Séance du 3 février 1999
NOUVELLE-CALÉDONIE
Discussion d'un projet de loi organique
et d'un projet de loi déclarés d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique (n° 146,
1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence,
relatif à la Nouvelle-Calédonie et du projet de loi (n° 145, 1998-1999), adopté
par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la
Nouvelle-Calédonie. [Rapport n° 180 (1998-1999).]
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le secrétaire
d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, après la signature de l'accord de Nouméa, le 5 mai
1998, votre assemblée s'est déjà exprimée le 30 juin dernier sur l'avenir de la
Nouvelle-Calédonie. A une très large majorité - 287 voix pour, 10 contre - elle
s'est prononcée en faveur du projet de réforme constitutionnelle qui lui était
proposé par le Gouvernement.
Le Parlement, réuni en Congrès à Versailles le 6 juillet, a adopté cette
réforme constitutionnelle à plus de 96 % des suffrages exprimés.
En application de l'article 76 nouveau de la Constitution, les populations de
la Nouvelle-Calédonie se sont exprimées par référendum le 8 novembre. Les
électeurs calédoniens ont approuvé l'accord de Nouméa avec près de 72 % des
suffrages exprimés et une participation sans précédent de 74 %. Dans les
trente-trois communes, le « oui » était majoritaire.
A l'évidence, le consensus initialement réalisé entre les deux principales
forces politiques de Nouvelle-Calédonie, avec le concours de l'Etat, a été
compris, accepté par la représentation nationale et a suscité une adhésion sans
ambiguïté des électeurs calédoniens.
Pour l'application de l'accord de Nouméa, un avant-projet de loi a été élaboré
en concertation avec les partenaires calédoniens le RPCR et le FNLKS - puis
soumis au congrès du territoire, qui, le 12 novembre, a émis un avis
favorable.
Il s'agissait alors d'un texte unique regroupant l'ensemble des dispositions
relatives à la Nouvelle-Calédonie. L'examen en Conseil d'Etat a conduit à
distinguer : d'une part, un projet de loi organique, de deux cent vingt
articles, qui concerne les matières visées par l'article 77 nouveau de la
Constitution ; d'autre part, un projet de loi ordinaire, de vingt-trois
articles, pour les autres dispositions.
La répartition entre ces deux textes est l'expression de l'équilibre entre,
d'une part, le respect de la hiérarchie des normes de notre droit public et,
d'autre part, le souhait émis par les partenaires calédoniens d'inclure dans la
loi organique le maximum de dispositions, afin de disposer d'un texte de
référence stable et complet.
La loi référendaire de 1998, issue des accords de Matignon, a été largement
reprise, en particulier pour le fonctionnement des institutions que sont le
congrès et les assemblées de province. Des aménagements ont toutefois été
apportés pour assurer l'application de l'accord de Nouméa ou permettre un
meilleur fonctionnement. Enfin, puisque la Nouvelle-Calédonie ne relève plus de
l'article 74 de la Constitution, plusieurs procédures spécifiques aux
territoires d'outre-mer, notamment la procédure de consultation législative,
doivent être rappelées.
L'ensemble de ces éléments explique le volume des textes qui vous sont
soumis.
Ces textes, examinés par l'Assemblée nationale lors de sa séance du 21
décembre 1998, ont fait l'objet d'un large consensus et ont été adoptés après
avoir été amendés sur plusieurs points, le plus souvent avec l'avis favorable
du Gouvernement.
Les principales forces politiques et sociales de la Nouvelle-Calédonie ont
exprimé leur satisfaction à l'issue de cette première étape du débat
parlementaire en soulignant la volonté de respecter les termes de l'accord de
Nouméa.
L'ensemble de ces textes constitue donc un nouveau statut pour la
Nouvelle-Calédonie, qui doit remédier à une instabilité institutionnelle et
politique dont ce territoire a trop longtemps souffert. Votre rapporteur, M.
Jean-Jacques Hyest, dont je salue le travail, évoque à ce sujet la période
1946-1988 sous le titre « plus de quarante ans de fluctuations statutaires ».
Ce statut a vocation à couvrir la période de vingt ans prévue par l'accord de
Nouméa jusqu'à la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté.
L'irréversibilité des transferts de compétences préserve de tout retour en
arrière.
Plusieurs éléments sont novateurs.
Le premier a trait à la pleine reconnaissance de l'identité kanak, qui
conduit, pour la première fois dans le droit français, à préciser le statut
civil coutumier ainsi que ses rapports avec le statut civil de droit commun,
sur une base d'égale dignité.
La reconnaissance du statut civil coutumier est conçue dans une perspective
nouvelle par rapport à l'article 75 de la Constitution qui définit les
personnes de statut personnel comme celles qui n'y ont pas renoncé. Il faut
d'ailleurs voir dans ce statut coutumier une réminiscence de ce que l'on
appelait autrefois le « statut indigène ».
Le projet de loi organique se place dans une perspective positive : il prévoit
les conditions dans lesquelles les Kanaks, qui n'en bénéficieraient pas,
peuvent obtenir le statut civil coutumier. Le retour à ce statut sera donc
désormais possible sous le contrôle du juge.
Les terres coutumières, dont on connaît l'importance dans la culture et
l'organisation sociale kanak, sont définies et leur statut précisé.
La représentation de la coutume est étendue avec la création d'un sénat
coutumier et des conseils coutumiers. Leurs compétences ont un caractère
consultatif mais obligatoire dans plusieurs domaines qui touchent à l'identité
kanak, tels que les signes identitaires, le statut civil coutumier, le régime
des terres coutumières et des palabres coutumiers, les modalités d'élection au
sénat coutumier et aux conseils coutumiers. En cas de désaccord sur les projets
ou propositions de loi du pays qui sont soumis au sénat coutumier, le pouvoir
politique, c'est-à-dire le congrès, statue définitivement.
Par sa représentation au conseil économique et social, aux conseils
d'administration d'établissements publics et au conseil consultatif des mines,
le sénat coutumier participera à l'activité institutionnelle, économique et
sociale de la Nouvelle-Calédonie.
Ainsi, la loi consacre des droits spécifiques au peuple kanak, peuple originel
de ce territoire.
Le deuxième élément novateur, c'est la définition des nouvelles compétences de
la Nouvelle-Calédonie. Elle se traduit par d'importants transferts de l'Etat, à
l'exception des pouvoirs régaliens que sont la justice, l'ordre public, la
défense, la monnaie, le crédit et le change.
La compétence locale de droit commun reste dévolue aux provinces en
application du principe posé par les accords de Matignon et par la loi
référendaire de 1988. En conséquence, l'Etat et la Nouvelle-Calédonie
disposeront des compétences d'attribution énumérées par la loi organique.
Les compétences que l'Etat transfère sont définies en application de l'accord
de Nouméa. Des transferts de compétences interviendront à compter du 1er
janvier 2000 : l'intégralité du droit du travail, la compétence minière, le
statut civil coutumier, le commerce extérieur, les communications extérieures
en matière de desserte maritime et aérienne et des postes et
télécommunications, l'exploitation de la zone économique exclusive, etc.
D'autres le seront en fonction du choix du congrès, au cours de la période
allant de 2004 à 2014, notamment l'enseignement du second degré, le droit civil
et le droit commercial, et la sécurité civile.
Les établissements publics d'Etat, qu'il s'agisse de l'ADRAF, l'Agence de
développement rural et d'aménagement foncier, de l'ADCK, l'Agence de
développement de la culture kanak, de l'IFPA, l'Institut pour la formation des
personnels administratifs, du CDP, le centre de documentation pédagogique, et
de l'OPT, l'Office des postes et télécommunications, seront également
transférés, à la demande du congrès.
Certaines compétences feront l'objet d'un dialogue entre l'Etat et la
Nouvelle-Calédonie ou seront exercées en association : les relations
internationales et régionales, la réglementation relative à l'entrée et au
séjour des étrangers, l'audiovisuel, la desserte aérienne internationale,
l'enseignement supérieur. La recherche scientifique demeure de la compétence de
l'Etat à la suite d'un amendement qui a été adopté par l'Assemblée
nationale.
En matière minière, le transfert de la compétence à la Nouvelle-Calédonie est
assorti d'une intervention de l'Etat pour avis, les décisions définitives
appartenant aux institutions calédoniennes.
Telle est donc la répartition des compétences. Le dispositif proposé peut
paraître complexe. Il est le résultat de l'accord des partenaires calédoniens
sur un équilibre entre la volonté de conduire leurs propres affaires, le
respect des compétences des institutions provinciales, les contraintes
économiques et la nécessité de s'inscrire dans une perspective d'aménagement
durable.
Le projet de loi organique donne aussi compétence au congrès en matière
d'accès à l'emploi au bénéfice des citoyens de Nouvelle-Calédonie et des
personnes justifiant d'une certaine durée de résidence. Ces règles doivent
préciser la durée et les modalités de ces mesures, qui ne pourront pas porter
atteinte aux avantages individuels et collectifs. Le dispositif mis en place
pourra s'accompagner d'une révision du traité de l'Union européenne sur les
modalités d'association avec les pays et territoires d'outre-mer. Le processus
fait l'objet d'un examen préliminaire ; il permettra de redéfinir les liens
entre la Nouvelle-Calédonie et l'Europe.
