien de l'ordre ; or tel n'est pas
l'objectif que vient de nous rappeler M. le ministre.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la
commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur
l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :
« TITRE Ier
« DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET LE
CODE DES COMMUNES
« Art. 2. - Il est inséré, dans le code général des collectivités
territoriales, un article L. 2212-6 ainsi rédigé :
«
Art. L. 2212-6. -
Dès lors qu'un service de police municipale
comporte au moins cinq emplois d'agent de police municipale, une convention de
coordination est conclue entre le maire de la commune et le représentant de
l'Etat dans le département, après avis du procureur de la République. Un décret
en Conseil d'Etat détermine les clauses d'une convention type.
« Cette convention précise la nature et les lieux des interventions des agents
de police municipale. Elle détermine les modalités selon lesquelles ces
interventions sont coordonnées avec celles de la police et de la gendarmerie
nationales.
« A défaut de convention, les missions de police municipale ne peuvent
s'exercer qu'entre 6 heures et 23 heures, à l'exception des gardes statiques
des bâtiments communaux et de la surveillance des cérémonies, fêtes et
réjouissances organisées par la commune.
« Une convention de coordination peut également être conclue, à la demande du
maire, lorsqu'un service de police municipale compte moins de cinq emplois
d'agent de police municipale. »
« Art. 3. - Il est inséré, dans le code général des collectivités
territoriales, un article L. 2212-7 ainsi rédigé :
«
Art. L. 2212-7. -
Une commission consultative des polices municipales
est créée auprès du ministre de l'intérieur. Elle est composée pour un tiers de
représentants des maires des communes employant des agents de police
municipale, pour un tiers de représentants de l'Etat et, pour le dernier tiers,
de représentants des agents de police municipale choisis par les organisations
syndicales représentatives des fonctionnaires territoriaux. Elle est présidée
par un maire élu en son sein, qui a voix prépondérante en cas de partage égal
des voix.
« Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent
article. »
« Art. 4. - Il est inséré, dans le code général des collectivités
territoriales, un article L. 2212-8 ainsi rédigé :
«
Art. L. 2212-8. -
A la demande du maire, du représentant de l'Etat
dans le département ou du procureur de la République, et après avis de la
commission consultative des polices municipales, le ministre de l'intérieur
peut décider de la vérification de l'organisation et du fonctionnement d'un
service de police municipale. Il en fixe les modalités après consulation du
maire. Cette vérification peut être opérée par les services d'inspection
générale de l'Etat. Ses conclusions sont transmises au maire de la commune
concernée, au représentant de l'Etat dans le département et au procureur de la
République. »
« Art. 5
bis. - Supprimé.
« Art. 6. - L'article L. 412-49 du code des communes est ainsi rédigé :
«
Art. L. 412-49.
- Les fonctions d'agent de police municipale ne
peuvent être exercées que par des fonctionnaires territoriaux recrutés à cet
effet dans les conditions fixées par les décrets en Conseil d'Etat prévus à
l'article 6 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions
statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
« Ils sont nommés par le maire, agréés par le représentant de l'Etat dans le
département et le procureur de la République, puis assermentés.
« L'agrément peut être retiré ou suspendu par le représentant de l'Etat ou le
procureur de la République après consultation du maire. Le maire peut alors
proposer un reclassement dans un autre cadre d'emplois dans les mêmes
conditions que celles prévues à la section 3 du chapitre VI de la loi n° 84-53
du 26 janvier 1984 précitée, à l'exception de celles mentionnées au second
alinéa de l'article 81. »
« Art. 7. - La sous-section 1 de la section 5 du chapitre II du titre 1er du
livre IV du code des communes est complétée par un article L. 412-51 ainsi
rédigé :
«
Art. L. 412-51. -
Lorsque la nature de leurs interventions et les
circonstances le justifient, les agents de police municipale peuvent être
autorisés nominativement par le représentant de l'Etat dans le département, sur
demande motivée du maire, à porter une arme, sous réserve de l'existence d'une
convention prévue par l'article L. 2212-6 du code général des collectivités
territoriales.
« Un décret en Conseil d'Etat précise, par type de mission, les circonstances
et les conditions dans lesquelles les agents de police municipale peuvent
porter une arme. Il détermine, en outre, les catégories et les types d'armes
susceptibles d'être autorisés, leurs conditions d'acquisition et de
conservation par la commune et les conditions de leur utilisation par les
agents. Il précise les modalités de la formation que ces derniers reçoivent à
cet effet. »
« Art. 8. - La sous-section 1 de la section 5 du chapitre II du titre Ier du
livre IV du code des communes est complétée par un article L. 412-52 ainsi
rédigé :
«
Art. L. 412-52.
