Séance du 20 janvier 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi d'orientation agricole. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 1 ).
Discussion générale (suite) : MM. Georges Mouly, Gérard César, Marcel Vidal, Marcel Deneux, Ambroise Dupont, Paul Girod, Philippe François, André Lejeune.

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

3. Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes (p. 2 ).
MM. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des comptes ; le président, Alain Lambert, président de la commission des finances.

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

4. Loi d'orientation agricole. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 3 ).
Discussion générale (suite) : M. Bernard Barraux, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Joly, Jean Bizet, Mme Yolande Boyer.

Suspension et reprise de la séance (p. 4 )

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

MM. Louis Moinard, Yvon Collin, Alain Vasselle, Pierre-Yvon Trémel, Henri de Richemont, Paul Raoult, Gérard Cornu, Bernard Piras, René-Pierre Signé.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 5 )

M. Aymeri de Montesquiou.
Amendements n°s 595 de la commission, 153 rectifié de M. César, 379, 380 de M. Pastor, 447, 448 de M. Le Cam, 496 de M. Herment, 532 à 534 de M. Deneux, 501 rectifié à 503 rectifié de Mme Bardou et 444 de M. Legrand. - MM. Michel Souplet, rapporteur de la commission des affaires économiques ; le ministre, Jean-Marc Pastor.

Suspension et reprise de la séance (p. 6 )

Modification de l'amendement n° 595. - M. le rapporteur. - Retrait des amendements n°s 379, 496, 533, 534, 501 rectifié, 380 et 532.
MM. Gérard César, Gérard Le Cam, Mme Janine Bardou, M. Jean Bizet. - Retrait de l'amendement n° 503 rectifié.
Sous-amendement n° 600 de M. Vasselle à l'amendement n° 595 rectifié. - MM. Alain Vasselle, le rapporteur. - Modification de l'amendement n° 595 rectifié, le sous-amendement n° 600 devenant sans objet.
MM. le rapporteur, le ministre, Michel Charasse, au nom de la commission des finances. - Irrecevabilité des amendements n°s 153 rectifié, 448 et 444 ; adoption de l'amendement n° 595 rectifié bis rédigeant l'article, les amendements n°s 447 et 502 rectifié devenant sans objet.

Articles additionnels après l'article 1er (p. 7 )

Amendement n° 419 de M. Deneux. - Retrait.
Amendement n° 449 de M. Le Cam. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 1er bis (p. 8 )

Amendements n°s 154 de M. César, 1 de la commission et sous-amendements n°s 450 de M. Le Cam et 156 de M. César ; amendements n°s 552 du Gouvernement, 155 de M. César et 420 de M. Amoudry. - MM. Gérard César, le rapporteur, Gérard Le Cam, le ministre, Jean-Paul Amoudry. - Retrait de l'amendement n° 154 ; rejet du sous-amendement n° 450 ; adoption du sous-amendement n° 156 et de l'amendement n° 1 modifié ; les amendements n°s 552, 155 et 420 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels avant l'article 1er ter (p. 9 )

Amendement n° 129 de M. Leclerc, rapporteur pour avis, et sous-amendement n° 326 rectifié de M. Vasselle. - MM. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales ; Alain Vasselle, le rapporteur, le ministre, Michel Charasse, au nom de la commission des finances. - Irrecevabilité de l'amendement et du sous-amendement.
Amendement n° 418 de M. Deneux. - Retrait.
Renvoi de la suite de la discussion.

5. Communication de l'adoption définitive de propositions d'acte communautaire (p. 10 ).

6. Dépôt de projets de loi (p. 11 ).

7. Dépôt d'une proposition de loi (p. 12 ).

8. Dépôt de rapports (p. 13 ).

9. Ordre du jour (p. 14 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE

Suite de la discussion d'un projet de loi,
déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 18, 1998-1999) d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence. [Rapport n° 129 ; avis n°s 132 et 151 (1998-1999).]
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est une évidence, la discussion de ce projet de loi représente un moment de première importance pour l'agriculture française - qui est une part essentielle de l'économie du pays - mais aussi, me semble-t-il, pour une possible meilleure harmonie de notre société.
Longue série que celle des lois agricoles, vous l'avez rappelé hier, monsieur le ministre. Et après bien d'autres, ce projet de loi voulu hier et présenté aujourd'hui prend sa place à l'heure des changements entraînés par la mondialisation et qui font obligation à l'agriculture, pour le moins me semble-t-il, de disposer de points de repère.
Ces points de repère sont bien nécessaires dans le contexte européen, vous l'avez aussi rappelé, monsieur le ministre ; avec les difficiles négociations sur Agenda 2000, sur les fonds structurels entre autres. Vous avez souligné que vous aviez énoncé quelques idées simples avec une fermeté dont nous souhaitons qu'elle perdure.
Les points de repère sont nécessaires aussi dans l'optique de liens sociaux, je l'ai dit, qui doivent être renforcés entre les agriculteurs - ils sont trop souvent perçus comme les bénéficiaires de primes diverses, d'indemnités variées - et une grande partie de la société. J'ai bien entendu vos conclusions à cet égard, monsieur le ministre, à savoir une réorientation des aides, une aide à la personne et à l'exploitation. En résumé, il s'agit, me semble-t-il, de faire preuve de transparence et de moralisation.
Une première mesure apaisante à mes yeux va dans ce sens ; c'est la proposition de la commission des affaires économiques de supprimer l'article 6, dont on a pu découvrir sur le terrain combien il était source de conflit - conflit dont l'importance m'a surpris, je ne saurais le cacher - entre l'agriculture et le secteur de l'artisanat. Cette opposition est paradoxale : on a l'impression de deux lectures différentes d'un même texte ! Il me semble qu'une réflexion s'impose, car il y a là un problème que l'on ne peut éluder.
Une autre mesure est susceptible de favoriser la compréhension entre les catégories sociales. Certes, c'est une question très ponctuelle, mais elle est sensible sur le terrain : c'est la nécessaire réciprocité en matière de construction de locaux d'habitation ou professionnels à proximité de bâtiments agricoles.
Le contrat territorial d'exploitation, qui est une pièce essentielle du projet de loi, peut-il contribuer, lui aussi, à une amélioration des relations sociales ? Certes, ce n'est pas sa première raison d'être, mais ce peut être le cas, me semble-t-il, s'il s'agit de faire en sorte que le contenu du contrat proposé aux agriculteurs soit effectivement en relation avec les situations spécifiques qui existent dans les différentes petites régions agricoles. Autrement dit, il faut éviter le monolithisme, que vous condamniez hier, monsieur le ministre.
Le contrat territorial d'exploitation suscite bien souvent une grande attente, et il serait regrettable qu'il soit un échec. Il ne faudrait pas que les objectifs affichés, à savoir l'emploi, l'occupation équilibrée du territoire, la préservation des ressources naturelles, et surtout une agriculture productrice de valeur ajoutée - aspect qu'il n'est pas question de nier, avez-vous dit, monsieur le ministre - soient fâcheusement freinés par un alourdissement excessif des procédures - on a pu parler ici ou là de « contrats suradministrés » - et par un renforcement excessif du nécessaire contrôle des structures.
Surtout, il ne faut pas que fassent défaut les financements nécessaires. Tous nos interlocuteurs insistent sur ce point. A cet égard, ces derniers expriment une crainte fondamentale, car il est vrai que l'absence de financement au montant nécessaire peut être cause d'un échec regrettable.
Comment ne pas noter de ce point de vue le ferme espoir que nous avons - l'expression est faible - qu'il ne sera pas fait appel aux collectivités locales pour le financement ?
Le contrat territorial d'exploitation soulève une grande attente que l'on ne saurait décevoir, pour peu aussi, que, comme le propose la commission saisie au fond, soient bien circonscrits sa teneur et son champ d'action, ce qui n'exclut pas une nécessaire souplesse permettant une adaptation à la diversité. Comme vous l'avez dit hier encore, monsieur le ministre : vous avez bien l'intention de tirer le meilleur parti de ce qui se sera passé dans la phase de préfiguration.
Le temps qui m'est imparti ne me permet pas d'évoquer bien d'autres aspects d'un projet de loi dont je redis l'importance. Je me contenterai donc de mettre l'accent sur deux points qui soulèvent des difficultés dans ma région : la politique de la montagne et l'installation des jeunes.
Dans une réponse récente à une question écrite concernant la politique de la montagne vous me rappeliez la position de la Cour de justice des Communautés européennes et vous me donniez rendez-vous à la présentation du texte en discussion aujourd'hui.
Lors du CIAT du 15 décembre dernier, le Gouvernement a manifesté son intention de remobiliser les moyens et les instruments spécifiques à la politique de la montagne.
Si la création d'une interprofession de la montagne peut constituer un outil important, je ne suis pas persuadé - c'est l'autre aspect des choses - que l'utilisation de matières premières provenant d'autres Etats de l'Union pour l'élaboration de produits transformés satisfasse grand monde.
Par ailleurs, il convient que l'objectif environnemental ne prenne pas le pas sur le caractère économique. C'est là une question de fond.
Vous avez déclaré hier qu'il n'était pas question de nier cet aspect. J'y reviens cependant aujourd'hui parce que le risque est réel, en zone de montagne plus qu'ailleurs.
Il faut faire en sorte que des moyens soient donnés pour faire face aux problèmes, tenant aux bâtiments d'élevage, à la mécanisation et à la collecte laitière. C'est particulièrement en zone de montagne.
Est-il besoin d'insister sur la difficulté de maintenir une agriculture compétitive dans les zones défavorisées ? La dotation aux jeunes agriculteurs, diluée dans celles qui sont accordées en plaine, n'a-t-elle pas perdu de son intérêt ?
Pourtant, dans les régions où la tradition le dispute fortement à la modernité, où les situations sont très diverses, c'est la venue de jeunes qui pourra confirmer la notion d'entrepreneur.
M. Gérard César. Ah oui !
M. Georges Mouly. Je ne saurais traiter de l'ensemble des mesures proposées.
Je note qu'en faveur des jeunes, vous avez parlé hier, monsieur le ministre, d'une politique ambitieuse et de dispositifs efficaces. Nous jouons là une partie essentielle et capitale. Chacun souhaite que les jeunes ne soient pas déçus ; ils sont l'avenir.
Je souhaite que cet avenir, nous le bâtissions, comme l'a dit M. François-Poncet, à partir de l'excellent travail de la commission des affaires économiques en particulier, mais aussi de la commission des affaires culturelles et de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. Je tiens tout d'abord à féliciter notre collègue M. Michel Souplet pour la qualité de son rapport et la pertinence de ses observations.
Vous avez en effet su, monsieur le rapporteur, parfaitement souligner les insuffisances de certaines dispositions du texte ainsi que le renforcement excessif du contrôle des structures et les carences stratégiques de ce projet de loi. Par carence stratégique, j'entends aussi financement du CTE, mais le président Jean François-Poncet l'a lui-même souligné hier.
Aussi, l'ensemble des propositions que notre groupe présentera au cours de cette discussion, loin de remettre en cause votre démarche, monsieur le ministre, renforcera le dispositif que vous préconisez dans l'intérêt des agriculteurs.
L'agriculture française doit aujourd'hui se donner les moyens de répondre à des enjeux fondamentaux : signature des futurs contrats de plan Etat-région, réforme de la politique agricole commune et des fonds structurels européens, future organisation mondiale du commerce.
Comme le Président de la République l'a exprimé, à l'occasion de sa rencontre avec la profession agricole à Aurillac, le 2 octobre 1998, l'objectif pour notre pays doit être de défendre et de promouvoir son modèle agricole.
Cet objectif de promotion du modèle agricole est essentiel lorsque l'on sait que le secteur agricole gère encore 85 % de notre territoire, que le nombre total d'emplois induits par l'agriculture est de près de 3,5 millions, ou encore que le secteur agroalimentaire est celui qui enregistre le plus important excédent commercial cette année avec 64 milliards de francs.
Premier exportateur mondial de produits agricoles transformés et deuxième exportateur mondial de produits agricoles, notre pays doit continuer à s'appuyer sur la vocation économique de son agriculture, qui est la seule garantie d'une valorisation concrète et durable de notre espace agricole, de la préservation et de la création d'un maximum d'emplois en milieu rural.
Le modèle agricole français des vingt prochaines années sera donc la résultante des grands choix stratégiques qui doivent être définis aujourd'hui.
Or, le projet de loi d'orientation agricole que vous nous proposez, monsieur le ministre, loin de répondre à cette attente, fonctionnarise notre agriculture et suradministre le secteur agricole français, alors même que tous les pays européens ont rompu avec ce désastreux modèle.
Ce constat est d'autant plus déplorable qu'il ne pourra faire l'objet d'un débat approfondi au Parlement puisque, une fois de plus, le Gouvernement a déclaré d'urgence ce projet de loi.
L'ossature de ce texte, le contrat territorial d'exploitation, crée un véritable lien de subordination entre l'Etat et les agriculteurs. De chef d'entreprise responsable et innovant, l'agriculteur français devient un contractuel de l'administration devant répondre impérativement à des contraintes sociales et environnementales.
A ce titre, le Sénat et le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan du budget de l'agriculture que je suis ont déjà pu constater que le budget de l'agriculture pour l'année 1999 confirme cette orientation du Gouvernement, puisque les 300 millions de francs inscrits pour ces contrats sont obtenus par des redéploiements budgétaires aboutissant à vider les chapitres réservés au fonds de gestion de l'espace rural, aux opérations groupées d'aménagement foncier, aux offices agricoles ou encore au fonds d'installation en agriculture, c'est-à-dire aux prêts aux jeunes agriculteurs.
Par cette façon de procéder, le Gouvernement manifeste clairement l'intérêt qu'il porte à l'agriculture française, puisqu'il déshabille Pierre pour habiller Paul. En effet, dans le même temps, et pour les trente-cinq heures, il débloque 750 millions de francs en faveur d'EDF et de GDF !
Il faut également nous indiquer, monsieur le ministre, les actions qui seront amputées au bénéfice de ces contrats et mesurer toutes les conséquences de cette opération idéologique. Celle-ci est, en définitive, un piège pour la profession, car les moyens financiers ne pourront pas suivre et les agriculteurs trompés par le mirage du CTEI vivront des désillusions. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Cornu. Très bien !
M. Gérard César. En effet, si l'on réduit le budget des offices, il faut que les agriculteurs sachent qu'on affaiblit les capacités de soutien à l'organisation des filières et à la compétitivité des entreprises. De même, en ponctionnant sur les crédits d'installation, on porte atteinte à une politique au moment où elle donne des résultats encourageants.
Je me permets d'ailleurs de vous rappeler que, de 1994 à 1997, grâce à une politique volontariste du gouvernement précédent, les installations ont connu une évolution de près de 25 %. Or, aujourd'hui, elles affichent, et ce depuis août 1997, une chute inquiétante de 10 %.
D'ailleurs, juste après votre nomination, monsieur le ministre, vous avez refusé - ce que je comprends compte tenu des calendriers - de vous expliquer sur ce constat et d'exposer votre position lors de la séance des questions au Gouvernement, le 27 octobre 1998, à l'Assemblée nationale.
En outre, vous vous êtes contenté, lors de vos auditions devant les commissions permanentes du Sénat et de l'Assemblée nationale, d'annoncer qu'un bilan serait dressé à la fin de l'année dernière. Or, à ce jour, aucun bilan n'a toujours été dressé. J'espère donc, monsieur le ministre, qu'au cours de ce débat sur le projet de loi d'orientation vous répondrez à ces questions importantes pour l'avenir de l'agriculture.
Ensuite, monsieur le ministre, vous comptez sur les futurs contrats de plan Etat-région pour financer les CTE. Là aussi, cette ponction s'effectuera au détriment des actions mises en oeuvre par les collectivités territoriales et locales en faveur des agriculteurs et du développement économique du secteur agricole.
La vocation économique de notre agriculture est clairement ignorée.
Enfin, vous comptez sur des transferts de crédits européens. Vous semblez accepter ainsi une modulation des aides européennes afin d'en affecter une partie à ces contrats, mais reste il bien sûr, vous le savez bien, à connaître l'avis de nos partenaires européens. Or il n'est pas certain, selon moi, que les Allemands, qui donnent plus qu'ils ne reçoivent pour la PAC, acceptent de payer pour les contrats territoriaux d'exploitation français.
Toutefois, à supposer qu'ils soient d'accord, notre agriculture risque alors de tomber dans un piège redoutable dont vous semblez avoir sous-estimé les dangers. Ce piège n'est autre que la renationalisation de la PAC, dont le grand perdant serait l'agriculteur français, une renationalisation à laquelle le groupe du RPR est farouchement opposé.
Par cette démarche, le Gouvernement place la France hors du jeu des négociations européennes et internationales et en position de faiblesse face à ses concurrents.
M. Auguste Cazalet. Bravo !
M. Gérard César. Pour hâter la socialisation de notre agriculture, on propose, sans attendre le vote de cette loi, et par l'intermédiaire du représentant de l'Etat dans chaque département, c'est-à-dire le préfet, de mettre en place les contrats territoriaux d'exploitation, en retenant leur cahier des charges, en préaffectant les crédits alloués par la dernière loi de finances et en élaborant un programme de mise en oeuvre pour cette année.
Je peux le confirmer, monsieur le ministre, parce que, il y a quelques jours, j'ai vu une circulaire de l'ANDA qui prévoit, sans attendre le vote de la loi, de mettre en place dans chaque département des aides, des cahiers des charges. A quoi sert le Parlement si les circulaires sont envoyées avant le vote de la loi. S'il en est ainsi, il n'y a plus besoin de Parlement, il n'y a qu'à faire uniquement des règlements administratifs. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Cette socialisation de notre agriculture s'affirme également par un renforcement drastique du contrôle des structures, allant jusqu'à mettre en place l'autorisation administrative d'exploitation préalable pour un fils qui reprend l'entreprise agricole familiale.
Non seulement ce dispositif porte atteinte au droit de la propriété, mais il stoppe également l'incitation à la transmission et à l'installation des jeunes. Je m'interroge d'ailleurs sur le fait de savoir si cette disposition est conforme au droit civil. La commission des lois du Sénat pourrait être saisie de cette affaire.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR propose au Sénat trois grandes modifications.
Tout d'abord, au contrat territorial d'exploitation, qui cantonne l'agriculteur français au rôle de jardinier de l'espace, notre groupe oppose un contrat d'entreprise agricole, qui replace la vocation économique de notre agriculture au centre de la politique agricole commune.
D'ailleurs Mme Lambert, qui siégeait au banc de la commission hier après-midi, a souhaité l'institution d'un contrat territorial d'entreprise. Etait-ce un lapsus ?...
M. Raymond Courrière. Bien sûr !
M. Gérard César. Cela m'étonnerait ! J'imagine plutôt que les anciens du SNJA sont prêts à approuver la proposition du groupe du RPR sur le contrat d'entreprise agricole.
M. Philippe François. Vous désavouez Mme Lambert !
M. Raymond Courrière. Pas du tout, mais vous, vous voulez faire disparaître les agriculteurs !
M. Gérard César. Reconnus comme des chefs d'entreprise responsables, les agriculteurs pourront souscrire un contrat d'entreprise agricole, dont l'objectif est de développer un projet économique global. Ce contrat concerne la production agricole et comporte un ensemble d'engagements portant sur les orientations de production de l'exploitation et sur la contribution de l'activité de l'exploitation à la vie et au développement du tissu rural, dans le prolongement de l'activité agricole.
Le contrat d'entreprise agricole tend ainsi à lier les deux fonctions de l'agriculture : produire et conserver le territoire.
M. Raymond Courrière. Produire à bas prix, selon vous !
M. Gérard César. Un agriculteur, c'est d'abord et avant tout un producteur. C'est parce qu'il produit qu'il contribue à l'entretien et au développement de notre patrimoine rural et qu'il fait vivre nos campagnes.
M. Philippe François. Très juste !
M. Gérard César. Ensuite, à des aides financières qui sont conditionnées par la signature du contrat territorial d'exploitation ou par des impératifs environnementaux, chers à Mme Voynet, ou sociaux, notre groupe oppose un volet fiscal qui transforme l'exploitation agricole en entreprise agricole et qui encourage l'installation, la transmission et l'investissement.
Nous proposons, notamment, de créer un bail d'entreprise qui serait cessible, un fonds agricole qui transpose en agriculture le fonds de commerce, un dispositif qui applique un abattement sur la plus-value de cession dans le cas d'une transmission d'entreprise agricole, ou encore d'étendre le taux de 0,60 % des transactions foncières à l'ensemble du territoire et non plus aux seules zones de développement prioritaire.
En outre, nous proposons que l'aide financière de l'Etat aille en priorité à l'installation des jeunes agriculteurs, à la modernisation, au regroupement, à la reconversion partielle ou totale des entreprises en vue d'en améliorer la viabilité, à la création et au développement d'entreprises agricoles à responsabilité personnelle, qui contribuent au développement local, à la reconnaissance de l'exploitation agricole en tant qu'entreprise agricole et à l'adaptation du système d'exploitation aux exigences économiques du marché.
Ce volet fiscal tend ainsi à libérer les énergies et à favoriser les initiatives. (M. Courrière proteste.)
Enfin, à un renforcement drastique du contrôle des structures, qui concerne les installations, les agrandissements et les cessions d'entreprises agricoles, notre groupe oppose un système adapté et assoupli.
Nous proposons ainsi que le critère de détermination de l'unité de référence soit constitué par le résultat brut d'exploitation départementale à l'hectare, comme pour la détermination du prix du fermage, que le seuil fixé par le schéma départemental des structures soit compris entre une fois et trois fois l'unité de référence, que le contrôle soit limité au sein des sociétés agricoles à l'installation et au départ d'associés exploitants et que la transmission des exploitations familiales soit protégée.
Sur ce dernier point, le dispositif s'inspire de la loi de 1996 relative aux sociétés anonymes et rend libres les cessions et les transmissions entre conjoints, ascendants et descendants, jusqu'au quatrième degré, pour les entreprises dont la superficie est inférieure à un seuil de trois fois l'unité de référence.
Ce système assoupli et adapté tend ainsi à fonder le contrôle des structures sur une approche économique.
Par ailleurs, je me permets d'appeler l'attention du Gouvernement sur l'impérieuse nécessité de revaloriser définitivement les retraites agricoles - tous mes collègues sont intervenus en ce sens - pour toutes les catégories, que ce soient les chefs d'exploitation, les veufs et les veuves, les aides familiaux et les conjoints d'exploitants agricoles, afin que le minimum de retraite soit progressivement porté à 75 % du SMIC net au 30 juin 2002, c'est-à-dire à la fin de la législature.
Une attention toute particulière doit être consacrée aux mesures envisagées pour revaloriser plus rapidement les plus faibles pensions afin que celles-ci puissent bénéficier de cette mesure dès le 1er janvier 2000.
M. Raymond Courrière. Et Juppé qu'avait-il fait ?
M. Gérard César. Il les avait augmentées, mon cher collègue ! (Exclamations sur les travées socialistes.) Eh oui !
Le gouvernement actuel les a également augmentées ; il faut le reconnaître ; chacun a fait un effort, mais il reste beaucoup à faire !
M. Raymond Courrière. On ne dit pas la même chose quand on est au pouvoir et quand on est dans l'opposition !
M. Gérard César. Nous l'avions dit aussi et M. Juppé l'a fait en matière de retraites agricoles !
M. Raymond Courrière. On nous a vu au pouvoir ! C'est facile... la démagogie.
M. le président. Mes chers collègues, le débat étant organisé, il ne peut y avoir ni interruption ni interpellation ! Chacun doit respecter l'orateur qui s'exprime. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Gérard César. Je vous remercie, monsieur le président.
Une attention particulière - j'insiste sur ce point car il est important - doit être consacrée aux mesures envisagées pour revaloriser les retraites agricoles. Cette décision doit être prise sans plus tarder quand on sait que ces retraites sont les plus faibles de toutes les catégories sociales ; 90 % d'entre elles se situent en effet au-dessous de 3 000 francs par mois.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Gérard César. En outre, la retraite des non-salariés agricoles repose aujourd'hui sur un équilibre fragile. A l'instar des autres catégories professionnelles, il est urgent d'envisager, sur la base d'études plus approfondies et selon les souhaits exprimés par la profession, l'instauration d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour cette catégorie.
Je terminerai mon propos en insistant sur la nécessaire mise en place d'un véritable mécanisme d'assurance récoltes permettant aux entreprises agricoles de se prémunir efficacement contre les risques climatiques et économiques. Je laisse à mes collègues le soin de développer d'autres points du projet.
En effet, plutôt que de présenter au Parlement un énième rapport sur cette question plus ou moins suivi d'effets, il est préférable de lui soumettre rapidement un mécanisme qui s'inspire des systèmes comparables outre-Atlantique, au Canada ou aux Etats-Unis, et qui s'articule avec le régime actuellement en vigueur des calamités agricoles, c'est-à-dire la loi de 1964, que nous connaissons bien les uns et les autres. J'ai d'ailleurs souligné, à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 1999, que le fonds des calamités n'était pas alimenté.
Pour conclure, je tiens à dire que toutes ces propositions du groupe du RPR constituent l'affirmation de la double vocation de notre agriculture, une agriculture économique, d'entreprise, territoriale, productive, humaine et sociale. Elles s'opposent à un texte gouvernemental qui nie l'une des deux vocations de notre modèle agricole, sa vocation économique.
Or, comme l'a dit le Président de la République, « notre agriculture ne peut s'abstraire des réalités économiques... Pour que notre agriculture joue un rôle majeur en Europe et dans le monde et pour qu'elle garde à notre pays, dans chacune de nos régions, cet art de vivre qui nous est tant envié par ailleurs, il faut lui donner les perspectives que mérite une grande ambition ».
Il faut bien le reconnaître, ces perspectives ne sont pas tracées dans le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui.
Mes chers collègues, dans un environnement international et communautaire grevé d'incertitudes, il est pourtant devenu impératif de doter notre agriculture, en perpétuelle mutation, des instruments nécessaires pour lui permettre de répondre pleinement à cette ambition affirmée par le Président de la République.
Ce n'est malheureusement pas votre priorité, monsieur le ministre, et je le regrette. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur César, vous avez légèrement dépassé le temps de parole qui vous était imparti.
Plusieurs sénateurs du RPR. C'est parce qu'il a été interrompu !
M. le président. J'appelle l'ensemble des orateurs inscrits à ne pas trop abuser de la bienveillance du président !
M. Gérard César. Je vous remercie, monsieur le président.
M. le président. La parole et à M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre agriculture doit répondre aujourd'hui à un triple défi : économique, social et environnemental.
Après la formidable mutation engagée à partir de 1960, alors que les exigences de modernisation et de productivité primaient sur toutes les autres considérations, nous devons définir, pour le prochain millénaire, un nouveau contrat entre la nation et l'agriculture.
Car si la France est aujourd'hui la première puissance agricole de l'Union européenne et le deuxième exportateur mondial, elle a perdu, au cours des quarante dernières années, 4 millions d'actifs agricoles, avec toutes les conséquences que nous connaissons sur les plans humain et social, mais aussi toutes les répercussions en matière d'aménagement du territoire ou de gestion et d'entretien des espaces naturels.
A la veille de la réforme de la politique agricole commune et des négociations de l'organisation commune des marchés, il était donc indispensable et pertinent d'anticiper sur ces deux échéances en fixant un cadre rénové et ambitieux pour notre agriculture, tout en préservant sa spécificité.
Les contrats territoriaux d'exploitation que définit la loi d'orientation sont, à juste titre, la parfaite démonstration de cette volonté d'innovation, qui suppose de concilier des objectifs de production à forte valeur ajoutée avec des activités et des services non marchands dans les domaines de l'environnement et de l'occupation du territoire.
C'est donc bien une nouvelle approche de la politique agricole que vous nous proposez, monsieur le ministre, en fixant à notre agriculture un rôle essentiel dans les échanges mondiaux, mais aussi en redonnant aux exploitants agricoles une vocation de gardiens et de gestionnaires des espaces sensibles.
Cette conception selon laquelle l'agriculture de notre pays a pour vocation de répondre à des besoins alimentaires internationaux tout en favorisant la création d'exploitations, selon laquelle le respect de l'environnement et la mise en valeur du territoire sont aussi importants que la qualité et le coût des productions, nous la partageons pleinement.
Pour ma part, j'insisterai sur deux points : l'importance de l'installation des jeunes agriculteurs et le rôle de l'enseignement agricole.
Ce projet de loi introduit une disposition importante dans ce domaine en permettant une installation progressive des jeunes qui, pour des raisons financières ou techniques, se voyaient dans l'obligation de renoncer à un projet professionnel.
C'est là, monsieur le ministre, une véritable innovation de nature à desserrer l'étau qui bloquait de nombreux candidats à l'installation ; mais il faudra par ailleurs s'assurer de la nécessaire évolution des missions des SAFER, notamment de leur rôle d'attribution des terres qui, il faut bien le reconnaître, ne reflétait pas toujours la diversité des candidats à l'installation selon les régions.
Enfin, il conviendra d'encourager aussi les organismes bancaires, notamment le Crédit agricole, à être de véritables partenaires financiers de ces projets d'installation, non seulement par une politique incitative des taux d'emprunt, mais aussi par un renforcement des fonds d'installation des jeunes agriculteurs, et, dans ce domaine, l'Etat a un rôle important à jouer.
Cette politique d'installation serait vaine, si elle ne s'accompagnait pas d'une modernisation des outils de formation.
Ce projet de loi d'orientation, qui comporte un très important chapitre relatif à l'enseignement, à la recherche et à la formation, ouvre des perspectives nouvelles en reconnaissant, pour la première fois, dans le champ de compétence de cet enseignement, les métiers de la forêt ou de l'aquaculture ainsi que toutes les activités liées à l'aménagement de l'espace, à la gestion de l'eau ou de l'environnement.
Enfin, dans le domaine de l'enseignement supérieur agricole, je soulignerai l'excellente disposition autorisant les formations doctorales.
Cette mesure contribuera à renforcer, sur le plan international, l'image de notre communauté scientifique, dont l'excellent site de recherche d'Agropolis implanté à Montpellier est un « ambassadeur » remarquable.
Le nouveau contenu de l'enseignement agricole est donc bien une réponse adaptée non seulement aux nouveaux défis de l'agriculture, mais aussi aux enjeux importants que sont la gestion de l'espace et la protection de l'environnement.
Nous sommes convaincus de l'existence de gisements d'emplois dans ces domaines, de la pertinence qu'il y a à favoriser l'émergence de nouveaux métiers et, aussi, de l'intérêt qui réside dans la mise en valeur des territoires et de leurs paysages.
Je citerai les initiatives qui ont été prises dans le midi de la France grâce au plan de relance de l'oléiculture financé à la fois par l'Etat et l'Union européenne.
Ce plan a permis à de jeunes agriculteurs de diversifier leur activité en les associant à une démarche de restauration des vergers et de mise en valeur du territoire. Ainsi ce plan a-t-il favorisé, d'une part, la promotion des produits de l'olive, d'autre part, des initiatives dans les domaines touristique et culturel, grâce à la mise en place de « routes de l'olivier ». A cet égard, les actions conduites à Nyons, dans la Drôme, me paraissent exemplaires.
Voyez dans ce témoignage celui de la réussite d'un projet dans lequel l'agriculture renoue avec les préoccupations environnementales. C'est tout le sens de votre projet de loi, monsieur le ministre.
Nous nous félicitons de cette ambition que vous donnez à l'agriculture de notre pays, en souhaitant qu'elle soit imitée, sous votre impulsion, à l'échelle de l'Union européenne. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Je m'adresserai tout d'abord au rapporteur, notre ami Michel Souplet, pour le féliciter de l'excellent travail que la commission des affaires économiques et du Plan a fait et lui dire que le rapport qu'elle a élaboré est digne de son sujet.
Aussi curieux que cela puisse paraître, monsieur le ministre, je me suis interrogé pour savoir si je devais intervenir dans la discussion générale de ce projet de loi. Malgré toute la passion que vous me connaissez sur ce sujet et mon passé de dirigeant agricole, je me demandais en effet si les discussions générales ne sont pas un lieu commun où chacun se fait un peu plaisir en reconstruisant une agriculture, en refaisant l'inventaire de tout ce que l'on pourrait faire, de tout ce que l'on fait ou de tout ce que l'on ne fait pas pour l'agriculture. Finalement, je me suis décidé à apporter ma pierre.
Une loi d'orientation était-elle nécessaire ? Tout le monde connaît bien l'historique de ce texte.
Le Président de la République va au congrès de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, la FNSEA ; M. Vasseur propose un texte ; on fait une dissolution ;...
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. « On ? »
M. Marcel Deneux. ... le Gouvernement actuel reprend le texte ; un ministre est nommé, puis un second... Mais le projet de loi d'orientation tombe finalement dans le même travers que tous les précédents !
J'avais largement contribué à la rédaction de la loi qualifiée déjà « d'orientation » en 1960. Dans les dix mois qui ont suivi, nous nous sommes aperçus qu'une loi complémentaire était nécessaire. Vous n'éviterez pas cette difficulté, monsieur le ministre, et vous ne ferez pas l'économie d'une telle loi ! En effet, on reproche ici ou là à ce texte - et les reproches sont fondés - de ne pas tenir compte de l'action de production, de manquer de notions économiques, de ne rien prévoir en matière de fiscalité.
S'il s'agit vraiment d'un texte donnant une orientation nouvelle, l'agriculture doit donc être prise dans sa globalité ; or le projet n'est pas suffisant. En effet, malgré des propositions intéressantes, ce texte comporte beaucoup de lacunes que je veux signaler, même si je n'ai pas le temps de les traiter. Il ne contient aucune disposition sur l'organisation économique de la production, sur les retraites, qui sont insuffisantes, sur la transmission de l'entreprise, sur la politique des structures et sa compatibilité avec la politique européenne d'aujourd'hui et encore plus de demain.
Je voudrais aborder quelques points sur la politique agricole, monsieur le ministre.
Quel sera, demain, le degré de compétitivité de l'agriculture française au sein de la concurrence à la fois européenne et mondiale ?
A ce sujet, quelles réflexions faisons-nous sur le modèle européen, un modèle agricole qui bat en brèche le comportement des pays développés et qui fait payer le contribuables plus que le consommateur.
Dans les pays riches, est-il normal, quand l'agriculture est efficace et compétitive, que les prix payés par le consommateur ne soient pas au niveau du prix de revient des meilleurs ?
Demain, en Europe, le niveau de prix devra-t-il être nécessairement bas et ce, me dit-on, pour préparer l'entrée des pays d'Europe centrale et orientale ? Je le comprends, mais je pense que c'est un faux problème.
Le niveau des aides publiques est devenu insupportable. Il nous faut donc maintenant réfléchir, en même temps que s'annonce la réforme avec Agenda 2000, aux moyens d'augmenter le prix du marché intérieur. C'est possible et, finalement, cela coûtera moins cher.
M. Charles Revet. Ce sera plus logique !
M. Marcel Deneux. Il convient également de revoir le niveau des restitutions. Je livre cet élément à votre réflexion à l'occasion de ce débat. La politique actuelle est suicidaire.
Enfin, au-delà des considérations économiques, il est clair que le modèle européen d'agriculture que nous souhaitons a des fondements à la fois sociologiques - nous ne voulons pas, par exemple, d'un modèle américain - et économiques. Nous voulons qu'il soit adapté aux spécificités européennes, à savoir un espace agricole très habité, peuplé de consommateurs riches, dotés d'une agriculture efficace, attachés à l'aménagement du territoire, à leurs paysages, un espace géré par des agriculteurs efficaces et connaissant bien leur métier.
Revenons-en au projet de loi qui nous occupe aujourd'hui.
Pour moi, il est évident que, lorsqu'on parle de l'agriculteur, on a l'image d'un univers, d'un homme qui se veut entrepreneur, indépendant autant que possible, libre, robuste, travailleur, respectueux de son travail, de son environnement et des autres. Il est tout à fait débrouillard, au point que, parfois, le « système D » remplace la formation professionnelle qu'il n'a pas toujours eue. L'agriculteur, c'est quelqu'un qui travaille dans un lieu où des hommes responsables peuvent s'épanouir dans leur travail. L'agriculteur est aussi un homme de bon sens doué de facultés d'adaptation rapides et constantes, autrement dit un homme qui met son intelligence au service de son travail et de son métier.
A force de vouloir améliorer les conditions de travail de cet agriculteur, contre son gré parfois, en l'incluant dans des schémas trop rigides ou trop classiques, peu adaptés à ce qu'il souhaite, on ne le dynamise plus, on ne l'aide plus, on risque même parfois de l'effrayer.
Je vais évoquer maintenant le contrat territorial d'exploitation, sujet autour duquel s'est instaurée une polémique.
Cette notion de contrat est fondamentale en économie. Plutôt que d'en faire seulement un instrument de bureaucratie ou d'encadrement tendant à l'environnement ne pourrait-on pas aussi s'en servir pour orienter la production, pour l'organiser ? A-t-on besoin de légiférer pour apprendre aux agriculteurs à entretenir et respecter la nature ? Ils le font tous les jours, depuis des siècles et des générations. Ils en parlent et ils sont fiers de le faire. « Beau » est un maître mot de leur activité. Qui n'a pas entendu un paysan s'exclamer : « Que la plaine est belle ! Que mon pré est beau ! »
Mais - c'est sans doute un signe des temps - la collectivité nationale ne reconnaît pas cette fonction comme faisant partie de l'activité constante de l'agriculture. C'est sans doute un moyen de les intégrer dans cette société moderne, qui n'est plus une société paysanne, en établissant de manière un peu solennelle un contrat entre le pays et son agriculture.
Ainsi, la notion de contrat est fondamentale. Alors, trop ou pas assez : tels sont les deux écueils entre lesquels vous devez naviguer, monsieur le ministre.
En découlera pour certains - ils l'ont dit - une agriculture encadrée, socialisée, ne pouvant plus respirer, pour d'autres, au contraire, une agriculture mettant en valeur tout son potentiel de développement : autrement dit, pour ces derniers, les contrats permettraient un épanouissement économique et social dans toute sa plénitude.
On peut d'ailleurs à cette occasion - on a déjà commencé - engager une réflexion sur la politique de développement qu'il est souhaitable de mettre en oeuvre pour promouvoir une agriculture moderne. Mais les disparités régionales sont telles que l'on doit se féliciter que cette réflexion ait lieu dans la plupart des départements. On peut ainsi raisonnablement espérer que l'application de la politique des CTE se fera en tenant compte très largement des diversités régionales et des aspirations des acteurs locaux.
C'est le sens que je veux donner aux consultations départementales en cours et au rôle, renforcé par le projet que nous allons examiner, des commissions départementales d'orientation agricole, les CDOA.
Ma vision est plutôt économique. Assurer l'installation et développer l'emploi au travail d'outils économiques performants, c'est rendre les agriculteurs plus autonomes financièrement et ainsi leur permettre de générer des richesses.
Si les CTE permettent d'accompagner, à travers la mobilisation des moyens financiers publics, les exploitants engagés dans des projets de développement en cohérence avec la politique agricole globale, je dis oui.
En revanche, les CTE ne devront en aucun cas se substituer à la politique agricole commune fondée à la fois sur l'organisation des marchés et sur des financements assurant les équilibres territoriaux.
Renationaliser des crédits européens pour financer les CTE serait une erreur historique et impardonnable, en contradiction avec les principes fondateurs de l'Europe agricole et de l'Union européenne.
Le CTE ne doit pas non plus se traduire par une accumulation de contraintes supplémentaires ; au contraire, il doit favoriser par tous les moyens les démarches incitatives.
Je souhaite que les CTE soient de véritables contrats qui lient les entreprises au territoire et, surtout, permettent leur développement. Sans vouloir être exhaustif, le temps ne me le permet pas, je citerai quatre axes d'application des familles de contrats.
Premier axe : les productions animales et végétales ; bien entendu, des nuances existent entre les unes et les autres.
Deuxième axe : l'agriculture biologique dont il faut accompagner le développement. Si les crédits actuellement en vigueur étaient amenés à disparaître, il faudrait prendre le relais. La France a beaucoup de retard en la matière.
Troisième axe : les productions relevant d'un signe de qualité ; le texte actuel y consacre une large part.
Quatrième axe : l'agrotourisme et les produits de la ferme. Dans ce domaine, un gros travail réglementaire, voire législatif, est nécessaire de façon à faire cohabiter sans distorsion de concurrence les différents acteurs du monde rural.
Toute exploitation déjà engagée ou ayant un projet dans un ou plusieurs des axes mentionnés ci-dessus devrait pouvoir signer un contrat.
Dans le passé, nous avons trop souvent souffert de ne pas avoir su accompagner les agriculteurs désireux d'entreprendre en ne mettant en avant que les critères d'exclusion, les risques ou les contraintes.
Moi, je dis oui au CTE, outil d'accompagnement efficace du développement de toutes les exploitations agricoles au sein de filières performantes, elles-mêmes bien organisées.
Cependant, un problème se pose dans la dénomination de ces contrats.
Toutes les tendances qui se sont exprimées ont émis des critiques. Certaines en ont même fait une campagne nationale. Et pourtant, tout le monde est partisan d'une agriculture meilleure, plus forte, mieux organisée. Alors il y a un problème d'intitulé. Est-ce un problème de mots ou un problème de fond ?
Notre ami Gérard César vient à l'instant de faire une proposition qui m'étonne un peu. Il préférerait parler de contrat d'entreprise agricole. Or en même temps on nous dit, et à juste titre, qu'il est dangereux de lier l'entreprise à l'Etat au risque de s'orienter vers une véritable socialisation. Il y a là une contradiction qui mérite d'être levée.
Pour ma part, je tiens au « T » du CTE, c'est-à-dire à la liaison avec le territoire.
Aussi, je me permettrai de vous faire une suggestion, monsieur le ministre, au cas où la dénomination de ces contrats devait évoluer. J'ai entendu hier Christiane Lambert parler de contrat territorial, non pas d'exploitation, mais d'entreprise. Ce n'était peut-être pas un lapsus ! Je crois, en ce qui me concerne, qu'il serait bon de parler de CTEA, c'est-à-dire de contrat territorial d'entreprise agricole ; cette formule aurait à mon sens le mérite de rallier tous les suffrages et de mieux traduire ce que nous voulons faire. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je livre cette proposition à votre réflexion, monsieur le ministre !
Pour conclure, je souhaite que cette loi contribue, dans la longue route qui n'est pas achevée de l'adaptation de l'agriculture aux temps modernes, à donner plus de bonheur aux agriculteurs : c'est notre souhait le plus cher. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, fixer les grandes orientations de notre agriculture pour les décennies à venir est un rude défi, et tous les collègues qui m'ont précédé l'ont bien dit.
En effet, nous attendons de cette loi d'orientation agricole, monsieur le ministre, beaucoup d'ambition, d'autant plus que nous sommes à la veille de décisions importantes qui seront prises dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune ou du prochain cycle de renégociation de l'Organisation mondiale du commerce.
Nous espérons beaucoup du ferme propos que vous avez tenu à ce sujet. Je suis sûr que nos travaux contribueront à relever le rude défi que j'évoquais : développer notre agriculture et la réconcilier avec nos concitoyens.
Rapporteur pour avis du budget de l'environnement, je suis sensible, monsieur le ministre, à votre souci de promouvoir une agriculture plus respectueuse de l'environnement. Cependant, il me semble que, si les gains formidables de productivité que notre agriculture a connus au cours des trente-cinq dernières années ont parfois été réalisés au détriment des préoccupations environnementales, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il y a bien longtemps que l'on ne peut plus envisager une installation en agriculture sans se préoccuper de l'environnement.
Depuis vingt ans, le recours aux pesticides et aux engrais azotés a beaucoup diminué. Des mesures incitatives en faveur des analyses de sol ont été prises. Bref, des progrès ont été faits au fur et à mesure que les nouvelles attentes des citoyens et des consommateurs apparaissaient : vous les connaissez, une préoccupation accrue de la santé et de la nutrition, un attachement aux produits de qualité, un retour aux sources et aux racines, un souci de préservation des ressources naturelles et des territoires, sans parler naturellement de la « crise de la vache folle », qui a largement ouvert les yeux de nos concitoyens sur les limites du productivisme et sur les impératifs de sécurité pour la santé de l'homme. Il faut continuer !
Toutefois, votre conception de l'environnement me paraît réductrice de la fonction de production de notre agriculture et, par là même, de sa capacité d'exportation. Non, nos agriculteurs ne peuvent pas être seulement « des producteurs de services et de paysages » - et pourtant Dieu sait si je suis attaché à cet aspect ! - comme cela est indiqué dans l'exposé des motifs du projet de loi ; ils ont bien vocation à être des entrepreneurs, des producteurs et des exportateurs.
Je ne parlerai pas de la vocation économique de notre agriculture. Ce point a été excellemment présenté et développé par notre collègue Michel Souplet, qui a bien montré que notre agriculture ne peut être présente sur nos territoires que si elle est également présente sur les marchés et que l'on ne peut opposer la vocation d'exportation à la présence territoriale ou à l'exigence de qualité, pas plus que l'on ne peut opposer les producteurs en mettant, d'un côté, les jardiniers du xxie siècle et, de l'autre, les exportateurs. Notre agriculture doit rester présente sous toutes ses formes sur l'ensemble du territoire.
Je dirai quelques mots sur le contrat territorial d'exploitation, le CTE, avant d'évoquer les problèmes de qualité et la place du cheval dans l'économie agricole.
Ce CTE, dispositif qui vise à inscrire l'exploitation agricole dans une démarche contractuelle et à rétribuer d'autres fonctions que la production, part d'une bonne intention et d'un grand projet. Cependant, je crains que les modalités prévues pour appliquer une telle politique ne provoquent, de par leur caractère quelque peu bureaucratique, une « suradministration » de l'agriculture.
Nombre de nos collègues l'ont souligné en s'interrogeant sur les moyens qui peuvent y être consacrés. Vous nous avez rassurés, monsieur le ministre, mais quelques questions demeurent.
Comment allez-vous choisir les premiers contrats, comment allez-vous sélectionner les demandeurs ? Comment s'articuleront ces contrats avec les zones protégées soit par Natura 2000, soit par des ZNIEFF, les zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique ? Comment imaginer que, dans ces secteurs, de tels contrats pourraient s'arrêter au bout de cinq ans ? Ne va-t-on pas vers de nouveaux « droits à produire » avec toutes les injustices que cela peut induire ?
Il s'agit non pas de financements nouveaux, mais d'un redéploiement de moyens, ce qui suppose - tout le monde l'a dit - la réduction d'autres lignes budgétaires, et je m'inquiète pour celles qui seront amputées au bénéfice des CTE.
Le plus grand flou règne également sur les aides européenne affectées aux CTE. Le Gouvernement souhaite que la France redevienne une force de proposition dans la politique agricole européenne ; nous l'espérons. Le CTE peut être l'axe majeur de cette nouvelle position. Qu'en penseront nos partenaires ? Ne risque-t-on pas de conforter la thèse de la renationalisation de la politique agricole commune ? Là aussi, nous attendons des éclaircissements, car vous savez que nous sommes très attachés au maintien de cette politique agricole commune. Reste la tâche de définir la pratique de ces CTE ; de virtuels, il faudra qu'ils deviennent concrets.
J'évoquais à l'instant l'exigence de qualité et de sécurité des consommateurs. J'aurais aimé que soit nettement abordé dans ce texte, et non pas seulement au détour d'un amendement à l'Assemblée nationale, le problème des organismes génétiquement modifiés. C'est un sujet capital pour l'avenir, et nos concitoyens doivent avoir confiance dans les produits agricoles et alimentaires. Cela ne va pas sans une recherche scientifique préalable et une réflexion éthique. J'approuve, pour ma part, le principe du dispositif de biovigilance mis en place et je pense qu'il est nécessaire d'instaurer une stricte réglementation en matière d'OGM. Je sais que certains de nos collègues aimeraient aller plus vite, mais il me semble que la prudence s'impose dans ce domaine si délicat. L'exemple de la vache folle est là pour nous le rappeler.
De même, l'épandage des boues des stations d'épuration appelle des dispositions durables. On ne peut engager l'avenir que sur des bases acceptées par tous. En ce domaine aussi, nous aurons très rapidement besoin de réponses, même si l'exercice n'est pas facile.
Il y a, dans notre agriculture de qualité identifiée, de larges possibilités pour la promotion de nos produits. Vous le savez, j'avais approuvé la loi de 1990 présentée par M. Nallet sur les appellations d'origine contrôlées, les AOC. Elle me paraît reposer sur de grands principes qu'il ne faudrait pas voir oubliés à travers la multiplication des signes de reconnaissance ; ces grands principes, ce sont : le lien avec le terroir, la typicité des produits et le savoir-faire des hommes.
J'approuve donc totalement le renforcement des syndicats de producteurs, sur lesquels doit reposer la défense des AOC. Sensible aux arguments de la commission quant aux problèmes posés par l'IGP, l'indication géographique protégée, je m'interroge cependant sur sa position tendant à la maintenir en dehors du champ de compétence de l'institut national des appellations d'origine, l'INAO. Que deviendront ces IGP « électrons libres » ? Sans doute le débat nous éclairera-t-il sur ce point.
Je pense que l'INAO, au-delà de ses missions traditionnelles, devrait mener une véritable politique d'information et de communication sur les AOC, sur leur lien avec le terroir et la spécificité des productions, afin de mieux éclairer le consommateur. Mais il faut lui donner les moyens d'agir dans ce sens.
Je ne peux terminer ce propos trop limité sans évoquer la place du cheval dans notre agriculture, qui représente une activité économique à part entière. Notre commission en a bien conscience puisqu'elle en évoque les différents aspects. S'appuyant sur la jurisprudence et notamment sur un arrêt de la Cour de cassation, elle semble considérer que c'est à juste titre que les entraîneurs de chevaux de course ne sont pas reconnus comme pratiquant une activité agricole, que ce soit par nature ou par relation. Cela me paraît discutable.
J'ai, en d'autres circonstances, présenté un amendement qui tendait à les faire assujettir au régime des bénéfices agricoles, sans arriver à convaincre M. le secrétaire d'Etat au budget du véritable caractère agricole de leur activité. Et le sujet reste d'actualité ; il l'est même plus que jamais.
L'entraînement des chevaux de course n'a d'autre but que de sélectionner les meilleurs chevaux sur le plan de la reproduction et est ainsi, me semble-t-il, directement lié à l'activité élevage ; son assujetissement à la MSA le fait bien ressortir au secteur agricole.
Naturellement, le jeu, qui finance les courses et tout le secteur équestre, jette une lumière un peu différente, mais il me semble que la nature de ce secteur hippique et les emplois qu'il crée justifieraient bien la reconnaissance de cette activité comme activité agricole. Je souhaite, monsieur le ministre, que votre action aille dans ce sens. Elle serait bien perçue et justifiée aux yeux de nombreux professionnels.
Le cheval, dans notre pays, relève d'une vraie activité agricole, utilisatrice de terres sans droits à produire - c'est appréciable - créatrice d'emplois - c'est encore mieux ! - aussi bien dans le secteur de l'élevage que dans celui du sport ou du loisir, et qui est respectueuse de l'environnement. Ce secteur mérite sans nul doute une attention vigilante, sans arrière-pensées. Les courses contribuent aussi au budget de l'Etat, ne l'oublions pas.
Dans le projet de loi de M. Vasseur était envisagée une réforme des Haras nationaux, et je sais, monsieur le ministre, que vous prévoyez de nous présenter un texte spécifique à ce sujet. Il faut en effet moderniser leur activité. Dans un domaine largement mondialisé, il faut leur donner la possibilité d'intervenir en soutien du secteur professionnel pour offrir à notre pays des reproducteurs de grande qualité, que nous ne pouvons attirer aujourd'hui faute d'une fiscalité adaptée. Il faut aussi, naturellement, leur confier toutes les tâches « régaliennes » qui s'imposent.
Monsieur le ministre, tels sont les quelques points sur lesquels je voulais attirer votre attention.
Notre agriculture mérite qu'on porte sur elle un regard vraiment nouveau et qu'on lui accorde une grande liberté d'entreprendre. Elle a prouvé qu'elle savait toujours s'adapter, comme M. François-Poncet l'a brillamment rappelé. Ce projet de loi trace-t-il vraiment les lignes directrices dont nous avons besoin pour les années à venir ? Les CTE peuvent-ils placer la France en position de force dans les futures discussions européennes ? Opposer la performance économique et la valorisatoion du territoire n'est pas, à mon sens, la bonne façon de consolider notre agriculture pour qu'elle conserve sa première place en Europe. Mais j'espère dans votre volonté, monsieur le ministre, et dans les travaux de notre assemblée pour qu'elle y parvienne.
Je conclurai en adressant des félicitations à nos rapporteurs pour avis, MM. Vecten et Leclerc, mais surtout à M. Souplet, rapporteur de la commission des affaires économiques, qui a accompli un travail considérable, prouvant sa très grande connaissance de notre agriculture et sa foi dans nos agriculteurs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, monsieur le président, mes chers collègues, permettez-moi d'évoquer un souvenir etde vous faire une confession, puis une lecture du projet de loi d'orientation qui vous expliqueront ma position sur ce texte.
Le souvenir remonte à une vingtaine d'années. C'était au moment de la discussion de la loi d'orientation présentée par M. Méhaignerie. A l'époque, le Sénat hésitait beaucoup à renforcer encore le contrôle des structures, constatant la limite que l'on introduisait par là sur le droit de propriété et sur la liberté de contracter ou d'entreprendre.
Un argument l'a emporté, et ce que je veux confesser, c'est le sentiment d'avoir joué un rôle dans sa prise en considération, malgré ma très récente entrée - à l'époque ! - dans cette assemblée.
Cet argument consistait à dire que, dans certaines régions, la pyramide des âges était tellement déséquilibrée qu'il fallait faire de la place, de force, pour les jeunes en situation de s'installer. Sinon, il n'y aurait pas asssez d'agriculteurs actifs au moment de la disparition des exploitants déjà âgés - ils constituaient l'immense majorité - et cela même si s'étaient produit entre-temps des regroupements d'exploitations sur des unités de dimensions inconnues, y compris dans les régions de grande culture.
Je dois avouer que, par rapport à tout cela, j'éprouve aujourd'hui, non pas un remords, certes, mais une gêne obscure, selon la formule célèbre.
En effet, d'évolution en évolution, nous en arrivons au présent texte, suivant en cela un phénomène que nous connaissons bien, celui que nous avons observé avec la dotation globale de fonctionnement, au départ dispositif de liberté pour les communes, aujourd'hui dispositif d'encadrement et d'incitation contraignant.
M. Charles Revet. Tout à fait ! Il faut le rappeler !
M. Paul Girod. Quelle lecture peut-on faire, en effet, de ce projet de loi d'orientation ? Monsieur le ministre, pardonnez-moi de forcer un peu le trait, mais je ne suis pas certain qu'on ne puisse pas employer les termes auxquels je vais recourir.
L'agriculteur, même propriétaire exploitant, y devient une sorte de métayer de l'administration, dominé par un suzerain,...
M. Philippe François. Belle formule !
M. Paul Girod. ... qui sera de fait le préfet ou le directeur départemental de l'agriculture et à qui il se devra, au préalable, de faire acte d'allégeance sous forme de contrat territorial d'exploitation.
M. Charles Revet. C'est très clairement dit !
M. Philippe François. Parfaitement !
M. Paul Girod. Disparaissent toute réelle liberté d'association, toute souplesse de gestion et, à l'extrême, toute possibilité de solidarité familiale envers celui qui reprend la ferme.
Or nous sommes en guerre économique. L'Etat, le suzerain, se doit, comme jadis, de lever l'ost, et l'ost, aujourd'hui, s'appelle compétitivité.
Est-ce le moment d'employer un concept qui réduit au rôle de manant celui qui gère de fait notre seule richesse naturelle ? Et est-ce le moyen de le motiver ?
Je rends hommage, monsieur le ministre, à votre fermeté à Bruxelles mais je dois désapprouver la logique plus administrative qu'économique de votre texte.
Je crains qu'en s'en sentant proches certaines organisations agricoles ne s'engagent ainsi dans un marché de dupes. Malgré l'excellence du travail de nos rapporteurs, qui cherchent à éviter le pire, le mieux, pour moi, ne saurait conduire à aller au-delà d'une abstention navrée. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. François.
M. Philippe François. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique agricole est, par excellence, une politique européenne : la majeure partie des dépenses publiques pour l'agriculture provient du budget communautaire ; l'essentiel de la législation sur les marchés est décidé directement par la Communauté. Le contexte européen est donc déterminant lorsqu'il s'agit d'apprécier un projet de loi d'orientation agricole.
Or ce qui caractérise aujourd'hui le contexte européen, c'est qu'il est en pleine évolution, et nous ne savons pas quel sera le résultat de cette évolution.
La Communauté s'est engagée, depuis près d'un an, dans une discussion de grande ampleur autour de l'Agenda 2000 de la Commission européenne, qui comprend un ensemble de propositions concernant les principaux aspects de la politique agricole. Le Sénat a d'ailleurs pleinement participé à ce débat ; on me permettra, sur ce point, de faire référence au rapport de la mission d'information sur la réforme de la PAC, publié l'été dernier, et à la résolution du Sénat adoptée il y a un mois sur la base de ce rapport.
Nous sommes entrés, désormais, dans la phase décisive des négociations sur la réforme de la PAC puisqu'il reste prévu - c'est l'objectif de la présidence allemande - de parvenir à un accord global à la fin du mois de mars ; mais nous savons depuis quelques jours que l'Allemagne souhaite avancer cette date d'un mois. Je rappelle que les négociations portent également sur les perspectives financières de l'Union, avec la controverse que l'on sait sur un éventuel cofinancement des dépenses agricoles.
Comme le cadre futur de notre agriculture dépend avant tout du résultat de ces négociations, il est quelque peu singulier de débattre maintenant d'une loi d'orientation agricole. Je ne dis pas qu'une nouvelle loi d'orientation soit intrinsèquement inutile. Lorsqu'elle a été mise en chantier, il y a deux ans et demi, par Philippe Vasseur, les échéances européennes étaient encore lointaines, et l'exercice avait un sens. Nous pouvions nous doter d'une base solide avant le début des négociations avec nos partenaires. Dès lors que celles-ci sont sur le point de se terminer, n'est-il pas ou trop tard ou trop tôt pour se prononcer sur un texte national d'orientation et, par surcroît, en urgence ?
M. Georges Gruillot. Très juste !
M. Philippe François. Quelle en est la raison, monsieur le ministre ?
Faute de connaître précisément la nouvelle « règle du jeu » européenne, nous allons débattre dans une demi-obscurité, au risque de devoir, à bref délai, reprendre notre ouvrage.
Tout cela n'est pas de bonne méthode : la sagesse serait d'attendre quelques mois de plus pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause et de concentrer pour l'instant notre vigilance sur la réforme en cours d'élaboration à Bruxelles, qui est loin d'être sans risque pour l'agriculture française.
Car nous devons savoir que la tentation grandit, chez plusieurs de nos partenaires et même au sein de la Commission européenne, de procéder à une certaine renationalisation de la politique agricole commune. Sous couvert de subsidiarité, on risque d'arriver à une situation où la gestion des aides n'obéirait plus à des règles communes et où ces aides seraient en partie à la charge des Etats. Or une telle évolution serait doublement dangereuse.
Si la gestion des aides n'était plus suffisamment encadrée, on risquerait d'aboutir à de nouvelles distorsions de concurence entre les producteurs des différents Etats membres, en fonction des priorités qui seraient retenues par chaque Etat. Il serait tout de même paradoxal, au moment où la réalisation de l'euro établit enfin, sur le plan monétaire, la loyauté de la concurrence entre les Etats membres, que la concurrence se trouve à nouveau faussée par une gestion différenciée des aides !
L'idée d'un cofinancement des aides est tout aussi pernicieuse. Tout d'abord, elle irait directement à l'encontre de nos intérêts. Pour dire les choses schématiquement, il y a deux grandes masses dans le budget communautaire : les dépenses agricoles et les dépenses structurelles. Mais chaque fois que nous versons dix-huit euros au budget agricole de l'Union européenne, nous en recevons vingt-quatre ou vingt-cinq en retour, alors que, a contrario, quand nous versons dix-huit euros au budget commun au titre des fonds structurels, nous n'en recevons que neuf en retour. Par conséquent, si l'on réduisait la prise en charge par l'Union européenne des dépenses agricoles, cela se traduirait par une perte sèche pour notre budget national, sans compensation possible.
Par ailleurs, la tentation serait grande d'ôter tout caractère obligatoire à la part des dépenses qui serait à la charge des Etats : on imagine aisément que les pressions dans ce sens seraient fortes, quand on voit quelles controverses souvent démagogiques entourent les aides européennes à l'agriculture. Mais ce serait alors mettre le doigt dans un engrenage, et la politique agricole cesserait peu à peu d'être commune.
Face à ces perspectives inquiétantes, la réponse de la France devrait être ferme et cohérente. Or le projet de loi d'orientation agricole, notamment le principal dispositif qu'il prévoit, à savoir le contrat territorial d'exploitation, tend au résultat exactement inverse : en s'engageant dans un système de modulation nationale des aides et en brouillant la frontière entre le financement communautaire et le financement national, on ouvre la porte aux évolutions qu'il faudrait au contraire contrecarrer. Alors que, à Bruxelles, nous nous opposons, en principe, aux tendances à la renationalisation de la politique agricole commune qui se font jour, nous nous lançons, à l'échelon national, dans une démarche qui, d'une certaine manière, anticipe cette renationalisation. Quel bel argument pour nos partenaires !
Sous sa forme actuelle, le projet de loi d'orientation agricole paraît donc doublement inopportun.
D'une part, compte tenu du calendrier européen, il ne vient pas à son heure. Aristote disait, je crois, qu'une grande partie de l'art politique est d'agir au moment opportun,...
M. René-Pierre Signé. Quelles références !
M. Philippe François. ... or le Gouvernement a manifestement oublié ce précepte.
D'autre part, le contenu même du texte affaiblit la position de la France dans les négociations en cours. Je vois mal, dans ces conditions, ce que nous avons à gagner en l'adoptant maintenant dans la rédaction qui nous est proposée.
Mais il y a plus préoccupant encore. Si, par la force des choses, nous ne connaissons pas le contenu de l'accord qui doit intervenir en mars, ou peut-être même en février, nous connaissons du moins certaines des exigences européennes et internationales auxquelles nos agriculteurs, dans l'avenir, seront confrontés. Ainsi, nous savons que la population mondiale augmentera de 30 % ou de 40 % dans les prochaines décennies. Nous savons que le prochain cycle de négociations commerciales internationales se traduira par une ouverture accrue des marchés. Etre compétitifs sur le marché européen, qui s'aggrandira suite à l'élargissement de l'Union européenne, mais aussi et surtout sur le marché international, sera donc une exigence fondamentale qui s'imposera à nos producteurs.
M. Raymond Courrière. C'est une erreur !
M. Philippe François. Si nous ne savons pas prendre en compte cette exigence, nous n'assurerons pas l'avenir de l'agriculture française.
M. René-Pierre Signé. Parce que vous l'avez assuré, vous !
M. Philippe François. Cela ne signifie pas, bien au contraire, qu'il faille sacrifier à cette exigence les impératifs de sécurité et de qualité des produits, ni l'ambition d'assurer une occupation harmonieuse de l'espace.
M. Raymond Courrière. Et la solidarité ?
M. Philippe François. Je ne sache pas que la recherche de la qualité et de la sécurité ait jamais empêché de vendre, pourvu que l'on soit capable de faire connaître au consommateur les efforts accomplis. L'utilisation de l'espace ne saurait être non plus un handicap, dès lors que l'on s'attache à l'organiser et à l'encourager, au lieu de l'entraver par une fiscalité mal adaptée et confiscatoire.
En réalité, ce serait une erreur particulièrement grave que d'opposer entre elles les différentes exigences auxquelles notre agriculture devra faire face. Des entreprises agricoles qui ne seraient pas compétitives n'auraient aucune chance de développer des productions de qualité, ni de contribuer à l'aménagement de l'espace : dans un climat de concurrence accrue, elles ne pourraient en réalité que dépérir.
Ne croyons pas, mes chers collègues, que la place qu'occupent nos productions agricoles dans les échanges internationaux nous soit due. Souvenez-vous que, pendant des décennies, la France a connu un solde largement déficitaire de ses échanges agricoles. Si nous n'y prenons garde, si nous renonçons au choix de l'ouverture, de la modernisation et de l'acceptation des disciplines du marché, nous cesserons d'être l'une des grandes puissances agricoles et agroalimentaires.
Cela ne signifie naturellement pas que l'avenir de notre agriculture passe par l'acceptation d'un libéralisme mondial sans règles, où la spécificité de l'agriculture européenne serait ignorée, où les exigences sociales et sanitaires seraient méconnues.
M. René-Pierre Signé. Tout cela est contradictoire !
M. Philippe François. Bien au contraire, il faut se battre pour instaurer un libéralisme équilibré et ordonné, où la concurrence s'établit en tenant compte équitablement de l'ensemble de ces contraintes. Mais si nous voulons faire valider, dans les négociations internationales, les grandes lignes du modèle agricole européen, c'est précisément pour pouvoir participer à l'expansion du marché mondial, en nous y montrant compétitifs.
Le projet de loi qui nous est soumis correspond-il à cette orientation essentielle ?
M. Raymond Courrière. Oui !
M. Jean-Marc Pastor. Il est bon !
M. Philippe François. Je ne veux pas faire de procès d'intention, et j'admets volontiers que les différentes fonctions que remplissent les agriculteurs doivent être mieux reconnues. Mais je crains fort que les moyens retenus n'aillent à l'encontre des intérêts à long terme de notre agriculture. A force de dissocier les aides à l'agriculture de toute logique de production, on risque d'entrer de plus en plus dans une démarche malthusienne, où le souci de répartition prévaut sur l'objectif d'expansion.
M. Raymond Courrière. Caricature !
M. Philippe François. Le système actuel des aides n'est sans doute pas parfaitement équitable ; aucun ne l'est dans aucun domaine. Mais si le rééquilibrage revient à décourager la productivité, l'innovation et la croissance, le remède sera pire que le mal.
M. Raymond Courrière. C'est le productivisme que vous prônez !
M. Philippe François. Et si, pour parvenir à ce rééquilibrage, on doit, pour reprendre l'expression du Président de la République, « bureaucratiser » encore davantage une agriculture qui n'est déjà que trop administrée,...
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Philippe François. ... le remède sera carrément un poison. Encadrer les agriculteurs par une armée de fonctionnaires...
M. René-Pierre Signé. Ils n'aiment pas les fonctionnaires !
M. Philippe François. ... n'est pas la bonne recette pour faire en sorte que les productions répondent aux besoins : s'il y a des leçons à tirer de l'histoire, c'en est une.
On aura compris, bien entendu, que je suis enclin au plus profond scepticisme devant le projet de loi qui nous est soumis. En effet, une loi d'orientation a pour objet de préparer l'avenir, or ce texte me paraît relever davantage d'une logique de stagnation que d'une réelle ambition pour notre agriculture. A cet égard, je tiens à remercier mon collègue et ami Michel Souplet, qui, dans l'exercice de sa mission de rapporteur, a accompli un travail constructif qui souligne sa compétence en la matière.
Afin de le soutenir, il faudra, au cours de ce débat que les uns et les autres apportent à cette tentative maladroite et inopportune des éléments complémentaires qui seront nécessaires pour faire valoir une vision plus dynamique de l'agriculture française, laquelle aurait tout à perdre à succomber à la tentation du repli. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Lejeune, dont je salue la première intervention à la tribune. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