Il y aura, dans cette évolution de transferts de compétences, la progressivité
souhaitée par le congrès, puisque c'est lui qui contribuera à en définir le
calendrier.
Les transferts de compétences seront irréversibles et l'Etat compensera
intégralement les charges correspondant à l'exercice des compétences nouvelles.
La compensation financière, avec la création de dotations globales de
compensation, s'accompagnera de transferts immobiliers et de mouvements de
fonctionnaires. En fait, les mécanismes retenus s'inspirent largement de ceux
qui ont été pratiqués en métropole lors de la décentralisation.
L'Etat, vous le voyez, ne se désintéresse pas de la Nouvelle-Calédonie : il
l'accompagne dans son développement.
Progressivité, irréversibilité et compensation des charges sont prévues par
l'accord de Nouméa et mis en oeuvre dans le projet de loi organique.
La troisième nouveauté porte sur la mise en place de nouvelles institutions
aux pouvoirs étendus.
Je ne reviendrai pas sur celles que j'ai déjà évoquées et que sont le sénat
coutumier et les conseils coutumiers.
Le dispositif retenu pour les autres institutions de la Nouvelle-Calédonie
s'inspire des principes d'un régime d'assemblée qui répond à la volonté des
partenaires calédoniens. Il reprend également nombre de règles qui sont en
vigueur en métropole. Chacun des éléments est déjà bien connu mais l'ensemble
ainsi constitué est singulier et original. Je vais le décrire rapidement.
Le Congrès demeure, comme c'est le cas depuis 1988, la réunion des membres des
trois provinces de la Nouvelle-Calédonie : la province Nord, la province Sud et
la province des îles Loyauté. Il est néanmoins prévu, ce qui est une
innovation, de procéder à l'élection de membres supplémentaires dans chaque
assemblée de province qui, eux, ne seront pas membres du congrès, afin de
permettre une meilleure répartition des tâches au sein des assemblées. Cet
ensemble de mesures s'inspire du dispositif Paris - Lyon - Marseille,
s'agissant du mode d'élection.
L'exercice du droit de vote aux élections aux assemblées de province suppose
une condition de résidence de dix ans et l'inscription sur le tableau annexe
qui a été arrêté à la fin de l'année 1998. C'est cet exercice particulier du
droit de vote qui crée la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie. L'innovation
est importante ; la seule autre référence qui est faite à cette notion de
citoyenneté a trait à l'accès à l'emploi.
Le projet de loi organique introduit une nouvelle norme juridique : « les lois
du pays ». Elles sont votées par le congrès à la majorité absolue et ont valeur
législative. Leur champ sera limité à des domaines essentiels de l'activité
normative du congrès, notamment la fiscalité, le droit civil, l'accès à
l'emploi, la réglementation minière, le statut civil coutumier, les signes
identitaires.
Les projets et propositions de loi du pays seront soumis avant leur adoption à
l'avis du Conseil d'Etat si vous suivez l'amendement voté par l'Assemblée
nationale, afin d'assurer à ces textes qui ont valeur législative la meilleure
expertise juridique possible.
Ces lois du pays seront susceptibles préalablement à leur promulgation d'être
soumises à une seconde lecture, puis au contrôle du Conseil constitutionnel
selon une procédure de saisine réservée à des autorités déterminées : le
haut-commissaire, le président du Gouvernement, le président du congrès ou
d'une assemblée de province ou dix-huit membres du congrès.
L'exécutif, qui, je le rappelle, est assuré depuis 1988 en Nouvelle-Calédonie
par le haut-commissaire, est transféré à un gouvernement qui comprendra de cinq
à onze membres et qui sera élu par le congrès au scrutin de liste à la
représentation proportionnelle. Il sera responsable devant lui. Il préparera et
exécutera les décisions du congrès. Il s'agit donc d'un exécutif collégial qui
gérera solidairement les affaires relevant de sa compétence. Issu, en raison de
l'application du principe de la proportionnelle, de tendances politiques
différentes, il pourra charger chacun de ses membres d'animer et de contrôler
un secteur de l'administration de la Nouvelle-Calédonie.
Le haut-commissaire, représentant de l'Etat, assiste de plein droit aux
réunions du Gouvernement et est entendu lorsqu'il le demande. Il n'a pas voix
délibérative. Il peut toutefois demander une seconde délibération d'un arrêté
du Gouvernement. Cette présence et ce rôle du représentant de l'Etat ont été
souhaités par tous les partenaires calédoniens et sont expressément prévus par
l'accord de Nouméa. La neutralité et l'expérience du haut-commissaire seront
précieuses pour aider le Gouvernement, dans la diversité de sa composition, à
élaborer ses décisions.
Le président du Gouvernement dirige l'administration de la Nouvelle-Calédonie.
Il est ordonnateur des recettes et des dépenses de la Nouvelle-Calédonie et
peut déléguer, sur autorisation du congrès à la majorité des trois cinquièmes
de ses membres, certaines de ses attributions aux membres du Gouvernement.
La responsabilité du Gouvernement peut être mise en cause par le congrès par
le vote d'une motion de censure signée par un cinquième au moins de ses membres
qui, si elle est adoptée, met fin aux fonctions du Gouvernement.
Si la Nouvelle-Calédonie est renforcée politiquement par l'extension de ses
compétences et le transfert de l'exécutif, les provinces se trouvent confortées
dans leur statut de collectivité territoriale de la République disposant de la
compétence de droit commun. Créées par la loi référendaire de 1988, elles ont
prouvé qu'elles étaient en mesure d'assumer leurs compétences, de participer au
rééquilibrage voulu par les accords de Matignon et d'apporter aux populations
la satisfaction de leurs besoins.
L'expérience de ces dix années a révélé qu'il était nécessaire de simplifier
le dispositif financier qui leur assure une dotation obligatoire en provenance
du budget de la Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, est mise en place à la
demande des partenaires locaux une procédure de censure du président de
l'assemblée de province, au moment du débat budgétaire, par le vote à une
majorité qualifiée d'un projet alternatif à celui qui est présenté par
l'exécutif.
Le dispositif électoral pour les élections aux assemblées de province, et donc
au congrès, reprend la loi référendaire de 1988 complétée par trois points de
l'accord de Nouméa.
La définition d'un corps électoral spécial a fait l'objet de longues
discussions entre les partenaires calédoniens. Aux termes de l'article 177,
peuvent participer à l'élection des assemblées de province notamment les
personnes qui ont au moins dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie et qui
sont inscrites au tableau annexe arrêté en 1998 parce qu'elles n'avaient pas
encore atteint cette durée de résidence lorsque ce tableau annexe a été établi.
Au fur et à mesure que ces personnes inscrites sur ce tableau annexe
justifieront de dix ans de résidence, elles pourront voter à l'élection aux
assemblées de province.
L'article 178 prévoit l'établissement d'une liste électorale spéciale pour
cette élection. Cette liste électorale est dressée à partir de la liste
électorale générale et d'un tableau annexe qui mentionne tous les électeurs non
admis à participer au scrutin et qui sera établi chaque année par les
commissions administratives spéciales.
La troisième disposition prévue par l'accord de Nouméa est destinée à
faciliter le fonctionnement des assemblées locales, en évitant les conséquences
d'une dispersion des suffrages. Le seuil à atteindre pour participer à la
répartition des sièges à la proportionnelle est fixé à 5 % des électeurs
inscrits. Cette disposition devrait prévenir l'émiettement de la représentation
politique.
Les prochaines élections aux assemblées de province et au congrès auront lieu
avant le 1er août 1999, comme le prévoit l'article 219 du projet de loi qui
vous est soumis. L'objectif est que les nouvelles institutions soient en place
dans les meilleures délais, si possible au mois de mai 1999, dès lors que la
date de publication de la loi permettra de dresser la liste des électeurs et
d'organiser les élections.
Le conseil économique et social est maintenu dans une composition élargie. Sa
fonction consultative est affirmée.
Les communes demeurent des collectivités territoriales de la République
relevant de l'Etat au moins jusqu'en 2009. Ultérieurement, le congrès pourra
solliciter une modification de la loi organique. Les communes bénéficieront
d'un aménagement de leurs compétences, ainsi que du dispositif financier qui
les alimente, notamment en provenance du budget du territoire. Outre le fonds
intercommunal de péréquation pour le fonctionnement des communes et le fonds
intercommunal de péréquation pour l'équipement des communes, la loi organique
prévoit la création d'un fonds intercommunal pour le développement de
l'intérieur et des îles.
J'en viens au quatrième élément novateur : la consultation sur l'accession à
la pleine souveraineté sera organisée à une date fixée, au cours du mandat du
congrès qui commencera en 2014, par délibération du congrès ou, à défaut, au
terme de ce mandat en 2019 par l'Etat. Elle portera sur le transfert à la
Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes. Les modalités d'organisation de
cette consultation sont fixées avec précision par le projet de loi
organique.
L'accord de Nouméa rend possible trois consultations successives pour franchir
cette étape ultime. Le projet de loi organique précise que, avant la troisième
consultation qui devient éventuelle, le comité des signataires responsable du
suivi de l'accord de Nouméa devra se réunir. Ce choix résulte de la discussion
entre les partenaires calédoniens.
