Séance du 17 décembre 1998
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Modification des articles 88-2 et 88-4 de la Constitution.
- Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle (p.
1
).
Discussion générale
(suite)
: MM. Daniel Hoeffel, Aymeri de
Montesquiou.
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
MM. Paul Masson, Paul Loridant, Claude Estier, Yvon Collin.
Clôture de la discussion générale.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Pierre
Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.
Exception d'irrecevabilité (p. 2 )
Motion n° 1 de M. Pasqua. - MM. Charles Pasqua, Robert Badinter.
3.
Désignation d'un sénateur en mission
(p.
3
).
4.
Communication
(p.
4
).
Suspension et reprise de la séance (p. 5 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
5. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 6 ).
CONSÉQUENCES DE LA GRÈVE
DES CONTRÔLEURS DE LA SNCF (p.
7
)
MM. Jean-Paul Amoudry, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.
SÉCURITÉ PUBLIQUE DANS LES BANLIEUES SENSIBLES (p. 8 )
MM. Nicolas About, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
FRAPPES AÉRIENNES CONTRE L'IRAK (p. 9 )
MM. Henri Weber, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
PRÉVISIONS DE CROISSANCE POUR 1999 (p. 10 )
MM. Philippe Marini, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
PÉNURIE DE PRATICIENS HOSPITALIERS (p. 11 )
MM. Bernard Joly, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
INTERVENTION AMÉRICAINE EN IRAK (p. 12 )
MM. Jean-Luc Bécart, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
AMÉNAGEMENT DE LA RN 42 (p. 13 )
MM. Alfred Foy, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.
ACCORDS DE VIENNE
ENTRE LA SUISSE ET L'UNION EUROPÉENNE (p.
14
)
MM. Jean-Louis Lorrain, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.
FONDS STRUCTURELS EUROPÉENS (p. 15 )
M. Philippe Nachbar, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
REDÉPLOIEMENT DES ZEP (p. 16 )
M. Michel Charzat, Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
VIOLENCES URBAINES (p. 17 )
MM. Dominique Leclerc, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Suspension et reprise de la séance (p. 18 )
6.
Missions d'information
(p.
19
).
7.
Modification des articles 88-2 et 88-4 de la Constitution. -
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi constitutionnelle (p.
20
).
Exception d'irrecevabilité (suite) (p. 21 )
Motion n° 1 de M. Pasqua. - M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois ; Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Jean-Claude Bécart. - Rejet par scrutin public.
Question préalable (p. 22 )
Motion n° 2 de Mme Luc. - Mme Marie-Claude Beaudeau.
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; Mme Marie-Claude Beaudeau. - Rejet de la motion.
Articles additionnels avant l'article 1er (p. 23 )
Amendement n° 8 de Mme Luc. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme le garde des
sceaux. - Rejet.
Amendements identiques n°s 4 rectifié de M. Legendre et 9 de M. Renar. - M.
Jacques Legendre, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. le rapporteur, Mme le garde des
sceaux, MM. Michel Pelchat, Claude Estier, Philippe Darniche, Robert Badinter,
Michel Barnier, Jean Arthuis, Josselin de Rohan, Jacques Pelletier, Patrice
Gélard. - Rejet, par scrutin public, des deux amendements.
Article 1er (p. 24 )
M. Robert Bret.
Amendement n° 5 de M. de Rohan. - MM. Patrice Gélard, le rapporteur, Mme le
garde des sceaux, MM. Pierre Lefebvre, Robert Badinter, Jean Chérioux, Michel
Caldagués, Philippe Adnot. - Rejet par scrutin public.
Amendement n° 10 de Mme Luc. - MM. Robert Bret, le rapporteur, le ministre
délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article 2 (p. 25 )
Amendements n°s 6 de M. de Rohan, 12 de M. Barnier et 11 de Mme Luc. - MM.
Michel Barnier, Jean-Luc Bécart, le rapporteur, le ministre délégué, Jean
Arthuis. - Rejet, par scrutin public, de l'amendement n° 6 ; retrait de
l'amendement n° 12 ; rejet de l'amendement n° 11.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 2 (p. 26 )
Amendement n° 7 de M. de Rohan. - M. Paul Masson. - Retrait.
Vote sur l'ensemble (p. 27 )
MM. Christian de La Malène, Charles Pasqua, Claude Estier, Paul Masson, Charles
Ceccaldi-Raynaud, Michel Duffour, Jean Arthuis, Josselin de Rohan.
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
Adoption, par scrutin public à la tribune, du projet de loi
constitutionnelle.
8.
Dépôt de projets de loi
(p.
28
).
9.
Transmission de projets de loi
(p.
29
).
10.
Dépôt d'une proposition d'acte communautaire
(p.
30
).
11.
Dépôt de rapports
(p.
31
).
12.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
32
).
13.
Ordre du jour
(p.
33
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures cinquante.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
MODIFICATION DES ARTICLES 88-2 et 88-4
DE LA CONSTITUTION
Suite de la discussion
d'un projet de loi constitutionnelle
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de discussion du projet de loi
constitutionnelle (n° 92, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale,
modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution. [Rapport n° 102
(1998-1999).]
Dans la suite de discussion générale, la parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes
chers collègues, la modification de la Constitution rendue nécessaire par le
traité d'Amsterdam nous conduit une fois de plus à engager le débat sur
l'opportunité et la nécessité de franchir une nouvelle étape de la construction
européenne.
Dire oui à la révision constitutionnelle, c'est écarter un obstacle sur la
voie de la ratification du traité, un traité - cela a été rappelé hier soir -
qui comporte des lacunes et des imperfections mais qui, malgré tout, est une
expression supplémentaire du processus lent mais continu de la construction
européenne.
Rien dans le traité n'évoque une grande ambition, un souffle nouveau ou
l'esprit visionnaire, mais les quinze partenaires ont réussi à dégager des
propositions modestes fruit de l'unanimité qui constituent somme toute un
progrès.
C'est pourquoi, par raison et par nécessité, nous approuvons le projet de loi
constitutionnelle modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution. Mais,
même si le contenu reste très en deçà de ce que le Sénat appelait de ses voeux
le 14 mars 1996, lors du débat préalable à la tenue de la conférence
intergouvernementale, notre approbation est résolue et ne laisse pas de place à
l'hésitation.
M. Xavier de Villepin.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Et cela pour quatre raisons.
D'abord, parce que l'Union européenne éprouve beaucoup de difficultés à passer
d'un stade où son unité était forgée par une menace extérieure commune à une
situation où il s'agit d'affronter d'autres périls et de maîtriser des
problèmes d'une tout autre nature.
L'inefficacité de l'Union face à la situation en ex-Yougoslavie, l'incapacité
de dégager des mesures concrètes dans la lutte contre le chômage, la difficulté
de passer aux actes pour les réseaux transeuropéens, l'absence sur la scène
mondiale d'une Europe s'exprimant d'une seule voix, l'insuffisance des moyens
de lutte contre tous ceux qui menacent la sécurité en sont autant
d'illustrations.
Et que dire, ce matin, d'une Union européenne qui reste sans voix face à la
nouvelle crise en Irak à propos de laquelle les Etats membres adoptent des
attitudes divergentes ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Très juste
!
M. Daniel Hoeffel.
C'est encore une raison supplémentaire pour souhaiter que l'Europe soit forgée
!
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, sur les travées
socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La deuxième raison de notre engagement tient au fait que l'ampleur des
problèmes à résoudre est telle que les procédures en vigueur dans l'Union
européenne ne sont plus à la mesure des enjeux.
Vouloir avancer par la voie intergouvernementale, c'est être condamné à
trouver un consensus sur la base du plus petit dénominateur commun, et ce qui
est vrai pour l'Europe des Quinze l'est encore plus pour une Europe des Vingt
ou des Vingt-cinq. Le
statu quo
institutionnel conduit nécessairement à
la paralysie.
Le troisième motif découle du choix qu'avait fait, dès 1995, le Président de
la République en faveur d'une Europe plus politique et plus proche des
citoyens. Cela suppose un exécutif politique visible, permanent, responsable et
contrôlé, une redéfinition des prérogatives du Parlement européen actuellement
mal enraciné.
Cela dépend aussi des parlements nationaux, qui doivent renforcer leur
contrôle sur l'action des représentants des pays membres.
La quatrième et dernière raison de notre adhésion au traité d'Amsterdam
découle de la situation géopolitique de l'Europe d'aujourd'hui et de demain.
Vers 2025, l'Europe tout entière, moins la Russie, représentera 4,5 % de la
population mondiale et le tiers seulement de la population de la Chine ou de
l'Inde.
Le rapport démographique actuel entre la Communauté européenne et l'Afrique
est de 1 à 3 et l'écart économique, de 1 à 7. L'Europe se trouve donc à
proximité de la zone à la fois de misère et de croissance démographique la plus
vaste du monde.
Les courants migratoires de la seconde partie du xxe siècle se font presque
exclusivement à partir du Sud vers le Nord, en particulier en Europe. Ce
phénomène, qui résulte de la pression démographique, aura pour conséquence,
d'ici à 2010, soit dans onze ans, de voir déboucher sur le marché du travail du
Sud quelque 600 millions de jeunes, c'est-à-dire plus que la population de
toute l'Europe.
Quel pays européen peut encore prétendre trouver seul les moyens permettant de
relever un défi d'une telle ampleur ? Les pays européens sont condamnés à
trouver les solutions ensemble. Chacun d'eux, s'il reste isolé, sera rapidement
submergé.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que
sur les travées socialistes.)
Même si l'on peut regretter que le traité d'Amsterdam n'apporte que des
solutions limitées et incomplètes, il n'en va pas moins dans la bonne
direction, en prévoyant l'établissement progressif d'un espace de liberté, de
sécurité et de justice, en encourageant la coopération dans les domaines de
l'emploi, de l'exclusion, de l'environnement et de la santé publique, en dotant
la politique étrangère et de sécurité commune d'instruments plus précis, en
introduisant une communautarisation partielle et progressive dans les domaines
de la justice et de la sécurité.
A la réforme institutionnelle cohérente, pourtant nécessaire, les membres de
l'Union européenne ont préféré une politique des petits pas ; mais ces petits
pas sont bien orientés.
Je tiens à rendre hommage à M. le président de Villepin pour son rapport
d'information intitulé :
Faut-il ratifier le traité d'Amsterdam ?
ainsi
qu'à notre rapporteur, M. Pierre Fauchon, pour le travail qu'il a accompli dans
un contexte délicat. Je remercie également le président de la commission des
lois, M. Jacques Larché, de la force et de l'esprit de son message d'hier
soir.
En approuvant leurs conclusions, nous tenons à les assortir de quatre
observations.
Tout d'abord, la révision de la Constitution signifie approbation du transfert
de nouvelles compétences de l'Etat vers l'Union européenne.
Je comprends le cas de conscience - qui, sur un sujet comme celui-là, pourrait
ne pas avoir de cas de conscience ? - que cela représente pour beaucoup d'entre
nous, mais ne faut-il pas plutôt y voir, avec M. le rapporteur, une
interprétation positive adaptée aux circonstances, quand il affirme : « Cet
exercice en commun de compétences ne saurait être confondu avec un abandon de
la souveraineté nationale. Il offre des possibilités d'action plus grandes
qu'une souveraineté solitaire aujourd'hui largement fictive. » ? Nous pouvons
le regretter, mais c'est une situation de fait qui s'impose.
La deuxième observation concerne les problèmes de sécurité et de libre
circulation des personnes sous tous leurs aspects, qui constituent un élément
essentiel du traité d'Amsterdam, qui intègre, en particulier, les acquis de
Schengen, auxquels notre collègue, M. Paul Masson, nous sensibilise depuis
l'origine avec constance, avec compétence et avec talent.
L'ouverture des frontières intérieures de l'Europe a rendu les contrôles
nationaux inopérants. Il est donc inévitable et indispensable que le contrôle
s'exerce efficacement sur les frontières extérieures communes de l'Union.
L'action intergouvernementale ne s'est pas révélée très efficace sur ce plan,
il faut le reconnaître.
La communautarisation s'impose donc à cet égard car il ne paraît pas
souhaitable, en ce qui concerne la lutte contre la drogue, exemple cité hier
soir, que la règle de l'unanimité conduise un seul pays à imposer à tous les
autres une vision laxiste des solutions à apporter.
(« Tout à fait ! » et
applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
Et ce qui est vrai pour la drogue l'est aussi en matière de maîtrise de
l'immigration ou de lutte contre le crime organisé, les criminels étant, hélas
! en avance du point de vue de la communautarisation par rapport à ceux qui les
combattent.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Très juste !
M. Daniel Hoeffel.
Il convient par ailleurs de rappeler à ce propos que le transfert de ces
compétences ne porte pas atteinte - ce point est fondamental - à l'exercice des
responsabilités qui continueront et devront continuer à incomber aux Etats
membres pour le maintien de l'ordre public et pour la sécurité intérieure.
Ma troisième observation a trait au délai de cinq ans à l'issue duquel le vote
à la majorité qualifiée pourrait s'appliquer à certaines compétences.
On peut avoir, à cet égard, une vision pessimiste ou une vision confiante. Je
partage la vision confiante de M. le rapporteur lorsqu'il affirme : « La
majorité qualifiée est une incitation pour les Etats à négocier sérieusement
sur les propositions qui leur sont faites, tandis que l'unanimité est un
facteur d'inertie et de marchandage. »
J'ai confiance en la France, en sa capacité de faire partager ses vues et en
son aptitude à convaincre ses partenaires. Ne soyons ni frileux ni défaitistes
ni résignés ! La France a tant de fois démontré depuis l'origine de la
construction européenne que son rôle était déterminant et qu'elle avait une
capacité d'entraînement qu'on se demande pourquoi, maintenant, nous nous
laisserions submerger par le doute. N'y allons pas à reculons, tâchons plutôt
de faire partager notre vision des choses.
Ma quatrième et dernière remarque concerne le rôle accru qui incombera
désormais aux parlements.
Au Parlement européen, d'abord.
La codécision entre le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen
est étendue aux domaines où intervient une décision à la majorité qualifiée,
sauf les politiques agricoles et commerciales communes, sur lesquelles,
monsieur le ministre, un certain nombre de garanties supplémentaires devraient
nous être données.
C'est incontestablement une sécurité et une garantie, à la condition que notre
pays prête à l'élection européenne l'importance qui convient, et que celle-ci
cesse d'être considérée pour les critères de choix des candidats comme une
élection résiduelle par rapport aux élections nationales.
(« Très bien ! »
et applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
C'est une condition essentielle pour que s'exerce dans de bonnes conditions le
contrôle indispensable du Parlement européen et pour que la France puisse y
faire valoir avec autorité sa position et sa volonté.
(Nouveaux
applaudissements sur les mêmes travées.)
Quant au rôle des parlements nationaux, il se trouve confirmé même si M. le
président de Villepin regrette, à juste titre, que le traité d'Amsterdam se
borne à reconnaître l'acquis plutôt que de prévoir de nouvelles avancées.
(« C'est exact ! » sur les travées de l'Union centriste.)
Nous devons saluer, à cet égard, l'action positive des délégations pour
l'Union européenne qui assurent la veille parlementaire et qui continueront de
plus en plus à donner aux gouvernements le point de vue du Parlement, ce qui ne
peut que leur conférer davantage de poids dans les négociations qu'ils ont à
mener.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, notre groupe votera la révision
constitutionnelle. Cette position se situe dans la continuité des choix
qu'étape après étape nous avons effectués pour que se réalise la construction
européenne.
Pour que nous n'ayons pas à le regretter, la France devra être porteuse d'une
vision forte et non timorée, d'une volonté claire et non hésitante.
Rien ne justifie la crainte d'une quelconque marginalisation. Encore faut-il
que la France soit, dans l'Union européenne, un levain, qu'elle soit offensive
et sans complexe.
Elle en a démontré maintes fois sa capacité dans le passé. Pourquoi ne
contituerait-elle pas à le faire dans l'avenir ? C'est la mission que
l'histoire lui a léguée. Elle saura, à n'en pas douter, s'en montrer digne dans
l'avenir.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, sur les travées
socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes
chers collègues : « L'Europe aspire visiblement à être gouvernée par une
commission américaine ! Toute sa politique s'y dirige ». Ainsi s'exprimait en
1930 le grand penseur politique français Paul Valéry dans
Variétés.
Depuis lors, fort heureusement, nous avons fait du chemin, mais ces deux
phrases nous relient à une actualité consternante et elles nous portent à
réfléchir.
Le sénateur du Gers, et donc d'Armagnac, ne peut manquer de se sentir concerné
par d'autres propos de ce même auteur : « Les misérables Européens ont mieux
aimé jouer aux Armagnacs et aux Bourguignons que de prendre sur toute la terre
le grand rôle que les Romains savaient prendre et tenir dans le monde de leur
temps. »
Pour lui répondre, à lui et à ceux qui, aujourd'hui, hésitent encore sur la
démarche au nom du particularisme régional ou de la souveraineté nationale, je
dirais simplement que l'on peut s'affirmer profondément armagnacais, français
et résolument européen.
L'Europe ne gomme pas les spécificités régionales. Elle n'enterre pas notre
souveraineté. Elle ne nous affaiblit pas. Elle est au contraire un
extraordinaire amplificateur de puissance pour les nations européennes.
La ratification du traité d'Amsterdam sera la poursuite légitime de l'oeuvre
des grands Européens : Monnet, Schumann, de Gaulle, dont la politique de la
chaise vide angoissait les négociateurs des cinq autres partenaires, mais qui a
mis en application le traité de Rome ; Giscard d'Estaing, architecte de l'euro,
qui a su mettre en place la clé de voûte de l'édifice en introduisant la notion
de subsidiarité, laquelle maintient l'esprit des nations et autorise la
vitalité des régions ; Mitterrand, qui, avec solennité et émotion, prend la
main de Kohl à Verdun ; Chirac, qui impulse aujourd'hui notre politique
européenne.
Il nous est demandé d'approuver ou de refuser une nouvelle modification de
notre Constitution, la douzième depuis 1958. Modifier le texte fondamental qui
organise l'équilibre des pouvoirs et pose les fondements de notre société est
un acte grave. Ces modifications ne peuvent donc être apportées sans une
vigilance extrême, car il ne saurait être question de modifier la Constitution
au gré de besoins fluctuants. Le poids des règles de procédure est d'ailleurs
là pour nous rappeler la gravité de cet acte.
Pour la seconde fois dans l'histoire de la Ve République, cet examen est rendu
nécessaire par la signature d'un traité européen. La question de l'introduction
d'une clause générale dans la Constitution vient de plus en plus à l'esprit.
Soyons concrets : le Conseil constitutionnel, en soulignant les trois articles
du traité qui « portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la
souveraineté nationale », nous pousse à approuver ou à refuser le traité sur le
fond. C'est pourquoi mon propos portera sur le traité lui-même, l'étude
juridique de ce projet de loi constitutionnelle, excellement conduite par le
rapporteur, ne nécessitant guère de complément.
En votant oui au traité de Maastricht, les Français ont accepté le principe de
la mise en place de l'euro, et c'est au moment même de sa mise en oeuvre
effective que nous sommes appelés à nous prononcer sur l'étape suivante.
L'Europe avance et continuera à avancer par notre volonté.
Cependant, ayant pris notre décision, nous balançons longuement.
Enfin, ceux qui balancent sont, d'une part, ceux qui ont voté non à Maastricht
et, d'autre part, certains « pluriels » de la majorité gouvernementale.
Lors de sa signature, le Gouvernement semblait ne pas savoir qu'Amsterdam
était annoncé par Maastricht et s'est comporté comme s'il n'avait pas eu le
courage de dire non et se laissait emporter par le toboggan qui l'a conduit à
Amsterdam.
Le Premier ministre aurait pu se contenter de critiquer certains points au
lieu de prétendre que le manque de temps rendait la signature inéluctable.
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est mal à l'aise dans ce débat et,
ne pouvant compter sur sa majorité plurielle, il en appelle à l'opposition !
Mais il est bon qu'il existe sur l'Europe des accords transversaux.
Pour essayer de faire accepter le traité à ses alliés, le Premier ministre a
introduit un volet social, qui n'est que de pure forme puisqu'il ne traduit
aucun engagement concret. Cette stratégie ne sert pas la cause européenne :
elle contribue à en brouiller le paysage.
Bien sûr, l'Europe sociale est un corollaire indispensable à l'Europe
économique et financière. Mais, bien que le Gouvernement affirme que, treize
gouvernements sur quinze étant socialistes, il devrait s'ensuivre une forte
convergence, M. Blair a démontré au sommet de Vienne que ce serait
difficile.
Ce traité contient une lacune majeure sur le plan institutionnel, mais,
monsieur le ministre, vous l'avez dit hier, il fait accomplir à la construction
européenne des progrès réels en matière d'asile, d'immigration, de sécurité et
de justice. Il sera surtout perceptible par nos concitoyens, car il ouvre la
voie à la création d'un véritable espace de circulation.
L'euro dans sa poche, le citoyen aura enfin une règle de conduite à
l'intérieur de ses frontières. D'aucuns diront que ces questions n'ont pas à
être communautarisées. Il s'agit de confiance, mes chers collègues. Ainsi, nous
accepterions de créer un marché commun, puis d'instaurer une monnaie unique, de
faire voter et élire dans nos communes les ressortissants communautaires, mais
cette confiance disparaîtrait dès que l'on considère la circulation intérieure
et la politique à définir en matière de visa ?
Maîtrise de l'immigration, lutte contre la criminalité et le trafic de drogue,
politique étrangère et de sécurité commune... sur tous ces sujets, une action
étroitement concertée entre les Etats membres est non seulement utile, mais
indispensable.
Il est vain de croire que l'on peut faire face à des situations comme l'afflux
de réfugiés d'Albanie en Italie ou venant d'ex-Yougoslavie en Allemagne en
jouant chacun pour soi. Il est également honteux d'avoir vu l'Europe aussi
pusillanime devant le drame de la Bosnie.
L'action doit être collective et la règle de l'unanimité s'y oppose. Le traité
prévoit le passage à la majorité qualifiée dans cinq ans, et je ne vois pas là
un inconvénient, un risque, voire un danger pour la France, comme certains
l'analysent, puisque rien ne nous y contraindra.
Accepter aujourd'hui Amsterdam amendé, en nous donnant la possibilité de
revenir en arrière dans cinq ans, c'est tout simplement déresponsabiliser notre
engagement. C'est surtout le meilleur moyen de ne pas gagner l'adhésion des
citoyens.
(M. Jacques Machet applaudit.)
Dernier point : le contrôle par le Parlement des actes de l'Union européenne.
Il est légitime que l'Assemblée nationale et le Sénat soient désireux
d'améliorer l'information dont ils disposent et le contrôle qu'ils exercent.
Regardons l'Europe avec les yeux de la jeunesse. C'est certainement un des
rares desseins qui peut générer son enthousiasme. Ne la décevons pas.
Franchissons l'étape du 18 janvier au Congrès avec panache, c'est-à-dire sans
restriction. Ratifions le traité avec conviction, comme neuf autres Etats l'ont
déjà fait.
Préparons-nous ensuite à la prochaine étape qui, je l'espère, permettra enfin
une réforme institutionnelle profonde pour nous conduire, à moyen terme, vers
une Europe à caractère fédératif, selon la définition de
l'Esprit des
lois.
Mes chers collègues, le groupe auquel j'appartiens, le Rassemblement
démocratique et social européen, est fier de son nom. Il a eu et contient
encore en son sein des hommes de forte conviction européenne : Maurice Faure,
qui a joué un rôle essentiel dans les négociations du marché commun et la
signature du traité de Rome ; M. Jean François-Poncet, président du Mouvement
européen ; M. Guy-Pierre Cabanel, rapporteur du traité sur l'Acte unique,
etc.
Ce traité recèle une connotation humaniste. Il replace l'homme au centre du
débat en montrant que l'Europe, ce n'est pas seulement des règlements irritants
et des querelles budgétaires. La totalité des membres du groupe du RDSE votera
en l'état le projet de loi constitutionnelle modifiant les articles 88-2 et
88-4 de la Constitution.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et sur certaines
travées du RDSE.)
(M. Guy Allouche remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Masson.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
M. Paul Masson.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes
chers collègues, ce débat n'est pas médiocre.
Quelques-uns, ici, M. Larché, M. Badinter, M. Barnier, M. Hoeffel, ont donné à
ce texte infiniment technique, voire rébarbatif, le souffle nécessaire pour
éclairer les enjeux, pour les mettre en perspective et prendre nos résolutions
en pleine connaissance des risques et des ambitions.
Mon propos sera plus modeste, plus technique aussi sans doute, et s'efforcera
d'amener notre assemblée à mieux percevoir la difficulté de l'oeuvre, ses
risques au quotidien et les conséquences pour la France d'une erreur possible
dans ses choix, parce que, les uns et les autres, nous ne saurions oublier la
France.
Dans le débat européen, il y a toujours le risque de considérer que certains -
bien sûr, les meilleurs - sont les visionnaires de l'avenir et que les autres,
les « pousse-cailloux » de la vie quotidienne, sont toujours tirés vers le
bas.
Ce serait une grossière erreur de diviser ainsi la France en deux. Non, mes
chers collègues, pas ici, et pas nous ! Il y a chez les uns et les autres
l'intelligence des situations européennes et la perception des enjeux pour
l'Europe.
Nous pensons que cette Europe peut être profondément imprégnée du génie
français, de la culture française, de l'énergie française, de l'universalisme
de la pensée française.
Nous pensons cela, mais à condition que l'Europe soit entre les mains de ceux
qui décident aussi pour la France et qu'elle ne soit pas systématiquement sans
visage, incolore, insipide, organisée autour de 1 000 commissions, enfermée
dans les débats de 20 000 fonctionnaires, débats dont personne, ni l'Etat ni
les gouvernements, ne perçoit la finalité tant l'action hâchée, éclatée ne
laisse rien apparaître, sauf les mesquines discussions techniques autour de
chiffres et de calculs !
L'Europe, nous la voulons. Mais nous pensons qu'il est temps de faire chez
nous la paix des ménages, afin que nous ne soyons pas enfermés dans cette
guéguerre franco-française qui, une fois pour toutes et encore voilà peu, je le
regrette, a classé les bons d'un côté et les méchants de l'autre !
Lorsque le Conseil constitutionnel considère que la matière dont nous
débattons porte atteinte « aux conditions essentielles d'exercice de la
souveraineté nationale », on se demande s'il ne grossit pas le trait dans son
analyse.