M. André Lejeune. Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le ministre, je ne vous surprendrai pas en disant que mon propos sera différent de celui des derniers orateurs qui m'ont précédé, s'agissant en particulier des contrats territoriaux d'exploitation.
Créés par l'article 2 de votre projet de loi, ils en constituent l'une des principales innovations. Ils sont la traduction d'une politique agricole centrée sur le territoire et conciliant agriculture et société.
Ainsi, les multiples fonctions de l'agriculture sont enfin reconnues. En effet, aujourd'hui, le métier d'agriculteur ne se limite plus à la seule fonction de production ou de transformation : le secteur agricole rend de nombreux services à la société, tant dans le domaine social, de par sa contribution à la création d'emplois, que dans celui de l'environnement, en permettant une meilleure occupation du territoire en milieu rural et en préservant les ressources naturelles.
C'est donc l'utilité publique de ce secteur qui est enfin reconnue, et qui sera rémunérée en conséquence. Les agriculteurs ne s'y sont pas trompés, comme en témoigne le nombre important de départements qui se sont portés volontaires pour mener l'expérimentation.
M. Raymond Courrière. Bien sûr !
M. André Lejeune. Comme vous nous l'avez confirmé, monsieur le ministre, nos partenaires européens eux-mêmes sont d'ailleurs très intéressés par le contenu et les objectifs du CTE.
A propos de l'Europe, permettez-moi, monsieur le ministre, de profiter du temps de parole qui m'est accordé pour vous demander de rester très vigilant lors des négociations relatives à la politique agricole commune. En effet, le « paquet Santer » est en l'état inacceptable, surtout pour les régions d'élevage.
Je suis d'ailleurs convaincu de votre détermination à cet égard - vous l'avez réaffirmée hier - tout comme je suis convaincu de la profonde utilité de la mise en place des contrats territoriaux d'exploitation pour l'avenir de notre agriculture.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. André Lejeune. Fondés sur le principe de l'adhésion volontaire, élaborés au plus près du terrain, c'est-à-dire à l'échelon départemental, dans le respect des orientations définies à l'échelon national, ces contrats doivent permettre l'amélioration qualitative des produits et la diversification des activités, laquelle est nécessaire au maintien et à la création d'emplois, ainsi qu'à l'installation des jeunes en milieu rural.
L'existence d'exploitations viables sur l'ensemble du territoire est un gage de pérennité du tissu économique et d'occupation harmonieuse de l'espace dans nos zones rurales. Sans elles, nos campagnes meurent de la conjugaison du dépeuplement et de l'expansion des friches. En tant qu'élu de la Creuse, je sais de quoi je parle.
En outre, un développement durable de l'agriculture ne peut s'envisager que s'il concerne l'ensemble du territoire et favorise la bonne gestion de l'espace. Or les contrats territoriaux d'exploitation traduisent une profonde modification de la conception du soutien de l'Etat à l'agriculture.
A cet égard, le financement prévu, qui atteint 450 millions de francs pour 1999 et qui doit être mis en place en septembre, doit permettre, quoi qu'en disent ceux qui le critiquent, d'assurer un démarrage dans de bonnes conditions du dispositif des CTE. Il doit être évolutif, et l'affectation des crédits doit permettre d'instaurer une équité réelle entre toutes les régions et tous les types de production. Pour cela, le montant des aides financières doit tenir compte du climat et de la capacité du sol à produire, ainsi que des handicaps naturels et des difficultés rencontrées par les producteurs.
En tout état de cause, les CTE sont un outil incitatif, et il est souhaitable que des expérimentations aient lieu avant que ne soient pris les décrets d'application de la loi.
Dans ces conditions, je suis persuadé que les contrats territoriaux d'exploitation seront un instrument efficace au service d'un nouveau mode de développement des exploitations. Ayons confiance ! Faisons confiance à nos agriculteurs, mais, de grâce, renonçons à ces procès d'intention que l'on a trop souvent entendus ces jours-ci ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

(M. Christian Poncelet remplace M. Guy Allouche au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. Mes chers collègues, nous allons accueillir M. le Premier président de la Cour des comptes.

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DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL
DE LA COUR DES COMPTES

M. le président. L'ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.
Huissiers, veuillez introduire M. le Premier président de la Cour des comptes.

