Séance du 28 janvier 1999






RESPONSABILITÉ
EN MATIÈRE DE DOMMAGES CONSÉCUTIFS
À L'EXPLOITATION MINIÈRE

Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 502, 1997-1998) de M. Jean-Marie Rausch, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur :
- la proposition de loi (n° 220, 1996-1997) de M. Jean-Luc Bécart, Mmes Marie-Claude Beaudeau, Danielle Bidard-Reydet, M. Claude Billard, Mmes Nicole Borvo, Michelle Demessine, M. Guy Fischer, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Félix Leyzour, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite et Ivan Renar, tendant à frapper de nullité d'ordre public toute clause de mutation immobilière exonérant les exploitants de mines de leur responsabilité en matière de dommages liés à leur acitivité minière ;
- la proposition de loi (n° 298 rectifiée, 1996-1997) de MM. Claude Huriet, Jacques Baudot, Jean Bernadaux, Philippe Nachbar, Jean-Paul Amoudry, Alphonse Arzel, Bernard Barraux, François Blaizot, André Bohl, Marcel Deneux, Georges Dessaigne, André Dulait, Jean Faure, Francis Grignon, Pierre Hérisson, Rémi Herment, Jean Huchon, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, René Marquès, François Mathieu, Louis Moinard, Jean Pourchet, Philippe Richert et Michel Souplet, complétant le code minier ;
- la proposition de loi (n° 229, 1997-1998) de Mme Gisèle Printz, M. Roger Hesling, Mme Dinah Derycke, MM. Guy Allouche, Pierre Mauroy, Paul Raoult, Léon Fatous, Roland Huguet, Daniel Percheron, Michel Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, relative à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation ;
- la proposition de loi (n° 235 rectifié, 1997-1998) de Mme Gisèle Printz, M. Roger Hesling, Mme Dinah Derycke, MM. Guy Allouche, Pierre Mauroy, Paul Raoult, Léon Fatous, Roland Huguet, Daniel Percheron, Michel Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, relative à la responsabilité des dommages liés à l'exploitation minière ;
- la proposition de loi (n° 247, 1997-1998) de MM. Jean-Paul Delevoye, Philippe Nachbar, Jacques Baudot, Jean Bernadaux, André Diligent, Daniel Eckenspieller, Alfred Foy, Hubert Haenel, Rémi Herment, Claude Huriet, Roger Husson, Jacques Legendre, Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Rausch, Michel Rufin, Maurice Schumann et Alex Türk, relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière ;
- la proposition de loi (n° 248, 1997-1998) de MM. Jean-Paul Delevoye, Philippe Nachbar, Jacques Baudot, Jean Bernadaux, André Diligent, Daniel Eckenspieller, Alfred Foy, Hubert Haenel, Rémi Herment, Claude Huriet, Roger Husson, Jacques Legendre, Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Rausch, Michel Rufin, Maurice Schumann et Alex Türk, relative à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, mes chers collègues, l'histoire minière de notre pays explique que ses ingénieurs et ses juristes se soient, jusqu'à une période relativement récente, plus intéressés aux conditions de l'exploitation des mines qu'aux risques consécutifs à leur abandon.
La fermeture programmée de la plupart d'entre elles a changé la donne. Le législateur a, en 1994, modifié le code minier afin qu'il en soit tenu compte à l'avenir. Les affaissements miniers qui ont touché les communes d'Auboué et de Moutiers, en Lorraine, en 1996 et 1997, ont cependant mis en lumière la nécessité de trouver une solution satisfaisante, d'une part, en matière de responsabilité de l'exploitant - et cela quelle que soit la date des contrats de mutation conclus pour la vente de son parc immobilier - d'autre part, dans le domaine de la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation.
La crainte de la population et des élus des régions concernées de connaître le même type de désastre a incité de nombreux sénateurs de l'est et du nord de la France, qui appartiennent tant à la majorité qu'à l'opposition sénatoriale, à déposer des propositions de loi tendant à apporter des solutions de nature à rassurer nos concitoyens sur ces deux points.
Certes, le Gouvernement avait déclaré qu'il proposerait rapidement des mesures en la matière.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous aviez d'ailleurs annoncé, à l'occasion d'une communication du 28 janvier 1998, votre souhait d'étudier et de mettre en place un mécanisme d'indemnisation ainsi que d'élaborer un projet de loi réformant le code minier afin de mieux prendre en compte les conséquences de la gestion de la fermeture d'une mine.
Or, que constate-t-on ? Ce n'est qu'un an plus tard, presque jour pour jour, que le Gouvernement a déposé un texte à l'Assemblée nationale pour réformer le code minier.
Il est vraisemblable que l'adoption, par la commission des affaires économiques, des propositions de loi, le 17 juin dernier, puis la décision des groupes politiques de la majorité sénatoriale d'inscrire - à l'initiative de la commission des affaires économiques - ces propositions lors d'une séance réservée à l'ordre du jour du Sénat par le troisième alinéa de l'article 48 de la Constitution n'auront pas été sans influence sur cette décision !
L'honneur est sauf et l'effet d'annonce ménagé, mais qu'en est-il du résultat escompté ?
Eu égard à l'ordre du jour très chargé de cette session parlementaire, il y a fort à parier que le Gouvernement n'envisage pas d'inscrire ce texte avant, au mieux, la fin de l'année 1999 ou, plus probablement, l'an 2000.
Pendant ce temps, après les communes d'Auboué et de Moutiers, ce sont celles de Montois-la-Montagne et de Moyeuvre-Grande qui sont, en ce moment même, touchées par des effondrements de terrain, suscitant l'inquiétude de la population et des élus.
Ces victimes, monsieur le secrétaire d'Etat, ont du mal à comprendre qu'il faille un an au Gouvernement pour préparer un projet de loi, alors que les propositions de loi sénatoriales ont d'ores et déjà été adoptées par la commission des affaires économiques.
Je me félicite de voir la Haute Assemblée se saisir de ce problème. Il faut apporter une solution satisfaisante aux populations et aux élus des régions minières qui ont sombré dans la crainte de connaître de nouveaux désastres.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vous rappelle que le 17 juin 1998, la commission des affaires économiques du Sénat a adopté les dispositifs contenus dans les propositions de loi soumises à son examen, qui portent à la fois sur la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière et sur la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation.
Le déclin de l'activité minière en France métropolitaine entraîne la fermeture de nombreuses mines. Cette fermeture soulève des difficultés techniques et environnementales majeures. Elle pose également des problèmes juridiques d'importance.
En effet, les conséquences de l'activité minière ne s'arrêtent pas au jour de la renonciation par l'exploitant à sa concession. S'impose alors la nécessité de régler le problème d'éventuelles nuisances postérieures à la fin de l'exploitation, auquel le droit en vigueur n'apporte que des réponses imparfaites.
On le sait, pour des raisons qui sont à la fois économiques et liées à l'état des ressources naturelles de notre sous-sol, l'exploitation en France de certaines substances minières est vouée à disparaître dans les années à venir, ce qui pose notamment le problème des affaissements miniers.
Deux régions concentrent l'essentiel des bassins miniers : l'est et le nord de la France.
L'arrêt de l'exploitation dans les bassins miniers a certaines implications en termes de surveillance et de prévention des risques ; la question de la gestion des eaux et celle des affaissements de terrains à l'aplomb de certaines anciennes mines souterraines doivent en particulier être réglées.
Les propositions de loi qui font l'objet de cette discussion concernent ce second point. Il s'agit d'un problème bien réel dans la mesure où, avec la fermeture des bassins, c'est la capacité d'intervention opérationnelle de l'exploitant qui a également vocation à disparaître.
Le risque d'affaissement, de même que les problèmes de dédommagement qui y sont liés, dépend, certes, du type d'exploitation, mais il apparaît de plus en plus aigu. Il est d'ailleurs perçu comme tel par la population concernée.
Dans les zones d'extraction du charbon, les affaissements sont progressifs et homogènes. Ils se stabilisent rapidement après achèvement de l'exploitation : l'essentiel des mouvement - 90 % - se produit pendant la première année et il n'est plus observé d'affaissements significatifs au-delà de dix-huit mois.
Les désordres engendrés par les anciennes exploitations des mines de fer en Lorraine sont tout à fait différents.
Après quelques années, en raison de leur dimension insuffisante ou sous l'effet du veillissement - aggravé par la remontée des eaux dans les travaux - les piliers peuvent se fragiliser et se disloquer. Le poids des terrains sus-jacents se réparti sur les piliers avoisinants, ce qui peut conduire à un phénomène de destruction de piliers en cascade. Comme cette exploitation est très proche de la surface - cent à deux cents mètres - l'affaissement se répercute brutalement à la surface, mais à un moment qu'il paraît impossible de préciser.
La perception du risque s'est trouvée naturellement amplifiée par les incidents d'Auboué et de Moutiers.
Le 15 octobre 1996, à Auboué, une petite commune située à une dizaine de kilomètres au nord-est de Metz, les murs de plusieurs maisons se lézardent, des chaussées se déforment, s'affaissent par endroits sur une hauteur d'un à deux mètres, des canalisations d'eau et de gaz se rompent. Le 18 novembre, des dégâts similaires ont lieu. Six mois plus tard, le 15 mai 1997, c'est au tour des habitants de Moutiers, une commune voisine, de voir des fissures apparaître sur les murs de leurs maisons. Cent quatre-vingt-dix logements ont ainsi été touchés. Plus récemment encore, ce sont les communes de Montois-la-Montagne et de Moyeuvre-Grande qui ont souffert.
Voilà vingt ans que de tels incidents ne s'étaient pas produits dans la région.
Tant que les mines étaient exploitées, les habitants avaient conscience d'un risque qui s'inscrivait parmi les aléas inéluctables résultant d'une activité à laquelle ils avaient bien souvent participé. Présents, les exploitants assuraient et prenaient en charge plus facilement le risque lié au comportement du sol.
Avec la disparition des sociétés minières du paysage économique de la région et l'évolution de la population, la mémoire du risque s'est progressivement estompée.