Il faut le dire : cette réforme, comme toutes les réformes de cette nature, ne
passionne pas l'opinion. Ici même, ce débat apparaît souvent comme un ensemble
de mesures de procédures qui ne concernent que les seuls spécialistes.
Appeler le peuple à se prononcer par référendum sur un tel sujet semble au
moins inadapté, sinon emphatique. Pour certains, la révision de la Constitution
apparaît comme une formalité. Et pourtant, il s'agit des conditions dans
lesquelles pourront circuler librement les étrangers sur le territoire des
quinze Etats membres et des conditions dans lesquelles ils seront contrôlables,
et, éventuellement, refoulés.
Il n'échappe à personne qu'il s'agit là d'une matière éminemment controversée,
particulièrement sensible, dans laquelle les polémiques, depuis longtemps, ont
divisé les camps, peut-être d'ailleurs en France plus que chez les autres.
L'objet de cette réforme constitutionnelle est bien de savoir qui va, dans les
dix prochaines années, déterminer les conditions d'entrée et de séjour, les
normes et modalités auxquelles doivent se conformer les Etats pour effectuer
les contrôles aux frontières extérieures, les mesures tendant à assurer un
équilibre entre les efforts consentis par ces mêmes Etats pour accueillir les
réfugiés temporaires, les conditions dans lesquelles le fardeau, nouveau mot
apparu au firmament de Bruxelles - excusez-moi du terme, le fardeau, ce sont
les étrangers - les conditions dans lesquelles donc le fardeau sera réparti
entre les Etats, la politique des regroupements familiaux, la lutte contre
l'immigration clandestine, la répression des clandestins, bref, tout ce que
contient la célèbre ordonnance de 1945 en France, modifiée pour la
vingt-sixième fois voilà moins d'un an.
A la lecture de ce projet de réforme, on ne peut s'empêcher de se demander
pourquoi le Gouvernement n'a pas fait, en décembre 1997, l'économie d'un débat,
dont chacun a vécu l'âpreté et dont il supporte aujourd'hui les conséquences
difficiles, avec notamment le problème dit des sans-papiers et des clandestins
officiels.
Pourquoi donc, puisque nous sommes tous d'accord sur la nécessaire mise en
conformité de nos règlements et de nos dispositions concernant les étrangers,
avoir, voilà moins d'un an, sur l'initiative du même gouvernement et sous la
responsabilité du même Premier ministre, élargi les bases sur lesquelles, en
France, nous régissions nos rapports avec les étrangers et écarté un peu plus
les dispositions de l'ordonnance de 1945, dispositions similaires à celles qui
régissent ces mêmes rapports, au Benelux, en Allemagne ou en Grande-Bretagne
?
Il faudra, demain, rapprocher les différentes législations, et ce ne sera pas
facile !
Pourquoi donc avoir encore élargi, voilà moins d'un an, la brèche ?
Permettez-moi, mes chers collègues, de constater qu'il n'y a pas là une logique
fondamentale ou qu'en tout cas les ministres « européens » qui étaient en place
à l'époque n'avaient pas voix au chapitre s'agissant de supprimer les lois
Pasqua-Debré.
Depuis longtemps, nous sommes plusieurs à être convaincus de la nécessité de
mettre en commun les moyens nécessaires pour organiser une politique
d'immigration à l'échelle de l'Europe. Nous savons que cette procédure est,
pour la France comme pour nos partenaires, une exigence incontournable.
N'importe quelle analyse objective de la situation aux frontières et des
mutations démographiques, existantes ou attendues, aboutit à cette
conclusion.
Comme l'écrit M. le rapporteur, l'ouverture des frontières intérieures,
corollaire de la réalisation du marché unique, implique une action commune pour
la gestion des frontières extérieures comme pour la politique d'immigration.
Sans aucun doute, la souveraineté partagée offre à ceux qui l'acceptent des
possibilités d'action plus grandes qu'une souveraineté solitaire aujourd'hui
dépassée.
(Très bien ! sur les travées de l'Union centriste.)
Mais l'action commune peut s'exercer selon deux voies. Ce point n'est pas
évoqué dans notre débat, et je le regrette.
Je regrette qu'à aucun moment vous n'ayez expliqué devant le Parlement
pourquoi la coopération inter-Etats est délaissée, pourquoi l'action
communautaire est privilégiée.
Notre débat n'évoque en effet que la seule voie qui a été choisie,
semble-t-il, celle de la Commission.
Or, en cette matière explosive, la Commission n'a comme référence et comme
expérience que la mise en place d'une politique commune de visas, qui est en
définitive la politique la plus simple, celle qui ne requiert aucune
intervention spécifique, politique mesurée et, je dirai, plus délicate.
Pour simplifier, je dirais que le Gouvernement pouvait opter pour la voie des
treize ou celle des quinze.
La voie des treize, madame la ministre, vous la connaissez bien puisque vous
l'avez brillamment défendue à l'époque ; c'était en 1990.
Il s'agissait de la ratification de la convention portant application du
traité de Schengen.
Depuis six ans, six Etats d'abord, puis d'autres - nous sommes treize
maintenant - ont fortement avancé dans la maîtrise des problèmes de la
circulation des étrangers sur l'espace Schengen.
Je ne peux pas laisser dire ici, ou murmurer dans les couloirs, que Schengen
est un échec et que rien n'en est sorti.
Certes, les choses furent difficiles. Les administrations n'étaient pas
forcément rodées à ces problèmes - c'est probablement ce qui arrivera demain à
la Commission - les Etats n'étaient pas préparés, les polices étaient
réticentes, les frontières étaient mal contrôlées. Mais tout s'est mis en
place.
Aujourd'hui, grâce à Schengen, treize Etats disposent d'une série de textes
importants, réglant dans la pratique - dans la pratique mes chers collègues,
enfin le mot « pratique » apparaît ! - bien des procédures de contrôle, de
refoulement et d'asile.
En vérité, la seule matière existant actuellement dans le domaine de la
sécurité intérieure européenne, il faut bien se le mettre en tête, c'est ce que
l'on appelle « l'acquis Schengen ».
Personne ne peut contester que, grâce à Schengen, les administrations
nationales de la sécurité ont renforcé leur coopération judiciaire, policière
et douanière.
Le droit de suite s'applique. Le contrôle aux frontières extérieures de
l'espace se renforce progressivement. Il y a des missions françaises, des
missions allemandes qui vont les unes sur l'Oder, les autres dans la botte
italienne.
La définition d'une coopération policière bilatérale de part et d'autre des
frontières linéaires se développe, progrès éminent. Voyez la convention
franco-allemande ; voyez la convention franco-espagnole ; voyez la convention
franco-italienne.
Le vrai contrôle s'effectue non pas sur la frontière linéaire, mais sur une
bande de quarante kilomètres de part et d'autre de la fontière dans laquelle on
visite les véhicules, on interpelle, on vérifie l'identité. Voilà la vraie
sécurité : créer une zone d'insécurité pour les trafics entre les pays du même
espace.
Ainsi, la lutte contre le trafic des stupéfiants s'organise, même si les
choses sont difficile avec les Pays-Bas.
Enfin a été créé - il fonctionne aujourd'hui convenablement - un système
informatique centralisé des signalements des personnes recherchées qui compte
plus de 8 millions de données. L'extension de ce dispositif est prévue pour
qu'il intègre, dans les deux ans, 15 millions de données.
Tous les douaniers français, tous les gendarmes français, tous les policiers
français connaissent Schengen aujourd'hui. Ils le pratiquent tous les jours :
c'est l'interrogation du système d'information Schengen, le SIS ; ce sont les
contrôles d'identité inopinés dans la bande territoriale de 40 kilomètres de
chaque côté des frontières ; ce sont les missions conjointes ; bref il est
entré dans la vie !
On est sorti des directives, on est sorti des théories, on est engagé sur le
terrain. Et voilà qu'intervient le problème des étrangers réguliers et
irréguliers. Or, en cette matière, l'irrégularité, j'ose le dire, est presque
la règle, et c'est bien là le problème !
Voilà la voie des Treize.
L'autre voie, c'est la voie de la Commission ; c'est la voie des Quinze.
Le titre IV du traité est clair : toutes les matières qui concernent la libre
circulation des personnes et les domaines qui y sont liés tombent, dès la
ratification du traité, et non pas dans cinq ans, dans le domaine de la
Commission.
Juridiquement, la compétence communautaire sera totale dès lors que le traité
sera ratifié par tous les Etats signataires. Seules les modalités seront
progressivement mises en oeuvre, à l'unanimité d'abord, puis, s'il y a lieu, à
la majorité dans cinq ans.
Alors, que deviennent les acquis de Schengen ? Personne n'en parle ou peu, ou
timidement. Ils sont pourtant substantiels, madame le garde des sceaux.
Sont-ils purement et simplement transférés à la Commission ? Ce n'est pas ce
que dit le traité ! Le traité, dans un protocole annexe, précise que Schengen
sera intégré dans l'Union européenne selon une procédure bien définie. Ces
fameux acquis seront, comme on dit, ventilés entre le premier et le troisième
piliers, c'est-à-dire entre la partie communautaire et la partie
intergouvernementale du traité de l'Union, et ce en fonction de bases
juridiques sur lesquelles reposent toutes les mesures du traité.
Quelles sont ces bases juridiques ? Quel est le partage qui a été effectué ?
Nous sommes au terme de la procédure ; or, monsieur le ministre, nous ne
connaissons rien des tractations en cours. N'est-il pas désagréable de
constater, à cette occasion précise - un rendez-vous doit avoir lieu dans
quelques semaines - que le Parlement est très rigoureusement tenu à l'écart
?
Voilà un bel exemple de dysfonctionnement ! Pour obtenir quelques
informations, la délégation du Sénat pour l'Union européenne a dû se livrer à
une recherche difficile. Il fallut interroger nos collègues étrangers.
Reconnaissez qu'il est un peu désagréable à un parlementaire français d'avouer
qu'il n'est pas, lui, informé de ce que les autres savent tout naturellement et
quotidiennement.
Nous savons simplement, monsieur le ministre - peut-être nous le
confirmerez-vous - qu'un groupe de négociateurs, composés de fonctionnaires,
travaillent auprès du Conseil.
Les négociations, engagées en octobre, semblent proches de leur terme. La
dernière étape butte, semble-t-il, sur deux questions essentielles : la clause
de sauvegarde des accords de Schengen - pas celle du traité, le fameux article
2-2 - et l'avenir du système informatique intergouvernemental.
Dois-je rappeler, madame le garde des sceaux, que la clause de sauvegarde fut
un élément déterminant de la ratification de la convention de Schengen en 1990
? Vous l'avez dit vous-même, madame, alors que vous étiez ministre des affaires
européennes, devant la commission de contrôle du Sénat, le 26 septembre 1991.
J'ai encore vos propos dans l'oreille. Vous déclariez que « cette clause
permettrait en tout état de cause de rétablir les contrôles aux frontières
nationales si l'application de la convention révélait des lacunes graves ».
La France, vous le savez, appliqua cette clause de sauvegarde dès 1995.
D'autres pays l'utilisèrent également. L'Allemagne, elle-même, a menacé de
recourir à ce dispositif si la solidarité de l'Union européenne ne permettait
pas de mettre fin à l'afflux des Kurdes et des Kosovars.
Qui, monsieur le ministre, contrôlera demain l'usage de cette clause de
Schengen ? Si, d'aventure, il devait être décidé que celle-ci relève à l'avenir
du pilier communautaire, les conditions de l'application de cette clause - par
ailleurs indispensable - qui sont aujourd'hui définies par une décision du
comité exécutif de 1996, ne seraient alors réglementées que sur la seule
proposition de la Commission, sous le contrôle de la Cour de justice et avec
l'avis du Parlement. C'est tout à fait différent, j'espère qu'on le comprend
bien.
En réponse à une question écrite que je lui avais posée, M. Chevènement
m'assurait que le rattachement de l'acquis de Schengen à la partie
intergouvernementale du traité constituait « un enjeu essentiel en termes de
souveraineté nationale » et que, pour sa part, il « refuserait toute dérive
éventuelle qui ne serait conforme ni au traité d'Amsterdam ni à la souveraineté
nationale ». Est-ce toujours le sentiment du Gouvernement ?
Faut-il le rappeler, de l'avis de tous les juristes européens, le traité
prévoit l'unanimité pour décider de la répartition de l'acquis de Schengen. Or,
nous sommes bien dans l'acquis de Schengen.
C'est-à-dire qu'il suffira de l'opposition d'une seule délégation pour que
cette ventilation n'ait pas lieu, pour cause de désaccord. Mais alors, si cette
ventilation n'a pas lieu, mes chers collègues, c'est tout l'acquis de Schengen
- je dis bien « tout », pas deux clauses mais les cent quarante-deux articles -
qui serait
ipso facto
transféré immédiatement au troisième pilier, et
resterait donc sous le contrôle des gouvernements.
Ainsi, le gouvernement français dispose dans les semaines qui viennent d'une
arme considérable pour la négociation. Il s'agit non pas d'aller aux extrêmes,
mais de rappeler à nos partenaires que, si nous le voulons, nous laissons dans
le troisième pilier, donc entre les mains des Etats, tout l'acquis de Schengen,
dont j'ai dit tout à l'heure qu'il fera, demain, la matière de la Commission.
De sorte que, si la Commission n'a pas l'acquis de Schengen, elle n'aura rien,
et il ne lui restera plus qu'à reconstituer péniblement, année par année, tout
ce que les Etats ont élaboré pendant six ou sept ans de lents travaux.
Le Gouvernement dispose donc d'une arme considérable, qui constitue également
une responsabilité lourde pour l'avenir.
En transférant l'essentiel de l'acquis de Schengen dans le droit
communautaire, vous comprenez bien que le Gouvernement prend, en effet, une
option fondamentale sur l'orientation des négociations à venir, notamment dans
cinq ans, puisqu'il peut choisir soit de livrer à la Commission les moyens
substantiels d'une action dont elle ne dispose absolument pas aujourd'hui,
selon la logique même du traité, soit, au contraire, de garder à la disposition
des Etats certains éléments essentiels du dispositif en place. Je pense,
monsieur le ministre, au Système d'information Schengen et à la clause de
sauvegarde.
L'acte de répartition de l'acquis de Schengen sera soumis à la décision du
Conseil dès l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam. Avant que les
négociations n'arrivent à leur terme et avant que le projet d'acte ne soit
défini, je crois qu'il serait bon que le Gouvernement engage avec le Parlement
un dialogue afin que les assemblées puissent exprimer leur sentiment. Je dis
bien « avant » la ratification, et non pas après.
Informer le Parlement, ce serait venir nous dire : « voilà comment s'est
passée la négociation sur la ventilation de l'acquis ; voilà ce que nous avons
accepté avec nos partenaires de transmettre à la Commission ; voilà ce que nous
avons obtenu avec l'appui de l'Espagne, de l'Allemagne et de quelques autres ;
voilà ce que nous avons obtenu de garder sous le contrôle des Etats,
c'est-à-dire en excluant l'avis du Parlement européen et, demain, la codécision
et en excluant aussi l'interprétation juridique que pourrait donner la Cour de
justice des Communautés de telle utilisation d'un système d'information. »
Si vous livrez ces éléments d'information au Parlement, si vous lui demandez
son appréciation par la voie d'une résolution, nous serons alors satisfaits,
car, enfin, nous aurons engagé un processus nouveau - oui, nouveau - qui
tranchera par rapport à des pratiques dans lesquelles nous sommes trop souvent
enfermés.
Nous savons les uns et les autres ce qui va se passer dans cinq ans. La
Commission aura alors, seule, le monopole de la proposition concernant
l'immigration et la circulation des personnes, et ce que l'on vote à
l'unanimité ou à la majorité qualifiée. Dans cinq ans, aucun Etat de l'Union ne
pourra faire de proposition sur ces problèmes au quotidien et tous ne pourront
plus, alors, que s'opposer ou suggérer.
Nous savons encore que la Cour de justice des Communautés aura à interpréter
les directives à venir, la transposition en droit interne, et même la notion de
« sécurité intérieure » - encore que le traité lui interdise de porter un
jugement sur le maintien de l'ordre public ; elle aura tout loisir
d'interpréter la notion de « maintien de l'ordre » et d'apprécier si le
Gouvernement qui l'invoque n'a pas abusé d'une notion dont chacun sait qu'elle
est vaste et difficile à cerner. A cet égard, je crains fort que la Cour de
justice des Communautés n'ait, à un moment ou à un autre, à mettre son nez dans
ce qui ne la regarde pas !
Nous savons enfin que, dans cinq ans, nous passons sous le règne de la
codécision du Parlement européen. Madame le garde des sceaux, la codécision,
chacun sait qu'en français plus familier, cela s'appelle l'avis conforme, cet
avis conforme que nous avons évoqué, il y a peu, avec la réforme du Conseil
supérieur de la magistrature.
Donc, avis conforme du Parlement : je ne sais pas trop si chacun mesure bien,
ce matin, ce que signifie ce pouvoir. Un projet de directive renforçant la
frontière extérieure commune ou encore les quotas d'immigrés à répartir - car
il y aura des quotas - ou encore le refoulement des clandestins en dehors des
frontières extérieures communes sera soumis à la codécision du Parlement
européen.
Paradoxalement, le Parlement français n'aura pas à débattre de ces procédures.
Seuls nos collègues européens auront tout loisir de décider à la majorité la
mise en application des propositions des fonctionnaires de Bruxelles.
Franchement, mes chers collègues, rien ne vous choque dans tout cela ? Il est
curieux de voir que, malgré ce constat, assez désagréable pour le Parlement
français, certains hésitent encore à considérer qu'il est fondé de nous mettre
en situation d'habiliter le Gouvernement à passer à la majorité qualifiée.
Quelles objections formule-t-on ? Une telle approbation n'était pas prévue dans
le traité et une clause prévoyant cette loi d'habilitation reviendrait à
amender le traité. Je le dis avec modération, madame le garde des sceaux, ces
arguments me paraissent d'une faiblesse extrême.
Je ne peux m'empêcher d'observer que les objections fortement soulignées à
l'usage de notre Parlement n'ont pas beaucoup impressionné certains de nos
partenaires. On a cité hier des pays qui ne s'embarrassent pas de ces pudeurs
et qui ont adopté des dispositions fortes leur permettant de donner leur
décision face au Gouvernement.
Trois Etats ont récemment entrepris, à l'occasion de la ratification du traité
d'Amsterdam, d'introduire des modifications dans leur droit interne qui les ont
conduits à accroître le rôle européen de leur parlement national.
D'abord l'Autriche, qui a modifié il y a quelques mois sa Constitution, afin
d'élargir les possibilités offertes à son parlement d'intervenir en matière de
coopération policière et judiciaire et dans le domaine de la sécurité commune.
Voilà : pour que le Parlement autrichien puisse dire son mot sur les problèmes
de sécurité commune et de coopération policière - ce n'est pas n'importe quoi,
c'est très ciblé - l'Autriche a modifié sa Constitution !
Les Pays-Bas ont également profité du traité d'Amsterdam pour accroître les
compétences de leur Parlement ; ils sont tout à fait à la pointe en la matière.
Depuis le traité de Maastricht, en effet, le Parlement néerlandais disposait
d'un pouvoir normatif obligatoire pour les décisions du Conseil de l'Union
prises dans le cadre du troisième pilier, et l'on ne peut pourtant pas ranger
les Néerlandais au nombre des anti-Européens viscéraux. Ils ne revendiquent
manifestement pas excessivement le culte de la patrie néerlandaise, mais
n'hésitent pas à dire que le Parlement - le leur - a pouvoir normatif
obligatoire dans le cadre du troisième pilier.
A l'occasion de la ratification du traité d'Amsterdam, ils en ont rajouté,
puisque le Parlement néerlandais a décidé d'étendre son droit de codécision à
toutes les matières qui, en vertu du traité, passeront du troisième pilier au
premier pilier, c'est-à-dire dans la matière communautaire.
Enfin, il faut citer le Royaume-Uni, dont le gouvernement vient de donner son
accord à la Chambre des communes, le mois dernier, sur l'extension du contrôle
du Parlement britannique en matière européenne.
Personne, à ma connaissance, n'a contesté aux Néerlandais, aux Autrichiens ou
aux Britanniques le droit d'ajuster leurs procédures internes à l'évolution de
la prise de décision en Europe. Personne n'a dit que ces mesures étaient
contraires au traité. Serions-nous les seuls à rester enfermés dans une logique
constitutionnelle qui, dans son dispositif de 1958 - on l'a dit avant moi - ne
pouvait pas même imaginer qu'une délégation de souveraineté pourrait un jour
s'inscrire, chez nous, dans une démarche politiquement justifiée et
juridiquement cohérente ?
Les propositions que nous formulons par trois amendements pour accroître les
pouvoirs du Parlement français ne sont ni contingentes ni conjoncturelles.
Elles s'insèrent dans un mouvement d'ensemble et s'intègrent dans une démarche
commune à l'ensemble des parlements nationaux - ce n'est pas nous qui faisons
les mauvaises têtes : nous cherchons à rejoindre le peloton -, démarche qui
vise à moderniser l'approche des questions européennes par les parlements.
Mme Guigou nous expose, par ailleurs, que voter cette loi d'habilitation
rendrait inutile la réforme constitutionnelle que nous examinons. Je ne
comprends pas, madame, ce raisonnement. Aujourd'hui, on décide de réviser la
Constitution pour accorder une délégation supplémentaire de souveraineté afin
d'appliquer le traité d'Amsterdam. C'est clair : on donne aujourd'hui
l'autorisation au Gouvernement d'aller dans cette voie, jusqu'alors
anticonstitutionnelle, mais qui sera constitutionnelle lorsque nous aurons
approuvé cette réforme.
Dans cinq ans, nous déciderons de donner au Parlement la liberté et le devoir
d'apprécier la situation. Quel sera l'environnement, à cette époque ? Il ne
s'agira pas de réformer de nouveau la Constitution. Aujourd'hui, on réforme et
on dit : dans cinq ans, le Gouvernement devra soumettre au Parlement son
appréciation de l'environnement et recueillir son avis. Or la loi
d'habilitation n'a rien à voir avec la réforme constitutionnelle : les deux
choses sont totalement déconnectées. Il n'y a pas redondance. Il y a même tout
simplement, dois-je le rappeler, conformité absolue avec ce qu'impose la
Constitution actuelle.
Le Parlement contrôle l'activité du Gouvernement. Si vraiment, dans une
affaire aussi importante que celle-là, il ne pouvait mener à bien cette mission
de contrôle, nous serions alors en totale contravention avec l'actuelle
Constitution.
Il est tout de même important de savoir quelles seront, dans cinq ans, les
pressions à nos frontières ? Quelles conventions aurons-nous conclues avec les
Etats d'Afrique, d'Europe ou d'Asie ? Comment s'organisera alors notre
coopération avec ces Etats pour réguler l'immigration ?
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Masson.
M. Paul Masson.
Je conclus, monsieur le président.
Quelles seront les mesures effectivement prises par les Etats sur proposition
de la Commission ? Comment évoluera, dans cinq ans, la prise de conscience du
Parlement européen de ces problèmes ? Quels résultats auront alors donné les
procédures nouvelles mises en place par les directives ? Y aura-t-il seulement
des procédures nouvelles dans cinq ans ? Seront-elles, sur le terrain,
opérationnelles ? Comment seront-elles perçues ? Comment réagiront les polices
?
Nul n'en sait rien, et vous voudriez que, dans cinq ans, le Parlement
n'habilite pas le Gouvernement à passer à la règle de la majorité ? Bien sûr,
cette règle a beaucoup de vertus - et je rejoins là intégralement les propos de
M. de Villepin et de quelques autres. Il est vrai, la règle de l'unanimité
provoque un blocage. Il est inconcevable que les Pays-Bas mènent, en matière de
drogue, une politique totalement inverse de celle de la majorité des Etats
européens ; j'en suis tout à fait d'accord.
M. Xavier de Villepin.
Bravo !
M. Paul Masson.
Le problème est de savoir si le Parlement aura, dans cinq ans, la capacité de
percevoir cette situation, de comprendre l'évolution du processus, son
environnement, et de donner au Gouvernement la force de l'approbation
populaire.
M. René-Georges Laurin.
Très bien !
M. Paul Masson.
Comme d'autres orateurs l'ont dit avant moi, le Parlement français ne pourra
jamais être absent de ce débat et si, par malheur, il en était écarté, nous
aurions accepté par la même de fournir les arguments les plus décisifs au sein
de l'opinion publique pour créer chez nous un très fort sentiment anti-européen
et les commentaires extrêmes que nous devons à tout prix éviter.
Mes chers collègues, le Sénat a tant de fois montré sa lucidité et son courage
qu'il devrait pouvoir, encore une fois aujourd'hui, dans ce vote, afficher sa
détermination et son engagement.
Pour conclure, j'évoquerai la séance du 10 juin 1992 au cours de laquelle - M.
Badinter s'en souvient - le Sénat était saisi de la révision constitutionnelle
première - déjà ! -...
M. Robert Badinter.
Oui, déjà !
M. Paul Masson.
... celle qui était initiée et provoquée par le traité de Maastricht.
M. Robert Badinter.
Déjà !
M. Paul Masson.
Il s'agissait de mettre, là encore, notre loi fondamentale en harmonie avec le
traité de Maastricht que le peuple français venait d'approuver.
Au banc du Gouvernement, étaient alors assis le garde des sceaux de l'époque -
je crois que c'était vous, monsieur Badinter -...
M. Robert Badinter.
Non, je présidais le Conseil constitutionnel.
M. Paul Masson.
... et le ministre des affaires étrangères ; je crois que c'était M. Dumas.
M. Charles Pasqua.
Si ce n'est pas toi, c'est donc ton frère !
(Sourires.)
M. Paul Masson.
Le Sénat faisait de la résistance. L'Assemblée nationale, à majorité
socialiste, nous avait renvoyé un texte dans lequel nous voulions introduire
des amendements qui sont aujourd'hui la règle constitutionnelle parce que nous
l'avons fait adopter.
Je me souviens de l'atmosphère. J'étais engagé dans le débat. Nous avions,
malgré les invites du Gouvernement et d'un certain nombre, amendé le texte et
le seul problème était de savoir qui allait en rabattre. Eh bien ! c'est
l'Assemblée nationale qui en a rabattu. Tout s'est passé dans la journée et il
n'y a pas eu de retard inconsidéré. Nos collègues majoritaires socialistes ont
finalement accepté les amendements de bon sens qui étaient proposés par le
Sénat.
La Haute Assemblée s'est honorée et personne ne s'en porte mal puisque c'est à
partir des dispositions qu'elle a introduites - M. le président de la
commission des lois le rappelait hier soir - que nous avons la possibilité de
connaître du titre 1er du traité sur l'Union européenne et que nous pouvons
nourrir nos débats de ce qui se passe en Europe sur ce sujet.
