Séance du 26 janvier 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Décision du Conseil constitutionnel
(p.
1
).
3.
Egalité entre les femmes et les hommes.
- Adoption d'un projet de loi constitutionnelle (p.
2
).
Discussion générale : Mmes Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la
formation professionnelle ; MM. Guy Cabanel, rapporteur de la commission des
lois ; Jacques Larché, président de la commission des lois ; Mme Dinah Derycke,
M. Philippe Richert.
Suspension et reprise de la séance (p. 3 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
MM. Christian Bonnet, Yvon Collin, Patrice Gélard, Mme Odette Terrade, M. Henri
Weber, Mme Anne Heinis.
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
MM. Alain Vasselle, Michel Duffour, Mmes Marie- Madeleine Dieulangard, Janine
Bardou, Monique Cerisier-Ben Guiga, M. Bernard Plasait, Mme Danièle Pourtaud,
MM. le rapporteur, Robert Badinter.
Mme le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.
Article additionnel avant l'article unique (p. 4 )
Amendement n° 5 de M. Charasse. - M. le président de la commission. - Réserve.
Article unique (p. 5 )
M. Jean-Luc Mélenchon.
M. le président. - Retrait de l'amendement n° 5
(précédemment
réservé).
Amendement n° 1 rectifié de la commission et sous-amendements n°s 6 rectifié de
M. Charasse, 2 de M. Bonnet et 3 de M. Fauchon ; amendement n° 4 rectifié
bis
de M. Charasse. - MM. le rapporteur, Michel Charasse, Christian
Bonnet, Pierre Fauchon. - Retrait de l'amendement n° 4 rectifié
bis.
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
Mme le garde des sceaux, Mme Dinah Derycke, MM. Jean-Philippe Lachenaud, le président, Robert Badinter, Michel Charasse, Patrice Gélard, Yann Gaillard, Paul Girod, Michel Pelchat, le président de la commission, Alain Vasselle, Robert Bret. - Rejet du sous-amendement n° 6 rectifié, le scrutin public sur le sous-amendement n° 2 donnant lieu à pointage.
Suspension et reprise de la séance (p. 6 )
Rejet, par scrutin public après pointage, du sous-amendement n° 2.
M. Pierre Fauchon. - Retrait du sous-amendement n° 3.
MM. Jean-Louis Lorrain, Robert Badinter, Paul Girod, Mme Hélène Luc, MM.
Philippe Adnot, Patrice Gélard, Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Emmanuel
Hamel, le rapporteur, Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Adoption, par scrutin public à la tribune, de l'amendement n° 1 rectifié
rédigeant l'article unique du projet de loi constitutionnelle.
4.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
7
).
5.
Retrait d'une proposition de loi
(p.
8
).
6.
Dépôt d'une proposition de résolution
(p.
9
).
7.
Dépôt d'une proposition d'acte communautaire
(p.
10
).
8.
Dépôt d'un rapport
(p.
11
).
9.
Ordre du jour
(p.
12
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures trente.)1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel,
par lettre en date du 22 janvier 1999, le texte de la décision rendue par le
Conseil constitutionnel, en application de l'article 54 de la Constitution,
concernant le traité portant statut de la Cour pénale internationale.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel a été publiée au
Journal
officiel,
édition des lois et décrets.
3
ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES
ET LES HOMMES
Adoption d'un projet de loi constitutionnelle
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle (n°
130, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité entre
les femmes et les hommes. [Rapport n° 156 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, l'Assemblée nationale a adopté, le 15
décembre dernier, à l'unanimité des suffrages exprimés, tous groupes politiques
confondus, le projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité des femmes et
des hommes qui est soumis à votre discussion aujourd'hui.
Ce texte a pour objet d'introduire dans notre Constitution l'objectif de la
parité entre les femmes et les hommes dans les mandats électoraux et les
fonctions électives. Il concrétise ainsi la volonté du Premier ministre,
approuvé en cela par le Président de la République, de moderniser notre
démocratie en donnant toute leur place aux femmes dans la vie publique.
Je souhaiterais d'abord vous rappeler que, pour donner un contenu concret à
l'égalité des femmes et des hommes dans l'accès aux mandats et fonctions
politiques, une révision constitutionnelle est nécessaire pour des raisons que
je vais expliciter.
Après avoir précisé le contenu et la portée de cette modification
constitutionnelle, je voudrais vous indiquer pourquoi le Gouvernement ne peut
accepter l'amendement de votre commission des lois.
La nécessité de réviser la Constitution résulte d'abord du constat que l'on
peut faire sur la place des femmes dans la vie politique.
Personne ne conteste aujourd'hui l'idée que les femmes devraient être plus
présentes dans les assemblées élues et qu'elles devraient être plus nombreuses
à exercer des fonctions électives.
Depuis la Révolution française, nombre de femmes, parfois au prix de leur vie,
se sont battues pour que soient reconnus leurs droits de femmes et de
citoyennes.
Depuis une cinquantaine d'années, les femmes se sont efforcées pied à pied de
conquérir leur indépendance.
Simone de Beauvoir - on célèbre cette année le cinquantième anniversaire de la
parution du
Deuxième sexe
- y a contribué considérablement.
Les femmes ont pu accéder, depuis la fin du siècle dernier, à l'éducation, à
la culture. Plus récemment, elles se sont libérées du carcan juridique que leur
avait imposé le code civil napoléonien. Désormais, elles peuvent disposer
légalement du fruit de leur travail et décider librement de leur vie. A cet
égard, l'évolution législative des années soixante-dix a été décisive.
Elles peuvent aussi recourir à l'interruption volontaire de grossesse grâce au
courage et à l'obstination de Simone Veil, à qui je veux rendre hommage, et qui
a fait voter, en 1975, la loi à laquelle nous sommes toutes et tous
attachés.
Certes, bien du chemin reste à parcourir pour que l'égalité sociale et
professionnelle soit complète entre les femmes et les hommes. Je pense en
particulier à la question des salaires, mais aussi à la représentation
insuffisante de celles-ci dans les emplois de direction, et ce dans le secteur
privé comme dans le secteur public. Néanmoins, des progrès réels ont pu être
accomplis partout.
Il est pourtant un domaine où les choses ne se sont pas améliorées avec le
temps - et cela, bien que, à la Libération, le général de Gaulle et le Comité
de libération nationale aient donné le droit de vote aux femmes - c'est celui
de la place des femmes dans la vie politique.
Je tiens à le rappeler de nouveau, car nombreux sont nos concitoyens qui
l'ignorent encore, surtout les jeunes, sans doute parce qu'ils ne peuvent même
pas l'imaginer : la France est, avec la Grèce, la lanterne rouge des pays
européens en ce qui concerne la représentation des femmes au Parlement.
Alors que les pays scandinaves comptent 40 % de femmes parmi leurs députés,
les Pays-Bas 36 %, l'Autriche, l'Allemagne et l'Espagne 25 %, nous n'avons que
10,9 % de femmes à l'Assemblée nationale et - puis-je y insister ? - 5 % au
Sénat, soit 19 femmes sur 321 sénateurs.
Malheureusement, un constat de même nature doit être fait pour les assemblées
des collectivités locales et leur exécutif. Une seule femme est présidente d'un
conseil général et deux seulement président un conseil régional.
Cet écart entre la part des femmes dans la population et leur représentation
dans les assemblées politiques est à mes yeux choquant. Cette mise à l'écart
des femmes me semble un archaïsme que nous ne devons plus supporter.
Elle me paraît constituer un grave danger pour l'équilibre de notre
démocratie. Elle isole le monde politique du reste de la société. Elle engendre
un décalage, source d'incompréhensions. Ainsi que le soulignait le rapport
remis au Premier ministre en janvier 1997 par l'Observatoire de la parité, elle
conduit à une « démocratie inachevée ».
Néanmoins, force est bien de constater que, sur le plan juridique, les femmes
disposent en principe des mêmes droits que les hommes.
Depuis l'ordonnance du 21 avril 1944 - je le rappelais voilà un instant -
elles ont le droit de vote et sont éligibles dans les mêmes conditions que les
hommes.
Je rappelle également que le préambule de la constitution de 1946 - qui est
aussi celui de notre Constitution - proclame que « la loi garantit à la femme,
dans tous les domaines, des droits égaux à ceux des hommes ».
Personne ne contestera pourtant que, malgré ce principe constitutionnel,
l'égalité est restée en réalité lettre morte en politique.
Dans ce domaine, des résistances sociales, culturelles, psychologiques,
linguistiques font obstacle à ce que les femmes occupent toute leur place.
Bien sûr, je ne méconnais pas le travail qui a été fait, et que j'approuve,
dans le sens de l'égalité des hommes et des femmes. Ce travail a emprunté un
chemin fondamental qui consiste à ignorer la différence des sexes pour répartir
les places et les fonctions. Sans distinction de sexe, on doit pouvoir, dans
notre pays, et on peut en effet, devenir avocat, médecin, pilote d'avion,
informaticien, conducteur ou conductrice de bus...
La question qui est posée aujourd'hui est la suivante, et elle me paraît d'une
autre portée : cette stratégie qui a consisté à ignorer la différence des sexes
est-elle aujourd'hui la meilleure pour réaliser l'égalité des sexes au regard
des mandats et des fonctions politiques ?
A cette question, je réponds sans hésiter comme le fait la philosophe Sylviane
Agacinski : l'absence de prise en considération de la différence sexuelle en
politique a conduit à l'exclusion des femmes. L'universalisme abstrait qui ne
veut connaître que le citoyen, et non les hommes et les femmes, couvre un
sexisme de droit, comme en 1789, ou un sexisme de fait, comme aujourd'hui. Il
nous faut donc prendre en considération la différence sexuelle pour mettre fin
à l'exclusion des femmes de la vie politique.
C'est pourquoi je suis convaincue qu'il nous faut dépasser le cadre de
l'universalisme abstrait, qui ne veut connaître que le citoyen, et non les
hommes et les femmes. Je l'ai dit devant l'Assemblée nationale, je le redis
devant vous : la souveraineté doit s'incarner dans les deux moitiés de
l'humanité que sont les hommes et les femmes.
Je ne crois pas que ce soit renier l'universalisme. Je ne crois pas que ce
soit risquer de dévier vers le communautarisme car, à la vérité, on trouve des
femmes dans toutes les catégories. L'humanité étant composée pour moitié
d'hommes et de femmes, je crois que c'est une autre conception de
l'universalisme que nous proposons avec ce texte.
Or, pour adopter les mesures concrètes permettant de lever les barrières qui
empêchent aujourd'hui les femmes d'exercer pleinement leurs droits et leurs
responsabilités politiques, il est nécessaire, sur le plan juridique, de
réviser notre Constitution.
En effet, si l'on veut tendre vers l'objectif de parité dont a parlé le
Premier ministre, et si on estime, comme je le fais, que cet objectif est
souhaitable pour moderniser notre vie politique et renforcer la légitimité de
la politique, il apparaît que les mesures incitatives sont insuffisantes et que
les mesures législatives sont interdites.
Les mesures incitatives sont insuffisantes, on l'a vu, puisque la proportion
des femmes dans les assemblées politiques est restée à peu près la même que
celle qui existait en 1946.
Les mesures législatives sont interdites puisque, en 1982, le Conseil
constitutionnel a censuré une disposition de la loi portant réforme des
élections municipales qui limitait à 75 % les personnes du même sexe qui
pouvaient figurer sur une liste.
Se référant à l'article 3 de la Constitution et à l'article VI de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le Conseil
constitutionnel a fondé son invalidation sur le principe général selon lequel
il n'existe en droit français que des citoyens dont l'accès au droit de vote et
à l'éligibilité n'a de limites que l'âge, la nationalité et la capacité. Il a
donc jugé que l'instauration de quotas était inconstitutionnelle.
Il a confirmé cette jurisprudence, le 14 janvier dernier, à propos de la loi
relative au mode d'élection des conseillers régionaux, des conseillers de
l'assemblée de Corse et au fonctionnement de ces mêmes conseils. Seize ans
après, le Conseil constitutionnel a repris mot pour mot ce qu'il avait dit en
1982 : il maintient qu'aucune distinction ne peut être faite entre les
électeurs ou les éligibles en raison de leur sexe et il applique sa
jurisprudence relative aux quotas sans prendre en compte le fait que la
disposition censurée instituait non des quotas, mais la parité.
Bien entendu, je ne commenterai pas plus avant cette décision, mais elle donne
incontestablement raison à ceux qui, comme moi, pensent que cette jurisprudence
ne peut être surmontée que par une révision de la Constitution.
Il y a d'ailleurs au moins un point sur lequel je suis d'accord avec le
professeur Vedel, pour lequel j'ai le plus grand respect et que la commission
des lois du Sénat a entendu le 16 décembre dernier : comme il l'écrivait en
1992, « si les juges ne gouvernent pas, c'est parce que, à tout moment, le
Souverain, à condition de paraître en majesté comme Constituant, peut, dans une
sorte de lit de justice, briser leurs arrêts ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes, avec les députés, les
représentants du souverain. Vous pouvez donc, si vous le souhaitez, modifier la
Constitution. Il n'y a pas de gouvernement des juges dans notre pays, et, par
conséquent, vous pouvez dire, comme vos collègues de l'Assemblée nationale,
qu'il appartiendra désormais à la loi de déterminer les conditions dans
lesquelles est organisé l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et
fonctions publiques.
A partir du moment où l'on estime, ainsi que j'en suis profondément
convaincue, que la parité est souhaitable, il est nécessaire de changer la
Constitution, conformément au principe fondamental du gouvernement républicain
qui reconnaît au peuple le droit de changer la Constitution lorsqu'il la croit
contraire à son bonheur.
Je voudrais maintenant évoquer le bien-fondé de la révision constitutionnelle,
ainsi que le contenu et la portée du projet de loi constitutionnelle qui a été
adopté par l'Assemblée nationale.
S'agissant du contenu de celui-ci, l'objectif visé par le Gouvernement est
d'introduire la parité entre les femmes et les hommes dans la vie politique. Ce
concept, adopté d'abord par les militants écologistes et féministes, a été
repris par le Conseil de l'Europe au début des années quatre-vingt-dix. Il
implique que la répartition des hommes et des femmes dans les instances
politiques reflète leur répartition dans la population. J'insiste sur le fait
qu'il doit bien sûr être entendu non pas comme un principe arithmétique rigide,
mais comme un instrument que le législateur peut se donner pour faire en sorte
que l'égalité de droit entre les femmes et les hommes ait un contenu
concret.
Le Conseil des ministres avait choisi d'insérer à l'article 3 de la
Constitution, qui porte sur la souveraineté nationale, la disposition selon
laquelle « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et
fonctions ». L'objet de cette révision constitutionnelle est en effet
d'autoriser le législateur à fixer les conditions dans lesquelles l'égal accès
des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions pouvait être organisé.
Celui-ci doit pouvoir choisir les mesures qu'il estime appropriées, qu'il
s'agisse d'obligations ou d'incitations - j'insiste sur le fait que les deux
possibilités sont ouvertes - pour rendre effective l'égalité des femmes et des
hommes dans la vie politique.
La commission des lois de l'Assemblée nationale, tout en partageant totalement
les intentions du Gouvernement, a cependant retenu une autre rédaction. Elle a
souhaité substituer au verbe « favoriser », choisi par le Gouvernement, le
verbe « déterminer ». Le Gouvernement est convaincu de la pertinence de ce
choix, car le terme « favorise » pouvait apparaître comme péjoratif pour les
femmes. Il risquait de donner à croire que leur accession aux responsabilités
politiques résultait d'une faveur qui leur aurait été accordée par les hommes.
Ce n'est pas, bien sûr, l'intention du Gouvernement. Il est clair que la
révision doit conduire non pas à une préférence automatique donnée aux femmes,
mais évidemment à une reconnaissance de leurs qualités.
En outre, la commission des lois de l'Assemblée nationale pouvait estimer que,
en utilisant le terme « favoriser », le constituant entendait limiter la
liberté d'appréciation du Parlement. Certains parlementaires craignaient que la
formulation adoptée par le Gouvernement ne conduisît le Conseil consitutionnel
à contrôler, pour chaque loi, si le législateur avait bien favorisé l'égal
accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions
électives. Il est clair, dans l'esprit du Gouvernement, que le législateur doit
disposer de la liberté d'appréciation nécessaire pour retenir les mesures qu'il
juge adaptées tout en respectant, bien évidemment, les autres normes
constitutionnelles qui s'imposent à lui.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'est montré favorable à la
solution choisie par l'Assemblée nationale, qui permet de donner au législateur
la compétence pour intervenir, sans emporter d'obligation d'agir dans un sens
ou dans un autre ou d'employer une méthode plutôt qu'une autre.
Enfin, l'Assemblée nationale a souhaité préciser le champ d'application du
principe de l'égal accès des femmes et des hommes, en disant qu'étaient
concernés les mandats électoraux et les fonctions électives. Cela signifie
clairement que sont visées les élections à caractère politique, telles qu'elles
sont, par exemple, énumérées à l'article L.O. 141 du code électoral, qui ne
fait d'ailleurs pas de véritable distinction entre les expressions « mandats
électoraux » et « fonctions électives ».
Par ailleurs, le champ d'application de la disposition inclut aussi l'élection
des juges de prud'hommes, en vertu d'une décision du Conseil constitutionnel en
date du 17 janvier 1979, mais non l'élection des représentants des assurés
sociaux, en vertu d'une autre décision en date du 14 décembre 1982.
J'en viens maintenant à la portée de la révision constitutionnelle.
Je souhaiterais d'abord rassurer ceux qui craignent qu'elle ne conduise à une
dérive communautariste ouvrant à toute minorité, ethnique, géographique,
linguistique ou religieuse, le droit de réclamer des mesures de discrimination
positive en sa faveur. Il doit être bien clair que la révision qui vous est
proposée ne remet pas en cause le principe d'égalité entre citoyens conçu de
façon abstraite, sans considération de race, de religion, d'opinion ou de
catégorie.
En effet, les femmes ne sont ni une communauté ni une minorité. Elles sont
tout simplement la moitié de l'humanité. Le sexe est un état de la personne, il
ne saurait se réduire à une catégorie, car il transcende tous les groupes.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Par conséquent, l'instauration de la parité entre les
femmes et les hommes n'est pas de nature à justifier l'émission de
revendications paritaires par certaines catégories.
La révision constitutionnelle vise non à remettre en cause les principes de
1789 sur lesquels notre système politique est fondé, mais au contraire à leur
donner un contenu concret dans le domaine particulier de l'exercice des
responsabilités politiques par les femmes et les hommes. Faut-il d'ailleurs
rappeler que la Déclaration de 1789 n'a pas suffi à elle seule à abolir
l'esclavage, ni à faire reconnaître le droit de vote des femmes, et qu'il a
bien fallu, ensuite, élaborer des lois pour que ces principes fondamentaux
puissent être appliqués ?
(Applaudissements sur les travées socialistes et
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc.
Absolument !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
S'agissant de la position de la commission des lois du
Sénat, celle-ci propose, en premier lieu, d'inscrire la révision
constitutionnelle non pas à l'article 3 de notre Constitution, mais à son
article 4, et, en second lieu, de modifier profondément la rédaction du texte
adoptée par l'Assemblée nationale.
Je voudrais vous indiquer, mesdames, messieurs les sénateurs, pourquoi le
Gouvernement ne saurait être favorable à cette approche qui, à ses yeux, est
beaucoup trop réductrice.
S'agissant de l'insertion dans la Constitution de la modification proposée, je
rappellerai d'abord que le projet de révision constitutionnelle vise à
introduire dans notre ordre juridique l'idée fondamentale selon laquelle la
souveraineté s'incarne dans les hommes et les femmes, et non dans un citoyen
dénué de sexe. L'expérience a d'ailleurs prouvé que celui-ci est en réalité un
homme !
C'est pourquoi le Gouvernement considère, en accord avec le Président de la
République, qu'il est important d'inscrire l'objectif de parité à l'article 3
de notre Constitution, lequel traite des conditions d'exercice de la
souveraineté. Son insertion à l'article 4 le priverait de toute sa
signification philosophique.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
C'est d'ailleurs sans doute aussi pour cela que cette
modification est proposée.
Je rappellerai ensuite que la révision constitutionnelle qui vous est soumise
aujourd'hui s'inscrit dans un contexte juridique particulier. En effet, elle
est une réponse à la jurisprudence du Conseil constitutionnel que j'ai rappelée
tout à l'heure et qui, au nom d'une conception universelle du citoyen, a
interdit au législateur de tenir compte du sexe des candidats pour promouvoir
l'accès des femmes aux responsabilités politiques. Des deux décisions du
Conseil constitutionnel de 1982 et de 1999, il résulte à l'évidence qu'une loi
imposant des quotas ou des candidatures paritaires contredirait le principe
d'universalité du suffrage que la haute juridiction fait dériver clairement de
l'article 3 de la Constitution. Cette conception de l'universalité est celle du
Conseil constitutionnel, mais l'on peut en adopter une autre, car il n'existe
pas une définition unique de l'universalisme.
Le juge constitutionnel a fondé son raisonnement principalement sur l'article
3 de la Constitution et, accessoirement, sur l'article 6 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789. Il a en effet estimé que ces textes
s'opposaient à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles
pour tout suffrage politique. Si l'on souhaite moderniser notre vie politique
en assurant la participation effective des femmes, il est donc nécessaire de
modifier l'article 3 de la Constitution. L'inscription de la réforme à
l'article 3 n'a pas seulement une dimension philosophique, elle a aussi une
dimension juridique.
Je précise enfin que, en faisant porter la révision constitutionnelle sur le
seul article 3, le projet de loi qui est soumis au Sénat n'exclut en rien
l'adoption, que certains semblent souhaiter, de mesures concernant les partis
politiques, s'agissant notamment de leur financement public.
En effet, l'article 3 de la Constitution régit la souveraineté et le droit de
suffrage. Dans la mesure où les partis, aux termes mêmes de l'article 4, «
concourent à l'expression du suffrage », l'objectif de parité inscrit à
l'article 3 les concernera aussi. Il doit être bien clair que la modification
envisagée de l'article 3 de la Constitution autorise le Parlement à adopter,
s'il le souhaite, les mesures financières qu'il estimera appropriées pour
inciter les partis à ouvrir leurs candidatures aux femmes.
Le fait que la modification de l'article 3 autorise le législateur à adopter
des mesures d'incitation financière permet en outre de faire l'économie d'une
constitutionnalisation du financement public des partis. Est-il vraiment
souhaitable de constitutionnaliser ce financement public ? Je ne le crois
pas.
J'en viens maintenant au contenu de la nouvelle règle constitutionnelle.
Si je pense qu'il est contestable de vouloir inscrire celle-ci à l'article 4
de la Constitution, je crois qu'il est encore plus difficile d'accepter la
rédaction du texte retenue par la commission des lois du Sénat. Dire avec elle
que « les partis favorisent l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et aux fonctions électives », c'est reporter sur les seuls partis
politiques une vague obligation morale, en faisant totalement abstraction de la
compétence du législateur.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le constituant ne saurait prier les partis politiques
d'agir.
Mme Hélène Luc.
Bien sûr !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il ne peut qu'inviter le législateur à prendre ses
responsabilités.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Ainsi, non seulement l'amendement de la commission des lois insère la
révision constitutionnelle à l'article 4 de la Constitution réduisant le champ
d'extension de la réforme aux seuls partis politiques, mais, de plus, il leur
transfère la responsabilité de donner aux femmes la place qui leur revient dans
l'action politique.
Le législateur demeure dès lors dépourvu de moyen d'action, si ce n'est par
l'intermédiaire du financement public des partis.
Vous l'avez compris, je ne suis pas favorable à un tel système, qui conduit en
réalité à priver le législateur des moyens nécessaires à la mise en oeuvre de
la parité. Or, il est essentiel que la responsabilité de cette mise en oeuvre
pèse sur lui et non sur les partis. Comme l'a déclaré Mme Roselyne Bachelot,
dont je partage le sentiment,...
M. Hilaire Flandre.
Sur ce point !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Sur ce point comme sur d'autres, notamment le pacte
civil de solidarité, monsieur le sénateur !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Même combat
!
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Comme l'a déclaré Mme Roselyne Bachelot, disais-je, «
il faut bien établir que c'est la loi qui assure l'égal accès et que renvoyer à
l'organisation des partis relève d'une mauvaise appréciation des mécanismes qui
ont conduit à l'exclusion des femmes de la vie politique ».
M. Henri Weber.
Très juste !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Jusqu'à présent, lesdits partis, hormis sous
l'influence de certains responsables politiques, loin d'encourager les femmes
souhaitant s'engager, ont, au contraire, tout fait pour les empêcher d'exercer
des responsabilités.
Dois-je rappeler ce que disait le sénateur Bérard en 1919 pour justifier, si
l'on peut dire, que le droit de vote ne soit pas octroyé aux femmes ? Il
affirmait : « L'immense majorité des femmes de France, si vaillantes et si
pleines de bons sens
(Sourires sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen),
repousse le présent qu'on veut lui faire ;
l'immense majorité des femmes de France ne veut pas du bulletin de vote
(Nouveaux sourires sur les mêmes travées)
: elle estime qu'elle n'a pas à
quitter le foyer pour aller au forum, elle estime que la maison familiale, avec
les enfants à élever, suffit largement à sa tâche et que, en ce domaine, la
mission est assez haute, assez noble, assez grande ; elle estime que là se
borne sa tâche pour la patrie. »
Mme Hélène Luc.
Dans cette assemblée, il y a encore des hommes qui pensent ainsi !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la parité n'est pas
un présent qu'on offre aux femmes ! Je ne peux pas croire que le Sénat, en
vidant de son contenu la réforme proposée par le Gouvernement et le Président
de la République, veuille être un obstacle, comme voilà quatre-vingts ans
maintenant, à une disposition que notre pays réclame.
Le constituant ne peut pas s'en remettre à la seule bienveillance des partis
politiques pour réaliser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et
fonctions. Le législateur doit prendre ses responsabilités comme il l'a fait,
par exemple, en imposant aux partis, par le biais de lois simples, des règles
afférentes au financement public.
Par conséquent, si les partis politiques doivent contribuer essentiellement à
l'égal accès des femmes et des hommes à la vie publique, ce ne peut être que
dans des conditions que la loi détermine.
On pourrait objecter qu'imposer une telle règle aux partis ce serait limiter
la liberté de choix des électeurs. Mais dois-je rappeler qu'au scrutin
proportionnel où les listes sont bloquées il n'y a pas plus de choix donné aux
électeurs de voter pour un tel ou une telle ?
M. Hilaire Flandre.
C'est bien vrai !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cela n'a jamis soulevé de problème consitutionnel.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Scrutin majoritaire !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Malgré le travail remarquable accompli par votre
commission et par son rapporteur, auquel je veux rendre hommage, la proposition
qu'elle présente ne me semble pas correspondre à la grande réforme voulue par
le Gouvernement et attendue avec impatience par l'ensemble du peuple français
qui ne comprend pas pourquoi les femmes ne peuvent avoir la place qui leur
revient dans la vie politique.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
C'est pourquoi je vous demanderai d'adopter le texte
retenu par l'Assemblée nationale, qui me semble de nature à contribuer à la
modernisation de notre vie politique.
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
(Mme Monique Cerisier-ben Guiga
applaudit.)
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, mon
propos s'inscrit en toute complémentarité de l'intervention que vient de faire,
avec talent et conviction, Mme Elisabeth Guigou.
La dimension historique de ce que l'on peut appeler « la marche des femmes »
permet de mieux comprendre le débat de ce jour sur l'égal accès des femmes et
des hommes aux mandats et fonctions, aux décisions politiques et, disons-le, au
partage du pouvoir.
Cette longue marche est jalonnée de noms de femmes et d'hommes célèbres pour
leur action. Le temps manquerait pour évoquer chaque mémoire. Je pourrais
choisir Olympe de Gouges et la célèbre phrase qu'elle a prononcée en 1791 : «
La femme a le droit de monter à l'échafaud, elle doit aussi avoir le droit de
monter à la tribune. »
Je pourrais également évoquer la mémoire de François Poulain de la Barre qui,
voilà trois cents ans, déclarait : « Toutes les lois semblent n'avoir été
faites que pour maintenir les hommes dans la position où ils sont. » Je
pourrais encore citer Condorcet qui, en 1787, parlant de l'exclusion des
femmes, affirmait : « Songez qu'il s'agit des droits de la moitié du genre
humain. »
Déjà en 1919, comme en 1938, le débat sur le droit de vote des femmes dans
cette assembée avait donné lieu à de vifs échanges pour se terminer en 1944,
comme l'a rappelé Mme Elisabeth Guigou, par une décision prise par ordonnance
!
Vous me permettrez de reprendre d'un mot l'argumentation juridique et
l'interrogation philosophique qu'un tel sujet sur l'égal accès des hommes et
des femmes aux responsabilités politiques mérite, argumentation et
interrogation qui sont très présentes depuis plusieurs semaines dans les
milieux concernés et dans la presse.
Une conception historique des droits universels, le débat sur la dialectique «
nature-culture » qui façonne la femme et qui a traversé la réflexion de mes
vingt ans, voire de mes trente ans, et la vôtre, j'en suis persuadée,
aboutissent aujourd'hui à un constat : rien n'a changé dans la représentation
du peuple, ou si peu.
Depuis des décennies, notre démocratie moderne débat sur le sujet. Chacun
s'exprime et, pendant ce temps, les femmes continuent à être aussi peu
nombreuses dans les assemblées parlementaires. Les chiffres ont été rappelés :
elles représentent 5 % des sénateurs et 11 % des députés.
Les Françaises seraient-elles moins prêtes que les autres femmes européennes à
prendre leurs responsabilités et à siéger dans les lieux de décision ?
Aucun démocrate ne peut le penser et se satisfaire de la situation actuelle
d'une République dans laquelle la loi est votée par un Parlement composé à plus
de 90 % par des hommes.
Pourquoi voulez-vous contraindre les femmes à entrer dans la vie politique si
elles ne le souhaitent pas ? ont demandé certains d'entre vous dans le dialogue
qui s'est instauré à la commission des lois. Cette question mérite réflexion.
Dans l'organisation actuelle de la vie sociale, familiale et professionnelle,
il est plus difficile à une femme qu'à un homme d'exercer de telles
responsabilités, et nous le savons tous. Femme et savoir, femme et pouvoir, ce
sujet a donné lieu à travers le temps et l'espace à une multitude de jugements
et de sentences, de décrets et d'anathèmes, de malédictions, voire de
fulminations.
Fort heureusement, nous n'en sommes plus là, mais le débat se poursuit.
Une amie philosophe parle de la mixité universelle de l'humanité et affirme
que « le genre humain n'existe pas hors de cette double forme ».
L'un des enjeux de cette réforme constitutionnelle, c'est bien de reconnaître
que le peuple est souverain dans sa double identité ; les femmes ne sont ni une
communauté ni une minorité.
Comment, concrètement, avancer pour parvenir à une mixité de nos assemblées et
répondre aux attentes des citoyennes et des citoyens dont nous sommes les
représentants ?
La mise en oeuvre de la parité politique paraît plus aisément réalisable dans
le cadre des élections aux scrutins de liste, à la proportionnelle : élections
régionales, européennes et municipales.
S'agissant des élections au scrutin uninominal, comme l'a rappelé le Premier
ministre le 9 décembre 1998, la parité n'est en aucune façon un prétexte pour
modifier les modes de scrutin. « Une pensée, un objectif, pas d'arrière-pensée
», a-t-il déclaré.
Je rappellerai que, si l'inscription de la parité a la préférence du
Gouvernement, le législateur pourrait souhaiter la mise en place d'autres
solutions, par exemple des seuils évolutifs. Il s'agirait alors d'aller vers la
parité par étapes successives, en fonction du calendrier électoral.
Des dispositions pourraient être prises pour moduler une partie du financement
des partis politiques en fonction de la place faite aux femmes.
Pour avancer des propositions, je m'appuierai sur les travaux de
l'Observatoire de la parité, qui vient d'être renouvelé et qui sera présidé par
une parlementaire, Mme Dominique Gillot. Elle succédera à Mme Roselyne
Bachelot, dont chacun a salué le travail, ainsi que celui qui a été accompli
par la commission politique animée par Mme Gisèle Halimi.
Les membres de l'Observatoire sont choisis parmi des élus, des spécialistes de
l'emploi, de la formation professionnelle, des sociologues, des politologues,
des journalistes, des historiens, des représentants du monde associatif ; il
réunira ceux qui, aujourd'hui, travaillent individuellement ou collectivement
sur l'ensemble des questions d'égalité.
Martine Aubry et moi-même souhaitons que leurs premières conclusions nous
parviennent avant la fin du premier semestre 1999.
Je souhaiterais maintenant introduire une deuxième dimension à ce débat.
La parité n'est pas un but en soi. On entend, ici ou là, que cette aspiration
ne concerne que quelques femmes privilégiées. La juste place des femmes dans
les lieux de décision, c'est à l'évidence un levier pour accélérer la mise en
mouvement de notre société sur des sujets qui ne sont pas suffisamment visibles
à ce jour : inégalités que vivent trop de femmes dans le monde du travail et
dans l'accès à la formation, violences subies dans leur vie personnelle...
La place des femmes dans le monde du travail ne cesse de croître. A présent,
dans la tranche d'âge de vingt-cinq à cinquante ans, huit femmes sur dix
travaillent. Mais leur activité se concentre fortement dans un faible nombre de
secteurs et dans l'emploi précaire. Elles subissent beaucoup plus que les
hommes le temps partiel contraint puisque, aujourd'hui, 84 % des travailleurs à
temps partiel sont des femmes.
La même fragilité est constatée si l'on s'intéresse à la formation et à la
qualification professionnelle des femmes : près de 80 % des employés et des
ouvriers sont des femmes, et ces dernières accèdent deux fois moins que les
hommes à la formation tout au long de la vie.
Aucune femme n'est aujourd'hui à la tête d'une des deux cents premières
entreprises françaises. Le fameux plafond de verre ! Et pourtant, les jeunes
femmes accèdent à présent plus que les hommes à l'enseignement supérieur : cent
vingt filles pour cent garçons.
La situation est identique dans la fonction publique. Certains secteurs ont
été très largement féminisés : il en est ainsi de la magistrature, des cadres
administratifs, des personnels de l'enseignement supérieur, dont les femmes
représentent plus de 52 % des effectifs. Toutefois, la place des femmes dans
les grands corps de l'Etat, comme le Conseil d'Etat, la Cour des comptes ou
l'Inspection générale des finances, est encore très réduite : les femmes ne
représentent que 19,9 % des effectifs.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Ce n'est pas vrai !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
En ce qui concerne les salaires, les écarts sont
encore très importants. La moyenne des salaires des hommes est supérieure de 25
% à la moyenne des salaires des femmes. Et, à travail égal, l'écart des
salaires s'élève encore à 12 %.
Dans le domaine de l'emploi et de la formation professionnelle, la persistance
des inégalités nous a conduites, Martine Aubry et moi-même, à demander au
Premier ministre de charger Mme Génisson, députée, d'une mission d'analyse et
de réflexion sur ce sujet.
De la précarité à l'exclusion, il n'y a qu'un pas : 41 % des familles exclues
ou en grande précarité sont des familles dites monoparentales. Ne nous cachons
pas derrière les mots : 90 % de ces familles sont composées de femmes seules
avec des enfants.
Des femmes beaucoup plus nombreuses dans nos assemblées se seraient mobilisées
davantage sur ces sujets de société
(Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit),
qui sont restés en dehors des
débats publics. J'évoquerai à cet égard les violences, celles de toute nature
que subissent les enfants et un nombre encore trop important de femmes dans
leur vie quotidienne.
Si le droit à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse ont
été largement débattus dès le début des années soixante-dix, les problèmes de
violences - violences conjugales, harcèlement sexuel - n'ont été entendus qu'au
début des années quatre-vingt-dix, quand les femmes se sont senties
suffisamment libres pour aborder cet aspect très personnel mais déterminant de
leur vie.
Nous allons nous engager dans une dynamique, celle que la construction
européenne a su impulser à l'égalité des chances entre les femmes et les
hommes, aux droits et devoirs de chaque citoyenne et de chaque citoyen.
La logique des mesures que nos voisins européens ont prises pour avancer et
que nous traduisons par « discrimination positive » existe dans le droit social
français, qui a su s'adapter pour prendre en compte la situation des plus
démunis.
Rompre l'égalité de droit pour remédier aux inégalités de fait, c'est ce que
la République fait au quotidien pour préserver la cohésion sociale, ciment de
notre démocratie.
Permettez-moi d'insister en concluant, mesdames, messieurs : notre
responsabilité de représentants des citoyennes et des citoyens est engagée dans
ce débat et dans les décisions qui en découlent.
Nous ne pourrons plus nous satisfaire de l'immobilisme actuel dans le partage
du pouvoir. Saisissons cette occasion pour moderniser notre vie publique en
adoptant, dans l'article 3 de la Constitution, le principe de l'égal accès des
hommes et des femmes aux mandats et fonctions. Nous avancerons ainsi dans
l'objectif historique de la parité qui est soutenu, je vous le rappelle, par 75
% de nos concitoyens et par les plus hautes autorités de l'Etat.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Cabanel,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, j'ai souhaité être le rapporteur de ce projet de loi
constitutionnelle relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes. Et j'ai
mené ma mission dans un esprit de progrès, de transformation d'une condition
qui, en effet, est regrettable.
Je n'ai pu atteindre tous les objectifs que je souhaitais voir se réaliser.
Mme Hélène Luc.
Mais cela ne tient qu'à vous !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Ce n'est pas si facile que cela, madame !
C'est en tout cas en toute sincérité que je voudrais rapporter les décisions
et les appréciations de la commission des lois.
L'examen par la commission des lois du projet de loi constitutionnelle, adopté
par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes a
été précédé de nombreuses auditions, dont le compte rendu est annexé à mon
rapport.
Ces auditions ont démontré la complexité du problème et la difficulté de
trouver une solution acceptable pour tous.
La complexité de ce problème a été illustrée par des débats entre
constitutionnalistes sur le choix de l'article de la Constitution à réviser
afin de mieux équilibrer la présence des femmes et des hommes dans la vie
publique.
Je ne reviendrai pas en détail sur l'objet du texte qui nous est soumis, car
chacun le connaît.
Je rappellerai simplement que, selon l'exposé des motifs du projet de loi
constitutionnelle, ce texte vise à remédier à une présence très insuffisante
des femmes au sein des institutions publiques en complétant l'article 3 de la
Constitution, qui affirme le caractère indivisible et universel de la
souveraineté nationale, afin d'assurer la conciliation de ces principes avec
l'objectif d'un égal accès des femmes et des hommes aux mandats et
fonctions.
La loi favoriserait, selon la rédaction initiale du présent projet de loi, ou
déterminerait les conditions dans lesquelles serait organisé, selon le texte
adopté par l'Assemblée nationale, l'égal accès des femmes et des hommes aux
mandats électoraux et fonctions électives.
Le débat en commission a permis de dégager sans difficulté un accord sur le
constat de la situation et sur la nécessité d'y porter remède.
La solution à trouver, unique objet de notre débat, doit concilier les
principes fondamentaux sur lesquels repose notre démocratie avec l'objectif
d'une participation plus équilibrée des femmes et des hommes à la vie
publique.
Le rapporteur que je suis s'efforcera d'exposer les données principales du
problème puis les orientations retenues par la commission des lois.
Les statistiques sont connues et l'insuffisance du nombre de femmes élues en
France est patent, comme Mme la garde des sceaux et Mme la secrétaire d'Etat
l'ont d'ailleurs souligné.
Les élections législatives de 1997 ne doivent pas donner une fausse illusion.
Elles ont certes permis d'enregistrer une progression sensible du nombre des
femmes députés, puisque celles-ci constituent 10,9 % de l'effectif de
l'Assemblée nationale, avec 63 députés sur 577, au lieu de 6 % sous la
précédente législature. Mais si l'on ajoute à ces chiffres ceux du Sénat, on
constate que le Parlement de la République ne compte même pas 10 % de femmes à
son effectif !
Ce résultat, comparé aux statistiques des quatorze autres pays de l'Union
européenne, est critiquable : la France se situe en effet à l'avant-dernière
place, juste avant la Grèce, qui, elle, se caractérise par des résultats encore
plus regrettables.
M. Claude Estier.
Pas pour le Sénat ! Le Sénat, lui, est bien à la dernière place !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
J'ai parlé du Parlement dans son ensemble.
Il y a quand même dans ce tableau des éléments qu'il faut souligner.
Près de 30 % des élus français au Parlement européen sont des femmes, contre
20 % en 1984. La progression a été constante.
Mme Hélène Luc.
C'est un scrutin à la représentation proportionnelle !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
C'est exact !
Les 110 986 conseillères municipales de France constituent 21,7 % des élus
communaux contre 17,7 % en 1989, et 7,6 % des maires sont de sexe féminin
contre 5,4 % en 1989.
Enfin, le quart des conseillers régionaux élus en mars 1998, selon un scrutin
à la représentation proportionnelle, sont des femmes, alors que la proportion
de ces dernières dans les conseils généraux n'est que de 7,4 %, les élections
se déroulant, dans ce dernier cas, au scrutin majoritaire. C'est dire que, s'il
y a certes une évolution, cette dernière n'est qu'à peine dessinée.
Cette évolution, insuffisante certes mais tout de même significative, a été
obtenue sans modification de la législation électorale et, dans la plupart des
cas, grâce au scrutin à la proportionnelle et parce que les partis politiques
ont, depuis plusieurs années, commencé à prendre des mesures volontaristes pour
présenter des candidatures féminines, même dans les scrutins uninominaux.
Toute comparaison avec les pays étrangers doit être effectuée avec prudence et
en tenant compte des traditions, des régimes institutionnels et des modes de
scrutin différents.
Je dois dire que la mission présidée par notre collègue Mme Nelly Olin sur la
place des femmes dans la vie publique, mission à laquelle j'ai eu l'honneur
d'appartenir, a mis en lumière des éléments édifiants.
Certes, la France enregistre un retard important. Mais il est intéressant de
noter que les pays ayant la plus grande proportion de femmes dans les
assemblées - je pense ici aux pays de l'Europe du Nord, au premier rang
desquels la Suède - n'ont adopté aucune législation contraignante, aucune loi
d'obligation de quotas ou de parité. Les résultats enregistrés dans ces pays
proviennent de l'action déterminée des associations féministes et de la volonté
des partis ; peut-être cet élément a-t-il compté lors des débats au sein de la
commission des lois.