L'inquiétude s'est trouvée amplifiée par le fait que l'indemnisation des populations touchées s'est heurtée à des problèmes juridiques et a nécessité un effort de solidarité nationale.
En outre, ces incidents ont accru la conscience de ce que la gestion des risques de l'« après-mine » avait sans doute été quelque peu négligée au moment où l'activité minière battait son plein.
Ce n'est qu'après ces événements que des structures ad hoc ont été mises en place dans le Nord - Pas-de-Calais et en Lorraine : conférence permanente et conseil scientifique.
Enfin, ces phénomènes ont contribué à mettre en lumière l'insuffisance des moyens de prévention des risques miniers à la fin de l'exploitation.
La validité du principe de la responsabilité de l'exploitant à raison des dégâts que ses travaux souterrains peuvent entraîner à la surface ne fait aucun doute.
Cependant, les exploitants ont pu se libérer de cette responsabilité en incluant des clauses d'exonération dans les contrats de vente concernant leur patrimoine immobilier.
Dans les cas d'Auboué et de Moutiers, l'ampleur des dégâts était telle qu'il a dû être fait appel, en outre, à la solidarité nationale. Mais on peut s'interroger sur le point de savoir s'il est souhaitable de généraliser ce type de solution.
Le code minier, dans son article 75-1, dispose que l'exploitant minier encourt, de plein droit, une responsabilité délictuelle pour les dommages résultant de son activité. Compte tenu de cette disposition particulière, le code des assurances ne s'applique pas aux affaissements miniers et les sinistres liés à un affaissement minier ne sont pas garantis par les compagnies d'assurance.
Les dommages immobiliers subis du fait d'une exploitation minière doivent, par conséquent, être indemnisés selon le régime de réparation relevant des règles communes aux responsabilités délictuelles fixées par les articles 1382 à 1386 du code civil.
Cependant, l'application des règles ordinaires de responsabilité, sur la base de l'article 1382 du code civil, aurait conduit à des résultats inéquitables pour le propriétaire du sol, qui n'aurait pu obtenir réparation qu'en prouvant une faute à la charge de l'exploitant, preuve pratiquement impossible à rapporter puisque, dans la plupart des cas, l'exploitant ne commet aucune faute, les affaissements apparaissant comme la conséquence inéluctable de l'exploitation du sous-sol.
Aussi, dès 1842, la jurisprudence a-t-elle posé le principe selon lequel le seul fait du dommage entraînerait pour l'exploitant l'obligation de réparer. Ce principe a été consacré sans interruption, quelle qu'ait été la base juridique invoquée.
La jurisprudence, en son état actuel, se fonde sur la responsabilité générale du fait des choses inanimées, fixée par l'article 1384 du code civil. L'exploitant est donc responsable des dommages causés par la mine alors même qu'aucune faute n'a été prouvée contre lui, et il ne peut s'en exonérer qu'en prouvant la force majeure, la faute de la victime ou d'un tiers. Il s'agit d'une responsabilité objective.
Cependant, dans le but de dégager leur responsabilité, les compagnies minières ont inséré dans les actes de vente de leur ancien patrimoine immobilier une clause les exonérant des conséquences de leur exploitation, appelée « clause minière ». Il est vrai que le prix de vente des biens en tenait généralement compte.
La Cour de cassation, par un arrêt du 4 novembre 1987, a considéré qu'une telle clause d'exonération était valable dès lors qu'elle n'était pas insérée de mauvaise foi par la compagnie minière dans les actes de vente.
Selon la Cour de cassation, la mauvaise foi n'est établie que si le concessionnaire minier connaissait, au moment de la vente, le caractère inéluctable des effondrements futurs. Elle ne résulte pas de la simple connaissance du risque de mouvements du sol inhérents à toute activité minière.
D'après cette jurisprudence, les personnes confrontées aux conséquences d'affaissements ne peuvent être indemnisées par la voie judiciaire.
Prenant en compte ce problème, le législateur a prévu, dans l'article 17 de la loi n° 94-588 du 15 juillet 1994 modifiant certaines dispositions du code minier et l'article L. 711-12 du code du travail, qu'une telle clause serait frappée de nullité d'ordre public dès lors qu'elle figurerait dans un contrat de mutation immobilière conclu avec une collectivité locale ou avec une personne physique non professionnelle. Cette disposition ne vaut cependant que pour l'avenir, c'est-à-dire pour les actes de vente postérieurs au 15 juillet 1994.
Eu égard à la situation brutale et dramatique qu'ont dû affronter les habitants de ces deux communes à la fin de 1996 et en 1997, une solution spécifique a été retenue pour permettre leur indemnisation. Ainsi, des accords amiables ont été signés entre l'Etat, les mines, la compagnie d'assurances de ces dernières, à savoir l'UAP, et les sinistrés, s'agissant à la fois des biens immobiliers dont la vente avait fait l'objet d'une clause minière et de ceux qui en étaient exempts.
D'après les informations qui m'ont été fournies, l'indemnisation des particuliers et des communes porterait sur une somme totale d'environ 200 millions de francs. Les protocoles, fondés sur le droit commun, ont retenu la même base d'indemnisation pour l'ensemble des sinistrés, qu'ils aient ou non signé des contrats assortis d'une clause minière. Dans les cas où les maisons devaient être démolies, la méthode d'évaluation de la valeur du bâtiment retenue a permis une indemnisation assez généreuse.
Faut-il tendre à généraliser ce type de protocoles, comme semblerait l'envisager le Gouvernement ? Telle n'est pas la solution préconisée par les auteurs des propositions de loi soumises à l'examen de la Haute Assemblée.
En effet, ces dernières portent sur deux sujets qui, bien que distincts, n'en sont pas moins liés, à savoir la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'activité minière, que visent les propositions n° 220 de M. Jean-Luc Bécart et plusieurs de ses collègues, n° 298 rectifié de M. Claude Huriet et plusieurs de ses collègues, n° 235 rectifié de Mme Gisèle Printz et plusieurs de ses collègues et n° 247, dont les premiers signataires sont MM. Jean-Paul Delevoye et Philippe Nachbar, et la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation, qui fait l'objet des propositions de loi n° 229 de Mme Gisèle Printz et plusieurs de ses collègues et n° 248 de MM. Jean-Paul Delevoye, Philippe Nachbar et plusieurs de leurs collègues.
Les quatre premières propositions de loi visent d'une part à annuler rétroactivement les clauses des contrats de mutation immobilière exonérant l'exploitant de la responsabilité des dommages liés à son activité minière, et d'autre part à prévoir l'indemnisation intégrale des dommages immobiliers consécutifs à l'exploitation.
Les deux dernières propositions de loi tendent quant à elles à créer une agence de prévention et de surveillance des risques miniers chargée de recueillir les données techniques permettant d'intervenir en cas de survenance d'un risque minier et de préparer les mesures de prévention et les plans de protection nécessaires en cas de sinistre. Par ailleurs, elles imposent à l'exploitant d'établir un bilan à propos des risques d'affaissement des terrains de surface. Enfin, elles prévoient la possibilité de réactiver, si nécessaire, le régime de la police des mines pendant une période de cinquante ans après l'expiration du titre minier.
Les différentes propositions de loi portant sur les deux sujets exposés ci-dessus étant extrêmement proches, la commission des affaires économiques a décidé d'adopter les deux plus récentes, c'est-à-dire les propositions de loi n°s 247 et 248 présentées par MM. Jean-Paul Delevoye, Philippe Nachbar et plusieurs de leurs collègues.
Cependant, aucune des propositions de loi évoquées n'ayant pris en compte les problèmes spécifiques auxquels sont confrontés les commerçants, les artisans et les professions libérales en cas d'affaissement minier, la commission a adopté un article tendant à appliquer à ceux-ci les règles d'indemnisation prévues en cas d'expropriation.
Tel est le dispositif que je vous propose de voter aujourd'hui, mes chers collègues. Il me semble de nature à résoudre partiellement les problèmes posés par les risques résultant de l'abandon de l'exploitation minière. Je crois que les mesures que nous adopterons répondront aux légitimes préoccupations des populations et des élus des régions minières. Elles démontrent la ferme volonté du Sénat de se donner les moyens de faire face à l'urgence.
Cela étant, le Gouvernement a déposé un certain nombre d'amendements sur les conclusions de la commission. A quelques exceptions près, nous ne pouvons y souscrire, puisqu'ils reprennent, en réalité, l'essentiel, sinon l'intégralité, du texte déposé à l'Assemblée nationale. Or ce projet de loi, et par conséquent les amendements du Gouvernement, sont beaucoup moins favorables que le texte du Sénat en matière d'indemnisation.
Je ne méconnais pas le risque de voir le Gouvernement invoquer l'article 40 de la Constitution à l'encontre de notre dispositif. Ce faisant, il assumerait une lourde responsabilité, puisqu'il prolongerait encore un peu plus l'attente des victimes d'affaissements miniers, qui ont fait publiquement connaître leur accord avec les propositions sénatoriales. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d'abord de saluer très sincèrement l'initiative que vous avez prise d'inscrire à l'ordre du jour des travaux du Sénat l'examen de propositions de loi relatives au traitement des questions liées à la cessation de l'exploitation minière.
Ce problème impose en effet que l'on prenne des mesures législatives urgentes pour corriger et compléter le dispositif juridique prévu par le code minier, qui n'avait pas correctement pris en compte toutes les conséquences entraînées par la fermeture des mines.
Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il existe trois points clés, à savoir la reconnaissance de l'existence des séquelles minières après la cessation de l'exploitation, l'affirmation et la définition claire de la responsabilité de l'ancien exploitant et l'indemnisation des victimes.
Notre code minier avait été rédigé en vue d'accompagner l'essor de l'exploitation des mines et d'en définir les conditions. Cela était naturel, car l'exploitation minière était, à l'époque, l'un des principaux piliers de notre développement industriel et économique.
Aujourd'hui, la situation est naturellement tout autre : les grands bassins miniers ont été fermés ou sont voués à l'être, qu'il s'agisse de l'exploitation du charbon, du fer ou de la potasse, pour ne citer que quelques-unes de nos ressources minérales. Cette fermeture pose des problèmes humains, techniques et juridiques qui n'ont pas reçu de réponse satisfaisante à ce jour.
Chacun des groupes de la Haute Assemblée les a parfaitement analysés et a révélé leur caractère d'urgence en déposant des propositions de loi. Nous devons en effet définir le cadre technique, juridique et administratif dans lequel seront assumées, après la fin de l'exploitation, pour des périodes qui peuvent être très longues et même n'avoir pas de terme prévisible, les responsabilités suivantes : la surveillance et la prévention des risques, en particulier des risques d'affaissements miniers, la gestion des eaux après la fin de l'exploitation et, enfin, le très lancinant problème du dédommagement des dégâts causés par les séquelles minières.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l'urgence est grande et c'est donc aujourd'hui que doit être organisé l'« après-mine ». En effet, les accidents qui se sont récemment produits - à Auboué, à Moutiers, plus récemment encore à Moyeuvre-Grande - ont révélé de manière dramatique les insuffisances du dispositif actuel.
La détresse et le désarroi des sinistrés, auxquels j'ai été confronté lors de ma prise de fonctions au secrétariat d'Etat à l'industrie, ont renforcé ma conviction que l'indemnisation des victimes devait, dans tous les cas, être assurée. Ce principe doit être inscrit dans notre droit, et c'est une obligation de solidarité à laquelle j'ai décidé de faire face dès le mois de juillet 1997 en mobilisant des crédits importants, alors que rien n'avait été fait dans le passé. Par ailleurs, pour ne prendre qu'un exemple, celui d'Auboué, chacun sait quels étaient le prix d'achat des immeubles, d'une part, et le montant de l'indemnisation moyenne obtenue par leurs propriétaires, d'autre part.
C'est donc avec beaucoup de satisfaction que j'ai vu les parlementaires travailler sur ce sujet de manière très approfondie. Parallèlement, et dès ma prise de fonctions, j'ai demandé à mon administration de se pencher sur cette question, ce qu'elle a fait avec beaucoup de sérieux. Ainsi, j'ai confié à M. Dominique Petit, ingénieur général des mines, le soin de procéder à une analyse détaillée de la situation. Me fondant sur les conclusions qu'il m'a remises je réponds ici au souci exprimé par M. le rapporteur - j'ai présenté avec diligence une première communication en conseil des ministres voilà exactement un an, le 28 janvier 1998.
Les directions de mon ministère ont ensuite rédigé un projet de loi qui a été examiné, comme il est normal en la matière, par le conseil général des mines, avant de faire l'objet de discussions interministérielles. Cela prend en effet du temps, monsieur le rapporteur, mais je suis conscient de la nécessité de traiter rapidement la situation. Le Conseil d'Etat a enfin examiné le pojet de loi visant à modifier le code minier voilà quelques semaines, et le conseil des ministres l'a finalement adopté sans retard, le 20 janvier dernier.
Je sais que ces délais peuvent paraître longs, hélas, à ceux qui sont confrontés sur le terrain à des difficultés humaines et sociales, et je comprends leur impatience. Soyez cependant assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce temps aura été bien utilisé, et que, sur un sujet aussi complexe que le droit minier, il n'était pas possible de se dispenser des différentes étapes de la validation de nos travaux et de l'élaboration de notre texte.
Le projet de loi ayant été adopté en conseil des ministres, le moment me paraît particulièrement bien choisi pour débattre ici des conséquences de la cessation de l'exploitation minière. Une fois encore, je veux publiquement remercier le Sénat de son travail et de ses initiatives. J'ai étudié avec beaucoup de soin et d'intérêt vos propositions de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que le rapport de la commission des affaires économiques et du Plan. J'approuve vos initiatives, et j'affirme avec force que je fais miennes, pour l'essentiel, vos analyses.
Toutefois, je ne pourrai accepter, dans leur rédaction actuelle - ces termes ont leur importance - un certain nombre de vos propositions. En effet, elles remettraient en cause, si elles étaient adoptées en l'état, certains principes de notre droit, et elles seraient source d'insécurité juridique, y compris, paradoxalement, pour les sinistrés. Ce n'est pas, j'en suis certain, ce que recherche le Sénat.
Dans le cas, que je crois d'ailleurs improbable, où nous ne parviendrions pas à élaborer une rédaction équilibrée traduisant l'accord sur le fond qui existe entre nous, je serais même conduit, lors de l'examen de certaines des dispositions qui créent des charges financières nouvelles pour l'Etat, à invoquer l'article 40 de la Constitution, non que je tienne à porter ainsi la responsabilité du rejet de telle ou telle mesure, mais parce qu'il est de notre responsabilité - et c'est aussi pour nous tous un motif de fierté - de veiller à la constitutionnalité du texte qui résultera de nos travaux communs.
Toutefois, partageant avec vous la conviction qu'il y a urgence à légiférer, j'ai à coeur d'aborder ce débat de manière constructive, en tentant d'apporter des solutions concrètes, en particulier aux sinistrés. Aussi, je vous proposerai un certain nombre d'amendements qui, s'ils trouvaient votre soutien, puis celui de l'Assemblée nationale, permettraient d'aboutir rapidement à la promulgation d'une loi définitive ; c'est, je pense, notre objectif commun. Cette loi permettrait à tous nos concitoyens, souvent aux plus démunis d'entre eux, de bénéficier d'un système d'indemnisation rapide, et vous savez - le nombre de personnes présentes dans les tribunes en témoigne certainement - combien l'urgence est grande, notamment à Moyeuvre-Grande.
Le dispositif que le Gouvernement propose et que je vous exposerai en détail lors de la discussion des articles répond aux préoccupations que vous avez soulevées. Je les résume brièvement.
Il s'agit, d'abord, naturellement, de la garantie d'une indemnisation de l'ensemble des victimes touchées par un affaissement minier, y compris - et là est l'innovation essentielle - pour celles qui sont liées par la clause minière d'exonération de responsabilité de l'ancien exploitant.
Il s'agit, ensuite, de la définition d'une nouvelle procédure de fermeture des mines, qui renforce les contraintes pesant sur l'exploitant, qui reconnaît et qui traite la réalité des séquelles minières.
Il s'agit, enfin, de l'instauration d'un dispositif de surveillance des risques résiduels de l'activité minière par l'Etat.
Je peux vous assurer, ici, que c'est dans un souci de sécurité et de sérieux juridiques que le Gouvernement est amené à amender la rédaction de votre proposition de loi. En effet, l'impact juridique de certaines des formules que vous avez employées dans votre texte est, selon moi, de nature à remettre en cause une part déterminante de la jurisprudence civile sur l'indemnisation. Cela ne saurait être acceptable pour les juristes de qualité que vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs.
De même, l'annulation rétroactive des clauses minières constituerait une annulation a posteriori d'une clause essentielle d'un contrat. Nous ne pouvons nous engager dans cette voie. Pis encore, elle serait de nature à engager la responsabilité de l'Etat du fait des lois. Elle pourrait donner lieu à des recours des exploitants miniers demandant au juge l'annulation des ventes immobilières déjà réalisées.
Prenons garde de ne pas conduire un certain nombre de propriétaires dans une impasse juridique, terrible sur le plan du contentieux, que de telles dispositions feraient naître. Au lieu d'aider nos concitoyens, comme nous en avons tous le souci ici aujourd'hui, nous les confronterions à une nouvelle détresse. Je crois sincèrement que nous aurions tort de nous priver des conseils et des recommandations du Conseil d'Etat à cet égard.
Le dispositif que le Gouvernement vous propose est, de plus, immédiatement opérationnel. Nous avons le même souci, me semble-t-il, d'être rapidement opérationnels vis-à-vis de ces personnes, de ces familles, de ces communes, qui, ne l'oublions pas, sont parmi les plus pauvres de France. J'ai mené des discussions approfondies avec tous les intervenants et en particulier avec les compagnies d'assurances. Je puis vous assurer que, dès son adoption, le texte sera complété par une convention avec les assureurs pour obtenir une indemnisation rapide et professionnelle. Il présente le très grand avantage de répondre rapidement à l'urgence qui s'impose à nous tous, et de manière très innovante.
Cette proposition s'inspire du caractère consensuel de la démarche qui est la vôtre. Au-delà d'appréciations politiques qui peuvent être différentes, vous avez su vous réunir dans l'intérêt des populations concernées pour élaborer un texte regroupant les propositions de loi déposées par tous les groupes de votre assemblée.
Sans votre travail, sans votre initiative d'inscrire ce texte à l'ordre du jour de la présente séance, nous n'aurions pas l'opportunité parlementaire d'apporter une réponse concrète et rapide à de graves problèmes humains.
Je veux, à mon tour, au nom du Gouvernement, me joindre à votre démarche, en cohérence avec les orientations du projet de loi dont je viens de vous décrire les termes essentiels, et vous indiquer que les amendements que je vous propose visent à conforter cet esprit de consensus.
Vous avez su oublier vos préférences partisanes. Pour ma part, je suis prêt à abandonner la prééminence du projet de loi pour amender, dans un esprit positif, votre proposition de loi. En effet, ni vous ni moi ne cherchons la moindre vanité d'auteur ou un quelconque avantage politique. Nous voulons seulement servir. Nous souhaitons résoudre un problème juridique complexe. Notre objectif est de préserver les populations, les villages, les communes, les habitants, les propriétaires, les locataires des conséquences humaines parfois déchirantes qui découlent des affaissements miniers. Nous visons à remplir notre rôle social et humain. Les personnes concernées par les séquelles de l'activité minière sont souvent d'origine très modeste. Elles ne comprendraient pas que, collectivement, nous ne soyons pas capables de progresser aujourd'hui. Nous avons la possibilité, à la fin de cette matinée, de parvenir à un bon texte. Ne décevons pas celles et ceux qui l'attendent depuis si longtemps. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 26 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Nachbar.