Par ailleurs, l'accord de Nouméa a requis une durée de résidence de vingt ans
pour appartenir au corps électoral appelé à se prononcer lors de cette
consultation.
L'Etat s'est engagé à accompagner la Nouvelle-Calédonie dans sa démarche
d'émancipation et de développement économique.
C'est ainsi que le titre VIII du projet de loi organique définit le
rééquilibrage et le développement économique, social et culturel. Il prévoit
notamment la conclusion de contrats pluriannuels de développement entre l'Etat,
d'une part, la Nouvelle-Calédonie et les provinces, d'autre part, et le
contrôle des outils de développement. Un accord particulier pour le
développement culturel est également prévu. Il traitera notamment du patrimoine
culturel kanak et de l'avenir du centre culturel Jean-Marie-Tjibaou, que nous
avons inauguré le 4 mai 1998. Les langues kanak sont reconnues comme langues
d'enseignement et de culture.
J'en viens, pour terminer, au projet de loi relatif à la Nouvelle-Calédonie.
Il fixe les dispositions législatives d'application de l'accord de Nouméa qui
ne relèvent pas de la loi organique mais la complètent.
Ainsi, les missions et les attributions du haut-commissaire sont déterminées ;
le cadre de l'action de l'Etat pour le rééquilibrage et le développement
économique et social de la Nouvelle-Calédonie est fixé ; le régime applicable
aux comptes et aux comptables et les règles concernant les communes sont
précisés ; enfin, les règles en matière électorale sont précisées et
adaptées.
Voilà donc rapidement résumés ces deux textes, adoptés par l'Assemblée
nationale et soumis à la Haute Assemblée. Avec leur adoption, la
Nouvelle-Calédonie cessera d'être le territoire d'outre-mer de la
Nouvelle-Calédonie, au sens du titre XII et de l'article 74 de la Constitution,
pour devenir la Nouvelle-Calédonie, au sens du titre XIII nouveau et de
l'article 77 nouveau de la Constitution. Ces textes établissent des rapports
renouvelés entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie.
La République accompagnera cette démarche d'émancipation politique avec le
souci de favoriser le rééquilibrage et le développement de la
Nouvelle-Calédonie au bénéfice de tous ses habitants.
Comme s'y est engagé le Premier ministre lors de la réunion du Parlement en
Congrès, à Versailles, le Gouvernement a veillé, par les projets de loi qui
vous sont soumis en exécution de la réforme constitutionnelle, à appliquer
l'accord de Nouméa totalement et loyalement, dans sa lettre et dans son
esprit.
L'Assemblée nationale a apporté des précisions et des améliorations au texte
du Gouvernement, qui avait été préparé dans un esprit de consensus. Elle l'a
finalement adopté à l'unanimité.
Je ne doute pas que les débats au Sénat seront marqués de ce même état
d'esprit. Déjà, les travaux de la commission des lois ont permis de formuler
sur de nombreux points des propositions d'amélioration du texte, propositions
dont nous aurons à discuter lors de l'examen des articles. Je crois ainsi que
députés et sénateurs pourront parvenir, lors de la commission mixte paritaire,
à trouver un point d'équilibre entre les exigences formulées légitimement sur
le plan juridique tant par l'Assemblée nationale que par le Sénat, ce qui
permettra d'ouvrir pour la Nouvelle-Calédonie une période de paix, de
développement et de communauté de destin.
La République a accepté de modifier sa Constitution pour rendre juridiquement
et politiquement possible l'avenir que les partenaires calédoniens et le
Gouvernement ont imaginé ensemble. Les Calédoniens seront désormais comptables
du système institutionnel original et subtil qu'ils se sont choisi. Le
Gouvernement les aidera à le faire vivre.
Au nom du Gouvernement de la République, je voudrais conclure en exprimant
tous les voeux que nous formons pour la Nouvelle-Calédonie, pour ses élus, pour
son futur gouvernement, afin que cette période nouvelle se déroule dans une
atmosphère de sérénité et au travers de relations qui, au sein de la République
française, honoreront notre pays et lui permettront de rayonner dans le
Pacifique.
(Applaudissements.)
(M. Jacques Valade remplace M. Paul Girod au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le 6 juillet
1998, le Congrès, réuni à Versailles, adoptait à une très large majorité la
révision constitutionnelle rétablissant dans la Constitution un titre XIII
intitulé « Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie » et
comprenant deux articles, les articles 76 et 77.
Notre assemblée avait d'ailleurs approuvé également ces dispositions à une
très large majorité, et je ne saurais oublier, au moment où je prends sa suite,
de rendre hommage à notre rapporteur d'alors, M. Jean-Marie Girault, qui a
consacré tant d'années aux départements et territoires d'outre-mer, notamment à
la Nouvelle-Calédonie.
L'article 76 avait pour objet de permettre l'organisation d'un référendum
tendant à l'approbation des dispositions de l'accord de Nouméa signé le 5 mai
1998 par un corps électoral restreint défini par référence à l'article 2 de la
loi référendaire du 9 novembre 1998.
Ainsi que vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, la consultation, à
la satisfaction générale, je crois, a connu un taux de participation de 74 % et
le « oui » l'a emporté à 72 %. En outre, toutes les communes de
Nouvelle-Calédonie se sont prononcées favorablement, ce qui est bien révélateur
de l'accord politique intervenu entre les forces politiques en présence.
Quant à l'article 77, qui a motivé notre débat d'aujourd'hui, il autorisait le
législateur à adopter des dispositions statutaires résultant de l'accord de
Nouméa signé le 5 mai 1998 et dérogeant à des principes à valeur
constitutionnelle.
Pendant ces quarante dernières années, la Nouvelle-Calédonie a connu des
dispositifs statutaires très divers. Si l'on peut compter sept statuts, j'irai,
pour ma part, compte tenu des sous-statuts, jusqu'à huit, ce qui fait quand
même beaucoup ! Certains ont duré moins de six mois, le statut résultant des
accords de Matignon a duré dix ans. Espérons que le présent statut durera vingt
ans !
Au gré des situations et des difficultés, des mesures de décentralisation,
d'autonomie relative, puis de recentralisation sont intervenues, avec les
effets que l'on a connus et qui ont, bien sûr, atteint leur paroxysme lors des
événements ayant suscité une réflexion de la part de tous les partenaires pour
aboutir aux accords de Matignon.
La loi référendaire du 9 novembre 1988 prévoyait des dispositions statutaires
et préparatoires à l'autodétermination. Je ferai observer, monsieur le
secrétaire d'Etat, que le fait d'adopter par référendum des dispositions
statutaires n'est peut-être pas la méthode la meilleure, dans la mesure où il
n'y a alors pas de discussion. C'est ainsi qu'un certain nombre de lacunes du
statut de 1988 résultent du fait qu'il n'y a pas eu de débat parlementaire. Or
je crois que, sur des sujets aussi importants, mieux vaut - même en urgence,
monsieur le président de la commission ! - un bon débat parlementaire ; c'est
quelquefois nécessaire et parfois suffisant, en tout cas en ce qui concerne ce
texte.
Le scrutin d'autodétermination prévu par l'article 2 du statut de 1988 n'a pas
été organisé parce que les partenaires - M. Lafleur le premier - avaient
signalé, dès 1991, qu'il valait mieux éviter ce référendum couperet.
Je n'évoquerai pas toutes les difficultés relatives au préalable minier, aux
discussions commencées en 1993 puis interrompues, sans parler des discussions
qui ont abouti aux accords de Nouméa. Je n'évoquerai pas non plus les
divergences d'interprétation et d'orientation entre le RPCR et le FLNKS ;
néanmoins, les accords de Nouméa ont pu être signés, et nous avons donc
enclenché le processus de réforme du statut de la Nouvelle-Calédonie. En effet,
l'accord de Nouméa définit, pour les quinze à vingt prochaines années,
l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie et les modalités de son
émancipation.
Je rappelle que, parce que nous avons créé un titre particulier de la
Constitution, la Nouvelle-Calédonie constitue bien une collectivité
sui
generis
.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Elle ne peut plus être considérée ni comme collectivité
territoriale ni comme territoire d'outre-mer ; d'ailleurs, ses compétences et
son organisation statutaire font que c'est une collectivité
sui
generis.
Oserais-je dire - mais ce serait choquer certains - que, en fait, toutes
choses égales bien entendu, nous réinventons le fédéralisme, avec des
compétences propres à la Nouvelle-Calédonie, avec des lois du pays, législation
déléguée dans un certain nombre de domaines ? On reconnaît donc à la fois
l'existence de spécificités et le droit des Calédoniens à régler un certain
nombre de problèmes.
Mais, en même temps, la République continue à exercer ce que vous avez appelé
ses prérogatives régaliennes, monsieur le secrétaire d'Etat. C'est, à mon avis,
un peu cela qui a été fait dans le cadre du statut, même si on ne le dit pas et
même si, parfois, à certaines tribunes, le terme « fédéral » est mal
apprécié.
M. Guy Allouche.
Situation exceptionnelle !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
A situation exceptionnelle, solution exceptionnelle !
Bien entendu, dès lors qu'une législation déléguée est accordée avec les lois
du pays, il faut prévoir des contrôles : ce sera le contrôle du Conseil
constitutionnel, exercé
a posteriori
et, en amont, sur les projets et
propositions de loi du pays, le contrôle du Conseil d'Etat, juridiction qui
paraît la mieux placée pour exercer cette responsabilité.
La grande originalité du statut, hormis l'organisation politique, tient aussi
à la reconnaissance d'une citoyenneté calédonienne. Il s'ensuit la restriction
du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province,
ainsi que pour les consultations sur l'accession à la pleine souveraineté à
l'issue de la période transitoire. J'ajoute que ce statut est susceptible de
fonder l'adoption de mesures restreignant l'accès à l'emploi local.
A ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat, je rappellerai après vous que le
régime d'association entre, d'une part, les pays et territoires d'outre-mer et,
d'autre part, les institutions européennes devra être revu. Les négociations
qui sont en cours, je crois, doivent aboutir pour éviter des polémiques qui,
même si elles sont suscitées par des articles universitaires, inquiètent les
Calédoniens. Il faut veiller à ne pas créer de problèmes là où, à mon avis, il
n'y en a pas vraiment.
Par ailleurs, il est un autre élément important : quel que soit l'avenir que
décideront les Calédoniens, le transfert des compétences sera irréversible.
Bien sûr, le statut fait une large place à l'identité kanak avec le statut
civil coutumier, les terres coutumières et, bien entendu, la création d'un
sénat coutumier.
Je ne rappellerai pas les caractéristiques principales du projet de loi
organique, car M. le secrétaire d'Etat l'a déjà fait. Ce texte vise à instituer
un cadre institutionnel novateur : un gouvernement collégial, ce qui est une
originalité, mais pas une totale innovation, s'agissant de la
Nouvelle-Calédonie ; un congrès, quasi-parlement, émanant des provinces ; des
assemblées de province, constituées non pas seulement des membres du congrès,
ce qui est une nouveauté par rapport aux statuts antérieurs ; enfin, des lois
du pays et des compétences élargies et irréversibles. Le mode de scrutin pour
les provinces et le congrès instaure, pour éviter la dispersion des suffrages,
un seuil de 5 % des électeurs inscrits pour participer à la répartition des
sièges. Voilà qui pourrait nous donner des idées pour d'autres institutions,
monsieur le président de la commission des lois...
(Sourires.)
Enfin, le
projet de loi organique prévoit un sénat coutumier et tout ce qui concerne,
bien sûr, le statut civil coutumier.
Saisis du texte voté par l'Assemblée nationale, qui y a introduit un certain
nombre de modifications, puisque plus de 140 amendements ont été adoptés, la
plupart du temps avec l'accord du Gouvernement, nous nous sommes interrogés sur
la méthode à suivre.
La commission des lois du Sénat a tout d'abord souhaité, comme le
Gouvernement, appliquer en termes juridiques l'accord politique du 5 mai 1998,
c'est-à-dire tout l'accord de Nouméa et rien que l'accord de Nouméa. Elle a
donc éliminé toutes les dispositions « parasites » - le terme n'est peut-être
pas très approprié, mais un certain nombre de dispositions peuvent être
qualifiées de la sorte - qui n'avaient aucun rapport avec cet accord et qui
n'étaient pas rendues nécessaires par son application.
Nous avons bien évidemment souhaité maintenir toutes les dispositions qui
s'inscrivaient dans la continuité du statut de 1988.
Nous avons modifié sur le fond un certain nombre de dispositions de ce statut,
afin de respecter la lettre et l'esprit de l'accord de Nouméa.
Enfin, nous avons tenté d'assurer la cohérence du dispositif en nous
inspirant, dans toute la mesure du possible, des règles d'organisation et de
fonctionnement soit des assemblées parlementaires - je songe, par exemple, aux
commissions d'enquête : puisque le congrès a des responsabilités, nous avons
estimé que nous pouvions lui donner ce pouvoir - soit, la plupart des temps,
des collectivités territoriales telles qu'elles résultent du code général des
collectivités territoriales.
Nous avons également souhaité, comme l'avait déjà fait en partie l'Assemblée
nationale, appliquer tous les textes sur la transparence financière. Ce point
nous paraît très important pour toutes les collectivités locales quelles
qu'elles soient et, bien entendu, à partir du moment où l'on confie à une
collectivité des responsabilités plus importantes, c'est une nécessité de la
démocratie.
C'est ainsi que 263 amendements, dont 150 de nature rédactionnelle, dans la
mesure où ils tendent à clarifier la rédaction du texte, à corriger des erreurs
matérielles ou à instaurer une coordination, ont été adoptés par la commission
des lois. S'y ajoutent quelques amendements déposés par le Gouvernement ou par
certains de nos collègues. Une cinquantaine d'amendements visent à corriger des
incohérences de fond ou à combler des lacunes du dispositif. Une soixantaine
enfin correspondent à des ajouts ou à des modifications de fond.
Je dois avouer qu'il subsiste peu de désaccords avec l'Assemblée nationale,
même si, outre les dispositions « parasites », toutes celles qui traitent de la
justice en Nouvelle-Calédonie, de la procédure de renvoi dans le domaine
budgétaire, ainsi que les dispositions qui ne figurent pas dans l'accord de
Nouméa et, enfin, la disposition ayant trait au rapport annuel de la chambre
territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie, ne nous paraissaient pas
indispensables ; nous y reviendrons lors de l'examen des articles.
En revanche, nous approuvons certaines dispositions introduites par
L'Assemblée nationale, telles celles qui favorisent la transparence et la
rationalisation du fonctionnement des institutions calédoniennes, ou celles qui
sont relatives à la substitution du Conseil d'Etat au tribunal administratif
dans la procédure préalable d'avis sur les projets ou les propositions de loi
du pays.
Nous avons par ailleurs maintenu la suppression de cet article bizarre - je
veux parler de l'article 22 de la loi ordinaire - qui concerne le billet de
retour et qui ne me paraît pas, compte tenu des contentieux en cours devant les
juridictions administratives, le mieux venu.
La commission des lois a respecté les équilibres des deux dispositions
essentielles concernant le corps électoral et la consultation sur l'accès à la
pleine souveraineté.
Elle a accentué tout ce qui concerne la cohérence des institutions et la
transparence. Elle a souhaité, notamment, que soit réservée à la seule
Nouvelle-Calédonie la chambre territoriale des comptes qui est compétente, pour
l'instant, pour celle-ci et la Polynésie française.
Nous avons, bien sûr, procédé aux toilettages nécessaires qui n'avaient pas
été réalisés précédemment : je pense aux dispositions concernant les élections
à la présidence de la République, à l'Assemblée nationale et au Sénat, puisque
la Nouvelle-Calédonie n'est plus un territoire d'outre-mer.
Enfin, s'agissant de la loi ordinaire, nous avons proposé - avec l'accord de
vos services, monsieur le ministre - la codification, pour une meilleure
lisibilité, du droit applicable en Nouvelle-Calédonie. Nous vous proposerons
ainsi la création d'un code des communes local.
Avant de conclure, il me paraît nécessaire de remercier vos collaborateurs,
monsieur le secrétaire d'Etat, avec qui nous avons pu travailler en toute
confiance pour améliorer ces textes. Par ailleurs, même si ce n'est pas la
coutume, je tiens à remercier, pour le travail énorme qu'elles ont accompli,
les administratrices - puis-je utiliser ce terme ? - de la commission des
lois.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Administratrices... c'est très bien !
M. Guy Allouche.
Vous pouvez les remercier !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Pour terminer, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous rends
attentif aussi à l'inquiétude que les accords de Nouméa provoquent dans un
territoire voisin, celui de Wallis-et-Futuna. Nous aurons l'occasion, lors de
la discussion des articles, d'examiner ce problème. En tout état de cause, il
nous faut penser à ce territoire, à son avenir, à son développement
économique.
Après tant de drames et de déchirements, la Nouvelle-Calédonie vit en paix
depuis 1988 et, même s'il est encore insuffisant, le rééquilibrage économique
est en marche, nous avons pu le constater sur place. Cela explique l'importance
que revêt le volet économique de la loi organique, notamment son volet
minier.
Il faut souligner l'esprit de responsabilité de tous ceux qui ont contribué à
apaiser les oppositions et les passions et qui ont réussi, malgré des
divergences fondamentales sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, à se
convaincre et à convaincre qu'il était possible de vivre ensemble et d'assumer
ensemble l'avenir de ce territoire.
Souhaitons que les vingt prochaines années, grâce à ce statut, rapprochent
encore les points de vue et que le travail en commun, dans l'intérêt de toute
la population de la Nouvelle-Calédonie, puisse approfondir cette citoyenneté «
permettant au peuple d'origine de constituer, avec les hommes et les femmes qui
y vivent, une communauté humaine affirmant son destin commun ». Vous aurez
reconnu les termes mêmes de l'accord de Nouméa !