Notre souci est d'élargir ce champ d'intervention ; tel est l'objet de ce
débat. Je suis certain, mes chers collègues, que, après les explications qui
ont été données par les uns et les autres, le Sénat ne fera pas preuve d'une
frilosité, qui serait bien étonnante de sa part, et qu'une fois de plus, comme
en 1992, nous saurons faire entendre notre position en élargissant les pouvoirs
du Parlement. Tel est, en effet, l'enjeu de notre débat et l'un des objets,
clairement affirmé, de notre préoccupation. Tel est également l'objet des
amendements qui ont été déposés et que je voterai.
(Applaudissements sur
certaines travées du RPR, des Républicains et Indépendants et du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes
chers collègues, pour la deuxième fois en six ans, la construction européenne
contraint la France à réviser la loi fondamentale de la République. Le Conseil
constitutionnel, à juste titre, a considéré que les transferts de compétences,
notamment en matière d'asile ou d'immigration, portaient « atteinte aux
conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ».
Avant de vous livrer quelques analyses sur cet obscur traité et sur les moyens
de remettre la construction européenne sur des bases républicaines acceptables
par les peuples, je veux solennellement protester contre ce processus
irresponsable de démantèlement de notre loi fondamentale.
Désormais, nous vivons sous un régime bâti autour d'une constitution « Kleenex
», modifiable à merci sans jamais consulter le véritable détenteur de
l'autorité constituante. Je veux parler du peuple.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Très bien !
M. Paul Loridant.
Le général de Gaulle, fondateur de la Ve République, ne disait pas autre chose
: « C'est un principe de base de la Ve République et de ma propre doctrine que
le peuple français doit trancher lui-même dans ce qui est essentiel à son
destin. »
MM. Charles Pasqua, René-Georges Laurin et Jean Chérioux.
Très bien !
M. Paul Loridant.
Je sais bien que la décision d'organiser un référendum, mes chers collègues,
appartient au Président de la République. Mais permettez-moi de vous dire que
si nous persistons à bâtir une Europe fédérale à l'insu des peuples, alors il
faudra en assumer les conséquences. Nous serons devant l'alternative suivante :
élire domicile à Versailles ou bien introduire dans notre Constitution une
disposition unique et irréversible selon laquelle la France consent, de manière
permanente et générale, à tous les transferts de souveraineté requis par les
traités européens.
Ce traité d'Amsterdam, accueilli dans l'indifférence générale par nos
concitoyens, est, selon nous, mauvais et dépassé. Faute d'avoir pu régler les
problèmes institutionnels liés à l'élargissement de l'Union européenne aux pays
de l'Est, l'Union a choisi, une nouvelle fois, la fuite en avant en «
communautarisant », sans aucune préparation, les questions de sécurité, d'asile
et d'immigration.
Madame le garde des sceaux, il faut de toute urgence installer une cellule de
juristes constitutionnalistes au Quai d'Orsay, car la réforme de la
Constitution devient un jeu permanent pour les diplomates.
La question essentielle de l'élargissement sera réglée, on nous l'assure, par
un prochain traité censé trouver le moyen de faire fonctionner l'« usine à gaz
» qu'est devenue l'Europe.
Après la vraisemblable ratification du traité d'Amsterdam, on pourra
légitimement se demander, mes chers collègues, ce qui subsistera de notre
République.
La politique monétaire, budgétaire et bientôt fiscale sera déterminée à
Francfort.
La loi est, de fait, élaborée par la Commission à Bruxelles.
En matière de justice, l'application du protocole d'Amsterdam sur la
subsidiarité consacre la supprématie des décisions de la Cour de justice de
Luxembourg sur nos règlements, nos lois et, plus grave encore, sur notre
Constitution.
Notre politique étrangère, si tant est qu'un jour il puisse en exister une,
sera incarnée par un haut fonctionnaire de la Commission. Chacun sait comment
l'Europe fonctionne en ce domaine. Il suffit de voir la Grande-Bretagne suivre
fidèlement la position des Etats-Unis sur l'Irak.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Bien sûr !
M. Paul Loridant.
On nous explique que ces transferts de souveraineté sont indispensables pour
faire avancer la construction d'une Europe politique forte. Mais au profit de
qui entend-on transférer ces compétences ? Madame le garde des sceaux, monsieur
le ministre, mes chers collègues, la question mérite d'être posée : quelle
autorité démocratiquement désignée dans l'Union européenne en sera dépositaire
?
Curieuse conception de la démocratie qui donne vocation à l'Union européenne à
traiter des affaires importantes et à définir le champ de compétences qu'elle
consent à déléguer aux Etats et aux gouvernements responsables, eux, devant le
peuple. Et même ce partage n'est pas toujours respecté. Souvenez-vous, mes
chers collègues, des critiques de la Commission européenne sur la méthode
retenue pour vendre les billets pour la Coupe du monde. C'est cela le principe
de subsidiarité !
Curieuse conception de l'Europe politique, de l'Europe des citoyens qui, de
traité en traité, transfère les pouvoirs d'orientation à des structures
technocratiques indépendantes des gouvernements, c'est-à-dire indépendantes des
peuples.
Mes chers collègues, face à ce traité calamiteux négocié par M. Juppé...
M. Paul Masson.
Et par M. Jospin !
M. Paul Loridant.
... je suis serein car nous approchons du moment de vérité. La fuite en avant
du traité d'Amsterdam annonce la fin de la chimère fédérale.
A bout de souffle, incapable de répondre aux grands défis politiques et
sociaux de notre temps, l'Europe d'Amsterdam va se heurter à des contradictions
insolubles.
Pour en sortir, il faut « républicaniser » l'Europe. Le Mouvement des
citoyens, tout comme le parti communiste français, n'est nullement
anti-européen ; il propose une démarche euroréaliste. En effet, seul le cadre
national est capable de donner à l'Europe la stabilité et la force nécessaire
pour faire face aux enjeux de cette fin de siècle.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Très bien !
M. Paul Loridant.
La France, de par son poids politique et économique, de par sa contribution à
la naissance de l'Europe, a une responsabilité particulière pour «
républicaniser » la construction européenne, en proposant le meilleur de son
message républicain, à savoir sa conception politique de la nation, la laïcité,
son exigence universaliste de la citoyenneté, l'efficacité de ses services
publics.
Le Gouvernement dirigé par Lionel Jospin a choisi, en juin 1997, de signer le
traité d'Amsterdam négocié par M. Juppé. Je peux comprendre le choix du Premier
ministre d'éviter, à peine un mois après sa prise de fonction, une crise avec
le Président de la République et les partenaires européens de la France.
Mais l'évolution politique en Europe, avec désormais une majorité de
gouvernements orientés à gauche, offre une opportunité de clore la parenthèse
des traités de Maastricht et d'Amsterdam.
Pour bâtir l'Europe sur des bases républicaines, il faut d'abord inverser le
principe de subsidiarité, inscrit dans le texte du traité mais perverti par une
sorte d'emballement de la machine communautaire. C'est l'intervention de
l'Union qui doit désormais être subsidiaire et non l'intervention des Etats.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Très bien !
M. Paul Loridant.
En second lieu, un Etat ne doit pas être tenu d'agir en contradiction avec ses
propres règles constitutionnelles, qu'il a librement choisies et qui sont le
fruit de son histoire. C'est aux traités de s'adapter aux lois fondamentales
nationales et non l'inverse. Et, sur ce point, il faut aussi inverser la norme
juridique.
Enfin, les Etats n'ont plus à accepter les transferts de compétences sans
avoir les moyens de contrôler et, si besoin, de revenir sur le processus.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Très bien !
M. Paul Loridant.
Sur le plan économique, nous demandons solennellement au Gouvernement de faire
valoir réellement les quatre conditions posées par Lionel Jospin pour le
passage à la monnaie unique.
Notre projet européen existe, fondé sur la réalité nationale et sur la
souveraineté des peuples, centré sur une véritable réponse à l'immense attente
sociale de nos concitoyens. Ce projet européen réaliste est seul capable de
donner à l'Europe le souffle populaire qui lui fait défaut.
En attendant, le citoyen que je suis ne votera pas cette réforme de la
Constitution.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen. - MM. Charles Ceccaldi-Raynaud et Charles Pasqua
applaudissent également.)
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Bravo !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La Sainte-Alliance !
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes
chers collègues, nous sommes aujourd'hui à une étape particulièrement
importante de la construction européenne : dans deux semaines, la mise en place
de l'euro sera effective. Elle résulte de transferts de compétences approuvés
lors de la révision constitutionnelle de 1992, préalable à la ratification du
traité de Maastricht. Nous avons maintenant à nous prononcer sur une nouvelle
révision de la Constitution afin de pouvoir ratifier le traité d'Amsterdam.
Depuis sa signature, le traité d'Amsterdam a déjà fait l'objet de nombreuses
polémiques. Son contenu, qui a été rappelé par plusieurs orateurs m'ayant
précédé à cette tribune, n'est certes pas - je le dis clairement à mon tour - à
la hauteur de nos attentes, ne serait-ce qu'en raison de l'absence d'une
réforme des institutions qui, pourtant, faisait le principal objet du mandat
donné à la conférence intergouvernementale et que nous continuons à considérer
comme un préalable à tout nouvel élargissement de l'Union.
Le traité d'Amsterdam peut finalement être considéré comme un traité de
transition. Mais il comporte quelques dispositions essentielles à la poursuite
de la construction européenne. J'en citerai trois.
L'emploi est devenu en quelques mois une priorité majeure de l'Union grâce à
l'application anticipée des dispositions du traité, les Etats membres
s'engageant à coordonner leur politique dans ce domaine. La lutte pour l'emploi
est clairement placée au même rang que la stabilité économique et monétaire et
nous en avons eu la confirmation lors des plus récents sommets, et encore le
week-end dernier, à Vienne.
Le respect des droits fondamentaux mais aussi la lutte contre toutes les
discriminations deviennent principes et valeurs de l'Union européenne.
Enfin, dans la droite ligne du traité de Maastricht, les Etats se sont donné
la possibilité de définir en commun des politiques en matière de libre
circulation des personnes pour que l'Europe soit un espace à la fois de
liberté, de justice et de sécurité.
C'est sur ce dernier point que le Conseil constitutionnel a estimé que les
nouvelles dispositions concernant la libre circulation des personnes,
c'est-à-dire celles qui concernent les visas, l'asile, l'immigration et le
franchissement des frontières, pourraient affecter « les conditions
essentielles d'exercice de la souveraineté ». C'est donc pourquoi il faut
réviser la Constitution afin d'autoriser les transferts de compétences rendus
nécessaires par la possibilité de prendre des décisions à la majorité qualifiée
dans les domaines concernés.
Pourtant, il convient de relativiser l'importance de ces transferts. A nos
yeux, ces derniers, loin d'entraîner des abandons de souveraineté, s'inscrivent
dans la logique de la construction européenne, à laquelle nous sommes
profondément attachés.
Depuis plus de vingt ans, les Etats membres ont uni peu à peu leurs forces
dans la lutte contre des phénomènes transnationaux comme le terrorisme, le
trafic de drogue ou l'immigration clandestine.
La libre circulation des personnes a été reconnue comme l'un des principaux
éléments du marché intérieur en 1986, dans l'Acte unique européen, puis dans la
convention de Schengen, mais la coopération informelle engagée lors du dernier
gouvernement des Etats-membres est apparue insuffisante pour combattre
l'internationalisation des réseaux d'activité criminelle et répondre aux
besoins de sécurité des citoyens européens.
Une coopération intergouvernementale en matière de justice et d'affaires
intérieures a été intégrée au traité de Maastricht afin que puisse se
développer dans ce domaine une politique de l'Union européenne à part
entière.
Le traité d'Amsterdam vient simplement compléter et renforcer les dispositifs
définis en matière de libre circulation qui, en particulier, prévoyaient une
passerelle vers le pilier communautaire et ouvraient la voie à des décisions
prises à la majorité qualifiée.
Il faut souligner que ces transferts sont étroitement encadrés par le traité
lui-même. Les Etats ont en effet placé un triple garde-fou à cette prise de
décisions : tout d'abord, le Conseil pourra, s'il le souhaite, proposer un
changement de mode de décision ; par ailleurs, cette décision de passer à la
majorité qualifiée devra se prendre à l'unanimité ; enfin, le Conseil pourra
choisir que la majorité qualifiée ne s'applique qu'à certains des domaines
concernés voire qu'à certaines parties de ces domaines. Ces précautions nous
paraissent présenter des garanties suffisantes.
Il faut ajouter, pour répondre à une autre objection, que la prise de
décisions à la majorité qualifiée, loin de privilégier dans la pratique ceux
que l'on appelle les « petits Etats » au détriment des plus grands, présente
des avantages sur la règle de l'unanimité, cette dernière pouvant empêcher
toute décision du seul fait du refus d'un petit Etat.
Les transferts qui nous sont demandés conduisent en réalité à un exercice
commun de compétences. Il ne s'agit nullement d'atteintes à la souveraineté
nationale et encore moins d'abdication nationale, comme voudraient le faire
croire certains. Si une abdication de cette sorte devait être aujourd'hui
constatée, c'est quarante ans de construction européenne qui seraient remis en
cause ! Que dire des transferts de compétences effectués en 1962, lors de la
mise en place de la politique agricole commune, ou encore en 1992, pour la
création d'une monnaie unique ?
Il faut encore rappeler que cette souveraineté est indivisible et qu'elle
donne aussi la faculté de contracter des engagements internationaux. Ainsi,
rien n'empêche les Etats de décider souverainement de transférer certaines
compétences à une organisation supranationale.
N'oubliez pas, mes chers collègues - cela a d'ailleurs été évoqué hier - que
les Constitutions de plusieurs de nos partenaires européens, tels que
l'Allemagne ou le Portugal, comportent une clause européenne générale qui
anticipe les éventuels transferts de compétences pouvant être rendus
nécessaires par de futurs traités et ramène à leur juste valeur ces transferts
de compétences : un choix et une nécessité pour faire avancer l'Europe. C'est
dans cette perspective que nous nous inscrivons.
Il s'agit, je le répète, non pas d'abandonner des pans de souveraineté, mais
d'accepter un exercice en commun de compétences, parce que les Etats membres
ont estimé qu'ils pouvaient mieux agir ensemble, en particulier dans les
domaines qui relèvent clairement de l'intérêt commun. On constate d'ailleurs,
s'agissant de la mise en place de l'union économique et monétaire, que les
Etats qui en sont membres ont déjà pu bénéficier des avantages de l'euro avant
même que ce dernier soit officiellement en vigueur.
Cette décision de mener en commun des politiques concernant la libre
circulation des personnes, l'asile, l'immigration et les visas repose sur un
constat à caractère hautement politique : celui d'un manque d'efficacité, voire
d'une impuissance, face à des défis qui dépassent largement le cadre national.
Il en découle une exigence inéluctable, que rappelait d'ailleurs M. Masson :
dans ces domaines, les Etats ne peuvent être vraiment efficaces qu'ensemble.
C'est pourquoi ils ont choisi d'exercer en commun des politiques qu'ils ne
peuvent plus vraiment mener seuls du fait du caractère transnational de ces
dernières.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, les avantages de cet
exercice commun sont évidents : pouvoir mener au niveau communautaire des
politiques en matière d'asile, d'immigration et de visas, c'est compléter la
création d'un espace de sécurité, de justice et de liberté ; mais c'est
également faciliter et garantir l'application des principes et de la pratique
de Schengen, dans un espace européen ouvert. Garantie de sécurité aux
frontières de l'Union et processus d'harmonisation de ces politiques au niveau
européen devraient contribuer, par leur conjugaison, à renforcer tant la
sécurité que les droits et la protection des personnes.
On peut encore souligner que les Etats membres s'efforcent dès à présent de
définir un plan d'action qui puisse établir un équilibre entre la poursuite
d'objectifs et d'actions communs et la nécessaire responsabilité de chacun
d'eux dans l'exercice des politiques décidées.
Ainsi les dispositions du traité d'Amsterdam, en matière de libre circulation,
ne font-elles que parachever un processus de transferts de compétences engagé
avec l'Acte unique européen, la suppression progressive des frontières
intérieures poussant les Etats à organiser au niveau européen une coopération
en matière de sécurité.
L'intérêt de ces transferts de compétences qu'il nous est demandé aujourd'hui
d'approuver en complétant l'article 88-2 de la Constitution nous paraît donc
évident pour toutes les raisons que je viens d'évoquer.
L'Assemblée nationale a, par ailleurs, adopté un article additionnel au projet
de loi constitutionnelle qui était présenté par le Gouvernement et qui modifie
la portée de l'article 88-4 de la Constitution.
A cet égard, nous nous félicitons de la décision de la commission des lois de
soutenir le projet de loi constitutionnelle, tel qu'il résulte des travaux de
l'Assemblée nationale, à l'exclusion de tout autre amendement. Nous
considérons, en effet, qu'il s'agit d'un dispositif de contrôle équilibré et
souple, parce qu'il suit au plus près les dispositions du protocole n° 13 sur
l'information des parlements nationaux annexé au traité d'Amsterdam, parce
qu'il respecte la distinction entre la loi et le règlement fixée dans le droit
français, mais aussi parce qu'il témoigne d'un contrat de confiance entre le
Parlement et le Gouvernement.
Dans la mesure où il s'agit de s'adapter aux nouvelles exigences du traité
d'Amsterdam, il est bon que le parlement français puisse, à l'avenir, examiner
en amont des actes de nature législative relevant tant de la politique
étrangère et de sécurité commune que de la coopération européenne en matière de
sécurité.
Nous pouvons aussi - en tout cas, c'est notre sentiment - faire confiance au
Gouvernement pour nous transmettre, à nous, parlementaires, tout document ayant
une importance particulière quant à l'élaboration des politiques de l'Union,
document pouvant faire l'objet de résolutions. Cette transmission revêtira un
caractère politique, comme ce sera aussi le cas de la décision des Etats
membres de décider à la majorité qualifiée cinq ans après l'entrée en vigueur
du traité.
En revanche, nous ne pouvons accepter l'idée d'une habilitation législative
dans cinq ans, telle que vient de la réclamer M. Masson.
La France s'est engagée, par la signature tant du Président de la République
que du Premier ministre, à accepter les modalités d'une éventuelle modification
des conditions de prises de décisions pour les politiques relatives à l'asile,
à l'immigration et aux visas.
Si le Conseil constitutionnel recommande une révision de la Constitution
aujourd'hui, c'est justement pour qu'il n'y ait pas besoin d'une nouvelle
ratification à la veille de la décision éventuelle des Etats membres. On ne
peut donc pas à la fois demander à juger dans cinq ans de la volonté des
gouvernements d'élaborer en commun des politiques d'asile, d'immigration et de
visas et obtenir dès à présent un contrôle sur les actes législatifs qui en
découleront.
Comme vous l'avez rappelé, madame le garde des sceaux, c'est l'équilibre de
notre Constitution, plus précisément l'équilibre voulu par elle entre les
pouvoirs exécutif et législatif qui serait remis en cause.
Certains souhaiteraient obtenir que le Parlement puisse habiliter le
Gouvernement à prendre une décision dont les modalités ont été acceptées par un
engagement relevant du droit international. Mais il n'existe pas, dans notre
pays, de souveraineté parlementaire. Le pouvoir est partagé entre le législatif
et l'exécutif. En matière d'engagement international, c'est l'exécutif qui est
souverain, et la décision des Etats membres de passer à la majorité qualifiée,
parce qu'elle doit se faire à l'unanimité, relève de la négociation
internationale.
Est-il nécessaire de rappeler les différents articles de la Constitution qui
définissent les prérogatives de l'exécutif au plan inernational ?
Selon l'article 20, « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la
Nation. » Aux termes de l'article 52, « le Président de la République négocie
et ratifie les traités. » L'article 5 dispose que le Président de la République
est le garant du respect des traités. Selon l'article 55, enfin, les traités
ont une « autorité supérieure à celle des lois ».
(Exclamations sur les
travées du RPR.)
En conclusion, mes chers collègues, exercer nos compétences en commun, faire
partager nos compétences et notre savoir-faire dans le domaine particulier qui
est ici concerné, tel est le meilleur moyen de parvenir à construire l'Europe
que nous voulons, une Europe respectueuse des droits de ses citoyens, une
Europe qui respecte ceux qu'elle attire, une Europe espace de libre circulation
des personnes qui, loin de mettre en valeur leurs inégalités ou d'exciter leur
méfiance, contribue, grâce à des harmonisations dans les domaines social,
économique et fiscal, à rendre les citoyens plus proches les uns des autres.
C'est pourquoi les Européens à la fois convaincus et lucides que nous sommes,
soucieux de donner un nouvel élan à la construction européenne, sont prêts,
malgré toutes ses insuffisances, à approuver le traité d'Amsterdam dont je
rappelle qu'il a déjà été ratifié par la quasi-totalité des pays signataires.
Le groupe socialiste votera donc le projet de révision de la Constitution dans
les termes mêmes du texte adopté par l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes
chers collègues, le projet de loi constitutionnelle que nous examinons
aujourd'hui appelle un double débat.
Le premier, si l'on se limite à l'objet
stricto sensu
du texte,
concerne la question de la communautarisation des matières liées à la libre
circulation des personnes. En proposant la modification des articles 88-2 et
88-4 de la Constitution, il s'agit de savoir si l'on est pour ou contre une
souveraineté partagée dans le domaine précité.
Cependant, derrière ce débat, se profile aussi celui, plus large, de
l'acceptation ou non du traité d'Amsterdam. Car soit on refuse l'adaptation de
la Constitution, auquel cas la France devrait renégocier les clauses
litigieuses du traité, ouvrant ainsi une crise politique non souhaitable, soit
le Parlement adopte le projet de loi constitutionnelle et, dans ce cas de
figure, il validerait le préalable à la ratification du traité d'Amsterdam par
la France.
Ne sachant pas à ce jour qui, du peuple ou de ses représentants, tranchera sur
la ratification, je saisirai, dans un deuxième temps, l'occasion - qui nous
sera peut-être donnée une seule fois dans cette assemblée - pour rappeler les
bienfaits du traité d'Amsterdam.
S'agissant, tout d'abord, du point qui nous préoccupe directement, en
acceptant une politique commune en matière de franchissement des frontières
intérieures et extérieures des Etats membres, la France consent-elle à
abandonner une part de sa souveraineté nationale ? La réponse est oui.
Toutefois, a-t-elle tort de le faire ? Si la construction de la Communauté
l'exige, si l'exercice de la seule souveraineté nationale empêche la création
d'un espace européen sécurisé et garant des droits des citoyens de l'Union,
l'abandon d'une part de souveraineté est à mon avis justifié. C'est la
traduction concrète du principe de subsidiarité : comme vous l'avez brillamment
exposé, monsieur le rapporteur, ce principe garantit que les compétences seront
uniquement transférées dans la mesure où les « objectifs de l'action envisagée
ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres ».
La souveraineté n'est pas un vain mot. Il n'y a pas de souveraineté contenue
dans des textes qui ne trouverait pas son efficacité dans la réalité. En
conséquence, la souveraineté nationale et la souveraineté communautaire ne
s'opposent pas, elles se complètent.
Par ailleurs, un certain nombre de garde-fous préservent notre souveraineté.
La période de cinq ans durant laquelle les décisions continueront d'être prises
à l'unanimité est suffisamment longue pour que soient relevées les difficultés
relatives à l'effectivité de la libre circulation.
C'est à cette même unanimité que sera décidé le passage vers un système de
décision à la majorité qualifiée et selon la procédure de codécision avec le
Parlement européen. Ce procédé a donc le mérite de considérer le résultat et de
faire dépendre de celui-ci le degré de communautarisation.
Ensuite, quand bien même nous aboutirions au choix de la majorité qualifiée,
il faut rappeler que cela signifie, pour une décision, l'obtention de 70 % des
voix. Sur des sujets aussi sensibles que la politique des visas et du droit
d'asile ou la politique de l'immigration, on peut aisément imaginer que chacun
des pays sera très attentif à ses propres intérêts !
L'action en commun ne signifie pas autre chose que la somme des volontés
individuelles. Par conséquent, si l'on considère que, effectivement, les pays
abandonnent une part de souveraineté, ils le font, de mon point de vue, à bon
escient.
Ils le font d'autant plus volontiers qu'il est prévu qu'aucune des mesures
adoptées dans le cadre du nouveau titre du traité instituant la Communauté
européenne ne devra porter atteinte à l'exercice des responsabilités qui
incombent aux Etats membres pour le maintien de l'ordre public et la sauvegarde
de la sécurité intérieure.
Enfin, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, qui permettra une
amélioration du contrôle du Parlement sur la politique européenne, offre, me
semble-t-il, une garantie supplémentaire.
Pour toutes ces raisons, les radicaux de gauche ne craignent pas le partage de
la souveraineté et sont donc favorables à la modification constitutionnelle.
Ils le sont aussi parce que leur approbation du présent texte traduit leur
adhésion sans scepticisme à l'Europe. Comme je le disais en introduction, dire
oui au projet de loi constitutionnelle, c'est dire oui au traité
d'Amsterdam.
Pour ma part, si imparfait soit-il, ce dernier recueille mon accord. Les
avancées qu'il contient, sous-estimées à l'issue des travaux de la conférence
intergouvernementale, contribueront fortement à dépasser la pure logique de
marché pour faire de l'Europe autre chose qu'une entité monétaire.
Certes, on est encore loin d'une institution politique démocratique à vocation
de puissance mondiale. Toutefois, dans de multiples domaines, le traité
d'Amsterdam marque une volonté de changement et renforce la cohésion
européenne.
Au moment où l'on fête le cinquantième anniversaire de la Déclaration
universelle des droits de l'homme, on ne peut que se satisfaire des apports du
traité sur ce sujet. Il engage l'Europe à construire son propre système de
protection des droits fondamentaux.
Il faut rappeler que, en ne contenant aucune disposition formelle en la
matière, le traité fondateur de 1957 apparaissait comme régressif sur la
question des droits de l'homme. Cette lacune est comblée par le traité
d'Amsterdam, qui introduit de nombreux renvois explicites aux libertés
fondamentales, allant jusqu'à faire de leur respect une condition statutaire
sans équivoque de l'adhésion à l'Union.
Les droits sociaux sont également consacrés et garantis par un mécanisme de
sanctions.
L'introduction d'un titre sur l'emploi constitue aussi un progrès
considérable. Parvenir à un niveau élevé d'emplois devient enfin un objectif de
l'Union. Des références expresses l'habilitent à mettre en oeuvre à la majorité
qualifiée des programmes de lutte contre l'exclusion et à coordonner des
mesures favorables à l'emploi.