- La carte professionnelle, la tenue, la
signalisation des véhicules de service et les types d'équipement dont sont
dotés les agents de police municipale font l'objet d'une identification commune
à tous les services de police municipale et de nature à n'entraîner aucune
confusion avec ceux utilisés par la police nationale et la gendarmerie
nationale. Leurs caractéristiques ainsi que les catégories et les normes
techniques des équipements sont fixées par décret en Conseil d'Etat après avis
de la commission consultative des polices municipales prévue à l'article L.
2212-7 du code général des collectivités territoriales.
« Le port de la carte professionnelle et celui de la tenue sont obligatoires
pendant le service. »
« Art. 11. - Les articles L. 414-24 et L. 441-3 du code des communes sont
abrogés. »
« TITRE II
« DISPOSITIONS MODIFIANT
LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
« TITRE III
« DISPOSITIONS STATUTAIRES
« Art. 15. - I. - La sous-section 1 de la section 5 du chapitre II du titre
Ier du livre IV du code des communes est complétée par un article L. 412-54
ainsi rédigé :
«
Art. L. 412-54.
- Outre la formation initiale dont ils bénéficient en
application des dispositions de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée et
de la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 relative à la formation des agents de la
fonction publique territoriale et complétant la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
précitée, les fonctionnaires mentionnés à l'article L. 412-49 reçoivent une
formation continue dispensée en cours de carrière et adaptée aux besoins des
services, en vue de maintenir ou parfaire leur qualification professionnelle et
leur adaptation aux fonctions qu'ils sont amenés à exercer.
« Cette formation est organisée et assurée par le Centre national de la
fonction publique territoriale. Le centre peut à cet effet passer convention
avec les administrations et établissements publics de l'Etat chargés de la
formation des fonctionnaires de la police nationale et de la gendarmerie
nationale. Il perçoit une redevance due pour prestations de service, versée par
les communes bénéficiant des actions de formation et dont le montant est lié
aux dépenses réellement engagées à ce titre.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent
article. »
« II. -
Supprimé.
« Art. 16
bis.
-
Supprimé.
« TITRE IV
« DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES
« Art. 18 A. - Le troisième alinéa du I de l'article L. 1er du code de la
route est ainsi modifié :
« I. - Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque la constatation est faite par un agent de police judiciaire
mentionné au 2° de l'article 21 du code de procédure pénale, il rend compte
immédiatement de la présomption de l'existence d'un état alcoolique ou du refus
du conducteur ou de l'accompagnateur de l'élève conducteur de subir les
épreuves de dépistage à tout officier de police judiciaire de la police
nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent, qui peut
alors lui ordonner sans délai de lui présenter sur-le-champ la personne
concernée. »
« II. - Au début de la dernière phrase, les mots : "Ces vérifications", sont
remplacés par les mots : "Les vérifications destinées à établir la preuve de
l'état alcoolique".
« Art. 18. - Dans les communes où, à la date d'entrée en vigueur de la
présente loi, existe un service de police municipale comptant au moins cins
emplois d'agent de police municipale, la convention prévue à l'article L.
2212-6 du code général des collectivités territoriales est conclue dans un
delai de six mois à compter de la publication du décret en Conseil d''Etat
déterminant les clauses d'une convention type mentionnée au même article.
« Dans ces communes, les dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article
L. 2212-6 du code général des collectivités territoriales sont applicables à
l'expiration du délai mentionné à l'alinéa précédent.
« Les dispositions de l'article L. 412-51 du code des communes ne sont
applicables qu'à compter de la conclusion de la convention prévue à l'article
L. 2212-6 du code général des collectivités territoriales et, au plus tard, à
l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article.
« Les dispositions du présent article s'appliquent également aux communes dont
le conseil muncipal porte à cinq au moins le nombre d'emplois d'agent de police
municipale, avant la date de publication du décret en Conseil d'Etat
déterminant les clauses d'une convention type.
« Art. 19. - Les dispositions de l'article L. 412-52 du code des communes
entreront en vigueur dix-huit mois à compter de la publication du décret en
Conseil d'Etat prévu par cet article.