La commission des lois vous propose donc d'adopter le projet de loi organique
et le projet de loi ordinaire. Ce sera la démonstration que la France est prête
à accompagner la Nouvelle-Calédonie dans cette voie.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je crois qu'il ne faut pas
tarder. Le Sénat, bien qu'il ne soit pas favorable à l'urgence, comprend tout à
fait pourquoi les nouvelles institutions doivent être mises en place le plus
rapidement possible, et je compte bien qu'avec l'Assemblée nationale nous
pourrons aboutir très rapidement, pour permettre à la Nouvelle-Calédonie
d'envisager son avenir avec de nouvelles institutions, avec des élections qui
seront organisées très prochainement.
Nous comptons beaucoup que tout ce qui a été fait par des hommes qui ont
parfois payé de leur vie le développement de la Nouvelle-Calédonie, qui
croyaient en son avenir, ne soit pas vain.
(Applaudissements.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 13 minutes ;
Groupe socialiste, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 7 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 6 minutes.
La parole est à M. Loueckhote.
M. Simon Loueckhote.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
voudrais d'abord rendre hommage à l'excellent travail accompli par notre
collègue M. Hyest, rapporteur de la commission des lois, ainsi que par les
collaborateurs de cette commission, qui l'ont aidé dans sa tâche.
Je tiens également à vous remercier, monsieur le secrétaire d'Etat, de la
qualité du travail que vous avez personnellement fourni comme de votre
engagement dans le dossier calédonien, à l'égard duquel vos principaux
collaborateurs se sont parfaitement impliqués.
Aujourd'hui, la Nouvelle-Calédonie est en train de vivre une nouvelle étape
essentielle de son évolution, car la Haute Assemblée est saisie des projets de
loi organique et ordinaire qui vont organiser le fonctionnement de ses
institutions pour les vingt ans à venir.
Je voudrais rappeler, mes chers collègues, que, si nous en sommes là, c'est
avant tout grâce à vous et à nos collègues députés. Vous avez en effet accepté,
à une écrasante majorité, de réviser la Constitution de la République pour
permettre la traduction dans le droit de l'accord de Nouméa signé après de
longues négociations en avril 1998 par l'Etat, le Rassemblement pour la
Calédonie dans la République et le Front de libération nationale kanak et
socialiste.
Au nom des Calédoniens, qui ont eu conscience de toute la symbolique contenue
dans cette révision constitutionnelle entreprise pour eux, je veux adresser mes
remerciements à l'ensemble de la classe politique ici représentée pour l'appui
sans faille qu'elle nous a apporté.
Je salue, en particulier, le fait que la question calédonienne n'a pas été, à
cette occasion, un enjeu de division nationale et que l'ensemble des forces
politiques se sont retrouvées pour soutenir cet accord.
Je suis tout autant persuadé que vous avez été sensibles à l'appel que les
Calédoniens ont lancé, le 8 novembre dernier, à leurs compatriotes
métropolitains en manifestant massivement leur adhésion à l'accord de Nouméa et
leur confiance envers ses signataires.
C'est pourquoi je souhaite que nos débats d'aujourd'hui soient animés du même
esprit.
Les résultats de cette consultation, marquée par une participation
exceptionnelle, sont en effet sans ambiguïté : ils expriment très nettement la
volonté de la population calédonienne de demeurer dans la République française,
avec une nouvelle organisation politique et administrative permettant de mieux
exprimer sa spécificité au sein de la nation.
La conciliation de ces deux désirs d'émancipation et de maintien dans la
République a été possible grâce à la conjugaison de toutes les bonnes
volontés.
Je veux, à cet égard, saluer avec beaucoup d'admiration et de gratitude
l'imagination, et même l'ingéniosité, dont le chef de l'Etat, le Gouvernement
et le Parlement ont su faire preuve pour définir une solution aussi originale
que celle dont nous avons à débattre en ce jour.
On ne pourra plus, désormais, reprocher aux responsables politiques de ce pays
d'avoir imposé un modèle institutionnel sorti tout droit d'un manuel de droit,
sans tenir compte de la volonté des populations intéressées.
S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, c'est exactement l'inverse qui s'est
produit, et l'histoire retiendra que l'Etat a accepté d'accompagner une volonté
politique des responsables locaux et qu'il s'est efforcé de la traduire dans le
droit.
Le profond attachement que nous avons pour la démocratie trouve, dans cette
démarche, son expression la plus totale et sa pleine justification.
Nous savons pertinemment, mes chers collègues, que la réussite de ce processus
d'émancipation sera une conquête de tous les instants, à l'instar des
négociations qui nous ont conduits à la signature de l'accord de Nouméa et à sa
traduction dans un projet de loi.
Mais nous avons de bonnes raisons d'être confiants et d'être satisfaits du
chemin déjà parcouru.
Je voudrais souligner que l'adoption de ces projets de loi relatifs à la
Nouvelle-Calédonie constituera l'aboutissement d'une démarche de très longue
haleine, pour y instaurer définitivement la paix.
Ce combat a pris une dimension particulière en 1988, avec la signature des
accords de Matignon, parce que deux hommes ont accepté de se tendre la main en
dépit de tout ce qui les opposait.
Qu'il me soit permis de rendre une nouvelle fois hommage à Jacques Lafleur et
à Jean-Marie Tjibaou pour ce geste, qui a conditionné l'avenir de tous les
Calédoniens. Ce jour est, en effet, celui de la victoire de ces deux hommes
d'exception et c'est aussi celui du pardon pour tous ceux qui ont payé de leur
vie le prix de la paix dont jouissent les Calédoniens depuis maintenant dix
ans. Ne l'oublions pas !
Grâce à la paix retrouvée, nous pouvons tirer un bilan très positif de ces dix
dernières années.
Les institutions nées des accords de Matignon, notamment les collectivités
provinciales que nous avons fait fonctionner pendant toute cette période, sont
une grande réussite. Forts de ce constat, nous avons voulu les maintenir
purement et simplement dans le nouveau dispositif institutionnel, qui leur
confie, en outre, quelques attributions nouvelles.
L'apprentissage de la gestion de ces collectivités a été riche d'enseignements
pour tous les responsables calédoniens. Nous avons cependant très vite perçu
qu'il nous fallait franchir une étape supplémentaire.
Cette prise de conscience n'est pas seulement née de la volonté, au demeurant
légitime, d'exercer davantage de compétences localement. Nous sommes, en effet,
convaincus qu'il sera plus aisé de faire émerger ce « futur partagé entre tous
», cette « communauté de destin » qui sont inscrits dans l'accord de Nouméa, en
privilégiant l'échelon de la Nouvelle-Calédonie, placé, à cette fin, au centre
de la nouvelle organisation institutionnelle.
Confier l'exécutif de la Nouvelle-Calédonie à un gouvernement local, collégial
de surcroît, dont la composition traduira les principales tendances politiques
issues des prochaines élections n'est certainement pas un pari gagné d'avance,
et c'est un double défi qu'il nous faudra relever.
Je veux d'ailleurs souligner à quel point l'esprit de l'accord de Nouméa
s'exprime au travers de ce système ô combien original, qui prouve que le parti
majoritaire renonce à faire jouer sa position dominante pour instaurer un
partage du pouvoir.
Ne faut-il pas reconnaître là, mes chers collègues, une éclatante leçon de
démocratie ?
N'oublions pas non plus à qui les Calédoniens doivent cette leçon !
C'est en effet Jacques Lafleur qui a voulu, dès 1991, en faire admettre le
principe, en préconisant l'émergence d'une solution consensuelle pour régler
définitivement l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.
Au-delà de cet acte politique remarquable et de la bonne volonté que devront
afficher les futurs membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, il est
essentiel de donner à cet organe collégial les moyens de bien fonctionner.
Telle est notre reponsabilité.
Une autre originalité de ce projet de loi organique est, vous le savez, la
reconnaissance d'une citoyenneté calédonienne au sein de la citoyenneté et de
la nationalité françaises.
Nous avons admis que cette notion puisse être fondée sur la restriction
apportée au corps électoral pour la désignation des membres des assemblées de
province et du congrès ainsi que pour la consultation finale. Mais cette
traduction juridique est nécessairement imparfaite, car elle ne peut, en tout
état de cause, exprimer l'objectif et le projet de société qui sont inscrits
dans l'accord de Nouméa et que l'on s'est fixés à terme.
Il serait, par conséquent, bien réducteur de considérer que la citoyenneté
calédonienne se limite à l'exercice d'un droit de vote lié à une condition de
résidence. C'est avant tout le résultat d'un choix de vie qu'ont fait et que
feront encore tous ceux qui veulent s'installer durablement en
Nouvelle-Calédonie.
Introduire cette notion de citoyenneté calédonienne et instaurer des mesures
pour préserver l'emploi local ne signifie en aucun cas que la
Nouvelle-Calédonie va se replier sur elle-même. C'est donner davantage de
chances aux jeunes Calédoniens de réussir leur insertion professionnelle. C'est
permettre à toutes les communautés qui font vivre cet archipel de se forger une
identité commune, dans le respect de la différence.
De même, le transfert progressif à la Nouvelle-Calédonie de certains domaines
de compétence de l'Etat ne signifie nullement qu'elle sort de son champ
d'action.
L'Etat restera toujours très présent, à travers son représentant et ses
nombreux autres serviteurs qui continueront d'animer les services
administratifs ainsi que, bien entendu, par ses nombreuses prérogatives. Qu'il
soit, d'ailleurs, remercié pour le soutien qu'il va continuer d'apporter à la
Nouvelle-Calédonie tout au long de ce processus, en particulier sur le plan
financier.
Avec cette nouvelle organisation qui doit lui permettre de franchir un degré
supplémentaire en matière de développement économique, social et culturel, la
Nouvelle-Calédonie pourra encore mieux assumer son rôle de vitrine de la
France, mais aussi de l'Europe dans la région.
Nous sommes persuadés que sa vitalité économique pourra pleinement s'exprimer
à travers ses nouvelles institutions.
Il ne s'agit pas non plus de faire de l'optimisme à outrance car, dans le
domaine économique, tout reste à conquérir.
En effet, mais vous ne l'ignorez pas, mes chers collègues, nous subissons de
plein fouet la chute vertigineuse des cours mondiaux du minerai de nickel.
Notre inquiétude est renforcée par la révolution technologique qui s'opère
actuellement en matière de transformation du minerai de nickel : nos voisins
australiens expérimentent depuis peu des techniques d'exploitation de la
latérite à des prix de revient bien moindres que ceux de la transformation de
la garniérite, telle que pratiquée par la société Le Nickel, en
Nouvelle-Calédonie, menaçant ainsi considérablement deux piliers de l'économie
calédonienne que sont l'extraction et la fusion du minerai de nickel.
Nous pouvons néanmoins espérer la concrétisation prochaine de certains projets
de transformation du nickel actuellement en cours et qui utilisent l'une ou
l'autre de ces technologies.
J'apprenais encore hier que notre filière de production de crevettes, qui peut
constituer une voie durable de diversification de l'économie, vient de subir un
sérieux revers du fait de la décision récente de non-renouvellement de
l'agrément communautaire calédonien. Cette décision, qui empêche désormais les
producteurs calédoniens d'exporter, a des conséquences commerciales
catastrophiques.
Il serait bien illusoire de prétendre que notre petit archipel pourrait
résister aux pressions de l'économie mondiale sans l'aide de l'Etat et, à
travers lui, sans le soutien de la Communauté européenne.
Il est nécessaire que la Nouvelle-Calédonie soit encore plus solidement ancrée
dans la Communauté européenne, notamment par la circulation effective de l'euro
et par la redéfinition de ses liens avec l'Europe, qui nous paraît
indispensable.
Les futures institutions de la Nouvelle-Calédonie présentent également la
particularité d'accorder un rôle accru aux représentants de la coutume,
notamment par la création d'un sénat coutumier, qui sera nécessairement saisi
des projets de loi du pays et des délibérations relatifs aux questions
intéressant la communauté mélanésienne.
La loi organique prévoit même la possibilité de faire élire les membres du
sénat coutumier, à compter de 2005, par un collège électoral déterminé par une
loi du pays.
De telles dispositions, qui consacrent le rôle souvent essentiel joué par les
responsables coutumiers dans le fonctionnement de la société, sont source de
satisfaction.
Il convient cependant de ne pas idéaliser cette démarche, qui a visé à
introduire la coutume au coeur des institutions.
D'abord, parce que je veux souligner que lesMélanésiens ont déjà accès aux
plus hautes responsabilités et que le renforcement de leur présence au sein des
institutions n'est que la poursuite de ce processus.
Nous savons également que nous avons des problèmes urgents à régler touchant à
l'organisation coutumière, et que la résolution de ces problèmes ne sera pas
sans créer des conflits.
Dans le cadre du rééquilibrage économique, que tout le monde appelle de ses
voeux, nous devons entreprendre une réforme du foncier, dont le principe a été
énoncé par l'accord de Nouméa. Ses signataires ont reconnu la nécessité de
cadastrer les terres coutumières, dont le statut ne doit pas être un obstacle à
leur mise en valeur et au développement. Une telle démarche suscitera
nécessairement les passions les plus vives.
Nul ne peut en effet nier que les logiques qui inspirent respectivement la
coutume mélanésienne, les institutions de la République et l'économie de marché
sont très différentes et parfois même opposées.
J'en veux pour preuve les nombreux écueils rencontrés par le conseil
consultatif coutumier, issu de la loi référendaire de 1988, pour sa mise en
place et son fonctionnement, ou encore les difficultés que nous avons,
notamment aux îles Loyauté, pour pérenniser des activités de développement.
Les Mélanésiens, dont l'existence est rythmée par la coutume et qui sont à la
fois de plain-pied dans le mode de vie à l'occidentale, savent toute la
difficulté à concilier les exigences de ces deux mondes.
Ce constat n'est pas celui d'un échec. Il nous conforte, au contraire, dans
l'idée de la nécessité de pousser progressivement ces deux mondes à se
rencontrer et non pas seulement à coexister.
Tel est le nouveau défi lancé par le projet de loi organique, qui introduit la
coutume au centre des futures institutions de la Nouvelle-Calédonie.
Ainsi, ce que la société mélanésienne est en train de vivre en son sein est à
l'image de ce rapprochement qui s'opère entre les différentes communautés de
Nouvelle-Calédonie, depuis maintenant dix ans, grâce à la signature des accords
de Matignon.
Tous ces bouleversements se produiront dans le sens d'une plus grande
universalité et dans le respect de la différence. C'est ce qui fait la force de
ce nouveau dispositif institutionnel.
La Nouvelle-Calédonie est en effet arrivée à un tournant de son histoire.
Elle vient de confirmer son choix d'un destin lié à celui de la France et, à
travers elle, à celui de l'Europe.
Pour ma part, je suis persuadé que les générations futures ne voudront pas
mettre un terme à cette expérience commune unique, non plus qu'à la grande
aventure que nous pouvons vivre à travers cette intégration européenne
confortée à l'aube du troisième millénaire.
Les Calédoniens sont confiants en l'avenir. Ils croient en ce dispositif issu
de l'accord de Nouméa, oubliant les réticences qu'ils avaient exprimées en
1988, alors que s'annonçait l'ère des accords de Matignon. Ils ont foi en notre
sagesse et en notre expertise, dans la définition de ce nouveau statut, qui va
les engager pour les vingt ans à venir.
Nous avons conscience, certes, que l'examen et l'adoption de ces projets de
loi par le Parlement ne sont qu'une nouvelle étape dans la réussite du
processus de l'accord de Nouméa.
Il existe d'ailleurs plusieurs dispositions de cet accord qui n'ont pu trouver
leur traduction dans ces projets de loi et qui devront faire l'objet de
conventions ou d'accords particuliers.
Je pense notamment aux relations entre la Nouvelle-Calédonie et
Wallis-et-Futuna, qu'il conviendra de préciser dans les plus brefs délais.
C'est d'ailleurs l'objet d'un amendement, adopté par la commission des lois du
Sénat, que nous aurons à étudier.
Il n'en demeure pas moins que cette étape est sans doute la plus décisive.
C'est pourquoi je veux, monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs les
membres de la commission des lois, mes chers collègues, exprimer le souhait que
l'examen de ces textes ne se déroule pas dans la précipitation, qu'il fasse
l'objet d'une attention toute particulière et d'un recul suffisant.
Nous aurons à débattre de nombreuses modifications à apporter à ces projets de
texte. Puissions-nous prendre le temps de les examiner dans la sérénité !
Je ne crois pas qu'il y ait de débat inutile, de question superflue alors même
qu'il s'agit de décider de l'avenir de tous nos compatriotes calédoniens, qui
attendent avec beaucoup d'impatience et d'espoir nos décisions.
Il en va de l'image de notre pays dans cette région du monde, où 200 000
Français contribuent à son rayonnement.
Je veux terminer mon propos par cette courte citation de Camus : « La vraie
générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent. »
Je ne doute pas que cet esprit animera aujourd'hui les travaux de la Haute
Assemblée, comme il a inspiré le Président de la République, le Gouvernement,
nos collègues députés, les signataires de l'accord de Nouméa et l'ensemble des
Calédoniens qui ont approuvé cet accord, espérant ainsi réserver le meilleur
avenir possible aux générations futures.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
j'ai eu la chance d'être présent en Nouvelle-Calédonie lors de la campagne
référendaire, durant la semaine qui a précédé le scrutin du 8 novembre.
Invité par le FLNKS, j'ai parcouru les trois provinces, participé à de
nombreuses réunions publiques au côté d'orateurs des différentes composantes du
front prônant tous le « oui » et, de Nouméa à Thio, de l'île de Lifou à l'île
d'Ouvéa, j'ai constaté partout les attentes et les espoirs d'une population qui
souhaite la paix et croit en la promotion de son territoire sur la base des
promesses qui lui ont été faites.
J'ai ressenti chez mes interlocuteurs kanaks - je sais que mes appréciations
sont trop hâtives, faute de temps pour les développer - un souvenir toujours
vif de la période sanglante qui a endeuillé le territoire, la volonté
d'affirmer leur identité culturelle, un attachement à la coutume mais aussi de
la lucidité sur l'évolution de leur propre société, la volonté, enfin, que le
processus mis en marche fonctionne et soit couronné de succès.
Accueilli en tant que sénateur d'un département de la métropole, j'ai mesuré
les responsabilités qui sont les nôtres pour les années à venir. Je n'ai pas
caché à mes interlocuteurs, comme élu communiste, ma satisfaction de voir
reconnues par le préambule de l'accord de Nouméa toutes les ombres qui ont
accompagné la présence française depuis plus d'un siècle, mais aussi ma joie
que la République ait tourné la page de la répression et reconnaisse, dans le
respect de chaque communauté, l'identité et les droits de ceux qui, depuis des
millénaires, ont foulé ce sol.
L'accord de Nouméa, nous l'avons dit en juillet, àVersailles, est d'une grande
portée, et ceux qui vivent en Nouvelle-Calédonie, quelle que soit leur
communauté d'origine ou leur appartenance politique, qui ont su, depuis les
accords de Matignon, tenir des discours responsables et lucides, doivent en
être remerciés.
Le résultat électoral a été la preuve éclatante que l'accord de Nouméa était
le bon choix.
Nous considérons donc que les lois que nous allons voter se devaient de
refléter très fidèlement l'accord de Nouméa. Nous pensons que l'objectif est
atteint, pour l'essentiel. Notre vote sera donc positif.
Nous sommes conscients que la marge est étroite. Le processus engagé est
inédit. L'aspiration à être socialement utile est universelle. La jeunesse
kanak est à l'unisson des jeunes générations de tous les continents : elle
souhaite du travail, des signes tangents de changement dans ses conditions de
vie. Des plaies, probablement, ne sont pas totalement cicatrisées. La France
doit donc tenir parole. Tout l'accord de Nouméa doit être respecté dans
l'esprit et à la lettre.
Des investissements non négligeables ont été faits au cours de la dernière
décennie. Mais nous connaissons tous le proverbe : « Il pleut toujours là où
c'est mouillé. » Une politique très volontariste doit donc être menée pour que
les rééquilibrages économiques entre les trois provinces soient lisibles dans
le futur.
Je viens d'évoquer l'étroitesse du chemin. L'abstention des représentants élus
du FLNKS au congrès du territoire, lors de la présentation de l'avant-projet de
loi organique, l'a rappelée, en novembre.
J'avais senti, lors de mon voyage en Nouvelle-Calédonie, l'existence de
craintes bien réelles chez les dirigeants du FLNKS, et j'en avais alors averti
le haut-commissaire.
Le flou de certaines formulations définissant le corps électoral restreint et
la rédaction choisie pour traiter des modalités de sortie du processus au cours
du quatrième mandat du congrès ont fait craindre à l'une des deux principales
composantes de la négociation que le gouvernement français pourrait se
retrouver en retrait de ce qui apparaissait pourtant comme irréversible.
Nous nous félicitons que les efforts des uns et des autres aient permis
d'avancer et qu'une bonne partie des malentendus soient dissipés. Le sont-ils
tous ? Probablement pas. Les actes du Gouvernement et l'intérêt que portera le
Parlement français à la mise en oeuvre du processus seront donc essentiels.
Ainsi, le Sénat devrait décider du principe de l'envoi d'une mission
sénatoriale au moins tous les deux ans, de façon à marquer son intérêt pour
l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.
M. Pierre Fauchon.
Très juste !
M. Michel Duffour.
Notre groupe n'a pas déposé d'amendement. Je souhaite toutefois, monsieur le
secrétaire d'Etat, vous demander quelques précisions.
L'article 208 a été quelque peu modifié, à votre demande, à l'Assemblée
nationale, la date limite pour la justification d'une durée de vingt ans de
domicile connu en Nouvelle-Calédonie étant passée du 31 décembre 2013 au 31
décembre 2014. Vous n'avez pas, à l'Assemblée nationale, développé votre
argumentation sur ce changement de date, et je sais que le FLNKS en est quelque
peu inquiet. Nous attendons d'en savoir plus aujourd'hui.
L'Assemblée nationale a par ailleurs voté un amendement limitant la durée de
présence de magistrats en Nouvelle-Calédonie. Cet amendement découle des vives
critiques qui s'expriment sur l'île par rapport au fonctionnement de la
justice. J'ai été convaincu par vos arguments, monsieur le secrétaire d'Etat,
et par ceux du rapporteur de la commission des lois, sur l'impossibilité d'un
tel ajout.
En revanche, il avait été dit qu'une mission de l'inspection générale des
services judiciaires se rendrait sur place. Qu'en est-il exactement ?
Enfin, j'insisterai, après Simon Loueckhote et M. le rapporteur sur
l'amendement déposé par notre collègue Robert Laufoaulu et qu'a retenu la
commission des lois.
Les discussions à mener sur l'avenir de Wallis-et-Futuna sont urgentes.
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous donnerez quelques
éléments sur le dossier. La communauté wallisienne est, par le nombre, la
troisième des communautés vivant sur le sol calédonien. Il y a beaucoup
d'inquiétudes parmi ses membres. Ces inquiétudes, il est indispensable de les
apaiser.
La France a su tirer les conséquences des événements graves qui faillirent
précipiter ce territoire dans le chaos. Les accords de Matignon ont été un
tournant ; ceux de Nouméa sont une ouverture formidable sur l'avenir. Les
Calédoniens choisiront eux-mêmes leur futur statut. Contribuons, en tant que
parlementaires français, à faire que cela se déroule dans la paix et la
compréhension entre les communautés.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
siège dans cette assemblée depuis douze ans. J'ai donc eu l'occasion de
m'impliquer dans presque tous les débats qui nous ont occupés à propos de la
situation et du destin de la Nouvelle-Calédonie au cours d'une période, vous en
conviendrez, particulièrement agitée de son histoire.
Chacun, j'en suis sûr, se souvient de ce qu'a été ici l'expression de nos
raisonnements et de nos passions contraires sur ce sujet, de nos engagements
opposés, de la ferveur qui nous a habités à ces occasions - et la mienne n'a
pas été la moindre, je veux bien le reconnaître.
A présent, après la réforme constitutionnelle, que j'ai approuvée, comme
nombre d'entre nous, nous sommes appelés à transcrire dans la loi la
construction tout à la fois fragile et forte qui résulte du processus
exemplaire initié sur le territoire à partir des accords de Matignon, accords
que ceux de Nouméa prolongent, élargissent, pérennisent pour une nouvelle durée
de vingt ans. Quel extraordinaire chemin a été parcouru ! Nous le reconnaissons
tous.
Le dictionnaire
Larousse
de 1953 définissait le mot Kanak comme « un
peuple en voie de disparition ». On comprend, dès lors, que la revendication
identitaire kanak, dans son expression indépendantiste, se soit formulée dans
une telle tension de tout son être.
Comment ne pas se sentir profondément concerné par un message qui tendait à
notre République un miroir si blessant ?
De son côté, la population d'origine européenne se sentait, elle aussi, si
consubstantiellement unie à la chair du territoire, et les tombes témoignaient
aussi pour elle. Comment ne pas comprendre la passion que cet enracinement
légitimait ?
Et puis, tant d'années de vie commune, le rayonnement des valeurs et des
débats qui agitaient aussi tout notre pays donnait, de surcroît, à ce clivage
des frontières qui traversaient les deux parties que composaient les
Calédoniens. Bref, les opinions politiques ne suivaient pas les couleurs de
peau.
Tout était pourtant réuni pour que la violence pense pouvoir se donner
l'illusion de pouvoir dire le dernier mot. Elle avait largement commencé à le
faire. Ses échos se sont fait entendre jusque sur nos travées.
Tout cela est encore assez récent pour que, dans ce débat, chaque mot soit
pesé, si l'on veut concourir efficacement à l'entreprise de paix qui se déroule
depuis 1998.
Je dirai donc simplement et sans arrogance combien le groupe socialiste est
fier que l'histoire ait permis que ce soient deux Premiers ministres issus de
ses rangs, Michel Rocard - et dans quelles conditions, en 1988 ! - et Lionel
Jospin, alors que le débat semblait paralysé par le préalable minier, qui aient
eu l'opportunité d'être les défricheurs qu'ils ont été au service d'une volonté
de paix dont les hommes et les femmes de Calédonie, d'abord, avaient enfin
trouvé les ressorts.
Et comme beaucoup d'entre nous, découvrant le préambule des accords de Nouméa
qui est à l'origine du processus législatif qui nous occupe, je veux dire
l'émotion qu'il suscite et donc la dynamique qu'il impulse pour permettre, en
vérité, un nouvel ordre de raisonnement législatif qui, sans cela, j'en suis
certain, n'aurait jamais convaincu le législateur d'aller jusqu'au point où
nous ont conduits la réforme constitutionnelle et les textes que nous examinons
aujourd'hui.
Je ne crois pas qu'il y ait un seul exemple comparable au monde d'un processus
d'émancipation qui ait été cosigné par ses protagonistes directs dans de tels
termes de respect et de reconnaissance mutuels, avec un tel souci de rendre à
l'histoire sa part d'ombre mais aussi sa part de lumière, pour que la
génération actuelle puisse totalement se consacrer à l'avenir commun.
Que n'avons-nous eu, sous d'autres latitudes, et même plus près de nous, des
Tjibaou et des Lafleur, qui, tout en restant très exactement ce qu'ils étaient
aux premiers jours quant aux convictions, au nom même de ces convictions, eux,
et ceux qui se reconnaissent dans leur action, ouvrent de tels chemins !
Portant ce regard, je ne pense pas seulement aux visages que je connais bien
sur ce territoire... ceux de Nouméa, de Maré, de Sarraméa, de Lifou, de Poum,
de Koné... partout où j'ai eu le bonheur de me trouver.
Je pense à notre République, que ce processus libère et grandit, elle aussi
!
Car si les protagonistes se sont délivrés de la haine, la République, du même
coup, est délivrée de la négation de ses principes que contenait son
implication dans le cycle des violences sur le territoire.
L'armée ne cantonne plus dans les tribus au nom de la République, on ne juge
plus dans les conditions dans lesquelles on a jugé « au nom du peuple français
», on ne fait plus du drapeau tricolore le signal de ralliement d'un ordre
blessant. Tels sont déjà, pour la République elle-même, les produits de la
paix.
Et je forme le voeu, pensant à cet instant à mes amis indépendantistes, que,
dorénavant, la France ne soit plus montrée du doigt sur le territoire même,
comme elle l'avait été.
Avec la paix, et avec une organisation des pouvoirs mutuellement consentie et
irréversible, la République, d'une certaine façon, est de retour telle qu'elle
doit être, c'est-à-dire égale pour tous ceux qu'elle rassemble dans une
communauté légale qui n'opprime aucun des citoyens qui vit sous ses lois.
Je veux insister sur ce point : la République est pleinement partie prenante
de ce qui se fait en Nouvelle-Calédonie.
Elle ne se débarrasse pas sur les Calédoniens des problèmes du territoire et
notamment de ceux qui concernent son développement.
L'effort financier qu'elle consent dit assez bien ce fait. Quatre milliards et
demi de dotation annuelle en 1997 en témoignent ! C'est - la comparaison peut
éclairer - l'équivalent de la collecte fiscale qui alimente le budget du
conseil général de l'Essonne pour 1 200 000 habitants ! C'est, ainsi que l'a
souligné le rapporteur de la commission des lois à l'Assemblée nationale, deux
fois et demie de plus par habitant que ce que l'Etat consacre au département de
l'Aisne. Il va de soi que, parmi d'autres raisons, celle-ci légitime pleinement
le juste contrôle de l'utilisation des fonds publics dans le cadre des lois de
notre maison commune républicaine.
C'est d'elle encore qu'il faut parler.
La République ne dissout pas sur le territoire la citoyenneté républicaine. La
nouvelle citoyenneté calédonienne que nos lois vont instaurer s'exprime dans le
cadre de la citoyenneté française, selon les principes universels que
garantissent les préambules de notre Constitution.
Certes, il est dans les lois que nous avons à discuter des dispositions qui
heurtent profondément notre compréhension de ces principes.
Mais, précisément, elles sont l'enjeu même du coeur des problèmes de la
Nouvelle-Calédonie.
Le législateur n'a donc pas à choisir entre la dénaturation de ces principes
ou leur conservation formelle. C'est leur conservation formelle qui serait une
dénaturation de leur esprit, ainsi qu'en a attesté l'histoire.
La Nouvelle-Calédonie, dans les conditions qui sont les siennes, fera son
chemin, c'est en tout cas mon souhait, jusqu'à leur pleine réalisation.
Elle le fera sans doute grâce à des dispositions qui, aujourd'hui, semblent
s'y opposer.
Les limitations apportées au droit d'accès à la citoyenneté calédonienne, les
dispositions proposées en ce qui concerne l'accès à l'emploi sont une forme
particulière de la discrimination positive, mais, sans cette discrimination
positive, qu'est-ce que la lutte pour l'égalité, principe essentiel et
fondateur de notre République ? Elle n'aurait souvent aucune portée pratique
réelle.
Mes chers collègues, ce que nous entreprenons en Nouvelle-Calédonie est
exemplaire ; nous en convenons tous. Mais il est essentiel à cette heure de
dire aussi que cet exemple n'est pas un modèle au sens où l'on pourrait dès
lors le transposer en l'état, par esprit de système, à toutes les situations où
l'insularité, l'histoire et l'actualité des tensions exigent que l'on se
mobilise pour ouvrir de nouvelles voies d'avenir durables.
Je crois tout au contraire que l'esprit de l'accord de Nouméa et celui du
travail que cette assemblée va engager invite à d'autres conclusions. C'est à
la confection « sur mesure » qu'il faut se référer, et cela pour que nos
principes - je parle des principes républicains - trouvent à s'appliquer pour
ce qu'ils sont véritablement : non des dogmes formels mais des outils concrets
de développement humain et d'émancipation de la personne.
Ce n'est pas le moindre des défis qu'ont à relever les sociétés qui en
bénéficient.
Entre la dilution dans la mondialisation anglo-saxonne et le repli sur les
traditions d'un âge d'or imaginaire, l'idéal républicain, en Calédonie comme
ailleurs, trace un chemin qui n'est pas celui du confort.
La Calédonie enfin libérée des rancoeurs et de la violence, la génération qui
prononcera le choix essentiel dans vingt ans sera née et se sera développée
dans la paix. Le temps aura fait son oeuvre.
Modernité et tradition se seront rencontrées librement. L'exigence sociale,
l'exigence démocratique auront fait valoir leurs normes.
Nul n'en sortira indemne ! Mais ce sont les enjeux réels de notre époque et
pas seulement en Calédonie.
C'est à eux maintenant, mes chers collègues, monsieur le secrétaire d'Etat,
après avoir soutenu le projet du Gouvernement, que les socialistes vont se
consacrer.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a
d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le
Gouvernement demande la réunion de commissions mixtes paritaires en vue de
proposer un texte sur les dispositions restant en discussion des projets de loi
actuellement en cours d'examen.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, j'aurai l'occasion de répondre à un certain nombre des questions qui
m'ont été posées lors de la discussion des articles.
Pour l'heure, je voudrais simplement aborder la question des relations de la
Nouvelle-Calédonie avec Wallis-et-Futuna, puisque M. le rapporteur et M.
Duffour l'ont évoquée.
Je rappellerai d'abord que l'accord de Nouméa prévoit un accord particulier
établissant les relations entre la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna. Une
importante communauté wallisienne vit en effet en Nouvelle-Calédonie : forte de
17 000 personnes, elle est plus importante que les résidents à Wallis-et-Futuna
même. Evidemment, ces personnes sont légitimement intéressées l'avenir.
D'ailleurs, lors du référendum, les principaux mouvements politiques
wallisiens se sont prononcés dans un sens favorable aux accords de Nouméa.
La communauté wallisienne n'est pas concernée actuellement, je le répète, par
les dispositions que le congrès pourra prendre sur l'emploi local. Par
conséquent, les situations individuelles et collectives en matière d'emploi ne
seront pas touchées.
Par ailleurs, les relations entre Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie
devront se prolonger.
Ainsi, un certain nombre de fonctions sont exercées pour le territoire de
Wallis-et-Futuna par des administrations qui sont implantées en
Nouvelle-Calédonie : c'est vrai pour l'enseignement supérieur, pour la justice,
pour les affaires militaires et pour les évacuations sanitaires. Par
conséquent, le territoire de Wallis-et-Futuna est très dépendant par rapport à
ce qui peut se passer en Nouvelle-Calédonie.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, j'ai eu l'occasion de dire que l'accord
particulier qui est prévu sera un accord à trois : la Nouvelle-Calédonie,
Wallis-et-Futuna, territoire d'outre-mer, et la République française. Sur ce
plan, je me réjouis que la commission ait adopté l'amendement du nouveau
sénateur de Wallis-et-Futuna, M. Laufoaulu, préconisant que l'accord devra être
conclu avant le 31 mars 2000 et que le Gouvernement de la République sera
partie aux discussions. Par conséquent, je donnerai un avis favorable sur et
amendement lorsqu'il viendra en discussion.
Je peux d'ores et déjà vous dire que l'administrateur de Wallis-et-Futuna, qui
est en quelque sorte le préfet représentant de la République, et le
haut-commissaire travaillent sur le contenu d'un document.
Lorsque les nouvelles institutions seront mises en place, ce travail devrait
pouvoir être repris dans la perspective d'un accord rapide qui sera à même de
rassurer nos compatriotes originaires de Wallis-et-Futuna sur leur situation en
Nouvelle-Calédonie ainsi que sur les relations qui s'établissent entre les deux
territoires concernés.
Il n'y aura donc pas de bouleversement.
Une nouvelle charte définira l'ensemble de ces relations.
Je ne doute pas, d'ailleurs, que nous aurons, peut-être dans un proche avenir,
à voir comment faire évoluer le statut de Wallis-et-Futuna, qui date de 1961.
Mais il s'agit là d'un autre chantier... Dans l'immédiat, nous serons très
attentifs à ce que, dans le cadre de cet accord, Wallis-et-Futuna soit
pleinement intégré en vue d'assurer son plein développement, en relation avec
la Nouvelle-Calédonie.
PROJET DE LOI ORGANIQUE n° 146