A la demande de la France, la prise en compte dans la politique communautaire
de la notion de service public nous prémunit contre une application trop
drastique des règles de la concurrence.
Le renforcement de l'action communautaire en matière vétérinaire et
phytosanitaire devrait permettre d'éviter les crises du type de celle de la
vache folle.
C'est vrai, on peut regretter, à côté de ces évolutions positives, les
faiblesses sur les questions institutionnelles, de politique étrangère et de
sécurité commune. En effet, en dehors de la « coopération renforcée », qui
répond à un besoin objectif de flexibilité dans le cadre du troisième pilier,
un certain nombre de lacunes demeurent.
La réforme des institutions, pourtant nécessaire dans la perspective de
l'élargissement, est restée en panne. La modification de la pondération des
voix au sein du Conseil des ministres a été repoussée à plus tard.
S'agissant de la politique étrangère et de sécurité commune, seule
l'intégration des missions dites de Petersberg constitue un point intéressant.
Même l'idée française d'un « Monsieur PESC » a été retenue dans son acception
la plus limitée, puisque cette mission sera confiée au secrétaire général du
Conseil des ministres, c'est-à-dire à un haut fonctionnaire et non à un
responsable politique.
M. Michel Barnier.
Pas forcément !
M. Yvon Collin.
A l'évidence, le traité d'Amsterdam contient certaines limites. Mais celles-ci
ne doivent pas nous faire oublier les progrès fondamentaux qui y sont désormais
inscrits.
Les échanges et les intérêts communs européens, qu'ils soient humains,
culturels, économiques ou politiques, sont si importants et si denses qu'il
n'est plus opportun de se poser la question de savoir s'il faut plus ou moins
d'Europe. L'Europe existe et il faut aborder avec enthousiasme les
approfondissements et les concessions qu'elle demande.
L'Europe monétaire sera, dans quelques jours, une réalité. L'Europe sociale
est en marche. L'Europe politique ne demande qu'à voir le jour. La construction
communautaire est un processus lent, mais il l'est plus encore lorsqu'on lui
oppose des obstacles.
En conséquence, favorables au traité d'Amsterdam dans son ensemble, les
radicaux de gauche accepteront le projet de loi constitutionnelle, prélude à la
ratification.
(Applaudissements sur les travées du RDSE et sur les travées socialistes. - M.
le rapporteur applaudit également.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, en m'efforçant de répondre brièvement aux différents orateurs, je
concentrerai mes réponses sur la révision de la Constitution et sur les
équilibres institutionnels. Il appartiendra ensuite à M. Pierre Moscovici de
revenir sur le traité lui-même.
J'axerai mes réponses à ceux qui se sont exprimés hier soir et ce matin autour
de cinq concepts : nécessité,
sui generis,
hiérarchie, souveraineté,
contrôle du Parlement.
Je crois, tout d'abord, que, comme l'a magistralement exposé hier M. Badinter,
la révision constitutionnelle était une nécessité. Je ne veux pas imaginer la
crise que provoquerait un refus du parlement français ! Ce serait un signal, ou
plutôt un contre-signal envoyé à l'Europe ! MM. de Montesquiou, Durand-Chastel
et Badinter ont évoqué cet aspect, je n'en dirai pas plus.
Cela étant, si nous voulions ratifier le traité, une révision
constitutionnelle était, je l'ai dit, nécessaire. Mais pas n'importe laquelle
!
Celle qui vous est proposée n'est pas une révision « chèque en blanc », qui
introduirait dans la Constitution une clause indéterminée et permanente de
communautarisation. Nous tenons, en effet, à ce que les institutions de la
République exercent leurs compétences.
A chaque étape sa révision - celle-ci est nécessaire -, avec son cortège
démocratique de débats. Et, comme l'a dit à juste titre M. Masson tout à
l'heure, en l'occurrence, ce débat n'est pas médiocre. D'ailleurs, il ne l'est
jamais au Sénat !
Cette révision constitutionnelle était donc nécessaire pour pouvoir ratifier
le traité.
Tout à l'heure, nous aurons probablement le loisir de revenir plus en détail
sur l'idée du référendum lorsque nous examinerons la question préalable déposée
par le groupe communiste républicain et citoyen. Mais j'en viens à présent au
deuxième concept, la création d'une entité
sui generis.
M. Gélard nous a dit hier que l'Union européenne était une construction
sui
generis
. En effet ! Mais faut-il s'en plaindre ? Nous n'avons pas besoin
d'une Europe qui décalquerait les Etats-Unis d'Amérique, tout simplement parce
que la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Angleterre ou d'autres pays ne sont
évidemment pas l'Arkansas, le Nebraska ou la Nouvelle-Angleterre ! Nous avons
une histoire derrière nous, nous avons une culture, une identité qui, même si
Victor Hugo a eu des mots et des écrits très éloquents à ce sujet, ...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Il a dit qu'il n'en voulait pas !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... nous interdisent de nous aligner sur ce modèle.
L'Union européenne est une construction originale qu'il nous appartient de
bâtir : si nous pouvons nous regrouper pour certaines tâches communes, nous
devons respecter, bien entendu, nos nations, avec tout ce qu'elles représentent
; sinon, naturellement, nous risquerions de voir nos prérogatives
disparaître.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Ne désespérez pas les centristes !
(Sourires.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux
Ce traité est, certes, imparfait. D'ailleurs, ils le
sont tous ! Si le premier traité - celui qui a institué la CECA - ou le traité
de Rome avaient été parfaits, nous n'aurions pas eu besoin, par définition,
d'élaborer un traité d'Union européenne !
Certains sont sans doute plus imparfaits que d'autres, et le traité
d'Amsterdam l'est peut-être davantage que celui qui le précédait, mais il
représente un progrès, une étape supplémentaire que M. Claude Estier vient de
rappeler très clairement en matière d'emploi, des respect des droits, de lutte
contre les discriminations.
Cette dernière mesure, inscrite pour la première fois dans un traité européen,
vise à lutter contre toutes les formes de discrimination. Il s'agit d'un rappel
fondamental de nos valeurs communes.
Il reste, bien entendu, à réaliser des progrès en matière sociale, en matière
de coopération policière et judiciaire et en matière de libre circulation des
personnes. Permettez-moi, à cet égard, d'ajouter quelques mots puisque, du fait
de mes compétences ministérielles, je suis aujourd'hui chargée de ces
questions.
Si nous avons décidé de communautariser une partie de ces questions - celles
qui sont relatives à l'asile, aux visas, au contrôle des frontières - c'est
évidemment parce que nous avons besoin d'une impulsion plus forte.
Nous savons que, quels que soient les mérites de la coopération
intergouvernementale - dans certains domaines, par exemple en matière de
coopération policière, il faut la garder - les procédures communautaires sont
là pour donner cette impulsion plus forte. Pourquoi ? Parce que la Commission
met un seul texte sur la table. Elle ne décide pas, vous le savez, monsieur
Masson, à notre place, elle propose. C'est important, parce que, auparavant,
elle aura mesuré ce que les uns et les autres sont prêts à accepter ; ainsi,
elle aura déjà fait un pas dans la voie de l'accord.
Ensuite, il appartient au conseil des ministres de décider. Nous n'avons pas à
avoir peur du vote à la majorité, je l'ai dit pour commencer, je n'y insisterai
pas. Nous n'avons eu qu'à nous en féliciter dans les domaines où nous l'avons
accepté depuis maintenant plus de quarante ans, tout simplement parce que notre
pays est au centre, au coeur stratégique de l'Europe ; lorsque nous n'avons pas
voulu quelque chose, jamais, je dis bien jamais, dans l'histoire de l'Union
européenne, on ne nous l'a imposé. Alors, utilisons le vote à la majorité pour
faire avancer nos propositions !
J'en viens au troisième concept : la hiérarchie. M. Gélard nous a dit qu'il
fallait respecter la hiérarchie des normes. Ce n'est pas moi qui dirai le
contraire ! Mais nous devons accepter qu'elle soit double, entre les normes
communautaires, d'une part, avec au sommet le traité, et les normes nationales,
d'autre part, avec au sommet la Constitution.
Ces deux hiérarchies sont perméables, d'une part, par l'applicabilité directe
des normes communautaires - de certaines d'entre elles en tout cas - et,
d'autre part, par la primauté du droit communautaire qui oblige depuis des
années non seulement le juge communautaire, mais aussi le juge national à le
privilégier par rapport au droit national en cas de conflit.
Si ces deux hiérarchies sont perméables, elles ne sont pourtant pas
confondues, comme l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9
avril 1992 sur le traité de Maastricht, décision qu'a rappelée Robert Badinter
et selon laquelle « l'ordre juridique communautaire constitue un ordre
juridique propre qui, bien que se trouvant intégré au système juridique des
différents Etats membres, n'appartient pas à l'ordre institutionnel de la
République française ». C'est bien pourquoi il faut en effet un juge
communautaire qui organise la cohérence des normes communautaires.
J'en arrive au quatrième concept : la souveraineté. M. Duffour a dit ne pas
être opposé à tout partage de souveraineté. Il a raison, car c'est bien parce
que la France est souveraine qu'elle peut souverainement décider de procéder à
des transferts de compétences. Bien sûr, ceux-ci doivent être proportionnés à
sa volonté européenne, mais c'est bien notre pays, c'est vous, c'est le
constituant qui décide souverainement de ces transferts.
Claude Estier vient de le rappeler avec la plus grande clarté, ces transferts
de compétences existent en vérité depuis la Constitution de 1946 et ont été
réaffirmés à plusieurs reprises depuis quarante ans dans l'Union européenne -
Yvon Collin à l'instant a insisté sur ce point.
C'est donc parce que c'est notre intérêt national que nous consentons à ces
transferts.
J'en arrive au contrôle du Parlement.
Nombreux ont été les orateurs - je ne les citerai pas tous, mais je reviendrai
plus particulièrement sur les propos tenus par votre rapporteur, M. Fauchon - à
rappeler la nécessité d'une meilleure association du Parlement à la
construction européenne.
De quoi s'agit-il ?
S'il s'agit de connaître les projets communautaires, c'est l'information du
Parlement et la loi Josselin y veille ; elle énonce très clairement que tous
les documents doivent être transmis au Parlement.
S'il s'agit d'influer les futures prises de position des autorités de
l'exécutif constitutionnellement chargé de préparer les négociations, de
décider des positions françaises dans les négociations européennes, non
seulement la délégation pour l'Union européenne de chaque assemblée exerce
cette fonction mais, de surcroît, le Parlement tout entier peut, par le vote
des résolutions prévues par l'article 88-4 de la Constitution, donner son point
de vue.
A ce propos, je répondrai à M. Fauchon qui a posé une question précise, hier,
dans son intervention, sur ce sujet.
Le protocole sur les parlements nationaux prévoit, en effet, une obligation de
transmission rapide de tous les documents de consultation que, d'ailleurs, il
énumère : Livre blanc, Livre vert, communications, mais il ne précise pas si la
saisine des parlements nationaux est pour simple information ou pour
consultation. Il est même rappelé que cela relève de l'organisation et de la
pratique constitutionnelle de chaque Etat membre.
Tous ces documents sont aujourd'hui transmis au Parlement au titre de la loi
Josselin. La vraie question est donc de savoir s'il faut aller au-delà en
prévoyant que ces documents sont soumis au Parlement, au titre de l'article
88-4 de la Constitution, c'est-à-dire qu'ils autorisent effectivement le vote
de résolutions.
Cela - je veux le dire - est permis par la rédaction adoptée par l'Assemblée
nationale. On n'imagine pas que les documents préparatoires - pas plus
d'ailleurs, évidement, que les actes législatifs - ne soient pas désormais
soumis par le Gouvernement au Parlement.
Ainsi, il est clair que, aux termes de la rédaction adoptée par l'Assemblée
nationale, le Gouvernement aurait, sans hésitation, transmis, au titre de
l'article 88-4 de la Constitution, une communication telle que l'Agenda 2000 ;
on pourrait également citer l'exemple du Livre vert, il y a trois ans, sur La
Poste.
Mais s'agissant de ce que peut faire le Parlement, se pose également la
question du contrôle proprement dit du Parlement de l'activité du Gouvernement
dans les domaines européens.
Hier soir, Robert Badinter a montré très clairement que, là encore, le
Parlement dispose de nombreuses techniques parlementaires pour contrôler ;
c'est le contrôle du peuple, selon les propres termes de M. Duffour.
Enfin, s'il s'agit de mandater impérativement le Gouvernement pour qu'il
aborde les discussions à Bruxelles de telle ou telle manière,
a fortiori
pour qu'il prenne telle ou telle position de négociation, il y aurait,
alors, changement de régime politique.
Ce n'est pas se « cramponner », comme l'a dit Michel Barnier hier, à la Ve
République que de refuser cela ; c'est appliquer normalement la Constitution de
la Ve République.
Tout à l'heure, Claude Estier a rappelé les articles de notre Constitution qui
définissent les prérogatives des pouvoirs publics : l'article 52 sur les
responsabilités éminentes du Président de la République dans la négociation et
la ratification des traités ; l'article 5 qui en fait le garant du respect des
traités internationaux ; l'article 53 qui confère au Parlement un rôle capital
s'agissant de la transcription dans notre droit des règles internationales ;
et, bien entendu, l'article 20 qui confère au Gouvernement la détermination et
la conduite de la politique de la nation et à qui revient la mise en oeuvre de
la politique étrangère de notre pays en accord avec le Président de la
République.
Cet équilibre constitutionnel, oui, je le défends aujourd'hui !
Hier, Michel Barnier a cru pouvoir ironiser sur l'attachement des socialistes
et du gouvernement actuel à la Ve République. Il ne faut pas se tromper de
registre, ni tout mélanger. S'il faut un jour rééquilibrer différemment les
prérogatives respectives de l'exécutif et du législatif au sein de notre
Constitution - nous nous sommes forgé notre propre opinion sur ce point et nous
l'avons communiquée, ces dernières années, en des moments importants du débat
démocratique -, il faudrait évidemment que ce soit au cours d'un débat consacré
uniquement à ce sujet et non pas en quelque sorte « par la bande », à
l'occasion de l'examen d'un texte ayant un autre objet.
M. Claude Estier.
Absolument !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
L'Europe et la Constitution méritent autre chose que
des arrière-pensées, méritent un débat franc, clair et net. Aujourd'hui, lors
de ce débat sur la révision constitutionnelle relative au traité d'Amsterdam,
ne parlons que de ce dernier, ne faisons rien qui remette en cause nos
équilibres institutionnels !
Mme Hélène Luc.
C'est pour cela qu'il ne faut pas ratifier !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il est dans l'intérêt de notre pays de ratifier ce
traité. De très nombreux orateurs, hier soir et ce matin, MM. de Villepin,
Hoeffel, de Montesquiou, notamment, ont tenu des propos extrêmement
éloquents.
Certes, il y a le « fatras », monsieur Masson, mais des fatras, il y en a
partout ! Dans notre action nationale, et même ici, au Sénat, quelquefois, on
n'entend pas des propos toujours très...
Oui, il faut dégager l'Union européenne du fatras. Vous en avez dressé un
tableau en quelques phrases absolument saisissantes...
M. Paul Masson.
Mais vraies !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... et avec grand talent. Il faudra les garder dans les
annales... comme repoussoir.
Sachons, quand nous arriverons à faire sortir de cette gangue tous les choix
que nous avons effectués depuis quelques années, ne pas nous polariser sur ce
fatras.
Reconnaissez tout de même, monsieur Masson, que l'Union européenne s'est faite
dans l'intérêt de notre pays.
Le principal chantier qui est devant nous est bien entendu de faire en sorte
que l'euro puisse être géré dans le sens de la croissance et de l'emploi. Ce
sera une bataille de tous les jours.
Le prochain chantier, le plus neuf, consiste à mettre en place une vraie
coopération policière et judiciaire. Si nous n'y réussissons pas, nous serons
alors impuissants à lutter contre les mafias internationales.
En dehors de la réforme des institutions, nous avons donc de quoi nous occuper
pendant quelques dizaines d'années encore.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, sur celles du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l'Union
centriste.)
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, après Mme Elisabeth Guigou, qui vient de répondre sur la révision
constitutionnelle, j'ajouterai quelques mots brefs sur le traité d'Amsterdam,
soulignant à mon tour que le débat devant le Sénat - mais comment aurait-il pu
en aller autrement ? - a été riche, s'est maintenu dans les hauteurs que
souhaitait M. de Villepin. Il n'a en rien été médiocre. Il a manisfesté
l'adhésion très majoritaire du Sénat à la construction européenne avec des
accents parfois vibrants, parfois plus réservés. Il soulève aussi des questions
de fond concernant le traité. Nous y reviendrons lors du débat sur la
ratification, mais je veux déjà répondre rapidement.
Je voudrais d'abord faire écho aux propos tenus par MM. Jacques Larché et
Pierre Fauchon, auxquels je souhaite manifester un triple accord.
Il est vrai que ce traité ne répond pas aux défis du temps présent, même sur
l'emploi et le social, mais, en même temps, vous savez comme moi, monsieur
Fauchon, que, sur quelques points, notamment l'emploi et le social, il y a des
avancées que nous ne devons pas refuser.
Vous avez expliqué avec éloquence que la méthode intergouvernementale ne
donnait pas des résultats suffisants dans le troisième pilier. C'est exact - et
j'y reviendrai à propos de l'intervention de M. Masson - et, en même temps,
c'est ce qui explique la communautarisation.
Vous avez expliqué également que la règle de l'unanimité était un facteur
d'inertie ou de marchandage et que la solution résidait davantage dans la
majorité qualifiée, que nous ne devions pas aborder à reculons ; là encore,
c'est tout à fait vrai.
Je voudrais confirmer l'esprit de l'engagement que vient de prendre Mme
Guigou. Je suis, au sein du Gouvernement, le ministre chargé de la procédure de
l'article 88-4 de la Constitution et je crois que ce qui a été dit par Mme
Guigou est tout à fait clair, sur l'esprit et sur ce que nous ferons, et que
c'est de nature à lever votre réserve.
La plupart des orateurs se sont exprimés avec des accents forts sur l'Europe.
Je n'ai pas besoin de répondre au discours de M. de Villepin tant j'en partage
la philosophie, même si l'on comprendra que les équilibres et les accents mis,
ici ou là, ne seront pas exactement les mêmes. Mais ce n'est qu'une question de
virgule.
J'irai droit au fait, monsieur de Villepin. Vous n'avez formulé qu'une demande
: que vous soit confirmé l'engagement du Gouvernement d'élaborer, en
concertation avec le Parlement, notamment le Sénat, un article 2 à la loi de
ratification permettant de confirmer ce que nous appelons le « préalable
institutionnel ».
Cette nécessaire réforme institutionnelle avant l'élargissement a été
soulignée sur plusieurs travées. Je l'ai dit dans mon intervention liminaire et
je le redis bien volontiers maintenant : c'est l'intention du Gouvernement et
ce point fera l'objet d'un débat dès le début de l'année 1999. Ce sera
l'occasion, effectivement, de marquer qu'il y a eu là une lacune fondamentale
que nous devons maintenant combler.
Ce discours européen, on l'a aussi trouvé dans la bouche de M. Hoeffel, qui a
appelé à l'ambition, à un souffle nouveau, car il est vrai en effet que ce
traité d'Amsterdam contient en l'état des propositions modestes, même si elles
constituent un progrès.
Je ne reviens pas sur tout ce que vous avez dit, monsieur de Villepin. Tout
comme vous, je crois qu'un contrôle renforcé est nécessaire pour la démocratie
européenne, un contrôle à la fois du Parlement européen et de notre Parlement
national.
Cet accent, on le trouve toujours chez M. de Montesquiou. Mais, en
l'occurrence, j'ai tout de même envie de mettre deux bémols ; il s'y attendait
sûrement.
Le premier concerne les propos que vous avez tenus, monsieur le sénateur, sur
le Gouvernement, qui ne se serait pas appliqué suffisamment à renégocier
certains points du traité et qui, de ce fait, se trouverait contraint. Je
résume là votre propos, qui se voulait quelque peu critique à l'égard de M.
Lionel Jospin.
C'est un peu facile ! Chacun se souvient en effet que le Gouvernement, après
une dissolution qui a été voulue par d'autres, a été formé le 4 ou le 5 juin,
alors même que le Conseil européen se tenait le 16 juin.
M. Michel Barnier le sait bien et il a lui-même souligné que ce traité avait
été négocié presque jusqu'au bout par le gouvernement auquel il appartenait.
Je ne suis pas certain d'ailleurs que le dernier jour de la négociation aurait
permis une mutation absolument fondamentale. Je pense que nous aurions toujours
dû respecter les mêmes équilibres. Mais j'y reviendrai un peu plus tard.
Le texte était pratiquement bouclé. Aurait-il été préférable que nous
refusions de conclure et que nous provoquions une crise européenne ? A
l'évidence, non ! Nous assumons donc le traité, ce qui, ma foi, n'est déjà pas
si mal, monsieur le sénateur !
Second bémol : vous avez dit, ce qui est plus préoccupant et mérite peut-être
une rectification sur le fond, que les chapitres sur le social et l'emploi
n'auraient aucun effet juridique. Je veux vous rassurer, cela n'est pas
exact.
Sur le volet social, notamment, nous avons un véritable processus itératif à
effet contraignant qui, petit à petit, fera des partenaires sociaux de
véritables colégislateurs dans l'Union européenne et qui débouchera sur des
directives. Je le dis avec force : pour nous, il ne s'agit pas seulement de
discours, de quelques mots ; il s'agit de quelque chose qui doit et qui va
embrayer sur une réalité. Ces deux bémols ne me conduisent pas à me démarquer
de vos propos.
Ma réponse aux discours de mes amis de la gauche plurielle sera brève.
Je veux tout d'abord, après Mme Elisabeth Guigou, manifester mon accord total
avec ce qui a été dit avec talent par M. Claude Estier et dire à M. Yvon Collin
que je crois, comme lui, à la souveraineté partagée, à l'émergence nécessaire
d'une politique étrangère et de sécurité commune.
M. Duffour a manifesté une position que nous connaissons. Ce qui fait la force
de la majorité plurielle, sur le thème européen, c'est que nous sommes d'accord
sur nos désaccords !
(Rires sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
Nous ne nous
surprenons pas, il n'y a ni tromperie ni révélation.
De ce point de vue-là, nous avons une philosophie commune, qui est de tenter
d'infléchir la construction européenne dans un sens plus favorable à l'emploi
et à la croissance, tout en conservant nos appréciations, qui sont différentes,
mais toujours cohérentes dans les votes, je l'ai noté à l'Assemblée
nationale.
Je ne vais pas vous répondre à ce stade, monsieur le sénateur. Tout à l'heure,
une motion de procédure me permettra peut-être de revenir à votre intervention.
Je vous informe cependant qu'il y a bien eu des avancées au Conseil européen de
Vienne, la semaine dernière, dans le sens que nous souhaitons ensemble : aller
vers plus d'emplois et de croissance en Europe.
Les lignes directrices pour l'emploi ont été renforcées. L'engagement
fondamental, à mon sens, a été pris d'aboutir à un pacte européen sur l'emploi
lors du prochain sommet de Cologne. Cette proposition importante émane d'abord
effectivement du Gouvernement français, puis du Président de la République, et
ensuite d'autres gouvernements socio-démocrates en Europe. Je n'associe pas,
pour ma part, le Président de la République à la social-démocratie,
contrairement au Chancelier Schroeder.
Monsieur Duffour, vous avez également demandé que les ministres viennent
devant le Parlement avant et après chaque Conseil des ministres et Conseil
européen. Il me semblait que c'était déjà largement le cas.
Pour ma part, je me rends chaque fois devant les délégations européennes,
devant la commission des affaires étrangères, mais rien n'empêche que d'autres
ministres viennent plus souvent parler de leurs dossiers européens devant les
commissions compétentes. Il est effectivement souhaitable que le Parlement soit
nourri de cette discussion européenne dans ses multiples dimensions.
M. Paul Loridant estime difficilement supportable, peut-être, en tout cas pas
souhaitable, que la Constitution doive être modifiée du fait des traités
européens successifs.
Nous sommes néanmoins - j'aurai aussi l'occasion de revenir sur ce point
ultérieurement, en réponse à la motion du groupe communiste républicain et
citoyen - dans un processus constitutionnel absolument légitime, même si les
formes ne sont pas exactement celles que vous souhaitez, monsieur Loridant, et
sont même substantiellement différentes.
Sortirons-nous, demandez-vous, de la parenthèse des traités d'Amsterdam et de
Maastricht ? Depuis 1983, je me méfie des parenthèses, et je crois que nous
sommes non pas tout à fait dans une parenthèse, mais dans un processus qui se
poursuit.
En même temps, nous voulons, comme vous, profiter du changement de majorité en
Europe. Certes, les élections n'ont pas lieu au même moment en Europe, en tout
cas aucune élection n'interviendra avant les élections européennes. Toutefois,
il y a bien des changements de majorité, c'est un fait politique. Je ne sais
pas s'il est entièrement positif pour tout le monde, mais il a été voulu par
les électeurs européens.
Par conséquent, nous voulons profiter de ce changement de majorité pour
rééquilibrer les choses.
Pour ma part, je regrette, monsieur le sénateur, que vous ne voyiez pas que le
traité d'Amsterdam, avec toutes ses lacunes, toutes ses imperfections, toutes
ses insuffisances - je ne les ai pas niées - permet de corriger le traité de
Maastricht sur l'emploi et sur le social.
Comme vous, je crois qu'il faut enfin « républicaniser » l'Europe. Cela
suppose que l'on mette en place des mécanismes démocratiques.
Je m'étendrai un peu plus sur l'intervention de M. Masson, puisqu'il a posé
des questions techniques importantes.
Il me pardonnera de ne pas répondre intégralement, car son intervention mérite
à elle seule un débat ; mais nous en avons déjà tenu devant le Sénat sur ce
sujet.
Il est vrai que le problème de l'Europe est avant tout le manque de
visibilité, de lisibilité, le fonctionnement opaque des comités de
fonctionnaires - nous le vivons quotidiennement - et l'absence d'autorité
politique responsable.
Il faudrait d'ailleurs que nous ayons un échange sur les conséquences
politiques que vous en tirez. Elles ne sont pas totalement étrangères à la
logique qui nous réunit aujourd'hui : la « communautarisation ».