M. Philippe Nachbar. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, derrière l'abstraction du droit se profile la réalité des situations humaines et, reprenant ce que M. le rapporteur et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, avez souligné tout à l'heure, je tiens à dire combien l'initiative prise par la Haute Assemblée était attendue tant par la population que par les élus des communes concernées. Derrière la technicité des textes, se profile le drame de ces régions qui, des décennies durant, ont toujours vécu autour de leur mine et qui, aujourd'hui, après avoir perdu ce qui faisait leur richesse, sont confrontées aux lourdes conséquences résultant de l'arrêt de l'activité minière.
Octobre 1996, cent cinquante familles sinistrées à Auboué ; mai 1997, cent familles sinistrées à Moutiers ; janvier 1999, quarante-trois familles sinistrées à Moyeuvre-Grande. La plupart de ces familles ont dû évacuer en quelques jours, sinon en quelques heures - je pense à Auboué - la maison où elles avaient espéré accomplir leur vie.
A l'angoisse des habitants s'ajoute celle des élus de ces communes, qui doivent faire face quotidiennement au drame vécu par leurs administrés. Il convient ici, au Sénat - nous savons la place qu'il attache au rôle joué par les collectivités locales au sein de la société française - de rendre hommage à ces élus qui n'ont ménagé ni leur peine ni leur temps pour le service de leurs concitoyens et qui voient de plus en plus compromis sinon anéantis les projets de développement qu'ils avaient formés pour leur collectivité respective.
Cette inquiétude est d'autant plus grande qu'il ne s'agit pas d'incidents isolés comme ceux que nous avons vécus pendant un certain nombre d'années alors que les mines étaient en activité. En effet, les événements d'Auboué et de Moutiers se sont reproduits ailleurs. Ils sont, à l'évidence, les signes précurseurs d'événements aussi graves, sinon plus, l'urbanisation de certaines des villes situées en zone de risque majeur s'étant faite autour d'immeubles de plusieurs étages, et pas seulement de quartiers constitués de maisons individuelles.
Pour le seul département de Meurthe-et-Moselle, ce sont près de quatre-vingt-dix communes qui sont situées, à des degrés divers, en zone à risque. C'est dire la gravité du problème auquel nous sommes confrontés et auquel le Sénat tente aujourd'hui d'apporter un début de réponse.
Le déclin de l'activité minière en France, sa disparition, totale pour le bassin ferrifère ou programmée à court terme pour le charbon, posent d'immenses problèmes qui ne trouvent pas de solutions satisfaisantes dans le droit positif.
Les conséquences de l'activité minière ne s'arrêtent pas en effet le jour où l'exploitant abandonne sa concession. C'est au contraire à partir de là que commencent les difficultés, ces mêmes difficultés que l'activité réglait auparavant au fur et à mesure de son déroulement.
Ces difficultés sont l'ennoyage des galeries et la constitution d'immenses réserves d'eau dont les mouvements erratiques provoquent des phénomènes difficiles à mesurer, ainsi que l'effondrement du sous-sol, selon des processus qui varient en fonction du mode d'exploitation et dont la prévision est, à ce jour, quasiment impossible.
Il en résulte deux conséquences.
Première conséquence : le droit actuel, qu'il s'agisse du code minier ou du droit commun, n'est pas adapté à cette situation et ne permet pas d'assurer l'indemnisation des sinistrés dans des conditions satisfaisantes.
A Auboué et à Moutiers, la solidarité nationale a joué. Je tiens, sachant le rôle qui a été le vôtre, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous en donner acte ici même.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je vous remercie.
M. Philippe Nachbar. Mais il sera impossible, à vous-même ou à vos éventuels successeurs, de renouveler ce type de solution reposant à la fois sur la pression de l'Etat, une intervention financière exceptionnelle et la contractualisation.
C'est à la loi qu'il appartient de fixer les règles devant permettre aux sinistrés d'obtenir une réparation équitable du préjudice qu'ils ont subi. C'est l'objet du premier de ces textes, que M. Jean-Paul Delevoye, les élus des départements lorrains et moi-même avons déposé avec le soutien de la majorité sénatoriale, puis le soutien unanime de la commission des affaires économiques. Je tiens, une fois de plus, à remercier son rapporteur, mon collègue et voisin Jean-Marie Rausch, qui a cosigné deux des textes.
Seconde conséquence : les moyens de prévention et de gestion des risques miniers après la fin de l'exploitation sont, à l'évidence, insuffisants.
Les élus des communes concernées doivent pouvoir disposer à la fois d'une parfaite information sur les risques encourus, parce qu'ils seront les premiers à être confrontés au drame lorsqu'il se produira, et des moyens, en liaison étroite avec les services de l'Etat, cela va sans dire, pour faire face aux sinistres que leurs communes ne manqueront pas de connaître. C'est l'objet du second texte que nous avons déposé et qui a été adopté par la commission des affaires économiques.
Sur le premier point - la responsabilité en cas de dommage consécutif à l'exploitation minière - une première avancée avait été réalisée par la loi du 15 juillet 1994, dont deux dispositions ont considérablement modifié la situation juridique des sinistrés.
Tout d'abord, la clause d'exonération insérée dans la plupart des contrats par le vendeur, en l'occurrence l'exploitant ou sa filiale immobilière, a été frappée de nullité d'ordre public.
Ensuite, le principe de présomption de responsabilité de l'exploitant a été posé. C'est ce qui a permis, à Auboué comme à Moutiers, de trouver une solution satisfaisante. Il aurait été, à défaut, bien sûr impossible aux sinistrés d'apporter eux-mêmes la preuve du dommage qu'ils avaient subi.
Sur ces deux points, il apparaît clairement aujourd'hui qu'il faut aller au-delà de la réforme de 1994. Au passage, je remercie le ministre Gérard Longuet qui l'avait imposée à la suite d'un rapport qu'il m'avait confié sur la réforme du code minier.
La clause d'exonération ne s'applique évidemment qu'aux contrats de vente passés après le 15 juillet 1994, ce qui, dès lors, crée une situation d'inéquité - que le Sénat peut difficilement accepter - au détriment de ceux qui ont acheté avant, et ils sont nombreux.
Par ailleurs, les modalités d'indemnisation des sinistrés, si l'on fait application du droit commun, c'est-à-dire si on retient comme base d'indemnisation la valeur vénale de l'immeuble, ne permet évidemment pas de se reloger dans des conditions décentes. En effet, la notion de valeur vénale est inadaptée au code minier, ce dernier étant lui-même une dérogation au droit commun. Or, les sinistrés ont un droit impératif à retrouver les mêmes conditions d'habitation qu'auparavant ; ils ne demandent ni plus ni moins. C'est là un principe d'équité fondamental.
Bien sûr, rien n'effacera le traumatisme qu'ils ont subi. Je pense aux familles évacuées en catastrophe, aux enfants coupés de leur milieu, de leur école, de leurs amis. Je pense aussi aux personnes âgées, déracinées du quartier où elles espéraient finir leur vie.
Les sinistrés ne demandent ni plus ni moins, je le répète, que la juste compensation du préjudice qu'ils ont subi : ils doivent pouvoir se reloger dans les mêmes conditions de confort qu'auparavant.
C'est la raison pour laquelle le texte adopté par la commission, sur le plan de la réparation, prévoit tout d'abord l'annulation rétroactive des clauses d'exonération de responsabilité. Nous savons que la rétroactivité n'est pas habituelle, mais elle n'est contraire à la Constitution qu'en matière pénale, ce qui se comprend aisément. La commission propose donc un dispositif permettant d'assurer des conditions identiques d'indemnisation aux sinistrés, que ces derniers aient ou non acquis leur immeuble avant le 15 juillet 1994.
Le texte proposé par la commission prévoit également - cette disposition est d'ailleurs le socle du texte - une indemnisation des sinistrés devant leur permettre d'acquérir, dans les mêmes conditions, un immeuble répondant aux mêmes normes de confort que celui qu'ils possédaient auparavant, que ce soit par la réhabilitation de l'immeuble sinistré, quand elle est possible - c'est rare, mais cela peut arriver - par l'acquisition d'un autre immeuble ou par la reconstruction à neuf d'une maison équivalente au même endroit.
Telles sont, sur le plan de l'indemnisation, mes chers collègues, les dispositions adoptées par la commission.
S'y ajoute - et je remercie la commission des affaires économiques et du Plan d'avoir introduit cette mesure dans le texte - une disposition accordant aux professions commerciales, artisanales et libérales ayant subi un préjudice direct - c'est de cela qu'il s'agit - le droit de l'expropriation.
S'agissant de la prévention et de la gestion du risque minier, il faut garantir aux communes, elles-mêmes responsables de la sécurité de leurs habitants, la possibilité d'être informées et de réagir en temps utile. La mémoire du risque, dans nos bassins, s'est dissipée ; il faut malheureusement la retrouver aujourd'hui et en faire une donnée permanente de la gestion locale.
C'est pourquoi le second texte que nous avions déposé et que la commission a fusionné avec les propositions de loi de nos collègues du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen prévoit trois dispositions majeures.
Tout d'abord, il propose la mise en place d'une agence de prévention et de surveillance des risques miniers qui aura un triple objet : conserver l'ensemble de la documentation relative à l'exploitation, la mettre à la disposition des collectivités et du public au nom de la transparence indispensable dans ce domaine où nous touchons à la sécurité des hommes et des femmes et, enfin, participer à la préparation des mesures de prévention. L'intérêt d'un tel établissement est que tant les élus locaux que le Parlement y seront associés.
Par ailleurs, le texte met deux obligations supplémentaires à la charge de l'exploitant : la communication intégrale des données et archives, déjà prévue par le code minier - mais ce qui s'est passé voilà quelques jours à Moyeuvre-Grande nous confirme que ces dispositions sont insuffisantes - et l'obligation d'établir un bilan des risques miniers dans les zones d'exploitation où la concession prend fin.
Enfin, le texte prévoit de maintenir pendant cinquante ans le régime de police des mines, c'est-à-dire, en termes clairs, de faire peser cette responsabilité sur l'Etat et non pas sur les maires, dont il apparaît clairement qu'ils n'auront ni les moyens matériels ni les moyens administratifs et juridiques d'y faire face. A situation exceptionnelle, régime exceptionnel. Il serait inéquitable de charger encore la barque des maires, si j'ose ainsi m'exprimer, dans un domaine où ils ont dû affronter des situations tout à faire exceptionnelles.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les principales dispositions adoptées par la commission des affaires économiques sur le fondement des textes que nous avions déposés.
Depuis plusieurs dizaines d'années, les bassins miniers subissent un véritable traumatisme, dont le bassin ferrifère lorrain est la première et la plus ancienne illustration.
Au choc économique, qui s'est traduit par la perte de dizaines de milliers d'emplois, a succédé la crise financière pour les communes, privées d'une grande partie de leurs recettes fiscales et contraintes d'affronter les problèmes de tous ordres liés à la fin de l'activité minière. Elles ont su réagir. Les élus ont fait face à l'adversité et ont engagé d'ambitieux projets d'aménagements et de développement économique.
Tout, aujourd'hui, est remis en cause par les effondrements miniers. Chaque maire concerné se demande légitimement qui viendra habiter la commune et y investir.
Le texte adopté par la commission des affaires économiques tente d'apporter à ce lancinant problème un début de réponse qui repose sur deux principes : l'équité et la solidarité. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous avons aujourd'hui à nous prononcer sur les conclusions de la commission des affaires économiques sur les six propositions de loi relatives à la prévention et à l'indemnisation des risques miniers.
Le groupe communiste républicain et citoyen se réjouit de l'engagement de tous les groupes politiques de notre assemblée sur cette question qui touche à la sécurité publique. Il a eu l'honneur de déposer la première de ces six propositions de loi en janvier 1997, pour tendre à frapper rétroactivement de nullité d'ordre public toute clause exonérant les exploitants miniers de leur responsabilité.
Les affaissements miniers ne constituent pas un problème nouveau. Lors des deux précédentes révisions du code minier, nous avions déjà eu à débattre de ces questions.
Les risques d'affaissement sont aujourd'hui aggravés par l'arrêt de l'exploitation des mines dans les bassins miniers. L'abandon de la concession minière conduit les exploitants à stopper notamment l'entretien des galeries et le pompage des eaux.
L'ennoyage des sous-sols, qui n'est pas sans répercussion sur la pollution et la distribution d'eau, est, de façon certaine, un facteur aggravant des risques d'affaissement.
Les sinistres d'Auboué et de Moutiers ainsi que les toutes récentes mesures prises à Moyeuvre-Grande nous rappellent, s'il en était encore besoin, l'urgence d'une modification législative.
L'ampleur des dégâts et la gravité des risques n'est plus à démontrer. Des centaines de communes sont menacées par ce phénomène.
A Auboué, en 1996, 10 % de la population communale a été concernée. Des quartiers entiers ont été touchés. La quasi-totalité des maisons sinistrées est vouée à la démolition. Les répercussions économiques sont importantes, notamment pour les commerçants et pour les artisans.
Après avoir fait face à l'urgence et au traumatisme, y compris psychologique, les populations d'Auboué et de Moutiers ont dû s'organiser afin d'obtenir une indemnisation.
Les communes considérées comme étant à risque se sont réunies en collectif de défense. Je tiens ici à souligner le rôle important de cette association qui, dès le départ, a soutenu les familles sinistrées, les a assistées dans leurs démarches.
Dans les sinistres miniers de Moutiers et d'Auboué, la responsabilité de Lormines, la société minière, n'était pourtant pas à démontrer. Mais les sociétés minières ont souvent inclus dans les contrats de mutation immobilière des clauses les exonérant de toute responsabilité.
Les propriétaires sinistrés, qu'ils soient personne physique ou morale, professionnelle ou non, de droit public ou de droit privé, se sont vu opposer l'application de ces clauses, excluant, dès lors, toute indemnisation.
La loi du 15 juillet 1994, dans son article 17, avait pourtant prévu que la nullité d'ordre public s'applique à de telles clauses. Mais n'ayant pas assorti cette disposition du principe de rétroactivité, la loi est restée sans effet pour la quasi-totalité des propriétaires, la plupart d'entre eux ayant acquis leurs biens à la fermeture des mines, dans le milieu des années quatre-vingt.
Toutes ces personnes n'ont, à la lecture stricte de la loi, aucun droit à être indemnisées.
La mobilisation des populations et des élus et le soutien actif du secrétariat d'Etat à l'industrie ont permis de trouver des solutions amiables d'indemnisation avec l'UAP, compagnie d'assurance représentant la société minière Lormines. De ce point de vue, les choses peuvent être considérées comme réglées de façon satisfaisante pour les familles concernées, ce dont il faut se féliciter. Mais ce n'est pas encore le cas pour les professionnels et pour les biens communaux.
Malheureusement, on connaît les risques d'effondrements futurs et on sait que les affaissements de Moutiers et d'Auboué ne sont pas et ne seront pas des cas isolés. Dix-neuf secteurs présentent un risque élevé d'affaissement ! Ces secteurs peuvent être demain des quartiers et des villes sinistrés. En témoigne l'évacuation expresse, ces jours derniers, de dizaines de familles à Moyeuvre-Grande.
Partant de ce constat, les préfets de Moselle et de Meurthe-et-Moselle ont pris des mesures de restriction de l'usage des sols, sans compensation pour les collectivités et les administrés concernés. Ces servitudes d'utilisation du sol pénalisent fortement les collectivités locales, leur développement et l'aménagement de leur territoire. Ainsi, à Joeuf, commune de 8 000 habitants dont le territoire est totalement sous-miné et classé en zone à risque, l'application de ces prescriptions aboutit à ne plus pouvoir renouveler le tissu urbain existant.
A l'heure où nous débattons de projets importants relatifs à l'aménagement du territoire et à l'organisation territoriale, ne faut-il pas chercher à développer les expériences, nombreuses en France et dans le monde, visant à limiter, voire à supprimer le risque ?
Le texte adopté par la commission traite à la fois de l'indemnisation, de la prévention et de l'information, et nous l'approuvons pleinement.
La commission a repris les objectifs communs aux propositions de loi, tout en proposant de rendre rétroactive la nullité d'ordre public frappant les clauses d'exonération de responsabilité.
Les règles retenues par le protocole d'indemnisation signé entre les sinistrés, l'Etat et l'UAP, assurance de Lormines, ont fait école, ce qui garantit une égalité de traitement dans l'indemnisatoin des sinistrés.
Les entreprises pourront désormais, si ce texte est adopté, être indemnisées du préjudice qu'elles ont subi, et ce sera une bonne chose.
En instaurant une agence chargée du suivi des risques miniers, le texte adopté par la commission consacre également le droit à l'information des personnes concernées et renforce les obligations de prévention des sociétés minières.
Nous souhaitons, en résumé, que ce texte, après son adoption par le Sénat, soit inscrit rapidement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Néanmoins, nous avons voulu proposer quelques amendements de précision et formuler le voeu que le Sénat accepte ces améliorations. Ces dernières portent notamment sur la présence du ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire, des organisations syndicales et de défense des sinistrés au sein du futur conseil d'administration de l'agence chargée du suivi des risques, ainsi que sur l'intégration dans la proposition de loi sénatoriale de l'article du projet de loi tendant à ce que les servitudes d'utilisation du sol ouvrent droit à indemnisation. L'adoption de ce dernier amendement pourrait être le trait d'union entre les textes du Sénat et du Gouvernement.
Tout en espérant la prise en compte de nos propositions, mes amis et moi-même voterons les conclusions de la commission des affaires économiques. Nous suggérons que le Gouvernement, dans l'intérêt de nos compatriotes concernés hier, aujourd'hui et demain par ce problème, renonce à contrecarrer certaines avancées proposées par l'ensemble des groupes du Sénat, d'accord sur ce point, ce qui n'est pas si fréquent.
M. le président. La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la fin de l'exploitation des mines de fer fut pour la Lorraine une grande tragédie. A partir des années 1830-1850, après l'avènement du transport par voie ferrée et la découverte de l'utilisation de la houille dans les fourneaux, l'exploitation des mines a fait vivre la Lorraine pendant un siècle et demi. L'habitat minier, avec ses raisons d'être et ses caractéristiques particulières, les puits et les chevalements se dressant à vingt ou trente mètres du sol ont donné à nos villes un décor surnaturel substitué à la nature d'autrefois par les exigences de la société industrielle du xixe siècle.
Dans le bassin ferrifère, la production atteignait 62,7 millions de tonnes par an dans les années soixante, l'âge d'or. A cette même époque, la production mondiale de minerai était de l'ordre de 500 millions de tonnes par an ! Plus de 20 000 mineurs descendaient chaque jour dans les cinquante-six mines en fonctionnement.
Malheureusement, la production a fortement décru dans les années soixante-dix : après les Trente Glorieuses, les mines de fer ont progressivement fermé jusqu'en 1997, parallèlement au déclin qu'a connu la sidérurgie lorraine. Au total, le sous-sol lorrain a été creusé sur 60 000 kilomètres de galeries, créant un vide relatif estimé à 400 000 millions de mètres cubes.
Après avoir dû faire face aux vagues de licenciements qui se sont succédé dans les années soixante-dix et quatre-vingt, les élus et la population sont aujourd'hui confrontés aux problèmes de l'après-mine et aux conséquences dramatiques des travaux miniers centenaires dans un secteur industrialisé qui paie déjà un tribut environnemental très lourd : pollution atmosphèrique, pollution des eaux, pollution irrémédiable des sols...
Ainsi, les populations d'Auboué et de Moutiers, en 1996, ont subi le drame des affaissements miniers. Si, techniquement, on parle « d'incidences minières en surface susceptibles d'affecter de façon dommageable les structures implantées en surface à leur aplomb... », c'est un véritable drame qu'ont vécu ceux que l'on appelle désormais « les sinistrés ». Ces familles ont vu s'effriter et, pour certaines, s'effondrer leur maison. Elles se sont ensuite retrouvées dans une situation d'exode : il leur a fallu « faire la valise » et tirer un trait sur vingt ou trente ans passés dans la cité à laquelle elles étaient attachées, dans la maison qu'elles avaient refaite à neuf.
Il en est de même, actuellement, pour Moyeuvre-Grande, où le phénomène désormais connu s'est manifesté au début du mois de novembre dernier : le sol s'est affaissé progressivement, puis la terre est tombée d'un coup sec, laissant un trou atteignant deux mètres de profondeur. Peu de temps après, ont eu lieu les premières évacuations et, finalement, ce sont quarante-trois familles qui ont dû, la mort dans l'âme, abandonner leur domicile.
Les témoignages des sinistrés que j'ai entendus ces derniers jours traduisent à la fois l'amertume, le doute et l'inquiétude auxquels ils sont en proie : « On a juste fini de payer notre maison. On pensait finir notre vie dans la tranquillité ». « Je pense à mes parents et à ce qu'ils ont vécu en 1940. « J'ai fait pour plus de 350 000 francs de travaux dans ma maison ; huit jours après la fin du chantier, on me dit de partir, je suis écoeuré ». « Nous voulons être assurés qu'on ne sera pas obligé de payer un double loyer ».
C'est pour répondre à ces personnes et dissiper leurs craintes que nous discutons aujourd'hui. Le long combat livré par les sinistrés d'Auboué et de Moutiers pour qu'un accord amiable d'indemnisation se concrétise nous a prouvé les insuffisances de l'actuel code minier.
Par ailleurs, les galeries situées sous ces cités ne sont plus exploitées depuis le début du siècle, et on peut penser que l'insuffisance des précautions prises avant l'ennoyage, la durée de surveillance trop réduite et le défaut de travaux effectués à l'époque par l'exploitant ont accéléré le processus d'affaissement. Quoi qu'il en soit, les élus et la population des communes minières vivent dans une certaine inquiétude.
Les risques ont été mis en évidence et chacun sait désormais qu'un tel phénomène peut frapper à tout moment dans les zones situées en surface d'une concession ou d'une ancienne concession minière. Les élus et la population du bassin ferrifère pensent qu'il est urgent de légiférer rapidement et efficacement sur l'après-mine.
Plusieurs propositions de loi avaient été déposées dans ce sens à l'Assemblée nationale et nos collègues Jean-Paul Delevoye, Claude Huriet et Jean-Luc Bécart avaient fait de même au Sénat. J'avais, quant à moi, déposé une proposition de loi au début de l'année 1998. Le rapport de M. Jean-Marie Raush reprend ces propositions. Or, entre-temps, le Gouvernement a marqué clairement sa volonté de légiférer rapidement sur l'après-mine.
Dans le cadre du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, il a en effet décidé d'engager un programme ambitieux de gestion de l'après-mine dans les bassins miniers et sidérurgiques de Lorraine. Ce programme comporte un ensemble de mesures d'urgence qui seront mises en place dès cette année et complétées dans les prochains contrats de plan.
Parmi les cinq grands axes de ce projet, je retiendrai celui qui nous intéresse toutes et tous aujourd'hui et qui tend au renforcement des dispositions en matière de gestion des risques miniers et de constructibilité.
Ainsi, afin d'améliorer la sécurité des populations, il a été décidé de créer un plan national de recherche et de développement sur la sécurité des ouvrages souterrains. Un service d'expertise et d'appui aux administrations fera appel aux experts du bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, et de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS. Par ailleurs, le renforcement des réseaux de surveillance en matière de risques miniers et de systèmes d'information géographique sera mis en place sur l'ensemble du bassin. De plus, le CIADT a donné son accord à la rédaction d'une directive territoriale d'aménagement, sur proposition du préfet, pour les bassins miniers nord-lorrains, afin de renforcer les prescriptions en matière de constructibilité, de prévention des risques et d'aménagement du territoire. Celle-ci est en cours d'établissement.
D'autre part, la volonté du Gouvernement est apparue dans le cadre du projet de loi que vous avez présenté, monsieur le secrétaire d'Etat, visant à réformer un code minier qui, nous en sommes tous d'accord, présente certaines insuffisances en termes techniques, juridiques et financiers.
Cette initiative mérite d'être soulignée, car c'est la première fois qu'un gouvernement décide de légiférer dans ce sens. La réforme du code minier de 1994 était d'initiative parlementaire et demeure imprécise, notamment en ce qui concerne le contenu du principe de réparation intégrale des dégâts causés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de loi présente des avancées très intéressantes et novatrices quant à la dévolution de responsabilité de l'exploitant après la fin de l'exploitation des sites miniers. Il est responsable quant à l'expression de la solidarité de l'Etat à l'égard de l'indemnisation des propriétaires de biens immobiliers qui avaient signé la « clause minière » exonérant de sa responsabilité l'exploitant en cas de dommage à la suite d'affaissements miniers.
Ainsi, désormais, l'Etat pourra assurer l'indemnisation de ces victimes qui, jusqu'à présent, n'avaient aucune possibilité de recours contre l'exploitant minier. Mais, dans le cas où la mise en jeu de la responsabilité civile de l'exploitant minier peut être établie, il appartiendra à celui-ci d'indemniser ses victimes.
De plus, monsieur le secrétaire d'Etat, selon votre expression, ce projet de loi se veut constructif sur deux sujets essentiels : la surveillance des risques résiduels de l'activité minière au départ de l'ancien exploitant, qui sera alors assurée par l'Etat, et la mise en place de plans de prévention des risques miniers analogues à ceux des risques naturels fixant, le cas échéant, les servitudes ou les interdictions pour les constructions.
Par ailleurs, nous savons tous que la gestion des eaux, après la fermeture de la mine, peut impliquer le fonctionnement d'un certain nombre d'installations de pompage d'exhaure. C'est pourquoi votre projet de loi contraint l'ancien exploitant à procéder à la dévolution aux collectivités locales qui le souhaitent des investissements déjà réalisés pour assurer un régime normal des eaux.
Bien entendu, une nouvelle procédure d'abandon des travaux est prévue en cas d'arrêt des exploitations minières : il s'agit de renforcer les obligations pesant sur l'exploitant minier. Ainsi, le préfet pourra prescrire à l'exploitant des études d'impact, afin de financer les investissements et le coût de fonctionnement durant les dix premières années des installations nécessaires à la surveillance permanente des sites miniers.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pour nous, élus des régions minières, les mesures proposées dans le cadre du CIADT, ainsi que celles qui figurent dans votre projet de loi demeurent insuffisantes, bien que votre texte représente une avancée juridique incontestable.
Aujourd'hui, il importe de légiférer rapidement. A ce titre, il me semble important de préciser que votre texte a reçu l'accord du Conseil des mines et du Conseil d'Etat. Ainsi, en cas d'adoption par le Sénat aujourd'hui et le 11 février prochain par l'Assemblée nationale, il sera immédiatement opérationnel, tout en allant à l'essentiel.
Nous souhaitons aller vite et ce texte réalise un consensus minimum, tout en évitant que les requêtes se multiplient pour rendre la loi inapplicable.
Nous sommes persuadés, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre texte pourra évoluer sur plusieurs points et faire l'objet d'améliorations ultérieures, s'agissant notamment des obligations administratives susceptibles d'être édictées à l'exploitant - notamment au moment de l'arrêt des travaux - de la notion de défaillance de l'exploitant ou du titulaire du titre minier, ou encore du transfert de compétence à la juridiction administrative pour statuer sur les recours et dispenser la victime de faire un recours préalable.
A l'avenir, nous pensons qu'il faudra étendre la nullité des clauses qui exonèrent de responsabilité l'exploitant pour les dommages liés à son activité minière à l'ensemble des contrats de mutation immobilière. De plus, il faudra que l'indemnisation des dommages soit assurée par l'Etat lorsqu'une clause a été insérée avant la loi du 15 juillet 1994.
Concernant le transfert aux collectivités des installations hydrauliques après la fermeture des mines, des précisions complémentaires pourront être apportées. Il faudra aussi introduire la possibilité d'engager la procédure d'arrêt définitif des travaux à la demande des collectivités et compléter le recensement des risques susceptibles de subsister après l'arrêt des travaux.
La notion de risque, quant à elle, pourra être redéfinie plus précisément, car l'activité minière est susceptible de générer des risques autres que ceux qui sont relatifs aux affaissements de terrain et aux dégagements gazeux.
La détermination du montant des indemnités versées au propriétaire dont le bien est exproprié en raison des risques miniers le menaçant pourra être complétée, par exemple, en calculant ce montant sur la base de la valeur de reconstruction à neuf du bien exposé au risque.
Enfin, s'agissant des risques miniers, la stricte transposition de la législation relative aux risques naturels n'est, de toute évidence, pas appropriée. Il conviendra donc de mettre en place un dispositif juridique adapté à la prévention des risques miniers en instituant, par exemple, un zonage en fonction des risques encourus, en limitant l'aggravation des risques ou la création de nouveaux risques.
Pour conclure, il importe aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de venir en aide rapidement aux sinistrés. C'est l'objet de nos propositions de loi, c'est aussi celui du projet de loi du Gouvernement. Un compromis rapide est nécessaire pour gérer une situation de crise en tenant compte des réalités sociales.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de remercier Jean-Marie Rausch du travail qu'il a accompli au sein de la commission, et de remercier aussi tous les parlementaires qui, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, ont déposé des propositions de loi sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui. Je pense à Gisèle Printz, à Claude Huriet, à Jean-Luc Bécart. Ce consensus de l'ensemble des parlementaires démontre la réalité d'un problème que vous avez d'ailleurs souhaité vous-même aborder, monsieur le secrétaire d'Etat, par le biais d'un projet de loi.
Je veux encore remercier l'association des communes minières, qui, sur ce sujet, fait preuve de beaucoup de compétences, ses membres vivant au quotidien les difficultés sur le terrain. Sa contribution intellectuelle est elle aussi tout à fait intéressante.
Personne ne peut contester que l'histoire minière a permis à notre pays d'extraordinaires avancées technologiques - elles sont reconnues dans le monde entier - et de grandes avancées sociales, au prix d'ailleurs de luttes importantes. Elle a sculpté les mentalités, enraciné des cultures, structuré des territoires et suscité la fierté d'un pays.
Cette histoire ne peut s'achever avec la fermeture des puits et l'arrêt de leur exploitation. Notre pays ne peut avoir puisé toute son énergie et alimenté son développement dans les richesses souterraines de certains de ses territoires puis, après les avoir épuisées, laisser ces territoires panser seuls les blessures liées à cette exploitation.
Il est de la grandeur et de la noblesse de la France, me semble-t-il, de répondre à cette exigence du xxie siècle qui est de concilier l'industrie et son évolution avec les contraintes environnementales.
Notre pays se doit de montrer l'exemple, et des solutions doivent être trouvées afin de combattre ces dérives que nous constatons aux quatre coins de la planète et qui menacent notre devenir.
Cela correspond, bien évidemment, à la légitime revendication des élus et des populations de ces régions minières, ou ex-minières, qui, après avoir vu disparaître leurs métiers - donc leur devenir -, ne peuvent supporter aujourd'hui de voir leur avenir menacé, tant pour leur patrimoine que pour leur sécurité.
Il nous faut donc apporter des réponses, et chacun en est conscient, puisque, de toutes parts, fusent des propositions de loi et que vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous proposez de discuter d'un projet de loi.
Lorsqu'on parle politique, l'analyse doit porter sur les moyens juridiques, sur les moyens financiers et sur les moyens techniques.
En ce qui concerne l'histoire minière, je crois qu'il faut là aussi - et peut-être plus qu'ailleurs - faire preuve de volonté politique, celle-ci devant s'appuyer sur des principes. Il nous faut gérer proprement - je dirai même dignement - la fin de l'exploitation minière en affirmant la nécessité de la prévention et de la gestion des risques mais aussi la responsabilité minière, et donc l'implication de l'Etat, qui ne peut, aujourd'hui, laisser les populations subir un préjudice et rendre les communes responsables des conséquences.
C'est la raison pour laquelle je souscris aux propositions de la commission. Il nous faut affirmer le principe de la nullité des clauses d'exonération et de responsabilité.
Certes, je sais que vous ouvrez vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, un débat sur la rétroactivité.
Cette notion, pourtant, est acceptable sur le plan juridique. La Cour de cassation a en effet considéré, dans un arrêt du 27 avril 1988, que le législateur peut adopter un texte expressément rétroactif. Lorsqu'il le fait, cela s'impose donc aux juges.
La rétroactivité est aussi acceptable sur le plan constitutionnel : rien n'interdit au législateur, qui est à l'origine des lois ordinaires, de voter des lois rétroactives, et vous savez très bien qu'il existe quelques exemples en la matière.
Mais, au-delà des considérations juridiques et constitutionnelles, la rétroactivité me paraît surtout être une exigence morale. La rétroactivité fait peur à celui qui doit payer parce qu'il n'a pas de capacité d'évaluation du risque ; mais si une telle crainte existe, c'est bien qu'il y a risque ! Dès lors, est-il moral de tenter de protéger la collectivité nationale de ce risque en laissant les seules collectivités locales ou les individus l'assumer ?
Au regard de ce principe de rétroactivité, une évolution est toutefois possible, monsieur le secrétaire d'Etat. Tel sera le cas si vous nous donnez la garantie de l'Etat que tous les préjudices qui sont la conséquence de l'exploitation minière seront pris en compte.
Se posera probablement, alors, la question du financement. M. le rapporteur a proposé une taxe sur le tabac. Cela me semble quelque peu classique. A titre purement personnel, considérant que notre pays a tiré toutes ses ressources de l'énergie charbonnière - s'agissant de l'énergie nucléaire, nous avons su prévoir l'amortissement et le renouvellement des centrales - je ne serais pas choqué qu'une partie d'une taxation sur l'énergie soit consacrée à la prévention et à la gestion des risques.
Certes, il s'agirait d'une taxation supplémentaire, mais au nom de quoi devrions-nous être choqués si, très légitimement, l'énergie permet de faire face aux conséquences de l'énergie ?
Vous allez ouvrir un débat, monsieur le secrétaire d'Etat. Je n'y suis pas hostile. La question principale est de savoir quelles assurances apporter à celles et à ceux qui, au regard de la morale, ne peuvent pas subir personnellement sur leur patrimoine, les conséquences de l'exploitation minière.
Il nous faut aussi afficher le principe de l'indemnisation de la remise en état ou de la reconstruction à neuf, sans vétusté.
Je partage l'avis de la commission, qui a souhaité étendre ce principe aux commerçants, aux artisans et aux professions libérales.
Vous posez, monsieur le secrétaire d'Etat, le principe de la garantie du maintien du confort. Là encore, il peut y avoir discussion. Il convient toutefois d'avoir une définition très claire des principes et des moyens à mettre en place.
En ce qui concerne la prévention et la surveillance des risques miniers, nous sommes très attachés à la transparence, qui est une exigence moderne de la démocratie et du partenariat.
Aujourd'hui, lorsqu'une administration, aussi noble soit-elle, veut se refermer sur elle-même, le sentiment d'opacité peut engendrer un fantasme qui fait que, parfois, un risque minime prend une ampleur tout à fait démesurée.
Je ne vois pas pourquoi ce qui vaut pour certains domaines de l'environnement - je pense notamment à l'exploitation des décharges -, à savoir la participation d'associations de consommateurs, d'usagers, d'élus, de fonctionnaires à la prévention et à la gestion des risques, ne vaudrait pas pour l'exploitation minière.
Enfin, le régime de la police des mines n'est, à l'évidence, plus du tout adapté ; il apparaît même très dangereux pour les collectivités locales par rapport à d'autres textes relatifs à la police de l'environnement.
Nous devons donc toiletter les textes, les récrire. Voilà pourquoi nous estimons nécessaire ce délai de cinquante ans, qui ne pourrait être, bien évidemment, réduit qu'à la demande des collectivités locales.
Il nous faut, là aussi, réfléchir au transfert des patrimoines aux collectivités locales et aux conséquences de ce transfert.
Dans le projet de loi, monsieur le secrétaire d'Etat, vous abordez - ce que ne fait pas la commission - la question des eaux. Vous indiquez même que vous pourriez assumer le coût de fonctionnement pendant dix ans.
En fait, nous devrions poser un certain nombre de principes. Vis-à-vis des industriels et des agriculteurs, notamment, l'Etat affiche le principe du pollueur-payeur ; ce principe, il doit se l'appliquer à lui-même. La formulation en est très simple : au-delà des aspects juridiques, réglementaires et financiers, celui qui, à un moment donné, a pu s'enrichir en dégradant l'environnement doit en supporter les conséquences jusqu'à la disparition des effets constatés et des préjudices subis.
Au-delà, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement devrait engager une réflexion, certes, sur l'évolution du code minier, mais aussi sur la notion d'urbanisme du sous-sol, qui n'existe pas et qui mériterait d'être élaborer en prenant en compte les responsabilité des uns et des autres.
Le dernier principe, qui ne figure pas non plus dans le projet de loi, c'est qu'il n'est pas possible d'afficher que la fin de l'exploitation minière signifie la fin de vie pour les territoires sur lesquels ou sous lesquels elle s'est déroulée.
En effet, au moment où nous devons réfléchir à une politique d'aménagement du territoire, s'il convient, bien sûr, d'affirmer le principe de solidarité - c'est l'objet de nos propositions - dans le traitement des handicaps, il faut aussi insister sur les potentialités de développement de ces territoires, qui ont une culture industrielle, une qualité de main-d'oeuvre, des infrastructures et une capacité de mobilisation fabuleuses.
En même temps que le Parlement traite du problème de la gestion des conséquences de l'exploitation minière, il doit donc, au titre de l'aménagement du territoire, au moyen de fonds de reconversion, de fonds de mobilisation, assurer l'avenir d'un territoire qui a fait la fierté du pays hier et qui a tout pour la faire encore demain. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Percheron.
M. Daniel Percheron. Il était temps, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous veniez à ce rendez-vous qu'ont fixé des initiatives sénatoriales et que le poids et le drame des images de ces derniers mois nous font mieux comprendre.
Il était temps que, au nom de l'Etat, vous vous exprimiez avec autant de netteté, de clarté et de solidarité.
M. Jean-Claude Gaudin. Et de talent !
M. Daniel Percheron. Bien sûr, la mémoire du risque s'est estompée, comme l'a excellement dit M. le rapporteur, et parfois même la mémoire tout court.
Les excellentes interventions de M. le secrétaire d'Etat et des élus des zones minières me dispenseront de revenir sur ce qu'ils ont parfaitement dit. Je me bornerai donc à évoquer deux ou trois points que nous estimons essentiels.
Il est clair que les communes minières sont structurellement les plus pauvres de France ; à population égale, elles ont des ressources nettement inférieures à la moyenne des communes françaises. Il s'agit de zones de conversion ou de conversion future qui souffrent, on souffert et continueront, hélas ! de souffrir.
Il s'agit aussi - vous l'avez dit, monsieur le président de l'Association des maires de france - de territoires qui sont intimement liés à l'histoire du mouvement ouvrier, aux luttes qui ont structuré la société française d'aujourd'hui, notamment dans le domaine de la protection sociale et de la solidarité.
La tonalité de mes propos sera celle d'un élu du Nord - Pas-de-Calais, moins frappé aujourd'hui par les affaissements et les drames humains, mais qui vit l'immense silence de l'après-mine dans une relative indifférence du pays - c'est logique, tant l'actualité est abondante ! - et, jusqu'à présent, dans une relative indifférence de l'Etat.
Et puisque je parle de l'Etat, je veux vous donner acte de son évolution fondamentale, et donc de sa position actuelle, monsieur le secrétaire d'Etat, en prenant deux repères que vous n'avez certainement pas tout de suite présents à l'esprit.