Au demeurant, cinq pays dans le monde, dont un seul en Europe, la Belgique,
ont fixé des quotas de femmes pour les candidatures aux élections ; et encore,
en Belgique, ces quotas n'ont été appliqués que pour les élections locales,
avec des résultats assez surprenants, puisque aucune progression forte de la
présence féminine dans ces assemblées locales n'a été enregistrée.
Aucun pays n'a jusqu'à présent inscrit dans sa constitution de disposition
autorisant le législateur à imposer des candidatures paritaires aux élections
politiques.
Ce constat, que nul ne conteste, n'implique cependant pas un accord sur la
meilleure solution possible, car, si nous sommes d'accord sur la maladie, nous
ne le sommes pas sur la thérapeutique.
En effet, faut-il prendre des mesures contraignantes, à travers les lois
électorales d'obligation, ou n'est-il pas préférable, au moins dans un premier
temps, d'adopter des mesures incitatives ?
La réponse à cette question dépend d'une appréciation politique d'opportunité
mais aussi d'une analyse attentive des conséquences de l'une ou de l'autre
orientation sur les principes de base de notre démocratie.
L'égale éligibilité des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux
fonctions électives a déjà été établie en droit par le général de Gaulle avec
l'ordonnance du 21 avril 1944. Elle a été inscrite à l'article 4 de la
Constitution de 1946, puis à l'article 3 de la Constitution de 1958.
Il s'agit donc non pas de savoir si l'égalité doit ou non être affirmée, mais
de déterminer comment traduire cette égalité en droit dans les faits et donc
comment assurer une égalité réelle des chances.
Notre droit comporte déjà certaines mesures de discrimination positive
destinées à créer une différence de traitement pour compenser une inégalité de
fait maintenue en dépit de l'égalité en droit. On trouve ainsi de telles
dispositions en droit social, en droit fiscal ou en droit de l'aménagement du
territoire.
En revanche, aucune mesure de discrimination positive n'a jamais été appliquée
dans le domaine électoral, puisque l'article 3 de la Constitution accorde des
droits civiques strictement égaux à tous les nationaux français majeurs des
deux sexes.
Dans ses décisions du 18 novembre 1982 et du 14 janvier 1999, le Conseil
constitutionnel, s'appuyant sur l'article 3 de la Constitution et sur l'article
VI de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, a estimé que « la qualité
de citoyen ouvre le droit de vote et l'éligibilité dans des conditions
identiques à tous ceux qui n'en sont pas exclus pour une raison d'âge,
d'incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la
liberté de l'électeur ou l'indépendance de l'élu ».
La fixation de quotas dans la législation électorale est donc subordonnée à
une révision de la Constitution, et c'est ce que prévoit le projet de loi
soumis au Sénat.
Dès lors que l'article 3 ne serait pas modifié, une législation imposant des
candidatures paritaires ne pourrait intervenir, comme vient de le confirmer le
Conseil constitutionnel.
L'égalité entre les sexes étant juridiquement établie en droit, sinon en fait,
le projet de loi qui nous est soumis ne la remettrait-elle pas en cause ?
On peut en effet considérer qu'un texte conditionnant la recevabilité de
candidatures à la présence d'une proportion déterminée de femmes et d'hommes
créerait une discrimination entre les sexes, alors que la démocratie ne reçoit
les êtres humains qu'en tant que tels.
Il est également possible de soutenir qu'une telle conception de l'égalité est
abstraite et donc plus formelle que réelle. Le projet de loi constitutionnelle
aurait alors pour objet de réduire l'écart entre les droits proclamés et la
réalité des droits exercés.
Le texte soulève aussi, pour les membres de la commission des lois du Sénat,
la question de l'universalisme républicain, qui constitue un fondement de notre
démocratie.
Selon l'article 3 de la Constitution, « la souveraineté nationale appartient
au peuple » et « aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en
attribuer l'exercice ». Cela signifie que le Parlement tout entier représente
la nation tout entière, et que chaque parlementaire pris isolément ne
représente rien que lui-même, puisque la qualité de représentant est attribuée
à l'organe et non à ses membres pris isolément.
Les élus ne représentent pas les électeurs de leur circonscription, mais la
nation tout entière, bien qu'ils pensent souvent le contraire.
L'obligation de candidatures paritaires qui serait faite ne provoquerait-elle
pas une division du corps électoral ? Telle est la principale question soulevée
par le projet de loi. Il y a des arguments pour, et des arguments contre.
Mme Francine Demichel, constitutionnaliste, a contesté que les femmes
appartiennent à une catégorie, relevant que le sexe apparaissait comme le seul
élément indissociable de la notion même de personne.
Tous les attributs qu'une personne peut posséder sont soit contingents - nom,
profession, situation matrimoniale, appartenance à une classe ou à un groupe
social - soit mouvants - âge - soit encore irrecevables dans un droit
démocratique - race, couleur de peau - et le sexe, estime Mme Francine
Demichel, seul élément qui contribue à définir l'identité même de l'individu,
doit pour cela même être pris en compte pour la théorie de la
représentation.
Ainsi, la moitié du genre humain ne pouvant être assimilée à aucune catégorie
ou minorité, l'instauration de la parité entre les femmes et les hommes dans le
domaine électoral ne pourrait pas, selon Mme Demichel, fonder ensuite des
revendications de quotas en faveur de telle ou telle partie de la société.
Ce point de vue est cependant très contesté.
Ainsi Mme Elisabeth Badinter considère-t-elle que, dès lors que l'éligibilité
est établie en droit de la même manière pour tous, le citoyen, donc le
candidat, donc l'éventuel élu, ne peut être distingué selon des
caractéristiques particulières tenant à la race, à la religion, à la culture ou
au sexe.
Toute différenciation, pour Mme Badinter, briserait l'unité du corps
électoral, pourrait susciter des revendications de quotas de la part de telle
ou telle catégorie de la société et conduire au communautarisme, par essence
contraire à l'intégration républicaine.
Un tel risque doit être évalué à sa juste mesure.
L'appréciation que votre rapporteur en a fait l'a conduit, dans un premier
temps, à estimer que l'établissement de la parité entre les femmes et les
hommes ne serait pas de nature à justifier des revendications comparables de la
part de catégories minoritaires, les femmes ne pouvant être assimilées ni à une
catégorie ni à une minorité.
La commission des lois, à l'issue d'un long débat, a considéré que le risque
de communautarisme - quand bien même il serait peut-être moins important que
certains le craignent - comportait trop de conséquences graves pour être
encouru.
Elle s'est donc prononcée contre une rédaction du texte qui permettrait à la
loi d'imposer des quotas, y compris aux alentours de 50 %, c'est-à-dire de la
parité, car cela porterait atteinte au principe de l'universalité du
suffrage.
Un texte autorisant des quotas pour les femmes serait susceptible d'encourager
le développement du communautarisme. Pareil mouvement irait à l'encontre de
toute politique d'intégration, particulièrement nécessaire à notre société
actuellement.
Aussi votre commission n'a-t-elle pas retenu la proposition de compléter
l'article 3 de la Constitution soit dans la rédaction retenue par l'Assemblée
nationale, soit, comme je l'ai proposé, dans celle du texte initial du projet
de loi constitutionnelle.
Elle a estimé qu'un meilleur équilibre dans la participation des femmes et des
hommes à la vie publique relevait principalement de la responsabilité des
partis, puisque ce sont eux qui désignent les candidats, pour l'essentiel.
Le rôle des partis politiques est d'ailleurs prévu par l'article 4 de la
Constitution, selon lequel ils « concourent à l'expression du suffrage ». Les
partis politiques peuvent donc prendre eux-mêmes librement les dispositions
adéquates.
Les efforts engagés par les partis politiques depuis quelques années
traduisent déjà une certaine prise de conscience, on l'a constaté. Ils ont
commencé à produire quelques effets et laissent espérer de nouveaux progrès.
Le souhait émis par un certain nombre de partis politiques de voir leurs
efforts encadrés et facilités par des dispositions juridiques conduit aussi
votre commission à proposer de compléter l'article 4 de la Constitution,
puisqu'il concerne le statut constitutionnel des formations politiques.
En premier lieu, il convient d'inscrire à l'article 4 de la Constitution, sans
ambiguïté aucune, le principe selon lequel il relève de la responsabilité des
partis politiques de favoriser la mise en oeuvre du principe constitutionnel de
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions
électives.
Dès lors, le champ d'application de la révision constitutionnelle serait mieux
assuré, les mandats et les fonctions susceptibles d'être concernés ne pouvant
être que ceux pour lesquels les partis présentent des candidats, à l'exclusion,
par exemple, des fonctions de juge élu. Naturellement, cette solution devrait
respecter la totale liberté des candidatures individuelles.
L'affirmation de la responsabilité des partis politiques en la matière, non
contestée dans les faits, ne remettrait en cause aucun principe constitutionnel
fondant notre démocratie.
En second lieu, il paraît opportun de pouvoir, si nécessaire, encourager les
partis politiques dans les efforts amorcés pour permettre une répartition plus
équilibrée des femmes et des hommes assumant des responsabilités politiques.
A cet effet, la commission vous propose que l'article 4 de la Constitution
prévoie aussi que les règles relatives au financement public des partis
politiques puissent, si le législateur le décidait, contribuer à la mise en
oeuvre des principes constitutionnels énoncés à l'article 4 de la Constitution
: égal accès, respect par les partis des principes de souveraineté et de
démocratie.
Cette législation, de caractère incitatif, placerait les partis politiques
dans une situation égale au regard du risque électoral éventuel qu'ils
craindraient d'assumer face à l'égalité des femmes et des hommes.
Il appartiendrait au législateur de définir les modalités de cette modulation
du financement public, qui pourrait être établie sans majoration de la masse
globale des subventions accordées aux partis.
Cette incitation devrait rester suffisamment modérée pour ne pas «
compromettre l'expression démocratique des divers courants d'idée et d'opinion
», selon la jurisprudence établie par la décision du Conseil constitutionnel du
11 janvier 1990 sur la loi relative à la limitation des dépenses
électorales.
A mon sens, cette législation incitative pourrait être applicable pour une
durée limitée. Une fois les résultats obtenus, on pourrait éventuellement
revenir à des dispositions de droit commun.
Telles sont les propositions de la commission des lois que son rapporteur vous
demande loyalement d'approuver.
Elles doivent être considérées comme la traduction de la recherche d'un
compromis ne présentant aucun risque au regard des principes fondamentaux de la
démocratie, mais permettant d'atteindre progressivement, donc sans rupture
brutale, les résultats souhaités.
Ces solutions pourraient, certes, être refusées, aussi bien par ceux qui les
jugeraient excessives que par ceux qui les estimeraient insuffisantes.
Dès lors que chacun entendrait se limiter à ses positions de principe
initiales - certes légitimes - aucun accord ne pourrait être dégagé et la
situation resterait donc, hélas ! en l'état.
Je ne peux pas croire que tel soit le sentiment d'un seul d'entre nous.
La recherche d'un accord en matière constitutionnelle requiert un vote
identique des deux assemblées, puis celui du Congrès à la majorité des trois
cinquièmes.
En conclusion, je vous dis donc du fond du coeur que chacun doit faire un
effort, le Sénat, mais aussi l'Assemblée nationale et le Gouvernement.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, permettez-moi tout d'abord d'émettre un souhait : évitons d'aborder
ce débat bardés d'arrière-pensées ou de préjugés
(Rires sur les travées
socialistes),...
Mme Hélène Luc.
On ne peut pas parler de préjugés !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois,
... voire, madame le garde des
sceaux, d'une certaine malice. Vous avez cité tout à l'heure le sénateur
Bérard. Mais peut-être était-ce, après tout, la vérité du moment !
(Murmures
sur les travées socialistes.)
M. Pierre Mauroy.
Oh !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Toutefois, c'était en 1919 ! Puis-je
vous faire remarquer que, depuis, certaines choses ont évolué, parfois
d'ailleurs sous l'inspiration du Sénat, ...
M. Jean-Louis Carrère.
Le droit de vote des femmes, par exemple ?
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... et que, circonstance atténuante,
l'énorme majorité d'entre nous n'étaient pas nés à cette date ?
(Sourires.)
Je salue au passage la mémoire de celui qui fut l'un de nos grands ancêtres et
qui fut un grand sénateur : admettez que nous puissions évoluer et ne plus dire
aujourd'hui, peut-être, les mêmes choses dans les mêmes termes !
(MM.
Chérioux et de La Malène applaudissent.)
Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner une révision constitutionnelle et
non une loi ordinaire, et nous entendons que le texte que nous allons adopter
ne remette en cause ni l'esprit ni la lettre de la Constitution.
Je regrette que certains aient tenté de stigmatiser par avance les
parlementaires de toutes tendances qui envisageraient d'exercer à l'égard du
présent projet de loi leur pouvoir souverain de constituant.
On a pu notamment laisser entendre que ne pas se rallier à la rédaction
proposée - mais laquelle, d'ailleurs, celle du Gouvernement qui a peut-être
recueilli l'accord du Président de la République, ou celle de l'Assemblée
nationale, qui comportent entre elles, vous l'avez noté, quelques divergences
appréciables ? - caractériserait une conception conservatrice,
antiféministe,...
M. Pierre Mauroy.
C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... que l'on voudrait considérer
commodément comme typique de la droite sénatoriale.
M. Bernard Piras.
C'est un peu vrai !
M. Guy Fischer.
Vous le reconnaissez vous-même !
Mme Hélène Luc.
C'est vrai !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je voudrais répondre à ces préjugés
un peu rapides, mais encore partagés, par deux remarques.
Tout d'abord, à l'origine des lois ordinaires sur la contraception et
l'interruption volontaire de grossesse, l'IVG, on trouve des propositions ou
des projets de loi déposés par la droite ; puis ces lois ont été adoptées...
M. Jean-Louis Carrère.
Par la gauche !
M. Bernard Piras.
Oui, par la gauche !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... de manière très
consensuelle...
Mme Nicole Borvo.
Ce n'est pas vrai !
Mme Hélène Luc.
Sans la gauche, le projet de loi sur l'IVG ne passait pas, bien que ce soit
Mme Simone Veil qui l'ait proposé !
M. Bernard Piras.
Relisez les débats !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
J'ai relu les débats ! S'il n'y
avait pas eu une conjonction des voix de droite et de gauche...
Mme Nicole Borvo.
Justement ! Aujourd'hui, c'est la même chose !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... - car vous étiez heureusement
minoritaires à l'époque ! -, ces lois n'auraient pas été votées.
Mme Hélène Luc.
Sans la gauche, ces lois n'auraient pas été votées !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Or elles l'ont été, et elles l'ont
été...
M. Bernard Piras.
Par des hommes !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... par des assemblées qui, je le
constate sans m'en réjouir, étaient composées à 90% d'hommes.
Mme Hélène Luc.
Mme Veil l'a dit elle-même !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
L'argument un peu rapide que vous
avez avancé tout à l'heure sur l'attitude systématiquement hostile à l'égard
des femmes, qui serait celle d'assemblées où les hommes sont majoritaires, ne
me paraît donc pas sérieux.
M. Christian de La Malène.
Il ne l'est pas !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
J'en viens à ma deuxième
remarque.
Ce débat s'engage dans des conditions difficiles en raison du délai qui nous a
été imparti compte tenu de l'ordre du jour prioritaire fixé par le
Gouvernement. Au sein de la commission, certains, toutes tendances confondues,
ont d'ailleurs semblé regretter qu'un temps suffisant ne nous ait pas été
laissé, mais c'est un fait.
Mme Hélène Luc.
Mais non ! Nous avons eu tout le temps de réfléchir à cette question depuis
longtemps ! Voyons, voyons, monsieur le président !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Voyons, voyons, madame Luc !
(Sourires.)
Puis-je vous dire qu'il ne suffit pas d'évoquer les questions
mais qu'il faut aussi les étudier sérieusement et en évaluer les
conséquences.
A cet égard, je vous informe tout de suite, parce que certaines allusions y
ont été faites tout à l'heure, que nous aborderons exactement dans le même état
d'esprit le débat sur le PACS.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Vives
exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
Mme Nicole Borvo.
Nous nous en doutons !
Mme Hélène Luc.
C'est tout à fait significatif !
M. Bernard Piras.
Vous anticipez !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Nous aurons la même volonté d'aller
au fond des choses, et nous montrerons que le PACS est un monstre juridique
!
Mme Nicole Borvo.
Et la présence des femmes, c'est un monstre juridique ?
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je vous invite d'ailleurs, pour
constater le sérieux de notre étude sur cet autre texte, à venir assister
demain à la série d'auditions publiques que nous organisons : partisans et
adversaires auront largement le temps de se faire entendre.
Mme Nicole Borvo.
Tant mieux !
M. Christian de La Malène.
Nous irons au fond des choses !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Sur le projet relatif à la parité,
malgré le peu de temps qui nous a été laissé, nous avons cependant entendu
procéder à des auditions, et nous avons eu à coeur d'entendre les opinions de
manière égale, notamment plusieurs femmes connues pour leurs engagements
antérieurs en faveur des droits des femmes.
Je dois à la vérité de dire que la qualité de l'apport à la fois philosophique
et intellectuel de toutes celles qui ont comparu devant la commission a ébranlé
les certitudes de plus d'un d'entre nous.
Mais, d'ailleurs, quelles sont ces certitudes ? On nous parle d'exigence de
l'opinion publique, voire de sa partie féminine, à laquelle, dans les
circonstances actuelles, vous imaginez bien que nous prêtons une attention
particulière !
Nous savons ce qu'il faut penser des sondages ; ce n'est pas la loi, et nous
ne gouvernons point ni ne légiférons sous leur pression. Il n'empêche, voilà à
peine six mois, l'opinion publique, par le biais des sondages, a été interrogée
sur le problème de la parité hommes-femmes.
La première question était la suivante : estimez-vous que la parité entre les
hommes et les femmes dans les assemblées doit être une obligation inscrite dans
la Constitution ? Les Français dans leur ensemble ont répondu oui à 20 %, les
hommes à 22 % - pas de préjugés !
(Sourires)
- et les femmes à 18 %.
M. Jean Chérioux.
Les femmes sont intelligentes !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Deuxième question : faut-il obliger
les partis politiques à présenter autant de femmes que d'hommes aux élections ?
Y étaient favorables 29 % des Français dans leur ensemble, 31 % des femmes -
là, elles gagnent ! - et 27 % des hommes.
Enfin, faut-il trouver d'autres moyens - cela fait appel à notre imagination,
mais vous savez que nous n'en manquons point ! - pour améliorer la place des
femmes en politique ? Y étaient favorables 46 % de l'ensemble des Français, 44
% des hommes et 47 % des femmes.
M. Pierre Mauroy.
La cause est entendue !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Nous devons donc progresser dans
notre réflexion.
Nous entendons toutefois le faire de manière raisonnée,...
Mme Nicole Borvo.
En cent ans !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... en prenant notre temps, afin
d'aboutir à des mesures qui ne soient ni une régression pour les femmes, comme
certaines, parmi les plus éminentes, ont tenu à nous le dire, ni un danger pour
la démocratie universelle.
(Rires sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc.
C'est incroyable !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Vous pouvez rire, mesdames ! Nous,
cela ne nous a pas fait rire quand elles nous l'ont dit ; cela nous a
simplement permis de comprendre que le sujet méritait une réflexion
approfondie, étant entendu que, lorsque le Sénat se livre à une telle
réflexion, il accomplit le travail qui lui est imparti par la Constitution.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc.
Que vous ayez pu laisser entendre que cela porterait atteinte à la démocratie,
c'est vraiment incroyable !
M. Jean Chérioux.
La démocratie, vous êtes bien mal placée pour en parler !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Ces femmes que nous avons entendues,
qu'ont-elles voulu nous dire ? J'aborde là le fond du débat.
Historiquement, grâce à sa conception intégratrice de l'égalité, grâce aussi à
sa vision universaliste de la démocratie, la France a connu une évolution qui a
fait d'elle une référence en matière de droits des femmes, au sens le plus
large, pour ce qui concerne l'éducation, la vie professionnelle - à cet égard,
ce que vous avez dit du Conseil d'Etat prouve que vous n'y connaissez pas
grand-chose, madame le secrétaire d'Etat -...
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Mesurez vos propos, monsieur le président !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... pour ce qui concerne la vie
familiale, la vie associative, l'accès à la fonction publique. Toutes les
femmes qui voyagent à l'étranger le savent.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Citez vos chiffres, nous pourrons les confronter !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je ne voudrais pas que nos débats
d'aujourd'hui effacent l'importance de ce bilan, quels que soient les efforts
que nous avons encore à consentir.
Grâce à cette action que nous avons menée, nous avons évité une certaine
conception aseptisée, rigidifiée des rapports hommes-femmes qui prévaut dans
certains Etats. Je m'en réjouis et je souhaite que notre débat d'aujourd'hui
soit donc mené sans caricature.
Les comparaisons géographiques ont souvent servi à justifier la réforme
proposée. Pour m'en tenir aux démocraties - dans le système soviétique, on
avait trouvé un moyen : on mettait des contingents de femmes - je dirai
seulement que chaque pays a mené ou laissé aller son évolution, au regard du
sujet qui nous occupe, à son rythme, parfois beaucoup plus rapidement que la
France, mais parfois aussi au détriment d'autres aspects.
Dans les pays où l'on trouve le plus de femmes parlementaires, comme en Suède,
on trouve beaucoup moins de cadres supérieurs ou bien encore - nous, élus
locaux, qui avons le mérite d'être « cumulards », savons bien que les efforts
en ce domaine sont relativement insuffisants ! - moins de crèches permettant
aux mères de jeunes enfants de travailler, comme en Allemagne ou aux
Etats-Unis.
En tout état de cause, aucun des pays souvent cités en exemple n'a eu recours
à des quotas obligatoires identiques à ceux qui résulteraient nécessairement de
la rédaction qui nous est proposée.
A fortiori,
les Etats-Unis - où les résultats ne sont d'ailleurs pas si
extraordinaires - n'ont jamais étendu au domaine électoral leurs expériences en
matière de discrimination positive, expériences aujourd'hui si critiquées
qu'ils sont obligés d'y renoncer progressivement.
Mme Nicole Borvo.
Ce n'est pas le même problème !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Placée à cet endroit de la
Constitution, la modification proposée - c'est là le point essentiel -
induirait nécessairement des quotas en matière électorale. Nous y sommes
opposés pour trois raisons.
Premièrement, ce serait l'échec de notre évolution historique et l'aveu de
l'incapacité dans laquelle nous serions d'aboutir à un résultat souhaité par
tous par des moyens plus conformes aux exigences démocratiques.
Mme Hélène Luc.
Et d'avoir 5,6 % de femmes sénateurs, ce n'est pas un échec ?
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Il y a entre ceux qui soutiennent la
proposition qui nous est faite et ceux qui s'y opposent une divergence
fondamentale que l'on rencontre d'ailleurs dans tous les domaines.
Mme Odette Terrade.
Les femmes, ce n'est pas une catégorie, c'est la moitié de l'humanité !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Face à ce problème réel, vous avez
recours à la contrainte.
(Protestations sur les travées socialistes ainsi
que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Nous, nous
voulons prendre le problème à bras-le-corps et le résoudre en utilisant des
moyens conformes aux exigences de la démocratie.
Mme Odette Terrade.
Et dans cinquante ans, cela n'aura pas changé !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Vous ne serez plus là !
(Exclamations sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc.
Ce n'est vraiment pas une raison !
M. Pierre Mauroy.
Ni une réponse !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Deuxième raison de notre opposition
: la mesure qui nous est proposée serait la négation de l'unité du corps
électoral et du principe du mandat représentatif, qui fait de chaque élu,
quelles que soient ses caractéristiques propres, le représentant de la
nation.
Mme Danièle Pourtaud.
Mais tel est bien le cas des femmes élues !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Le deuxième alinéa de l'article 3 de
la Constitution pose un principe intangible et fondateur en disposant qu'aucune
section du peuple ni aucun individu ne peut s'attribuer l'exercice de la
souveraineté nationale.
M. Michel Charasse.
Voilà !
Mme Odette Terrade.
Très juste !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Pour vous faire mesurer le risque
auquel nous sommes confrontés, mes chers collègues, je veux vous livrer une
information. Elle vaut ce qu'elle vaut, puisqu'elle est tirée du
Nouvel
Observateur
(Rires sur les travées socialistes),...
M. Claude Estier.
Ce n'est sans doute pas votre lecture favorite !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... qui peut tout de même être
considéré comme une source importante d'information ! D'ailleurs, pour être
honnête, le sondage était, lui aussi, tiré du
Nouvel Observateur
!
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Voyez, on peut tout en faire
!
Eh bien, dans
le Nouvel Observateur
du 20 janvier 1999, on annonce - je
dis cela avec toutes les précautions d'usage - la création d'un collectif «
Egalité », qui s'est donné pour mission de « défendre le droit des
Afro-Français à une représentation médiatique ». Un temps d'antenne à la
télévision pour les Afros-Français, pourquoi pas ? Mais je reprends la
citation, « Un jour, viendra le tour de la représentation politique. S'il faut
des quotas, on les constituera ».
M. Claude Estier.
Cela, vous ne l'avez pas lu dans
le Nouvel Observateur
!
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Ah si ! J'ai mes sources !
Mme Nicole Borvo.
Ce n'est pas le sujet !
M. Guy Penne.
S'il y avait une association d'affreux, vous pourriez en être !
(Rires sur
les travées socialistes.)
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Monsieur Penne, votre propos est
stupide. De notre temps, les affreux étaient ceux que nous combattions avec le
sentiment de défendre l'honneur de la France. Alors, vous pouvez ravaler votre
propos !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants,
du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Aucun parlement démocratique ne pourra être un représentant statistique de la
société ; ce n'est pas son rôle. Cela l'est d'autant moins que la collectivité
que forment l'ensemble des élus doit définir l'intérêt général, c'est-à-dire
faire abstraction des particularismes pour forger l'unité et ne pas exacerber
les différences.
J'en viens au troisième et dernier motif d'opposition à la rédaction
proposée.
On nous a dit que le principe de parité était facile à mettre en place lorsque
le mode de scrutin était la proportionnelle.
Mme Hélène Luc.
Eh bien voilà !
Mme Odette Terrade.
Voilà pourquoi il faut la proportionnelle !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Au sein de la commission, je faisais
remarquer à l'un de nos collègues qui y travaille très activement que, si le
groupe communiste est, au sein du Sénat, celui qui compte proportionnellement
le plus de femmes,...
Mmes Hélène Luc et Nicole Borvo.
Absolument !
M. Jacques Larché
président de la commission des lois.
... dont nous reconnaissons qualité,
c'est à la représentation proportionnelle qu'il le doit.
Un sénateur du RPR.
Bien sûr !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
C'est d'une logique absolue. La
proportionnelle favorise ce que l'on veut faire aujourd'hui, mais il y a un
obstacle, et personne n'a été capable de me dire comment on pourrait le
franchir : la conciliation entre le principe de la parité et le scrutin
majoritaire.
M. Jean-Louis Carrère.
Ce n'est pas un bon argument ! On peut y arriver avec le scrutin majoritaire
!
Mme Hélène Luc.
Il faut étendre la proportionnelle, c'est clair !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
J'en suis tout à fait d'accord. Mais
notre opposition est fondamentale : vous êtes favorable à la
proportionnelle,...
Mme Hélène Luc.
Oui !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... moi pas ! Je ne veux donc pas
d'un système qui vise à l'étendre ou à la rendre pratiquement obligatoire.
On nous a proposé des « trucs » qu'un éminent professeur de droit, favorable à
la parité, a qualifiés de « relativement farfelus ». Je lui laisse la
responsabilité de son propos.
Certains ont proposé en commission de doubler le nombre de députés dans chaque
circonscription, d'élire en quelque sorte un duo homme-femme. Certains ont
proposé que des circonscriptions soient réservées aux hommes et d'autres aux
femmes.
M. Hilaire Flandre.
Et les transsexuels ?
M. Jean-Louis Carrère.
Des multi-PACS ?
(Sourires.)
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
En vertu de quels critères ? Je ne
vois pas très bien comment on procéderait dans les Landes !
(Nouveaux
sourires.)
M. Pierre Mauroy.
Le scrutin municipal est une solution !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Le scrutin municipal est
proportionnel. Comme vous le savez, il existe deux scrutins majoritaires : le
scrutin majoritaire cantonal et le scrutin majoritaire législatif auquel vous
avez toutes raisons de demeurer attachés depuis quelque temps...
M. Jean Chérioux.
Il y a aussi l'élection du Président de la République !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Pourquoi y aurait-il une seule voie
de conciliation ! Si vous me le prouviez, j'accueillerai cette suggestion avec
le plus grand intérêt.
Dès lors, nous en sommes venus à rechercher de véritables solutions. Nous
partageons le constat et l'objectif qui sont les vôtres. Nous avons identifié
le blocage institutionnel qui a trait au choix des candidats par les partis
politiques.
J'espère que nous parviendrons à trouver des mesures incitatives qui, selon
vous, madame le garde des sceaux, font partie de celles qui devraient être
envisagées.
Telles sont les conclusions auxquelles nous sommes parvenus à la suite des
travaux approfondis que nous avons accomplis. Nous souhaitons et nous faisons
tous des efforts pour que plus de femmes soient présentées et élues. Au fond,
c'est notre objectif commun, mais, selon nous, il ne doit pas être atteint par
des moyens qui emporteraient avec eux des principes fondateurs de notre
démocratie, ceux-là même qui nous ont permis d'être tous ensemble dans cet
hémicycle aujourd'hui pour débattre de cette question fondamentale.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président de la commission, sans du tout
vouloir entrer dans une polémique, je voudrais dire qu'une femme, pas plus
qu'un homme, n'aime entendre qu'elle ne domine pas son sujet quand elle avance
un certain nombre de chiffres ! Mais peut-être n'avons-nous pas les mêmes
sources et je vais me permettre de citer les miennes.
S'agissant de la place des femmes dans la fonction publique, je réaffirme que,
dans les grands corps de l'Etat, Conseil d'Etat, Cour des comptes, inspection
générale des finances, la place des femmes à ce jour est de 15,9 %.
Je tiens à votre disposition un ensemble de tableaux concernant les cadres et
professions intellectuelles supérieures, l'emploi dans les grands corps de
l'Etat, les emplois laissés à la décision du Gouvernement. Ces chiffres sont
issus de la direction générale de l'administration et de la fonction publique,
la DGAFP, du bureau des statistiques, en date du 1er juin 1997.
M. Jean-Louis Carrère.
Très bien !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
S'agissant des mesures prises dans certains pays
européens, j'en citerai trois qui contredisent vos propos.
En Allemagne, la deuxième loi sur l'égalité des droits entre les femmes et les
hommes, et qui a été adoptée en septembre 1994, a permis la mise en place de
mesures positives en ce qui concerne l'administration, qui doit présenter tous
les trois ans un plan d'action avec obligation de résultats.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Je citerai le Royaume-Uni : un premier palier ayant
été franchi en 1995 avec plus de 30 % de femmes, le Gouvernement s'est fixé un
objectif de parité aux postes de décision dans la fonction publique.
Enfin, en ce qui concerne les Pays-Bas, une banque de données a été instituée
depuis 1995, regroupant les coordonnées des femmes disposant des diplômes et
des compétences pour occuper des postes de direction.
C'est pour limiter mon intervention à une douzaine de minutes que je ne suis
pas entrée tout à l'heure dans le détail de mes affirmations ; mais j'ai
ressenti le besoin d'ajouter ces explications.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Charles de Cuttoli.
Et la proportion dans la magistrature ?
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je souhaite simplement vous faire
remarquer, madame le secrétaire d'Etat, que j'ai parlé uniquement du Conseil
d'Etat. Vous, vous avez généralisé.
Pour ma part, compte tenu de mon ancienneté, je suis entré au Conseil d'Etat
l'année où les deux premières femmes y entraient.
Au Conseil d'Etat, la règle - que l'on devrait supprimer d'ailleurs - veut que
l'avancement se fait au « tour de bête ». Vous pouvez tuer père et mère, mais
vous débuterez au tableau comme auditeur !
Pouvez-vous me citer un seul cas de révocation d'un conseiller d'Etat pour
insuffisance professionnelle ?... D'ailleurs, aucun conseiller d'Etat n'a
jamais fait preuve dans sa vie d'insuffisance professionnelle ! C'est tellement
évident qu'on n'a jamais eu besoin d'en révoquer.
(Sourires.)
Cela étant, les membres du Conseil d'Etat avancent au « tour de bête ». Pour
ma part, je suis entré juste après mon ami Chandernagor
(Murmures sur les
travées socialistes)...
Mme Danièle Pourtaud.
Et alors ?
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... et, tout au long de notre vie
professionnelle, nous nous sommes suivis.
Pour les femmes, c'est pareil. Elles sont entrées au Conseil d'Etat et elles y
entrent de plus en plus. Alors qu'il n'y avait que deux femmes dans ma
promotion de l'ENA, elles sont 35 % dans la promotion actuelle. Elles ont donc
toutes les chances d'accéder un jour au « tour de bête » à la présidence du
Conseil d'Etat.
Mme Odette Terrade.
Ce qu'on veut, c'est que cela aille plus vite !
M. Claude Estier.
L'expression « tour de bête » est pour le moins malvenue !
M. Charles de Cuttoli.
Il y a 74 % de femmes à l'Ecole nationale de la magistrature !
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 60 minutes ;
Groupe socialiste : 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 39 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 22 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, Victor Hugo déclarait en 1872 : « Il y a des citoyens, il n'y
a pas de citoyennes. C'est là un état violent, il faut qu'il cesse. »
A sa manière, il dénonçait ce qui se cache derrière le neutre du terme
citoyen. Il en distinguait les deux genres - le masculin, le féminin. Cette
mise en opposition - il y a des citoyens, il n'y a pas de citoyennes - cette
évidente séparation des genres, la mise en lumière de deux conditions
différentes, soudain, jetaient à bas le mythe universaliste.
Oui, la République, la démocratie, la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen n'avaient de féminin que le déterminant et d'universel que le mythe.
Olympe de Gouges ne l'avait-elle pas aussi dénoncé à sa manière en rédigeant
une déclaration des droits de la femme ?
Cet ordre universel neutre, abstrait, mais ne se déclinant qu'au masculin, a
perduré pendant 150 ans. Notre Marianne fut longtemps, trop longtemps, la seule
femme présente dans les hémicycles et les salles de conseil.
Redire, cinquante ans après que le droit de vote et d'éligibilité a été
accordé aux femmes, que l'égal accès des hommes et des femmmes aux mandats
électoraux et aux fonctions électives est organisé par la loi, ce n'est pas
aller contre le principe d'universalité. C'est au contraire l'expliciter, le
réaffirmer. C'est faire, en somme, comme Victor Hugo : poser les termes de
l'égalité, nommer et les hommes et les femmes, convoquer, dans la Constitution,
les deux composantes de l'humain, les deux composantes du peuple.
Parce que cette évidence n'en est apparemment pas une pour tous, rappelons
qu'il est une vérité, et que cette vérité est universelle, à travers les âges
et sous tous les cieux : l'humanité est sexuée. Ce n'est donc pas aller contre
l'universel que de refuser le neutre, ce n'est donc pas bafouer l'universel que
de dire qu'il s'y loge 50 % de féminin, ou de dire qu'il s'y loge 50 % de
masculin.
Je connais par avance la réplique, et je ne pense pas qu'elle soit imparable :
quiconque approche l'universel d'une manière qui n'est pas neutre est accusé de
« différentialisme ». On lui reproche en outre de catégoriser, de distinguer
qui des origines, qui des races, qui des religions.
Bref, nous serions coupables de vouloir favoriser le premier pas vers le
communautarisme, premier pas qui, inéluctablement, en entraînerait d'autres. Or
notre République est fondée sur le refus de la division du peuple en
catégories.
Cette règle fondamentale est inscrite à l'article 3 de la Constitution. Nous y
souscrivons pleinement, et le présent projet de loi ne le remet nullement en
cause. Les femmes, en effet, ne constituent en rien une catégorie, ni une
section du peuple. Elles ne sont pas une minorité : elles sont la moitié de
notre peuple, elles sont la moitié de tous les peuples.
Cette vérité se trouve d'ailleurs inscrite en filigrane dans les thèses même
de ceux qui refusent ici le projet de révision tel qu'il a été adopté à la
quasi-unanimité de l'Assemblée nationale puisqu'ils préconisent également
l'inscription de la différence sexuée ; simplement, il serait possible
d'inscrire cette différence à l'article 4 sans conséquence et elle serait
inacceptable à l'article 3.
Il y a là, on le voit bien, une véritable contradiction qui montre qu'il
s'agit davantage pour la majorité sénatoriale de calculs politiques et
d'arrière-pensées politiciennes.
On me répondra que, parmi ceux qui défendent la thèse de l'universalisme
neutre ou abstrait, lequel serait le principe fondateur de notre démocratie et
de notre République, figurent des hommes et des femmes de gauche.
Je répondrai que je ne mets pas sur le même plan ceux qui se sont illustrés
tout au long de leur vie par leur combat pour la défense des droits des femmes
et les autres qui se sont souvent battus contre ces droits, qu'il s'agisse du
droit des femmes à disposer de leur corps, ou de leur émancipation civile et
économique.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Ces derniers se servent de l'universalisme comme paravent pour masquer
leur conservatisme. Ils croient prendre les défenseurs de la parité à leur
propre piège. Ils leur disent : Vous posez une différence pour revendiquer
l'égalité, mais alors, ne craignez-vous pas que cette différence s'exprime dans
la représentation ? Ainsi, les femmes vont faire de la politique pour les
femmes, et comme des femmes !
Je vous réponds, mesdames et messieurs de la majorité sénatoriale, que c'est
bien mal considérer les femmes que de leur prêter de telles pensées. Les femmes
ne sont pas uniquement déterminées par leur sexe ! C'est parce qu'elles sont
femmes qu'on les empêche de faire de la politique, mais ce n'est pas parce
qu'elles sont femmes qu'elles vont la faire autrement ! Victimes d'une
discrimination par le sexe, nous n'allons quand même pas la rétablir dans
l'hémicycle !
Les sénatrices n'ont pas, me semble-t-il, donné l'impression de ne représenter
que des femmes ; elles représentent leur département, leur pays, et
s'attachent, comme vous messieurs, à résoudre les préoccupations les plus
criantes de leurs concitoyens. Comme vous, elles siègent dans toutes les
commissions de la Haute Assemblée et même, depuis peu, à la commission des
lois. Après tout, nos collègues masculins n'ont jamais été accusés de ne
représenter que leurs congénères mâles !
Soyons clairs, je ne crois pas que les femmes feront de la politique
différemment des hommes, et inversement !
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Juger
a priori
que, contrairement aux hommes, les femmes auraient une
approche différente de la représentation nationale revient à considérer
qu'elles constituent une spécificité, une exception par rapport à une norme
générale, la norme étant l'être humain de sexe masculin. Rien ne justifie cette
vision réductrice. Comme les hommes, les femmes politiques adhèrent à un idéal,
portent des projets et défendent le programme de leur parti.
Rappelons qu'il n'est question ni de fonder un corps électoral distinct ni de
limiter les femmes à la seule représentation des femmes. Ce n'est pas la
République sexuée, c'est le partage équilibré des responsabilités au sein de la
République.
Il y a certainement, dans ce soupçon, un reste de conservatisme mal digéré. Ce
conservatisme a pour origine l'époque où il a été décidé de cantonner la femme
au foyer tandis que l'homme faisait de la politique. Cela a été dit aussi bien
par Mme Guigou que par Mme Péry. De cette lointaine séparation subsistent de
nombreuses marques, par exemple les champs de compétence traditionnellement
dévolus aux femmes dans les assemblées.
Il demeure toujours l'idée que, si une femme a tenu à faire de la politique,
eh bien, elle n'a qu'à s'occuper de choses qui l'intéressent ! Et qu'est-ce
qui, naturellement, l'intéresse ? La famille ! Ainsi s'est dessinée, et de
façon très insidieuse, l'idée d'une spécificité féminine en politique.
Les femmes avaient réussi à abattre les frontières ; elles s'étaient
introduites, un peu par effraction, dans la sphère publique, mais on s'est
chargé de leur rappeler de ne pas oublier au passage ce à quoi on les avait
assignées.
Une réminiscence de ces anciennes attitudes est l'accusation d'incompétence
qui, bizarrement, ne s'accorde qu'au féminin en politique. En 1919 - nous avons
tous relu le compte rendu des débats - le rapporteur de la commission des lois
disait ici même, pour s'opposer au vote des femmes, que « les femmes n'ont pas
une éducation politique suffisante et que de toute façon la femme votera pour
Untel, non parce qu'il a des idées justes et intéressantes, mais parce que sa
tête lui plaît ».
(Sourires.)
Ces propos font sourire, mais les préjugés demeurent quelque peu. C'est ainsi
que M. Juppé déclarait en 1997 à l'Assemblée nationale qu'« il convient d'abord
de favoriser l'accès des femmes aux conseils municipaux, afin qu'elles y
fassent leur apprentissage », c'est-à-dire leur « éducation politique », comme
on le disait en 1919.
Ce n'est pas, à mon sens, un hasard si l'on voit cette accusation
réapparaître, de manière plus fine certes, lors de ces débats. On craint en
effet que des femmes incompétentes ne soient investies par les partis
politiques et qu'elles ne deviennent ainsi des élus de second rang. Leur
situation serait alors humiliante.
En réalité, les femmes se sentent aujourd'hui humiliées, non par la
proposition qui nous est faite de partager le gouvernement du pays, mais par
leur exclusion, de fait, de l'exercice plein et entier de leurs responsabilités
de citoyennes.
Car l'échec est patent. Les quelques femmes élues, que d'aucuns croient «
spécifiques » et que l'on voudrait à part sont en effet une exception. Une
exception quantitative, d'abord, puisqu'elles siègent parmi 90 % d'hommes ; une
exception mondiale ensuite, puisque la France s'est difficilement hissée au
cinquantième rang mondial en 1997, grâce aux efforts des partis de la gauche
plurielle et, en particulier, du parti socialiste.
Mais il est presque inutile de rappeler les chiffres tant le constat est
unanime : cette situation doit cesser et l'égalité doit être rétablie dans les
faits.
On a voulu donner du temps au temps, faire confiance aux nouvelles
générations. Les militantes sont, il est vrai, de plus en plus nombreuses ;
elles partagent davantage les tâches du foyer avec leur compagnon ; elles
s'investissent de plus en plus en politique. Avec le temps, il est probable que
les choses s'équilibreront. Mais combien de temps ?
Combien de temps faudra-t-il pour que les résistances, résistances
particulièrement fortes dans les partis politiques, disparaissent ? On veut
croire que le machisme n'a plus droit de cité. Mais s'il ne se dit pas, s'il
n'ose plus se dire, il reste pourtant bien présent.
Il nous faut des mesures non seulement incitatives, mais aussi coercitives
pour déjouer ce courant très puissant et très pernicieux.
Nous ne comptons plus les propositions de loi déposées en vain au cours de la
dernière décennie par des élus de gauche, voire d'autres tels que Gilles de
Robien et Nicole Ameline. Des dispositions visant l'introduction de la mixité
ont été votées en 1982 et 1998 sur l'initiative de la gauche. Je rappelle
d'ailleurs qu'en 1982 le Sénat a adopté majoritairement l'obligation de mixité
pour les listes présentées aux élections municipales. Le Sénat l'a refusée en
1998 pour les élections régionales. Le Sénat était-il donc plus progressiste en
1982 qu'aujourd'hui ? La question est posée.
Certes, le problème est constitutionnel. Le verrou qui a été installé voilà
dix-sept ans et auquel on vient de redonner un tour de clé très récemment doit
définitivement sauter. Cela n'est possible que par une modification de la
Constitution.
C'est l'objectif du présent projet de loi, qui, d'une part, réaffirme à
l'article 3, précisément visé par la décision du Conseil constitutionnel,
l'égalité d'accès aux mandats électoraux et fonctions électives et qui, d'autre
part, donne les moyens au législateur de déterminer les conditions dans
lesquelles est organisé cet accès.
L'objectif de la parité faisait partie du programme du candidat Chirac aux
élections présidentielles en avril 1995. Alain Juppé a déclaré devant les
députés en mars 1997 que la seule voie possible était la révision de la
Constitution. Enfin, Lionel Jospin, dans son programme pour moderniser notre
vie publique, a proposé d'avancer volontairement vers la parité.
L'opinion publique, dans sa presque totalité, aspire à une présence en nombre
à peu près égal de femmes et d'hommes au Parlement, dans les conseils
régionaux, généraux et municipaux. La société, quant à elle, vit désormais dans
une mixité réalisée dans presque tous les domaines, même si elle reste à
parfaire. La politique est véritablement, force est d'en convenir, le dernier
univers composé à 90 % de costumes-cravates !
(Sourires.)
Il faut prendre garde à cette évidence et ne pas déconnecter encore un
peu plus le monde politique de la réalité. Il perdrait définitivement sa
crédibilité aux yeux de la population !
J'en reviens à votre proposition, monsieur le rapporteur. Vous souhaitez
amender l'article 4 plutôt que l'article 3. Outre que nous touchons ainsi à la
symbolique, et cela n'est pas indifférent, je remarque que l'article 4 ne
concerne que les partis politiques. Les élections prud'homales, qui, selon le
Conseil constitutionnel, découlent de la souveraineté nationale, seront donc
écartées de la modification constitutionnelle. Cette conséquence n'est pas sans
gravité. J'observe qu'elle a été passée sous silence.
Le second changement, et il est grave, transfère aux partis la compétence
d'organiser cet égal accès aux mandats et fonctions. Il dépouille en quelque
sorte le législateur de son pouvoir de fixer le cadre de l'égal accès.
L'Assemblée nationale avait modifié le projet présenté par le Gouvernement, en
accord avec le Président de la République, par crainte de conférer ce pouvoir
au seul Conseil constitutionnel. Vous auriez dû être sensibles à cet argument,
argument que le Gouvernement a entendu. Pourtant, vous préférez démissionner de
votre responsabilité de législateur en la transférant aux partis politiques.
La modification constitutionnelle que vous proposez n'étant pas contraignante,
elle sera inefficace, et vous le savez. En effet, si les partis sont décidés à
favoriser l'égal accès, ils peuvent déjà le faire.
S'ils ne le souhaitent pas, rien ne sera véritablement changé.
Il est évident que vous ne voulez pas de nouvelles interventions du
législateur en ce domaine, et ce pour deux raisons que vous avez d'ailleurs
reconnues, dont l'une tient à l'absence de pouvoir de blocage du Sénat pour les
lois ordinaires et l'autre à la crainte de l'extension du mode de scrutin
proportionnel à toutes les élections, et cela en dépit des engagements très
fermes pris par le M. Premier ministre.
M. Hilaire Flandre.
On sait ce que cela vaut !
Mme Dinah Derycke.
En réalité, vous ne voulez pas de la révision. Vous la videz de sa substance
parce que vous n'osez pas vous y opposer, ce qui serait beaucoup plus honorable
!
En conclusion, je rappelerai que, depuis deux siècles, la France est la patrie
des droits de l'homme, de tous les hommes, quel que soit leur sexe. Pourtant,
les femmes sont, de fait, exclues de la vie politique. Notre démocratie reste
ainsi inachevée.
Ne croyez-vous pas, comme l'ONU l'a dénoncé dans une convention ratifiée par
la France en 1983, que les discriminations à l'encontre des femmes empêchent
ces dernières de servir l'humanité tout entière ?
Ne croyez-vous pas qu'il est temps, pour la France, d'ouvrir un nouveau
chapitre, en mettant en oeuvre concrètement le principe de l'égalité des droits
des hommes et des femmes, en consacrant officiellement et symboliquement le
partage des responsabilités politiques entre les hommes et les femmes ?
Ainsi, ensemble, dans la diversité individuelle de nos potentialités, de nos
talents et de nos vertus, nous ferions honneur à notre histoire, nous ferions
honneur à la France.
C'est ce à quoi vous nous invitez avec le texte que vous nous proposez, madame
la garde des sceaux, et, pour cette raison, nous le voterons !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, pendant deux décennies, enseignant au collège,
j'ai pu constater combien l'objectif d'égalité des chances pour nos jeunes est
difficile à atteindre, voire utopique.
Les maîtres et professeurs ont beau expérimenter, innover, s'engager avec
détermination pour réduire les handicaps, un constat amer s'impose : les
jeunes, à leur arrivée dans l'institution scolaire, sont déjà à un tel point
marqués, imprégnés par leur vécu, leur expérience, leur apprentissage de la
société que l'école est incapable de répondre à cet objectif de justice sociale
que sous-tend la notion d'égalité des chances.
Certes, des exceptions existent et chacun pourra citer un jeune issu d'une
famille modeste ou d'un quartier difficile qui a fait des études brillantes et
qui occupe dans la société une place éminente. Mais les statistiques nous le
rappellent en permanence : suivant leur lieu de naissance, le milieu familial
où ils passent leur jeunesse, les fréquentations qu'ils ont, les écoles où ils
sont scolarisés..., nos enfants ont plus ou moins de chance de pouvoir suivre
des études à l'université, fréquenter de grandes écoles, réussir leur insertion
dans la société.
Le fait d'être obligé d'admettre que « le hasard des naissances » et la vie
conditionnent à ce point les chances offertes à nos jeunes a, pour moi,
toujours été particulièrement choquant ; et c'est profondément injuste.
Il y a quelques années encore, je n'étais pas conscient que la situation des
filles - des femmes - relève de la même analyse et de la même logique. Et
pourtant, là aussi, il faut bien le reconnaître, quand on naît fille, la
famille, l'école, la société ne vous réservent pas
a priori
le même
parcours qui si on naît garçon.
Mme Hélène Luc.
C'est vrai !
M. Philippe Richert.
C'est tout aussi choquant et injuste.
En septembre 1996, M. Alain Juppé, alors Premier ministre, avait souhaité une
réflexion approfondie sur la représentation des hommes et des femmes dans les
livres scolaires, outils pédagogiques par excellence, mission à laquelle je
m'étais alors attelée avec ma collègue député de l'Assemblée nationale Mme
Simone Rignault.
Nous nous étions rendu compte, après examen minutieux de bon nombre de
manuels, à quel point les livres scolaires étaient encore remplis de
stéréotypes désuets sur la représentation des deux sexes, sans compter que
certaines femmes, ayant pourtant marqué par leur action tel ou tel domaine
éminent, étaient même totalement occultées.
Or, les manuels et ouvrages scolaires livrés à nos enfants pour leur
apprentissage et leur préparation à la citoyenneté ne doivent-ils pas,
justement, être le reflet de l'evolution de la société, favoriser l'égalité des
chances et la diffusion des valeurs de notre société ?
Sans conteste, un rapprochement peut être opéré entre cette mission et le
texte de loi qui nous est soumis aujourd'hui. Nous devons veiller de façon
vigilante dans toutes les sphères de notre société à l'image et la
représentation de la femme qui est véhiculée, que ce soit dans le système
éducatif, dans la publicité ou en politique. C'est un préalable indispensable à
toute volonté de légiférer.
Dès lors, peut-on se satisfaire de la situation des femmes en France à
l'entrée du xxie siècle ? Bien sûr, il est indéniable que des progrès décisifs
ont été accomplis dans les dernières décennies et que les principales
aberrations ont disparu de notre droit positif : les femmes sont devenues
électrices ; la notion de « mari-chef de famille » est sortie du code civil ;
l'interruption volontaire de grossesse à été légalisée ; l'égalité
professionnelle a progressé depuis quelques années, même si un écart de près de
25 % subsiste dans les salaires.
Cependant, dans la sphère dite « publique », les femmes restent encore très
largement sous-représentées, eu égard à leur importance quantitative : elles
n'ont pas encore suffisamment accès aux fonctions électives et aux mandats
politiques.
Comment y remédier ?
Le présent projet de loi constitutionnelle propose une solution qui, même si
elle est critiquée et critiquable sur certains points, a le mérite de tenter de
faire avancer la problématique. Je me félicite de ce débat car il est
indispensable de faire évoluer la situation même si le texte que le Sénat va
adopter risque de différer de celui qui a été voté par l'Assemblée
nationale.
Mais, avant d'entamer ces questions de fond, revenons un peu en arrière.
Depuis le xvie siècle, la citoyenneté ne se définit plus comme l'aptitude à la
magistrature. En mettant fin à cette conception antique élaborée par Aristote,
le droit républicain moderne a divisé la citoyenneté en deux étages, nettement
distincts, dont le premier comprend les droits civils et le droit de vote
tandis que le second - l'accès direct à la décision politique - est désormais
réservé dans nos démocraties aux élus et représentants du peuple.
Or force est de constater qu'aujourd'hui, malgré de notables progrès, trop peu
de femmes ont accès à ce deuxième étage de la citoyenneté.
Ainsi, en dépit de la percée observée en juin 1997 lors des élections
législatives, les femmes ne représentent que 10 % des députés, et la France
demeure en net retrait par rapport à ses partenaires de l'Union européenne.
Elle se place dorénavant à l'avant-dernier rang de la représentation
parlementaire féminine, juste avant la Grèce, qui ne compte que 6 % de députés
femmes.
Pourtant, le troisième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, inséré
dans notre actuelle Constitution, déclare : « La loi garantit à la femme, dans
tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme. » Le débat que nous
avons aujourd'hui trouve donc son origine non dans un déficit législatif, mais
dans le constat d'un écart manifeste entre le droit et le fait.
Certains observateurs estiment que le verrou principal qui a grippé, voire
bloqué, la progression de l'accès des femmes à la candidature a été posé par la
décision du Conseil constitutionnel du 18 novembre 1982, qui a déclaré non
conforme un amendement au projet de loi sur le mode d'élection des conseillers
municipaux visant à limiter à 75 % la proportion des candidats d'un même sexe
pouvant figurer sur une liste.
Cette jurisprudence a d'ailleurs été très récemment confirmée à propos d'un
amendement, déposé et adopté lors de l'examen du projet de loi relatif au mode
d'élection des conseillers régionaux et au fonctionnement desdits conseils,
visant à imposer la parité entre candidats de sexes opposés sur chaque
liste.
Le corollaire indispensable à l'introduction de la notion de quotas est une
révision préalable de la Constitution.
A ce sujet, je souhaite rappeler au Sénat que le principal motif invoqué alors
par le Conseil constitutionnel pour s'opposer à ce texte fut le non-respect du
principe d'égalité.
L'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen établit
avec force le principe d'égalité entre les citoyens et interdit clairement
toute division par catégorie des électeurs. le principe d'égalité s'oppose donc
à la parité lorsque celle-ci est conçue comme un principe arithmétique. Ainsi,
inscrire en droit la parité suppose non seulement une révision de la
Constitution, mais une remise en cause radicale de son préambule.
L'obstacle majeur à l'institution de la parité semble être le principe
d'indivisibilité du corps électoral. Comme pour les électeurs, on ne peut pas
diviser les personnes éligibles en catégories sans porter gravement atteinte au
dogme de l'unité et de l'homogénéité du corps des citoyens. C'est un fondement
de notre droit constitutionnel.
Ainsi, l'instauration de quotas ou de la parité présente un risque important :
celui de changer la conception individualiste de notre droit, dans la mesure où
c'est l'appartenance au groupe qui définirait les droits et non plus la qualité
de l'individu. Attention à la dérive communautariste, que Mme la ministre a
d'ailleurs évoquée dans son exposé liminaire, même si, pour elle, le risque
n'existant pas, cette crainte est sans fondement.
Oui, la citoyenneté est un concept universel et égalitaire, et c'est
précisément cela qui a assuré sa pérennité dans l'histoire des démocraties.
Bref, la parité n'est pas l'égalité. D'ailleurs, celle-ci est déjà inscrite
dans la Constitution sous la forme de la non-discrimination.
L'intention implicite du Gouvernement semble bien être l'instauration de la
parité par quotas pour toutes les élections en faisant croire que sa promotion
sous la contrainte permettra l'égalité.
Il faut que les choses soient clairement dites. Si, effectivement, la parité
ne sera pas inscrite dans le texte de la Constitution, il reste qu'elle sera un
objectif général pour toutes les élections, et le législateur aura la charge
d'en définir et en assurer la mise en oeuvre.
Comment le fera-t-il ? Avec des quotas généralisés ? C'est possible. Pour
vous, madame la ministre, la répartition des hommes et des femmes dans toutes
les instances politiques doit être égale, la parité étant, je vous cite, une «
égalité concrète de situation ».
S'agissant des règles électorales, si la parité s'inscrit facilement dans le
cadre du scrutin de liste, comment le législateur pourra-t-il l'assurer aux
scrutins uninominaux ? Quant à la mise en oeuvre de l'égal accès aux fonctions
électives, comment sera-t-elle réalisée en généralisant les scrutins
proportionnels ?
Pourquoi modifier l'article 3 de la Constitution ? Cet article assure
l'égalité des droits civiques à tous les nationaux français majeurs des deux
sexes. Est-il vraiment nécessaire de modifier la Constitution, et plus
particulièrement son article 3, pour établir une égale éligibilité alors que
celle-ci découle déjà du texte fondamental et qu'aucune disposition du code
électoral ne limite en quoi que ce soit l'éligibilité des femmes ou des hommes
?
L'instauration de la parité, c'est-à-dire la mise en place d'une
discrimination positive, représente un pas qui n'a été franchi nulle part
ailleurs, notamment au niveau de la Constitution.
Contrairement à ce qui est souvent affirmé, les Etats-Unis n'ont rien fait de
tel. Pour les pays scandinaves, souvent cités en exemple, il en est de même :
les Suédois et les Norvégiens ont des textes qui s'appliquent uniquement dans
la sphère administrative et, s'il est exact que le pourcentage de femmes au
sein de leurs assemblées politiques est l'un des plus élevés, soit près de 40
%, vous l'avez redit, madame la ministre, les choses n'ont évolué que sous
l'effet d'une politique volontariste des partis, sans qu'aucune mesure
législative contraignante ait été prise. Ceux-ci ont en effet imposé, en leur
sein, des quotas de 40 % ; voilà un bel exemple de pragmatisme.
En Europe, seule l'Italie avait mis en place une législation au début des
années quatre-vingt, mais une décision de la Cour constitutionnelle de 1995 a
invalidé cette disposition prévoyant une inscription privilégiée des femmes sur
les listes de candidatures aux élections municipales. Quant à la solution
belge, elle est très en deçà de celle qui est actuellement envisagée en
France.
Au total, en droit comparé, la formule de la parité est écartée et seules les
mesures incitatives à l'intérieur des partis politiques portent leurs fruits,
même si la maturation des esprits est parfois très longue.
Cela rejoint d'ailleurs l'un des enseignements des travaux de la mission
commune d'information sur la place et le rôle des femmes dans la vie publique,
constituée au Sénat, en octobre 1996, sur l'initiative de son président, M.
René Monory, mission présidée par Mme Nelly Olin et dont j'ai eu l'honneur de
rapporter les travaux.
Cet enseignement pourrait être résumé en ces termes : la sous-représentation
des femmes dans les instances et les lieux de décision publics n'est pas due au
premier chef à des barrières juridiques. En effet, elle tient avant tout à des
résistances sociologiques et psychologiques, à la pratique politique, notamment
à celle des partis. Ainsi, une action volontariste des partis politiques
permettrait de faire évoluer considérablement la situation, pour peu qu'ils le
souhaitent vraiment ou qu'on les y oblige.
M. Claude Estier.
Voilà !
M. Philippe Richert.
D'ailleurs, en dehors de tout changement majeur dans la législation, les
élections législatives de 1977 n'ont-elles pas révélé une véritable percée des
femmes dont l'ampleur se résume à un seul taux : plus 80 % par rapport à la
précédente législature ?
Mme Dinah Derycke.
A gauche !
M. Philippe Richert.
En mars 1998, le nombre de femmes élues aux élections régionales a été
multiplié par deux, la progression a été également sensible aux dernières
élections cantonales, tout cela quels que soient les partis politiques
concernés.
Ainsi, au-delà des chiffres et des statistiques, il paraît évident que le
changement des mentalités et des pratiques des partis est la clé du succès.
Mais il ne se décrète pas, pas plus qu'il ne se déclenche à la simple lecture
d'un principe solennellement inscrit dans notre loi fondamentale.
C'est pour cela qu'il semble plus logique de modifier l'article 4 de la
Constitution consacré aux partis et aux groupements politiques, afin d'y
introduire un alinéa précisant que ces derniers favorisent l'égal accès des
femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions.
Il s'agit de susciter une prise de conscience que l'équilibre entre les hommes
et les femmes dans la vie publique doit être un objectif prioritaire, tant dans
les instances élues qu'au sein des structures des partis politiques
eux-mêmes.
De plus, sans que cela transparaisse clairement, ne peut-on voir, sous couvert
du texte qui nous est proposé par le Gouvernement et qui a été revu par
l'Assemblée nationale, une volonté affichée de voir la parité présente dans
toutes les élections, donc de nous imposer d'une façon ou d'une autre une
modification du mode d'élection des membres du Parlement, par exemple ?
M. Claude Estier.
Il n'y a pas besoin de modifier la Constitution pour modifier un mode de
scrutin !
M. Philippe Richert.
Si nous poussions le raisonnement bien plus loin, l'interprétation de ce texte
constitutionnel, qui incite à la parité pour toutes les élections, ne nous
obligerait-il pas à choisir systématiquement le scrutin de liste,
constitutionnellement correct puisque la parité pourrait y être appliquée
stricto sensu
?
Le groupe de l'Union centriste, au nom duquel je m'exprime, soutiendra la
démarche de la commission des lois, y compris en ce qui concerne la
modification de la Constitution, mais je souhaiterais attirer votre attention,
en dernier lieu et en mon nom personnel, mes chers collègues, sur certaines
limites à l'inscription constitutionnelle de ce principe.
Tout d'abord, l'adoption par le Sénat de ce projet de loi, et donc son
approbation de cette modification constitutionnelle, ne provoquera pas
immédiatement et automatiquement une arrivée massive des femmes sur le devant
de la scène politique, parce que permettre « l'égal accès aux mandats
électoraux et aux fonctions électives » ne veut pas dire que, à compter de
l'entrée en vigueur du texte, les femmes seront élues et que leur présence sera
« numériquement significative ». Nous devons accompagner la mise en oeuvre de
ce projet de loi, et je m'adresse plus particulièrement ici à mes collègues de
sexe masculin.
J'ai fait pour ma part ma révolution culturelle
(Sourires),
et je crois
que nous devons nous unir pour poursuivre dans cette voie, par une mutation de
nos mentalités et de nos comportements. A chacun de nous de l'accomplir !
Veillons ensuite à ce que ce texte ne devienne pas un leurre, mais qu'il soit
bel et bien suivi d'effet. Je reste persuadé que c'est par étapes progressives
- que nous parcourerons, je l'espère, à grandes enjambées - que nous aboutirons
à un résultat satisfaisant et positif.
Enfin, l'incitation à la mise en place d'une politique volontariste de la part
des partis sera-t-elle suffisante ? Tout le monde s'accorde à penser que les
partis politiques se doivent de montrer l'exemple, mais pour qu'une société
soit équilibrée, ne convient-il pas que l'évolution touche le domaine privé,
qui est celui de l'entreprise, et l'administration ?
La mission d'information sénatoriale relevait dans ses conclusions que « le
taux significatif de femmes dans les assemblées politiques en Suède n'empêchait
pas les femmes de ce pays de n'occuper que 10 % des postes d'encadrement dans
les entreprises privées et 30 % dans l'administration, ces taux s'établissant,
en France, respectivement à 22 % et 40 % ». On ne peut décidément pas être bon
partout ! Nous accusons donc, en France, un retard dans nos assemblées
parlementaires, mais nous sommes plus avancés dans d'autres sphères d'activité,
et il faut s'en féliciter.
La modification de la Constitution que nous adopterons, je l'espère,
aujourd'hui donnera au législateur les moyens d'obliger les partis politiques à
favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions.
Ce sera une nouvelle étape vers plus de justice et vers un renforcement du rôle
et de la place des femmes. Ce sera aussi pour les assemblées, j'en suis
persuadé, un enrichissement, car la présence de femmes élues plus nombreuses
influencera la qualité et la teneur des débats, grâce aux sensibilités et aux
approches souvent complémentaires des deux sexes.
Mais la décision de modifier la Constitution pour y inscrire solennellement
l'égal accès aux responsabilités politiques des femmes et des hommes constitue
aussi, bien entendu, un signe fort en direction de la société, pour que, dans
tous les domaines, les femmes voient leur place revalorisée, comme leurs
mérites le justifient amplement.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. Henri Weber
applaudit également.)
M. le président.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize
heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures
cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à
l'égalité entre les femmes et les hommes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en
guise d'introduction à mon bref propos, j'indiquerai que, par référence à ce
qu'a dit le précédent orateur qui est intervenu avant la suspension de séance,
ma révolution culturelle est faite depuis longtemps.
Dès 1971, un tiers des membres de mon conseil municipal étaient des femmes. En
1967, j'ai eu une suppléante, qui est devenue députée lorsque je suis entré au
Gouvernement ; elle a siégé pendant deux législatures à l'Assemblée
nationale.
Les membres de la commission des lois ont eu le privilège d'entendre, dans un
silence qui, il faut bien le dire, est assez inhabituel, une grande dame, dont
la force de conviction n'avait d'égale que la hauteur de vue, leur expliquer
les raisons pour lesquelles elle était hostile au principe de ce qu'il est
convenu d'appeler la « parité hommes-femmes ».
Professeur de philosophie à l'Ecole polytechnique, elle avait reçu, nous
a-t-elle dit, mandat de ses élèves féminines de les laver de l'humiliation que
représente à leurs yeux ce terme de « parité ».
Invitant les commissaires à se méfier des fausses évidences, elle a dénoncé la
manipulation des concepts, la détérioration du concept d'universalité au profit
d'un droit à la différence, celui-là même qui a permis à de tristes théoriciens
de l'extrême droite de justifier les pires excès des régimes racistes.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Le dualisme du projet de loi constitutionnelle, a-t-elle affirmé, ouvre
la voie au multidifférencialisme. A ses yeux, comme, en son temps, à ceux de
Simone de Beauvoir, le remède proposé est pire que le mal et, après avoir
rappelé que c'est une assemblée d'hommes qui a donné l'IVG aux femmes,
d'avancer plaisamment : « Si l'on s'engage dans la voie du projet de loi,
demain, dans un jury d'assises, un violeur dira : Je ne veux pas être jugé par
des femmes. »
(Exclamations sur plusieurs travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Les perspectives de l'échec de la république universelle
l'inquiètent : « Les lobbies sont déjà en place, qui viendront réclamer leurs
quotas de noirs, de beurs, d'homosexuels... » Ne jouez pas au coup par coup,
nous a-t-elle adjuré, mais voyez plutôt le coup d'après.
Les Etats-Unis ont aujourd'hui compris les méfaits de la doctrine de la Cour
suprême
separate but equal,
qui a abouti trop longtemps à justifier
l'apartheid dans les Etats du Sud. Et ce sont aujourd'hui les professeurs
noirs, avec les quotas qui conduisent certains à les décrédibiliser, qui sont
depuis quelque temps les premiers à demander qu'on en finisse avec ces
quotas.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
Mme Hélène Luc.
C'est insupportable !
Mme Odette Terrade.
Les femmes ne sont pas des quotas !
M. Christian Bonnet.
L'évolution ô combien souhaitable se fera naturellement, On ne tardera pas à
le vérifier lorsque l'on connaîtra la composition des listes pour les élections
européennes. La sanction, selon moi, sera rude pour ceux qui n'auraient pas
compris la nécessité de faire leur place aux femmes, et en bonne place
s'entend.
(Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Alain Vasselle.
Très bien !
Mme Hélène Luc.
Qu'avez-vous fait dans vos groupes ? Il faut bien reconnaître que vous avez
échoué jusqu'à présent. Il faut donc faire autre chose !
M. le président.
Mes chers collègues, je vous en prie, laissez l'orateur s'exprimer. Vous ne
pouvez demander à vous exprimer dans le calme si vous perturbez vous-mêmes les
autres orateurs. Ecoutons donc M. Bonnet en silence.
(Bravo ! et
applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. Christian Bonnet.
Le principal mérite de ce débat sera d'avoir fait comprendre aux têtes des
listes qui paraissent devoir prendre le départ pour le scrutin du mois de juin
qu'elles ne peuvent pas ruser avec la place qu'occuperont les femmes sur leurs
listes.
M. Jean-Marie Poirier.
Très bien !
M. Christian Bonnet.
En ce domaine, la vie politique est en retard sur l'évolution de la société -
cela est indéniable - mais si la prise de conscience a été lente à venir, elle
est là.
Ainsi, la semaine dernière, sur les trois nominations en jeu au CSA, le
Conseil supérieur de l'audiovisuel, deux ont profité à des femmes, et Mme le
garde des sceaux est, au demeurant, une brillante illustration de la place
éminente que des femmes remarquables peuvent prendre dans notre vie politique.
Il est donc véritablement paradoxal de la voir défendre un texte qui sacrifie à
ce travers bien français qui consiste à tout prétendre régler par la loi.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. Dominique Braye.
Ça, c'est sûr !
Mme Hélène Luc.
Quand ça ne fonctionne pas, on ne peut pas faire autrement !
M. Christian Bonnet.
La commission des lois, dont la conviction majoritaire s'est trouvée renforcée
par l'argumentation développée devant elle, a décidé, plutôt que d'amender
l'article 3 de la Constitution, de procéder à une adjonction à l'article 4 qui
traite de la place des partis dans l'organisation des pouvoirs publics. Cette
suggestion venait - le procès-verbal de la commission en fait foi - de
l'autorité à laquelle je faisais allusion en commençant mon propos.
Soucieuse de ne pas paraître indifférente au problème posé - mais mal posé -
par le projet de loi et estimant que sa solution réside dans une politique
volontariste à l'intérieur des formations politiques, elle a voté un amendement
se décomposant en deux parties bien distinctes.
La première, qui pose le principe selon lequel les partis « favorisent un égal
accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives », n'a pas donné lieu à
discussion. La seconde, en revanche, a prêté à discussion. Elle dispose en
effet, depuis un vote intervenu ce matin même en commission, que « les règles
relatives à leur financement public peuvent contribuer à la mise en oeuvre des
principes énoncés aux alinéas précédents. »
Ces principes, ce sont la souveraineté, la démocratie et l'égal accès des
hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
Or, nous sommes un certain nombre à estimer qu'il n'est pas convenable -
qualificatif à prendre dans sa plus large acception - d'introduire dans la
Constitution une question relative au financement des partis politiques. Ce
serait là une grande et affligeante première dans la mesure où elle abaisserait
une loi constitutionnelle au niveau d'une loi ordinaire. Ne touchez aux lois
que d'une main tremblante, écrivait Montesquieu.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Christian Bonnet.
Et c'est avec plus de précautions encore, des précautions infinies, qu'il
convient de toucher à la loi suprême, à la loi fondamentale, que des
modifications incessantes n'ont, ces temps, que par trop tendance à banaliser
et à fragiliser.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
Grande première, disais-je, grande et paradoxale première dans la mesure
où, dans le souci de faire aux femmes qui le désirent la place qu'elles
méritent dans notre vie publique, on en viendrait à les humilier en faisant
d'elles un enjeu financier !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
Telles sont les raisons pour lesquelles, bien qu'il n'ait pas eu l'aval
de la commission, mais assuré du concours de nombre de mes amis, je défendrai,
lors de la discussion des articles, un sous-amendement tendant à la suppression
du second alinéa du texte proposé par la commission pour l'article 4 de la
Constitution.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
depuis cinq mille ans, depuis qu'a commencé à se mettre en place une société
hiérarchisée, avec Etat, culte, armée, organisation socio-économique, les
pouvoirs - tous les pouvoirs - ont été exclusivement exercés par des hommes.
Un sénateur du RPR.
Et Cléopâtre ?
M. Yvon Collin.
Bien sûr, mes chers collègues, nous ne pouvons sérieusement porter, à nous
seuls, ici, la responsabilité de cinquante siècles d'histoire, et ce d'autant
moins que les revendications des mouvements féministes en termes de pouvoir ou
de place des femmes dans la vie publique n'ont véritablement pris leur essor
que depuis les années soixante-dix. Notre responsabilité se limite donc à ce
qui s'est passé ces trente dernières années, et force est de constater que les
évolutions sont lentes - c'est le moins que l'on puisse dire ! - quels que
soient les domaines.
Certes, l'accès massif à un travail salarié a donné aux femmes une autonomie
financière qu'elles n'avaient pas auparavant ; mais, dans tous les pays du
monde, y compris le nôtre, à travail égal, le salaire est inégal entre les
hommes et les femmes. Ajoutons - circonstance aggravante - que le chômage
touche davantage les femmes que les hommes.
Certes, nous dira-t-on, les femmes ont gagné la bataille du droit à la
contraception et à l'interruption volontaire de grossesse. Il faut toutefois
signaler que les trop nombreux signes d'atteintes à ces droits dans plusieurs
pays du monde, même en Europe, nous imposent à tous une vigilance de tout
instant.
Certes, s'agissant des droits politiques, les femmes, à force de courage et de
détermination, les ont obtenus. Mais là aussi, le triomphalisme n'est pas
complètement de mise. Si les droits sont là, il n'en est pas de même des
résultats en termes d'occupation des mandats électoraux. La difficulté consiste
donc, aujourd'hui, à accroître la place des femmes dans la vie publique.
Nous connaissons les chiffres. La France est caractérisée par un énorme retard
dans l'accès des femmes aux fonctions politiques. Notre pays est confronté à
une situation de quasi-blocage qui évolue très lentement, ce que quelques
constats éclairent : il y avait autant de femmes parlementaires en 1946 au sein
de l'Assemblée constituante qu'en 1993 au sein de l'Assemblée nationale. Il a
fallu attendre 1983 pour atteindre le taux de 10 % de femmes dans les conseils
municipaux...
Mme Danièle Pourtaud.
8 % !
M. Yvon Collin.
... et 1995 pour arriver à 20 %. Les femmes représentent moins de 10 % des
maires, et, de plus, à de rares exceptions près, elles sont à la tête de
communes de moins de 2 000 habitants. Très peu nombreuses au sein des conseils
généraux et du Parlement, elles sont également écartées des présidences de
structures intercommunales et, bien sûr, sauf un ou deux cas, des présidences
des conseils régionaux et généraux.
Mme Danièle Pourtaud.
Bravo !
M. Yvon Collin.
Pourquoi une telle situation existet-elle ? Une explication est souvent
avancée : le caractère latin méditerranéen, dont la France participerait,
serait plus machiste que le caractère nordique ou anglo-saxon.
Cette explication ne peut nous satisfaire, car les pays européens du Sud -
l'Italie, l'Espagne et le Portugal - dépassent largement la France, qui, on le
sait, rivalise avec la Grèce... pour la dernière place ! Surtout, il faut bien
constater que la Grande-Bretagne est également très en retard, phénomène qui a
peut-être été occulté par la longue présence de Mme Thatcher aux affaires du
pays.
On peut alors se poser la question du poids de l'histoire. La France et la
Grande-Bretagne sont les deux pays qui ont mené les premiers combats
démocratiques et gagné les premières victoires. La démocratie a bâti pendant
des décennies - un siècle et demi pour notre pays - une image masculine qui se
prévalait en plus d'universalité. On se rappelle Olympe de Gouges - c'est une
fierté de mon département, puisqu'elle était montalbanaise - qui habitait non
loin d'ici et écrivit la première déclaration des droits des femmes : « La
femme, disait-elle, a le droit de monter à l'échafaud. Il faut qu'elle ait le
droit de monter à la tribune. » On connaît son sort : elle monta à l'échafaud !
Et il fallut cent cinquante ans aux femmes, non pour monter à la tribune mais
pour avoir le droit de vote.
Les autres pays ont vu les hommes et les femmes accéder plus tard, presque en
même temps pour l'un et l'autre sexe, à la citoyenneté. Peut-être est-ce pour
cela, d'ailleurs, qu'ils ont moins de réticences à répartir plus équitablement
les responsabilités politiques ?
On peut aussi avancer l'idée que les femmes françaises disposent d'atouts qui
peuvent se retourner contre elles pour l'exercice de responsabilités
politiques. Ainsi, la France est le deuxième pays européen en termes de travail
salarié féminin, et le premier pays en ce qui concerne le travail féminin à
plein temps.
Mme Hélène Luc.
Tout à fait !
M. Yvon Collin.
La plus grande autonomie financière et psychologique donne une liberté que le
temps consacré au travail peut à l'évidence réduire pour des activités
politiques.
(Protestations sur certaines travées socialistes.)
Mme Hélène Luc.
Il ne faut pas le prendre comme ça !
M. Yvon Collin.
Il est aussi permis de signaler que la prise de pouvoir passe par des rites,
des méthodes façonnées par les hommes. La politique, on le sait, est un combat
permanent pour s'imposer, en premier lieu, au sein de son parti politique - ce
n'est pas facile - ensuite face à l'adversaire et, enfin, pour imposer ses
idées. Les hommes, de tout temps majoritairement au pouvoir, ont construit des
armes éloigné de la sensibilité féminine.
Mes chers collègues, quelles que soient les raisons de la faiblesse numérique
des femmes dans la vie politique, si l'on se réfère au rythme de progression
actuel, il faudra encore cinq cents ans pour arriver à la parité.
Parce que les évolutions naturelles sont lentes, il est nécessaire de
provoquer une arrivée massive des femmes dans le champ du pouvoir politique par
le biais législatif et préalablement par celui d'une révision de la
Constitution.
En effet, même si, en droit, l'égale éligibilité des hommes et des femmes est
établie, seule la mention explicite de ce droit dans la Constitution permettra
d'adopter des lois favorisant la parité.
Le présent projet de loi constitutionnelle s'inscrit dans cette démarche qui
n'est pas, c'est vrai, sans soulever des querelles juridiques.
Ceux qui s'opposent à cette modification avancent notamment le principe
d'universalité. Ainsi, selon certains, la représentation des femmes « ès
qualités » mettrait à mal ce principe et ouvrirait la porte à des
représentations spécifiques des différentes couches, classes, catégories de la
société.
Les radicaux de gauche, attachés à l'intégrité de la République, ne peuvent
qu'être extrêmement sensibles à cet argument. Pourtant, ils sont favorables à
cette modification de l'article 3 de la Constitution, considérant que les
femmes ne sont pas une catégorie ou une couche spécifique de la population.
(Très bien ! et applaudissements sur certaines travées socialistes.)
Elles sont, comme les hommes, l'humanité même. Sans les femmes, comme sans les
hommes, il n'y aurait pas d'humanité !
(Très bien ! et applaudissements sur
les mêmes travées.)
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Yvon Collin.
L'argument de l'universalité ne peut donc être retourné contre elles. Depuis
deux cents ans, la vie politique démocratique française a vu décliner
l'universalité au masculin. La conséquence en est l'injustice, mais pas
seulement. Un individu ne peut bien marcher que sur ses deux jambes.
La démocratie ne peut fonctionner harmonieusement qu'en faisant participer à
la décision non pas des femmes et des hommes, mais le féminin et le masculin,
dans leurs différences mais aussi dans leur égalité.
Cette égalité est souvent mise en cause dans le droit, et, dans les pays
développés, dans les faits.
Dire que les femmes et les hommes sont différents et que, en conjuguant ces
différences, ils ne peuvent que rendre le monde meilleur, ce n'est pas
s'attaquer à l'égalité ; au contraire, c'est dire que l'universalité ne peut
être que mixte, féminine et masculine.
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, nous sommes tous d'accord pour constater qu'il y a un problème
dans la vie politique française : la sous-représentation des femmes au
Parlement et parmi les titulaires des fonctions et mandats électifs.
On a même entendu dire, ce matin, que la France - triste record ! - était la
lanterne rouge des démocraties quant à la représentation féminine.
M. Claude Estier.
C'est vrai !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
C'est la vérité !
M. Patrice Gélard.
Je crois que nous sommes tous d'accord pour porter le diagnostic, pour
constater cette évidence. Toutefois, nous divergeons sur les thérapeutiques à
employer.
M. Henri Weber.
C'est vrai également !
M. Patrice Gélard.
En d'autres termes, il y a un problème, même s'il n'est peut-être pas
forcément d'une actualité brûlante, comme certains voudraient nous le faire
croire.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Oh !
M. Patrice Gélard.
Ainsi, la manifestation qui a eu lieu tout à l'heure devant le Sénat n'est pas
tout à fait représentative. Certes, les sondages d'opinion n'ont pas encore
fait état d'une exigence absolue, mais c'est politiquement correct.
M. Dominique Braye.
Très bien !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
On aura tout entendu !
M. Patrice Gélard.
Je voudrais reprendre le diagnostic et évoquer les remèdes.
En ce qui concerne le diagnostic, je conviens de la sous-représentation des
femmes dans la vie politique.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Il est difficile de dire le contraire !
M. Patrice Gélard.
Mais relativisons quelque peu. On l'a dit, il y a une extension considérable
des femmes au travail. On l'a dit également, il y a une extension considérable
des femmes responsables, tant dans la fonction publique que dans le secteur
privé. La France devance même, à cet égard, les pays nordiques, qui sont
pourtant champions toutes catégories quant à la représentation féminine dans
leur parlement.
Permettez-moi de vous faire part de mon expérience d'enseignant : d'année en
année, j'ai vu le nombre des étudiants diminuer, tandis que celui des
étudiantes augmentait. Mais cela, c'est secondaire. Ce que j'ai surtout vu,
c'est que les étudiantes étaient les meilleures, qu'elles obtenaient
systématiquement les meilleures places, les meilleures mentions et qu'elles
étaient fréquemment majors de leur promotion. C'est un phénomène général que
l'on constate non pas seulement dans les facultés de droit, mais aussi dans les
écoles d'ingénieurs : on pourrait citer le cas de l'Ecole polytechnique, de
l'Ecole centrale, de HEC, où les majors de promotion sont de plus en plus
fréquemment des femmes qui, dès lors, obtiennent de plus en plus souvent des
emplois de la plus haute responsabilité.
On assiste également à une féminisation croissante, dans des proportions très
élevées, de corps entiers d'activité professionnelle : nous connaissons tous la
situation de l'enseignement, où 65 % des enseignants sont des femmes, de la
magistrature, du métier d'avocat, des métiers sociaux et des métiers de la
santé, de la fonction publique, où le nombre des femmes dépassent souvent très
largement celui des hommes.
M. Dominique Braye.
Eh oui !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Cela dépend du grade !
M. Patrice Gélard.
Nous devons aussi constater - évidemment, l'évolution est lente, mais réelle -
l'augmentation croissante du nombre des femmes dans les conseils municipaux -
dans le mien, il y en a 45 % - ...
Mme Hélène Luc.
C'est bien !
M. Patrice Gélard.
... dans les conseils généraux, dans les conseils régionaux, parmi les députés
européens et parmi les maires. Il est vrai - nous en sommes tous d'accord - que
beaucoup de progrès restent à faire au niveau des conseils généraux, des
conseils régionaux et, bien entendu, du Parlement.
On a dit beaucoup de choses sur la situation dans les pays étrangers, et je
voudrais tout de même relativiser quelque peu les propos tenus à cet égard :
exception faite des démocraties du nord de l'Europe, qui ont une tradition de
représentation féminine forte et ancienne, on ne peut généraliser ce qui a été
dit par les uns ou par les autres sur les autres pays européens. Les choses
sont beaucoup plus compliquées qu'il ne le paraît et mériteraient souvent une
analyse plus fine, notamment en ce qui concerne les lois ayant favorisé la
place des femmes, ici ou là, dans les pays étrangers. On a oublié de dire, par
exemple, que le Sénat américain ne compte que deux femmes sénateurs. Ce n'est
pas assez, nous le reconnaissons tous.
Mme Dinah Derycke.
Ce n'est pas une référence !
Mme Nicole Borvo.
Bravo le Sénat français !
M. Patrice Gélard.
J'estime dommage que les femmes interviennent par des protestations diverses,
car, ce faisant, elles ne donnent pas un bon exemple pour la suite !
(Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye.
Maîtrisez-vous, mesdames !
M. Claude Estier.
Vous n'intervenez jamais comme cela ?
M. Patrice Gélard.
Non, je n'interviens pas !
M. Claude Estier.
Pas vous peut-être, mais les membres de votre groupe le font ! Votre collègue
Dominique Braye, par exemple !
M. le président.
Mes chers collègues, je vous en prie ! Seul M. Gélard a la parole, nous
l'écoutons !
M. Patrice Gélard.
Qui est responsable de cette situation ? Ce n'est pas la Constitution :
celle-ci garantit pleinement l'égalité de l'homme et de la femme dans plusieurs
articles, que ce soit au travers de l'article Ier ou de l'article VI de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen - je ne vais pas les rappeler,
vous les connaissez tous par coeur - ou encore de l'alinéa 3 du préambule de la
Constitution de 1946, ou de l'article 1er de notre Constitution.
Nous avons dit et répété que la femme était l'égale de l'homme ou que l'homme
était l'égal de la femme, et cette égalité absolue est garantie dans le texte
constitutionnel.
Dans ce cas, me direz-vous, pourquoi déposer un projet de loi afin de
favoriser cette égalité ou de déterminer les conditions dans lesquelles elle
pourrait être mieux réalisée ? Tout simplement parce que nous reconnaissons
qu'il existe des blocages dans notre société.
Qui est le responsable réel de cette situation ? Est-ce le législateur ? C'est
ce qu'on voudrait nous faire croire. Mais le législateur n'est pas en cause !
En effet, dans le passé, il a pris un certain nombre de mesures pour favoriser
ou aider les femmes à accomplir un certain nombre de tâches, et je n'entrerai
pas dans le détail des divers aménagements qui ont été opérés dans le cadre de
la fonction publique, des conventions collectives ou de la législation
concernant, par exemple, les victimes de guerre ou les veuves de guerre.
Peut-être ces aménagements sont-ils insuffisants, et sans doute pouvons-nous
regretter de ne pas être allés plus loin dans le statut de l'élu ou dans le
statut du candidat aux élections, ce qui aurait peut-être permis aux femmes de
se présenter plus librement auxdites élections. Mais rien n'a été fait pour
favoriser, justement, l'égalité de situation d'une femme et d'un homme
lorsqu'ils se présentent à une élection, et on peut le déplorer.
Toutefois, le législateur est resté fidèle à la conception générale de notre
Constitution, il est resté attaché au principe d'égalité, au principe
d'universalité, au principe d'intégration, et il a toujours été hostile, depuis
la Révolution française, à toute mesure législative qui instaurerait des
catégories.
Alors, si ce n'est pas le législateur, peut-être est-ce la société qui est
responsable ! Il existe, en effet, une vieille règle que tous les chercheurs en
sociologie et en science politique ont mise en évidence : il faut toujours un
certain temps pour que les psychologies, pour que les mentalités s'adaptent à
des situations nouvelles. Des études anciennes ont ainsi démontré que, sous la
IIIe République, le maire aristocrate restait maire alors que l'aristocratie
n'avait plus de raison d'être. Et l'on observe aujourd'hui ce même phénomène :
les hommes restent là parce qu'il y a une tradition, parce que des habitudes
ont été prises et que la société ne les a pas changées.
La loi n'a jamais modifié les mentalités ! Lorsqu'elle veut le faire, elle
risque de s'engager dans un processus dangereux, car la loi ne fait que suivre
les mentalités.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
C'est faux !
M. Patrice Gélard.
Alors, qui est coupable si ce n'est ni la société ni le législateur ? Eh bien,
ce coupable, montrons-le du doigt : ce sont les partis politiques.
Il n'y a pas eu besoin de loi dans les pays scandinaves ou dans les autres
démocraties européennes pour faire en sorte que la représentation féminine soit
à peu près égale à celle des hommes.
Ce sont donc les partis politiques qui n'ont pas fait l'effort nécessaire pour
permettre que, lors des investitures puis des campagnes électorales, les femmes
puissent bénéficier d'une situation comparable à celle des hommes.
Il est vrai que le militantisme féminin a été plus tardif que le militantisme
masculin, mais on peut regretter que les partis politiques français,
contrairement, par exemple, aux partis politiques allemands, britanniques ou
américains, n'aient pas fait l'effort que le parti conservateur et le parti
travailliste en Grande-Bretagne, la SPD et le CDU en Allemagne, le parti
démocrate et le parti républicain aux Etats-Unis ont pu réaliser. Dans ces
différents pays, dans chaque circonscription, il y a un vice-président homme et
un vice-président femme ou bien, lorsque le secrétaire est un homme, le
secrétaire adjoint est une femme et inversement.
Il existe cependant chez nous une exception qu'il convient de saluer : c'est
celle du parti communiste qui, depuis très longtemps, a fait dans ce domaine
des efforts que les autres partis auraient intérêt à suivre, je dois le
reconaître.
Mme Hélène Luc.
Merci !
M. Claude Estier.
Et le parti socialiste ?
M. Patrice Gélard.
Le parti socialiste a fait des efforts récents, je le reconnais, mais dans un
contexte très facile, celui de la dissolution, qui lui a permis, compte tenu du
très petit nombre d'élus dont il disposait, de présenter dans toutes les
circonscriptions des candidats nouveaux.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. Claude Estier.
Merci Chirac !
Mme Nicole Borvo.
C'est en effet le responsable !
M. le président.
Monsieur Gélard, ne distribuez pas les mérites, sinon nous n'en sortirons pas
!
M. Patrice Gélard.
J'arrête, monsieur le président !
La raison essentielle de la réforme qu'on nous propose, nous la connaissons :
il s'agit de faire sauter le verrou des décisions du Conseil constitutionnel de
1982 et de 1999.
M. Henri Weber.
Exactement !
M. Patrice Gélard.
C'est la seule motivation !
M. Henri Weber.
En effet, c'est la seule !
M. Pierre Mauroy.
Non, il y en a d'autres !
Mme Nicole Borvo.
Mettez-vous d'accord !
(Sourires.)
M. Patrice Gélard.
Il s'agit de permettre l'instauration de quotas lors des élections.
(Ah ! sur les travées socialistes.)
Or sans doute, à cet égard, d'autres
solutions étaient-elles possibles. Mais on ne les a ni explorées, ni analysées,
ni discutées.
M. Marcel Debarge.
On attend !
Mme Hélène Luc.
Bien sûr !
M. Patrice Gélard.
Les autres formules possibles consistaient tout d'abord à modifier la
Constitution en visant directement le régime des élections. Le droit électoral
devenait ainsi partie intégrante du droit constitutionnel. Mais on ne l'a pas
fait, car cela aurait pu nous entraîner trop loin.
La deuxième solution consistait, tout en modifiant la Constitution, à renvoyer
à la loi organique pour tout ce qui concerne le droit électoral. On ne l'a pas
fait non plus.
D'autres solutions ont cependant été proposées. Celle du Gouvernement
consistait à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions et
mandats. Mais, comme l'a justement souligné le doyen Vedel, dans un article
paru dans le journal
le Monde
, cette solution aurait obligé le
législateur à demander à chaque fois au Conseil constitutionnel si le projet de
loi, quel qu'il soit, dont il était saisi était ou non conforme à ce principe.
Il se serait ainsi défaussé de son pouvoir législatif sur le Conseil
constitutionnel.
Quant à déterminer les conditions d'exercice de ce principe, cela implique
qu'à l'occasion de l'examen de chaque nouvelle loi électorale le Conseil
constitutionnel pourra estimer que la loi n'a pas assez tenu compte de la
nécessité de déterminer les conditions d'égal accès des hommes et des
femmes.
En d'autres termes, adopter le texte retenu par l'Assemblée nationale nous
aurait obligés, à chaque modification de notre droit électoral, à intégrer la
dimension d'égalité.
Mme Danièle Pourtaud.
Eh oui !
M. Pierre Mauroy.
C'est normal !
M. Patrice Gélard.
Nous aurions ainsi été contraints d'instaurer, si ce n'est des quotas du moins
des mesures contraignantes pour chaque élection. Or ces mesures portent
gravement atteinte à la liberté d'expression du suffrage, à la liberté de
candidature et à l'égalité, donc à des principes républicains et démocratiques
intangibles.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Parmi les autres solutions possibles, j'en ai déjà indiqué une tout à
l'heure : favoriser, lors des campagnes électorales, les possibilités de
candidature pour les femmes. Mais il en est encore d'autres, qui consistent,
par exemple, à interdire brutalement la réélection. On peut utiliser n'importe
quelle formule et n'importe quelle arme, mais, en interdisant la réélection, on
ouvre la possibilité, à chaque réélection, à de nouveaux candidats - donc à des
candidats femmes - de se présenter.
Voilà pourquoi j'estime que nous devons nous rallier au texte proposé par la
commission des lois. A notre sens, en effet, les quotas sous-tendus par le
projet de loi adopté par l'Assemblée nationale sont contraires au principe
essentiel sur lequel reposent notre République et notre démocratie, car ils
portent atteinte non seulement au principe d'égalité, en particulier à
l'égalité des mérites et des talents dont il est fait mention à l'article VI de
la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mais aussi à des droits et
à des libertés essentiels : le droit et la liberté de suffrage, le droit et la
liberté d'être librement candidat aux élections.
Analysons un peu plus en profondeur le système des quotas.
D'abord, je rappelle que, si nous avons parfois pratiqué dans notre pays le
système des quotas, nous n'en sommes pas glorieux pour autant. Ainsi, lorsque
nous avons établi le système du double collège en Algérie ou en Afrique noire,
il s'agissait bien de quotas puisqu'il s'agissait alors de favoriser la
population métropolitaine.
(Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
C'est bien ce que nous avons fait sous la IVe République, et nous n'avons
pas à en être fiers !
M. Marcel Debarge.
Aucun rapport !
M. Patrice Gélard.
Si, il y a un rapport : ce sont des quotas !
Mme Dinah Derycke.
Non, cela n'a aucun rapport !
Mme Hélène Luc.
Et pourquoi pas les quotas laitiers ?
M. Patrice Gélard.
Notre droit administratif et notre droit du travail comportent aussi, ou ont
comporté, certaines dispositions s'apparentant aux quotas. Il en est ainsi de
certains emplois réservés pour les veuves de guerre, ou encore de la
législation sur les handicapés.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Elle se défend !
M. Patrice Gélard.
Nous savons que la réglementation européenne autorise ce type de dispositions
dans la vie professionnelle ; mais, là, nous sommes dans la vie politique !
Où a-t-on pratiqué les quotas dans la vie politique ? Le rapport présenté par
M. Cabanel mentionne un certain nombre d'Etats, mais sa liste est incomplète et
imparfaite. En effet, outre l'Argentine, le Brésil et la Corée - ce dernier
pays les a d'ailleurs supprimés dans sa nouvelle Constitution -, le Népal, le
Bangladesh et le Pakistan pratiquent les quotas. Mais quelle sorte de quotas ?
Au Bangladesh, au Pakistan et au Népal, étant donné que les femmes ne peuvent
pas être élues députées, ce sont les députés hommes qui élisent les députées
femmes, ce qui est assez extraordinaire !
(Murmures sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nicole Borvo.
Quelle comparaison !
M. Patrice Gélard.
En d'autres termes, lorsque des quotas ont été imposés dans une Constitution,
ils ont le plus souvent été le fait de régimes non démocratiques, de régimes
qui ne respectent pas les droits de l'homme, notamment en matière d'égalité
entre l'homme et la femme.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. Claude Estier.
Vous n'avez pas de meilleures références ?
Mme Nicole Borvo.
C'est triste !
Mme Hélène Luc.
Oui, c'est vraiment triste !
M. Patrice Gélard.
Ajoutons que, autrefois, les pays communistes avaient tous établi un système
non officiel de quotas pour organiser leurs élections.
M. Dominique Braye.
On a vu ce que cela a donné !
M. Patrice Gélard.
Il y avait ainsi 35 % de femmes, 25 % de jeunes, 22 % de vieux, 14 % de
kolkhoziens, tant d'ouvriers, etc., afin que la représentation politique soit
la plus proche possible des statistiques officielles de la composition de la
population.
M. Dominique Braye.
Officielles !
M. Henri Weber.
Nous sommes en démocratie !
M. Patrice Gélard.
Justement, monsieur Weber, j'y viens : le système des quotas a été supprimé
lorsque ces pays sont devenus démocratiques.
M. Lucien Lanier.
Très bien !
M. Patrice Gélard.
Résultat, on s'est aperçu que, systématiquement, les règles qui avaient été
imposées avant cette suppression ont été remises en cause.
Mme Hélène Luc.
J'en ai assez d'entendre parler de quotas à propos des femmes !
M. Patrice Gélard.
J'ajoute que toute discrimination positive consistant à favoriser un groupe au
détriment d'un autre est dégradante et dévalorisante pour ceux qui en
bénéficient.
(Nouveaux applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Claude Estier.
Mais les femmes ne sont pas un groupe !
M. Patrice Gélard.
Partout où des quotas ont été mis en place, que ce soit dans la vie
professionnelle, dans la vie militaire ou dans la vie politique, ceux qui en
ont bénéficié ont été dévalorisés.
Mme Hélène Luc.
Les femmes sont une catégorie, pas un quota !
M. Patrice Gélard.
Ensuite, toute discrimination positive est attentatoire à la liberté de choix,
à la liberté d'expression des suffrages, à la liberté de candidature et à la
théorie du mandat représentatif.
Je suis donc favorable au choix de la commission des lois, qui considère qu'il
est nécessaire de trouver une solution à la sous-représentation féminine dans
nos assemblées ; je suis également favorable à l'alinéa supplémentaire que M.
le rapporteur nous propose d'insérer dans le texte, parce qu'il permet de
donner une consistance charnelle à un principe que nous voulons affirmer dans
la Constitution.
Mme Nicole Borvo.
Charnelle ? C'est intéressant !
M. Claude Estier.
Le fric !
M. Patrice Gélard.
Pas forcément : cela peut prendre d'autres aspects !
Enfin, nous sommes tous convaincus qu'un problème existe, et qu'il faut le
résoudre. Mais les partis politiques sont en première ligne dans cette affaire
!
Mme Odette Terrade.
Certes !
M. Patrice Gélard.
Il n'appartient pas au législateur, au nom de ce problème, de jouer avec les
principes fondamentaux de la République et de la démocratie en remettant, même
partiellement, même temporairement, ces principes en jeu. Ce serait alors trop
dangereux, et cela risquerait de conduire rapidement à toutes les dérives,
comme ce fut le cas chaque fois que des quotas ont été imposés ici ou là.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour exprimer mon soutien
aux revendications exprimées par les manifestants qui se sont réunis à midi
devant le Sénat
(Exclamations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains
et Indépendants)
à l'appel des associations et du collectif « Droit des
femmes » pour protester contre la décision de la commission des lois du Sénat
de modifier totalement la philosophie du projet de loi constitutionnelle qui
nous est soumis aujourd'hui.
Je crois d'ailleurs savoir que M. le président du Sénat a reçu tout à l'heure,
avant la séance, une délégation de ces manifestants.
M. le président.
Le président est très démocrate, madame !
Mme Odette Terrade.
Par l'annulation de la modification constitutionnelle initialement prévue à
l'article 3 et en proposant de modifier, cette fois, l'article 4, la Haute
Assemblée, si elle suit l'avis de la majorité de la commission des lois,
assignerait aux seuls partis politiques la responsabilité de « favoriser l'égal
accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions ».
C'est dire combien des résultats significatifs pour une juste représentation
des femmes dans les assemblées politiques seraient plus longs à obtenir !
C'est dire également combien le Sénat, comme par le passé, adopterait une
position passéiste et figée et prendrait la responsabilité d'être en décalage
avec la vie réelle !
Nous avons, au contraire, je le pense, le devoir d'offrir de notre chambre une
image moderne, ouverte sur la société, attentive aux aspirations populaires,
qui, sur ce sujet de la parité, sont très largement unanimes.
Au travers de la commission des lois, la droite sénatoriale entend, en fait,
minimiser la portée du projet de loi constitutionnelle.
Au-delà de l'effet d'annonce, qui pourrait paraître séducteur, il s'agit bien
de dénaturer le texte initial en portant gravement atteinte à la possibilité de
mettre en oeuvre des dispositions législatives futures qui feraient vivre le
principe de parité.
C'est, bien sûr, également une manoeuvre pour tenter de reporter à une date
ultérieure la réunion du Parlement en Congrès.
Les associations féministes et féminines, les citoyennes et les citoyens, les
élus qui déplorent la sous-représentation des femmes et veulent y remédier
l'ont d'ailleurs bien compris. Depuis l'annonce de la proposition de la
commission des lois, la mobilisation ne s'est pas fait attendre pour rappeler
l'exigence que les femmes occupent dans la vie politique une place
proportionnelle à celle qu'elles occupent dans la société.
Vendredi dernier, au Sénat, sur l'initiative de mon groupe et du groupe
communiste de l'Assemblée nationale, s'est tenue une « rencontre pour réussir
la parité » qui a réuni près de cent personnes. Cette initiative a donné lieu à
une motion, signée par l'ensemble des participants, ayant pour objet de
témoigner de la détermination des femmes, face à la décision de la commission
des lois, de soutenir l'appel au rassemblement lancé par plusieurs
associations, ce mardi, devant le Sénat, et de faire connaître leur colère à M.
le Président de la République et à M. le Premier ministre, qui s'étaient
formellement engagés à faire aboutir la parité pour moderniser réellement la
vie politique et renforcer la démocratie.
De plus, les participants à cette rencontre ont réaffirmé leur volonté de voir
adopté conforme le texte voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, afin de
permettre la tenue du Congrès de Versailles le 8 mars, ainsi que leur
détermination à veiller à l'application de la loi constitutionnelle par
l'adoption de lois et la publication de décrets d'application nécessaires à la
concrétisation de l'objectif de parité.
Ces revendications sont claires. Elles traduisent l'aspiration à un plus juste
accès des femmes dans la vie politique, aspiration aujourd'hui partagée par
près de 80 % de nos concitoyens, las de constater, une fois encore, un écart
aussi important entre les principes et les faits.
En effet, personne ne peut nier, pas même la commission des lois du Sénat,
l'écart « choquant », pour reprendre l'expression du Conseil d'Etat, entre la
part des femmes dans la population et leur représentation dans les assemblées
politiques.
La France est, avec la Grèce, - cela a été dit - le pays européen où les
femmes sont le moins représentées au Parlement. Nos assemblées sont
respectivement à 90 % et à 94,1 % masculines. Nous ne sommes que 10,9 % de
femmes à l'Assemblée nationale, et 5,9 % au Sénat.
Comment une assemblée qui compte seulement 19 femmes sur 321 membres peut-elle
prétendre être représentative de la société ? Au rythme du dernier
renouvellement triennal de septembre, où une seule femme sur 102 sénateurs a
été élue - il s'agit de notre collègue socialiste Yolande Boyer - c'est en
siècles qu'il nous faudra compter pour noter une évolution significative !
Il faut également souligner les différences de traitement de l'égalité des
sexes par chacun des groupes représentés. En effet, sur dix-neuf sénatrices,
cinq sont membres du groupe communiste républicain et citoyen, qui ne compte
que seize élus. La présidence de celui-ci est assurée par une femme, mon amie
Hélène Luc, sénatrice du Val-de-Marne.
Au total, le Parlement compte 82 femmes parmi ses 893 élus, soit 9,18 %, alors
que les femmes représentent 51 % de la population et 53 % du corps
électoral.
Mme la garde des sceaux l'a rappelé ce matin, la situation n'est guère plus
brillante pour les autres mandats : 21 % de conseillères municipales, mais
seulement 7 % de femmes maires ; aucune femme dans 23 conseils généraux, une
seule présidente de conseil général sur 104 ; deux femmes à la tête de conseils
régionaux. Et l'on pourrait continuer encore longtemps cette énumération !
Au-delà de ces chiffres, peu glorieux, il y a un autre constat, à mon sens
plus fondamental : ce déficit de femmes dans notre vie politique constitue un
déficit majeur pour la démocratie. Combattre ce déficit revêt l'importance d'un
véritable enjeu de société puisque cela permettra de corriger une situation qui
a figure de démocratie inachevée du fait du choix, qui a jusqu'à présent
prévalu, de se priver de la moitié de l'humanité.
Le principe d'égalité existe depuis longtemps dans notre droit, et pourtant,
dans les faits, on est loin du compte. Il est par conséquent grand temps
d'avoir une démarche volontariste. Modifier notre Constitution, qui, certes,
contenait déjà ce principe, est une étape afin de passer d'un principe de
proclamation à un principe de réalité.
Dans ce contexte, la parité devient un objectif, un instrument à faire de
l'égalité. Car le concept fondamental est, bien entendu, l'égalité des sexes
dans tous les domaines : politique, certes, mais également social, économique
et familial.
Certains objectent que la parité remettrait précisément en cause l'égalité des
citoyens puisqu'elle introduirait une discrimination positive. Mais force est
de constater que, au fil du temps, l'universalisme n'a servi que les hommes et
leur pouvoir ! Aussi, la mixité de l'humanité me paraît plus garante de
démocratie que la neutralité de sexe que certains prêtent à la citoyenneté.
Par ailleurs, la dérive de catégorisation ne me semble pas planer sur notre
droit fondamental, tant il est vrai que l'on ne pourrait réduire les femmes à
une catégorie sociale, et encore moins à une minorité. Elles sont, je le
rappelle, au même titre que les hommes, une composante de l'humanité qui
traverse toutes les catégories.
Notre attachement à voir un plus grand nombre de femmes participer à la vie
publique ne tient ni du paternalisme ni de l'idéalisme. La féminisation de
notre vie politique ne se substituera pas au débat d'idées nécessaire à une
démocratie. Elle renforcera cette dernière en la rendant plus représentative de
la société. C'est, à notre sens, une mesure de justice.
J'entends également certaines voix s'élever pour dire que c'est aux électeurs
qu'il appartient de choisir. Je partage, pour ma part, l'avis de M.
Carcassonne, professeur de droit public auditionné par la commission des lois,
qui considère qu'on ne peut invoquer la liberté de l'électeur pour s'opposer à
la parité puisque, en l'absence de possibilité de panachage, l'électeur est
d'ores et déjà privé de liberté dans la plupart des scrutins.
M. Henri Weber.
C'est exact !
Mme Odette Terrade.
Quant à l'argument selon lequel l'instauration de la parité conduisant à
l'augmentation du nombre de femmes élues aboutirait, en fait, à leur
dévalorisation, voire à une fragilisation de leur situation, permettez-moi de
retourner quelque peu la remarque. En effet, celle-ci est alors valable pour
les hommes, qui, durant de longues années, ont été les seuls à avoir accès aux
assemblées politiques.
Veuillez m'excuser cette liberté de langage, mes chers collègues, mais il est
bien malheureux que la peur de « l'homme potiche » n'ait jamais hanté les
esprits, alors qu'elle semble devenir une préoccupation majeure, y compris dans
notre éminente assemblée, dès qu'il s'agit de femmes !
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
Oui, il est urgent de mettre un terme à l'exclusion des femmes de la
représentation politique. C'est pourquoi le Gouvernement a saisi les deux
assemblées d'un projet de loi constitutionnelle.
A cet égard, madame la ministre, le choix de la voie référendaire n'aurait-il
pas été plus judicieux que celui de la saisine du Parlement ?
L'un des objectifs majeurs du projet de loi constitutionnelle que nous
examinons aujourd'hui est de faire sauter le verrou posé par le Conseil
constitutionnel depuis sa décision du 18 novembre 1982, confirmée plus
récemment par celle du 14 janvier dernier.
Le débat à l'Assemblée nationale a, de notre point de vue, enrichi le texte
initial, en rendant la marge d'appréciation du juge constitutionnel plus
infime. Il laisse ainsi au législateur la responsabilité du choix des moyens
pour mettre en oeuvre l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et aux fonctions électives.
Cette mesure me paraît, de plus, offrir davantage de garanties pour mettre en
oeuvre les autres réformes législatives qui contribueront, effectivement, à
l'égalité des femmes et des hommes.
C'est pour les mêmes raisons que le groupe communiste à l'Assemblée nationale
avait voté avec enthousiasme ce projet de loi constitutionelle ainsi amendé, en
appelant de ses voeux des réformes ultérieures assurant un égal accès des
femmes et des hommes à la représentation politique.
En effet, la meilleure des lois, fût-elle constitutionnelle, ne permettra pas,
à elle seule, un plus grand accès des femmes à la vie politique, aux fonctions
et mandats électifs. D'autres lois seront nécessaires pour que cette réforme
constitutionnelle ne reste pas lettre morte et ne s'en tienne pas seulement à
une portée symbolique. Des mesures volontaristes sont indispensables, telles
que celles qui portent sur le statut de l'élu, le non-cumul des mandats et la
révision des modes de scrutin. On constate en effet que les scrutins à la
proportionnelle facilitent, de fait, l'élection de femmes.
Notre souhait de réformes complémentaires vise non pas à remplacer une élite
masculine par une élite féminine, mais à faire qu'un plus grand nombre de nos
concitoyens et de nos concitoyennes participent à la vie politique et
investissent les lieux de décision.
Au-delà de la sphère du politique, il y a aussi, bien sûr, toutes les pistes
de lois à envisager pour lutter efficacement contre les discriminations dans le
monde professionnel, tant du point de vue du salaire que du point de vue de la
carrière. C'est la première attente des Françaises interrogées dans une toute
récente enquête d'un magazine féminin. Notre rôle de parlementaires est
d'apporter des solutions concrètes à ces problèmes majeurs.
Madame la ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement heureuse
d'avoir pu m'exprimer, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, sur
ce sujet de l'égalité des femmes et des hommes, qui, vous l'avez compris, me
tient particulièrement à coeur.
Les embûches et les étapes ont été nombreuses dans la lutte des femmes pour
conquérir leurs droits et parvenir à l'égalité. Je pense notamment au droit de
vote, au droit à l'IGV, à l'accès à la contraception, aux luttes pour l'emploi,
aux luttes pour l'égalité professionnelle.
Aujourd'hui, tout n'est pas réglé, loin s'en faut. Pourtant, cette
modification constitutionnelle peut être un levier pour la conquête d'une plus
grande égalité des sexes, à la hauteur d'une société moderne et démocratique du
troisième millénaire. Le groupe communiste républicain et citoyen est fier d'y
prendre sa part.
Aussi, nous nous opposerons aux amendements de la commission des lois,
préférant la version issue des travaux de l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Madame Luc, Mme Terrade a été écoutée attentivement. J'espère qu'il en sera de
même pour les autres orateurs. Je vous en remercie à l'avance.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
La parole est à M. Weber.
Mme Hélène Luc.
Bien sûr, nous allons écouter attentivement M. Weber !
(Rires.)
M. Henri Weber.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, j'ai écouté, pour ma part, avec beaucoup d'attention les
interventions de nos collègues de la majorité sénatoriale. Ils ne m'ont pas
convaincu.
On peut, je crois, ramener les arguments qui nous ont été proposés aux trois
grands types d'objections que les conservateurs opposent habituellement aux
grandes réformes démocratiques.
(Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste.)
Le premier de ces arguments est l'argument de l'effet pervers. La mesure
que vous projetez, vient de nous dire à l'instant notre collègue Patrice
Gélard, produira exactement l'effet contraire à celui que vous recherchez. En
favorisant les candidatures féminines, votre loi va aboutir à la «
dévalorisation » des femmes élues. L'idée va s'imposer qu'une grande majorité
d'entre elles doivent leur mandat moins à leur mérite qu'à leur appartenance
sexuelle. Leur autorité, leur image, n'en sortiront pas grandies, et encore
moins celles de notre représentation nationale.
Le deuxième argument, également classique, est celui de l'inanité : la réforme
que vous proposez, a dit ce matin notre collègue Guy Cabanel, est vaine et
inutile, car l'évolution spontanée de notre société conduit naturellement et
sans heurt au même résultat. La longue marche des femmes vers l'égalité s'est
accélérée depuis vingt ans. Les Françaises, comme l'ont déjà fait avant elles
les Scandinaves, conquerront la parité par leur propre mouvement, sans qu'il
soit nécessaire de recourir, une fois de plus, à la loi.
Le troisième argument est celui de la mise en péril. En votant cette mesure,
nous a expliqué notre collègue Jacques Larché, vous allez ouvrir la boîte de
Pandore du communautarisme et mille diables vont vous sauter au visage. Si des
mesures spécifiques sont prises en faveur des candidatures féminines, au nom de
quoi refuseriez-vous des soutiens analogues aux catégories sociales qui
s'estiment injustement sous-représentées : les « Afro-Français » - si je me
souviens bien de son expression puisée aux meilleures sources du
Nouvel
Observateur -
les ouvriers, les chômeurs de longue durée ?
Où irait notre République, a-t-il ajouté, si elle désignait ses représentants
non plus sur des qualités universelles, communes aussi bien aux hommes qu'aux
femmes, aux riches qu'aux pauvres, aux noirs qu'aux blancs, aux croyants qu'aux
mécréants - l'intelligence, l'efficacité, le dévouement au bien public - mais
sur les traits particuliers qui différencient les citoyens les uns des autres
?
Vous ai-je bien entendu ?
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Non !
M. Henri Weber.
Si !
Ces trois arguments, qu'on va sans doute entendre à nouveau cet après-midi, à
mon sens, ne résistent pas à l'analyse.
S'agissant du premier, je ferai remarquer, tout comme notre collègue Patrice
Gélard, qu'il ne manque pas de femmes compétentes, énergiques, courageuses,
qualifiées, dans notre pays pour exercer des mandats électifs, bien au
contraire. Vous en incarnez, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat,
deux exemples remarquables, et vous n'êtes pas seules dans votre cas ni au
Gouvernement ni dans notre pays, loin de là ! Mais force est de constater que
ces capacités ne sont pas souvent sollicitées et,
a fortiori
désignées,
pour les candidatures. D'autres l'ont dit avant moi : si les partis politiques
avaient fait leur travail, en matière d'investiture, nous ne serions pas la
lanterne rouge de l'Europe en matière de présence des femmes dans notre
Parlement et nous n'aurions pas, aujourd'hui, à recourir à l'aiguillon de la
loi.
A ce sujet, je n'aurai pas le masochisme de tenir la balance égale entre les
partis de gauche et de droite. Les premiers ont fait un véritable effort pour
promouvoir la mixité. On ne peut pas en dire autant des seconds.
Si la loi incite et contraint nos partis à présenter davantage de candidates,
je ne crois pas que la représentation nationale aura à en rougir ni les
électeurs à en souffrir.
Aujourd'hui, on compte 120 étudiantes pour 100 étudiants dans nos universités.
Les leaders du dernier mouvement lycéen étaient des lycéennes. De nombreuses
femmes animent nos syndicats et nos associations. Ce ne sont pas les femmes
capables qui manquent, c'est la volonté de leur faire toute leur place.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
L'argument de l'inanité ne tient pas non plus.
Je ne nie pas que de grands progrès aient été accomplis dans la marche vers
l'égalité entre hommes et femmes, et j'ai même la faiblesse de croire que le
mouvement de mai 68 y est pour quelque chose.
Mais Mme Nicole Péry nous a rappelé des chiffres accablants : plus on
s'approche des postes de pouvoir et de prestige, plus la résistance à la
féminisation est forte, plus la présence des femmes est rare. La sphère de la
représentation politique - on l'a vu encore récemment au Congrès de Versailles
- reste largement une chasse gardée. Si l'on s'abandonne au mouvement naturel
de la société, nos enfants et petits-enfants reprendront ce débat dans trente
ans, à peu près au point où nous l'aurons laissé.
Par la brèche ouverte dans l'universalisme républicain, a dit notre collègue
M. Richert, vont s'engouffrer immanquablement d'autres catégories sociales qui
feront valoir elles aussi leur droit à être justement représentées.
A cette objection, vous avez répondu par avance, madame la ministre - ainsi
que plusieurs de nos collègues, dont Mme Derycke et M. Collin - en rappelant
que les femmes ne constituaient ni une minorité, ni une communauté, ni une
catégorie sociale, mais l'autre moitié de l'humanité. J'ajouterai que cette
autre moitié a longtemps été exclue de la citoyenneté, non pas seulement de
fait, comme l'ont été les ouvriers au xixe siècle, ou comme le sont les beurs
et les blacks aujourd'hui, mais de droit, et ce n'est pas une mince
différence.
On agite le spectre d'une République sexuée, alors que pendant près de deux
siècles elle a simplement été sexiste. C'est sous le gouvernement de Léon Blum,
en juin 1936, qu'ont été désignées les premières femmes ministres. Ces
ministres femmes n'avaient pas le droit de vote, « grâce », en particulier, à
la vigilance patriarcale du Sénat. La République a tenu les femmes à distance
de la vie publique. Son suffrage, prétendument universel, n'était que masculin,
sa citoyenneté confinait les femmes dans la sphère privée, son code civil les
traitait voilà peu de temps encore en mineures. La République leur doit
réparation. Elle doit amorcer la pompe qui introduira la mixité effective et la
féminisation de nos institutions.
M. Jean Chérioux.
On n'a pas attendu après vous !
M. Henri Weber.
Les femmes n'auraient pas besoin de discriminations positives pour tenir toute
leur place dans nos assemblées si elles n'étaient pas victimes de tant de
discriminations négatives !
Faciliter leur intégration complète dans notre démocratie, ce n'est pas faire
le lit de la République des quotas, et pas davantage de la République des
genres ; c'est donner au contraire un contenu concret à ces principes
d'universalisme républicain dont nous nous réclamons les uns et les autres.
Cette intégration passe par un plus juste partage des tâches éducatives et
ménagères dans les foyers, par la fin de la double journée de travail, mais
aussi par moins de prévention et d'obstruction de la part des appareils
politiques au moment des désignations aux mandats électifs.
Nous sommes tout autant que vous opposés au communautarisme qui, au demeurant,
est étranger à notre culture politique et à nos traditions, mais nous refusons
de faire de cette opposition un prétexte à l'immobilisme.
Mes chers collègues, l'amendement que nous soumet la commission des lois nous
paraît inopportun pour au moins deux raisons.
La première tient au caractère purement incantatoire de sa formulation : les
partis « favorisent l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats
électoraux... ». Les partis de gauche, vous l'avez reconnu, ont fait des
efforts dans ce sens : le parti socialiste a présenté 30 % de candidates aux
dernières élections législatives et sa liste pour les élections européennes
respectera, comme la précédente, une stricte parité. Je suis curieux de savoir
comment seront composées les vôtres, messieurs de la majorité !
M. Hubert Falco.
La liberté !
M. Henri Weber.
On prend rendez-vous et l'on verra bien !
M. Jean Chérioux.
On n'attend pas après vous !
M. Hubert Falco.
La liberté, mon cher ami !
M. le président.
Je vous prie de bien vouloir poursuivre, monsieur Weber.
M. Henri Weber.
Qu'est-ce qui peut pousser, en effet, les partis conservateurs, si l'on vous
suivait, à se comporter demain autrement qu'hier ? Absolument rien, sinon des
incitations financières qui doivent, au demeurant, rester modérées « pour ne
pas compromettre l'expression démocratique des divers courants d'opinion ».
En limitant les moyens de favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux
mandats électoraux à de modestes « malus » financiers, la commission des lois
révèle tout l'enthousiasme que lui inspire cette bataille pour une véritable
égalité dans l'exercice de la souveraineté.
Avec un tel amendement, mes chers collègues, le Conseil Constitutionnel
pourrait de nouveau retoquer, comme en 1982, un projet de loi proposant
modestement qu'aucune liste aux élections régionales ne puissent compter plus
de 75 % de membres d'un même sexe.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, l'amendement que vous nous
proposez est moins restrictif et plus précis. Il se garde bien d'anticiper sur
les modalités des scrutins qui est l'affaire du législateur, mais il autorise
celui-ci à promouvoir effectivement le principe de mixité, qui est l'autre nom
du principe d'égalité. C'est pourquoi les sénateurs socialistes le voteront
sans réserve.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, depuis quelques années, un mouvement, dont
l'ampleur s'accentue, s'est développé en faveur d'une meilleure participation
des femmes à la vie publique et aux responsabilités politiques.
Evolution des temps ?
Traduction d'un sentiment qui s'affirme ? Selon les sondages, 82 % des
Français sont favorables à la féminisation de la vie politique.
Inquiétudes électorales du monde politique ? Il y a 53 % d'électrices...
Poids grandissant des femmes, fatiguées des barrages qu'elles doivent
franchir, dans un monde qu'elles estiment trop accaparé et trop marqué par
l'élément masculin ?
Insatisfaction de la population qui ne trouve pas les réponses qu'elle attend
dans la vie politique ?
Sans doute toutes ces raisons, qui ne sont pas limitatives, ont-elles leur
poids respectif ; toujours est-il que la loi s'empare aujourd'hui de ce grave
sujet, dans lequel la France ne brille pas par un état d'avancement excessif
!
Mme Nicole Borvo.
C'est joliment dit !
Mme Anne Heinis.
Elle est avant-dernière au classement général dans l'Union européenne, juste
avant la Grèce, avec 82 femmes sur 893 parlementaires, soit 9,18 %, dont 19 au
Sénat sur 321, soit 5,9 %.
Mais il y a des signes intéressants qui se profilent et je n'en citerai que
deux : 30 % des Français élus au Parlement européen sont des femmes, contre 20
% en 1984, et le pourcentage des femmes élues dans les conseils municipaux
progresse très régulièrement. Elles étaient 14 % en 1983, 17,7 % en 1989, 21,7
% en 1995, et c'est bien là qu'est le vivier futur.
Tout sujet grave demande le temps de la réflexion, des échanges pour arriver à
un débat approfondi avant l'élaboration de solutions, et c'est ce qui a
manqué.
Bien sûr, le Sénat et l'Assemblée nationale ont procédé aux auditions d'usage
au Parlement. Mais la solution était choisie d'avance : la parité, sans aucune
autre alternative, ce qui laissait peu de place à une discussion largement
ouverte...
M. René-Pierre Signé.
Il y a bien longtemps qu'on en parle !
Mme Anne Heinis.
... et qui aurait peut-être permis d'envisager d'autres choix, d'y préparer
les esprits avant de devoir en arriver à modifier la Constitution.
Je regrette, entre autres choses, que la mission d'information du Sénat,
malgré ma demande, n'ait pas auditionné quelques très jeunes femmes pour
connaître leur vision des choses. Je doute qu'elle soit la même que celle de
leur mère au même âge !
En témoignent les réactions des jeunes filles élèves à l'Ecole polytechnique
qui se sont senties humiliées par le principe de la parité et des quotas qui
les dévalorisent, et qui ont demandé à leur professeur Mme Badinter de nous
faire part de leur indignation.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
Rassemblement pour la République.)
Modifier la Constitution est un acte grave. Aucun pays du Nord que l'on
nous cite en exemple n'a utilisé ce moyen.
Ce sont les partis politiques eux-mêmes qui ont fixé des règles au sein de
leurs formations ; cela est tout de même à méditer !
A l'époque où l'on se plaint, à juste titre, de la perte de repères, on ne
devrait, à mon sens, toucher à la Constitution qu'avec des doigts de velours et
seulement en cas d'absolue nécessité.
Or, tant la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dans ses articles
Ier, III et VI, que le préambule de la Constitution de 1946, intégré dans la
Constitution de 1958, posent formellement les principes nécessaires : « La loi
garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de
l'homme. »
Depuis l'origine, toute la difficulté, en France, réside dans la mise en
oeuvre de ces principes, qui relève plus de la volonté politique et de
l'évolution des mentalités que de la loi constitutionnelle.
C'est sur l'éducation et la formation des esprits, en particulier au sens
civique, que devront porter nos efforts. Anne-Marie Couderc souligne très
justement qu'il faudra une grande volonté de la part de tous les acteurs,
hommes et femmes, car il faudra que les partis politiques, encore à dominante
masculine, acceptent de jouer le jeu et que les femmes acceptent de s'investir
courageusement, faute de quoi les dés seront pipés !
Laurence Parisot, P-DG de l'IFOP à trente et un ans, dit : « Je n'ai pas eu
besoin de quota pour réussir, j'ai eu besoin de travail et de courage. »
(Protestations sur les travées socialistes.)
Mme Odette Terrade.
Tout dépend des situations et des milieux sociaux !
M. René-Pierre Signé.
Mauvaise démonstration !
Mme Anne Heinis.
Elle ajoute : « Ce qui compte le plus pour une femme, c'est l'exemplarité.
Plus les femmes verront des femmes qui réussissent, plus elles prendront
confiance en elles pour se lancer à leur tour, sans complexe. » C'est
exactement la même chose en politique !
Sur un autre plan, la notion de « parité », sous son apparente simplicité,
pose de nombreux problèmes.
Elle pose d'abord un problème d'ordre constitutionnel qui a amené
successivement l'Assemblée nationale puis le Sénat à modifier le projet
initial, la commission des lois du Sénat renvoyant à juste titre le texte aux
partis politiques directement concernés.
Egalité de nombre ? Egalité d'accès ? Egalité de résultats ? Egalité des
chances ? L'approche est complexe.
En tout état de cause, seule la proportionnelle, avec les risques de
politisation excessive et les vices de blocage de l'exécutif qu'on lui connaît,
permet l'égalité du nombre, excluant du même coup le scrutin uninominal, qui
seul permet l'émergence de candidats libres, garantie de liberté.
(Très bien
! sur les travées du RPR.)
A titre d'exemple, en 1986, la proportionnelle, avec 33 % de candidates,
n'a donné que 5,89 % de femmes élues, tout simplement parce que les femmes
n'étaient pas dans un rang éligible. Dont acte !
C'est donc à très juste titre que M. Allouche pose la question de la
compatibilité entre une logique philosophique universaliste et la logique
d'action politique. C'est là toute l'ambiguïté, car ces deux logiques ne sont
pas du même ordre. La première répond, en effet, à une logique de
représentation, et la seconde à une logique d'action.
Non ! le nombre n'est pas tout, même s'il est important, et le risque de
n'avoir aucun poids politique parce qu'on ne représente que des « quotas »
existe bel et bien, comme le souligent Françoise Hostalier, ainsi qu'Evelyne
Pisier et bien d'autres.
Dans l'action, la détermination des responsables pèse lourd.
Ainsi, aux dernières élections législatives, la volonté politique de leur
leader, favorisée par le fait qu'ils avaient moins de sortants, a permis aux
partis de gauche de faire élire un nombre de femmes députés considérablement
plus important que par le passé, alors qu'il n'y avait eu, entre 1993 et 1997,
ni mesures contraignantes ou incitatives, ni modification du mode de scrutin.
Quel excellent exemple !
En outre, l'effet « quota » peut se retourner contre le but que l'on se fixe.
Les Américains en font l'amère expérience, car les gens ne sont plus choisis
pour leurs compétences et leurs qualités, mais en fonction de simples critères
mathématiques. Ils ne sont plus que des pions.
M. Lucien Lanier.
Très bien !
Mme Anne Heinis.
Il faudra bien qu'un jour le balancier revienne à un certain équilibre entre
une conception de la femme presque uniquement considérée comme génitrice de la
tribu ou du clan, pour laquelle les progrès techniques et sociaux peuvent
alléger - Dieu merci ! - de nombreuses contraintes, et une conception éthérée
et immatérielle selon laquelle nous sommes tous des êtres asexués.
Oui ! hommes et femmes, nous sommes égaux en droit et en dignité, mais nous
sommes différents et faits pour être complémentaires, ce qu'on oublie trop.
C'est vrai dans l'ordre naturel, mais aussi dans l'ordre des sociétés, si l'on
veut que celles-ci soient harmonieuses et équilibrées, ce qui n'est pas
exactement le cas.
Pardonnez-moi de vous le dire, madame le garde des sceaux, le gadget de la
féminisation autoritaire des titres et des fonctions ne me paraît ni conforme
au génie de notre langue, qui a ses subtilités admirables et particulières, ni
porteur de progrès, car il ne faut pas rendre petits de grands sujets par
l'insignifiance des moyens qu'on leur attache. En agissant ainsi, on les
défavorise.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Que les femmes, puisqu'il s'agit d'elles, prennent garde à ne pas être élues
a minima,
c'est-à-dire par défaut, alors que l'objectif est qu'elles
puissent apporter leurs capacités et leur spécificité aux différents niveaux
d'exercice des responsabilités, et ce en coresponsabilité avec les hommes.
Faciliter l'accès des femmes à la vie politique est une chose, et il faut le
faire. Vous imaginez bien, mes chers collègues, que ne je peux que le souhaiter
et y participer dans la mesure de mes moyens.
Mais les femmes ont-elles tellement envie d'aller dans la politique telle
qu'elle est pratiquée actuellement ? C'est aussi une question importante
!...
Et, si le spectacle du champ politique transformé en arène permanente déplaît
tant à nos concitoyens qu'ils s'en détournent de plus en plus, disons, pour
faire une concession grammaticale qu'il déplaît encore plus à nos concitoyennes
!
A ce titre, le langage est parfois tragiquement révélateur. Un des domaines où
l'on entend qualifier un homme de « tueur » est le milieu politique, même s'il
en est d'autres... On ne parle pas de « tueuse » ! Souhaitons qu'on n'en arrive
pas là !
En réalité, nous avons besoin de combats loyaux, car la politique est toujours
un combat, mais elle ne doit pas être réduite à un champ de bataille, à des
affrontements stériles forts loin des préoccupations de la population.
Si les femmes, pour différentes raisons, ont encore peu investi le domaine
politique, en revanche, en moins d'un demi-siècle, elles en ont pris d'autres
d'assaut, en particulier le monde du travail, ce qui n'est pas sans poser
parfois quelques problèmes d'équilibre et d'efficacité dans certains métiers,
comme l'enseignement, la magistrature, le milieu hospitalier et bien d'autres,
qui ont besoin d'une mixité adaptée.
Nous sommes le pays développé avec le plus fort taux d'activité féminin : 45,7
% en moyenne, mais 73 % dans la tranche d'âge de vingt-cinq à quarante-neuf
ans.
En outre, les femmes représentent 34 % des cadres et des professions
intellectuelles, contre 25 % voilà quelques années, 86 % du corps infirmier, 77
% dans la santé et le social, avec 41 % du corps médical.
Il faut également noter qu'il y a un homme pour vingt-cinq femmes dans la
dernière promotion des médecins scolaires.
Les femmes représentent 45 % des effectifs de la magistrature, 65 % de
l'enseignement primaire, 50 % de l'enseignement secondaire, contre seulement 10
% de professeurs d'université.
Malheureusement, on retrouve cette décroissance des taux en fonction du
niveau, un peu partout, car les femmes accèdent encore assez peu aux postes de
décision, ce qui est dommage, notamment à la haute fonction publique désignée
par le Gouvernement. Sans doute celui-ci, madame le garde des sceaux, qui nous
donne des leçons aujourd'hui, serait-il le bienvenu en donnant l'exemple,
d'autant que, l'an dernier, au concours de l'ENA, 40 % des reçus étaient des
filles.
Dans le milieu de l'entreprise, les femmes représentent 26 % des chefs
d'entreprises, mais 30 % des créateurs d'entreprises, de taille assez petite
puisqu'elles ne dirigent aucune des cent premières entreprises françaises bien
qu'à taille égale leurs entreprises affichent, en moyenne, de meilleurs
résultats.
Il convient toutefois de noter une exception intéressante, les femmes ne
constituent que 4,2 % de la population carcérale.
Serait-ce un progrès que d'en compter 50 % ? Je ne le crois pas et, sans
doute, vous non plus.
De ces quelques chiffres, on peut, me semble-t-il, tirer quelques
enseignements.
Une évolution dynamique est en cours et, contrairement à ce que croient
certains en toute bonne foi, je pense qu'elle va s'accélérer, car cette fin de
siècle va vite, jusqu'à ce que le mouvement change de nature, avec une nouvelle
distribution des cartes.
Prééminence des femmes après celle des hommes ? Ce serait tout aussi
fâcheux.
Equilibre constructif enfin trouvé ? Ce serait l'idéal, car il me semble que
nous sommes faits pour que nos qualités respectives se complètent et nos
défauts se compensent. Il n'y pas une partie de l'humanité qui soit meilleure
que l'autre !
Ces chiffres semblent bien montrer aussi que les femmes veulent user de leur
liberté relativement nouvelle, historiquement, pour faire les choix qui leur
conviennent, dans les domaines qui les attirent, ce qui me semble bien loin
d'une sorte d'égalitarisme paritaire.
Il ne faut pas confondre discrimination et différence. La discrimination est
arbitraire, alors que la liberté se nourrit de la différence, à condition que
la liberté ne soit pas écrasante, sous peine de s'autodétruire, entraînant dans
sa chute les plus faibles et les moins armés pour combattre.
Mais c'est là un autre débat ! Et le débat d'aujourd'hui, c'est la
modification de l'article 4 de la Constitution.
Le Sénat, fidèle en cela à sa tradition qui est de privilégier les solutions
constructives par rapport à un simple refus, nous propose de confier aux partis
politiques la responsabilité de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes
aux mandats électoraux et aux fonctions électives ; mais il faudra que les
partis fassent beaucoup d'efforts !
Le Sénat nous propose également de permettre que les règles relatives au
financement public des partis politiques puissent contribuer à la mise en
oeuvre de ce principe.
Mais des amendements vont peut-être modifier ces propositions.
Mme Tasca, dans son rapport, résume parfaitement la situation telle qu'elle se
présente aujourd'hui : « Curieux pays que celui où nous vivons, les principaux
responsables politiques s'accordent sur le constat et les solutions qui
pourraient améliorer la place faite aux femmes dans la vie publique française,
mais ils jugent nécessaire que des lois, y compris constitutionnelles, les y
contraignent. Le juridisme étatique français s'exprime ici avec éclat, mais
peut-on échapper à sa culture et à son histoire ? »
Ce que j'aurais souhaité, c'est justement qu'on échappe enfin à ce carcan qui
nous paralyse dans tous les domaines.
Je réaffirme donc mon hostilité profonde à la modification de la Constitution
sur ce sujet qui aurait mérité, à mon sens, une approche beaucoup plus large et
non une sorte de détournement politique de la question. La modification
éventuelle de la Constitution n'aurait dû être qu'une hypothèse en cas de
nécessité, pour permettre l'aboutissement des discussions.
Je suis également défavorable à l'introduction dans la Constitution des
éléments relatifs au financement des partis. Ce n'est pas la place de tels
dispositifs.
Mon objectif est, non seulement de ne pas nuire à la cause de la féminisation
de la vie politique - que je défends - mais de la servir.
M. René-Pierre Signé.
Vous le faites fort mal !
Mme Anne Heinis.
Or, aucun des textes dont nous avons débattus ne donne vraiment
satisfaction.
Je déplore d'être obligée de me prononcer sur un projet de loi qui risque de
se transformer en un piège. En conséquence, personnellement, je réserve mon
vote jusqu'à la fin des débats.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
(M. Guy Allouche remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, je tiens à souligner l'excellente qualité du
travail effectué par la commission des lois et dire combien j'ai apprécié les
interventions de mes collègues de la majorité sur le présent texte de loi. Je
m'associe à leurs remarques. Permettez-moi cependant d'apporter ma modeste
contribution.
Le constat qui est sans appel de l'insuffisante représentation des femmes dans
la vie politique française ne doit pas nous conduire aujourd'hui à un simple
vote de « bonne conscience ». Le projet de révision constitutionnelle qui nous
est soumis est critiquable à plusieurs égards et semble oublier, voire ignorer,
les principes qui fondent la démocratie et notre droit constitutionnel. Non
seulement ce projet porte atteinte à l'indivisibilité de la souveraineté, dont
le citoyen est titulaire, mais il risque également de porter atteinte à la
dignité de la femme dans les implications qu'il comporte.
Est-il besoin de procéder à une révison surabondante, alors que le principe
d'égalité des sexes est déjà consacré par notre texte constitutionnel ? En
effet, le troisième alinéa du préambule de la constitution de 1946 précise que
« la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux
de l'homme ».
Si le terme de parité n'apparaît pas dans la rédaction actuelle du projet de
loi, c'est bien de l'égalité parfaite qu'il s'agit ; il suffit pour cela de se
reporter à l'exposé des motifs. Or ce projet - tant dans sa rédaction initiale
que dans celle qui a été adoptée par l'Assemblée nationale - impliquera la
faculté accordée au législateur d'établir des quotas.
Cette révision n'a finalement qu'un seul but : inscrire la discrimination
positive dans notre Constitution et ainsi surmonter la censure du juge
constitutionnel qui, dans sa décision du 18 novembre 1982, rappelait le
principe de l'indivisibilité du peuple et de la République.
Cette importante décision du Conseil constitutionnel a servi de fondement à la
décision non moins importante du 9 mai 1991 refusant la notion de « peuple
corse ». J'ajouterai également que la même application de la jurisprudence de
1982 vient d'être faite par le Conseil constitutionnel le 14 janvier 1999
concernant la loi sur le mode de scrutin régional ; MM. Bonnet et Gélard l'ont
rappelé à juste titre.
Si la jurisprudence que je viens de rappeler est moins fondée sur l'égalité
que sur l'indivisibilité du peuple français, c'est bien à ce principe qu'il est
porté atteinte aujourd'hui par ce projet de loi.
Les dispositions de l'article 3 de la Constitution consacrent le principe
selon lequel « la souveraineté nationale appartient au peuple », le caractère «
universel, égal et secret » du suffrage, la qualité d'électeurs des « nationaux
français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques
».
Les dispositions de l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyende 1789 proclament l'égalité devant la loi.
Le rapprochement de ces deux articles s'oppose à toute division par catégories
des électeurs ou des éligibles. Ce point a été souligné par le professeur Jean
Boulouis, que je me permets de citer : « Il paraît ainsi tout à fait clair
qu'il ne s'agit par tant d'égalité que d'identité, les citoyens n'étant pas
identiques parce qu'ils sont égaux, mais étant égaux parce que leur qualité les
fait par définition identiques, "toute division par catégorie des électeurs en
des éligibles" ne pouvant qu'être exclue ».
Une différenciation au sein du corps électoral risquerait d'ouvrir la boîte de
Pandore de tous les communautarismes.
(M. Claude Estier proteste.)
Pourquoi ne pas pousser la logique de la parité à d'autres catégories de la
population, notamment en matière socioprofessionnelle ou encore religieuse ?
Combien de personnes se sont émues du nombre important de fonctionnaires qui
siégeaient à l'Assemblée nationale ? On pourrait très bien dénoncer également
cette surreprésentation d'un corps professionnel et demander que soit assurée
une plus juste répartition des différentes professions au sein d'une assemblée
!
M. Claude Estier.
Cela n'a rien à voir !
M. Jean Chérioux.
Cela n'a rien à voir parce que cela vous gêne !
M. Alain Vasselle.
L'égalité ne se fonde pas sur la différenciation. L'humanité est universelle
et irréductible ; ce principe transcende les différences catégorielles. Revenir
sur le principe d'universalité équivaut à revenir sur les fondements de notre
République et de la démocratie. Nous risquons aujourd'hui d'introduire, pour
reprendre l'expression d'Elisabeth Badinter, le biologique dans le
politique.
M. Henri Weber.
Pauvre Elisabeth !
M. Alain Vasselle.
Il faudrait éviter que le remède ne soit pire que le mal. Une égalité
effective dans la représentation des institutions publiques, acquise au moyen
de quotas, n'est qu'une humiliation supplémentaire infligée à la femme
(M. Claude Estier proteste),
car, d'une façon générale, la règle du
quota, même décidée avec des intentions louables, n'est pas exempte de
conséquences dangereuses. Au-delà des discriminations à rebours qu'elle peut
entraîner, cette règle peut se retourner contre les femmes et faire planer un
doute sur la qualité des personnes concernées.
Ces conséquences ont pu être observées dans la pratique des politiques
d'
affirmative action
aux Etats-Unis. Si la Cour suprême n'a pas condamné
ces politiques, elle en a restreint considérablement aujourd'hui
l'utilisation.
Sur le plan communautaire, le débat reste encore très vif. Dans un arrêt du 17
octobre 1995 - l'arrêt Kalanke - la Cour de justice des Communautés européennes
a considéré que la discrimination positive était contraire à une directive de
1976 interdisant toute discrimination fondée sur le sexe. Bien que la Cour ait
nuancé récemment son interprétation dans un arrêt du 11 novembre 1997 - l'arrêt
Marschall - le débat n'est pas clos. Si le traité d'Amsterdam admet la
discrimination positive, ce n'est que dans le domaine professionnel, et non
dans le domaine de la représentation politique.
Nos regards doivent également se tourner vers nos voisins. On nous cite très
souvent les pays nordiques en exemple. En effet, en Suède, 43 % de femmes
siègent au Parlement. La France à côté fait figure de mauvaise élève. Cependant
ces pays n'ont pas garanti une bonne représentation des femmes dans la vie
politique en modifiant leur Constitution ! L'égal accès des femmes aux
institutions publiques a été réalisé par des mesures volontaristes à
l'intérieur des partis politiques. La Belgique a bien essayé d'imposer des
quotas à 25 % lors des élections municipales de 1994, mais le taux n'a pas été
atteint, faute de candidates !
Au problème que je viens de soulever s'ajoute l'ambiguïté d'une rédaction
imprécise de l'article unique du projet de loi que le texte voté par
l'Assemblée nationale n'a pas levée. En effet, le texte initial du projet
dispose : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
et fonctions. » Le texte adopté par l'Assemblée nationale dispose : « La loi
détermine les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès des femmes
et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. »
Le terme « favorise » substitué au terme « détermine » accentue-t-il ou
atténue-t-il l'obligation de faire ce qui incombe ici au législateur ? Car il
s'agit bien d'un blanc-seing qui lui sera donné par le constituant.
Comme l'a souligné d'ailleurs le doyen Georges Vedel, « le projet de révision
n'énonce aucun principe qui pourrait guider le législateur. Le vrai débat de
principe n'est pas celui de l'égalité entre les hommes et les femmes, qui est
réglé depuis un demi-siècle, mais celui de savoir jusqu'où, pour assurer
l'égalité de fait entre les deux sexes, on peut limiter en droit la liberté de
choix de l'électeur ».
La liste des problèmes soulevés ne s'arrête pas là. Le principe d'égal accès
aux mandats électoraux serait difficilement réalisable dans le cadre des
scrutins uninominaux. Faudrait-il réserver des circonscriptions aux femmes et
des circonscriptions aux hommes ? Sur quels critères ?
Assurément, il faut réaliser l'égalité entre les hommes et les femmes dans les
institutions publiques. Cependant, si vous me permettez cette formule, parce
que la femme est un homme comme un autre, il ne faut pas modifier notre texte
fondamental.
Rien dans la loi aujourd'hui ne s'oppose ou n'interdit à une femme de se
porter candidate à des élections, que ce soit dans le cadre d'élections
organisées au scrutin uninominal majoritaire à deux tours ou dans le cadre
d'élections à la proportionnelle.
Pour assurer l'effectivité de l'égalité des sexes, d'autres voies restent
ouvertes, d'autres pistes doivent être examinées, au premier rang desquelles je
citerai la volonté des partis politiques. Parce que les partis concourent à
l'expression du suffrage, ceux-ci doivent prendre leurs responsabilités et
accélérer un processus déjà amorcé ces dernières années.
La commission des lois a proposé un amendement tendant à une nouvelle
rédaction de l'article unique du projet de loi consitutionnelle pour compléter
non plus l'article 3 de la Constitution, mais l'article 4.
L'incitation des partis politiques à présenter un plus grand nombre de femmes
pourrait, selon M. le rapporteur, se réaliser, en particulier par la modulation
du financement public des partis.
L'amendement proposé par la commission des lois complète de la manière
suivante l'article de la Constitution : les partis politiques « favorisent
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions
électives ».
« Les règles relatives à leur financement public peuvent contribuer à la mise
en oeuvre du principe énoncé à l'alinéa précédent. »
Si le premier alinéa ne pose pas de problème de fond, il en va tout autrement
de ce dernier alinéa que je viens de rappeler. La rédaction adoptée ne permet
pas de nous garantir l'absence de mesure législative mettant en oeuvre le
principe d'égalité par l'intermédiaire soit de primes incitatrices, soit de
sanctions réductrices qu'il faudrait à mon sens rejeter. Je partage donc le
point de vue de M. Bonnet et je soutiendrai son amendement tendant à supprimer
ce second alinéa.
A la volonté des partis politiques doit s'ajouter une mobilisation plus
importante des femmes. L'insuffisante représentation de celles-ci ne résulte
pas exclusivement de l'attitude des hommes.
Ce projet de loi constitutionnelle soulève de nombreuses critiques et
interrogations. Appartient-il à l'Etat de prôner un certain modèle ? La
représentation politique se fonde-t-elle sur ce qui différencie ou sur ce qui
est commun ? A-t-on le droit de modifier la conception de la souveraineté et de
son mode d'exercice ?
Mes chers collègues, je laisse à vos réflexions ces questions et j'espère que
nous trouverons la réponse à travers votre vote majoritaire.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, mon intervention vient en complément de celle de
ma collègue Odette Terrade, dont je partage totalement l'analyse.
Le groupe communiste républicain et citoyen a deux représentants, Robert Bret
et moi-même, au sein de la commission des lois. Je veux ici brièvement évoquer
notre étonnement sur le cours pris par la discussion au sein de cette
commission et sur l'art qu'ont nos collègues de droite de contourner les vraies
questions. Je voudrais aussi dire que nous désapprouvons les conclusions de la
commission des lois.
Il y a manifestement un déphasage considérable entre les messages délivrés par
la Haute Assemblée et l'aspiration à la modernisation de la vie politique dont
la parité est un pilier. A cet égard, il faut donc se méfier des sondages
évoqués tout à l'heure par M. le président de la commission des lois.
L'opinion publique n'aime pas les gadgets, le clinquant d'annonces non suivies
d'effet. Ce fut d'ailleurs fatal au Gouvernement Juppé si hâtivement constitué
en 1995.
Ce qui est proposé aujourd'hui répond au contraire à une aspiration profonde
de la société et est porté par un gouvernement au sein duquel les femmes jouent
un grand rôle et donnent, par leur talent, leur dynamisme et leur simplicité,
une nouvelle dimension à la pratique gouvernementale.
La parité, même si elle doit rester un chantier sur lequel il faut travailler
avec beaucoup de patience, sera, si elle est votée, un tournant important de la
vie politique française.
Face à cela, que dit la commission des lois ? Son président et son rapporteur
l'ont rappelé.
Premièrement - cela a déjà été dit - notre commission s'appuie sur la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, article VI : « La loi
est l'expression de la volonté générale. (...) Tous les citoyens étant égaux à
ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois
publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs
vertus et de leurs talents. »
Dès lors, en quoi la parité serait-elle discriminatoire ? La discrimination
n'est-elle pas dans l'emploi du mot : « citoyen », qui est au seul genre
masculin, puisque c'est de cela qu'il s'est agi ?
Il y a en fait une réticence tenace à conjuguer l'universalisme dans sa
totalité.
Le second argument réside dans cette insistance de la commission à souligner
que l'on glisserait vers le communautarisme après une telle révision
constitutionnelle. Mais y a-t-il un seul parti politique qui défende les
quotas, qui demande une place particulière pour une minorité religieuse,
ethnique ou culturelle ? Pourquoi agiter ce leurre, alors que les femmes ne
sont pas une catégorie, mais qu'elles sont la moitié de l'humanité ?
(Très
bien ! sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Enfin, la commission a conclu - on l'a entendu dans la bouche de divers
orateurs - à la responsabilité des partis politiques. Certes, ceux-ci ont leur
responsabilité mais, mes chers collègues, une responsabilité inégale. Nous ne
sommes pas exactement sur le même plan par rapport à cela, y compris dans les
scrutins de liste, comme le rappelait M. le rapporteur. Ainsi, en 1994, lors
des dernières élections européennes, seules les listes se réclamant de la
gauche et de l'extrême gauche ont atteint la parité.
Mais le parti communiste français, qui a dans ce domaine une tradition que
vous n'avez pas, a accompli des efforts que vous n'avez pas fais !
M. Alain Vasselle.
Vous n'avez pas eu besoin de la loi pour cela !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Vous avez remplacé une femme au Sénat !
M. Michel Duffour.
Je suis l'un des représentants du département des Hauts-de-Seine, avec vous,
monsieur Ceccaldi-Raynaud. Sur trois députés communistes, deux sont des femmes
; sur cinq municipalités, trois sont dirigées par des femmes !
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Michel Duffour.
Dans un département où nous avons fait des efforts...
M. Alain Gournac.
Continuez !
M. Michel Duffour.
... et où nous avons obtenu des résultats, nous convenons nous-mêmes qu'il
faut évidemment aller plus loin, car la lenteur des changements est trop
grande. Il est donc indispensable de légiférer pour, progressivement
probablement, mais rapidement à coup sûr, changer la donne sur ce plan-là.
M. Alain Vasselle.
C'est un signe de faiblesse !
M. Michel Duffour.
C'est un signe de force, monsieur Vasselle !
M. Alain Vasselle.
Vous n'êtes pas capables tout seul d'augmenter le nombre de femmes, il vous
faut une loi pour y parvenir. C'est de la faiblesse, c'est de l'incapacité !
M. Michel Duffour.
Vous, dans l'Oise, vous ne pourriez pas citer des chiffres comparables !
M. le président.
Monsieur Vasselle, vous avez été écouté silencieusement ; veuillez faire en
sorte qu'il en aille de même pour vos collègues.
M. Alain Vasselle.
C'est parce qu'il n'y avait rien à redire à ce que j'ai dit !
M. Michel Duffour.
M. Gélard a affirmé que nous étions tous d'accord sur le constat - il serait
difficile de ne pas l'être - mais que nous n'étions pas d'accord sur les
thérapies. Mais a-t-on entendu dans cette partie de l'hémicycle l'ébauche d'une
thérapie quelconque ?...
J'ai entendu M. Gélard parler du Bangladesh,...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Parlez-nous des Hauts-de-Seine !
M. Michel Duffour.
... de l'Union soviétique, du Pakistan pour conclure, avec raison, que
l'exemple ne pouvait venir de là mais qu'il n'y avait aucune solution pour un
régime démocratique.
Soyons francs, dans toute la discussion qui s'est déroulée en commission, se
profilait en arrière-pensée la crainte d'un changement de mode de scrutin. Vous
le savez : nous sommes, nous, communistes, partisans de la proportionnelle.
Nous pensons que c'est le meilleur scrutin et que, à court terme, il sera
nécessaire d'insuffler une dose de proportionnelle, mais, aujourd'hui, ce n'est
pas la question.
Alors, mes chers collègues, va-t-on sacrifier la parité, qui est une question
de principe, une question de civilisation, une question fondamentale, à des
craintes subalternes sur un mode de scrutin ?
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, les réformes constitutionnelles sont pour nous
l'occasion d'un véritable retour aux sources. Elles nous permettent
d'appréhender ce qui constitue l'essence même de notre République ; elles
requièrent que nous nous plongions dans les débats passionnants, souvent
divergents, qui animent habituellement plutôt nos philosophes, sociologues ou
anthropologues.
Aujourd'hui, notre objectif - partagé, je l'espère - est de tendre, plus
encore qu'hier, vers une réelle démocratie, vers un « pouvoir du peuple » plus
accompli, une démocratie dont les institutions ont trop longtemps confisqué le
droit de vote à une partie du peuple puisque 1789 n'a pas voulu des deux sexes
en politique, une démocratie au sein de laquelle la fonction représentative
demeure, dans les faits, très difficilement accessible à l'une des deux
composantes de notre société.
Cette aspiration légitime rencontre l'adhésion d'une large majorité des
Français. Toutefois, les moyens pour y parvenir semblent nous diviser.
Il y a ceux pour qui seules des initiatives volontaristes permettront de
surmonter ce qui fait obstacle à l'accession des femmes aux mandats électoraux
et aux fonctions électives. Et puis il y a ceux qui préfèrent, encore et
toujours, miser sur la bonne volonté des partis politiques.
C'est cette approche qu'entend privilégier la majorité sénatoriale. C'est
cette approche qui nous vaut aujourd'hui l'avant-dernière place au palmarès
européen de la présence des femmes dans les assemblées.
Mes chers collègues, la proposition que nous soumet la commission des lois,
c'est un enterrement de première classe des espoirs suscités par la
mobilisation des femmes, par les bons résultats obtenus par les candidates aux
dernières législatives, par les engagements des plus hauts responsables de
notre pays que sont le Président de la République et le Premier ministre.
Au coeur de notre débat figurent les principes fondateurs que sont la
souveraineté, la liberté et l'égalité du peuple, l'universalité du suffrage.
Ils furent des concepts d'émancipation mais consitutent aujourd'hui, ironie du
sort, des obstacles aux mesures volontaristes qui sont, indéniablement, un
préalable à l'amélioration de la représentation des femmes dans nos assemblées.
Les exégètes du principe d'universalisme en sont eux-mêmes bien conscients.
Le Président de la République, le Premier ministre et nos collègues députés,
en modifiant l'article 3, nous proposent d'envisager que l'expression de la
souveraineté tienne compte désormais d'une réalité bien tangible : la mixité du
peuple français, la mixité des citoyens électeurs et, en conséquence, la mixité
de ceux qui les représentent.
Cette proposition est-elle si iconoclaste et si porteuse de dérives vers un
communautarisme, étranger jusqu'ici au système français ?
Permettez-moi d'éprouver un malaise face à certaines assimilations tendant à
mettre sur le même plan les aspirations vers une plus juste représentation des
femmes et celles de communautés se constituant sur la base d'une origine, d'une
religion ou d'un handicap commun.
Nos discussions suscitent une autre question : les femmes élues
apportent-elles « un plus » au débat politique, ont-elles une réelle
spécificité ?
Après tout, des lois aussi fondamentales que celles qui portaient sur la
contraception, la dépénalisation de l'avortement, l'autorité parentale ont été
portées, votées par des hommes. MM. Badinter et Neuwirth peuvent en
témoigner.
Mais ne croyez-vous pas que des assemblées plus féminisées auraient engagé ces
réformes plus tôt ?
Mes chers collègues, hommes ou femmes, nous sommes élus pour défendre et pour
incarner des projets politiques dans lesquels se retrouvent nos concitoyens.
Nous contribuons chacune, chacun, par notre expérience, par notre parcours, à
apporter des éclairages différents à nos travaux parlementaires.
Ce n'est pas, me semble-t-il, prendre le risque de sombrer dans un «
différentialisme », sujet de bien des polémiques, que de vouloir se donner les
moyens d'instaurer un plus juste équilibre de nos assemblées.
Par ailleurs, soumettre au suffrage des électeurs des listes composées à
parité d'hommes et de femmes est-elle une violation de la liberté de l'électeur
?
Je relève que l'on ne s'est guère posé cette question au cours des nombreuses
élections où la plupart des listes étaient essentiellement, pour ne pas dire «
exclusivement », composées d'hommes ?
Qui peut, aujourd'hui, raisonnablement prétendre que les stratégies
volontaristes mises en oeuvre aux élections européennes ou législatives ont
violé la liberté de l'électeur, sauf à renoncer au système d'investiture par
les partis politiques ?
Notre collègue Dinah Derycke a bien su, ce matin, décoder ce que sous-tendent
les craintes de la majorité sénatoriale, qui, de toute évidence, redoute de
devoir recourir à la loi, expression de la volonté générale, élaborée par des
représentants élus, pour déterminer les conditions d'égal accès des hommes et
des femmes aux mandats électoraux.
Alors que l'accent est mis depuis plusieurs années sur le renforcement du rôle
du législateur, c'est un renoncement surprenant.
La majorité sénatoriale a déjà refusé le projet de loi tendant à limiter les
possibilités de cumuler les mandats, projet qui pourtant contribuerait au
rééquilibrage de la participation des femmes et des hommes dans les assemblées
élues.
Va-t-elle de nouveau enrayer le processus de modernisation de la vie publique
si nécessaire à notre démocratie ?
Nous attendons depuis trop longtemps que, dans la sphère politique, l'égalité,
pilier de la devise de notre République, n'en reste pas au stade de la
déclaration de principe.
C'est ce défi que nous devons relever aujourd'hui. A chacun de prendre ses
responsabilités, mes chers collègues. Les socialistes prendront les leurs !
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou.
« Pour que la société soit transformée ne faut-il pas que la femme intervienne
aujourd'hui dans les affaires publiques ? ». Ainsi s'exprimait George Sand en
1848. Depuis, la situation des femmes en politique a certes évolué, mais à pas
comptés.
Cent ans après, grâce au général de Gaulle, nous avons enfin obtenu le droit
de vote. Mais que d'obstacles à franchir encore pour que la représentation des
femmes ne reste pas aussi faible, sinon marginale !
En effet, après plus de cinquante ans d'exercice des droits civiques, nous,
les femmes parlementaires, ne représentons toujours que 10,5 % des députés et
moins de 6 % des sénateurs.
A eux seuls, ces deux chiffres montrent à quel point les femmes sont encore
très largement tenues à l'écart de la vie politique et du pouvoir.
Cette « exception française » que constitue la faible représentation des
femmes en politique nous distingue singulièrement des autres démocraties
européennes. La France est, avec la Grèce, la lanterne rouge des pays européens
dans ce domaine.
Comment expliquer cette situation ?
Il y a certes un héritage historique, mais aussi le fait que, dans nos
mentalités, il est dans l'ordre naturel des choses de répartir les rôles entre
hommes et femmes en réservant aux hommes la vie publique et aux femmes les
responsabilités de la vie privée.
Mais le passé n'explique pas tout. En Espagne, notre pays voisin au même passé
religieux et culturel que le nôtre, après qu'ont été prises des initiatives
pour féminiser l'institution, il y a près de 25 % de femmes au Parlement.
A titre personnel, pour avoir été pendant plusieurs années la seule femme
présidente d'un conseil général, ayant occupé pendant neuf années cette
fonction, j'ai pu mesurer le privilège que constituait parfois l'exception mais
aussi les difficultés qu'il fallait surmonter. J'ai pu constater qu'il régnait
une certaine méfiance à l'égard des actions conduites par une femme exerçant un
véritable pouvoir décisionnel et que des jugements beaucoup plus sévères leur
étaient réservés. En effet, nos mentalités réservent presque exclusivement ce
pouvoir décisionnel aux hommes.
(Mmes Cerisier-ben Guiga, Printz et Terrade
applaudissent.)
Je veux bien croire qu'il se dessine aujourd'hui une évolution plus favorable
et je m'en réjouis.
Cependant, je suis convaincue que seule la présence d'un plus grand nombre de
femmes dans la vie politique permettra d'accélérer cette évolution.
(Applaudissements sur certaines travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
En effet, ce déséquilibre contribue beaucoup plus qu'il n'y paraît au
décalage entre la société civile et la classe politique.
Cette situation me semble constituer un grave danger pour l'équilibre de notre
démocratie, qui devrait être le reflet de notre société composée pour plus de
la moitié de femmes.
Aujourd'hui, chacun est désormais convaincu que le faible nombre de femmes
élues constitue à la fois une injustice flagrante et le signe d'un
dysfonctionnement de la démocratie.
Face à ce constat d'échec, comment pouvons-nous favoriser l'accès des femmes
aux mandats électoraux et aux fonctions électives ?
Ici même, au Sénat, nous avions engagé une réflexion à ce sujet au sein de la
mission commune présidée par Mme Olin, chargée d'étudier la place et le rôle
des femmes dans la vie publique.
Plusieurs solutions avaient été examinées, parmi lesquelles la parité et la
modulation du financement public des partis politiques en fonction de la
proportion des candidatures féminines.
Aucune de ces solutions n'est véritablement satisfaisante et, pour ma part, je
trouve choquant que nous soyons dans l'obligation d'imposer la contrainte pour
corriger une lacune criante, parce que les partis n'ont pas su mettre en oeuvre
la responsabilité qu'ils détiennent de l'article 4, parce qu'ils n'ont pas su
favoriser l'accès des femmes en politique.
Je me réjouis néanmoins aujourd'hui de la tenue de ce débat, qui présente à
mon sens un immense avantage : celui de sensibiliser l'opinion publique,
d'ailleurs favorable à ce courant.
Si la parité n'est sans doute pas une recette miracle, je crains que ceux qui
feignent de croire qu'il est possible aux femmes d'acquérir sans modification
des textes les droits auxquels elles peuvent prétendre ne se trompent.
Mme Odette Terrade.
Eh oui !
Mme Janine Bardou.
La modification qui nous est proposée est donc une étape nécessaire. Elle ne
doit plus être retardée.
Je ne sous-estime pas, cependant, les réserves que suscite ce texte, notamment
de la part des juristes qui s'opposent à ce projet au nom de leur attachement
au principe de l'universalité. Je ne sous-estime pas non plus le danger d'une
dérive vers l'instauration d'un scrutin à la proportionnelle.
Très attachée au scrutin uninominal, je n'oublie pas l'exemple des élections
législatives de 1986, où 33 % des femmes étaient candidates alors que seulement
5,89 % d'entre elles furent élues.
Nous pouvons donc en déduire que, malgré certaines promesses électorales de
l'époque, les femmes n'étaient pas les mieux placées sur les listes ; dans le
choix qu'ils font pour désigner leurs candidats, les partis restent maîtres du
jeu.
Les bureaux des partis politiques, presque exclusivement masculins, n'hésitent
pas à se montrer généreux en donnant les circonscriptions les plus
difficiles... aux femmes.
Mme Odette Terrade.
C'est vrai !
Mme Janine Bardou.
Dans ces conditions, confier, dans la Constitution, aux partis politiques la
responsabilité de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
et fonctions politiques ne me semble pas la meilleure solution. Nous ne voulons
point que nous soit octroyée une faveur mais nous voulons faire en sorte que la
mixité trouve sa traduction politique dans la parité et que les femmes soient
présentes dans toutes les instances de décision de notre société.
Nous devons faire confiance aux femmes. Aussi, malgré ses insuffisances, je
voterai le projet de loi tel qu'il nous est proposé.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de soulever quelques
questions.
A quelle fin le Président de la République et le Gouvernement ont-ils soumis
au Parlement ce projet de loi organique ? Il me semble que le Président de la
République comme le Gouvernement ont voulu que le législateur puisse prendre
toutes les dispositions nécessaires afin de donner aux citoyens de sexe féminin
une juste place dans la représentation nationale.
Or, que nous propose pour sa part la commission des lois du Sénat ? Elle nous
suggère de former un voeu pieux et de confier cette mission aux seuls partis
politiques, en feignant de croire que ceux-ci agiront demain autrement qu'ils
ne l'ont fait depuis un demi-siècle, sans qu'il soit le moins du monde
nécessaire d'exercer une contrainte sur eux.
Que signifie cette attitude ? Elle traduit le fait que, une fois de plus, la
majorité sénatoriale, fidèle à sa vocation conservatrice, cherche à retarder,
et si possible à bloquer pour de bon, une réforme profonde de la société, même
si cette réforme est voulue par le Président de la République. La majorité
sénatoriale ne veut d'aucun dispositif contraignant dont l'Assemblée nationale
aurait la maîtrise, surtout s'il s'agit d'instaurer des quotas... Elle pourrait
dire : « cachez ce quota que je ne saurais voir ».
(Sourires.)
Mais l'existence depuis cinquante ans d'un quota implicite de 90 %
d'hommes dans la représentation nationale n'a guère offensé votre sourcilleux
sens de l'égalité, chers collègues de la majorité. Et encore, si nous sommes en
deçà du seuil des 95 %, c'est grâce à la prise de conscience récente des seuls
partis de gauche !
Plus sérieusement, c'est en pensant à toutes les générations de femmes privées
de la possibilité de dire le droit et subissant celui qui était édicté par les
seuls hommes, c'est en pensant à la génération des femmes qui ont tenu la
France à bout de bras pendant toute la guerre de 1914-1918 et que la Haute
Assemblée a privées du droit de vote jusqu'en 1944 - il s'agit de nos
grands-mères, ce n'est pas si loin ! - que je développerai brièvement deux
arguments en faveur du projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis
aujourd'hui.
Tout d'abord, il me paraît évident qu'il sera nécessaire de prendre des
mesures contraignantes diversifiées pour venir à bout de l'un des blocages les
plus anciens et les plus forts de notre société, celui qui tend à éliminer les
femmes de la vie politique.
Ensuite, la société française, devenue mixte au cours de ce siècle, ne peut se
reconnaître que dans une représentation nationale elle aussi mixte.
Ainsi, cette représentation nationale, et tout particulièrement le Sénat,
passablement discrédité dans l'opinion depuis des années - et cela va en
s'aggravant
(Mme Terrade approuve) -
retrouverait une crédibilité qu'elle est en
train de perdre.
Je rappelle, après d'autres orateurs qui m'ont précédée, que c'est l'histoire
qui a fait que femmes et hommes ne sont pas à égalité aujourd'hui devant la
politique, que les hommes ont confisqué l'universalité républicaine depuis que
la République existe, qu'eux seuls ont eu le droit de penser la République et
que, lorsqu'une femme leur a contesté ce monopole, elle a terminé sa vie sur
l'échafaud.
Mais il y a plus grave et plus proche de nous : rien, dans l'éducation de la
majorité des femmes jusqu'aux années soixante-dix, ne les préparait à une
carrière politique, et aucun modèle valorisant de femme politique n'a été
proposé aux femmes de ma génération. Ainsi, les grandes féministes étaient
absentes de nos manuels scolaires, et elles le sont d'ailleurs encore.
Mais surtout, plus profondément, l'éducation familiale et scolaire a longtemps
installé un terrible sentiment d'infériorité au coeur du psychisme des femmes.
Rien, dans l'éducation des filles, ne valorisait l'affirmation de soi, la prise
de responsabilités, au contraire de ce qui prévalait pour l'éducation des
garçons, à la même époque et dans les mêmes milieux. Comment peut-on dire que
nous abordons la compétition politique avec des chances égales, quand toutes
les qualités nécessaires à cette activité ont été soigneusement développées
chez les hommes et cessent tout juste aujourd'hui d'être réprimées chez les
femmes ? Prendre des mesures volontaristes s'impose avec d'autant plus de force
que les femmes doivent surmonter les handicaps souvent inconscients installés
dans leur esprit par des millénaires d'oppression.
Je n'aurai pas le temps d'aborder dans tous ses détails la question de la
transposition de la mixité dans la représentation nationale, mais dites-vous
bien, mes chers collègues, que la société française a tant gagné à la mixité
dans tous les domaines de la vie au cours de ce siècle
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen)
qu'elle attend avec impatience que la
mixité touche enfin le monde politique.
Je dirai en conclusion que l'instauration d'un égal accès des femmes et des
hommes à la vie politique est une exigence de justice. Donner enfin la parole
aux femmes, permettre aux citoyennes d'avoir prise sur leur vie, traiter dans
le débat politique les dénis de droit et les injustices qui sont aujourd'hui
passés sous silence parce que seules les femmes en sont victimes contribuerait
à rétablir la confiance du peuple à l'égard de la classe politique.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, « les femmes : quelle puissance ! », s'exclamait
Michelet. Et pourtant, bien rares sont les silhouettes féminines qui ont pu,
ici ou là, jadis ou naguère, incarner le pouvoir ou se glisser dans ses
allées.
Partout, l'établissement des systèmes représentatifs s'est traduit par un
cantonnement des femmes dans la sphère privée, et il aura fallu presque tout un
siècle pour que, de la Finlande en 1906 à la Suisse en 1971, l'Europe
occidentale réalise, en leur permettant de voter, l'« admission des femmes au
droit de cité » que Condorcet, seul ou presque, appelait de ses voeux à l'aube
de la Révolution.
Ce n'est qu'à partir de 1944 que les Françaises, sous la IVe République,
commencèrent à user du droit d'éligibilité, acquis peu après le droit de vote.
Mais les pratiques issues des institutions de 1958 ont maintenu le plus souvent
à moins de 2 % la proportion des femmes à l'Assemblée nationale.
La situation actuelle n'est pas beaucoup plus brillante. En effet, seulement
63 sièges de députés sur 577, soit 10,9 %, sont occupés par des femmes. Certes,
ce pourcentage est encore plus faible en Grèce, où il atteint 6,3 %, mais la
Suède fait beaucoup mieux avec 40,4 %.
Dans ces conditions, pour corriger une situation que chacun s'accorde à juger
insatisfaisante, la tentation est évidemment forte, surtout dans un pays comme
le nôtre, marqué par l'empreinte du droit romain et du code Napoléon, de
recourir à une démarche normative.
Cette démarche fut d'ailleurs engagée par le précédent gouvernement. Le
Premier ministre s'était alors prononcé sur « la place des femmes dans la vie
publique », observant que « nous continuons à vivre, en quelque sorte, sous
l'empire de la loi salique ».
Son successeur a conforté cette approche, tout en reconnaissant, dans sa
déclaration de politique générale du 19 juin 1997, que, dans ce domaine, « le
progrès passe d'abord par l'évolution des mentalités et le changement des
comportements ».
Il a néanmoins jugé nécessaire d'« aller plus loin » et a annoncé une révision
de la Constitution « afin d'y inscrire l'objectif de la parité entre les hommes
et les femmes ». Si nous ne pouvons, madame le ministre, que faire nôtre
l'objectif affiché, nous devons cependant dire toutes nos craintes quant à la
méthode retenue.
En effet, sous couvert de parité, ce projet de loi organique vise
exclusivement à rendre constitutionnelles des lois qui instaureront des quotas
de femmes.
Permettez-moi, à cet égard, de formuler trois remarques.
La première est d'ordre constitutionnel. J'observe que, aux termes de
l'article Ier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, « les
hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », et que, selon
l'article VI du même texte, tous les citoyens étant égaux aux yeux de la loi,
ils sont « également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics,
selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de
leurs talents ».
Dès lors, je note qu'à moins de supprimer ce dernier article, toute loi
imposant des quotas, même après la modification constitutionnelle que vous nous
proposez, madame le ministre, restera en contradiction avec ce principe
fondateur de notre démocratie.
Ma deuxième remarque - mais ce point a déjà été longuement souligné - aura
trait à la dignité des femmes et à l'atteinte qui sera portée à celle-ci au
travers de leur citoyenneté. En effet, avec l'instauration de quotas, les
femmes ne seront plus réellement respectées dans leur dimension citoyenne,
puisque leurs pouvoirs de représentativité dépendront en réalité des quotas à
atteindre.
Ainsi, et je sais bien que ce propos n'est pas du goût de tous, on ne sera pas
très éloigné du slogan : « il suffit d'être femme pour être élue », avec tout
ce que cela peut comporter de valeurs collectivement négatives pour les femmes.
A cet égard, je le répète à la suite d'autres orateurs qui m'ont précédé, la
pertinence des propos d'Elisabeth Badinter ne peut manquer de nous frapper.
(Exclamations amusées sur les travées socialistes.)
Troisième remarque, j'observe que les avancées constatées dans la
représentativité politique des femmes relèvent de décisions partisanes et non
de contraintes normatives, l'exemple belge étant à cet égard peu probant.
En effet, Valéry Giscard d'Estaing a été le premier chef d'Etat de la Ve
République à se préoccuper non seulement d'améliorer la « condition féminine »,
mais encore de féminiser les institutions politiques.
M. Jean-Claude Gaudin.
Cela ne lui a pas réussi !
M. Bernard Plasait.
En sept ans, vingt et un portefeuilles ministériels ont ainsi été attribués à
des femmes. La décision prise par le parti socialiste de s'imposer un quota de
quelque 30 % de candidates pour les élections législatives de 1997...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Cela a marché !
M. Bernard Plasait.
... a permis l'élection de quarante-deux femmes dans ses rangs.
M. Henri Weber.
Bravo à lui !
M. Bernard Plasait.
Encore faut-il mentionner le fait que l'objectif des 30 % de candidatures n'a
pas été atteint, et que 30 % de candidates ne signifie pas 30 % d'élues !
M. Claude Estier.
C'est quand même mieux que 5 % !
M. Bernard Plasait.
Cette dernière remarque me conduit à dire combien j'approuve la démarche de la
commission des lois, qui propose de rattacher les nouvelles dispositions non à
l'article 3, mais à l'article 4 de la Constitution,...
M. Jean-Claude Gaudin.
Très bien !
M. Bernard Plasait.
... mais elle m'oblige aussi à insister sur les implications qu'entraînera
mécaniquement une telle modification sur les modes de scrutin. Il est en effet
clair qu'un système de quotas serait incompatible avec le mode de scrutin
majoritaire.
M. Henri de Richemont.
C'est vrai !
M. Bernard Plasait.
Quoi qu'il en soit, je crois vraiment que c'est seulement dans la mobilisation
des femmes elles-mêmes et dans le volontarisme des partis que réside la clé de
l'accès des femmes aux responsabilités.
A cet égard, j'ai entendu tout à l'heure avec beaucoup d'intérêt, et même avec
beaucoup d'émotion, l'excellente intervention de ma collègue Anne Heinis, qui
a, je crois, remarquablement exprimé la vérité.
Dans l'éternel débat, ouvert par Montesquieu, entre l'action par la loi et
l'action par les moeurs, les expériences européennes donnent incontestablement
le pas à celle-ci sur celle-là. La Haute Assemblée trace la meilleure voie pour
la nécessaire évolution des mentalités et des comportements. J'ai écouté tout à
l'heure, avec beaucoup d'intérêt là aussi, notre collègue Christian Bonnet,
dont je partage totalement le souci de ne pas réduire la Constitution à un
inventaire à la Prévert en introduisant des mesures d'incitation financière qui
n'ont aucunement leur place dans la charte fondamentale de notre démocratie. Je
crois que notre assemblée serait bien inspirée d'écouter sa sagesse, ainsi que
celle de Mme Heinis.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Claude Gaudin.
Bravo !
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux
en droit », proclamait, en 1789, la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen.
« En 1848, les Français ont obtenu le suffrage universel », affirmaient mes
livres scolaires. C'est ce que j'ai cru longtemps !
Mais il faut bien se rendre à l'évidence : l'histoire de notre pays porte en
elle cette étrange contradiction, longtemps dissimulée : l'homme universel de
la Déclaration de 1789 était masculin. Il priva les femmes, pendant plus de
cent cinquante ans, de leur droit légitime à prendre part aux affaires de la
cité.
Il faudra attendre l'ordonnance de 1944, prise par le Conseil national de la
Résistance...
De nombreux sénateurs du RPR.
Non ! Par le général de Gaulle !
Mme Danièle Pourtaud.
... par le Conseil national de la Résistance, disais-je, pour réparer cette
injustice.
(Protestations vives et prolongées sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Claude Gaudin.
Impossible !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
C'était le Comité français de libération nationale !
M. le président.
Mes chers collègues, laissez Mme Pourtaud s'exprimer ! Elle seule a la parole
!
Mme Danièle Pourtaud.
Nous consulterons donc les historiens
(Vives exclamations sur les travées
du RPR et des Républicains et Indépendants),
mais il ne change rien à vos
contestations qu'il s'agissait d'une ordonnance de 1944 qui a enfin réparé
cette injustice et a rendu aux femmes la citoyenneté, c'est-à-dire non
seulement leur droit d'électeur
(M. Charles Ceccaldi-Raynaud
s'exclame)...
M. le président.
Monsieur Ceccaldi-Raynaud, ménagez-vous, s'il vous plaît !
(Sourires.)
Mme Danièle Pourtaud.
Cette ordonnance de 1944, disais-je, a donc rendu aux femmes leur citoyenneté,
c'est-à-dire non seulement leur droit d'électeur, mais aussi leur droit à
l'éligibilité.
M. René-Georges Laurin.
Et qui a pris l'ordonnance de 1944 ?
M. Claude Estier.
Le général de Gaulle, d'accord !
Mme Danièle Pourtaud.
L'affaire était-elle réglée pour autant ? J'aurais aimé pouvoir répondre par
un « oui » clair et définitif.
Mais si j'interviens aujourd'hui, c'est pour défendre la nécessité de mesures
volontaristes afin d'organiser les conditions d'un égal accès des femmes et des
hommes à l'éligibilité, ce qui implique - nous le savons tous - une
modification constitutionnelle.
Un sénateur sur les travées des Républicains et Indépendants.
Non !
Mme Danièle Pourtaud.
Des mesures volontaristes sont donc nécessaires et, faute de temps, je ne
citerai que deux motivations essentielles à cet égard : d'une part, il faut
s'opposer au poids de notre mémoire collective, à cette histoire d'hommes qui a
exclu pendant plus d'un siècle les femmes de la sphère publique, les cantonnant
à la sphère privée ; d'autre part, il faut lutter contre la persistance, depuis
la Libération, d'une sous-représentation scandaleuse des femmes dans toutes les
assemblées politiques.
A mon tour, je ne ferai qu'évoquer le poids de l'histoire.
En fait, jusqu'en 1944, les femmes furent, à l'égal des hommes, de tous les
combats pour la liberté - en 1789, en 1848, en 1871, pendant la guerre de
1914-1918 et, bien sûr, entre 1939 et 1945 - sans jamais se voir reconnaître
leur droit de participer à la vie publique.
Pendant cent cinquante ans - mais est-ce vraiment oublié ? On pourrait en
douter en écoutant, ce matin encore, certains discours - a subsisté, à des
degrés divers, cette croyance insensée selon laquelle la libération politique
de la femme représenterait un danger pour la sauvegarde de la famille. C'est ce
qui explique que la première proposition de loi en faveur du droit de vote des
femmes, en 1902, envisageait de l'accorder aux femmes majeures, célibataires,
veuves ou divorcées ! Elle fut néanmoins repoussée. Pas moins de trente-huit
propositions de loi furent ensuite déposées, sans succès. C'est de cette
histoire-là que nous sommes, tous et toutes, les héritiers.
Il ne faut pas, néanmoins, rejeter aujourd'hui l'universalisme, cette «
égalité des êtres », par-delà leurs différences, « à jouir de tous les droits
fondamentaux », comme le rappelait Robert Badinter, il y a quelques jours, à
l'UNESCO, en célébrant le cinquantième anniversaire de la Déclaration
universelle des droits de l'homme.
En revanche, ce que je condamne absolument, c'est une lecture masculine
erronée, une application inachevée de l'universalisme, qui, trop longtemps, non
seulement a exclu les femmes du droit de vote et de l'éligibilité, mais laissa
aussi perdurer l'esclavage.
(Protestations sur les travées du RPR.)
Cet héritage, malgré des avancées majeures, pèse encore dans l'inconscient
collectif de ma génération et de la génération précédente.
En effet, si, en 1944, cessa l'exclusion, on oublia de concevoir l'inclusion
réelle des femmes dans la vie publique.
J'en viens maintenant au constat accablant et inacceptable pour toutes les
Françaises, et, je l'espère, pour tous les Français.
Par le nombre de femmes qui siègent à l'Assemblée nationale - ne parlons pas
du Sénat ! - la France, comme de nombreux intervenants l'ont souligné avant
moi, est bel et bien la lanterne rouge de l'Europe.
Et, malheureusement, les choses n'évoluent pas spontanément dans le sens de
l'égalité, comme préfèrent le laisser croire certains orateurs de la majorité
sénatoriale. La preuve en est que les femmes étaient plus nombreuses à
l'Assemblée nationale en 1946 qu'en mai 1997, avant les dernières élections.
Si, en 1998, le nombre de conseillères régionales a doublé, on a pu constater
aux dernières élections cantonales et sénatoriales que cet élan s'était arrêté
tout net !
C'est pourquoi je crois en une mobilisation à la fois constante et volontaire
à tous les niveaux de notre société. En d'autres termes, la parité est une
ambition à la fois juridique et culturelle. Ce que nous voulons, c'est que
cette modification constitutionnelle inaugure une évolution irréversible des
mentalités et des comportements dans notre pays. De nombreuses femmes aspirent
en effet à un meilleur partage des responsabilités familiales. Ce n'est un
secret pour personne : le militantisme politique, chemin normal pour accéder
aux responsabilités électives, s'exerce d'abord le soir et le week-end !
Par ailleurs, au-delà de toute interprétation philosophique, cette
modification de notre Constitution correspond à une démarche pragmatique. Elle
permettra de faire sauter le célèbre verrou du Conseil constitutionnel de 1982,
reverrouillé le 14 janvier dernier. Bref, cette modification constitutionnelle
est un outil pour produire de l'égalité.
Après cette loi d'habilitation constitutionnelle, il sera nécessaire d'adopter
une ou des lois d'application afin d'obliger les partis à présenter un nombre
égal d'hommes et de femmes à la candidature, et ce, pour tous les modes de
scrutin.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jean-Claude Gaudin.
Voilà ce que cela cachait !
Un sénateur du RPR.
Les quotas !
M. Claude Estier.
La candidature !
Mme Danièle Pourtaud.
Nous ne devons pas non plus négliger les voies indirectes qui contribuent à la
réalisation de notre objectif, comme, par exemple, la limitation du cumul des
mandats. Je pense aussi, madame la ministre, à la proposition de loi que
viennent de déposer les membres des deux groupes parlementaires socialistes,
visant à créer une délégation parlementaire « aux droits des femmes et à
l'égalité des chances entre les hommes et les femmes », dans chacune des
assemblées. J'espère qu'elle sera inscrite rapidement à l'ordre du jour.
En conclusion, mes chers collègues, vous me permettrez de déplorer que la
majorité sénatoriale s'obstine à vouloir au mieux retarder, au pis empêcher la
fin de cette injustice, en dépit des engagements présidentiels et au mépris de
l'opinion publique.
(Protestations sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux.
C'est vous qui le dites !
Mme Danièle Pourtaud.
Cette tradition machiste n'est pas une nouveauté puisque la Haute Assemblée
avait fait échouer à six reprises, dans l'entre-deux-guerres, des propositions
de loi en faveur du vote des femmes. J'espère que, cette fois-ci, nous pourrons
aboutir.
Je me battrai, quant à moi, pour que nous puissions très vite, par des lois,
rendre efficiente cette modification de notre Constitution et concrétiser
l'objectif de parité. Mais j'espère aussi que nous pourrons, un jour, voter,
sans remords, leur suppression, à moins qu'elles ne deviennent indispensables
pour préserver la place des hommes...
(Rires.)
M. Jean-Claude Gaudin.
Ne nous provoquez pas !
Mme Danièle Pourtaud.
« L'égalité n'est jamais acquise, c'est toujours un combat ! », disait voilà
peu de temps, François Mitterrand.
(Applaudissements sur les travées
socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les
travées du RPR.)
M. Jean-Claude Gaudin.
Oh ! là là !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Monsieur le président, avec votre autorisation, j'entends
éclairer un point d'histoire. Je n'ai pas voulu interrompre Mme Pourtaud, même
si, comme d'autres, j'ai dit que l'ordonnance avait été prise non par le
Conseil national de la Résistance mais par le Comité français de libération
nationale.
Je voudrais bien situer l'événement : au printemps 1942, le général de Gaulle,
alors qu'il était sur des territoires limités et disposait de capacités
restreintes pour parler au nom de la France, avait déjà annoncé que, après la
libération du territoire, les femmes voteraient comme les hommes et seraient
éligibles comme eux.
En 1994, le Comité français de libération nationale réunissait auprès de lui
une assemblée consultative provisoire qui comprenait des élus des trois
départements algériens, lesquels, selon la vieille loi Tréveneuc, avaient des
droits à la représentation nationale hors du territoire envahi. Il avait
ajouté, à la demande du Conseil national de la Résistance, un autre tiers de
résistants venant de la résistance intérieure, qui étaient souvent amené par
des Lysander ou par des sous-marins venant près des côtes françaises, et un
tiers représentant la résistance extérieure, c'est-à-dire le mouvement des
Français libres et la petite résistance Nord-Africaine qui avait favorisé le
débarquement.
Cette assemblée a eu à débattre, en mars 1994, de l'esquisse de ce qui serait
l'ordonnance du 21 avril 1944 pour l'organisation des pouvoirs publics à la
libération du territoire national. Fernand Grenier, officier communiste
incarcéré en Afrique du Nord sous Vichy et libéré lors des événements ayant
suivi le débarquement américain, avait même déposé un amendement visant à
accorder dès l'instant même le droit de vote et l'égibilité aux femmes ; mais
cet amendement avait été rejeté par cette assemblée encore - peut-être était-ce
une tradition des assemblées en France ? - et le général de Gaulle imposa
alors, dans l'ordonnance du 21 avril 1944, ce qui devint l'article 14, article
prophétique, qui disposait que, après la libération de l'ensemble du territoire
national, à la première élection où le peuple français pourrait s'exprimer pour
désigner ses représentants nationaux, les femmes comme les hommes auraient le
droit de vote et d'égibilité. Nous étions le 21 avril 1944.
(Très bien ! et
applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Claude Gaudin.
Mme Pourtaud n'était pas née !
Mme Nicole Borvo.
Merci de la démonstration !
Mme Odette Terrade.
Et les femmes ont voté pour la première fois aux élections municipales d'avril
et de mai 1945 !
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, le point de vue que je vais exprimer n'engage que
moi, mais il témoigne de convictions qui sont chez moi profondes et que je
partage entièrement avec ma femme.
La révision qui nous est proposée soulève trois ordres de questions :
philosophique, constitutionnelle, politique. Et toutes ces questions se
situent, c'est vrai, à un niveau élevé de réflexion.
Le débat philosophique, on le sait, divise notamment les féministes. Il porte
sur le concept d'humanité. Que cette dernière soit composée physiquement de
femmes et d'hommes implique-t-il que l'on doive la considérer par essence comme
duale ? Je le dis clairement, je ne le pense pas plus qu'Elisabeth Badinter.
L'humanité est une à travers ses composantes. Elle est ce qui est commun à
tous les êtres humains, au-delà de toute distinction. C'est pourquoi
l'universalité - j'ai eu plusieurs fois l'occasion de m'exprimer à ce sujet -
est le propre des droits de l'homme, sauf à en dénaturer la portée. Les droits
de l'homme sont ceux de tous les êtres humains, sans que l'on puisse considérer
ce que sont leur sexe, leur race ou toute autre considération. Et même si, pour
notre honte, il est arrivé à nos sociétés d'y déroger, cette universalité ne
souffre, à mon sens, aucune distinction, même sexuelle.
En un mot, mes chers collègues, je ne crois pas et je n'ai jamais cru qu'il
existe une différence de nature entre homme et femme que l'on puisse ériger en
principe politique.
(Applaudissements sur certaines travées des Républicains
et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Je remarque d'ailleurs, mes chers collègues, que c'est cette prétendue
différence que les misogynes ont, tout au long de l'histoire, invoquée pour
tenir précisément les femmes à l'écart des responsabilités politiques.
Pour ma part, je le dis simplement : toutes les femmes que j'ai connues dans
ma vie professionnelle, à l'université, au Palais, dans la vie publique et
politique, ne me sont jamais apparues différentes des hommes. Il n'est pas deux
façons - l'une masculine, l'autre féminine - d'enseigner, d'écrire, de plaider,
de juger, de légiférer ou de gouverner !
A ce dernier égard, je considère que nombre de femmes témoignent de vertus de
caractère, de sang-froid et d'autorité, vertus que, bien à tort - ou bien à la
légère - on se plaît à qualifier de viriles.
M. Bernard Plasait.
Très bien !
M. Robert Badinter.
Au-delà de la question philosophique, le projet de révision, par nature, nous
posait une question constitutionnelle fondamentale. Et notre rapporteur en a, à
cet égard, avec précision et éloquence, défini les termes.
Ce qui est constitutionnellement en question dans cette révision, c'est ce qui
est au coeur même de notre Constitution, à savoir la question de la
souveraineté. L'article 3 de notre Constitution est clair : « La souveraineté
nationale appartient au peuple... »
Or, selon ce qui a toujours été la conception républicaine de la démocratie,
le peuple français est composé de tous les citoyens français à l'encontre
desquels ou entre lesquels aucune distinction quelle qu'elle soit - le Conseil
constitutionnel l'a rappelé dans sa décision relative au peuple corse - ne
saurait être faite.
La souveraineté, comme la République, est un tout indivisible. Aussi,
voyez-vous, lorsque j'entends, comme je l'ai entendu ce matin, que la
souveraineté devrait s'incarner dans les deux moitiés de l'humanité que sont
les femmes et les hommes, j'avoue que je ne peux pas suivre cette
argumentation. Je ne conçois pas ce que serait une souveraineté ainsi incarnée
en deux parties, pas plus d'ailleurs que je ne conçois, je le reconnais, ce
qu'est un universalisme concret : l'universalisme est l'universalisme tout
court !
Je remarque - et je conclurai sur ce point - que, s'agissant de principes
constitutionnels, dans aucune démocratie, pas même dans les Etats d'Europe du
Nord, et Dieu sait qu'ils sont bien plus avancés que nous et qu'ils montrent la
voie en ce domaine, le principe ou l'objectif de parité n'a été inscrit dans la
Constitution.
J'en arrive à la question qui, elle, est purement politique : pour autant,
pouvons-nous accepter l'état de choses existant ? Assurément non !
A cet égard, je vais abandonner les grands principes et redevenir plus
concret. De quoi s'agit-il ? S'il s'agit des élections au scrutin de liste, il
n'y a rien de plus facile ! Très franchement, il suffit, pour les partis, de
désigner comme candidats à égalité et, je me plais à le marquer, à mon sens
alternativement, femmes et hommes, la désignation de la tête de liste - on en
revient toujours au choix des personnes ! - relevant du choix des militants ou
des instances du parti.
Les partis de gauche et, en premier lieu, historiquement, le parti communiste,
ont, à cet égard, adopté cette pratique, et ils s'en sont trouvés très bien.
Peut-on imposer, par la loi, dès lors que la Constitution le prévoirait, cette
règle aux partis politiques ? Au regard des décisions du Conseil
constitutionnel, la réponse est très claire : oui, on le peut, rien ne
l'interdit, car il n'existe pas en France, je le rappelle, de principes
supraconstitutionnels.
Dès lors, puisqu'il s'agit, en réalité, de faire figurer sur les listes de
candidats au scrutin proportionnel un nombre égal de femmes et d'hommes, cela
relève bien de la désignation des candidats par les partis politiques !
Quant au scrutin d'arrondissement, il est évident que l'on voit mal comment, à
cet égard, on pourrait interdire à tout citoyen qui satisfait aux conditions
d'éligibilité, qu'il s'agisse d'une femme ou d'un homme, de se présenter !
C'est un droit fondamental pour tout citoyen, en dehors de toute question de
sexe.
Dès lors, de quoi s'agit-il dans le domaine des scrutins uninominaux ? Il
s'agit de susciter un nombre égal de candidates femmes, notamment dans les
circonscriptions où le parti a une chance sérieuse de voir élire son candidat,
et cette investiture-là relève aussi des partis politiques.
Je suis donc forcé de conclure que, constitutionnellement, sauf à vouloir
changer la nature de la souveraineté, c'est bien à l'article 4, qui concerne le
rôle des partis politiques dans la démocratie, et non pas à l'article 3, qui
concerne la souveraineté nationale, que la révision doit trouver sa place.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Mais, si elle y trouve sa place, encore faut-il qu'elle atteigne aussi
une indiscutable effectivité, et je suis au regret de dire que celle-ci
n'apparaît pas, à mon sens, dans l'amendement de la commission des lois.
En effet, pourquoi sommes-nous ici réunis ? Pour débattre d'une révision
constitutionnelle. A cause, vous l'avez très bien dit, madame le garde des
sceaux, de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, jurisprudence qui, au
regard des principes existants, est parfaitement justifiée.
Cela signifie, en clair, qu'il nous faut procéder à une révision
constitutionnelle qui, pour être effective, doit comporter une disposition
habilitant le législateur à définir de façon contraignante les conditions de
mise en oeuvre par les partis politiques de l'égal accès des femmes et des
hommes aux mandats et aux fonctions électives. Faute de cela, cette révision ne
pourrait, je le pense, atteindre son objectif, qui consiste tout de même à
aller - c'est en tout cas bien le pouvoir du constituant - au-delà de ce que le
Conseil constitutionnel a jugé... et d'ailleurs, sur ce point, bien jugé.
A partir de ces considérations, ma conclusion sera brève.
La contribution la plus précieuse que la culture européenne aura apportée à la
cause de la liberté, c'est l'invention de la démocratie. Or la démocratie
repose sur l'idée simple et forte que la façon la plus heureuse pour un peuple
d'être gouverné est de se gouverner lui-même en choisissant librement, à
intervalles réguliers, ses représentants.
La contribution la plus précieuse, à mon sens, que la France aura apportée à
cette idée démocratique, c'est l'invention de la République une et indivisible
- que je qualifierai, pourquoi pas, d'universelle - une République composée de
citoyens qui jouissent tous de droits semblables, sans distinction aucune entre
eux, qu'il s'agisse, bien entendu, de cette distinction physique que l'on a
évoquée et qui est bien évidemment le lot commun de l'humanité, mais aussi de
toutes les autres : de la race, des opinions, des origines ou des croyances
religieuses. Je n'ai pas besoin, à cet égard, de rappeler la Déclaration
universelle des droits de l'homme ou la Convention européenne : tous des
citoyens, rien que des citoyens.
Voilà les fondements de notre République. Elle n'a jamais été une mosaïque de
communautés ni une juxtaposition de composants différents. Elle ne connaît et
n'a jamais connu que des individus, des êtres humains et des citoyens, sans
discrimination aucune.
Certains - et de mes meilleurs amis - ont souligné avec raison que, longtemps,
très longtemps - je dirai trop longtemps - la République n'a pas eu le courage
de conformer ses lois à ses principes et qu'elle a refusé, au mépris de
l'universalité qu'elle proclamait, l'égalité des droits politiques, notamment
aux femmes. Mais gardons-nous de tirer de ce que furent des défaillances
honteuses ou des discriminations odieuses un enseignement contraire à la vérité
!
Lorsque les républicains ont manqué aux droits de l'homme, ils ont trahi les
fondements même de la République, c'est-à-dire l'universalité des droits de
l'homme et le refus de toute distinction ou discrimination entre les citoyens.
Je crois profondément que c'est ce message-là qui donne à l'idée républicaine,
en France et hors de France, sa grandeur.
Rien n'est plus précieux, en tout cas pour nous, que cette universalité, qui
traduit si fortement l'unité de l'espèce humaine, l'identité commune à tous les
êtres humains, au-delà de toutes leurs différences, seraient-elles de sexe.
(Applaudissements prolongés sur certaines travées des groupes socialiste et
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et sur certaines travées du
RDSE.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, à
bien vous écouter, on pourrait penser que vous êtes tous d'accord sur un
constat : les femmes ne sont pas assez représentées dans la vie politique
française.
Par exemple, monsieur Gélard, vous verriez d'un bon oeil une féminisation
accrue des conseils municipaux, des conseils généraux, des conseils régionaux,
voire du Parlement. D'ailleurs, vous avez cité l'exemple de votre propre
conseil municipal, au sein duquel les femmes sont présentes à 45 %, ce dont je
vous félicite.
Il est vrai que, les femmes, il est de bon ton de les couvrir de fleurs.
M. Henri de Richemont.
C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Vous dites même que, parmi vos étudiants, ce sont vos
étudiantes qui se distinguent le plus. J'avoue éprouver quelques craintes
devant de tels éloges !
Mme Nicole Borvo.
Moi aussi !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Car de quoi sont-ils suivis ces éloges, je vous le
demande ? Où sont ensuite ces femmes brillantes ?
Mme Hélène Luc.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Où sont, dans le même ordre d'idées, tous ces jeunes
beurs, tous ces jeunes blacks qui sont aujourd'hui diplômés de nos universités
et que l'on ne trouve plus nulle part, ni dans l'administration, ni dans nos
partis politiques, ni dans les fonctions électives ?
(Applaudissements sur
les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. Patrice Gélard.
Elles sont dans les palais de justice, magistrates, avocates !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Ou à la première présidence de la
Cour de cassation !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
De quoi, par conséquent, ces éloges sont-ils suivis
?
Face à ce constat, j'entend dire que la Constitution n'est pas responsable du
phénomène,...
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... que l'égalité est garantie dans tous les
domaines,...
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... que le législateur lui-même n'est pas
responsable...
M. Paul Masson.
C'est le peuple qui est responsable !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... et que, d'ailleurs, des mesures ont été prises.
Mais alors, face à un tel constat, que faire ? Que proposez-vous ?
Si j'ai bien écouté, la plupart d'entre vous proposent tout simplement de s'en
remettre aux partis politiques pour favoriser l'accès des femmes aux mandats
électoraux et fonctions électives.
Si j'ai bien écouté, le mouvement naturel et l'évolution spontanée des choses
nous conduiront à la parité !
Plusieurs sénateurs du RPR.
Oui !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Laissez-moi vous dire qu'il y a une légère
contradiction à soutenir que les partis sont responsables et à en faire le
remède à une situation qu'ils ont soit créée soit tolérée !
M. René-Georges Laurin.
Et améliorée !
M. Henri Weber.
Perpétuée !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Comme l'a fort bien fait remarquer M. Weber, avec toute
la dialectique qui est la sienne, chaque fois qu'une grande réforme de société
est proposée, on trouve toujours des conservateurs pour dire qu'elle produira
un effet contraire à celui qu'on vise, qu'elle est inutile puisque le temps y
pourvoira et, enfin, qu'elle met en péril nos principes les plus sacrés.
M. Paul Masson.
C'est le débat démocratique !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Laissez-moi vous redire que la parité ne remet
nullement en cause les principes de 1789.
L'égalité entre les hommes et les femmes est notre seul véritable principe
constitutionnel. La question qui se pose est celle de sa réalisation effective
et, pour cela, je ne fais confiance ni à l'évolution spontanée des choses ni,
permettez-moi de le dire, aux seuls partis politiques, quoi-que je fasse plus
confiance aux partis politiques de gauche
(Protestations sur les travées du
RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants. -
Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen),
...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Ça, on le sait !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ce n'est pas un scoop !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... qui ont montré récemment qu'ils savaient tout de
même aller dans le sens de la modernité, qu'aux partis politiques de droite.
(Brouhaha sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains
et Indépendants.)
M. le président.
Mes chers collègues, laissez Mme le garde des sceaux s'exprimer !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je fais confiance au législateur pour prendre ses
responsabilités.
Plusieurs sénateurs du RPR.
C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Vous craignez, dites-vous, que le projet de loi
constitutionnelle ne conduise à une république sexuée. Mais, comme l'a dit M.
Weber - je le cite de nouveau avec plaisir - cela fait deux cents ans que vous
supportez sans inconvénient une république sexiste !
M. Henri de Richemont.
Mais non, ce n'est pas vrai !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Vous craignez que l'on n'ouvre la boîte de Pandore.
Mais, comme l'a très bien dit Mme Dinah Derycke, ce n'est pas aller contre
l'universalité que de dire que la loi organise les conditions de l'égal accès
des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions.
Bien entendu, nous n'acceptons pas - pas plus, d'ailleurs, que le Conseil
constitutionnel - que le peuple soit une addition de catégories ou que
certaines sections du peuple s'attribuent la souveraineté.
M. Henri de Richemont.
C'est pourtant ce que vous faites !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Mais il ne s'agit pas que de cela. Il s'agit de prendre
en compte le fait que l'universel humain est constitué d'hommes et de femmes.
D'ailleurs, les hommes demeurent libres et égaux en droit ; et de qui
naissent-ils si ce n'est d'un homme et d'une femme ?
M. Henri de Richemont.
Et le PACS, alors ?
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Ce que nous voulons, c'est que le souverain cesse de
s'identifier avec un universel uniquement masculin, et, pour cela, je préfère
faire confiance aux mesures que prendra le législateur plutôt qu'aux partis
politiques, qui, dans leur bienveillante bonté, finiraient bien, j'en suis
sûre, dans quelques siècles, par faire une place égale aux femmes et aux hommes
!
A ceux qui invoquent la liberté de l'électeur, je dirai que cette liberté n'a
pas empêché, pendant des siècles, que cet électeur n'ait le choix qu'entre un
homme et un autre homme.
M. Paul Masson.
Jeanne d'Arc !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Au fond, si vous êtes tous d'accord sur le constat,
nombre d'entre vous me semblent surtout d'accord pour ne rien faire !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Chaque fois que j'entends dire qu'il
faut laisser les mentalités évoluer, qu'on ne change pas la société par décret,
j'entends, en réalité, une réticence à agir - réticence pour ne pas dire plus,
naturellement !
Je crois, comme l'ont très bien dit Mmes Dieulangard et Pourtaud, que l'heure
d'agir est en effet arrivée et qu'il convient que le législateur prenne toutes
ses responsabilités.
Nous avons entendu deux interventions dissonantes par rapport à la dominante
des groupes politiques : celle de Mme Bardou, à droite de cette assemblée,
celle de M. Badinter, à gauche.
Je veux tout d'abord remercier Mme Bardou de ses propos et la féliciter de son
indépendance d'esprit.
Je dirai à M. Robert Badinter qu'il a, en effet, dans sa position, le mérite
de la continuité, le mérite de la cohérence avec sa conception de
l'universalisme, qui n'est pas la mienne, et aussi le mérite de la solidarité
intellectuelle avec sa femme, ce dont je le félicite. Je respecte cette
approche.
M. Michel Charasse.
C'est un républicain !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cette approche philosophique, je la respecte, mais je
constate qu'elle a servi, trop souvent, à masquer un sexisme de fait
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants)
et à admettre au même rang que les hommes uniquement celles des femmes qui,
en effet, n'avaient en tête que de ressembler aux hommes, quelquefois même de
singer les hommes.
Je crois, moi, que l'on peut vouloir l'égalité dans la différence.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
Ces deux interventions montrent en tout cas que, au-delà des clivages
politiques, c'est bien d'un débat de société fondamental qu'il s'agit ici.
Il faut que les femmes soient aidées par le législateur à accéder aux mandats
et aux fonctions électives dont elles ont été trop longtemps privées. Il est
temps de ne plus s'accommoder de cette situation, de ne plus faire simplement
confiance à l'évolution naturelle des choses. Il est temps que le législateur
puisse prendre les mesures qui s'imposent.
C'est la raison pour laquelle j'invite le Sénat à adopter le texte que
l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité des votants, tous groupes politiques
confondus.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article additionnel avant l'article unique
(réservé)
M. le président.
Par amendement n° 5, M. Charasse propose d'insérer, avant l'article unique, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les articles 1er, 4, 6, 7, 9, 10, 13 et 14 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen des 20 - 26 août 1789, reprise et confirmée par
le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, sont modifiés comme suit
:
« 1° Dans la première phrase de l'article 1er, après les mots : "Les hommes",
sont ajoutés les mots : "et les femmes" ;
« 2° Dans la première phrase de l'article 4, après les mots : "de chaque
homme", sont ajoutés les mots : "et de chaque femme" ;
« 3° Dans les deuxième et quatrième phrases de l'article 6, après les mots :
"Tous les citoyens", sont ajoutés les mots : "et toutes les citoyennes" ;
« 4° Dans la première phrase de l'article 7, les mots : "Nul homme" sont
remplacés par le mot : "Nul" ;
« - dans la seconde phrase de l'article 7, après les mots : "tout citoyen",
sont ajoutés les mots : "ou citoyenne" ;
« 5° Dans l'article 9, après les mots : "Tout homme", sont ajoutés les mots
"ou femme" ;
« 6° Dans l'article 11, après les mots : "tout citoyen", sont ajoutés les mots
: "ou toute citoyenne" ;
« 7° Dans la seconde phrase de l'article 13, après les mots : "tous les
citoyens", sont ajoutés les mots : "et toutes les citoyennes" ;
« 8° Dans l'article 14 :
« - après les mots : "Tous les citoyens", sont ajoutés les mots : "et toutes
les citoyennes" ;
« - après les mots : "ou par leurs représentants" sont ajoutés les mots : "ou
leurs représentantes" ;
« II. - Les quatrième, sixième, huitième et onzième alinéas du préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946, repris et confirmé par le préambule de la
Constitution du 4 octobre 1958, sont modifiés comme suit :
«
a)
Dans le quatrième alinéa, après les mots : "Tout homme", sont
ajoutés les mots : "ou toute femme" ;
«
b)
Dans le sixième alinéa, après les mots : "Tout homme", sont
ajoutés les mots : "ou toute femme" ;
«
c)
Dans le huitième alinéa, après les mots : "Tout travailleur", sont
ajoutés les mots : "ou travailleuse" ;
«
d)
Dans le onzième alinéa, les mots : "à la mère" sont remplacés par
les mots : "à la mère ou au père". »
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Monsieur le président, je demande la
réserve de cet amendement jusqu'après l'examen de l'article unique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Pas d'objection !
M. le président.
La réserve est ordonnée.
Article unique
M. le président.
«
Article unique.
- Il est ajouté à l'article 3 de la Constitution du 4
octobre 1958 un alinéa ainsi rédigé :
« La loi détermine les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès
des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. »
Sur l'article unique, la parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues j'interviens dans ce débat sur les principes qui
l'animent.
Je veux dire, sans m'en cacher, répondant à ceux d'entre nous, dans cette
assemblée - sur les deux ailes -, qui se réclament de principes universalistes
auxquels je donne mon adhésion philosophique la plus complète, qu'ils ne
sauraient toutefois extraire l'énoncé de ces principes de la réalité sociale
dans laquelle ils sont conduits, qu'on le veuille ou non, à prendre leur place
; et cette réalité sociale est le seul concret, le seul réel sur lequel le
législateur est en état d'intervenir.
Entre, d'une part, la nostalgie de l'ancien monde, des valeurs, des codes, des
symboles, de la domination masculine sur l'ensemble de la société, qui nous
surplombaient tous, hommes comme femmes, nostalgie qui, voyant le monde
changer, s'inquiète, s'affole, parfois au nom des plus nobles motifs, et,
d'autre part, le remords que je qualifierai sans aucune méchanceté de formel
des Républicains qui s'inquiètent de ce que, n'étant pas intervenus à temps,
ils ont trahi, à la fondation même de la République, le concept d'universalité
en refusant aux femmes le droit de vote et la participation politique, entre
cette nostalgie et ce remords, dis-je, il y a une autre voie qui - je me
permets de le dire - est précisément celle qu'a prétendu ouvrir le socialisme
moderne. Elle se résume dans la formule de Jean Jaurès lorsqu'il dit : « Le
socialisme proclame que la République politique conduit nécessairement à la
République sociale. » C'est que, entre les deux, il y a toute la différence de
la pratique, celle du combat des vieux schémas culturels qui nous ont dominés
et qui pénètrent nos instincts mêmes.
L'universalité est un « en soi ». Pour qu'elle soit un « pour soi », la
distance entre les deux, c'est la conscience et la lutte, et cette lutte a un
contenu social.
La caractéristique des rapports entre les hommes et les femmes, mis de côté
leurs rapports intimes, encore que même ceux-ci soient pénétrés par les valeurs
qui surplombent l'ensemble des comportements humains, et en dépit de moments de
douceur de la vie humaine, c'est, pour le reste, la domination, l'oppression.
Le réel en témoigne - pas les constructions intellectuelles ! - et c'est à ce
réel que nous nous heurtons.
Laissons aux générations qui nous suivront, si elles venaient à constater
qu'un déséquilibre se serait creusé qui aurait renversé la situation et mis les
unes à la place des autres dans les mêmes rapports de domination, le soin de
corriger les inégalités qui auraient alors été créées.
Pour le moment, assumons, nous, nos responsabilités, qui consistent, en cet
instant, à corriger cette inégalité sociale fondamentale qui parcourt toute
notre société.
Je le dis avec ferveur parce que je crois que, sur cette affaire, le clivage -
oui, Robert Badinter a raison ! - est de nature philosophique. Mais il n'oppose
pas les Républicains aux différencialistes. Je récuse complètement l'étiquette
dont, au passage, nous serions affublés sur un tel sujet.
Oui ! l'esprit républicain est parfaitement concilié avec la république
sociale telle que nous la concevons, c'est-à-dire avec sa dimension de
lutte.
Le grand partage, il est entre l'école de l'idéalisme philosophique, qui
proclame des droits abstraits, et le matérialisme, qui, lui, part des rapports
réels qui sont inscrits dans la réalité des rapports de production et des
rapports sociaux. Et c'est là que se déroule l'intervention législative.
J'en termine, monsieur le président, pour ne pas abuser de votre indulgence,
non sans avoir dit à Robert Badinter que, même en matière d'universalité de la
condition humaine, on peut proclamer l'universalité des droits, mais qu'il y a
une réalité, qui, elle, est incontournable, et qu'Elisabeth Badinter, dans l'un
de ses livres
x, y
ou
L'un est l'autre,
deux magnifiques ouvrages
que je recommande à la lecture de tous, tant ils ont été, pour moi, des
tournants de ma pensée, dit qu'en attendant il y a des différences qui sont
insurmontables et qui touchent au plus profond de la psyché humaine. Elle dit,
à un moment donné : « Cher Robert, qui vous réclamez de l'universalisme par
définition, la vie d'une femme commence par une certitude et finit par une
certitude, celle d'avoir engendré et réalisé ainsi, à travers elle, la
continuité matérielle, tandis que la vie de l'homme commence par une certitude
- il sait de qui il est l'enfant, quel sexe l'a engendré - mais finit par un
doute : qu'en sera-t-il de lui ? »
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Vous le voyez bien, il y a une base matérielle qui structure la psyché humaine
et que vous ne pouvez pas surmonter !
(Brouhaha sur les travées du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. Bernard Plasait.
Arrêtez-le, c'est Jaurès !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Monsieur le président, je vais arrêter à cet instant.
Mes chers collègues, la philosophie vous ennuie peut-être, mais moi, que
voulez-vous, c'est comme cela que je la fais !
Voilà pourquoi il faut suivre Mme le ministre et la majorité de l'Assemblée
nationale, qui, elles, cherchent à régler des problèmes concrets et non pas à
agiter des fantasmes.
(Applaudissements sur certaines travées
socialistes.)
M. le président.
Mes chers collègues, M. Charasse m'a fait savoir qu'il retirait l'amendement
n° 5, précédemment réservé.
Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d'organiser un
scrutin public à la tribune lors du vote sur l'ensemble du projet de loi
constitutionnelle.
Or, selon l'article 42, alinéa 14, de notre règlement, lorsque, avant le vote
sur l'article unique d'un projet - et c'est le cas - il n'a pas été présenté
d'article additionnel, le vote de l'article unique équivaut à un vote sur
l'ensemble.
Mais la commission des lois a présenté un amendement n° 1 rectifié, qui rédige
entièrement l'article unique, de telle sorte que le vote sur cet amendement a
valeur de vote sur l'article unique, et donc sur l'ensemble du projet de
loi.
En conséquence, il y aura lieu, le moment venu, d'organiser le scrutin public
à la tribune sur l'amendement de la commission des lois, modifié, le cas
échéant, par un ou plusieurs sous-amendements. Par ailleurs, les explications
de vote sur l'amendement vaudront explications de vote sur l'article unique et,
partant, sur l'ensemble du projet de loi.
Sur l'article unique, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire
l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 1 rectifié, M. Cabanel, au nom de la commission, propose de
rédiger ainsi l'article unique :
« L'article 4 de la Constitution est complété par les deux alinéas suivants
:
« Ils favorisent l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux
et aux fonctions électives.
« Les règles relatives à leur financement public peuvent contribuer à la mise
en oeuvre des principes énoncés aux alinéas précédents. »
Cet amendement est assorti de trois sous-amendements.
Par sous-amendement n° 6, M. Charasse propose, dans le texte des deux alinéas
présentés pour l'article 4 de la Constitution :
1° De remplacer le mot « favorisent » par les mots : « contribuent à » ;
2° D'ajouter après le mot : « électives » les mots : « dans les conditions
prévues par la loi » ;
« 3° De remplacer les mots : « peuvent contribuer » par le mot : « participent
».
Par sous-amendement n° 2, M. Bonnet propose de supprimer le second alinéa du
texte présenté par l'amendement n° 1 rectifié pour compléter l'article 4 de la
Constitution.
Par sous-amendement n° 3, M. Fauchon propose de compléter
in fine
le
texte présenté par l'amendement n° 1 rectifié pour compléter l'article 4 de la
Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« Une loi organique détermine les modalités d'application du principe énoncé
au deuxième alinéa du présent article. »
Par amendement n° 4 rectifié
bis,
M. Charasse propose de rédiger comme
suit le texte présenté par l'article unique pour compléter par un alinéa
l'article 3 de la Constitution :
« Sous réserve du respect du libre choix du suffrage universel et du principe
de l'unité et de l'indivisibilité de la République, les modalités permettant
d'assurer l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions publiques,
électives ou non, sont fixées par la loi dans les conditions prévues par la
Constitution. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1 rectifié.
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
La commission a proposé cette rédaction parce qu'elle s'est
prononcée, de façon liminaire, contre tout texte qui permettrait l'instauration
des quotas par la loi. Elle n'a donc pas pu accepter ni le texte de l'Assemblée
nationale ni le texte initial du projet de loi constitutionnelle, car l'un et
l'autre pouvaient ouvrir la possibilité des quotas.
Pour autant, la commission estime nécessaire de prendre des dispositions
destinées à encourager une représentation plus équilibrée des femmes et des
hommes dans les assemblées élues. Elle estime que la responsabilité principale
en la matière revient aux partis politiques dont le rôle est explicitement
reconnu par l'article 4 de la Constitution, selon lequel ils « concourent à
l'expression du suffrage ».
La commission propose donc de compléter l'article 4 de la Constitution afin
d'encourager les partis politiques dans l'exercice de leurs responsabilités.
En premier lieu - c'est l'objet du premier alinéa du texte proposé par la
commission - il convient d'énoncer sans ambiguïté aucune qu'il relève de la
responsabilité des partis politiques de favoriser la mise en oeuvre du principe
constitutionnel de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux
et aux fonctions électives.
De plus, l'affirmation de la responsabilité des partis en la matière, non
contestée dans les faits, ne remettrait en cause aucun principe constitutionnel
fondant notre démocratie.
Dans l'hypothèse où l'action des partis se révélerait insuffisante pour
parvenir à un résultat significatif, le législateur doit pouvoir adopter des
mesures législatives pour les inciter à respecter le principe d'égal accès des
femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
Tel est l'objet principal du second alinéa du texte proposé par la commission
pour compléter l'article 4 de la Constitution.
La commission suggère donc que les règles relatives au financement public des
partis politiques puissent, si le Parlement le décidait, contribuer à la mise
en oeuvre non seulement du principe d'égal accès aux mandats et fonctions, mais
aussi à celle des autres principes énoncés à l'article 4 de la Constitution qui
concerne les partis.
En effet, il a paru préférable à la commission de ne pas limiter le champ de
la modulation éventuelle de financement public en fonction du seul principe de
l'égalité d'accès aux mandats et fonctions.
Les principes constitutionnels auxquels le financement public des partis
pourrait contribuer seraient ceux de la souveraineté nationale et de la
démocratie - les partis y sont déjà soumis par l'article 4 de la Constitution -
et celui de l'égal accès aux mandats et fonctions qui serait affirmé par le
premier alinéa du texte proposé par la commission.
Cette législation de caractère incitatif placerait les partis politiques dans
une situation égale au regard du risque électoral qu'ils craindraient d'assumer
en appliquant cet amendement. Elle devrait rester suffisamment modérée pour ne
pas compromettre l'expression démocratique des divers courants d'idées et
d'opinions, selon la jurisprudence établie par la décision du Conseil
constitutionnel du 11 janvier 1990 sur la loi relative à la limitation des
dépenses électorales.
Ainsi, l'amendement de la commission ne se limite pas à affirmer l'obligation
pour les partis de favoriser l'égal accès ; il permettrait également à la loi
de prendre des mesures incitatives dont la conformité aux principes
fondamentaux de la démocratie n'est pas contestée.
J'ajoute que lors des travaux en commission, un débat a eu lieu sur le second
alinéa du texte qui vous est proposé et, à deux reprises, la majorité de la
commission a rejeté un sous-amendement visant à le supprimer.
M. le président.
La parole est à M. Charasse, pour défendre le sous-amendement n° 6.
M. Michel Charasse.
Je ne suis pas certain que la solution proposée par la commission des lois
soit la meilleure. En tout cas, si le Sénat entend s'engager dans cette voie,
c'est-à-dire non plus modifier l'article 3 de la Constitution mais modifier son
article 4, encore faut-il que nous adoptions un texte dont nous serions
certains de l'efficacité et qui ait quelque chance d'aboutir au résultat
recherché.
Au fond, la première tentative faite par la gauche après 1981 a consisté à
imposer un certain nombre de règles aux partis politiques à travers la loi de
1982 relative aux élections municipales qui a été déclarée non conforme à la
Constitution par le Conseil constitutionnel dans les conditions qui ont été
rappelées au cours de ce débat. Je n'y reviens pas.
Nous restons donc après tout dans cette ligne. Dans ce cas, si nous
n'obligeons pas les partis à agir en matière de candidatures, ce qui est le
contraire de l'article 3 modifié qui, lui, autorise à agir en matière
d'élections, d'élus, et conduit peut-être à un système de quotas d'élus - ce
qui n'est pas la même chose qu'un système de quotas de candidats - il faut
prévoir que les partis politiques « contribuent », et non plus « favorisent »,
à l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les
conditions prévues par la loi. Il faut contraindre les formations politiques et
seule une loi prévue par la Constitution peut le faire. Si la Constitution le
prévoit, alors le Conseil constitutionnel ne pourra pas réitérer les décisions
rendues en 1982 et encore dernièrement au début de cette année.
Quant à la pénalisation sur les règles de financement, l'argent des
contribuables ne peut pas ne pas participer activement au respect des
obligations imposées aux partis par la loi.
Le sous-amendement n° 6, que j'ai rédigé pendant l'intervention de mon
collègue et ami M. Robert Badinter, vise simplement, au premier alinéa du texte
proposé pour l'article 4 de la Constitution, à remplacer le mot « favorisent »
par les mots « contribuent à » et à ajouter, à la fin de cet alinéa, les mots :
« dans les conditions prévues par la loi ».
M. Dominique Braye.
Quelle loi ?
M. Michel Charasse.
Celle qui sera votée par le Parlement !
M. Charles de Cuttoli.
Et qui instituera les quotas !
M. Dominique Braye.
Et voilà !
M. Michel Charasse.
Enfin, le sous-amendement vise au second alinéa du même texte, à remplacer les
mots : « peuvent contribuer », par le mot : « participent ». Il y a ainsi un
lien entre le respect des obligations législatives destinées à favoriser l'égal
accès des femmes et des hommes aux candidatures, et donc aux mandats selon
l'appréciation des électeurs, et la contribution demandée aux contribuables.
Tel est l'objet du sous-amendement n° 6.
M. le président.
La parole est à M. Bonnet, pour défendre le sous-amendement n° 2.
M. Christian Bonnet.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la secrétaire
d'Etat, j'ai déjà eu l'occasion d'exposer, lors de la discussion générale, la
raison qui m'a conduit à déposer un tel sous-amendement.
Il ne me semble pas convenable - qualificatif à prendre dans sa plus large
acception - d'introduire dans la Constitution une question relative au
financement des partis politiques.
(Très bien ! sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
Ce serait là une innovation grande
et dangereuse dans la mesure où elle abaisserait une loi constitutionnelle au
niveau d'une loi ordinaire.
« Ne touchez aux lois que d'une main tremblante », écrivait Montesquieu !
« Aux lois » disait-il, et c'est avec plus de précaution encore, des
précautions infinies, qu'il convient de toucher à la loi suprême, à la loi
fondamentale que des modifications incessantes n'ont que par trop tendance à
banaliser et fragiliser.
(Très bien ! sur les mêmes travées.)
« Si les constitutions réglaient tous les problèmes », écrivait, il n'y a
pas si longtemps, le professeur Cadart, elles seraient inapplicables de par
leur rigidité. »
Dangereuse innovation, ai-je dit, mais paradoxale tout autant, dès lors que,
dans le souci de faire aux femmes qui le désirent la place qu'elles méritent
dans notre vie publique, on en viendrait à les humilier en faisant d'elles un
enjeu financier.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants.)
C'est dans la mesure où cette double innovation me pose problème que j'ai
déposé ce sous-amendement tendant à supprimer le second alinéa du texte proposé
par la commission.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Fauchon, pour défendre le sous-amendement n° 3.
M. Pierre Fauchon.
Pour résumer ma pensée, je suis de ceux qui pensent qu'il y a un vrai
problème, qu'il faut le résoudre - je m'en expliquerai lors du vote final - et
le résoudre non seulement en posant un principe, mais en assortissant ce
principe d'une disposition qui le rende opérationnel. Dans cet esprit, je suis
favorable à l'amendement présenté par M. le rapporteur.
Cependant, sinon dans la crainte, du moins dans l'éventualité où, par
impossible, la partie de cet amendement qui vise à assurer l'efficacité du
dispositif par une certaine mise en oeuvre des moyens de financement ne serait
pas votée, je crois qu'il faut tout de même prévoir - je rejoins ici une partie
des préoccupations exposées tout à l'heure par notre collègue Michel Charasse -
que le législateur devra prendre les mesures utiles pour rendre opérationnel le
principe que nous aurions ainsi posé sans l'assortir, et je le regretterais,
des mesures qui garantissent son efficacité, d'où la formule selon laquelle «
une loi organique détermine les modalités d'application du principe énoncé au
deuxième alinéa du présent article ».
M. le président.
Monsieur Charasse, votre sous-amendement n° 4 rectifié
bis
est-il
maintenu, compte tenu du dépôt du sous-amendement n° 6 ?
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, dès lors qu'un consensus semble se dégager pour
modifier l'article 4 et non plus l'article 3 de la Constitution, je retire
l'amendement n° 4 rectifié
bis
et je rectifie mon sous-amendement n° 6
en ajoutant, après les mots : « dans les conditions prévues par la loi »,
l'adjectif « organique » pour aller dans le sens de M. Fauchon.
M. le président.
L'amendement n° 4 rectifié
bis
est retiré.
Je suis donc saisi, par M. Charasse, d'un sous-amendement n° 6 rectifié, ainsi
rédigé :
« Dans le texte des deux alinéas proposés par l'amendement n° 1 pour compléter
l'article 4 de la Constitution :
« 1° Remplacer le mot "favorisent" par les mots "contribuent à" ;
« 2° Ajouter, après le mot "électives", les mots : "dans les conditions
prévues par la loi organique".
« 3° Remplacer les mots "peuvent contribuer" par le mot "participent". »
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n° 6 rectifié, 2 et
3 ?
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Le sous-amendement de M. Charasse ayant été déposé voilà
quelques instants à peine, la commission n'a pas pu l'examiner et je ne peux
donc pas exprimer l'avis de celle-ci.
J'indiquerai néanmoins quelques orientations.
Premièrement, s'agissant de remplacer le mot : « favorisent » par les mots : «
contribuent à », j'avais moi-même suggéré cette proposition en commission - M.
Badinter s'en souvient - mais elle avait été rejetée. Je puis donc en conclure,
par parallèlisme, que l'avis de la commission n'a pas changé sur ce point et
reste défavorable.
Deuxièmement, notre collègue Michel Charasse propose, après les mots : «
fonctions électives », d'ajouter les mots : « dans les conditions prévues par
la loi organique ». Sur son texte initial qui précisait : « par la loi », je
lui aurais répondu que, forcément, quand il y a dans la Constitution un
principe, la loi suit. Mais ici, je suis dans l'impossibilité de donner un
avis, car la commission des lois n'a pas examiné ce point.
Enfin, concernant le remplacement des mots : « peuvent contribuer » par le mot
« participent », il s'agit, là aussi, d'un sujet que nous avons évoqué en
commission. J'avais moi-même proposé de retenir le verbe « contribuent », mais
la majorité de la commission a proposé de retenir l'expression : « peuvent
contribuer ».
Je ne pense pas que la commission ait changé d'avis ; elle est donc
défavorable à ce dernier point.
Sur l'ensemble de ce sous-amendement n° 6 rectifié que la commission n'a pu
examiner, j'émets donc un avis défavorable.
J'attire toutefois l'attention de M. Charasse sur le fait que la loi
organique, là où il la place, n'est pas la même que celle qui est mentionnée
dans le sous-amendement n° 3 de M. Fauchon.
Dès lors, si M. Charasse acceptait de modifier son texte, sur ce point,
celui-ci subirait le même sort que le sous-amendement de M. Fauchon, sur lequel
j'interviendrai dans un instant.
J'en arrive à la pièce maîtresse de notre débat, le sous-amendement n° 2.
M. Alain Vasselle.
C'est le meilleur !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
M. Christian Bonnet l'a défendu en commission la semaine
dernière et la commission l'a rejeté par un scrutin assez partagé.
Ce matin, M. Christian Bonnet a représenté le même texte et la commission l'a
rejeté à une large majorité.
La commission est donc défavorable au sous-amendement n° 2.
Je tiens à ajouter que la possibilité d'utiliser les dispositifs d'ordre
financier revient non pas à accorder une prime pour les candidatures féminines
ou pour les élues féminines, mais, à l'image des financements publics accordés
lors des campagnes électorales, à produire un effet incitatif sans contrainte.
En effet, vous avez rejeté cette option mais il ne faut pas pour autant rester
à des voeux pieux.
J'en viens maintenant à l'argument le plus important de M. Bonnet. Selon lui,
il s'agirait d'introduire subrepticement dans la Constitution un texte qui la
polluerait, qui n'y aurait pas sa place.
En fait - et j'en suis absolument navré pour M. Bonnet - le doyen Vedel, qui
est une autorité incontestable...
M. Emmanuel Hamel.
Ce n'est pas le doyen Vedel qui fait la loi !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Certes, mais il a eu l'élégance de discuter à coeur ouvert
avec nous de textes constitutionnels.
Le doyen Vedel, disais-je, qui a présidé en 1993 le comité réuni par François
Mitterrand pour étudier le toilettage de notre Constitution, avait estimé que,
du fait de l'importance prise par les règles relatives au pluralisme et au
financement des campagnes électorales, les lois devaient se fonder sur des
principes constitutionnels.
Il proposait même - c'était la proposition 28 du comité - de modifier
l'article 4 de la Constitution en rédigeant ainsi son deuxième alinéa :
« La loi détermine les conditions dans lesquelles l'Etat contribue au
financement des campagnes électorales et des activités des partis et
groupements politiques. Une loi organique - là, il justifiait le
sous-amendement de M. Fauchon - fixe les règles qui assurent le respect des
principes d'égalité de libre information des citoyens dans les consultations
électorales. »
Il s'agissait là d'une proposition de nature purement constitutionnelle. Nous
ne faisons donc pas preuve d'originalité aujourd'hui.
Je tiens à le dire en mon âme et conscience à tous mes collègues, quels que
soient les bancs où ils siègent que, si le sous-amendement de M. Bonnet était
adopté, il pourrait en résulter de grandes difficultés d'application et
d'interprétation par les médias, voire par les Français, dans un sens
défavorable au Sénat de la République.
En revanche, prendre une décision de principe en ayant le courage d'imaginer
des mesures incitatives est une tentative pour mieux répondre au défi qui nous
est lancé par la nécessité d'aménager l'égal accès des hommes et des femmes aux
mandats électoraux et aux fonctions électives.
Je vous rappelle d'ailleurs, mes chers collègues, que le Président de la
République et le Premier ministre s'étaient mis d'accord pour que nous
puissions en débattre.
(M. le président de la commission des lois
applaudit.)
S'agissant du sous-amendement n° 3, M. le président de la commission des lois
avait songé à le réserver parce qu'il est bien évident que le noeud du problème
réside dans le vote qui va intervenir sur le sous-amendement n° 2 de notre
estimé collègue M. Bonnet.
Si ce sous-amendement était rejeté, peut-être serait-il intéressant de
compléter le texte par le sous-amendement n° 3 de M. Fauchon, qui ne nie pas la
possibilité d'une mesure incitative, mais qui permet, grâce à la loi organique,
au Parlement d'exercer un contrôle.
Je suis donc plutôt favorable au sous-amendement n° 3 de M. Fauchon.
(M. Christian Poncelet remplace M. Guy Allouche au fauteuil de la
présidence.)
présidence de m. christian poncelet
M. le président.
Mes chers collègues, l'unanimité des membres de notre assemblée souhaite que
nous procédions au vote sur ce projet de loi constitutionnelle avant le dîner.
Je demande donc à chacun de faire un effort de concision.
(Applaudissements.)
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1 rectifié et sur les
sous-amendements n°s 6 rectifié, 2 et 3.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je vais tâcher d'être aussi brève que possible, d'autant que vous
avez compris ma position.
La commission des lois a adopté l'amendement n° 1 rectifié, qui vise à
substituer à la modification de l'article 3 de la Constitution voulue par le
Gouvernement et adoptée par l'Assemblée nationale une révision de l'article 4.
Elle estime en effet que la mise en oeuvre de l'égalité d'accès des femmes et
des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives relève de la
responsabilité des partis. Elle craint par ailleurs que la révision proposée de
l'article 3 de la Constitution ne mette en cause l'universalité du suffrage et
ne conduise à une « démocratie communautarisée ».
Ces craintes ne sont pas fondées, selon moi.
D'abord, nous ne pouvons pas connaître de dérive communautariste, comme je
l'ai dit tout à l'heure, parce que les femmes ne sont pas une catégorie. Le
sexe est un état de la personne. Par conséquent, je ne pense pas que l'on
puisse craindre une telle dérive.
Je crains par ailleurs que la réponse que la commission des lois tente
d'apporter à l'insuffisance de la présence des femmes ne soit vraiment trop
réductrice et inadaptée par rapport à l'objectif visé.
(Murmures sur de
nombreuses travées.)
Il est vrai que le projet de révision repose sur l'idée fondamentale que
la souveraineté s'incarne dans des hommes et dans des femmes. C'est la raison
pour laquelle elle doit être inscrite à l'article 3 de notre Constitution.
(Murmures persistants sur de nombreuses travées.)
M. le président.
Mes chers collègues, veuillez écouter en silence Mme le garde des sceaux.
Veuillez poursuivre, madame le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Selon moi, il est vraiment préférable d'inscrire la
révision à l'article 3 de la Constitution. Je ne pense pas qu'on puisse réduire
la parité à une simple obligation imposée aux partis politiques. Je pense, en
effet, qu'on la priverait de ce fait de la signification symbolique que nous
voulons lui donner.
(Marques de désapprobation sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Pierre Mauroy.
Quel chahut !
M. Jean-Louis Carrère.
Quel manque de politesse !
M. le président.
Poursuivez, madame le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je pense aussi qu'inscrire cette révision à l'article 4
de la Constitution priverait celle-ci d'une grande partie de sa portée
pratique. Laisser une telle responsabilité aux seuls partis reviendrait à s'en
remettre entre leurs mains. Or, c'est en raison de leur inaction que le
Gouvernement a proposé la présente révision de la Constitution.
(Murmures sur de nombreuses travées.)
De plus, la réforme ne serait dès lors pas applicable aux candidatures
présentées en dehors des partis politiques, je pense par exemple aux élections
prud'homales pour lesquelles la Cour de cassation vient de rappeler
qu'évidemment les partis ne peuvent pas présenter de candidats.
Voilà pourquoi il faut véritablement inscrire la révision à l'article 3 de la
Constitution.
Je dirais aussi que la révision de l'article 4 de la Constitution ne me paraît
pas constituer une habilitation suffisante du législateur.
(Murmures continus sur les mêmes travées.)
M. le président.
Mes chers collègues, si vous continuez à bavarder pendant que Mme le ministre
expose l'avis du Gouvernement, je serai obligé de reporter le vote après le
dîner, à vingt-deux heures, voire à vingt-deux heures trente.
(Vives exclamations.)
Je vous invite donc à faire preuve de courtoisie à l'égard de Mme le
ministre.
(Applaudissements.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Merci, monsieur le président, d'user de cette arme dont
l'effet sera, je l'espère, décisif pour nous permettre d'achever la discussion
avant le dîner !
(Sourires.)
Le fait d'inscrire la révision à l'article 3 de la Constitution n'empêche
nullement le législateur de prendre des mesures à l'égard des partis
politiques. Je rappelle en effet que l'article 3, qui régit la souveraineté et
le droit de suffrage, n'est nullement incompatible avec des mesures destinées
aux partis politiques.
Je vous ferai maintenant part de mes interrogations sur l'opportunité
d'inscrire dans la Constitution le principe du financement public des partis
politiques qui, pour le moment, n'est régi que par des lois ordinaires : celles
du 11 mars 1988 et du 15 janvier 1990. En lui donnant une valeur
constitutionnelle, vous allez limiter la marge de manoeuvre du législateur. Je
serai pour ma part très réticente à l'égard de cette perspective de
constitutionnalisation qui me paraît mériter pour le moins réflexion.
J'en viens au sous-amendement n° 6 rectifié de M. Charasse. Il donne
compétence au législateur pour déterminer les conditions de l'égal accès des
hommes et des femmes, aux mandats électoraux et aux fonctions électives, ce qui
est préférable à l'optique précédente, qui se fonde uniquement sur la confiance
dans les partis politiques. Mais, je viens de le dire, j'attache une réelle
importance à ce que la règle nouvelle figure à l'article 3 de la
Constitution.
Je suis donc défavorable également à ce sous-amendement n° 6 rectifié, tout en
soulignant qu'il représente un progrès en effet par rapport au précédent.
Le sous-amendement n° 2 présenté par M. Bonnet supprime la référence qui était
faite au financement public des partis politiques comme moyen pour favoriser
l'égal accès des femmes aux responsabilités politiques.
C'est vrai, j'ai exposé devant vous les doutes que je rencontrais quant à
l'opportunité de consacrer dans la Constitution le principe du financement
public des partis. Il n'en demeure pas moins que le sous-amendement de M.
Bonnet se heurte aux mêmes objections de principe que celles que je viens de
vous expliquer à propos de l'amendement de la commission des lois.
Ce texte, en effet, ne permet pas au législateur, compte tenu de la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, de prendre les mesures nécessaires à
la mise en oeuvre concrète de l'égalité d'accès des femmes et des hommes aux
mandats électoraux et aux fonctions électives.
Voilà pourquoi je suis opposée à un tel sous-amendement.
S'agissant du sous-amendement n° 3, sa rédaction peut laisser supposer qu'il
complète l'amendement n° 1 rectifié, c'est-à-dire qu'il combine la référence au
financement public des partis et le renvoi à une loi organique pour déterminer
les conditions dans lesquelles les partis favoriseront la parité. Je ne peux
que m'opposer à une telle proposition.
Si, monsieur le sénateur, vous entendiez, par votre amendement, supprimer la
consécration dans la Constitution du principe du financement public des partis,
je rejoindrais plus facilement votre préoccupation.
Mais, dans un tel cas, outre les objections de principe que je ne rappellerai
pas et qui s'opposent à ce que l'objectif de parité soit inscrit uniquement à
l'article 4 de la Constitution, il ne me paraît pas souhaitable de donner un
statut organique aux lois électorales. Et, là, je réponds également à la
dernière mouture du sous-amendement n° 6 rectifié de M. Charasse. En effet, ces
textes relèvent aujourd'hui du législateur ordinaire et aucune raison ne
justifie le changement que vous proposez.
Enfin, j'ajouterai qu'imposer au législateur organique d'intervenir pour
déterminer les modalités d'application de l'égalité d'accès des femmes et des
hommes dans la vie politique alourdirait considérablement la procédure sans que
j'en voie de véritable justification. Les mesures en faveur de la parité me
paraissent relever de la compétence du législateur ordinaire.
Je vous demanderai donc de rejeter ce sous-amendement.
(Applaudissements
sur les travées socialistes.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 6 rectifié.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Mon explication de vote vaudra à la fois pour les amendements et les
sous-amendements.
Avec l'amendement n° 1 rectifié de la commission, nous passons d'une situation
dans laquelle le constituant exerce pleinement ses responsabilités pour
organiser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux
fonctions électives à une situation dans laquelle il se défausse, pour
l'essentiel, de ses responsabilités sur les partis politiques.
S'agissant des modalités, la responsabilité exclusive renvoyée aux partis et
la marge de compétence du législateur se trouvent limitées aux seules règles du
financement public - et encore sont-elles éventuelles - pour parvenir à une
représentation équilibrée des femmes et des hommes.
Avec un tel système, le constituant, outre qu'il devrait s'en remettre à la
bonne volonté des partis politiques - nous voyons depuis cinquante ans ce que
cela donne ! - ne serait toujours pas habilité à prendre des dispositions
prévoyant notamment d'autres mesures relatives par exemple, c'est vrai, à la
parité sur les listes électorales. En limitant l'habilitation du législateur
aux règles du financement public, le pis-aller que représente un tel
financement deviendrait donc la norme.
Certains affirment que modifier l'article 3 remettrait en cause le principe de
la souveraineté, de l'indivisibilité de la République. Or il s'agit non pas de
diviser la souveraineté, mais de l'exercer ensemble et de la partager. C'est
une exigence de la démocratie. Il faut donner un contenu concret à l'exercice
de la souveraineté, à l'exercice de l'égalité entre les femmes et les
hommes.
Introduire une telle révision à l'article 3 ne remet nullement en cause le
principe d'égalité des citoyens ; je l'ai dit ce matin, tout comme Mme le garde
des sceaux et bien d'autres oratrices et orateurs tout au long de la journée.
Les femmes ne sont ni une communauté, ni une minorité, ni une catégorie ; elles
sont la moitié de l'humanité, la moitié de notre peuple !
M. Emmanuel Hamel.
Beaucoup plus !
Mme Dinah Derycke.
En politique, la situation actuelle est une discrimination positive en faveur
des hommes, discrimination qu'il faut inverser grâce à ce projet de loi.
Introduire quelques dispositions, beaucoup plus faibles d'ailleurs, à
l'article 4, comme le propose M. le rapporteur, c'est bien sûr amoindrir
fortement la portée, y compris symbolique, de ce projet de loi, et nous ne
pouvons y souscrire.
Quant aux sous-amendements, on nous laisse le choix entre ceux qui ne veulent
strictement rien modifier et ceux qui, pour tranquilliser leur conscience et
pour ne pas avoir l'air de vider totalement de sa substance cette révision
constitutionnelle, se disent qu'il conviendrait tout de même d'instaurer
quelques garde-fous. Cela prouve qu'ils n'ont aucunement confiance dans ce
qu'ils nous proposent d'inscrire à l'article 4 !
Le groupe socialiste votera donc contre l'amendement n° 1 rectifié de la
commission des lois et ne participera pas au vote des sous-amendements, qui,
sur le fond, ne changent ni la finalité ni la philosophie du texte qui nous est
proposé !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
J'accorderai au sous-amendement n° 6 rectifié le même sort qu'aux
sous-amendements n°s 2 et 3, et je n'interviendrai pas ultérieurement.
Je précise que je m'exprime à titre personnel, indépendamment donc de mon
groupe. Je le fais en conscience et je vais émettre une opinion dissidente qui
me conduit à rejeter tous les amendements et sous-amendements, y compris
l'amendement n° 1 rectifié de la commission des lois.
Je n'invoquerai ni mes convictions, fermement affirmées pendant plus de
vingt-cinq ans de vie politique, ni l'action qu'à titre personnel j'ai pu mener
dans les différentes assemblées et à l'occasion des différentes désignations de
candidats pour promouvoir un accès égal des femmes et des hommes aux
responsabilités politiques.
Il s'agit d'affirmer une volonté : celle de l'égal accès aux candidatures, et
un objectif qui est effectivement la parité, dont nous sommes très loin
aujourd'hui. Actuellement, il existe un blocage juridique qu'il convient de
surmonter, ainsi qu'un blocage politique : on ne peut pas faire confiance aux
partis politiques - ils l'ont montré - pour faire évoluer la situation.
Le mieux est donc d'en revenir au texte de l'Assemblée nationale, comme
d'ailleurs le Président de la République nous y avait invités en donnant son
accord à ce texte. Le groupe de Démocratie libérale à l'Assemblée nationale
avait fait de même.
M. le président.
Monsieur Lachenaud, je me permets de vous interrompre pour dissiper toute
ambiguïté d'interprétation.
Le Président de la République a donné son accord au texte qui a été
effectivement présenté par le Gouvernement à l'Assemblée nationale. Mais le
texte modifié par l'Assemblée nationale n'a pas été soumis à son appréciation,
que je sache !
Veuillez poursuivre, monsieur Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Monsieur le président, je me permets de penser que, entre le texte qui a reçu
l'accord du Président de la République et celui qui, après débats, est sorti
des travaux de l'Assemblée nationale, il n'y a pas de différence
fondamentale.
Ce qui est important, c'est la volonté, pour le constituant, pour le
législateur, pour les partis politiques et pour tous les acteurs de la vie
politique, d'affirmer que l'objectif est la parité.
Il faut que cela figure dans un article de la Constitution qui ait
véritablement une valeur symbolique, c'est-à-dire l'article 3. Par conséquent,
je voterai contre l'ensemble des amendements et sous-amendements pour qu'on en
revienne au texte initial.
(Applaudissements sur les travées socialistes et
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines
travées des Républicains et Indépendants.)
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, vous nous avez invités à la concision. Aussi serai-je
d'une extrême briéveté sur ce sous-amendement n° 6 rectifié, présenté par notre
collègue Michel Charasse, qui est fin constitutionnaliste.
Que les choses soient bien claires : s'agissant de la place de la révision
constitutionnelle, j'ai indiqué très fermement les raisons, à mon avis tout à
fait fondamentales, pour lesquelles c'est à l'article 4, et non pas à l'article
3 relatif à la souveraineté du peuple, que devait se trouver le siège de la
révision. Mais, pour que cette révision ait une portée, j'ai aussi marqué qu'il
fallait qu'elle soit bien évidemment assortie de mesures contraignantes.
Si nous sommes réunis ici, c'est parce que le Conseil constitutionnel a mis un
verrou. Si vous voulez faire sauter ce verrou, à mon sens il faut adopter la
référence aux « conditions définies par la loi ». A défaut, rien ne peut être
fait en dehors du financement, qui, vous le reconnaîtrez, dans une affaire de
cette importance, est quand même singulièrement secondaire.
Donc, curieusement, c'est à propos de ce sous-amendement n° 6 rectifié, très
technique, que se joue en réalité le sort de la révision au regard de ce qui
l'a motivée à l'origine, c'est-à-dire la position prise par le Conseil
constitutionnel, que je ne critique pas et dont je ne fais que prendre acte.
Mais il faut que, sur ce point, le constituant prenne position : ne pas
accepter ce sous-amendement, c'est manifester une volonté de ne rien faire.
Voilà pourquoi le vote qui surviendra sur ce sous-amendement aura une
importance, à mes yeux, décisive.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention, naturellement, les explications qui ont
été présentées par notre rapporteur et par le garde des sceaux sur ce
sous-amendement n° 6 rectifié, dont je précise, en priant mes amis de m'excuser
de ne pas l'avoir fait tout à l'heure, que je l'ai déposé à titre personnel et
que je n'engage donc pas mon groupe.
Si nous voulons, mes chers collègues, répondre à la grave question qui nous
est posée, c'est-à-dire si nous voulons effectivement assurer l'égalité des
hommes et des femmes, comme le dit le préambule de la Constitution de 1946, et
cela « dans tous les domaines », y compris dans un domaine où - nous le
déplorons tous - nous constatons qu'elle n'existe pas, c'est-à-dire celui de
l'accès aux fonctions électives, alors il faut nous en donner les moyens !
On peut agir de deux manières.
Ou bien l'on procède par le biais de quelque chose qui ressemblerait à s'y
méprendre à des quotas d'élus. Or ce serait une atteinte incroyable à la
souveraineté nationale - elle n'existerait plus ! - et à l'indivisibilité de la
République. C'est ce qui aurait pu découler du texte de l'article 3, sur lequel
je ne m'exprime plus puisqu'il n'existe pratiquement plus pour l'instant.
Ou bien il faut agir par le biais des règles de candidature et, dans ce cas,
ceux qui sont les mieux placés sont tout de même les partis politiques, qui «
concourent à l'expression du suffrage » - article 4 - et qui, qu'on le veuille
ou non, sont à l'origine de l'immense majorité des candidatures.
Encore faut-il, mes chers collègues, et Robert Badinter l'a dit brillamment il
y a un instant, avec précision et d'une façon très claire, doter le texte de
nos institutions lui-même de dispositions comportant un minimum de règles ou
d'obligations !
Alors, monsieur le rapporteur, quand je dis que je remplace « favorisent » par
« contribuent à », ce n'est pas la même chose !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Bien sûr !
M. Michel Charasse.
« Favoriser », cela signifie qu'on les laisse en quelque sorte faire ce qu'ils
peuvent. « Contribuer à », c'est plus fort, plus contraignant, c'est même une
obligation !
Comment faire si une loi - une loi organique, pourquoi pas, monsieur Fauchon,
parce que c'est important - ne le dit pas ? C'est la raison pour laquelle
j'ajoute les mots : « dans les conditions prévues par la loi organique », qui
n'est pas adoptée forcément en termes conformes par les deux chambres, puisque
M. Fauchon n'a pas proposé qu'elle soit adoptée en termes identiques par
l'Assemblée et le Sénat.
En ce qui concerne le deuxième alinéa, je propose le mot « participent » au
lieu des mots « peuvent contribuer ». Je le dis au rapporteur, cela me paraît
être la moindre des choses qu'il y ait un minimum de règles dans le domaine du
financement public. A partir du moment où c'est l'argent des citoyens,
c'est-à-dire des contribuables, alors cet argent doit être bien employé et l'on
n'imagine pas qu'il le soit par une formation politique qui ne s'attacherait
pas à faire respecter strictement les obligations d'égalité des citoyens sans
considération de sexe qui figurent dans nos textes !
Si l'on ne retient pas le deuxième alinéa de ce sous-amendement, monsieur le
rapporteur - je regrette que la commission ne l'ait pas retenu - je me pose la
question de savoir ce que le Conseil constitutionnel fera si nous introduisons
dans la loi des dispositions - je réponds à M. Bonnet - qui comporteraient ce
que j'appellerai des sanctions financières, même si je n'aime pas beaucoup ce
terme, car, dès lors que les partis politiques se constituent et exercent leurs
activités librement, comme le prévoit la Constitution, le Conseil
constitutionnel ne pourrait-il pas considérer qu'une sanction financière
constitue une atteinte à leur liberté ?
C'est la raison pour laquelle, monsieur Bonnet, cette fois, je ne peux pas
être d'accord avec vous et je préfère maintenir ce deuxième alinéa.
Alors voilà, monsieur le président. Je pense que ce sous-amendement n° 6
rectifié, qui donne satisfaction à M. Fauchon et qui répond en partie aux
arguments de M. Bonnet, permet de rendre applicable la proposition de la
commission des lois, dont on peut penser ce que l'on veut. Ce n'est peut être
pas la meilleure solution, mais c'est celle qui va être retenue : soyons donc
efficaces, faisons en sorte qu'elle s'applique effectivement.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le président, je maintiens
ce sous-amendement.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Chapeau, monsieur Charasse, quel talent, quelle astuce !
En réalité, vous nous faites réintégrer, grâce à votre sous-amendement, sans
nous le dire tout en nous le disant, ce dont nous ne voulons pas, c'est-à-dire
les quotas.
M. Charles de Cuttoli.
Exact !
M. Patrice Gélard.
Par conséquent, j'en suis désolé, mon cher collègue, quel que soit votre
talent, quelle que soit votre capacité juridique, je dis non à votre
amendement.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Moi aussi, j'exprimerai une opinion dissidente par rapport à celle de la
majorité sénatoriale, dont je suis solidaire. Je ne suis pas favorable à
l'amendement de notre commission, qui réduit beaucoup trop une question de
société à un certain nombre de mécanismes et d'artifices politiques.
Je ne suivrai pas non plus notre collègue M. Charasse, qui cherche à faire le
bien de la commission malgré elle puisque, si je comprends bien, toute son
argumentation vient de s'effondrer sous le
niet
de notre collègue
Patrice Gélard. Je voterai donc contre les trois sous-amendements et je
m'abstiendrai sur l'amendement de la commission parce que je ne veux pas me
désolidariser par trop de la majorité sénatoriale.
Il s'agit d'un problème très grave. La commission a voulu faire un progrès,
mais ce progrès ne me paraît pas à la hauteur de l'enjeu, et nous aurons tout
le temps de la réflexion au cours de la navette.
M. Paul Girod.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, je souhaite vous poser une question de procédure : dans
le cas - improbable - me semble-t-il -, où le sous-amendement n° 6 rectifié
serait adopté, les sous-amendements de M. Bonnet et de M. Fauchon
deviendraient-ils sans objet ?
M. le président.
Bien sûr !
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Paul Girod.
C'est ce que je voulais savoir. Il était bon que chacun le sache. A partir de
l'instant où le sous-amendement n° 6 rectifié aura été adopté, le
sous-amendement n° 2 ne viendra plus en discussion. C'est l'une des raisons -
pas la seule - pour lesquelles je voterai contre le sous-amendement n° 6
rectifié.
M. Michel Pelchat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Je me contenterai d'intervenir à ce moment du débat pour donner ma position
sur les sous-amendements, sur l'amendement et sur le texte qui nous vient de
l'Assemblée nationale.
Comme mon collègue M. Jean-Philippe Lachenaud, j'ai vu trop d'hypocrisie de la
part des formations politiques, qui, toutes tendances confondues - madame le
garde des sceaux, excusez-moi : je ne perçois pas les différences auxquelles
vous avez fait allusion tout à l'heure dans votre intervention - avançaient
toutes sortes de bonnes raisons pour ne pas trouver la candidate destinée à
solliciter un mandat de député alors qu'elles n'éprouvaient aucune difficulté à
trouver 50 ou 60 candidates à présenter aux conseils municipaux des différentes
communes des mêmes circonscriptions.
Le Sénat, après l'Assemblée nationale, doit, au-delà peut-être des
imperfections rédactionnelles de l'article 3 - nous pourrions d'ailleurs
aisément y revenir, si cela s'avérait nécessaire, en seconde lecture - marquer
sa volonté politique de voir effectivement réalisée dans les années à venir et
pour les prochaines élections une parité entre les femmes et les hommes et
lancer un message aux partis politiques précisant que les électeurs et
nous-mêmes n'accepterons plus que cette égalité ne soit pas réellement
concrétisée. C'est pourquoi je voterai le texte issu de l'Assemblée nationale.
(Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
J'espère qu'il sera largement adopté et qu'une loi ordinaire viendra
ensuite apporter les précisions nécessaires.
(Applaudissements sur les
travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Je n'ai pas désapprouvé les propos que certains, même si je
n'étais pas d'accord avec eux, ont pu tenir, mais je tenais à faire connaître
ma position personnelle.
(Nouveaux applaudissements sur les mêmes
travées.)
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission de lois.
Je formulerai une remarque de
principe.
Je n'arrive pas à comprendre comment, dans l'esprit de certains, le sauvetage
de la démocratie passe par l'institution des quotas. Nous avons dit que nous
n'en voulions pas. C'est une position de principe à laquelle nous devons nous
tenir.
M. Paul Masson.
Très bien !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Cela étant dit, j'en viens au
sous-amendement n° 6 rectifié déposé par M. Charasse.
Malgré l'amitié qui m'unit à M. Bonnet, je ne voterai pas son sous-amendement
- il le sait, d'ailleurs. Aussi le vote du sous-amendement n° 6 rectifié nous
place-t-il face à un dilemme cruel, à savoir repousser le sous-amendement
présenté par un ami tout en adoptant celui de quelqu'un qui ne siège pas sur
nos bancs, mais dont nous apprécions tous la courtoisie.
J'ai entendu la remarque formulée par M. Gélard laissant supposer que M.
Charasse est tellement astucieux - cela, nous le savons bien - que, par un
moyen détourné, il cherche à nous faire « avaler » les quotas sans que nous
nous en apercevions.
Je répondrai que ce n'est pas exact.
En effet, ce sous-amendement introduit à l'article 4 de la Constitution une
disposition prévoyant une loi. Or un tel texte ne pourra pas contrevenir aux
principes figurant à l'article 3 de la Constitution, principes en vertu
desquels les dispositions proposées ont été jugées non constitutionnelles
jusqu'à présent. Voter le sous-amendement n° 6 rectifié simplifierait bien les
choses : de manière plus élégante, nous aboutirions à une rédaction qui
pourrait recueillir un consensus.
Il n'est pas inutile de mentionner expressément la loi.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Organique !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Si l'on veut : avec une loi
organique, le texte ira obligatoirement devant le Conseil constitutionnel ;
comme cela, nous serions pleinement rassurés et le texte serait annulé tout de
suite s'il instituait des quotas.
A mon sens - je peux me tromper car, en fin de journée, nous n'avons peut-être
pas toujours la lucidité suffisante pour comprendre toutes les subtilités qui
sont familières à notre ami M. Charasse - dans de telles conditions, le
sous-amendement n° 6 rectifié est acceptable. Il l'est parce qu'il résout tous
nos problèmes. Il nous évite la critique qui accompagnerait immédiatement le
vote du sous-amendement de M. Christian Bonnet.
Si nous voulons éviter les quotas, nous sommes en revanche tout à fait
déterminés à obtenir un résultat politique, et ce résultat politique, le
sous-amendement n° 6 rectifié nous permet de l'obtenir.
En relisant tant l'amendement n° 1 rectifié de la commission que le
sous-amendement n° 6 rectifié de M. Charasse, il ne me semble pas que leur
adoption aboutirait à une mesure tendant à l'humiliation des femmes.
Réflexion faite, je vous propose donc, en accord avec M. le rapporteur, de
voter ce sous-amendement.
(Non ! sur certaines travées du RPR.)
M. Charles de Cuttoli.
Cela permettra les quotas !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Ce n'est qu'une proposition, mes
chers collègues, vous ferez ce que vous voulez, mais nous devons exprimer les
choses clairement.
Premièrement, nous ne voulons pas des quotas.
Deuxièmement, nous pensons que les partis politiques doivent jouer un rôle
déterminant dans ce que nous voulons réaliser.
Troisièmement, pour inciter les partis politiques à réaliser ce que nous
attendons d'eux, il faut nous doter de certains moyens constitutionnels.
(Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Je prends la parole car je suis effaré par les propos qui viennent d'être
tenus par M. le président de la commission des lois.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
On ne peut pas dire une chose et son contraire, être favorable au
sous-amendement n° 6 rectifié et être opposé aux quotas, être opposé aux
primes, car c'est une prime accordée aux femmes
(Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes)
que de donner plus
d'argent aux partis politiques qui inscriront des femmes sur leur liste et de
prendre une mesure de sanction à l'égard de ceux qui n'en présenteront pas.
Mes chers collègues, quelle opinion avez-vous de notre démocratie ? Notre
peuple n'est-il pas souverain, n'est-il pas majeur, n'est-il pas en mesure
d'apprécier, de sanctionner ou d'approuver les partis politiques qui ne sont
pas capables de présenter suffisamment de femmes sur les listes ?
Laissez au peuple le soin de décider en âme et conscience si la représentation
des femmes n'est pas suffisante dans les différentes élections, quelles soient
cantonales, locales ou nationales !
Je suis effaré par tout cela.
Si l'on dit « non » aux quotas, « non » aux primes, on ne peut qu'être opposé
au sous-amendement n° 6 rectifié de M. Charasse et qu'approuver le
sous-amendement n° 2 de M. Bonnet. Ce n'est que si ce dernier sous-amendement
est accepté que nous pourrons approuver la présente loi. Dans le cas contraire,
il faudra voter contre. En tout cas, c'est ce que je ferai.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 6 rectifié, repoussé par le
Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 2.
M. Robert Bret.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Dans la logique de la tactique suivie par la commission des lois, laquelle,
par le biais d'amendements, bouleverse sur le fond le contenu du projet de loi
constitutionnelle, déniant au législateur toute compétence pour assurer l'égal
accès des femmes et des hommes à la vie politique, M. Bonnet nous propose
d'aller plus loin encore en supprimant toute référence constitutionnelle à
d'éventuelles sanctions financières.
Quoique vigilant à l'égard de toute ingérence dans l'organisation
institutionnelle des partis politiques, je ne suis pas sensible à vos
arguments, monsieur Bonnet. En effet, votre objectif est on ne peut plus clair
: comme vos collègues de la majorité sénatoriale, vous vous opposez à la
promotion de la parité.
(Un brouhaha couvre la voix de l'orateur.)
M. le président.
Mes chers collègues, un peu de silence s'il vous plaît !
Mme Hélène Luc.
Ce n'est pas sérieux, monsieur le président !
M. Robert Bret.
Avant tout, vous redoutez tout volontarisme dans ce domaine. Vous rejetez
l'idée même que cette réforme puisse permettre de lever l'obstacle posé dès
1982 par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui sanctionne toute
mesure législative favorisant la représentation des femmes au sein de nos
institutions.
Plutôt que d'introduire des mesures nécessaires, contraignantes ou
incitatives, vous préférez, monsieur Bonnet, laisser se poursuivre une
évolution déjà amorcée, ce qui revient, en réalité, à préconiser le
statu
quo.
Pour sa part, le groupe communiste républicain et citoyen entend s'engager sur
la voie de la mise en oeuvre d'actions positives et efficaces, en vue de
combler le grave déséquilibre qui persiste dans la représentation des hommes et
des femmes dans le champ politique. Cela permettra notamment de redonner tout
son sens à notre démocratie.
Par conséquent, nous voterons contre le sous-amendement n° 2.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 2, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Mes chers collègues, les scrutateurs m'informent qu'il y a lieu à pointage. Je
vais donc suspendre la séance pour le temps d'y procéder.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt heures
trente.)
M. le président.
La séance est reprise.
Voici après pointage, le résultat du dépouillement du scrutin n° 65 :
:
Nombre de votants | 243 |
Nombre de suffrages exprimés | 235 |
Majorité absolue des suffrages | 118 |
Pour l'adoption | 83 |
Contre | 118 |
Monsieur Fauchon, le sous-amendement n° 3 est-il maintenu ?
M. Pierre Fauchon. Pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure et pour calmer l'impatience d'un certain nombre de nos collègues, je retire mon sous-amendement pour faire gagner du temps au Sénat. (Très bien ! et applaudissements sur quelques travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. le président. Le sous-amendement n° 3 est retiré.
Avant de mettre aux voix l'amendement n° 1 rectifié, ce qui vaudra vote sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, je donne la parole à M. Lorrain pour explication de vote.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la place et le rôle des femmes dans la vie publique constituent incontestablement un problème de société, au sens le plus noble de cette expression. Tout débat sur ce sujet met en cause des schémas sociologiques et psychologiques profondément ancrés dans les mentalités et les comportements des acteurs de la vie publique.
Les femmes ont dû attendre 1944 pour se voir reconnaître leur citoyenneté à part entière et le droit de vote, soit bien plus tard que dans beaucoup d'autres pays.
Aujourd'hui, elles ont les mêmes droits que les hommes, reçoivent la même formation. Pourtant, elles demeurent encore très minoritaires dans les instances de décision et les lieux de pouvoir, en politique comme dans la haute administration ou aux postes clés de l'économie.
La situation des Françaises dans la vie publique est donc très loin de correspondre à la place et au rôle essentiels qu'elles ont conquis dans les autres secteurs de la société.
Mais cette situation est due non à l'existence de barrières juridiques, mais à un écart entre le droit et le fait.
L'égalité des droits est assurée dans notre pays. Cette inégalité, cette difficulté d'accès tiennent avant tout à des résistances sociologiques fortes et à une pratique politique des partis que seule une action volontariste permettrait de dépasser. Il ne sert à rien de modifier la Constitution en y introduisant le principe de l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et fonctions si les partis ne prennent pas leur responsabilité. L'égalité d'accès ne pourra être obtenue qu'à travers la création d'un véritable statut de l'élu permettant à chacun et à chacune d'exercer mandats et fonctions quelle que soit son activité professionnelle. L'action des partis est, à cet égard, déterminante.
Voilà pourquoi la modification de l'article 4 de la Constitution, précisément relatif aux partis, a une véritable signification : c'est un signe fort en direction des partis politiques. Mais la loi, même fondamentale, ne peut qu'édicter des règles égales pour tous. Elle ne peut pas favoriser tel ou tel au risque de devenir soit opprimante, soit discriminatoire, c'est-à-dire au risque de porter gravement atteinte à la dignité de la personne, en l'occurrence la femme.
Enfin, j'ajoute que ceux de nos voisins européens qui sont arrivés à la parité, les Scandinaves, notamment, le doivent essentiellement à l'action volontariste des partis.
Notre attitude se veut dynamique et pragmatique. L'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions ne s'inscrit pas dans une politique médiatiquement correcte ; il est un mouvement de fond que nous devons soutenir et amplifier afin de ressourcer la citoyenneté et de vivre la politique autrement.
Le groupe de l'Union centriste votera donc ce texte tel que modifié par le Sénat, sous l'impulsion de sa commission des lois, dont je tiens ici à saluer le travail. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai indiqué de façon très précise et avec conviction pourquoi il ne fallait pas toucher à l'article 3 de la Constitution, définissant la souveraineté nationale : il s'agit là, en effet, du coeur de la Constitution.
De la même façon, j'ai marqué également avec conviction qu'il était impossible de rester dans cette situation injuste et refusée par tous.
Or tout progrès au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel doit, pour être effectif, passer par la loi. C'est pourquoi je suis intervenu en faveur du sous-amendement n° 6 rectifié, déposé par M. Charasse, sans lequel - permettez-moi de le dire - l'amendement n° 1 rectifié est vide de sens. Je n'insisterai pas davantage. Je voterai donc contre l'amendement n° 1 rectifié. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Mme Odette Terrade applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Je pense, comme d'autres, que la réforme dont nous débattons en ce moment a plus sa place à l'article 4 qu'à l'article 3 de la Constitution, et ce pour les raisons qui viennent d'être excellemment détaillées tout à l'heure par M. Badinter. Je suis par conséquent de ceux qui considèrent que le fait de toucher à l'universalité serait une erreur de fond et que commencer à rompre l'unité totale aboutira à un moment ou à un autre, qu'on le veuille ou non, à une contagion débouchant sur des communautarisations ou des sectorisations du peuple français, qui doit rester un et indivisible. C'est la raison pour laquelle j'étais tenté de voter l'amendement n° 1 rectifié.
Mais, voilà quelques instants, le Sénat a repoussé le sous-amendement n° 2, déposé par M. Bonnet.
MM. Henri de Raincourt et Hubert Falco. Absolument !
M. Paul Girod. La confusion qui a entouré ce vote ne m'a pas permis d'intervenir. Le brouhaha était tel alors que toute tentative aurait été inutile. Autant il faut toucher à cette sectorisation d'une main tremblante, autant il faut être extrêmement prudent quand on fait figurer au sein de la Constitution une notion nouvelle. Or élever au niveau constitutionnel la notion même de financement public des partis politiques, qui perdurera alors à travers tous les temps,...
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Paul Girod. ... me semble être une imprudence. C'est du ressort de la loi, et non de la Constitution !
Un sénateur socialiste. Très juste !
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Paul Girod. C'est la raison pour laquelle, regrettant le rejet de ce sous-amendement, je ne peux pas, en conscience, voter l'amendement n° 1 rectifié de la commission des lois, dans la mesure où il comporte cette introduction à long terme quasi définitive du financement public des partis politiques.
L'ancien système, comme tout le monde le sait, était mauvais et aboutissait à des catastrophes. Mais ce n'est pas parce que le Parlement s'est résolu au système actuel comme à un moindre mal qu'il faut en faire une disposition constitutionnelle !
C'est pourquoi, monsieur le président, mes chers collègues, tout en approuvant la démarche de la commission des lois sur l'article 4, je regrette cette intrusion du financement public dans la Constitution et je m'abstiendrai donc sur l'amendement n° 1 rectifié, qui, à mon avis, va sur ce point à l'encontre du travail du constituant. (Applaudissements sur certaines travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur quelques travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen souhaitaient que cette journée de débat soit constructive et fasse avancer, sur la voie choisie d'un commun accord par le Gouvernement et le Président de la République, l'égalité entre les hommes et les femmes dans notre vie démocratique. Je déplore que la commission des lois persiste dans sa stratégie de blocage.
Le rapport de M. Cabanel pointe des chiffres encourageants quant à la présence des femmes dans les assemblées parlementaires et locales. Alors, pourquoi ce blocage ?
Il est noté que les règles de conduite interne aux partis ont permis de féminiser les candidatures, d'augmenter le niveau de participation des femmes dans la sphère politique. Alors, pourquoi ce refus de reconnaissance officielle ?
Il n'est plus de mise ni d'attendre ni de compter sur l'évolution naturelle des choses.
Titulaires du droit de vote et du droit d'éligibilité, les femmes restent très fortement sous-représentées.
Hommes et femmes représentent respectivement la moitié des talents, des qualifications potentielles de l'humanité, et donc de la France. Leur participation complémentaire et équilibrée aux responsabilités permettrait donc de faire naître des idées, des valeurs, des comportements qui s'entremêleraient, qui produiraient de la valeur ajoutée, donnant le meilleur résultat pour l'ensemble de la société.
Les femmes représentent un ferment de changement et d'innovation pour la société, et celle-ci en a un besoin urgent et vital.
Certes, il ne suffit pas d'être femme pour être une élue efficace ou pour mener une bonne politique. Il existe des options et des choix antagoniques qui marquent leur engagement politique, comme pour les hommes.
Mais la préoccupation forte des femmes en termes de transparence, d'authenticité, de refus du combat des chefs serait de nature à redonner aux grands débats de notre pays le sens, la finalité et l'intérêt dont ils n'auraient jamais dû se départir et qui remobiliseraient nos concitoyens, à commencer par la jeunesse.
Je tenais à marquer l'attachement du groupe communiste républicain et citoyen à voir franchir une étape significative tant pour notre démocratie que pour l'évolution de notre société : celle de l'inscription à l'article 3 de notre Constitution de l'objectif de parité. Les associations, qui militent de longue date pour cette cause et qui se sont encore mobilisées aujourd'hui ont, par leur action, favorisé et conforté cette exigence : c'est au texte constitutionnel puis à la loi d'assurer cet égal accès aux mandats et aux fonctions. Madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, c'est la voie que, au nom du Gouvernement, vous nous proposez et que nous approuvons pleinement.
Ainsi, cet ajout à l'article 3 autorise l'introduction de mesures positives en faveur de la parité dans nos futures lois électorales, mesures permettant aux femmes d'accéder à une citoyenneté pleine et entière.
Je tiens à rappeler à cet égard que l'instauration de la proportionnelle pour tout ou partie, la limitation significative du cumul des mandats et l'amélioration sensible du statut de l'élu sont les éléments nécessairement complémentaires de la parité. (Et voilà ! sur les travées du RPR.)
J'entends les arguments juridiques avancés par les tenants du principe de l'universalité posé par la Déclaration des droits de l'homme pour tenter de justifier leurs réserves, voire leur opposition à la modification de l'article 3 de notre Constitution traitant de la souveraineté nationale.
Depuis 1982, la référence à cet article a, entre autres, permis au Conseil constitutionnel de censurer - il l'a fait très récemment encore - toute tentative du législateur pour assurer une répartition équilibrée des hommes et des femmes dans le domaine politique.
Comment s'étonner que la majorité sénatoriale, habituel adversaire de la promotion des droits des femmes. (Protestations sur les travées du RPR)...
C'est indiscutable, messieurs !
M. Jean-Claude Gaudin. Ça suffit !
Mme Hélène Luc. Malgré la plaidoirie de M. Jacques Larché, la majorité a adopté un comportement profondément rétrograde !
Nombreux sont ceux ici qui se souviennent, par exemple, des arguments parfois scandaleux de certains sénateurs de la majorité sur la remise en cause de l'IVG, notamment. (Vives protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Claude Gaudin. Ne mélangez pas tout ! Ah, ce n'est pas du Victor Hugo !
M. le président. Un peu de silence, mes chers collëgues ! Seule Mme Luc a la parole !
M. Hubert Falco. Qu'elle dise des choses décentes !
Mme Hélène Luc. Nous regrettons vivement qu'une fois encore la Haute Assemblée bloque toute évolution de notre société, évolution pourtant nécessaire à la démocratisation de notre vie politique. Nous voterons donc contre le texte tel qu'il a été remanié. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire d'Etat, je voterai cet amendement, qui constitue un moindre mal.
M. Jean-Louis Carrère. C'est bien !
M. Philippe Adnot. J'ai entendu les partisans de l'accession à la parité par la Constitution, j'ai entendu les partisans de l'accession à la parité par l'action des partis politiques. Ces deux opinions sont très louables, mais j'aurais préféré entendre exprimer la confiance en faveur des femmes dans leur capacité à atteindre la parité par l'acte volontaire de candidature (Vives exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen), par la reconnaissance simple de leurs compétences par les électeurs. (Rires sur les mêmes travées.)
Ce qui est antidémocratique, ce sont les quotas. Ce qui est antidémocratique, c'est la proportionnelle, c'est la main-mise absolue de la vie politique par les partis politiques ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
Le non-inscrit que je suis, élu lors de chaque scrutin en dehors et parfois contre les partis, peut prouver qu'il existe une vie en dehors de ces schémas. C'est le peuple - le peuple seul ! - qui doit déterminer qui est élu.
Toutes les femmes que j'ai interrogées se sentent outragées (Protestations sur les travées socialistes) ...
Mme Dinah Derycke. Pas nous !
M. Philippe Adnot. ... par cette envie irrépressible que certains ont de leur donner d'une manière condescendante ce qu'elles peuvent prétendre obtenir par leurs qualités personnelles. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à l'issue de cette discussion, où la clarté n'a pas toujours été évidente,...
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Charles Descours. Oui, c'est vrai !
M. Patrice Gélard. ... il convient d'en tirer les enseignements.
En ce qui me concerne, j'ai été éclairé au moins sur un point, à savoir les intentions profondes des auteurs de ce projet de loi constitutionnelle. Ces intentions sont nettes : il s'agit tout d'abord d'instaurer des quotas. (Protestations sur les travées socialistes.) Nous le savions déjà, d'ailleurs, puisque, lors du vote de la loi relative aux conseils régionaux, tout avait été mis clairement noir sur blanc : il devait y avoir des listes avec 50 % de femmes et 50 % d'hommes, sans que nous sachions très bien le sort qui serait fait au cinquante et unième et au cinquante-troisième. (Exclamations ironiques sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) M. Claude Estier. C'est ridicule !
M. Jean-Claude Gaudin. Tirez au sort !
M. Patrice Gélard. Mais le débat ne s'arrête pas là : tout à l'heure, Mme le ministre nous a dit qu'il fallait faire figurer ces mesures à l'article 3 pour étendre les dispositions relatives aux quotas aux élections prud'homales. Mais pourquoi pas, pendant qu'on y est, à d'autres élections professionnelles ? Pourquoi ne pas instaurer également, par exemple, les quotas dans la magistrature ? (Protestations sur les travées socialistes.)
Il y aura donc des quotas aux prud'hommes, des quotas dans les tribunaux de commerce. Pourquoi n'organiserait-on pas désormais des concours séparés entre hommes et femmes dans la magistrature, puis, à terme, dans toute la fonction publique ? Ne va-t-on pas rétablir les collèges et les lycées de filles ? (Vives protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
En réalité, ce que l'on nous propose de faire, c'est de mettre en place une citoyenneté duale, une démocratie duale.
Cette démocratie-là, cette société-là, cette citoyenneté-là, je ne la reconnais pas. Ce ne sont pas les valeurs de la République, ce ne sont pas les droits et les libertés, ce n'est pas la démocratie, c'est autre chose.
C'est la raison pour laquelle je voterai, avec la majorité de mes collègues du groupe du RPR, le texte proposé par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Madame le garde des sceaux, je voterai, bien sûr, ce texte, car il traduit non pas une stratégie de blocage, comme vous le soutenez - peut-être n'y avez-vous pas réfléchi suffisamment - mais bien, en réalité, nous le verrons de plus en plus, une véritable stratégie d'efficacité.
Je le voterai sous le signe de la justice et tout autant sous le signe de l'utilité, je dirai même de la nécessité, car je suis de ceux qui croient que la participation d'un plus grand nombre de femmes aux responsabilités politiques pourra contribuer très fortement à la rénovation de notre vie politique.
Je le voterai aussi sous le signe de l'égalité, valeur à laquelle tout le monde s'est référé, et permettez-moi d'y ajouter, à titre personnel, un autre signe et d'évoquer une autre vertu de la République : je le voterai, en ce qui me concerne, sous le signe de la fraternité entre les hommes et les femmes. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Jolibois.
M. Charles Jolibois. Monsieur le président, mes chers collègues, une majorité importante du groupe des Républicains et Indépendants était favorable à une modification de l'article 4 de la Constitution. En effet, le texte du Gouvernement contenait une sorte de contradiction entre l'indivisibilité de la souveraineté, l'universalité et, surtout, la liberté de candidature à laquelle, vous le comprendrez probablement, un groupe composé d'indépendants est par nature très attaché.
Le projet de loi qui nous a été proposé instituait un système pernicieux parce que, sans le dire, il amenait de manière sûre aux quotas. Nous savons, en effet, à l'issue des auditions auxquelles a procédé la commission des lois - qui a mené un débat approndi -, que les quotas étaient la seule solution pour parvenir au résultat désiré.
Il fallait donc modifier l'article 4 de la Constitution et non l'article 3.
Par ailleurs, une discussion s'est engagée au sein de notre groupe, la majorité d'entre nous considérant que le sous-amendement de M. Bonnet devait être voté. Le financement des partis politiques n'a pas sa place, en effet, dans un texte constitutionnel, et les conséquences d'une telle insertion peuvent être extrêmement dangereuses.
Le sous-amendement de M. Bonnet ayant été repoussé, une partie du groupe des Républicains et Indépendants va donc s'abstenir, tandis que certains - dont je suis - voteront l'amendement de la commission des lois et que d'autres - un tout petit nombre - voteront contre cet amendement.
Je devais à l'honnêteté de vous exprimer cette division qui s'est manifestée au sein de notre groupe. Mais, après tout, un sujet de cette importance prend de la grandeur quand les intéressés s'expriment selon leur conscience et ne suivent pas les instructions qu'on leur donne ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Hamel. (Ah ! sur de nombreuses travées.)
M. Emmanuel Hamel. Les éminentes fonctions que vous assumez, madame le garde des sceaux, le prouvent : la femme n'a pas besoin de quotas pour être reconnue, pour être promue.
Ce texte est contraire à l'éminence, à la dignité de la femme et à sa capacité de rayonnement si elle veut les assumer.
Vive les femmes ! A bas les quotas ! Je voterai donc contre ce texte ! (Rires.)
M. Guy Cabanel, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Cabanel, rapporteur. Mes chers collègues, nous sommes maintenant dans une situation très claire. (Exclamations amusées.) En effet, à l'issue d'un moment de grande confusion, nous avons devant nous non plus le texte original, mais un texte fondé essentiellement sur l'article 4 de la Constitution.
Ce texte transfère, certes, la responsabilité vers les partis politiques, mais nous savons que ces derniers ont une responsabilité dans cette affaire. Il ajoute, au demeurant, un élément d'incitation au travers des règles de financement des partis politiques. Ce deuxième alinéa a suscité des discussions, mais celles-ci ont été tranchées par un vote.
Maintenant, il faudrait que le Sénat s'en tienne à cette position, puis qu'il y ait suffisamment de concertation entre le Sénat, l'Assemblée nationale et le Gouvernement...
M. Claude Estier. Et le Président de la République !
M. Guy Cabanel, rapporteur. ... et le Président de la République, en effet, pour parvenir à une solution qui respecte la volonté sénatoriale de ne pas accepter de bouleversement législatif, de ne pas accepter ces lois électorales contraignantes que nous avons écartées aujourd'hui en renonçant à inscrire dans l'article 3 de la Constitution la formule envisagée.
En cet instant, je vous demande simplement de penser aux femmes. (Sourires.) Certes, ce que nous avons fait n'aura de valeur que si celles-ci ont la volonté de réclamer aux partis leur place dans la vie politique, et des mesures doivent être prises à cet égard, car le statut de l'élu et les conditions de candidature forment un ensemble.
Nous, nous avons une position claire. On ne pourra donc pas considérer, à l'issue de ce débat, que le Sénat aura accepté du bout des lèvres une demi-mesure : il a pris ses responsabilités.
Je remercie tous nos collègues qui m'ont aidé dans cette tâche, mais je n'en citerai que deux : M. Gélard, qui a été très clair dans sa condamnation sans appel des quotas et qui a peut-être contribué à transformer ma démarche initiale, et M. Fauchon, qui a eu le souci de trouver une solution jusqu'au bout, même dans certains moments délicats, pour nous permettre d'aboutir à un texte qui soit autre chose qu'une simple déclaration de principe.
Je vous appelle donc à voter ce texte, sur lequel nous poursuivrons la réflexion pendant la navette. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) M. le président. La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Très brièvement, je tiens à dire que je suis scandalisée d'entendre des hommes dire à quel point ils respectent les femmes tout en continuant à interdire à la majorité d'entre elles de participer à la vie politique ! (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Le Sénat va maintenant procéder au vote sur l'amendement n° 1 rectifié, tendant à rédiger l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.
Conformément à la décision de la conférence des présidents, il va être procédé à un scrutin à la tribune, dans les conditions fixées par l'article 56 bis du règlement.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.
(Le sort désigne la lettre X.)
M. le président. Le scrutin sera clos quelques instants après la fin de l'appel nominal.
Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.
(L'appel nominal a lieu.)
M. le président. Le premier appel nominal est terminé. Il va être procédé à un nouvel appel nominal.
Le scrutin va rester ouvert encore quelques minutes pour permettre à ceux qui n'ont pas répondu à l'appel nominal de venir voter.
Personne ne demande plus à voter ?...
La scrutin est clos.
J'invite MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 66:
Nombre de votants | 307 |
Nombre de suffrages exprimés | 277 |
Majorité absolue des suffrages | 139 |
Pour l'adoption | 164 |
Contre | 113 |
4
DÉPO^T D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Pierre Biarnès, Henri d'Attilio, Bertrand Auban, Jean-Pierre
Bel, Mmes Maryse Bergé-Lavigne, Yolande Boyer, MM. Jean Besson, Jean-Louis
Carrère, Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Gilbert Chabroux,
Michel Charasse, Marcel Charmant, Michel Charzat, Raymond Courrière, Roland
Courteau, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Mmes Dinah Derycke,
Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme
Josette Durrieu, MM. Léon Fatous, Serge Godart, Jean-Noël Guérini, Roger
Hesling, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Roger Lagorsse, André Lejeune,
Claude Lise, Jacques Mahéas, Marc Massion, Jean-Luc Mélenchon, Gérard Miquel,
Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Guy Penne, Daniel Percheron, Jean-François
Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mmes Danièle Pourtaud, Gisèle
Printz, MM. Gérard Roujas, André Rouvière, Claude Saunier, Michel Sergent,
René-Pierre Signé, Simon Sutour, Michel Teston, André Vézinhet, Marcel Vidal et
Henri Weber une proposition de loi relative au droit de mourir dans la
dignité.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 166, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
5
RETRAIT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu une lettre par laquelle M. Pierre Biarnès déclare retirer la
proposition de loi relative au droit de mourir dans la dignité (n° 215,
1996-1997) qu'il avait déposée avec plusieurs de ses collègues au cours de la
séance du 13 février 1997.
Acte est donné de ce retrait.
6
DÉPO^T D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. Denis Badré une proposition de résolution présentée en
application de l'article 73
bis
du règlement, sur :
- la communication de la commission au Conseil et au Parlement européen, sur
l'établissement de nouvelles perspectives financières pour la période 2000-2006
(E 1049) ;
- le document de travail de la commission : accord interinstitutionnel sur la
discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire (E 1128).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 164, distribuée et
renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une
commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
7
DÉPO^T D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement (CE) du Conseil portant sur la coordination des
systèmes de sécurité sociale.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1202 et
distribuée.
8
DÉPO^T D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Louis Souvet un rapport fait au nom de la commission des
affaires sociales sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale,
tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans (n°
114, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 165 et distribué.
9
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 27 janvier 1999, à quinze heures et le soir.
1. - Discussion du projet de loi (n° 133, 1998-1999), adopté par l'Assemblée
nationale, portant prorogation des mandats des membres des conseils
consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses
d'épargne et de prévoyance.
Rapport (n° 157, 1998-1999) de M. Philippe Marini, fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation.
Aucun amendement n'est plus recevable.
2. - Suite de la discussion du projet de loi (n° 18, 1998-1999) d'orientation
agricole, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.
Rapport (n° 129, 1998-1999) de M. Michel Souplet, fait au nom de la commission
des affaires économiques et du Plan.
Avis (n° 132, 1998-1999) de M. Albert Vecten, fait au nom de la commission des
affaires culturelles.
Avis (n° 151, 1998-1999) de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission
des affaires sociales.
Aucun amendement n'est plus recevable.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Conclusions de la commission des affaires économiques (n° 502, 1997-1998) sur
:
_ la proposition de loi de M. Jean-Luc Bécart et plusieurs de ses collègues
tendant à frapper de nullité d'ordre public toute clause de mutation
immobilière exonérant les exploitants de mines de leur responsabilité en
matière de dommages liés à leur activité minière (n° 220, 1996-1997) ;
_ la proposition de loi de M. Claude Huriet et plusieurs de ses collègues
complétant le code minier (n° 298 rectifié, 1996-1997) ;
_ la proposition de loi de Mme Gisèle Printz et des membres du groupe
socialiste et apparentés relative à la prévention des risques miniers après la
fin de l'exploitation (n° 229, 1997-1998) ;
_ la proposition de loi de Mme Gisèle Printz et des membres du groupe
socialiste et apparentés relative à la responsabilité des dommages liés à
l'exploitation minière (n° 235 rectifié, 1997-1998) ;
_ la proposition de loi de M. Jean-Paul Delevoye et plusieurs de ses collègues
relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à
l'exploitation minière (n° 247, 1997-1998) ;
_ la proposition de loi de M. Jean-Paul Delevoye et plusieurs de ses collègues
relative à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation (n°
248, 1997-1998).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mercredi 27 janvier 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 janvier 1999, à
dix-sept heures.
Question orale avec débat n° 8 de M. Paul Masson à M. le Premier ministre sur
le redéploiement des forces de sécurité.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 27
janvier 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 155, 1998-1999) sur la
proposition de loi de M. Alain Vasselle et plusieurs de ses collègues relative
à l'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de démence
sénile et, en particulier, de la maladie d'Alzheimer (n° 210, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 janvier 1999, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures quarante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Financement de la politique
d'aide sociale des départements
432.
- 25 janvier 1999. -
M. André Diligent
appelle l'attention de
M. le ministre délégué à la ville
sur la question délicate mais attendue de la réforme du contingent d'aide
sociale. Les conseils généraux essaient de répartir, de la manière la plus
équitable possible, entre l'ensemble des communes, le montant de cette
participation à la politique sociale des départements qui atteint une somme
globale de 12 milliards de francs. Cependant, toutes les études récentes ont
montré que le calcul de la contribution conduit à des disparités. Un exemple :
en 1996, le contingent pour Roubaix - ville de près de 100 000 habitants -
atteignait 354 francs par habitant, soit 6,6 % des ses dépenses de
fonctionnement. Pour cette ville, l'effort d'équité est largement compromis par
le mécanisme de l'écrêtement, imposé par la loi. En 1995, à la suite des quatre
tours d'écrêtement, la majoration était de plus de 6 millions de francs,
représentant ainsi plus de 20 % de son contingent. Au regard de cette réalité,
il lui demande où en sont les études entamées par le Gouvernement sur ce projet
de réforme pour lequel l'association des maires des grandes villes a proposé un
certain nombre d'améliorations, parmi lesquelles l'application obligatoire des
critères définis par le décret du 31 décembre 1987 dans la fixation du
contingent versé par chaque commune, le plafonnement de la contribution globale
des communes à un taux proche de la moyenne nationale (15 %), la suppression de
l'écrêtement prévu à l'article 7 du décret du 31 décembre 1987, enfin le
classement des communes en fonction de l'indice synthétique comparable à celui
de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et reprenant une partie des critères
définis par le décret de 1987 et la répartition de la contribution globale en
fonction de ce classement.
Respect et défense des droits des sourds
433.
- 26 janvier 1999. -
Mme Marie-Claude Beaudeau
rappelle à
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
que M. le Premier ministre a confié le 26 décembre 1997 une mission à une
députée chargée de définir les mesures à prendre en faveur du respect et de la
défense des droits des sourds dans leur accès à la citoyenneté. Un rapport
définissant 115 propositions lui a été remis et a été publié le 30 juin 1998.
Elle lui demande de lui faire connaître les suites données à ce rapport et les
premières mesures qu'elle envisage de prendre sans attendre.
Conséquences de la tempête abattue sur Loctudy
le 20 décembre 1998
434.
- 26 janvier 1999. -
M. Alain Gérard
appelle l'attention de
M. le ministre de l'intérieur
sur la nécessité de reconnaître à titre exceptionnel le caractère de
catastrophe naturelle à la tempête d'une violence extrême qui s'est abattue sur
le port de Loctudy dans la nuit du 20 décembre 1998, détruisant toute la
flottille des bateaux de pêche et endommageant les navires de plaisance. Le
fait que la tempête soit depuis 1990 un événement naturel assurable ne saurait
dispenser l'Etat de toute intervention dès lors qu'on est en présence d'un
agent naturel d'intensité anormale. Reconnaître à titre exceptionnel le
caractère de catastrophe naturelle à la tempête du 20 décembre 1998 - comme ce
fut le cas pour celle d'octobre 1987 restée dans beaucoup de mémoires -
permettrait d'indemniser les dommages matériels et immatériels subis au-delà de
la couverture des risques déjà prévue contractuellement pour les véhicules
maritimes.
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 26 janvier 1999
SCRUTIN (n° 65)
sur le sous-amendement n° 2, présenté par M. Christian Bonnet, à l'amendement
n° 1, rectifié par M. Guy Cabanel au nom de la commission des lois, tendant à
une nouvelle rédaction de l'article unique du projet de loi constitutionnelle,
adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité entre les femmes et les
hommes (suppression de la référence au financement des partis
politiques).
Nombre de votants : | 243 |
Nombre de suffrages exprimés : | 235 |
Pour : | 83 |
Contre : | 152 |
(Chiffres établis après pointage).
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
2. _ MM. Paul Girod et Jacques Pelletier.
Contre :
16.
Abstentions :
2. _ MM. Fernand Demilly et Georges Mouly.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. François Abadie et Jacques
Bimbenet.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
19. _ M. Dominique Braye, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel
Caldaguès, Charles Ceccaldi-Raynaud, Jean Chérioux, Désiré Debavelaere,
Philippe de Gaulle, François Gerbaud, Georges Gruillot, André Jourdain, Gérard
Larcher, Patrick Lassourd, Guy Lemaire, Serge Lepeltier, Paul Natali, Paul
d'Ornano, Jean-Jacques Robert, Louis Souvet et Alain Vasselle.
Contre :
26. _ MM. Pierre André, Gérard Braun, Auguste Cazalet,
Jean-Patrick Courtois, Xavier Darcos, Jean-Paul Delevoye, Michel Doublet,
Daniel Eckenspieller, Michel Esneu, Philippe François, Francis Giraud, Daniel
Goulet, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Roger Husson, Alain Joyandet, Lucien
Lanier, René-Georges Laurin, Dominique Leclerc, Paul Masson, Lucien Neuwirth,
Jacques Oudin, Alain Peyrefitte, Michel Rufin, René Trégouët et Maurice
Ulrich.
Abstentions :
2. _ MM. Yann Gaillard et Jean-Pierre Schosteck.
N'ont pas pris part au vote :
52.
Dont M. Christian Poncelet, président du Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
20.
Contre :
12. _ MM. Jean-Paul Amoudry, Claude Belot, Didier Borotra,
Jean-Guy Branger, Marcel Deneux, Pierre Fauchon, Yves Fréville, Francis
Grignon, Marcel Henry, Jean Huchon, Jean-Jacques Hyest et Philippe Richert.
Abstentions :
4. _ MM. Maurice Blin, Jean Faure, Rémi Herment et
Michel Mercier.
N'ont pas pris part au vote :
16. _ MM. Philippe Arnaud, Bernard
Barraux, Jacques Baudot, Michel Bécot, Mme Annick Bocandé, MM. André Bohl,
André Dulait, Daniel Hoeffel, Claude Huriet, Alain Lambert, Henri Le Breton,
Marcel Lesbros, Kléber Malécot, René Marquès, René Monory et Philippe
Nogrix.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
36.
Contre :
4. _ Mme Janine Bardou, MM. Jean-Philippe Lachenaud, Jacques
Larché et Michel Pelchat.
N'ont pas pris part au vote :
7. _ MM. Jean Boyer, Charles-Henri de
Cossé-Brissac, Jacques Dominati, Serge Mathieu, Philippe Nachbar, Jean Puech et
Jean-Pierre Raffarin.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
6.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Gérard Delfau.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Jean-Paul Bataille
Jean Bernadaux
Daniel Bernardet
Christian Bonnet
James Bordas
Joël Bourdin
Louis Boyer
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Michel Caldaguès
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Charles Ceccaldi-Raynaud
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Jean Delaneau
Gérard Deriot
André Diligent
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
André Ferrand
Alfred Foy
Serge Franchis
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
François Gerbaud
Paul Girod
Louis Grillot
Georges Gruillot
Anne Heinis
Pierre Hérisson
Jean-François Humbert
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
André Jourdain
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Jean-Louis Lorrain
Roland du Luart
Jacques Machet
André Maman
Louis Mercier
Louis Moinard
Paul Natali
Paul d'Ornano
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Henri de Raincourt
Charles Revet
Henri Revol
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Bernard Seillier
Michel Souplet
Louis Souvet
Henri Torre
François Trucy
Alex Türk
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Ont voté contre
Guy Allouche
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Janine Bardou
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Didier Borotra
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Robert Bret
Guy-Pierre Cabanel
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Jean-Pierre Demerliat
Marcel Deneux
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Michel Esneu
Claude Estier
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Francis Giraud
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Marcel Henry
Roger Hesling
Jean Huchon
Roland Huguet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
Alain Journet
Alain Joyandet
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Lucien Lanier
Jacques Larché
Dominique Larifla
René-Georges Laurin
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Paul Masson
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Lucien Neuwirth
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Guy Penne
Daniel Percheron
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Philippe Richert
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
Maurice Ulrich
André Vallet
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
MM. Maurice Blin, Fernand Demilly, Jean Faure, Yann Gaillard, Rémi Herment,
Michel Mercier, Georges Mouly et Jean-Pierre Schosteck.
N'ont pas pris part au vote
François Abadie
Louis Althapé
Philippe Arnaud
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Jean Bernard
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Annick Bocandé
André Bohl
Jean Boyer
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Gérard César
Jacques Chaumont
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Charles de Cuttoli
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Gérard Delfau
Jacques Delong
Christian Demuynck
Charles Descours
Jacques Dominati
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Patrice Gélard
Alain Gérard
Charles Ginésy
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Daniel Hoeffel
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Christian de La Malène
Alain Lambert
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Jacques Legendre
Marcel Lesbros
Simon Loueckhote
Kléber Malécot
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Serge Mathieu
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
René Monory
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Charles Pasqua
Jacques Peyrat
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Victor Reux
Henri de Richemont
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Martial Taugourdeau
Jacques Valade
Serge Vinçon
Guy Vissac
N'a pas pris part au vote
M. Christian Poncelet, président du Sénat.
SCRUTIN (n° 66)
sur l'amendement n° 1 rectifié, tendant à une nouvelle rédaction de l'article
unique constituant l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, adopté par
l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes
(modification de l'article 4 de la Constitution).
Nombre de votants : | 306 |
Nombre de suffrages exprimés : | 276 |
Pour : | 163 |
Contre : | 113 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
12.
Contre :
3. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer et Yvon Collin.
Abstentions :
4. _ MM. Fernand Demilly, Paul Girod, Lylian Payet et
Jacques Pelletier.
N'ont pas pris part au vote :
3. _ MM. François Abadie, Jacques
Bimbenet et Georges Mouly.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
83.
Contre :
4. _ MM. Michel Barnier, Jacques Chaumont, Serge Lepeltier et
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Abstentions :
4. _ MM. Yann Gaillard, Emmanuel Hamel, Jean-François Le
Grand et Alain Vasselle.
N'ont pas pris part au vote :
8. _ MM. Christian Poncelet, président du
Sénat, Hubert Haenel, Patrick Lassourd, Simon Loueckhote, Philippe Marini,
Bernard Murat, Charles Pasqua et Yves Rispat.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
42.
Contre :
4. _ MM. Didier Borotra, Serge Franchis, Pierre Jarlier et
Jean-Marie Poirier.
Abstentions :
2. _ MM. Jacques Baudot et André Diligent.
N'ont pas pris part au vote :
4. _ MM. Daniel Bernardet, Daniel
Hoeffel, Alain Lambert et Henri Le Breton.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
22.
Contre :
6. _ Mme Janine Bardou, MM. Joël Bourdin, Marcel-Pierre
Cleach, Jacques Dominati, Jean-Philippe Lachenaud et Michel Pelchat
Abstentions :
19. _ MM. Nicolas About, José Balarello, Jean-Paul
Bataille, Christian Bonnet, Louis Boyer, Jean-Claude Carle, Jean Clouet, Jean
Delaneau, Jean-Léonce Dupont, Mme Anne Heinis, MM. Jean-François Humbert,
Roland du Luart, Philippe Nachbar, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Guy
Poirieux, Jean-Pierre Raffarin, Henri de Raincourt et Charles Revet.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
4.
Contre :
2. _ MM. Gérard Delfau et Alex Türk.
Abstention :
1. _ M. Alfred Foy.
Ont voté pour
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
René Ballayer
Bernard Barraux
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Roger Besse
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
James Bordas
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jean Chérioux
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Janine Bardou
Michel Barnier
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Marcel-Pierre Cleach
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Franchis
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jarlier
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Serge Lepeltier
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Michel Pelchat
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Jean-Marie Poirier
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Alex Türk
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
Nicolas About
José Balarello
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Christian Bonnet
Louis Boyer
Jean-Claude Carle
Jean Clouet
Jean Delaneau
Fernand Demilly
André Diligent
Jean-Léonce Dupont
Alfred Foy
Yann Gaillard
Paul Girod
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Jean-François Humbert
Jean-François Le Grand
Roland du Luart
Philippe Nachbar
Lylian Payet
Jacques Pelletier
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Guy Poirieux
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Charles Revet
Alain Vasselle
N'ont pas pris part au vote
François Abadie
Daniel Bernardet
Jacques Bimbenet
Hubert Haenel
Daniel Hoeffel
Alain Lambert
Patrick Lassourd
Henri Le Breton
Simon Loueckhote
Philippe Marini
Georges Mouly
Bernard Murat
Charles Pasqua
Yves Rispat
N'a pas pris part au vote
M. Christian Poncelet, président du Sénat.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 307 |
Nombre de suffrages exprimés : | 277 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 139 |
Pour l'adoption : | 164 |
Contre : | 113 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.