Vous avez souligné, monsieur le sénateur, l'émergence à Bruxelles d'un débat
sur ce que vous appelez le « partage du fardeau » et vous vous êtes interrogé
sur la raison pour laquelle nous aurions modifié la loi sur l'immigration,
rendant notre législation plus laxiste qu'en Allemagne ou au Benelux, alors que
nous allons devoir maintenant combler la brèche pour aller vers Amsterdam.
Ce n'est pas mon sentiment, vous le comprenez : le droit d'asile en Allemagne
est, j'en suis persuadé, bien plus généreux que le nôtre. La loi Chevènement
tend précisément à augmenter les contrôles et à assurer une meilleure maîtrise
de l'immigration, dans le respect des libertés. La devise d'Amsterdam -
sécurité, liberté, justice - convient parfaitement, à mon sens, à cette loi
républicaine.
Par ailleurs, vous avez fait l'éloge, et je le partage, de la coopération
Schengen, que vous avez appelée la coopération à treize. Ce n'est, en effet, en
rien un échec.
Puisque je suis, pour le moment, en attendant l'intégration de la convention
de Schengen dans le traité, le ministre qui siège au comité Schengen, je peux
vous dire que cela fonctionne bien, parfois très bien, mais que, à mon sens,
cela irait beaucoup mieux - j'y reviendrai - avec la règle de la majorité
qualifiée.
L'idée est d'intégrer la convention de Schengen dans le traité. Je vais vous
dire où nous en sommes, encore que vous le sachiez probablement aussi bien que
moi, sinon mieux.
M. Paul Masson.
J'ai cherché !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Cette intégration répond à la nécessité de renforcer
dans l'ensemble de l'Union européenne les exigences relatives à la sécurité des
citoyens dont la reprise s'imposera désormais à tout nouvel adhérent au même
titre que les autres dispositions qui constituent l'acquis de l'Union
européenne.
Par souci de cohérence, la France a décidé que cette intégration ne se fasse
pas, comme l'auraient souhaité certains de nos partenaires, par intégration
pure et simple dans le pilier communautaire. Nous avons pris en compte, sur ce
point, vos préoccupations.
Cela veut dire que toutes les dispositions de la convention, article par
article, et tout le droit dérivé, en d'autres termes, les décisions du comité
exécutif, ont été recensés avant d'être ventilés entre le pilier communautaire
et le troisième pilier pour tout ce qui touche aux visas, au droit d'asile et à
l'immigration et pour tout ce qui relève de la coopération policière et
judiciaire pénale.
Ce travail est en voie d'achèvement. Aucune disposition n'a été laissée de
côté. Les décisions relatives à la ventilation - j'insiste sur ce point - ne
peuvent être prises qu'à l'unanimité. En cas d'absence d'accord, le protocole
prévoit que la base juridique demeure celle du troisième pilier.
La règle de l'unanimité demeure également s'agissant de la décision de lever
les contrôles aux frontières pour tout nouvel Etat membre.
Enfin, l'existence de la clause de sauvegarde - j'en reparlerai dans un
instant - n'est pas remise en cause. Nous y avons veillé à Amsterdam.
Un seul point est encore en discussion. C'est l'article 96 relatif au système
d'information Schengen, le SIS.
Je ne vous cacherai pas que, sur ce point, trois questions se posent.
S'agissant de la base juridique, la France et l'Espagne demandent une base
troisième pilier et les autres partenaires une base mixte, premier et troisième
piliers. Si nous n'arrivons pas à trouver un accord, la base retenue sera, par
défaut, la base troisième pilier jusqu'à l'an 2000, date à laquelle il faudra
changer le SIS.
Pour ce qui concerne la clause de sauvegarde, vous demandez uneréponse
précise.
Je vais vous la donner en citant le protocole sur Schengen annexé au traité
d'Amsterdam et qui est très clair : la Cour de justice des Communautés excerce
les compétences qui lui sont conférées par le traité. En tout état de cause,
elle n'est pas compétente pour statuer sur les mesures relatives au maintien de
l'ordre public et de la sécurité intérieure, ce qui pourrait d'ailleurs poser
un problème.
Enfin, je terminerai cette réponse - mais vos remarques mériteraient un plus
long débat - en faisant écho à votre proposition. Je crois, comme vous, que
l'association du Parlement à la décision sur la ventilation de l'acquis de
Schengen, au titre de l'article 88-4 et par anticipation, serait une bonne
chose.
J'en suis d'accord, et je suis même prêt à venir devant la délégation
européenne ou la commission, pour une audition spéciale sur la ventilation de
l'acquis de Schengen qui me permettrait de répondre intégralement aux questions
que vous vous posez, monsieur le sénateur, comme, je le sais, bon nombre de vos
collègues.
M. Paul Masson.
Avant la ratification ?
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Bien sûr ! Il faudra arrêter une date aussitôt que nous
aurons toutes les données sur ce point. Mais je vous donne une réponse tout à
fait positive par rapport à la demande que vous avez exprimée.
Je répondrai maintenant à M. Michel Barnier, qui est intervenu à la fois en
tant que président de la délégation de l'Union européenne, en tant qu'ancien
ministre et, dans une partie plus politique, en tant que membre de son
parti.
Vous avez dit, monsieur Barnier, que la démarche du Gouvernement apparaissait
depuis des mois comme ployant sous la contrainte. Est-ce bien raisonnable de
parler ainsi ?
Je vous rappellerai tout simplement que nous avons « trouvé » le traité
d'Amsterdam dans « la corbeille de mariage » puisqu'il était presque
intégralement négocié et pour reprendre une expression qui a été employée. Je
ne sais pas si c'est un mariage que nous avons conclu...
M. Charles Pasqua.
Un PACS !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Pas exactement non plus, puisque le PACS suppose un
contrat. Bref, c'est le peuple qui a décidé et, en tout cas, nous l'avons
trouvé là, ce traité.
Nous ne l'avons pas négocié. Je ne sais pas ce que nous aurions fait.
L'aurait-on conclu dans ces conditions ?...
Ma foi, je trouve que, compte tenu de ces circonstances, nous l'assumons
plutôt bien ! J'ai dit moi-même, après l'avoir d'autant mieux analysé que nous
ne l'avions pas négocié, que je considérais qu'il comportait des avancées
positives et j'ai appelé à le voter sans aucune réticence, sans aucun état
d'âme.
J'observe d'ailleurs que les états d'âme ne se font pas essentiellement jour
dans le principal parti de la majorité. D'autres ont mis peut-être un peu plus
de temps à se déterminer, et certaines de vos critiques sur ce traité que vous
connaissez bien, très bien même pour avoir aidé à l'enfanter, m'étonnent
parfois.
J'ajoute que tout cela se fait depuis des mois en parfaite harmonie avec le
Président de la République, mais je veux confirmer devant vous qu'il y aura
bien une communication gouvernementale sur le traité d'Amsterdam. La moindre
des choses était quand même d'attendre que les deux assemblées se soient
engagées suffisamment dans le processus de ratification. Nous le ferons dès le
mois de janvier.
Je ne sais pas si vous êtes vraiment favorable à une clause d'habilitation
autorisant, dans la Constitution, tous les transferts de compétences pour
l'avenir. J'ai cru le comprendre. Est-ce une position unanimement partagée ?
Robert Badinter a justement souligné que, si l'on procédait ainsi, cela
nécessiterait, pour le coup, un très vaste débat, peut-être un référendum.
M. Michel Barnier.
Je l'ai dit aussi !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Nous n'en sommes pas là, mais cela me paraît un propos
frappé au coin du bon sens.
Sur la négociation elle-même, j'ai deux ou trois remarques à formuler, puisque
vous l'avez évoquée.
S'agissant de l'intégration du protocole social, il me semble qu'elle doit
beaucoup à M. Tony Blair, à son nouveau gouvernement, et peu au gouvernement
français.
On m'a dit qu'on pourrait faire une remarque assez comparable sur l'emploi.
Encore une fois, je me suis laissé raconter que, pendant très longtemps, les
représentants français à la CIG n'ont pas été très chauds sur l'introduction
d'un chapitre emploi dans le traité.
En revanche, je veux saluer les progrès qui ont été accomplis sur le troisième
pilier. Le gouvernement auquel vous avez appartenu a fortement poussé, et je ne
crois pas qu'il ait été demandé par ce gouvernement une clause de ratification,
par les parlements nationaux, de la décision de passer à la majorité qualifiée
dans cinq ans.
J'en viens à la seconde partie de votre intervention, laquelle était de nature
plus politique.
Je voudrais souligner non pas quelque étrangeté, mais peut-être quelque
contradiction, dont M. Robert Badinter a fait litière avec un brio que je ne
saurais égaler.
M. Charles Pasqua.
Essayez !
(Sourires.)
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Je vais donc me contenter de le citer.
Effectivement, c'est un contresens de penser qu'en revenant à un contrôle très
étroit des parlements nationaux on ferait avancer la construction européenne ou
l'on renforcerait la démocratie européenne. Comme M. Robert Badinter, je pense
exactement le contraire : c'est au niveau européen qu'il est nécessaire de
trouver des solutions au déficit démocratique. Ce serait un retour en arrière
que de faire autrement.
Je partage, une fois encore, l'avis de M. Robert Badinter selon lequel le
traité lui-même exclut une nouvelle ratification dans cinq ans. Cela me paraît
clair ! Vous, vous pariez qu'il y aura un vote au Parlement dans cinq ans. Oui,
il y en aura un, et j'ajoute, comme l'a dit Mme Elisabeth Guigou, hier, que ce
sera même un vote très important. S'il s'agissait d'une résolution, comment
imaginer qu'en cas de résultat négatif le Gouvernement de l'époque, quel qu'il
soit, ne s'y conformerait pas ? Ce serait fondamental de le faire.
S'agira-t-il d'une loi d'habilitation ? Ce serait une fort mauvaise chose,
mais ce sera à la sagesse des assemblées d'en décider. Quoi qu'il en soit, ce
qui sera décidé par le Parlement, à l'occasion de ce débat, sera ce qui
existera dans cinq ans. Pour ma part, je crois - je l'espère - que ce sera une
résolution, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution.
S'agissant de la veille constitutionnelle, M. Badinter en a parlé de façon
lumineuse et d'expérience en rappelant que le Conseil constitutionnel n'était
jamais consulté sur des projets. Il l'est sur des textes votés. Ce serait donc
une bizarrerie juridique de le consulter sur des projets.
Je veux, comme vous, monsieur Barnier, terminer mon propos en souhaitant
effectivement aller plus loin dans la construction d'une identité politique
européenne ; c'est là une nécessité.
Nous avons devant nous un défi formidable à relever, celui de l'élargissement.
En effet, en élargissant l'Europe, nous allons bâtir une autre Europe, qui
n'aura plus exactement la même nature que la nôtre et c'est pourquoi il fait
effectivement réformer les institutions dans un sens efficace. Je pense
d'ailleurs que, sur ce point-là, les pistes ont été bien identifiées, parmi
lesquelles, je le répète, l'extension du vote à la majorité qualifiée. Certes,
il faudra sans doute aller plus loin dans la recherche d'institutions légitimes
et d'une citoyenneté plus proche.
Vous avez également fait allusion à la réforme du mode de scrutin. Vous savez
que, comme vous - et là, je vous emboîte le pas - j'y suis favorable. Vous
savez, en outre, que le Gouvernement a proposé un projet de loi qui a été
adopté en conseil des ministres, et nous connaissons tous les conditions dans
lesquelles il n'a pas été donné suite. Il est vrai qu'il y a eu des débats au
sein de la majorité. Mais si nous avions sentit, sur d'autres bancs, un soutien
plus ferme, nous n'aurions pas raté cette occasion pour la démocratie !
M. Josselin de Rohan.
Vous avez besoin de nous, maintenant !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
L'Europe a besoin de toutes les énergies, monsieur de
Rohan !
En conclusion, cette révision est dictée par la nécessité eu égard à la
décision du Conseil constitutionnel, mais nous ne devons pas en rajouter. Nous
devons en rester à la sagesse de la commission des lois, car le véritable enjeu
est de réviser aujourd'hui la Constitution d'une manière induite par le traité
lui-même pour, ensuite, mieux ratifier ce traité, et aucune voix,
effectivement, ne doit manquer !
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
Exception d'irrecevabilité
M. le président.
Je suis saisi, par M. Pasqua, d'une motion n° 1 tendant à opposer l'exception
d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare
irrecevable le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée
nationale, modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution. »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative
ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour
quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie
au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée
n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
Mes chers collègues, en tout état de cause, je précise que nous suspendrons
nos travaux à douze heures cinquante-cinq.
La parole est à M. Pasqua, auteur de la motion.
M. Charles Pasqua.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues,
le projet de révision qui nous est présenté par le Gouvernement a pour objet de
permettre la ratification du traité d'Amsterdam. Je monte donc aujourd'hui à
cette tribune, à titre personnel, pour défendre les principes fondamentaux de
notre Constitution, parce que, à mes yeux, le traité d'Amsterdam aurait pour
conséquence de les rendre obsolètes.
L'Assemblée nationale, en première lecture, a voté ce texte sans s'émouvoir
outre mesure, la situation politique du moment exigeant qu'elle le fasse.
Le Sénat, surtout quand il exerce son pouvoir constituant - une anomalie aux
yeux de certains peut-être - est là précisément pour prendre la mesure des
choses à l'aune de considérations moins directement inspirées par les
contingences politiques du jour.
Le projet de loi constitutionnelle qui nous est présenté tend en effet à
rendre possible la ratification du traité d'Amsterdam, puisque le Conseil
constitutionnel, dans sa décision du 31 décembre 1997, a exigé cette révision.
Selon lui, en effet, le traité d'Amsterdam « porte atteinte aux conditions
essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ». C'est donc à cette
décision que nous devons d'être réunis ce jour en formation constituante.
Or votre projet de révision, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre,
ne répond en rien à la décision du Conseil constitutionnel, que chacun s'était
cependant accordé à trouver fort modéré dans son jugement, modéré mais précis :
le Conseil a jugé que le traité d'Amsterdam était contraire à notre
Constitution au motif qu'il organise dans les cinq ans qui viennent un
transfert définitif de la souveraineté nationale, transfert qui ne nécessitera
le moment venu « aucun acte de ratification ou d'approbation nationale et ne
pourra faire l'objet d'aucun contrôle de constitutionnalité ».
Le Conseil relève en effet que la décision sera prise par le Conseil européen,
qui ne détient pas la souveraineté nationale et qui statuera « sur proposition
de la seule Commission, à laquelle le traité d'Amsterdam confère le monopole de
l'initiative en la matière ».
Je ne vois donc pas en quoi votre projet de loi répond à la décision du
Conseil consitutionnel, et comment il annulerait le motif
d'inconstitutionnalité que celui-ci a mis en exergue.
Le Conseil parle de « souveraineté nationale », c'est-à-dire du titre Ier de
notre loi fondamentale.
Vous répondez « compétences », mot qu'ignore notre Constitution. Le Président
de la République, le Gouvernement, le Parlement n'ont pas de « compétences »,
monsieur le ministre, madame, ils ont des pouvoirs.
La compétence est du ressort de l'administration ou des tribunaux. La
souveraineté est l'apanage du peuple.
Ce que vous nous proposez, c'est l'autorisation de transférer quelque chose
qui n'existe pas dans notre Constitution, des compétences, alors que le Conseil
constitutionnel vous a demandé expressément, impérativement, puisque ses
décisions s'imposent à vous, soit de renoncer au traité d'Amsterdam, soit de
faire en sorte que le transfert de souveraineté que vous projetez se fasse
selon les « modalités » prévues par notre Constitution et non selon celles qui
sont organisées par le traité.
Citons la décision du Conseil constitutionnel : « Considérant qu'un tel
passage de la règle de l'unanimité à celle de la majorité qualifiée et à la
procédure de "codécision" ne nécessitera, le moment venu, aucun acte de
ratification ou d'approbation nationale, et ne pourra ainsi pas faire l'objet
d'un contrôle de constitutionnalité sur le fondement de l'article 54 ou de
l'article 61, alinéa 2, de la Constitution.
« Considérant qu'il suit de là que doivent être déclarées contraires à la
Constitution les dispositions du deuxième paragraphe de l'article 67 du traité
».
Plus simplement exprimé, le Conseil constitutionnel nous dit que le
représentant de la France au Conseil européen qui decidera du passage à la
majorité qualifiée - fût-ce le chef de l'Etat ou celui du Gouvernement -
décision qui rendra le transfert définitif, n'est pas habilité pour ce faire
selon nos règles constitutionnelles. Il n'est pas dépositaire de la
souveraineté nationale. S'il peut dire « non », il ne peut pas dire « oui ».
Nous touchons là, mes chers collègues, à l'essentiel. Dans sa décision, le
Conseil constitutionnel nous oblige en fait à décider du rang respectif de
notre Constitution et de celui des traités européens.
En censurant le traité, pour les motifs qu'il indique, le Conseil
constitutionnel nous dit : « Transférez dans les cinq ans la souveraineté
nationale, si vous le voulez, mais faites-le selon nos règles
constitutionnelles. » C'est tout le sens, d'ailleurs, de l'amendement présenté
par mes amis du RPR. Le Conseil constitutionnel demande ainsi au pouvoir
constituant de confirmer la primauté de notre Constitution, et tente par là
même de préserver l'avenir, autant que faire se peut.
Le Gouvernement, quant à lui, nous propose de nous en remettre au traité, lui
conférant ainsi la prééminence sur notre Constitution. Le Conseil
constitutionnel nous a demandé de réaffirmer la validité des articles 2 et 3 de
notre Constitution, qui traitent de la souveraineté nationale, ainsi que celle
des articles 54 et 61, qui traitent de la constitutionnalité des accords
internationaux et des lois.
Votre projet nous commande, au mépris de la décision du Conseil
constitutionnel, d'y substituer les articles 67 et 251 du traité
d'Amsterdam.
Voilà pourquoi j'ai décidé de déposer cette motion d'irrecevabilité
constitutionnelle. Votre projet ne respecte en rien les décisions du Conseil
constitutionnel. Il les contredit. En cela, vous méprisez l'article 62 de la
Constitution, qui dispose que les décisions du Conseil constitutionnel
s'imposent aux pouvoirs publics.
Le pouvoir constituant a, certes, le droit de passer outre les décisions du
Conseil constitutionnel, mais il se doit de corriger les motifs
d'inconstitutionnalité, et non de les ignorer, voire de les ridiculiser.
Pis : alors que le Conseil constitutionnel a demandé au pouvoir constituant de
trancher de qui l'emporte, à la fin, du droit communautaire ou de la loi
fondamentale, en fait, vous lui donnez tort. Au fond, il attend du pouvoir
constituant - ce que nous sommes à part entière, mes chers collègues, au moins
pendant la première phase de la procédure de révision - des armes pour la
suite. En effet, le Conseil constitutionnel sait qu'il existe une autorité
concurrente, la Cour de Luxembourg, qui entend bien asseoir définitivement sa
suprématie sur l'ensemble de l'ordre juridique européen.
Ces armes, vous les lui refusez. Vous accordez, en matière de souveraineté
nationale, la primauté au traité sur la Constitution, à la Cour de Luxembourg
sur celle du Palais-Royal.
Si l'on vous suivait, c'est donc le pouvoir constituant qui aurait rendu les
armes que le Conseil constitutionnel lui avait demandé de garantir.
Car la Cour de justice des Communautés européennes - j'imagine que vous le
savez, madame, monsieur les ministres - a posé depuis fort longtemps le
principe de la primauté du droit communautaire, il conviendrait de dire : sa
primauté absolue. Exposée, dès 1964, dans la célèbre affaire Costa contre Enel,
cette primauté absolue fut théorisée, le 17 décembre 1970, dans l'arrêt
international Handelsgesellschaft, dont voici la lecture : « L'invocation d'une
atteinte aux droits fondamentaux ou aux principes d'une structure
constitutionnelle nationale ne saurait affecter la validité d'un acte de la
Communauté et son effet sur le territoire d'un Etat membre. »
On sait que la Cour de cassation et le Conseil d'Etat ont entériné ce
principe, respectivement en 1975 et en 1989, subordonnant notre droit national
au droit communautaire aussi bien en matière judiciaire qu'en matière
administrative. On sait en revanche que, jusqu'ici, le Conseil constitutionnel
a refusé de déclarer
ipso facto
inconstitutionnelle une loi contraire au
droit communautaire. On sait enfin que le protocole n° 7 annexé au traité
d'Amsterdam dispose que « l'application du principe de subsidiarité ne porte
pas atteinte aux principes mis au point en ce qui concerne la relation entre le
droit national et le droit communautaire. »
En clair, le traité d'Amsterdam avalise la jurisprudence de la Cour de
justice, renverse le principe de subsidiarité au profit des institutions
européennes, subordonne la constitutionnalité des lois à leur conformité aux
traités et érige une Cour suprême pour en décider en dernier ressort. C'est
bien tout cela que le Conseil constitutionnel nous demande d'enrayer.
Il nous soufflait de maintenir les principes de la souveraineté nationale, à
défaut d'en conserver l'exercice, vous vous y êtes refusés ! Il vous suggérait,
à tout le moins, de ne pas le démunir de sa « compétence ». Si l'on vous suit,
la France n'a plus de Constitution.
Mes chers collègues, dans quelques jours, nous allons perdre notre monnaie, et
l'on voit bien, au fur et à mesure que l'on se rapproche de l'échéance, combien
la question monétaire décide en fait de la question économique et sociale et,
partant, de l'ensemble des politiques qu'un Etat peut conduire. Une seule
monnaie, c'est une seule politique. Déjà, le Parlement n'est pas invité à
débattre du pacte de stabilité, qui corsette cependant la loi de finances,
l'acte parlementaire par excellence.
Avec le traité d'Amsterdam, nous allons beaucoup plus loin, même si l'objectif
est encore soigneusement camouflé. De même que le traité de Maastricht appelait
le pacte de stabilité - on voit mal ceux-ci dépenser allégrement ce dont
ceux-là se privent - de même le traité d'Amsterdam appelle un ordre juridique
unique, car on n'imagine pas qu'à un seul territoire ne s'applique pas une
seule loi, à moins de vouloir que, dans une sorte de
dumping
juridique,
il n'apparaisse rapidement des paradis pénaux après les paradis fiscaux et
sociaux.
On peut souhaiter une telle évolution. Mais il faut savoir qu'il y va de
l'ensemble de nos principes constitutionnels et de nos libertés publiques. Les
valeurs de la République, auxquelles nous nous référons d'autant plus souvent
que nous les abandonnons une par une, ne sont pas partagées dans la plupart des
pays européens, beaucoup plus soucieux de droits individuels que de devoirs
collectifs.
Notre Constitution, qui reprend les grands principes de la République et les
assoit sur une souveraineté nationale appartenant au peuple, est, bien
davantage que le Sénat, une anomalie en Europe.
La laïcité, à laquelle faisait allusion tout à l'heure notre collègue
Loridant, est une exception française. Le droit des peuples, c'est-à-dire des
nations, vaut à la France une vocation universelle dont on voit bien
l'actualité chaque fois que notre pays y est fidèle. Pour tout dire, la France
est bien souvent mieux comprise dans le monde qu'en Europe !
De tout cela, notre Constitution est porteuse et, même si nos compatriotes la
révèrent un peu moins que les Américains la leur, ils savent, depuis que le
général de Gaulle la leur a fait adopter, puis modifier directement, qu'elle
est le fondement de notre vie nationale, le bail qui lie indissolublement la
France et les Français.
Changement de propriétaire ! nous rétorquez-vous, monsieur le ministre. Avec
Maastricht, nous avions déjà confié les parties communes à un syndic tout
puissant. Avec Amsterdam, voilà que nous reconnaissons son empire sur notre
façon de vivre à l'intérieur de chez nous, de recevoir qui nous voulons,
d'accueillir qui nous convient, de décider comment choisir nos représentants,
consentir à l'impôt, assurer la liberté, l'égalité et la fraternité.
Au nom de quoi est-on venu nous proposer de passer la République française au
compte de pertes et profits de l'Union européenne ?
Au nom de quoi est-on venu nous proposer d'en finir avec la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen ? Je parle de celle de 1789, la seule qui
figure dans notre Constitution, et qui dispose : « Le principe de toute
souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne
peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément » ?
Au nom de quoi, au nom de qui la justice que vous nous proposez de transposer
à l'échelle européenne sera-t-elle rendue ? Je vous rappelle que c'était
jusqu'ici au nom du peuple français !
La finance, la technique, l'information se moquent des frontières, mais pas
les hommes. C'est le philosophe Alain Finkielkraut qui le dit : « Un monde sans
frontières est un monde inhumain ». L'utopie, l'idéologie, les religions
ignorent les nations, quand elles ne veulent pas les réduire. Il en est de même
des droits de l'homme qui sont universels. Les droits de l'homme, oui, mais pas
ceux du citoyen ! La démocratie est insoluble dans la supranationalité et tout
« meilleur des mondes » finit dans le despotisme.
Voilà, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues,
pourquoi j'ai voulu m'exprimer devant vous aujourd'hui. Vous savez que je
souhaite que ce texte soit soumis directement aux Français, conformément à
l'article 89 de notre Constitution. Je crois vous avoir démontré à quel point
le traité d'Amsterdam, et donc cette révision constitutionnelle qui l'autorise,
allait rapidement bouleverser les conditions mêmes de la légitimité
républicaine et la réalité de notre démocratie, de la même façon que l'euro va
profondément modifier notre vie économique et sociale.
Je crois que la Haute Assemblée, quoi qu'elle en pense sur le fond, mériterait
bien de notre République si elle permettait, en votant la motion que j'ai
l'honneur de lui présenter, que l'ensemble de nos pouvoirs publics prennent
davantage le temps de la réflexion avant de ratifier ce traité ou qu'ils
décident, ainsi que notre Constitution les y invite, d'associer le peuple
français à une aussi lourde décision.
(Applaudissements sur certaines
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Badinter, contre la motion.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes
chers collègues, il va de soi que c'est avec un intérêt particulier que j'ai
écouté les explications savantes de notre éminent collègues M. Pasqua. Je
m'attendais à un autre discours, mais j'ai entendu avec intérêt celui-ci.
Je dois cependant lui rappeler quelques principes et considérations que, dans
sa démonstration, il me paraît avoir quelque peu perdus de vue.
J'aurais pu aisément opposer à son exception d'irrecevabilité l'irrecevabilité
de son exception.
(Sourires.)
Je n'ai pas besoin de rappeler que l'article 44, alinéa 2, du règlement du
Sénat dispose que l'exception d'irrecevabilité à pour objet de faire
reconnaître que le texte en discussion est contraire à une disposition
constitutionnelle.