« Art. 20. - Les agents de police municipale en fonction à la date d'entrée en
vigueur de la présente loi doivent obtenir l'agrément du représentant de l'Etat
dans le département mentionné à l'article L. 412-49 du code des communes dans
un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi. Jusqu'à ce
qu'il soit statué, ils exercent leurs missions dans les conditions résultant de
la législation antérieure.
« En cas de refus d'agrément, ils peuvent être reclassés dans un autre cadre
d'emplois dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues par la section
3 du chapitre VI de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions
statutaires relatives à la fonction publique territoriale, à l'exception de
celles mentionnées au second alinéa de l'article 81.
« Art. 21. - Au début de l'article L. 121-2 du code du service national, sont
ajoutés les mots : "Les jeunes femmes nées avant le 31 décembre 1982, ainsi
que". »
Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'un de ces articles ?...
M. Jean-Paul Delevoye,
rapporteur.
Je demande la parole sur l'article 11.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye,
rapporteur.
S'agissant de l'agrément temporaire d'agents dans les
communes touristiques, nous souhaitons que les décrets d'application de
l'article L. 412-49-1 du code des communes, qui ne sont jamais sortis, voient
bientôt le jour.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je tiens à féliciter M. le ministre d'avoir tenté de conjurer le sort, et d'y
avoir réussi ! Il est vrai que nous avions connu plusieurs tentatives sur ce
texte et qu'il était attendu depuis une dizaine d'années.
Lorsqu'on se remémore les propos outranciers qui ont accompagné la préparation
de ce projet et sa présentation devant le Parlement - avant le débat plus que
pendant le débat, au demeurant -, on constate que le temps a arrangé bien des
choses.
J'avais bien compris, monsieur le ministre, que vous n'étiez pas un furieux
partisan des polices municipales, mais que, en bon pragmatique, vous aviez tout
de suite considéré qu'il était nécessaire de prendre acte de ce qui existait.
Vous avez donc choisi de codifier l'existant, de limiter les créations, de
préciser les missions, de réglementer l'armement et l'agrément.
Nous sommes donc finalement parvenus à un accord. Cela montre que le débat
permet de faire avancer les problèmes de société !
Je me réjouis aussi, monsieur le ministre, de ce que vous avez dit concernant
la publication rapide des décrets d'application.
De tout cela, monsieur le ministre, je vous félicite, et je vous indique que
le groupe socialiste votera ce projet de loi.
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
J'adhère pleinement à la solution qui vient d'être trouvée et je tiens à
remercier M. le ministre d'avoir persévéré dans cette voie. Il y avait en effet
incontestablement en la matière une lacune à combler !
Je remercie également le rapporteur de ce texte, le président Jean-Paul
Delevoye, d'avoir, grâce à sa persévérance, permis qu'un accord soit trouvé en
commission mixte paritaire.
Ce texte tient compte, notre collègue M. Peyronnet l'a dit, des réalités du
terrain, d'un certain nombre de situations acquises et, surtout, il met fin à
une incertitude. Il permettra, aujourd'hui au niveau communal et demain au
niveau intercommunal, de doter les communes de moyens plus appropriés pour
lutter contre l'insécurité.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix
l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la
commission mixte paritaire.
(Le projet de loi est adopté.)
10
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Michel Duffour, Robert Bret, Mme Marie-Claude Beaudeau, M.
Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Guy Fischer,
Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Pierre Lefèbvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc,
MM. Jack Ralite, Ivan Renar, Mme Odette Terrade et M. Paul Vergès une
proposition de loi tendant à faire du 21 mars une journée nationale de lutte
contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 294, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
11
RETRAIT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu une lettre par laquelle M. Michel Duffour déclare retirer la
proposition de loi tendant à faire du 21 mars une journée nationale de lutte
contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie (n° 403, 1996-1997) qu'il
avait déposée avec plusieurs de ses collègues le 6 août 1997 (dépôt rattaché au
procès-verbal de la séance du 26 juin 1997).
Acte est donné de ce retrait.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 6 avril 1999, à dix heures et à seize heures :
1. Suite de la discussion du projet de loi (n° 203, 1998-1999) d'orientation
pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant
modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire, adopté par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence.
Rapport n° 272 (1998-1999) de MM. Gérard Larcher, Claude Belot et Charles
Revet, fait au nom de la commission spéciale.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 220, 1998-1999), adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au renforcement et à
la simplification de la coopération intercommunale.
Rapport n° 281 (1998-1999) de M. Daniel Hoeffel, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Avis n° 283 (1998-1999) de M. Michel Mercier, fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale de ce projet de loi
n'est plus recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(la séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON