Séance du 9 février 1999
M. le président. La parole est à M. Gouteyron, auteur de la question n° 410, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Adrien Gouteyron. J'ai tenu à poser cette question parce que le sujet est important et doit être évoqué devant le Parlement.
A l'approche de l'an 2000, aux frayeurs millénaristes d'antan se substitue le compte à rebours d'une inévitable échéance. Ce n'est plus le ciel qui menace de nous tomber sur la tête, ce sont nos ordinateurs qui risquent de fonctionner de manière erratique et de devenir, en quelque sorte, des machines à remonter le temps !
Peu de secteurs semblent devoir être épargnés, si l'on songe à la place prise dans nos sociétés modernes par l'informatique.
Evidemment, on pense tout de suite aux ordinateurs les plus puissants, les plus sophistiqués du contrôle aérien, du contrôle maritime, des grandes industries. Mais, on le sait bien, l'informatique est présente jusque dans notre vie de tous les jours.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'Etat, l'Etat a-t-il assez pris conscience des enjeux ?
Pendant qu'aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et dans bien d'autres pays avancés, les gouvernements font de ce sujet une véritable priorité nationale, il me semble que, chez nous, on se contente de regarder l'avenir, pourtant proche, avec un optimisme qui engendre la passivité.
Le gouvernement britannique a lancé un plan de 155 millions de dollars pour aider les entreprises à ajuster leurs systèmes. En revanche, dans notre pays, on s'est contenté de nommer M. Gérard Théry à la tête de la mission « An 2000 », qui s'évertue, avec peu de moyens, de sensibiliser toutes les parties concernées.
Il n'y a pas si longtemps, un grand quotidien du soir titrait : « La France ouvre timidement la chasse au bogue de l'an 2000 » et affirmait : « La mission mise en place par le Gouvernement manque de moyens pour sensibiliser efficacement l'ensemble des industries, particulièrement les PME. »
Cette prise de conscience timide est-elle à la hauteur des risques ? On peut ne pas le penser.
Sans céder à un quelconque catastrophisme, certains chiffres ont de quoi inquiéter. Ainsi, selon une très sérieuse revue, le « bogue » de l'an 2000 serait évalué à 5 000 milliards de dollars - c'est astronomique ! - soit plus de trois fois la richesse produite sur le sol français en une année.
Quant à la mission « An 2000 », elle estime le coût mondial entre 300 milliards et 1 600 milliards de francs, selon les sources.
Le Gouvernement n'a-t-il pas une approche par trop minimaliste ?
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne pouvez pas ignorer que la déclaration finale du G 8 à Birmingham constate que cet événement constitue un problème majeur pour la communauté internationale.
Pour terminer, je voudrais insister sur le risque que le « bogue » de l'an 2000 fait courir tout particulièrement aux petites entreprises, qui sont sans doute les moins bien armées pour s'y préparer. Je relève que nos petites entreprises vont devoir affronter non seulement cet événement considérable, mais aussi le passage aux trente-cinq heures et, enfin, le passage à l'euro !
Que va faire le Gouvernement ? Il est encore temps d'agir, même s'il est bien tard.
Le Gouvernement va-t-il faire autre chose que sensibiliser nos concitoyens, sensibiliser les entreprises ?
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre réponse sera à la hauteur des enjeux ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, vous posez effectivement une question importante sur un problème important : le passage pour toutes les horloges électroniques du 31 décembre 1999 au 1er janvier 2000. Certains craignent que quelques-unes de ces horloges n'en reviennent à l'année zéro, c'est-à-dire à l'année 1900, ce qui causerait effectivement une perturbation très grave.
Avant de répondre précisément à votre question, je ferai remarquer que le passage à l'euro, qui posait un grand problème informatique, s'est déroulé sans difficulté - je parle non pas des petites et moyennes entreprises mais de l'ensemble de nos grandes entreprises et de notre système financier. On peut en rendre hommage aux ingénieurs et aux responsables des différentes entreprises de notre pays.
En préalable à ma réponse, j'émettrai donc un message d'espoir et de confiance dans le talent de ceux qui vont devoir affronter ce problème.
Au fil de votre argumentation, vous vous demandez pourquoi ne pas décréter cette question priorité nationale, faisant ainsi référence à une procédure juridique britannique.
Dans la pratique, je crois que le Gouvernement s'est mobilisé pour que tout le monde, particulièrement les petites entreprises, abordent cette épreuve dans les meilleures conditions possible.
Je vous rappelle que, le 30 septembre 1997, mon collègue M. Christian Pierret avait souligné l'importance de ce problème.
Vous avez fait allusion à la mission « Passage informatique à l'an 2000 » confiée au grand expert qu'est Gérard Théry.
Comme vous le savez, le Gouvernement a adressé, au mois de juillet 1998, aux 800 000 responsables de petites et moyennes entreprises, une lettre accompagnée de dix recommandations.
Le Premier ministre a mobilisé l'ensemble de l'administration le 6 novembre 1998.
Le 26 novembre 1998, Dominique Strauss-Kahn, Marylise Lebranchu et Christian Perret ont présenté le programme d'action du Gouvernement pour les prochains mois.
Le 3 février dernier, le Premier ministre a installé le comité national pour le passage à l'an 2000.
Voilà pour la sensibilisation.
Je voudrais insister maintenant sur les actions d'information qui vont être menées et sur les aspects fiscaux du dossier.
S'agissant du premier point, je rappellerai que, au mois de décembre dernier, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a écrit à 2 200 000 patrons de PME pour leur demander où ils en étaient. En effet, il ne revient pas au Gouvernement de régler au cas par cas ce problème dans les entreprises ; il est trop respectueux de la pleine responsabilité des chefs d'entreprise.
Par conséquent, un recensement très vaste a été effectué.
Par ailleurs, un guide pratique très détaillé, comprenant des exemples concrets, a été diffusé dans l'ensemble du pays.
Le travail d'information a donc lieu ; je crois qu'il est très poussé.
J'en viens à l'aspect fiscal du dossier.
Il est clair que certains matériels vont devoir être renouvelés peut-être un peu plus tôt que cela aurait été nécessaire.
Aussi, le Gouvernement a décidé d'étendre à l'an 2000 les mesures fiscales qui avaient été prises pour le passage à l'euro. Vous le voyez, le parallèle que j'ai utilisé en introduction entre la mise en place de l'euro et le passage à l'an 2000 trouve une conséquence concrète dans le domaine de la fiscalité.
Je peux vous annoncer qu'une instruction fiscale confirmant cette décision sera publiée dans les prochains jours.
Ainsi, dès le mois de septembre 1997, le Gouvernement, conscient de l'importance du problème, a envisagé les mesures nécessaires pour que les chefs d'entreprise, notamment les chefs de petite ou moyenne entreprise, bénéficient de dispositions fiscales qui les aident à assumer ce coût supplémentaire, à propos duquel, vous l'avez dit vous-même, les chiffres les plus fantaisistes ont été avancés.
M. Adrien Gouteyron. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question aura eu au moins l'avantage de vous conduire à rappeler tout ce que le Gouvernement a fait, en particulier pour la sensibilisation.
Il semble qu'un effort soutenu et significatif ait été réalisé. Est-il suffisant ? Je ne sais pas.
Je me réjouis que vous ayez annoncé la sortie prochaine d'une instruction fiscale pour aider les entreprises à renouveler les matériels lorsque cela est nécessaire. Il s'agit là d'une mesure importante. Est-elle suffisante ? L'avenir nous le dira.
Je terminerai en disant que, l'événement étant prévisible, notre responsabilité politique, à nous tous, serait totalement engagée si des conséquences économiques et sociales graves - pourquoi ne pas l'imaginer ? - devaient en découler.
Nous avons intérêt à prendre cette affaire au sérieux et peut-être aurons-nous l'occasion d'en reparler, monsieur le secrétaire d'Etat.
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