Je n'ai pas besoin de rappeler non plus que nous ne sommes pas dans le cadre
d'une discussion de portée législative : nous traitons de révision
constitutionnelle et, par définition, vous le savez, le Parlement a toute
maîtrise du champ pour la simple raison qu'il ne peut y avoir de révision
inconstitutionnelle de la Constitution. Pour que ce puisse être le cas, il
faudrait qu'il existe, dans notre Constitution, un élément de
supraconstitutionnalité ; or, nous n'en avons pas. Il n'existe pas, dans notre
Constitution, de principe qui soit intangible, à l'exception d'un seul, chacun
le sait : la forme républicaine du Gouvernement.
Comme cette dernière est hors de question, y compris dans les avancées
évoquées, votre exception d'irrecevabilité, mon cher collègue, est
manifestement irrecevable.
Je pourrais m'en tenir là, mais je m'en voudrais de laisser mes collègues sur
l'impression que vous avez voulu leur faire.
Je vous dirai très franchement que j'ai eu un moment de ravissement - pas
d'étonnement, je dis bien de ravissement. Vous entendre chanter les louanges de
la jurisprudence du Conseil constitutionnel a été, en effet, pour moi, ancien
président de cette institution pour laquelle j'ai conservé, je l'avoue, une
dilection particulière, quelques années après 1993, un moment de particulier
plaisir.
M. Charles Pasqua.
Il ne faut pas bouder son plaisir !
M. Robert Badinter.
Enfin, chacun le sait, il est bon d'entendre le pécheur repenti chanter dans
la maison du Seigneur les louanges de ce qu'il avait voulu détruire jadis.
C'est le fils prodigue qui revient, et nous l'accueillons avec plaisir !
(Sourires.)
Prenant en compte votre fidélité au Conseil constitutionnel, je vais vous
rappeler avec joie une décision qui remonte à 1992, très exactement au 5 avril
1992, et je renvoie, pour les amateurs de droit, aux commentaires du professeur
Bon rappelant que cette décision constitue la décision de principe en matière
de construction européenne.
Dans cette décision Maastricht 1, que nous connaissons tous, mais ce n'est pas
pour autant qu'il ne faut pas la citer, le Conseil constitutionnel a considéré
que : « Si des engagements internationaux contiennent une clause contraire à la
Constitution ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la
souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision
constitutionnelle. »
C'est très exactement ce que nous faisons. Il n'y a là aucune atteinte
d'aucune sorte aux modalités constitutionnelles.
Lorsque l'on examine un traité, le Conseil constitutionnel détermine si l'on
se trouve en présence de dispositions qui contredisent nos dispositions
constitutionnelles. Dans ce cas, une fois rendue la décision
d'inconstitutionnalité, l'alternative est simple - elle est ouverte aux
représentants du souverain, au souverain lui-même si on passe par la voie du
référendum - à savoir : ou l'on révise la Constitution, et, dans ce cas, le
motif d'inconstitutionnalité disparaît, ou l'on doit renoncer à la ratification
du traité.
Par conséquent, lorsque le Conseil constitutionnel, dans la décision dont nous
faisons le coeur de notre débat, a énoncé les motifs d'inconstitutionnalité, il
a du même coup invité le Parlement, s'il entendait ratifier le traité
d'Amsterdam, à procéder à la révision constitutionnelle. Point n'était besoin à
cet égard de dresser devant la Haute Assemblée des fantasmes d'une atteinte aux
principes fondamentaux de la République. Je l'ai dit hier même, il n'y a pas de
décision qui fût plus prévisible dans ses motifs et dans son dispositif que
celle qui a été rendue le 31 décembre 1997.
Vraiment, tous ceux qui connaissaient la jurisprudence du Conseil
constitutionnel et sa grille de lecture savaient que, puisqu'il avait souligné
que le passage de l'unanimité à la majorité qualifiée était de nature à
entraîner une atteinte éventuelle aux conditions d'exercice ... il y avait lieu
de réviser la Constitution.
Cela avait été fait en ce qui concerne le premier pilier - je vous renvoie à
cet égard au texte de révision constitutionnelle qui a été voté en 1992.
Le projet qui nous est soumis aujourd'hui est exactement calqué sur le texte
de révision constitutionnelle de 1992. Simplement, au lieu que ce soit le
premier pilier qui est visé, c'est le troisième.
Il s'agit donc, véritablement, de la plus modeste révision constitutionnelle
qui se puisse concevoir.
A partir de là, comment peut-on évoquer, comme on l'a fait, la dualité des
ordres juridiques ?
Mais nous le savons bien que nous sommes dans une situation de complexité
extrême ! Ce n'est pas une découverte pour les juristes. Aujourd'hui, il
existe, d'un côté, un ordre que l'on appelle communautaire, avec la primauté du
traité sur la loi impliquant que l'on doit apprécier si on ne méconnaît pas,
d'aventure, les dispositions du traité en droit interne. Mais c'est là la
mission de la Cour de justice des Communautés européennes en tant que véritable
Cour « constitutionnelle » de notre ensemble européen.
Et puis, il y a, de l'autre côté, l'ordre constitutionnel national, avec le
Conseil constitutionnel français, comme il existe le tribunal constitutionnel
de Karlsruhe ou la cour constitutionnelle italienne, dont la mission est tout à
fait différente, puisqu'il s'agit de l'appréciation des textes au regard de
notre Constitution. C'est ce qu'a fait le Conseil ici s'agissant du traité
d'Amsterdam.
Je vais à cet égard apaiser vos inquiétudes concernant la primauté du traité
sur la Constitution, en rappelant le simple fait que le Conseil constitutionnel
- vous l'avez d'ailleurs souligné, ce dont je vous sais gré - n'a jamais
accepté - je dis bien « jamais » - l'idée que la Constitution soit une norme
juridique de valeur inférieure au traité. Considérant le traité, le Conseil
constitutionnel a déclaré que nous nous trouvions en présence de dispositions
qui, sur quelques points, appelaient une révision constitutionnelle pour être
conformes à notre ordre constitutionnel.
Qu'est-ce que cela veut dire, sinon qu'il exige que les traités conclus,
signés et ratifiés par la France soient conformes à la Constitution ? Et, s'il
le faut, on révise la Constitution.
Par conséquent, soyons rassurés : la primauté de notre ordre constitutionnel
est parfaitement respectée dans cette affaire. Mais j'abandonne ce terrain pour
en revenir au simple objet de ce débat.
Mes chers collègues, de quoi s'agit-il ? De quoi débattons-nous, sinon
simplement des conséquences du passage de la règle de l'unanimité à la règle de
la majorité qualifiée et aux procédures de codécision ? Certes, des inquiétudes
se font jour ici et là, mais réfléchissons. La règle de l'unanimité serait,
dit-on, plus protectrice. Qui pourrait sérieusement le croire eu égard à la
manière dont fonctionne l'Union européenne ?
Je ne peux pas m'empêcher de rappeler une anecdote bien connue, un moment
historique de la vie des Etats-Unis. Le président Lincoln, au terme d'une
réunion de son cabinet, soit six membres, fait voter sur une question en débat.
Le résultat du vote ? Six voix pour, une voix contre, celle du président des
Etats-Unis. Eh bien, évidemment, c'est le « contre » qui l'a emporté ! Il en
est de même avec la règle de l'unanimité aujourd'hui en vigueur. En effet, il
suffit qu'un seul des Quinze vote « contre », et c'est le « contre » qui
l'emporte ! Si vous considérez que c'est ainsi que nous faisons le mieux
entendre notre voix, il me suffit simplement de remarquer que, en retour,
n'importe lequel des autres Etats qui n'a pas la même vision que la nôtre peut
nous imposer sa loi.
La règle de la majorité, au contraire, permet à la France de mieux mettre en
oeuvre les axes essentiels de sa politique. Ne l'oublions jamais, en effet, et
essayons d'être fidèles à ce passé, dans l'histoire de la construction
européenne, si nous avons conservé jusqu'à aujourd'hui une autorité réelle -
les membres du Gouvernement ici présent le savent à plus d'un titre - c'est
bien parce que nous avons toujours été à l'avant-garde de cette
construction.
Et si aujourd'hui la construction européenne semble quelque peu incertaine,
c'est peut-être que nous aussi sommes devenus incertains, nous et notre
principal allié.
Le moment est venu de mesurer que lorsque, au cours de négociations, la voix
de la France se fait entendre dans le cadre d'une majorité qualifiée, cela
permet plus aisément d'aller de l'avant. Réfléchissez à ce que serait la règle
de l'unanimité, demain, dans une construction européenne étendue à vingt ou
vingt-cinq Etats membres ! Là-dessus, monsieur de Villepin, monsieur Hoeffel,
vous avez fait preuve de toute la clarté nécessaire.
Non ! la vérité, elle est là : nous devons aller plus vite, plus loin, dans la
construction européenne. A cet égard, c'est à nous, Français, qu'il appartient
d'ouvrir la voie, pas celle de la conservation d'une unité frileuse, mais
celle, au contraire, des avancées qui permettent la souplesse, la voie du
progrès, avec la libération des pesanteurs qui entravent encore la marche de
l'Union.
Soyons clair, l'actualité d'aujourd'hui suffit à le montrer, et voilà quelques
jours de cela, évoquant la situation réelle de notre monde, je le relevais :
nous sommes au temps de la mondialisation, au temps où aucun problème ne peut
être résolu dans le cadre national. Quelle que soit la grandeur d'un pays, il
ne peut peser que ce qu'il est à l'aune mondiale. Qu'il s'agisse de
l'environnement, de la santé, des migrations de populations ou des tempêtes
financières, monétaires ou économiques, les pays de la vieille Europe ne
pèseront pas lourd s'ils ne s'inscrivent pas dans une dimension commune et
s'ils ne parlent pas d'une même voix.
Mes chers collègues, nous serons européens ou nous ne compterons plus. Nous
serons européens ou une seule puissance fera désormais entendre sa voix, sa
force, sa culture et les moyens qui sont les siens.
Telle est la vérité qui est devant nous et que nous ne devons jamais perdre de
vue.
Monsieur Pasqua, nos chemins n'ont pas toujours été identiques, c'est vrai,
mais je vous sais comme moi républicain et patriote. Nous avons un point commun
supplémentaire : à quelques mois près, nous avons le même âge, et, regardant
derrière nous, nous pouvons faire - l'exercice n'est pas toujours plaisant -
une sorte de retour sur le passé. Des cinquante ans écoulés depuis que nous
avons atteint l'âge d'homme, de quoi pouvons-nous, nous, Français de cette
génération, nous enorgueillir par dessus tout ? De cette construction
européenne qui a été poursuivie, à partir des premières visions des pères
fondateurs, sous deux républiques, par tous les présidents de la Ve République,
par tous les premiers ministres et par toutes les majorités successives.
C'est cela, la grande oeuvre, tout simplement, parce qu'elle nous permet, au
moment où nous sommes amenés à passer la main, de dire à ceux qui nous suivent
que nous leur laissons un espace de paix, on le dit volontiers, de justice, je
l'espère, de prospérité, je le souhaite, mais, en tout cas, assurément par
rapport à celle de notre enfance ou de notre adolescence, une Europe bien
meilleure et, pour l'avenir, beaucoup plus porteuse. C'est cette Europe-là qui
est notre fierté.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le sénateur.
M. Robert Badinter.
Je conclus d'un mot, qui sera peut-être teinté de mélancolie : voyez-vous,
monsieur Pasqua, au chant du crépuscule, il vaut mieux préférer les promesses
de l'aube !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées
du RDSE et de l'Union centriste.)
3
DÉSIGNATION D'UN SÉNATEUR EN MISSION
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date
du 10 décembre 1998 l'informant qu'il avait décidé de placer M. Claude Lise,
sénateur de la Martinique, en mission temporaire auprès du secrétaire d'Etat à
l'outre-mer.
Acte est donné de cette communication.
4
COMMUNICATION
M. le président.
Je vous rappelle, mes chers collègues, qu'à quatorze heures quinze, dans la
salle des séances, M. le président du Sénat procédera au dévoilement de la
plaque commémorative à l'effigie de Michel Debré.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux, pour les reprendre à quinze
heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze
heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
5
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée par la conférence des présidents, je rappelle
que l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent chacun de
deux minutes trente.
Chaque intervenant aura à coeur de respecter le temps qui lui est imparti afin
que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier de la
retransmission télévisée à laquelle chacun d'entre nous est légitimement
attaché.
CONSÉQUENCES DE LA GRÈVE
DES CONTRÔLEURS DE LA SNCF
M. le président.
La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du
logement.
Monsieur le ministre, après des années difficiles, la SNCF sort enfin la tête
de l'eau grâce à la réforme initiée et mise en oeuvre par le gouvernement
d'Alain Juppé, qui lui a permis d'amorcer son désendettement.
Dans ce nouveau contexte, les Français ont du mal à comprendre le mouvement de
grève que notre pays vient encore de subir.
M. Roland Courteau.
C'est fini !
M. Paul Raoult.
Ce n'est plus une question d'actualité !
M. Jean-Paul Amoudry.
Ils expriment leur incompréhension, si ce n'est leur exaspération, face aux
arrêts de travail de personnels bénéficiant du statut priviligié de salariés
d'une entreprise publique détentrice du monopole du transport ferroviaire et se
déclarant attachés à la qualité d'un service public qu'ils ne cessent pourtant
de malmener.
Au surplus, nos concitoyens voient, dans ces conflits sociaux à répétition, la
banalisation et l'affaiblissement du droit de grève et, simultanément, une
atteinte profonde au droit au travail et au droit au transport qu'affirme la
loi d'orientation des transports intérieurs de 1982. D'où l'aspiration des
Français à l'instauration d'un service minimum, orientation à laquelle M. le
Premier ministre ne semble pas vouloir adhérer, si l'on en croit ses toutes
récentes déclarations.
Aussi, voudrais-je, monsieur le ministre, vous demander, tout d'abord, ce qu'a
coûté ce dernier conflit social à la SNCF,...
M. Alain Gournac.
Très cher !
M. Jean-Paul Amoudry.
... à défaut de connaître le préjudice qu'il a causé aux entreprises et à
l'emploi. Mais surtout, alors que de récents souvenirs, en cette veille de
fêtes de fin d'année, provoquent parfois la psychose chez nos compatriotes, que
comptez-vous faire pour empêcher le renouvellement de ces grèves qui tendent à
perdre de leur crédit, puisque, vous voudrez-bien me le confirmer, je le pense,
les grévistes sont payés quoi qu'il en soit, et c'est le contribuable qui en
supporte la charge ?
Enfin, comment pourrez-vous éviter que les régions, qui se sont fortement
engagées dans la modernisation des transports express régionaux, les TER, ne
fassent machine arrière, puisque la dernière grève a surtout affecté ces
transports régionaux nécessaires à des millions de nos compatriotes pour leurs
déplacements quotidiens ?
(« Très bien ! » et applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Répondre en deux
minutes trente à une question aussi importante me paraît court ! Mais c'est la
règle du jeu et je vais m'y plier.
Monsieur le sénateur, il est important de souligner que le budget de la SNCF
pour 1999 prévoit un retour à l'équilibre financier.
Ce n'était pas arrivé depuis dix-sept ans...
M. Pierre Hérisson.
C'est vrai !
M. Alain Gournac.
Merci, Juppé !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... et j'estime
que c'est une bonne chose.
De plus, cet équilibre financier va se réaliser non pas sur le dos des
cheminots et des usagers.
(Exclamations sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste)
mais au grâce à une plus
grande efficacité de la SNCF.
Par ailleurs, il faut noter qu'une négociation sur l'emploi et les trente-cinq
heures s'engage sous des auspices que nous n'avions pas connus depuis très
longtemps. Il y a donc une rupture, notamment, puisque vous faites référence à
la réforme de 1996, par rapport à ce qui avait été entrepris dans le passé.
Vous évoquez également indirectement la question du service minimum en cas de
conflit. Je crois honnêtement - en cela je suis rejoint par d'autres
responsables, des parlementaires notamment, mais aussi des personnalités de la
droite - que la question n'est pas si simple, car le Gouvernement ne veut pas
porter atteinte au droit de grève. Si elle l'avait été, dans la mesure où vous
avez la majorité au Sénat et où vous l'aviez de manière massive jusqu'en 1995 à
l'Assemblée nationale lorsque se sont produits les plus longs conflits que la
SNCF a connus, vous auriez agi ; or vous n'avez rien fait.
(Exclamations sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. -
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et
sur les travées socialistes.)
L'exercice, je le répète, est donc plus
difficile qu'on ne le croit.
Le Gouvernement - et c'est le plus important - est décidé à développer
véritablement le transport ferroviaire dans le cadre d'une politique
intermodale. Vous avez évoqué les TER. Sachez que le budget pour 1999 prévoit
une augmentation de 4,5 %. Par ailleurs, nous allons privilégier le dialogue
social. Je préfère plutôt convaincre que contraindre. C'est ma démarche et
j'espère que nous progresserons dans cette voie.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées
socialistes.)
SÉCURITÉ PUBLIQUE DANS LES BANLIEUES SENSIBLES
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur par intérim.
Dimanche dernier, deux policiers de Toulouse ont été mis en garde à vue et un
autre policier a été suspendu pour avoir fait usage de leur arme, alors que
deux jeunes délinquants, pris en flagrant délit de vol de voiture, tentaient de
forcer le barrage de police qui venait d'être mis en place.
C'est vrai - nous ne pouvons que le déplorer - un jeune a été tué lors de
cette intervention, mais, jusqu'à preuve du contraire, l'enquête n'a révélé
aucun élément intentionnel dans ce geste malheureux, et la mise en examen d'un
des policiers ne porte que sur un « homicide involontaire ».
Depuis, la banlieue toulousaine connaît une flambée de violence sans
précédent, dont les premiers visés sont bien entendu les policiers eux-mêmes.
Comment pourrait-il en être autrement ? Bafoués dans l'exercice quotidien de
leur métier,...
M. Alain Gournac.
Absolument !
M. Nicolas About.
... trop désavoués par leur hiérarchie, lorsqu'ils osent se servir de leurs
armes,...
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Nicolas About.
... que peuvent les policiers face aux débordements de violence de bandes
qu'aucune autorité n'impressionne plus ?
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Nicolas About.
Dans ces zones de non-droit que sont devenues certaines de nos cités, quelle
légitimité aura désormais la police nationale si, alors même qu'elle est la
seule autorisée à se servir de ses armes, elle n'offre plus l'image que d'une
autorité désarmée, condamnée à subir sans pouvoir répliquer ?
Pourquoi tant de délits ne sont-ils pas poursuivis, ce qui donne aux coupables
un sentiment d'impunité et aux policiers un sentiment d'inutilité, voire de
honte ?
En entretenant une telle attitude qui consiste à mettre en garde à vue les
policiers et à laisser agir les délinquants, on prend aujourd'hui un très grand
risque, celui de voir légitimée la violence et de bafouer toute autorité.
Donnons aux policiers français les moyens de faire respecter l'ordre, de se
défendre et de défendre la sécurité de nos concitoyens.
Monsieur le ministre, ma question est double : quand seront prises des mesures
pour que l'autorité policière soit, enfin, respectée dans notre pays ? Quels
moyens allez-vous mettre en oeuvre pour que la police retrouve sa dignité et sa
légitimité et pour que les citoyens soient réellement protégés lorsqu'ils
respectent le droit et non lorsqu'ils le bafouent ?
(Applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants du RPR et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Monsieur le sénateur, vous avez rappelé les événements qui se sont déroulés à
Toulouse. Une patrouille de police, comprenant quatre hommes, dont un policier
auxiliaire, et conduite par un brigadier, est intervenue lors d'un vol de
voiture commis à trois heures par des mineurs.
M. Alain Gournac.
On peut être mineur et voyou !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Ces
policiers accomplissaient leur mission qui consiste à faire respecter la
propriété des biens d'autrui.
Cela dit, un jeune a été malheureusement tué à l'issue de cette intervention.
Le rôle du ministre de l'intérieur est donc de vérifier si les policiers ont
bien respecté les règles en vigueur en matière d'intervention policière.
M. Roland Courteau.
Très bien !
Mme Hélène Luc.
Telle est bien la question !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
A
cette fin, il existe une institution qui s'appelle l'Inspection générale de la
police nationale. Une délégation de celle-ci s'est rendue à Toulouse et a
procédé aux auditions nécessaires ; les avocats des deux parties l'ont
reconnu.
Sur cette base, elle m'a proposé, lundi, une mesure de suspension à l'encontre
du brigadier qui conduisait la patrouille, ce dernier n'ayant pas respecté les
règles en vigueur en matière d'intervention policière.
M. Alain Gournac.
Il aurait mieux valu qu'il se fasse tuer !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
L'Inspection générale de la police nationale a estimé, sans présumer de
l'action de la justice, qu'il y avait eu un manquement aux règles en vigueur
dans la police nationale.
Si la police doit être respectée, elle doit également respecter, lors de ses
interventions, les règles en vigueur, qui sont aussi la garantie des libertés
des citoyens.
M. Christian Bonnet.
La police veut aussi être couverte !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Monsieur le sénateur, vous siégez au sein de la Haute Assemblée. Vous savez que
la justice procède des lois en vigueur. En l'occurrence, l'action diligentée
par le procureur de la République et l'instruction judiciaire qui a été menée
ensuite l'ont été sur la base des textes en vigueur. A partir du moment où une
personne a été tuée, il est logique que la justice se saisisse de l'affaire et
qualifie cette infraction à nos règles fondamentales.
Je tiens à dire, avec la plus grande clarté, que les policiers exercent un
métier difficile. Ils sont souvent les seuls agents publics en contact avec les
jeunes dans les quartiers difficiles. Cela exige de leur part une compétence en
matière d'intervention, mais cela soulève surtout les problèmes de leur
formation et de leur qualification. Je respecte le métier de policier. Mais, en
même temps, car il s'agit d'une règle élémentaire pour notre droit républicain,
la police doit obéir à des principes. Il ne convient pas de transformer les
événements en affrontements permanents entre les policiers et les jeunes. Ne
rentrons pas dans cette caricature qui peut d'ailleurs être aussi vécue par les
jeunes qui font la chasse aux policiers, car elle est, à mon avis, mortelle
pour notre société.
Notre société a besoin d'une police, d'une police républicaine qui remplisse
sa mission. Et c'est ainsi que je le conçois.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Jean Chérioux.
Une police respectée !
FRAPPES AÉRIENNES CONTRE L'IRAK
M. le président.
La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber.
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et porte, ce
qui ne le surprendra qu'à moitié, sur la position du Gouvernement au sujet de
l'action militaire engagée cette nuit par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne
en Irak.
A de nombreuses reprises, notre diplomatie a exprimé son souhait de voir le
Conseil de sécurité de l'ONU donner explicitement son aval à toute opération
militaire. On peut donc s'interroger aujourd'hui sur la légitimité de
l'intervention anglo-américaine.
Evaluant sans doute les conséquences politiques possibles de ces frappes sur
le monde arabo-musulman et sur l'avenir même de l'UNSCOM, le secrétaire général
des Nations unies, M. Kofi Annan, a déclaré : « C'est un triste jour pour les
Nations unies et pour le monde. »
Certes, l'intransigeance criminelle de Saddam Hussein et son non-respect des
résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU constituent des obstacles majeurs à
une solution diplomatique. Mais la solution militaire choisie par les
Etats-Unis peut-elle contribuer efficacement au règlement du conflit et à
l'établissement d'une paix juste, équilibrée et durable au Moyen-Orient ?
Peut-on laisser ainsi la première puissance mondiale décider seule de la
légitimité ou non d'une action militaire lourde de conséquences ?
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur plusieurs travées du RPR
et de l'Union centriste. - M. Trucy applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le sénateur, dès le début des
actions militaires entreprises cette nuit par les Etats-Unis, les autorités
françaises ont fait savoir à quel point elles déploraient l'engrenage qui a
conduit à ces frappes contre l'Irak et qu'elles regrettaient par avance les
graves conséquences humaines que celles-ci pourraient avoir pour la population
irakienne.
La France a des raisons toutes particulières de déplorer que l'on en soit
parvenu à la situation actuelle, car elle n'a jamais ménagé ses efforts pour
que, dans le strict et complet respect des résolutions du Conseil de sécurité,
une solution raisonnable soit trouvée, permettant de sortir enfin des
conséquences de la guerre du Golfe et de mettre un terme aux contrôles qui
avaient dû être mis en place, à l'époque, avec notre plein accord, pour
vérifier quel était l'état des programmes d'armes de destruction massive
élaborés par l'Irak. On aurait pu ensuite passer à une autre phase visant à
redonner à ce pays, et surtout à son peuple, des perspectives d'avenir.
Pour cela, il fallait achever les opérations de contrôle et passer à la phase
que nous avons élaborée et préparée, et qui porte le nom de contrôle
continu.
C'est pour cette raison que nous regrettons profondément que les autorités
irakiennes - ce qui est une façon de désigner le président irakien, qui est
seul à prendre les décisions - n'aient pas su faire preuve, notamment après les
deux grandes crises de cette année, de l'esprit de complète coopération qui
était tout à fait indispensable à la mise en oeuvre du mémorandum du 23 février
dernier négocié entre MM. Kofi Annan et Tarek Aziz.
En décidant de suspendre sa coopération avec l'UNSCOM le 5 août, en décidant
de la rompre complètement le 31 octobre, le gouvernement irakien n'a pas
respecté l'engagement qu'il avait pris en février. Il porte, à l'évidence,
l'entière, ou en tout cas la première responsabilité dans l'engrenage qui a
conduit à ce recours à la force. Il a accumulé toutes les erreurs, encore
récemment, alors même que nous avions obtenu, nous, la France, au sein du
Conseil de sécurité, que l'on définisse les règles de ce qui s'appelle l'examen
d'ensemble et qui permettait peut-être, je le répète, de tourner la page.
La non-coopération avec l'UNSCOM exposait l'Irak à une action militaire du
fait de ses dirigeants. Les autorités de Bagdad en étaient parfaitement
averties, puisque toutes les résolutions du Conseil de sécurité, qui
indiquaient que les violations exposaient l'Irak à de très graves conséquences,
étaient très claires sur ce point.
Toutefois, la France ne peut pas ne pas regretter la façon dont le Conseil de
sécurité a été privé de la possibilité de débattre normalement du rapport de
l'UNSCOM et de son responsable, M. Butler, et qui aurait dû avoir lieu
précisément au moment où les actions militaires ont été engagées, d'autant plus
que le dernier rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique, comme
le précédent, était satisfaisant. Sur 130 inspections organisées depuis la
mi-novembre, seuls cinq ou six incidents, peut-être importants mais il faut les
rapporter à l'action générale des contrôles, avaient été enregistrés. Nous
pensions que cette question, comme les précédentes, ces conflits, ces
impossibilités auraient pu être surmontés par un travail politique et
diplomatique.
