Séance du 9 février 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Hommage à Maurice Schumann
(p.
1
).
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
3. Questions orales sans débat (p. 2 ).
MAJORATION POUR ENFANTS
SERVIE AUX VEUVES CIVILES (p.
3
)
Question de M. Bernard Joly. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Bernard Joly.
APPLICATION DE LA LOI SUR LA VEILLE SANITAIRE (p. 4 )
Question de M. Charles Descours. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Charles Descours.
IMPORTATION ET DISTRIBUTION DE MÉDICAMENTS (p. 5 )
Question de M. Bernard Fournier. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Bernard Fournier.
AMÉNAGEMENT DE LA NATIONALE 10
ENTRE RAMBOUILLET, LE BEL-AIR ET ABLIS (p.
6
)
Question de M. Gérard Larcher. - MM. Jean-ClaudeGayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Gérard Larcher.
LIAISONS TRANSALPINES POUR LES VOYAGEURS
ET LES MARCHANDISES (p.
7
)
Question de M. Michel Barnier. - MM. Jean-ClaudeGayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Michel Barnier.
SERVICE PUBLIC FERROVIAIRE EN VAL-D'OISE (p. 8 )
Question de Mme Nelly Olin. - M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Mme Nelly Olin.
SITUATION DU CEVA, CENTRE D'ÉTUDES
ET DE VALORISATION DES ALGUES (p.
9
)
Question de M. Pierre-Yvon Trémel. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Pierre-Yvon Trémel.
AMÉNAGEMENT DE LA LOIRE ET DE SES AFFLUENTS (p. 10 )
Question de M. Dominique Leclerc. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Dominique Leclerc.
PLAN D'AMÉNAGEMENT DE LA LOIRE (p. 11 )
Question de M. Guy Vissac. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Guy Vissac.
AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
DANS LES ALPES-MARITIMES (p.
12
)
Question de M. Jacques Peyrat. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Jacques Peyrat.
DÉSAMIANTAGE DE JUSSIEU (p. 13 )
Question de Mme Nicole Borvo. - Mmes Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire ; Nicole Borvo.
ORGANISATIONS DES VOYAGES SCOLAIRES (p. 14 )
Question de Mme Gisèle Printz. - Mmes Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire ; Gisèle Printz.
LÉGISLATION RELATIVE À LA PRISE ILLÉGALE
D'INTÉRÊTS (p.
15
)
Question de M. Francis Grignon. - Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Francis Grignon.
CONDITIONS D'INSTALLATION DE DÉBITS DE TABAC
EN ZONE DE MONTAGNE (p.
16
)
Question de M. Claude Domeizel. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Claude Domeizel.
COÛT ET CONSÉQUENCES
DU PASSAGE INFORMATIQUE À L'AN 2000 (p.
17
)
Question de M. Adrien Gouteyron. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Adrien Gouteyron.
ÉQUIPEMENT DE RADIOCOMMUNICATION MOBILE (p. 18 )
Question de M. Jean-Jacques Robert. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Jean-Jacques Robert.
Suspension et reprise de la séance (p. 19 )
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
4.
Organisme extraparlementaire
(p.
20
).
5.
Rappel au règlement
(p.
21
).
MM. Claude Estier, le président.
6.
Ordonnance relative aux spectacles. -
Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture (p.
22
).
Discussion générale : Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la
communication ; M. Philippe Nachbar, rapporteur de la commission des affaires
culturelles ; Mme Danièle Pourtaud, M. Guy Fischer.
Clôture de la discussion générale.
Article 2. - Adoption (p.
23
)
Article 4 (p.
24
)
Amendement n° 1 de M. Gouteyron. - MM. Adrien Gouteyron, le rapporteur, Mme le
ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 6. - Adoption (p.
25
)
Article 12
(coordination)
(p.
26
)
Amendement n° 2 du Gouvernement. - Mme le ministre, M. le rapporteur. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 12
bis
et 13. - Adoption (p.
27
)
Vote sur l'ensemble (p.
28
)
M. Philippe Arnaud.
Adoption du projet de loi.
7.
Licenciement des salariés de plus de cinquante ans. -
Rejet d'une proposition de loi (p.
29
).
Discussion générale : Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes
et à la formation professionnelle ; M. Louis Souvet, rapporteur de la
commission des affaires sociales.
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
M. Guy Fischer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 30 )
Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Jean-Patrick Courtois. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 2 (p. 31 )
Amendement n° 2 de la commission. - M. le rapporteur. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 3 (p. 32 )
Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, Guy Fischer, Emmanuel
Hamel. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Tous les articles ayant été supprimés, la proposition de loi est rejetée.
8.
Transmission d'un projet de loi et candidatures à une commission spéciale
(p.
33
).
9.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
34
).
10.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
35
).
11.
Dépôt de rapports
(p.
36
).
12.
Ordre du jour
(p.
37
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
HOMMAGE A` MAURICE SCHUMANN
M. le président.
Mes chers collègues, il y a exactement un an, le 9 février 1998, notre
collègue Maurice Schumann nous quittait.
Mais sa présence - qui peut le contester ? - est encore réelle pour nous. Nous
avons tous à l'esprit l'image de ce grand sénateur. L'image de sa fougue, de
ses harangues, de sa silhouette imposante dressée dans l'hémicycle est encore
familière pour nombre d'entre nous.
Nous entendons encore sa voix, qui fut la voix de la France. La voix de
Maurice Schumann, cette voix de liberté qui a marqué un demi-siècle de notre
histoire.
Son action s'appuyait sur une foi profonde. La rigueur de la foi chrétienne
était perceptible dans toutes ses prises de position. Son éloquence
exceptionnelle, son talent oratoire, n'étaient pas au service d'abstractions.
On y sentait une vibration généreuse, le souci exigeant du bien public, le
respect profond de l'être humain.
Homme de culture à la mémoire étonnante, écrivain élu à l'Académie française
et défenseur intransigeant de la culture et de la langue de notre pays, il
demeure un exemple pour nous, pour tous ceux qui partagent « une certaine idée
de la France ».
Le vide béant que le sénateur du Nord laisse ne s'est pas refermé. Bien au
contraire : tout concourt à nous faire regretter celui qui sut si bien incarner
et concilier valeurs gaulliennes et tradition démocrate chrétienne.
Pour honorer sa mémoire, je vous demande, mes chers collègues, de respecter
une minute de silence.
(Mme le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs
se lèvent et observent une minute de silence.)
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Vous me permettrez, monsieur le président, d'associer
le Gouvernement à l'hommage qui vient d'être rendu à Maurice Schumann.
M. le président.
Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de vous associer à l'hommage
rendu à l'un des nôtres. Nous sommes sensibles à votre délicate attention.
(M. Jacques Valade remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
3
QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.
MAJORATION POUR ENFANTS SERVIE
AUX VEUVES CIVILES
M. le président.
La parole est à M. Joly, auteur de la question n° 399, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Bernard Joly.
Compte tenu de l'objet de ma question, je suis ravi, madame le secrétaire
d'Etat, que ce soit vous qui soyez mon interlocutrice.
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en
octobre et novembre dernier, le Gouvernement a trouvé à l'Assemblée nationale
une majorité pour inclure, par voie d'amendement, la majoration pour enfants
dans les avantages personnels de vieillesse, dont le cumul avec une pension de
réversion.
Le Sénat a suivi sa commission des affaires sociales en supprimant cette
disposition, car il estime que ce droit est bien distinct.
J'ai relu les échanges qui ont eu lieu dans les deux assemblées sur cette
question. Il me paraît inutile de rouvrir le débat sur la revalorisation du
montant de l'allocation de veuvage et sur le fait que le fonds national de
l'assurance veuvage est inclus dans le fonds de solidarité vieillesse.
Ce qui me tient à coeur, c'est la reconnaissance d'une réalité.
Comme vous l'avez dit ici même, madame le secrétaire d'Etat, cette majoration
de 10 % n'est pas liée au fait d'avoir encore des enfants à charge ; elle est
liée au fait d'en avoir eu dans le passé. Malgré cela, des veuves ont été
obligées de se pourvoir en cassation. Dans ses arrêts, la chambre sociale de la
Cour de cassation a clairement précisé que la majoration pour enfants
applicable aux pensionnées du régime général constitue un avantage distinct de
la pension elle-même, qui n'a pas à être prise en compte dans la base de calcul
de la limite de cumul autorisé entre un avantage personnel de vieillesse et la
pension de réversion du régime général et qui doit, le cas échéant, s'ajouter
au montant réduit de cette pension, après application des règles de cumul.
Ce n'est pas à la Cour de cassation de faire la législation ! Ce pouvoir
revient au Parlement. Néanmoins, il est établi que la Cour de cassation défend
la volonté du législateur.
J'ai saisi le Médiateur de la République de ce litige. M. Stasi a confirmé la
position de notre collègue Jacques Pelletier et a présenté au Gouvernement une
proposition de réforme, le 12 février 1998, en comité interministériel.
La situation constatée portant atteinte au principe d'égalité, le Médiateur
proposait soit de donner instruction aux caisses régionales d'assurance maladie
d'appliquer d'office et systématiquement le mode de calcul retenu par la Cour
de cassation pour déterminer la limite du cumul, soit de modifier les textes
applicables en la matière, de manière à lever toute ambiguïté sur leur
interprétation.
Malgré la revalorisation intervenue, l'inclusion dans le plafond de la
majoration pour enfants a pour effet de fixer la pension de réversion de la
mère de famille à un montant inférieur à celui qui aurait été attribué si cette
mère de famille n'avait pas eu trois enfants. C'est ce qui ressort de
l'observation de cas concrets.
Pourquoi, en dépit des décisions de la Cour de cassation, de celle du
Médiateur et des situations observées, pourquoi, madame le secrétaire d'Etat,
cet acharnement du pouvoir exécutif à nier que la majoration pour enfants est
bien un droit distinct de la pension elle-même et qu'elle n'a pas à être
comprise dans la base de calcul de la limite de cumul autorisé entre un
avantage personnel de vieillesse et la pension de réversion du régime général ?
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le sénateur, l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale
dispose que le conjoint survivant peut cumuler la pension de réversion avec des
avantages personnels de vieillesse ou d'invalidité dans la limite d'un montant
qui est aujourd'hui un peu supérieur à 5 000 francs.
La question posée, monsieur Joly, est de savoir si le montant des avantages
personnels pris en compte pour appliquer cette limite, supérieure au montant de
la retraite de base de 80 % des retraités, doit ou non comprendre la majoration
de 10 % pour enfants.
Je veux tout d'abord préciser, monsieur le sénateur, que la majoration de 10 %
dont il est question ne concerne pas, comme vous l'avez indiqué, des enfants
encore à charge, pour lesquels le conjoint survivant dispose d'une majoration
particulière de 450 francs par mois, qui n'est soumise, bien entendu, à aucune
limite.
La Caisse nationale d'assurance vieillesse a toujours estimé que la majoration
de 10 % devait être considérée comme un élément de la pension de vieillesse.
Aucun des gouvernements qui se sont succédé depuis 1992 ne l'ont d'ailleurs
démenti.
Du fait des arrêts de la Cour de cassation de 1992 et des multiples
contentieux qui ont été introduits depuis, le Gouvernement a souhaité clarifier
le mode de calcul de la pension de réversion.
La disposition adoptée par le Parlement dans le cadre du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999 est donc conforme à la pratique de
la CNAV et ne modifie en rien les avantages dont bénéficient actuellement les
veuves.
Le Gouvernement, sensible à la situation des veuves, s'est fixé comme priorité
d'améliorer la situation des plus modestes d'entre elles. Permettez-moi,
monsieur Joly, de rappeler brièvement ces mesures.
Il s'agit, tout d'abord, de l'augmentation de 52 % à 54 %, à compter du 1er
juillet 1998, du taux de liquidation de la pension de réversion des veuves de
mineurs. Cette mesure est tout à fait légitime quand on sait que la
quasi-totalité de ces veuves n'ont pas de pension personnelle et sont en
majeure partie non imposables.
Il s'agit ensuite de la revalorisation de 2 %, au 1er janvier 1999, du montant
de la pension minimale de réversion servie par le régime général et les régimes
alignés, dont bénéficieront 600 000 veuves. Je rappelle que la loi de 1993 sur
la revalorisation des retraites prévoyait une revalorisation de l'ordre de 0,6
%.
Il s'agit en outre de la réforme de l'allocation veuvage au travers de la loi
de financement de la sécurité sociale pour 1999, puisque les veuves
bénéficieront, la deuxième année, d'une allocation mensuelle de 3 107 francs,
alors que le montant actuel est de 2 041 francs.
Enfin, la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions prévoit
de favoriser la reprise d'un emploi par les personnes qui viennent d'être
touchées par le décès de leur conjoint, c'est-à-dire d'autoriser le cumul,
pendant un an, de l'allocation de veuvage et des revenus tirés d'une activité,
à hauteur de 100 % pendant les trois premiers mois d'exercice de l'activité et
de 50 % pendant les neuf mois suivants.
Telles sont les mesures que je souhaitais vous rappeler, monsieur le sénateur,
et qui montrent que le Gouvernement se préoccupe de la situation du conjoint
survivant dans notre pays.
M. Bernard Joly.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Madame le secrétaire d'Etat, vous m'avez rappelé les mesures qui ont en effet
été prises en faveur des veuves. Cependant, et c'est ce sur quoi je tenais à
attirer votre attention, un certain nombre de veuves qui ont eu des enfants à
charge sont obligées d'aller jusqu'en cassation pour obtenir satisfaction,
c'est-à-dire pour obtenir un supplément auquel le ministre des finances réserve
un sort particulier, puisque ces 10 % ne sont pas imposables.
Mais toutes les veuves n'ont pas la patience d'aller jusqu'en cassation, et la
plupart abandonnent en cours de route ; seules les plus obstinées vont jusqu'au
bout.
Je n'ose pas penser que les caisses d'assurance maladie comptent là-dessus
pour diminuer le déficit de la sécurité sociale !
Il faut que vous étudiiez ce problème à fond. Il est essentiel, en effet, de
corriger cette injustice flagrante. Ce n'est pas parce que les veuves ne
descendent pas dans la rue et ne saccagent pas tout sur leur passage qu'il ne
faut pas prendre en considération leur demande.
M. Jacques Machet.
Très bien !
APPLICATION DE LA LOI SUR LA VEILLE SANITAIRE
M. le président.
La parole est à M. Descours, auteur de la question n° 414, adressée à M. le
Premier ministre.
M. Charles Descours.
Madame le secrétaire d'Etat, dans quelques minutes va s'ouvrir devant la Cour
de justice de la République le procès de trois anciens ministres, procès dit du
sang contaminé. Et le hasard du calendrier parlementaire fait que ma question,
qui s'adressait à M. le Premier ministre, concerne l'application de la loi
relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité
sanitaire des produits destinés à l'homme, texte qui fut proposé par M. Claude
Huriet et par moi-même, et soutenu par le gouvernement Juppé, puis par le
gouvernement Jospin.
Les décrets d'application ne sont pas encore sortis, mais, depuis que j'ai
déposé ma question, un projet de décret a été soumis au Conseil d'Etat, décret
qui sera signé par dix ministres ou secrétaires d'Etat et par le Premier
ministre.
Or, madame le secrétaire d'Etat, et j'en suis désolé, vous n'êtes pas un des
futurs signataires de ce décret.
Au jour où s'ouvre le procès du sang contaminé, procès qui va mettre en
évidence des dysfonctionnements de l'Etat auxquels le Gouvernement devrait
réfléchir afin qu'ils ne se reproduisent pas dans l'avenir, et même si je ne
doute pas que tous les ministres et secrétaires d'Etat qui signeront ce décret
soient extrêmement pris, je trouve curieux que l'on me fasse répondre par un
secrétaire d'Etat qui ne sera pas signataire dudit décret !
Si ma question s'adressait au Premier ministre, c'est précisément parce que,
comme le projet de décret que j'ai sous les yeux le montre, dix membres du
Gouvernement sont intéressés et qu'il appartient donc au Premier ministre de
jouer un rôle d'arbitre.
Cet arbitrage doit s'exercer en faveur de la sécurité des Français contre les
lobbies
ministériels - je dis bien : les
lobbies
ministériels
!
Aujourd'hui, les décrets d'application de la loi relative au renforcement de
la veille sanitaire, dont la sortie était prévue par la loi du 31 décembre
1997, ne sont pas encore parus et je souhaiterais connaître les raisons de ce
retard.
Je souhaiterais également être rassuré quant à la teneur de ces décrets et
savoir s'ils seront bien le reflet de l'esprit de la loi, car, fort de mon
expérience de parlementaire de quinze ans, je sais bien que le législateur
décide et qu'ensuite les administrations tordent l'esprit dans lequel il a
travaillé quand celui-ci ne leur convient pas. Or, dans un domaine aussi grave,
et aujourd'hui particulièrement, tout cela m'apparaît scandaleux.
Deux questions essentielles, à mes yeux, restent en suspens. Tout d'abord, la
transparence des travaux des agences de sécurité sanitaire sera-t-elle assurée
? Par ailleurs, leur niveau d'expertise sera-t-il suffisant et atteindra-t-il
le niveau d'excellence permettant la reconnaissance européenne et
internationale des avis formulés ?
Je m'inquiète d'autant plus qu'avec un projet de décret de dix-sept pages, je
crains que les administrations ne prennent le pas sur le législateur, ce qui
est contraire à la démocratie.
(Applaudissements sur les travées du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je
voudrais d'abord adresser une remarque à M. Descours avant de lui apporter la
réponse la plus précise possible à sa question.
J'ai bien conscience, monsieur Descours, de vous décevoir... pour la seconde
fois consécutive !
M. Charles Descours.
Cela ne m'avait pas échappé, madame !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Par conséquent, je vous promets de veiller
personnellement à ce que cela ne se reproduise pas une troisième fois et à ce
que, lors de votre prochaine question, le ministre le plus à même de traiter du
sujet en cause soit effectivement là pour vous répondre.
Monsieur Descours, vous avez interrogé M. le Premier ministre sur
l'application de la loi relative au renforcement de la veille sanitaire, l'état
d'avancement des décrets d'application et la montée en puissance des
établissements publics que la loi a créés.
Je puis vous rassurer pleinement sur l'avancement des travaux.
Vous l'avez vous-même rappelé, une première série de textes réglementaires,
dont l'examen par le Conseil d'Etat est terminé, doit paraître au
Journal
officiel
dans les tout prochains jours.
Il s'agit du décret portant sur l'organisation de l'Institut de veille
sanitaire et du décret relatif à l'Agence française de sécurité sanitaire des
produits de santé. Il s'agit également du décret de transfert de compétences à
l'Agence des produits de santé concernant les médicaments à usage humain, du
décret concernant les dispositifs médicaux, du décret de transfert de
compétences à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments concernant
les médicaments vétérinaires, du décret modifiant le décret de 1994 relatif à
l'Etablissement français des greffes. Il s'agit enfin des dispositions
réglementaires relatives au service public de la transfusion sanguine et à
l'hémovigilance, à la suite de la rédéfinition des missions de l'Agence
française du sang voulue par le législateur.
Le décret d'organisation de l'Agence française de sécurité sanitaire des
aliments a été transmis au Conseil d'Etat et devrait être publié rapidement. Il
en est de même pour le décret relatif aux substances vénéneuses et aux
médicaments stupéfiants, qui organise l'évaluation de la pharmacodépendance.
D'autres textes sont en cours de concertation ou en cours de finalisation. Ils
devraient être publiés d'ici à trois mois.
Il s'agit d'abord du décret relatif au dispositif de vigilance et à
l'organisation de la lutte contre les infections nosocomiales dans les
établissements de santé, ensuite du décret définissant la liste des maladies à
déclaration obligatoire et les modalités de transmission des données les
concernant et du décret relatif aux produits cosmétiques. Il s'agit également
du décret portant sur les dispositifs médicaux présentant ou susceptibles de
présenter un risque sanitaire particulier, dont vous avez souhaité un
encadrement renforcé par rapport aux exigences européennes, et du décret
relatif à la déclaration des établissements de fabrication, de distribution ou
d'importation des dispositifs médicaux.
D'autres textes réglementaires prévus par la loi sont en préparation.
Je pense, par exemple, à ceux qui traitent des matières premières à usage
pharmaceutique ou des aliments diététiques destinés à des fins médicales
spéciales. Ils nécessiteront une concertation approfondie avec les autres Etats
membres de l'Union européenne, puisqu'ils coïncident avec la réflexion et les
projets de directive européenne portant sur ces mêmes thèmes.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, le travail réglementaire est considérable
et il est bien avancé.
M. Charles Descours.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Madame le secrétaire d'Etat, voilà huit ans au moins que la commission des
affaires sociales du Sénat se préoccupe de la sécurité sanitaire des
Français.
Sous tous les gouvernements, elle a essayé d'attirer l'attention sur le fait
que les agences que nous créons doivent être scientifiquement irréprochables et
donc indépendantes. Or, l'administration de certains ministères s'y est opposée
depuis le début et continue à s'y opposer.
Ainsi, le projet de décret concernant l'Agence française de sécurité sanitaire
des aliments comporte une faiblesse notoire quant à l'expertise : au niveau des
missions du directeur de l'agence, il n'y a pas de séparation entre
l'évaluation et la gestion. Voilà qui risque malheureusement de donner lieu à
d'autres procès du type de celui du sang contaminé.
M. Gérard Larcher.
Très bien !
IMPORTATION ET DISTRIBUTION DE MÉDICAMENTS
M. le président.
La parole est à M. Fournier, auteur de la question n° 397, adressée à M. le
ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Bernard Fournier.
Ma question est relative aux importations parallèles de médicaments.
La directive européenne n° 92/25 du 31 mars 1992 a défini un cadre général
dans lequel doit s'exercer l'activité de distribution en gros des médicaments à
usage humain.
Le décret n° 98-79 du 11 février 1998 effectuant la transposition de ce texte
en droit interne semble beaucoup plus restrictif dans la détermination des
activités visées et, par conséquent, conduit à de sérieuses difficultés
d'importations parallèles de produits pharmaceutiques par un établissement
autorisé et indépendant des fabricants.
Dès lors que l'identité des spécialités à importer est établie, le bénéfice de
l'autorisation de mise sur le marché, l'AMM, délivrée au fabricant ou à son
représentant devrait être accordé à l'importateur ; or il semble que la
pratique française soit quelque peu différente et que la Commission européenne
puisse être amenée à se prononcer, dans les mois qui viennent, sur les
restrictions apportées par la France à l'application de cette directive.
Les articles 30 et 36 du traité de Rome instituaient la libre circulation des
marchandises entre les Etats membres. Ces articles trouvent notamment leur
application s'agissant du commerce des médicaments.
Les écarts de prix au sein de l'Union, pour un même produit, varient parfois
dans une proportion allant de 20 % à 50 %. Les importations parallèles
permettent donc, tout à fait légalement, de se procurer des médicaments à
moindre coût, c'est-à-dire, finalement, d'influer de manière considérable sur
les dépenses de santé. Les économies potentielles sont importantes : de l'ordre
de 6 % des dépenses de santé selon certaines sources.
Des entreprises créatrices d'emplois se voient actuellement mises en danger
par le blocage qu'opposent les autorités françaises à l'application d'un texte
européen, tandis que la jurisprudence, tant du Conseil d'Etat que de la Cour de
justice des Communautés européennes, est claire et rigoureuse quant à
l'applicabilité d'une directive par les Etats membres.
Je vous remercie donc, madame le secrétaire d'Etat, de bien vouloir m'indiquer
quels motifs ont fondé le Gouvernement à interpréter de la sorte la directive
92/25 et, ainsi, à ne pas en réaliser la transposition intégrale.
Vous m'indiquerez peut-être également si la France sera amenée à effectuer une
nouvelle lecture de ce texte afin de l'appliquer plus exactement et de
permettre ainsi indirectement la baisse des dépenses de santé.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le sénateur, le décret du 11 février 1998 détermine les modalités
selon lequelles les établissements pharmaceutiques peuvent bénéficier d'une
autorisation d'ouverture ainsi que les obligations qui leur incombent. Ce texte
transpose plusieurs directives, notamment la directive du 31 mars 1992 relative
à la distribution en gros de médicaments. Ni cette directive ni le décret du 11
février 1998 n'ont pour objet de fixer les modalités selon lesquelles les
médicaments peuvent être importés en France.
Ces modalités sont déterminées par l'article 17 de la loi du 31 décembre 1992
relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation, selon
lequel l'importation de médicaments est subordonnée à l'obtention d'une
autorisation délivrée par l'Agence du médicament, l'autorisation de mise sur le
marché délivrée par cette même agence valant autorisation d'importation. Ces
dispositions sont prises en application de l'article 36 du traité de Rome, qui
permet aux Etats membres d'imposer des restrictions aux échanges
intracommunautaires justifiées par des raisons tenant, notamment, à la
protection de la santé.
Concernant l'importation dite « parallèle », c'est-à-dire l'importation dans
un Etat membre de médicaments pourvus d'une autorisation de mise sur le marché
dans un autre Etat membre et similaires à des médicaments bénéficiant d'une
autorisation de mise sur le marché dans l'Etat d'importation, je vous rappelle
que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes nous
indique que l'importation de ces médicaments doit être accordée lorsque sont
remplies deux conditions.
Tout d'abord, l'importateur doit fournir un dossier permettant d'établir que
les spécialités à importer sont bien similaires aux spécialités ayant obtenu
l'autorisation de mise sur le marché dans l'Etat d'importation.
Ensuite, les spécialités à importer et les spécialités ayant obtenu une
autorisation de mise sur le marché dans l'Etat d'importation doivent être
fabriquées par des entreprises ayant un lien juridique de nature à garantir
qu'elles ont une origine communautaire.
En ce qui concerne les importations parallèles, un projet de décret est en
cours d'élaboration ; il sera soumis à concertation. C'est sur la base de ce
décret que les autorisations d'importations parallèles pourront être
délivrées.
M. Bernard Fournier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier.
Madame le secrétaire d'Etat, sans être totalement convaincu par les arguments
que vous avez développés, je vous remercie de la précision de la réponse que
vous avez bien voulu m'apporter.
AMÉNAGEMENT DE LA NATIONALE 10
ENTRE RAMBOUILLET, LE BEL-AIR ET ABLIS
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher, auteur de la question n° 361, adressée à M.
le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Gérard Larcher.
Monsieur le ministre, j'ai souhaité attirer votre attention sur l'échéancier
de réalisation des travaux d'élargissement de la route nationale 10, prévue à
deux fois deux voies, entre Rambouillet, Le Bel-Air et Ablis, et de la
protection phonique sur cette même route dans la traversée de la ville de
Rambouillet, notamment dans sa partie très urbanisée.
Le contrat de plan en cours a inscrit la réalisation de l'aménagement à deux
fois deux voies de ce tronçon ; l'utilité publique a été décrétée le 25 août
1998 et les procédures d'acquisition ont été engagées.
La réalisation doit donc être amorcée dans les meilleurs délais, la
dangerosité de cette voie nationale n'étant malheureusement plus à
démontrer.
Par ailleurs, le niveau de nuisance phonique engendrée par la circulation
automobile sur cette route nationale, qui voit passer plus de 25 000 véhicules
par jour dans sa traversée de la zone agglomérée de la ville de Rambouillet,
dépasse le niveau tolérable selon les critères retenus par les experts, puisque
les parties les plus exposées supportent des niveaux sonores cumulés de 75
décibels.
La ville de Rambouillet a engagé en 1994 un programme de protection qui, selon
un schéma de répartition arrêté conjointement avec les services de l'équipement
et le conseil régional, sera pour sa part achevé en 2002.
En conséquence, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître l'échéancier
des travaux réservés à l'Etat, notamment dans le secteur le plus sensible de la
ville, Les Fontaines - Le Bel-Air.
Enfin, par un courrier complémentaire, monsieur le ministre, je vous ai
interrogé pour connaître les perspectives, dans le prochain contrat de plan, de
la mise à deux fois deux voies du tronçon Rambouillet-Le Moulinet -
Rambouillet-Le Bel-Air, partie urbanisée, et sur notre proposition, qui est à
l'étude dans vos services, de la mise en place, dans l'attente de cette
réalisation, d'un séparateur central en béton.
Même si vous ne pouvez me répondre aujourd'hui, je voulais attirer votre
attention sur ce tronçon, le caractère mortifère vient encore de se manifester
d'une manière dramatique.
Voilà, monsieur le ministre, des préoccupations sans doute locales mais dont
vous connaissez l'importance en raison du trafic de cette voie nationale, qui,
en outre, assure la liaison entre la région d'Ile-de-France et la région
Centre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, comme vous l'avez rappelé, l'élargissement à deux fois deux voies de
la route nationale 10 entre Rambouillet et Ablis a été déclaré d'utilité
publique le 25 août 1998.
Pour ces travaux, 60 millions de francs avaient été inscrits à l'actuel
contrat de plan entre l'Etat et la région, et je proposerai l'inscription au
prochain contrat de la totalité des crédits nécessaires à leur achèvement.