(M. le Premier président de la Cour des comptes est introduit selon le cérémonial d'usage.)
Monsieur le Premier président, je suis heureux de vous accueillir et je vous présente mes meilleurs voeux à vous, aux vôtres et pour la mission que vous exercez à la Cour des comptes.
Cela dit, je vous invite à exposer les résultats de vos travaux.
M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des comptes. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne remplirai pas complètement la mission que vient de me confier M. le président du Sénat. En effet, la présentation des résultats des travaux de la Cour des comptes pourrait vous retenir un certain temps (Sourires)...
M. le président. Vous pouvez faire un résumé. (Nouveaux sourires.)
M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des comptes. ... et j'ai bien compris que M. Poncelet, qui a présidé la commission des finances de la Haute Assemblée, s'exprimait de façon cérémonielle.
Ce rapport public que je vais vous remettre peut être consulté sur Internet, dès à présent sous une forme résumée et d'ici à quelques jours dans son intégralité. Pourtant, la formule d'un rapport imprimé, diffusé par le Journal officiel dans toutes les communes et édité par l'imprimerie des Journaux officiels sous forme, à partir de cette année, d'un livre, signifie bien que le rapport de la Cour des comptes est avant tout tourné vers l'opinion.
Si je le remets aux deux assemblées le même jour qu'à M. le Président de la République, c'est parce que ce rapport est un instrument d'information, en particulier des parlementaires, en tant que responsables des décisions budgétaires, du contrôle de l'exécution du budget et, depuis la réforme de la Constitution, des lois de financement de la sécurité sociale et du contrôle de leur mise en oeuvre.
Selon certaines informations qui me parviennent du ministère des finances et du Parlement, les commissions parlementaires en général, notamment les commissions des finances, souhaitent exercer davantage la fonction de contrôle que les textes leur reconnaissent et cela rejoint les voeux de la Cour des comptes, qui travaille en grande partie pour vous.
Comme nous avons marqué un progrès sensible dans le suivi des résultats des interventions de la Cour, je prendrai quatre exemples qui peuvent être significatifs.
Tout d'abord, le contrôle de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole avait fait l'objet de sévères critiques dans un précédent rapport public. Le contrôle de la Cour a donné lieu à des réactions rapides, qui sont connues en ce qui concerne la Mutualité sociale agricole. En effet, le conseil d'administration a été suspendu, un administrateur provisoire désigné et les instances dirigeantes de cette caisse ont été renouvelées. Hélas ! plusieurs plaintes ont dû être déposées devant la juridiction pénale. Finalement, des mesures ont été prises pour corriger les errements et pour renforcer le contrôle de l'Etat.
Ce qui est positif, c'est que, comme souvent, le contrôle de la Cour, au-delà du rôle de dévoilement pouvant conduire à des sanctions, a eu aussi un rôle de prévention. En effet, à la suite de cette intervention, un certain nombre de réformes ont été entreprises dans l'ensemble des organismes de mutualité. Cette tendance, accompagnée par la nouvelle procédure des lois de financement de la sécurité sociale, devrait conduire à un meilleur contrôle des finances sociales.
Si la Constitution a été réformée sur ce point - c'est à l'initiative de l'un de vos collègues, M. Oudin, qu'a été créé le premier rapport sur la sécurité sociale - c'est parce que le montant des finances sociales dépasse de plusieurs centaines de milliards de francs le montant du budget de l'Etat. A l'heure actuelle - c'est le cas depuis déjà plusieurs années et ce sera sans doute encore le cas pour l'avenir - le total des finances sociales représente en effet 2 000 milliards de francs, contre 1 700 milliards de francs pour le budget de l'Etat.
Nous continuerons dans cette voie, qui concerne votre fonction de contrôle financier mais, au-delà, une autre fonction, le contrôle de cette grande activité publique qu'est la sécurité sociale.
Le deuxième exemple que je prendrai concerne un autre domaine. Electricité de France, à la suite de nos interventions, a été amenée à effectuer des ajustements, des reprises de provisions et des rectifications. Celles-ci ont eu d'importantes conséquences sur le plan financier, la plus visible étant le fait que Electricité de France aura versé au titre de l'impôt sur les bénéfices, en raison des redressements apportés, plus de 3 milliards de francs. Une telle intervention a son intérêt puisqu'elle rétablit une certaine vérité.
J'en viens à mon troisième exemple. Il me paraît utile de rappeler que la Cour des comptes travaille en étroite coopération avec les chambres régionales des comptes. Les interventions répétées des juridictions financières à l'égard du Syndicat des eaux d'Ile-de-France ont eu des conséquences importantes. En effet, jusqu'à ces dernières années, ce syndicat était régi par un certain nombre de dispositions et en particulier par un avenant qui avait pour effet de limiter les appels à la concurrence. A la suite de nos constatations, l'autorité préfectorale a déféré au tribunal administratif plus de trente conventions particulières. Elles ont été annulées. L'année dernière, un avenant a amélioré les termes de la convention sur différents points, à telle enseigne que le prix de l'eau a baissé de 5 % pour les usagers.
Il s'agit là de résultats concrets, qui concernent des fractions importantes de la population. Je pourrais en citer d'autres, mais vous en avez déjà entendu parler.
S'agissant de l'ARC, l'Association pour la recherche sur le cancer, l'intervention de la Cour n'a pas eu seulement pour conséquence de mettre fin aux abus qui caractérisaient la gestion de cette association faisant appel à la générosité publique. En effet, elle a conduit l'ensemble des associations de ce genre à revenir à une nécessaire discipline financière et comptable. Les contrôles que nous avons récemment menés sur d'autres associations ont montré - et c'est heureux ! - que l'on n'y trouvait pas les mêmes désordres qu'à l'ARC.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le rapport que je vous remets aujourd'hui s'inscrit dans une longue tradition : celle de la coopération entre la Cour des comptes et le Parlement. Il s'agit là de l'un des rôles qui sont dévolus à la Cour par la Constitution.
Toutefois, il est dorénavant inexact de parler du rapport annuel de la Cour des comptes. En effet, nous vous en transmettons régulièrement deux autres : l'un concerne la sécurité sociale et l'autre l'exécution de la loi de finances.
L'année prochaine, nous progresserons en vous fournissant encore plus tôt le rapport sur l'exécution de la loi de finances. Ainsi, la commission des finances du Sénat sera saisie de nos premières observations synthétiques ou particulières sur l'exécution du budget précédent au moment même où elle examinera le budget de l'exercice suivant.
Cela constitue un résultat appréciable. Il est dû en partie aux efforts conjugués de l'administration des finances et des magistrats de la Cour des comptes, mais on le doit surtout à la mise en oeuvre massive de l'informatique, qui joue un rôle démocratique indirect.
Nous serons naturellement heureux de participer à tout ce qui pourra vous aider dans ce sens. Je crois savoir qu'un certain nombre d'orientations sont d'ores et déjà envisagées par le secrétaire d'Etat au budget pour élargir, améliorer et approfondir les conditions du contrôle de la dépense publique. Il s'interroge également sur certaines habitudes qui, après avoir paru éternelles, se révèlent à l'usage devoir être légèrement modifiées. Il en va ainsi de la règle de l'annualité budgétaire, très longtemps perçue comme une garantie démocratique du pouvoir législatif face au pouvoir exécutif, mais qui aujourd'hui, en termes de bonne gestion, est parfois une garantie illusoire.
Je conclurai en disant que je vous sais très intéressés par le fonctionnement des chambres régionales des comptes, notamment tous ceux d'entre vous - et ils sont très nombreux - qui ont des responsabilités d'élus locaux. Le nouveau statut des chambres régionales des comptes devrait vous être soumis prochainement. Aussi, je me permets de vous recommander de bien vouloir le prendre en considération avec bienveillance. Voilà quelques années, j'étais venu assister ici même dans les tribunes au débat aux termes duquel la position et les perspectives professionnelles des magistrats des tribunaux administratifs ont été renforcées. Il me paraît légitime que les magistrats des chambres régionales des comptes bénéficient de conditions comparables, si ce n'est rigoureusement identiques.
M. le président. Monsieur le Premier président, permettez-moi de préciser que le Sénat a pris une part active et importante dans cette réforme des chambres régionales des comptes, mais je sais que vous partagez cette appréciation.
M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des comptes. C'est bien pour cela que j'en parlais ! Le groupe de travail du Sénat a été l'occasion de plusieurs rencontres et d'une réflexion approfondie. J'ai réuni à trois reprises l'ensemble des présidents de chambre régionale des comptes pour discuter des questions que vous aviez soulevées. Je les ai consultés lorsque votre rapport a été publié, et de nouveau collectivement quelques semaines après. J'en ai tiré une analyse que j'ai transmise au ministre de l'intérieur, au ministre des finances, au président de l'Assemblée nationale et à vous-même, monsieur le président.
Je vous remets donc ce rapport en attendant que vous soyez branchés sur Internet,...
M. le président. Nous le sommes !
M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des comptes. Vous aurez donc deux façons de lire le rapport de la Cour.
M. le président. En retour, je me permets de vous recommander de consulter le site du Sénat, qui fonctionne très bien. (Sourires.)
M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des comptes. Je n'y manquerai pas. Cette nouvelle technologie, qui est souvent accusée de présenter des risques pour les libertés, voire de renforcer la technocratie, est un vrai progrès de la démocratie. (Applaudissements.)
M. le président. Le Sénat donne acte du dépôt du rapport de la Cour des comptes.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ainsi que vous aviez vous-même coutume de le dire, monsieur le président du Sénat, lorsque vous présidiez notre commission des finances, la publication du rapport annuel de la Cour des comptes marque un temps fort de l'année politique. L'écho qu'il rencontre en témoigne amplement, et je ne doute pas que les nouvelles technologies permettront d'accroître encore cet écho.
La commission des finances et le Sénat tout entier accordent en effet, monsieur le premier président, la plus grande importance aux travaux de la Cour, comme à la coopération avec la rue Cambon.
La commission des finances s'applique à tirer les meilleurs fruits de l'article 47 de la Constitution, selon lequel « la Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances ».
Cette « assistance », si j'ose dire, s'est d'ailleurs progressivement enrichie au fil des dernières années. Elle porte maintenant sur la préparation de l'examen par le Parlement des lois de règlement, sur le débat d'orientation budgétaire, pour lequel la Cour des comptes nous verse une contribution précieuse, ainsi que sur les études générales ou demandes d'enquêtes que la commission des finances peut demander à la Cour des comptes de conduire.
Par ailleurs, sur l'initiative du Parlement et notamment du Sénat, la haute juridiction financière nous transmet les référés auxquels il n'a pas été répondu sur le fond dans les six mois, comme toutes les communications de la Cour des comptes aux ministres et aux autorités administratives compétentes, dès lors qu'elles sont devenues définitives.
Je mentionnerai enfin, pour mémoire, la collaboration spécifique nouée entre la Cour des comptes et la commission des affaires sociales du Sénat pour l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les modes de coopération institutionnelle entre la Cour des comptes et le Sénat se sont donc considérablement enrichis. Il convient que nous nous en réjouissions tous car, plus que jamais, s'impose l'ardente nécessité d'une gestion efficace et économe des deniers publics. Comme MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse l'affirmaient dans leur audit des finances publiques remis au cours de l'été 1997 - ce point capital n'a sans doute pas été suffisamment souligné ou remarqué - « la maîtrise de la dépense publique est la condition sine qua non de l'assainissement durable des finances de l'Etat ». Cela me semble d'ailleurs devenu le pari du programme de stabilité 2000-2002 qui se fixe de n'augmenter que d'un point, en valeur réelle, et sur trois ans, les dépenses budgétaires. Les données des années récentes témoignent de l'ambition de ce pari. Il s'agit - mais je n'insisterai bien entendu pas aujourd'hui sur ce point - de l'esprit des deux derniers budgets alternatifs adoptés par le Sénat.
Cette gestion économe et efficace appelle, à l'évidence, une relance des activités de contrôle et d'évaluation des politiques publiques, conduites par les institutions qui en ont la charge : le Parlement et la Cour des comptes. Cette relance exige d'optimiser les procédures en vigueur, d'en lancer de nouvelles ou d'en imaginer peut-être d'autres plus innovantes. Bref, il s'agit, comme M. le président Christian Poncelet nous y conviait dans son discours du 7 octobre dernier, « de faire du contrôle une "seconde nature" et une activité permanente du Sénat ».
La commission des finances y est prête ; c'est donc en son nom que j'exprime à cette tribune sa détermination à « passer la vitesse supérieure » et à faire, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, de l'année 1999 « l'année du contrôle », avec le concours de tous les rapporteurs spéciaux.
Cette action nouvelle revêtira diverses formes : j'envisage d'organiser des débats en commission sur les référés demeurés sans suite. Ces débats pourraient être contradictoires. Y seraient conviés le ministre compétent et un représentant de la Cour des comptes. Je souhaite, en outre, prolonger les expériences conduites l'année dernière, d'une part, en interrogeant sans délai les ministres sur les suites qu'ils entendent réserver aux observations critiques des lois de règlement relatives à la gestion des crédits budgétaires et, d'autre part, en questionnant les tutelles et les présidents des entreprises publiques sur les actions correctrices mises en place, au regard des conclusions des rapports particuliers de la Cour des comptes sur la gestion des entreprises publiques.
J'entends également relancer la procédure des enquêtes commandées à la Cour des comptes, en application de l'article 47 de la Constitution, procédure qui n'a pas connu, à ce jour, les résultats espérés. Une enquête de ce type pourrait utilement consister dans l'audit de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances. La compétence, l'expérience et la mémoire de la Cour des comptes sont irremplaçables pour mettre en lumière les aspects archaïques de cette ordonnance à valeur quasi constitutionnelle. Monsieur le Premier président, je ne doute pas que la Cour des comptes, selon des modalités à définir, nous apportera son concours éclairé pour cette tâche indispensable à l'heure de l'harmonisation des politiques budgétaires des pays de la zone euro.
Enfin - mais c'est une oeuvre de plus longue haleine - nous aurons à travailler sur les modalités d'un « échange de cultures » entre la Cour des comptes et le Sénat, et ce pour trouver les synergies nécessaires entre la Cour des comptes européenne et les cours des comptes nationales afin de contrôler l'utilisation des fonds communautaires, pour étoffer et pour rationaliser les rapports d'activité des ministres, pour rendre plus compréhensibles et utilisables les situations budgétaires mensuelles, pour permettre, dans des conditions très précises, aux rapporteurs spéciaux de disposer des rapports d'inspection.
Bien entendu, il appartiendra au Parlement de parfaire le fonctionnement de l'Office d'évaluation des politiques publiques afin de lui donner pleine efficacité.
Ces réformes prendront du temps. Mais le Sénat a toujours intégré le temps dans son oeuvre. Il a toujours intégré la sagesse, la constance et la détermination pour que la France continue à tenir son rang en Europe et dans le monde. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants et du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
(M. Guy Allouche remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
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LOI D'ORIENTATION AGRICOLE

Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Barraux.
M. Bernard Barraux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France rurale est riche de sa culture paysanne et de la diversité de ses territoires. Plus encore, elle est riche de ses femmes et de ses hommes qui constituent le monde paysan dans son infinie diversité. Cet éclectisme est tel qu'il va de l'éleveur de chèvres du Larzac aux prestigieuses productions du Révérend Père Dom Pérignon.
A l'aube du troisième millénaire, voilà le monde rural confronté à une situation duale complexe.
D'un côté, l'agriculture est particulièrement performante. Elle a hissé la France en trente ans au deuxième rang mondial pour les exportations agro-alimentaires, permettant à cette industrie de devenir la première entité économique de France. De l'autre, l'agriculture évolue, hélas ! dans un espace rural terriblement touché par la désertification, au point que certaines zones ont atteint des seuils démographiques alarmants. De plus, une intensification de certains types d'élevage, qui n'ont plus rien de marginal, une concentration excessive de diverses productions provoquent manifestement des nuisances auxquelles personne ne peut être indifférent.
Les agriculteurs, qui ne représentaient plus, en 1990, que 5 % de la population active, connaissent donc aujourd'hui une nouvelle mutation, et c'est l'ensemble de la ruralité qui doit s'efforcer de réagir à cette situation.
Face aux productions régulièrement excédentaires par rapport aux besoins de l'Union européenne et aux mesures restrictives en matière de soutien des prix et des quantités garanties, qui n'ont pas donné les résultats escomptés, l'Union européenne a fait adopter par le conseil des ministres, en 1992, une nouvelle politique agricole commune. Celle-ci déconnecte le revenu agricole des prix garantis et impose une réduction des surfaces cultivées pour limiter l'offre agricole.
L'agriculture, traditionnellement tournée vers la satisfaction des besoins alimentaires, doit regarder autant vers l'agro-industrie qu'elle regarde encore aujourd'hui vers l'agro-alimentaire. La production de diester, d'éthanol, d'emballages pour les produits alimentaires à base de dérivés de l'amidon, plutôt que de dérivés du pétrole, comme c'est le cas aujourd'hui, peut constituer de formidables débouchés. Ne perdons pas non plus de vue que, sur une population mondiale de six milliards d'habitants, 700 millions meurent encore de faim. Combien seront dans cette situation demain, c'est-à-dire dans cinquante ans, quand nous aurons atteint les 9 milliards d'habitants que prévoient les spécialistes ? Loin de considérer la fonction de production de l'agriculture comme secondaire, il nous faut donc nous interroger et nous mobiliser pour maîtriser tous ces excès conjoncturels.
La vocation de l'agriculture doit aussi se tourner vers la défense des valeurs sociétales et la protection de l'équilibre de notre territoire et de l'environnement.
Si, certes, les producteurs de lavande de Bormes-les-Mimosas sont a priori plus séduisants que les éleveurs de porcs bretons, il ne faut tout de même pas oublier que ces derniers permettent à chacun d'entre nous de consommer, à des prix que nous connaissons fort bien, quarante kilogrammes de porc par an ! On n'a, que je sache, jamais cherché à supprimer les roses parce qu'elles avaient des épines ! Ces épines fussent-elles olfactives, nous aurons donc mission de réhabiliter tous les agriculteurs, si impopulaires soient certaines de leurs productions, et nous devrons avoir à coeur de lutter contre ces bruyantes minorités, qui, pratiquant des méthodes qui feraient plus penser à celles qu'utilisait en d'autres temps l'Inquisition, jugent, condamnent et exécutent tout ce qui ne va pas dans le droit-fil de leurs conceptions savamment élaborées dans leurs salons douillets.
C'est l'un des objets de ce projet de loi d'orientation que nous examinons aujourd'hui et pour lequel, comme bien d'autres de mes collègues, je regrette que vous ayez cru devoir déclarer l'urgence, monsieur le ministre.
Si les agriculteurs en général, notamment les éleveurs du bassin allaitant de mon bon département de l'Allier, ne sont pas hostiles a priori au principe du contrat territorial d'exploitation, ils s'inquiètent, comme nombre d'entre nous, sur l'avenir de ce dernier, sur son existence, sur les incertitudes de son financement. Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même souhaitons donc, monsieur le ministre, que vous le fassiez sortir de la nébuleuse dans laquelle il est actuellement.
Les agriculteurs s'interrogent sur les termes insuffisamment précis de « conditions de production », ainsi que sur l'articulation qui reste à trouver entre les projets collectifs et les projets définis au plan local.
Le financement des CTE, qui doit s'inscrire dans un fonds constitué principalement à cet effet, doit être précisé.
Limiter le contenu à un simple redéploiement de crédits serait, certes, bien trop réducteur et ne donnerait sans doute pas aux CTE l'élan suffisant pour accompagner leur démarrage et pour leur donner leur vitesse de croisière.
De plus, il conviendrait de prévoir l'articulation entre les financements nationaux, régionaux et locaux, en particulier dans le cadre des contrats de plan Etat-région.
J'évoquerai maintenant l'identification des produits.
Le dispositif proposé par l'article 39 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, tend à considérer l'indication géographique protégée, l'IGP, comme un heureux signe d'identification géré par l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO. N'y a-t-il pas là risque d'une certaine confusion pour le consommateur ?
J'y vois tout de même, pour ma part, un intérêt incontestable : celui de sauvegarder sur un lieu géographique bien déterminé certaines productions spécialisées.
Qu'une IGP soit liée à un signe de qualité est, à mon avis, tout à fait souhaitable ; mais nous devons éviter l'inverse, car cela reviendrait à créer un signe de qualité de plus.
Entre les appelations d'origine contrôlées, les AOC, les labels, les produits certifiés, les produits « bio » de toutes espèces, et les IGP, avouez que le consommateur n'aura pas la tâche facile !
L'AOC est un signe de qualité obligatoire et bien déterminé, une sorte de droit à la différence que personne ne conteste.
Le label, quant à lui, est plutôt, dirais-je, le seul véritable critère de qualité supérieure grâce à un rigoureux cahier des charges. Pour les Français, il n'y a pas de qualité sans notion de gastronomie, ce dont tient compte le label. La gastronomie fait en effet véritablement partie de notre patrimoine culturel. Mais pour nos voisins et amis européens, au contraire, la notion de qualité est surtout liée à la qualité nutritionnelle et à la qualité sanitaire du produit. Pour eux, l'aspect a beaucoup plus d'importance que le goût.
Un autre critère de qualité concerne les produits « bio », qui, comme chacun le sait, connaissent actuellement un très important développement. Mais il s'agit beaucoup plus d'une philosophie de production que d'une qualité au sens « label » du terme.
Là encore, il existe une importante différence entre les contraintes françaises et les directives européennes, ces dernières étant nettement moins contraignantes que les nôtres. Cela permet de voir à l'étalage des produits « bio » fabriqués par nos voisins européens à des prix nettement inférieurs aux produits « bio français. Peut-être y aurait-il lieu de trouver un compromis entre l'excès de banalisation des produits « bio » européens et l'excès de rigueur des critères de production français !
Les études consacrées aux attentes du consommateur français mettent en lumière que celui-ci est à la recherche de ses racines, du goût des produits de son enfance, des produits du terroir, des produits de qualité élaborés selon des savoir-faire traditionnels bien déterminés. C'est bien la preuve que la notion de gastronomie fait partie intégrante de la culture française ! Et, en ce domaine, seul le label s'attache à cette notion.
Je voudrais, pour terminer, évoquer le problème spécifique de l'intégration qui, dans le monde de l'élevage, concerne certaines relations entre un producteur et son fournisseur industriel. Elle est à l'origine d'un contentieux trop important et souvent défavorable aux industriels, notamment de la nutrition animale.
Face à la multiplicité des relations contractuelles entre les éleveurs et les industriels, il est nécessaire de revoir la définition actuelle de l'intégration. Les textes qui régissent ces contrats doivent en effet être adaptés et complétés.
Le projet de loi initial ne prévoyant pas de traiter de la question de l'intégration, la commission des affaires économiques a pris l'initiative de déposer un amendement prévoyant que le Gouvernement présentera, d'ici à un an, un rapport sur le phénomène de l'intégration et le pouvoir économique des producteurs.
Il est quelque peu simpliste, voire erroné, de ne voir dans cette relation commerciale que l'exploitation d'un pauvre agriculteur par un riche industriel de l'agroalimentaire.
On oublie trop souvent que, en période de crise, comme actuellement pour le porc, l'éleveur « intégré » est le seul à avoir une garantie de ressources. S'il ne profite pas, certes, de certaines euphories des cours, il est aujourd'hui protégé contre les chutes catastrophiques. Il s'agit donc bien d'un accord clairement et librement établi entre deux parties, l'industriel qui recherche une garantie de débouché et l'éleveur qui recherche une garantie de revenu.
De plus, s'agissant de l'installation de jeunes agriculteurs ne possédant pas suffisamment de fonds de roulement pour financer la totalité de leurs productions, l'intégration est un outil qui, depuis de nombreuses années, a rendu de bons et loyaux services. Il est grand temps que ce style de relations soit clairement défini afin, justement, d'éviter certains abus qui lui ont donné cette mauvaise réputation.
Il est important de noter que la législation actuelle écarte de son champ d'application les relations incluant certaines coopératives qui, pourtant, se comportent très souvent comme de véritables intégrateurs.
Depuis que le monde est monde, chacun sait que ce sont les agriculteurs qui l'ont nourri, souvent difficilement, et nous sommes sans doute la première génération qui n'a pas à souffrir de dramatiques périodes de pénuries. Jamais l'agriculture n'a nourri autant de monde ! Souhaitons que ce texte lui permette de renforcer son pouvoir afin d'aider à son développement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur Barraux, vous êtes un fin gastronome, mais vous vous êtes largement servi sur le temps de parole de votre groupe ! (Sourires.)
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'associerai tout d'abord aux compliments qui ont été adressés à notre rapporteur.
M. Charles Revet. Ils sont tout à fait justifiés !
Mme Janine Bardou. ... pour le travail tout à fait remarquable qu'il a accompli au sein de notre commission.
Le projet de loi d'orientation agricole que nous examinons aujourd'hui nous donne la mesure des enjeux pour l'avenir rural. De nombreux orateurs ont déjà souligné les espoirs et les craintes suscités par ce texte.
Pour ma part, j'aborderai un sujet qui me tient particulièrement à coeur : la montagne. En effet, ce texte ne me semble pas suffisamment reconnaître la spécificité des zones de montagne, qui représentent 25 % du territoire national.
Faut-il rappeler que la loi montagne, votée à l'unanimité en 1985, reconnaissait cette spécificité ?
Faut-il rappeler que les conditions de production agricole en montagne se caractérisent par des contraintes particulières liées à l'altitude, à la pente, mais aussi au climat, à l'enneigement, aux difficultés de communication qui induisent des surcoûts d'équipement, de transport et réduisent d'autant la productivité ?
Dans ces conditions, comment la politique de la montagne pourrait-elle être banalisée et diluée dans une politique globale ?
Faut-il rappeler aussi l'abandon, au fil des ans, des soutiens à la montagne : aide à la mécanisation, aide pour les bâtiments d'élevage, aide à la qualité et à la collecte des produits ?
Pourtant, les agriculteurs de montagne mettent en oeuvre des capitaux à peu près équivalents à ceux des agriculteurs de plaine. Ils travaillent autant, mais ils réalisent, en moyenne, un chiffre d'affaires moitié moins élevé.
Cependant, conscients que la structure de leurs exploitations ne leur permettait pas de s'insérer dans un contexte de production de masse, les agriculteurs de montagne ont su développer de nombreux créneaux de marché tels que la vente directe, les circuits courts de transformation ou l'agritourisme, et ce grâce à l'image positive de la montagne.
Nous avons d'ailleurs pu le constater lors de la crise de la vache folle où, finalement, les zones de montagne ont mieux résisté que d'autres.
Ainsi, nos agriculteurs ont su avant l'heure répondre à la demande des consommateurs en termes de qualité des produits.
Monsieur le ministre, si j'ai souhaité insister sur l'identité montagnarde, c'est que ses spécificités sont parfois mal comprises - la loi de 1985 est déjà loin - et souvent ressenties, à tort, comme la défense d'intérêts catégoriels.
Je voudrais aborder maintenant deux points particuliers, la pluriactivité développée dans l'article 6 et les contrats territoriaux d'exploitation.
S'agissant de la pluriactivité, nous devons d'abord affirmer avec force que la fonction de production, que ce soit en plaine, en montagne ou en zone défavorisée, est la fonction première et majeure de l'agriculteur, toutes les autres activités ne devant être considérées que comme le prolongement du statut de l'agriculteur.
L'article 6 voté en première lecture à l'Assemblée nationale met l'accent sur le « caractère accessoire » de certaines activités.
Cette disposition irait finalement à l'encontre de l'objectif de la loi d'orientation, qui est de maintenir des agriculteurs sur l'ensemble de notre territoire et de conforter leurs revenus en leur permettant d'avoir une multifonctionnalité, objectif que nous ne pouvons qu'approuver.
Si nous prenons pour exemple l'agritourisme, cet article est, pour les zones qui développent cette activité, totalement inadapté.
Nous pouvons déjà estimer que, en Lozère, une centaine d'exploitations seraient concernées et que le statut agricole serait remis en cause pour une cinquantaine d'entre elles. Et il en est de même dans bien d'autres régions !
La plupart de ces exploitations, très souvent localisées dans les Cevennes, ont un très faible chiffre d'affaires agricole et un revenu complémentaire leur est indispensable.
Il apparaît, d'autre part, qu'elle concernent, pour les deux tiers d'entre elles, des agriculteurs qui ont des systèmes d'exploitation qui valorisent et entretiennent l'espace, et que ce sont les agriculteurs les plus professionnels en matière de diversification agritouristique qui seraient les plus touchés.
Enfin, en termes d'image, les études d'impact et la pratique des salons grand public nous font prendre conscience de l'importance du terme « ferme » dans leur communication. Une remise en cause de l'utilisation de cette terminologie serait catastrophique pour le tourisme rural, bien souvent identifié comme étant un tourisme à la ferme par les clients, pour la Lozère en particulier.
Cela m'amène à dire que, pour ce qui concerne l'agritourisme, quels que soient les revenus de l'exploitation, le tourisme vert s'appuie sur l'activité agricole, même si, parfois, il peut être plus rémunérateur. Les deux activités sont absolument indispensables pour dégager un revenu suffisant.
Le deuxième point que je voudrais évoquer est le contrat territorial d'exploitation.
Le CTE, pièce maîtresse de votre projet de loi, est « l'outil de la nouvelle politique agricole ». L'intention est, certes, louable, mais elle n'est pas tout à fait nouvelle puisqu'elle répond aux mêmes préoccupations que les plans de développement durable mis en oeuvre depuis quelques années.
Ce dispositif vise à inscrire l'exploitation agricole dans une démarche contractuelle et à rétribuer d'autres fonctions que la production.
Mais le CTE inquiète les agriculteurs, notamment dans les zones de montagne qui pratiquent une agriculture extensive, où environnement et agriculture sont très liés. En effet, les contrats territoriaux d'exploitation étant mis à la disposition de tous et non réservés aux agriculteurs des zones fragiles, leur impact risque de s'en trouver diminué.
Vous nous affirmez, monsieur le ministre, que l'équilibre entre production et environnement sera respecté, mais qu'en sera-t-il dans l'avenir ?
A travers le CTE, contrat entre l'Etat et l'agriculteur, l'Etat n'aura-t-il pas la tentation d'orienter sa politique agricole ? N'aura-t-il pas le souci de donner un jour la priorité aux missions environnementales au détriment de la production, surtout dans des zones difficiles comme les nôtres, ce qui, à terme, aurait pour conséquence la disparition de l'agriculture ?
Prévenir les risques naturels, gérer des espaces à haute valeur ajoutée naturelle et lutter contre l'érosion, telles sont les missions que les agriculteurs de montagne assument depuis toujours, même si elles n'ont été jusqu'ici ni reconnues ni rémunérées, alors que l'ensemble de la société en tirait profit. Prendre en compte cette fonction est un aspect positif du CTE.
Mais la fonction de gestion de l'espace et d'entretien des paysages ne doit en aucun cas devenir la fonction dominante de notre agriculture.
De même, il ne peut être question, comme on le laisse parfois entendre dans certaines réunions - mais pas au sein du ministère de l'agriculture, je tiens à le souligner -...
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Vous me rassurez ! (Sourires.)
Mme Janine Bardou. ... que le CTE puisse être orienté principalement vers les adhérents du réseau Natura 2000. Ce serait inacceptable !
M. Auguste Cazalet. Très bien !
Mme Janine Bardou. Par ailleurs, nous tenons, monsieur le ministre, à ce que les aides spécifiques telles que l'indemnité spéciale montagne et l'indemnité compensatrice de handicap naturel restent bien identifiées.
Nous ne saurions non plus accepter que ces aides compensatrices de handicap soient fondues dans un contrat territorial d'exploitation destiné à l'ensemble du territoire.
Enfin, je voudrais évoquer un point particulier concernant le financement des contrats territoriaux d'exploitation : à terme, une participation des collectivités locales sera sans doute sollicitée, ce qui me paraît extrêmement dangereux. En effet, c'est logiquement dans les départements les plus fragiles que devraient être souscrits le plus grand nombre de CTE, mais ces départements n'ont pas toujours les moyens financiers de doter fortement cette mesure. Cela ne fera donc qu'accentuer les graves distorsions entre les régions riches et les autres.
En conclusion, monsieur le ministre, cette loi d'orientation agricole ne saurait figer le métier d'agriculteur, qui doit toujours pouvoir exprimer son identité, à savoir la production. Pour les jeunes qui souhaitent s'installer, il faut faciliter les démarches à accomplir, car elles demeurent très complexes et très contraignantes. Nous réduirons ainsi le risque d'abandon de terres en montagne.
Zones d'avenir, les zones de montagne ont sans doute des difficultés, mais aussi beaucoup d'atouts qui ne demandent qu'à être mis en valeur.
L'agriculture restera toujours aussi la condition du maintien de la vie et de l'occupation de l'espace. Je souhaite que vous entendiez ce message, monsieur le ministre.
Même s'ils ne refusent pas d'assurer des fonctions de gestion de l'espace, les agriculteurs veulent être des agriculteurs à part entière, et contribuer ainsi à un aménagement harmonieux du territoire.
En France, comme partout en Europe, les zones de montagne ne sont pas des zones sauvages, contrairement à ce que certains imaginent parfois : ce sont bien des zones façonnées par la main de l'homme et absolument indispensables à l'équilibre de notre territoire national. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu des prochains enjeux auxquels nos secteurs agricole et agroalimentaire auront à faire face, je ne suis pas convaincu que le projet de loi que nous examinons, tel que nous l'a transmis l'Assemblée nationale, soit bien l'outil adéquat.
L'élargissement de l'Union aux pays de l'Europe centrale et orientale correspond à l'arrivée de 100 000 millions de consommateurs supplémentaires. Dans moins de six mois doivent être closes les négociations de la PAC, ce qui permettra d'entamer celles de l'Organisation mondiale du commerce.
Dans cet espace ouvert, l'agriculture ne sera plus l'objet d'un régime particulier. Il convient donc de définir une politique de développement durable, à taille humaine, qui assure un équilibre entre les exigences de la production et les préoccupations environnementales.
Comme cela a été dit, la France représente plus de 20 % de la production agricole européenne et tient le premier rang pour l'exportation des produits transformés ; son industrie alimentaire prend 10 % du marché mondial. On compte 800 000 exploitations. Toutefois, seulement la moitié sont considérées par l'Union européenne comme pouvant faire vivre une famille. Ce texte inquiète déjà les entreprises rentables ; que dire pour celles qui sont les plus fragiles ?
Pour que notre agriculture reste performante, diversifiée, exportatrice, répartie sur l'ensemble du territoire et en adéquation avec les exigences de protection de l'environnement et de respect des consommateurs, il faut bien favoriser l'arrivée d'une nouvelle compétitivité fondée sur la multifonctionnalité.
Plutôt que d'encourager l'initiative et l'innovation et porter ainsi une démarche incisive, votre projet, monsieur le ministre, encadre trop - et donc entrave, comme dans beaucoup d'autres domaines - et pèche par manque de moyens.
L'outil principal, c'est le contrat territorial d'exploitation, à propos duquel vous nous avez fait, hier, une brillante démonstration oratoire, monsieur le ministre.
Or, je n'avais pas été le seul, lors de l'examen des crédits du budget de l'agriculture, à peu apprécier ce qu'il convient d'appeler pudiquement le redéploiement de crédits destiné à faire figurer 300 millions de francs au chapitre des CTE, sans parler des ajouts européens. Ces fonds manqueront plus particulièrement là où des mesures appropriées commençaient à porter leurs fruits. A ce sujet, comment la charte d'installation signée par Philippe Vasseur sera-t-elle honorée ?
Pour 1999, vous avez prévu, monsieur le ministre, la mise en place de 12 000 CTE pour 800 000 exploitations réparties sur le sol national. Dans mon département, nous avons 3 000 agriculteurs, et une centaine de CTE sont annoncés. Là comme partout ailleurs, il est à prévoir des arbitrages serrés. Que dire à ceux qui ne recevront pas les 25 000 francs ? Quels critères définir ? Sur quelle recevabilité et sur quelle objectivité ?
A partir de cette sélection se créeront des distinctions qui opéreront des catégories. Cela me paraît inutile et dangereux.
Dans l'élaboration du projet, il aurait fallu considérer la dimension du territoire avant que d'organiser la relation entre l'Etat et l'agriculteur.
Déjà, ce dernier estime qu'il va vers une perte de responsabilité ; mais de nombreux autres acteurs estiment que certaines dispositions vont troubler le jeu d'une complémentarité sur laquelle reposent l'équilibre et l'avenir du monde rural.
Au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, à laquelle j'appartiens, notre excellent rapporteur, Michel Souplet, va déposer et soutenir un amendement de suppression de l'article 6, qui ne satisfait personne.
En ce qui concerne les agriculteurs, comme l'a souligné le président Jean François-Poncet, l'imprécision de la notion « accessoire » pour les activités de diversification est telle qu'elle risque d'être préjudiciable à l'exploitant. Cela sera expliqué dans le détail.
D'autres catégories, comme les artisans ou les animateurs du tourisme rural ou vert, redoutent que cette pluriactivité ne se traduise par une concurrence déloyale. Cette perspective est d'autant plus mal vécue que l'adaptation aux marchés n'est pas soutenue de la même façon dans tous les secteurs. Ainsi, de complémentarité on en est arrivé à parler de rivalité.
Michel Souplet, pensant surtout au monde agricole, a souhaité que les différentes parties prenantes négocient afin de parvenir à un texte levant les incertitudes et corrigeant les dérives évoquées. Je souhaite que, dans cette recherche de conciliation, soient associés l'ensemble des acteurs qui constituent la société rurale. Ils sont indissociables tant il résulte de l'interpénétration des secteurs que c'est un tout.
Afin de ne pas alourdir les débats, espérant être entendu et voir la position de notre commission adoptée, je n'ai pas déposé d'amendement visant à préciser des termes et des champs dont les contenus doivent être préalablement explorés.
L'articulation de la diversité doit nécessairement s'ancrer dans le partenariat. Cette forme voulue d'association donne à chacun sa place et sa responsabilité dans la construction de l'avenir.
Ce texte n'atteindra pas son objectif de réconciliation de la société avec le monde agricole, souvent attaqué. Par ailleurs, il ne prend pas assez en compte les dimensions communautaire et internationale dans lesquelles s'inscrit la politique à mener. Ainsi, la dimension exportatrice est gommée au profit de la protection de l'environnement, malgré les effets prévisibles d'une baisse des prix généralisée incluse dans le paquet Santer. A mon tour, je dirai que l'avenir de l'agriculture française ne sera pas assuré par une suradministration. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le ministre, la loi d'orientation agricole que vous nous présentez aujourd'hui est un événement majeur qui va en grande partie conditionner l'agriculture française dans les vingt années à venir.
La première lecture de ce texte, tel qu'il nous est parvenu de l'Assemblée nationale, me donne l'impression d'un projet manquant d'ambition et de prospective, et je crains que le débat qui s'instaure aujourd'hui en cette assemblée ne demeure véritablement qu'un débat franco-français, qui ne prépare pas l'agriculture française aux grands rendez-vous qui l'attendent.
Le premier de ces rendez-vous est celui des marchés.
L'agriculture française, n'en déplaise à certains, a une vocation exportatrice.
Le nier aujourd'hui, c'est accepter, demain, que nos entreprises de transformation agroalimentaires licencient un ouvrier sur trois ou procèdent à des délocalisations pour conserver leurs parts de marché.
N'oublions pas que la France est le premier pays exportateur de produits agricoles transformés, avec 11 % des échanges internationaux. C'est là le fruit du savoir-faire et du dynamisme de nos 4 200 entreprises spécialisées et de leurs 400 000 salariés.
Le nier aujourd'hui, c'est ne pas se mettre en position de force pour négocier, demain, avec nos partenaires d'Outre-Atlantique dans le cadre des futures négociations OMC, qui débuteront en fin d'année. Cette négociation, chacun la sait difficile, car les Etats-Unis, au travers du Fair Act de 1996, ont clairement affiché leur détermination de reconquérir, voire d'acquérir, de nouvelles parts de marché en Europe, détermination servie par le Codex Alimentarius , organisme européen d'harmonisation des règles sanitaires qu'il importerait - je le dis au passage - de toiletter, mais également par la procédure du Fast-track, qui - je le dis aussi au passage - fait actuellement défaut au président Clinton, et dont nous ne saurons malheureusement peut-être pas profiter.
Nier cette vocation exportatrice, c'est aussi faire fi de l'augmentation de la demande alimentaire mondiale, et ainsi abandonner à d'autres la conquête des parts de marché correspondantes.
Je vous le rappelle, monsieur le ministre, chaque année, notre planète compte 80 millions d'habitants supplémentaires.
Nier cette vocation exportatrice de l'agriculture française, c'est, enfin, évidemment, fragiliser 50 % de l'excédent de notre balance commerciale, en clair entre 60 et 70 milliards de francs tous les ans.
Or, la réponse de cette loi d'orientation agricole, c'est le contrat territorial d'exploitation !
Vous avouerez, monsieur le ministre, que cette réponse est un peu courte, au regard de ce grand rendez-vous. Si quelques rares régions de l'Hexagone se sont laissé entraîner dans une vision trop productiviste, engendrant des dérives environnementales qu'il faut impérativement corriger, n'oublions pas malgré tout que « l'agriculture durable » est et sera celle qui demeurera présente sur les marchés ! Il nous importera donc, au cours de ce débat, de corriger cette dérive environnementaliste des CTE, qui ne peut que refléter une vision passéiste des choses totalement déconnectée de la réalité. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Raymond Courrière. Et la protection de la santé !
M. Jean Bizet. Que des régions de montagne, des régions fragiles ou très typées souscrivent avec l'Etat des CTE, pourquoi pas ? Mais tout cela, monsieur le ministre, ce n'est pas la France !
Que l'on fasse de ce concept l'orientation majeure de notre politique agricole du xxie siècle, vous comprendrez que nous ne puissions y souscrire, d'autant que le financement relève d'une opération des plus hypothétiques, quand ce n'est pas des plus dangereuses.
Le deuxième rendez-vous de notre agriculture est celui de la qualité ; je veux parler de la qualité sanitaire et de la qualité organoleptique des produits agricoles.
Sur ces points précis, compte tenu d'une conjoncture récente très particulière, troublée par la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, nous pouvons considérer que les agriculteurs de ce pays ont déjà, et depuis longtemps, répondu présent à ce rendez-vous. Nous pouvons également considérer que le ministère de l'agriculture et la direction générale de l'alimentation ont, de ce point de vue, démontré pleinement leur efficacité et leur sérieux.
Cette politique de qualité a été fortement développée par l'un de vos prédécesseurs, M. Vasseur (M. René-Pierre Signé s'esclaffe), et j'espère que vous saurez vous inscrire, à votre tour, dans la même démarche, monsieur le ministre.
La traçabilité, l'identification, la certification doivent désormais devenir la règle pour l'ensemble des filières de production. Les signes de qualité et d'identification, qu'ils soient nationaux ou européens, doivent faire l'objet d'une plus grande lisibilité auprès des consommateurs ; c'est ce qui motive le dépôt par notre rapporteur d'un certain nombre d'amendements qui, je l'espère, seront votés par cette assemblée.
La création de l'agence de sécurité sanitaire des aliments est, là aussi, un maillon indispensable à notre politique de qualité, qu'il importe de rendre totalement opérationnelle.
La qualité organoleptique des produits agricoles français contribue largement à la réputation de notre pays et, grâce à l'INAO, fait l'objet depuis de nombreuses années d'une codification qu'il importe de conserver en cohérence avec une codification européenne.
Quant au développement de l'agriculture biologique, si nous pouvons nous en réjouir, il convient malgré tout de considérer qu'il s'agit d'une production dite de « niche », qui ne peut et ne pourra résumer, à elle seule, la politique agricole de notre pays.
Il ne faut pas non plus oublier que cette production doit répondre aux mêmes exigences de sécurité sanitaire que les produits agricoles dits « conventionnels ». Ne pas en prendre totalement conscience aujourd'hui, c'est condamner, demain, son évolution.
Enfin, monsieur le ministre, le troisième rendez-vous est celui de la modernité. Il est le plus méconnu ; il s'avérera le plus déterminant pour l'avenir.
La modernité de l'agriculture, c'est l'avènement des biotechnologies. Sur ce point, la France est « frileuse » tout comme l'Europe, alors que les Etats-Unis se sont engagés dans cette démarche avec une forte détermination ces cinq dernières années.
Aux Etats-Unis, les biotechnologies ont créé à ce jour 120 000 emplois au sein de 1 300 entreprises représentant 83 milliards de dollars de capitalisation boursière. Dans notre pays, ces emplois sont au nombre de 3 000 et les entreprises spécialisées atteignent à peine 90 unités, représentant 0,6 milliard de dollars de capitalisation boursière.
La France totalise à peine 2 000 hectares de cultures OGM, organismes génétiquement modifiés, à comparer aux 40 millions d'hectares sur l'ensemble du monde ! Pourtant les OGM se développeront, monsieur le ministre, avec ou sans l'Europe, avec ou sans la France.
M. Gérard César. Très bien !
M. Jean Bizet. Je suis très inquiet de l'attitude de la France face à cette réalité.
M. Raymond Courrière. C'est de la prudence !
M. Jean Bizet. Si je salue la décision de votre prédécesseur, M. Le Pensec, autorisant la mise en culture du maïs BT en septembre 1997, ce n'est que pour mieux déplorer l'orientation parallèle et immédiate du ministère en faveur de l'agriculture biologique, destinée à masquer les vrais enjeux. Tout se passe comme si le Gouvernement refusait d'aborder clairement cette question, car, c'est vrai, elle heurte l'opinion publique, inquiète de l'irruption de cette modernité dans son alimentation. Mais le Gouvernement ne pourra longtemps fuir ses responsabilités.
Je partage les analyses de l'ancien président de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, notre collègue Jean-Yves Le Déaut, dans ses conclusions de la conférence du consensus. Je n'évoquerai qu'en passant la décision du Conseil d'Etat, prise en décembre 1998, de surseoir à exécution pour l'utilisation d'autres variétés de maïs génétiquement modifiés, mettant ainsi notre pays en totale incohérence avec la législation européenne.
La France, dans ce contexte de mondialisation des échanges, ne pourra rester à l'écart des biotechnologies.
Et pendant que le Gouvernement tarde à prendre une décision claire, les Etats-Unis, eux, au travers de la brevetabilité du vivant, prennent des positions dominantes dans les multinationales de l'agrochimie. Cette orientation transformera nos agriculteurs en « ouvriers à façon » de ces mêmes multinationales américaines, qui capteront ainsi toute la valeur ajoutée.
A la demande de la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat, j'avais rendu un rapport d'information sur ce sujet en juin 1997 et je m'étais déplacé à Washington, rencontrant de nombreux responsables agricoles ainsi que Mickey Kantor, ancien négociateur du GATT pour le président Clinton.
Monsieur le ministre, regardons la réalité en face, les OGM seront au centre des futures négociations de l'OMC en fin d'année et ce n'est pas l'utilisation du « principe de précaution » qui résoudra ce problème.
Au sein de ce projet de loi d'orientation agricole, le chapitre consacré à la biovigilance, monsieur le ministre, est davantage un message adressé au lobby écologique qu'aux consommateurs ou aux industriels de ce pays.
J'aurais souhaité un texte plus ambitieux et surtout plus cohérent avec la directive européenne 90/220 en cours de révision, c'est-à-dire un vrai projet de loi sur les OGM. Je ne comprends pas pourquoi les dispositions relatives à la biovigilance ne se rattacheraient pas tout simplement aux dispositions générales de la loi du 1er juillet 1998 relative à la sécurité sanitaire. Le consommateur, l'industriel, le chercheur ont sur ce point besoin de transparence, de sécurité, et de netteté ; je crains que ce texte ne réponde pas clairement à ces objectifs, donc à leur attente.
On ne peut rester longtemps dans l'ambiguïté à son avantage et « l'on en sort assurément qu'à son détriment », monsieur le ministre. Ces propos de Talleyrand sont encore aujourd'hui d'une cruelle réalité.
Au terme de cette intervention, monsieur le ministre, je tiens à vous dire que j'aborderai cette loi d'orientation avec un esprit constructif, certes, (Rires sur les travées socialistes)...
M. Raymond Courrière. C'est mal parti !
M. Jean Bizet. ... mais je n'accepterai pas de laisser fragiliser l'agriculture de mon pays. Je tiens à lui donner la place qui lui revient dans le contexte international. C'est la raison pour laquelle, avec mes collègues du groupe du RPR et en parfaite cohérence avec M. le rapporteur, nous essaierons au travers d'un certain nombre d'amendements de lui donner davantage d'ambition. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Boyer.
Mme Yolande Boyer. Le projet de loi d'orientation agricole que vous nous proposez, monsieur le ministre, après votre prédécesseur, M. Louis Le Pensec, devenu notre collègue et que je salue ici amicalement, est une nécessité pour les agriculteurs, certes, mais aussi pour l'ensemble de la population.
Notre agriculture a connu des mutations impressionnantes. La société évolue, les besoins, les habitudes, les demandes des consommateurs aussi. Il est donc essentiel de renforcer les liens entre les agriculteurs et la société.
Ce projet de loi s'inscrit non seulement dans l'évolution de la société française mais aussi, et beaucoup plus largement, dans le cadre de la réforme de la PAC et de la mondialisation des échanges.
Pour ma part, je souhaite insister sur le mot : « orientation », car ce projet de loi a pour objectif de non pas tout régler, mais de donner de grandes directions en fonction de choix clairement annoncés.
Mon intervention portera sur certains de ces choix exprimés dans le titre II, consacré aux « exploitations et personnes ».
En effet, l'agriculture, ce sont des hommes et des femmes qui font vivre nos territoires par la production, certes, mais aussi par toutes les autres activités qui vont bien au-delà de l'action de produire, la multifonctionnalité étant clairement affirmée et reconnue.
L'agriculture, c'est aussi le savoir-faire de ces hommes et de ces femmes qui font vivre nos territoires dans leur diversité et qui créent de l'emploi ; je rappelle d'ailleurs, au passage, qu'un emploi agricole entraîne quatre emplois induits.
Cette loi a pour objectif de favoriser l'emploi, en particulier par l'installation de jeunes issus ou non du milieu agricole, et, à ce sujet, la possibilité d'installation progressive est favorisée, ce qui est une bonne chose.
De cette volonté découle une réorganisation du contrôle des structures qui doit aboutir, d'une part, à limiter la concentration, et d'autre part, à éviter le démantèlement des exploitations.
Le monde agricole, ce sont des hommes, mais ce sont aussi des femmes.
Il a fallu attendre 1980 pour que l'activité professionnelle des conjointes soit reconnue.
M. Raymond Courrière. Très bien !
Mme Yolande Boyer. Actuellement, celles qui ne sont ni co-exploitantes ni associées sont « présumées » participer aux travaux. Elles ont donc un statut par défaut. Le vocabulaire traduit bien, malheureusement, le manque de reconnaissance de la situation réelle de ces femmes.
La proposition de statut de « conjoint collaborateur d'exploitation » - de conjointe, devrais-je dire, car il s'agit majoritairement de femmes - est un progrès certain. Il se traduit par des avancées sociales en matière de cotisations et de retraites ; ce n'est pas négligeable quand on sait qu'aujourd'hui, après une vie de travail non reconnue sur l'exploitation, une femme perçoit une retraite d'environ 17 000 francs par an, mais ce statut constitue aussi une reconnaissance du travail de tous les jours de la femme sur l'exploitation.
Vos propositions concernant la prise en charge du remplacement pendant les congés maternité, dans un souci d'égalité entre les agricultrices et les autres femmes sont également un progrès. Mais je pense que votre projet peut aller plus loin ; nous en reparlerons lors de la discussion d'un amendement déposé par le groupe socialiste.
Enfin, pour terminer sur ce thème qui, comme vous l'aurez remarqué, me tient particulièrement à coeur, nous constatons aujourd'hui que les agricultrices ont choisi d'exercer un métier et non d'être simplement femme d'agriculteur. Il s'agit là d'une évolution significative du monde agricole.
Cette volonté de lutter contre les inégalités se confirme par d'autres mesures ; je me bornerai à en citer quelques-unes.
Il s'agit, notamment, de règles plus claires fixant les droits et les devoirs du bailleur et du preneur.
Concernant les salariés agricoles, nous souhaitons qu'ils bénéficient d'une meilleure protection, mais aussi que les conditions d'embauche soient simplifiées grâce aux TESA.
Un effort de revalorisation des retraites, notamment les plus petites, me paraît significatif.
Enfin, sans y insister, j'ajouterai une caractéristique qui me paraît essentielle dans ce projet de loi, la volonté de transparence, qui se traduit, entre autres, dans la répartition des aides publiques et le contrôle des structures.
Ma conclusion sera brève. Vous avez commencé votre intervention, monsieur le ministre, en évoquant l'actualité européenne et les négociations que vous menez. Nous vivons actuellement une très grave crise porcine, ressentie durement dans ma région, la Bretagne, d'autant qu'à celle-ci s'ajoutent de très fortes inquiétudes concernant la filière avicole. J'espère que ce projet de loi, amélioré, je n'en doute pas, par nos travaux, nous permettra de concilier développement agricole et attentes de la société et constituera une force de proposition auprès de nos partenaires européens. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Mes chers collègues, afin de pouvoir répondre à l'aimable invitation de M. le président du Sénat, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Paul Girod.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte économique mondial extrêmement changeant, cette loi d'orientation agricole attendue était indispensable pour redonner à nos agriculteurs des perspectives professionnelles d'avenir.
Si je partage totalement l'analyse faite par le président de la commission des affaires économiques et les rapporteurs, dont je salue devant la Haute Assemblée le travail remarquable, je voudrais, à la lumière de mon expérience de professionnel et d'élu rural, traduire les aspirations de nos agricultrices et agriculteurs, qui sont quotidiennement confrontés à la complexité de la réglementation, à l'instabilité des marchés, aux risques sanitaires, à la sensibilité des consommateurs et aux exigences environnementales.
L'agriculture est culturellement l'affaire de tous, puisqu'elle symbolise notre rattachement à la terre et à nos racines. Qui que nous soyons, nous nous autorisons tous à formuler à l'égard de l'agriculture des exigences qui sont bien souvent le reflet de nos angoisses dans un monde qui perd ses repères.
Je m'attacherai donc, monsieur le ministre, en reprenant les thèmes qu'il me semble indispensable de souligner, à vous poser les questions de ceux que l'on rend trop souvent responsables des conséquences des exigences de la mondialisation.
Malgré des avancées intéressantes, le chapitre II relatif aux exploitations et aux hommes ne permet pas - je le regrette vivement - de doter l'agriculture d'un véritable droit de l'entreprise, à l'instar des autres secteurs économiques.
Qu'on le veuille ou non, l'agriculture est à responsabilité personnelle dans notre économie de marché. Je crains une trop grande étatisation du mode de gestion des aides.
L'agriculture, c'est un métier de tradition, de transmission du savoir-faire, d'expérience, mais aussi de recherche, d'innovation et de technologies nouvelles.
L'agriculture, ce sont des femmes et des hommes qui, par leur travail et leur ingéniosité, leurs choix personnels de production, leurs investissements, ont, dans leur quotidien, façonné notre paysage et nourri des populations.
L'agriculture, c'est un vrai métier, qui favorise l'épanouissement personnel malgré ses ingratitudes et qui, dans cette fin de siècle où la France s'abandonne à la délinquance, garde une dimension familiale, facteur de stabilité sociale.
Aussi, monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour garder à ce métier son attractivité ? Pour favoriser l'installation des jeunes, il ne faut pas accumuler les contraintes juridiques et les contrôles suspicieux permanents !
A quoi sert-il de reconnaître la multifonctionnalité de l'agriculture et de vouloir l'inciter à la création de valeur ajoutée si, simultanément, l'espace de liberté d'entreprendre est encadré par une définition juridique restrictive ?
J'approuve les objectifs retenus par les contrats territoriaux d'exploitation, quand bien même des améliorations méritent d'y être apportées.
En premier lieu, l'activité agricole, qui ne saurait se limiter à la production, doit s'orienter vers la reconquête de la valeur ajoutée. A ce titre, il faut prendre en compte les projets de commercialisation et de transformation des produits agricoles dans le cadre des contrats territoriaux d'exploitation, car ils participent indiscutablement au développement agricole des zones rurales.
En second lieu, le projet est fort imprécis sur le point fondamental que constitue la rémunération des CTE. Il paraît d'abord souhaitable que ces contrats soient des outils de coordination des projets.
Leur réussite implique un financement spécifique qui distingue et le volet économique et le volet environnemental.
S'agissant du volet économique, d'abord, les critères à favoriser sont la valeur ajoutée, l'emploi et l'insertion, qui s'inscrivent dans une démarche collective. Ce dernier critère exige une large marge d'autonomie des commissions départementales d'orientation et d'aménagement.
Quant au volet environnemental ensuite, il correspond à des charges supplémentaires ou à la production de services collectifs. Sa rémunération doit être à la hauteur des exigences. Il faut harmoniser les obligations de productivité et les exigences de protection de la nature.
A cet instant de mon propos, je voudrais vous rappeler, monsieur le ministre, que notre pays possède de très beaux paysages que l'on nous envie et qui en font son charme tant apprécié des nombreux touristes que nous accueillons.
Enfin, monsieur le ministre, pouvez-vous m'assurer que ceux de nos agriculteurs qui répondront aux exigences environnementales et d'aménagement de notre territoire auront les moyens de rester économiquement compétitifs ? Quelles garanties pouvez-vous donner sur ce point à la Haute Assemblée, ce soir, monsieur le ministre ? Si les CTE se généralisent, pouvez-vous préciser qui en assurera le financement ? Par ailleurs, quelle considération sera réservée à ceux qui n'en feront pas le choix et quel sort sera réservé à ceux qui n'auront pas été retenus ?
J'aborderai maintenant une question liée à l'environnement. Le récent décret qui complète la liste des motifs qu'un maire peut invoquer pour accorder ou refuser un permis de construire d'un bâtiment agricole n'est pas suffisant. De ce fait, pouvez-vous prendre l'engagement de fixer très rapidement des règles plus précises, notamment en termes de réciprocité de la règle d'éloignement ?
Comme vous le savez, l'avenir de notre agriculture, c'est la politique agricole commune, l'installation des jeunes agriculteurs, la fiscalité, le volet social - notamment le niveau de rémunération des retraites, question qui fait l'objet de différents amendements - l'application de la directive européenne Natura 2000 et, enfin, la gestion des ressources en eau.
Pour ce qui concerne l'eau, je veux non seulement parler de sa qualité et de sa gestion, mais aussi, et surtout, de l'augmentation des ressources. Sur ces chantiers sans réponse que l'agriculture française traîne comme un boulet, il conviendra de remettre votre ministère à l'ouvrage.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir fixer un calendrier et de nous indiquer les prochains rendez-vous qui s'imposent.
Je voudrais rappeler enfin les qualités que le monde agricole a développées dans son évolution bien souvent révolutionnaire.
Les agriculteurs ont conservé le dynamisme de nos campagnes. Je voudrais leur rendre hommage en rappelant la dimension symbolique et culturelle qu'ils représentent pour chacun de nous.
La place de l'agriculture dans notre économie et l'équilibre de notre territoire est trop importante pour que toutes ces questions restent sans réponses. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin. « Que le souverain et la nation ne perdent jamais de vue que la terre est l'unique source de richesses et que c'est l'agriculture qui les multiplie. » Un peu plus de deux siècles après cette citation du fameux économiste François Quesnay, le débat qui nous réunit aujourd'hui témoigne de l'attention que notre pays porte encore à son agriculture, et certains indicateurs montrent combien nous avons effectivement su faire fructifier la terre pour en extraire de nombreuses richesses.
Ces indicateurs, nous les connaissons fort bien, mais on peut les répéter car ils sont à l'évidence notre fierté : premier pays exportateur agroalimentaire de l'Union européenne et second exportateur agricole au niveau mondial, la France est sans conteste une très grande nation agricole.
Elle a su digérer presque quarante ans de mécanisation, de restructurations, d'adaptation, de préférences et de garanties communautaires, et générer ainsi de belles réussites techniques, économiques et commerciales.
Cependant, ces progrès remarquables ont un revers. Si les lois d'orientation agricole de 1960 et 1962, accompagnées par la politique agricole commune, ont atteint leurs objectifs en matière de productivité végétale et animale, elles ont toutefois engendré des effets aujourd'hui difficiles à contenir.
Le tissu social agricole et le territoire souffrent de cette politique passée dont nous avions pourtant besoin. De 1954 aux années quatre-vingt dix, près de 80 % des actifs agricoles ont quitté des terres sur lesquelles ils ne pouvaient plus vivre, pour rejoindre villes et banlieues. C'est la plus forte hémorragie humaine des dernières décades et la plus forte des migrations intérieures, qui a été silencieuse et résignée.
A cette désertification, il faut ajouter les incertitudes de l'avenir et les angoisses financières de ceux qui, déterminés à rester, s'épuisent - à travers investissements productifs, consommations intermédiaires et endettements - à vouloir rattraper et imiter les performances et les résultats de régions bénéficiant de potentialités, de structures et de capitaux plus affirmés.
Et si l'on dresse un constat des conséquences de la logique productiviste sur l'environnement, l'adoption d'une nouvelle loi d'orientation agricole s'impose aussi.
Prenant en compte les difficultés que je viens d'évoquer, le présent projet de loi assigne à l'agriculture des fonctions économiques, environnementales et sociales. On ne peut, bien entendu, que souscrire à ces objectifs. Certains regrettent la faiblesse du volet économique. Pour ma part, je pense qu'il s'agit d'un faux procès...
M. Alain Vasselle. Non, c'est la réalité.
M. Yvon Collin. ... dans la mesure où la loi d'orientation imprime une nouvelle direction sans pour autant renier toutes les habitudes passées, surtout celles qui sont positives.
Dans le contexte de reconstruction d'après-guerre, les premières grandes lois d'orientations agricoles n'avaient - et c'était légitime - que des ambitions économiques. Elles ont enclenché un processus que la présente loi n'arrêtera pas.
La recherche de gains de productivité, la conquête des marchés extérieurs demeurent des priorités naturelles. Notre agriculture conserve bien entendu sa vocation exportatrice.
L'agriculteur restera avant tout un producteur. Mais, c'est vrai, dans l'intérêt de sa profession et dans celui du territoire qui lui est si cher, il devra s'accommoder de nouveaux objectifs.
Dans cette perspective, vous proposez, monsieur le ministre, la mise en place du contrat territorial d'exploitation. Pierre angulaire du texte, il consacre effectivement les fonctions de production, de préservation du milieu, d'aménagement du territoire et d'emploi. Les radicaux de gauche adhèrent à ce projet sans y voir une quelconque administration de l'agriculture. Il s'agit de contractualisation et d'engagements réciproques basés sur la confiance. Le CTE découle à mon sens d'une démarche dynamique qui peut tenir compte des projets individuels.
Il présente en outre d'autres avantages.
Il répond aux attentes des citoyens en matière de santé publique, d'environnement et d'équilibre du territoire. En effet, la crise de la vache folle a exacerbé les exigences en matière de qualité, et le problème de la détérioration des sols et des cours d'eaux par les intrants ont focalisé, à l'évidence, les sentiments écologiques. Enfin, que l'on soit citadin ou rural, la désertification des campagnes est très mal vécue.
Bien entendu, si la loi d'orientation agricole intéresse la société tout entière, elle concerne avant tout les agriculteurs.
Les CTE, en instituant la contractualisation des subventions par l'Etat non plus sur le seul critère des volumes produits, pourraient réduire une injustice criante, celle de l'attribution de 80 % des aides à 20 % des agriculteurs. Cet argument devrait d'ailleurs suffire à lui seul pour démontrer toute la pertinence de ce projet.
La concentration des aides longtemps contestée trouvera, me semble-t-il, ses limites avec le CTE. Le contrôle des aides permettra enfin de favoriser les exploitations privilégiant la qualité et l'espace. En bout de course, les CTE contribueront à fixer les emplois agricoles.
Pour que cette logique l'emporte, encore faudrait-il qu'elle ne soit pas en porte-à-faux avec la politique agricole commune. A cet égard, je me réjouis, monsieur le ministre, comme nombre de mes collègues avant moi, de constater avec quelle détermination, quelle volonté, vous défendez une conception originale pour l'agriculture européenne. Jusqu'à aujourd'hui, la PAC a toujours réussi en matière de performance. Lui assigner des objectifs en matière d'emploi, de territoire, de qualité et de sécurité des produits ne me paraît pas de nature à contrarier la compétitivité des productions agricoles européennes.
La France a d'ailleurs tout à gagner d'une telle évolution : elle obligerait certains de nos partenaires européens à une concurrence peut-être plus loyale. La crise porcine illustre très bien ce problème. Les Pays-Bas élèvent des porcs de façon intensive sur des espaces très limités. Compte tenu de ces espaces réduits, les pouvoirs publics participent à la gestion des lisiers et des nuisances. Les producteurs porcins hollandais sont ainsi souvent plus compétitifs que leurs homologues français, qui, eux, assurent à la fois la production et la gestion de l'environnement.
Cette concurrence, que l'on peut juger de notre point de vue déloyale, conjuguée à une crise de la demande, occasionne, depuis quelque temps, une grave crise du secteur porcin. Des mesures de deux types pourraient répondre aux difficultés de la filière. Ainsi, à l'instar de ce qui a été fait pour le lait avec succès, on pourrait envisager - cela ne me paraît pas impossible - des quotas. Surtout, et c'est sur ce point que je voulais en venir par rapport au texte qui nous occupe aujourd'hui, il serait souhaitable de lier la production à la notion de territoire en fixant, par exemple, un nombre de porcs par hectare et en conditionnant la production à la préservation de l'environnement. Sur ces bases, d'ailleurs, la France serait très bien placée.
Si la PAC ne décide pas d'adopter le principe de multifonctionnalité, il est évident que certaines de nos filières en souffriront parce qu'elle seront isolées dans leurs démarches qualitatives et écologiques. Sur ce point, je fais confiance au gouvernement pour défendre une conception qui, de l'extérieur, peut appataître égocentrique, mais qui est, en réalité, à vocation universelle et parfaitement adaptée aux défis de l'agriculture du XXIe siècle.
Mes chers collègues, il est difficile d'admettre la seule logique productiviste pour justifier l'abaissement des prix agricoles et la libéralisation des échanges. Cette logique, il nous faut la contester et affirmer vouloir en assumer les contreparties.
Il nous faut la contester parce que les paysages agricoles et leurs territoires sont le témoignage de la succession des civilisations rurales qui les ont façonnées et qu'ils ont, à ce titre, valeur de patrimoine.
Vouloir en assumer la pérennité, c'est rétribuer à leur juste valeur, la permanence des paysages et de nos horizons, pour les conserver et les transmettre, mais c'est aussi, de façon volontaire, rééquilibrer les villes et les campagnes, revitaliser les territoires pour y travailler et mieux vivre. En quelque sorte, c'est prendre en charge ce que les systèmes agraires ont façonné gratuitement et ce que l'agriculture modernisée et intensifiée ne peut pas assumer seule. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes et celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en commençant, je soulignerai l'excellent travail réalisé par nos rapporteurs pour les en féliciter.
Ils auraient d'ailleurs pu, à mon sens, être un peu plus incisifs et offensifs, mais je ne doute pas que, dans le cadre de la discussion des articles, nombre d'amendements nous permettront d'aller beaucoup plus loin.
Les dernières lois d'orientation d'envergure datant des années soixante et quatre-vingt, il était difficilement compréhensible que, depuis la mise en oeuvre de la réforme de la PAC en 1992, aucune loi d'orientation n'ait été proposée. A la demande du Président de la République, c'est chose faite aujourd'hui.
Une nouvelle loi cadre devait donc définir les orientations de l'agriculture pour cette fin de siècle et le début du prochain millénaire.
Elle se devait de répondre aux attentes de la population.
Quelles sont ces attentes ? Une meilleure protection de notre environnement, une amélioration de la qualité et de la sécurité sanitaire de nos produits alimentaires - qu'ils soient bruts ou transformés - enfin, une meilleure gestion de notre espace.
Toutes ces attentes, bien entendu, doivent être satisfaites au moindre coût pour la collectivité, tout en assurant la pérennité de l'entreprise agricole, le maintien, voire le développement de l'emploi, la sauvegarde, voire l'amélioration du pouvoir d'achat des agriculteurs et de leur famille. Autrement dit, il convient d'allier d'une manière dynamique des exigences économiques, sociales et environnementales. Sont-elles respectées dans le présent projet de loi ?
Dans une analyse approfondie du projet de loi, le rapporteur au fond, notre collègue M. Michel Souplet, après avoir souligné les aspects positifs du texte, indique dans son rapport : « Le projet de loi vise presque exclusivement à orienter l'agriculture vers des modes de production plus soucieux de l'environnement et de la qualité des produits, moins axés sur la recherche de la productivité et organise une sur-administration de l'agriculture française. » Je pense, monsieur le rapporteur, que vous auriez pu ajouter : « il vise à mener une politique sociale de redistribution des aides ». Le devenir des entreprises - tel est mon sentiment en tout cas - semble être le moindre des soucis du Gouvernement, pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le ministre.
Ainsi le contenu économique est-il quasi inexistant. Les seuls articles qui y font référence sont ceux qui visent à la coopération, aux offices d'intervention et à l'interprofession, soit une dizaine d'articles sur plus de cent, alors qu'ils auraient dû constituer le corps de la loi.
De plus, vous n'y trouvez aucune disposition fiscale, rien sur l'allégement des charges sociales salariales, rien sur les risques climatiques qui devraient faire l'objet d'un fond d'assurance, rien sur l'agro-industrie, rien sur la transmission d'entreprise, rien sur la recherche. C'est mal présager de l'avenir de notre agriculture.
Ce projet de loi n'a donc pas pris en compte l'essentiel, ce sur quoi la profession agricole attendait le Gouvernement, à savoir l'avenir économique et fiscal de l'agriculture. Le Gouvernement met - c'est mon sentiment - la charrue devant les boeufs. Le social et les normes priment, selon lui, sur l'économie, alors que seule une économie forte peut permettre une action sociale dynamique, car c'est l'économie qui finance le social et non l'inverse.
J'observe par ailleurs, comme le rapporteur, que le poids des contraintes administratives, celui des normes environnementales, d'hygiène et de sécurité, des charges sociales et fiscales pour ne citer que les principales, vont peser plus lourdement, à l'avenir, sur l'économie agricole, alors que, dans le même temps, le prix des produits agricoles à la sortie des exploitations diminue.
Les compensations européennes destinées à compenser la baisse des prix, conséquence de la volonté politique de tous les gouvernants de maintenir des produits alimentaires à un prix inférieur à leur coût de production, quant à elles, ne resteront pas proportionnelles à cette baisse.
Le Gouvernement, en procédant à une redistribution des aides, va déshabiller Jacques pour rhabiller Lionel (Sourires) et va provoquer au niveau de l'évolution des structures agricoles un mouvement inverse à celui qui est recherché.
Les compensations étant liées à la production, ce sont les exploitations les plus importantes par la taille, comme l'ont souligné certains collègues, et par leur dynamisme à la production qui seront les plus pénalisées.
M. Paul Raoult. Et alors !
M. René-Pierre Signé. C'est normal !
M. Alain Vasselle. Ce sont pourtant elles qui font travailler aujourd'hui, mes chers collègues, les 140 000 salariés de l'agriculture française. Souhaite-t-on faire disparaître ces emplois alors que chacun s'ingénie à trouver des mesures favorisant l'emploi ?
A-t-on conscience qu'en réduisant la marge nette des productions agricoles, qu'elles soient céréalières, oléagineuses, fruitières ou animales, on incite les agriculteurs à accentuer leur productivité et à agrandir leur exploitation ? Comment faire comprendre aux agriculteurs, alors que, de par le monde, 800 millions d'êtres humains souffrent de famine, qu'ils doivent ralentir leur production ?
J'observe qu'aucune aide suffisamment significative n'existe aujourd'hui pour favoriser sur l'exploitation l'apport de valeur ajoutée à nos produits par la transformation alors que cela pourrait être une solution à la limitation de l'agrandissement et à la course au rendement de plus en plus élevé.
M. René-Pierre Signé. Mais non ! Au contraire ! M. Alain Vasselle. J'ai le sentiment que celles et ceux qui ont voulu redéfinir les orientations de notre agriculture ont perdu ou n'ont jamais eu le sens des réalités de l'entreprise. En ont-ils déjà géré une eux-mêmes et en connaissent-ils les contraintes et les difficultés d'aujourd'hui ?
M. Bernard Piras. C'est fallacieux !
M. le président. Cet après-midi, un rappel à l'ordre a été fait pour que personne n'interrompe les orateurs. Je vous prie de continuer à respecter cette règle, mes chers collègues.
M. Alain Vasselle. Merci, monsieur le président.
M. René-Pierre Signé. Que personne ne fasse de provocation, alors !
M. Alain Vasselle. Nous sommes entrés, depuis 1992, dans une agriculture plus administrée. Le poids de la bureaucratie ne s'allégera pas avec le présent projet de loi.
L'illustration de cette administration est le CTE, pierre angulaire de ce texte.
Comme l'a souligné notre rapporteur, un grand flou entoure les dispositions relatives au CTE et à son financement. En dehors du fait qu'il devra résulter de nombreuses démarches administratives - contrat départemental, passage en commission départementale, démarche administrative à effectuer par le demandeur, ce qui se traduira par un excès de bureaucratie additionné à celle qu'impose déjà la PAC - son financement n'est pas assuré. Inutile de dire que tout cela ne va pas alléger le poids de la fonction publique, une des plus importante en Europe.
M. René-Pierre Signé. Et alors ?
M. Alain Vasselle. Pour le financer, la solution est magique : il est fait appel au FGER, le fonds de gestion de l'espace rural, condamné avant que les retombées positives en aient été mesurées, à l'OGAF, au FIA. Si un CTE s'élève en moyenne à 10 000 francs par exploitation, il ne faudra pas moins de 6 milliards de francs par an pour permettre à tous les agriculteurs d'en bénéficier. Et encore, mes chers collègues !
Que vont représenter ces 10 000 francs face à la baisse des prix et aux coûts des contraintes nouvelles qui vont s'imposer à l'agriculture sur le plan environnemental ? L'illusion risque d'être grande pour la profession.
Il est clair que la redistribution des aides à travers le CTE n'a qu'un seul objectif : faire du social en rendant l'agriculture un peu plus assistée et dépendante de la collectivité. Il est bien plus simple d'aller prendre de l'argent aux uns pour le donner aux autres...
M. Paul Raoult. Prendre aux riches !
M. Alain Vasselle. ... que de veiller à mettre en place les conditions d'une économie de développement durable, qui aurait pu profiter à toutes les structures agricoles. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
Vous donnez le sentiment, par ces mesures, de vouloir fonctionnariser les agriculteurs français, ce qui est inacceptable dans un pays comme le nôtre, qui se veut libéral.
Quant à l'autre aspect du projet de loi relatif au volet social, je n'insisterai pas aussi longuement, car notre collègue M. Dominique Leclerc a fait un excellent rapport et une intervention qui l'éclaire. J'indiquerai simplement que, aujourd'hui, 300 000 retraités agriculteurs sont en deçà du minimum vieillesse, ce qui correspond à 30% des 900 000 allocataires du Fonds national de solidarité.
M. Bernard Piras. Qu'est-ce que vous avez fait, vous ?
M. Alain Vasselle. Une société comme la nôtre peut-elle maintenir pour des agriculteurs retraités un niveau de revenu aussi bas ? Cela n'est pas acceptable. Ils sont dans une situation encore moins confortable que les artisans et les commerçants.
M. René-Pierre Signé. Il fallait vous en inquiéter avant.
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, cessez d'interrompre l'orateur, sinon je serai obligé de faire des rappels à l'ordre.
M. Alain Vasselle. Enfin, si j'ajoute le renforcement du contrôle des structures, le retour au vieux démon d'Edith Cresson de s'attaquer à la représentation syndicale en vue de casser la FNSEA, vous comprendrez bien vite que les préoccupations gouvernementales sont passées à côté de l'essentiel, reportant à demain les réformes structurelles fondamentales sur le plan économique, social et fiscal.
Une fois de plus, comme pour les emplois jeunes, comme pour les 35 heures, comme pour les retraites, les bombes à retardement sont soigneusement placées ici et là par le Gouvernement socialiste soutenu par la majorité plurielle. Elles sont le résultat d'actions aux effets flatteurs dans un premier temps, mais dont les effets négatifs ne tarderont pas à se faire sentir au détriment de la profession et de notre pays.
En conséquence, seule l'approbation des amendements de nos rapporteurs, et ceux qui ont pour origine les groupes de la majorité, dont celui du RPR, seront de nature à emporter mon soutien au présent projet de loi.
Je suis persuadé que la Haute Assemblée, comme à son habitude, saura démontrer au peuple français que, par son travail de réflexion, elle aura montré une fois de plus la voie dans laquelle la France doit s'engager pour l'avenir de notre agriculture. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Le projet de loi d'orientation agricole que vous nous présentez, monsieur le ministre, a suscité et suscite, on vient encore de le voir à l'instant, bien des réactions, des interrogations, des commentaires, principalement sur trois de ses aspects : le contrat territorial d'exploitation, la pluriactivité, le contrôle des structures.
Le titre III du projet, consacré à l'organisation économique, ne semble pas avoir soulevé la même passion. Il mérite pourtant toute notre attention. En effet, comme vous l'avez vous-même affirmé, « l'organisation économique de la politique agricole est un acquis important, qu'il convient de préserver et de renforcer, car l'ouverture des marchés la rend chaque jour plus indispensable pour protéger les intérêts des agriculteurs ».
Trois grands mouvements qui ont une forte influence sur notre agriculture doivent nous inciter à accorder toute l'importance qu'il mérite à ce volet du projet de loi : l'ouverture des marchés et la mondialisation, la concentration de la distribution - cinq groupes de distribution dominent aujourd'hui le marché en France - le souhait de plus en plus partagé d'une meilleure transparence des transactions, d'une traçabilité des produits, de la qualité.
Nos collègues de l'Assemblée nationale ont, après une écoute attentive des professionnels, enrichi le texte initial du titre III en y introduisant une réelle dimension économique, complémentaire de l'approche territoriale.
Il me paraît intéressant de citer les plus marquantes de ces mesures nouvelles.
Je citerai, tout d'abord, une reconnaissance des « organisations de producteurs », conditionnée à l'édiction de « règles destinées à organiser et à discipliner la production et la mise en marché, à régulariser les cours et à orienter l'action de leurs membres vers les exigences du marché ».
Leurs missions sont bien redéfinies, avec des nouveautés : adaptation qualitative, traçabilité, prise en compte de l'environnement, concentration commerciale face aux acheteurs.
Je citerai, ensuite, la possibilité d'accueillir en France des associés coopérateurs européens - plus de 150 coopératives situées dans des départements frontaliers pourraient être concernées par ces nouvelles mesures ; l'ouverture d'un droit à déduction fiscale au titre des opérations d'investissement lors d'acquisition de parts sociales dans les coopératives agricoles ; l'extension aux coopératives agricoles des règles applicables aux sociétés de droit commun en matière de consolidation des comptes, ouvrant la possibilité d'une gestion mieux maîtrisée, plus performante et plus transparente ; l'apparition d'un statut législatif pour le Conseil supérieur de la coopération agricole, aux compétences élargies ; l'actualisation des missions des offices d'intervention.
Je citerai aussi l'élargissement de la composition du Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire. Les représentants des consommateurs et des associations de protection de l'environnement y trouvent leur place, et nous sommes également favorables, monsieur le ministre, à la présence au sein du CSO des propriétaires de biens fonciers et des organisations professionnelles représentatives des salariés agricoles.
Enfin, je citerai la création d'un Conseil supérieur des exportations agricoles et alimentaires, qui permet d'instaurer une concertation entre les pouvoirs publics et les représentants des entreprises tournées vers l'exportation.
Les problèmes liés au caractère excédentaire de la production agricole française et la libéralisation des échanges internationaux obligent à se préoccuper davantage de l'organisation des marchés agricoles.
Le projet de loi consacre dès lors de façon opportune un chapitre à l'organisation interprofessionnelle, dont il précise les missions.
Il élargit la composition des organisations interprofessionnelles à la distribution. Il autorise la constitution d'interprofessions dans les secteurs de la sylviculture, de la pêche et de l'aquaculture. Il prend en compte la spécificité des produits issus de l'agriculture biologique et des produits « montagne ».
Le projet amendé apporte aussi des modifications aux règles actuellement en vigueur pour la conclusion d'accords de crise dérogatoires à l'interdiction des ententes.
Ainsi, les interprofessions voient leur rôle renforcé par ce projet de loi. Les partenaires d'une filière sont incités à s'entendre pour trouver les meilleurs moyens de résorber les crises et d'adapter l'appareil de production.
Monsieur le ministre, la plupart des institutions et des organismes professionnels qui se sont exprimés sur ce titre III de votre projet de loi ont reconnu que les innovations proposées allaient dans le bon sens pour l'agriculture française. Avec le groupe socialiste, je partage ce point de vue. J'aimerais cependant entendre votre avis sur trois questions qui nous tiennent à coeur.
La première concerne la traçabilité.
La crise de la « vache folle », souvent évoquée au cours de ce débat, a suscité un immense besoin d'information sur l'origine et les caractéristiques des produits alimentaires.
Dès lors, en dehors des textes législatifs et réglementaires qui encadrent cette nécessaire traçabilité des produits - laquelle, il convient de le souligner, apparaît pour la première fois dans un texte de loi - quelles mesures d'accompagnement des efforts des interprofessions comptez-vous mettre en oeuvre, sachant que la qualité et l'identification des produits sont, à nos yeux, non pas des contraintes, mais des atouts permettant de valoriser la production agricole sur les marchés ?
Ma deuxième question a trait aux relations avec les consommateurs.
Les exploitations agricoles ne généreront une agriculture durable que si, en particulier, elles prennent en compte les préoccupations des consommateurs. Ceux-ci trouvent une place plus grande dans de nombreuses instances, mais il serait très intéressant, monsieur le ministre, de savoir quelle place et quel rôle vous comptez leur donner dans votre politique agricole.
Enfin, la commission des affaires économiques et du Plan a émis le souhait d'un rapport gouvernemental sur les adaptations législatives ou réglementaires nécessaires afin d'encadrer le phénomène de l'intégration et de renforcer le pouvoir économique des producteurs. Un problème délicat, et d'une brûlante actualité, est par là même abordé.
Pourriez-vous donc nous faire connaître, à l'occasion de la discussion de ce projet de loi d'orientation - c'est ma troisième question - votre position face à ce problème de l'intégration ?
Derrière ces questions, vous l'avez compris, monsieur le ministre, notre volonté est de participer avec vous à la marche dans la bonne direction, vers une agriculture française performante mais mieux organisée, plus économe et durable, soucieuse aussi de l'aménagement et du développement du territoire. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen).
M. le président. La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont. Monsieur le ministre, face au développement des agglomérations, qui semble être aujourd'hui la préoccupation essentielle du Gouvernement, nous considérons que l'agriculture joue un rôle fondamental dans la lutte que nous menons contre la désertification du monde rural.
Notre objectif doit donc être de maintenir et même de développer une population agricole active nombreuse et répartie sur l'ensemble du territoire. Cela n'est possible que si l'agriculture est dynamique, performante sur le plan économique, durable et créatrice d'emplois.
Ces buts ne peuvent être atteints que si le texte que nous discutons aujourd'hui facilite la transmission des entreprises par l'aménagement et l'amélioration des règles juridiques et fiscales en vigueur.
Certes, l'article 1er du projet de loi affirme que la politique agricole a pour objectif principal l'installation en agriculture. Toutefois, nous considérons que le volet « sociétal » de l'agriculture dans le projet de loi est prédominant par rapport au nécessaire volet économique. Or, seule la viabilité économique d'une activité peut assurer la pérennité, donc la transmissibilité des exploitations.
En subordonnant les aides à l'installation au CTE, le Gouvernement casse la dynamique de la transmissibilité et donc de l'installation qu'avait permise la charte à l'installation élaborée par les jeunes agriculteurs en 1995...
M. Paul Raoult. C'est faux !
M. Henri de Richemont. ... avec le concours du ministre de l'agriculture de l'époque et des conseillers régionaux.
Les conseils régionaux, et en particulier celui de Poitou-Charentes, auquel j'ai l'honneur d'appartenir, ont piloté souvent avec succès la mise en oeuvre de cette charte.
Elle reposait sur le concept d'entité économique, autour de deux idées très fortes : d'une part, l'exploitation doit être viable économiquement, d'autre part, elle doit permettre aux jeunes de développer un projet également viable économiquement.
La charte a connu des succès. Depuis 1995, les installations ont augmenté de plus de 25 %. Mais, depuis le mois d'août 1997, on observe une baisse des installations de plus de 10 %. La dynamique que nous avions créée est cassée !
Il est navrant de constater que, en prenant le risque d'exclure de l'activité agricole des diversifications performantes telles que l'agro-tourisme, on prend aussi celui de freiner l'installation des jeunes, voire de les dissuader de s'installer. Surtout, en subordonnant les aides à l'installation à la signature du CTE et en multipliant les obligations d'autorisations préalables, votre projet de loi va à l'encontre de l'objectif affirmé qui est de favoriser l'installation des jeunes en agriculture.
En effet, à l'exception du CTE, il n'existe dans le projet aucune mesure concrète en faveur de l'installation des jeunes. Bien au contraire, votre projet risque de limiter, voire de supprimer les aides à l'installation puisque l'essentiel des 300 millions de francs inscrits pour les CTE est pris sur les fonds d'installation en agriculture.
Or il est indispensable que les aides à l'installation telles que les dotations aux jeunes agriculteurs, les prêts jeunes agriculteurs, qui permettent une véritable politique de soutien, restent financièrement indépendantes des CTE.
Le CTE doit impérativement bénéficier d'un financement spécifique, venant en complément du dispositif national de base.
Monsieur le ministre, on ne facilitera la transmission des exploitations agricoles - but que nous visons tous - et l'installation des jeunes que si l'on privilégie l'amélioration et la compétitivité des exploitations, si l'on allège les charges sociales et fiscales, si l'on favorise les investissements.
Notre groupe, monsieur le ministre, a déposé des amendements dans ce sens. Je voulais les décrire, mais mon temps de parole m'oblige à y renoncer en cet instant. Je me contenterai de souligner la nécessité d'alléger les dispositions fiscales, de faciliter la transmission aux jeunes, qu'ils soient ou non membre de la famille, qu'ils viennent ou non du monde agricole, car il faut aussi inciter des jeunes qui ne sont pas issus du monde rural à s'installer en agriculture.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d'évoquer un sujet qui préoccupe particulièrement les Charentais : la crise du cognac. Je l'ai évoqué lors du débat budgétaire. M. Sautter a confié à M. Dupont, directeur régional des impôts, une mission d'expertise sur la fiscalité applicable au cognac. M. Dupont vient de présenter différentes propositions, que nous souhaitons voir reprises dans un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
Nous souhaitons surtout, monsieur le ministre, que, lors de cette discussion, vous acceptiez notre amendement tendant à faire en sorte que l'embouteillage ne puisse se faire que sur les lieux de production.
Je conclurai mon intervention en soulignant que le texte que nous examinons ne répondra aux attentes de ses auteurs que s'il permet d'enrayer la baisse du nombre des exploitations.
Nous savons toutefois, monsieur le ministre, que l'avenir de l'agriculture dépendra fondamentalement de la capacité du Gouvernement à défendre, auprès de nos partenaires de l'Union européenne, une vision de l'agriculture qui soit inspirée du modèle français, c'est-à-dire une agriculture compétitive, performante, respectueuse des hommes et du territoire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai déjà souligné, à cette même tribune, que l'agriculture, l'ensemble des activités qu'elle recouvre et le devenir des espaces ruraux se trouvent au centre, depuis plusieurs années, d'un vaste débat de société.
M. Jean-Pierre Plancade. C'est vrai !
M. Paul Raoult. Le projet de loi d'orientation agricole qui nous est présenté nous offre l'occasion d'engager un véritable débat de fond sur tous ces enjeux majeurs, et je crois que celui-ci arrive vraiment à son heure.
L'agriculture française, entre 1950 et 1980, a atteint deux objectifs : elle a assuré notre indépendance alimentaire, puis elle a fait de la France un grand pays exportateur de produits agricoles et agroalimentaires. Cette véritable révolution s'est faite au prix d'une très profonde transformation des structures agraires, qui a vu l'accroissement de la taille des exploitations agricoles. Une telle évolution a été rendue possible grâce au talent, au savoir-faire, au courage et à l'esprit d'organisation des agriculteurs français, qui ont su habilement utiliser le dispositif de la loi d'orientation de 1960-1962.
Cependant, aujourd'hui, la société française tout entière s'interroge à propos de cette évolution.
Tout d'abord, le coût financier des aides nationales et européennes, toujours en augmentation et mal maîtrisé, n'est-il pas trop élévé ? La nouvelle PAC, qui est en cours de négociation, devrait permettre de résoudre ce premier problème. Toutefois, au-delà de la maîtrise financière des dépenses, n'est-ce pas plutôt la répartition des aides qui doit être revue, afin de la rendre plus équitable ? C'est une question de justice sociale, mais aussi de capacité à mieux juguler la concentration excessive des exploitations. En effet, comment permettre à de jeunes agriculteurs de s'installer, s'ils doivent se trouver en concurrence financière avec des agriculteurs en place qui disposent de moyens monétaires très importants, acquis grâce aux subventions européennes ?
M. Alain Vasselle. Mais non !
M. Paul Raoult. C'est exactement ce qui se passe ! Ce n'est pas 80 000 francs d'aides de l'Etat qui permettront de contrebalancer les 800 000 francs, voire le million de francs que certains agriculteurs obtiennent au titre des aides européennes ! (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Alain Vasselle proteste.)
M. Jean-Marc Pastor. C'est un vol !
M. Paul Raoult. L'autre question majeure a trait aux conséquences dommageables pour l'environnement qu'entraîne la course folle à l'intensification, à la spéculation à outrance et au développement excessif de la monoproduction. On sent bien aujourd'hui que l'équilibre est rompu ; l'essor mal maîtrisé des élevages hors sol, sans limitation de la production, en donne un exemple saisissant. On sait bien aujourd'hui que tout cela conduit à détruire ou à abîmer des milieux pédologiques, à mettre en péril les nappes phréatiques et à encourager une surproduction structurelle très coûteuse pour les deniers publics.
De même, l'utilisation massive des pesticides et des engrais chimiques provoque des atteintes à la biodiversité. Quel est par exemple le coût fabuleux des usines de dénitrification de l'eau ? Tout cela conduit à des gaspillages coûteux. Il faut abandonner cet optimisme mécaniste naïf, qui voudrait nous faire croire que le libéralisme des marchés agricoles serait nécessairement vertueux du point de vue environnemental.
Aussi notre agriculture, au travers de la mise en oeuvre des propositions du projet de loi d'orientation, doit-elle instaurer un nouvel équilibre dans la relation de l'homme à la nature. C'est la notion de développement durable qui est au coeur du texte que nous examinons, dans sa définition acceptée par tous : un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. A cet égard, le projet de loi d'orientation, pour la première fois s'agissant d'un texte de ce type, prévoit sagement d'associer les fonctions productives et les fonctions environnementales.
Le CTE est l'outil privilégié de cette nouvelle politique agricole. Il doit permettre de sauvegarder les actifs naturels que sont l'eau, l'air, le sol et les paysages et de mieux cerner les évolutions des espaces ruraux, en s'adaptant à la diversité des pays, des terroirs et des hommes.
Demain, grâce aux CTE, on pourra par exemple relancer fortement la culture de l'herbe, et entraver, dans des milieux écologiques fragiles, le développement intempestif de la culture du maïs, qui est dû uniquement à des motivations financières, la prime au maïs étant plus élevée que la prime à l'herbe.
Un sénateur sur les travées socialistes. Très juste !
M. Paul Raoult. Contrairement à ce que pensent certains sénateurs de droite, la préservation de l'environnement apparaît comme la garante essentielle d'une compétitivité durable de notre agriculture, et il convient donc d'indexer partiellement le soutien public à l'agriculture sur la contribution que celle-ci apporte à la sauvegarde du milieu écologique.
Il est d'ailleurs à espérer que, dans l'optique de la nouvelle PAC, les mesures agri-environnementales représenteront beaucoup plus que 3,5 % des dépenses agricoles de l'Union européenne, comme c'est actuellement le cas. Ces réflexions sont inspirées non par on ne sait quelle nostalgie d'un jardin d'Eden, mais par la nécessité de préserver ces ressources vitales que sont l'eau et le sol.
Le projet de loi d'orientation agricole conduit à une révision du mode de croissance, prenant en compte le fait que les ressources naturelles ne sont pas illimitées. Alors, chers collègues de droite, lorsque vous nous dites que l'on évoluera vers une agriculture administrée, bureaucratique, voire kolkhozienne, comme certains le prétendent, vous nous faites un mauvais procès. En réalité, en sortant du piège de la course à l'exportation des produits bruts, la puissance publique peut encourager le développement de productions à haute valeur ajoutée. De plus, on doit en fait redécouvrir, avec le CTE, l'intérêt des projets de développement élaborés à l'échelon des entités locales.
En effet, en tenant compte de la réalité locale, on a plus de chances de réussir. Il faut que les paysans redeviennent les acteurs de leur propre développement. Or la mondialisation de l'économie agricole a conduit à oublier le terroir ou le pays. Il faut donc rétablir les équilibres et restaurer les solidarités, réconcilier l'homme avec son environnement. Pour cela, il faut penser globalement et agir localement, suivant le précepte de René Dubos.
Oui, j'espère que la loi d'orientation agricole, une fois votée, permettra de stopper l'intensification abusive et de soutenir des pratiques agricoles plus respectueuses de l'environnement et plus économes en ressources naturelles. Oui, nous pouvons aider à valoriser, plus intelligemment et plus harmonieusement, l'espace rural. Ce n'est pas être passéiste que d'envisager l'avenir de l'agriculture de cette manière ; c'est, au contraire, faire preuve de sagesse et de vision de l'avenir, et ne pas prendre en considération les enjeux environnementaux serait, mes chers collègues, faire montre d'aveuglement. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment ne pas être déçu de ce que l'on nous propose ? Qui pourrait trouver son compte dans un texte qui concourt à une suradministration du secteur et à une fonctionnarisation de la profession ?
Nous attendions un projet de loi fort et ambitieux pour notre agriculture, qui lui aurait permis d'entrer avec sérénité et confiance dans le xxie siècle. Or, le moins que l'on puisse dire, c'est que le rendez-vous est manqué.
En effet, en lieu et place d'un texte qui aurait dû véritablement être, face aux évolutions à venir, un instrument essentiel d'accompagnement du métier d'agriculteur, on nous remet une pâle copie, sans aucune ambition économique, risquant à terme de conduire à une baisse de compétitivité de notre agriculture, et donc à une perte de marchés.
On nous explique pourtant qu'une concertation a été menée avec les représentants nationaux du monde agricole et que le texte qui est soumis à notre examen est le fruit de ces négociations. Nous-mêmes, nous avons longuement dialogué avec les responsables départementaux des organisations professionnelles agricoles, et il ressort nettement de ces rencontres un sentiment de déception, mêlé d'inquiétude. Nous attendions plus pour le monde agricole et rural, nous espérions mieux, nous voulions plus de souffle et d'ambition : quand je dis « mieux », je vise le financement des CTE ; quand je dis « plus », je veux parler du volet fiscal ; quand je dis « plus d'ambition », je fais allusion à la dimension économique. Mon temps de parole étant limité, j'insisterai plutôt sur le volet financier.
Il est vrai, monsieur le ministre, que vous procédez cette année à des redéploiements, pour un montant de 300 millions de francs, et ce - tous les intervenants l'ont souligné - au détriment des OGAF, les opérations groupées d'aménagement foncier, et du FGER, le fonds de gestion de l'espace rural. Mais qu'en sera-t-il pour les années à venir, monsieur le ministre ?
Je tiens, en outre, à vous faire part de la grande inquiétude qu'éprouvent les élus locaux. Vous avez évoqué, à plusieurs reprises, la possibilité de faire supporter, au travers des contrats de plan Etat-région, le financement des CTE par les régions et les départements. Or vous savez bien, puisque vous êtes vous-même conseiller général, que les départements sont exsangues. Ils ne pourront en aucun cas financer des actions individuelles par le biais des CTE, car ils financent déjà des actions collectives, en partenariat avec les chambres d'agriculture.
Par ailleurs, il est un point sur lequel le projet de loi reste singulièrement muet : je veux parler du statut de l'exploitant. Cette omission est très significative et met en lumière la différence qui existe entre le rôle que vous entendez faire jouer aux acteurs agricoles et celui que ceux-ci remplissent au quotidien. En effet, vous ne leur reconnaissez pas le rôle d'entrepreneur agricole. Le Gouvernement semble avoir oublié que l'exploitant est aussi un chef d'entreprise, qui doit assumer des responsabilités et prendre des risques éconmiques.
Dans ce même registre, nous sommes nombreux à déplorer l'absence d'un véritable droit de l'entreprise agricole. A cet égard, aucune disposition ne vient clarifier la fiscalité agricole : comment, dans ces conditions, orienter l'agriculture ? Le monde agricole attendait un signe fort sur ce point, et cela n'aurait été que la juste reconnaissance de sa contribution à l'essor économique de notre pays. C'est pourquoi je salue l'initiative de notre collègue Michel Souplet, excellent rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan, qui a introduit dans le texte certaines dispositions fiscales, afin que nous puissions progresser sur ce dossier.
Permettez-moi enfin, monsieur le ministre, de conclure mon propos en relevant un paradoxe, ou plutôt une incohérence qui choque le monde rural.
En effet, pour la première fois, la loi reconnaît de façon explicite la multifonctionnalité de l'agriculture, et même elle l'encourage. Or, de façon tout à fait contradictoire, une modification apportée par décret au code de la route dispose que, à compter du 1er janvier 2000, les agriculteurs ne seront plus autorisés à apporter leur concours aux départements et aux communes en assurant le déneigement des routes à l'aide d'une lame départementale ou communale montée sur leurs propres tracteurs, à moins qu'ils ne soient titulaires du permis poids lourds...
M. René-Pierre Signé. C'est normal !
M. Gérard Cornu. ... qu'ils ne fassent agréer leurs tracteurs en position déneigement par le service des mines et qu'ils n'utilisent du carburant non détaxé lors des interventions de cette nature.
En empêchant ainsi les communes et les départements de poursuivre ce type de collaboration avec la profession agricole, le Gouvernement crée une situation dont les conséquences financières ne seront pas neutres, loin de là, pour les collectivités territoriales, car bien souvent les agriculteurs rendaient ce service bénévolement. Les communes qui ont fait l'acquisition d'une lame de déneigement devront donc la reléguer dans les hangars municipaux, faute d'utilisateur, et devront s'attacher les services de petites entreprises ou d'artisans de travaux publics pour déneiger les routes. Cela ne manquera pas de poser des problèmes d'organisation. En effet, les entreprises ne pouvant intervenir simultanément sur tout le territoire concerné, cela contribuera, une fois de plus, à renforcer l'isolement du monde rural.
Voilà bien un exemple concret d'incohérence entre une volonté affichée d'encourager la multifonctionnalité, et donc de soutenir l'agriculture, et sa traduction sur le terrain, sous forme d'interdit mettant véritablement à mal la solidarité dans le monde rural et en pénalisant celui-ci. J'ai d'ailleurs déposé un amendement visant à rétablir un droit auquel tous les acteurs du monde rural sont très attachés et j'espère, monsieur le ministre, que vous accepterez cette mesure de bon sens. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. René-Pierre Signé. Vous vous y prenez mal !
M. le président. La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras. Le projet de loi d'orientation agricole que nous examinons a suscité une attente forte et un vif espoir au sein de la profession agricole, parmi les exploitants agricoles, et en particulier pour les 80 % d'entre eux, dont vous parliez, monsieur le ministre, qui perçoivent seulement 20 % des subventions.
Cette attente forte et cet espoir sont à rapprocher de l'attente et de l'espoir qu'avaient suscités les lois de 1960 et 1962 présentées par Edgar Pisani, notamment la loi d'orientation qui, selon moi, est la plus réussie et qui avait su englober l'homme, le produit et l'espace.
D'autres lois ont suivi. En 1980, on a tenté de retrouver un élan. Malheureusement, ce texte est resté lettre morte. En 1986, la loi de modernisation n'a pas abouti. En 1988, la loi d'adaptation n'a eu que des effets modestes.
S'agissant du présent projet de loi d'orientation, j'ai entendu quelques sceptiques, mais il s'agissait, le plus souvent, d'exploitants qui figurent parmi les 20 % qui touchent 80 % des subventions.
M. René-Pierre Signé. Bravo !
M. Bernard Piras. M. le rapporteur a rappelé les arguments : incertitudes liées au contexte international, complexité des chantiers communautaires dans les années à venir, intégration totale de l'agriculture dans l'économie, dimension de la population active agricole et diminution du poids de ce secteur dans le produit intérieur brut.
On peut se demander pour quelles raisons il n'est pas possible aujourd'hui d'élaborer une loi comme la loi d'Edgar Pisani, si réussie. A l'heure actuelle, on ne peut en effet élaborer un texte englobant une politique agricole, un projet global qui intégrerait une politique des structures, une politique d'aménagement rural, une politique de protection sociale et de formation, une politique sanitaire et d'environnement, une politique industrielle et commerciale, ainsi qu'une politique internationale.
Les grandes préoccupations du début du xxie siècle concernent l'emploi, la maîtrise de la production et la progression des revenus, la sauvegarde de la nature et de l'environnement, l'éducation, la santé, la formation et les nouveaux métiers, ainsi que les loisirs. Toutes ces préoccupations concernent l'agriculture mais relèvent d'une action politique et administrative interministérielle, intersectorielle, régionale, européenne et internationale.
La force du présent projet de loi d'orientation réside dans le CTE. Hormis les aspects internationaux et mondiaux, cet outil novateur a su capter, rassembler et synthétiser la réponse à certaines des préoccupations que je viens d'évoquer. Il devrait permettre de faciliter la régulation des productions, la réorientation des aides en introduisant plus d'équité qu'il n'y en a actuellement, l'articulation de la gestion des espaces, la contribution à la préservation des ressources naturelles, la préservation de l'emploi dans les régions en voie de désertification, la reconsidération du rapport à la nature et la construction d'un nouveau type de lien social.
Compte tenu des informations que vous nous avez données, monsieur le ministre, nous nous réjouissons de l'intérêt que nos partenaires européens portent au CTE, qui pourrait faire école.
Avant de développer le titre VI relatif à la formation des personnes, au développement agricole et à la recherche agronomique et vétérinaire, je soulignerai deux points forts et quelques faiblesses.
Les deux points forts sont la politique des structures en vue de l'installation des jeunes, qui permettra de limiter la disparition des exploitations, et une avancée sociale importante, le statut du conjoint et le congé maternité.
S'agissant des points faibles, confus ou absents, je ferai quelques remarques.
La fiscalité agricole n'est plus adaptée. Notre agriculture a évolué en vingt ans ; elle s'est structurellement modifiée, elle est devenue plus sociétaire. Or, la fiscalité est restée en l'état. La fiscalité devrait aussi permettre de clarifier les relations entre la multifonctionnalité des agriculteurs et les artisans ruraux. La transmission du patrimoine, plus particulièrement la gestion et la transmission des droits à produire garantissant le caractère non marchand, n'est pas évoquée.
Il faudrait aussi clarifier les dispositions concernant la qualité et l'identification des produits, du point de vue du producteur et du consommateur au regard de ce que propose la grande distribution.
Dans son titre VI, le projet de loi d'orientation agricole ne comporte pas d'innovation particulière en matière d'enseignement agricole et de formation professionnelle, compte tenu du succès important de cet enseignement. Lors du vote du budget de l'agriculture et de la forêt, j'ai d'ailleurs rappelé les différentes composantes de ce succès : l'attraction de plus en plus grande des candidats à cet enseignement, la qualité et la diversité des enseignements qui se sont rapidement et efficacement adaptés aux nouveaux métiers, le taux de réussite aux différents examens et l'importance du taux d'insertion professionnelle des diplômés.
Les principales dispositions du titre VI, consacré à la formation des personnes, au développement agricole et à la recherche agronomique et vétérinaire, répondent à trois objectifs, qui ont été évoqués par M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Ces objectifs sont les suivants : actualiser les lois de 1984 sur l'enseignement général, technologique et professionnel agricole ; poursuivre la rénovation de l'enseignement supérieur agricole ; consacrer dans la loi la recherche agronomique.
Sur l'enseignement agricole et la formation professionnelle agricole publics, les quatre missions traditionnelles sont conservées : formation initiale et continue, participation à l'expérimentation et au développement, animation en milieu rural et participation à la coopération internationale.
En redéfinissant les champs professionnels couverts par l'enseignement et la formation professionnelle agricoles, le projet de loi met en cohérence la reconnaissance de la multifonctionnalité de notre agriculture. En effet, les formations centrées sur les métiers agricoles - production, transformation et commercialisation - sont conservées, mais sont également prises en compte les formations dans les domaines de l'aménagement rural et des services dans la mesure où elles participent à leur développement.
La constitution d'établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricoles, en regroupant au sein d'une même structure les lycées d'enseignement général et technologique agricole, les lycées professionnels agricoles, les centres de formation professionnelle et les centres de formation d'apprentis, les exploitations agricoles et les ateliers pédagogiques, favorisera la coordination des projets pédagogiques et des actions de développement, en les rendant plus cohérents et plus efficaces.
En ce qui concerne la poursuite de la rénovation de l'enseignement supérieur agricole, les dispositions du projet de loi sont novatrices. Je pense à la possibilité ouverte aux établissements publics nationaux de prendre le statut d'établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel permettra un bon fonctionnement démocratique et offrira une ouverture sur le monde économique professionnel. Je pense aussi aux dispositions prises pour garantir la cohérence des formations supérieures et visant à favoriser la collaboration entre établissements d'enseignement supérieur, à la possibilité donnée aux établissements d'enseignement supérieur agricole de délivrer des diplômes de troisième cycle sous certaines conditions. Je pense, enfin, à la possibilité accordée aux établissements d'enseignement supérieur agricole publics de constituer entre eux ou avec d'autres personnes morales de droit public ou de droit privé un groupement d'intérêt public.
Ces mesures vont dans le bon sens et constituent des avancées significatives.
S'agissant de la recherche agronomique et vétérinaire, le présent projet de loi consacre l'existence de la recherche agronomique et vétérinaire et met en évidence la mission d'expertise qui incombe à la recherche agronomique et vétérinaire. Cela était nécessaire pour que les pouvoirs publics puissent faire face avec efficacité lorsque surgissent des événements comme ceux qui se sont produits lors de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine.
En conclusion, monsieur le ministre, l'espoir que placent dans ce texte les 80 % d'agriculteurs qui ne touchent que 20 % des subventions...
M. Henri de Richemont. Démagogue !
M. Jean-Pierre Plancade. C'est pourtant la vérité !
M. Bernard Piras. ... devra se poursuivre par un volet fiscal, par un volet sur les droits à produire et par un volet sur la qualité. A cet effet nous avons déposé un amendement qui, je l'espère, sera accepté par le Gouvernement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat sur un projet de loi si attendu et si essentiel fait incontestablement partie des moments importants de l'activité du législateur.
Ce texte renouvelle le contrat entre l'agriculteur et la nation. Il réaffirme le lien tout particulier que la France a noué pendant des siècles avec son agriculture, un lien qui attache, peu ou prou, chaque citoyen de ce pays à une terre et à ses fruits. Ce caractère original de notre pays, que l'on appelle la ruralité, sera enfin inscrit dans la politique agricole de la France.
Le temps était venu de le faire. On a dit que la loi d'orientation agricole servirait à mettre mutuellement en conformité les objectifs nationaux et communautaires de la politique agricole. Sans nier cette dimension - qui témoigne d'ailleurs de l'habileté du Gouvernement - je porte aujourd'hui mon regard plus profondément dans l'histoire de notre pays. Après 1945, en trente ans, nous sommes passés d'une agriculture quasi vivrière à une agro-industrie puissamment exportatrice. Ce fut une révolution que nous avons voulue collectivement.
Depuis vingt ans, nous avons appris également à considérer plus globalement le patrimoine exceptionnel que l'histoire et la géographie ont légué à notre peuple : un espace très vaste à l'échelon de l'Europe, riche d'une diversité naturelle et humaine peut-être unique au monde. Cet espace qui renferme une part substantielle de nos origines, nous avons appris qu'il contient une part tout aussi importante de notre avenir.
C'est pourquoi le texte que nous examinons aujourd'hui est crucial et ses orientations sont inédites. En l'adoptant, nous admettrons que la politique agricole de la France recouvre une part essentielle de son identité et que les implications de cette politique figurent notre avenir en tant que communauté citoyenne ouverte sur le monde.
Dans leurs interventions successives, mes collègues du groupe socialiste ont exposé en quoi il était indispensable de réaffirmer aujourd'hui le lien entre la France et son agriculture. Ils ont détaillé, par ailleurs, l'ensemble des mécanismes ingénieux, à commencer par le contrat territorial d'exploitation, qui concourent à renouveler ce lien. Les uns et les autres ont dit ce que nous souhaitons ensemble : une agriculture à la fois riche de sa production, riche des hommes et des femmes nombreux qui la pratiquent sur tous les territoires, riche enfin de sa contribution à une alimentation saine, élaborée dans le respect de l'environnement et des paysages. Ils ont dit que cette agriculture serait, en conséquence, une agriculture citoyenne, justifiant pleinement la contribution de l'ensemble de la collectivité nationale à sa mise en oeuvre et à sa pérennité. L'uniformité ne sera pas de mise. Certains produiront plus de biens, d'autres plus de services, sur une base volontaire et en harmonie avec les potentialités de leur terroir et de leur région.
Sur le plan de la production alimentaire elle-même, la diversité doit demeurer la règle. C'est pourquoi je voudrais saluer, en rendant hommage à l'article 39 A relatif à la politique de la qualité et de l'origine des produits agricoles ou alimentaires, à la contribution de nos collègues députés qui ont ajouté cet article au texte présenté par le Gouvernement. Cet article est, selon moi, la pierre angulaire du titre IV du texte. Pour la première fois, il inscrit l'objectif de qualité et de diversité des produits dans notre politique agricole.
Au regard de l'ancienneté de notre préoccupation nationale visant à distinguer certains produits en fonction de leur origine ou de leur qualité, on pourrait d'ailleurs s'étonner du fait que cet objectif n'ait pas été inscrit plus tôt. Ce serait tout simplement méconnaître la priorité trop longtemps donnée à la quantité sur la qualité.
Cet article 39 A organise la juste information du consommateur. Il y est préconisé « une segmentation claire du marché » et une répartition équitable de la plus-value résultant de l'effort qualitatif entre les agriculteurs, d'une part, les transformateurs et les entreprises de commercialisation, d'autre part. Il accorde la production avec les territoires et assure ainsi « le maintien de l'activité économique, notamment en zones rurales défavorisées, par une valorisation des savoir-faire et des bassins de production ».
Le renforcement des filières de qualité accompagnera à leur juste mesure les efforts immenses conduits par la profession pour s'adapter à la nouvelle donne économique. Je pense en particulier aux éleveurs de bovins et d'ovins du bassin allaitant, confrontés depuis des années à l'érosion de leur revenu, à la disparition de leurs structures interprofessionnelles, aux crises brutales enfin, qui ont précipité leur marginalisation dans les dernières années, depuis l'effondrement suspect de la lire italienne jusqu'à l'affaire de l'encéphalopathie spongiforme bovine.
Au-delà de ces éleveurs, ce sont leurs régions tout entières, qui avec la loi d'orientation agricole que vous nous proposez, monsieur le ministre, se verront mieux reconnues dans leur spécificité et dans leur contribution éminente à la singularité de notre pays.
La loi d'orientation agricole est bel et bien un message important que la France envoie à tout le bassin allaitant. Elle est aussi, dans son ensemble, un message important que la France envoie à ses amis et partenaires européens : un message de foi dans l'originalité du modèle social et humain que nous construisons ensemble depuis un demi-siècle. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Hérisson applaudit également.)
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai bref, et ce pour deux raisons : tout d'abord, une mauvaise angine ampute un peu mes moyens oratoires, ce soir.
M. le président. Tout le monde le déplore, monsieur le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Mais nous aurons l'occasion de nous rattraper, monsieur le président, puisque, si j'ai bien compris - et c'est la seconde raison de la brièveté de mon propos - la discussion des quelque 580 amendements qui ont été déposés sur ce texte me donnera largement, au cours des prochains jours, l'occasion de m'exprimer et de répondre à l'ensemble des questions soulevées.
Ce soir, c'est à la lumière du débat politique, au sens noble du terme d'ailleurs, qui a entouré cette discussion générale et des quelques grands thèmes qui sont revenus avec beaucoup de régularité que je souhaiterais analyser le texte présenté par le Gouvernement.
L'idée selon laquelle ce texte - donc le Gouvernement, donc le ministre de l'agriculture - oublierait l'économique...
Un sénateur du RPR. C'est vrai !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... a tout d'abord été martelée et a constitué le premier thème.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comment pourrais-je oublier deux millions de personnes, soit à peu près 700 000 exploitants, 500 000 conjoints, 400 000 et quelques salariés, plus de 150 000 salariés de l'agro-alimentaire ?
Comment pourrais-je oublier que la France est la première puissance agricole, le deuxième exportateur du monde en matière agricole et le premier exportateur du monde en matière de produits agricoles transformés ?
Comment pourrais-je oublier que les industries agricoles et agro-alimentaires représentent 66 milliards de francs d'excédent pour notre balance commerciale ?
« Mais pourquoi n'en parlez-vous pas ? », me demandez-vous. La raison en est simple : parce que cela marche ! Or, quand quelque chose marche, moins on y touche, mieux cela vaut !
Une loi d'orientation agricole vise à réorienter la politique, à corriger ce qui n'est pas satisfaisant. Puisque cette agriculture-là est performante, continuons d'être performants et essayons d'améliorer ce qui ne l'est pas, notamment en termes d'exode rural, d'aménagement du territoire ou de protection de l'environnement.
Deuxième thème, vous me reprochez d'oublier que l'agriculture française est d'abord productive. Non, je ne l'oublie pas et, d'ailleurs, je voudrais ici vous mettre en face de vos contradictions, de vos incohérences. En effet, à plusieurs reprises, je vous ai entendus à la fois traiter de ce thème - « vous oubliez que la France a une agriculture productive » - et dénoncer, à juste titre d'ailleurs, le fait que la Commission européenne évoquait sans cesse la baisse des prix et qu'elle faisait dans l'excès uniquement au titre du productivisme. Il faudrait savoir ! Faut-il suivre la Commission ou faut-il un peu de raison garder ?
Je pense, pour ma part, qu'il faut aussi considérer l'actualité. Voyez la crise du porc qui, à cet égard, est très significative : on fait n'importe quoi, sans réglementation.
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. On se permet tout et n'importe quoi, y compris de polluer les nappes, les rivières, les sols ; et lorsqu'une crise de surproduction survient et que les cours s'effondrent, on se tourne alors vers les pouvoirs publics pour demander la socialisation des pertes ! Quand cela marche, on engrange les bénéfices, et quand cela ne marche pas, on demande la socialisation des pertes. Ah ! il est le beau, le libéralisme !
M. René-Pierre Signé. C'est vrai !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je voudrais répondre aux responsables professionnels que je rencontre régulièrement en ce moment et qui, quand ils sortent, par exemple, d'une réunion où il est question de la production du porc, disent que le compte n'y est pas et que c'est une goutte d'eau dans un océan : s'ils ont des propositions à faire, qu'ils les fassent !
En effet, il est un peu facile de faire ce genre de déclarations en sortant d'une réunion au cours de laquelle on n'a pas proposé la moindre mesure ! Mais surtout, quand des centaines de millions de francs sont mises sur la table, je leur demande de réfléchir au fait que ce sont les contribuables qui paient et que, pour ces derniers, cette « goutte d'eau » représente beaucoup d'argent !
Le modèle agricole européen et français, c'est cet équilibre entre une certaine forme de productivité, de productivisme, dont j'ai un peu parlé, et les interventions publiques aux niveaux national et européen pour réguler, parfois d'une manière déséquilibrée, ces marchés à travers les organisations communes de marché et d'autres politiques plus nationales.
Le troisième thème est la rengaine du carcan bureaucratique qui pèserait sur l'agriculture française, alors que, dans l'ensemble de l'Europe, on ne penserait qu'à s'en débarrasser. Je vous ai répondu par avance hier en vous invitant à m'accompagner aux conseils des ministres de l'agriculture, où vous verriez avec quelle obstination, quelle énergie, quelle imagination l'ensemble des ministres de l'agriculture de l'Union européenne inventent, jour après jour, séance après séance, de nouvelles primes ! Et vous pensez qu'ils veulent se débarrasser du carcan ? Ils essaient de trouver toujours de nouvelles solutions pour aider, pour améliorer, pour mieux répondre aux problèmes.
Je ne comprends pas au nom de quelle logique - logique politique ou économique - le fait pour un agriculteur de signer un contrat avec une direction départementale de l'agriculture serait synonyme de « kolkhoze » - j'ai entendu ce mot - de soviet, de sovkhoze, de bureaucratisation, de carcan administratif (Exclamations sur les travées du RPR), alors que, aujourd'hui, les mêmes agriculteurs, moins nombreux, vont toucher leurs primes auprès de la DDA sans que cela vous fasse réagir !
M. René-Pierre Signé. Mais bien sûr !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Par conséquent, les 20 % des agriculteurs qui touchent 80 % des primes de la politique agricole commune, les 10 % qui en touchent 50 % et qui vont chercher des centaines de milliers de francs, parfois des millions de francs à la DDA, ce n'est pas administratif, cela ? Cela ne vous gêne pas ? A ce moment-là, on prend, ce n'est pas du carcan administratif (Exclamations sur les travées du RPR), et c'est presque le libéralisme ! Non, soyons sérieux !
M. Alain Vasselle. Des prix justes !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Signer un contrat, justement avec le souci de rééquilibrer les aides pour que les 80 % des agriculteurs qui ne touchent que 20 % des aides aient un peu plus que ce dont ils disposent aujourd'hui, c'est-à-dire leur dû, ce n'est pas de la bureaucratie : c'est un contrat, c'est-à-dire la reconnaissance de la responsabilité, face à la société, de l'agriculteur, de tous les agriculteurs si possible, en tout cas de tous ceux qui le méritent, et je pense qu'ils sont nombreux.
J'en viens au quatrième thème : le contrat territorial d'exploitation, c'est la renationalisation de la PAC, puisqu'il est envisagé de le cofinancer !
M. Gérard Cornu. Exact !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd'hui, dans vos départements, dans vos cantons ruraux, les opérations « ferti-mieux » ou « irri-mieux », les opérations groupées d'aménagement foncier ne sont-elles pas cofinancées ? Si, elles le sont ! Quand un agriculteur veut créer un gîte rural pour développer ses revenus ou les diversifier, cette initiative n'est-elle pas cofinancée ? Elle l'est, et cela ne vous gêne pas !
M. Gérard Cornu. C'est marginal !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Vous pensez si c'est marginal !
Pour ma part, je dis que, dans ces conditions-là, le cofinancement ne me gêne pas ; au contraire, il permet d'ajouter des contributions.
Vous m'avez même dit que je voulais contraindre les collectivités locales que sont les régions et les départements à cofinancer les contrats. Et pourquoi pas ? Elles le feront si elles le veulent ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Gérard Cornu. Elles le font déjà !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Aujourd'hui, vous le savez, les départements et les régions versent environ un milliard de francs à l'agriculture française, souvent intelligemment et efficacement, et parfois moins, nous en sommes tous d'accord. Si ces régions et ces départements veulent abonder le CTE, considérant qu'il s'agit d'une même action intelligente, pourquoi m'y opposerais-je ? Certes, je ne vais pas les forcer ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
Mais, compte tenu de l'intérêt des agriculteurs pour le CTE, nombre de départements et de régions voudront, à mon avis, participer à cette réalisation intelligente.
Il s'agira non pas d'une mesure administrative et d'un carcan, mais d'une oeuvre contractuelle cofinancée, comme toutes les actions que j'ai évoquées, et qui correspondra - il faut faire le lien avec les propos que je tenais hier sur la politique agricole commune, parce que tout est lié - à ce que l'on appelle le deuxième pilier, à savoir le développement rural, l'aide à l'exploitant. Le Gouvernement considère en effet - et le Président de la République a validé cette opinion - qu'il faut « dégraisser les aides directes », c'est-à-dire réduire progressivement les aides au marché, les aides aux produits, pour les réorienter vers le deuxième pilier de la PAC. Il s'agit d'un enjeu majeur à l'échelon tant européen qu'international, que le CTE symbolise au mieux.
« Avec la préfiguration, vous avez nié le rôle du Parlement », m'a-t-on dit ! M. César, pour qui j'ai beaucoup d'estime et de respect, a même été jusqu'à considérer que l'Association nationale pour le développement agricole, l'ANDA, pouvait financer telle ou telle opération ! Sachez que cette décision de l'ANDA a été prise par son président, professionnel s'il en est, sans aucune injonction du Gouvernement et de l'Etat.
Ce qui vous gêne, au fond, c'est le succès qu'a connu cette préfiguration. Partout, on a cherché à réfléchir collectivement et intelligemment à ce futur contrat territorial d'exploitation. Je vous ai dit, hier, que quatre-vingts départements avaient souhaité le faire.
Vous dites que le CTE n'intéresse pas beaucoup d'agriculteurs, que ces derniers s'en méfient, qu'ils en ont peur, que cela les inquiète. Mais vous feriez mieux de faire attention à ce succès de la préfiguration et à tout ce que les gens essaient de mettre dans ce CTE ! Mais vous avez raison, il ne faudra pas décevoir cet espoir. (Ah ! sur les travées du RPR.)
C'était à mon avis de la responsabilité du Gouvernement de ne pas attendre l'adoption de la loi et la publication, de manière administrative et centralisée, d'un décret d'application sur le CTE sans mener cette consultation.
Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, je n'ai pas fini de consulter ! En effet, dès que cette préfiguration sera achevée, c'est-à-dire à la fin du mois de janvier, je relancerai une deuxième consultation : je veux organiser un débat public dans les organisations agricoles, dans les départements, dans les régions, autour de ce qui aura été fait et de ce que nous aurons tiré comme leçon, ensemble, au niveau national. Il me paraît indispensable que chacun se saisisse de cette préfiguration pour que nous puissions voir tous ensemble ce que nous pouvons donner de plus intelligent à ce contrat territorial d'exploitation, qui - j'en suis d'accord avec vous - n'est en aucune façon une solution miracle pour faire passer tout d'un coup l'agriculture française des ténèbres à la lumière. Ce n'est pas comme cela que je vois les choses. Je pense simplement que c'est un outil intelligent, qu'il s'agit maintenant de nourrir de nos réflexions et de financements français et européen, pour qu'il ne déçoive pas les attentes et les espoirs.
Un sénateur du RPR. Dont acte !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je voudrais maintenant aborder deux ou trois grands dossiers qui ont été évoqués et sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir durant cette discussion.
J'évoquerai tout d'abord l'installation des jeunes.
M. Henri de Richemont. Ah !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Beaucoup d'entre vous ont dit que nous réussirons à condition d'inverser la tendance et de permettre chaque année à un peu plus de jeunes agriculteurs de s'installer. Je partage ce point de vue et cette ambition.
Si, en ce moment, les installations stagnent, voire diminuent, en France - nous aurons les chiffres de 1998 très prochainement, mais probablement constaterons-nous une régression - c'est également le cas partout en Europe, comme je l'ai dit lors de la discussion budgétaire. Il en est d'ailleurs ainsi à chaque fois que l'on rediscute de la politique agricole commune : nous l'avons vu en 1991 et en 1992.
En effet, on ne peut pas demander à un agent économique quel qu'il soit - et un jeune agriculteur qui s'installe est un agent économique, qui s'endette, souscrit des prêts, investit, fait des calculs de rentabilité -, de se lancer dans ces investissements sans savoir quelles seront, demain, les règles du jeu sur le plan européen. Par conséquent, par milliers, les jeunes agriculteurs gèlent leurs décisions, en France comme partout en Europe. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons intérêt à accélérer la négociation européenne pour sortir l'agriculture européenne de cette indécision.
Vous me dites qu'aucune mesure concrète pour l'installation des jeunes agriculteurs n'est prévue. Je pourrais en citer plusieurs. L'installation progressive n'est-elle pas une nouveauté, une tentative d'amener un outil supplémentaire ?
Je voudrais préciser les choses aussi simplement que possible. Il y a chaque année, en France, environ 40 000 départs pour un peu moins de 10 000 installations aidées et 3 000 à 4 000 installations non aidées. Or, ne sont disponibles sur le marché de l'installation que 6 000 enfants d'agriculteurs par an. Il nous faut, par conséquent, pour permettre ces installations dont l'agriculture française, plus que toute autre, a besoin, faciliter les installations venant d'autres milieux professionnels, ce que l'on appelle « le hors-cadre familial ».
Il est indispensable de faire preuve d'énergie.
M. Henri de Richemont. Nous sommes d'accord !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Nous ferons le travail ensemble dans les mois et les années qui viennent, parce que je pense que ces mesures sur le hors-cadre familial et sur l'installation progressive exigent que nous fassions preuve d'imagination.
J'en viens aux deux grands débats qui ont peut-être suscité quelques divergences entre nous. Encore que !...
Le premier débat tient à l'article 6 et à cette très ambitieuse idée qui consiste à définir l'activité agricole.
J'ai été parlementaire - je l'étais encore il n'y a pas si longtemps - et je me suis toujours méfié de ces ambitions un peu délirantes, comme je me méfie d'ailleurs de l'article 1er que nous allons étudier dans quelques minutes et qui vise à tout dire, qui n'a aucune valeur normative, qui n'a aucune utilité, que l'on pourrait jeter immédiatement à la poubelle... si ce n'est que, malgré tout, l'histoire est l'histoire, et qu'il nous faut remplacer l'article 1er des lois antérieures, qui n'ont d'ailleurs pas plus de valeur normative.
Mais j'en reviens à l'article 6, qui vise à définir l'activité agricole, rien de moins. Sacré travail ! Mais vous savez comment est l'administration ! Nous devons, au demeurant, toujours lui rendre hommage, parce qu'elle est débordante d'imagination et qu'elle est la meilleure du monde...
L'Assemblée nationale s'en est alors mêlée et, dans le bouillonnement qui a suivi, elle s'est rendu compte qu'il n'était pas si simple de définir avec précision l'activité agricole et que, notamment, plus on la définissait, plus on s'exposait à des tiraillements et à des inquiétudes de la part d'autres catégories socioprofessionnelles : les artisans, les commerçants en milieu rural ont commencé à venir dans nos permanences, au début tranquillement, ensuite un peu moins tranquillement, pour nous dire que l'article 6 de notre loi d'orientation ne leur plaisait pas du tout.
Alors, l'Assemblée nationale a amendé l'article 6 en première lecture, pour rassurer les commerçants et les artisans, la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, l'Union professionnelle artisanale, l'UPA, et les chambres des métiers. Nous avons donc maintenant un nouvel article 6 qui les satisfait totalement et les artisans nous disent aujourd'hui : « Touche pas à mon article 6 ! » (Sourires.)
Mais les exploitants agricoles nous demandent à leur tour si nous sommes sûrs que le balancier n'est pas parti de l'autre côté...
Il nous faut à nouveau prendre notre temps, et je crois que la sagesse serait peut-être de supprimer cet article 6.
M. Henri de Richemont. Bravo !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Au demeurant, d'autres dispositions sont prévues, notamment l'obligation pour l'agriculteur de s'inscrire au registre des métiers pour telle ou telle activité.
Il nous faudra ensuite, je pense, nous engager collectivement dans un travail d'approche globale des métiers en milieu rural pour rechercher les conditions de leur égalité et de leur coexistence. Je crois que nous pourrons faire ce travail ensemble dans les mois qui viennent.
Nous aurons ainsi connu une petite déception par rapport à de grandes ambitions, mais il faut avoir la sagesse de le reconnaître !
Le dernier point que je voulais évoquer avec vous, c'est l'article 40 et l'indication géographique protégée, l'IGP autonome.
En première lecture, à l'Assemblée nationale - j'en étais vice-président et j'ai présidé beaucoup de séances sur le projet de loi d'orientation agricole - je ne suis intervenu qu'une fois dans l'hémicycle, et c'était précisément sur ce sujet : je n'ai jamais cru à l'IGP autonome. En effet, ce dispositif n'a d'autre objet que de protéger une zone. Cependant, en même temps, d'une part, nous ne pouvons nous contenter de cela et faire n'importe quoi dans le cadre d'une IGP ; d'autre part, nous devons prendre conscience que, pour le consommateur, le sigle IGP, la marque IGP, le label IGP est une quasi-garantie qualitative. Je sais bien, monsieur le rapporteur - nous aurons ce débat, et nous l'avons d'ailleurs déjà eu - que le consommateur se trompe souvent et que nous devons l'éclairer. Mais c'est trop tard, je le crois sincèrement : le consommateur pense que l'IGP est un label de qualité.
Je vais prendre un exemple simple que certains ici connaissent. Nous nous sommes battus pendant des années, dans le Sud-Ouest, pour obtenir l'IGP pour le jambon de Bayonne. Maintenant, on ne peut plus fabriquer du jambon de Bayonne en Hollande ou au Danemark - je ne veux pas citer certaines régions françaises (Sourires) - et nous avons obtenu que le bassin de production soit limité à notre grand Sud-Ouest, que le bassin de salaison soit limité au bassin de l'Adour. Mais nous ne pouvons pas pour autant faire n'importe quoi, en termes de qualité, dans ce bassin-là ! Nous nous devons de répondre à cette attente et relier l'IGP à une charte de qualité, à un cahier des charges minimum. Nous discuterons aussi de cette question, mais je crois que le bon sens l'emportera.
J'en ai terminé, monsieur le président. Je n'ai pas voulu être long, car nous devons débattre de nombreux articles et d'amendements encore plus nombreux. Nous aurons donc l'occasion de nous exprimer beaucoup, en particulier moi-même, si vous le souhaitez. En tout cas, je tenais à vous remercier tous collectivement du travail déjà accompli, en particulier MM. les rapporteurs, et notamment M. Souplet, je l'ai déjà dit.
Nous entrons les uns et les autres dans ce débat avec une attitude constructive. Je pense que nous avons maintenant l'occasion d'élaborer un texte qui répond à une attente. S'il y répond mieux grâce aux débats du Sénat, tant mieux ! Je ne suis pas sectaire au point de refuser quelque amendement que ce soit parce qu'il émanerait de tel ou tel groupe politique. Au contraire, je pense qu'il faut profiter de ce débat pour améliorer le texte sur tel ou tel point, pour l'amender, l'éclairer, l'affiner, lever des ambiguïtés et des doutes... Je suis tout à fait prêt à cela et, monsieur le président, si j'ose dire : « Allons-y ! » (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. _ I. _ La politique agricole prend en compte les fonctions économique, environnementale et sociale de l'agriculture et participe à l'aménagement du territoire, en vue d'un développement durable. Elle a pour objectifs, en liaison avec la politique agricole commune s'articulant sur la préférence communautaire :
« _ l'installation en agriculture, notamment des jeunes, la pérennité des exploitations agricoles, leur transmission, et le développement de l'emploi dans l'agriculture, dont le caractère familial doit aussi être préservé, dans l'ensemble des régions françaises en fonction de leurs spécificités ;
« _ l'amélioration des conditions de production, du revenu et du niveau de vie des agriculteurs ainsi que le renforcement de la protection sociale des agriculteurs tendant à la parité avec le régime général, à contributions équivalentes ;
« _ la revalorisation progressive et la garantie de retraites minimum aux agriculteurs en fonction de la durée de leur activité ;
« _ la production de biens agricoles, alimentaires et non alimentaires de qualité et diversifiés, répondant aux besoins des marchés nationaux, communautaires et internationaux, satisfaisant aux conditions de sécurité sanitaire ainsi qu'aux besoins des industries et des activités agro-alimentaires et aux exigences des consommateurs et contribuant à la sécurité alimentaire mondiale ;
« _ le développement de l'aide alimentaire et la lutte contre la faim dans le monde, dans le respect des agricultures et des économies des pays en développement aidés ;
« _ le renforcement de la capacité exportatrice agricole et agro-alimentaire de la France vers l'Europe et les marchés solvables ;
« _ le renforcement de l'organisation économique des marchés, des producteurs et des filières dans le souci d'une répartition équitable de la valorisation des produits alimentaires entre les agriculteurs, les transformateurs et les entreprises de commercialisation ;
« _ la mise en valeur des productions de matières premières à vocation énergétique dans le but de diversifier les ressources énergétiques du pays ;
« _ la valorisation des terroirs par des systèmes de production adaptés à leurs potentialités ;
« _ la préservation des ressources naturelles et de la biodiversité, et l'entretien des paysages ;
« _ la poursuite d'actions d'intérêt général au profit de tous les usagers de l'espace rural ;
« _ la promotion et le renforcement d'une politique de la qualité et de l'identification des produits agricoles et alimentaires et particulièrement ceux à haute valeur ajoutée ;
« _ le développement de la formation et de la recherche agricoles ;
« _ l'organisation d'une coexistence équilibrée, dans le monde rural, entre l'agriculture et les autres activités.
« La politique agricole prend en compte les situations spécifiques à chaque région, notamment aux zones de montagne, aux zones humides précisément délimitées dont les particularités nécessitent la mise en place d'une politique agricole spécifique, aux zones défavorisées et aux départements d'outre-mer, pour déterminer l'importance des moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à ces objectifs.
« La politique agricole est mise en oeuvre en concertation notamment avec les collectivités territoriales et les organisations professionnelles représentatives.
« Chaque année, en juin, au cours d'un débat organisé devant le Parlement, le Gouvernement rend compte de la politique agricole mise en oeuvre au titre de la présente loi et de la politique agricole commune.
« II. _ L'article 1er de la loi n° 60-808 du 5 août 1960 d'orientation agricole et l'article 1er de la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d'orientation agricole sont abrogés. »
Sur l'article, la parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une nouvelle loi d'orientation agricole est indispensable pour définir les grands axes dont notre agriculture a besoin afin d'affronter des marchés européens et mondiaux qui ont profondément changé depuis les lois de 1960, 1962 et 1980.
Notre agriculture doit également s'intégrer dans une société française en pleine mutation.
Vos bonnes intentions, chacun les partage. Il en est de même de la plupart des objectifs proposés dans ce premier article : installation des jeunes, revalorisation des retraites, valorisation des terroirs, politique de la qualité et de l'identification, prise en compte de la fonction sociale et environnementale de l'agriculteur.
Alors, pourquoi ne pas saisir l'opportunité de cette loi d'orientation pour proposer des solutions simples et drastiques à des problèmes majeurs, en particulier les retraites ?
Votre prédécesseur, M. Philippe Vasseur, avait réalisé une véritable avancée en augmentant de 30 % les montants des nouvelles retraites. Depuis, on fait du rapiéçage.
Partons d'un constat : le BAPSA est caractérisé par des financements externes atteignant plus de 80 % de ses recettes ; de plus, tout le monde reconnaît le faible niveau des retraites, parfois insultant lorsque certaines veuves d'agriculteur ayant travaillé toute leur vie touchent une retraite inférieure au RMI !
Faites simple, avec des objectifs précis dans le temps ! Proposez-nous un plan quinquennal pour faire entrer les agriculteurs dans le régime général, et au même niveau pour les agricultrices qui ont travaillé tout autant. C'est là une véritable occasion d'appliquer la parité !
Ce problème des retraites est absolument essentiel, car il touche à la plus élémentaire des justices.
En comparaison, vous faites du CTE la mesure majeure de votre projet alors que celui-ci, même s'il constitue une avancée et aussi séduisant soit-il, est accessoire par rapport aux problèmes de fond.
La crédibilité de ce dispositif repose en partie sur la reconduction de fonds communautaires et vous agissez comme si vous restiez sourd aux propos tenus par notre principal partenaire - par ailleurs principal bailleur du budget européen - l'Allemagne. Celle-ci nous annonce qu'elle ne veut plus financer la PAC dans son fonctionnement actuel. Elle entraînera dans son sillage d'autres contributeurs nets, et vous n'en tenez aucun compte !
Le diktat du fondamentaliste vert Trittin dénonçant unilatéralement l'accord de retraitement des déchets nucléaires conclu entre nos deux Etats montre, hélas ! qu'il y a fort peu de chances de conserver en l'état le budget européen de l'agriculture à son niveau, alors qu'il représente les deux tiers des ressources affectées à notre agriculture.
On ne peut manquer d'observer que, si les couples Giscard-Schmidt, Mitterrand-Kohl et Chirac-Kohl ont fait progresser l'Europe, le couple socialo-socialiste Jospin-Schroeder a bien besoin du PACS ! Pourtant, des relations de qualité entre nos dirigeants sont cruciales pour l'avenir de notre agriculture.
Lors de la discussion de votre budget, je vous avais proposé la solution des quantums. Nouveau venu au ministère, vous ignoriez peut-être que ce système avait déjà été utilisé pour la betterave. Vous m'aviez répondu que j'étais plus collectiviste que vous, ce qui, dans le cadre de la majorité plurielle, doit être un compliment.
Je ne vous exposerai pas de nouveau l'ensemble du système des quantums, mais j'insiste sur le fait que, d'une part, il préserve les petites exploitations, indispensables à l'existence d'une vraie ruralité, et que, d'autre part, il permet aux grandes exploitations céréalières de participer à un élément essentiel de notre économie : les exportations agricoles.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Ce système de double prix est simple dans son principe et économique dans ses applications.
Monsieur le ministre, j'espère que vous me répondrez sur cette proposition qui garantit à l'agriculteur, notamment aux petits producteurs céréaliers, un revenu minimum, une sorte de SMIC agricole. Que proposez-vous d'autre, en cas de contraction du budget européen ?
Demandez aux agriculteurs du Sud-Ouest - puisque vous êtes un élu de cette région - s'ils peuvent survivre avec la nouvelle PAC et si le CTE n'est pas qu'un élément accessoire du socle de notre agriculture !
Vous êtes conscient, monsieur le ministre, de cette baisse durevenu agricole. Ce n'est pas une manière d'encourager les jeunes à s'installer que de proposer de la pallier en développant d'autres activités !
Les agriculteurs, par l'entraide, les banques de travail, les travaux à façon ou les salaires extérieurs, sortent déjà du domaine propre de leur exploitation. Cependant, si vous leur proposez de concurrencer les artisans pour compenser leur perte de revenu, vous allez provoquer des tensions bien inutiles dans un monde rural déjà très inquiet.
Offrons aux agriculteurs français de vraies perspectives leur permettant de développer leur esprit d'entreprise et d'exprimer leur enthousiasme. Ne leur présentons pas un projet comptable, technocratique et sans saveur, bref un cassoulet sans confit !
M. le président. Sur l'article 1er, je suis saisi de quatorze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 595, M. Michel Souplet, au nom de la commission des affaires économiques, propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - La politique agricole prend en compte les fonctions économique, environnementale et sociale de l'agriculture et participe à l'aménagement du territoire, en vue d'un développement durable. Elle a pour objectifs, en liaison avec la politique agricole commune et la préférence communautaire :
« - l'installation en agriculture, notamment des jeunes, la pérennité des exploitations agricoles, leur transmission, et le développement de l'emploi dans l'agriculture, dont le caractère familial doit être préservé, dans l'ensemble des régions françaises en fonction de leurs spécificités ;
« - l'amélioration des conditions de production, du revenu et du niveau de vie des agriculteurs ainsi que le renforcement de la protection sociale des agriculteurs tendant à la parité avec le régime général.
« - la revalorisation progressive et la garantie de retraites minimum aux agriculteurs en fonction de la durée de leur activité ;
« - la production de biens agricoles, alimentaires et non alimentaires de qualité et diversifiés, répondant aux besoins des marchés nationaux, communautaires et internationaux, satisfaisant aux conditions de sécurité sanitaire ainsi qu'aux besoins des industries et des activités agroalimentaires et industrielles et aux exigences des consommateurs et contribuant à la sécurité alimentaire mondiale ;
« - le développement de l'aide alimentaire et la lutte contre la faim dans le monde, dans le respect des agricultures et des économies des pays en développement ;
« - le renforcement de la capacité exportatrice agricole et agroalimentaire de la France vers l'Europe et les marchés solvables en s'appuyant sur des entreprises dynamiques ;
« - le renforcement de l'organisation économique des marchés, des producteurs et des filières dans le souci d'une répartition équitable de la valorisation des produits alimentaires entre les agriculteurs, les transformateurs et les entreprises de commercialisation ;
« - la mise en valeur des productions de matières à vocation énergétique ou non alimentaire dans le but de diversifier les ressources énergétiques du pays et les débouchés de la production agricole ; la politique conduite dans le domaine des biocarburants s'appuie sur une défiscalisation pérenne.
« - la valorisation des terroirs par des systèmes de production adaptés à leurs potentialités ;
« - le maintien de conditions favorables à l'exercice de l'activité agricole dans les zones de montagne conformément aux dispositions de l'article L. 113-1 du code rural ;
« - la préservation des ressources naturelles et de la biodiversité, et l'entretien des paysages, l'équilibre économique des exploitations ne devant pas être mis en péril par les obligations qui en découlent, notamment en matière de préservation de la faune sauvage ;
« - la poursuite d'actions d'intérêt général au profit de tous les usagers de l'espace rural ;
« - la promotion et le renforcement d'une politique de la qualité et de l'identification de produits agricoles ;
« - le renforcement de la recherche agronomique et vétérinaire dans le respect des animaux et de leur santé :
« - l'organisation d'une coexistence équilibrée, dans le monde rural, entre les agriculteurs et les autres actifs ruraux, dans le respect d'une concurrence loyale entre les différents secteurs économiques.
« La politique agricole prend en compte les situations spécifiques à chaque région, notamment aux zones de montagne, aux zones humides précisément délimitées dont les particularités nécessitent la mise en place d'une politique agricole spécifique, aux zones défavorisées et aux départements d'outre-mer, pour déterminer l'importance des moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à ces objectifs. La forêt fait partie intégrante de la politique agricole.
« La politique agricole est mise en oeuvre en concertation notamment avec les collectivités territoriales et les organisations professionnelles représentatives.
« Chaque année, en juin, au cours d'un débat organisé devant le Parlement, le Gouvernement rend compte de la politique agricole mise en oeuvre au titre de la présente loi et de la politique agricole commune.
« II. - L'article 1er de la loi n° 60-808 du 5 août 1960 d'orientation agricole et l'article 1er de la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d'orientation agricole sont abrogés. »
Par amendement n° 153 rectifié, MM. César, Althapé, Bernard, Besse, Bizet, Braun, Cazalet, Cornu, Courtois, Debavelaere, Doublet, Dufaut, Esneu, Flandre, Fournier, François, Gaillard, Gérard, Gerbaud, Goulet, Gruillot, Hamel, Hugot, Jourdain, Larcher, Lassourd, Lauret, Leclerc, Le Grand, Martin, Murat, Ostermann, de Richemont, Rispat, de Rohan, Taugourdeau, Vasselle, Vinçon, Vissac et les membres du groupe du Rassemblement pour le République proposent de rédiger comme suit le I de l'article 1er :
« I. - La politique agricole et alimentaire mise en oeuvre en application de la présente loi a pour objectif en conformité avec les principes de la politique agricole commune :
« - d'encourager l'installation en agriculture ;
« - de promouvoir le développement du secteur agricole et agroalimentaire, secteurs essentiels au maintien des équilibres économiques, sociaux, territoriaux et environnementaux de la nation, en s'appuyant sur des entreprises dynamiques au sein desquelles soit reconnu le statut de chaque actif ;
« - de revaloriser progressivement et régulièrement les retraites agricoles afin de garantir pour l'année 2002 des retraites minimum correspondant à 75 % du SMIC net, pour toutes les catégories et en fonction de la durée de leur activité ;
« - d'aider les agriculteurs à relever les défis technologiques, économiques, sociaux et commerciaux, face notamment à l'internationalisation des échanges et de la concurrence, et ainsi à produire en fonction des besoins du marché ;
« - de renforcer la capacité exportatrice agricole et agroalimentaire de la France vers l'Europe et les marchés solvables ;
« - de promouvoir la politique de qualité alimentaire, tant au niveau des entreprises que des produits, afin de répondre aux attentes croissantes et légitimes des consommateurs, et afin de faire du prestige et de la diversité exceptionnelle des terroirs et des savoir-faire alimentaires de la France un atout capital dans la compétition internationale ;
« - de renforcer l'organisation économique des marchés, des producteurs et des filières dans le souci d'une répartition équitable de la valorisation des produits alimentaires entre les agriculteurs, les transformateurs et les entreprises de commercialisation ;
« - d'améliorer le revenu et le niveau de vie des agriculteurs ;
« - de renforcer la protection sociale des agriculteurs tendant à la parité avec le régime général, à contributions équivalentes ;
« - de moderniser la fiscalité agricole, de baisser le coût des transmissions et d'accompagner les évolutions juridiques et sociales des entreprises agricoles ;
« - d'organiser une coexistence équilibrée dans le monde rural entre les agriculteurs et les autres actifs ruraux, dans le respect d'une concurrence loyale entre les différents secteurs économiques ;
« - de contribuer positivement à la politique de l'emploi et notamment au maintien de l'emploi en milieu rural ;
« - de développer la formation et la recherche agricoles, et renforcer les partenariats entre la filière agricole et l'enseignement, la recherche et le développement ;
« - de développer les productions agricoles à vocation énergétique ;
« - de développer l'aide alimentaire et la lutte contre la faim dans le monde, dans le respect des agriculteurs et des économies des pays en développement aidés.
« La politique agricole prend en compte les situations spécifiques à chaque région, notamment aux zones périurbaines, aux zones de montagne, aux zones humides, précisément délimitées dont les particularités nécessitent la mise en place d'une politique agricole spécifique, qui pour cela continueront de bénéficier des mêmes montants d'engagement financier aujourd'hui octroyés, aux zones défavorisées et aux département d'outre-mer, pour déterminer l'importance des moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à ces objectifs
« La politique agricole est mise en oeuvre en concertation notamment avec l'Etat, les collectivités territoriales et les organisations professionnelles représentatives.
« La politique agricole comporte des dispositions spécifiques à la forêt.
« Chaque année, en juin, au cours d'un débat organisé devant le Parlement, le Gouvernement rend compte de la politique agricole mise en oeuvre au titre de la présente loi et de la politique agricole commune. »
Par amendement n° 379, M. Pastor, Mme Boyer, MM. Bony, Courteau, Lejeune, Piras, Plancade, Raoult, Trémel, Bellanger, Besson, Demerliat, Désiré, Dussaut, Fatous, Godard, Journet, Percheron, Rinchet, Signé,Teston, Vidal, Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la première phrase du premier alinéa du I de l'article 1er, après les mots : « de l'agriculture », d'insérer les mots : « , dans le respect des activités des autres acteurs économiques du monde rural ».
Par amendement n° 447, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter le deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 1er par les mots : « et la solidarité financière ».
Par amendement n° 496, M. Herment et les membres du groupe de l'Union centriste porpose d'insérer, après le deuxième alinéa de l'article 1er, un alinéa ainsi rédigé :
« - la prise en compte de l'amélioration des conditions d'élevage, de transport et d'abattage dans le respect du bien-être des animaux de ferme ; ».
Par amendement n° 448, MM. Le Cam, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit le quatrième alinéa du paragraphe I de l'article 1er :
« La revalorisation progressive des retraites agricoles dans l'objectif d'une retraite minimale équivalant à 75 % du SMIC brut pour toutes les catégories à l'échéance du 30 juin 2002 ; ».
Par amendement n° 533, M. Deneux propose, dans le cinquième alinéa du I de l'article 1er, après les mots : « activités agroalimentaires », d'insérer les mots : « et agro-industrielles ».
Par amendement n° 534, M. Deneux propose de rédiger comme suit le neuvième alinéa du I de l'article 1er :
« - la mise en valeur des productions de matières à vocation énergétique ou non alimentaire, dans le but de diversifier les ressources énergétiques du pays et les débouchés de la production agricole ; ».
Par amendement n° 502 rectifié, Mme Bardou, MM. Grillot, Puech, Ferrand, Amoudry, Faure, Hérisson, Jarlier, Lesbros, Michel Mercier, Blanc, Natali, Jourdain, Descours, Gouteyron, Ostermann, Fournier, Barnier, Besse, Vissac, Braun et Althapé proposent, après le dixième alinéa de l'article 1er, d'insérer un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« - le maintien de conditions favorables à l'exercice de l'activité agricole dans les zones de montagne conformément aux dispositions de l'article L. 113-1 du code rural ; ».
Par amendement n° 501 rectifié, Mme Bardou, MM. Grillot, Puech, Ferrand, Amoudry, Faure, Hérisson, Jarlier, Lesbros, Michel Mercier, Blanc, Natali, Jourdain, Descours, Gouteyron, Braun, Barnier et Besse proposent de compléter in fine le onzième alinéa de l'article 1er par les dispositions suivantes :
« - les obligations qui en découlent, notamment en matière de préservation de la faune sauvage, ne devant cependant pas mettre en péril l'équilibre économique des exploitations ; ».
Par amendement n° 380, M. Pastor, Mme Boyer, MM. Bony, Courteau, Lejeune, Piras, Plancade, Raoult, Trémel, Bellanger, Besson, Demerliat, Désiré, Dussaut, Fatous, Godard, Journet, Percheron, Rinchet, Signé, Teston, Vidal, Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger ainsi le quinzième alinéa du I du l'article 1er :
« - le maintien d'une coexistence équilibrée, dans le monde rural, entre l'agriculture et les autres activités économiques, dans le respect des règles de concurrence ; ».
Par amendement n° 444, MM. Le Grand et Bizet proposent d'insérer, dans le seizième alinéa du I de l'article 1er, après les mots : « la mise en place d'une politique agricole spécifique, » les mots : « qui pour cela continueront de bénéficier des mêmes montants d'engagement financier aujourd'hui octroyés, ».
Par amendement n° 503 rectifié, Mme Bardou, MM. Grillot, Puech, Ferrand, Amoudry, Faure, Hérisson, Jarlier, Lesbros, Michel Mercier, Blanc, Natali, Jourdain, Descours, Gouteyron, Ostermann, Barnier, Besse, Vissac, Braun, Fournier et Althapé proposent de compléter in fine le seizième alinéa de l'article 1er par une phrase ainsi rédigée : « Cette prise en compte consiste dans chacune des catégories de régions à reconnaître la légitimité de compenser les surcoûts inhérents à leur situation géomorphologique, compte tenu du rôle déterminant qu'y remplissent les exploitants pour l'aménagement et la gestion de l'espace à travers leur activité de production. »
Par amendement n° 532, M. Deneux propose d'insérer, après le seizième alinéa du I de l'article 1er, un alinéa ainsi rédigé :
« La politique agricole comporte des dispositions spécifiques à la forêt. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 595.
M. Michel Souplet, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Mes chers collègues, la commission des affaires économiques avait souhaité ne pas amender dans un premier temps l'article 1er, et ce pour deux raisons : tout d'abord, comme M. le ministre vient de le dire, cet article n'a aucun caractère normatif ; ensuite, l'Assemblée nationale, au terme d'un débat de six heures, a adopté un certain nombre d'amendements qui ont rendu le texte de cet article 1er peu lisible.
La commission a donc préféré attendre que tous les amendements de nos collègues sénateurs soient déposés avant de proposer de réécrire l'article 1er intégralement.
Nous reprenons ainsi dans ses grandes lignes le texte tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale, en y ajoutant quelques idées contenues dans les amendements qui ont été déposés par nos collègues. Cela pourrait nous permettre de règler le problème des quatorze amendements suivants !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je découvre à l'instant cet amendement, pour les raisons que vient d'expliquer M. le rapporteur : il a préféré attendre que tous les amendements soient déposés pour en rédiger un nouveau.
Alors que tout le monde n'en a pas encore pris connaissance, peut-être pourriez-vous, monsieur le rapporteur, pour gagner du temps, nous exposer en quoi il modifie l'article 1er tel qu'il est actuellement rédigé ?
M. Michel Souplet, rapporteur. Nous avons modifié pour l'essentiel les alinéas 7, 9, 11 et 15 de l'article.
M. Jean-Marc Pastor. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, l'amendement de la commission n'a pas été distribué, et nous n'avons donc pas pu en prendre connaissance. Voilà pourquoi il me paraîtrait sage que vous suspendiez la séance quelques minutes pour nous permettre de l'examiner.
M. le président. Telle est, effectivement, la voie de la sagesse.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.
M. Michel Souplet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Souplet, rapporteur. La commission souhaite apporter deux modifications à l'amendement n° 595 afin qu'il ne tombe pas sous le coup de l'article 40.
Tout d'abord, au neuvième paragraphe les mots : « la politique conduite dans le domaines des biocarburants s'appuie sur une défiscalisation pérenne » sont supprimés.
Ensuite, après les mots : « la faune sauvage », il convient d'ajouter les mots : « , sans qu'il en résulte de charges supplémentaires pour l'Etat. » Je demande donc à la Haute Assemblée de bien vouloir adopter l'amendement n° 595 dans ces termes.
M. le président. Je suis donc saisi, par la commission des affaires économiques, d'un amendement n° 595 rectifié, ainsi rédigé, et qui va certainement susciter des retraits d'amendements.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, je retire les amendements n°s 379 et 380.
M. Rémi Herment. Je retire l'amendement n° 496.
M. Marcel Deneux. Je retire les amendements n°s 533, 534 et 532.
Mme Janine Bardou. Je retire l'amendement n° 501 rectifié et l'amendement 503 rectifié que je présenterai sous une autre forme à l'article 2.
M. le président. Les amendements n°s 379, 496, 533, 534, 501 rectifié, 380, 503 rectifié et 532 sont retirés.
La parole est maintenant à M. César, pour défendre l'amendement n° 153 rectifié.
M. Gérard César. Malgré l'esprit de synthèse dont a eu à faire preuve M. le rapporteur ce matin, les membres du groupe du RPR souhaitent que le calendrier applicable à la revalorisation progressive des retraites des agriculteurs figure dans le projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Le Cam, pour défendre les amendements n°s 447 et 448. M. Gérard Le Cam. L'Assemblée nationale a voulu, dans le premier alinéa de ce projet de loi, introduire une référence explicite à la politique agricole commune et à sa nécessaire articulation avec la politique nationale redéfinie par ce texte.
Bien évidemment, nous approuvons cette démarche dès lors qu'il s'agit de peser sur les choix européens, de sorte que les propositions de la France soient retenues à Bruxelles.
Comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer en conclusion de mon intervention générale, l'avenir de la loi d'orientation que nous allons voter se joue peut-être davantage à Bruxelles qu'à Paris.
C'est pourquoi, dans la mesure où nous évoquons la PAC dans ce texte, il me paraît logique d'en préciser les principes fondamentaux, surtout lorsque ceux-ci sont aussi ouvertement mis en cause par la Commission européenne et certains Etats membres, dont l'Allemagne, qui assure, depuis le 1er janvier 1999, la présidence de l'Union européenne.
Sur l'initiative des députés communistes, le texte fait désormais mention du principe de la préférence communautaire. A partir de là, notre amendement n° 447 n'a d'autre objectif que de remettre la PAC sur ses deux pieds en faisant référence également au principe de la solidarité financière.
Dans le contexte actuel, vous comprendrez que cet amendement est hautement symbolique, compte tenu des menaces sérieuses qui pèsent tant sur le financement de la PAC que sur le niveau des dépenses.
Chacun d'entre nous a pu exprimer ici son opposition à toute forme de renationalisation de la PAC, notre amendement vous donne l'occasion, mes chers collègues, de l'inscrire dans la loi et de refuser ce qui constituerait un démantèlement de la PAC.
Avant de défendre l'amendement n° 448, qui a pour objet d'inscrire parmi les objectifs de la politique agricole la revalorisation des retraites agricoles au niveau de 75 % du SMIC brut d'ici à la fin de la législature, je tiens à rappeler que notre groupe a toujours, en ce qui le concerne, défendu cette juste revendication, quelle que soit la majorité en place.
Je rappelle également que seul le groupe communiste républicain et citoyen a avancé, dans le cadre de la loi de fincances pour 1999, deux propositions : la première tend à revaloriser les retraites agricoles au niveau du minimum vieillesse, dès le 1er janvier 1999, pour atteindre 75 % du SMIC brut en 2002 ; la seconde, moins ambitieuse, vise à porter les pensions, quelles que soient les catégories, à 3 000 francs par mois.
La droite a beau jeu aujourd'hui de reprocher à ce Gouvernement ce qu'elle-même n'a pas su faire pendant les quatre années où elle gérait le pays.
Les efforts de ce Gouvernement ne sont pas négligeables, mais ils sont loin d'être suffisants au regard des besoins qu'il reste à satisfaire.
Le budget de 1999 consacre 1,6 milliard de francs en année pleine pour les petites retraites, mais la subvention de l'Etat au BAPSA a par ailleurs été réduite de 2,9 milliards de francs.
Cela prouve que les moyens existent pour répondre immédiatement aux exigences des retraités agricoles.
Par ailleurs, peut-on aujourd'hui refuser aux retraités de l'agriculture une partie de la richesse nationale qu'ils ont eux-mêmes contribué à créer, richesse qui a d'ailleurs été accaparée par le système bancaire qui s'est développé en investissant dans l'agriculture, par les industries d'amont et d'aval et par la grande distribution ?
Pourquoi également ne pas rééquilibrer le balancier en faveur des retraités agricoles par une redistribution de la plus-value de la filière agricole ?
Je suis convaincu que cet objectif de 75 % du SMIC brut est raisonnable, comparé au 800 milliards de francs de chiffre d'affaires générés par l'industrie agroalimentaire et les 67 milliards de francs de notre excédent agricole pour 1997.
Enfin, je ne pense pas qu'une telle mesure serait injuste vis-à-vis des smicards ayant cotisé pendant quarante années pour une retraite évaluée à 75 % du SMIC.
Tout d'abord, les agriculteurs aujourd'hui retraités ont le plus souvent travaillé plus longtemps que la période durant laquelle ils ont commencé à cotiser.
Ensuite, les agriculteurs n'ont jamais, ou très peu, bénéficié de repos ou de vacances lorsqu'ils se consacraient sans compter à leurs activités.
Enfin, cette revalorisation ne serait que la juste réparation des sacrifices que beaucoup d'agriculteurs ont dû faire depuis 1960 pour s'adapter à la marche forcée vers le productivisme.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que cet objectif, à la fois juste et réalisable, soit inscrit dans l'article 1er du projet de loi d'orientation agricole.
M. le président. La parole est à Mme Bardou, pour défendre l'amendement n° 502 rectifié.
Mme Janine Bardou. Cet amendement a pour objet de rétablir la formulation des lois du 5 août 1960 et du 4 juillet 1980, assignant comme objectif à la politique agricole commune de favoriser l'exercice de l'activité agricole en montagne.
M. le président. La parole est à M. Bizet, pour exposer l'amendement n° 444.
M. Jean Bizet. Les zones humides françaises d'importance européenne sont des territoires spécifiques reconnus par l'article 2 de la loi du 3 janvier 1992 comme devant être préservées.
Ces zones humides, dont la surface s'amenuise d'année en année, souffrent souvent d'un manque d'adaptation de l'agriculture à leurs spécificités. Il est donc indispensable, dans ce texte, de mettre en avant une volonté d'assurer par des pratiques agricoles spécifiques la pérennité de ces zones en leur assurant, dans le cadre des contrats territoriaux d'exploitation, les mêmes aides que celles qu'elles détenaient au titre des OGAF ou des OLAE.
Ces crédits étant redéployés pour le financement de contrats territoriaux, il est à craindre que ces zones humides ne bénéficient plus, à l'avenir, des mêmes concours financiers.
M. le président. Je viens d'être saisi d'un sous-amendement n° 600, présenté par M. Vasselle, et tendant à rédiger ainsi le dix-huitième alinéa de l'amendement n° 595 rectifié :
« La politique agricole est mise en oeuvre en concertation avec les organisations professionnelles représentatives, et avec les collectivités territoriales en tant que de besoin. »
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Pourquoi ajouter l'expression « en tant que de besoin » ? Je ne veux pas laisser à penser que la contribution financière des collectivités territoriales sera automatique, du fait qu'elles auront été associées à la concertation sur ces actions de politique agricole.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 600 ?
M. Michel Souplet, rapporteur. J'accepte la suggestion de M. Vasselle et je rectifie mon amendement en conséquence.
M. le président. Je suis donc saisi, par M. Souplet, au nom de la commission des affaires économiques, d'un amendement n° 595 rectifié bis, qui vise à rédiger comme suit l'article 1er :
« I. - La politique agricole prend en compte les fonctions économique, environnementale et sociale de l'agriculture et participe à l'aménagement du territoire, en vue d'un développement durable. Elle a pour objectifs, en liaison avec la politique agricole commune et la préférence communautaire :
« - l'installation en agriculture, notamment des jeunes, la pérennité des exploitations agricoles, leur transmission, et le développement de l'emploi dans l'agriculture, dont le caractère familial doit être préservé dans l'ensemble des régions françaises en fonction de leurs spécificités ;
« - l'amélioration des conditions de production, du revenu et du niveau de vie des agriculteurs ainsi que le renforcement de la protection sociale des agriculteurs tendant à la parité avec le régime général ;
« - la revalorisation progressive et la garantie de retraites minimum aux agriculteurs en fonction de la durée de leur activité ;
« - la production de biens agricoles, alimentaires et non alimentaires de qualité et diversifiés, répondant aux besoins des marchés nationaux, communautaires et internationaux, satisfaisant aux conditions de sécurité sanitaire ainsi qu'aux besoins des industries et des activités agroalimentaires et industrielles et aux exigences des consommateurs et contribuant à la sécurité alimentaire mondiale ;
« - le développement de l'aide alimentaire et la lutte contre la faim dans le monde, dans le respect des agricultures et des économies des pays en développement ;
« - le renforcement de la capacité exportatrice agricole et agroalimentaire de la France vers l'Europe et les marchés solvables en s'appuyant sur des entreprises dynamiques ;
« - le renforcement de l'organisation économique des marchés, des producteurs et des filières dans le souci d'une répartition équitable de la valorisation des produits alimentaires entre les agriculteurs, les transformateurs et les entreprises de commercialisation ;
« - la mise en valeur des productions de matières à vocation énergétique ou non alimentaire dans le but de diversifier les ressources énergétiques du pays et les débouchés de la production agricole ;
« - la valorisation des terroirs par des systèmes de production adaptés à leurs potentialités ;
« - le maintien de conditions favorables à l'exercice de l'activité agricole dans les zones de montagne conformément aux dispositions de l'article L. 113-1 du code rural ;
« - la préservation des ressources naturelles et de la biodiversité, et l'entretien des paysages, l'équilibre économique des exploitations ne devant pas être mis en péril par les obligations qui en découlent, notamment en matière de préservation de la faune sauvage, sans qu'il n'en résulte de charges supplémentaires pour l'Etat ;
« - la poursuite d'actions d'intérêt général au profit de tous les usagers de l'espace rural ;
« - la promotion et le renforcement d'une politique de la qualité et de l'identification de produits agricoles ;
« - le renforcement de la recherche agronomique et vétérinaire dans le respect des animaux et de leur santé ;
« - l'organisation d'une coexistence équilibrée, dans le monde rural, entre les agriculteurs et les autres actifs ruraux, dans le respect d'une concurrence loyale entre les différents secteurs économiques.
« La politique agricole prend en compte les situations spécifiques à chaque région, notamment aux zones de montagne, aux zones humides précisément délimitées dont les particularités nécessitent la mise en place d'une politique agricole spécifique, aux zones défavorisées et aux départements d'outre-mer, pour déterminer l'importance des moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à ces objectifs. La forêt fait partie intégrante de la politique agricole.
« La politique agricole est mise en oeuvre en concertation avec les organisations professionnelles représentatives et avec les collectivités territoriales en tant que de besoin.
« Chaque année, en juin, au cours d'un débat organisé devant le Parlement, le Gouvernement rend compte de la politique agricole mise en oeuvre au titre de la présente loi et de la politique agricole commune.
« II. - L'article 1er de la loi n° 60-808 du 5 août 1960 d'orientation agricole et l'article 1er de la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d'orientation agricole sont abrogés. »
En conséquence, le sous-amendement n° 600 n'a plus d'objet.
Monsieur le rapporteur, quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 153 rectifié, 447, 448, 502 rectifié et 444.
M. Michel Souplet, rapporteur. L'amendement n° 153 rectifié étant en grande partie repris dans l'amendement qu'elle présente, la commission émet donc un avis défavorable à son endroit.
La commission est également défavorable aux amendements n°s 447 et 448.
L'amendement n° 502 rectifié est, lui aussi, satisfait par l'amendement de la commission, qui émet encore un avis défavorable.
Il en va de même pour l'amendement n° 444 qui, en outre, alourdit le texte alors que nous avons essayé de l'alléger puisqu'il s'agit d'une loi d'orientation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 595 rectifié bis, 153 rectifié, 447, 448, 502 rectifié et 444 ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, je ferai d'abord une petite remarque à propos de l'amendement n° 595 rectifié bis.
Dans le dix-septième alinéa du texte qu'il propose figurera la phrase suivante : « La forêt fait partie intégrante de la politique agricole. » Je comprends bien le sens de cette phrase, et je sais que cet article n'a pas une valeur normative draconienne. Néanmoins, dans la mesure où il existe un code rural et un code forestier, je ne voudrais pas que l'on s'expose à des confusions juridiques. Il serait donc préférable que cette phrase soit retirée.
Les amendements n°s 153 rectifié de M. César et 448 de M. Le Cam, quant à eux, sont passibles de l'article 40 de la Constitution.
En effet, l'alignement des retraites agricoles sur le minimum vieillesse entraînerait un coût de 7 milliards de francs. L'alignement des retraites agricoles sur 75 % du SMIC net coûterait 11,5 milliards, voire 12 milliards de francs, et l'alignement sur le SMIC brut, 22 milliards de francs.
Par ailleurs - j'ai déjà eu l'occasion de le dire amicalement à M. Le Cam - aligner les retraites agricoles sur 75 % du SMIC serait profondément inéquitable, contrairement à ce qu'il croit. En effet, les salariés qui touchent le SMIC en activité ne percevront pas 75 % du SMIC alors qu'ils auront cotisé toute leur vie. Ils reçevront grosso modo 50 % du SMIC, hors retraite complémentaire, bien entendu.
Il reste que le Gouvernement s'est engagé dans une politique de revalorisation des retraites, politique qui avait été initiée par le Gouvernement précédent. J'ai été rapporteur du budget du BAPSA, comme M. Rispat, qui siégeait alors à l'Assemblée nationale. L'un dans la majorité, l'autre dans l'opposition, nous nous sommes élevés ensemble suffisamment souvent contre la modicité des retraites agricoles pour nous retrouver aujourd'hui dans la même direction !
Le gouvernement précédent avait donc commencé à mener une politique de revalorisation des retraites, mais d'une manière moins ciblée que ne le fait le présent gouvernement, qui, lui, s'adresse aux retraites les plus basses.
Le Gouvernement s'est engagé sur un plan de cinq ans. Or nous savons bien que, après les deux premières échéances de 1998 et 1999, un certain nombre de problèmes se poseront, des problèmes d'équivalence avec le minimum vieillesse notamment.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'est engagé à rendre un rapport au cours du premier semestre de 1999. Il sera remis de façon que le projet de loi de finances pour l'an 2000 intègre la prochaine étape en tenant compte des problèmes qu'elle peut engendrer.
Ce rapport s'inscrira dans une logique de revalorisation quinquennale en vue des trois dernières étapes. Il s'agit d'un engagement solennel du Gouvernement qui a été pris au moment de la discussion du projet de loi de finances pour 1999 et que je renouvelle ici.
En conséquence, si les amendements n°s 153 rectifié et 448 n'étaient pas retirés, j'invoquerais l'article 40 de la Constitution.
En ce qui concerne l'amendement n° 447 de M. Le Cam tendant à ajouter la solidarité financière au principe de la PAC, je n'y suis pas opposé. Je serais donc prêt, monsieur Le Cam, à me rallier à votre proposition, mis à part qu'apporter cette précision n'apporte rien. Où commence la solidarité financière ? Où finit-elle ? Je ne suis pas sûr que cette adjonction nous mette à l'abri de la renationalisation de la PAC. Le cofinancement peut être une manière de solidarité financière. Nous sommes tout de même dans un partage des responsabilités.
L'amendement n° 502 rectifié, comme l'a dit M. le rapporteur, est repris dans l'amendement de la commission. Il est donc sans objet, me semble-t-il.
Quant à l'amendement n° 444, j'invoque aussi l'article 40 car il s'agit d'engager une dépense de l'Etat, puisque l'on y indique que les zones devraient bénéficier des mêmes montants d'engagements financiers.
M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable aux amendements n°s 153 rectifié, 448 et 444 ?
M. Michel Charasse, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il l'est pour les trois amendements, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, les amendements n°s 153 rectifié, 448 et 444 ne sont pas recevables.
Sur l'amendement n° 595 rectifié bis, le Gouvernement a souhaité que la phrase relative à la forêt soit supprimée. Monsieur le rapporteur, acceptez-vous de modifier cet amendement en ce sens ?
M. Michel Souplet, rapporteur. Monsieur le ministre, cette mention n'a pas d'incidence financière. L'intention de la commission est simplement d'évoquer le cas d'entreprises agricoles qui exploitent la forêt. A cause de ces cas précis, je préfère maintenir l'amendement en l'état.
M. le président. Si je vous ai bien compris, monsieur le ministre, le Gouvernement est favorable à cet amendement, même s'il est réservé sur ce point.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. C'est exact, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 595 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé et les amendements n° 502 rectifié et 447 n'ont plus d'objet.

Articles additionnels après l'article 1er



M. le président.
Par amendement n° 419, MM. Deneux et Machet proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« La politique conduite dans le domaine des biocarburants s'appuie sur une défiscalisation pérenne. »
La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 419 est retiré.
Par amendement n° 449, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement s'engage à informer le Parlement avant qu'un accord définitif soit conclu à l'issue des négociations internationales et européennes en cours. »
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. L'objectif de cet amendement est clair : il s'agit de faire en sorte que le Parlement français soit tenu informé sur les conclusions des accords, qu'ils soient européens ou internationaux, avant que le Gouvernement n'engage la signature de la France de façon irrévocable.
Votre prédécesseur, monsieur le ministre, avait souhaité que cette loi qui redéfinit les orientations de la politique française en matière d'agriculture soit discutée et votée avant les deux principales échéances qui se préparent, c'est-à-dire la réforme de la PAC et les négociations multilatérales de l'Organisation mondiale du commerce.
Il s'agit, en quelque sorte, d'une consultation en amont sur la base d'un projet gouvernemental pour vous aider à vous opposer aux dogmes libéraux et être en mesure de proposer une alternative solide.
Je vous demande, monsieur le ministre, d'aller jusqu'au bout de cette logique démocratique en mettant à la disposition du législateur, le moment venu, l'ensemble des éléments de la PAC 2000 et des accords de l'OMC.
Dès l'instant où vous-même, monsieur le ministre, assurez que ce texte sera pour vous un point d'appui dans la perspective des négociations en cours ou à venir, les parlementaires qui ont contribué à améliorer ce projet de loi, qui l'ont voté, doivent être en mesure d'en vérifier les conséquences et les apports au niveau européen.
J'avais eu l'occasion, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, de déposer, devant la commission des affaires économiques et du Plan, un amendement similaire à la proposition de résolution sur la réforme de la PAC. Il a été repoussé au prétexte de sa non-conformité avec la procédure traditionnelle de nos institutions.
C'est pourquoi, afin d'avoir satisfaction, nous proposons cette fois-ci que le Gouvernement informe le Parlement.
Je sollicite du Gouvernement que cette information soit faite à l'occasion d'une déclaration solennelle et non simplement par la procédure classique des questions orales ou écrites.
Il est beaucoup question de moderniser et de démocratiser notre système institutionnel ; je pense que sur un sujet d'une telle importance pour notre agriculture il doit être possible, à cette occasion, d'avancer encore davantage dans ce domaine.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Souplet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Peut-être cette proposition est-elle même anticonstitutionnelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Pour ma part, je partagerais plutôt le point de vue de M. Le Cam.
Cependant, autant il est normal - il serait même presque obligatoire - qu'un gouvernement informe régulièrement le Parlement de l'évolution des négociations - mais tout gouvernement de la France digne de ce nom ne peut que satisfaire à cette exigence - autant l'inscription dans la loi d'une disposition comme celle qui nous est proposée me paraît relever d'une modification constitutionnelle, car c'est le Gouvernement qui négocie les traités.
Je ne peux donc qu'être réservé sur la formulation de cet amendement qui, à mon avis, ne tiendrait pas en cas de recours devant le Conseil constitutionnel.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 449, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er bis



M. le président.
« Art. 1er bis . _ I. _ Au sein des commissions où siègent des représentants des exploitants agricoles ainsi que dans les organes délibérants des comités professionnels, interprofessionnels ou organismes agricoles de toute nature investis d'une mission de service public ou assurant la gestion de fonds publics ou assimilés, l'ensemble des organisations syndicales d'exploitants agricoles qui remplissent des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat sont représentées.
« II. _ Les dispositions du I prennent effet au 1er janvier 2000. »
Sur cet article, je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 154, MM. César, Althapé, Bernard, Besse, Bizet, Braun, Cazalet, Cornu, Courtois, Debavelaere, Doublet, Dufaut, Esneu, Flandre, Fournier, François, Gaillard, Gérard, Gerbaud, Goulet, Gruillot, Hamel, Hugot, Jourdain, Larcher, Lassourd, Lauret, Leclerc, Le Grand, Martin, Murat, Ostermann, de Richemont, Rispat, de Rohan, Taugourdeau, Vasselle, Vinçon, Vissac et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 1, M. Souplet, au nom de la commission des affaires économiques, propose de rédiger comme suit le I de l'article 1er bis :
« I. - Sont habilitées à siéger au sein des commissions ou organismes agricoles dont la liste est fixée par décret, les organisations syndicales d'exploitants agricoles qui satisfont aux conditions suivantes :
« 1° Justifier d'un fonctionnement indépendant, régulier et effectif depuis cinq ans au moins ;
« 2° Avoir obtenu dans le département plus de 15 % des suffrages exprimés lors des élections à la chambre d'agriculture (collèges des chefs d'exploitation et assimilés). Lorsque deux organisations syndicales ont constitué une liste d'union ayant obtenu plus de 30 % des suffrages, elles sont réputées satisfaire à l'une et l'autre des conditions.
« Sont représentées au niveau régional les organisations syndicales qui ont été habilitées dans la moitié au moins des départements de la région.
« Sont représentées au plan national les organisations syndicales qui ont été habilitées dans au moins vingt-cinq départements. »
Cet amendement est affecté de deux sous-amendements.
Le sous-amendement n° 450, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tend, dans le troisième alinéa (2°) de l'amendement n° 1, à remplacer le pourcentage : « 15 % » par le pourcentage « 5 % ».
Le sous-amendement n° 156, déposé par MM. César, Althapé, Bernard, Besse, Bizet, Braun, Cazalet, Cornu, Courtois, Debavelaere, Doublet, Dufaut, Esneu, Flandre, Fournier, François, Gaillard, Gérard, Gerbaud, Goulet, Gruillot, Hamel, Hugot, Jourdain, Larcher, Lassourd, Lauret, Leclerc, Le Grand, Martin, Murat, Ostermann, de Richemont, Rispat, de Rohan, Taugourdeau, Vasselle, Vinçon, Vissac et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, vise à compléter le texte proposé par l'amendement n° 1 par un alinéa ainsi rédigé :
« La présente disposition n'est pas applicable aux organisations interprofessionnelles reconnues. »
Par amendement n° 552, le Gouvernement propose de rédiger comme suit le paragraphe I de l'article 1er bis :
« I. - L'ensemble des organisations syndicales d'exploitants agricoles qui remplissent les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ont vocation à être représentées au sein des commissions ainsi que dans les comités professionnels, interprofessionnels ou organismes de toute nature investis d'une mission de service public, ou assurant la gestion de fonds publics ou assimilés, où siègent des représentants des exploitants agricoles. »
Par amendement n° 155, MM. César, Althapé, Bernard, Besse, Bizet, Braun, Cazalet, Cornu, Courtois, Debavelaere, Doublet, Dufaut, Esneu, Flandre, Fournier, François, Gaillard, Gérard, Gerbaud, Goulet, Gruillot, Hamel, Hugot, Jourdain, Larcher, Lassourd, Lauret, Leclerc, Le Grand, Martin, Murat, Ostermann, de Richemont, Rispat, de Rohan, Taugourdeau, Vasselle, Vinçon, Vissac et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, dans le I de l'article 1er bis , de supprimer les mots : « ainsi que dans les organes délibérants des comités professionnels, interprofessionnels ».
Enfin, par amendement n° 420, MM. Amoudry, Hérisson et Deneux proposent, dans le I de l'article 1er bis , de supprimer le mot : « interprofessionnels ».
La parole est à M. César, pour défendre l'amendement n° 154.
M. Gérard César. Cet amendement a pour objet de supprimer l'article 1er bis , qui a été adopté à l'Assemblée nationale en première lecture, mais je le retire au profit de l'amendement n° 1 de la commission, qui me donne satisfaction.
M. le président. L'amendement n° 154 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Michel Souplet, rapporteur. La commission approuve la reconnaissance du pluralisme syndical agricole. Néanmoins, elle considère que la rédaction de cet article pose deux difficultés.
En premier lieu, cet article n'est pas conforme à la définition légale de la représentativité. En effet, il appartient au législateur et à lui seul de définir les différents critères de représentativité, et non au juge administratif. Si ce dernier a, dans le décret de 1990, précisé les critères de représentativité, on cherche en vain dans les visas de ce texte une référence à la loi : tout au plus figure un rappel du code rural. Il serait donc nécessaire de compléter cet article 1er bis par un renvoi à la loi.
En second lieu, la commission s'est interrogée sur les conséquences de la multiplicité syndicale au sein de certains organismes. S'il est tout à fait normal que la représentativité syndicale soit reconnue au sein d'organismes comme l'ANDA, ce n'est pas le cas notamment pour d'autres.
En effet, cette généralisation des règles contenues dans le décret de 1990 soulève tout d'abord des problèmes vis-à-vis des syndicats professionnels. Constitués sur le fondement de la liberté d'adhésion, basés sur l'autonomie, les syndicats professionnels sont avant tout l'expression d'une sensibilité et d'une philosophie. L'ouverture obligatoire de leurs organes délibérants à des membres qui ont adhéré à des structures concurrentes ne se justifie pas. Au contraire, elle jettera la suspicion et paralysera la prise de décision.
L'application de l'article 1er bis pose ensuite des difficultés aux filières spécialisées dont la réussite même repose sur le principe de l'autogestion. Si les syndicats d'exploitants agricoles n'ont pas de représentativité réelle dans ces filières, on ne voit pas à quel titre il pourrait être prévu qu'ils auront néanmoins des représentants dans les organes délibérants des filières concernées.
Sauf à courir le risque de paralyser le travail des professionnels et de les priver de leurs moyens d'action et de décision, il est impératif de modifier la rédaction de l'article 1er bis et de consacrer par la voie législative les règles du décret de 1990.
M. le président. La parole est à M. Le Cam, pour défendre le sous-amendement n° 450.
M. Gérard Le Cam. Avant d'exposer les raisons qui nous ont conduits à déposer ce sous-amendement à l'amendement n° 1 de la commission, je tiens à exprimer notre désapprobation la plus totale sur la logique défendue par M. le rapporteur.
L'amendement n° 1 est critiquable de deux points de vue. D'une part, il limite la portée de l'article 1er bis puisqu'il exclut de fait le pluralisme syndical au sein « des organes délibérants des comités professionnels et interprofessionnels investis d'une mission de service public ».
D'autre part, en transposant dans la loi le décret n° 90-187 du 28 février 1990, il contribue à figer et à cadenasser la représentation syndicale au profit d'un syndicalisme unique dont on connaît aujourd'hui les limites. En effet, si cet amendement était voté, seule une loi pourrait modifier les règles du jeu.
C'est pourquoi nous proposons, quant à nous, de porter à 5 %, au lieu de 15 %, le seuil de représentativité syndicale obtenu à l'échelon départemental.
J'observe que notre collègue s'interroge dans son rapport sur « les conséquences de la multiplicité syndicale ».
Est-il besoin de rappeler que le seuil de 5 % est la règle communément appliquée pour n'importe quelle élection politique ou professionnelle, sans que nos institutions soient devenues pour autant ingérables, si l'on excepte l'institution régionale, dont l'ingouvernabilité relève, on le voit, plus de l'irresponsabilité de certains que du dysfonctionnement inhérent au mode de scrutin.
Sous prétexte de refuser la multiplicité syndicale, monsieur le rapporteur, vous excluez dans le même temps le pluralisme syndical car un seuil de 15 % n'est accessible que pour très peu d'organisations. Ces dernières années, un seul syndicat, la Confédération paysanne, a réussi à ébranler le monopole de la FNSEA.
Vouloir refuser que souffle le vent de la démocratie dans les organismes ou commissions agricoles, c'est favoriser, à terme, l'affrontement entre les sensibilités qui existent, et que personne ne peut nier, et la déstabilisation des institutions de la politique agricole.
Dans l'hypothèse, plus que probable, où notre amendement serait repoussé, il est évident que nous voterions contre l'amendement n° 1.
M. le président. La parole est à M. César, pour défendre le sous-amendement n° 156.
M. Gérard César. Il est important que les organisations interprofessionnelles reconnues soient exclues du champ d'application du texte proposé par la commission des affaires économiques, car ces organisations ont essentiellement pour objet de rassembler les différents opérateurs d'une même filière à des fins d'organisation économique. Leur rôle consiste notamment à améliorer les procédés de production et la qualité des produits de la filière ainsi qu'à promouvoir ces produits sur le marché domestique et à l'exportation.
Les organisations interprofessionnelles sont, par conséquent, des organisations verticales dont les principes de représentativité, de parité et d'unanimité dans les décisions sont directement conditionnés par les spécificités de la filière, sur la base d'un accord contractuel entre tous ses acteurs.
Ainsi, dès lors qu'une organisation syndicale nationale est représentative au sein de la filière concernée, elle est membre, directement ou à travers son organisation précitée, de l'interprofession.
Dans ce contexte, la représentation automatique d'organisations syndicales agricoles non représentatives de la filière concernée au sein d'une interprofession aurait un caractère artificiel. Il en résulterait notamment une rupture de la base contractuelle sur laquelle repose la gestion consensuelle d'une filière de produits par ses acteurs.
Cela serait contraire à l'objet économique de la représentativité au sein des interprofessions, tel qu'il a été voulu et constamment réaffirmé, par le législateur, et introduirait une grave confusion dans la bonne gestion des filières.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 552.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Nous avons un vrai débat et un vrai problème à régler.
S'agissant du problème, je considère qu'il peut être réglé par l'adoption de l'amendement n° 552.
Pour ce qui est du débat, il porte sur la question de savoir si l'on franchit ou non une nouvelle étape dans la reconnaissance du pluralisme par rapport à la situation issue du décret qu'avait pris Henri Nallet en 1990.
La volonté du Gouvernement est d'aller dans le sens d'une plus grande reconnaissance du pluralisme syndical et professionnel. Mais la FNSEA explique elle-même que, institutionnellement, elle a reconnu le pluralisme syndical comme une réalité des organisations professionnelles et qu'elle l'intègre dans tous ses discours comme dans sa façon de participer aux instances paritaires.
Si la FNSEA elle-même reconnaît ce fait du pluralisme, honnêtement, je ne vois pas pourquoi nous serions ici plus timorés qu'elle !
Le Gouvernement, c'est clair, veut franchir une étape dans la reconnaissance du pluralisme et approfondir la démocratie au sein de toutes les instances professionnelles ou interprofessionnelles. Le rapporteur et M. César, eux, ne le souhaitent pas. Je crains que, dès lors, il ne puisse pas y avoir d'accord entre nous sur ce point.
Quant au problème que tend à régler l'amendement n° 552, il tient à la rédaction qu'a adoptée l'Assemblée nationale et qui donne à penser que toutes les organisations professionnelles sont représentées dans les structures visées ici, y compris si elles ne le souhaitent pas. Une telle rédaction ne peut que faire naître d'invraisemblables embrouillaminis. C'est pourquoi l'amendement n° 552 indique que ces organisations « ont vocation à être représentées au sein » des structures visées, ce qui leur laisse la liberté de choisir de ne pas y siéger si elles ne le souhaitent pas.
Compte tenu de la réelle divergence entre nos positions, je le précise dès à présent, je ne peux qu'être contre l'amendement n° 1 et, a fortiori , contre le sous-amendement n° 156.
M. le président. La parole est à M. César, pour défendre l'amendement n° 155.
M. Gérard César. Notre amendement vise à indiquer que les organisations syndicales d'exploitants agricoles reconnues comme représentatives par décret en Conseil d'Etat le sont sur la base d'une représentativité nationale constatée lors des élections aux chambres d'agriculture : c'est la définition retenue dans le décret de M. Nallet auquel M. le ministre faisait allusion il y a quelques instants.
Leur vocation est donc de représenter l'ensemble des agriculteurs et de se prononcer sur les sujets d'intérêt général concernant le secteur agricole.
En outre, la cohérence du système des AOC a été assurée jusqu'ici en s'appuyant sur des organismes de défense d'un produit, non des producteurs.
Dans le même esprit, la création d'interprofessions spécifiques aux produits d'origine ou de qualité vise à professionnaliser l'ensemble des filières, jusqu'au consommateur final.
La représentation de tous les syndicats reconnus sur le plan national, si elle est justifiée dans les commissions consultatives siégeant auprès des administrations nationales ou déconcentrées, est par conséquent inappropriée et irréaliste au sein d'instances spécialisées vouées à la gestion d'un produit ou d'un groupe de produits, telles les interprofessions spécifiques créées par la loi pour les produits bénéficiant d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique protégée.
M. le président. La parole est à M. Amoudry, pour défendre l'amendement n° 420.
M. Jean-Paul Amoudry. Les organismes interprofessionnels sont, par définition, constitués d'un collège de producteurs agricoles. L'ouverture obligatoire de leurs organes délibérants à des structures syndicales à vocation générale qui n'ont pas de représentativité réelle dans l'organisme interprofessionnel présenterait un risque de remise en cause du consensus, de conflits et donc de paralysie.
La représentation des producteurs agricoles dans ces filières spécialisées, où l'efficacité est liée à la liberté d'adhésion, l'autonomie et l'autogestion, doit être assurée par les producteurs directement concernés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 450 et 156 ainsi que sur les amendements n°s 552, 155 et 420 ?
M. Michel Souplet, rapporteur. Je tiens à dire tout d'abord que nous sommes partisans de la reconnaissance de la pluralité syndicale.
Il faut cependant faire observer que, dans le monde agricole, les mandants votent dans des proportions importantes. Ainsi, dans tous les départements, lors des élections des chambres d'agriculture, les pourcentages de participation sont très élevés, ce dont on ne peut d'ailleurs que se féliciter. Dès lors, tout en reconnaissant la diversité syndicale, force est d'exiger un minimum de représentativité.
M. Le Cam propose de retenir un seuil de 5 %. Mais supposons que, dans un département, une organisation syndicale obtienne 80 % des suffrages et une autre 5 %. La première aurait dix-huit représentants en vertu du fait majoritaire, et la seconde en aurait un, au nom de la représentation des minorités. Cela nous paraîtrait anormal.
C'est au vu des résultats des élections aux chambres d'agriculture que nous proposons de retenir le seuil de 15 %. Avec 15 % des suffrages, on représente vraiment un électorat et il est légitime qu'on siège dans les instances départementales.
Pour les élections régionales, nous tenons compte des résultats départementaux et, pour les élections nationales, des résultats régionaux. Par conséquent, le pluralisme syndical est respecté, pensons-nous, par le texte de la commission.
Aussi la commission émet-elle un avis défavorable sur le sous-amendement n° 450 et un avis favorable sur le sous-amendement n° 156.
Bien entendu, elle est défavorable à l'amendement n° 552, qui présente un autre dispositif.
Quant à l'amendement n° 155, il sera satisfait par l'adoption du sous-amendement n° 156.
Enfin, la commission préfère son propre texte à celui que présente l'amendement n° 420.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 1, 155 et 420, ainsi que sur les sous-amendements n°s 450 et 156 ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Au fond, monsieur César, vous êtes pour le pluralisme, mais toujours avec un temps de retard puisque vous acceptez aujourd'hui le dispositif du décret Nallet que vous avez combattu en 1990. Vous souhaitez même l'inclure dans la loi, alors qu'il relève d'ailleurs du domaine réglementaire.
M. Michel Charasse. Il suffit d'attendre ! (Sourires.)
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Oui, dans huit ou neuf ans, monsieur César, vous nous direz que nous avons eu raison et vous accepterez ce que nous proposons aujourd'hui !
Nous, nous pensons qu'il faut dès maintenant aller plus loin, qu'il y a un carcan à briser. Le décret Nallet constituait une avancée mais il convient de franchir une nouvelle étape.
Je ne peux donc que demander à nouveau au Sénat d'adopter l'amendement n° 552, qui règle le problème posé par le texte adopté à l'Assemblée nationale, étant entendu qu'il y a entre nous, pour le reste, un débat de fond sur lequel nous ne pouvons pas nous mettre d'accord.
S'agissant de l'amendement n° 420, le Gouvernement y est défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 450, repoussé par la commission.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 156, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 552, 155 et 420 n'ont plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er bis, modifié.