Vous savez que la France a toujours privilégié la solution politique, et donc
diplomatique, dans cette affaire. Deux fois cette année, nous avons obtenu des
résultats. Nous ne sommes toujours pas convaincus, nous ne pouvons qu'être
sceptiques quant à l'efficacité des frappes militaires au regard de l'objectif
de la communauté internationale tout entière, à savoir comment maintenir un
contrôle réel pour s'assurer que ce pays, en tout cas ses dirigeants, je le
redis, ne redeviennent pas dangereux pour la région, puisque l'objectif est
clair : il s'agit de contribuer à bâtir un Moyen-Orient pacifique dans lequel
l'ensemble des pays puissent cohabiter dans des conditions convenables.
A ce stade, je ne peux que vous dire que la France continuera à oeuvrer en
faveur de cet objectif.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur plusieurs travées de
l'Union centriste.)
PRÉVISIONS DE CROISSANCE POUR 1999
M. le président.
La parole est à M. Marini.
(Applaudissements sur plusieurs travées du RPR)
M. Philippe Marini.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie.
Monsieur le ministre, dans quelques jours, vous allez présenter le programme
de stabilité de la France dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance
que le Gouvernement auquel vous appartenez avait souscrit à Amsterdam, en
juillet 1997. Les engagements que la France a pris prévoient d'atteindre à
moyen terme une position proche de l'équilibre ou excédentaire en matière de
finances publiques. De la tenue de cet engagement dépendent la crédibilité de
notre pays sur le plan international, la confiance, l'emploi et
l'investissement.
En public, et notamment dans le texte d'un communiqué de votre ministère en
date du 15 décembre 1998, vous annoncez que le Gouvernement travaille à une
stratégie pour la croissance...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ça, c'est vrai
!
M. Philippe Marini
... qui combine, comme en 1998 et en 1999, financement de ses priorités,
réduction des déficits et baisse des prélèvements obligatoires.
Nous venons d'examiner le budget pour 1999 et nous savons que financement des
priorités veut dire hausse des dépenses, que la baisse des prélèvements
obligatoires, il faut la rechercher avec une grande attention, et que la
réduction du déficit est insuffisante.
Vous avez qualifié cette combinaison de triangle magique. Ce triangle magique
repose sur une croissance forte sur toute la période. Ma question peut se
décomposer en trois points.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Oh non !
Mme Hélène Luc.
Ce n'est plus une question !
M. René-Pierre Signé.
La question !
M. Philippe Marini.
Pouvez-vous nous dire clairement à quelle échéance vous situez le retour à
l'équilibre des finances publiques ?
Faut-il, en ce domaine, interpréter avec inquiétude ou anxiété la dernière
phrase de votre communiqué aux termes de laquelle : « Tout scénario chiffré
relève à ce stade de la spéculation » ? Monsieur le ministre, avons-nous fait
de la spéculation en examinant le budget pour 1999 ?
Enfin, s'agissant de la croissance, le Gouvernement, qui s'est attribué le
bénéfice et la responsabilité de cette croissance, s'attribue-t-il aujourd'hui
la responsabilité de son ralentissement ?
(Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
Votre triangle magique, monsieur le ministre,
n'est-il pas la quadrature du cercle ?
(« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste
et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
sénateur, il vous appartient en effet, en tant que rapporteur général du
budget, de poser cette question, mais je ne vous ferai pas l'injure de croire
que vous n'en connaissez pas les réponses.
(Sourires.)
Les réponses sont de nature différente de celles que,
peut-être, la majorité sénatoriale espère, ce qui explique que, finalement,
cette question vienne tout de même en débat.
Je commence par la fin : le Gouvernement s'attribue-t-il les résultats de la
croissance de 1998, qui sera la meilleure année de la décennie ? La réponse est
oui,...
M. Roland Courteau.
C'est clair !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... pas parce que
la croissance sera élevée, peut-être même - nous verrons les chiffres
définitifs - supérieure à ce qui était prévu en début d'année - nous ferons
peut-être plus de 3 % - mais parce que, en 1998, pour la première fois depuis
cinq ans, en France, la croissance sera supérieure à la moyenne européenne. Et
là, c'est bien la comparaison par rapport à nos voisins qui compte, et non plus
l'environnement international. Ce qui compte, c'est la politique menée dans
notre pays. Que l'ensemble européen aille bien ou mal, cela dépend des
politiques que nous menons et de l'environnement international. Mais que l'on
soit le premier ou le dernier de la classe, en matière de croissance, cela
dépend uniquement de la politique menée dans notre pays.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Très bien !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
En 1998, nous
serons les premiers de la classe. Je pense que l'ensemble du Sénat, sa majorité
comme son opposition, peut s'en réjouir.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Roland Courteau.
Ils devraient s'en réjouir !
M. René-Pierre Signé.
Ça les embête !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Pour 1999, vous
le savez, nous avons établi une prévision de croissance de 2,7 % ; c'était au
mois de septembre 1998. Aujourd'hui, on voit clairement que nous ne sommes pas
sur ce rythme, parce que la crise financière a eu des effets très récessifs sur
l'investissement des entreprises.
A combien finirons-nous l'année ? Nous verrons. Je ne serai pas de ceux qui,
aujourd'hui, prennent un sourire faussement attristé en pensant que nous
n'atteindrons pas une croissance forte. D'abord, parce que ce serait
déraisonnable au regard de la qualité de notre mandat, qui est d'espérer, que
l'on soit dans l'opposition ou dans la majorité, que la croissance soit la plus
forte possible pour notre pays. Ensuite, parce que cela pourrait bien être
faux. Certes, des statistiques publiées récemment montrent, sur le premier
semestre, un ralentissement, mais le FMI, lui, va publier dans quelques jours
une statistique qui se rapproche de 2,7 %. Donc, nous verrons ! Ce qui compte,
c'est que nous menions la politique qui permette la plus forte croissance.
J'en viens à votre question concernant le triangle magique et les finances
publiques.
A la fin de cette année, nous allons, en effet - comme nous devons le faire -
publier des projections triennales de nos finances publiques. Celles-ci
mettront en évidence la baisse du déficit, la baisse des prélèvements
obligatoires et une croissance modérée des dépenses publiques, qui entraîne une
baisse du ratio dépense publique-PIB.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Un mot encore, si
vous le permettez, monsieur le président ; je vous promets de ne plus reprendre
la parole par la suite.
(Sourires.)
La situation actuelle est différente de ce que nous avons vu de 1993 à 1997.
En effet, je le rappelle - mais vous le savez, monsieur Marini - pendant cette
période, les prélèvements obligatoires ont augmenté de deux points et la
dépense publique a crû, même si le déficit, lui, a correctement baissé. Nous
ferons mieux, puisque le déficit continuera de baisser, mais avec la baisse des
prélèvements obligatoires et une diminution progressive du ratio dépense
publique-PIB. La majorité en sera satisfaite - ses priorités sont financées -
et je pense que vous avez toutes les raisons d'en être également heureux.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
PÉNURIE DE PRATICIENS HOSPITALIERS
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action
sociale.
Voilà quinze jours, un mouvement de grève nationale mobilisait les praticiens
hospitaliers pour sensibiliser l'opinion sur l'avenir catastrophique de la
démographie hospitalière dû, en grande partie, au manque d'attractivité de leur
carrière, à l'absence de revalorisation de leur statut et à la détérioration de
leurs conditions de travail, avec surcharge, contrainte et lourdeur des
activités liées au manque d'effectifs, puisque l'on dénombre 600 postes
vacants.
Ces hommes et ces femmes responsables estiment ne plus être en mesure de
répondre à la mission de service public qui est la leur. Il ne veulent pas
gérer la pénurie, renoncer à la qualité des interventions et assumer la
déficience du système.
La situation est encore plus dégradée en ce qui concerne les effectifs
hospitaliers médico-psychiatriques, en l'absence de renouvellement des
internes. Le
numerus clausus
draconien appliqué à la filière unique au
niveau des centres hospitaliers universitaires, les CHU, renforce
considérablement l'effet indésirable.
Ainsi, il n'est pas rare de voir un chef de service assurer seul le
fonctionnement de son unité. En Haute-Saône, une structure privée, dans
laquelle l'Agence régionale de l'hospitalisation est partenaire, a à sa tête un
neuropsychiatre qui s'estime priviligié car il a un interne à ses côtés ! Or
cet hôpital psychiatrique accueille aujourd'hui 750 patients en placement libre
ou à la demande d'un tiers et en placement d'office par arrêté.
Pour l'ensemble de la région Franche-Comté, l'effectif des internes est de
trois, et je ne pense pas que cette région soit plus mal lotie que telle ou
telle autre. Dans ces conditions, comment assurer des soins de qualité ?
Par ailleurs, et dirai-je dans un rapport qui est inversement proportionnel,
les missions du service public s'étendent : interventions dans les maisons
d'arrêt, prévention de la toxicomanie, activités sectorielles, pour ne citer
que quelques-unes de ces missions.
La prise en charge des malades mentaux est gravement compromise.
Aux déviances comportementales déjà connues s'ajoutent des affections plus
récentes dont les traitements ne sont pas curatifs, et qui posent alors le
problème d'accompagnement ; viennent également se greffer les troubles dus à
l'altération des facultés liés au vieillissement et, avec l'allongement de la
durée de vie, ce paramètre ne peut être négligé...
M. le président.
Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Bernard Joly.
En conséquence, monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en
oeuvre pour restaurer l'attractivité des carrières médicales et de l'exercice
médical à l'hôpital, quelle priorité va être donnée aux moyens dans ce secteur
et, enfin, comment vont être prises en compte les priorités de santé mentale ?
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Je voudrais d'abord
croiser les doigts pour essayer de conjurer le mauvais sort, après
l'énumération que vous avez faite, monsieur le sénateur, parce que, vraiment,
tout va mal !
M. Christian Bonnet.
C'est vrai !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, si nous devions à chaque fois
répondre à la demande d'une région ou d'une autre, nous multiplierions le
nombre de médecins et, alors, nous serions accusés par la Haute Assemblée
d'être trop laxistes ; la quadrature du cercle dont vous parliez tout à l'heure
se refermerait alors autour de nous !
Le mouvement de grève des praticiens hospitaliers auquel vous avez fait
allusion succédait à une bonne vingtaine d'entrevues : depuis huit mois, en
effet, nous travaillons avec ces médecins, et nous les avons reçus encore la
semaine dernière ; je crois d'ailleurs qu'ils ont été relativement satisfaits
de ce que nous leur proposions.
Nous leur proposons le réhaussement de la carrière de praticien hospitalier,
avec des primes pour la mobilité d'un établissement à l'autre, la création, au
niveau de l'internat, de trois filières particulières puisque certaines
spécialités connaissent une pénurie par rapport à d'autres, la prise en charge,
par un système de valence à mettre au point avec l'éducation nationale, de leur
carrière pour leur ouvrir d'autres possibilités que celles de l'hôpital. Je ne
vous cache pas que l'application d'un tel système à l'ensemble des catégories -
dans la fonction publique, on ne peut en effet pas prendre en charge une seule
catégorie - serait horriblement coûteuse ; pourtant il faut le faire, il faut
rehausser le statut de praticien hospitalier.
Mais chaque fois que l'on veut, dans notre pays, multiplier le nombre des
étudiants, par exemple - nous aurons besoin, dans les années 2005-2010, de
praticiens dans les hôpitaux - on se heurte à la caisse d'assurance maladie,
qui oppose l'enveloppe fermée votée chaque année par le Parlement. Evidemment,
cela va entraîner des dépenses. Nous faisons donc attention.
Certains de ces établissements se verront effectivement moins bien dotés en
personnels, car la carrière n'y est pas assez attractive. C'est une réalité,
monsieur le sénateur. Il faut donc les mettre en réseau, leur fournir des
spécialités différentes et complémentaires, pour que notre système de santé
publique puisse encore demeurer ce qu'il est, en l'état actuel de la densité
médicale : le meilleur du monde.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
INTERVENTION AMÉRICAINE EN IRAK
M. le président.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
En ce moment précis, des gens meurent dans les unités d'urgence de Bagdad des
suites des bombardements de cette nuit.
Parallèlement aux réactions humanitaires qui nous viennent d'abord à l'esprit,
nombre d'arguments de raison nous poussent à condamner avec la plus grande
fermeté l'agression - c'en est bien une ! - menée cette nuit contre l'Irak.
Les Américains ont agi en dehors du droit international, alors même que le
Conseil de sécurité de l'ONU se réunissait pour justement examiner le rapport
de l'UNSCOM sur l'Irak. Il s'agit d'un acte de guerre, sans déclaration de
guerre.
Après cela, le règlement des questions dans cette région du monde est plus
compliqué, les tensions sont plus fortes. Tout cela mène à une impasse
politique. Bill Clinton le sait bien.
Il sait bien aussi que le potentiel militaire irakien est très faible, que
l'agression de cette nuit conforte Saddam Hussein sur son siège de dictateur et
rend plus difficile encore l'action des forces démocratiques irakiennes.
Non, c'est principalement pour des objectifs de pure politique intérieure que
Bill Clinton a engagé cette opération avec le sang de civils irakiens.
Que l'on ne vienne pas nous dire que les missiles américains n'avaient que des
cibles militaires ! Nous savons, surtout ici, que leur précision n'est pas
aussi grande que cela. Des quartiers civils ont été atteints et un missile est
tombé en Iran. C'est dire !
Monsieur le ministre, comme vous l'avez rappelé tout à l'heure, le
gouvernement français avait, ces mois derniers, joué un rôle positif pour
contenir le recours à la violence.
C'est pourquoi nous souhaitons connaître votre sentiment. Nous comptons sur
vous afin qu'une action vigoureuse du Gouvernement soit engagée en vue de
l'arrêt immédiat des bombardements, du retour à la négociation au sein de
l'ONU, et sous mandat de l'ONU, et de la levée ou, pour le moins, de
l'assouplissement de l'embargo injuste, responsable de la mort de 500 000
Irakiens privés de soins et de nourriture.
Aujourd'hui, plus que jamais, il faut aider le peuple irakien à réintégrer la
communauté internationale.
(« Très bien ! » et applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le sénateur, certes plus tôt
ces frappes cesseront, mieux cela vaudra. Mais j'ai rappelé aussi que, depuis
que ces résolutions existent pour que soit mené à bien le contrôle complet
rendu nécessaire par les événements datant de sept ans, à chaque fois, des
entraves, des empêchements multiples se sont dressés devant le travail de la
commission et de l'ONU, et pas uniquement du point de vue des Etats-Unis,
puisque cette commission comprend des représentants des différents pays.
A deux reprises cette année, notamment grâce aux efforts de la diplomatie
française, de nouvelles bases ont été proposées pour repartir sur une stricte
application des résolutions permettant de dégager une perspective d'avenir.
Je ne peux qu'à nouveau regretter et déplorer que le principal dirigeant
irakien n'ait pas su saisir cette possibilité et faire preuve alors d'un esprit
de complète coopération.
Toutes les résolutions qui ont été adoptées à l'occasion de cette tragédie
irakienne comportaient la précision que le non-respect par l'Irak, surtout
répété, des obligations découlant des résolutions d'origine à propos des
contrôles exposait ce pays aux plus graves conséquences.
Je l'ai dit et je le répète : nous déplorons cet engrenage. Nous sommes
sceptiques quant à la possibilité d'apporter, par les frappes en cours, une
solution aux problèmes qui se posaient, qui se posent encore et qui se poseront
demain. C'est dans la perspective d'une contribution aux problèmes du
Moyen-Orient de demain que la France continuera à travailler.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
AMÉNAGEMENT DE LA RN 42
M. le président.
La parole est à M. Foy.
M. Alfred Foy.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du
logement. Elle concerne la route nationale 42 implantée entre l'autoroute A 25
- Lille-Dunkerque - et l'autoroute A 26 - Calais-Reims - plus précisément la
section située en Flandre intérieure, dans le nord de la France, entre les
villes de Saint-Omer et de Méteren.
La RN 42 mesure 42 kilomètres, dont 50 % ont déjà été aménagés dans le
Pas-de-Calais, plus précisément dans l'Audomarois. Reste à réaliser la portion
située en Flandre intérieure, dans le Nord, qui est à l'étude depuis 1974, soit
depuis un quart de siècle ; mais véritable arlésienne, on en parle toujours
sans que les élus de la Flandre intérieure et sa population de 112 000
habitants ne voient jamais rien venir !
Certes, chaque année, des réunions sont organisées, des études coûteuses sont
élaborées, et des opérations d'aménagement ont même été réalisées. Je pense,
par exemple, au contournement de Strazeele et à celui d'Hazebrouck. Cette
dernière commune, qui est pourtant éligible à la dotation de solidarité
urbaine, a été obligée de participer, pour 18 %, au financement de son propre
contournement, pour un montant de 17 millions de francs, au motif que sa
population dépassait de huit unités le seuil des 20 000 habitants.
La Flandre intérieure semble très souvent oubliée des aspects positifs des
politiques d'aménagement du territoire. Ainsi, la prime d'aménagement du
territoire lui échappe ; de plus, on parle beaucoup de la suppression des
relations de proximité, telles que le tribunal de grande instance ou les
commissariats de Bailleul et d'Hazebrouck.
Il convient qu'une solution soit trouvée de toute urgence. Il suffit, pour
cela, que le Gouvernement le veuille. Pouvez-vous vous engager de façon
officielle, monsieur le ministre, à trouver une solution ? Quel serait le
calendrier ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement,
qui va répondre à votre question et vous apporter satisfaction, monsieur le
sénateur !
(Rires sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que
sur les travées socialistes.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, vous avez évoqué l'aménagement de la RN 42, la qualifiant de «
véritable arlésienne » et rappelant qu'un quart de siècle nous sépare des
premières décisions prises à cet égard. Je ne peux que vous comprendre, moi qui
suis en exercice depuis un peu plus d'un an !
(Sourires.)
Voilà qui prouve que je ne fais pas de discrimination
concernant les responsabilités de ce quart de siècle ! Ce qui est sûr, c'est
que, depuis mon arrivée, le contournement de Strazeele a été effectué et que
celui d'Hazebrouck est en voie d'achèvement, ainsi que vous l'avez rappelé.
A l'heure actuelle, les principales agglomérations - Saint-Omer, Hazehenck,
Strazeele - sont déviées.
Je m'attache donc à poursuivre les efforts engagés et à rattraper les retards
accumulés au cours du dernier quart de siècle.
Je le fais bien entendu dans l'objectif tant d'améliorer les conditions de
circulation et de sécurité routière que de contribuer à l'aménagement du
territoire.
S'agissant de la RN 42, je suis tout à fait conscient du trafic important
qu'elle supporte dans un secteur qui s'est urbanisé entre les autoroutes A 26
et A 25. J'ai également conscience que des difficultés subsistent, notamment,
dans la traversée des communes rurales.
Afin de définir les aménagements à réaliser, une étude a été engagée en
étroite liaison avec les collectivités locales, ce qui est normal. Ses
résultats seront soumis à concertation dans le courant du premier semestre 1999
pour définir le meilleur parti d'aménagement à retenir pour la RN 42 et pour
préciser les priorités.
Le calendrier est donc tout à fait compatible avec celui de la négociation du
prochain contrat de plan Etat-région Nord - Pas-de-Calais.
Mme Hélène Luc.
Vous avez de la chance, monsieur Foy !
ACCORDS DE VIENNE ENTRE LA SUISSE
ET L'UNION EUROPÉENNE
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des affaires
européennes.
Après quatre années de pourparlers, les accords bilatéraux entre la
Confédération helvétique et l'Union européenne viennent d'être conclus à
Vienne, dans la nuit du 10 au 11 décembre, dans la plus totale indifférence de
la presse française.
Pourtant, les conventions bilatérales ont des incidences sur notre pays en
matière de transports, de libre circulation des personnes, de recherche, de
marchés publics, de commerce et de produits agricoles.
L'accord prévoit que les Suisses pourront, dès 2001, à l'exception des
chômeurs, s'installer, travailler, étudier dans l'Union européenne ; les
travailleurs européens, pour leur part, ne pourront s'installer en Suisse qu'en
2003, à condition que les contingents de main-d'oeuvre étrangère, maintenus
jusqu'en 2006, ne soient pas dépassés.
Il y aura une reconnaissance mutuelle des diplômes. La liberté d'établissement
se fera sur douze ans. Mais les contrôles douaniers entre les deux pays ne
seront pas supprimés et l'afflux d'immigrants sera contenu dans la
Confédération.
Les entreprises suisses qui exportent vers l'Union européenne ont obtenu un
certain nombre d'avantages.
Elles épargneront l'argent nécessaire à la certification des produits en
Suisse et dans chaque pays de l'Union européenne. Elles gagneront du temps, car
les procédures administratives seront allégées. Elles seront plus compétitives
puisque les produits nouveaux arriveront plus rapidement sur le marché.
En matière de recherche, les chercheurs suisses qui travaillaient dans l'Union
européenne avaient jusqu'ici un statut nettement moins favorable que ceux de
l'Union européenne. Grâce aux accords de Vienne, le différentiel disparaît et
ils pourront participer au plus haut niveau, sur un pied d'égalité, aux
programmes européens.
Toutes les entreprises françaises de construction qui profitaient de la
protection d'un marché local ou régional peu concurrentiel se verront désormais
distancées par les entreprises suisses, qui seront en mesure de faire des
offres sur le plan européen ou de conclure des alliances transfrontalières.
Les compagnies aériennes suisses verront leur accès au ciel européen
libéralisé, de même que les transports par rail et par route : les riverains de
ces infrastructures verront donc leurs nuisances augmenter !
Ces accords ne sont pas sans conséquences pour notre pays, notamment pour les
départements frontaliers ;
La Tribune de Genève
et
Le Temps
ont
largement commenté ces accords qualifiés d' « historiques ». Pourriez-vous,
pour notre information, nous préciser quels ont été les objectifs et les
principes qui ont régi les négociations franco-helvétiques ? A cet égard, les
conséquences de ces accords pour les régions françaises frontalières de la
Suisse ont été complètement ignorées pour l'instant. Nous souhaitons par
conséquent que vous puissiez compléter nos informations.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur le sénateur,
les négociations engagées depuis 1995 entre l'Union européenne et la Suisse
dans sept secteurs se sont effectivement terminées par un accord politique lors
du Conseil européen de Vienne.
Nous avons au moins trois bonnes raisons de nous réjouir de cet accord.
Tout d'abord, il faut bien voir que les Suisses étaient demandeurs, après
l'échec du référendum concernant l'adhésion à l'Espace économique européen. Ce
sont donc eux qui ont fait les plus grandes concessions. Par ailleurs, cet
accord est une étape qui doit inciter les Suisses à se rapprocher davantage
encore de l'Union européenne. Enfin, cela va bien sûr conforter la très bonne
qualité des relations franco-suisses. C'est ainsi que j'interprète, pour ma
part, le fait que la presse helvétique ait traité cet accord d'« historique
».
C'est dans cet esprit que le Président de la République s'est rendu en octobre
dernier à Berne et dans le Tessin - je l'accompagnais au nom du Gouvernement -
et qu'il y a marqué notre souci de jouer - je reprends sa formule - un rôle de
« facilitateur ».
Je dirai quelques mots sur le contenu des accords.
D'abord, l'accord sur les transports terrestres va permettre une amélioration
substantielle de la situation actuelle : les camions de 40 tonnes pourront
désormais transiter par ce pays. La France, en tant que pays frontalier de
transit, ne pourra qu'en être bénéficiaire.
Nous avons fait de petites concessions dans le domaine des transports aériens,
mais l'impact en la matière sera marginal.
L'accord sur la libre circulation des personnes - question politique
extrêmement sensible en Suisse - est un texte sur lequel nos amis helvétiques
ont fait des concessions importantes, puisqu'ils ont accepté que la libre
circulation totale soit instaurée à partir de la sixième année suivant l'entrée
en vigueur de l'accord. De la sorte, les employés, les travailleurs
indépendants, les étudiants, les retraités européens et les membres de leur
famille jouiront en Suisse des mêmes droits que ceux qui sont accordés dans
l'Union européenne.
S'agissant, en particulier, de la situation des 80 000 travailleurs
frontaliers français - situation à laquelle je suis, comme vous, attaché pour
être l'élu d'une des régions concernées - je crois que l'accord obtenu est très
favorable.
Enfin, je dirai un mot sur le champagne.
(Murmures sur de nombreuses
travées.)
Si les Suisses produisent un champagne sans bulles et en petite quantité, nous
avons obtenu par principe qu'ils renoncent à cette appellation dans les deux
années.
Au total, c'est quand même un bon accord, et nous avons obtenu avec la
Commission, après avoir très bien négocié, l'essentiel des concessions que nous
demandions.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
FONDS STRUCTURELS EUROPÉENS
M. le président.
La parole est à M. Nachbar.
M. Philippe Nachbar.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
ma question s'adresse à Mme Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et
de l'environnement, et porte sur la nouvelle carte des fonds structurels
européens dans la perspective de l'Agenda 2000, autrement dit des années 2000 à
2006.
Un « grand journal du soir », selon la formule consacrée, a publié vendredi
dernier une carte classant les départements en fonction de leur éligibilité aux
fonds soit agricole, soit industriel.
Certes, cette carte était prudemment intitulée : « La nouvelle répartition
possible des aides ». Mais le sérieux des sources de ce journal, en
l'occurrence le Groupement d'études et de réalisations industrielles, le GERI,
organisme d'études auquel les pouvoirs publics sont associés, et les
informations circulant sur la volonté de la France de réduire ses concours à
l'Union européenne rendent légitimes les plus grandes inquiétudes.
Vous me pardonnerez de prendre pour exemple mon département, la
Meurthe-et-Moselle, mais il se trouve qu'il disparaît totalement de la carte
des aides.
Jusqu'alors, deux arrondissements, celui de Briey, que vous avez eu l'occasion
de visiter voilà quelques mois, madame la ministre, et qui est un
arrondissement industriel sinistré éligible au titre de l'objectif 2, ainsi que
l'arrondissement de Lunéville, secteur agricole et de petite industrie enclavé
et lui aussi en grande difficulté, bénéficiaient de l'objectif 5 B. Or l'un et
l'autre n'apparaissent plus désormais dans cette carte.