Voilà onze ans, monsieur Delevoye - M. Méhaignerie était alors ministre de l'aménagement du territoire - l'ingénieur principal Lacaze expliquait, dans un rapport d'une cohérence absolue et, même si cela nous révoltait, d'une grande force intellectuelle, que les villes minières n'étaient pas des villes comme les autres, qu'à la fin de l'extraction elles devaient disparaître, à l'exemple de ce qui se passe aux Etats-Unis. Et puisqu'elles devaient disparaître, il proposait que le Gouvernement invente dans les zones minières le resserrement urbain, qui se serait traduit par la fin du statut urbain pour la plus grande partie des communes minières.
Il proposait qu'une loi permette d'inventer, disait-il, la destruction des villes puisqu'aussi bien une loi avait permis - il pensait aux villes nouvelles - la création des villes. Nous étions loin du discours prononcé par M. Pierret tout à l'heure !
Plus récemment, en 1995, il a fallu que l'association des communes minières et que la présidente du conseil régional portent plainte auprès du tribunal administratif pour que le préfet de la région Nord - Pas-de-Calais soit condamné pour avoir signé en toute discrétion, sans aucune transparence, la fin de la concession d'Aniche, qui faisait mettre la clé sous la porte, qui faisait l'impasse sur les risques miniers et qui laissait la commune d'Aniche, le département du Nord et la région du Nord - Pas-de-Calais totalement démunis, malgré la loi de juillet 1994, face à la sortie de concession et face à l'après-mine.
Je me réjouis donc à la fois du discours ministériel et du consensus qui apparaît aujourd'hui. Il convenait, en tout cas, de dire au secrétaire d'Etat que ses propos, de par leur clarté et leur netteté sont allés directement au coeur des élus du bassin minier.
S'agissant de l'indemnisation, qui est un point essentiel, nous souhaitons qu'intervienne l'accord le plus total. M. le secrétaire d'Etat a eu des arguments forts. Quant aux sénateurs, ils ont travaillé très sérieusement.
Nous voulons que l'indemnisation soit la plus rapide possible - c'est essentiel - la plus juste possible, et qu'elle permette aux populations tout simplement de continuer à vivre dignement, que ce soit à Auboué ou, un jour peut-être, à Sallaumines, à Méricourt ou à Lens - nous ne sommes pas à Neuilly, nous le savons !
Et puisqu'on a fait d'immenses efforts dans les banlieues et les zones franches, il ne faudra pas oublier, non plus les acteurs économiques - professions libérales, artisans, commerçants - qui ne sont pas si nombreux dans les communes minières et qui doivent bénéficier aussi de la solidarité de l'Etat.
Sur le principe d'une indemnisation garantie par l'Etat, nous pouvons vraisemblablement tous nous mettre d'accord.
Pour ce qui est de l'agence de surveillance des risques miniers et de prévention, vous me semblez réticent, monsieur le secrétaire d'Etat. A mon avis, elle doit s'inscrire dans cette politique, fondamentalement intéressante et à laquelle, aujourd'hui, tout le monde souscrit, du développement durable, et, comme Jean-Paul Delevoye, j'estime que la prévention et la surveillance des risques miniers doivent faire toute leur place aux élus sur le terrain.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous craignez une dérive bureaucratique...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Tout à fait !
M. Daniel Percheron. ...et des dépenses supplémentaires. Pourquoi, compte tenu de cette volonté de développement durable, de cette volonté de transparence - je faisais allusion, tout à l'heure, à la discrétion du préfet voilà quelques années - ne pas envisager une régionalisation, voire, au moment de la signature des contrats de plan, une contractualisation qui ferait que les principaux acteurs seraient partie prenante de la prévention et de la surveillance des risques miniers ?
Dans notre région du Nord - Pas-de-Calais, un million de personnes et deux cent soixante communes sont concernées, sur cent kilomètres de long et trente kilomètres de large. Cela vaut la peine qu'on y réfléchisse !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Tout à fait !
M. Daniel Percheron. Compte tenu de leurs compétences en matière d'aménagement du territoire, les conseils régionaux ne devraient pas être opposés à une telle innovation, que nous pourrions, bien sûr, préciser.
On l'a dit, l'avenir des villes minières, des bassins miniers, n'est pas seulement dans l'indemnisation, dans la surveillance ou la vigilance, il est aussi dans le développement des projets.
Je vous ai bien entendu, monsieur Delevoye, parler de futurs fonds. Je regrette - je le dis à l'ancien ministre de l'aménagement du territoire qu'est M. Gaudin, ici présent - que les fonds d'industrialisation et de développement du bassin minier du Nord - Pas-de-Calais soient passés de 200 millions de francs, en 1993, à 35 millions en 1997.
Il n'est pas trop tard pour corriger ces erreurs. Vous êtes sur le bon chemin, monsieur le secrétaire d'Etat, et, que ce soit pour le code minier ou pour cet engagement tout à fait nouveau et tout à fait clair de l'Etat, nous vous faisons confiance. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord me féliciter de la qualité de ce débat et remercier l'ensemble des groupes du Sénat pour l'esprit de responsabilité dont ils ont fait preuve sur le sujet qui fait l'objet de nos préoccupations ce matin.
Quelques traits essentiels me paraissent caractériser ce débat.
D'abord, vous avez les uns et les autres unanimement reconnu que c'est la première fois qu'un gouvernement traite avec autant d'ampleur les conséquences des affaissements miniers et de la modification du régime des eaux - le rôle des collectivités locales a été évoqué par le président de l'Association des maires de France, et je l'en remercie - et ce d'une manière globale, grâce à la convergence entre les analyses du Sénat et celles du Gouvernement, qui ont leur traduction dans le projet de loi que j'ai présenté en conseil des ministres la semaine dernière.
Ensuite, je veux remercier Mmes et MM. les sénateurs - qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition sénatoriale - d'avoir bien voulu souligner que, dès ma prise de fonctions au secrétariat d'Etat à l'industrie, je me suis attaché à résoudre, en déléguant des crédits importants, la question de l'indemnisation de celles et de ceux qui, depuis 1996, attendent qu'une solution concrète et pragmatique soit apportée à leurs problèmes humains.
Par ailleurs, vous avez tous constaté, comme moi, le poids des réalités humaines. Mme Printz, avec beaucoup de brio et de sensibilité, a dépeint, par quelques exemples concrets tirés de son expérience en Lorraine, la réalité pesante et - je pense que le trait n'est pas trop fort - dramatique de la situation d'un certain nombre de familles.
Plusieurs centaines de familles voient aujourd'hui l'épargne d'une vie, leurs travaux personnels, leurs espoirs, leur vie quotidienne, anéantis, déchirés, brisés par des événements extérieurs auxquels ne peut être apportée qu'une réponse collective, celle des communes et de l'Etat. Mais l'Etat, quoi qu'il fasse, ne pourra jamais totalement apaiser cette profonde détresse, cela a été dit.
Le Sénat et le Gouvernement ne peuvent que prendre en compte cette situation économique, sociale et locale.
J'ai souligné, dans la communication que j'ai faite au conseil des ministres en janvier 1998 et dans le commentaire qui a accompagné la présentation du projet de loi, voilà quelques jours, le problème très grave du régime des eaux : la modification du régime des eaux superficielles, des eaux souterraines, de l'adduction d'eau, de la pollution. Cette question fondamentale concerne, en effet, l'environnement ; M. Bécart l'a souligné, à juste titre. D'ailleurs, on ne connaît pas encore aujourd'hui la véritable ampleur du problème qui se pose aux collectivités locales.
Nous sommes d'accord, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les grands principes de l'indemnisation : l'indemnisation est nécessaire ; elle doit être rapide ; elle doit viser à bien colmater les brèches personnelles, sociales et économiques qui affectent aujourd'hui la situation des sinistrés.
Nous sommes également d'accord sur l'extension de la responsabilité des anciens exploitants miniers, sur la détermination claire, manifeste, de leur responsabilité au regard du droit civil et de l'ensemble des dispositifs juridiques, lesquels doivent affirmer que ceux-ci ont encore, après l'exploitation, une véritable responsabilité.
Nous sommes d'accord aussi pour aller vite. Il faut qu'à l'issue de cette séance - tel est le voeu du Gouvernement - puisse être transmis à l'Assemblée nationale un texte qui organisera concrètement, pour les sinistrés, une indemnisation acceptable.
Nous sommes d'accord pour que les grands principes du droit - le droit civil, le droit administratif - soient préservés dans notre démarche.
Nous voulons enfin - je m'adresse à M. Delevoye, car je suis sûr que le souhait du Gouvernement converge avec le sien - que notre démarche de ce matin respecte l'objectif économique unanimement accepté de stabilité des prélèvements obligatoires. Créer de nouvelles taxes ou de nouveaux prélèvements sur l'énergie ou sur d'autres biens économiques irait à l'encontre des objectifs d'une gestion budgétaire, fiscale et économique qui vise au respect de l'impératif absolu de stabilité puis de décroissance des prélèvements obligatoires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai pour conclure qu'il nous faut maintenant avancer.
Le Gouvernement est prêt à faire les efforts de flexibilité nécessaires dans le cadre qui a été fixé par le projet de loi et par le conseil des ministres, pour accomplir un grand pas en direction du Sénat. Aussi, je me permets de solliciter une approche positive, dynamique et pragmatique de votre part, pour que nous puissions faire converger nos analyses. Ainsi, grâce à l'initiative des sénateurs de l'ensemble des groupes composant la Haute Assemblée, grâce aussi à l'écoute attentive du Gouvernement et à son esprit ouvert, pourrons-nous parvenir en fin de matinée à un texte satisfaisant.
Les sinistrés nous regardent, ils nous écoutent et ils ont besoin de nous. Rassemblons nos énergies pour les satisfaire.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-Pierre Rausch, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. Monsieur le président, compte tenu des éclaircissements et des précisions que vient de nous apporter M. le secrétaire d'Etat, je demande une suspension de séance pour réunir la commission.
M. le président. Cette suspension est de droit.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures quarante-cinq.)