(L'article 1er bis est adopté.)

Articles additionnels avant l'article 1er ter



M. le président.
Par amendement n° 129, M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, avant l'article 1er ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« La nation se fixe comme objectif de porter, d'ici quatre ans, les pensions de retraite versées par le régime agricole à un montant au moins égal au minimum vieillesse, sous réserve d'une carrière complète en agriculture. » Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 326 rectifié, présenté par MM. Vasselle, Althapé, Bernard, Besse, Bizet, Braun, Cazalet, César, Cornu, Courtois, Debavelaere, Doublet, Dufaut, Esneu, Flandre, Fournier, François, Gaillard, Gérard, Gerbaud, Goulet, Gruillot, Hamel, Hugot, Jourdain, Larcher, Lassourd, Lauret, Legrand, Martin, Murat, Ostermann, de Richemont, Rispat, de Rohan, Taugourdeau, Vinçon, Vissac et les membres du groupe du RPR, et tendant à remplacer, dans le texte proposé par l'amendement n° 129, les mots : « quatre ans » par les mots : « deux ans ».
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales, pour défendre l'amendement n° 129.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales se préoccupe, comme vous-même, monsieur le ministre, et comme tous les parlementaires, du niveau des retraites d'un certain nombre d'agriculteurs, qui n'ont peut-être pas cotisé assez tôt, mais qui se trouvent de fait dans des situations extrêmement défavorables sur ce plan.
Tout à l'heure, notre collègue Aymeri de Montesquiou demandait qu'en cinq ans on atteigne le niveau des retraites du régime général. M. Le Cam a, lui, souhaité que l'on atteigne les trois quarts du SMIC.
Notre amendement tend, pour ma part, à porter le montant minimal des pensions de retraite versées par le régime agricole au niveau du minimum vieillesse, et ce en quatre ans.
Vous avez certes objecté tout à l'heure, monsieur le ministre, que cette disposition représentait un coût de 7 milliards de francs. Notre évaluation aboutissait à un chiffre légèrement inférieur. Quoi qu'il en soit, nous pensons que cet objectif peut être atteint en quatre ans.
Vous me direz, monsieur le ministre, qu'il est toujours possible de percevoir un complément, mais celui-ci provient, je crois, du fonds de solidarité vieillesse, et il est bien entendu récupérable sur la succession. Cette dernière opération est difficilement admise dans le monde agricole, et c'est pourquoi, finalement, les personnes intéressées ne demandent pas à bénéficier du complément. Par conséquent, nombre de retraités agricoles se retrouvent avec des pensions de retraite extrêmement faibles. C'est la raison pour laquelle nous avons présenté cet amendement, qui a été adopté par la commission.
Certes, des efforts ont été consentis depuis 1994 pour améliorer la situation, mais que l'on me permette tout de même de formuler une observation.
En 1998 et en 1999, alors que rien n'était spécialement prévu au titre du BAPSA, le budget annexe des prestations sociales agricoles, ce fut la cerise sur le gâteau : au dernier moment, le Gouvernement a accordé un supplément. C'était certes généreux vis-à-vis des retraités agricoles, mais, aux yeux du Parlement, il serait tout de même préférable de faire figurer de telles dispositions dans le BAPSA.
Tout à l'heure, notre collègue Aymeri de Montesquiou réclamait l'instauration d'un système simple. Or, finalement, la lecture de ce texte est très difficile et le dispositif est assez compliqué. Je ne sais, mes chers collègues, si vous avez décompté les renvois à des décrets, mais je l'ai fait, et je suis parvenu à un total de quarante-cinq décrets, dont trente-cinq pris en Conseil d'Etat. Je sais bien qu'un certain nombre de ces décrets ont été introduits par nos collègues députés, mais c'est dire que nous ne sommes pas à la veille de voir ce texte entrer en application, à moins bien sûr que tout ne soit déjà prêt.
Nous proposons donc une mesure simple. Le coût de sa mise en oeuvre est certes élevé, mais il peut être supporté, à mon sens, par le BAPSA.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, pour présenter le sous-amendement n° 326 rectifié.
M. Alain Vasselle. Lors de la discussion générale, je me suis plu à rappeler à l'ensemble de mes collègues, ainsi qu'à M. le ministre, qui ne pouvait pas l'ignorer, la situation dans laquelle se trouvent aujourd'hui la plupart des retraités agricoles. Je redonne les chiffres : actuellement, 300 000 retraités agricoles perçoivent une pension inférieure au minimum vieillesse. Ils représentent un tiers des 900 000 bénéficiaires des prestations du fonds national de solidarité. Par comparaison, la proportion des retraités des autres branches allocataires de ce fonds est beaucoup plus faible.
A l'aube du troisième millénaire, notre pays ne peut tolérer que de nombreux retraités agricoles, qui étaient d'ailleurs, pour la plupart, au temps de leur activité, à la tête de petites exploitations, soient maintenus dans cette situation.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, j'ai estimé, avec plusieurs de mes collègues, qu'il fallait accélérer le processus de revalorisation des retraites agricoles les plus modestes. Si nous ne saisissons pas l'occasion de l'élaboration d'une loi d'orientation agricole pour arrêter des décisions et marquer notre détermination à garantir à nos agriculteurs des retraites qui soient dignes de notre temps, je ne sais pas quand nous le ferons !
Par conséquent, je pense qu'il faut être plus volontaire que ne l'est la commission des affaires sociales, qui prévoit d'atteindre cet objectif en quatre ans.
J'entends bien qu'un problème financier se pose, puisque le coût estimé de cette mesure est de l'ordre de 6 milliards à 7 milliards de francs, mais M. le Premier ministre et Mme Aubry ont su trouver les moyens de financer les emplois-jeunes. J'imagine donc difficilement que l'on ne puisse pas dégager sur deux ans les crédits qui permettront de financer des retraites d'un montant digne, à la hauteur des efforts de ceux qui ont durement travaillé la terre. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Bernard Piras. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait en 1997 ?
M. Paul Raoult. Vous auriez dû le faire plus tôt !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 129 et sur le sous-amendement n° 326 rectifié ?
M. Michel Souplet, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 129 proposé par la commission des affaires sociales, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 326 rectifié, la commission pense que l'idée de M. Vasselle est bonne. Il vaudrait mieux en effet accélérer le processus, mais un problème financier se pose. Nous sommes obligés d'en tenir compte, compte tenu surtout de la réaction qui a été la nôtre lors de l'établissement du budget pour l'année 1999.
Je demande donc à M. Vasselle de retirer son sous-amendement, la commission préférant la rédaction initiale de l'amendement n° 129.
M. le président. Monsieur Vasselle, le sous-amendement n° 326 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Avant de me prononcer, je souhaiterais entendre la réponse de M. le ministre.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 129 et sur le sous-amendement n° 326 rectifié ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet, mais je suis très heureux de constater que M. Vasselle prend en compte la situation des retraités agricoles les plus modestes. Mais, comme le disaient certains membres de cette assemblée, que n'avez-vous agi lorsque vous étiez au pouvoir ! (M. Alain Vasselle proteste.)
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Cela a commencé en 1994 !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Non ! Toutes les retraites étaient concernées, le dispositif n'était pas ciblé sur les plus faibles ! C'est très différent ! (Protestations sur les travées du RPR.)
Quoi qu'il en soit, je considère pour ma part que, sur le fond, il n'existe pas de divergences entre nous : plus tôt on alignera le montant des retraites agricoles les plus modestes sur le minimum vieillesse, mieux cela vaudra. L'article 1er répond d'ailleurs d'une certaine manière à ce souci, puisqu'il précise que la revalorisation est un objectif qui devra être atteint.
Cela étant, je répète que l'alignement sur le minimum vieillesse coûterait 7 milliards de francs, soit 3,5 milliards de francs par an sur deux ans. Par conséquent, j'invoque ici l'article 40 de la Constitution.
En outre, nous avons décidé d'opérer une revalorisation sur cinq ans. Deux étapes ont déjà été franchies, et un rapport relatif aux modalités de réalisation des trois étapes suivantes me sera remis dans le courant du premier semestre.
Attendons donc de connaître les conclusions de ce rapport avant de prendre des décisions en cette matière. Dans l'immédiat, j'invoque l'article 40 de la Constitution contre l'amendement n° 129 et le sous-amendement n° 326 rectifié.
M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable à l'amendement n° 129 et au sous-amendement n° 326 rectifié ?
M. Michel Charasse, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il l'est dans les deux cas, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 de la Constitution étant applicable, l'amendement n° 129 et le sous-amendement n° 326 rectifié ne sont pas recevables.
Par amendement n° 418, MM. Deneux et Machet proposent d'insérer, avant l'article 1er ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement présentera au Parlement dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi un rapport sur les adaptations législatives et réglementaires nécessaires en vue d'harmoniser l'ensemble des prestations servies par la Mutualité sociale agricole et les autres régimes de sécurité sociale. »
La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 418 est retiré.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

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COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 20 janvier 1999, l'informant de l'adoption définitive des propositions d'actes communautaires suivantes :

E-39. - Proposition de décision du Conseil complétant le système de TVA et modifiant la directive 77/388/CEE, régime particulier applicable à l'or. A été adoptée au Conseil ECOFIN du 12 octobre 1998.
E-191. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil sur la protection juridique des dessins et modèles. A été adoptée au Conseil Marché intérieur du 24 septembre 1998.
E-302. - Proposition de décision du Conseil approuvant la conclusion de la convention sur la sûreté nucléaire par l'EURATOM. A été adoptée au Conseil Affaires générales du 6 décembre 1998.
E-502. - Proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à la conclusion de l'accord européen entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part. A été adoptée au Conseil Environnement du 20 décembre 1998.
E-512. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil sur la surveillance complémentaire des entreprises d'assurance faisant partie d'un groupe d'assurance. A été adoptée au Conseil Recherche du 13 octobre 1998.
E-698. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement financier du 21 décembre 1977 applicable au budget général des Communautés européennes (7e train). A été adoptée au Conseil ECOFIN du 23 novembre 1998.
E-704. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la qualité de l'essence et du carburant diesel et modifiant la directive 93/12/CEE du Conseil.
Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative aux mesures à prendre contre la pollution de l'air par les émissions des véhicules à moteur et modifiant les directives 70/156/CEE et 70/220/CEE du Conseil. A été adoptée par procédure écrite achevée le 17 septembre 1998.
E-705. - Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social. La transparence réglementaire dans le marché intérieur pour les services de la société de l'information. Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil portant troisième modification de la directive 83/189/CEE prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques. A été adoptée au Conseil Affaires générales du 29 juin 1998.
E-723. - Proposition de règlement du Conseil relatif à l'octroi de soutiens financiers communautaires à des actions en faveur du transport combiné de marchandises. A été adoptée au Conseil Transport du 1er octobre 1998.
E-759. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion par la Communauté européenne de l'accord intérimaire pour le commerce et les mesures d'accompagnement entre la Communauté européenne, la CECA et l'EURATOM, d'une part, et la République d'Azerbaïdjan, d'autre part. Proposition de décision de la Commission relative à la conclusion au nom de la CECA et d'EURATOM de l'accord intérimaire pour le commerce et les mesures d'accompagnement entre la Communauté européenne, la CECA et l'EURATOM, d'une part, et la République d'Azerbaïdjan, d'autre part. A été adoptée au Conseil Recherche du 13 octobre 1998.
E-847. - Proposition de décision du Parlement europeen et du Conseil relative au cinquième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (1998-2002). Proposition de décision du Conseil relative au cinquième programme-cadre de la Communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM) pour des activités de recherche et d'enseignement (1998-2002). A été adoptée au Conseil Recherche du 22 décembre 1998.
E-891. - Proposition de règlement du Conseil relatif à l'intégration des questions de genre dans la coopération au développement. A été adoptée au Conseil Recherche du 22 décembre 1998.
E-938. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d'accès conditionnel. A été adoptée au Conseil Marché intérieur du 9 novembre 1998.
E-941. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/33/CE pour ce qui concerne la portabilité du numéro et la présélection de l'opérateur. A été adoptée au Conseil Agriculture du 20 juillet 1998.
E-977. - Proposition de décision du Conseil portant attribution d'une aide macrofinancière supplémentaire à l'Ukraine. A été adoptée par procédure écrite achevée le 15 octobre 1998.
E-988. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement du Conseil n° 1734/94 du 11 juillet 1994 relatif à la coopération financière et technique avec les territoires occupés. A été adoptée au Conseil Environnement du 20 décembre 1998.
E-989. - Proposition de règlement du Conseil instaurant un mécanisme d'intervention de la Commission pour l'élimination de certaines entraves aux échanges. A été adoptée au Conseil Marché intérieur du 7 décembre 1998.
E-1000. - Proposition de décision du Conseil visant la promotion de parcours européens de formation en alternance, dont l'apprentissage : EUROPASS. A été adoptée au Conseil Environnement le 20 décembre 1998.
E-1012. - Proposition de règlement (CE) du Conseil définissant les critères et les conditions des interventions communautaires à finalité structurelle dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture ainsi que la transformation et la commercialisation de leurs produits (version codifiée). A été adoptée au Conseil Consommateurs le 3 novembre 1998.
E-1018. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre général des activités communautaires en faveur des consommateurs. A été adoptée au Conseil Environnement le 20 décembre 1998.
E-1028. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 76/116/CEE concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux engrais au sujet de la commercialisation en Autriche, en Finlande et en Suède d'engrais contenant du cadmium (présentée par la commission). A été adoptée au Conseil Agriculture le 15 décembre 1998.
E-1032. - Proposition de décision du Conseil relative au programme Statistiques communautaires 1998-2002 (présentée par la Commission). A été adoptée au Conseil Recherche le 22 décembre 1998.
E-1040. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l'introduction coordonnée des systèmes de télécommunications mobiles et sans fils (UMTS) dans la Communauté. A été adoptée au Conseil Transport le 30 novembre 1998.
E-1044. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté européenne et le Gouvernement de la République de Guinée concernant la pêche au large de la côte guinéenne, pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1999.
Proposition de règlement du Conseil concernant la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté européenne et le Gouvernement de la République de Guinée concernant la pêche au large de la côte guinéenne, pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1999. La proposition de décision a été adoptée au Conseil Affaires générales du 29 juin 1998 et la proposition de règlement a été adoptée au Conseil Agriculture du 20 juillet 1998.
E-1048. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur des viandes ovine et caprine (version codifiée) (présentée par la Commission). A été adoptée au Conseil Consommateurs le 3 novembre 1998.
E-1053. - Proposition de décision du Conseil sur les modalités relatives à la composition du Comité économique et financier. A été adoptée au Conseil Environnement le 20 décembre 1998.
E-1065. - Proposition de règlement (CE, CECA, EURATOM) du Conseil modifiant le règlement financier du 21 décembre 1977 applicable au budget général des Communautés européennes (8e train). A été adoptée au Conseil Pêche le 17 décembre 1998.
E-1068. - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 68/414/CEE faisant obligation aux Etats membres de la CEE de maintenir un niveau minimum de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers. A été adoptée au Conseil Agriculture le 15 décembre 1998.
E-1074. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du Protocole fixant, pour la période allant du 28 février 1998 au 27 février 2001, les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République fédérale islamique des Comores concernant la pêche au large des Comores. Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepatrie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République fédérale islamique des Comores concernant la pêche au large des Comores pour la période du 28 février 1998 au 27 février 2001. La proposition de décision a été adoptée au Conseil Agriculture du 20 juillet 1998 et la proposition de règlement a été adoptée au Conseil Transport du 1er octobre 1998.
E-1076. - Proposition de décision du Conseil concernant un système communautaire de redevances pour le secteur de l'alimentation animale. A été adoptée au Conseil Agriculture le 15 décembre 1998.
E-1089. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et le Gouvernement du Canada relatif aux mesures sanitaires de protection de la santé publique et animale applicables au commerce d'animaux vivants et de produits animaux. A été adoptée au Conseil Agriculture le 15 décembre 1998.
E-1093. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 2847/93 instituant un régime de contrôle applicable à la politique commune de la pêche. A été adoptée au Conseil Pêche le 17 décembre 1998.
E-1097. - Propositions de règlements du Conseil modifiant le règlement n° 259/68 fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes, le régime applicable aux autres agents de ces Communautés ainsi que les autres règlements applicables à ces fonctionnaires et agents des Communautés en ce qui concerne la fixation des rémunérations, pensions et autres droits pécuniaires en euros, modifiant le règlement n° 280/68 fixant les conditions et la procédure d'application de l'impôt établi au profit des Communautés européennes - modifiant le règlement n° 122/66 des Conseils portant sur la fixation de l'indemnité de transport, et - modifiant le règlement n° 300/76 portant sur les indemnités pour service continu ou par tour. A été adoptée au Conseil Santé le 12 novembre 1998.
E-1101. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 97/256/CE afin d'étendre la garantie accordée par la Communauté à la Banque européenne d'investissements pour les prêts en faveur de projets en Bosnie-Herzégovine. A été adoptée au Conseil Agriculture le 15 décembre 1998.
E-1103. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de certains protocoles additionnels aux accords sur la libéralisation des échanges [de juillet 1994] et aux accords européens [de juin 1995] conclus avec la République de Lettonie et la République de Lituanie [= modification et prorogation jusqu'au 31 décembre 2000 des protocoles 1 textiles de ces accords]. A été adoptée au Conseil Affaires générales le 13 juillet 1998.
E-1109. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion du protocole additionnel à l'accord intérimaire concernant le commerce et les mesures d'accompagnement entre la Communauté européenne, la Communauté européenne du charbon et de l'acier et la Communauté européenne de l'énergie atomique, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part, et à l'accord européen entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part. A été adoptée au Conseil Marché intérieur le 24 septembre 1998.
E-1115. - Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la République gabonaise relatif à la pêche au large de la côte gabonaise. A été adoptée au Conseil Marché intérieur le 9 novembre 1998.
E-1116. - Proposition de règlement (CE) du Conseil établissant certaines mesures concernant l'importation de produits agricoles transformés de Suisse pour tenir compte des résultats des négociations de l'Uruguay Round dans le secteur agricole. A été adoptée au Conseil Agriculture le 19 octobre 1998.
E-1120. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant, pour la période allant du 21 mai 1998 au 20 mai 2001, les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté européenne et la République de Madagascar concernant la pêche au large de Madagascar. Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté européenne et la République de Madagascar concernant la pêche au large de Madagascar pour la période du 21 mai 1998 au 20 mai 2001. La proposition de décision a été adoptée au Conseil Pêche du 22 octobre 1998 et la proposition de règlement a été adoptée au Conseil Jeunesse du 26 novembre 1998.
E-1122. - Projet de directive du Conseil complétant le système de taxe sur la valeur ajoutée et modifiant la directive 77/388/CEE. - Régime particulier applicable à l'or d'investissement. A été adoptée au Conseil ECOFIN le 12 octobre 1998.
E-1125. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1734/94 du Conseil du 11 juillet 1994 relatif à la coopération financière et technique avec les Territoires occupés. A été adoptée au Conseil Environnement le 20 décembre 1998.
E-1130. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE, EURATOM, CECA) n° 259/68 fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes, le régime applicable aux autres agents de ces Communautés, ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (coefficients correcteurs des pensions, allocations familiales pour les agents CE affectés dans les pays tiers). A été adoptée au Conseil Télécom le 27 novembre 1998.
E-1136. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion, au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de sa compétence, des résultats des négociations de l'Organisation mondiale du commerce sur les services financiers. A été adoptée au Conseil Agriculture le 15 décembre 1998.
E-1142. - Proposition de règlement (CE) du Conseil prévoyant l'offre d'une indemnisation à certains producteurs de lait ou produits laitiers qui ont subi des restrictions temporaires dans l'exercice de leur activité. A été adoptée au Conseil Pêche le 22 octobre 1998.
E-1143. - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 94/4/CE du Conseil du 14 février 1994 et portant prorogation de la mesure dérogatoire temporaire applicable à l'Allemagne et à l'Autriche. Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 355/94 du Conseil du 14 février 1994 et portant prorogation de la mesure dérogatoire temporaire applicable à l'Allemagne et à l'Autriche. A été adoptée au Conseil Agriculture le 15 décembre 1998.
E-1145. - Recommandation de la Banque centrale européenne pour un règlement (CE) du Conseil concernant l'application de réserves obligatoires par la Banque centrale européenne. Recommandation de la Banque centrale européenne pour un règlement (CE) du Conseil concernant la collecte d'informations statistiques par la Banque centrale européenne. Recommandation de la Banque centrale européenne pour un règlement (CE) du Conseil concernant les pouvoirs de la Banque centrale européenne en matière de sanctions. A été adoptée au Conseil ECOFIN le 23 novembre 1998.
E-1153. - Proposition de décision du Conseil concernant l'application provisoire de l'accord entre la Communauté européenne et la République démocratique populaire LAO relatif au commerce de produits textiles (paraphé le 16 juin 1998). A été adoptée au Conseil Affaires générales le 9 novembre 1998.
E-1155. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la République du Chili relatif aux précurseurs et aux substances chimiques utilisées fréquemment pour la fabrication illicite de drogues ou de substances psychotropes. A été adoptée au Conseil Consommateurs le 3 novembre 1998.
E-1156. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 3066/95 établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant une adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues par les accords européens afin de tenir compte de l'accord sur l'agriculture conclu dans le cadre des négociations commerciales multilatérales du cycle d'Uruguay. A été adoptée au Conseil Affaires générales le 9 novembre 1998.
E-1157. - Proposition de règlement du Conseil portant application d'un schéma pluriannuel de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2001. A été adoptée au Conseil Environnement le 20 décembre 1998.
E-1170. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels. (Inclusion des produits relevant du traité CECA). A été adoptée au Conseil Pêche le 17 décembre 1998.
E-1173. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant adoption des mesures autonomes et transitoires pour les accords européens avec la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie concernant certains produits agricoles transformés (prolongation 1999). A été adoptée au Conseil Environnement le 20 décembre 1998.
E-1174. - Proposition de règlement portant adaptation des mesures autonomes et transitoires pour les accords d'échanges préférentiels conclus avec la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la République tchèque, la Roumanie et la Bulgarie en ce qui concerne certains produits agricoles transformés (prolongation 1999). A été adoptée au Conseil Environnement le 20 décembre 1998.
E-1175. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant reconduction en 1999 des mesures prévues au règlement (CE) n° 1416/95 établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires en 1995 pour certains produits agricoles transformés. A été adoptée au Conseil Recherche le 22 décembre 1998.
E-1176. - Proposition de règlement (CE) du Conseil remplaçant l'annexe du règlement (CE) n° 1255/96 du Conseil portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels et agricoles. A été adoptée au Conseil Pêche le 17 décembre 1998.
E-1177. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant suspension temporaire totale ou partielle des droits autonomes du tarif douanier commun pour certains produits de la pêche (1999). A été adoptée au Conseil Environnement le 20 décembre 1998.
E-1178. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 730/98 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits de la pêche (morues, crevettes, surimi, longes de thon). A été adoptée au Conseil Environnement le 20 décembre 1998.
E-1181. - Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif au régime d'importation pour certains produits textiles originaires de Taiwan (1999-2001). A été adoptée au Conseil Recherche le 22 décembre 1998.
E-1183. - Proposition de décision du Conseil concernant l'application provisoire de l'accord sous forme d'échange de lettres modifiant l'accord entre la Communauté européenne et la République populaire de Chine relatif au commerce de produits textiles et d'habillement. A été adoptée au Conseil Environnement le 20 décembre 1998.
E-1192. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 70/97 relatif au régime applicable aux importations dans la Communauté de produits originaires des républiques de Bosnie-Herzégovine et de Croatie ainsi qu'aux importations de vins originaires de l'ancienne République yougoslave de Macédoine et de la République de Slovénie. A été adoptée par procédure écrite achevée le 30 décembre 1998.
E-1194. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant exemption du droit du tarif douanier commun applicable aux importations dans la Communauté de préparations et conserves de sardines originaires du Maroc. A été adoptée au Conseil Recherche le 22 décembre 1998.
E-1195. - Proposition de décision du Conseil sur les arrangements monétaires relatifs aux collectivités territoriales françaises de Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte. A été adoptée au Conseil ECOFIN le 31 décembre 1998.

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DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières (ensemble une déclaration).
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 161, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 162, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Alain Vasselle, Louis Althapé, Pierre André, Jean Bernard, Gérard Braun, Dominique Braye, Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Gérard César, Charles de Cuttoli, Xavier Darcos, Désiré Debavelaere, Michel Doublet, Xavier Dugoin, Michel Esneu, Hilaire Flandre, Bernard Fournier, Patrice Gélard, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Giraud, Daniel Goulet, Adrien Gouteyron, Emmanuel Hamel, André Jourdain, Patrick Lassourd, Jean-François Le Grand, Philippe Marini, Pierre Martin, Jean-Luc Miraux, Bernard Murat, Mme Nelly Olin, MM. Jacques Oudin, Victor Reux, Louis Souvet et Martial Taugourdeau une proposition de loi relative à la modification de l'article 6 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 portant sur l'élimination des déchets et la récupération des matériaux.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 163, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Guy Cabanel un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes (n° 130, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 156 et distribué.
J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant prorogation des mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et de prévoyance (n° 133, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 157 et distribué.
J'ai reçu de M. Serge Vinçon un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention entre les Etats parties au traité de l'Atlantique-Nord et les autres Etats participant au partenariat pour la paix sur le statut de leurs forces (ensemble un protocole additionnel) (n° 5, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 158 et distribué.
J'ai reçu de M. Hubert Durand-Chastel un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur :
- le projet de loi autorisant la ratification de la convention entre la République française et la confédération suisse portant rectification de la frontière franco-suisse suite au raccordement des autoroutes entre Saint-Julien-en-Genevois (département de la Haute-Savoie) et Bardonnex (canton de Genève) (n° 72, 1998-1999),
- et le projet de loi autorisant la ratification de la convention entre la République française et la Confédération suisse portant rectification de la frontière franco-suisse entre le département du Doubs et le canton de Vaud (n° 73, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 159 et distribué.
J'ai reçu de M. André Boyer un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur :
- le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la charte sociale européenne (révisée) (ensemble une annexe) (n° 140, 1998-1999),
- et le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole additionnel à la charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives (n° 141, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 160 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 21 janvier 1999 :
A neuf heures trente :
1. Suite de la discussion du projet de loi (n° 18, 1998-1999) d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.
Rapport (n° 129, 1998-1999) de M. Michel Souplet, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Avis (n° 132, 1998-1999) de M. Albert Vecten, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
Avis (n° 151, 1998-1999) de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Aucun amendement n'est plus recevable.
A quinze heures et le soir :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes (n° 130, 1998-1999).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 25 janvier 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 25 janvier 1999, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant prorogation des mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et de prévoyance (n° 133, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 26 janvier 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires économiques (n° 502, 1997-1998) sur :
- la proposition de loi de M. Jean-Luc Bécart et plusieurs de ses collègues tendant à frapper de nullité d'ordre public toute clause de mutation immobilière exonérant les exploitants de mines de leur responsabilité en matière de dommages liés à leur activité minière (n° 220, 1996-1997) ;
- la proposition de loi de M. Claude Huriet et plusieurs de ses collègues complétant le code minier (n° 298 rectifié, 1996-1997) ;
- la proposition de loi de Mme Gisèle Printz et des membres du groupe socialiste et apparentés relative à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation (n° 229, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de Mme Gisèle Printz et des membres du groupe socialiste et apparentés relative à la responsabilité des dommages liés à l'exploitation minière (n° 235 rectifié, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de M. Jean-Paul Delevoye et plusieurs de ses collègues relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière (n° 247, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de M. Jean-Paul Delevoye et plusieurs de ses collègues relative à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation (n° 248, 1997-1998).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 27 janvier 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 janvier 1999, à dix-sept heures.
Question orale avec débat n° 8 de M. Paul Masson à M. le Premier ministre sur le redéploiement des forces de sécurité.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 27 janvier 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 155, 1998-1999) sur la proposition de loi de M. Alain Vasselle et plusieurs de ses collègues relative à l'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de démence sénile et, en particulier, de la maladie d'Alzheimer (n° 210, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 janvier 1999, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 21 janvier 1999, à zéro heure vingt.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON