Séance du 9 février 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Hommage à Maurice Schumann (p. 1 ).

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

3. Questions orales sans débat (p. 2 ).

MAJORATION POUR ENFANTS
SERVIE AUX VEUVES CIVILES (p. 3 )

Question de M. Bernard Joly. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Bernard Joly.

APPLICATION DE LA LOI SUR LA VEILLE SANITAIRE (p. 4 )

Question de M. Charles Descours. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Charles Descours.

IMPORTATION ET DISTRIBUTION DE MÉDICAMENTS (p. 5 )

Question de M. Bernard Fournier. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Bernard Fournier.

AMÉNAGEMENT DE LA NATIONALE 10
ENTRE RAMBOUILLET, LE BEL-AIR ET ABLIS (p. 6 )

Question de M. Gérard Larcher. - MM. Jean-ClaudeGayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Gérard Larcher.

LIAISONS TRANSALPINES POUR LES VOYAGEURS
ET LES MARCHANDISES (p. 7 )

Question de M. Michel Barnier. - MM. Jean-ClaudeGayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Michel Barnier.

SERVICE PUBLIC FERROVIAIRE EN VAL-D'OISE (p. 8 )

Question de Mme Nelly Olin. - M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Mme Nelly Olin.

SITUATION DU CEVA, CENTRE D'ÉTUDES
ET DE VALORISATION DES ALGUES (p. 9 )

Question de M. Pierre-Yvon Trémel. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Pierre-Yvon Trémel.

AMÉNAGEMENT DE LA LOIRE ET DE SES AFFLUENTS (p. 10 )

Question de M. Dominique Leclerc. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Dominique Leclerc.

PLAN D'AMÉNAGEMENT DE LA LOIRE (p. 11 )

Question de M. Guy Vissac. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Guy Vissac.

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
DANS LES ALPES-MARITIMES (p. 12 )

Question de M. Jacques Peyrat. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Jacques Peyrat.

DÉSAMIANTAGE DE JUSSIEU (p. 13 )

Question de Mme Nicole Borvo. - Mmes Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire ; Nicole Borvo.

ORGANISATIONS DES VOYAGES SCOLAIRES (p. 14 )

Question de Mme Gisèle Printz. - Mmes Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire ; Gisèle Printz.

LÉGISLATION RELATIVE À LA PRISE ILLÉGALE
D'INTÉRÊTS (p. 15 )

Question de M. Francis Grignon. - Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Francis Grignon.

CONDITIONS D'INSTALLATION DE DÉBITS DE TABAC
EN ZONE DE MONTAGNE (p. 16 )

Question de M. Claude Domeizel. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Claude Domeizel.

COÛT ET CONSÉQUENCES
DU PASSAGE INFORMATIQUE À L'AN 2000 (p. 17 )

Question de M. Adrien Gouteyron. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Adrien Gouteyron.

ÉQUIPEMENT DE RADIOCOMMUNICATION MOBILE (p. 18 )

Question de M. Jean-Jacques Robert. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Jean-Jacques Robert.

Suspension et reprise de la séance (p. 19 )

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

4. Organisme extraparlementaire (p. 20 ).

5. Rappel au règlement (p. 21 ).
MM. Claude Estier, le président.

6. Ordonnance relative aux spectacles. - Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture (p. 22 ).
Discussion générale : Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Philippe Nachbar, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Mme Danièle Pourtaud, M. Guy Fischer.
Clôture de la discussion générale.

Article 2. - Adoption (p. 23 )

Article 4 (p. 24 )

Amendement n° 1 de M. Gouteyron. - MM. Adrien Gouteyron, le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 6. - Adoption (p. 25 )

Article 12 (coordination) (p. 26 )

Amendement n° 2 du Gouvernement. - Mme le ministre, M. le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles 12 bis et 13. - Adoption (p. 27 )

Vote sur l'ensemble (p. 28 )

M. Philippe Arnaud.
Adoption du projet de loi.

7. Licenciement des salariés de plus de cinquante ans. - Rejet d'une proposition de loi (p. 29 ).
Discussion générale : Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales.

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

M. Guy Fischer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 30 )

Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Jean-Patrick Courtois. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 2 (p. 31 )

Amendement n° 2 de la commission. - M. le rapporteur. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 3 (p. 32 )

Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, Guy Fischer, Emmanuel Hamel. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Tous les articles ayant été supprimés, la proposition de loi est rejetée.

8. Transmission d'un projet de loi et candidatures à une commission spéciale (p. 33 ).

9. Dépôt d'une proposition de loi (p. 34 ).

10. Dépôt de propositions d'acte communautaire (p. 35 ).

11. Dépôt de rapports (p. 36 ).

12. Ordre du jour (p. 37 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

HOMMAGE A` MAURICE SCHUMANN

M. le président. Mes chers collègues, il y a exactement un an, le 9 février 1998, notre collègue Maurice Schumann nous quittait.
Mais sa présence - qui peut le contester ? - est encore réelle pour nous. Nous avons tous à l'esprit l'image de ce grand sénateur. L'image de sa fougue, de ses harangues, de sa silhouette imposante dressée dans l'hémicycle est encore familière pour nombre d'entre nous.
Nous entendons encore sa voix, qui fut la voix de la France. La voix de Maurice Schumann, cette voix de liberté qui a marqué un demi-siècle de notre histoire.
Son action s'appuyait sur une foi profonde. La rigueur de la foi chrétienne était perceptible dans toutes ses prises de position. Son éloquence exceptionnelle, son talent oratoire, n'étaient pas au service d'abstractions. On y sentait une vibration généreuse, le souci exigeant du bien public, le respect profond de l'être humain.
Homme de culture à la mémoire étonnante, écrivain élu à l'Académie française et défenseur intransigeant de la culture et de la langue de notre pays, il demeure un exemple pour nous, pour tous ceux qui partagent « une certaine idée de la France ».
Le vide béant que le sénateur du Nord laisse ne s'est pas refermé. Bien au contraire : tout concourt à nous faire regretter celui qui sut si bien incarner et concilier valeurs gaulliennes et tradition démocrate chrétienne.
Pour honorer sa mémoire, je vous demande, mes chers collègues, de respecter une minute de silence. (Mme le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.)
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Vous me permettrez, monsieur le président, d'associer le Gouvernement à l'hommage qui vient d'être rendu à Maurice Schumann.
M. le président. Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de vous associer à l'hommage rendu à l'un des nôtres. Nous sommes sensibles à votre délicate attention.
(M. Jacques Valade remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
3

QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.

MAJORATION POUR ENFANTS SERVIE
AUX VEUVES CIVILES

M. le président. La parole est à M. Joly, auteur de la question n° 399, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Bernard Joly. Compte tenu de l'objet de ma question, je suis ravi, madame le secrétaire d'Etat, que ce soit vous qui soyez mon interlocutrice.
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en octobre et novembre dernier, le Gouvernement a trouvé à l'Assemblée nationale une majorité pour inclure, par voie d'amendement, la majoration pour enfants dans les avantages personnels de vieillesse, dont le cumul avec une pension de réversion.
Le Sénat a suivi sa commission des affaires sociales en supprimant cette disposition, car il estime que ce droit est bien distinct.
J'ai relu les échanges qui ont eu lieu dans les deux assemblées sur cette question. Il me paraît inutile de rouvrir le débat sur la revalorisation du montant de l'allocation de veuvage et sur le fait que le fonds national de l'assurance veuvage est inclus dans le fonds de solidarité vieillesse.
Ce qui me tient à coeur, c'est la reconnaissance d'une réalité.
Comme vous l'avez dit ici même, madame le secrétaire d'Etat, cette majoration de 10 % n'est pas liée au fait d'avoir encore des enfants à charge ; elle est liée au fait d'en avoir eu dans le passé. Malgré cela, des veuves ont été obligées de se pourvoir en cassation. Dans ses arrêts, la chambre sociale de la Cour de cassation a clairement précisé que la majoration pour enfants applicable aux pensionnées du régime général constitue un avantage distinct de la pension elle-même, qui n'a pas à être prise en compte dans la base de calcul de la limite de cumul autorisé entre un avantage personnel de vieillesse et la pension de réversion du régime général et qui doit, le cas échéant, s'ajouter au montant réduit de cette pension, après application des règles de cumul.
Ce n'est pas à la Cour de cassation de faire la législation ! Ce pouvoir revient au Parlement. Néanmoins, il est établi que la Cour de cassation défend la volonté du législateur.
J'ai saisi le Médiateur de la République de ce litige. M. Stasi a confirmé la position de notre collègue Jacques Pelletier et a présenté au Gouvernement une proposition de réforme, le 12 février 1998, en comité interministériel.
La situation constatée portant atteinte au principe d'égalité, le Médiateur proposait soit de donner instruction aux caisses régionales d'assurance maladie d'appliquer d'office et systématiquement le mode de calcul retenu par la Cour de cassation pour déterminer la limite du cumul, soit de modifier les textes applicables en la matière, de manière à lever toute ambiguïté sur leur interprétation.
Malgré la revalorisation intervenue, l'inclusion dans le plafond de la majoration pour enfants a pour effet de fixer la pension de réversion de la mère de famille à un montant inférieur à celui qui aurait été attribué si cette mère de famille n'avait pas eu trois enfants. C'est ce qui ressort de l'observation de cas concrets.
Pourquoi, en dépit des décisions de la Cour de cassation, de celle du Médiateur et des situations observées, pourquoi, madame le secrétaire d'Etat, cet acharnement du pouvoir exécutif à nier que la majoration pour enfants est bien un droit distinct de la pension elle-même et qu'elle n'a pas à être comprise dans la base de calcul de la limite de cumul autorisé entre un avantage personnel de vieillesse et la pension de réversion du régime général ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale dispose que le conjoint survivant peut cumuler la pension de réversion avec des avantages personnels de vieillesse ou d'invalidité dans la limite d'un montant qui est aujourd'hui un peu supérieur à 5 000 francs.
La question posée, monsieur Joly, est de savoir si le montant des avantages personnels pris en compte pour appliquer cette limite, supérieure au montant de la retraite de base de 80 % des retraités, doit ou non comprendre la majoration de 10 % pour enfants.
Je veux tout d'abord préciser, monsieur le sénateur, que la majoration de 10 % dont il est question ne concerne pas, comme vous l'avez indiqué, des enfants encore à charge, pour lesquels le conjoint survivant dispose d'une majoration particulière de 450 francs par mois, qui n'est soumise, bien entendu, à aucune limite.
La Caisse nationale d'assurance vieillesse a toujours estimé que la majoration de 10 % devait être considérée comme un élément de la pension de vieillesse. Aucun des gouvernements qui se sont succédé depuis 1992 ne l'ont d'ailleurs démenti.
Du fait des arrêts de la Cour de cassation de 1992 et des multiples contentieux qui ont été introduits depuis, le Gouvernement a souhaité clarifier le mode de calcul de la pension de réversion.
La disposition adoptée par le Parlement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 est donc conforme à la pratique de la CNAV et ne modifie en rien les avantages dont bénéficient actuellement les veuves.
Le Gouvernement, sensible à la situation des veuves, s'est fixé comme priorité d'améliorer la situation des plus modestes d'entre elles. Permettez-moi, monsieur Joly, de rappeler brièvement ces mesures.
Il s'agit, tout d'abord, de l'augmentation de 52 % à 54 %, à compter du 1er juillet 1998, du taux de liquidation de la pension de réversion des veuves de mineurs. Cette mesure est tout à fait légitime quand on sait que la quasi-totalité de ces veuves n'ont pas de pension personnelle et sont en majeure partie non imposables.
Il s'agit ensuite de la revalorisation de 2 %, au 1er janvier 1999, du montant de la pension minimale de réversion servie par le régime général et les régimes alignés, dont bénéficieront 600 000 veuves. Je rappelle que la loi de 1993 sur la revalorisation des retraites prévoyait une revalorisation de l'ordre de 0,6 %.
Il s'agit en outre de la réforme de l'allocation veuvage au travers de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, puisque les veuves bénéficieront, la deuxième année, d'une allocation mensuelle de 3 107 francs, alors que le montant actuel est de 2 041 francs.
Enfin, la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions prévoit de favoriser la reprise d'un emploi par les personnes qui viennent d'être touchées par le décès de leur conjoint, c'est-à-dire d'autoriser le cumul, pendant un an, de l'allocation de veuvage et des revenus tirés d'une activité, à hauteur de 100 % pendant les trois premiers mois d'exercice de l'activité et de 50 % pendant les neuf mois suivants.
Telles sont les mesures que je souhaitais vous rappeler, monsieur le sénateur, et qui montrent que le Gouvernement se préoccupe de la situation du conjoint survivant dans notre pays.
M. Bernard Joly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Madame le secrétaire d'Etat, vous m'avez rappelé les mesures qui ont en effet été prises en faveur des veuves. Cependant, et c'est ce sur quoi je tenais à attirer votre attention, un certain nombre de veuves qui ont eu des enfants à charge sont obligées d'aller jusqu'en cassation pour obtenir satisfaction, c'est-à-dire pour obtenir un supplément auquel le ministre des finances réserve un sort particulier, puisque ces 10 % ne sont pas imposables.
Mais toutes les veuves n'ont pas la patience d'aller jusqu'en cassation, et la plupart abandonnent en cours de route ; seules les plus obstinées vont jusqu'au bout.
Je n'ose pas penser que les caisses d'assurance maladie comptent là-dessus pour diminuer le déficit de la sécurité sociale !
Il faut que vous étudiiez ce problème à fond. Il est essentiel, en effet, de corriger cette injustice flagrante. Ce n'est pas parce que les veuves ne descendent pas dans la rue et ne saccagent pas tout sur leur passage qu'il ne faut pas prendre en considération leur demande.
M. Jacques Machet. Très bien !

APPLICATION DE LA LOI SUR LA VEILLE SANITAIRE

M. le président. La parole est à M. Descours, auteur de la question n° 414, adressée à M. le Premier ministre.
M. Charles Descours. Madame le secrétaire d'Etat, dans quelques minutes va s'ouvrir devant la Cour de justice de la République le procès de trois anciens ministres, procès dit du sang contaminé. Et le hasard du calendrier parlementaire fait que ma question, qui s'adressait à M. le Premier ministre, concerne l'application de la loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, texte qui fut proposé par M. Claude Huriet et par moi-même, et soutenu par le gouvernement Juppé, puis par le gouvernement Jospin.
Les décrets d'application ne sont pas encore sortis, mais, depuis que j'ai déposé ma question, un projet de décret a été soumis au Conseil d'Etat, décret qui sera signé par dix ministres ou secrétaires d'Etat et par le Premier ministre.
Or, madame le secrétaire d'Etat, et j'en suis désolé, vous n'êtes pas un des futurs signataires de ce décret.
Au jour où s'ouvre le procès du sang contaminé, procès qui va mettre en évidence des dysfonctionnements de l'Etat auxquels le Gouvernement devrait réfléchir afin qu'ils ne se reproduisent pas dans l'avenir, et même si je ne doute pas que tous les ministres et secrétaires d'Etat qui signeront ce décret soient extrêmement pris, je trouve curieux que l'on me fasse répondre par un secrétaire d'Etat qui ne sera pas signataire dudit décret !
Si ma question s'adressait au Premier ministre, c'est précisément parce que, comme le projet de décret que j'ai sous les yeux le montre, dix membres du Gouvernement sont intéressés et qu'il appartient donc au Premier ministre de jouer un rôle d'arbitre.
Cet arbitrage doit s'exercer en faveur de la sécurité des Français contre les lobbies ministériels - je dis bien : les lobbies ministériels !
Aujourd'hui, les décrets d'application de la loi relative au renforcement de la veille sanitaire, dont la sortie était prévue par la loi du 31 décembre 1997, ne sont pas encore parus et je souhaiterais connaître les raisons de ce retard.
Je souhaiterais également être rassuré quant à la teneur de ces décrets et savoir s'ils seront bien le reflet de l'esprit de la loi, car, fort de mon expérience de parlementaire de quinze ans, je sais bien que le législateur décide et qu'ensuite les administrations tordent l'esprit dans lequel il a travaillé quand celui-ci ne leur convient pas. Or, dans un domaine aussi grave, et aujourd'hui particulièrement, tout cela m'apparaît scandaleux.
Deux questions essentielles, à mes yeux, restent en suspens. Tout d'abord, la transparence des travaux des agences de sécurité sanitaire sera-t-elle assurée ? Par ailleurs, leur niveau d'expertise sera-t-il suffisant et atteindra-t-il le niveau d'excellence permettant la reconnaissance européenne et internationale des avis formulés ?
Je m'inquiète d'autant plus qu'avec un projet de décret de dix-sept pages, je crains que les administrations ne prennent le pas sur le législateur, ce qui est contraire à la démocratie. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord adresser une remarque à M. Descours avant de lui apporter la réponse la plus précise possible à sa question.
J'ai bien conscience, monsieur Descours, de vous décevoir... pour la seconde fois consécutive !
M. Charles Descours. Cela ne m'avait pas échappé, madame !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Par conséquent, je vous promets de veiller personnellement à ce que cela ne se reproduise pas une troisième fois et à ce que, lors de votre prochaine question, le ministre le plus à même de traiter du sujet en cause soit effectivement là pour vous répondre.
Monsieur Descours, vous avez interrogé M. le Premier ministre sur l'application de la loi relative au renforcement de la veille sanitaire, l'état d'avancement des décrets d'application et la montée en puissance des établissements publics que la loi a créés.
Je puis vous rassurer pleinement sur l'avancement des travaux.
Vous l'avez vous-même rappelé, une première série de textes réglementaires, dont l'examen par le Conseil d'Etat est terminé, doit paraître au Journal officiel dans les tout prochains jours.
Il s'agit du décret portant sur l'organisation de l'Institut de veille sanitaire et du décret relatif à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Il s'agit également du décret de transfert de compétences à l'Agence des produits de santé concernant les médicaments à usage humain, du décret concernant les dispositifs médicaux, du décret de transfert de compétences à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments concernant les médicaments vétérinaires, du décret modifiant le décret de 1994 relatif à l'Etablissement français des greffes. Il s'agit enfin des dispositions réglementaires relatives au service public de la transfusion sanguine et à l'hémovigilance, à la suite de la rédéfinition des missions de l'Agence française du sang voulue par le législateur.
Le décret d'organisation de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments a été transmis au Conseil d'Etat et devrait être publié rapidement. Il en est de même pour le décret relatif aux substances vénéneuses et aux médicaments stupéfiants, qui organise l'évaluation de la pharmacodépendance.
D'autres textes sont en cours de concertation ou en cours de finalisation. Ils devraient être publiés d'ici à trois mois.
Il s'agit d'abord du décret relatif au dispositif de vigilance et à l'organisation de la lutte contre les infections nosocomiales dans les établissements de santé, ensuite du décret définissant la liste des maladies à déclaration obligatoire et les modalités de transmission des données les concernant et du décret relatif aux produits cosmétiques. Il s'agit également du décret portant sur les dispositifs médicaux présentant ou susceptibles de présenter un risque sanitaire particulier, dont vous avez souhaité un encadrement renforcé par rapport aux exigences européennes, et du décret relatif à la déclaration des établissements de fabrication, de distribution ou d'importation des dispositifs médicaux.
D'autres textes réglementaires prévus par la loi sont en préparation.
Je pense, par exemple, à ceux qui traitent des matières premières à usage pharmaceutique ou des aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales. Ils nécessiteront une concertation approfondie avec les autres Etats membres de l'Union européenne, puisqu'ils coïncident avec la réflexion et les projets de directive européenne portant sur ces mêmes thèmes.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, le travail réglementaire est considérable et il est bien avancé.
M. Charles Descours. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Madame le secrétaire d'Etat, voilà huit ans au moins que la commission des affaires sociales du Sénat se préoccupe de la sécurité sanitaire des Français.
Sous tous les gouvernements, elle a essayé d'attirer l'attention sur le fait que les agences que nous créons doivent être scientifiquement irréprochables et donc indépendantes. Or, l'administration de certains ministères s'y est opposée depuis le début et continue à s'y opposer.
Ainsi, le projet de décret concernant l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments comporte une faiblesse notoire quant à l'expertise : au niveau des missions du directeur de l'agence, il n'y a pas de séparation entre l'évaluation et la gestion. Voilà qui risque malheureusement de donner lieu à d'autres procès du type de celui du sang contaminé.
M. Gérard Larcher. Très bien !

IMPORTATION ET DISTRIBUTION DE MÉDICAMENTS

M. le président. La parole est à M. Fournier, auteur de la question n° 397, adressée à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Bernard Fournier. Ma question est relative aux importations parallèles de médicaments.
La directive européenne n° 92/25 du 31 mars 1992 a défini un cadre général dans lequel doit s'exercer l'activité de distribution en gros des médicaments à usage humain.
Le décret n° 98-79 du 11 février 1998 effectuant la transposition de ce texte en droit interne semble beaucoup plus restrictif dans la détermination des activités visées et, par conséquent, conduit à de sérieuses difficultés d'importations parallèles de produits pharmaceutiques par un établissement autorisé et indépendant des fabricants.
Dès lors que l'identité des spécialités à importer est établie, le bénéfice de l'autorisation de mise sur le marché, l'AMM, délivrée au fabricant ou à son représentant devrait être accordé à l'importateur ; or il semble que la pratique française soit quelque peu différente et que la Commission européenne puisse être amenée à se prononcer, dans les mois qui viennent, sur les restrictions apportées par la France à l'application de cette directive.
Les articles 30 et 36 du traité de Rome instituaient la libre circulation des marchandises entre les Etats membres. Ces articles trouvent notamment leur application s'agissant du commerce des médicaments.
Les écarts de prix au sein de l'Union, pour un même produit, varient parfois dans une proportion allant de 20 % à 50 %. Les importations parallèles permettent donc, tout à fait légalement, de se procurer des médicaments à moindre coût, c'est-à-dire, finalement, d'influer de manière considérable sur les dépenses de santé. Les économies potentielles sont importantes : de l'ordre de 6 % des dépenses de santé selon certaines sources.
Des entreprises créatrices d'emplois se voient actuellement mises en danger par le blocage qu'opposent les autorités françaises à l'application d'un texte européen, tandis que la jurisprudence, tant du Conseil d'Etat que de la Cour de justice des Communautés européennes, est claire et rigoureuse quant à l'applicabilité d'une directive par les Etats membres.
Je vous remercie donc, madame le secrétaire d'Etat, de bien vouloir m'indiquer quels motifs ont fondé le Gouvernement à interpréter de la sorte la directive 92/25 et, ainsi, à ne pas en réaliser la transposition intégrale.
Vous m'indiquerez peut-être également si la France sera amenée à effectuer une nouvelle lecture de ce texte afin de l'appliquer plus exactement et de permettre ainsi indirectement la baisse des dépenses de santé.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, le décret du 11 février 1998 détermine les modalités selon lequelles les établissements pharmaceutiques peuvent bénéficier d'une autorisation d'ouverture ainsi que les obligations qui leur incombent. Ce texte transpose plusieurs directives, notamment la directive du 31 mars 1992 relative à la distribution en gros de médicaments. Ni cette directive ni le décret du 11 février 1998 n'ont pour objet de fixer les modalités selon lesquelles les médicaments peuvent être importés en France.
Ces modalités sont déterminées par l'article 17 de la loi du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation, selon lequel l'importation de médicaments est subordonnée à l'obtention d'une autorisation délivrée par l'Agence du médicament, l'autorisation de mise sur le marché délivrée par cette même agence valant autorisation d'importation. Ces dispositions sont prises en application de l'article 36 du traité de Rome, qui permet aux Etats membres d'imposer des restrictions aux échanges intracommunautaires justifiées par des raisons tenant, notamment, à la protection de la santé.
Concernant l'importation dite « parallèle », c'est-à-dire l'importation dans un Etat membre de médicaments pourvus d'une autorisation de mise sur le marché dans un autre Etat membre et similaires à des médicaments bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché dans l'Etat d'importation, je vous rappelle que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes nous indique que l'importation de ces médicaments doit être accordée lorsque sont remplies deux conditions.
Tout d'abord, l'importateur doit fournir un dossier permettant d'établir que les spécialités à importer sont bien similaires aux spécialités ayant obtenu l'autorisation de mise sur le marché dans l'Etat d'importation.
Ensuite, les spécialités à importer et les spécialités ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché dans l'Etat d'importation doivent être fabriquées par des entreprises ayant un lien juridique de nature à garantir qu'elles ont une origine communautaire.
En ce qui concerne les importations parallèles, un projet de décret est en cours d'élaboration ; il sera soumis à concertation. C'est sur la base de ce décret que les autorisations d'importations parallèles pourront être délivrées.
M. Bernard Fournier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier. Madame le secrétaire d'Etat, sans être totalement convaincu par les arguments que vous avez développés, je vous remercie de la précision de la réponse que vous avez bien voulu m'apporter.

AMÉNAGEMENT DE LA NATIONALE 10
ENTRE RAMBOUILLET, LE BEL-AIR ET ABLIS

M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher, auteur de la question n° 361, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Gérard Larcher. Monsieur le ministre, j'ai souhaité attirer votre attention sur l'échéancier de réalisation des travaux d'élargissement de la route nationale 10, prévue à deux fois deux voies, entre Rambouillet, Le Bel-Air et Ablis, et de la protection phonique sur cette même route dans la traversée de la ville de Rambouillet, notamment dans sa partie très urbanisée.
Le contrat de plan en cours a inscrit la réalisation de l'aménagement à deux fois deux voies de ce tronçon ; l'utilité publique a été décrétée le 25 août 1998 et les procédures d'acquisition ont été engagées.
La réalisation doit donc être amorcée dans les meilleurs délais, la dangerosité de cette voie nationale n'étant malheureusement plus à démontrer.
Par ailleurs, le niveau de nuisance phonique engendrée par la circulation automobile sur cette route nationale, qui voit passer plus de 25 000 véhicules par jour dans sa traversée de la zone agglomérée de la ville de Rambouillet, dépasse le niveau tolérable selon les critères retenus par les experts, puisque les parties les plus exposées supportent des niveaux sonores cumulés de 75 décibels.
La ville de Rambouillet a engagé en 1994 un programme de protection qui, selon un schéma de répartition arrêté conjointement avec les services de l'équipement et le conseil régional, sera pour sa part achevé en 2002.
En conséquence, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître l'échéancier des travaux réservés à l'Etat, notamment dans le secteur le plus sensible de la ville, Les Fontaines - Le Bel-Air.
Enfin, par un courrier complémentaire, monsieur le ministre, je vous ai interrogé pour connaître les perspectives, dans le prochain contrat de plan, de la mise à deux fois deux voies du tronçon Rambouillet-Le Moulinet - Rambouillet-Le Bel-Air, partie urbanisée, et sur notre proposition, qui est à l'étude dans vos services, de la mise en place, dans l'attente de cette réalisation, d'un séparateur central en béton.
Même si vous ne pouvez me répondre aujourd'hui, je voulais attirer votre attention sur ce tronçon, le caractère mortifère vient encore de se manifester d'une manière dramatique.
Voilà, monsieur le ministre, des préoccupations sans doute locales mais dont vous connaissez l'importance en raison du trafic de cette voie nationale, qui, en outre, assure la liaison entre la région d'Ile-de-France et la région Centre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez rappelé, l'élargissement à deux fois deux voies de la route nationale 10 entre Rambouillet et Ablis a été déclaré d'utilité publique le 25 août 1998.
Pour ces travaux, 60 millions de francs avaient été inscrits à l'actuel contrat de plan entre l'Etat et la région, et je proposerai l'inscription au prochain contrat de la totalité des crédits nécessaires à leur achèvement.
Les procédures administratives relatives à l'acquisition des terrains ont commencé. L'ensemble de ceux-ci devrait être acquis au cours de cette année.
Il est prévu que les travaux pour la réalisation des voiries indispensables au rétablissement des dessertes et communications débutent à la fin de cette année. Les travaux de construction des ouvrages d'art suivront en 2000, puis les travaux de terrassement et d'assainissement interviendront.
Les chaussées et les équipements de sécurité devraient être réalisés en 2001, ce qui permettrait d'envisager une mise en service au début de l'année 2002.
Comme vous l'avez rappelé également, monsieur le sénateur, le programme relatif aux protections phoniques le long de la RN 10 à Rambouillet comprend des écrans à l'est, qui seront réalisés par la commune avec l'aide de la région.
Il comporte également des protections à l'ouest, qui seront cofinancées par l'Etat et la région sur une longueur de 2 100 mètres, dont 1 600 mètres feront l'objet d'une première phase et 500 mètres seront réalisés lors de la mise ultérieure à deux fois deux voies de cette route.
L'échéancier de la première phase de cette partie ouest prévoit une enquête publique au printemps 1999, ce qui permettra un commencement des travaux au début 2000. Le coût total de cette première phase est estimé à 20 millions de francs.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments aussi précis que possible que je suis en mesure de vous communiquer sur ce sujet.
Quant au problème soulevé dans votre question complémentaire, je vais le mettre à l'étude. Mais soyez assuré de ma volonté de faire progresser la sécurité routière et de traiter les difficultés liées aux infrastructures.
M. Gérard Larcher. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le ministre, je vous remercie de la précision que vous venez de me donner concernant l'échéancier ; je souhaite qu'il soit tenu.
En effet, le dossier d'aménagement de la RN 10 date de plus de vingt-cinq ans. Aujourd'hui, nous avons obtenu sans difficulté particulière - ce qui est rare en région d'Ile-de-France - l'accord de l'ensemble des collectivités concernées. C'est dire combien son caractère d'urgence, en termes de sécurité routière, est reconnu par tous. Chacun des villages ou des villes traversés a eu à déplorer des drames tout au long de ces années.
J'ai pris note également de la volonté de mettre en place la protection phonique, qui participe de façon essentielle à la qualité de la vie au quotidien des riverains, ce qui ne peut nous laisser insensibles, d'autant que ce sont souvent les logements les plus modestes qui se trouvent le long de ces axes.
Je vous ferai parvenir à nouveau un dossier portant sur le tronçon Rambouillet-Le Moulinet - Rambouillet-Le Bel-Air, afin que vous m'adressiez une réponse dans les délais les plus brefs.

LIAISONS TRANSALPINES
POUR LES VOYAGEURS ET LES MARCHANDISES

M. le président. La parole est à M. Barnier, auteur de la question n° 400, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Michel Barnier. Monsieur le président, je voudrais d'abord remercier M. Gayssot d'être présent pour répondre en personne à une question qui préoccupe un grand nombre d'élus et de citoyens de cette grande région qu'est la région Rhône-Alpes.
M. Charles Descours. Il faut effectivement le relever !
M. Michel Barnier. Je suis sûr, monsieur le ministre, de me faire l'interprète non seulement des élus du département de la Savoie, que je représente ici, notamment du conseil général, mais aussi de nombreux élus rhône-alpins. Je sais que mon collègue Charles Descours, élu du Dauphiné, partage mon sentiment, de même que le député Michel Bouvard, qui s'est exprimé sur le même sujet voilà quelques jours à l'Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, nous avons besoin de savoir la vérité. Nous avons besoin de savoir quelle est exactement la position du gouvernement auquel vous appartenez sur la liaison, en ce qui concerne tant les voyageurs que les marchandises, entre la France et l'Italie.
Je vous pose cette question avec gravité parce que nous doutons de la volonté politique du Gouvernement. Au demeurant, ce doute, nous ne le nourrissons pas à propos de toutes les liaisons trans-européennes ; nous avons pu en effet apprécier votre engagement personnel dans l'aboutissement du TGV Est. On me dit que vous allez maintenant faire porter votre effort sur le TGV Rhin-Rhône.
Je me demande donc si le fait que la volonté politique se manifeste ici et là mais semble faire défaut lorsqu'il s'agit de notre région ne traduit pas, au fond, la meilleure écoute dont bénéficieraient, au sein du Gouvernement, les ministres originaires d'Alsace et de Franche-Comté par rapport à ceux qui viennent de la région Rhône-Alpes. Et, croyez-le bien, je dis cela sans arrière-pensée.
Ce n'est pas, monsieur le ministre, la dernière fois que nous vous saisirons de ce sujet : ma question d'aujourd'hui n'est que la première étape d'une longue série d'interpellations que nous allons lancer dans l'ensemble de la région Rhône-Alpes, afin de savoir ce que vous pensez exactement de la liaison France-Italie.
En même temps que nous observons cette volonté politique sélective, et défaillante en ce qui nous concerne, nous regardons ce qui se passe autour de nous.
A l'occasion d'un récent référendum, les citoyens de la Confédération helvétique ont donné un feu vert financier pour les tunnels ferroviaires transalpins du Saint-Gothard et du Loetschderg, par lesquels sera acheminée une grande partie des camions vers l'Italie. Cette décision populaire, encouragée par le Gouvernement de la Confédération helvétique, illustre une volonté politique, celle qui, précisément, semble faire défaut dans notre pays.
Nous avons également lu le rapport Brossier, qui nous a été présenté par votre administration comme un simple rapport technique. Certaines de ses conclusions sont mises en oeuvre. Ainsi, en particulier, la SNCF est chargée d'examiner, parmi d'autres hypothèses, le renforcement de la ligne existante, pour le fret, qui conduit d'Ambérieu à l'Italie en passant, après avoir longé le lac du Bourget, en plein coeur des agglomérations d'Aix-les-Bains et de Chambéry.
Permettez-moi de vous dire solennellement aujourd'hui que cette hypothèse qui consisterait, à moyen terme, à créer une troisième voie est totalement inacceptable pour les élus savoyards, alors même qu'ils agissent, comme j'ai eu l'occasion de vous le dire, pour la reconquête de la dimension naturelle du plus grand lac français : le lac du Bourget.
Nous nous interrogeons enfin, monsieur le ministre, s'agissant de la liaison TGV voyageurs, sur l'hypothèse d'un phasage des travaux - est-ce, d'ailleurs, un phasage ou un « saucissonnage » ? - qui conduirait, dans une première étape, jusqu'à Lépin-le-Lac. Cette solution, mentionnée dans votre décision du 18 septembre 1998, avait été unanimement rejetée lors de la consultation du début de l'année 1998.
Je connais, monsieur le ministre, votre objectivité et votre souci de régler les problèmes ; vous les avez démontrés dans d'autres circonstances. Nous sommes inquiets, je vous le dis sincèrement. Nous voulons savoir si le gouvernement auquel vous appartenez a, oui ou non, la volonté de faire avancer le dossier de cette liaison France-Italie, en donnant une priorité au fret.
Si gouverner c'est bien prévoir, vous êtes obligé de prévoir, tout comme nous, que, dans quelques années, la situation sera insupportable en raison de la densité du trafic de camions, aussi bien dans la vallée de Chamonix, en Haute-Savoie, que dans la vallée de la Maurienne, et, plus en aval, dans toutes les régions qui conduisent à ces deux vallées. Il nous faut prévoir qu'une partie de ces camions en transit vers l'Italie sera mise sur des trains.
Pour cela, il faut qu'une décision stratégique soit arrêtée conformément aux engagements qui avaient été pris lors du lancement des grands travaux européens de communication et lors du sommet franco-italien de septembre 1997, réunissant notamment le Premier ministre italien, le Président de la République française et le Premier ministre du gouvernement auquel vous appartenez. Ces engagements, pour l'heure, ne nous paraissent pas être suivis d'effets. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, permettez-moi d'abord de réagir à la première partie de votre intervention, qui était relative au TGV Est européen ; j'insiste d'ailleurs sur cette dernière dénomination, car cette liaison ferroviaire nous met en relation avec l'Allemagne.
Vous avez laissé entendre que l'écoute du Gouvernement serait sélective en fonction des régions d'où tel et tel ministres sont originaires.
M. Michel Barnier. Nous comptons tout de même deux ministres !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je n'accepte pas de tels propos, d'une part parce qu'ils sont infondés, d'autre part parce qu'ils sont désobligeants à l'égard de tous les élus d'Alsace, de Lorraine, de Champagne-Ardenne ou d'Ile-de-France qui, avec moi, se sont mobilisés pour faire aboutir ce projet. C'est grâce à cette convergence que nous avons pu réaliser le bouclage financier.
La vérité, c'est que toutes les promesses faites depuis plus de quinze ans, nous les tenons aujourd'hui, et cela est à porter à l'actif du gouvernement auquel j'ai l'honneur d'appartenir.
J'en viens maintenant à l'objet même de votre question. Dans le cadre d'une interrogation générale, tout à fait justifiée, sur le devenir du projet de liaison ferroviaire transalpine, vous rejetez deux hypothèses qui vous paraissent inacceptables.
En premier lieu, vous rejetez l'idée d'un renforcement des capacités de la ligne existante entre Ambérieu et Modane, notamment au droit d'Aix-les-Bains et de Chambéry. Je me dois de préciser que ce renforcement de capacités n'est en rien une alternative aux percées alpines. Il consiste, dans l'attente notamment de l'achèvement du tunnel de base, à se doter des moyens d'acheminer, sans perdre de temps, plus de trafic par la voie ferroviaire. C'est le bon sens qui nous conduit à envisager cette solution, y compris pour les raisons que vous avez vous-même avancées, monsieur le sénateur.
Vous le savez, quelles que soient la teneur du processus d'étude et l'énergie consacrée aux traversées alpines, le délai de réalisation sera long. Cela tient à des considérations et impératifs techniques, qui s'imposeraient à tout gouvernement. Cela étant, il convient, d'ici là, de tout faire pour limiter la progression du trafic routier dans les traversées alpines. Je crois avoir compris que vous partagiez cette préoccupation, monsieur le sénateur.
En revanche, je n'ai pas compris ce que vous proposiez concrètement pour permettre l'absorption d'un accroissement du trafic ferroviaire dans l'attente de la réalisation des percées alpines.
La deuxième hypothèse qui ne trouve pas grâce à vos yeux est celle du phasage des travaux à proximité Lépin-le-Lac.
Cela me donne l'occasion de bien préciser - et cela semble nécessaire - le contenu de la décision du 18 septembre 1998. J'ai décidé du tracé définitif entre Satolas et Lépin-le-Lac et demandé des études complémentaires pour l'entrée à Chambéry depuis Lépin-le-Lac.
A ce stade, il n'est nullement possible de dire si la première phase correspondra à Satolas - Lépin-le-Lac ou à Satolas-Chambéry. C'est justement l'objet des études complémentaires de nous éclairer sur le caractère opérationnel et sur la consistance de cette première phase.
Bien entendu, quelle que soit la solution retenue, comme pour la traversée de Chambéry par les circulations de fret, les questions d'insertion dans l'environnement devront être traitées avec une attention toute particulière.
Sur un plan plus général, rappelons que les gouvernements français et italiens ont confirmé - vous l'avez souligné - en 1997, à Chambéry, leur ambition de transférer sur le fer une part croissante du trafic transalpin de fret.
Lorsque j'ai été amené à me prononcer sur cette question des liaisons à grande vitesse à travers les Alpes et les Pyrénées, j'ai bien précisé, dès le départ, qu'il s'agissait non seulement du trafic voyageurs mais également du trafic de fret.
Cette volonté a d'ailleurs été réaffirmée lors du sommet de Florence, en présence de M. le Président de la République, de M. le Premier ministre et de plusieurs membres du Gouvernement, dont moi-même, en octobre dernier. J'ai pu vérifier que telle était aussi la volonté de mon homologue italien, M. Treu.
En 1997, il a été décidé d'engager, sur la section internationale, un programme d'études bien plus important, devant s'étaler sur trois ans. C'est donc en l'an 2000 que les décisions seront prises, en fonction des résultats de ce programme d'études.
Le fait que la Suisse ait franchi une nouvelle étape dans la réalisation de son développement ferroviaire ne remet nullement en cause le processus en cours, qui se poursuit conformément aux objectifs fixés. A ce propos, je puis vous indiquer que nous travaillons activement, avec nos amis suisses, pour développer les liaisons et la coopération ferroviaire entre la France et la Suisse.
M. Michel Barnier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Barnier.
M. Michel Barnier. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos explications.
Pour éviter tout malentendu, je précise que je n'ai nullement voulu manquer de correction à l'égard des élus d'Alsace et du grand Est. Au contraire, j'ai rendu hommage à leur mobilisation et à leur efficacité, soulignant l'écoute qu'ils avaient su trouver au sein du Gouvernement. J'ai seulement exprimé le voeu qu'il en aille de même pour les élus rhônalpins, ce dont je ne suis, hélas ! pas sûr.
Vous venez de nous dire, monsieur le ministre, que ce qu'ont décidé les Suisses ne changeait rien. Ce n'est pas tout à fait l'avis de la SNCF, nous le savons, car c'est un sujet que nous suivons attentivement, nous aussi !
A la SNCF, semble-t-il, on considère que la décision suisse pourrait rendre notre tunnel moins rentable, ce qui conduirait éventuellement à le remettre en cause. Voilà pourquoi nous nous exprimons ici, monsieur le ministre ! Sinon, à quoi servirions-nous ?
La priorité doit être donnée au fret. Je pensais d'ailleurs, sur ce sujet-là, obtenir une réponse plus positive de votre part, vous sachant très attaché aux liaisons ferroviaires.
Au-delà de l'affichage et des discours, le fret est la dimension prioritaire de ce projet, et cela pour deux raisons principales.
Tout d'abord, il faut que notre pays et, en particulier, la région Rhône-Alpes puissent bénéficier des échanges économiques attendus de cette liaison transalpine, au lieu d'observer, dans l'avenir, de manière passive, les résultats des initiatives prises par d'autres. Il s'agit d'une véritable bataille économique de positionnement des échanges au sein de l'Europe des années 2020, et la France ne peut pas perdre cette bataille.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je suis d'accord avec vous !
M. Michel Barnier. Ensuite, il faut soulager nos vallées. Ne sous-estimez pas l'inquiétude et même la colère liées aux nuisances qui vont s'accroître dans les vallées alpines : la vallée de l'Arve et la vallée de la Maurienne.
Le trafic des marchandises augmente, contrairement à ce que disent vos alliés de la majorité plurielle. Dans une déclaration tout à fait étonnante que je tiens à votre disposition, les Verts prétendent que le trafic diminue. Or, selon les chiffres dont je dispose - vous pourrez d'ailleurs les communiquer à votre collègue de l'environnement et à ses amis - ce sont plus de 10 millions de tonnes de marchandises qui passent chaque année par la gare de Modane, et ce trafic connaît une progression régulière, à tel point que la ligne devrait atteindre la saturation entre 2005 et 2010, malgré les investissements prévus. Quant au trafic des poids lourds sous le tunnel du Fréjus, il a atteint le chiffre record de 780 000 véhicules en 1998, ce qui a représenté une nouvelle hausse de plus de 2 % en un an.
Comment, devant de tels faits, ne serions-nous pas déterminés ?
Je suis heureux que Mme Voynet nous rejoigne puisque je viens de parler d'elle.
J'en profiterai, si vous le permettez, monsieur le président, pour ouvrir une toute petite parenthèse et dire, à titre personnel, à Mme la ministre de l'environnement...
M. le président. Monsieur Barnier, c'est certainement très intéressant, mais il y a, malgré tout, un horaire à respecter.
M. Michel Barnier. Je respecterai l'horaire, monsieur le président, mais je tiens, en tant qu'ancien ministre de l'environnement, à lui dire publiquement ma solidarité après l'agression que son ministère a subie hier.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire. Merci, monsieur le sénateu !
M. Michel Barnier. Il s'agit d'un acte inadmissible au regard du fonctionnement normal de la République. (Applaudissements sur les travées socialistes et du RPR.)
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre première réponse. A l'occasion de la poursuite de ce dialogue, nous vous demanderons de maintenir cette volonté politique que nous attendons de votre part et qui devrait vous conduire, en liaison avec le gouvernement italien, à l'élaboration d'un futur traité franco-italien concrétisant ce projet. Nous sommes très inquiets.
Cette question se voulait constructive. Elle a été posée avec détermination pour que les étapes soient effectivement franchies en temps voulu et que cette liaison France-Italie donnant priorité au fret soit bien, selon nos voeux, réalisée.

SERVICE PUBLIC FERROVIAIRE EN VAL-D'OISE

M. le président. La parole est à Mme Olin, auteur de la question n° 406, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mme Nelly Olin. Je souhaite, monsieur le ministre, attirer votre attention sur la situation que connaissent les usagers, notamment ceux du Val-d'Oise, se rendant à Paris par les gares du Nord et de Saint-Lazare : nombreux retards de trains au départ et à l'arrivée, changements de voies annoncées à la dernière minute par des haut-parleurs souvent nasillards et sans puissance, arrêts prolongés dans certaines gares du trajet, explications insuffisantes données tardivement et qui laissent le voyageur dans l'expectative, voire l'inquiétude, demandes de changement de train impromptus en cours de parcours créant couramment des affolements et des descentes de passagers sur les voies.
Permettez-moi de vous faire remarquer que, lorsque la semaine des usagers n'est pas émaillée d'interruptions de trafic dues à des mouvements sociaux, elle l'est par des retards souvent très importants dus à ce que les haut-parleurs qualifient d'« incidents techniques ».
Je profite, monsieur le ministre, de cette question pour attirer également votre attention sur l'état inadmissible des banquettes et sur le caractère irresponsable de la remise en circulation de wagons sans vitres.
Permettez-moi, enfin, de vous faire observer que la lutte contre l'insécurité dans les transports en commun doit prendre en compte tous ces éléments. Ils constituent le témoin évident d'une désorganisation et d'un laxisme ambiant grandissant qui offrent un cadre idéal pour le déferlement de la violence. Nous en avons eu encore récemment un exemple puisque, hier, à vingt-deux heures, en gare d'Argenteuil, un train a été incendié sans, fort heureusement, qu'aucun blessé ne soit à déplorer.
Je vous demande donc quelles mesures et quels moyens vous entendez mettre en oeuvre pour faire cesser cette dégradation du service public et assurer aux voyageurs des conditions de transport décentes et respectueuses de leurs deniers.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, dans les transports et du logement. Madame la sénatrice, la régularité des trains et la sécurité dans les transports collectifs sont essentiels pour que les usagers accèdent à la qualité du service public à laquelle ils ont droit et pour que les transports collectifs deviennent attractifs, garantissant ainsi de meilleures conditions de circulation dans toutes nos agglomérations.
Il s'agit donc d'un enjeu très important pour les pouvoirs publics et pour la SNCF, qui a d'ailleurs la responsabilité d'assurer au mieux les missions de service public dans le cadre de l'autonomie de gestion qui lui est conférée par la loi. Je suppose, madame la sénatrice, que vous ne souhaitez pas que le Gouvernement administre la France...
L'analyse des causes de retard dont la SNCF m'a fait part laisse apparaître une grande diversité. A des dysfonctionnements, qui relèvent de problèmes d'exploitation, de matériel roulant ou d'installations fixes, viennent s'ajouter les perturbations dues aux mouvements sociaux, ainsi qu'à des actes de malveillance - qui se situent sur un autre plan - qu'il s'agisse de signaux d'alarme tirés sans justification, de blocages des portes ou de vandalisme. Il faut également signaler d'autres événements externes, tels que les suicides, les accidents de personnes ou les incendies.
Les actions conduites pour lutter contre les dysfonctionnements internes ont notamment pour objet de veiller au bon état du matériel roulant et des installations fixes, afin de réduire au minimum les risques de pannes tout en supprimant les points faibles des infrastructures grâce à une programmation des investissements de capacité.
A ces aspects matériels s'ajoute une sensibilisation du personnel aux impératifs de la qualité de service. Cette action est actuellement engagée. Des instructions ont été données en ce sens aux agents en contact avec le public pour donner une information rapide et vérifiée aux voyageurs et aux usagers sur les incidents qui surviennent et sur les moyens de substitution qui leur sont éventuellement offerts.
D'autres actions sont, bien sûr, conduites pour lutter contre les dysfonctionnements externes à l'entreprise. Je pense en particulier aux actes de malveillance, qui, de janvier à novembre 1998, sur la ligne D du RER, ont été à l'origine du tiers environ des événements ayant entraîné des retards.
Pour juguler ce phénomène, plusieurs mesures, qui contribuent aussi à renforcer la sécurité, tant des agents que des voyageurs - que je me refuse à dissocier - ont été décidées. Il s'agit en particulier de la réhumanisation des gares et des trains grâce à du personnel supplémentaire - 1 300 personnes en deux ans - ce qui permettra l'accompagnement systématique des trains de soirée dans les secteurs sensibles ; à des recrutements d'emplois-jeunes pour aider à la lutte contre les actes de malveillance et, à un renforcement du partenariat entre les forces de police et la surveillance générale de la SNCF, dont les effectifs seront augmentés.
Du fait du raccourcissement des trains de soirée, le taux d'occupation des voitures sera amélioré, puisqu'il est clair que la très faible fréquentation constitue un élément encore plus propice à des actes de malveillance. Ce facteur supplémentaire de sécurisation est également à l'étude.
Vous le savez, les agressions dont ont été victimes les agents de la SNCF et de la RATP ont suscité une vive et légitime émotion, encore perceptible aujourd'hui, chez les personnels.
D'autres dispositions ont donc été prises pour lutter contre l'insécurité dans les transports et pour apporter notre soutien aux agents qui exercent une mission de service public dans des conditions souvent difficiles.
La question de l'amélioration des conditions et de la qualité du dialogue social, lequel s'était dégradé, il faut le reconnaître, au sein de l'entreprise publique SNCF, souvent en raison des politiques antérieures de réduction massive des capacités ferroviaires et des effectifs, fait maintenant l'objet de la plus grande attention de la part du Gouvernement comme de la direction de la SNCF et de la RATP. La grève traduisant souvent l'échec du dialogue social, le Gouvernement travaille à créer en amont les meilleures conditions de ce dialogue.
Si le problème des retards est un sujet incontestablement difficile, je peux toutefois vous assurer que le Gouvernement et moi-même agissons avec une grande détermination pour contribuer à améliorer la situation.
Mme Nelly Olin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le ministre, je vous remercie de toutes ces précisions, dont je ferai part aux Valdoisiens.
Il est évident que je m'associe également à la légitime émotion que suscitent toutes les agressions commises contre des personnes qui assurent un service public dans des conditions fort difficiles.

SITUATION DU CEVA,
CENTRE D'ETUDES ET DE VALORISATION DES ALGUES

M. le président. La parole est à M. Trémel, auteur de la question n° 408, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la situation du Centre d'études et de valorisation des algues, le CEVA, implanté à Pleubian, dans le département des Côtes-d'Armor.
Créé en 1986, le CEVA a pour objet de favoriser le développement de la filière « algue » par la recherche appliquée et par le transfert de technologies. Depuis l'origine, la société est soutenue par l'Etat, par l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER, par le conseil régional de Bretagne et par le conseil général des Côtes-d'Armor.
Cependant, ces dernières années, la question des relations avec l'Etat se pose de façon récurrente. Le CEVA doit en effet déplorer la difficulté à disposer d'un interlocuteur s'exprimant au nom de l'Etat et le non-respect des engagements pris au titre de l'actuel contrat de plan ; il faut savoir qu'il manque 2 267 000 francs sur les 4,5 millions qui ont été contractualisés : 836 000 francs étaient attendus en 1998 et 1 431 000 francs en 1999.
Le troisième contrat de plan Etat-région arrive bientôt à échéance. Cela conduit à s'interroger, à court terme, sur l'identité du payeur des sommes contractualisées, comme sur le calendrier de paiement de ces sommes et, à moyen terme, sur le maintien, à l'issue de ce plan, du soutien financier aux missions de service public actuellement accomplies par le CEVA.
Concernant le CEVA, le contrat de plan Etat-région passait par le Fonds d'aide à la recherche et à l'innovation, le FARI. Or celui-ci a été transféré - avant d'être supprimé - à la direction de la recherche et des affaires scientifiques du ministère de l'équipement, des transports et du logement.
Dès lors, je souhaite, d'une part, savoir à quel interlocuteur le CEVA peut s'adresser au niveau de l'Etat pour les problèmes actuels et pour la préparation du XIIe Plan. Je souhaite, d'autre part, savoir quand l'Etat compte honorer les engagements financiers pris à l'égard du CEVA au titre de l'actuel contrat de plan. En effet, le retard dans les paiements met en grave péril Ce centre d'études et de valorisation des algues. Plus largement, c'est l'avenir de la filière algue qui est en cause.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, en application du troisième contrat de Plan entre l'Etat et la région Bretagne, le Centre d'études et de valorisation des algues, le CEVA, a notamment perçu, de 1994 à 1998, 2 232 988 francs en dotations directes de l'Etat et 2 400 000 francs de l'Institut français de recherches pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER.
Il convient de souligner que cette aide a, de surcroît, servi de support, avec le concours des collectivités territoriales, au financement de 4 millions de francs au titre des fonds structurels européens.
A la suite de la réorganisation de l'administration dans le domaine de la mer intervenue en 1996, le ministère de l'équipement, des transports et du logement a pris le relais de la mission interministérielle de la mer pour la gestion du Fonds d'aide à la recherche et à l'innovation, le FARI. Par ailleurs, il a assuré la totale couverture des engagements pris, jusqu'à fin 1998.
Aujourd'hui, le CEVA se préoccupe de mobiliser les financements nécessaires pour la poursuite de ses activités, qui sont tournées non seulement vers la recherche, mais aussi, et de plus en plus, vers le transfert de technologies.
Saisi de cette question, le secrétariat général de la mer, interlocuteur du CEVA, a demandé au ministère de la recherche d'examiner le projet de programme présenté par le CEVA, et je peux vous dire aujourd'hui que son examen est en cours.
Tels sont les éléments de réponse que je suis en mesure de vous communiquer.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que j'ai pris bonne note du problème que vous avez soulevé. Je suis décidé à examiner, avec mes collègues concernés, la situation créée par le transfert du CEVA vers mon ministère. Je vous tiendrai précisément informé des suites qui en découleront.
M. Pierre-Yvon Trémel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Je prends acte de votre réponse, monsieur le ministre, et je vous remercie de l'intérêt que vous portez à ce dossier. Je souhaite en effet - comme vous, j'en suis persuadé - que la signature de l'Etat soit respectée. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Par ailleurs, je tiens à exprimer à Mme la ministre toute la solidarité du groupe socialiste face aux incidents qui se sont déroulés hier dans son ministère et que nous condamnons vigoureusement. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je vous remercie, monsieur le sénateur.

AMÉNAGEMENT DE LA LOIRE ET DE SES AFFLUENTS

M. le président. La parole est à M. Leclerc, auteur de la question n° 394, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Dominique Leclerc. Madame la ministre, après m'être associé aux propos de mes collègues Pierre-Yvon Trémel et Michel Barnier au sujet des incidents qui se sont déroulés hier dans votre ministère, je souhaite attirer votre attention sur le projet de barrage de Chambonchard, dont l'exécution dépend, à l'heure actuelle, de l'octroi de crédits de l'Etat.
Depuis quelques mois, des rumeurs courent - La Tribune du 27 janvier dernier en fait notamment état - selon lesquelles la décision aurait été prise, en conseil des ministres ou à l'occasion d'un comité interministériel d'aménagement du territoire, d'abandonner ce projet.
Cette opération, déclarée d'intérêt public le 12 décembre 1996, serait non seulement bloquée mais en voie d'abandon au profit d'une solution alternative dont vous seriez à l'origine. Cette dernière consisterait, pour l'essentiel, d'une part à revoir les conditions d'utilisation du barrage EDG de Rochebut, d'autre part à construire un nouveau barrage à Commentry.
Une telle solution est, pour plusieurs raisons, totalement inacceptable.
En premier lieu, en faisant un tel choix, l'Etat ne respecterait pas les engagements qu'il a signés avec toutes les collectivités territoriales du bassin de la Loire et enfreindrait ainsi le principe républicain de continuité de l'action publique. Or ces collectivités, je peux vous l'assurer, sont unies par l'intermédiaire de leurs élus, toutes tendances politiques confondues, pour défendre la construction de ce barrage.
En second lieu, cette décision ne respecterait pas la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 et le schéma départemental d'aménagement et de gestion des eaux de Loire-Bretagne qui en a découlé : ces textes prévoient des objectifs de débit et de qualité de l'eau qui ne nous paraissent pas atteints par ce projet alternatif.
Par ailleurs, ce projet n'apporterait qu'une réponse locale et inadaptée à un problème qui concerne une région dans sa globalité.
Enfin, de fortes interrogations pèsent sur la qualité des eaux qui seraient relâchées, du fait de l'arsenic qui est stocké à Rochebut.
Parce que le temps m'est compté, je ne peux continuer à vous détailler toutes les raisons qui me poussent à m'opposer à une telle éventualité.
J'ajouterai cependant un dernier mot quant au coût de ce projet alternatif : il est, paraît-il, estimé à 280 millions de francs, sans tenir compte des coûts de gestion et de fonctionnement. Madame la ministre, où trouverez-vous un tel montant, alors que l'Etat tergiverse depuis des années pour verser à l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents, l'EPALA, les 70 millions de francs nécessaires à la réalisation du barrage de Chambonchard ?
Madame la ministre, je pense pouvoir parler aussi bien au nom des habitants du bassin de la Loire que des élus locaux. Nous ne souhaitons pas, vous l'aurez compris, que l'Etat nous propose des solutions alternatives au barrage de Chambonchard. Nous attendons, au contraire, qu'il respecte ses engagements. Pouvez-vous, aujourd'hui, nous faire connaître à quelle date il compte enfin les honorer ?
M. le président. Madame le ministre, avant de vous donner la parole, je tiens à vous exprimer notre solidarité face aux événements qui se sont produits hier dans votre ministère. S'ils sont désagréables personnellement, compte tenu des fonctions et des responsabilités que vous assumez, ils sont aussi inquiétants au regard de l'équilibre que nous souhaitons maintenir dans notre pays.
Je vous confirme donc la solidarité du Sénat, que vous ont déjà témoignée plusieurs de nos collègues.
Vous avez la parole, madame le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je vous remercie, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos manifestations de solidarité. Ce qui s'est passé hier dans mon ministère est exceptionnel, et d'autant plus incompréhensible que les mots d'ordre étaient très généraux et qu'à aucun moment les manifestants n'ont cherché à dialoguer ou à faire valoir leurs arguments. Ils étaient, semble-t-il, venus pour casser, et ils l'ont fait.
S'agissant de votre question, monsieur Leclerc, je vous rappelle que le plan décennal « Loire grandeur nature » a été adopté le 4 janvier 1994, à l'issue de plusieurs années de conflits et de discussions.
Il a semblé normal au Gouvernement d'en dresser un bilan à mi-parcours et de s'interroger, dans ce cadre, sur l'opportunité des opérations non encore réalisées en vue de la définition d'une deuxième phase de ce plan et de l'éventuelle intégration de ces opérations dans les prochains contrats de plan Etat-régions.
En ce qui concerne le projet de barrage de Chambonchard, divers éléments ont conduit le Gouvernement à s'interroger sur sa pertinence.
D'abord, l'évolution de la politique agricole commune diminue fortement l'intérêt de l'ouvrage pour l'irrigation, seul élément qui justifiait initialement la participation du ministère de l'agriculture et de la pêche à son financement, à concurrence de 70 millions de francs. Vous avez d'ailleurs cité ce chiffre en omettant toutefois de préciser que l'agence de l'eau de Loire-Bretagne était aussi appelée à financer ce barrage à raison de 190 millions de francs, ce qui est tout de même une somme considérable.
J'ai noté que l'agence de l'eau avait été sommée de payer, mais qu'elle n'avait pas été associée à l'élaboration du plan Loire grandeur nature. Je souhaite qu'elle puisse être considérée comme un partenaire de l'Etat et de l'EPALA dans la deuxième phase de réalisation de ce plan décennal.
Ensuite, ont été mis en évidence, d'une part, une rentabilité médiocre et, d'autre part, un intérêt limité du projet de développement touristique qui avait été imaginé, en raison notamment d'un important marnage estival.
Enfin, d'autres hypothèses techniques paraissent susceptibles d'assurer une bonne gestion des étiages du Cher, tant quantitativement, pour l'alimentation en eau potable de l'agglomération de Montluçon, que qualitativement, par la réduction des pollutions domestiques, industrielles et agricoles.
Pour décider en toute connaissance de cause de la suite à donner à ce dossier, je me suis rendue à Montluçon, le 2 juillet dernier, pour rencontrer les partenaires de l'Etat.
J'ai également lancé un programme d'étude afin d'examiner les solutions de rechange au barrage, en termes de gestion des étiages et de développement du secteur du Haut-Cher, pouvant s'intégrer dans la deuxième phase du plan Loire grandeur nature.
Ce travail n'est pas encore terminé, et le Gouvernement n'a donc pas arrêté sa décision s'agissant du barrage du Chambonchard.
Les grands axes de la deuxième phase du plan Loire grandeur nature seront présentés en conseil des ministres d'ici à quelques semaines. Mais je dois dire, monsieur le sénateur, que j'entends beaucoup d'informations irrationnelles à propos de ce dossier. Ainsi, j'avoue que c'est la première fois que j'entends parler d'un barrage à Commentry ! Toutes les idées semblent être agitées sur le terrain, mais elles reposent, pour l'essentiel, sur des rumeurs ou sur une interprétation des propos que j'ai pu tenir à Montluçon le 2 juillet dernier.
Je ne peux que répéter, de façon tout à fait sereine, que je suis très attachée à la rigueur dans l'utilisation des fonds publics et que je tiens à répondre aux inquiétudes des riverains du Cher en ce qui concerne à la fois la qualité de l'eau, le soutien des étiages et le maintien de l'activité économique. A cet égard, je sais que l'activité de certaines entreprises, installées notamment à Commentry, dépend, pour une part, de leur alimentation régulière en eau.
Nous serons attentifs à tous ces points et nous tenterons d'apporter la réponse la plus concrète et la plus économe possible, qu'il s'agisse de fonds publics ou de fonds privés. Cela étant, nous ne sommes pas encore en état de faire les propositions que vous attendez depuis longtemps, monsieur le sénateur, ce qui justifie votre impatience.
M. Dominique Leclerc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Madame la ministre, je comprends votre volonté de mener une nouvelle réflexion et d'établir un bilan à mi-parcours de la réalisation du plan « Loire grandeur nature ».
En vous posant cette question ce matin, je voulais vous dire l'attachement non seulement de toute la population ligérienne, qui représente plusieurs centaines de milliers de personnes, mais aussi de l'ensemble des élus locaux, toutes tendances confondues.
C'est vrai, le plan Loire grandeur nature est le résultat de nombreuses réflexions et études menées sur l'ensemble des projets concernés.
Pour ce qui est de Chambonchard, la définition en a été revue. En effet, si, dans un premier temps, ce barrage était conçu comme un élément important pour l'agriculture locale, dans sa conception finale, son but est essentiellement la qualité de l'eau du bassin de la vallée du Cher, notamment des villes de Montluçon et de Commentry.
Par ailleurs, vous le savez, ce barrage a constitué, en 1994, l'un des éléments d'une réflexion tendant à prendre en compte différents critères. En premier lieu, et cela nous concerne tous, il s'agissait d'assurer une meilleure sécurité pour toutes les populations ligériennes, avec l'entretien et le renforcement des digues, l'entretien du lit de la Loire et la réalisation de certains ouvrages. En deuxième lieu, la qualité de l'eau devait être préservée, d'où un volet environnemental auquel nous sommes tous attachés. Mais il faut mentionner aussi le rétablissement de la salmoniculture - l'Indre-et-Loire est directement concernée - et la disparition de certains barrages, dont Maisons-Rouges. Là, la raison est revenue !
Encore une fois, tous les élus sont attachés à l'ensemble du plan Loire grandeur nature. Alors, madame la ministre, je voudrais que, à mi-parcours, le gouvernement auquel vous appartenez réaffirme sa volonté politique de prendre en compte tous les éléments qui composent le plan Loire grandeur nature, qui ont fait l'unanimité, afin de prendre en considération les inquiétudes des populations concernées.
Je l'ai dit, c'est aussi le respect de la politique contractuelle qui est en jeu : si Chambonchard représente pour l'Etat une charge de 70 millions de francs, pour l'agence de bassin de Loire-Bretagne, qui a été associée à l'étude et à la réflexion, cette charge représente plus de 190 millions de francs, et les collectivités locales sont aussi engagées à la même hauteur.
De grâce, madame la ministre, que le Gouvernement réaffirme sa volonté politique ! Il s'agit d'une réelle préoccupation, d'un véritable besoin pour le bassin de la Loire mais aussi pour toute la France, car la politique contractuelle constitue aujourd'hui, vous le savez, le fondement de l'ensemble des plans et réalisations, et il convient donc que l'Etat tienne ses engagements.

PLAN D'AMÉNAGEMENT DE LA LOIRE

M. le président. La parole est à M. Vissac, auteur de la question n° 409, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Guy Vissac. Ma question concerne à la fois l'aménagement du territoire et la valorisation de l'environnement en tant que facteur de développement. Elle porte en effet sur la mise en oeuvre du plan Loire grandeur nature à l'heure où sa pérennité semble compromise : l'Etat, qui en est l'investigateur, n'apporte pas de réponse positive à la construction du barrage de Chambonchard, comprise dans le plan, et vos déclarations, madame la ministre, en réponse à la question de mon collègue Dominique Leclerc, ajoutent à notre crainte d'une réponse négative. L'EPALA, l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents, qui en est le maître d'ouvrage, bloque de ce fait la poursuite du programme.
Le plan comporte la construction d'une salmoniculture dans le Haut-Allier, dont l'objectif est la restauration du saumon de souche en Allier. Cette réalisation revêt à la fois un caractère économique - par l'attrait qu'elle représente et engendre pour la pêche et les professionnels du tourisme sur l'axe Loire-Allier - et un caractère évident de sauvegarde d'une espèce en danger de disparition.
Par une lettre récente du 15 janvier, vous faites part, madame la ministre, au syndicat du Haut-Allier, maître d'ouvrage - que je préside - de la validation du projet et de l'apport par votre ministère d'un million de francs supplémentaire. Cette nouvelle contribution manifeste une volonté de voir aboutir la restauration du saumon. Je vous remercie vivement.
Il manque cependant, sur les 12 millions de francs que devrait servir l'EPALA, 7 millions de francs, déduction faite du million de francs déjà cité et des 4 millions de francs d'économies prévues. Or le temps presse pour cette réalisation.
Quelles mesures compensatoires peut-on envisager pour boucler le financement de la salmoniculture de Chanteuges, dans les gorges de l'Allier, dans le département de la Haute-Loire ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, la création d'une salmoniculture dans le Haut-Allier, à Chanteuges, fait, en effet, partie du plan Loire grandeur nature et je vous confirme mon engagement en faveur de la reconquête du saumon sur l'axe Loire-Allier.
La mise au point technique du projet de salmoniculture a été longue et complexe et a donné lieu à de nombreuses réunions successives au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je me félicite de ce que la dernière de ces réunions, en date du 9 décembre 1998, ait permis d'aboutir enfin à un accord et de valider, notamment, le projet de convention liant les différents financeurs, dont le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, et le maître d'ouvrage du projet.
Le bouclage du plan de financement de l'ouvrage a soulevé les difficultés que vous avez bien soulignées, monsieur le sénateur. D'une part, l'important dépassement - 4,6 millions de francs - que font apparaître les offres des concepteurs consultés a rendu nécessaire la réalisation d'économies sur ce programme ; d'autre part, l'EPALA a suspendu l'attribution de la subvention de 12 millions de francs qu'il s'était engagé à apporter, et ce pour des motifs, vous le reconnaîtrez, totalement indépendants de la reconquête du saumon sur l'axe Loire-Allier. Je m'étonne d'ailleurs, à cet égard, que vous sembliez soutenir l'attitude de l'EPALA, qui a pris en otage de nombreux projets dans le bassin de la Loire. Ce chantage me paraît être, aujourd'hui, la seule menace qui pèse sur une action à laquelle vous et moi sommes également attachés.
En tout état de cause, je vous confirme que l'Etat tiendra ses engagements sur le projet de la salmoniculture de Chanteuges, comme il l'a toujours fait sur ce dossier jusqu'à maintenant. Il est essentiel, pour l'avenir du projet, que chacun en fasse autant.
Je confirme à cet égard ce que j'ai dit tout à l'heure à M. Leclerc : je souhaite continuer à dialoguer de façon aussi rationnelle et argumentée que possible sur l'ensemble du plan Loire grandeur nature. Le dossier de la salmoniculture du Haut-Allier n'a jamais fait l'objet, me semble-t-il, de la moindre contestation de la part de l'un ou l'autre des partenaires et il serait tout à fait dommage qu'il ne puisse aboutir parce que certains préjugeraient les décisions que le Gouvernement pourrait être amené à prendre sur d'autres dossiers qui ne lui sont liés que par notre volonté de mettre en oeuvre un plan global intégré de reconquête de la qualité de l'eau et de la qualité des milieux dans le bassin de la Loire.
M. Guy Vissac. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vissac.
M. Guy Vissac. Madame la ministre, je prends acte de votre réponse. Je ne peux toutefois m'empêcher de penser que, dans cette affaire de la réalisation d'une salmoniculture, notre syndicat est pris en otage entre l'EPALA et le ministère.
Je cherche, comme vous pouvez l'imaginer, à sortir de cette situation. Depuis 1994, c'est-à-dire depuis le démarrage de cette grande réalisation, nous avons eu, au ministère de l'environnement, alors conduit par notre collègue Michel Barnier, beaucoup de réunions - à chaque fois, nous avons été reçus avec beaucoup d'égards - pour essayer de sortir de cette impasse ; pour y parvenir la coopération reste nécessaire.
En fait, sur les 50 millions de francs cités, il reste à récupérer quelque part environ 7 millions de francs. Peut-être est-ce une affaire de collectivités locales. J'aimerais cependant, madame la ministre, que l'Etat fasse un effort supplémentaire et que ce tour de table qui doit réunir les financeurs recueille l'accord du ministère et suscite son intérêt.

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
DANS LES ALPES-MARITIMES

M. le président. La parole est à M. Peyrat, auteur de la question n° 413, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Jacques Peyrat. Madame le ministre, ma question est de portée générale et tient au fait que nous prîmes connaissance assez récemment des conclusions du comité interministériel de l'aménagement du territoire du 15 décembre dernier, ainsi que du communiqué de presse conjoint de M. Michel Vauzelle, président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, et de Mme Elisabeth Guigou, en sa qualité non pas de ministre mais de présidente de la commission de l'aménagement du territoire de la région, qui se réjouissaient des nombreuses et importantes mesures prises pour l'agglomération marseillaise.
Les élus des Alpes-Maritimes, unanimes, souhaiteraient savoir s'il existe de la part du Gouvernement une volonté identique pour aider au développement de leur département.
Ils aimeraient connaître de façon précise du ministre de l'environnement que vous êtes les objectifs concernant les grands dossiers d'aménagement et de développement que les Alpes-Maritimes attendent, il est vrai, depuis de nombreuses années.
Il s'agit, en premier lieu, du développement économique, et surtout de la restructuration et de la modernisation du port de Nice ainsi que de l'endiguement du Var, de façon à permettre l'indispensable développement économique non seulement de la ville mais du moyen et du haut pays des Alpes-Maritimes.
Il s'agit, en deuxième lieu, du désenclavement de la région grâce au grand projet ouvrant l'accès vers l'Italie du Nord et améliorant les relations directes vers la région Rhône-Alpes via Digne et Grenoble. Ce projet permettrait à la région PACA et à la région Rhône-Alpes, comme l'expliquait tout à l'heure notre collègue des Hautes-Alpes, de se rapprocher d'un bassin d'activités et d'emplois prospère de onze millions d'habitants sur l'axe Milan-Turin.
Il s'agit, en troisième lieu, enfin, de l'amélioration des dessertes autour de l'agglomération niçoise, à savoir la route nationale 202 bis, l'A 58, le transport en commun en site propre, le TCSP, la fin du développement de l'autoroute urbaine sud et la construction d'un centre multimodal d'échanges, nécessaire complément du TCSP, aux entrées est et ouest de la ville.
Les élus des Alpes-Maritimes, par ma voix, vous demandent donc s'il est possible d'envisager l'inscription de ces projets vitaux pour le désenclavement et le développement du département azuréen dans le prochain contrat de plan Etat-région, comme le seront toutes les mesures prises en faveur de Marseille lors du dernier CIADT.
Madame le ministre, je dois à la vérité de dire que ces demandes, je les ai présentées en préfecture des Alpes-Maritimes, voilà quelques jours, à Mme Guigou, en sa qualité de présidente de la commission d'aménagement du territoire de la région PACA.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, le Gouvernement a bien la volonté de poursuivre l'amélioration de l'accessibilité des diverses parties du territoire, en particulier lorsqu'il s'agit d'espaces frontaliers.
Je vous rappelle que le CIADT du 15 décembre 1998, en traitant des perspectives d'avenir de l'aire métropolitaine marseillaise, n'a pas ignoré le département des Alpes-Maritimes. En effet, il s'est penché sur la nécessaire amélioration des relations interrégionales et internationales, en insistant sur la liaison ferroviaire Marseille-Toulon-Nice-Gênes.
Considérant qu'un prolongement de la ligne à grande vitesse Méditerranée vers Fréjus permettrait une amélioration des services ferroviaires vers Nice et Gênes, le Gouvernement a décidé d'approfondir les études relatives à la desserte de Toulon et de la Côte d'Azur.
En attendant, il a décidé d'examiner les modalités d'une amélioration progressive et séquentielle des services ferroviaires de Marseille et Toulon vers Nice et Gênes ; une priorité sera accordée, conformément au souhait du conseil régional, à la réalisation d'une troisième voie entre Cannes et Nice, dès que l'étude intermodale de prédéfinition actuellement en cours en aura confirmé l'opportunité.
En outre, dans le domaine des transports, deux schémas multimodaux des services de transport de personnes, d'une part, et de marchandises, d'autre part, seront élaborés à l'issue d'une très large concertation. Cette concertation, conduite par le préfet de la région, est actuellement en cours en Provence - Alpes-Côte d'Azur. Déconcentrée, cette concertation assurera, à travers le pilotage unique du préfet de région, un meilleur ancrage territorial des propositions et permettra une large association des partenaires territoriaux aux propositions faites et aux choix retenus. Parmi les projets ainsi proposés pour l'horizon 2020, des aménagements prioritaires devront être retenus afin d'être inscrits dans le prochain contrat de plan.
Monsieur le sénateur, vous avez cité un certain nombre de projets dont l'intérêt est, certes, communal, mais aussi, au-delà, intercommunal et régional ; je pense notamment au transport collectif en site propre. Vous me permettrez de penser que le renforcement de l'intercommunalité et l'émergence des agglomérations devraient permettre de consolider cette politique et de faire en sorte que ces projets puissent être pris en compte dans le volet territorial des contrats de plan.
Quant au port de Nice et à l'endiguement du Var, ce sont des sujets traités dans le cadre de la préparation de la directive territoriale d'aménagement. Le préfet travaille sur ces questions, vous le savez. Il fera, dans quelques mois, des propositions d'action qui devraient, elles aussi, être prises en compte dans la négociation du futur contrat de plan Etat-région.
J'insiste, enfin, sur le fait qu'il ne m'apparaît pas opportun de traiter de la question de l'aménagement du territoire en région PACA en opposant les métropoles marseillaise et niçoise. En lui consacrant un volet spécial, le 15 décembre dernier, le CIADT n'a pas souhaité faire de la question marseillaise un cas particulier.
Il s'agissait essentiellement de compléter le programme Euro-Méditerranée, lancé il y a déjà plusieurs années, pour lequel mon ministère s'est depuis lors mobilisé et auquel il ne « mégote » pas son soutien.
Il s'agit, plus généralement, d'accorder une priorité à la région PACA et à ses métropoles, qui connaissent des problèmes de nature sociale, économique ou géopolitique à traiter en urgence.
M. Jacques Peyrat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Peyrat.
M. Jacques Peyrat. Madame le ministre, je m'attendais, bien sûr, à ce genre de réponse, et si je vous dis, corrélativement, qu'elle ne me satisfait pas, je suis persuadé que vous n'en serez point étonnée.
Je tiens tout de même à vous faire observer - mais cela, vous le savez déjà ! - que le département des Alpes-Maritimes, que je représente aujourd'hui, est enclavé. Enclavé, il l'est au bout du territoire national entre la mer et la cordillère des Alpes, aussi bien à l'est qu'au sud, ne nous laissant qu'une échappée, amplement remplie d'ailleurs, comme toujours, vers l'ouest.
Alors, pour reprendre un terme de tour-opérateur, vous faites du tout-ferroviaire un package.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. C'est un terme que je ne me permettrais pas d'employer !
M. Jacques Peyrat. Le tout-ferroviaire, le Gouvernement, dites-vous, s'est penché dessus. Il s'est d'ailleurs tellement penché qu'il est tombé par la portière.
En tout cas, le Gouvernement ne m'apporte pas les apaisements que je pourrais souhaiter.
En effet, les projets qui sont ainsi les vôtres - vous ne le savez certainement pas - sont en totale contradiction avec ce que la totalité - moins un ! - des députés, sénateurs, conseillers régionaux, conseillers généraux, président du conseil général, membres des organismes consulaires souhaitent et attendent depuis des années.
En réalité, le fait est que l'autoroute A 8 est en voie de saturation, qu'elle est déjà quasi saturée ; selon les prévisions de votre organisme gouvernemental, la direction départementale de l'équipement, elle le sera complètement dans deux ou trois ans. Or, il faut à peu près sept à huit ans pour concevoir, imaginer, réaliser une autoroute. Ce qui veut dire que - nous le savons déjà - nous serons très vite au bord de l'asphyxie.
Madame le ministre, j'en terminerai en vous demandant de ne pas nous rappeler sans cesse qu'il ne faut pas opposer Nice à Marseille. Cela date !
Nous ne sommes pas opposés à Marseille ! Marseille est une grande ville, c'est notre capitale régionale. Nous aimons beaucoup Marseille... sauf en matière de football où, évidemment, nous avons des adversités qui se cumulent - à notre détriment, monsieur le président, je dois, hélas ! le dire.
Pour le reste, nous nous entendons bien avec Marseille. La seule chose, c'est que le Gouvernement, au regard des projets que je viens d'évoquer semble lui donner une part trop grande, trop importante, alors qu'il ne peut pas suivre sur le plan financier.
En clair, madame le ministre, la cinquième ville de France, qui est dans la même région que la deuxième, vient timidement vous dire - c'est, en réalité, le but de ma question orale - qu'il faut aussi penser à elle.

DÉSAMIANTAGE DE JUSSIEU

M. le président. La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 395, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le campus de Jussieu est, hélas ! une fois de plus au centre de l'actualité. Il y a un an déjà, presque jour pour jour - j'ai vérifié ! - j'interrogeais le Gouvernement à ce sujet.
Aujourd'hui, à l'heure où le Gouvernement annonce, à la suite des recommandations du rapport Got, des mesures très importantes tendant à renforcer la prévention et à améliorer la réparation du risque lié à l'amiante en général - on ne peut que s'en réjouir - le chantier emblématique de Jussieu, sous la responsabilité directe de l'Etat, mérite, à mon avis, une gestion exemplaire en matière de désamiantage.
Pour faire les travaux, on le sait, il faut disposer de suffisamment de locaux provisoires pour reloger les activités de recherche et d'enseignement. Certes, des bureaux sont ou vont être mis à disposition ; mais, sur les 25 000 mètres carrés de préfabriqués qui devaient être construits, seuls 6 000 mètres carrés, lancés en décembre 1996, ont été réalisés.
Je crois savoir que le conseil d'administration de l'établissement public du campus de Jussieu a décidé, courant décembre, de la construction de 4 000 mètres carrés de préfabriqués supplémentaires.
Ce n'est donc pas l'immobilisme total, et je m'en réjouis ; mais force est de constater que les choses évoluent très lentement.
J'espère, madame la ministre, que vous pourrez m'indiquer quelles sont les autres mesures prévues pour qu'il y ait le plus vite possible la surface nécessaire en locaux provisoires, afin que très rapidement ce chantier, d'un coût global estimé à 2,4 milliards de francs et qui sera probablement dépassé, puisse être mené à bien.
Les informations connues depuis le printemps dernier et rappelées par la presse la semaine dernière, qui concernent la stabilité au feu très insuffisante et, plus généralement, la mise aux normes, soulignent encore davantage la nécessité de terminer rapidement et de façon exemplaire ce chantier.
Vous le savez, le désamiantage est inscrit parmi les priorités du schéma des universités du troisième millénaire.
Cependant, il est évident que la construction d'un nouvel ensemble universitaire sur la ZAC Seine rive gauche, par ailleurs souhaitable, ne peut régler le problème du désamiantage et de la mise aux normes, car cet ensemble ne verra en aucun cas le jour avant quatre ou cinq ans, selon les prévisions les plus optimistes.
En outre, il ne faudrait pas que la nécessaire construction d'un nouvel ensemble universitaire se fasse en revendant une partie des terrains de Jussieu, comme l'espèrent les promoteurs immobiliers qui s'expriment à ce sujet.
Récemment, vous le savez, les huit présidents des universités parisiennes ont affirmé leur conviction d'une nécessaire coopération entre leurs universités, refusant d'avance « toute solution qui, de manière autoritaire, impliquerait un redécoupage ou une fusion ».
Pourriez-vous, madame la ministre, m'apporter des précisions sur le projet d'ensemble actuellement à l'étude pour la ZAC « Seine Rive gauche » et son ampleur ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Madame la sénatrice, Claude Allègre étant retenu en Italie par une réunion des ministres de la recherche, il m'a chargée de vous répondre à sa place.
Le Gouvernement a confirmé, le 1er décembre 1998, les conditions de réalisation des travaux de désamiantage et de remise en sécurité des bâtiments de Jussieu. Ces travaux, dont le montant a été fixé à 3,9 milliards de francs, devraient s'échelonner jusqu'en 2003. Les conditions ont ainsi été mises en place pour garantir qu'il n'y aura aucune rupture dans la continuité du chantier, ni aucun ralentissement de celui-ci.
Le désamiantage, démarré pour une première barre en 1998, se poursuivra en 1999 par trois barres. Il est ensuite prévu de mettre en chantier quatre barres tous les six mois. La prudence nécessitait, pour un chantier d'une telle envergure, de mettre au point les protocoles sur une barre expérimentale.
Le relogement des occupants est assuré : sur le site de la rue de la Fédération, ouvert en 1998 ; dans les 6 000 mètres carrés de locaux provisoires livrés en 1998 ; dans les locaux loués rue du Chevaleret, qui seront occupés en 1999 ; dans les 2 000 mètres carrés de locaux provisoires supplémentaires qui seront ouverts à la rentrée de 1999.
Le conseil d'administration de l'établissement public du campus de Jussieu a, par ailleurs, mis en application la décision prise par le ministre consistant dans la réalisation de 6 000 mètres carrés supplémentaires. Les délais d'appel d'offres et de réalisation permettent d'envisager une livraison pour la rentrée 2000, soit un an avant la livraison de la première tranche de 20 000 mètres carrés de locaux décidés sur la ZAC Seine-Rive gauche.
Ces diverses dispositions, associées à une utilisation optimisée des locaux existants et, si nécessaire, à un contrôle, dans le respect des règlements, des flux d'étudiants inscrits sur le campus de Jussieu, permettent de garantir la continuité sans ralentissement du chantier.
Enfin, il n'est nullement envisagé d'affecter Jussieu et, par conséquent, les terrains correspondants à d'autres activités que celles des universités.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je prends acte du fait que les locaux de Jussieu ne seront pas affectés à d'autres activités que celles des universités.
Je voudrais vous rappeler les propos de M. Got : « Il est possible d'accepter l'allongement des délais prévus par le plan précédent de trois à cinq ans dans une appréciation fondée sur la sécurité. Le Gouvernement perdrait toute crédibilité sur ce dossier si les décisions des mois à venir prouvaient que ce nouveau délai ne sera pas respecté. »
Je l'ai dit tout à l'heure, et j'insiste, l'Etat doit peser de tout son poids pour qu'un calendrier raisonnable soit respecté. Il convient de prendre en compte à la fois les impératifs de santé publique et la mise aux normes de sécurité. Pour régler à la fois le problème de santé publique que constitue la présence d'amiante à Jussieu et celui de la remise aux normes de sécurité, il faut que le rythme des travaux à effectuer ne connaisse aucun retard. Or des inquiétudes se font jour à ce sujet.
Je vous remercie donc de votre réponse, madame la ministre, mais le problème des locaux provisoires reste posé pour l'instant.

ORGANISATION DES VOYAGES SCOLAIRES

M. le président. La parole est à Mme Printz, auteur de la question n° 403, adressée à Mme la ministre délégué à l'enseignement scolaire.
Mme Gisèle Printz. Madame la ministre, la circulaire du 27 septembre 1997 distingue deux grands types de sorties scolaires : d'une part, les sorties obligatoires ou régulières inscrites à l'emploi du temps, pour lesquelles le principe de gratuité de l'école publique doit s'appliquer ; d'autre part, les sorties scolaires facultatives ou occasionnelles, dans le cadre desquelles entrent les voyages scolaires avec nuitées et pour lesquelles il est prévu de demander une participation aux familles après délibération en conseil d'administration scolaire.
Or, la plupart des enseignants ne font pas la différence entre les deux types de sorties. Une note de rappel est par ailleurs venue jeter le trouble en début d'année scolaire. Ainsi, les enseignants déduisent de ces instructions que les sorties scolaires doivent être gratuites et, donc, que l'on ne peut plus organiser de voyages scolaires.
Concernant le financement de ces activités, les opérations du type vente sur la voie publique ou empaquetage dans les supermarchés sont désormais assimilées à du travail clandestin et par conséquent interdites. Cela prive les élèves d'une source de financement non négligeable.
Par ailleurs, seul l'établissement scolaire en tant qu'entité juridique est maintenant habilité à organiser des voyages scolaires, ce qui oblige les enseignants à passer par l'administration pour les encaissements. Ils ne peuvent plus ouvrir de compte « voyages » ou passer par la coopérative de l'établissement. Cette mesure alourdit considérablement les démarches du fait de l'obligation d'appliquer les règles de la comptabilité publique.
Concernant enfin le remplacement des enseignants en voyage, ceux-ci doivent veiller à ce que leurs cours soient assurés en leur absence pour les autres classes dont ils ont la charge. Ils doivent donc trouver des collègues pour les remplacer.
Madame la ministre, le travail que vous avez accompli depuis un an et demi nous donne satisfaction, et nous sommes tout à fait conscients que l'école ne doit pas se transformer en un tour-opérateur. De plus, il convenait de mettre de l'ordre face à des pratiques condamnables, du type voyages trop nombreux ou trop chers, destinations exotiques ou ventes abusives sur la voie publique. Il semble cependant que les mesures que vous avez prises dans ce sens soient quelque peu contraignantes, voire décourageantes.
Un voyage scolaire bien préparé et bien géré demeure tout de même une superbe opportunité d'éveil et de découverte pour les élèves.
L'ouverture des établissements scolaires sur le monde extérieur permet aussi d'ouvrir aux élèves des horizons nouveaux.
Aussi, madame la ministre, ma question est la suivante : entendez-vous assouplir prochainement ces mesures contraignantes, qui vont à l'encontre des échanges et de la découverte des régions françaises et des pays frontaliers ? N'y aurait-il pas d'autres voies à explorer ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Madame Printz, je tiens d'abord à vous rappeler mon profond attachement au maintien, voire au développement des sorties scolaires, en particulier pour les enfants qui n'ont accès à ces ouvertures sur d'autres horizons que grâce à l'école.
Tout ne s'apprend pas en classe, et ce principe justifie à lui seul que les enseignants suscitent constamment l'intérêt des élèves par l'organisation d'activités à l'extérieur de l'école.
Je répondrai avec beaucoup de précision aux questions que vous me posez.
En effet, dans un certain nombre de départements, en raison d'instructions locales, une certaine confusion semble régner dans l'esprit des enseignants.
Il convient de distinguer deux catégories de sorties.
Il y a d'abord les sorties scolaires proprement dites, qui correspondent aux enseignements réguliers, inscrits à l'emploi du temps. Ces sorties sont obligatoires et elles doivent donc être gratuites. A défaut, elles remettraient en cause le principe de la gratuité de l'école.
Quant aux sorties scolaires occasionnelles, elles s'effectuent hors des horaires habituels de la classe et peuvent inclure, par exemple, un hégergement. Ces sorties sont facultatives et une participation financière peut donc être demandée aux familles, à condition, bien entendu, de mettre aussi en place un dispositif qui permette à tous les enfants d'y participer, afin de ne pas créer des inégalités et des perturbations dans le fonctionnement de la classe.
Par conséquent, les choses sont assez simples dans le premier degré. En effet, les sorties obligatoires doivent être gratuites, et leur organisation suppose donc un financement public. En revanche, pour ce qui concerne les sorties occasionnelles facultatives, et afin de permettre à tous les élèves d'y participer dans le cas où les familles ne peuvent acquitter la contribution envisagée, des financements complémentaires peuvent fort bien être recherchés auprès des collectivités territoriales, des caisses des écoles, de la coopérative scolaire ou d'autres grandes associations complémentaires de l'école. Des associations de parents d'élèves peuvent même organiser des activités en vue de financer la sortie.
S'agissant des coopératives scolaires, il convient de préciser qu'elles ont notamment pour objet, sous l'autorité permanente de l'enseignant, d'organiser des fêtes, des expositions, des voyages d'étude, des séjours en colonie de vacances et des échanges. Elle peuvent donc parfaitement apporter leur aide à la préparation matérielle d'une sortie ou allouer une subvention.
Mais les écoles n'ayant pas, comme vous le savez, d'autonomie financière, elles ne peuvent assurer cette gestion, qui relève de la compétence de la commune.
Le même principe prévaut dans le second degré.
Les sorties obligatoires doivent être gratuites pour les familles, et il est donc possible d'envisager un financement public.
En ce qui concerne les sorties occasionnelles facultatives, au-delà d'une contribution éventuelle des familles, le financement peut avoir plusieurs origines. Une aide peut ainsi être apportée à l'échelon académique, grâce aux crédits pédagogiques que je délègue à l'ensemble des académies ; une aide peut également être apportée par les collectivités territoriales ou par un versement provenant des différents fonds de l'établissement public local d'enseignement. En effet, dans le second degré, les établissements scolaires ont la personnalité juridique. Ces fonds peuvent provenir de la caisse de solidarité, du fonds social collégien, du fonds social lycéen, des réserves disponibles de l'établissement ou même de la contribution de certaines associations, par exemple, là encore, des associations de parents d'élèves au regard des activités auxquelles vous faites allusion.
La gestion financière qui englobe toutes les opérations de recettes et de dépenses doit être assurée par l'établissement et donc par son agent comptable.
Cette disposition est beaucoup moins contraignante qu'il n'y paraît et, au regard d'un certain nombre de questions de parlementaires, je vais sans doute diffuser un texte de clarification qui permettra de faire comprendre qu'en raison de la modification que j'ai apportée à l'arrêté du 11 octobre 1993 relatif aux régies d'avances et de recettes des établissements publics locaux d'enseignement, par un arrêté du 10 décembre 1998, j'ai autorisé les régisseurs à encaisser les participations des familles aux voyages ainsi qu'à payer les frais liés au déroulement d'un voyage ou d'une sortie. En fait, j'ai assoupli, simplifié les procédures de gestion pour les établissements publics d'enseignement secondaire.
Enfin, vous évoquez le problème des remplacements dans les classes.
En ce qui concerne les sorties scolaires, une note de service relative aux dispositifs académiques de remplacement a eu pour objectif de réduire les difficultés dues aux absences non remplacées des enseignants afin d'assurer l'égalité d'accueil de tous les élèves dans les classes. Il ne faudrait pas, en effet, que les sorties scolaires, qui constituent, comme je l'ai dit, un « plus » indéniable pour les élèves aboutissent à un « moins d'école » pour les autres élèves.
Pour ce qui concerne le premier degré, les sorties scolaires étant organisées avec l'enseignant de la classe, cette note de service entre dans le processus habituel de la gestion des remplacements du premier degré, qui, en principe, ne posent guère de problème.
En ce qui concerne le second degré, il est vrai qu'il a été indiqué aux établissements scolaires que les enseignants en voyage devaient veiller à ce que leurs cours soient assurés en leur absence pour les autres classes dont ils ont la charge et devaient donc essayer de trouver des collègues pour les remplacer ou rattraper ultérieurement leurs cours.
Je crois que personne ne peut contester ce principe de bonne organisation de l'enseignement, qui permet, dans le cadre de la souplesse nécessaire de règle dans les établissements scolaires, de faire en sorte que tous les élèves aient des enseignants en face d'eux afin que, je le répète, un « plus » pour certains d'entre eux ne se transforment pas en un « moins » pour les autres.
Mme Gisèle Printz. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz. Madame la ministre, je vous remercie des explications et des précisions que vous venez de me donner. Elles vont certainement permettre une meilleure compréhension de votre circulaire.
Mon département faisait sans doute partie des départements qui n'avaient pas bien compris ou bien analysé vos textes. Si vous nous envoyez un texte de clarification, il sera le bienvenu !

LÉGISLATION RELATIVE
À LA PRISE ILLÉGALE D'INTÉRÊTS

M. le président. La parole est à M. Grignon, auteur de la question n° 367, adressée à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Francis Grignon. Ma question, madame la ministre, concerne les maires des communes de 3 500 habitants et moins.
L'article 432-12 du nouveau code pénal dispose que ces maires, leurs adjoints ou leurs conseillers délégués peuvent réaliser des transactions immobilières ou traiter des marchés de services avec la commune dont ils sont élus jusqu'à hauteur de 100 000 francs. Ils peuvent même acheter des terrains pour y édifier leur habitation principale ou contracter des baux de location, toujours pour leur habitation principale.
Or il se trouve que, dans ma région, la trésorerie principale a indiqué que les maires agriculteurs ne pouvaient contracter, après leur élection, des baux de location de terrains agricoles. Ces baux peuvent être contractés avant leur élection, mais pas après, et ne peuvent pas non plus être prolongés.
J'aimerais savoir quelle est votre interprétation des textes, madame le garde des sceaux.
Je me permets de vous demander si, par assimilation, on ne pourrait pas permettre à ces maires de contracter des baux ruraux, à condition que la location ne dépasse pas 100 000 francs par an, par exemple.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu m'interroger sur la législation relative à la prise illégale d'intérêt, ce dont je vous remercie, car c'est une question importante.
Je vous rappelle - comme vous l'avez fait vous-même - que l'article 432-12 du code pénal n'autorise effectivement pas, dans les communes de moins de 3 500 habitants, les élus à prendre à bail des terres agricoles appartenant à la commune.
Ce texte prévoit toutefois des dérogations au profit des élus de ces communes : pour le transfert de biens mobiliers ou immobiliers, dans la limite de 100 000 francs par an, pour la fourniture de services, dans la même limite, pour l'acquisition d'une parcelle d'un lotissement communal, pour la passation de baux d'habitation et pour l'acquisition de biens à usage professionnel.
La prise à bail de terres agricoles communales n'est pas visée par ce texte.
La décision du trésorier principal que vous avez évoquée, monsieur le sénateur, est donc, dans son principe, conforme au droit positif.
On peut toutefois considérer que, si les terres ont été louées avant l'élection, les personnes concernées peuvent renouveler le bail après cette élection si le bail ne subit pas de modifications significatives de ses conditions. En effet, dans une semblable hypothèse, il n'y aurait pas de nouvelle prise d'intérêt au sens du code pénal.
De plus, il convient de rappeler qu'à la suite de la proposition de loi votée par le Sénat le 10 février 1998, la Chancellerie a créé, notamment avec des membres du Sénat, un groupe de travail chargé d'examiner très précisément les conditions de mise en oeuvre du délit de prise illégale d'intérêt en matière de baux ruraux et de mettre en place une prévention plus efficace de ce type de délit.
En accord avec le rapporteur de la proposition de loi, le rapport de ce groupe de travail a été transmis aux parquets par circulaire du 7 avril 1998, ainsi que, pour information, aux préfets.
Ce rapport - que je vais vous faire remettre - contient une étude approfondie du délit de prise illégale d'intérêt appliqué à la passation et au renouvellement des baux ruraux et conclut, en substance, que le respect de quelques précautions devrait permettre aux élus concernés de ne pas encourir de poursuites du fait de ce chef d'accusation.
Compte tenu de ces éléments, il m'apparaît que la plupart des difficultés rencontrées en ce domaine devraient être réglées assez facilement et donc que la modification de la loi au bénéfice d'une catégorie particulière de personnes, notamment dans le sens que vous suggérez dans votre question, ne se justifie pas.
J'ajoute que l'exception prévue dans le code pénal en matière de logement de l'élu dans sa commune est difficilement transposable à la passation de baux ruraux, qui concernent l'exercice d'une activité lucrative.
M. Francis Grignon. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon. Madame le garde des sceaux, je vous remercie de vous être déplacée pour répondre à cette petite question. Je vous remercie également pour votre réponse très positive.
J'ajoute que je vais analyser en détail le rapport que vous venez de me faire remettre, car j'ai cru comprendre qu'il me permettra de trouver une réponse précise à ma question.

CONDITIONS D'INSTALLATION DE DÉBITS DE TABAC
EN ZONE DE MONTAGNE

M. le président. La parole est à M. Domeizel, auteur de la question n° 405, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d'Etat, le 20 novembre 1997, en réponse à une question écrite posée par mon prédécesseur, M. Fernand Tardy, ancien sénateur des Alpes-de-Haute-Provence, votre ministère annonçait une adaptation de la réglementation pour la création d'un débit de tabac en milieu rural de montagne.
Les difficultés rencontrées pour obtenir ce type d'autorisation sont nombreuses, et le département que je représente n'y échappe pas.
Pour ouvrir un débit de tabac, il faut en effet répondre à au moins deux critères : tout d'abord, la population, 500 habitants au minimum, ensuite, l'éloignement du point de vente le plus proche, c'est-à-dire dix minutes en véhicule motorisé.
L'administration ne tient compte que des données propres à la commune concernée. Or, les communes situées en zone rurale de montagne, qui atteignent parfois à peine le seuil de population fixé pour l'ouverture d'un débit de tabac, sont pourtant très souvent les centres d'approvisionnement de toutes les petites communes ou de tous les petits villages alentour.
Il n'est par ailleurs tenu compte ni du relief, ni des conditions climatiques, qui rendent les déplacements plus difficiles, ni de l'activité touristique, telle que la présence d'un camping, par exemple, ni du trafic sur la route qui traverse la commune.
Pourtant, nous savons tous l'importance que revêt pour nos communes la présence des services et des commerces pour lutter contre la désertification. Je songe à l'école, à la poste ou à la gendarmerie, mais aussi à l'épicerie, au dépôt de pain ou au bistrot.
Bon nombre de conseils généraux ou régionaux se joignent aux communes pour maintenir ou rouvrir des commerces multiservices.
Je demande aujourd'hui que l'Etat participe - bien modestement, vous le reconnaîtrez - à ces efforts conjoints des collectivités territoriales.
Enfin, il me paraît aberrant que des règles fondées sur la rentabilité du comptoir de vente s'opposent à l'ouverture d'un débit de tabac, alors que l'adjonction d'une telle activité permettrait précisément de rentabiliser les commerces existants et contribuerait à leur maintien.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir prêté attention à mon propos. Cette question peut paraître futile mais elle est, pour nous, importante. J'espère que l'adaptation annoncée voilà plusieurs mois deviendra rapidement effective.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, votre question est importante car elle porte sur l'installation d'un service de proximité pour les consommateurs, les débits de tabac remplissant par ailleurs une mission de service public dans certains domaines : la vente des vignettes et des timbres fiscaux, par exemple. Je suis donc personnellement très attentif à cette question.
Vous avez rappelé que, dans le cas général, deux critères sont appliqués : un seuil minimum de population et le nombre de débits de tabac dans un périmètre donné.
Il est clair que ces critères doivent, comme vous le souhaitez, être adaptés aux situations particulières des zones rurales, singulièrement des zones de montagne.
Vous savez qu'en 1992 les critères de population ont été supprimés pour les zones de montagne. Par ailleurs, à la fin de l'année 1998, le Gouvernement a décidé d'assouplir les règles d'agrément des candidats à la reprise du dernier débit de tabac d'une commune dans les zones de revitalisation rurale et les débitants de tabac ont eu la possibilité de tenir des commerces franchisés ou d'être locataires-gérants de leur fonds de commerce, ce qui n'était pas permis auparavant.
J'ai annoncé ces nouvelles dispositions au congrès des débitants de tabac en octobre dernier.
Ces mesures devraient permettre de réduire les cas de fermeture des points de vente et d'offrir à certains jeunes la possibilité de trouver un emploi dans leur région.
Lors de ce congrès, j'ai également annoncé qu'un groupe de travail serait constitué et placé sous l'autorité du directeur général des douanes et droits indirects et de la confédération des débitants de tabac de France, que préside avec beaucoup de dynamisme M. Tritschler. Ce groupe de travail est chargé notamment d'étudier une nouvelle adaptation des règles applicables à l'implantation des débits de tabac dans les zones rurales, particulièrement dans les zones de montagne.
J'espère, monsieur le sénateur, vous avoir apporté une réponse précise et constructive.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse et de l'intérêt que vous avez manifesté pour les communes de montagne. J'espère que les éclaircissements que vous avez apportés seront de nature à améliorer la réaction de l'administration du budget lorsque des demandes lui seront présentées.

COÛT ET CONSÉQUENCES
DU PASSAGE INFORMATIQUE À L'AN 2000

M. le président. La parole est à M. Gouteyron, auteur de la question n° 410, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Adrien Gouteyron. J'ai tenu à poser cette question parce que le sujet est important et doit être évoqué devant le Parlement.
A l'approche de l'an 2000, aux frayeurs millénaristes d'antan se substitue le compte à rebours d'une inévitable échéance. Ce n'est plus le ciel qui menace de nous tomber sur la tête, ce sont nos ordinateurs qui risquent de fonctionner de manière erratique et de devenir, en quelque sorte, des machines à remonter le temps !
Peu de secteurs semblent devoir être épargnés, si l'on songe à la place prise dans nos sociétés modernes par l'informatique.
Evidemment, on pense tout de suite aux ordinateurs les plus puissants, les plus sophistiqués du contrôle aérien, du contrôle maritime, des grandes industries. Mais, on le sait bien, l'informatique est présente jusque dans notre vie de tous les jours.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'Etat, l'Etat a-t-il assez pris conscience des enjeux ?
Pendant qu'aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et dans bien d'autres pays avancés, les gouvernements font de ce sujet une véritable priorité nationale, il me semble que, chez nous, on se contente de regarder l'avenir, pourtant proche, avec un optimisme qui engendre la passivité.
Le gouvernement britannique a lancé un plan de 155 millions de dollars pour aider les entreprises à ajuster leurs systèmes. En revanche, dans notre pays, on s'est contenté de nommer M. Gérard Théry à la tête de la mission « An 2000 », qui s'évertue, avec peu de moyens, de sensibiliser toutes les parties concernées.
Il n'y a pas si longtemps, un grand quotidien du soir titrait : « La France ouvre timidement la chasse au bogue de l'an 2000 » et affirmait : « La mission mise en place par le Gouvernement manque de moyens pour sensibiliser efficacement l'ensemble des industries, particulièrement les PME. »
Cette prise de conscience timide est-elle à la hauteur des risques ? On peut ne pas le penser.
Sans céder à un quelconque catastrophisme, certains chiffres ont de quoi inquiéter. Ainsi, selon une très sérieuse revue, le « bogue » de l'an 2000 serait évalué à 5 000 milliards de dollars - c'est astronomique ! - soit plus de trois fois la richesse produite sur le sol français en une année.
Quant à la mission « An 2000 », elle estime le coût mondial entre 300 milliards et 1 600 milliards de francs, selon les sources.
Le Gouvernement n'a-t-il pas une approche par trop minimaliste ?
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne pouvez pas ignorer que la déclaration finale du G 8 à Birmingham constate que cet événement constitue un problème majeur pour la communauté internationale.
Pour terminer, je voudrais insister sur le risque que le « bogue » de l'an 2000 fait courir tout particulièrement aux petites entreprises, qui sont sans doute les moins bien armées pour s'y préparer. Je relève que nos petites entreprises vont devoir affronter non seulement cet événement considérable, mais aussi le passage aux trente-cinq heures et, enfin, le passage à l'euro !
Que va faire le Gouvernement ? Il est encore temps d'agir, même s'il est bien tard.
Le Gouvernement va-t-il faire autre chose que sensibiliser nos concitoyens, sensibiliser les entreprises ?
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre réponse sera à la hauteur des enjeux ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, vous posez effectivement une question importante sur un problème important : le passage pour toutes les horloges électroniques du 31 décembre 1999 au 1er janvier 2000. Certains craignent que quelques-unes de ces horloges n'en reviennent à l'année zéro, c'est-à-dire à l'année 1900, ce qui causerait effectivement une perturbation très grave.
Avant de répondre précisément à votre question, je ferai remarquer que le passage à l'euro, qui posait un grand problème informatique, s'est déroulé sans difficulté - je parle non pas des petites et moyennes entreprises mais de l'ensemble de nos grandes entreprises et de notre système financier. On peut en rendre hommage aux ingénieurs et aux responsables des différentes entreprises de notre pays.
En préalable à ma réponse, j'émettrai donc un message d'espoir et de confiance dans le talent de ceux qui vont devoir affronter ce problème.
Au fil de votre argumentation, vous vous demandez pourquoi ne pas décréter cette question priorité nationale, faisant ainsi référence à une procédure juridique britannique.
Dans la pratique, je crois que le Gouvernement s'est mobilisé pour que tout le monde, particulièrement les petites entreprises, abordent cette épreuve dans les meilleures conditions possible.
Je vous rappelle que, le 30 septembre 1997, mon collègue M. Christian Pierret avait souligné l'importance de ce problème.
Vous avez fait allusion à la mission « Passage informatique à l'an 2000 » confiée au grand expert qu'est Gérard Théry.
Comme vous le savez, le Gouvernement a adressé, au mois de juillet 1998, aux 800 000 responsables de petites et moyennes entreprises, une lettre accompagnée de dix recommandations.
Le Premier ministre a mobilisé l'ensemble de l'administration le 6 novembre 1998.
Le 26 novembre 1998, Dominique Strauss-Kahn, Marylise Lebranchu et Christian Perret ont présenté le programme d'action du Gouvernement pour les prochains mois.
Le 3 février dernier, le Premier ministre a installé le comité national pour le passage à l'an 2000.
Voilà pour la sensibilisation.
Je voudrais insister maintenant sur les actions d'information qui vont être menées et sur les aspects fiscaux du dossier.
S'agissant du premier point, je rappellerai que, au mois de décembre dernier, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a écrit à 2 200 000 patrons de PME pour leur demander où ils en étaient. En effet, il ne revient pas au Gouvernement de régler au cas par cas ce problème dans les entreprises ; il est trop respectueux de la pleine responsabilité des chefs d'entreprise.
Par conséquent, un recensement très vaste a été effectué.
Par ailleurs, un guide pratique très détaillé, comprenant des exemples concrets, a été diffusé dans l'ensemble du pays.
Le travail d'information a donc lieu ; je crois qu'il est très poussé.
J'en viens à l'aspect fiscal du dossier.
Il est clair que certains matériels vont devoir être renouvelés peut-être un peu plus tôt que cela aurait été nécessaire.
Aussi, le Gouvernement a décidé d'étendre à l'an 2000 les mesures fiscales qui avaient été prises pour le passage à l'euro. Vous le voyez, le parallèle que j'ai utilisé en introduction entre la mise en place de l'euro et le passage à l'an 2000 trouve une conséquence concrète dans le domaine de la fiscalité.
Je peux vous annoncer qu'une instruction fiscale confirmant cette décision sera publiée dans les prochains jours.
Ainsi, dès le mois de septembre 1997, le Gouvernement, conscient de l'importance du problème, a envisagé les mesures nécessaires pour que les chefs d'entreprise, notamment les chefs de petite ou moyenne entreprise, bénéficient de dispositions fiscales qui les aident à assumer ce coût supplémentaire, à propos duquel, vous l'avez dit vous-même, les chiffres les plus fantaisistes ont été avancés.
M. Adrien Gouteyron. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question aura eu au moins l'avantage de vous conduire à rappeler tout ce que le Gouvernement a fait, en particulier pour la sensibilisation.
Il semble qu'un effort soutenu et significatif ait été réalisé. Est-il suffisant ? Je ne sais pas.
Je me réjouis que vous ayez annoncé la sortie prochaine d'une instruction fiscale pour aider les entreprises à renouveler les matériels lorsque cela est nécessaire. Il s'agit là d'une mesure importante. Est-elle suffisante ? L'avenir nous le dira.
Je terminerai en disant que, l'événement étant prévisible, notre responsabilité politique, à nous tous, serait totalement engagée si des conséquences économiques et sociales graves - pourquoi ne pas l'imaginer ? - devaient en découler.
Nous avons intérêt à prendre cette affaire au sérieux et peut-être aurons-nous l'occasion d'en reparler, monsieur le secrétaire d'Etat.

ÉQUIPEMENT DE RADIOCOMMUNICATION MOBILE

M. le président. La parole est à M. Robert, auteur de la question n° 421, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous constatons, en même temps que l'évolution du téléphone portable - 5 millions d'abonnés en 1997 et 11 millions au début de cette année - des difficultés de plus en plus nombreuses entre les acheteurs et les distributeurs.
J'ai été le rapporteur du projet de loi sur le code de la consommation dans sa partie législative et je suis amené depuis à suivre de près la protection des consommateurs.
Quelles sont les difficultés qui sont rencontrées ?
L'acheteur qui passe un contrat, en particulier avec un forfait de communications, se voit offrir, ou presque, l'appareil.
Inexpérimenté, il se retrouve souvent mal dans les obligations contractuelles qu'il doit signer chez le distributeur, rarement avec l'opérateur, et dont il subira plus tard les contraintes, au fil de l'utilisation.
La publicité d'appel subordonne la vente à des conditions très avantageuses pour un abonnement forfaitaire. Le débutant peut se tromper dans ce qu'il recherche.
J'ajouterai encore que l'information donnée par les opérateurs ou par les distributeurs lors de la signature du contrat est insuffisante.
Par ailleurs, l'obligation du paiement par prélèvement automatique mensuel conduit à une mauvaise gestion du compte de l'utilisateur et à des surprises désagréables. Celui-ci devrait avoir le choix du mode de paiement, sans subir de pression au moment de la signature.
En outre, notons des conditions tarifaires variables au gré de l'opérateur en cas de dépassement de ce fameux forfait, ainsi que l'utilisation de clauses abusives. Il s'agit en particulier de la modification unilatérale, au gré de l'opérateur, des conditions de facturation et de l'achat au prix fort d'un nouvel appareil en cas de perte, de casse ou de besoins plus modernes, et ce à des conditions totalement différentes de celles du contrat d'origine, entraînant, du reste, le changement de numérotation.
Par ailleurs, dans la publicité d'appel et dans le forfait d'abonnement, le coût réel de l'appareil portable est caché. Ainsi, très souvent, à la signature du contrat d'abonnement, le consommateur a une fausse appréciation de sa valeur.
Pour éviter ces pratiques condamnables, trois recommandations semblent nécessaires.
En premier lieu, l'acheteur devrait bénéficier d'un délai de rétractation de sept jours, comme dans d'autres situations de position dominante, après signature du contrat.
En deuxième lieu, les contrats d'abonnement devraient mentionner la faculté soit d'un dépôt de garantie, soit d'une avance de paiement dans le cas où le client refuserait le prélèvement automatique qui lui est imposé.
En troisième lieu, en cas de modification des tarifs, le consommateur devrait pouvoir résilier son contrat, sans pénalité, à son initiative.
Pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette situation vous conduise à prendre des mesures allant dans le sens que je viens d'exprimer ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, vous avez interrogé le Gouvernement à propos de l'achat de téléphones mobiles, en soulignant l'état d'explosion de ce marché. Vous avez, par exemple, cité le chiffre de 11 millions d'abonnés à la fin de 1998 - les spécialistes prévoient que, d'ici à la fin de l'an 2000, donc d'ici à deux ans, ce seront vingt millions d'abonnés qui posséderont un téléphone mobile.
Il est donc clair que les questions que vous posez sur la commercialisation des téléphones mobiles sont importantes.
La première d'entre elles porte sur l'existence d'un délai de rétractation, c'est-à-dire d'une sorte de délai de réflexion permettant de réfléchir après coup à l'opportunité d'un achat.
Or le téléphone mobile est un bien de consommation courant et non un bien de consommation durable, comme une automobile ou une machine à laver, et c'est donc la règle de droit commun qui s'applique, c'est-à-dire celle qui prévaut lors d'un achat immédiat dans une boutique.
Cela étant - et vous le savez, monsieur le sénateur, puisque vous êtes orfèvre en la matière - le délai de rétractation de sept jours existe dans le cas où l'appareil a été acheté à la suite d'un démarchage, c'est-à-dire lorsque le vendeur est venu à votre domicile vous proposer un contrat, ou lorsqu'il s'agit d'opérations de vente à distance. Dans ces deux cas, le consommateur est protégé comme vous le souhaitez.
Vous avez aussi insisté sur le fait que, dans certains cas, il a été procédé à des modifications unilatérales des conditions de facturation. Ce que vous dites est tout à fait exact.
La commission des clauses abusives, qui est placée auprès de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, examine en ce moment les clauses qui comportent des modifications unilatérales de tarification. Le Gouvernement devrait disposer des recommandations de cette commission à la fin du premier semestre de 1999 ; il en tirera les conséquences.
Par ailleurs, à partir des plaintes qui ont été déposées par des consommateurs auprès des services de la répression des fraudes, nous sommes en train d'établir un inventaire des conditions d'information des consommateurs, qui, vous l'avez dit, dans un certain nombre de cas, ne sont pas tout à fait satisfaisantes.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, sur ce marché en développement très rapide, le Gouvernement a le souci de protéger le consommateur contre des pratiques commerciales qui, certes, sont exceptionnelles, mais n'en sont pas moins condamnables.
M. Jean-Jacques Robert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le secrétaire d'Etat. Je croyais bien savoir, en effet, que la commission des clauses abusives travaillait sur ce sujet.
Je souhaitais surtout, étant donné le « boom » que vous avez évoqué et qui touche beaucoup de jeunes, très souvent inexpérimentés au regard de ce type de clauses, que cela ne dure pas trop et que des mesures soient prises rapidement.
Par ailleurs, il existe une autorité de régulation des télécommunications ; je me demande si cette autorité, qui, d'après les informations dont je dispose, ne le fait pas actuellement, ne devrait pas s'intéresser à ces questions et, pour la partie qui peut relever de sa compétence, tenter de préserver des difficultés actuelles non pas l'opérateur, ce qui pourrait être le cas, mais le consommateur.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Guy Allouche.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein d'un organisme extraparlementaire.
En conséquence, j'invite la commission des lois à présenter un candidat appelé à siéger, en qualité de suppléant, au sein du comité des finances locales, en remplacement de M. André Bohl, démissionnaire.
La nomination du sénateur appelé à siéger au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

5

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Claude Estier. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Ce rappel au règlement concerne les incidents extrêmement graves qui se sont déroulés hier au ministère de l'environnement : des agriculteurs venus de départements du bassin parisien et du Centre ouest, qui ne sont certainement pas parmi les plus défavorisés,...
M. Emmanuel Hamel. Il y en a partout !
M. Claude Estier. ... ont saccagé avec une rare violence le bureau de la ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire, Dominique Voynet, et ont tenté de se livrer aux mêmes actes dans les locaux de l'Ecole nationale d'administration.
Au moment où toute notre attention se porte sur les problèmes de la délinquance juvénile et sur les moyens d'y faire face, il est inadmissible que des adultes se livrent à de tels agissements, et cela alors même que les organisations agricoles, reçues aujourd'hui par le Premier ministre, poursuivent le dialogue, notamment sur la réforme de la PAC, avec un gouvernement qui est à leur écoute.
Nous ne confondons évidemment pas les agriculteurs français dans leur ensemble avec ces commandos de casseurs, dont on peut se demander par qui ils sont manipulés et contre lesquels nous attendons les sanctions qui s'imposent. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Estier.

6

ORDONNANCE RELATIVE AUX SPECTACLES

Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 512, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, portant modification de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles. [Rapport n° 543 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi portant modification de l'ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles, adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale le 17 juin 1998, revient aujourd'hui en deuxième lecture devant votre assemblée.
Je me réjouis, au nom du Gouvernement, du travail accompli par les deux assemblées qui ont su, chacune à son tour, enrichir le texte et en préciser la portée. Les définitions des catégories des entrepreneurs de spectacles ont été affinées ; les précisions indispensables ont été apportées, permettant l'identification des acteurs et des responsables concourant à la représentation des spectacles.
Vous le savez, l'adoption de ce texte contribuera au respect par l'Etat des engagements pris lors de la signature du protocole conclu à l'issue de la mission de M. Pierre Cabanes et lié à la reconduction des annexes 8 et 10 de l'assurance chômage. Je rappelle, en effet, que cette réforme législative est l'un des éléments essentiels du renforcement des droits des salariés du spectacle et de la lutte contre la précarité de leur situation.
L'Assemblée nationale a repris, en deuxième lecture, l'intégralité des amendements qui avaient été adoptés par le Sénat. J'y vois le signe d'une collaboration très constructive des deux assemblées sur ce texte.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Sans reprendre l'ensemble d'un projet qui a été présenté dans le détail lors de la première lecture, je rappellerai les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale qu'il vous appartient aujourd'hui d'examiner.
L'Assemblée nationale a précisé, à l'article 2 du projet de loi, la définition des catégories de diffuseurs en indiquant que sont inclus dans cette catégorie « les entrepreneurs de tournées qui n'ont pas la responsabilité d'employeur à l'égard du plateau artistique ».
Cette précision est utile et elle complète la rédaction qui avait été adoptée par le Sénat. Ainsi, la définition et le rôle de chacune des catégories d'entrepreneurs de spectacles sont désormais clarifiés.
Le décret d'application précisera que, dans tous les cas où un contrat est conclu entre un diffuseur et un exploitant de lieux, l'identité du producteur, responsable de l'emploi du plateau artistique, devra être mentionnée dans le contrat.
Ainsi, les responsabilités des différents professionnels qui concourent à des représentations de spectacles seront identifiées.
Je souhaite apporter des précisions sur la libre circulation en Europe, point qui a été évoqué par M. Nachbar dans son rapport.
Pour s'établir en France, les ressortissants étrangers devront effectivement solliciter une licence, comme les nationaux, sauf à produire un titre équivalent. Comme le souligne M. le rapporteur, ce type de législation n'est pas développé dans les autres pays européens. Cependant, pour respecter le principe communautaire de liberté d'établissement, la loi doit prévoir cette possibilité d'équivalence.
En ce qui concerne les entrepreneurs de spectacles qui ne sont pas établis en France et qui n'entrent pas dans la catégorie des ressortissants communautaires titulaires d'un titre équivalent, deux possibilités leur sont offertes : soit solliciter une licence temporaire, valable pour la durée des représentations envisagées ; soit passer un contrat avec un titulaire de licence en France et adresser une déclaration à l'autorité compétente.
Dans cette seconde hypothèse, le système de simple déclaration permet de mettre la législation française en conformité avec les principes de libre prestation de service, consacrés à l'échelon communautaire, tout en évitant une discrimination à l'encontre des entrepreneurs de spectacles français par rapport à leurs homologues européens qui exercent leur activité sans être soumis à des obligations équivalentes dans leur propre pays.
En pratique, l'exigence d'un contrat avec un entrepreneur de spectacles en France ne constitue pas un obstacle supplémentaire pour les entrepreneurs de spectacles étrangers ; la représentation d'un spectacle en France implique un lieu de spectacles, ce qui suppose, en toute hypothèse, un contrat avec un exploitant de lieu étant, aux termes de l'ordonnance, titulaire d'une licence.
Ainsi, l'article 4 permet d'assurer et de garantir aux ressortissants européens la liberté d'établissement et de prestation de service.
Le Gouvernement précisera, dans le décret d'application, la procédure permettant de contrôler les entrepreneurs de spectacles, qu'ils soient français ou ressortissants européens, et d'assurer une égalité de traitement.
C'est à ce titre que ce même article autorise l'inspection du travail, l'URSSAF, les organismes sociaux du spectacle et les sociétés de perception et de répartition des droits d'auteurs à communiquer aux autorités administratives chargées de délivrer ou de renouveler les licences des informations sur la situation des entrepreneurs concernés.
En ce qui concerne la définition des organisateurs occasionnels, il est précisé à l'article 6 du projet que les amateurs qui ont recours à des artistes du spectacle percevant une rémunération relèvent bien, dans la limite des six représentations fixées par le texte, de l'activité occasionnelle d'entrepreneur de spectacles telle qu'elle est définie par la loi.
Il me paraît important, notamment dans le cadre du développement des pratiques amateurs, auquel je suis particulièrement attachée, que cette définition soit ainsi complétée.
Bien entendu, l'exonération de licence pour six représentations ne dispense pas du respect des législations sociale, du travail et fiscale, ni des obligations liées au droit de la propriété littéraire et artistique. Elle est destinée à alléger les obligations administratives pour les activités amateurs ou l'organisation ponctuelle de spectacles par des associations.
Je rappelle que les représentations ne faisant pas appel à des artistes professionnels rémunérés restent évidemment en dehors du champ d'application de la loi.
S'agissant des incompatibilités, qui font l'objet de l'article 12 bis, le projet de loi initial maintenait une incompatibilité entre la fonction d'agent artistique et celles d'exploitant de lieux et de diffuseur, inscrite à l'article L. 762-5 du code du travail.
Les débats précédents ont en effet démontré que, depuis 1945, ni l'ordonnance ni le code du travail ne faisaient référence aux diffuseurs et que de nombreux agents artistiques exerçaient cette activité.
C'est pourquoi l'Assemblée nationale a modifié la rédaction du projet sur ce point, afin de ne pas étendre au-delà de celle qui existe déjà le régime de l'incompatibilité entre exploitant de lieux et agent artistique.
La philosophie du projet étant de définir les métiers reconnus par les usages professionnels, il me semble important que les agents artistiques ne fassent pas l'objet d'une discrimination par rapport aux entrepreneurs de tournées, leurs activités respectives étant semblables sur bien des points.
J'en viens à la non-rétroactivité du texte.
L'adoption du dispositif prévu sur ce point à l'article 13 ne devrait pas présenter de difficulté, la portée de cet article étant limitée aux licences attribuées avant l'entrée en vigueur du texte et qui continueront à produire des effets jusqu'à la fin de leur validité, limitée à deux ans.
Bien entendu, toutes les licences définitives continueront à produire leur effet sauf si, des infractions aux obligations sociales ayant été relevées à leur encontre, une décision de retrait était prononcée.
Enfin, je souhaiterais vous dire quelques mots des deux amendements sur lesquels vous aurez, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous prononcer dans quelques minutes.
Tout d'abord, vous le savez, le Gouvernement a déposé un amendement de pure coordination à l'article 12, adopté conforme par les deux assemblées. Il ne s'agit absolument pas ici de revenir sur le fond de l'article ; il s'agit simplement de corriger une disposition devenue obsolète au regard des dispositions fiscales adoptées dans la loi de finances pour 1999. En effet, les collectivités territoriales peuvent désormais exonérer totalement de la taxe professionnelle certaines entreprises de spectacles.
En ce qui concerne l'amendement du président de la commission des affaires culturelles, M. Gouteyron, je souhaite vous dire d'ores et déjà qu'il a retenu toute mon attention. La préoccupation qu'il recouvre est tout à fait légitime, et je souhaite y répondre. Comme vous le savez, j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer cette question à la suite du dépôt d'un amendement de M. Patrick Bloche, rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale ; je suis donc tout à fait disposée à apporter les précisions complémentaires qui permettront, je l'espère, de mettre un terme aux inquiétudes dont le président Gouteyron se fait l'écho.
Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les points sur lesquels j'ai souhaité, au nom du Gouvernement, apporter des précisions.
Je voudrais, pour conclure, remercier à nouveau le rapporteur, M. Nachbar, du travail qu'il a effectué, l'ensemble de la commission des affaires culturelles et son président de l'intérêt qu'ils ont manifesté sur ce texte très attendu par l'ensemble du secteur du spectacle vivant et du spectacle enregistré. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Nachbar, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant modification de l'ordonnance de 1945 sur les spectacles, que nous avions examiné le 29 avril 1998 et qui a été adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, revient aujourd'hui devant nous.
Un tel délai, à l'évidence excessif, aura d'ailleurs pour conséquence, en dépit de l'avis conforme de la commission, d'imposer une troisième lecture par l'Assemblée nationale. Nous allons en effet examiner dans un instant un amendement que le Gouvernement est tenu de déposer pour rendre ce texte conforme à la loi de finances dans une de ses dispositions importantes.
Je tiens à préciser que ce délai, que je viens de qualifier d'excessif, ne tient en rien à une quelconque divergence entre les deux assemblées. A l'occasion de l'examen de ce projet de loi, le Sénat et l'Assemblée nationale ont en effet travaillé en étroite collaboration avec le Gouvernement, ce dont je ne peux que me féliciter.
En effet, ce texte répond à un objectif qui suscitait l'adhésion de chacun de ceux qui ont eu à l'étudier : adapter à la situation du spectacle vivant d'aujourd'hui un texte datant de 1945, qui, pour l'essentiel de son contenu, n'avait quasiment jamais varié. Devenues par conséquent tout à fait obsolètes, les dispositions visées nécessitaient, bien au-delà d'un simple toilettage, une refonte complète.
Je me dispenserai de revenir sur les détails du projet de loi que nous avions examiné l'an dernier pour me contenter d'en rappeler les trois principaux objectifs.
Il s'agit, d'abord, d'adapter l'ordonnance aux réalités des métiers du spectacle vivant, métiers qui, à l'instar d'une administration longtemps portée sur la réglementation, ont sensiblement évolué depuis la Seconde Guerre mondiale. La tendance actuelle consiste à laisser aux spectacles, et, plus globalement, aux métiers de la culture, une faculté de libre organisation.
Il s'agit, ensuite, de simplifier le régime de la licence d'entrepreneur de spectacles vivants.
Il s'agit, enfin, de renforcer les contrôles relatifs au respect de la législation sociale et du règlement des droits d'auteurs.
En première lecture, l'Assemblée nationale comme le Sénat ont approuvé ces orientations et ont adopté les principales dispositions du texte, en les assortissant de quelques amendements.
Lors de l'examen de ce projet de loi en avril dernier, notre assemblée avait introduit trois amendements principaux.
En premier lieu, elle avait institué un régime d'autorisation tacite pour la délivrance comme pour le renouvellement de l'autorisation de licence. Elle était en effet soucieuse d'éviter de nouvelles contraintes, aussi bien pour les professionnels du spectacle que pour les responsables de politique culturelle, notamment pour les collectivités locales.
Désireux de préserver la possibilité de libre administration des communes, le Sénat avait effectivement estimé nécessaire le maintien et le développement d'un régime d'autorisation tacite. Il avait été suivi sur cette voie par l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement.
En deuxième lieu, le Sénat avait précisé la définition des différentes catégories de licences d'entrepreneur de spectacles, notamment de celles qui sont relatives aux diffuseurs, afin de clarifier au maximum cette matière, complexe par nature.
Enfin, en troisième lieu, le Sénat, pour renforcer l'efficacité du dispositif adopté, avait étendu aux exploitants de lieux de spectacles et aux diffuseurs la possibilité, initialement réservée aux producteurs, d'accueillir en France des entrepreneurs étrangers, sous la seule réserve d'une déclaration, et non pas d'une demande de licence.
Lorsqu'elle a examiné le texte en deuxième lecture, en juin 1998, l'Assemblée nationale, après avoir approuvé les amendements du Sénat, a elle-même modifié le texte sur deux points que vous venez d'évoquer, madame la ministre.
A l'article 6, relatif aux spectacles occasionnels, les députés ont adopté, sur votre initiative, un amendement autorisant les groupements d'artistes amateurs ayant recours à des artistes du spectacle à organiser six représentations par an sans licence. J'y vois un assouplissement à mon sens tout à fait nécessaire. Comment imaginer qu'un spectacle organisé par des amateurs soit soumis à cette procédure relativement lourde de la licence, qui est destinée aux professionnels ?
L'article 12 bis précise le régime des incompatibilités entre les activités d'agent artistique et d'entrepreneur de spectacles vivants. Désormais, seule l'activité d'exploitant est incompatible avec celle d'agent artistique, pour des raisons aisément compréhensibles, tant un mélange des genres entre ces deux activités paraît peu concevable.
Suivant enfin votre initiative, l'Assemblée nationale avait introduit une disposition invitant les organismes sociaux, l'inspection du travail, les organismes de perception et de répartition des droits d'auteur à se coordonner avec les directions régionales des affaires culturelles afin qu'un contrôle soit exercé de la manière la plus souple possible au moment du renouvellement ou de l'octroi des licences.
Je vous confirme aujourd'hui l'avis favorable émis, lors de l'examen du texte, par notre commission sur les trois amendements introduits et votés par l'Assemblée nationale.
La commission souhaite en effet, comme l'ensemble du Sénat, comme l'Assemblée nationale, parvenir à un juste équilibre entre le nécessaire renforcement d'un contrôle de l'application de la législation sociale et la volonté de simplifier un secteur où la liberté de création doit être la règle. Il fallait maintenir une réglementation propre aux spectacles vivants.
M. Emmanuel Hamel. Y a-t-il des spectacles morts pour qu'on parle toujours de spectacles vivants ?
M. Philippe Nachbar, rapporteur. Telle était la volonté des professionnels, qui s'étaient exprimés par l'intermédiaire du Conseil national des professions.
Il fallait assurer le respect des droits des artistes, tout en maintenant le dynamisme et la créativité des professionnels du spectacle vivant. Les modifications apportées par notre assemblée en première lecture ont permis, à partir du texte que vous nous avez soumis, de concilier ces deux objectifs.
C'est la raison pour laquelle notre commission vous proposera d'adopter sans modification les cinq articles restant en discussion.
S'y ajouteront cependant deux amendements. Le premier vise, vous l'avez rappelé à l'instant, madame la ministre, à adapter l'un des articles du texte à la loi de finances, laquelle a autorisé les collectivités locales et les groupements à fiscalité propre à exonérer à 100 % - et non plus à 50 % - de la taxe professionnelle les entrepreneurs de spectacles. La commission a adopté cet amendement à l'unanimité.
Elle a, par ailleurs, donné un avis favorable à l'autre amendement, déposé par M. Gouteyron, qui tend à protéger les festivals - dont l'importance dans la vie culturelle de notre pays est connue - d'une interprétation excessivement stricte des dispositions relatives aux contrats de travail. Il est donc prévu de proposer un contrat de services aux troupes venant de l'étranger.
Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les positions prises lors de sa récente réunion par la commission des affaires culturelles à la fois sur les cinq articles encore en discussion et sur les deux amendements qui nous sont soumis et qu'elle vous demande de bien vouloir adopter. (Applaudissements.)
M. le président. Permettez-moi une remarque amicale, monsieur le rapporteur : la prochaine fois, pensez à nos sténographes, qui, pour être expérimentés, n'en sont pas moins parfois handicapés par une élocution trop rapide ! (Sourires.)
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, régi par une ordonnance de 1945 qui n'avait quasiment subi aucune modification, le monde du spectacle vivant attendait depuis longtemps cette réforme.
Comme vient de le rappeler M. le rapporteur, ce projet de loi, que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture, a suscité un large consensus. Nous pouvons nous féliciter qu'il adapte une ordonnance ancienne et devenue obsolète aux nouvelles réalités du spectacle vivant en affirmant la nécessité de faire respecter les obligations sociales dans un domaine où nous savons tous qu'elles sont moins bien appliquées que dans d'autres.
Dans une optique de professionnalisation du spectacle vivant, ce texte répond donc à deux grandes exigences : d'une part, simplifier et rationaliser le régime des licences octroyées aux entrepreneurs de spectacles, d'autre part, améliorer les conditions de respect par les entrepreneurs de spectacles de leur obligations en matière de droit social et de propriété littéraire et artistique.
Evoquons d'abord la simplification et la rationalisation du régime des licences.
Tout en maintenant le principe de la licence, le projet de loi la généralise à toutes formes de spectacles vivants. Seules les pratiques amateurs en sont désormais exclues. En revanche, toutes les structures, qu'elles soient publiques ou privées, de nature associative ou à but lucratif, sont soumises à ce même régime.
L'art dramatique, la danse et la musique ayant beaucoup évolué depuis la guerre, les six catégories de licences de l'ordonnance de 1945 n'offraient plus un reflet fidèle des pratiques artistiques actuelles.
Le projet de loi vise à instituer trois types de licences se référant à des métiers et non plus à des genres artistiques.
Ainsi distingue-t-il trois licences différentes selon qu'il s'agit d'un exploitant de salle, d'un producteur ou d'un diffuseur.
Au cours de la première lecture, nous avions souhaité que les entrepreneurs de tournées puissent bénéficier de la licence de la deuxième ou de la troisième catégorie, selon qu'ils sont ou non employeurs du plateau artistique. Je me félicite de l'introduction de cette précision par l'Assemblée nationale. L'activité d'un entrepreneur de tournées est en effet parfois beaucoup plus proche de celle d'un diffuseur que de celle d'un producteur : c'est notamment le cas lorsqu'il achète un spectacle « clés en main » et se contente d'en organiser la diffusion territoriale.
Par ailleurs, j'ai pris bonne note, madame la ministre, de la possibilité qui est donnée aux entrepreneurs de spectacles établis à l'étranger de passer par le détenteur de l'une des trois catégories de licence. Néanmoins, j'éprouve toujours quelques réticences quant à la possibilité de contracter avec les entrepreneurs de la première catégorie, en raison du risque de conséquences juridiques fâcheuses pour certains titulaires de cette catégorie. Je pense bien évidemment ici à tous les lieux de spectacle pas toujours très structurés sur le plan administratif qui fleurissent chaque été dans les plus petites de nos communes. Je me permets, madame la ministre, d'attirer votre attention sur la nécessité d'un important effort d'information en direction de ces petites structures.
S'agissant toujours des entrepreneurs étrangers, je pense qu'il faudra rapidement mettre en place par décret un système d'équivalences efficaces pour ceux qui sont établis dans l'Union européenne.
Enfin, il me semble particulièrement important que le fichier national regroupant toutes les demandes de licence effectuées auprès des DRAC, les directions régionales des affaires culturelles, soit rapidement mis en place.
Le projet de loi vise en outre à mieux faire respecter les obligations sociales par les entrepreneurs de spectacles. La volonté de professionnaliser le secteur s'accompagne naturellement du renforcement du statut des artistes dans un monde où l'intermittence de l'emploi domine et où le précarité est souvent perçue comme la règle.
Les conditions posées jusqu'ici par l'ordonnance de 1945 pour l'octroi de la licence ne permettaient pas de faire respecter les obligations qui nous semblent aujourd'hui essentielles. Ainsi, s'il fallait, pour obtenir une licence, disposer d'un certificat de bonne vie et moeurs, il n'était fait allusion nulle part au respect du droit social. Or, comme chacun sait - et comme nous avons maintes fois l'occasion de nous en apercevoir - le spectacle vivant est un domaine où les règles de droit sont bien souvent peu, voire pas respectées. Il sera désormais interdit de verser des subventions publiques aux entreprises qui ne se conformeraient pas aux règles du droit du travail, de la protection sociale et de la propriété littéraire et artistique. Ce texte prévoit un certain nombre de sanctions pouvant aller jusqu'au retrait de la licence. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
S'ils ne révolutionnent pas à proprement parler le secteur auquel ils s'appliquent, certains projets de loi, qui facilitent néanmoins grandement la vie de nos concitoyens, peuvent, en ce sens, être vécus comme de véritables petites révolutions. La profession souhaitait depuis longtemps que l'ordonnance qui régissait son secteur, vieille de cinquante ans, soit réactualisée et que des moyens efficaces de contrôle du respect des règles de droit soient mis en place. C'est chose faite.
Le groupe socialiste votera ce texte en deuxième lecture, comme il l'avait voté en première lecture. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel. Mme Pourtaud est une grande cantatrice ! (Sourires.)
M. le président. Et M. Hamel a toujours le propos flatteur ! (Nouveaux sourires.)
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de l'examen de ce texte en première lecture, notre collègue Ivan Renar rappelait l'importance du spectacle vivant dans le paysage culturel de notre pays, au regard notamment du nombre de structures, de leur diversité et du nombre de salariés concernés.
Le texte qui nous est soumis s'intéresse principalement à la qualification d'entrepreneur de spectacles vivants et constitue en cela un toilettage nécessaire de l'ordonnance de 1945.
Réglementer le statut d'entrepreneur de spectacles dans le sens d'une meilleure harmonisation, protéger le patrimoine des salles de spectacles des appétits de certains affairistes immobiliers, ce sont là des objectifs auxquels nous adhérions lors de l'examen de ce texte en première lecture et que nous soutenons à nouveau aujourd'hui.
Madame la ministre, vous avez annoncé le 12 janvier dernier, lors d'une conférence de presse, un certain nombre de mesures en direction du spectacle vivant.
L'ambition de ces dernières, qui est à la mesure de ce que l'on peut attendre de notre pays en matière de spectacle vivant, appellera, à n'en pas douter, certains développements.
Pour autant, le travail à accomplir pour moderniser, démocratiser, sensibiliser et promouvoir le spectacle vivant et ses créateurs en est à ses balbutiements au regard des enjeux de la création aujourd'hui.
Il est des priorités qui se font jour et auxquelles nous nous devons de répondre. Permettez-moi d'en citer quelques-unes.
Ainsi, il est à présent nécessaire d'oeuvrer à une harmonisation juridique des structures du spectacle vivant. Je pense notamment aux structures des collectivités territoriales, amenées très souvent, faute d'un cadre juridique adapté, à opter tantôt pour le statut associatif, tantôt pour la régie directe, avec les défauts que l'on sait dans l'un ou l'autre des cas.
Les inconvénients fiscaux pour le statut associatif, ou les problèmes de rigidité pour la régie directe ne sont pas des moindres.
Dois-je rappeler que notre groupe est à l'origine d'une proposition de loi qui permettrait cette harmonisation des structures culturelles locales attendue, par nombre d'élus locaux, mais aussi par les responsables de telles structures culturelles ?
Hors des structures elles-mêmes, il convient également de trouver une solution adaptée au problème de l'intermittence du spectacle, non seulement pour aller dans le sens de la création d'un statut des créateurs dans notre pays, mais aussi de nous interroger sur les causes du développement de l'intermittence dans des secteurs jusqu'à présent épargnés.
On ne peut laisser à l'appréciation des seules organisations patronales le soin de décider que des salariés seront par milliers privés de tout droit, au seul regard du déficit de leur caisse d'indemnisation chômage. Il y a, dans notre pays, des droits fondamentaux que nous nous devons de garantir pour tous.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Guy Fischer. Certes, le texte que nous examinons introduit, quant aux droits des salariés du spectacle vivant, quelques garde-fous, mais il faut aller plus loin encore.
Les compagnies indépendantes appellent, quant à elles, à la définition d'un statut particulier et ont quelques craintes dans l'assimilation à la qualité d'entrepreneur du spectacle.
De la même façon, il nous faudra rester attentifs au lien qui pourrait être établi par les services fiscaux entre la notion d'entrepreneur du spectacle et la qualification d'entreprise commerciale.
Les quelques questions que je viens de soulever méritent, par leur ampleur - je pense, notamment, au statut de la création et à ceux qui participent à son élaboration - la tenue d'un débat national sur les fondements de la politique culturelle dans notre pays.
Pour en revenir au texte, et avant même d'aborder l'examen des amendements, nous souhaiterions que le projet de loi qui nous est soumis fasse l'objet d'un consensus identique à celui qui a prévalu lors de la première lecture.
Il y va de l'adoption rapide d'un texte attendu par l'ensemble de ceux qui font du spectacle vivant leur métier, mais aussi - c'est un point important - de l'accord des deux assemblées sur ces sujets quand il s'agit de défendre et de promouvoir une conception originale de la politique culturelle dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - Il est inséré, après l'article 1er de la même ordonnance, deux articles 1er-1 et 1er-2 ainsi rédigés :
« Art. 1er-1. - Est entrepreneur de spectacles vivants, toute personne qui exerce une activité d'exploitation de lieux de spectacles, de production ou de diffusion de spectacles, seul ou dans le cadre de contrats conclus avec d'autres entrepreneurs de spectacles vivants, quel que soit le mode de gestion, public ou privé, à but lucratif ou non, de ces activités.
« Les entrepreneurs de spectacles vivants sont classés en trois catégories :
« 1° Les exploitants de lieux de spectacles aménagés pour les représentations publiques ;
« 2° Les producteurs de spectacles ou entrepreneurs de tournées, qui ont la responsabilité d'un spectacle et notamment celle d'employeur à l'égard du plateau artistique ;
« 3° Les diffuseurs de spectacles qui ont la charge, dans le cadre d'un contrat, de l'accueil du public, de la billetterie et de la sécurité des spectacles, et les entrepreneurs de tournées qui n'ont pas la responsabilité d'employeur à l'égard du plateau artistique. »
« Art. 1er-2. - Non modifié. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - L'article 4 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« Art. 4. - L'exercice de l'activité d'entrepreneur de spectacles vivants est soumis à la délivrance, par l'autorité administrative compétente, aux personnes physiques visées à l'article 5 d'une licence d'une ou plusieurs des catégories mentionnées à l'article 1er-1. « Les entrepreneurs de spectacles vivants, ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen peuvent exercer, sans licence, leurs activités en France lorsqu'ils produisent un titre jugé équivalent par le ministre chargé de la culture.
« La licence d'entrepreneur de spectacles vivants est délivrée pour une durée de trois ans renouvelable lorsque l'entrepreneur de spectacles est établi en France.
« Lorsque l'entrepreneur de spectacles n'est pas établi en France et n'est pas titulaire d'un titre jugé équivalent, il doit :
« - soit solliciter une licence pour la durée des représentations publiques envisagées ;
« - soit adresser une déclaration à l'autorité compétente un mois avant la date prévue pour les représentations publiques envisagées. Dans ce deuxième cas, le spectacle fait l'objet d'un contrat conclu avec un entrepreneur de spectacles détenteur d'une licence correspondant à l'une des trois catégories mentionnées à l'article 1er-1.
« La délivrance de la licence est subordonnée à des conditions concernant la compétence ou l'expérience professionnelle du demandeur.
« La licence ne peut être attribuée aux personnes ayant fait l'objet d'une décision judiciaire interdisant l'exercice d'une activité commerciale.
« La licence peut être retirée en cas d'infraction aux dispositions de la présente ordonnance et des lois relatives aux obligations de l'employeur en matière de droit du travail et de sécurité sociale ainsi qu'à la protection de la propriété littéraire et artistique.
« Les administrations et organismes concernés communiquent à l'autorité compétente pour délivrer la licence toute information relative à la situation des entrepreneurs de spectacles au regard des obligations mentionnées à l'alinéa précédent.
« Un décret en Conseil d'Etat définit les conditions d'application du présent article. Il fixe notamment le délai à l'expiration duquel la licence est réputée délivrée ou renouvelée. »
Par amendement n° 1, M. Gouteyron propose de compléter in fine le sixième alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 4 de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 par une phrase ainsi rédigée : « Ce contrat est un contrat de prestation de services au sens de l'article L. 341-5 du code du travail. »
La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Le problème que nous entendons résoudre par cet amendement est, vous le savez, madame la ministre, puisque vous l'avez mentionné dans votre propos, un problème sérieux.
Nombre de festivals font venir en France des orchestres et des spectacles étrangers, en passant à cet effet des contrats avec un entrepreneur de spectacles étranger, par exemple la Philharmonie de Berlin. J'appelle votre attention sur ce point, mes chers collègues : la situation est alors exactement la même que lorsque le festival fait venir, notamment, l'Orchestre national de Lille, cher à notre collègue Ivan Renar,...
M. Emmanuel Hamel. Cher à nous tous ! (Sourires.)
M. Adrien Gouteyron. ... ou l'Orchestre national de Lyon, cher à M. Fischer... et à vous-même, monsieur Hamel !
M. Emmanuel Hamel. Bien sûr !
M. Adrien Gouteyron. Il s'agit d'un contrat entre deux entreprises, et l'entrepreneur de spectacles invité est responsable du paiement des salaires et des cotisations sociales des artistes dont il est l'employeur.
Malheureusement, les caisses complémentaires de retraite du spectacle - dont, au demeurant, je comprends fort bien les difficultés - ont poursuivi en justice plusieurs organisateurs de festivals pour leur réclamer des rappels de cotisations, en faisant valoir que les artistes étrangers appartenant aux formations invitées devaient être considérés comme leurs salariés, en application de l'article L. 762-1 du code du travail.
Certains « petits » festivals se trouvent donc en très grande difficulté parce qu'ils se voient réclamer, à ce titre, des sommes dépassant un million de francs. J'ai présent à l'esprit plusieurs exemples, et un en particulier. Ces festivals ne pourraient évidemment pas acquitter de telles sommes s'ils devaient en fin de compte être condamnés.
Cette situation est tout à fait absurde. Elle met en péril plusieurs festivals, et donc l'emploi artistique.
Madame la ministre, je crois savoir que la ministre des affaires sociales ne soutient guère la position des caisses complémentaires, qui, de fait, ne paraît pas défendable. Bien que la question ait été maintes fois posée aux ministres de la culture ou aux ministres des affaires sociales qui se sont succédé - elle le fut pour la première fois en 1992 et s'adressait à M. Bianco - aucune solution n'a été trouvée.
On nous a annoncé des circulaires et des textes réglementaires. Vous avez vous-même indiqué à l'Assemblée nationale, lorsque la question a été soulevée par la commission ad hoc , à l'occasion d'un amendement qui, en fin de compte, a été retiré, que vous alliez traiter ce problème. Mais nous attendons toujours.
La seule solution me paraît donc être de préciser dans la loi la nature des contrats passés entre les entrepreneurs de spectacles étrangers et les festivals qui les font venir en France. Il s'agit bien en effet de contrats d'entreprise, ce qui doit logiquement exclure toute présomption de contrat de travail entre le festivalier français et les artistes détachés temporairement en France par un orchestre étranger ou par une compagnie théâtrale étrangère qui vient donner un concert ou une représentation.
J'ajoute - et j'insiste tout particulièrement sur ce point car il est très important - que cette qualification du contrat va dans le sens d'une plus grande égalité de concurrence entre les entreprises de spectacles françaises et étrangères. En effet, quand une entreprise étrangère effectue en France une prestation de services, l'article L. 341-5 du code du travail, auquel mon amendement se réfère, lui impose de garantir aux salariés venant en France des conditions équivalentes à celles dont bénéficient les artistes français, que ce soit en termes de rémunération, de couverture sociale ou de conditions de travail. L'article en question est parfaitement clair.
Madame la ministre, cet amendement permettra à la fois de clarifier une situation qui pourrait mettre en péril nombre de festivals et de protéger nos artistes et nos entreprises artistiques contre la concurrence que leur font parfois les compagnies ou les orchestres originaires de pays où le niveau de vie et la législation sociale ne sont pas les mêmes qu'en France.
Par conséquent, et vous ne vous en étonnerez pas, je ne vois, dans cet amendement, que des avantages.
Je continue à espérer que le Gouvernement se rendra à mes arguments. Si cet amendement est adopté, il permettra de résoudre un problème difficile et, de surcroît, il rendra service au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Nachbar, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Gouteyron, je comprends les préoccupations qui ont guidé le dépôt de cet amendement, que vous avez brillamment défendu. Il s'agit de déterminer clairement, lorsqu'un entrepreneur de spectacles accueille une troupe ou un orchestre étrangers, à qui incombent les responsabilités de l'employeur, notamment en matière de droit du travail et de sécurité sociale.
Cette question est, selon moi, aujourd'hui clairement réglée par le texte qui vous est soumis. L'article 1er de l'ordonnance, tel que les deux chambres du Parlement l'ont adopté, clarifie en effet les responsabilités des différents intervenants. Il précise que c'est au producteur du spectacle qu'incombent les obligations d'employeur. C'est une nouveauté puisque le texte en vigueur ne définissait pas les différentes catégories d'entrepreneurs de spectacles et se contentait de classer les licences en fonction des genres de spectacles.
Le contrat qu'aura passé un producteur de spectacles étranger avec un exploitant de lieu ou un organisateur de tournées en France sera évidemment un contrat de prestation de services. Le producteur étranger devra respecter les articles L. 341-5 et D. 341-5 à D. 341-5-14 du code du travail qui énumèrent les dispositions applicables aux salariés détachés à titre temporaire pour exécuter en France une prestation de services dans le cadre d'un contrat d'entreprise ou d'une mise à disposition de salariés. Le projet de décret d'application de l'ordonnance de 1945, en préparation, permet également de reprendre ces dispositions en indiquant les responsabilités d'employeur et de producteur de spectacles, en exigeant que les exploitants de lieu ou les diffuseurs s'assurent, par mention dans leur contrat avec les producteurs, que ceux-ci sont titulaires de la licence ou ont effectué la déclaration mentionnée à l'article 4, mais cela relève, bien sûr, davantage du décret que de la loi.
Ces dispositions n'ont cependant ni pour objet ni pour effet de modifier les dispositions du code du travail relatives au travail des étrangers en France. De plus, dans l'hypothèse où le contrat passé avec l'entrepreneur étranger est un contrat de coproduction effective, la responsabilité de l'employeur peut alors être partagée entre les deux entrepreneurs de spectacle coproducteurs, en application du contrat de coproduction.
Je voudrais rappeler que la Haute Assemblée a déjà modifié l'article 1er pour y supprimer la mention d'« entreprise » qualifiant les contrats en cause.
Le texte du Gouvernement est donc en parfaite cohérence avec les dispositions de cet article qui précisent, en outre, les responsabilités qui pèsent sur chaque entrepreneur de spectacles, producteurs, diffuseurs, exploitants de lieux, quelle que soit leur nationalité.
Enfin, je conclurai en disant que cet amendement ne permettrait pas de résoudre les litiges actuels dans le sens que chacun pourrait souhaiter.
Compte tenu de ces arguments, je demande à M. Gouteyron de retirer son amendement. En effet, le dispositif pourrait, tel qu'il est formulé, prêter à confusion dans le cas de contrats de coproduction effective, ne résoudrait pas les litiges en cours et n'apporterait pas de précision supplémentaire par rapport à l'article 1er tel qu'il a été adopté par les deux assemblées.
En revanche, je suis bien consciente qu'il est nécessaire de préciser, dans le décret d'application, la nature des contrats que devront conclure les producteurs de spectacles, afin d'éviter toute erreur dans l'application de la réglementation.
Telle est la raison pour laquelle cet amendement n'aura pas infailliblement l'effet que vous en attendez. Aussi, je vous demande de nouveau de bien vouloir le retirer. M. le président. Monsieur Gouteyron, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?
M. Adrien Gouteyron. Madame la ministre, vous l'avez sans doute deviné, je ne retirerai pas mon amendement, car il y a vraiment trop longtemps que nous attendons.
L'article 1er du texte résout le problème, et c'est parfaitement clair, avez-vous dit. Apportons une précision de plus et donnons à ceux qui sont actuellement en difficulté - je pense aux organisateurs de festivals ou de représentations théâtrales - un moyen supplémentaire de se faire entendre et de faire prévaloir leur point de vue.
Madame la ministre, voilà peu de temps, notre collègue Jean Boyer avait soulevé devant vous à peu près la question dont nous débattons aujourd'hui, et vous aviez alors répondu que l'article L. 341-5 du code du travail devait s'appliquer et qu'une circulaire du ministère de l'emploi et de la solidarité l'avait précisé en 1996.
Or, je suis bien obligé de constater que les actions en cours ne se sont pas arrêtées, par conséquent, si nous ne faisons rien - je le redis, mes chers collègues - un certain nombre de festivals vont se trouver en grande difficulté.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement et, malgré tout le désir que j'ai de vous être agréable, madame la ministre, je ne puis le retirer. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, ainsi modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 6



M. le président.
« Art. 6. - L'article 10 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« Art. 10. - Peuvent exercer occasionnellement l'activité d'entrepreneur de spectacles, sans être titulaires d'une licence, dans la limite de six représentations par an et dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat :
« - toute personne physique ou morale qui n'a pas pour activité principale ou pour objet l'exploitation de lieux de spectacles, la production ou la diffusion de spectacles ;
« - les groupements d'artistes amateurs bénévoles faisant occasionnellement appel à un ou plusieurs artistes du spectacle percevant une rémunération.
« Ces représentations doivent faire l'objet d'une déclaration préalable à l'autorité administrative compétente un mois au moins avant la date prévue. » - (Adopté.)

Article 12 (coordination)



M. le président.
« Art. 12. - Le 1° de l'article 1464 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 1° Dans la limite de 50 %, les entreprises de spectacles vivants relevant des catégories ci-après :
« - les théâtres nationaux ;
« - les autres théâtres fixes ;
« - les tournées théâtrales et les théâtres démontables exclusivement consacrés à des spectacles d'art dramatique, lyrique ou chorégraphique ;
« - les concerts symphoniques et autres, les orchestres divers et les chorales ;
« - les théâtres de marionnettes, les cabarets artistiques, les cafés-concerts, les music-halls et cirques à l'exclusion des établissements où il est d'usage de consommer pendant les séances.
« L'exonération ne bénéficie pas aux entreprises donnant des représentations visées au 2° de l'article 279 bis.
« La délibération peut porter sur une ou plusieurs catégories. Les délibérations prises par les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre avant l'entrée en vigueur de la loi n° du portant modification de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles demeurent valables tant qu'elles ne sont pas rapportées ou modifiées. »
Par amendement n° 2, le Gouvernement propose, au début du premier alinéa du texte présenté par cet article pour le 1° de l'article 1464 A du code général des impôts, de remplacer les mots : « Dans la limite de 50 % » par les mots : « Dans la limite de 100 % ».
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Cet amendement vise à une coordination avec l'article 113 de la loi de finances pour 1999, qui a autorisé les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre à exonérer totalement de taxe professionnelle certaines entreprises de spectacles auxquelles elles souhaitent apporter un soutien tout particulier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Nachbar, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12, ainsi modifié.

(L'article 12 est adopté.)

Articles 12 bis et 13



M. le président.
« Art. 12 bis. - I. - Au début du deuxième alinéa de l'article L. 762-5 du code du travail, les mots : "directeur d'un théâtre fixe" sont remplacés par les mots : "exploitant de lieux de spectacles spécialement aménagés pour les représentations publiques". »
« II. - Non modifié. » - (Adopté.)
« Art. 13. - Les dispositions du troisième alinéa de l'article 4 de la même ordonnance ne sont pas applicables aux licences délivrées avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi. » - (Adopté.)
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Arnaud pour explication de vote.
M. Philippe Arnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés que je maintienne les convictions que j'avais déjà exprimées sur ce texte lors de la première lecture.
J'avais alors pris soin de saluer le travail réalisé par M. Gouteyron, président de la commission, et par M. Nachbar, rapporteur. Et je posais non pas le problème de l'accessoire ou des dispositifs particuliers contenus dans ce projet de loi, mais le problème de fond.
Mais je ne reprendrai pas l'ensemble de l'exposé que j'avais fait. Je répéterai simplement que ce texte comporte un certain nombre de dispositions indiscutablement de nature à régler tel ou tel problème, notamment d'ordre social ; mais il s'agit à mon avis d'un ensemble de mesures accessoires qui porteront atteinte de façon inéluctable au principe fondamental de la liberté d'expression, notamment dans des domaines aussi sensibles que la création et la production intellectuelle.
Telle est la raison pour laquelle je confirme la position que j'avais adoptée en première lecture : je voterai contre l'ensemble de ce texte.
M. Emmanuel Hamel. Respectez le droit social ! Protégez les travailleurs !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

7

LICENCIEMENTS DES SALARIÉS
DE PLUS DE CINQUANTE ANS

Rejet d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 114, 1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans. [Rapport n° 165 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la discussion qui va intervenir fait suite à l'inscription par le groupe communiste d'une proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, à l'occasion de la séance mensuelle réservée. Cette proposition, adoptée par l'Assemblée nationale, vous est aujourd'hui soumise pour connaître - c'est en tout cas le souhait du Gouvernement - un vote comparable.
Cette proposition de loi vise à mieux protéger les fins de carrière des plus âgés de nos concitoyens, dont chacun connaît les difficultés à retrouver un emploi.
Comme Martine Aubry a déjà eu l'occasion de le souligner à l'Assemblée nationale, en proposant de telles dispositions, le groupe communiste fait preuve de constance. Cette proposition de loi fait suite, en effet, à celle qui a été votée conforme par les deux assemblées, voilà un an, et qui a permis d'attribuer une allocation spécifique d'attente aux bénéficiaires du RMI ou de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, qui avaient cotisé quarante ans, mais n'étaient pas pris en charge par l'allocation chômeurs âgés.
Là où le rapporteur, M. Souvet, croit déceler motif à s'opposer au dispositif préconisé, je ne vois pour ma part que continuité dans une démarche que le Gouvernement a toutes les raisons de soutenir.
Cette proposition de loi répond effectivement à des exigences politiques, mais pas nécessairement à celles que décrit le rapporteur. Les licenciements économiques atteignent de plein fouet les salariés de plus de cinquante ans : deux fois et demie plus que la moyenne des actifs. En outre, près des deux tiers de ces salariés deviennent des chômeurs de longue durée.
Ce constat justifie à lui seul le dépôt, la discussion et le vote de la proposition de loi qui vous est aujourd'hui soumise et qui vient compléter la politique du Gouvernement.
Depuis le premier choc pétrolier, aucun gouvernement n'avait obtenu sur dix-huit mois une telle baisse du chômage : entre le mois de juin 1997 et le mois de décembre 1998, notre pays comptabilise 228 000 chômeurs de moins, 272 000 au sens du Bureau international du travail.
Ce premier recul du chômage donne certes quelques motifs de satisfaction. Mais le Gouvernement ne peut cependant - cela va de soi - s'en contenter. Il voit toutefois dans ces premiers résultats un encouragement à suivre dans la voie volontaire choisie depuis le début de cette législature.
Cette politique en faveur des salariés les plus âgés repose sur quatre axes que je me contenterai de rappeler très brièvement.
Tout d'abord, s'agissant des licenciements, la volonté du Gouvernement est d'intervenir le plus en amont possible des plans sociaux pour trouver des solutions alternatives. Chacun sait ici que les plans sociaux ont pour premières victimes les salariés les plus anciens, les directions d'entreprises profitant de ces plans pour améliorer la pyramide des âges.
Tout en m'abstenant de commenter la négociation en cours, je soulignerai simplement le fait que l'enjeu des discussions dans le secteur automobile est bien de cet ordre.
M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Oui !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. La loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail du 13 juin 1998 apporte un nouvel outil en vue de l'élaboration de solutions alternatives aux licenciements. Son volet défensif permet ainsi à des entreprises confrontées à des difficultés économiques de s'engager à réduire la durée du travail et à mieux s'organiser pour sauvegarder des emplois, tout en bénéficiant d'aides sous forme d'exonérations de cotisations patronales.
A la fin janvier, près de 160 accords de ce type avaient été conclus, concernant 26 500 salariés.
Dans le cadre de mes fonctions, je travaille pour ma part à réviser les outils de formation, afin de trouver les moyens d'encourager une meilleure gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. En effet, chacun sait bien que les problèmes soulevés par les licenciements sont d'autant plus insolubles que ceux-ci concernent des salariés peu ou pas formés, dont les compétences et les qualifications n'ont pas été entretenues et adaptées.
Notre deuxième priorité est de veiller à la qualité des plans sociaux, afin de favoriser le reclassement des salariés, tant dans l'entreprise qu'à l'extérieur de celle-ci.
Dès juillet 1997, Martine Aubry a demandé aux préfets et aux services déconcentrés de faire preuve d'une vigilance accrue au regard de la qualité des plans sociaux, qui doivent non pas se résumer aux mesures de préretraites ou au versement d'indemnités aux salariés pour inciter ces derniers à des départs abusivement qualifiés de « volontaires », mais comporter de réelles mesures visant à assurer le reclassement des salariés, au moyen, notamment, d'actions de formation.
Chaque plan social fait l'objet d'un examen particulier de la part de l'inspection du travail. L'initiative du groupe communiste et la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions ont donné la possibilité à l'administration du travail de suivre l'exécution des plans sociaux et le respect par l'employeur de ses engagements.
La contribution de l'Etat au financement des plans sociaux ne doit pas conduire la collectivité à se substituer aux responsabilités des entreprises. Pour cette raison, l'Etat maintient les préretraites à un haut niveau, mais les entreprises qui en ont la possibilité contribueront plus fortement à leur financement.
Troisième axe, le Gouvernement est favorable aux dispositifs en faveur des actifs âgés ayant commencé à travailler tôt.
Les partenaires sociaux ont décidé, le 22 septembre dernier, de proroger pour un an le dispositif de l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE. Cet accord permet le départ à cinquante-huit ans des salariés ayant cotisé quarante ans contre des embauches et, d'autre part et surtout, d'étendre le dispositif aux salariés âgés de plus de cinquante-six ans ayant commencé à travailler à quatorze ou à quinze ans.
Cette nouvelle extension de l'ARPE, dont chacun peut se féliciter, devrait, selon l'UNEDIC, concerner plus de 15 000 personnes, soit une augmentation d'environ 40 % du nombre des bénéficiaires.
Enfin, quatrième axe - et j'en viens là au coeur de la proposition de loi - la dissuasion des licenciements des salariés de plus de cinquante ans est opéré au moyen d'une contribution spécifique des entreprises.
En 1987, afin de dissuader les licenciements de salariés âgés au moment de la suppression de l'autorisation administrative, la majorité de l'époque a institué une contribution des entreprises, dite Delalande, du nom de son auteur. Son montant a été fixé, à l'origine, à trois mois de salaire brut.
Martine Aubry a décidé, en 1992, d'étendre le champ de cette contribution à toute rupture d'un contrat de travail de salarié de plus de cinquante ans, avec un barème progressif allant de un mois pour les salariés âgés de cinquante ans jusqu'à six mois pour les salariés de plus de cinquante-six ans.
Cela a permis, dans un contexte beaucoup moins favorable qu'en 1987, de freiner les entrées au chômage des personnes âgées de plus de cinquante ans.
Depuis 1994, cependant, les licenciements de salariés de plus de cinquante-cinq ans sont repartis à la hausse, malgré une meilleure conjoncture : ils ont atteint 71 000 en 1997, notamment parce que certaines entreprises ont mis en place des stratégies de contournement des préretraites du fonds national pour l'emploi.
Le dispositif juridique régissant l'actuelle contribution Delalande contient, en effet, deux failles qui en réduisent grandement l'efficacité, et c'est bien tout l'intérêt de la proposition de loi défendue par le groupe communiste que de viser précisément à en corriger les imperfections.
Tout d'abord, la loi n'a pas assujetti au versement de cette contribution les ruptures du contrat de travail intervenant dans le cadre des conventions de conversion.
Lorsque le dispositif des conventions de conversion était peu connu, il était admissible que ces cas de rupture aient été exclus du champ de la cotisation. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, d'autant que certaines entreprises, dans les faits, font pression sur leurs salariés pour qu'ils adhèrent à ce dispositif dans le seul but d'échapper au paiement de la cotisation et de ne pas avoir à discuter avec l'Etat de l'éventuelle mise en oeuvre de préretraites.
Ce contournement de la loi explique que la part des salariés de plus de cinquante ans parmi les entrées en conventions de conversion soit passée de 9 % à 19 % entre 1993 et 1998, pour concerner près de 22 000 personnes par an.
La dérive est encore plus importante pour les salariés de plus de cinquante-cinq ans, dont la part relative dans l'ensemble des conventions de conversion est passée de 1 % en 1993 à 5,7 % en 1998, selon les chiffres rapportés par votre commission.
En outre, le taux de reclassement à l'issue d'une convention de conversion se dégrade fortement après cinquante ans, où il est, en moyenne, de 50 % : il n'est plus que de 36 % à cinquante-deux ans et de 18 % à cinquante-six ans et plus.
Aboutir à un tel constat ne conduit nullement à faire le procès d'un dispositif qui a son utilité, mais à en corriger les dévoiements.
La présente proposition de loi tend à corriger une seconde faille : certains employeurs, en effet, après avoir conclu une convention d'allocation spéciale du fonds national de l'emploi, faisant ensuite pression sur leurs salariés pour qu'ils refusent le bénéfice d'une préretraite. Dans pareille hypothèse, les employeurs ne sont pas, en effet, tenus de payer la cotisation.
Comme le souligne votre rapporteur, le nombre de cas à considérer est de l'ordre de quelques dizaines. Aussi minoritaires soient-ils, je ne vois malgré tout pas argument à fermer les yeux sur de pareils contournements de la loi. Je n'y vois pas davantage le signe d'une suspicion généralisée à l'égard des entreprises ! Chaque fois que l'esprit de la loi est malmené, il est loisible au législateur d'en faire respecter le sens originel.
J'ajoute que, bien entendu, ne seront soumises à la contribution Delalande que les conventions ASFNE qui ont fait l'objet d'un refus de la part du salarié.
Cette proposition de loi trouvera son plein rendement par le doublement de la contribution Delalande, qui rendra plus dissuasifs les licenciements « secs ».
Le taux en sera progressif, pour éviter de trop brutaux effets de seuil. Il passera ainsi de deux mois de salaire à cinquante ans à douze mois de salaire à cinquante-six ans et cinquante-sept ans. Il sera ensuite dégressif jusqu'à soixante ans, le coût pour la collectivité étant d'autant moins élevé que se rapproche l'âge de la retraite.
Ce nouveau barème, en vigueur depuis le 31 décembre 1998, ne s'applique pas aux petites entreprises, pour lesquelles le phénomène de contournement est marginal. Ainsi, les entreprises de moins de vingt salariés continueront à être exonérées pour le premier licenciement dans une période de douze mois, et les entreprises comptant entre vingt et cinquante salariés demeureront sur le barème actuel.
Enfin, je répondrai à votre rapporteur, qui s'inquiète d'éventuels effets pervers sur les embauches de salariés âgés.
Les entreprises qui recrutent des personnes de plus de cinquante ans seront toujours exonérées de la contribution Delalande. Cette disposition, instaurée par Martine Aubry en 1992, est donc une incitation à recruter des chômeurs de plus de cinquante ans.
Par cette proposition de loi, le groupe communiste protège la part de la population salariée la plus fragile.
A observer la structure du chômage, il apparaît clairement que la tranche d'âge menacée, selon votre rapporteur, par l'extension de la contribution Delalande, à savoir celle des quarante-cinq - cinquante ans, n'est pas, à proprement parler, la plus touchée par le chômage. J'en veux pour preuve le fait que les quarante-cinq - quarante-neuf ans sont, au contraire, ceux qui connaissent au sens du Bureau international du travail, le taux de chômage le plus faible de la population française, avec 8,4 %.
Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement ne peut que regretter la position recommandée par votre rapporteur, qui, en vous suggérant d'adopter trois amendements de suppression, vise purement et simplement à rejeter une proposition de loi d'origine parlementaire. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, adoptée par l'Assemblée nationale le 10 décembre 1998, avec l'accord du Gouvernement, la proposition de loi tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans a été déposée par M. Alain Belviso et les membres du groupe communiste et apparentés.
Comprenant trois articles, elle vise à étendre le champ de la contribution Delalande, due pour tout licenciement d'un salarié de plus de cinquante ans.
La proposition de loi soumet ainsi à cette contribution la rupture des contrats de travail des salariés ayant adhéré à des conventions de conversion, selon l'article 1er, et les licenciements des salariés ayant refusé le bénéfice de la préretraite dans le cadre du fonds national de l'emploi, selon l'article 2.
Elle prévoit que ces dispositions seront applicables pour toutes les ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er janvier 1999, c'est-à-dire de manière rétroactive, selon l'article 3. Si ce dernier article était appliqué, je crains d'ailleurs qu'il ne soulève nombre de problèmes !
La contribution Delalande a été instituée en 1987, au moment de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement. La loi du 10 juillet 1987, modifiant le code du travail et relative à la prévention et à la lutte contre le chômage de longue durée, a instauré cette cotisation supplémentaire. Elle est dite « contribution Delalande », du nom de l'auteur de l'amendement qui l'a créée, M. Jean-Pierre Delalande, député du Val-d'Oise : elle est due par l'employeur pour toute rupture du contrat de travail d'un salarié âgé de plus de cinquante ans.
A l'origine, le montant de cette cotisation versée au régime d'assurance chômage de l'UNEDIC était fixé à trois mois de salaire brut.
En 1992, le Gouvernement décida d'augmenter une première fois cette cotisation et de la moduler selon un barème progressif, en fonction de l'âge du salarié licencié et de la taille de l'entreprise concernée.
Conformément à ce qu'avait annoncé à l'Assemblée nationale Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, le 10 novembre dernier, cette cotisation a de nouveau été augmentée à compter du 31 décembre 1998.
Le nouveau taux de la contribution, fixé par le décret n° 98-1201 du 28 décembre 1998, est progressif. De deux mois de salaire brut à cinquante ans, il passe à douze mois de salaire brut à cinquante-six ans et cinquante-sept ans, et il est ensuite dégressif à partir de cinquante-huit ans.
Le nouveau barème procède, pour l'essentiel, à un doublement - voire, dans certains cas, à un triplement - de la contribution Delalande.
Les entreprises de moins de cinquante salariés restent assujetties au barème antérieur et les entreprises de moins de vingt salariés continuent à être exonérées de la contribution pour la première rupture de contrat de travail d'un salarié âgé d'au moins cinquante ans dans une période de douze mois.
Demeurent, en outre, exclus du champ d'application de la contribution, comme précédemment, les salariés qui, lors de leur embauche intervenue après le 9 juin 1992, étaient âgés de plus de cinquante ans et inscrits depuis plus de trois mois comme demandeurs d'emploi.
La présente proposition de loi soumet à la contribution Delalande la rupture des contrats de travail des salariés ayant adhéré à des conventions de conversion et le licenciement des salariés ayant refusé le bénéfice d'une préretraite FNE. Ces deux cas d'exonération sont, en effet, considérés par le Gouvernement et par les auteurs de la proposition de loi - encore qu'il n'y ait pas de grande différence entre ces derniers et le Gouvernement - comme deux « failles » du dispositif. La proposition de loi est d'ailleurs présentée par le Gouvernement comme le complément indispensable du doublement de la contribution Delalande.
Le doublement et l'extension de la contribution Delalande devraient générer des recettes supplémentaires. Cette contribution a ainsi rapporté, en 1997, 1,7 milliard de francs à l'UNEDIC. Selon les estimations de cet organisme, son doublement et son extension devraient générer 1,4 milliard de francs de recettes supplémentaires.
Le bénéficiaire final de ces recettes supplémentaires n'est cependant pas encore définitivement connu.
D'un strict point de vue juridique, l'UNEDIC est seule bénéficiaire des sommes prélevées au titre de la contribution Delalande. Il n'est cependant pas certain que cet organisme garde effectivement le bénéfice final de ces recettes supplémentaires.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a en effet indiqué, le 18 janvier dernier, que « pour cette année au moins, la majoration du Delalande était affectée au budget de l'Etat ». Et nous l'avons bien vu dans les comptes de l'Etat, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1999.
Le Gouvernement semble, en réalité, décidé à prélever sur les sommes qu'il avance à l'UNEDIC au titre des préretraites FNE - versées par l'UNEDIC pour le compte de l'Etat - une somme équivalente au surcroît de recettes induit par le doublement et l'extension de la contribution Delalande.
L'UNEDIC se verrait ainsi privée d'une somme équivalente à la recette supplémentaire que créeront l'augmentation et l'extension de cette contribution.
L'objectif du Gouvernement est de faire pression sur les partenaires sociaux. Il veut en effet obtenir d'eux une meilleure indemnisation du chômage des salariés précaires, notamment les jeunes, qui, parce qu'ils n'accumulent que des contrats de courte durée, ne parviennent pas à se constituer des droits à indemnisation au titre de l'assurance chômage.
Si les partenaires sociaux acceptaient une meilleure indemnisation du chômage des salariés précaires, l'UNEDIC conserverait alors le bénéfice des recettes supplémentaires au titre de la contribution Delalande.
Si l'on suit la logique du Gouvernement, l'amélioration de la prise en charge du chômage des jeunes dépend donc de recettes assises sur les licenciements des salariés les plus âgés. C'est là un raisonnement quelque peu spécieux.
La commission des affaires sociales a jugé que cette proposition de loi reposait sur des fondements fragiles et contestables.
Pour justifier la nécessité de cette proposition de loi, ses auteurs évoquent en effet la nécessité de « mettre fin aux abus et aux contournements », de « stopper une dérive » - vous l'avez dit il y a un instant, madame le secrétaire d'Etat.
Ils expliquent que les conventions de conversion seraient de plus en plus fréquemment utilisées pour échapper au paiement de la contribution Delalande. Selon M. Gremetz, rapporteur à l'Assemblée nationale, certaines entreprises feraient ainsi pression sur leurs salariés pour qu'ils adhèrent à une convention de conversion à seule fin d'éviter le paiement de la contribution.
De même, toujours selon le rapporteur de l'Assemblée nationale, certains employeurs concluraient une convention d'allocation spéciale de préretraite - l'ASFNE - puis feraient pression sur leurs salariés pour qu'ils renoncent au bénéfice de ce dispositif de retraite. Les employeurs en cause seraient alors exonérés du versement de la contribution Delalande.
A l'appui de ces affirmations, le rapporteur de l'Assemblée nationale et le Gouvernement se fondent sur un argument que nous jugeons, pour notre part, très limité : la part des salariés de plus de cinquante ans dans les conventions de conversion serait ainsi passée de 12 %, en 1994, à 17 % en 1997. Cette progression, selon le rapporteur de l'Assemblée nationale et le Gouvernement, révélerait un phénomène généralisé de contournement.
Les chiffres en ma possession sur les entrées en conventions de conversion montrent, effectivement, une progression de la part des plus de cinquante ans : de 11 % en 1994, elle est passée à 16 % en 1997. En 1998, selon des chiffres encore provisoires, le nombre d'entrées en convention de conversion de salariés de plus de cinquante ans serait en diminution. Mais leur part dans le total des conventions de conversion augmenterait, pour atteindre 19 %, en raison de la forte baisse du total des entrées. Il ne faut pas oublier, en effet, que, dans le calcul d'un pourcentage, il y a un numérateur et un dénominateur et que, même si le numérateur n'augmente pas, le dénominateur, en baissant, peut faire changer le pourcentage !
Il apparaît contradictoire de faire porter la contribution Delalande, qui procède d'une logique de sanction, sur les conventions de conversion, qui ont précisément pour objectif de faciliter le reclassement du salarié dont le licenciement n'a pu être évité.
Ouvertes aux salariés âgés de moins de cinquante-sept ans, les conventions de conversion, instituées en 1986, consistent en une prise en charge individualisée et immédiate, durant une période de six mois, des salariés licenciés pour motif économique. Elles sont souvent plus intéressantes financièrement pour le salarié que l'indemnisation au titre de l'assurance chômage.
Le Gouvernement semble considérer qu'il serait presque anormal que des salariés de plus de cinquante ans entrent en convention de conversion. Si l'on peut éventuellement s'interroger sur l'utilité réelle de ces conventions pour les personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans, il apparaît surprenant que l'on condamne ainsi l'usage de ces conventions pour des personnes âgées de cinquante à cinquante-cinq ans. Faudrait-il en conclure que ces salariés n'ont aucune chance de se reclasser ?
La commission des affaires sociales ne peut que refuser une telle logique, qui semble se satisfaire de l'exclusion définitive de ces salariés du marché du travail.
Il apparaît pourtant que 33 % des personnes de plus de cinquante ans parviennent à retrouver un emploi à l'issue de leur convention de conversion. Ce taux est même de 41 % à cinquante ans et de 39 % à cinquante et un ans, contre 49 % pour l'ensemble des bénéficiaires de conventions de conversion.
La commission des affaires sociales considère donc que la simple constatation d'une augmentation de la part des salariés de plus de cinquante ans dans les entrées en convention paraît très insuffisante pour démontrer un contournement massif et un abus généralisé justifiant une nouvelle intervention du législateur.
Votre rapporteur, mes chers collègues, ne nie pas que peuvent se produire ça et là des abus chez certains employeurs peu scrupuleux.
M. Guy Fischer. Ah, tout de même !
M. Louis Souvet, rapporteur. Toutefois, ces abus éventuels ne sauraient justifier une sanction collective qui frapperait la totalité des entreprises.
S'agissant des refus de préretraites FNE, les affirmations du Gouvernement concernant d'éventuels abus ne sont étayées par aucun élément précis. La raison est simple : sur une moyenne de 20 000 entrées en préretraite FNE chaque année, le nombre de refus est extrêmement faible ; il porte sur une soixantaine de salariés seulement.
Lorsque l'on aura précisé que le refus du salarié peut, dans certains cas, être motivé par une indemnisation au titre de l'assurance chômage plus avantageuse que la préretraite, on comprendra que le nombre des refus susceptibles de résulter d'une éventuelle pression de l'employeur est, dans l'hypothèse la plus pessimiste, de l'ordre de quelques dizaines à peine.
Dans ces conditions, votre rapporteur est amené à s'interroger sur l'utilité d'une éventuelle intervention du législateur pour réprimer un nombre effectif d'abus qui doit vraisemblablement être de l'ordre d'epsilon.
Vous me répondrez peut-être, madame le secrétaire d'Etat, qu'on avait bien, à une certaine époque, fait une loi pour la veuve du maréchal Joffre. Mais l'histoire ne se répète pas toujours !
Le procès d'intention fait aux entreprises, globalement considérées par les initiateurs de cette proposition de loi comme ayant un comportement frauduleux, paraît donc inacceptable. Le prétendu contournement de la contribution Delalande par les conventions de conversion et les refus de conventions de préretraite est loin d'être avéré.
La véritable justification des dispositions que comporte cette proposition de loi tient davantage à des nécessités politiques.
M. Guy Fischer. Mais non !
M. Louis Souvet, rapporteur. Mais si, monsieur Fischer, et je vais vous le démontrer !
A l'origine, les trois articles de la proposition de loi constituaient, en réalité, les articles 5, 6 et 7 d'une proposition de loi qui en comportait neuf et qui tendait « à limiter les licenciements et à améliorer la situation au regard de la retraite des salariés de plus de cinquante ans ».
Ce texte prévoyait, outre l'extension de la contribution Delalande, le droit à la retraite à taux plein avec quarante annuités de cotisation sans condition d'âge et la prorogation et l'extension du dispositif d'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE.
Or, à la suite de la saisine du Gouvernement, le bureau de la commission des finances de l'Assemblée nationale a décidé d'opposer l'article 40 de la Constitution aux articles 1er, 2, 3, 4 et 9 du texte. La proposition de loi s'est donc trouvée amputée de plus de la moitié de ses articles et, aux yeux de ses auteurs, de ses dispositions essentielles : « Vidée d'une grande partie de sa substance » - je cite le rapporteur de l'Assemblée nationale - « sa portée en est d'autant réduite et sa cohérence affectée ».
L'article 8, qui instituait une contribution sur les revenus financiers affectée à la caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, ayant été supprimée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, ne subsistent du texte initial que les dispositions que nous examinons aujourd'hui, c'est-à-dire trois articles.
Ces dispositions et l'argumentation qui les sous-tend émanent, en réalité, des services du ministère de l'emploi et de la solidarité. M. Fischer jubile !
M. Guy Fischer. Pas du tout !
M. Louis Souvet, rapporteur. L'extension aux conventions de conversion de la contribution Delalande avait d'ailleurs été annoncée par Mme Aubry dès le début du mois de novembre dernier et l'impact financier de cette extension avait été partiellement intégré dans les prévisions budgétaires de la loi de finances pour 1999.
En acceptant cette proposition de loi et en demandant son inscription à l'ordre du jour prioritaire du Sénat, le Gouvernement poursuit un objectif essentiellement politique : il permet, d'une part, à une composante de sa majorité de revendiquer la paternité d'une disposition dont il est en réalité l'auteur...
M. Guy Fischer. Quelle mauvaise foi !
M. Louis Souvet, rapporteur. ... et qui constitue le seul reliquat d'une proposition de loi embarrassante pour lui ; il apaise, d'autre part, sa majorité, qui souhaitait une réforme plus large du droit de licenciement.
La prochaine étape de cette stratégie pourrait d'ailleurs être la taxation des entreprises qui font un usage jugé, lui aussi, « abusif » des contrats à durée déterminée et de l'intérim.
Relevant d'une logique de soupçon et de sanction, cette proposition de loi n'apporte, en réalité, aucune solution au problème que constitue le chômage des plus de cinquante ans et risque, en outre, de constituer un véritable frein à l'emploi.
La proposition de loi témoigne en effet d'une logique uniquement répressive et se traduit, en définitive, par une nouvelle augmentation des charges des entreprises.
Là où des systèmes positifs, dynamiques et imaginatifs seraient nécessaires, la proposition de loi ne met en place que des mesures pénalisantes et contraignantes pour les entreprises.
Le problème du chômage des personnes âgées de plus de cinquante ans est réel. Même si l'amélioration de la situation de l'emploi profite également aux salariés âgés de plus de cinquante ans - les chiffres de l'ANPE pour l'ensemble de l'année 1998 font état d'une baisse de 17,4 % des licenciements des salariés de plus de cinquante ans, contre une baisse de 20,4 % pour l'ensemble des salariés - la situation des demandeurs d'emploi de cet âge est préoccupante et mérite une attention soutenue.
Le Sénat ne peut que faire sien l'objectif de lutter contre cette forme de chômage particulièrement douloureuse. Toutefois, ce problème aigu nécessite une approche globale, qui n'est pas celle de ce texte, vous en conviendrez, madame le secrétaire d'Etat.
Une action efficace contre le chômage des plus de cinquante ans suppose une réforme d'ampleur reposant à la fois sur des exonérations de charges sociales et une formation professionnelle à même d'offrir aux salariés, quel que soit leur âge, les moyens de s'adapter aux mutations de leur environnement professionnel.
Cette politique gagnerait à s'inscrire dans le cadre des axes définis par « Les lignes directrices de l'emploi pour 1999, » proposées par la Commission européenne, en octobre dernier. La Commission européenne suggère ainsi d'intensifier les efforts « pour développer des stratégies préventives et axées sur la capacité d'insertion professionnelle en se fondant sur l'identification précoce des besoins individuels ». Elle invite les Etats membres à « développer des possibilités d'apprentissage tout au long de la vie, notamment dans les domaines des technologies de l'information et de la communication ». Elle précise que « l'accent sera notamment mis sur la facilité d'accès des travailleurs âgés ».
La présente proposition de loi n'apparaît, à l'évidence, pas à la hauteur de l'enjeu.
Elle conduit également à s'interroger sur la cohérence de la politique que mène aujourd'hui le Gouvernement en matière d'emploi des salariés les plus âgés.
Il y a en effet quelque chose de paradoxal à augmenter la contribution Delalande, afin de sanctionner les entreprises qui licencient des salariés âgés de plus de cinquante ans, tout en encourageant simultanément certaines entreprises à rajeunir leur pyramide des âges par des départs massifs et anticipés de salariés « âgés ». Vous avez fait allusion à l'automobile à l'instant, madame le secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement semble, en réalité, disposé à faire preuve de beaucoup de compréhension à l'égard des entreprises qui favorisent, parallèlement aux départs des salariés « âgés », la création d'emplois au titre de la réduction du temps de travail. C'est ainsi que l'on bâtit le « succès » des mesures nouvelles !
Une clarification des objectifs poursuivis par le Gouvernement en ce domaine s'impose à l'évidence.
Cette proposition de loi, qui entend préserver l'emploi, pourrait, en outre, constituer un véritable frein à l'emploi.
On peut craindre, en effet, les effets conjugués de l'extension et du doublement de la contribution Delalande sur les demandeurs d'emplois approchant la cinquantaine : les entreprises hésiteront à embaucher des salariés ayant un peu moins de cinquante ans, craignant d'avoir à supporter le coût d'un éventuel licenciement ultérieur.
En majorant de manière excessive la contribution Delalande et en l'étendant de manière abusive, le Gouvernement prend le risque de dévoyer cette disposition. Je crois d'ailleurs savoir que même M. Delalande n'a pas voté cette mesure à l'Assemblée nationale.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. C'est exact !
M. Louis Souvet, rapporteur. Afin de protéger les salariés de plus de cinquante ans, il choisit, en définitive, de fragiliser la situation des salariés âgés de quarante-cinq à cinquante ans. Les conséquences humaines et sociales d'un tel choix pourraient bientôt se révéler très douloureuses.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des affaires sociales propose au Sénat d'adopter trois amendements de suppression des trois articles de cette proposition de loi. Leur adoption entraînerait, bien sûr, le rejet du texte. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)

(M. Gérard Larcher remplace M. Guy Allouche au fauteuil de la présidence.)PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste : 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si les dernières statistiques publiées par le ministère de l'emploi reflètent, une nouvelle fois, une baisse du nombre de demandeurs d'emploi, il n'en demeure pas moins que l'effectif d'une catégorie, celle des chômeurs de plus de cinquante ans, ne parvient pas à décroître. Au contraire, pour ces derniers, le chômage a progressé de 3,7 % en un an.
Principales victimes des licenciements économiques, chassés prématurément de l'entreprise, qui gère avec difficulté et bien souvent grâce aux deniers publics sa pyramide des âges, les quinquagénaires ont, surtout après cinquante-cinq ans, énormément de mal à retrouver un emploi, à trouver leur place au sein d'une société où l'activité professionnelle est de plus en plus circonscrite entre trente et cinquante ans.
De fait, près des deux tiers des chômeurs de plus de cinquante ans sont des chômeurs de longue durée. Le régime dégressif de l'indemnisation chômage aidant, très vite ils se voient rejetés vers l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ou le RMI, tombant ainsi dans la spirale infernale de l'exclusion.
Tous, ici, nous souscrivons à ce terrible diagnostic.
Il y a un an, sur l'initiative du groupe communiste républicain et citoyen, nous adoptions une mesure permettant d'attribuer une allocation spécifique d'attente aux chômeurs en fin de droit, totalisant quarante annuités de cotisations.
Aujourd'hui, poursuivant le même objectif de justice sociale et de réduction du chômage, une proposition de loi, de paternité identique, entend optimiser la protection des salariés en fin de carrière en renforçant le dispositif Delalande. Dispositif juridique destiné à freiner les licenciements des salariés de plus de cinquante ans, cette contribution spécifique des entreprises s'est révélée peu dissuasive et facilement contournable.
Deux fois moins onéreuse pour l'entreprise qu'une préretraite FNE dans le cas d'un salarié de cinquante-sept ans, la contribution est parfois acquittée sans grand mal et se traduit par des licenciements « secs ».
Pour rééquilibrer le coût d'une préretraite et d'un licenciement, prévenir au maximum ces derniers, le Gouvernement a décidé par décret, le 28 décembre dernier, de doubler le montant de la contribution.
Franchement hostile à cet alourdissement des pénalités Delalande dues par les entreprises, préférant au contraire voir assouplir la réglementation, le MEDEF s'est opposé à cette mesure présentée comme un frein à l'embauche.
M. Emmanuel Hamel. Le MEDEF...
M. Guy Fischer. Il rejette de la même façon toute mesure destinée à combattre le travail précaire ou à renforcer la prévention des licenciements économiques.
En revanche, les mêmes chefs d'entreprise se plaignent sans détour du rôle croissant des juges face aux plans sociaux et de l'insécurité juridique qui en découle.
Le groupe communiste républicain et citoyen et moi-même sommes intimement convaincus de l'actualité et de l'opportunité du débat sur des dispositions nécessaires pour mettre un terme aux avalanches de plans sociaux plongeant des familles entières dans la grande détresse tant psychologique que financière.
Plaçant le développement de l'emploi au coeur de ses priorités, le Gouvernement enregistre des résultats et peut afficher une certaine décélération du nombre des licenciements économiques.
Toutefois, depuis la fin du mois de novembre 1998, les annonces de plans sociaux très lourds se sont succédé : les ACH du Havre, Perrier, Cacharel, Levi-Strauss, Thomson, les Grands Moulins de Pantin, Kodak...
Les directions d'entreprises continuent de sacrifier sur l'autel de la sacro-sainte compétitivité de nombreux emplois. Usinor en sacrifierait 2 000 à 2 500, apprend-on aujourd'hui dans la presse.
Dans ce contexte, la présente proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale - sans les voix de droite - est la bienvenue. En effet, elle vient utilement étendre le champ de la cotisation Delalande, d'une part, à toute rupture de contrat de travail intervenant dans le cadre de conventions de conversion et, d'autre part, aux licenciements des salariés ayant refusé le bénéfice d'une préretraite FNE.
Ainsi, les articles 1er et 2 précités comblent deux failles qui limitaient l'efficacité du dispositif Delalande.
Pour illustrer mon propos, je tiens à préciser que des chiffres traduisent une dérive importante constatée dans l'utilisation pour les plus de cinquante-cinq ans des conventions de conversion. De 1994 à 1997, le poids de cette catégorie dans l'ensemble des conventions de conversion a été multiplié par quatre.
Dans les faits, il est indéniable qu'une certaine pression s'exerce sur les salariés afin qu'ils consentent à adhérer à une telle convention, cette adhésion dédouanant du même coup l'entreprise de tout paiement de pénalités ou d'éventuelles discussions avec l'Etat visant à mettre en oeuvre des préretraites.
La majorité de notre commission des affaires sociales, s'obstinant, quant à elle, à considérer que « les prétendus détournements à la contribution Delalande par les conventions de conversion et les refus de convention de préretraite n'étaient pas prouvés », nous propose de supprimer les articles incriminés, réduisant de fait à néant la proposition de loi.
Je condamne, évidemment, cette démarche, au regard de l'impérieuse nécessité d'une intervention législative pour mieux protéger les salariés.
Plus globalement, j'entends réaffirmer devant vous, madame la secrétaire d'Etat, la volonté du groupe communiste républicain et citoyen de voir modifier la législation sur les licenciements économiques, ultimes recours, notamment en intégrant la jurisprudence progressiste de ces dernières années.
Un arrêt de la Cour de cassation - IBM France - semble mettre fin aux avancées de la jurisprudence « Framatome ». Cela renforce l'urgence de notre requête. L'objectif étant de dissuader, de rendre plus risqué le recours aux licenciements économiques, en permettant l'élaboration de solutions alternatives.
Pour en terminer sur le texte dont nous discutons, je tiens à préciser qu'initialement deux autres volets l'enrichissaient : le premier prévoyait la reconduction et l'extension du dispositif d'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, à tout salarié totalisant 160 trimestres de cotisations à l'assurance vieillesse, sans condition d'âge ; le second volet instituait, quand à lui, un droit à la retraite à taux plein avec quarante annuités, sans condition d'âge.
Il s'agissait là de mesures de justice sociale pour les personnes qui, très tôt, ont commencé à travailler, mesures favorables à l'emploi des jeunes et peu coûteuses. Sur ce dernier point, je vous renvoie au chiffrage très intéressant contenu dans le rapport de M. Gremetz.
Pourtant, dès le stade du travail en commission, la commission des finances de l'Assemblée nationale, en opposant l'article 40 à cinq des neuf articles, a fâcheusement réduit la portée du texte.
Comme mon collègue et ami Maxime Gremetz, je déplore que cette amputation ait affecté la cohérence même du texte proposé.
Je regrette que nous ne puissions pas discuter de l'amélioration de la situation des salariés de plus de cinquante ans au regard de la retraite, salariés qui attendent d'un gouvernement de gauche des signes forts quant à l'ouverture des droits à leur retraite.
Cela aurait pu être l'occasion de dresser le bilan des conséquences des mesures d'ajustement prises, notamment pour le régime général, à la suite de la publication, en 1991, du Livre blanc sur les retraites.
Je pense, bien sûr, à l'indexation sur les prix des pensions de retraite et non plus sur les salaires, au passage aux 25 meilleures années pour le calcul des pensions, ou à l'allongement progressif à 160 trimestres de la durée d'assurance requise pour obtenir une pension à taux plein.
Je suis conscient qu'après la remise du rapport Charpin nous aurons à prendre des mesures pour assurer l'avenir de notre système de retraite...
M. Jean Chérioux. Quand même !
M. Guy Fischer. ... et pour améliorer cet acquis collectif.
Toutefois, nous pouvions commencer à débattre sur les solutions envisageables pour pérenniser les mécanismes de répartition, gages de solidarité, et désamorcer ainsi l'inquiétude ambiante chez les retraités et futurs retraités. Dès à présent, nous pouvions dénoncer les tentatives de recours aux fonds de pension, solution récurrente présentée à tort comme la seule à pouvoir résister au choc démographique.
Sur l'autre solution proposée, le recul de l'âge de départ à la retraite, nous pouvions nous positionner. Le taux de chômage persistant nous en empêche. Les deux tiers des demandeurs de pension à la CNAV ne sont plus actifs à la date où ils déposent leur demande. Les gains réalisés d'un côté seraient équivalents aux dépenses induites par le financement du chômage. Socialement, ce choix serait néfaste.
De plus, ces mêmes personnes, chefs d'entreprise qui demandent le report de l'âge de la retraite, sollicitent toujours plus le bénéfice du panel de mesures d'âge permettant le retrait anticipé avant soixante ans des salariés. Où est la cohérence ?
Enfin, il faut arrêter de réduire la question du problème de nos retraites à la seule variable démographique. Le contexte économique, le taux de chômage et le niveau des salaires sont tout aussi déterminants.
Pour combler le décalage entre le niveau de cotisations des salariés et celui des cotisations patronales, nous proposons d'instituer un prélèvement sur les revenus financiers du capital. De surcroît, nous attendons qu'intervienne une réforme des cotisations patronales qui ne pénalise pas l'emploi et permette l'extension de notre protection sociale (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel. Pour le progrès social, votez contre Maastricht !
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui appréhendait dans sa version initiale, de façon globale, le sort souvent préoccupant et complexe des salariés âgés de cinquante à soixante ans.
Les incertitudes planant sur l'avenir de l'ARPE avaient amené certains de nos collègues à proposer la consécration législative de ce dispositif efficace qui, sous certaines conditions, a permis le départ en retraite de plus de 126 000 salariés ayant totalisé leur quarante annuités de cotisations en contrepartie de l'embauche de près de 115 000 personnes.
Depuis, les partenaires de l'UNEDIC se sont accordés pour proroger d'un an l'accord signé en 1998. Les modalités de financement ont toutefois été modifiées. En dépit de la proposition du Gouvernement de participer à concurrence de 40 000 francs au financement de chaque départ, les représentants patronaux ont tenu à instaurer une contribution financière à la charge de l'employeur. On estime que cette participation permettrait d'abonder les fonds de l'UNEDIC à concurrence de 1,5 milliard de francs.
Chacun le sait, les salariés âgés de cinquante à soixante ans sont devenus l'objet privilégié des mesures de sortie de l'entreprise adoptées dans le cadre des plans sociaux. A partir de quarante-cinq ans, ils se savent assis sur un siège éjectable qui, à tout moment, peut les propulser hors de l'entreprise.
Leur maintien dans les entreprises est jugé inutile, voire pénalisant. On met en avant le poids de leurs rémunérations dans la masse salariale ; on stigmatise leurs difficultés, voire leur incapacité à s'adapter aux évolutions technologiques et, en tout cas, leur manque de rendement.
Ces jugements définitifs et fatalistes contournent les vrais questionnements de fond. Ainsi, les salariés qui acquièrent une expérience, qui gravissent les échelons, devraient-ils être condamnés à voir leurs salaires plafonnés pour préserver leurs chances de demeurer au sein de l'entreprise au-delà de cinquante ans.
Ceux qui invoquent le coût - mot terrible - de ces salariés ont-ils pris la mesure du coût financier, mais surtout social, d'un chômeur qui, à plus de cinquante ans, n'a guère d'espoir de retrouver un travail ? En effet, les deux tiers des chômeurs de longue durée appartiennent à cette tranche d'âge.
A qui revient donc la responsabilité de mettre en place et de gérer les plans de formation continue susceptibles de maintenir la performance des salariés et la compétitivité des équipes ?
Ainsi, le centre de recherches et d'études sur l'âge et les populations au travail relève que bon nombre d'entreprises ont affecté leurs jeunes salariés aux équipements récents, afin de faire l'économie d'une formation à l'informatique ou aux machines à commandes numériques. En conséquence, ceux qui abordent la cinquantaine continuent à travailler sur des postes éprouvants physiquement. Cela peut expliquer certains chiffres impressionnants quant aux inaptitudes au travail constatées, dans l'industrie automobile par exemple.
Espérons que les négociations portant sur les 35 heures seront l'occasion de prendre en compte cette réalité dans la réorganisation du travail.
Par ailleurs, qui détermine la politique de recrutement et qui est chargé de la gestion de la pyramide des âges au sein de l'entreprise ?
Comment peut-on prétendre équilibrer cette pyramide des âges quand les recrutements, y compris en période de reprise, se font sous forme de contrats précaires, qui sont devenus un mode structurel de la gestion des ressources humaines.
Ainsi, entre le mois de juillet 1997 et le mois de juillet 1998, le travail intérimaire a augmenté de 38 % non seulement dans l'industrie, mais aussi dans le tertiaire où, selon la direction des relations du travail, 37 % des missions n'excèdent pas une journée.
L'INSEE constate en fait que la reprise du marché du travail, loin de résorber la précarité existante, accentue la poussée de cette dernière.
Si ces questionnements ne peuvent concerner les seules entreprises, on ne peut que déplorer la dérive qui a consisté, pour certaines d'entre elles, à ne chercher de réponse que dans des dispositifs financièrement pris en charge par la collectivité.
Ainsi, le rapport de la Cour des comptes de 1997 concernant les plans sociaux indique que plus des deux tiers des allocations spéciales FNE ont été accordées par l'administration à douze entreprises qui se sont adressées au moins trois fois, en six ans, au fonds. Ces entreprises ont ainsi couvert à 41 % ce qu'elles considéraient comme des sureffectifs par des préretraites totales.
Tous ces problèmes doivent relever d'une gestion prévisionnelle et adaptée de l'emploi à long terme. Les données démographiques sont connues ; on sait ainsi que l'âge moyen de la population active, qui était de quarante ans entre 1975 et 1995, va s'élever progressivement, pour atteindre quarante-deux ans en 2015.
Il serait souhaitable, madame la secrétaire d'Etat, que le service public de l'emploi soit particulièrement attentif aux petites et moyennes entreprises en termes d'aide et de conseil quant à la gestion prévisionnelle de l'emploi.
J'en viens à l'examen des articles adoptés par nos collègues de l'Assemblée nationale.
Au mois de décembre dernier, le Gouvernement a souhaité renforcer les modalités d'application de la contribution Delalande. Des modulations sont désormais prévues selon l'âge du salarié licencié, et le nouveau barème renchérit la cotisation, qui pourra atteindre douze mois de salaires à cinquante-sept ans.
Cette modulation tient également compte de la taille des entreprises, puisque les entreprises de moins de vingt salariés en sont exonérées.
La proposition de loi adoptée à l'Assemblée nationale prévoit d'étendre la contribution à deux dispositifs d'accompagnement de licenciements : les conventions de conversion et les allocations spéciales FNE, lorsqu'il y a refus du salarié.
Ces deux mécanismes sont présentés comme une alternative au licenciement sec. Ils s'adressent aux salariés de plus de cinquante ans et ils s'inscrivent dans des logiques différentes.
En effet, si les conventions de conversion ont pour objet un reclassement du salarié grâce à des actions de formation, les allocations spéciales FNE s'adressent aux salariés de cinquante-sept ans, voire de cinquante-six ans, qui sont proches de la retraite et dont l'espoir de retrouver un emploi est très faible.
Les auteurs de la proposition de loi ont voulu éviter que ces deux mécanismes, jusqu'ici exonérés de la contribution Delalande, ne soient anormalement sollicités par les employeurs afin d'échapper au versement de cette contribution.
Le nombre des entrées en conventions de conversion à compter de cinquante ans a augmenté de façon significative depuis 1993-1994 : leur pourcentage est en effet passé de 11 % à 16 %.
Ainsi, le nombre des personnes âgées de cinquante ans et plus adhérant à une convention de conversion sont passées, de 1994 à 1998, de plus de 16 000 à plus de 20 000.
Les chiffres pour les personnes âgées de cinquante-cinq ans et plus sont encore plus impressionnants, puisque le nombre des entrants a été multiplié par six, pour atteindre plus de 6 000 personnes en 1998.
Cette augmentation est d'autant plus insolite que les espoirs de reclassement s'amenuisent au fil des années. Ainsi, selon M. le rapporteur, le taux de reclassement stagne aux alentours de 36 % pour les hommes de cinquante-quatre ans et chute à 24 % pour les femmes du même âge. Enfin, après cinquante-six ans, le taux de reclassement n'atteint que 18 %.
La commission des affaires sociales, dans sa majorité, a estimé que la progression de ces adhésions n'était pas suffisamment significative et ne pouvait s'expliquer par la volonté d'éviter le paiement de la cotisation Delalande.
Les sénateurs socialistes ne partagent pas cette analyse et estiment que l'évolution, en particulier celle qui affecte les plus de cinquante-cinq ans, révèle une utilisation contraire aux objectifs affichés par les conventions de conversion.
Par ailleurs, s'il est vrai, comme le souligne M. le rapporteur, que les adhérents aux conventions de conversion sont, dans un premier temps, considérés comme des stagiaires de la formation professionnelle et non comme des chômeurs, l'évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation depuis 1992 a tendu à rapprocher le contentieux attaché à ces conventions au droit commun des licenciements économiques.
Ainsi, la Cour contrôle la cause réelle et sérieuse de la rupture du contrat de travail. Selon elle, l'employeur prend seul l'initiative de rompre ce contrat.
L'extension de la contribution Delalande aux ruptures de contrat de travail après l'adhésion à une convention de conversion ne me semble donc pas présenter d'incohérence juridique.
M. le rapporteur reproche aux mesures envisagées dans cette proposition de loi de provoquer un effet dissuasif sur l'embauche de chômeurs proches de cinquante ans.
Doit-on en déduire que les employeurs élaborent leur stratégie d'embauche en fonction des facilités de licenciements, et ce d'autant plus facilement que la solidarité nationale et les partenaires sociaux ont mis en place, ces derniers mois, des filets de sécurité tels que l'allocation chômeurs âgés, l'ACA, et l'allocation supplémentaire d'attente, l'ASA, qui permettent d'assurer un revenu de remplacement aux chômeurs âgés jusqu'à la liquidation de leur retraite ?
Nous savons bien qu'il s'agit là d'une réalité. Ainsi, le directeur de Pont-à-Mousson déclarait, en 1993, que « la variable "effectifs" est un des seuls paramètres sur lesquels les industriels peuvent jouer » pour redresser les comptes d'un entreprise.
En tout cas, les socialistes refusent de cautionner cette démarche.
Rappelons enfin que les employeurs qui ont embauché des chômeurs de plus de cinquante ans, et ce depuis 1992, sont dispensés du paiement de cette cotisation.
Par ailleurs, la proposition de loi étend l'application de la contribution aux licenciements consécutifs à un refus du salarié d'adhérer à un dispositif qui, par la suite, est refusé par les salariés concernés.
M. le rapporteur a cité des estimations faisant état d'un faible taux de refus. Il y a toutefois des refus, quelles qu'en soient les motivations.
Dès lors, nous ne voyons par les raisons pour lesquelles le droit commun des licenciements économiques, qui prévoit le versement de la contribution Delalande, ne s'appliquerait pas.
Le coût des préretraites, le renchérissement de la cotisation Delalande et son extension devraient permettre un cadrage plus strict de ces mesures et contribuer à orienter les partenaires davantage vers l'ARPE, que porte une véritable dynamique de lutte pour l'emploi.
Voilà pourquoi les sénateurs socialistes adhèrent aux propositions adoptées à l'Assemblée nationale. Bien entendu, ils voteront contre les propositions de la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article L. 321-13 du code du travail, un alinéa ainsi rédigé :
« La cotisation est due également pour chaque rupture du contrat de travail intervenue du fait de l'adhésion d'un salarié à une convention de conversion prévue par l'article L. 322-3. Le montant de cette cotisation tient compte de la participation de l'entreprise au financement de la convention de conversion. »
Par amendement n° 1, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 1er assujettit à la contribution Delalande les ruptures de contrat de travail des salariés âgés de plus de cinquante ans qui ont adhéré à une convention de conversion.
Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, la commission a estimé qu'aucun élément précis ne permettait de conclure aujourd'hui à un contournement massif de la contribution Delalande par l'utilisation du dispositif de la convention de conversion.
En outre, la commission s'est refusée à condamner l'utilisation des conventions de conversion, qui constituent un outil précieux d'aide au reclassement pour les salariés âgés de cinquante ans ou plus.
Elle a par conséquent considéré que la véritable origine de cet article et de l'ensemble de la proposition de loi tenait davantage à des impératifs politiques visant à assurer la cohésion gouvernementale qu'à de réels motifs de fond.
Pour toutes ces raisons, la commission vous propose d'adopter cet amendement de suppression de l'article 1er.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai essayé, dans mon intervention, de démontrer l'utilité de cette proposition de loi et de prouver combien elle me semblait bénéfique pour la défense des salariés de plus de cinquante ans.
Je suis cohérente avec moi-même, et tout le monde comprendra donc que je ne puisse accepter les trois amendements de la commission, y compris celui qui porte sur la date. Il s'agit en effet de prévenir des effets d'aubaine.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Jean-Patrick Courtois. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'article 1er aboutit à décourager le recours aux conventions de conversion, qui constituent un outil d'aide au reclassement pour les salariés.
Notre groupe votera donc l'amendement de suppression proposé par notre rapporteur.
J'indique, dès à présent, que nous adopterons également les deux autres amendements de suppression, repoussant ainsi la proposition de loi dans son ensemble. Nous doutons, en effet, que ces mesures soient réellement de nature à résoudre les difficultés rencontrées par les salariés de plus de cinquante ans, pour lesquels on prétend ainsi réduire le nombre des licenciements.
En fait, le problème est un peu plus compliqué. Si, aujourd'hui, ces salariés sont plus facilement au chômage dès qu'une entreprise connaît des difficultés financières, c'est parce qu'ils coûtent plus chers que de jeunes salariés, parce qu'ils ne sont pas toujours adaptés aux nouvelles formes du travail ou aux nouvelles technologies ; c'est là, malheureusement, la réalité.
Il me paraît important que nous méditions sur les chiffres parus en début d'année. Ces chiffres démontrent en effet que la croissance industrielle commence à se heurter, depuis l'été dernier, à des difficultés de recrutement, 30 % des chefs d'entreprise de l'industrie déclarant avoir des difficultés à recruter de nouveaux salariés. Cela tend à démontrer que le chômage actuel est en grande partie un chômage d'inadaptation.
C'est donc au chantier de la formation continue qu'il faudrait s'attaquer plutôt qu'aux conventions de conversion.
Notre groupe approuve totalement la démarche de notre rapporteur, M. Louis Souvet. Son rapport de qualité a mis en évidence la dangerosité d'un texte se fondant sur des éléments contestables et répondant essentiellement à des impératifs politiques.
Par ailleurs, en sanctionnant lourdement les entreprises, cette proposition de loi risquait d'aboutir à l'effet inverse de celui que ses auteurs cherchent à atteindre. Elle constituait, en effet, le meilleur moyen d'encourager les entreprises à n'embaucher aucun salarié de cinquante ans ou d'un peu moins de cinquante ans, dans la perspective des conséquences financières ultérieures en cas de licenciement.
Je conclus mon bref propos en saluant le travail d'analyse effectué par notre rapporteur, M. Louis Souvet, qui a permis d'enrichir la réflexion de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er est supprimé.

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - L'avant-dernier alinéa de l'article L. 321-13 du code du travail est ainsi rédigé :
« Cette cotisation n'est pas due dans le cas où le salarié bénéficie des allocations spéciales prévues par le 2° de l'article L. 322-4. »
Par amendement n° 2, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l'article 2, qui assujettit à la contribution Delalande les licenciements des salariés ayant refusé le bénéfice d'une préretraite dans le cadre du fonds national de l'emploi.
La commission a constaté que les affirmations des initiateurs de la proposition de loi concernant d'éventuels abus n'étaient étayées par aucun élément précis.
Elle a souligné que le nombre des refus de préretraite FNE était extrêment faible : il concerne une soixantaine de salariés par an pour un total de plus de 20 000 entrées annuelles en conventions d'ASFNE.
Dans ces conditions, la commission s'est refusée à une intervention législative destinée à sanctionner quelques très rares abus éventuels.
M. le président. Le Gouvernement a déjà fait connaître son opposition à cet amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est supprimé.

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - Les dispositions des articles 1er et 2 sont applicables pour toutes les ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er janvier 1999. »
Par amendement n° 3, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Par coordination avec les amendements qu'elle a déposés aux articles 1er et 2, la commission vous propose, mes chers collègues, d'adopter un amendement de supression de l'article 3, lequel prévoit que les dispositions de la présente proposition de loi seront applicables pour toutes les ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er janvier 1999.
J'ajoute que l'application de cet article serait rétroactive, ce qui poserait, madame le secrétaire d'Etat, de redoutables problèmes pratiques et serait vraisemblablement source d'un contentieux très lourd.
M. le président. Je rappelle que le Gouvernement s'est déjà déclaré défavorable à l'amendement n° 3.
Je vais le mettre aux voix.
M. Guy Fischer. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. J'ai longuement développé, au cours de la discussion générale, les motifs de notre opposition farouche aux propositions formulées par la majorité sénatoriale.
Je crois que, au-delà de ce débat, ce sont tous les problèmes de l'emploi industriel qui sont posés, car nous voyons bien que ce sont essentiellement les salariés de plus de cinquante ans qui sont touchés aujourd'hui par les délocalisations, les restructurations et les réductions d'effectifs.
Même si l'on peut constater globalement une évolution favorable pour les salariés ayant entre quarante-cinq et cinquante ans, dans certains grands groupes multinationaux, la tendance s'infléchit plutôt du mauvais côté.
Je voulais donc, à l'occasion de l'examen de cet amendement de suppression de l'article 3, dire combien nous sommes en total désaccord avec la position du Sénat sur cette proposition de loi.
Bien entendu, nous voterons contre l'amendement n° 3.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Notre collègue Guy Fischer n'a pas pu ne pas remarquer la profonde contradiction qui existe entre la politique menée par le Gouvernement, consistant à encourager les grands groupes automobiles, par exemple, à licencier les personnes les plus âgées de façon à modifier la pyramide des âges actuelle - et je ne dis pas que j'y suis hostile -...
M. Emmanuel Hamel. Et vous les connaissez, ces grands groupes automobiles, monsieur le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. ... par l'octroi de sommes d'argent tout à fait considérables, et la volonté de sanctionner les entrepreprises qui licencieraient des salariés de plus de cinquante ans en prenant toutes les précautions nécessaires. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. C'est une incohérence de plus !
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Sur quelque travée que nous siégions, nous ne pouvons être indifférents à l'objet de cette proposition de loi, qui tend à réduire, si possible, le nombre des licenciements de travailleurs de plus de cinquante ans. Nous sommes tous attachés à cet objectif, comme à la réduction du chômage en général.
Cependant, convaincu par la pertinence des arguments de notre collègue Louis Souvet, dont personne ne peut mettre en doute le sens social, la volonté de combattre la réalité du chômage, je dois dire que, à mon regret - je dis bien « à mon regret » - je ne pourrai voter cette proposition de loi, dont notre éminent collègue Guy Fischer lui-même, dans son intervention remarquable, a dit qu'elle était marquée par des contradictions.
Ce sont ces contradictions qui m'empêchent de voter ce texte. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux. Solidarité rhodanienne ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 est supprimé.
Tous les articles de la proposition de loi ayant été successivement supprimés, il n'y a pas lieu de procéder à un vote sur l'ensemble.
La proposition de loi est rejetée.

8

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
ET CANDIDATURES
À UNE COMMISSION SPÉCIALE

M. le président. M. le président a reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 203 et distribué.
En application de l'article 17, alinéa 1, du règlement et à l'initiative de M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques, la conférence des présidents propose de renvoyer ce projet de loi à une commission spéciale.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
La liste des candidats à cette commission spéciale établie par les présidents des groupes a été affichée.
Cette liste sera ratifiée demain, mercredi 10 février, à quinze heures, s'il n'y a pas d'opposition dans le délai prévu par le règlement.

9

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Robert Bret, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Michel Duffour, Guy Fischer, Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Pierre Lefèbvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi relative aux actions propres à enrayer l'extension de l'algue tropicale Caulerpa taxifolia en Méditerranée.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 200, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

DÉPO^T DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil instituant un programme d'action communautaire en faveur de la protection civile.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1208 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de statut des député(e)s au Parlement européen.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1209 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à certains aspects juridiques du commerce électronique dans le marché intérieur.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1210 et distribué.

11

DÉPO^T DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la Nouvelle-Calédonie.
Le rapport sera imprimé sous le n° 201 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie.
Le rapport sera imprimé sous le n° 202 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-François Le Grand un rapport, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur le projet de loi portant création de l'autorité de contrôle technique de l'environnement sonore aéroportuaire (n° 8, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 204 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-François le Grand un rapport, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile (n° 516, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 205 et distribué.
J'ai reçu de M. Gérard César un rapport, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur la proposition de résolution (n° 196, 1998-1999) présentée en application de l'article 73 bis du règlement par M. James Bordas sur la proposition de règlement (CE) du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole (n° E-1134).
Le rapport sera imprimé sous le n° 206 et distribué.

12

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 10 février 1999, à quinze heures :
1. Nomination des membres de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 203, 1998-1999).
2. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 118, 1998-1999), modifié par l'Assemblée nationale, portant diverses mesures relatives à la sécurité routière.
Rapport (n° 192, 1998-1999) de M. Lucien Lanier, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Philippe Arnaud et plusieurs de ses collègues tendant à assurer un service minimum en cas de grève dans les services et entreprises publics (n° 194, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 10 février 1999 à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 10 février 1999 à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures vingt-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES

M. Philippe Richert a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 80 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à inciter au respect des droits de l'enfant dans le monde, notamment lors de l'achat des fournitures scolaires, en remplacement de M. Jean Bernadaux.

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

M. Gérard César a été nommé rapporteur de la proposition de résolution de M. James Bordas sur la proposition de règlement (CE) portant sur l'organisation commune du marché vitivinicole (n° E 1134).

DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS
À UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

En application de l'article 73 bis, alinéa 7, du règlement, la commission des affaires économiques a fixé au mercredi 17 février 1999, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à la proposition de résolution qu'elle a adoptée sur la proposition de résolution n° 196 (1998-1999) de M. James Bordas, sur la proposition de règlement (CE) portant sur l'organisation commune du marché vitivinicole (n° E 1134). (Rapport n° 206 [1998-1999] de M. Gérard César, mis en distribution le jeudi 11 février 1999.)
Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la commission des affaires économiques et seront examinés par la commission lors de sa réunion du jeudi 18 février 1999, à 10 h 30.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Fonctionnement du comité d'information et de liaison
du parc de Saint-Cloud

449. - 8 février 1999. - M. Denis Badré attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur le fonctionnement du comité d'information et de liaison du parc de Saint-Cloud. Le 5 novembre 1996, ce comité était solennellement mis en place afin d'institutionnaliser la nécessaire concertation entre les autorités du parc et les maires des communes riveraines. Il s'est réuni en février, juin et octobre 1997 dans des conditions prometteuses. Puis il n'a plus été convoqué, malgré de nombreuses relances de notre part. Les maires des communes riveraines, qui se sentent très concernés par la protection comme par les conditions d'ouverture du parc, s'en inquiètent et souhaitent connaître vos intentions à cet égard. Ce comité peut faciliter les relations au quotidien entre le parc et les villes voisines. C'est en particulier en son sein qu'a été examiné un programme de travaux de restauration des étangs de Ville-d'Avray, étangs conçus pour alimenter les grandes eaux du parc avant d'être immortalisées par Corot et de représenter aujourd'hui un centre d'animation prestigieux et très actif. Ce programme, établi dès le printemps 1997, prévoyait une première tranche à réaliser immédiatement pour des raisons de sécurité et une réhabilitation d'ensemble à engager dès 1998. Vos services ont même posé au bord des étangs un panneau d'information annonçant sa mise en oeuvre. La réalisation effective de ce programme, apparemment en panne, s'avère urgente. Un nouveau courrier du 23 décembre 1998 à vos services le rappelait. Il est jusqu'ici lui aussi resté sans réponse. Quand ce programme pourra-t-il être engagé ?

Organisation de la restauration collective à France Télécom

450. - 8 février 1999. - M. Roland Courteau attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur les intentions de France Télécom de faire évoluer son service de restauration collective, actuellement géré par des associations (dans le cadre des activités sociales), vers une structure de type privé. Ces dispositions, auxquelles s'opposeront avec détermination les personnels et les usagers, auraient pour conséquence de privilégier la rentabilité au détriment du social (augmentation du prix des repas) et ne manqueraient pas de surcroît d'avoir des conséquences sur l'emploi (suppression de postes). Une telle évolution, contraire par ailleurs à la nécessaire préservation des acquis sociaux, n'est pas acceptable, tant pour les personnels de France Télécom et de la poste de Narbonne que pour l'ensemble des personnels regroupés au sein de la Fédération nationale des restaurants PTT. C'est pourquoi, et compte tenu que l'Etat reste actionnaire majoritaire dans le capital de France Télécom, il lui demande s'il entend influer sur les décisions envisagées, afin que soit stoppé le processus engagé, par la prise en compte de la qualité actuelle du service rendu, du maintien des emplois dans le respect des conditions statutaires qui régissent le personnel aujourd'hui en poste... et de l'avis des personnels et usagers non encore, d'ailleurs, consultés.

Sanction de l'abus de confiance, de faiblesse ou d'ignorance

451. - 9 février 1999. - M. Bernard Plasait attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'interprétation respective des articles L. 122-8 du code de la consommation et 313-4 du code pénal. En effet, l'article L. 122-8 du code de la consommation punit d'un emprisonnement de cinq ans et/ou d'une amende de 60 000 francs quiconque aura abusé de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire des engagements au comptant ou à crédit, sous quelque forme que ce soit, lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre d'y souscrire, ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte. L'article 313-4 du code pénal dispose, quant à lui, que l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse est apparente ou connue de son auteur, pour obliger ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables est puni de trois ans d'emprisonnement et de 2 500 000 francs d'amende ». Outre leur insertion dans deux codes différents, il est possible de considérer, comme le fait une doctrine isolée, que le délit de l'article 313-4 du code pénal a une portée plus large que l'incrimination de l'ancien article 406 et que celui de l'article L. 122-8 du code de la consommation, spécifique au démarchage, a un champ d'application plus réduit. Cependant, l'élément moral de l'infraction doit être, dans les deux cas, identique, car constitué par la volonté de perpétrer l'abus en pleine connaissance de cause. Dès lors, seule la gravité du préjudice serait un élément pertinent de distinction. De plus, si l'on se réfère à un exemple emprunté à la circulaire du 14 mai 1993, sont protégées par la nouvelle incrimination de l'article 313-4 du code pénal les personnes âgées victimes de pratiques commerciales douteuses qui n'auraient accepté de conclure un contrat sans commune mesure avec leurs besoins réels qu'en raison du harcèlement dont elles auraient fait l'objet. Et c'est précisément ce type de situation que les tribunaux ont sanctionné sur le fondement de l'article L. 122-8 du code de la consommation, en particulier la cour d'appel de Lyon dans un arrêt du 19 septembre 1990. La vulnérabilité de la victime devant être dans les deux cas avérée, il est aisé de constater la similitude des situations à même de justifier l'application de ces deux articles. Il est en effet courant de justifier l'application de l'article L. 122-8 par le fait que l'infirmité du consentement de la victime, embrumé notamment par l'âge, la maladie ou annihilé par une situation de détresse, est mise à profit de manière éhontée par le démarcheur pour arriver à ses fins. Concernant l'article 313-4 du code pénal, dans l'hypothèse où il s'agit d'un majeur, la vulnérabilité tient généralement à l'âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse. La jurisprudence étant pour le moins clairsemée et la doctrine peu prolixe sur la combinaison de ces deux infractions, il lui demande de bien vouloir lui préciser, d'une part, le champ d'application de chacun de ces délits et, d'autre part, s'il lui paraît, le cas échéant, envisageable de les refondre en une seule incrimination pénale.