Les procédures administratives relatives à l'acquisition des terrains ont
commencé. L'ensemble de ceux-ci devrait être acquis au cours de cette année.
Il est prévu que les travaux pour la réalisation des voiries indispensables au
rétablissement des dessertes et communications débutent à la fin de cette
année. Les travaux de construction des ouvrages d'art suivront en 2000, puis
les travaux de terrassement et d'assainissement interviendront.
Les chaussées et les équipements de sécurité devraient être réalisés en 2001,
ce qui permettrait d'envisager une mise en service au début de l'année 2002.
Comme vous l'avez rappelé également, monsieur le sénateur, le programme
relatif aux protections phoniques le long de la RN 10 à Rambouillet comprend
des écrans à l'est, qui seront réalisés par la commune avec l'aide de la
région.
Il comporte également des protections à l'ouest, qui seront cofinancées par
l'Etat et la région sur une longueur de 2 100 mètres, dont 1 600 mètres feront
l'objet d'une première phase et 500 mètres seront réalisés lors de la mise
ultérieure à deux fois deux voies de cette route.
L'échéancier de la première phase de cette partie ouest prévoit une enquête
publique au printemps 1999, ce qui permettra un commencement des travaux au
début 2000. Le coût total de cette première phase est estimé à 20 millions de
francs.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments aussi précis que possible que je
suis en mesure de vous communiquer sur ce sujet.
Quant au problème soulevé dans votre question complémentaire, je vais le
mettre à l'étude. Mais soyez assuré de ma volonté de faire progresser la
sécurité routière et de traiter les difficultés liées aux infrastructures.
M. Gérard Larcher.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher.
Monsieur le ministre, je vous remercie de la précision que vous venez de me
donner concernant l'échéancier ; je souhaite qu'il soit tenu.
En effet, le dossier d'aménagement de la RN 10 date de plus de vingt-cinq ans.
Aujourd'hui, nous avons obtenu sans difficulté particulière - ce qui est rare
en région d'Ile-de-France - l'accord de l'ensemble des collectivités
concernées. C'est dire combien son caractère d'urgence, en termes de sécurité
routière, est reconnu par tous. Chacun des villages ou des villes traversés a
eu à déplorer des drames tout au long de ces années.
J'ai pris note également de la volonté de mettre en place la protection
phonique, qui participe de façon essentielle à la qualité de la vie au
quotidien des riverains, ce qui ne peut nous laisser insensibles, d'autant que
ce sont souvent les logements les plus modestes qui se trouvent le long de ces
axes.
Je vous ferai parvenir à nouveau un dossier portant sur le tronçon
Rambouillet-Le Moulinet - Rambouillet-Le Bel-Air, afin que vous m'adressiez une
réponse dans les délais les plus brefs.
LIAISONS TRANSALPINES
POUR LES VOYAGEURS ET LES MARCHANDISES
M. le président.
La parole est à M. Barnier, auteur de la question n° 400, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Michel Barnier.
Monsieur le président, je voudrais d'abord remercier M. Gayssot d'être présent
pour répondre en personne à une question qui préoccupe un grand nombre d'élus
et de citoyens de cette grande région qu'est la région Rhône-Alpes.
M. Charles Descours.
Il faut effectivement le relever !
M. Michel Barnier.
Je suis sûr, monsieur le ministre, de me faire l'interprète non seulement des
élus du département de la Savoie, que je représente ici, notamment du conseil
général, mais aussi de nombreux élus rhône-alpins. Je sais que mon collègue
Charles Descours, élu du Dauphiné, partage mon sentiment, de même que le député
Michel Bouvard, qui s'est exprimé sur le même sujet voilà quelques jours à
l'Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, nous avons besoin de savoir la vérité. Nous avons besoin
de savoir quelle est exactement la position du gouvernement auquel vous
appartenez sur la liaison, en ce qui concerne tant les voyageurs que les
marchandises, entre la France et l'Italie.
Je vous pose cette question avec gravité parce que nous doutons de la volonté
politique du Gouvernement. Au demeurant, ce doute, nous ne le nourrissons pas à
propos de toutes les liaisons trans-européennes ; nous avons pu en effet
apprécier votre engagement personnel dans l'aboutissement du TGV Est. On me dit
que vous allez maintenant faire porter votre effort sur le TGV Rhin-Rhône.
Je me demande donc si le fait que la volonté politique se manifeste ici et là
mais semble faire défaut lorsqu'il s'agit de notre région ne traduit pas, au
fond, la meilleure écoute dont bénéficieraient, au sein du Gouvernement, les
ministres originaires d'Alsace et de Franche-Comté par rapport à ceux qui
viennent de la région Rhône-Alpes. Et, croyez-le bien, je dis cela sans
arrière-pensée.
Ce n'est pas, monsieur le ministre, la dernière fois que nous vous saisirons
de ce sujet : ma question d'aujourd'hui n'est que la première étape d'une
longue série d'interpellations que nous allons lancer dans l'ensemble de la
région Rhône-Alpes, afin de savoir ce que vous pensez exactement de la liaison
France-Italie.
En même temps que nous observons cette volonté politique sélective, et
défaillante en ce qui nous concerne, nous regardons ce qui se passe autour de
nous.
A l'occasion d'un récent référendum, les citoyens de la Confédération
helvétique ont donné un feu vert financier pour les tunnels ferroviaires
transalpins du Saint-Gothard et du Loetschderg, par lesquels sera acheminée une
grande partie des camions vers l'Italie. Cette décision populaire, encouragée
par le Gouvernement de la Confédération helvétique, illustre une volonté
politique, celle qui, précisément, semble faire défaut dans notre pays.
Nous avons également lu le rapport Brossier, qui nous a été présenté par votre
administration comme un simple rapport technique. Certaines de ses conclusions
sont mises en oeuvre. Ainsi, en particulier, la SNCF est chargée d'examiner,
parmi d'autres hypothèses, le renforcement de la ligne existante, pour le fret,
qui conduit d'Ambérieu à l'Italie en passant, après avoir longé le lac du
Bourget, en plein coeur des agglomérations d'Aix-les-Bains et de Chambéry.
Permettez-moi de vous dire solennellement aujourd'hui que cette hypothèse qui
consisterait, à moyen terme, à créer une troisième voie est totalement
inacceptable pour les élus savoyards, alors même qu'ils agissent, comme j'ai eu
l'occasion de vous le dire, pour la reconquête de la dimension naturelle du
plus grand lac français : le lac du Bourget.
Nous nous interrogeons enfin, monsieur le ministre, s'agissant de la liaison
TGV voyageurs, sur l'hypothèse d'un phasage des travaux - est-ce, d'ailleurs,
un phasage ou un « saucissonnage » ? - qui conduirait, dans une première étape,
jusqu'à Lépin-le-Lac. Cette solution, mentionnée dans votre décision du 18
septembre 1998, avait été unanimement rejetée lors de la consultation du début
de l'année 1998.
Je connais, monsieur le ministre, votre objectivité et votre souci de régler
les problèmes ; vous les avez démontrés dans d'autres circonstances. Nous
sommes inquiets, je vous le dis sincèrement. Nous voulons savoir si le
gouvernement auquel vous appartenez a, oui ou non, la volonté de faire avancer
le dossier de cette liaison France-Italie, en donnant une priorité au fret.
Si gouverner c'est bien prévoir, vous êtes obligé de prévoir, tout comme nous,
que, dans quelques années, la situation sera insupportable en raison de la
densité du trafic de camions, aussi bien dans la vallée de Chamonix, en
Haute-Savoie, que dans la vallée de la Maurienne, et, plus en aval, dans toutes
les régions qui conduisent à ces deux vallées. Il nous faut prévoir qu'une
partie de ces camions en transit vers l'Italie sera mise sur des trains.
Pour cela, il faut qu'une décision stratégique soit arrêtée conformément aux
engagements qui avaient été pris lors du lancement des grands travaux européens
de communication et lors du sommet franco-italien de septembre 1997, réunissant
notamment le Premier ministre italien, le Président de la République française
et le Premier ministre du gouvernement auquel vous appartenez. Ces engagements,
pour l'heure, ne nous paraissent pas être suivis d'effets.
(Applaudissements
sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, permettez-moi d'abord de réagir à la première partie de votre
intervention, qui était relative au TGV Est européen ; j'insiste d'ailleurs sur
cette dernière dénomination, car cette liaison ferroviaire nous met en relation
avec l'Allemagne.
Vous avez laissé entendre que l'écoute du Gouvernement serait sélective en
fonction des régions d'où tel et tel ministres sont originaires.
M. Michel Barnier.
Nous comptons tout de même deux ministres !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, je n'accepte pas de tels propos, d'une part parce qu'ils sont
infondés, d'autre part parce qu'ils sont désobligeants à l'égard de tous les
élus d'Alsace, de Lorraine, de Champagne-Ardenne ou d'Ile-de-France qui, avec
moi, se sont mobilisés pour faire aboutir ce projet. C'est grâce à cette
convergence que nous avons pu réaliser le bouclage financier.
La vérité, c'est que toutes les promesses faites depuis plus de quinze ans,
nous les tenons aujourd'hui, et cela est à porter à l'actif du gouvernement
auquel j'ai l'honneur d'appartenir.
J'en viens maintenant à l'objet même de votre question. Dans le cadre d'une
interrogation générale, tout à fait justifiée, sur le devenir du projet de
liaison ferroviaire transalpine, vous rejetez deux hypothèses qui vous
paraissent inacceptables.
En premier lieu, vous rejetez l'idée d'un renforcement des capacités de la
ligne existante entre Ambérieu et Modane, notamment au droit d'Aix-les-Bains et
de Chambéry. Je me dois de préciser que ce renforcement de capacités n'est en
rien une alternative aux percées alpines. Il consiste, dans l'attente notamment
de l'achèvement du tunnel de base, à se doter des moyens d'acheminer, sans
perdre de temps, plus de trafic par la voie ferroviaire. C'est le bon sens qui
nous conduit à envisager cette solution, y compris pour les raisons que vous
avez vous-même avancées, monsieur le sénateur.
Vous le savez, quelles que soient la teneur du processus d'étude et l'énergie
consacrée aux traversées alpines, le délai de réalisation sera long. Cela tient
à des considérations et impératifs techniques, qui s'imposeraient à tout
gouvernement. Cela étant, il convient, d'ici là, de tout faire pour limiter la
progression du trafic routier dans les traversées alpines. Je crois avoir
compris que vous partagiez cette préoccupation, monsieur le sénateur.
En revanche, je n'ai pas compris ce que vous proposiez concrètement pour
permettre l'absorption d'un accroissement du trafic ferroviaire dans l'attente
de la réalisation des percées alpines.
La deuxième hypothèse qui ne trouve pas grâce à vos yeux est celle du phasage
des travaux à proximité Lépin-le-Lac.
Cela me donne l'occasion de bien préciser - et cela semble nécessaire - le
contenu de la décision du 18 septembre 1998. J'ai décidé du tracé définitif
entre Satolas et Lépin-le-Lac et demandé des études complémentaires pour
l'entrée à Chambéry depuis Lépin-le-Lac.
A ce stade, il n'est nullement possible de dire si la première phase
correspondra à Satolas - Lépin-le-Lac ou à Satolas-Chambéry. C'est justement
l'objet des études complémentaires de nous éclairer sur le caractère
opérationnel et sur la consistance de cette première phase.
Bien entendu, quelle que soit la solution retenue, comme pour la traversée de
Chambéry par les circulations de fret, les questions d'insertion dans
l'environnement devront être traitées avec une attention toute particulière.
Sur un plan plus général, rappelons que les gouvernements français et italiens
ont confirmé - vous l'avez souligné - en 1997, à Chambéry, leur ambition de
transférer sur le fer une part croissante du trafic transalpin de fret.
Lorsque j'ai été amené à me prononcer sur cette question des liaisons à grande
vitesse à travers les Alpes et les Pyrénées, j'ai bien précisé, dès le départ,
qu'il s'agissait non seulement du trafic voyageurs mais également du trafic de
fret.
Cette volonté a d'ailleurs été réaffirmée lors du sommet de Florence, en
présence de M. le Président de la République, de M. le Premier ministre et de
plusieurs membres du Gouvernement, dont moi-même, en octobre dernier. J'ai pu
vérifier que telle était aussi la volonté de mon homologue italien, M. Treu.
En 1997, il a été décidé d'engager, sur la section internationale, un
programme d'études bien plus important, devant s'étaler sur trois ans. C'est
donc en l'an 2000 que les décisions seront prises, en fonction des résultats de
ce programme d'études.
Le fait que la Suisse ait franchi une nouvelle étape dans la réalisation de
son développement ferroviaire ne remet nullement en cause le processus en
cours, qui se poursuit conformément aux objectifs fixés. A ce propos, je puis
vous indiquer que nous travaillons activement, avec nos amis suisses, pour
développer les liaisons et la coopération ferroviaire entre la France et la
Suisse.
M. Michel Barnier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Barnier.
M. Michel Barnier.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos explications.
Pour éviter tout malentendu, je précise que je n'ai nullement voulu manquer de
correction à l'égard des élus d'Alsace et du grand Est. Au contraire, j'ai
rendu hommage à leur mobilisation et à leur efficacité, soulignant l'écoute
qu'ils avaient su trouver au sein du Gouvernement. J'ai seulement exprimé le
voeu qu'il en aille de même pour les élus rhônalpins, ce dont je ne suis, hélas
! pas sûr.
Vous venez de nous dire, monsieur le ministre, que ce qu'ont décidé les
Suisses ne changeait rien. Ce n'est pas tout à fait l'avis de la SNCF, nous le
savons, car c'est un sujet que nous suivons attentivement, nous aussi !
A la SNCF, semble-t-il, on considère que la décision suisse pourrait rendre
notre tunnel moins rentable, ce qui conduirait éventuellement à le remettre en
cause. Voilà pourquoi nous nous exprimons ici, monsieur le ministre ! Sinon, à
quoi servirions-nous ?
La priorité doit être donnée au fret. Je pensais d'ailleurs, sur ce sujet-là,
obtenir une réponse plus positive de votre part, vous sachant très attaché aux
liaisons ferroviaires.
Au-delà de l'affichage et des discours, le fret est la dimension prioritaire
de ce projet, et cela pour deux raisons principales.
Tout d'abord, il faut que notre pays et, en particulier, la région Rhône-Alpes
puissent bénéficier des échanges économiques attendus de cette liaison
transalpine, au lieu d'observer, dans l'avenir, de manière passive, les
résultats des initiatives prises par d'autres. Il s'agit d'une véritable
bataille économique de positionnement des échanges au sein de l'Europe des
années 2020, et la France ne peut pas perdre cette bataille.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je suis d'accord
avec vous !
M. Michel Barnier.
Ensuite, il faut soulager nos vallées. Ne sous-estimez pas l'inquiétude et
même la colère liées aux nuisances qui vont s'accroître dans les vallées
alpines : la vallée de l'Arve et la vallée de la Maurienne.
Le trafic des marchandises augmente, contrairement à ce que disent vos alliés
de la majorité plurielle. Dans une déclaration tout à fait étonnante que je
tiens à votre disposition, les Verts prétendent que le trafic diminue. Or,
selon les chiffres dont je dispose - vous pourrez d'ailleurs les communiquer à
votre collègue de l'environnement et à ses amis - ce sont plus de 10 millions
de tonnes de marchandises qui passent chaque année par la gare de Modane, et ce
trafic connaît une progression régulière, à tel point que la ligne devrait
atteindre la saturation entre 2005 et 2010, malgré les investissements prévus.
Quant au trafic des poids lourds sous le tunnel du Fréjus, il a atteint le
chiffre record de 780 000 véhicules en 1998, ce qui a représenté une nouvelle
hausse de plus de 2 % en un an.
Comment, devant de tels faits, ne serions-nous pas déterminés ?
Je suis heureux que Mme Voynet nous rejoigne puisque je viens de parler
d'elle.
J'en profiterai, si vous le permettez, monsieur le président, pour ouvrir une
toute petite parenthèse et dire, à titre personnel, à Mme la ministre de
l'environnement...
M. le président.
Monsieur Barnier, c'est certainement très intéressant, mais il y a, malgré
tout, un horaire à respecter.
M. Michel Barnier.
Je respecterai l'horaire, monsieur le président, mais je tiens, en tant
qu'ancien ministre de l'environnement, à lui dire publiquement ma solidarité
après l'agression que son ministère a subie hier.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire.
Merci,
monsieur le sénateu !
M. Michel Barnier.
Il s'agit d'un acte inadmissible au regard du fonctionnement normal de la
République.
(Applaudissements sur les travées socialistes et du RPR.)
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre première réponse. A l'occasion
de la poursuite de ce dialogue, nous vous demanderons de maintenir cette
volonté politique que nous attendons de votre part et qui devrait vous
conduire, en liaison avec le gouvernement italien, à l'élaboration d'un futur
traité franco-italien concrétisant ce projet. Nous sommes très inquiets.
Cette question se voulait constructive. Elle a été posée avec détermination
pour que les étapes soient effectivement franchies en temps voulu et que cette
liaison France-Italie donnant priorité au fret soit bien, selon nos voeux,
réalisée.
SERVICE PUBLIC FERROVIAIRE EN VAL-D'OISE
M. le président.
La parole est à Mme Olin, auteur de la question n° 406, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mme Nelly Olin.
Je souhaite, monsieur le ministre, attirer votre attention sur la situation
que connaissent les usagers, notamment ceux du Val-d'Oise, se rendant à Paris
par les gares du Nord et de Saint-Lazare : nombreux retards de trains au départ
et à l'arrivée, changements de voies annoncées à la dernière minute par des
haut-parleurs souvent nasillards et sans puissance, arrêts prolongés dans
certaines gares du trajet, explications insuffisantes données tardivement et
qui laissent le voyageur dans l'expectative, voire l'inquiétude, demandes de
changement de train impromptus en cours de parcours créant couramment des
affolements et des descentes de passagers sur les voies.
Permettez-moi de vous faire remarquer que, lorsque la semaine des usagers
n'est pas émaillée d'interruptions de trafic dues à des mouvements sociaux,
elle l'est par des retards souvent très importants dus à ce que les
haut-parleurs qualifient d'« incidents techniques ».
Je profite, monsieur le ministre, de cette question pour attirer également
votre attention sur l'état inadmissible des banquettes et sur le caractère
irresponsable de la remise en circulation de wagons sans vitres.
Permettez-moi, enfin, de vous faire observer que la lutte contre l'insécurité
dans les transports en commun doit prendre en compte tous ces éléments. Ils
constituent le témoin évident d'une désorganisation et d'un laxisme ambiant
grandissant qui offrent un cadre idéal pour le déferlement de la violence. Nous
en avons eu encore récemment un exemple puisque, hier, à vingt-deux heures, en
gare d'Argenteuil, un train a été incendié sans, fort heureusement, qu'aucun
blessé ne soit à déplorer.
Je vous demande donc quelles mesures et quels moyens vous entendez mettre en
oeuvre pour faire cesser cette dégradation du service public et assurer aux
voyageurs des conditions de transport décentes et respectueuses de leurs
deniers.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, dans les transports et du logement.
Madame la
sénatrice, la régularité des trains et la sécurité dans les transports
collectifs sont essentiels pour que les usagers accèdent à la qualité du
service public à laquelle ils ont droit et pour que les transports collectifs
deviennent attractifs, garantissant ainsi de meilleures conditions de
circulation dans toutes nos agglomérations.
Il s'agit donc d'un enjeu très important pour les pouvoirs publics et pour la
SNCF, qui a d'ailleurs la responsabilité d'assurer au mieux les missions de
service public dans le cadre de l'autonomie de gestion qui lui est conférée par
la loi. Je suppose, madame la sénatrice, que vous ne souhaitez pas que le
Gouvernement administre la France...
L'analyse des causes de retard dont la SNCF m'a fait part laisse apparaître
une grande diversité. A des dysfonctionnements, qui relèvent de problèmes
d'exploitation, de matériel roulant ou d'installations fixes, viennent
s'ajouter les perturbations dues aux mouvements sociaux, ainsi qu'à des actes
de malveillance - qui se situent sur un autre plan - qu'il s'agisse de signaux
d'alarme tirés sans justification, de blocages des portes ou de vandalisme. Il
faut également signaler d'autres événements externes, tels que les suicides,
les accidents de personnes ou les incendies.
Les actions conduites pour lutter contre les dysfonctionnements internes ont
notamment pour objet de veiller au bon état du matériel roulant et des
installations fixes, afin de réduire au minimum les risques de pannes tout en
supprimant les points faibles des infrastructures grâce à une programmation des
investissements de capacité.
A ces aspects matériels s'ajoute une sensibilisation du personnel aux
impératifs de la qualité de service. Cette action est actuellement engagée. Des
instructions ont été données en ce sens aux agents en contact avec le public
pour donner une information rapide et vérifiée aux voyageurs et aux usagers sur
les incidents qui surviennent et sur les moyens de substitution qui leur sont
éventuellement offerts.
D'autres actions sont, bien sûr, conduites pour lutter contre les
dysfonctionnements externes à l'entreprise. Je pense en particulier aux actes
de malveillance, qui, de janvier à novembre 1998, sur la ligne D du RER, ont
été à l'origine du tiers environ des événements ayant entraîné des retards.
Pour juguler ce phénomène, plusieurs mesures, qui contribuent aussi à
renforcer la sécurité, tant des agents que des voyageurs - que je me refuse à
dissocier - ont été décidées. Il s'agit en particulier de la réhumanisation des
gares et des trains grâce à du personnel supplémentaire - 1 300 personnes en
deux ans - ce qui permettra l'accompagnement systématique des trains de soirée
dans les secteurs sensibles ; à des recrutements d'emplois-jeunes pour aider à
la lutte contre les actes de malveillance et, à un renforcement du partenariat
entre les forces de police et la surveillance générale de la SNCF, dont les
effectifs seront augmentés.
Du fait du raccourcissement des trains de soirée, le taux d'occupation des
voitures sera amélioré, puisqu'il est clair que la très faible fréquentation
constitue un élément encore plus propice à des actes de malveillance. Ce
facteur supplémentaire de sécurisation est également à l'étude.
Vous le savez, les agressions dont ont été victimes les agents de la SNCF et
de la RATP ont suscité une vive et légitime émotion, encore perceptible
aujourd'hui, chez les personnels.
D'autres dispositions ont donc été prises pour lutter contre l'insécurité dans
les transports et pour apporter notre soutien aux agents qui exercent une
mission de service public dans des conditions souvent difficiles.
La question de l'amélioration des conditions et de la qualité du dialogue
social, lequel s'était dégradé, il faut le reconnaître, au sein de l'entreprise
publique SNCF, souvent en raison des politiques antérieures de réduction
massive des capacités ferroviaires et des effectifs, fait maintenant l'objet de
la plus grande attention de la part du Gouvernement comme de la direction de la
SNCF et de la RATP. La grève traduisant souvent l'échec du dialogue social, le
Gouvernement travaille à créer en amont les meilleures conditions de ce
dialogue.
Si le problème des retards est un sujet incontestablement difficile, je peux
toutefois vous assurer que le Gouvernement et moi-même agissons avec une grande
détermination pour contribuer à améliorer la situation.
Mme Nelly Olin.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin.
Monsieur le ministre, je vous remercie de toutes ces précisions, dont je ferai
part aux Valdoisiens.
Il est évident que je m'associe également à la légitime émotion que suscitent
toutes les agressions commises contre des personnes qui assurent un service
public dans des conditions fort difficiles.
SITUATION DU CEVA,
CENTRE D'ETUDES ET DE VALORISATION DES ALGUES
M. le président.
La parole est à M. Trémel, auteur de la question n° 408, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Pierre-Yvon Trémel.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la situation du Centre
d'études et de valorisation des algues, le CEVA, implanté à Pleubian, dans le
département des Côtes-d'Armor.
Créé en 1986, le CEVA a pour objet de favoriser le développement de la filière
« algue » par la recherche appliquée et par le transfert de technologies.
Depuis l'origine, la société est soutenue par l'Etat, par l'Institut français
de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER, par le conseil régional
de Bretagne et par le conseil général des Côtes-d'Armor.
Cependant, ces dernières années, la question des relations avec l'Etat se pose
de façon récurrente. Le CEVA doit en effet déplorer la difficulté à disposer
d'un interlocuteur s'exprimant au nom de l'Etat et le non-respect des
engagements pris au titre de l'actuel contrat de plan ; il faut savoir qu'il
manque 2 267 000 francs sur les 4,5 millions qui ont été contractualisés : 836
000 francs étaient attendus en 1998 et 1 431 000 francs en 1999.
Le troisième contrat de plan Etat-région arrive bientôt à échéance. Cela
conduit à s'interroger, à court terme, sur l'identité du payeur des sommes
contractualisées, comme sur le calendrier de paiement de ces sommes et, à moyen
terme, sur le maintien, à l'issue de ce plan, du soutien financier aux missions
de service public actuellement accomplies par le CEVA.
Concernant le CEVA, le contrat de plan Etat-région passait par le Fonds d'aide
à la recherche et à l'innovation, le FARI. Or celui-ci a été transféré - avant
d'être supprimé - à la direction de la recherche et des affaires scientifiques
du ministère de l'équipement, des transports et du logement.
Dès lors, je souhaite, d'une part, savoir à quel interlocuteur le CEVA peut
s'adresser au niveau de l'Etat pour les problèmes actuels et pour la
préparation du XIIe Plan. Je souhaite, d'autre part, savoir quand l'Etat compte
honorer les engagements financiers pris à l'égard du CEVA au titre de l'actuel
contrat de plan. En effet, le retard dans les paiements met en grave péril Ce
centre d'études et de valorisation des algues. Plus largement, c'est l'avenir
de la filière algue qui est en cause.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, en application du troisième contrat de Plan entre l'Etat et la région
Bretagne, le Centre d'études et de valorisation des algues, le CEVA, a
notamment perçu, de 1994 à 1998, 2 232 988 francs en dotations directes de
l'Etat et 2 400 000 francs de l'Institut français de recherches pour
l'exploitation de la mer, l'IFREMER.
Il convient de souligner que cette aide a, de surcroît, servi de support, avec
le concours des collectivités territoriales, au financement de 4 millions de
francs au titre des fonds structurels européens.
A la suite de la réorganisation de l'administration dans le domaine de la mer
intervenue en 1996, le ministère de l'équipement, des transports et du logement
a pris le relais de la mission interministérielle de la mer pour la gestion du
Fonds d'aide à la recherche et à l'innovation, le FARI. Par ailleurs, il a
assuré la totale couverture des engagements pris, jusqu'à fin 1998.
Aujourd'hui, le CEVA se préoccupe de mobiliser les financements nécessaires
pour la poursuite de ses activités, qui sont tournées non seulement vers la
recherche, mais aussi, et de plus en plus, vers le transfert de
technologies.
Saisi de cette question, le secrétariat général de la mer, interlocuteur du
CEVA, a demandé au ministère de la recherche d'examiner le projet de programme
présenté par le CEVA, et je peux vous dire aujourd'hui que son examen est en
cours.
Tels sont les éléments de réponse que je suis en mesure de vous
communiquer.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que j'ai pris bonne note du problème que
vous avez soulevé. Je suis décidé à examiner, avec mes collègues concernés, la
situation créée par le transfert du CEVA vers mon ministère. Je vous tiendrai
précisément informé des suites qui en découleront.
M. Pierre-Yvon Trémel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel.
Je prends acte de votre réponse, monsieur le ministre, et je vous remercie de
l'intérêt que vous portez à ce dossier. Je souhaite en effet - comme vous, j'en
suis persuadé - que la signature de l'Etat soit respectée. Nous aurons
l'occasion d'en reparler.
Par ailleurs, je tiens à exprimer à Mme la ministre toute la solidarité du
groupe socialiste face aux incidents qui se sont déroulés hier dans son
ministère et que nous condamnons vigoureusement.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je vous
remercie, monsieur le sénateur.
AMÉNAGEMENT DE LA LOIRE ET DE SES AFFLUENTS
M. le président.
La parole est à M. Leclerc, auteur de la question n° 394, adressée à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Dominique Leclerc.
Madame la ministre, après m'être associé aux propos de mes collègues
Pierre-Yvon Trémel et Michel Barnier au sujet des incidents qui se sont
déroulés hier dans votre ministère, je souhaite attirer votre attention sur le
projet de barrage de Chambonchard, dont l'exécution dépend, à l'heure actuelle,
de l'octroi de crédits de l'Etat.
Depuis quelques mois, des rumeurs courent -
La Tribune
du 27 janvier
dernier en fait notamment état - selon lesquelles la décision aurait été prise,
en conseil des ministres ou à l'occasion d'un comité interministériel
d'aménagement du territoire, d'abandonner ce projet.
Cette opération, déclarée d'intérêt public le 12 décembre 1996, serait non
seulement bloquée mais en voie d'abandon au profit d'une solution alternative
dont vous seriez à l'origine. Cette dernière consisterait, pour l'essentiel,
d'une part à revoir les conditions d'utilisation du barrage EDG de Rochebut,
d'autre part à construire un nouveau barrage à Commentry.
Une telle solution est, pour plusieurs raisons, totalement inacceptable.
En premier lieu, en faisant un tel choix, l'Etat ne respecterait pas les
engagements qu'il a signés avec toutes les collectivités territoriales du
bassin de la Loire et enfreindrait ainsi le principe républicain de continuité
de l'action publique. Or ces collectivités, je peux vous l'assurer, sont unies
par l'intermédiaire de leurs élus, toutes tendances politiques confondues, pour
défendre la construction de ce barrage.
En second lieu, cette décision ne respecterait pas la loi sur l'eau du 3
janvier 1992 et le schéma départemental d'aménagement et de gestion des eaux de
Loire-Bretagne qui en a découlé : ces textes prévoient des objectifs de débit
et de qualité de l'eau qui ne nous paraissent pas atteints par ce projet
alternatif.
Par ailleurs, ce projet n'apporterait qu'une réponse locale et inadaptée à un
problème qui concerne une région dans sa globalité.
Enfin, de fortes interrogations pèsent sur la qualité des eaux qui seraient
relâchées, du fait de l'arsenic qui est stocké à Rochebut.
Parce que le temps m'est compté, je ne peux continuer à vous détailler toutes
les raisons qui me poussent à m'opposer à une telle éventualité.
J'ajouterai cependant un dernier mot quant au coût de ce projet alternatif :
il est, paraît-il, estimé à 280 millions de francs, sans tenir compte des coûts
de gestion et de fonctionnement. Madame la ministre, où trouverez-vous un tel
montant, alors que l'Etat tergiverse depuis des années pour verser à
l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents, l'EPALA,
les 70 millions de francs nécessaires à la réalisation du barrage de
Chambonchard ?
Madame la ministre, je pense pouvoir parler aussi bien au nom des habitants du
bassin de la Loire que des élus locaux. Nous ne souhaitons pas, vous l'aurez
compris, que l'Etat nous propose des solutions alternatives au barrage de
Chambonchard. Nous attendons, au contraire, qu'il respecte ses engagements.
Pouvez-vous, aujourd'hui, nous faire connaître à quelle date il compte enfin
les honorer ?
M. le président.
Madame le ministre, avant de vous donner la parole, je tiens à vous exprimer
notre solidarité face aux événements qui se sont produits hier dans votre
ministère. S'ils sont désagréables personnellement, compte tenu des fonctions
et des responsabilités que vous assumez, ils sont aussi inquiétants au regard
de l'équilibre que nous souhaitons maintenir dans notre pays.
Je vous confirme donc la solidarité du Sénat, que vous ont déjà témoignée
plusieurs de nos collègues.
Vous avez la parole, madame le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je vous
remercie, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos
manifestations de solidarité. Ce qui s'est passé hier dans mon ministère est
exceptionnel, et d'autant plus incompréhensible que les mots d'ordre étaient
très généraux et qu'à aucun moment les manifestants n'ont cherché à dialoguer
ou à faire valoir leurs arguments. Ils étaient, semble-t-il, venus pour casser,
et ils l'ont fait.
S'agissant de votre question, monsieur Leclerc, je vous rappelle que le plan
décennal « Loire grandeur nature » a été adopté le 4 janvier 1994, à l'issue de
plusieurs années de conflits et de discussions.
Il a semblé normal au Gouvernement d'en dresser un bilan à mi-parcours et de
s'interroger, dans ce cadre, sur l'opportunité des opérations non encore
réalisées en vue de la définition d'une deuxième phase de ce plan et de
l'éventuelle intégration de ces opérations dans les prochains contrats de plan
Etat-régions.
En ce qui concerne le projet de barrage de Chambonchard, divers éléments ont
conduit le Gouvernement à s'interroger sur sa pertinence.
D'abord, l'évolution de la politique agricole commune diminue fortement
l'intérêt de l'ouvrage pour l'irrigation, seul élément qui justifiait
initialement la participation du ministère de l'agriculture et de la pêche à
son financement, à concurrence de 70 millions de francs. Vous avez d'ailleurs
cité ce chiffre en omettant toutefois de préciser que l'agence de l'eau de
Loire-Bretagne était aussi appelée à financer ce barrage à raison de 190
millions de francs, ce qui est tout de même une somme considérable.
J'ai noté que l'agence de l'eau avait été sommée de payer, mais qu'elle
n'avait pas été associée à l'élaboration du plan Loire grandeur nature. Je
souhaite qu'elle puisse être considérée comme un partenaire de l'Etat et de
l'EPALA dans la deuxième phase de réalisation de ce plan décennal.
Ensuite, ont été mis en évidence, d'une part, une rentabilité médiocre et,
d'autre part, un intérêt limité du projet de développement touristique qui
avait été imaginé, en raison notamment d'un important marnage estival.
Enfin, d'autres hypothèses techniques paraissent susceptibles d'assurer une
bonne gestion des étiages du Cher, tant quantitativement, pour l'alimentation
en eau potable de l'agglomération de Montluçon, que qualitativement, par la
réduction des pollutions domestiques, industrielles et agricoles.
Pour décider en toute connaissance de cause de la suite à donner à ce dossier,
je me suis rendue à Montluçon, le 2 juillet dernier, pour rencontrer les
partenaires de l'Etat.
J'ai également lancé un programme d'étude afin d'examiner les solutions de
rechange au barrage, en termes de gestion des étiages et de développement du
secteur du Haut-Cher, pouvant s'intégrer dans la deuxième phase du plan Loire
grandeur nature.
Ce travail n'est pas encore terminé, et le Gouvernement n'a donc pas arrêté sa
décision s'agissant du barrage du Chambonchard.
Les grands axes de la deuxième phase du plan Loire grandeur nature seront
présentés en conseil des ministres d'ici à quelques semaines. Mais je dois
dire, monsieur le sénateur, que j'entends beaucoup d'informations
irrationnelles à propos de ce dossier. Ainsi, j'avoue que c'est la première
fois que j'entends parler d'un barrage à Commentry ! Toutes les idées semblent
être agitées sur le terrain, mais elles reposent, pour l'essentiel, sur des
rumeurs ou sur une interprétation des propos que j'ai pu tenir à Montluçon le 2
juillet dernier.
Je ne peux que répéter, de façon tout à fait sereine, que je suis très
attachée à la rigueur dans l'utilisation des fonds publics et que je tiens à
répondre aux inquiétudes des riverains du Cher en ce qui concerne à la fois la
qualité de l'eau, le soutien des étiages et le maintien de l'activité
économique. A cet égard, je sais que l'activité de certaines entreprises,
installées notamment à Commentry, dépend, pour une part, de leur alimentation
régulière en eau.
Nous serons attentifs à tous ces points et nous tenterons d'apporter la
réponse la plus concrète et la plus économe possible, qu'il s'agisse de fonds
publics ou de fonds privés. Cela étant, nous ne sommes pas encore en état de
faire les propositions que vous attendez depuis longtemps, monsieur le
sénateur, ce qui justifie votre impatience.
M. Dominique Leclerc.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Madame la ministre, je comprends votre volonté de mener une nouvelle réflexion
et d'établir un bilan à mi-parcours de la réalisation du plan « Loire grandeur
nature ».
En vous posant cette question ce matin, je voulais vous dire l'attachement non
seulement de toute la population ligérienne, qui représente plusieurs centaines
de milliers de personnes, mais aussi de l'ensemble des élus locaux, toutes
tendances confondues.
C'est vrai, le plan Loire grandeur nature est le résultat de nombreuses
réflexions et études menées sur l'ensemble des projets concernés.
Pour ce qui est de Chambonchard, la définition en a été revue. En effet, si,
dans un premier temps, ce barrage était conçu comme un élément important pour
l'agriculture locale, dans sa conception finale, son but est essentiellement la
qualité de l'eau du bassin de la vallée du Cher, notamment des villes de
Montluçon et de Commentry.
Par ailleurs, vous le savez, ce barrage a constitué, en 1994, l'un des
éléments d'une réflexion tendant à prendre en compte différents critères. En
premier lieu, et cela nous concerne tous, il s'agissait d'assurer une meilleure
sécurité pour toutes les populations ligériennes, avec l'entretien et le
renforcement des digues, l'entretien du lit de la Loire et la réalisation de
certains ouvrages. En deuxième lieu, la qualité de l'eau devait être préservée,
d'où un volet environnemental auquel nous sommes tous attachés. Mais il faut
mentionner aussi le rétablissement de la salmoniculture - l'Indre-et-Loire est
directement concernée - et la disparition de certains barrages, dont
Maisons-Rouges. Là, la raison est revenue !
Encore une fois, tous les élus sont attachés à l'ensemble du plan Loire
grandeur nature. Alors, madame la ministre, je voudrais que, à mi-parcours, le
gouvernement auquel vous appartenez réaffirme sa volonté politique de prendre
en compte tous les éléments qui composent le plan Loire grandeur nature, qui
ont fait l'unanimité, afin de prendre en considération les inquiétudes des
populations concernées.
Je l'ai dit, c'est aussi le respect de la politique contractuelle qui est en
jeu : si Chambonchard représente pour l'Etat une charge de 70 millions de
francs, pour l'agence de bassin de Loire-Bretagne, qui a été associée à l'étude
et à la réflexion, cette charge représente plus de 190 millions de francs, et
les collectivités locales sont aussi engagées à la même hauteur.
De grâce, madame la ministre, que le Gouvernement réaffirme sa volonté
politique ! Il s'agit d'une réelle préoccupation, d'un véritable besoin pour le
bassin de la Loire mais aussi pour toute la France, car la politique
contractuelle constitue aujourd'hui, vous le savez, le fondement de l'ensemble
des plans et réalisations, et il convient donc que l'Etat tienne ses
engagements.
PLAN D'AMÉNAGEMENT DE LA LOIRE
M. le président.
La parole est à M. Vissac, auteur de la question n° 409, adressée à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Guy Vissac.
Ma question concerne à la fois l'aménagement du territoire et la valorisation
de l'environnement en tant que facteur de développement. Elle porte en effet
sur la mise en oeuvre du plan Loire grandeur nature à l'heure où sa pérennité
semble compromise : l'Etat, qui en est l'investigateur, n'apporte pas de
réponse positive à la construction du barrage de Chambonchard, comprise dans le
plan, et vos déclarations, madame la ministre, en réponse à la question de mon
collègue Dominique Leclerc, ajoutent à notre crainte d'une réponse négative.
L'EPALA, l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents,
qui en est le maître d'ouvrage, bloque de ce fait la poursuite du programme.
Le plan comporte la construction d'une salmoniculture dans le Haut-Allier,
dont l'objectif est la restauration du saumon de souche en Allier. Cette
réalisation revêt à la fois un caractère économique - par l'attrait qu'elle
représente et engendre pour la pêche et les professionnels du tourisme sur
l'axe Loire-Allier - et un caractère évident de sauvegarde d'une espèce en
danger de disparition.
Par une lettre récente du 15 janvier, vous faites part, madame la ministre, au
syndicat du Haut-Allier, maître d'ouvrage - que je préside - de la validation
du projet et de l'apport par votre ministère d'un million de francs
supplémentaire. Cette nouvelle contribution manifeste une volonté de voir
aboutir la restauration du saumon. Je vous remercie vivement.
Il manque cependant, sur les 12 millions de francs que devrait servir l'EPALA,
7 millions de francs, déduction faite du million de francs déjà cité et des 4
millions de francs d'économies prévues. Or le temps presse pour cette
réalisation.
Quelles mesures compensatoires peut-on envisager pour boucler le financement
de la salmoniculture de Chanteuges, dans les gorges de l'Allier, dans le
département de la Haute-Loire ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, la création d'une salmoniculture dans le Haut-Allier, à
Chanteuges, fait, en effet, partie du plan Loire grandeur nature et je vous
confirme mon engagement en faveur de la reconquête du saumon sur l'axe
Loire-Allier.
La mise au point technique du projet de salmoniculture a été longue et
complexe et a donné lieu à de nombreuses réunions successives au ministère de
l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je me félicite de ce que la
dernière de ces réunions, en date du 9 décembre 1998, ait permis d'aboutir
enfin à un accord et de valider, notamment, le projet de convention liant les
différents financeurs, dont le ministère de l'aménagement du territoire et de
l'environnement, et le maître d'ouvrage du projet.
Le bouclage du plan de financement de l'ouvrage a soulevé les difficultés que
vous avez bien soulignées, monsieur le sénateur. D'une part, l'important
dépassement - 4,6 millions de francs - que font apparaître les offres des
concepteurs consultés a rendu nécessaire la réalisation d'économies sur ce
programme ; d'autre part, l'EPALA a suspendu l'attribution de la subvention de
12 millions de francs qu'il s'était engagé à apporter, et ce pour des motifs,
vous le reconnaîtrez, totalement indépendants de la reconquête du saumon sur
l'axe Loire-Allier. Je m'étonne d'ailleurs, à cet égard, que vous sembliez
soutenir l'attitude de l'EPALA, qui a pris en otage de nombreux projets dans le
bassin de la Loire. Ce chantage me paraît être, aujourd'hui, la seule menace
qui pèse sur une action à laquelle vous et moi sommes également attachés.
En tout état de cause, je vous confirme que l'Etat tiendra ses engagements sur
le projet de la salmoniculture de Chanteuges, comme il l'a toujours fait sur ce
dossier jusqu'à maintenant. Il est essentiel, pour l'avenir du projet, que
chacun en fasse autant.
Je confirme à cet égard ce que j'ai dit tout à l'heure à M. Leclerc : je
souhaite continuer à dialoguer de façon aussi rationnelle et argumentée que
possible sur l'ensemble du plan Loire grandeur nature. Le dossier de la
salmoniculture du Haut-Allier n'a jamais fait l'objet, me semble-t-il, de la
moindre contestation de la part de l'un ou l'autre des partenaires et il serait
tout à fait dommage qu'il ne puisse aboutir parce que certains préjugeraient
les décisions que le Gouvernement pourrait être amené à prendre sur d'autres
dossiers qui ne lui sont liés que par notre volonté de mettre en oeuvre un plan
global intégré de reconquête de la qualité de l'eau et de la qualité des
milieux dans le bassin de la Loire.
M. Guy Vissac.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vissac.
M. Guy Vissac.
Madame la ministre, je prends acte de votre réponse. Je ne peux toutefois
m'empêcher de penser que, dans cette affaire de la réalisation d'une
salmoniculture, notre syndicat est pris en otage entre l'EPALA et le
ministère.
Je cherche, comme vous pouvez l'imaginer, à sortir de cette situation. Depuis
1994, c'est-à-dire depuis le démarrage de cette grande réalisation, nous avons
eu, au ministère de l'environnement, alors conduit par notre collègue Michel
Barnier, beaucoup de réunions - à chaque fois, nous avons été reçus avec
beaucoup d'égards - pour essayer de sortir de cette impasse ; pour y parvenir
la coopération reste nécessaire.
En fait, sur les 50 millions de francs cités, il reste à récupérer quelque
part environ 7 millions de francs. Peut-être est-ce une affaire de
collectivités locales. J'aimerais cependant, madame la ministre, que l'Etat
fasse un effort supplémentaire et que ce tour de table qui doit réunir les
financeurs recueille l'accord du ministère et suscite son intérêt.
AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
DANS LES ALPES-MARITIMES
M. le président.
La parole est à M. Peyrat, auteur de la question n° 413, adressée à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Jacques Peyrat.
Madame le ministre, ma question est de portée générale et tient au fait que
nous prîmes connaissance assez récemment des conclusions du comité
interministériel de l'aménagement du territoire du 15 décembre dernier, ainsi
que du communiqué de presse conjoint de M. Michel Vauzelle, président de la
région Provence-Alpes-Côte d'Azur, et de Mme Elisabeth Guigou, en sa qualité
non pas de ministre mais de présidente de la commission de l'aménagement du
territoire de la région, qui se réjouissaient des nombreuses et importantes
mesures prises pour l'agglomération marseillaise.
Les élus des Alpes-Maritimes, unanimes, souhaiteraient savoir s'il existe de
la part du Gouvernement une volonté identique pour aider au développement de
leur département.
Ils aimeraient connaître de façon précise du ministre de l'environnement que
vous êtes les objectifs concernant les grands dossiers d'aménagement et de
développement que les Alpes-Maritimes attendent, il est vrai, depuis de
nombreuses années.
Il s'agit, en premier lieu, du développement économique, et surtout de la
restructuration et de la modernisation du port de Nice ainsi que de
l'endiguement du Var, de façon à permettre l'indispensable développement
économique non seulement de la ville mais du moyen et du haut pays des
Alpes-Maritimes.
Il s'agit, en deuxième lieu, du désenclavement de la région grâce au grand
projet ouvrant l'accès vers l'Italie du Nord et améliorant les relations
directes vers la région Rhône-Alpes via Digne et Grenoble. Ce projet
permettrait à la région PACA et à la région Rhône-Alpes, comme l'expliquait
tout à l'heure notre collègue des Hautes-Alpes, de se rapprocher d'un bassin
d'activités et d'emplois prospère de onze millions d'habitants sur l'axe
Milan-Turin.
Il s'agit, en troisième lieu, enfin, de l'amélioration des dessertes autour de
l'agglomération niçoise, à savoir la route nationale 202
bis,
l'A 58, le
transport en commun en site propre, le TCSP, la fin du développement de
l'autoroute urbaine sud et la construction d'un centre multimodal d'échanges,
nécessaire complément du TCSP, aux entrées est et ouest de la ville.
Les élus des Alpes-Maritimes, par ma voix, vous demandent donc s'il est
possible d'envisager l'inscription de ces projets vitaux pour le désenclavement
et le développement du département azuréen dans le prochain contrat de plan
Etat-région, comme le seront toutes les mesures prises en faveur de Marseille
lors du dernier CIADT.
Madame le ministre, je dois à la vérité de dire que ces demandes, je les ai
présentées en préfecture des Alpes-Maritimes, voilà quelques jours, à Mme
Guigou, en sa qualité de présidente de la commission d'aménagement du
territoire de la région PACA.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, le Gouvernement a bien la volonté de poursuivre l'amélioration de
l'accessibilité des diverses parties du territoire, en particulier lorsqu'il
s'agit d'espaces frontaliers.
Je vous rappelle que le CIADT du 15 décembre 1998, en traitant des
perspectives d'avenir de l'aire métropolitaine marseillaise, n'a pas ignoré le
département des Alpes-Maritimes. En effet, il s'est penché sur la nécessaire
amélioration des relations interrégionales et internationales, en insistant sur
la liaison ferroviaire Marseille-Toulon-Nice-Gênes.
Considérant qu'un prolongement de la ligne à grande vitesse Méditerranée vers
Fréjus permettrait une amélioration des services ferroviaires vers Nice et
Gênes, le Gouvernement a décidé d'approfondir les études relatives à la
desserte de Toulon et de la Côte d'Azur.
En attendant, il a décidé d'examiner les modalités d'une amélioration
progressive et séquentielle des services ferroviaires de Marseille et Toulon
vers Nice et Gênes ; une priorité sera accordée, conformément au souhait du
conseil régional, à la réalisation d'une troisième voie entre Cannes et Nice,
dès que l'étude intermodale de prédéfinition actuellement en cours en aura
confirmé l'opportunité.
En outre, dans le domaine des transports, deux schémas multimodaux des
services de transport de personnes, d'une part, et de marchandises, d'autre
part, seront élaborés à l'issue d'une très large concertation. Cette
concertation, conduite par le préfet de la région, est actuellement en cours en
Provence - Alpes-Côte d'Azur. Déconcentrée, cette concertation assurera, à
travers le pilotage unique du préfet de région, un meilleur ancrage territorial
des propositions et permettra une large association des partenaires
territoriaux aux propositions faites et aux choix retenus. Parmi les projets
ainsi proposés pour l'horizon 2020, des aménagements prioritaires devront être
retenus afin d'être inscrits dans le prochain contrat de plan.
Monsieur le sénateur, vous avez cité un certain nombre de projets dont
l'intérêt est, certes, communal, mais aussi, au-delà, intercommunal et régional
; je pense notamment au transport collectif en site propre. Vous me permettrez
de penser que le renforcement de l'intercommunalité et l'émergence des
agglomérations devraient permettre de consolider cette politique et de faire en
sorte que ces projets puissent être pris en compte dans le volet territorial
des contrats de plan.
Quant au port de Nice et à l'endiguement du Var, ce sont des sujets traités
dans le cadre de la préparation de la directive territoriale d'aménagement. Le
préfet travaille sur ces questions, vous le savez. Il fera, dans quelques mois,
des propositions d'action qui devraient, elles aussi, être prises en compte
dans la négociation du futur contrat de plan Etat-région.
J'insiste, enfin, sur le fait qu'il ne m'apparaît pas opportun de traiter de
la question de l'aménagement du territoire en région PACA en opposant les
métropoles marseillaise et niçoise. En lui consacrant un volet spécial, le 15
décembre dernier, le CIADT n'a pas souhaité faire de la question marseillaise
un cas particulier.
Il s'agissait essentiellement de compléter le programme Euro-Méditerranée,
lancé il y a déjà plusieurs années, pour lequel mon ministère s'est depuis lors
mobilisé et auquel il ne « mégote » pas son soutien.
Il s'agit, plus généralement, d'accorder une priorité à la région PACA et à
ses métropoles, qui connaissent des problèmes de nature sociale, économique ou
géopolitique à traiter en urgence.
M. Jacques Peyrat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Peyrat.
M. Jacques Peyrat.
Madame le ministre, je m'attendais, bien sûr, à ce genre de réponse, et si je
vous dis, corrélativement, qu'elle ne me satisfait pas, je suis persuadé que
vous n'en serez point étonnée.
Je tiens tout de même à vous faire observer - mais cela, vous le savez déjà !
- que le département des Alpes-Maritimes, que je représente aujourd'hui, est
enclavé. Enclavé, il l'est au bout du territoire national entre la mer et la
cordillère des Alpes, aussi bien à l'est qu'au sud, ne nous laissant qu'une
échappée, amplement remplie d'ailleurs, comme toujours, vers l'ouest.
Alors, pour reprendre un terme de tour-opérateur, vous faites du
tout-ferroviaire un
package.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
C'est un
terme que je ne me permettrais pas d'employer !
M. Jacques Peyrat.
Le tout-ferroviaire, le Gouvernement, dites-vous, s'est penché dessus. Il
s'est d'ailleurs tellement penché qu'il est tombé par la portière.
En tout cas, le Gouvernement ne m'apporte pas les apaisements que je pourrais
souhaiter.
En effet, les projets qui sont ainsi les vôtres - vous ne le savez
certainement pas - sont en totale contradiction avec ce que la totalité - moins
un ! - des députés, sénateurs, conseillers régionaux, conseillers généraux,
président du conseil général, membres des organismes consulaires souhaitent et
attendent depuis des années.
En réalité, le fait est que l'autoroute A 8 est en voie de saturation, qu'elle
est déjà quasi saturée ; selon les prévisions de votre organisme
gouvernemental, la direction départementale de l'équipement, elle le sera
complètement dans deux ou trois ans. Or, il faut à peu près sept à huit ans
pour concevoir, imaginer, réaliser une autoroute. Ce qui veut dire que - nous
le savons déjà - nous serons très vite au bord de l'asphyxie.
Madame le ministre, j'en terminerai en vous demandant de ne pas nous rappeler
sans cesse qu'il ne faut pas opposer Nice à Marseille. Cela date !
Nous ne sommes pas opposés à Marseille ! Marseille est une grande ville, c'est
notre capitale régionale. Nous aimons beaucoup Marseille... sauf en matière de
football où, évidemment, nous avons des adversités qui se cumulent - à notre
détriment, monsieur le président, je dois, hélas ! le dire.
Pour le reste, nous nous entendons bien avec Marseille. La seule chose, c'est
que le Gouvernement, au regard des projets que je viens d'évoquer semble lui
donner une part trop grande, trop importante, alors qu'il ne peut pas suivre
sur le plan financier.
En clair, madame le ministre, la cinquième ville de France, qui est dans la
même région que la deuxième, vient timidement vous dire - c'est, en réalité, le
but de ma question orale - qu'il faut aussi penser à elle.
DÉSAMIANTAGE DE JUSSIEU
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 395, adressée à M. le
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le campus de
Jussieu est, hélas ! une fois de plus au centre de l'actualité. Il y a un an
déjà, presque jour pour jour - j'ai vérifié ! - j'interrogeais le Gouvernement
à ce sujet.
Aujourd'hui, à l'heure où le Gouvernement annonce, à la suite des
recommandations du rapport Got, des mesures très importantes tendant à
renforcer la prévention et à améliorer la réparation du risque lié à l'amiante
en général - on ne peut que s'en réjouir - le chantier emblématique de Jussieu,
sous la responsabilité directe de l'Etat, mérite, à mon avis, une gestion
exemplaire en matière de désamiantage.
Pour faire les travaux, on le sait, il faut disposer de suffisamment de locaux
provisoires pour reloger les activités de recherche et d'enseignement. Certes,
des bureaux sont ou vont être mis à disposition ; mais, sur les 25 000 mètres
carrés de préfabriqués qui devaient être construits, seuls 6 000 mètres carrés,
lancés en décembre 1996, ont été réalisés.
Je crois savoir que le conseil d'administration de l'établissement public du
campus de Jussieu a décidé, courant décembre, de la construction de 4 000
mètres carrés de préfabriqués supplémentaires.
Ce n'est donc pas l'immobilisme total, et je m'en réjouis ; mais force est de
constater que les choses évoluent très lentement.
J'espère, madame la ministre, que vous pourrez m'indiquer quelles sont les
autres mesures prévues pour qu'il y ait le plus vite possible la surface
nécessaire en locaux provisoires, afin que très rapidement ce chantier, d'un
coût global estimé à 2,4 milliards de francs et qui sera probablement dépassé,
puisse être mené à bien.
Les informations connues depuis le printemps dernier et rappelées par la
presse la semaine dernière, qui concernent la stabilité au feu très
insuffisante et, plus généralement, la mise aux normes, soulignent encore
davantage la nécessité de terminer rapidement et de façon exemplaire ce
chantier.
Vous le savez, le désamiantage est inscrit parmi les priorités du schéma des
universités du troisième millénaire.
Cependant, il est évident que la construction d'un nouvel ensemble
universitaire sur la ZAC Seine rive gauche, par ailleurs souhaitable, ne peut
régler le problème du désamiantage et de la mise aux normes, car cet ensemble
ne verra en aucun cas le jour avant quatre ou cinq ans, selon les prévisions
les plus optimistes.
En outre, il ne faudrait pas que la nécessaire construction d'un nouvel
ensemble universitaire se fasse en revendant une partie des terrains de
Jussieu, comme l'espèrent les promoteurs immobiliers qui s'expriment à ce
sujet.
Récemment, vous le savez, les huit présidents des universités parisiennes ont
affirmé leur conviction d'une nécessaire coopération entre leurs universités,
refusant d'avance « toute solution qui, de manière autoritaire, impliquerait un
redécoupage ou une fusion ».
Pourriez-vous, madame la ministre, m'apporter des précisions sur le projet
d'ensemble actuellement à l'étude pour la ZAC « Seine Rive gauche » et son
ampleur ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Madame la sénatrice,
Claude Allègre étant retenu en Italie par une réunion des ministres de la
recherche, il m'a chargée de vous répondre à sa place.
Le Gouvernement a confirmé, le 1er décembre 1998, les conditions de
réalisation des travaux de désamiantage et de remise en sécurité des bâtiments
de Jussieu. Ces travaux, dont le montant a été fixé à 3,9 milliards de francs,
devraient s'échelonner jusqu'en 2003. Les conditions ont ainsi été mises en
place pour garantir qu'il n'y aura aucune rupture dans la continuité du
chantier, ni aucun ralentissement de celui-ci.
Le désamiantage, démarré pour une première barre en 1998, se poursuivra en
1999 par trois barres. Il est ensuite prévu de mettre en chantier quatre barres
tous les six mois. La prudence nécessitait, pour un chantier d'une telle
envergure, de mettre au point les protocoles sur une barre expérimentale.
Le relogement des occupants est assuré : sur le site de la rue de la
Fédération, ouvert en 1998 ; dans les 6 000 mètres carrés de locaux provisoires
livrés en 1998 ; dans les locaux loués rue du Chevaleret, qui seront occupés en
1999 ; dans les 2 000 mètres carrés de locaux provisoires supplémentaires qui
seront ouverts à la rentrée de 1999.
Le conseil d'administration de l'établissement public du campus de Jussieu a,
par ailleurs, mis en application la décision prise par le ministre consistant
dans la réalisation de 6 000 mètres carrés supplémentaires. Les délais d'appel
d'offres et de réalisation permettent d'envisager une livraison pour la rentrée
2000, soit un an avant la livraison de la première tranche de 20 000 mètres
carrés de locaux décidés sur la ZAC Seine-Rive gauche.
Ces diverses dispositions, associées à une utilisation optimisée des locaux
existants et, si nécessaire, à un contrôle, dans le respect des règlements, des
flux d'étudiants inscrits sur le campus de Jussieu, permettent de garantir la
continuité sans ralentissement du chantier.
Enfin, il n'est nullement envisagé d'affecter Jussieu et, par conséquent, les
terrains correspondants à d'autres activités que celles des universités.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je prends acte du fait
que les locaux de Jussieu ne seront pas affectés à d'autres activités que
celles des universités.
Je voudrais vous rappeler les propos de M. Got : « Il est possible d'accepter
l'allongement des délais prévus par le plan précédent de trois à cinq ans dans
une appréciation fondée sur la sécurité. Le Gouvernement perdrait toute
crédibilité sur ce dossier si les décisions des mois à venir prouvaient que ce
nouveau délai ne sera pas respecté. »
Je l'ai dit tout à l'heure, et j'insiste, l'Etat doit peser de tout son poids
pour qu'un calendrier raisonnable soit respecté. Il convient de prendre en
compte à la fois les impératifs de santé publique et la mise aux normes de
sécurité. Pour régler à la fois le problème de santé publique que constitue la
présence d'amiante à Jussieu et celui de la remise aux normes de sécurité, il
faut que le rythme des travaux à effectuer ne connaisse aucun retard. Or des
inquiétudes se font jour à ce sujet.
Je vous remercie donc de votre réponse, madame la ministre, mais le problème
des locaux provisoires reste posé pour l'instant.
ORGANISATION DES VOYAGES SCOLAIRES
M. le président.
La parole est à Mme Printz, auteur de la question n° 403, adressée à Mme la
ministre délégué à l'enseignement scolaire.
Mme Gisèle Printz.
Madame la ministre, la circulaire du 27 septembre 1997 distingue deux grands
types de sorties scolaires : d'une part, les sorties obligatoires ou régulières
inscrites à l'emploi du temps, pour lesquelles le principe de gratuité de
l'école publique doit s'appliquer ; d'autre part, les sorties scolaires
facultatives ou occasionnelles, dans le cadre desquelles entrent les voyages
scolaires avec nuitées et pour lesquelles il est prévu de demander une
participation aux familles après délibération en conseil d'administration
scolaire.
Or, la plupart des enseignants ne font pas la différence entre les deux types
de sorties. Une note de rappel est par ailleurs venue jeter le trouble en début
d'année scolaire. Ainsi, les enseignants déduisent de ces instructions que les
sorties scolaires doivent être gratuites et, donc, que l'on ne peut plus
organiser de voyages scolaires.
Concernant le financement de ces activités, les opérations du type vente sur
la voie publique ou empaquetage dans les supermarchés sont désormais assimilées
à du travail clandestin et par conséquent interdites. Cela prive les élèves
d'une source de financement non négligeable.
Par ailleurs, seul l'établissement scolaire en tant qu'entité juridique est
maintenant habilité à organiser des voyages scolaires, ce qui oblige les
enseignants à passer par l'administration pour les encaissements. Ils ne
peuvent plus ouvrir de compte « voyages » ou passer par la coopérative de
l'établissement. Cette mesure alourdit considérablement les démarches du fait
de l'obligation d'appliquer les règles de la comptabilité publique.
Concernant enfin le remplacement des enseignants en voyage, ceux-ci doivent
veiller à ce que leurs cours soient assurés en leur absence pour les autres
classes dont ils ont la charge. Ils doivent donc trouver des collègues pour les
remplacer.
Madame la ministre, le travail que vous avez accompli depuis un an et demi
nous donne satisfaction, et nous sommes tout à fait conscients que l'école ne
doit pas se transformer en un tour-opérateur. De plus, il convenait de mettre
de l'ordre face à des pratiques condamnables, du type voyages trop nombreux ou
trop chers, destinations exotiques ou ventes abusives sur la voie publique. Il
semble cependant que les mesures que vous avez prises dans ce sens soient
quelque peu contraignantes, voire décourageantes.
Un voyage scolaire bien préparé et bien géré demeure tout de même une superbe
opportunité d'éveil et de découverte pour les élèves.
L'ouverture des établissements scolaires sur le monde extérieur permet aussi
d'ouvrir aux élèves des horizons nouveaux.
Aussi, madame la ministre, ma question est la suivante : entendez-vous
assouplir prochainement ces mesures contraignantes, qui vont à l'encontre des
échanges et de la découverte des régions françaises et des pays frontaliers ?
N'y aurait-il pas d'autres voies à explorer ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Madame Printz, je
tiens d'abord à vous rappeler mon profond attachement au maintien, voire au
développement des sorties scolaires, en particulier pour les enfants qui n'ont
accès à ces ouvertures sur d'autres horizons que grâce à l'école.
Tout ne s'apprend pas en classe, et ce principe justifie à lui seul que les
enseignants suscitent constamment l'intérêt des élèves par l'organisation
d'activités à l'extérieur de l'école.
Je répondrai avec beaucoup de précision aux questions que vous me posez.
En effet, dans un certain nombre de départements, en raison d'instructions
locales, une certaine confusion semble régner dans l'esprit des enseignants.
Il convient de distinguer deux catégories de sorties.
Il y a d'abord les sorties scolaires proprement dites, qui correspondent aux
enseignements réguliers, inscrits à l'emploi du temps. Ces sorties sont
obligatoires et elles doivent donc être gratuites. A défaut, elles remettraient
en cause le principe de la gratuité de l'école.
Quant aux sorties scolaires occasionnelles, elles s'effectuent hors des
horaires habituels de la classe et peuvent inclure, par exemple, un
hégergement. Ces sorties sont facultatives et une participation financière peut
donc être demandée aux familles, à condition, bien entendu, de mettre aussi en
place un dispositif qui permette à tous les enfants d'y participer, afin de ne
pas créer des inégalités et des perturbations dans le fonctionnement de la
classe.
Par conséquent, les choses sont assez simples dans le premier degré. En effet,
les sorties obligatoires doivent être gratuites, et leur organisation suppose
donc un financement public. En revanche, pour ce qui concerne les sorties
occasionnelles facultatives, et afin de permettre à tous les élèves d'y
participer dans le cas où les familles ne peuvent acquitter la contribution
envisagée, des financements complémentaires peuvent fort bien être recherchés
auprès des collectivités territoriales, des caisses des écoles, de la
coopérative scolaire ou d'autres grandes associations complémentaires de
l'école. Des associations de parents d'élèves peuvent même organiser des
activités en vue de financer la sortie.
S'agissant des coopératives scolaires, il convient de préciser qu'elles ont
notamment pour objet, sous l'autorité permanente de l'enseignant, d'organiser
des fêtes, des expositions, des voyages d'étude, des séjours en colonie de
vacances et des échanges. Elle peuvent donc parfaitement apporter leur aide à
la préparation matérielle d'une sortie ou allouer une subvention.
Mais les écoles n'ayant pas, comme vous le savez, d'autonomie financière,
elles ne peuvent assurer cette gestion, qui relève de la compétence de la
commune.
Le même principe prévaut dans le second degré.
Les sorties obligatoires doivent être gratuites pour les familles, et il est
donc possible d'envisager un financement public.
En ce qui concerne les sorties occasionnelles facultatives, au-delà d'une
contribution éventuelle des familles, le financement peut avoir plusieurs
origines. Une aide peut ainsi être apportée à l'échelon académique, grâce aux
crédits pédagogiques que je délègue à l'ensemble des académies ; une aide peut
également être apportée par les collectivités territoriales ou par un versement
provenant des différents fonds de l'établissement public local d'enseignement.
En effet, dans le second degré, les établissements scolaires ont la
personnalité juridique. Ces fonds peuvent provenir de la caisse de solidarité,
du fonds social collégien, du fonds social lycéen, des réserves disponibles de
l'établissement ou même de la contribution de certaines associations, par
exemple, là encore, des associations de parents d'élèves au regard des
activités auxquelles vous faites allusion.
La gestion financière qui englobe toutes les opérations de recettes et de
dépenses doit être assurée par l'établissement et donc par son agent
comptable.
Cette disposition est beaucoup moins contraignante qu'il n'y paraît et, au
regard d'un certain nombre de questions de parlementaires, je vais sans doute
diffuser un texte de clarification qui permettra de faire comprendre qu'en
raison de la modification que j'ai apportée à l'arrêté du 11 octobre 1993
relatif aux régies d'avances et de recettes des établissements publics locaux
d'enseignement, par un arrêté du 10 décembre 1998, j'ai autorisé les régisseurs
à encaisser les participations des familles aux voyages ainsi qu'à payer les
frais liés au déroulement d'un voyage ou d'une sortie. En fait, j'ai assoupli,
simplifié les procédures de gestion pour les établissements publics
d'enseignement secondaire.
Enfin, vous évoquez le problème des remplacements dans les classes.
En ce qui concerne les sorties scolaires, une note de service relative aux
dispositifs académiques de remplacement a eu pour objectif de réduire les
difficultés dues aux absences non remplacées des enseignants afin d'assurer
l'égalité d'accueil de tous les élèves dans les classes. Il ne faudrait pas, en
effet, que les sorties scolaires, qui constituent, comme je l'ai dit, un « plus
» indéniable pour les élèves aboutissent à un « moins d'école » pour les autres
élèves.
Pour ce qui concerne le premier degré, les sorties scolaires étant organisées
avec l'enseignant de la classe, cette note de service entre dans le processus
habituel de la gestion des remplacements du premier degré, qui, en principe, ne
posent guère de problème.
En ce qui concerne le second degré, il est vrai qu'il a été indiqué aux
établissements scolaires que les enseignants en voyage devaient veiller à ce
que leurs cours soient assurés en leur absence pour les autres classes dont ils
ont la charge et devaient donc essayer de trouver des collègues pour les
remplacer ou rattraper ultérieurement leurs cours.
Je crois que personne ne peut contester ce principe de bonne organisation de
l'enseignement, qui permet, dans le cadre de la souplesse nécessaire de règle
dans les établissements scolaires, de faire en sorte que tous les élèves aient
des enseignants en face d'eux afin que, je le répète, un « plus » pour certains
d'entre eux ne se transforment pas en un « moins » pour les autres.
Mme Gisèle Printz.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
Madame la ministre, je vous remercie des explications et des précisions que
vous venez de me donner. Elles vont certainement permettre une meilleure
compréhension de votre circulaire.
Mon département faisait sans doute partie des départements qui n'avaient pas
bien compris ou bien analysé vos textes. Si vous nous envoyez un texte de
clarification, il sera le bienvenu !
LÉGISLATION RELATIVE
À LA PRISE ILLÉGALE D'INTÉRÊTS
M. le président.
La parole est à M. Grignon, auteur de la question n° 367, adressée à Mme le
garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Francis Grignon.
Ma question, madame la ministre, concerne les maires des communes de 3 500
habitants et moins.
L'article 432-12 du nouveau code pénal dispose que ces maires, leurs adjoints
ou leurs conseillers délégués peuvent réaliser des transactions immobilières ou
traiter des marchés de services avec la commune dont ils sont élus jusqu'à
hauteur de 100 000 francs. Ils peuvent même acheter des terrains pour y édifier
leur habitation principale ou contracter des baux de location, toujours pour
leur habitation principale.
Or il se trouve que, dans ma région, la trésorerie principale a indiqué que
les maires agriculteurs ne pouvaient contracter, après leur élection, des baux
de location de terrains agricoles. Ces baux peuvent être contractés avant leur
élection, mais pas après, et ne peuvent pas non plus être prolongés.
J'aimerais savoir quelle est votre interprétation des textes, madame le garde
des sceaux.
Je me permets de vous demander si, par assimilation, on ne pourrait pas
permettre à ces maires de contracter des baux ruraux, à condition que la
location ne dépasse pas 100 000 francs par an, par exemple.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le sénateur, vous avez
bien voulu m'interroger sur la législation relative à la prise illégale
d'intérêt, ce dont je vous remercie, car c'est une question importante.
Je vous rappelle - comme vous l'avez fait vous-même - que l'article 432-12 du
code pénal n'autorise effectivement pas, dans les communes de moins de 3 500
habitants, les élus à prendre à bail des terres agricoles appartenant à la
commune.
Ce texte prévoit toutefois des dérogations au profit des élus de ces communes
: pour le transfert de biens mobiliers ou immobiliers, dans la limite de 100
000 francs par an, pour la fourniture de services, dans la même limite, pour
l'acquisition d'une parcelle d'un lotissement communal, pour la passation de
baux d'habitation et pour l'acquisition de biens à usage professionnel.
La prise à bail de terres agricoles communales n'est pas visée par ce
texte.
La décision du trésorier principal que vous avez évoquée, monsieur le
sénateur, est donc, dans son principe, conforme au droit positif.
On peut toutefois considérer que, si les terres ont été louées avant
l'élection, les personnes concernées peuvent renouveler le bail après cette
élection si le bail ne subit pas de modifications significatives de ses
conditions. En effet, dans une semblable hypothèse, il n'y aurait pas de
nouvelle prise d'intérêt au sens du code pénal.
De plus, il convient de rappeler qu'à la suite de la proposition de loi votée
par le Sénat le 10 février 1998, la Chancellerie a créé, notamment avec des
membres du Sénat, un groupe de travail chargé d'examiner très précisément les
conditions de mise en oeuvre du délit de prise illégale d'intérêt en matière de
baux ruraux et de mettre en place une prévention plus efficace de ce type de
délit.
En accord avec le rapporteur de la proposition de loi, le rapport de ce groupe
de travail a été transmis aux parquets par circulaire du 7 avril 1998, ainsi
que, pour information, aux préfets.
Ce rapport - que je vais vous faire remettre - contient une étude approfondie
du délit de prise illégale d'intérêt appliqué à la passation et au
renouvellement des baux ruraux et conclut, en substance, que le respect de
quelques précautions devrait permettre aux élus concernés de ne pas encourir de
poursuites du fait de ce chef d'accusation.
Compte tenu de ces éléments, il m'apparaît que la plupart des difficultés
rencontrées en ce domaine devraient être réglées assez facilement et donc que
la modification de la loi au bénéfice d'une catégorie particulière de
personnes, notamment dans le sens que vous suggérez dans votre question, ne se
justifie pas.
J'ajoute que l'exception prévue dans le code pénal en matière de logement de
l'élu dans sa commune est difficilement transposable à la passation de baux
ruraux, qui concernent l'exercice d'une activité lucrative.
M. Francis Grignon.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon.
Madame le garde des sceaux, je vous remercie de vous être déplacée pour
répondre à cette petite question. Je vous remercie également pour votre réponse
très positive.
J'ajoute que je vais analyser en détail le rapport que vous venez de me faire
remettre, car j'ai cru comprendre qu'il me permettra de trouver une réponse
précise à ma question.
CONDITIONS D'INSTALLATION DE DÉBITS DE TABAC
EN ZONE DE MONTAGNE
M. le président.
La parole est à M. Domeizel, auteur de la question n° 405, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Claude Domeizel.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le 20 novembre 1997, en réponse à une question
écrite posée par mon prédécesseur, M. Fernand Tardy, ancien sénateur des
Alpes-de-Haute-Provence, votre ministère annonçait une adaptation de la
réglementation pour la création d'un débit de tabac en milieu rural de
montagne.
Les difficultés rencontrées pour obtenir ce type d'autorisation sont
nombreuses, et le département que je représente n'y échappe pas.
Pour ouvrir un débit de tabac, il faut en effet répondre à au moins deux
critères : tout d'abord, la population, 500 habitants au minimum, ensuite,
l'éloignement du point de vente le plus proche, c'est-à-dire dix minutes en
véhicule motorisé.
L'administration ne tient compte que des données propres à la commune
concernée. Or, les communes situées en zone rurale de montagne, qui atteignent
parfois à peine le seuil de population fixé pour l'ouverture d'un débit de
tabac, sont pourtant très souvent les centres d'approvisionnement de toutes les
petites communes ou de tous les petits villages alentour.
Il n'est par ailleurs tenu compte ni du relief, ni des conditions climatiques,
qui rendent les déplacements plus difficiles, ni de l'activité touristique,
telle que la présence d'un camping, par exemple, ni du trafic sur la route qui
traverse la commune.
Pourtant, nous savons tous l'importance que revêt pour nos communes la
présence des services et des commerces pour lutter contre la désertification.
Je songe à l'école, à la poste ou à la gendarmerie, mais aussi à l'épicerie, au
dépôt de pain ou au bistrot.
Bon nombre de conseils généraux ou régionaux se joignent aux communes pour
maintenir ou rouvrir des commerces multiservices.
Je demande aujourd'hui que l'Etat participe - bien modestement, vous le
reconnaîtrez - à ces efforts conjoints des collectivités territoriales.
Enfin, il me paraît aberrant que des règles fondées sur la rentabilité du
comptoir de vente s'opposent à l'ouverture d'un débit de tabac, alors que
l'adjonction d'une telle activité permettrait précisément de rentabiliser les
commerces existants et contribuerait à leur maintien.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir prêté attention à mon
propos. Cette question peut paraître futile mais elle est, pour nous,
importante. J'espère que l'adaptation annoncée voilà plusieurs mois deviendra
rapidement effective.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, votre question est
importante car elle porte sur l'installation d'un service de proximité pour les
consommateurs, les débits de tabac remplissant par ailleurs une mission de
service public dans certains domaines : la vente des vignettes et des timbres
fiscaux, par exemple. Je suis donc personnellement très attentif à cette
question.
Vous avez rappelé que, dans le cas général, deux critères sont appliqués : un
seuil minimum de population et le nombre de débits de tabac dans un périmètre
donné.
Il est clair que ces critères doivent, comme vous le souhaitez, être adaptés
aux situations particulières des zones rurales, singulièrement des zones de
montagne.
Vous savez qu'en 1992 les critères de population ont été supprimés pour les
zones de montagne. Par ailleurs, à la fin de l'année 1998, le Gouvernement a
décidé d'assouplir les règles d'agrément des candidats à la reprise du dernier
débit de tabac d'une commune dans les zones de revitalisation rurale et les
débitants de tabac ont eu la possibilité de tenir des commerces franchisés ou
d'être locataires-gérants de leur fonds de commerce, ce qui n'était pas permis
auparavant.
J'ai annoncé ces nouvelles dispositions au congrès des débitants de tabac en
octobre dernier.
Ces mesures devraient permettre de réduire les cas de fermeture des points de
vente et d'offrir à certains jeunes la possibilité de trouver un emploi dans
leur région.
Lors de ce congrès, j'ai également annoncé qu'un groupe de travail serait
constitué et placé sous l'autorité du directeur général des douanes et droits
indirects et de la confédération des débitants de tabac de France, que préside
avec beaucoup de dynamisme M. Tritschler. Ce groupe de travail est chargé
notamment d'étudier une nouvelle adaptation des règles applicables à
l'implantation des débits de tabac dans les zones rurales, particulièrement
dans les zones de montagne.
J'espère, monsieur le sénateur, vous avoir apporté une réponse précise et
constructive.
M. Claude Domeizel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse et de
l'intérêt que vous avez manifesté pour les communes de montagne. J'espère que
les éclaircissements que vous avez apportés seront de nature à améliorer la
réaction de l'administration du budget lorsque des demandes lui seront
présentées.
COÛT ET CONSÉQUENCES
DU PASSAGE INFORMATIQUE À L'AN 2000
M. le président.
La parole est à M. Gouteyron, auteur de la question n° 410, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Adrien Gouteyron.
J'ai tenu à poser cette question parce que le sujet est important et doit être
évoqué devant le Parlement.
A l'approche de l'an 2000, aux frayeurs millénaristes d'antan se substitue le
compte à rebours d'une inévitable échéance. Ce n'est plus le ciel qui menace de
nous tomber sur la tête, ce sont nos ordinateurs qui risquent de fonctionner de
manière erratique et de devenir, en quelque sorte, des machines à remonter le
temps !
Peu de secteurs semblent devoir être épargnés, si l'on songe à la place prise
dans nos sociétés modernes par l'informatique.
Evidemment, on pense tout de suite aux ordinateurs les plus puissants, les
plus sophistiqués du contrôle aérien, du contrôle maritime, des grandes
industries. Mais, on le sait bien, l'informatique est présente jusque dans
notre vie de tous les jours.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'Etat, l'Etat a-t-il assez pris conscience
des enjeux ?
Pendant qu'aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et dans bien d'autres pays
avancés, les gouvernements font de ce sujet une véritable priorité nationale,
il me semble que, chez nous, on se contente de regarder l'avenir, pourtant
proche, avec un optimisme qui engendre la passivité.
Le gouvernement britannique a lancé un plan de 155 millions de dollars pour
aider les entreprises à ajuster leurs systèmes. En revanche, dans notre pays,
on s'est contenté de nommer M. Gérard Théry à la tête de la mission « An 2000
», qui s'évertue, avec peu de moyens, de sensibiliser toutes les parties
concernées.
Il n'y a pas si longtemps, un grand quotidien du soir titrait : « La France
ouvre timidement la chasse au bogue de l'an 2000 » et affirmait : « La mission
mise en place par le Gouvernement manque de moyens pour sensibiliser
efficacement l'ensemble des industries, particulièrement les PME. »
Cette prise de conscience timide est-elle à la hauteur des risques ? On peut
ne pas le penser.
Sans céder à un quelconque catastrophisme, certains chiffres ont de quoi
inquiéter. Ainsi, selon une très sérieuse revue, le « bogue » de l'an 2000
serait évalué à 5 000 milliards de dollars - c'est astronomique ! - soit plus
de trois fois la richesse produite sur le sol français en une année.
Quant à la mission « An 2000 », elle estime le coût mondial entre 300
milliards et 1 600 milliards de francs, selon les sources.
Le Gouvernement n'a-t-il pas une approche par trop minimaliste ?
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne pouvez pas ignorer que la
déclaration finale du G 8 à Birmingham constate que cet événement constitue un
problème majeur pour la communauté internationale.
Pour terminer, je voudrais insister sur le risque que le « bogue » de l'an
2000 fait courir tout particulièrement aux petites entreprises, qui sont sans
doute les moins bien armées pour s'y préparer. Je relève que nos petites
entreprises vont devoir affronter non seulement cet événement considérable,
mais aussi le passage aux trente-cinq heures et, enfin, le passage à l'euro
!
Que va faire le Gouvernement ? Il est encore temps d'agir, même s'il est bien
tard.
Le Gouvernement va-t-il faire autre chose que sensibiliser nos concitoyens,
sensibiliser les entreprises ?
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre réponse sera à la hauteur
des enjeux !
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, vous posez
effectivement une question importante sur un problème important : le passage
pour toutes les horloges électroniques du 31 décembre 1999 au 1er janvier 2000.
Certains craignent que quelques-unes de ces horloges n'en reviennent à l'année
zéro, c'est-à-dire à l'année 1900, ce qui causerait effectivement une
perturbation très grave.
Avant de répondre précisément à votre question, je ferai remarquer que le
passage à l'euro, qui posait un grand problème informatique, s'est déroulé sans
difficulté - je parle non pas des petites et moyennes entreprises mais de
l'ensemble de nos grandes entreprises et de notre système financier. On peut en
rendre hommage aux ingénieurs et aux responsables des différentes entreprises
de notre pays.
En préalable à ma réponse, j'émettrai donc un message d'espoir et de confiance
dans le talent de ceux qui vont devoir affronter ce problème.
Au fil de votre argumentation, vous vous demandez pourquoi ne pas décréter
cette question priorité nationale, faisant ainsi référence à une procédure
juridique britannique.
Dans la pratique, je crois que le Gouvernement s'est mobilisé pour que tout le
monde, particulièrement les petites entreprises, abordent cette épreuve dans
les meilleures conditions possible.
Je vous rappelle que, le 30 septembre 1997, mon collègue M. Christian Pierret
avait souligné l'importance de ce problème.
Vous avez fait allusion à la mission « Passage informatique à l'an 2000 »
confiée au grand expert qu'est Gérard Théry.
Comme vous le savez, le Gouvernement a adressé, au mois de juillet 1998, aux
800 000 responsables de petites et moyennes entreprises, une lettre accompagnée
de dix recommandations.
Le Premier ministre a mobilisé l'ensemble de l'administration le 6 novembre
1998.
Le 26 novembre 1998, Dominique Strauss-Kahn, Marylise Lebranchu et Christian
Perret ont présenté le programme d'action du Gouvernement pour les prochains
mois.
Le 3 février dernier, le Premier ministre a installé le comité national pour
le passage à l'an 2000.
Voilà pour la sensibilisation.
Je voudrais insister maintenant sur les actions d'information qui vont être
menées et sur les aspects fiscaux du dossier.
S'agissant du premier point, je rappellerai que, au mois de décembre dernier,
le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a écrit à 2 200 000
patrons de PME pour leur demander où ils en étaient. En effet, il ne revient
pas au Gouvernement de régler au cas par cas ce problème dans les entreprises ;
il est trop respectueux de la pleine responsabilité des chefs d'entreprise.
Par conséquent, un recensement très vaste a été effectué.
Par ailleurs, un guide pratique très détaillé, comprenant des exemples
concrets, a été diffusé dans l'ensemble du pays.
Le travail d'information a donc lieu ; je crois qu'il est très poussé.
J'en viens à l'aspect fiscal du dossier.
Il est clair que certains matériels vont devoir être renouvelés peut-être un
peu plus tôt que cela aurait été nécessaire.
Aussi, le Gouvernement a décidé d'étendre à l'an 2000 les mesures fiscales qui
avaient été prises pour le passage à l'euro. Vous le voyez, le parallèle que
j'ai utilisé en introduction entre la mise en place de l'euro et le passage à
l'an 2000 trouve une conséquence concrète dans le domaine de la fiscalité.
Je peux vous annoncer qu'une instruction fiscale confirmant cette décision
sera publiée dans les prochains jours.
Ainsi, dès le mois de septembre 1997, le Gouvernement, conscient de
l'importance du problème, a envisagé les mesures nécessaires pour que les chefs
d'entreprise, notamment les chefs de petite ou moyenne entreprise, bénéficient
de dispositions fiscales qui les aident à assumer ce coût supplémentaire, à
propos duquel, vous l'avez dit vous-même, les chiffres les plus fantaisistes
ont été avancés.
M. Adrien Gouteyron.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question aura eu au moins l'avantage de vous
conduire à rappeler tout ce que le Gouvernement a fait, en particulier pour la
sensibilisation.
Il semble qu'un effort soutenu et significatif ait été réalisé. Est-il
suffisant ? Je ne sais pas.
Je me réjouis que vous ayez annoncé la sortie prochaine d'une instruction
fiscale pour aider les entreprises à renouveler les matériels lorsque cela est
nécessaire. Il s'agit là d'une mesure importante. Est-elle suffisante ?
L'avenir nous le dira.
Je terminerai en disant que, l'événement étant prévisible, notre
responsabilité politique, à nous tous, serait totalement engagée si des
conséquences économiques et sociales graves - pourquoi ne pas l'imaginer ? -
devaient en découler.
Nous avons intérêt à prendre cette affaire au sérieux et peut-être aurons-nous
l'occasion d'en reparler, monsieur le secrétaire d'Etat.
ÉQUIPEMENT DE RADIOCOMMUNICATION MOBILE
M. le président.
La parole est à M. Robert, auteur de la question n° 421, adressée à M. le
secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Jean-Jacques Robert.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous constatons, en même temps que l'évolution du téléphone portable - 5
millions d'abonnés en 1997 et 11 millions au début de cette année - des
difficultés de plus en plus nombreuses entre les acheteurs et les
distributeurs.
J'ai été le rapporteur du projet de loi sur le code de la consommation dans sa
partie législative et je suis amené depuis à suivre de près la protection des
consommateurs.
Quelles sont les difficultés qui sont rencontrées ?
L'acheteur qui passe un contrat, en particulier avec un forfait de
communications, se voit offrir, ou presque, l'appareil.
Inexpérimenté, il se retrouve souvent mal dans les obligations contractuelles
qu'il doit signer chez le distributeur, rarement avec l'opérateur, et dont il
subira plus tard les contraintes, au fil de l'utilisation.
La publicité d'appel subordonne la vente à des conditions très avantageuses
pour un abonnement forfaitaire. Le débutant peut se tromper dans ce qu'il
recherche.
J'ajouterai encore que l'information donnée par les opérateurs ou par les
distributeurs lors de la signature du contrat est insuffisante.
Par ailleurs, l'obligation du paiement par prélèvement automatique mensuel
conduit à une mauvaise gestion du compte de l'utilisateur et à des surprises
désagréables. Celui-ci devrait avoir le choix du mode de paiement, sans subir
de pression au moment de la signature.
En outre, notons des conditions tarifaires variables au gré de l'opérateur en
cas de dépassement de ce fameux forfait, ainsi que l'utilisation de clauses
abusives. Il s'agit en particulier de la modification unilatérale, au gré de
l'opérateur, des conditions de facturation et de l'achat au prix fort d'un
nouvel appareil en cas de perte, de casse ou de besoins plus modernes, et ce à
des conditions totalement différentes de celles du contrat d'origine,
entraînant, du reste, le changement de numérotation.
Par ailleurs, dans la publicité d'appel et dans le forfait d'abonnement, le
coût réel de l'appareil portable est caché. Ainsi, très souvent, à la signature
du contrat d'abonnement, le consommateur a une fausse appréciation de sa
valeur.
Pour éviter ces pratiques condamnables, trois recommandations semblent
nécessaires.
En premier lieu, l'acheteur devrait bénéficier d'un délai de rétractation de
sept jours, comme dans d'autres situations de position dominante, après
signature du contrat.
En deuxième lieu, les contrats d'abonnement devraient mentionner la faculté
soit d'un dépôt de garantie, soit d'une avance de paiement dans le cas où le
client refuserait le prélèvement automatique qui lui est imposé.
En troisième lieu, en cas de modification des tarifs, le consommateur devrait
pouvoir résilier son contrat, sans pénalité, à son initiative.
Pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette situation vous conduise
à prendre des mesures allant dans le sens que je viens d'exprimer ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, vous avez interrogé le
Gouvernement à propos de l'achat de téléphones mobiles, en soulignant l'état
d'explosion de ce marché. Vous avez, par exemple, cité le chiffre de 11
millions d'abonnés à la fin de 1998 - les spécialistes prévoient que, d'ici à
la fin de l'an 2000, donc d'ici à deux ans, ce seront vingt millions d'abonnés
qui posséderont un téléphone mobile.
Il est donc clair que les questions que vous posez sur la commercialisation
des téléphones mobiles sont importantes.
La première d'entre elles porte sur l'existence d'un délai de rétractation,
c'est-à-dire d'une sorte de délai de réflexion permettant de réfléchir après
coup à l'opportunité d'un achat.
Or le téléphone mobile est un bien de consommation courant et non un bien de
consommation durable, comme une automobile ou une machine à laver, et c'est
donc la règle de droit commun qui s'applique, c'est-à-dire celle qui prévaut
lors d'un achat immédiat dans une boutique.
Cela étant - et vous le savez, monsieur le sénateur, puisque vous êtes orfèvre
en la matière - le délai de rétractation de sept jours existe dans le cas où
l'appareil a été acheté à la suite d'un démarchage, c'est-à-dire lorsque le
vendeur est venu à votre domicile vous proposer un contrat, ou lorsqu'il s'agit
d'opérations de vente à distance. Dans ces deux cas, le consommateur est
protégé comme vous le souhaitez.
Vous avez aussi insisté sur le fait que, dans certains cas, il a été procédé à
des modifications unilatérales des conditions de facturation. Ce que vous dites
est tout à fait exact.
La commission des clauses abusives, qui est placée auprès de la direction
générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes,
examine en ce moment les clauses qui comportent des modifications unilatérales
de tarification. Le Gouvernement devrait disposer des recommandations de cette
commission à la fin du premier semestre de 1999 ; il en tirera les
conséquences.
Par ailleurs, à partir des plaintes qui ont été déposées par des consommateurs
auprès des services de la répression des fraudes, nous sommes en train
d'établir un inventaire des conditions d'information des consommateurs, qui,
vous l'avez dit, dans un certain nombre de cas, ne sont pas tout à fait
satisfaisantes.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, sur ce marché en développement très
rapide, le Gouvernement a le souci de protéger le consommateur contre des
pratiques commerciales qui, certes, sont exceptionnelles, mais n'en sont pas
moins condamnables.
M. Jean-Jacques Robert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Robert.
M. Jean-Jacques Robert.
Je vous remercie de ces précisions, monsieur le secrétaire d'Etat. Je croyais
bien savoir, en effet, que la commission des clauses abusives travaillait sur
ce sujet.
Je souhaitais surtout, étant donné le « boom » que vous avez évoqué et qui
touche beaucoup de jeunes, très souvent inexpérimentés au regard de ce type de
clauses, que cela ne dure pas trop et que des mesures soient prises
rapidement.
Par ailleurs, il existe une autorité de régulation des télécommunications ; je
me demande si cette autorité, qui, d'après les informations dont je dispose, ne
le fait pas actuellement, ne devrait pas s'intéresser à ces questions et, pour
la partie qui peut relever de sa compétence, tenter de préserver des
difficultés actuelles non pas l'opérateur, ce qui pourrait être le cas, mais le
consommateur.
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à seize heures quinze, sous la
présidence de M. Guy Allouche.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à
la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein d'un organisme
extraparlementaire.
En conséquence, j'invite la commission des lois à présenter un candidat appelé
à siéger, en qualité de suppléant, au sein du comité des finances locales, en
remplacement de M. André Bohl, démissionnaire.
La nomination du sénateur appelé à siéger au sein de cet organisme
extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par
l'article 9 du règlement.
5
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Claude Estier.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Ce rappel au règlement concerne les incidents extrêmement graves qui se sont
déroulés hier au ministère de l'environnement : des agriculteurs venus de
départements du bassin parisien et du Centre ouest, qui ne sont certainement
pas parmi les plus défavorisés,...
M. Emmanuel Hamel.
Il y en a partout !
M. Claude Estier.
... ont saccagé avec une rare violence le bureau de la ministre de
l'environnement et de l'aménagement du territoire, Dominique Voynet, et ont
tenté de se livrer aux mêmes actes dans les locaux de l'Ecole nationale
d'administration.
Au moment où toute notre attention se porte sur les problèmes de la
délinquance juvénile et sur les moyens d'y faire face, il est inadmissible que
des adultes se livrent à de tels agissements, et cela alors même que les
organisations agricoles, reçues aujourd'hui par le Premier ministre,
poursuivent le dialogue, notamment sur la réforme de la PAC, avec un
gouvernement qui est à leur écoute.
Nous ne confondons évidemment pas les agriculteurs français dans leur ensemble
avec ces commandos de casseurs, dont on peut se demander par qui ils sont
manipulés et contre lesquels nous attendons les sanctions qui s'imposent.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Estier.
6
ORDONNANCE RELATIVE AUX SPECTACLES
Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n°
512, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en
deuxième lecture, portant modification de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre
1945 relative aux spectacles. [Rapport n° 543 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi portant modification de
l'ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles, adopté en deuxième
lecture par l'Assemblée nationale le 17 juin 1998, revient aujourd'hui en
deuxième lecture devant votre assemblée.
Je me réjouis, au nom du Gouvernement, du travail accompli par les deux
assemblées qui ont su, chacune à son tour, enrichir le texte et en préciser la
portée. Les définitions des catégories des entrepreneurs de spectacles ont été
affinées ; les précisions indispensables ont été apportées, permettant
l'identification des acteurs et des responsables concourant à la représentation
des spectacles.
Vous le savez, l'adoption de ce texte contribuera au respect par l'Etat des
engagements pris lors de la signature du protocole conclu à l'issue de la
mission de M. Pierre Cabanes et lié à la reconduction des annexes 8 et 10 de
l'assurance chômage. Je rappelle, en effet, que cette réforme législative est
l'un des éléments essentiels du renforcement des droits des salariés du
spectacle et de la lutte contre la précarité de leur situation.
L'Assemblée nationale a repris, en deuxième lecture, l'intégralité des
amendements qui avaient été adoptés par le Sénat. J'y vois le signe d'une
collaboration très constructive des deux assemblées sur ce texte.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Sans reprendre l'ensemble
d'un projet qui a été présenté dans le détail lors de la première lecture, je
rappellerai les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale qu'il vous
appartient aujourd'hui d'examiner.
L'Assemblée nationale a précisé, à l'article 2 du projet de loi, la définition
des catégories de diffuseurs en indiquant que sont inclus dans cette catégorie
« les entrepreneurs de tournées qui n'ont pas la responsabilité d'employeur à
l'égard du plateau artistique ».
Cette précision est utile et elle complète la rédaction qui avait été adoptée
par le Sénat. Ainsi, la définition et le rôle de chacune des catégories
d'entrepreneurs de spectacles sont désormais clarifiés.
Le décret d'application précisera que, dans tous les cas où un contrat est
conclu entre un diffuseur et un exploitant de lieux, l'identité du producteur,
responsable de l'emploi du plateau artistique, devra être mentionnée dans le
contrat.
Ainsi, les responsabilités des différents professionnels qui concourent à des
représentations de spectacles seront identifiées.
Je souhaite apporter des précisions sur la libre circulation en Europe, point
qui a été évoqué par M. Nachbar dans son rapport.
Pour s'établir en France, les ressortissants étrangers devront effectivement
solliciter une licence, comme les nationaux, sauf à produire un titre
équivalent. Comme le souligne M. le rapporteur, ce type de législation n'est
pas développé dans les autres pays européens. Cependant, pour respecter le
principe communautaire de liberté d'établissement, la loi doit prévoir cette
possibilité d'équivalence.
En ce qui concerne les entrepreneurs de spectacles qui ne sont pas établis en
France et qui n'entrent pas dans la catégorie des ressortissants communautaires
titulaires d'un titre équivalent, deux possibilités leur sont offertes : soit
solliciter une licence temporaire, valable pour la durée des représentations
envisagées ; soit passer un contrat avec un titulaire de licence en France et
adresser une déclaration à l'autorité compétente.
Dans cette seconde hypothèse, le système de simple déclaration permet de
mettre la législation française en conformité avec les principes de libre
prestation de service, consacrés à l'échelon communautaire, tout en évitant une
discrimination à l'encontre des entrepreneurs de spectacles français par
rapport à leurs homologues européens qui exercent leur activité sans être
soumis à des obligations équivalentes dans leur propre pays.
En pratique, l'exigence d'un contrat avec un entrepreneur de spectacles en
France ne constitue pas un obstacle supplémentaire pour les entrepreneurs de
spectacles étrangers ; la représentation d'un spectacle en France implique un
lieu de spectacles, ce qui suppose, en toute hypothèse, un contrat avec un
exploitant de lieu étant, aux termes de l'ordonnance, titulaire d'une
licence.
Ainsi, l'article 4 permet d'assurer et de garantir aux ressortissants
européens la liberté d'établissement et de prestation de service.
Le Gouvernement précisera, dans le décret d'application, la procédure
permettant de contrôler les entrepreneurs de spectacles, qu'ils soient français
ou ressortissants européens, et d'assurer une égalité de traitement.
C'est à ce titre que ce même article autorise l'inspection du travail,
l'URSSAF, les organismes sociaux du spectacle et les sociétés de perception et
de répartition des droits d'auteurs à communiquer aux autorités administratives
chargées de délivrer ou de renouveler les licences des informations sur la
situation des entrepreneurs concernés.
En ce qui concerne la définition des organisateurs occasionnels, il est
précisé à l'article 6 du projet que les amateurs qui ont recours à des artistes
du spectacle percevant une rémunération relèvent bien, dans la limite des six
représentations fixées par le texte, de l'activité occasionnelle d'entrepreneur
de spectacles telle qu'elle est définie par la loi.
Il me paraît important, notamment dans le cadre du développement des
pratiques amateurs, auquel je suis particulièrement attachée, que cette
définition soit ainsi complétée.
Bien entendu, l'exonération de licence pour six représentations ne dispense
pas du respect des législations sociale, du travail et fiscale, ni des
obligations liées au droit de la propriété littéraire et artistique. Elle est
destinée à alléger les obligations administratives pour les activités amateurs
ou l'organisation ponctuelle de spectacles par des associations.
Je rappelle que les représentations ne faisant pas appel à des artistes
professionnels rémunérés restent évidemment en dehors du champ d'application de
la loi.
S'agissant des incompatibilités, qui font l'objet de l'article 12
bis,
le projet de loi initial maintenait une incompatibilité entre la fonction
d'agent artistique et celles d'exploitant de lieux et de diffuseur, inscrite à
l'article L. 762-5 du code du travail.
Les débats précédents ont en effet démontré que, depuis 1945, ni l'ordonnance
ni le code du travail ne faisaient référence aux diffuseurs et que de nombreux
agents artistiques exerçaient cette activité.
C'est pourquoi l'Assemblée nationale a modifié la rédaction du projet sur ce
point, afin de ne pas étendre au-delà de celle qui existe déjà le régime de
l'incompatibilité entre exploitant de lieux et agent artistique.
La philosophie du projet étant de définir les métiers reconnus par les usages
professionnels, il me semble important que les agents artistiques ne fassent
pas l'objet d'une discrimination par rapport aux entrepreneurs de tournées,
leurs activités respectives étant semblables sur bien des points.
J'en viens à la non-rétroactivité du texte.
L'adoption du dispositif prévu sur ce point à l'article 13 ne devrait pas
présenter de difficulté, la portée de cet article étant limitée aux licences
attribuées avant l'entrée en vigueur du texte et qui continueront à produire
des effets jusqu'à la fin de leur validité, limitée à deux ans.
Bien entendu, toutes les licences définitives continueront à produire leur
effet sauf si, des infractions aux obligations sociales ayant été relevées à
leur encontre, une décision de retrait était prononcée.
Enfin, je souhaiterais vous dire quelques mots des deux amendements sur
lesquels vous aurez, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous prononcer dans
quelques minutes.
Tout d'abord, vous le savez, le Gouvernement a déposé un amendement de pure
coordination à l'article 12, adopté conforme par les deux assemblées. Il ne
s'agit absolument pas ici de revenir sur le fond de l'article ; il s'agit
simplement de corriger une disposition devenue obsolète au regard des
dispositions fiscales adoptées dans la loi de finances pour 1999. En effet, les
collectivités territoriales peuvent désormais exonérer totalement de la taxe
professionnelle certaines entreprises de spectacles.
En ce qui concerne l'amendement du président de la commission des affaires
culturelles, M. Gouteyron, je souhaite vous dire d'ores et déjà qu'il a retenu
toute mon attention. La préoccupation qu'il recouvre est tout à fait légitime,
et je souhaite y répondre. Comme vous le savez, j'ai déjà eu l'occasion
d'évoquer cette question à la suite du dépôt d'un amendement de M. Patrick
Bloche, rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale ; je suis donc tout à
fait disposée à apporter les précisions complémentaires qui permettront, je
l'espère, de mettre un terme aux inquiétudes dont le président Gouteyron se
fait l'écho.
Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
points sur lesquels j'ai souhaité, au nom du Gouvernement, apporter des
précisions.
Je voudrais, pour conclure, remercier à nouveau le rapporteur, M. Nachbar, du
travail qu'il a effectué, l'ensemble de la commission des affaires culturelles
et son président de l'intérêt qu'ils ont manifesté sur ce texte très attendu
par l'ensemble du secteur du spectacle vivant et du spectacle enregistré.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Nachbar,
rapporteur de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant
modification de l'ordonnance de 1945 sur les spectacles, que nous avions
examiné le 29 avril 1998 et qui a été adopté par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, revient aujourd'hui devant nous.
Un tel délai, à l'évidence excessif, aura d'ailleurs pour conséquence, en
dépit de l'avis conforme de la commission, d'imposer une troisième lecture par
l'Assemblée nationale. Nous allons en effet examiner dans un instant un
amendement que le Gouvernement est tenu de déposer pour rendre ce texte
conforme à la loi de finances dans une de ses dispositions importantes.
Je tiens à préciser que ce délai, que je viens de qualifier d'excessif, ne
tient en rien à une quelconque divergence entre les deux assemblées. A
l'occasion de l'examen de ce projet de loi, le Sénat et l'Assemblée nationale
ont en effet travaillé en étroite collaboration avec le Gouvernement, ce dont
je ne peux que me féliciter.
En effet, ce texte répond à un objectif qui suscitait l'adhésion de chacun de
ceux qui ont eu à l'étudier : adapter à la situation du spectacle vivant
d'aujourd'hui un texte datant de 1945, qui, pour l'essentiel de son contenu,
n'avait quasiment jamais varié. Devenues par conséquent tout à fait obsolètes,
les dispositions visées nécessitaient, bien au-delà d'un simple toilettage, une
refonte complète.
Je me dispenserai de revenir sur les détails du projet de loi que nous avions
examiné l'an dernier pour me contenter d'en rappeler les trois principaux
objectifs.
Il s'agit, d'abord, d'adapter l'ordonnance aux réalités des métiers du
spectacle vivant, métiers qui, à l'instar d'une administration longtemps portée
sur la réglementation, ont sensiblement évolué depuis la Seconde Guerre
mondiale. La tendance actuelle consiste à laisser aux spectacles, et, plus
globalement, aux métiers de la culture, une faculté de libre organisation.
Il s'agit, ensuite, de simplifier le régime de la licence d'entrepreneur de
spectacles vivants.
Il s'agit, enfin, de renforcer les contrôles relatifs au respect de la
législation sociale et du règlement des droits d'auteurs.
En première lecture, l'Assemblée nationale comme le Sénat ont approuvé ces
orientations et ont adopté les principales dispositions du texte, en les
assortissant de quelques amendements.
Lors de l'examen de ce projet de loi en avril dernier, notre assemblée avait
introduit trois amendements principaux.
En premier lieu, elle avait institué un régime d'autorisation tacite pour la
délivrance comme pour le renouvellement de l'autorisation de licence. Elle
était en effet soucieuse d'éviter de nouvelles contraintes, aussi bien pour les
professionnels du spectacle que pour les responsables de politique culturelle,
notamment pour les collectivités locales.
Désireux de préserver la possibilité de libre administration des communes, le
Sénat avait effectivement estimé nécessaire le maintien et le développement
d'un régime d'autorisation tacite. Il avait été suivi sur cette voie par
l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement.
En deuxième lieu, le Sénat avait précisé la définition des différentes
catégories de licences d'entrepreneur de spectacles, notamment de celles qui
sont relatives aux diffuseurs, afin de clarifier au maximum cette matière,
complexe par nature.
Enfin, en troisième lieu, le Sénat, pour renforcer l'efficacité du dispositif
adopté, avait étendu aux exploitants de lieux de spectacles et aux diffuseurs
la possibilité, initialement réservée aux producteurs, d'accueillir en France
des entrepreneurs étrangers, sous la seule réserve d'une déclaration, et non
pas d'une demande de licence.
Lorsqu'elle a examiné le texte en deuxième lecture, en juin 1998, l'Assemblée
nationale, après avoir approuvé les amendements du Sénat, a elle-même modifié
le texte sur deux points que vous venez d'évoquer, madame la ministre.
A l'article 6, relatif aux spectacles occasionnels, les députés ont adopté,
sur votre initiative, un amendement autorisant les groupements d'artistes
amateurs ayant recours à des artistes du spectacle à organiser six
représentations par an sans licence. J'y vois un assouplissement à mon sens
tout à fait nécessaire. Comment imaginer qu'un spectacle organisé par des
amateurs soit soumis à cette procédure relativement lourde de la licence, qui
est destinée aux professionnels ?
L'article 12
bis
précise le régime des incompatibilités entre les
activités d'agent artistique et d'entrepreneur de spectacles vivants.
Désormais, seule l'activité d'exploitant est incompatible avec celle d'agent
artistique, pour des raisons aisément compréhensibles, tant un mélange des
genres entre ces deux activités paraît peu concevable.
Suivant enfin votre initiative, l'Assemblée nationale avait introduit une
disposition invitant les organismes sociaux, l'inspection du travail, les
organismes de perception et de répartition des droits d'auteur à se coordonner
avec les directions régionales des affaires culturelles afin qu'un contrôle
soit exercé de la manière la plus souple possible au moment du renouvellement
ou de l'octroi des licences.
Je vous confirme aujourd'hui l'avis favorable émis, lors de l'examen du texte,
par notre commission sur les trois amendements introduits et votés par
l'Assemblée nationale.
La commission souhaite en effet, comme l'ensemble du Sénat, comme l'Assemblée
nationale, parvenir à un juste équilibre entre le nécessaire renforcement d'un
contrôle de l'application de la législation sociale et la volonté de simplifier
un secteur où la liberté de création doit être la règle. Il fallait maintenir
une réglementation propre aux spectacles vivants.
M. Emmanuel Hamel.
Y a-t-il des spectacles morts pour qu'on parle toujours de spectacles vivants
?
M. Philippe Nachbar,
rapporteur.
Telle était la volonté des professionnels, qui s'étaient
exprimés par l'intermédiaire du Conseil national des professions.
Il fallait assurer le respect des droits des artistes, tout en maintenant le
dynamisme et la créativité des professionnels du spectacle vivant. Les
modifications apportées par notre assemblée en première lecture ont permis, à
partir du texte que vous nous avez soumis, de concilier ces deux objectifs.
C'est la raison pour laquelle notre commission vous proposera d'adopter sans
modification les cinq articles restant en discussion.
S'y ajouteront cependant deux amendements. Le premier vise, vous l'avez
rappelé à l'instant, madame la ministre, à adapter l'un des articles du texte à
la loi de finances, laquelle a autorisé les collectivités locales et les
groupements à fiscalité propre à exonérer à 100 % - et non plus à 50 % - de la
taxe professionnelle les entrepreneurs de spectacles. La commission a adopté
cet amendement à l'unanimité.
Elle a, par ailleurs, donné un avis favorable à l'autre amendement, déposé par
M. Gouteyron, qui tend à protéger les festivals - dont l'importance dans la vie
culturelle de notre pays est connue - d'une interprétation excessivement
stricte des dispositions relatives aux contrats de travail. Il est donc prévu
de proposer un contrat de services aux troupes venant de l'étranger.
Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues,
les positions prises lors de sa récente réunion par la commission des affaires
culturelles à la fois sur les cinq articles encore en discussion et sur les
deux amendements qui nous sont soumis et qu'elle vous demande de bien vouloir
adopter.
(Applaudissements.)
M. le président.
Permettez-moi une remarque amicale, monsieur le rapporteur : la prochaine
fois, pensez à nos sténographes, qui, pour être expérimentés, n'en sont pas
moins parfois handicapés par une élocution trop rapide !
(Sourires.)
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, régi par une
ordonnance de 1945 qui n'avait quasiment subi aucune modification, le monde du
spectacle vivant attendait depuis longtemps cette réforme.
Comme vient de le rappeler M. le rapporteur, ce projet de loi, que nous
examinons aujourd'hui en deuxième lecture, a suscité un large consensus. Nous
pouvons nous féliciter qu'il adapte une ordonnance ancienne et devenue obsolète
aux nouvelles réalités du spectacle vivant en affirmant la nécessité de faire
respecter les obligations sociales dans un domaine où nous savons tous qu'elles
sont moins bien appliquées que dans d'autres.
Dans une optique de professionnalisation du spectacle vivant, ce texte répond
donc à deux grandes exigences : d'une part, simplifier et rationaliser le
régime des licences octroyées aux entrepreneurs de spectacles, d'autre part,
améliorer les conditions de respect par les entrepreneurs de spectacles de leur
obligations en matière de droit social et de propriété littéraire et
artistique.
Evoquons d'abord la simplification et la rationalisation du régime des
licences.
Tout en maintenant le principe de la licence, le projet de loi la généralise à
toutes formes de spectacles vivants. Seules les pratiques amateurs en sont
désormais exclues. En revanche, toutes les structures, qu'elles soient
publiques ou privées, de nature associative ou à but lucratif, sont soumises à
ce même régime.
L'art dramatique, la danse et la musique ayant beaucoup évolué depuis la
guerre, les six catégories de licences de l'ordonnance de 1945 n'offraient plus
un reflet fidèle des pratiques artistiques actuelles.
Le projet de loi vise à instituer trois types de licences se référant à des
métiers et non plus à des genres artistiques.
Ainsi distingue-t-il trois licences différentes selon qu'il s'agit d'un
exploitant de salle, d'un producteur ou d'un diffuseur.
Au cours de la première lecture, nous avions souhaité que les entrepreneurs de
tournées puissent bénéficier de la licence de la deuxième ou de la troisième
catégorie, selon qu'ils sont ou non employeurs du plateau artistique. Je me
félicite de l'introduction de cette précision par l'Assemblée nationale.
L'activité d'un entrepreneur de tournées est en effet parfois beaucoup plus
proche de celle d'un diffuseur que de celle d'un producteur : c'est notamment
le cas lorsqu'il achète un spectacle « clés en main » et se contente d'en
organiser la diffusion territoriale.
Par ailleurs, j'ai pris bonne note, madame la ministre, de la possibilité qui
est donnée aux entrepreneurs de spectacles établis à l'étranger de passer par
le détenteur de l'une des trois catégories de licence. Néanmoins, j'éprouve
toujours quelques réticences quant à la possibilité de contracter avec les
entrepreneurs de la première catégorie, en raison du risque de conséquences
juridiques fâcheuses pour certains titulaires de cette catégorie. Je pense bien
évidemment ici à tous les lieux de spectacle pas toujours très structurés sur
le plan administratif qui fleurissent chaque été dans les plus petites de nos
communes. Je me permets, madame la ministre, d'attirer votre attention sur la
nécessité d'un important effort d'information en direction de ces petites
structures.
S'agissant toujours des entrepreneurs étrangers, je pense qu'il faudra
rapidement mettre en place par décret un système d'équivalences efficaces pour
ceux qui sont établis dans l'Union européenne.
Enfin, il me semble particulièrement important que le fichier national
regroupant toutes les demandes de licence effectuées auprès des DRAC, les
directions régionales des affaires culturelles, soit rapidement mis en
place.
Le projet de loi vise en outre à mieux faire respecter les obligations
sociales par les entrepreneurs de spectacles. La volonté de professionnaliser
le secteur s'accompagne naturellement du renforcement du statut des artistes
dans un monde où l'intermittence de l'emploi domine et où le précarité est
souvent perçue comme la règle.
Les conditions posées jusqu'ici par l'ordonnance de 1945 pour l'octroi de la
licence ne permettaient pas de faire respecter les obligations qui nous
semblent aujourd'hui essentielles. Ainsi, s'il fallait, pour obtenir une
licence, disposer d'un certificat de bonne vie et moeurs, il n'était fait
allusion nulle part au respect du droit social. Or, comme chacun sait - et
comme nous avons maintes fois l'occasion de nous en apercevoir - le spectacle
vivant est un domaine où les règles de droit sont bien souvent peu, voire pas
respectées. Il sera désormais interdit de verser des subventions publiques aux
entreprises qui ne se conformeraient pas aux règles du droit du travail, de la
protection sociale et de la propriété littéraire et artistique. Ce texte
prévoit un certain nombre de sanctions pouvant aller jusqu'au retrait de la
licence. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
S'ils ne révolutionnent pas à proprement parler le secteur auquel ils
s'appliquent, certains projets de loi, qui facilitent néanmoins grandement la
vie de nos concitoyens, peuvent, en ce sens, être vécus comme de véritables
petites révolutions. La profession souhaitait depuis longtemps que l'ordonnance
qui régissait son secteur, vieille de cinquante ans, soit réactualisée et que
des moyens efficaces de contrôle du respect des règles de droit soient mis en
place. C'est chose faite.
Le groupe socialiste votera ce texte en deuxième lecture, comme il l'avait
voté en première lecture.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Emmanuel Hamel.
Mme Pourtaud est une grande cantatrice !
(Sourires.)
M. le président.
Et M. Hamel a toujours le propos flatteur !
(Nouveaux sourires.)
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de
l'examen de ce texte en première lecture, notre collègue Ivan Renar rappelait
l'importance du spectacle vivant dans le paysage culturel de notre pays, au
regard notamment du nombre de structures, de leur diversité et du nombre de
salariés concernés.
Le texte qui nous est soumis s'intéresse principalement à la qualification
d'entrepreneur de spectacles vivants et constitue en cela un toilettage
nécessaire de l'ordonnance de 1945.
Réglementer le statut d'entrepreneur de spectacles dans le sens d'une
meilleure harmonisation, protéger le patrimoine des salles de spectacles des
appétits de certains affairistes immobiliers, ce sont là des objectifs auxquels
nous adhérions lors de l'examen de ce texte en première lecture et que nous
soutenons à nouveau aujourd'hui.
Madame la ministre, vous avez annoncé le 12 janvier dernier, lors d'une
conférence de presse, un certain nombre de mesures en direction du spectacle
vivant.
L'ambition de ces dernières, qui est à la mesure de ce que l'on peut attendre
de notre pays en matière de spectacle vivant, appellera, à n'en pas douter,
certains développements.
Pour autant, le travail à accomplir pour moderniser, démocratiser,
sensibiliser et promouvoir le spectacle vivant et ses créateurs en est à ses
balbutiements au regard des enjeux de la création aujourd'hui.
Il est des priorités qui se font jour et auxquelles nous nous devons de
répondre. Permettez-moi d'en citer quelques-unes.
Ainsi, il est à présent nécessaire d'oeuvrer à une harmonisation juridique des
structures du spectacle vivant. Je pense notamment aux structures des
collectivités territoriales, amenées très souvent, faute d'un cadre juridique
adapté, à opter tantôt pour le statut associatif, tantôt pour la régie directe,
avec les défauts que l'on sait dans l'un ou l'autre des cas.
Les inconvénients fiscaux pour le statut associatif, ou les problèmes de
rigidité pour la régie directe ne sont pas des moindres.
Dois-je rappeler que notre groupe est à l'origine d'une proposition de loi qui
permettrait cette harmonisation des structures culturelles locales attendue,
par nombre d'élus locaux, mais aussi par les responsables de telles structures
culturelles ?
Hors des structures elles-mêmes, il convient également de trouver une solution
adaptée au problème de l'intermittence du spectacle, non seulement pour aller
dans le sens de la création d'un statut des créateurs dans notre pays, mais
aussi de nous interroger sur les causes du développement de l'intermittence
dans des secteurs jusqu'à présent épargnés.
On ne peut laisser à l'appréciation des seules organisations patronales le
soin de décider que des salariés seront par milliers privés de tout droit, au
seul regard du déficit de leur caisse d'indemnisation chômage. Il y a, dans
notre pays, des droits fondamentaux que nous nous devons de garantir pour
tous.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Certes, le texte que nous examinons introduit, quant aux droits des salariés
du spectacle vivant, quelques garde-fous, mais il faut aller plus loin
encore.
Les compagnies indépendantes appellent, quant à elles, à la définition d'un
statut particulier et ont quelques craintes dans l'assimilation à la qualité
d'entrepreneur du spectacle.
De la même façon, il nous faudra rester attentifs au lien qui pourrait être
établi par les services fiscaux entre la notion d'entrepreneur du spectacle et
la qualification d'entreprise commerciale.
Les quelques questions que je viens de soulever méritent, par leur ampleur -
je pense, notamment, au statut de la création et à ceux qui participent à son
élaboration - la tenue d'un débat national sur les fondements de la politique
culturelle dans notre pays.
Pour en revenir au texte, et avant même d'aborder l'examen des amendements,
nous souhaiterions que le projet de loi qui nous est soumis fasse l'objet d'un
consensus identique à celui qui a prévalu lors de la première lecture.
Il y va de l'adoption rapide d'un texte attendu par l'ensemble de ceux qui
font du spectacle vivant leur métier, mais aussi - c'est un point important -
de l'accord des deux assemblées sur ces sujets quand il s'agit de défendre et
de promouvoir une conception originale de la politique culturelle dans notre
pays.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Il est inséré, après l'article 1er de la même ordonnance, deux
articles 1er-1 et 1er-2 ainsi rédigés :
«
Art. 1er-1. -
Est entrepreneur de spectacles vivants, toute personne
qui exerce une activité d'exploitation de lieux de spectacles, de production ou
de diffusion de spectacles, seul ou dans le cadre de contrats conclus avec
d'autres entrepreneurs de spectacles vivants, quel que soit le mode de gestion,
public ou privé, à but lucratif ou non, de ces activités.
« Les entrepreneurs de spectacles vivants sont classés en trois catégories
:
« 1° Les exploitants de lieux de spectacles aménagés pour les représentations
publiques ;
« 2° Les producteurs de spectacles ou entrepreneurs de tournées, qui ont la
responsabilité d'un spectacle et notamment celle d'employeur à l'égard du
plateau artistique ;
« 3° Les diffuseurs de spectacles qui ont la charge, dans le cadre d'un
contrat, de l'accueil du public, de la billetterie et de la sécurité des
spectacles, et les entrepreneurs de tournées qui n'ont pas la responsabilité
d'employeur à l'égard du plateau artistique. »
«
Art. 1er-2. - Non modifié. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - L'article 4 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
«
Art. 4. -
L'exercice de l'activité d'entrepreneur de spectacles
vivants est soumis à la délivrance, par l'autorité administrative compétente,
aux personnes physiques visées à l'article 5 d'une licence d'une ou plusieurs
des catégories mentionnées à l'article 1er-1. « Les entrepreneurs de spectacles
vivants, ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat
partie à l'accord sur l'Espace économique européen peuvent exercer, sans
licence, leurs activités en France lorsqu'ils produisent un titre jugé
équivalent par le ministre chargé de la culture.
« La licence d'entrepreneur de spectacles vivants est délivrée pour une durée
de trois ans renouvelable lorsque l'entrepreneur de spectacles est établi en
France.
« Lorsque l'entrepreneur de spectacles n'est pas établi en France et n'est pas
titulaire d'un titre jugé équivalent, il doit :
« - soit solliciter une licence pour la durée des représentations publiques
envisagées ;
« - soit adresser une déclaration à l'autorité compétente un mois avant la
date prévue pour les représentations publiques envisagées. Dans ce deuxième
cas, le spectacle fait l'objet d'un contrat conclu avec un entrepreneur de
spectacles détenteur d'une licence correspondant à l'une des trois catégories
mentionnées à l'article 1er-1.
« La délivrance de la licence est subordonnée à des conditions concernant la
compétence ou l'expérience professionnelle du demandeur.
« La licence ne peut être attribuée aux personnes ayant fait l'objet d'une
décision judiciaire interdisant l'exercice d'une activité commerciale.
« La licence peut être retirée en cas d'infraction aux dispositions de la
présente ordonnance et des lois relatives aux obligations de l'employeur en
matière de droit du travail et de sécurité sociale ainsi qu'à la protection de
la propriété littéraire et artistique.
« Les administrations et organismes concernés communiquent à l'autorité
compétente pour délivrer la licence toute information relative à la situation
des entrepreneurs de spectacles au regard des obligations mentionnées à
l'alinéa précédent.
« Un décret en Conseil d'Etat définit les conditions d'application du présent
article. Il fixe notamment le délai à l'expiration duquel la licence est
réputée délivrée ou renouvelée. »
Par amendement n° 1, M. Gouteyron propose de compléter
in fine
le
sixième alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 4 de
l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 par une phrase ainsi rédigée : « Ce
contrat est un contrat de prestation de services au sens de l'article L. 341-5
du code du travail. »
La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron.
Le problème que nous entendons résoudre par cet amendement est, vous le savez,
madame la ministre, puisque vous l'avez mentionné dans votre propos, un
problème sérieux.
Nombre de festivals font venir en France des orchestres et des spectacles
étrangers, en passant à cet effet des contrats avec un entrepreneur de
spectacles étranger, par exemple la Philharmonie de Berlin. J'appelle votre
attention sur ce point, mes chers collègues : la situation est alors exactement
la même que lorsque le festival fait venir, notamment, l'Orchestre national de
Lille, cher à notre collègue Ivan Renar,...
M. Emmanuel Hamel.
Cher à nous tous !
(Sourires.)
M. Adrien Gouteyron.
... ou l'Orchestre national de Lyon, cher à M. Fischer... et à vous-même,
monsieur Hamel !
M. Emmanuel Hamel.
Bien sûr !
M. Adrien Gouteyron.
Il s'agit d'un contrat entre deux entreprises, et l'entrepreneur de spectacles
invité est responsable du paiement des salaires et des cotisations sociales des
artistes dont il est l'employeur.
Malheureusement, les caisses complémentaires de retraite du spectacle - dont,
au demeurant, je comprends fort bien les difficultés - ont poursuivi en justice
plusieurs organisateurs de festivals pour leur réclamer des rappels de
cotisations, en faisant valoir que les artistes étrangers appartenant aux
formations invitées devaient être considérés comme leurs salariés, en
application de l'article L. 762-1 du code du travail.
Certains « petits » festivals se trouvent donc en très grande difficulté parce
qu'ils se voient réclamer, à ce titre, des sommes dépassant un million de
francs. J'ai présent à l'esprit plusieurs exemples, et un en particulier. Ces
festivals ne pourraient évidemment pas acquitter de telles sommes s'ils
devaient en fin de compte être condamnés.
Cette situation est tout à fait absurde. Elle met en péril plusieurs
festivals, et donc l'emploi artistique.
Madame la ministre, je crois savoir que la ministre des affaires sociales ne
soutient guère la position des caisses complémentaires, qui, de fait, ne paraît
pas défendable. Bien que la question ait été maintes fois posée aux ministres
de la culture ou aux ministres des affaires sociales qui se sont succédé - elle
le fut pour la première fois en 1992 et s'adressait à M. Bianco - aucune
solution n'a été trouvée.
On nous a annoncé des circulaires et des textes réglementaires. Vous avez
vous-même indiqué à l'Assemblée nationale, lorsque la question a été soulevée
par la commission
ad hoc
, à l'occasion d'un amendement qui, en fin de
compte, a été retiré, que vous alliez traiter ce problème. Mais nous attendons
toujours.
La seule solution me paraît donc être de préciser dans la loi la nature des
contrats passés entre les entrepreneurs de spectacles étrangers et les
festivals qui les font venir en France. Il s'agit bien en effet de contrats
d'entreprise, ce qui doit logiquement exclure toute présomption de contrat de
travail entre le festivalier français et les artistes détachés temporairement
en France par un orchestre étranger ou par une compagnie théâtrale étrangère
qui vient donner un concert ou une représentation.
J'ajoute - et j'insiste tout particulièrement sur ce point car il est très
important - que cette qualification du contrat va dans le sens d'une plus
grande égalité de concurrence entre les entreprises de spectacles françaises et
étrangères. En effet, quand une entreprise étrangère effectue en France une
prestation de services, l'article L. 341-5 du code du travail, auquel mon
amendement se réfère, lui impose de garantir aux salariés venant en France des
conditions équivalentes à celles dont bénéficient les artistes français, que ce
soit en termes de rémunération, de couverture sociale ou de conditions de
travail. L'article en question est parfaitement clair.
Madame la ministre, cet amendement permettra à la fois de clarifier une
situation qui pourrait mettre en péril nombre de festivals et de protéger nos
artistes et nos entreprises artistiques contre la concurrence que leur font
parfois les compagnies ou les orchestres originaires de pays où le niveau de
vie et la législation sociale ne sont pas les mêmes qu'en France.
Par conséquent, et vous ne vous en étonnerez pas, je ne vois, dans cet
amendement, que des avantages.
Je continue à espérer que le Gouvernement se rendra à mes arguments. Si cet
amendement est adopté, il permettra de résoudre un problème difficile et, de
surcroît, il rendra service au Gouvernement.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Nachbar,
rapporteur.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur Gouteyron, je
comprends les préoccupations qui ont guidé le dépôt de cet amendement, que vous
avez brillamment défendu. Il s'agit de déterminer clairement, lorsqu'un
entrepreneur de spectacles accueille une troupe ou un orchestre étrangers, à
qui incombent les responsabilités de l'employeur, notamment en matière de droit
du travail et de sécurité sociale.
Cette question est, selon moi, aujourd'hui clairement réglée par le texte qui
vous est soumis. L'article 1er de l'ordonnance, tel que les deux chambres du
Parlement l'ont adopté, clarifie en effet les responsabilités des différents
intervenants. Il précise que c'est au producteur du spectacle qu'incombent les
obligations d'employeur. C'est une nouveauté puisque le texte en vigueur ne
définissait pas les différentes catégories d'entrepreneurs de spectacles et se
contentait de classer les licences en fonction des genres de spectacles.
Le contrat qu'aura passé un producteur de spectacles étranger avec un
exploitant de lieu ou un organisateur de tournées en France sera évidemment un
contrat de prestation de services. Le producteur étranger devra respecter les
articles L. 341-5 et D. 341-5 à D. 341-5-14 du code du travail qui énumèrent
les dispositions applicables aux salariés détachés à titre temporaire pour
exécuter en France une prestation de services dans le cadre d'un contrat
d'entreprise ou d'une mise à disposition de salariés. Le projet de décret
d'application de l'ordonnance de 1945, en préparation, permet également de
reprendre ces dispositions en indiquant les responsabilités d'employeur et de
producteur de spectacles, en exigeant que les exploitants de lieu ou les
diffuseurs s'assurent, par mention dans leur contrat avec les producteurs, que
ceux-ci sont titulaires de la licence ou ont effectué la déclaration mentionnée
à l'article 4, mais cela relève, bien sûr, davantage du décret que de la
loi.
Ces dispositions n'ont cependant ni pour objet ni pour effet de modifier les
dispositions du code du travail relatives au travail des étrangers en France.
De plus, dans l'hypothèse où le contrat passé avec l'entrepreneur étranger est
un contrat de coproduction effective, la responsabilité de l'employeur peut
alors être partagée entre les deux entrepreneurs de spectacle coproducteurs, en
application du contrat de coproduction.
Je voudrais rappeler que la Haute Assemblée a déjà modifié l'article 1er pour
y supprimer la mention d'« entreprise » qualifiant les contrats en cause.
Le texte du Gouvernement est donc en parfaite cohérence avec les dispositions
de cet article qui précisent, en outre, les responsabilités qui pèsent sur
chaque entrepreneur de spectacles, producteurs, diffuseurs, exploitants de
lieux, quelle que soit leur nationalité.
Enfin, je conclurai en disant que cet amendement ne permettrait pas de
résoudre les litiges actuels dans le sens que chacun pourrait souhaiter.
Compte tenu de ces arguments, je demande à M. Gouteyron de retirer son
amendement. En effet, le dispositif pourrait, tel qu'il est formulé, prêter à
confusion dans le cas de contrats de coproduction effective, ne résoudrait pas
les litiges en cours et n'apporterait pas de précision supplémentaire par
rapport à l'article 1er tel qu'il a été adopté par les deux assemblées.
En revanche, je suis bien consciente qu'il est nécessaire de préciser, dans le
décret d'application, la nature des contrats que devront conclure les
producteurs de spectacles, afin d'éviter toute erreur dans l'application de la
réglementation.
Telle est la raison pour laquelle cet amendement n'aura pas infailliblement
l'effet que vous en attendez. Aussi, je vous demande de nouveau de bien vouloir
le retirer.
M. le président.
Monsieur Gouteyron, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?
M. Adrien Gouteyron.
Madame la ministre, vous l'avez sans doute deviné, je ne retirerai pas mon
amendement, car il y a vraiment trop longtemps que nous attendons.
L'article 1er du texte résout le problème, et c'est parfaitement clair,
avez-vous dit. Apportons une précision de plus et donnons à ceux qui sont
actuellement en difficulté - je pense aux organisateurs de festivals ou de
représentations théâtrales - un moyen supplémentaire de se faire entendre et de
faire prévaloir leur point de vue.
Madame la ministre, voilà peu de temps, notre collègue Jean Boyer avait
soulevé devant vous à peu près la question dont nous débattons aujourd'hui, et
vous aviez alors répondu que l'article L. 341-5 du code du travail devait
s'appliquer et qu'une circulaire du ministère de l'emploi et de la solidarité
l'avait précisé en 1996.
Or, je suis bien obligé de constater que les actions en cours ne se sont pas
arrêtées, par conséquent, si nous ne faisons rien - je le redis, mes chers
collègues - un certain nombre de festivals vont se trouver en grande
difficulté.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement et, malgré tout le
désir que j'ai de vous être agréable, madame la ministre, je ne puis le
retirer.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, ainsi modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - L'article 10 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
«
Art. 10. -
Peuvent exercer occasionnellement l'activité
d'entrepreneur de spectacles, sans être titulaires d'une licence, dans la
limite de six représentations par an et dans des conditions définies par décret
en Conseil d'Etat :
« - toute personne physique ou morale qui n'a pas pour activité principale ou
pour objet l'exploitation de lieux de spectacles, la production ou la diffusion
de spectacles ;
« - les groupements d'artistes amateurs bénévoles faisant occasionnellement
appel à un ou plusieurs artistes du spectacle percevant une rémunération.
« Ces représentations doivent faire l'objet d'une déclaration préalable à
l'autorité administrative compétente un mois au moins avant la date prévue. »
-
(Adopté.)
Article 12
(coordination)
M. le président.
« Art. 12. - Le 1° de l'article 1464 A du code général des impôts est ainsi
rédigé :
« 1° Dans la limite de 50 %, les entreprises de spectacles vivants relevant
des catégories ci-après :
« - les théâtres nationaux ;
« - les autres théâtres fixes ;
« - les tournées théâtrales et les théâtres démontables exclusivement
consacrés à des spectacles d'art dramatique, lyrique ou chorégraphique ;
« - les concerts symphoniques et autres, les orchestres divers et les chorales
;
« - les théâtres de marionnettes, les cabarets artistiques, les
cafés-concerts, les music-halls et cirques à l'exclusion des établissements où
il est d'usage de consommer pendant les séances.
« L'exonération ne bénéficie pas aux entreprises donnant des représentations
visées au 2° de l'article 279
bis.
« La délibération peut porter sur une ou plusieurs catégories. Les
délibérations prises par les collectivités territoriales et leurs groupements
dotés d'une fiscalité propre avant l'entrée en vigueur de la loi n° du
portant modification de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux
spectacles demeurent valables tant qu'elles ne sont pas rapportées ou
modifiées. »
Par amendement n° 2, le Gouvernement propose, au début du premier alinéa du
texte présenté par cet article pour le 1° de l'article 1464 A du code général
des impôts, de remplacer les mots : « Dans la limite de 50 % » par les mots : «
Dans la limite de 100 % ».
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Cet amendement vise à une
coordination avec l'article 113 de la loi de finances pour 1999, qui a autorisé
les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité
propre à exonérer totalement de taxe professionnelle certaines entreprises de
spectacles auxquelles elles souhaitent apporter un soutien tout particulier.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Nachbar,
rapporteur.
Avis favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12, ainsi modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Articles 12
bis
et 13
M. le président.
« Art. 12
bis.
- I. - Au début du deuxième alinéa de l'article L. 762-5
du code du travail, les mots : "directeur d'un théâtre fixe" sont remplacés par
les mots : "exploitant de lieux de spectacles spécialement aménagés pour les
représentations publiques". »
« II. -
Non modifié.
» -
(Adopté.)
« Art. 13. - Les dispositions du troisième alinéa de l'article 4 de la même
ordonnance ne sont pas applicables aux licences délivrées avant la date
d'entrée en vigueur de la présente loi. » -
(Adopté.)
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième
lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Arnaud pour explication de vote.
M. Philippe Arnaud.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous ne serez
pas étonnés que je maintienne les convictions que j'avais déjà exprimées sur ce
texte lors de la première lecture.
J'avais alors pris soin de saluer le travail réalisé par M. Gouteyron,
président de la commission, et par M. Nachbar, rapporteur. Et je posais non pas
le problème de l'accessoire ou des dispositifs particuliers contenus dans ce
projet de loi, mais le problème de fond.
Mais je ne reprendrai pas l'ensemble de l'exposé que j'avais fait. Je
répéterai simplement que ce texte comporte un certain nombre de dispositions
indiscutablement de nature à régler tel ou tel problème, notamment d'ordre
social ; mais il s'agit à mon avis d'un ensemble de mesures accessoires qui
porteront atteinte de façon inéluctable au principe fondamental de la liberté
d'expression, notamment dans des domaines aussi sensibles que la création et la
production intellectuelle.
Telle est la raison pour laquelle je confirme la position que j'avais adoptée
en première lecture : je voterai contre l'ensemble de ce texte.
M. Emmanuel Hamel.
Respectez le droit social ! Protégez les travailleurs !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
7
LICENCIEMENTS DES SALARIÉS
DE PLUS DE CINQUANTE ANS
Rejet d'une proposition de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 114,
1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à limiter les
licenciements des salariés de plus de cinquante ans. [Rapport n° 165
(1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les
sénateurs, la discussion qui va intervenir fait suite à l'inscription par le
groupe communiste d'une proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée
nationale, à l'occasion de la séance mensuelle réservée. Cette proposition,
adoptée par l'Assemblée nationale, vous est aujourd'hui soumise pour connaître
- c'est en tout cas le souhait du Gouvernement - un vote comparable.
Cette proposition de loi vise à mieux protéger les fins de carrière des plus
âgés de nos concitoyens, dont chacun connaît les difficultés à retrouver un
emploi.
Comme Martine Aubry a déjà eu l'occasion de le souligner à l'Assemblée
nationale, en proposant de telles dispositions, le groupe communiste fait
preuve de constance. Cette proposition de loi fait suite, en effet, à celle qui
a été votée conforme par les deux assemblées, voilà un an, et qui a permis
d'attribuer une allocation spécifique d'attente aux bénéficiaires du RMI ou de
l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, qui avaient cotisé quarante ans,
mais n'étaient pas pris en charge par l'allocation chômeurs âgés.
Là où le rapporteur, M. Souvet, croit déceler motif à s'opposer au dispositif
préconisé, je ne vois pour ma part que continuité dans une démarche que le
Gouvernement a toutes les raisons de soutenir.
Cette proposition de loi répond effectivement à des exigences politiques, mais
pas nécessairement à celles que décrit le rapporteur. Les licenciements
économiques atteignent de plein fouet les salariés de plus de cinquante ans :
deux fois et demie plus que la moyenne des actifs. En outre, près des deux
tiers de ces salariés deviennent des chômeurs de longue durée.
Ce constat justifie à lui seul le dépôt, la discussion et le vote de la
proposition de loi qui vous est aujourd'hui soumise et qui vient compléter la
politique du Gouvernement.
Depuis le premier choc pétrolier, aucun gouvernement n'avait obtenu sur
dix-huit mois une telle baisse du chômage : entre le mois de juin 1997 et le
mois de décembre 1998, notre pays comptabilise 228 000 chômeurs de moins, 272
000 au sens du Bureau international du travail.
Ce premier recul du chômage donne certes quelques motifs de satisfaction. Mais
le Gouvernement ne peut cependant - cela va de soi - s'en contenter. Il voit
toutefois dans ces premiers résultats un encouragement à suivre dans la voie
volontaire choisie depuis le début de cette législature.
Cette politique en faveur des salariés les plus âgés repose sur quatre axes
que je me contenterai de rappeler très brièvement.
Tout d'abord, s'agissant des licenciements, la volonté du Gouvernement est
d'intervenir le plus en amont possible des plans sociaux pour trouver des
solutions alternatives. Chacun sait ici que les plans sociaux ont pour
premières victimes les salariés les plus anciens, les directions d'entreprises
profitant de ces plans pour améliorer la pyramide des âges.
Tout en m'abstenant de commenter la négociation en cours, je soulignerai
simplement le fait que l'enjeu des discussions dans le secteur automobile est
bien de cet ordre.
M. Louis Souvet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Oui !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
La loi d'orientation et d'incitation relative à la
réduction du temps de travail du 13 juin 1998 apporte un nouvel outil en vue de
l'élaboration de solutions alternatives aux licenciements. Son volet défensif
permet ainsi à des entreprises confrontées à des difficultés économiques de
s'engager à réduire la durée du travail et à mieux s'organiser pour sauvegarder
des emplois, tout en bénéficiant d'aides sous forme d'exonérations de
cotisations patronales.
A la fin janvier, près de 160 accords de ce type avaient été conclus,
concernant 26 500 salariés.
Dans le cadre de mes fonctions, je travaille pour ma part à réviser les outils
de formation, afin de trouver les moyens d'encourager une meilleure gestion
prévisionnelle des emplois et des compétences. En effet, chacun sait bien que
les problèmes soulevés par les licenciements sont d'autant plus insolubles que
ceux-ci concernent des salariés peu ou pas formés, dont les compétences et les
qualifications n'ont pas été entretenues et adaptées.
Notre deuxième priorité est de veiller à la qualité des plans sociaux, afin de
favoriser le reclassement des salariés, tant dans l'entreprise qu'à l'extérieur
de celle-ci.
Dès juillet 1997, Martine Aubry a demandé aux préfets et aux services
déconcentrés de faire preuve d'une vigilance accrue au regard de la qualité des
plans sociaux, qui doivent non pas se résumer aux mesures de préretraites ou au
versement d'indemnités aux salariés pour inciter ces derniers à des départs
abusivement qualifiés de « volontaires », mais comporter de réelles mesures
visant à assurer le reclassement des salariés, au moyen, notamment, d'actions
de formation.
Chaque plan social fait l'objet d'un examen particulier de la part de
l'inspection du travail. L'initiative du groupe communiste et la loi
d'orientation relative à la lutte contre les exclusions ont donné la
possibilité à l'administration du travail de suivre l'exécution des plans
sociaux et le respect par l'employeur de ses engagements.
La contribution de l'Etat au financement des plans sociaux ne doit pas
conduire la collectivité à se substituer aux responsabilités des entreprises.
Pour cette raison, l'Etat maintient les préretraites à un haut niveau, mais les
entreprises qui en ont la possibilité contribueront plus fortement à leur
financement.
Troisième axe, le Gouvernement est favorable aux dispositifs en faveur des
actifs âgés ayant commencé à travailler tôt.
Les partenaires sociaux ont décidé, le 22 septembre dernier, de proroger pour
un an le dispositif de l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE. Cet
accord permet le départ à cinquante-huit ans des salariés ayant cotisé quarante
ans contre des embauches et, d'autre part et surtout, d'étendre le dispositif
aux salariés âgés de plus de cinquante-six ans ayant commencé à travailler à
quatorze ou à quinze ans.
Cette nouvelle extension de l'ARPE, dont chacun peut se féliciter, devrait,
selon l'UNEDIC, concerner plus de 15 000 personnes, soit une augmentation
d'environ 40 % du nombre des bénéficiaires.
Enfin, quatrième axe - et j'en viens là au coeur de la proposition de loi - la
dissuasion des licenciements des salariés de plus de cinquante ans est opéré au
moyen d'une contribution spécifique des entreprises.
En 1987, afin de dissuader les licenciements de salariés âgés au moment de la
suppression de l'autorisation administrative, la majorité de l'époque a
institué une contribution des entreprises, dite Delalande, du nom de son
auteur. Son montant a été fixé, à l'origine, à trois mois de salaire brut.
Martine Aubry a décidé, en 1992, d'étendre le champ de cette contribution à
toute rupture d'un contrat de travail de salarié de plus de cinquante ans, avec
un barème progressif allant de un mois pour les salariés âgés de cinquante ans
jusqu'à six mois pour les salariés de plus de cinquante-six ans.
Cela a permis, dans un contexte beaucoup moins favorable qu'en 1987, de
freiner les entrées au chômage des personnes âgées de plus de cinquante ans.
Depuis 1994, cependant, les licenciements de salariés de plus de
cinquante-cinq ans sont repartis à la hausse, malgré une meilleure conjoncture
: ils ont atteint 71 000 en 1997, notamment parce que certaines entreprises ont
mis en place des stratégies de contournement des préretraites du fonds national
pour l'emploi.
Le dispositif juridique régissant l'actuelle contribution Delalande contient,
en effet, deux failles qui en réduisent grandement l'efficacité, et c'est bien
tout l'intérêt de la proposition de loi défendue par le groupe communiste que
de viser précisément à en corriger les imperfections.
Tout d'abord, la loi n'a pas assujetti au versement de cette contribution les
ruptures du contrat de travail intervenant dans le cadre des conventions de
conversion.
Lorsque le dispositif des conventions de conversion était peu connu, il était
admissible que ces cas de rupture aient été exclus du champ de la cotisation.
Ce n'est plus le cas aujourd'hui, d'autant que certaines entreprises, dans les
faits, font pression sur leurs salariés pour qu'ils adhèrent à ce dispositif
dans le seul but d'échapper au paiement de la cotisation et de ne pas avoir à
discuter avec l'Etat de l'éventuelle mise en oeuvre de préretraites.
Ce contournement de la loi explique que la part des salariés de plus de
cinquante ans parmi les entrées en conventions de conversion soit passée de 9 %
à 19 % entre 1993 et 1998, pour concerner près de 22 000 personnes par an.
La dérive est encore plus importante pour les salariés de plus de
cinquante-cinq ans, dont la part relative dans l'ensemble des conventions de
conversion est passée de 1 % en 1993 à 5,7 % en 1998, selon les chiffres
rapportés par votre commission.
En outre, le taux de reclassement à l'issue d'une convention de conversion se
dégrade fortement après cinquante ans, où il est, en moyenne, de 50 % : il
n'est plus que de 36 % à cinquante-deux ans et de 18 % à cinquante-six ans et
plus.
Aboutir à un tel constat ne conduit nullement à faire le procès d'un
dispositif qui a son utilité, mais à en corriger les dévoiements.
La présente proposition de loi tend à corriger une seconde faille : certains
employeurs, en effet, après avoir conclu une convention d'allocation spéciale
du fonds national de l'emploi, faisant ensuite pression sur leurs salariés pour
qu'ils refusent le bénéfice d'une préretraite. Dans pareille hypothèse, les
employeurs ne sont pas, en effet, tenus de payer la cotisation.
Comme le souligne votre rapporteur, le nombre de cas à considérer est de
l'ordre de quelques dizaines. Aussi minoritaires soient-ils, je ne vois malgré
tout pas argument à fermer les yeux sur de pareils contournements de la loi. Je
n'y vois pas davantage le signe d'une suspicion généralisée à l'égard des
entreprises ! Chaque fois que l'esprit de la loi est malmené, il est loisible
au législateur d'en faire respecter le sens originel.
J'ajoute que, bien entendu, ne seront soumises à la contribution Delalande que
les conventions ASFNE qui ont fait l'objet d'un refus de la part du salarié.
Cette proposition de loi trouvera son plein rendement par le doublement de la
contribution Delalande, qui rendra plus dissuasifs les licenciements « secs
».
Le taux en sera progressif, pour éviter de trop brutaux effets de seuil. Il
passera ainsi de deux mois de salaire à cinquante ans à douze mois de salaire à
cinquante-six ans et cinquante-sept ans. Il sera ensuite dégressif jusqu'à
soixante ans, le coût pour la collectivité étant d'autant moins élevé que se
rapproche l'âge de la retraite.
Ce nouveau barème, en vigueur depuis le 31 décembre 1998, ne s'applique pas
aux petites entreprises, pour lesquelles le phénomène de contournement est
marginal. Ainsi, les entreprises de moins de vingt salariés continueront à être
exonérées pour le premier licenciement dans une période de douze mois, et les
entreprises comptant entre vingt et cinquante salariés demeureront sur le
barème actuel.
Enfin, je répondrai à votre rapporteur, qui s'inquiète d'éventuels effets
pervers sur les embauches de salariés âgés.
Les entreprises qui recrutent des personnes de plus de cinquante ans seront
toujours exonérées de la contribution Delalande. Cette disposition, instaurée
par Martine Aubry en 1992, est donc une incitation à recruter des chômeurs de
plus de cinquante ans.
Par cette proposition de loi, le groupe communiste protège la part de la
population salariée la plus fragile.
A observer la structure du chômage, il apparaît clairement que la tranche
d'âge menacée, selon votre rapporteur, par l'extension de la contribution
Delalande, à savoir celle des quarante-cinq - cinquante ans, n'est pas, à
proprement parler, la plus touchée par le chômage. J'en veux pour preuve le
fait que les quarante-cinq - quarante-neuf ans sont, au contraire, ceux qui
connaissent au sens du Bureau international du travail, le taux de chômage le
plus faible de la population française, avec 8,4 %.
Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement ne peut que regretter la
position recommandée par votre rapporteur, qui, en vous suggérant d'adopter
trois amendements de suppression, vise purement et simplement à rejeter une
proposition de loi d'origine parlementaire.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, adoptée par l'Assemblée
nationale le 10 décembre 1998, avec l'accord du Gouvernement, la proposition de
loi tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans a
été déposée par M. Alain Belviso et les membres du groupe communiste et
apparentés.
Comprenant trois articles, elle vise à étendre le champ de la contribution
Delalande, due pour tout licenciement d'un salarié de plus de cinquante ans.
La proposition de loi soumet ainsi à cette contribution la rupture des
contrats de travail des salariés ayant adhéré à des conventions de conversion,
selon l'article 1er, et les licenciements des salariés ayant refusé le bénéfice
de la préretraite dans le cadre du fonds national de l'emploi, selon l'article
2.
Elle prévoit que ces dispositions seront applicables pour toutes les ruptures
de contrat de travail intervenant à compter du 1er janvier 1999, c'est-à-dire
de manière rétroactive, selon l'article 3. Si ce dernier article était
appliqué, je crains d'ailleurs qu'il ne soulève nombre de problèmes !
La contribution Delalande a été instituée en 1987, au moment de la suppression
de l'autorisation administrative de licenciement. La loi du 10 juillet 1987,
modifiant le code du travail et relative à la prévention et à la lutte contre
le chômage de longue durée, a instauré cette cotisation supplémentaire. Elle
est dite « contribution Delalande », du nom de l'auteur de l'amendement qui l'a
créée, M. Jean-Pierre Delalande, député du Val-d'Oise : elle est due par
l'employeur pour toute rupture du contrat de travail d'un salarié âgé de plus
de cinquante ans.
A l'origine, le montant de cette cotisation versée au régime d'assurance
chômage de l'UNEDIC était fixé à trois mois de salaire brut.
En 1992, le Gouvernement décida d'augmenter une première fois cette cotisation
et de la moduler selon un barème progressif, en fonction de l'âge du salarié
licencié et de la taille de l'entreprise concernée.
Conformément à ce qu'avait annoncé à l'Assemblée nationale Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité, le 10 novembre dernier, cette
cotisation a de nouveau été augmentée à compter du 31 décembre 1998.
Le nouveau taux de la contribution, fixé par le décret n° 98-1201 du 28
décembre 1998, est progressif. De deux mois de salaire brut à cinquante ans, il
passe à douze mois de salaire brut à cinquante-six ans et cinquante-sept ans,
et il est ensuite dégressif à partir de cinquante-huit ans.
Le nouveau barème procède, pour l'essentiel, à un doublement - voire, dans
certains cas, à un triplement - de la contribution Delalande.
Les entreprises de moins de cinquante salariés restent assujetties au barème
antérieur et les entreprises de moins de vingt salariés continuent à être
exonérées de la contribution pour la première rupture de contrat de travail
d'un salarié âgé d'au moins cinquante ans dans une période de douze mois.
Demeurent, en outre, exclus du champ d'application de la contribution, comme
précédemment, les salariés qui, lors de leur embauche intervenue après le 9
juin 1992, étaient âgés de plus de cinquante ans et inscrits depuis plus de
trois mois comme demandeurs d'emploi.
La présente proposition de loi soumet à la contribution Delalande la rupture
des contrats de travail des salariés ayant adhéré à des conventions de
conversion et le licenciement des salariés ayant refusé le bénéfice d'une
préretraite FNE. Ces deux cas d'exonération sont, en effet, considérés par le
Gouvernement et par les auteurs de la proposition de loi - encore qu'il n'y ait
pas de grande différence entre ces derniers et le Gouvernement - comme deux «
failles » du dispositif. La proposition de loi est d'ailleurs présentée par le
Gouvernement comme le complément indispensable du doublement de la contribution
Delalande.
Le doublement et l'extension de la contribution Delalande devraient générer
des recettes supplémentaires. Cette contribution a ainsi rapporté, en 1997, 1,7
milliard de francs à l'UNEDIC. Selon les estimations de cet organisme, son
doublement et son extension devraient générer 1,4 milliard de francs de
recettes supplémentaires.
Le bénéficiaire final de ces recettes supplémentaires n'est cependant pas
encore définitivement connu.
D'un strict point de vue juridique, l'UNEDIC est seule bénéficiaire des sommes
prélevées au titre de la contribution Delalande. Il n'est cependant pas certain
que cet organisme garde effectivement le bénéfice final de ces recettes
supplémentaires.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a en effet
indiqué, le 18 janvier dernier, que « pour cette année au moins, la majoration
du Delalande était affectée au budget de l'Etat ». Et nous l'avons bien vu dans
les comptes de l'Etat, lors de l'examen du projet de loi de finances pour
1999.
Le Gouvernement semble, en réalité, décidé à prélever sur les sommes qu'il
avance à l'UNEDIC au titre des préretraites FNE - versées par l'UNEDIC pour le
compte de l'Etat - une somme équivalente au surcroît de recettes induit par le
doublement et l'extension de la contribution Delalande.
L'UNEDIC se verrait ainsi privée d'une somme équivalente à la recette
supplémentaire que créeront l'augmentation et l'extension de cette
contribution.
L'objectif du Gouvernement est de faire pression sur les partenaires sociaux.
Il veut en effet obtenir d'eux une meilleure indemnisation du chômage des
salariés précaires, notamment les jeunes, qui, parce qu'ils n'accumulent que
des contrats de courte durée, ne parviennent pas à se constituer des droits à
indemnisation au titre de l'assurance chômage.
Si les partenaires sociaux acceptaient une meilleure indemnisation du chômage
des salariés précaires, l'UNEDIC conserverait alors le bénéfice des recettes
supplémentaires au titre de la contribution Delalande.
Si l'on suit la logique du Gouvernement, l'amélioration de la prise en charge
du chômage des jeunes dépend donc de recettes assises sur les licenciements des
salariés les plus âgés. C'est là un raisonnement quelque peu spécieux.
La commission des affaires sociales a jugé que cette proposition de loi
reposait sur des fondements fragiles et contestables.
Pour justifier la nécessité de cette proposition de loi, ses auteurs évoquent
en effet la nécessité de « mettre fin aux abus et aux contournements », de «
stopper une dérive » - vous l'avez dit il y a un instant, madame le secrétaire
d'Etat.
Ils expliquent que les conventions de conversion seraient de plus en plus
fréquemment utilisées pour échapper au paiement de la contribution Delalande.
Selon M. Gremetz, rapporteur à l'Assemblée nationale, certaines entreprises
feraient ainsi pression sur leurs salariés pour qu'ils adhèrent à une
convention de conversion à seule fin d'éviter le paiement de la
contribution.
De même, toujours selon le rapporteur de l'Assemblée nationale, certains
employeurs concluraient une convention d'allocation spéciale de préretraite -
l'ASFNE - puis feraient pression sur leurs salariés pour qu'ils renoncent au
bénéfice de ce dispositif de retraite. Les employeurs en cause seraient alors
exonérés du versement de la contribution Delalande.
A l'appui de ces affirmations, le rapporteur de l'Assemblée nationale et le
Gouvernement se fondent sur un argument que nous jugeons, pour notre part, très
limité : la part des salariés de plus de cinquante ans dans les conventions de
conversion serait ainsi passée de 12 %, en 1994, à 17 % en 1997. Cette
progression, selon le rapporteur de l'Assemblée nationale et le Gouvernement,
révélerait un phénomène généralisé de contournement.
Les chiffres en ma possession sur les entrées en conventions de conversion
montrent, effectivement, une progression de la part des plus de cinquante ans :
de 11 % en 1994, elle est passée à 16 % en 1997. En 1998, selon des chiffres
encore provisoires, le nombre d'entrées en convention de conversion de salariés
de plus de cinquante ans serait en diminution. Mais leur part dans le total des
conventions de conversion augmenterait, pour atteindre 19 %, en raison de la
forte baisse du total des entrées. Il ne faut pas oublier, en effet, que, dans
le calcul d'un pourcentage, il y a un numérateur et un dénominateur et que,
même si le numérateur n'augmente pas, le dénominateur, en baissant, peut faire
changer le pourcentage !
Il apparaît contradictoire de faire porter la contribution Delalande, qui
procède d'une logique de sanction, sur les conventions de conversion, qui ont
précisément pour objectif de faciliter le reclassement du salarié dont le
licenciement n'a pu être évité.
Ouvertes aux salariés âgés de moins de cinquante-sept ans, les conventions de
conversion, instituées en 1986, consistent en une prise en charge
individualisée et immédiate, durant une période de six mois, des salariés
licenciés pour motif économique. Elles sont souvent plus intéressantes
financièrement pour le salarié que l'indemnisation au titre de l'assurance
chômage.
Le Gouvernement semble considérer qu'il serait presque anormal que des
salariés de plus de cinquante ans entrent en convention de conversion. Si l'on
peut éventuellement s'interroger sur l'utilité réelle de ces conventions pour
les personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans, il apparaît surprenant que
l'on condamne ainsi l'usage de ces conventions pour des personnes âgées de
cinquante à cinquante-cinq ans. Faudrait-il en conclure que ces salariés n'ont
aucune chance de se reclasser ?
La commission des affaires sociales ne peut que refuser une telle logique, qui
semble se satisfaire de l'exclusion définitive de ces salariés du marché du
travail.
Il apparaît pourtant que 33 % des personnes de plus de cinquante ans
parviennent à retrouver un emploi à l'issue de leur convention de conversion.
Ce taux est même de 41 % à cinquante ans et de 39 % à cinquante et un ans,
contre 49 % pour l'ensemble des bénéficiaires de conventions de conversion.
La commission des affaires sociales considère donc que la simple constatation
d'une augmentation de la part des salariés de plus de cinquante ans dans les
entrées en convention paraît très insuffisante pour démontrer un contournement
massif et un abus généralisé justifiant une nouvelle intervention du
législateur.
Votre rapporteur, mes chers collègues, ne nie pas que peuvent se produire ça
et là des abus chez certains employeurs peu scrupuleux.
M. Guy Fischer.
Ah, tout de même !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Toutefois, ces abus éventuels ne sauraient justifier une
sanction collective qui frapperait la totalité des entreprises.
S'agissant des refus de préretraites FNE, les affirmations du Gouvernement
concernant d'éventuels abus ne sont étayées par aucun élément précis. La raison
est simple : sur une moyenne de 20 000 entrées en préretraite FNE chaque année,
le nombre de refus est extrêmement faible ; il porte sur une soixantaine de
salariés seulement.
Lorsque l'on aura précisé que le refus du salarié peut, dans certains cas,
être motivé par une indemnisation au titre de l'assurance chômage plus
avantageuse que la préretraite, on comprendra que le nombre des refus
susceptibles de résulter d'une éventuelle pression de l'employeur est, dans
l'hypothèse la plus pessimiste, de l'ordre de quelques dizaines à peine.
Dans ces conditions, votre rapporteur est amené à s'interroger sur l'utilité
d'une éventuelle intervention du législateur pour réprimer un nombre effectif
d'abus qui doit vraisemblablement être de l'ordre d'epsilon.
Vous me répondrez peut-être, madame le secrétaire d'Etat, qu'on avait bien, à
une certaine époque, fait une loi pour la veuve du maréchal Joffre. Mais
l'histoire ne se répète pas toujours !
Le procès d'intention fait aux entreprises, globalement considérées par les
initiateurs de cette proposition de loi comme ayant un comportement frauduleux,
paraît donc inacceptable. Le prétendu contournement de la contribution
Delalande par les conventions de conversion et les refus de conventions de
préretraite est loin d'être avéré.
La véritable justification des dispositions que comporte cette proposition de
loi tient davantage à des nécessités politiques.
M. Guy Fischer.
Mais non !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Mais si, monsieur Fischer, et je vais vous le démontrer !
A l'origine, les trois articles de la proposition de loi constituaient, en
réalité, les articles 5, 6 et 7 d'une proposition de loi qui en comportait neuf
et qui tendait « à limiter les licenciements et à améliorer la situation au
regard de la retraite des salariés de plus de cinquante ans ».
Ce texte prévoyait, outre l'extension de la contribution Delalande, le droit à
la retraite à taux plein avec quarante annuités de cotisation sans condition
d'âge et la prorogation et l'extension du dispositif d'allocation de
remplacement pour l'emploi, l'ARPE.
Or, à la suite de la saisine du Gouvernement, le bureau de la commission des
finances de l'Assemblée nationale a décidé d'opposer l'article 40 de la
Constitution aux articles 1er, 2, 3, 4 et 9 du texte. La proposition de loi
s'est donc trouvée amputée de plus de la moitié de ses articles et, aux yeux de
ses auteurs, de ses dispositions essentielles : « Vidée d'une grande partie de
sa substance » - je cite le rapporteur de l'Assemblée nationale - « sa portée
en est d'autant réduite et sa cohérence affectée ».
L'article 8, qui instituait une contribution sur les revenus financiers
affectée à la caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, ayant été
supprimée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de
l'Assemblée nationale, ne subsistent du texte initial que les dispositions que
nous examinons aujourd'hui, c'est-à-dire trois articles.
Ces dispositions et l'argumentation qui les sous-tend émanent, en réalité, des
services du ministère de l'emploi et de la solidarité. M. Fischer jubile !
M. Guy Fischer.
Pas du tout !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
L'extension aux conventions de conversion de la contribution
Delalande avait d'ailleurs été annoncée par Mme Aubry dès le début du mois de
novembre dernier et l'impact financier de cette extension avait été
partiellement intégré dans les prévisions budgétaires de la loi de finances
pour 1999.
En acceptant cette proposition de loi et en demandant son inscription à
l'ordre du jour prioritaire du Sénat, le Gouvernement poursuit un objectif
essentiellement politique : il permet, d'une part, à une composante de sa
majorité de revendiquer la paternité d'une disposition dont il est en réalité
l'auteur...
M. Guy Fischer.
Quelle mauvaise foi !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
... et qui constitue le seul reliquat d'une proposition de
loi embarrassante pour lui ; il apaise, d'autre part, sa majorité, qui
souhaitait une réforme plus large du droit de licenciement.
La prochaine étape de cette stratégie pourrait d'ailleurs être la taxation des
entreprises qui font un usage jugé, lui aussi, « abusif » des contrats à durée
déterminée et de l'intérim.
Relevant d'une logique de soupçon et de sanction, cette proposition de loi
n'apporte, en réalité, aucune solution au problème que constitue le chômage des
plus de cinquante ans et risque, en outre, de constituer un véritable frein à
l'emploi.
La proposition de loi témoigne en effet d'une logique uniquement répressive et
se traduit, en définitive, par une nouvelle augmentation des charges des
entreprises.
Là où des systèmes positifs, dynamiques et imaginatifs seraient nécessaires,
la proposition de loi ne met en place que des mesures pénalisantes et
contraignantes pour les entreprises.
Le problème du chômage des personnes âgées de plus de cinquante ans est réel.
Même si l'amélioration de la situation de l'emploi profite également aux
salariés âgés de plus de cinquante ans - les chiffres de l'ANPE pour l'ensemble
de l'année 1998 font état d'une baisse de 17,4 % des licenciements des salariés
de plus de cinquante ans, contre une baisse de 20,4 % pour l'ensemble des
salariés - la situation des demandeurs d'emploi de cet âge est préoccupante et
mérite une attention soutenue.
Le Sénat ne peut que faire sien l'objectif de lutter contre cette forme de
chômage particulièrement douloureuse. Toutefois, ce problème aigu nécessite une
approche globale, qui n'est pas celle de ce texte, vous en conviendrez, madame
le secrétaire d'Etat.
Une action efficace contre le chômage des plus de cinquante ans suppose une
réforme d'ampleur reposant à la fois sur des exonérations de charges sociales
et une formation professionnelle à même d'offrir aux salariés, quel que soit
leur âge, les moyens de s'adapter aux mutations de leur environnement
professionnel.
Cette politique gagnerait à s'inscrire dans le cadre des axes définis par «
Les lignes directrices de l'emploi pour 1999, » proposées par la Commission
européenne, en octobre dernier. La Commission européenne suggère ainsi
d'intensifier les efforts « pour développer des stratégies préventives et axées
sur la capacité d'insertion professionnelle en se fondant sur l'identification
précoce des besoins individuels ». Elle invite les Etats membres à « développer
des possibilités d'apprentissage tout au long de la vie, notamment dans les
domaines des technologies de l'information et de la communication ». Elle
précise que « l'accent sera notamment mis sur la facilité d'accès des
travailleurs âgés ».
La présente proposition de loi n'apparaît, à l'évidence, pas à la hauteur de
l'enjeu.
Elle conduit également à s'interroger sur la cohérence de la politique que
mène aujourd'hui le Gouvernement en matière d'emploi des salariés les plus
âgés.
Il y a en effet quelque chose de paradoxal à augmenter la contribution
Delalande, afin de sanctionner les entreprises qui licencient des salariés âgés
de plus de cinquante ans, tout en encourageant simultanément certaines
entreprises à rajeunir leur pyramide des âges par des départs massifs et
anticipés de salariés « âgés ». Vous avez fait allusion à l'automobile à
l'instant, madame le secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement semble, en réalité, disposé à faire preuve de beaucoup de
compréhension à l'égard des entreprises qui favorisent, parallèlement aux
départs des salariés « âgés », la création d'emplois au titre de la réduction
du temps de travail. C'est ainsi que l'on bâtit le « succès » des mesures
nouvelles !
Une clarification des objectifs poursuivis par le Gouvernement en ce domaine
s'impose à l'évidence.
Cette proposition de loi, qui entend préserver l'emploi, pourrait, en outre,
constituer un véritable frein à l'emploi.
On peut craindre, en effet, les effets conjugués de l'extension et du
doublement de la contribution Delalande sur les demandeurs d'emplois approchant
la cinquantaine : les entreprises hésiteront à embaucher des salariés ayant un
peu moins de cinquante ans, craignant d'avoir à supporter le coût d'un éventuel
licenciement ultérieur.
En majorant de manière excessive la contribution Delalande et en l'étendant de
manière abusive, le Gouvernement prend le risque de dévoyer cette disposition.
Je crois d'ailleurs savoir que même M. Delalande n'a pas voté cette mesure à
l'Assemblée nationale.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
C'est exact !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Afin de protéger les salariés de plus de cinquante ans, il
choisit, en définitive, de fragiliser la situation des salariés âgés de
quarante-cinq à cinquante ans. Les conséquences humaines et sociales d'un tel
choix pourraient bientôt se révéler très douloureuses.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des affaires sociales propose au
Sénat d'adopter trois amendements de suppression des trois articles de cette
proposition de loi. Leur adoption entraînerait, bien sûr, le rejet du texte.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
(M. Gérard Larcher remplace M. Guy Allouche au fauteuil de la
présidence.)PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste : 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si
les dernières statistiques publiées par le ministère de l'emploi reflètent, une
nouvelle fois, une baisse du nombre de demandeurs d'emploi, il n'en demeure pas
moins que l'effectif d'une catégorie, celle des chômeurs de plus de cinquante
ans, ne parvient pas à décroître. Au contraire, pour ces derniers, le chômage a
progressé de 3,7 % en un an.
Principales victimes des licenciements économiques, chassés prématurément de
l'entreprise, qui gère avec difficulté et bien souvent grâce aux deniers
publics sa pyramide des âges, les quinquagénaires ont, surtout après
cinquante-cinq ans, énormément de mal à retrouver un emploi, à trouver leur
place au sein d'une société où l'activité professionnelle est de plus en plus
circonscrite entre trente et cinquante ans.
De fait, près des deux tiers des chômeurs de plus de cinquante ans sont des
chômeurs de longue durée. Le régime dégressif de l'indemnisation chômage
aidant, très vite ils se voient rejetés vers l'allocation de solidarité
spécifique (ASS) ou le RMI, tombant ainsi dans la spirale infernale de
l'exclusion.
Tous, ici, nous souscrivons à ce terrible diagnostic.
Il y a un an, sur l'initiative du groupe communiste républicain et citoyen,
nous adoptions une mesure permettant d'attribuer une allocation spécifique
d'attente aux chômeurs en fin de droit, totalisant quarante annuités de
cotisations.
Aujourd'hui, poursuivant le même objectif de justice sociale et de réduction
du chômage, une proposition de loi, de paternité identique, entend optimiser la
protection des salariés en fin de carrière en renforçant le dispositif
Delalande. Dispositif juridique destiné à freiner les licenciements des
salariés de plus de cinquante ans, cette contribution spécifique des
entreprises s'est révélée peu dissuasive et facilement contournable.
Deux fois moins onéreuse pour l'entreprise qu'une préretraite FNE dans le cas
d'un salarié de cinquante-sept ans, la contribution est parfois acquittée sans
grand mal et se traduit par des licenciements « secs ».
Pour rééquilibrer le coût d'une préretraite et d'un licenciement, prévenir au
maximum ces derniers, le Gouvernement a décidé par décret, le 28 décembre
dernier, de doubler le montant de la contribution.
Franchement hostile à cet alourdissement des pénalités Delalande dues par les
entreprises, préférant au contraire voir assouplir la réglementation, le MEDEF
s'est opposé à cette mesure présentée comme un frein à l'embauche.
M. Emmanuel Hamel.
Le MEDEF...
M. Guy Fischer.
Il rejette de la même façon toute mesure destinée à combattre le travail
précaire ou à renforcer la prévention des licenciements économiques.
En revanche, les mêmes chefs d'entreprise se plaignent sans détour du rôle
croissant des juges face aux plans sociaux et de l'insécurité juridique qui en
découle.
Le groupe communiste républicain et citoyen et moi-même sommes intimement
convaincus de l'actualité et de l'opportunité du débat sur des dispositions
nécessaires pour mettre un terme aux avalanches de plans sociaux plongeant des
familles entières dans la grande détresse tant psychologique que financière.
Plaçant le développement de l'emploi au coeur de ses priorités, le
Gouvernement enregistre des résultats et peut afficher une certaine
décélération du nombre des licenciements économiques.
Toutefois, depuis la fin du mois de novembre 1998, les annonces de plans
sociaux très lourds se sont succédé : les ACH du Havre, Perrier, Cacharel,
Levi-Strauss, Thomson, les Grands Moulins de Pantin, Kodak...
Les directions d'entreprises continuent de sacrifier sur l'autel de la
sacro-sainte compétitivité de nombreux emplois. Usinor en sacrifierait 2 000 à
2 500, apprend-on aujourd'hui dans la presse.
Dans ce contexte, la présente proposition de loi, adoptée par l'Assemblée
nationale - sans les voix de droite - est la bienvenue. En effet, elle vient
utilement étendre le champ de la cotisation Delalande, d'une part, à toute
rupture de contrat de travail intervenant dans le cadre de conventions de
conversion et, d'autre part, aux licenciements des salariés ayant refusé le
bénéfice d'une préretraite FNE.
Ainsi, les articles 1er et 2 précités comblent deux failles qui limitaient
l'efficacité du dispositif Delalande.
Pour illustrer mon propos, je tiens à préciser que des chiffres traduisent une
dérive importante constatée dans l'utilisation pour les plus de cinquante-cinq
ans des conventions de conversion. De 1994 à 1997, le poids de cette catégorie
dans l'ensemble des conventions de conversion a été multiplié par quatre.
Dans les faits, il est indéniable qu'une certaine pression s'exerce sur les
salariés afin qu'ils consentent à adhérer à une telle convention, cette
adhésion dédouanant du même coup l'entreprise de tout paiement de pénalités ou
d'éventuelles discussions avec l'Etat visant à mettre en oeuvre des
préretraites.
La majorité de notre commission des affaires sociales, s'obstinant, quant à
elle, à considérer que « les prétendus détournements à la contribution
Delalande par les conventions de conversion et les refus de convention de
préretraite n'étaient pas prouvés », nous propose de supprimer les articles
incriminés, réduisant de fait à néant la proposition de loi.
Je condamne, évidemment, cette démarche, au regard de l'impérieuse nécessité
d'une intervention législative pour mieux protéger les salariés.
Plus globalement, j'entends réaffirmer devant vous, madame la secrétaire
d'Etat, la volonté du groupe communiste républicain et citoyen de voir modifier
la législation sur les licenciements économiques, ultimes recours, notamment en
intégrant la jurisprudence progressiste de ces dernières années.
Un arrêt de la Cour de cassation - IBM France - semble mettre fin aux avancées
de la jurisprudence « Framatome ». Cela renforce l'urgence de notre requête.
L'objectif étant de dissuader, de rendre plus risqué le recours aux
licenciements économiques, en permettant l'élaboration de solutions
alternatives.
Pour en terminer sur le texte dont nous discutons, je tiens à préciser
qu'initialement deux autres volets l'enrichissaient : le premier prévoyait la
reconduction et l'extension du dispositif d'allocation de remplacement pour
l'emploi, l'ARPE, à tout salarié totalisant 160 trimestres de cotisations à
l'assurance vieillesse, sans condition d'âge ; le second volet instituait,
quand à lui, un droit à la retraite à taux plein avec quarante annuités, sans
condition d'âge.
Il s'agissait là de mesures de justice sociale pour les personnes qui, très
tôt, ont commencé à travailler, mesures favorables à l'emploi des jeunes et peu
coûteuses. Sur ce dernier point, je vous renvoie au chiffrage très intéressant
contenu dans le rapport de M. Gremetz.
Pourtant, dès le stade du travail en commission, la commission des finances de
l'Assemblée nationale, en opposant l'article 40 à cinq des neuf articles, a
fâcheusement réduit la portée du texte.
Comme mon collègue et ami Maxime Gremetz, je déplore que cette amputation ait
affecté la cohérence même du texte proposé.
Je regrette que nous ne puissions pas discuter de l'amélioration de la
situation des salariés de plus de cinquante ans au regard de la retraite,
salariés qui attendent d'un gouvernement de gauche des signes forts quant à
l'ouverture des droits à leur retraite.
Cela aurait pu être l'occasion de dresser le bilan des conséquences des
mesures d'ajustement prises, notamment pour le régime général, à la suite de la
publication, en 1991, du Livre blanc sur les retraites.
Je pense, bien sûr, à l'indexation sur les prix des pensions de retraite et
non plus sur les salaires, au passage aux 25 meilleures années pour le calcul
des pensions, ou à l'allongement progressif à 160 trimestres de la durée
d'assurance requise pour obtenir une pension à taux plein.
Je suis conscient qu'après la remise du rapport Charpin nous aurons à prendre
des mesures pour assurer l'avenir de notre système de retraite...
M. Jean Chérioux.
Quand même !
M. Guy Fischer.
... et pour améliorer cet acquis collectif.
Toutefois, nous pouvions commencer à débattre sur les solutions envisageables
pour pérenniser les mécanismes de répartition, gages de solidarité, et
désamorcer ainsi l'inquiétude ambiante chez les retraités et futurs retraités.
Dès à présent, nous pouvions dénoncer les tentatives de recours aux fonds de
pension, solution récurrente présentée à tort comme la seule à pouvoir résister
au choc démographique.
Sur l'autre solution proposée, le recul de l'âge de départ à la retraite, nous
pouvions nous positionner. Le taux de chômage persistant nous en empêche. Les
deux tiers des demandeurs de pension à la CNAV ne sont plus actifs à la date où
ils déposent leur demande. Les gains réalisés d'un côté seraient équivalents
aux dépenses induites par le financement du chômage. Socialement, ce choix
serait néfaste.
De plus, ces mêmes personnes, chefs d'entreprise qui demandent le report de
l'âge de la retraite, sollicitent toujours plus le bénéfice du panel de mesures
d'âge permettant le retrait anticipé avant soixante ans des salariés. Où est la
cohérence ?
Enfin, il faut arrêter de réduire la question du problème de nos retraites à
la seule variable démographique. Le contexte économique, le taux de chômage et
le niveau des salaires sont tout aussi déterminants.
Pour combler le décalage entre le niveau de cotisations des salariés et celui
des cotisations patronales, nous proposons d'instituer un prélèvement sur les
revenus financiers du capital. De surcroît, nous attendons qu'intervienne une
réforme des cotisations patronales qui ne pénalise pas l'emploi et permette
l'extension de notre protection sociale
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel.
Pour le progrès social, votez contre Maastricht !
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui appréhendait dans sa version
initiale, de façon globale, le sort souvent préoccupant et complexe des
salariés âgés de cinquante à soixante ans.
Les incertitudes planant sur l'avenir de l'ARPE avaient amené certains de nos
collègues à proposer la consécration législative de ce dispositif efficace qui,
sous certaines conditions, a permis le départ en retraite de plus de 126 000
salariés ayant totalisé leur quarante annuités de cotisations en contrepartie
de l'embauche de près de 115 000 personnes.
Depuis, les partenaires de l'UNEDIC se sont accordés pour proroger d'un an
l'accord signé en 1998. Les modalités de financement ont toutefois été
modifiées. En dépit de la proposition du Gouvernement de participer à
concurrence de 40 000 francs au financement de chaque départ, les représentants
patronaux ont tenu à instaurer une contribution financière à la charge de
l'employeur. On estime que cette participation permettrait d'abonder les fonds
de l'UNEDIC à concurrence de 1,5 milliard de francs.
Chacun le sait, les salariés âgés de cinquante à soixante ans sont devenus
l'objet privilégié des mesures de sortie de l'entreprise adoptées dans le cadre
des plans sociaux. A partir de quarante-cinq ans, ils se savent assis sur un
siège éjectable qui, à tout moment, peut les propulser hors de l'entreprise.
Leur maintien dans les entreprises est jugé inutile, voire pénalisant. On met
en avant le poids de leurs rémunérations dans la masse salariale ; on
stigmatise leurs difficultés, voire leur incapacité à s'adapter aux évolutions
technologiques et, en tout cas, leur manque de rendement.
Ces jugements définitifs et fatalistes contournent les vrais questionnements
de fond. Ainsi, les salariés qui acquièrent une expérience, qui gravissent les
échelons, devraient-ils être condamnés à voir leurs salaires plafonnés pour
préserver leurs chances de demeurer au sein de l'entreprise au-delà de
cinquante ans.
Ceux qui invoquent le coût - mot terrible - de ces salariés ont-ils pris la
mesure du coût financier, mais surtout social, d'un chômeur qui, à plus de
cinquante ans, n'a guère d'espoir de retrouver un travail ? En effet, les deux
tiers des chômeurs de longue durée appartiennent à cette tranche d'âge.
A qui revient donc la responsabilité de mettre en place et de gérer les plans
de formation continue susceptibles de maintenir la performance des salariés et
la compétitivité des équipes ?
Ainsi, le centre de recherches et d'études sur l'âge et les populations au
travail relève que bon nombre d'entreprises ont affecté leurs jeunes salariés
aux équipements récents, afin de faire l'économie d'une formation à
l'informatique ou aux machines à commandes numériques. En conséquence, ceux qui
abordent la cinquantaine continuent à travailler sur des postes éprouvants
physiquement. Cela peut expliquer certains chiffres impressionnants quant aux
inaptitudes au travail constatées, dans l'industrie automobile par exemple.
Espérons que les négociations portant sur les 35 heures seront l'occasion de
prendre en compte cette réalité dans la réorganisation du travail.
Par ailleurs, qui détermine la politique de recrutement et qui est chargé de
la gestion de la pyramide des âges au sein de l'entreprise ?
Comment peut-on prétendre équilibrer cette pyramide des âges quand les
recrutements, y compris en période de reprise, se font sous forme de contrats
précaires, qui sont devenus un mode structurel de la gestion des ressources
humaines.
Ainsi, entre le mois de juillet 1997 et le mois de juillet 1998, le travail
intérimaire a augmenté de 38 % non seulement dans l'industrie, mais aussi dans
le tertiaire où, selon la direction des relations du travail, 37 % des missions
n'excèdent pas une journée.
L'INSEE constate en fait que la reprise du marché du travail, loin de résorber
la précarité existante, accentue la poussée de cette dernière.
Si ces questionnements ne peuvent concerner les seules entreprises, on ne peut
que déplorer la dérive qui a consisté, pour certaines d'entre elles, à ne
chercher de réponse que dans des dispositifs financièrement pris en charge par
la collectivité.
Ainsi, le rapport de la Cour des comptes de 1997 concernant les plans sociaux
indique que plus des deux tiers des allocations spéciales FNE ont été accordées
par l'administration à douze entreprises qui se sont adressées au moins trois
fois, en six ans, au fonds. Ces entreprises ont ainsi couvert à 41 % ce
qu'elles considéraient comme des sureffectifs par des préretraites totales.
Tous ces problèmes doivent relever d'une gestion prévisionnelle et adaptée de
l'emploi à long terme. Les données démographiques sont connues ; on sait ainsi
que l'âge moyen de la population active, qui était de quarante ans entre 1975
et 1995, va s'élever progressivement, pour atteindre quarante-deux ans en
2015.
Il serait souhaitable, madame la secrétaire d'Etat, que le service public de
l'emploi soit particulièrement attentif aux petites et moyennes entreprises en
termes d'aide et de conseil quant à la gestion prévisionnelle de l'emploi.
J'en viens à l'examen des articles adoptés par nos collègues de l'Assemblée
nationale.
Au mois de décembre dernier, le Gouvernement a souhaité renforcer les
modalités d'application de la contribution Delalande. Des modulations sont
désormais prévues selon l'âge du salarié licencié, et le nouveau barème
renchérit la cotisation, qui pourra atteindre douze mois de salaires à
cinquante-sept ans.
Cette modulation tient également compte de la taille des entreprises, puisque
les entreprises de moins de vingt salariés en sont exonérées.
La proposition de loi adoptée à l'Assemblée nationale prévoit d'étendre la
contribution à deux dispositifs d'accompagnement de licenciements : les
conventions de conversion et les allocations spéciales FNE, lorsqu'il y a refus
du salarié.
Ces deux mécanismes sont présentés comme une alternative au licenciement sec.
Ils s'adressent aux salariés de plus de cinquante ans et ils s'inscrivent dans
des logiques différentes.
En effet, si les conventions de conversion ont pour objet un reclassement du
salarié grâce à des actions de formation, les allocations spéciales FNE
s'adressent aux salariés de cinquante-sept ans, voire de cinquante-six ans, qui
sont proches de la retraite et dont l'espoir de retrouver un emploi est très
faible.
Les auteurs de la proposition de loi ont voulu éviter que ces deux mécanismes,
jusqu'ici exonérés de la contribution Delalande, ne soient anormalement
sollicités par les employeurs afin d'échapper au versement de cette
contribution.
Le nombre des entrées en conventions de conversion à compter de cinquante ans
a augmenté de façon significative depuis 1993-1994 : leur pourcentage est en
effet passé de 11 % à 16 %.
Ainsi, le nombre des personnes âgées de cinquante ans et plus adhérant à une
convention de conversion sont passées, de 1994 à 1998, de plus de 16 000 à plus
de 20 000.
Les chiffres pour les personnes âgées de cinquante-cinq ans et plus sont
encore plus impressionnants, puisque le nombre des entrants a été multiplié par
six, pour atteindre plus de 6 000 personnes en 1998.
Cette augmentation est d'autant plus insolite que les espoirs de reclassement
s'amenuisent au fil des années. Ainsi, selon M. le rapporteur, le taux de
reclassement stagne aux alentours de 36 % pour les hommes de cinquante-quatre
ans et chute à 24 % pour les femmes du même âge. Enfin, après cinquante-six
ans, le taux de reclassement n'atteint que 18 %.
La commission des affaires sociales, dans sa majorité, a estimé que la
progression de ces adhésions n'était pas suffisamment significative et ne
pouvait s'expliquer par la volonté d'éviter le paiement de la cotisation
Delalande.
Les sénateurs socialistes ne partagent pas cette analyse et estiment que
l'évolution, en particulier celle qui affecte les plus de cinquante-cinq ans,
révèle une utilisation contraire aux objectifs affichés par les conventions de
conversion.
Par ailleurs, s'il est vrai, comme le souligne M. le rapporteur, que les
adhérents aux conventions de conversion sont, dans un premier temps, considérés
comme des stagiaires de la formation professionnelle et non comme des chômeurs,
l'évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation depuis 1992 a tendu à
rapprocher le contentieux attaché à ces conventions au droit commun des
licenciements économiques.
Ainsi, la Cour contrôle la cause réelle et sérieuse de la rupture du contrat
de travail. Selon elle, l'employeur prend seul l'initiative de rompre ce
contrat.
L'extension de la contribution Delalande aux ruptures de contrat de travail
après l'adhésion à une convention de conversion ne me semble donc pas présenter
d'incohérence juridique.
M. le rapporteur reproche aux mesures envisagées dans cette proposition de loi
de provoquer un effet dissuasif sur l'embauche de chômeurs proches de cinquante
ans.
Doit-on en déduire que les employeurs élaborent leur stratégie d'embauche en
fonction des facilités de licenciements, et ce d'autant plus facilement que la
solidarité nationale et les partenaires sociaux ont mis en place, ces derniers
mois, des filets de sécurité tels que l'allocation chômeurs âgés, l'ACA, et
l'allocation supplémentaire d'attente, l'ASA, qui permettent d'assurer un
revenu de remplacement aux chômeurs âgés jusqu'à la liquidation de leur
retraite ?
Nous savons bien qu'il s'agit là d'une réalité. Ainsi, le directeur de
Pont-à-Mousson déclarait, en 1993, que « la variable "effectifs" est un des
seuls paramètres sur lesquels les industriels peuvent jouer » pour redresser
les comptes d'un entreprise.
En tout cas, les socialistes refusent de cautionner cette démarche.
Rappelons enfin que les employeurs qui ont embauché des chômeurs de plus de
cinquante ans, et ce depuis 1992, sont dispensés du paiement de cette
cotisation.
Par ailleurs, la proposition de loi étend l'application de la contribution aux
licenciements consécutifs à un refus du salarié d'adhérer à un dispositif qui,
par la suite, est refusé par les salariés concernés.
M. le rapporteur a cité des estimations faisant état d'un faible taux de
refus. Il y a toutefois des refus, quelles qu'en soient les motivations.
Dès lors, nous ne voyons par les raisons pour lesquelles le droit commun des
licenciements économiques, qui prévoit le versement de la contribution
Delalande, ne s'appliquerait pas.
Le coût des préretraites, le renchérissement de la cotisation Delalande et son
extension devraient permettre un cadrage plus strict de ces mesures et
contribuer à orienter les partenaires davantage vers l'ARPE, que porte une
véritable dynamique de lutte pour l'emploi.
Voilà pourquoi les sénateurs socialistes adhèrent aux propositions adoptées à
l'Assemblée nationale. Bien entendu, ils voteront contre les propositions de la
majorité sénatoriale.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi
que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article L. 321-13 du
code du travail, un alinéa ainsi rédigé :
« La cotisation est due également pour chaque rupture du contrat de travail
intervenue du fait de l'adhésion d'un salarié à une convention de conversion
prévue par l'article L. 322-3. Le montant de cette cotisation tient compte de
la participation de l'entreprise au financement de la convention de conversion.
»
Par amendement n° 1, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
L'article 1er assujettit à la contribution Delalande les
ruptures de contrat de travail des salariés âgés de plus de cinquante ans qui
ont adhéré à une convention de conversion.
Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, la commission a estimé
qu'aucun élément précis ne permettait de conclure aujourd'hui à un
contournement massif de la contribution Delalande par l'utilisation du
dispositif de la convention de conversion.
En outre, la commission s'est refusée à condamner l'utilisation des
conventions de conversion, qui constituent un outil précieux d'aide au
reclassement pour les salariés âgés de cinquante ans ou plus.
Elle a par conséquent considéré que la véritable origine de cet article et de
l'ensemble de la proposition de loi tenait davantage à des impératifs
politiques visant à assurer la cohésion gouvernementale qu'à de réels motifs de
fond.
Pour toutes ces raisons, la commission vous propose d'adopter cet amendement
de suppression de l'article 1er.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur,
mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai essayé, dans mon intervention, de
démontrer l'utilité de cette proposition de loi et de prouver combien elle me
semblait bénéfique pour la défense des salariés de plus de cinquante ans.
Je suis cohérente avec moi-même, et tout le monde comprendra donc que je ne
puisse accepter les trois amendements de la commission, y compris celui qui
porte sur la date. Il s'agit en effet de prévenir des effets d'aubaine.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Jean-Patrick Courtois.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'article 1er aboutit à décourager le recours aux conventions de conversion,
qui constituent un outil d'aide au reclassement pour les salariés.
Notre groupe votera donc l'amendement de suppression proposé par notre
rapporteur.
J'indique, dès à présent, que nous adopterons également les deux autres
amendements de suppression, repoussant ainsi la proposition de loi dans son
ensemble. Nous doutons, en effet, que ces mesures soient réellement de nature à
résoudre les difficultés rencontrées par les salariés de plus de cinquante ans,
pour lesquels on prétend ainsi réduire le nombre des licenciements.
En fait, le problème est un peu plus compliqué. Si, aujourd'hui, ces salariés
sont plus facilement au chômage dès qu'une entreprise connaît des difficultés
financières, c'est parce qu'ils coûtent plus chers que de jeunes salariés,
parce qu'ils ne sont pas toujours adaptés aux nouvelles formes du travail ou
aux nouvelles technologies ; c'est là, malheureusement, la réalité.
Il me paraît important que nous méditions sur les chiffres parus en début
d'année. Ces chiffres démontrent en effet que la croissance industrielle
commence à se heurter, depuis l'été dernier, à des difficultés de recrutement,
30 % des chefs d'entreprise de l'industrie déclarant avoir des difficultés à
recruter de nouveaux salariés. Cela tend à démontrer que le chômage actuel est
en grande partie un chômage d'inadaptation.
C'est donc au chantier de la formation continue qu'il faudrait s'attaquer
plutôt qu'aux conventions de conversion.
Notre groupe approuve totalement la démarche de notre rapporteur, M. Louis
Souvet. Son rapport de qualité a mis en évidence la dangerosité d'un texte se
fondant sur des éléments contestables et répondant essentiellement à des
impératifs politiques.
Par ailleurs, en sanctionnant lourdement les entreprises, cette proposition de
loi risquait d'aboutir à l'effet inverse de celui que ses auteurs cherchent à
atteindre. Elle constituait, en effet, le meilleur moyen d'encourager les
entreprises à n'embaucher aucun salarié de cinquante ans ou d'un peu moins de
cinquante ans, dans la perspective des conséquences financières ultérieures en
cas de licenciement.
Je conclus mon bref propos en saluant le travail d'analyse effectué par notre
rapporteur, M. Louis Souvet, qui a permis d'enrichir la réflexion de la Haute
Assemblée.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er est supprimé.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - L'avant-dernier alinéa de l'article L. 321-13 du code du travail
est ainsi rédigé :
« Cette cotisation n'est pas due dans le cas où le salarié bénéficie des
allocations spéciales prévues par le 2° de l'article L. 322-4. »
Par amendement n° 2, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Cet amendement vise à supprimer l'article 2, qui assujettit à
la contribution Delalande les licenciements des salariés ayant refusé le
bénéfice d'une préretraite dans le cadre du fonds national de l'emploi.
La commission a constaté que les affirmations des initiateurs de la
proposition de loi concernant d'éventuels abus n'étaient étayées par aucun
élément précis.
Elle a souligné que le nombre des refus de préretraite FNE était extrêment
faible : il concerne une soixantaine de salariés par an pour un total de plus
de 20 000 entrées annuelles en conventions d'ASFNE.
Dans ces conditions, la commission s'est refusée à une intervention
législative destinée à sanctionner quelques très rares abus éventuels.
M. le président.
Le Gouvernement a déjà fait connaître son opposition à cet amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2 est supprimé.
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Les dispositions des articles 1er et 2 sont applicables pour
toutes les ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er janvier
1999. »
Par amendement n° 3, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Par coordination avec les amendements qu'elle a déposés aux
articles 1er et 2, la commission vous propose, mes chers collègues, d'adopter
un amendement de supression de l'article 3, lequel prévoit que les dispositions
de la présente proposition de loi seront applicables pour toutes les ruptures
de contrat de travail intervenant à compter du 1er janvier 1999.
J'ajoute que l'application de cet article serait rétroactive, ce qui poserait,
madame le secrétaire d'Etat, de redoutables problèmes pratiques et serait
vraisemblablement source d'un contentieux très lourd.
M. le président.
Je rappelle que le Gouvernement s'est déjà déclaré défavorable à l'amendement
n° 3.
Je vais le mettre aux voix.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
J'ai longuement développé, au cours de la discussion générale, les motifs de
notre opposition farouche aux propositions formulées par la majorité
sénatoriale.
Je crois que, au-delà de ce débat, ce sont tous les problèmes de l'emploi
industriel qui sont posés, car nous voyons bien que ce sont essentiellement les
salariés de plus de cinquante ans qui sont touchés aujourd'hui par les
délocalisations, les restructurations et les réductions d'effectifs.
Même si l'on peut constater globalement une évolution favorable pour les
salariés ayant entre quarante-cinq et cinquante ans, dans certains grands
groupes multinationaux, la tendance s'infléchit plutôt du mauvais côté.
Je voulais donc, à l'occasion de l'examen de cet amendement de suppression de
l'article 3, dire combien nous sommes en total désaccord avec la position du
Sénat sur cette proposition de loi.
Bien entendu, nous voterons contre l'amendement n° 3.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Notre collègue Guy Fischer n'a pas pu ne pas remarquer la
profonde contradiction qui existe entre la politique menée par le Gouvernement,
consistant à encourager les grands groupes automobiles, par exemple, à
licencier les personnes les plus âgées de façon à modifier la pyramide des âges
actuelle - et je ne dis pas que j'y suis hostile -...
M. Emmanuel Hamel.
Et vous les connaissez, ces grands groupes automobiles, monsieur le
rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
... par l'octroi de sommes d'argent tout à fait
considérables, et la volonté de sanctionner les entrepreprises qui
licencieraient des salariés de plus de cinquante ans en prenant toutes les
précautions nécessaires.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de
l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux.
C'est une incohérence de plus !
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Sur quelque travée que nous siégions, nous ne pouvons être indifférents à
l'objet de cette proposition de loi, qui tend à réduire, si possible, le nombre
des licenciements de travailleurs de plus de cinquante ans. Nous sommes tous
attachés à cet objectif, comme à la réduction du chômage en général.
Cependant, convaincu par la pertinence des arguments de notre collègue Louis
Souvet, dont personne ne peut mettre en doute le sens social, la volonté de
combattre la réalité du chômage, je dois dire que, à mon regret - je dis bien «
à mon regret » - je ne pourrai voter cette proposition de loi, dont notre
éminent collègue Guy Fischer lui-même, dans son intervention remarquable, a dit
qu'elle était marquée par des contradictions.
Ce sont ces contradictions qui m'empêchent de voter ce texte.
(Très bien !
sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
Solidarité rhodanienne !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3 est supprimé.
Tous les articles de la proposition de loi ayant été successivement supprimés,
il n'y a pas lieu de procéder à un vote sur l'ensemble.
La proposition de loi est rejetée.
8
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
ET CANDIDATURES
À UNE COMMISSION SPÉCIALE
M. le président.
M. le président a reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi
d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et
portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire, adopté par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 203 et distribué.
En application de l'article 17, alinéa 1, du règlement et à l'initiative de M.
Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques, la
conférence des présidents propose de renvoyer ce projet de loi à une commission
spéciale.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
La liste des candidats à cette commission spéciale établie par les présidents
des groupes a été affichée.
Cette liste sera ratifiée demain, mercredi 10 février, à quinze heures, s'il
n'y a pas d'opposition dans le délai prévu par le règlement.
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DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Robert Bret, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart,
Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Michel Duffour, Guy Fischer,
Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Pierre Lefèbvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc,
MM. Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi
relative aux actions propres à enrayer l'extension de l'algue tropicale
Caulerpa taxifolia
en Méditerranée.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 200, distribuée et renvoyée à
la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
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DÉPO^T DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil instituant un programme d'action
communautaire en faveur de la protection civile.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1208 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de statut des député(e)s au Parlement européen.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1209 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à
certains aspects juridiques du commerce électronique dans le marché
intérieur.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1210 et distribué.
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DÉPO^T DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait
au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la
Nouvelle-Calédonie.
Le rapport sera imprimé sous le n° 201 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait
au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi organique relative à la
Nouvelle-Calédonie.
Le rapport sera imprimé sous le n° 202 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-François Le Grand un rapport, fait au nom de la
commission des affaires économiques et du Plan, sur le projet de loi portant
création de l'autorité de contrôle technique de l'environnement sonore
aéroportuaire (n° 8, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 204 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-François le Grand un rapport, fait au nom de la
commission des affaires économiques et du Plan, sur le projet de loi, adopté
par l'Assemblée nationale, relatif aux enquêtes techniques sur les accidents et
les incidents dans l'aviation civile (n° 516, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 205 et distribué.
J'ai reçu de M. Gérard César un rapport, fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan, sur la proposition de résolution (n° 196,
1998-1999) présentée en application de l'article 73
bis
du règlement par
M. James Bordas sur la proposition de règlement (CE) du Conseil portant
organisation commune du marché vitivinicole (n° E-1134).
Le rapport sera imprimé sous le n° 206 et distribué.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 10 février 1999, à quinze heures :
1. Nomination des membres de la commission spéciale chargée d'examiner le
projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du
territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995
d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 203, 1998-1999).
2. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 118, 1998-1999),
modifié par l'Assemblée nationale, portant diverses mesures relatives à la
sécurité routière.
Rapport (n° 192, 1998-1999) de M. Lucien Lanier, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi
de M. Philippe Arnaud et plusieurs de ses collègues tendant à assurer un
service minimum en cas de grève dans les services et entreprises publics (n°
194, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mercredi 10 février 1999 à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 10 février 1999 à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures vingt-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES
M. Philippe Richert a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 80 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à inciter au respect des droits de l'enfant dans le monde, notamment lors de l'achat des fournitures scolaires, en remplacement de M. Jean Bernadaux.
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
M. Gérard César a été nommé rapporteur de la proposition de résolution de M. James Bordas sur la proposition de règlement (CE) portant sur l'organisation commune du marché vitivinicole (n° E 1134).
DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS
À UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
En application de l'article 73
bis,
alinéa 7, du règlement, la
commission des affaires économiques
a fixé au
mercredi 17 février
1999,
à
12 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à
la proposition de résolution qu'elle a adoptée sur la proposition de résolution
n° 196 (1998-1999) de M. James Bordas, sur la proposition de règlement (CE)
portant sur l'organisation commune du marché vitivinicole (n° E 1134). (Rapport
n° 206 [1998-1999] de M. Gérard César, mis en distribution le jeudi 11 février
1999.)
Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la
commission des affaires économiques et seront examinés par la commission lors
de sa réunion du
jeudi 18 février 1999,
à
10 h 30.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Fonctionnement du comité d'information et de liaison
du parc de Saint-Cloud
449.
- 8 février 1999. -
M. Denis Badré
attire l'attention de
Mme le ministre de la culture et de la communication
sur le fonctionnement du comité d'information et de liaison du parc de
Saint-Cloud. Le 5 novembre 1996, ce comité était solennellement mis en place
afin d'institutionnaliser la nécessaire concertation entre les autorités du
parc et les maires des communes riveraines. Il s'est réuni en février, juin et
octobre 1997 dans des conditions prometteuses. Puis il n'a plus été convoqué,
malgré de nombreuses relances de notre part. Les maires des communes
riveraines, qui se sentent très concernés par la protection comme par les
conditions d'ouverture du parc, s'en inquiètent et souhaitent connaître vos
intentions à cet égard. Ce comité peut faciliter les relations au quotidien
entre le parc et les villes voisines. C'est en particulier en son sein qu'a été
examiné un programme de travaux de restauration des étangs de Ville-d'Avray,
étangs conçus pour alimenter les grandes eaux du parc avant d'être
immortalisées par Corot et de représenter aujourd'hui un centre d'animation
prestigieux et très actif. Ce programme, établi dès le printemps 1997,
prévoyait une première tranche à réaliser immédiatement pour des raisons de
sécurité et une réhabilitation d'ensemble à engager dès 1998. Vos services ont
même posé au bord des étangs un panneau d'information annonçant sa mise en
oeuvre. La réalisation effective de ce programme, apparemment en panne, s'avère
urgente. Un nouveau courrier du 23 décembre 1998 à vos services le rappelait.
Il est jusqu'ici lui aussi resté sans réponse. Quand ce programme pourra-t-il
être engagé ?
Organisation de la restauration collective à France Télécom
450.
- 8 février 1999. -
M. Roland Courteau
attire l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie
sur les intentions de France Télécom de faire évoluer son service de
restauration collective, actuellement géré par des associations (dans le cadre
des activités sociales), vers une structure de type privé. Ces dispositions,
auxquelles s'opposeront avec détermination les personnels et les usagers,
auraient pour conséquence de privilégier la rentabilité au détriment du social
(augmentation du prix des repas) et ne manqueraient pas de surcroît d'avoir des
conséquences sur l'emploi (suppression de postes). Une telle évolution,
contraire par ailleurs à la nécessaire préservation des acquis sociaux, n'est
pas acceptable, tant pour les personnels de France Télécom et de la poste de
Narbonne que pour l'ensemble des personnels regroupés au sein de la Fédération
nationale des restaurants PTT. C'est pourquoi, et compte tenu que l'Etat reste
actionnaire majoritaire dans le capital de France Télécom, il lui demande s'il
entend influer sur les décisions envisagées, afin que soit stoppé le processus
engagé, par la prise en compte de la qualité actuelle du service rendu, du
maintien des emplois dans le respect des conditions statutaires qui régissent
le personnel aujourd'hui en poste... et de l'avis des personnels et usagers non
encore, d'ailleurs, consultés.
Sanction de l'abus de confiance, de faiblesse ou d'ignorance
451.
- 9 février 1999. -
M. Bernard Plasait
attire l'attention de
Mme le garde des sceaux, ministre de la justice,
sur l'interprétation respective des articles L. 122-8 du code de la
consommation et 313-4 du code pénal. En effet, l'article L. 122-8 du code de la
consommation punit d'un emprisonnement de cinq ans et/ou d'une amende de 60 000
francs quiconque aura abusé de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne
pour lui faire souscrire des engagements au comptant ou à crédit, sous quelque
forme que ce soit, lorsque les circonstances montrent que cette personne
n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou
de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre d'y souscrire, ou
font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte. L'article 313-4 du code
pénal dispose, quant à lui, que l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de
la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont la
particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à
une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse est apparente ou
connue de son auteur, pour obliger ce mineur ou cette personne à un acte ou à
une abstention qui lui sont gravement préjudiciables est puni de trois ans
d'emprisonnement et de 2 500 000 francs d'amende ». Outre leur insertion dans
deux codes différents, il est possible de considérer, comme le fait une
doctrine isolée, que le délit de l'article 313-4 du code pénal a une portée
plus large que l'incrimination de l'ancien article 406 et que celui de
l'article L. 122-8 du code de la consommation, spécifique au démarchage, a un
champ d'application plus réduit. Cependant, l'élément moral de l'infraction
doit être, dans les deux cas, identique, car constitué par la volonté de
perpétrer l'abus en pleine connaissance de cause. Dès lors, seule la gravité du
préjudice serait un élément pertinent de distinction. De plus, si l'on se
réfère à un exemple emprunté à la circulaire du 14 mai 1993, sont protégées par
la nouvelle incrimination de l'article 313-4 du code pénal les personnes âgées
victimes de pratiques commerciales douteuses qui n'auraient accepté de conclure
un contrat sans commune mesure avec leurs besoins réels qu'en raison du
harcèlement dont elles auraient fait l'objet. Et c'est précisément ce type de
situation que les tribunaux ont sanctionné sur le fondement de l'article L.
122-8 du code de la consommation, en particulier la cour d'appel de Lyon dans
un arrêt du 19 septembre 1990. La vulnérabilité de la victime devant être dans
les deux cas avérée, il est aisé de constater la similitude des situations à
même de justifier l'application de ces deux articles. Il est en effet courant
de justifier l'application de l'article L. 122-8 par le fait que l'infirmité du
consentement de la victime, embrumé notamment par l'âge, la maladie ou annihilé
par une situation de détresse, est mise à profit de manière éhontée par le
démarcheur pour arriver à ses fins. Concernant l'article 313-4 du code pénal,
dans l'hypothèse où il s'agit d'un majeur, la vulnérabilité tient généralement
à l'âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique
ou à un état de grossesse. La jurisprudence étant pour le moins clairsemée et
la doctrine peu prolixe sur la combinaison de ces deux infractions, il lui
demande de bien vouloir lui préciser, d'une part, le champ d'application de
chacun de ces délits et, d'autre part, s'il lui paraît, le cas échéant,
envisageable de les refondre en une seule incrimination pénale.