C'est la raison pour laquelle, sachant qu'il appartient au gouvernement de la
France de déterminer les critères sur la base desquels seront choisis les
départements éligibles, je souhaiterais savoir, madame la ministre, où en est
la procédure de définition des critères, d'une part, et si les choix que
laissait transparaître cette carte sont définitifs, d'autre part.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, comme vous l'avez vous-même souligné, le document du GERI qui a
été rendu public n'est qu'une projection réalisée à partir des critères
statistiques proposés par la Commission. La négociation n'en étant qu'à ses
préliminaires, l'ensemble des critères d'éligibilité n'a pas été encore défini,
cette carte n'est pas la carte officielle des zonages qui seront appliqués en
2000-2006.
En revanche, nous savons aujourd'hui que la Commission a proposé une forte
concentration géographique des territoires éligibles aux objectifs 1 et 2,
objectifs réservés respectivement aux régions dont le PIB par habitant est
inférieur à 75 % de la moyenne communautaire et à la reconversion des zones
industrielles ou rurales en déclin.
Cela répond à la persistance de forts écarts de développement au sein de
l'Union, à l'élargissement à l'Europe centrale et orientale et à la volonté des
Etats, dont la France, de limiter le montant des ressources propres de l'Union
européenne.
Il est d'ores et déjà acquis que les zones métropolitaines françaises
d'objectif 1 - la Corse et le Valenciennois - ne seront plus éligibles.
Le Gouvernement insiste, dans les négociations, pour qu'une phase de
transition suffisamment longue soit prévue, à l'issue de laquelle ces
territoires devront pouvoir être éligibles à d'autres formes de soutien.
Les départements d'outre-mer devraient, en revanche, bénéficier d'une
augmentation de leurs dotations.
En ce qui concerne les futurs zonages en objectif 2 en France, il est certain
que les nouvelles règles de concentration aboutiront à une réduction sensible,
le taux de population couverte passant, selon les premières estimation, de 43 %
actuellement à environ 33 %, ce qui est considérable.
Cela est dû pour partie - mais pour partie seulement - à l'amélioration de la
situation de certains territoires français, et je m'en félicite. C'est aussi la
conséquence du souhait des Etats membres de limiter leurs dépenses et du choix
fait par certains pays en faveur de la PAC plutôt qu'en faveur des fonds
structurels.
Personnellement, je souhaite que nos négociateurs défendent vigoureusement
deux objectifs : d'une part, la plus grande flexibilité possible pour
l'application des critères prévus, afin de permettre une très large couverture
; d'autre part, la défense d'une position d'équilibre entre les différentes
politiques européennes.
La consultation doit s'engager à partir du mois de février dans la perspective
des négociations à Bruxelles qui se tiendront au cours du premier semestre de
1999.
Les préfets sont invités à tenir compte des besoins les plus critiques, dont
l'intérêt a été réaffirmé au cours du précédent comité interministériel pour
l'aménagement et le développement du territoire du 15 décembre.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
REDÉPLOIEMENT DES ZEP
M. le président.
La parole est à M. Charzat.
M. Michel Charzat.
Ma question s'adresse à Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de
l'enseignement scolaire.
Madame la ministre, je suis avec beaucoup d'intérêt le travail que vous
réalisez pour soutenir l'école publique et pour offrir à tous un égal accès au
savoir.
(Murmures sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Bernard Piras.
Très bien !
M. Michel Charzat.
En cette période de célébration du cinquantenaire de la Déclaration
universelle des droits de l'homme, rappelons que tout individu dispose d'un
droit à la connaissance qui doit lui permettre d'être libre et égal en droit,
dans un esprit de fraternité et non plus de compétition vaine et de peur de
l'échec.
Les zones d'éducation prioritaire, les ZEP, sont un outil au service de cet
objectif, et je me félicite, madame la ministre, que vous ayez décidé, avec le
Gouvernement, un plan de relance de ces ZEP. Loin d'être usé par les années, ce
dispositif conserve tout son sens et toute sa pertinence, même si, chemin
faisant, il est nécessaire de vérifier son adéquation aux évolutions de nos
quartiers. Le rééquilibrage de la carte des ZEP doit donc être étudié puisque
aucun état des lieux n'a été réalisé depuis 1990.
Cependant, des réactions se sont exprimées face à certains projets de sortie
d'établissements de ZEP pour la rentrée 1999. Elles ont montré des parents, des
enseignants, des élus impliqués défendant leurs écoles et la cause d'un
enseignement adapté aux difficultés que rencontrent les élèves des quartiers en
voie de paupérisation. La résistance fut d'autant plus sincère que ces acteurs
de terrain peuvent, après plusieurs années, constater le chemin parcouru dans
leurs écoles.
A Paris comme dans certains autres départements - urbains mais aussi ruraux -
la remise en cause de la légitimité de certaines écoles à rester en ZEP s'est
accompagnée, dans un premier temps, d'une insuffisante concertation de la part
de l'académie avec les partenaires concernés.
M. le président.
Veuillez poser votre question, monsieur Charzat.
M. Michel Charzat.
Cela a entraîné incompréhension, protestation, et parfois même occupation
d'écoles.
Dans un second temps, un dialogue a pu s'instaurer. Je suis moi-même intervenu
directement auprès de vous, madame la ministre, pour vous faire part de mes
inquiétudes et de celles des élus, des parents et des enseignants de la
capitale.
Aujourd'hui, je souhaite savoir, madame la ministre, quels sont les moyens
dont vous disposez pour la relance des ZEP dans les quartiers défavorisés.
Par ailleurs, je souhaite que vous puissiez m'indiquer quelles sont les
modifications à la carte des ZEP qui sont envisagées dans le XXe arrondissement
de la capitale.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Monsieur le sénateur,
je vous remercie du soutien que vous apportez, au travers de votre question, à
la politique de relance de l'éducation prioritaire.
Cette relance recouvre deux aspects : d'une part, une augmentation des moyens
; d'autre part, la mise en place d'outils de pilotage nouveaux mettant l'accent
sur la qualité pédagogique de projets éducatifs destinés à renforcer la
réussite scolaire des élèves des quartiers les plus sensibles.
M. Léon Fatous.
Très bien !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Au total, 13 000 enseignants et personnels enseignants
supplémentaires - je pense notamment aux ATOS, les personnels administratifs,
techniciens, ouvriers et de service, dont le rôle est très important dans les
établissements scolaires - se verront attribuer une indemnité qui reconnaît la
difficulté spécifique de leur travail dans les quartiers sensibles.
Bien évidemment, comme toujours, on entend davantage ceux qui résistent contre
les sorties de ZEP que ceux qui sont contents d'y entrer. Au total, plus de 600
établissements scolaires - écoles maternelles, écoles primaires et collèges -
vont pourtant entrer en zone d'éducation prioritaire. Ceux-là, je ne les ai pas
beaucoup entendus !
Au demeurant, si quelques réactions se sont manifestées, c'est précisément
parce que la concertation a été ouverte ! Mais vous avez raison, monsieur le
sénateur, sans doute aurait-il dû y avoir davantage de transparence. Il est, en
tout cas, inhérent à toute concertation de susciter des réactions qui, ensuite,
sont prises en compte pour permettre une réadaptation des décisions. Tout
n'apparaît pas, en effet, dans un tableau, et la réalité territoriale doit être
prise en compte à partir de l'expérience des équipes sur le terrain.
Comme vous le savez, j'ai donné des instructions au recteur de Paris afin que
chaque cas particulier fasse l'objet d'un examen - il en sera ainsi dans toutes
les autres académies de ce pays - afin que soit prise en compte la volonté des
équipes éducatives de rester en ZEP ou d'être intégrées dans un réseau
d'éducation prioritaire.
Je compte sur vous et sur l'ensemble des partenaires du système scolaire pour
que, à partir du mois de janvier, cet effort supplémentaire de la nation se
traduise dans un effort qualitatif sur les contrats de réussite.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
VIOLENCES URBAINES
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Depuis quelques mois, se pose avec une acuité certaine le problème du
développement de la violence, notamment de la délinquance urbaine et juvénile.
Ce phénomène génère chez les habitants des quartiers touchés le sentiment
d'être des citoyens de second rang, vivant dans des zones de non-droit.
Cette situation, ainsi que le développement de cette délinquance, relèvent à
l'évidence de la faillite des modes de régulation habituelle. Des moyens
doivent donc être déployés pour responsabiliser les parents des mineurs
concernés et éloigner de leur quartier d'origine les délinquants identifiés.
De plus, monsieur le ministre, le drame de Toulouse doit vous inciter à doter
d'effectifs supplémentaires ces zones qui connaissent la délinquance la plus
élevée et où la population se sent abandonnée par l'Etat.
Cependant, ces effectifs supplémentaires doivent être constitués avec de
véritables policiers et non avec des emplois-jeunes recrutés sans condition de
diplôme et armés après deux mois de formation.
M. Jacques Mahéas.
Il fallait voter l'augmentation des crédits du ministère de l'intérieur !
M. Dominique Leclerc.
En conséquence, monsieur le ministre, avez-vous enfin l'intention de prendre
la réelle dimension de ce phénomène des violences urbaines et de répondre
efficacement à la demande des populations concernées ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Monsieur le sénateur, le problème des violences urbaines, en particulier celui
de la montée de la délinquance juvénile, qui a doublé au cours de ces dix
dernières années, ne date malheureusement pas de ces derniers mois.
M. Jacques Mahéas.
Ce n'est pas nouveau, en effet !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
C'est un problème social préoccupant, qui prouve la perte, dans notre société,
des repères et, comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, des régulations
qu'exercent la famille ou les autres institutions.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, la police est souvent un peu seule dans
ces quartiers pour essayer de répondre à diverses sollicitations, et nous
devons évidemment tout faire pour juguler cette montée des violences, en
particulier celles qui sont commises par les jeunes.
C'est pourquoi le conseil de sécurité intérieure a pris un certain nombre de
décisions.
S'agissant, d'abord, de la police, nous mettrons en place dans chaque
département un « correspondant jeunes », c'est-à-dire un policier spécialement
affecté au suivi des problèmes qui sont liés à cette tranche d'âge. Nous
formerons, dans les trois années qui viennent, 17 500 fonctionnaires de police
au traitement de la délinquance juvénile. Nous aurons aussi à mettre en place
des brigades de mineurs.
Je pense également que les contrats locaux de sécurité, qui visent à associer
prévention, dissuasion, sanction et réparation, sont un élément de réponse à ce
phénomène social très inquiétant. A cet égard, je vous indique que 150 contrats
ont déjà été signés avec des municipalités de tendances politiques très
différentes, parce que, dans le domaine de la sécurité, il faut conjuguer tous
les efforts.
C'est par ces actions multiples que nous parviendrons à lutter contre des
phénomènes qui lézardent notre société et menacent la paix et la tranquillité
de nos concitoyens. Je vous confirme, en tout cas, que le Gouvernement a la
ferme intention d'agir de façon déterminée pour que ne se créent pas des zones
de non-droit et pour que le respect du droit soit assuré partout et pour tous
nos concitoyens.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicains et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement à seize
heures précises, comme l'avait prévu la conférence des présidents. J'adresse
mes compliments aux intervenants et aux ministres qui leur ont répondu !
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques
instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
6
MISSIONS D'INFORMATION
M. le président.
L'ordre du jour appelle l'examen d'une demande conjointe des présidents des
commissions des finances, des lois, des affaires culturelles, des affaires
économiques et des affaires sociales tendant à obtenir du Sénat l'autorisation
de désigner une mission d'information commune chargée de dresser le bilan de la
décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter
l'exercice des compétences locales.
Il a été donné connaissance de cette demande au Sénat au cours de sa séance du
jeudi 10 décembre 1998.
Je vais consulter sur cette demande.
Il n'y a pas d'opposition ?...
En conséquence, en application de l'article 21 du règlement, cette mission
commune d'information est autorisée.
Conformément à la demande présentée par les cinq commissions permanentes
intéressées, les sénateurs membres de cette mission sont : MM. Jacques
Bellanger, Joël Bourdin, Robert Bret, Louis de Broissia, Jean-Paul Delevoye,
Claude Domeizel, Patrice Gélard, Paul Girod, Hubert Haenel, Claude Haut, Daniel
Hoeffel, Jean Huchon, Jean-François Humbert, Philippe Marini, Michel Mercier,
Gérard Miquel, Bernard Murat, Philippe Nachbar, Jacques Oudin, Lylian Payet,
Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Henri de Raincourt, Philippe
Richert, Bernard Seillier et Guy Vissac.
L'ordre du jour appelle l'examen d'une demande présentée par la commission des
affaires étrangères tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une
mission d'information au Mexique afin de recueillir des informations sur la
situation politique et économique de ce pays et sur les relations bilatérales
franco-mexicaines.
Il a été donné connaissance de cette demande au Sénat au cours de sa séance du
lundi 14 décembre 1998.
Je vais consulter sur cette demande.
Il n'y a pas d'opposition ?...
En conséquence, la commission des affaires étrangères est autorisée, en
application de l'article 21 du règlement, à désigner cette mission
d'information.
7
MODIFICATION DES ARTICLES 88-2 ET 88-4
DE LA CONSTITUTION
Suite de la discussion
et adoption d'un projet de loi constitutionnelle
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi
constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant les articles
88-2 et 88-4 de la Constitution.
Exception d'irrecevabilité
(suite)
M. le président.
Je rappelle que la motion n° 1, tendant à opposer l'exception
d'irrecevabilité, a été présentée par M. Pasqua et qu'un orateur, M. Badinter,
s'est exprimé contre. Il appartient maintenant à la commission des lois de
donner son avis.
Quel est cet avis, monsieur le rapporteur ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Il sera
très bref, monsieur le président.
En effet, la commission des lois n'a pas pu approfondir ses réflexions sur
l'exception d'irrecevabilité présentée par notre collègue M. Pasqua, dans la
mesure où celle-ci n'était accompagnée d'aucune explication pouvant donner
prise à un commentaire. Ces explications, nous les avons entendues, tout à
l'heure, lorsqu'elles ont été présentées à la tribune.
La commission a donc simplement considéré - M. Badinter l'a fort bien dit tout
à l'heure - qu'en vertu de notre règlement les exceptions d'irrecevabilité
étaient fondées sur des manquements éventuels à la Constitution et qu'en
l'espèce, s'agissant d'un texte qui vise précisément à modifier la
Constitution, il y avait irrecevabilité de la motion d'irrecevabilité puisque
ledit texte, par construction, au départ, ne peut évidemment pas être conforme
à la Constitution. Nul doute, d'ailleurs, que M. Pasqua savait cela aussi bien
que nous !
Je n'ai qu'un regret, c'est de ne pouvoir dire à M. Pasqua, sur le fond, ce
que d'autres ont dit beaucoup mieux que moi, notamment MM. de Villepin, Hoeffel
et, ce matin encore, M. Badinter, aux propos desquels je souscris
pleinement.
Mon cher collègue, permettez-moi simplement de vous dire, d'un mot, que
j'appartiens, comme d'autres ici, à cette génération qui commence à se faire
rare et qui a le grand avantage d'avoir connu les deux Europe : celle d'avant
les années cinquante, celle des guerres mondiales, et celle de la seconde
moitié du siècle.
Ai-je besoin de vous dire qu'en ce qui me concerne je ne vois pas comment on
peut militer avec tant d'ardeur pour l'Europe des nations, étant donné les
souvenirs qu'elle nous laisse, alors qu'au contraire l'Europe que nous
construisons me paraît infiniment plus porteuse d'avenir et de paix !
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles de l'Union
centriste. - Exclamations sur quelques travées du Rassemblement pour la
République et du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Charles Pasqua.
Vos arguments ne sont pas convaincants, monsieur le rapporteur !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Je serai, moi aussi, très
brève.
Je dirai d'abord, après MM. Badinter et Fauchon, qu'il ne peut effectivement y
avoir de révision inconstitutionnelle de la Constitution puisque le constituant
est souverain, qu'il peut tout faire, sauf changer la forme républicaine du
gouvernement.
Pour ce qui est, ensuite, du non-respect, selon M. Pasqua, de la décision du
Conseil constitutionnel, je crois qu'il y a un malentendu. Le Conseil
constitutionnel ne censure pas le traité, il constate que ce dernier est
incompatible avec la Constitution. Par conséquent, il nous demande non pas de
réaffirmer la souveraineté, mais simplement de savoir si, sur le fondement de
l'article 54 de la Constitution, nous révisons la Constitution, ce que nous
avons effectivement choisi de proposer au Parlement.
La voie que nous avons empruntée est donc non seulement tout à fait permise,
mais elle est même suggérée par le Conseil constitutionnel. Voilà pourquoi, en
effet, l'exception d'irrecevabilité ne me paraît pas elle-même recevable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix la motion n° 1.
M. Jean-Luc Bécart.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers
collègues, quelques instants suffiront pour exprimer la position de mon groupe,
qui ne participera pas au vote sur la motion défendue par notre collègue
Charles Pasqua.
M. Pasqua a défendu avec toute la conviction qui est la sienne une certaine
idée de la France et de la construction européenne. Certains de ses propos
démontrent qu'au sein même de la majorité sénatoriale une fracture existe entre
partisans d'un fédéralisme qui fait bien peu de cas de la souveraineté
populaire et d'autres qui considèrent encore que cette souveraineté populaire
est la clé de voûte de la République.
Nous approuvons l'accent mis sur la souveraineté du peuple français et sur la
demande solennelle d'un référendum sur les questions du traité d'Amsterdam.
Cependant, nous prenons acte également de la soudaine virulence de M. Pasqua à
l'égard de l'actuelle construction européenne, virulence que nous comprenons,
certes, mais nous nous souvenons également que M. Pasqua, après la poussée de
fièvre de Maastricht, a suivi et exécuté sans sourciller la politique de MM.
Balladur et Juppé qui furent précisément les commis zélés de la logique de
Maastricht.
Il y a eu, selon nous, un manque de cohérence au cours de ces six dernières
années qui brouille, de fait, le message de notre collègue Charles Pasqua.
Pour ces raisons, et afin de ne pas cautionner ce jeu subtil et interne de la
droite sénatoriale, nous ne participerons pas au scrutin sur la motion de M.
Pasqua.
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est la gauche plurielle !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par la commission et par le
Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
56:
Nombre de votants | 293 |
Nombre de suffrages exprimés | 293 |
Majorité absolue des suffrages | 147 |
Pour l'adoption | 10 |
Contre | 283 |
Question préalable
M. le président.
Je suis saisi par Mmes Luc et Beaudeau, M. Bécart, Mmes Bidard-Reydet et
Borvo, MM. Bret, Duffour, Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefebvre, Loridant, Ralite,
Renar et Mme Terrade d'une motion n° 2 tendant à opposer la question
préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide
qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi
constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant les articles
88-2 et 88-4 de la Constitution. »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion : l'auteur de
l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion
contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la
commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée
n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la motion.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes
chers collègues, je voudrais rappeler, en présentant cette question préalable,
que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne sont nullement
et frileusement attachés à un nationalisme archaïque, dépassé et sans
avenir.
Notre question préalable vise au contraire à souhaiter qu'un débat s'instaure
dans le pays, avec l'ensemble des Français, sur le thème « souveraineté
nationale, porteuse de progrès national, européen et, à terme, mondial ».
Charles Lederman avait rappelé, lors du débat relatif au traité de Maastricht,
cette belle phrase de Saint-Just s'adressant aux conventionnels de l'an II : «
Que l'Europe apprenne que vous ne voulez plus un malheureux ni un oppresseur
sur le territoire français ; que cet exemple fructifie sur la terre, qu'il y
propose l'amour des vertus et le bonheur ! Le bonheur est une idée neuve en
Europe ! »
Mme Hélène Luc.
Très bien !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
La crise secoue la France et les pays européens. C'est par l'action solidaire
des peuples, dans le cadre des nations, que l'Europe peut se construire.
L'Europe de l'emploi ne passe pas par des directives qui démantèlent notre
service public, attisent les concurrences et placent la France en position
difficile. Sur quarante-cinq groupes internationaux voulant s'installer en
Ile-de-France et représentant vingt-deux sièges sociaux européens, dix-sept
centres d'appels et de services, six centres de distribution, après examen des
propositions concurrentielles, aucun ne choisira la France. Le quotidien
La
Tribune
le note : dix-sept choisiront la Grande-Bretagne, quatorze les
Pays-Bas, huit l'Allemagne, six la Belgique. Ce n'est qu'un exemple parmi bien
d'autres, malheureusement.
L'Europe de la coopération industrielle et commerciale passe non pas par la
guerre économique, la pénétration des groupes, les plus forts issus des
Etats-Unis et du Japon, mais par l'épanouissement et l'harmonie de chaque
richesse, de chaque production, de chaque pays. La coopération économique ne
peut pas se développer sur le malheur des plus faibles. Elle passe plutôt par
le contrôle démocratique de chaque pays en pleine souveraineté.
L'équilibre monétaire des échanges ne peut pas se fonder sur la loi inhumaine
du profit, la puissance du dollar, du yen, du deutschemark ou même parfois du
franc, et maintenant de l'euro, imposées par une banque européenne coupée des
peuples et n'obéissant en fait qu'à la loi de la finance internationale,
rejetant les besoins de chaque peuple.
Non, madame la ministre, monsieur le ministre, le traité d'Amsterdam ne défend
nullement et de bonne façon la construction d'une Europe des peuples et du
progrès.
D'abord parce que l'intégration économique européenne ne progresse plus, mis à
part le secteur agro-alimentaire. Depuis 1973, dans l'industrie, la part des
importations d'origine communautaire a baissé de 7 points en France, de 9
points dans le Benelux et de 12 points en Allemagne.
N'est-il pas illusoire de prétendre faire se développer un espace social et
culturel et encore plus politique, dès lors que l'espace économique se réduit,
que le chômage de masse et la régression sociale malheureusement croissante
demeurent, voire progressent ?
Les juges de Luxembourg, les banquiers de Francfort, les commissaires de
Bruxelles vident les Etats nationaux de leur substance. Ils ne pourront, sous
cette forme, produire que des chimères, des abandons, ou des crises.
Une phrase prononcée par François Mitterrand en 1981 est à méditer. Elle
exprime un doute « quant à la possibilité de l'économie libérale en Europe
d'échapper à ses lois qui la condamnent à se confondre dans un tout dominé par
les intérêts qui ne sont pas les nôtres ».
Qui peut nous préserver de cette évolution au terme de laquelle la France
pourrait courir un risque de se confondre dans des intérêts qui ne seraient pas
les siens ?
J'affirme que la souveraineté, avec son double aspect souveraineté nationale
et souveraineté populaire, est le garant d'une politique favorable à notre
peuple, et à l'Europe.
Dans un très bon article, intitulé « Etats-nations et universalité », Anicet
Le Pors, conseiller d'Etat, démontre que l'« Etat-nation est, et demeure, le
principal niveau d'articulation du général et du particulier » ou encore que «
rien n'est plus étrange à la nation que le nationalisme. La nation, créatrice
de valeurs et de civilisations, est porteuse d'universalité. Le nationalisme
lui tourne le dos en faisant de la nation sa propre fin ».
De nombreux peuples, dans le demi-siècle qui vient de s'écouler, se sont
libérés du joug colonial en créant leur propre nation-Etat. Cette naissance
s'est fondée par fécondation d'une politique nationale de progrès et, ensuite,
progressivement, en recherchant d'autres Etats-nations pour exprimer l'idée du
tiers monde.
Le concept de nation n'est pas dépassé. N'est-ce pas l'ultra-libéralisme qui
veut l'abolir et, cela, pour une raison très politique ? La nation est le cadre
qui cristallise sous forme législative et institutionnelle les acquis sociaux,
démocratiques. Elle est le creuset de cultures politiques où les citoyens
peuvent décider de rompre avec les choix dominants.
Le traité de Rome de 1957 était une première tentative de fournir aux groupes
et aux capitaux le moyen de se développer sur la base d'un engagement libre
d'Etats.
Comment en est-on arrivé au traité d'Amsterdam ?
Le traité de Maastricht de 1992 a une singularité historique : il définit des
rapports entre Etats et il les maintient dans des structures que chaque Etat
signataire ne pourra pas remettre en cause. Le traité de Maastricht ne prévoit
aucune clause de retrait.
Dans ces conditions, le référendum s'imposait pour la ratification du traité
de Maastricht. Cette décision se fondait sur l'application de l'article 3 de la
Constitution aux termes duquel « la souveraineté nationale appartient au peuple
».
Je rappelle que la souveraineté ne peut pas être déléguée, pas même à la
représentation parlementaire, encore moins au Conseil constitutionnel. Elle
exprime, affirmait Jean-Jacques Rousseau, une volonté générale, détenue
exclusivement par le peuple.
En 1992, le Président de la République avait décidé l'organisation d'un
référendum, il avait eu raison. Même le professeur Luchaire, partisan de la
construction européenne, le reconnaissait : « Il n'est pas possible d'apporter
la moindre entaille à la souveraineté populaire sans la détruire ».
La question se pose à nouveau aujourd'hui. Le traité de Maastricht a justifié
un référendum, car il sécrétait des abandons de souveraineté. Je les rappelle :
les règles régissant le franchissement des frontières, les rapports entre le
droit français et le droit supranational, l'abandon des pouvoirs de la Banque
de France faisant de la banque européenne une entité supranationale, la
délégation du pouvoir de répartition de certaines compétences à la Haute Cour
de justice.
A son tour, le traité d'Amsterdam justifie-t-il un nouveau référendum ? Pour
le savoir, posons-nous la question : porte-t-il en lui de nouveaux abandons de
souveraineté ? Notre réponse est oui.
Il confirme tout d'abord, avec ses treize protocoles et les cinquante et une
déclarations qu'il contient, les abandons de souveraineté que j'ai rappelés et
qui existe dans le traité de Maastricht.
Il permet ensuite l'inscription d'un traité dans la Constitution, sans que ce
traité soit ratifié. Le Conseil constitutionnel ne détient-il pas alors le
pouvoir exorbitant et sans contrôle de décider des modifications
constitutionnelles qu'il propose, se substituant de façon illégitime à la
souveraineté du peuple ?
Quels sont donc les nouveaux abandons de souveraineté ?
Prenons la partie « liberté, sécurité et justice ».
La Convention de Schengen est intégrée au traité dans le cadre d'un protocole.
Nous nous sommes opposés à cette convention, qui porte atteinte à la
souveraineté en matière policière et judiciaire et, par là même, au contrôle
démocratique dans ces domaines.
Nous avions également critiqué le fichier central du système d'information
Schengen, le SIS, qui porte des germes d'atteintes aux libertés publiques.
A ce jour, le doute subsiste sur son introduction dans le traité. M. Paul
Masson l'a noté dans son rapport, en indiquant que « la Commission demande
maintenant à accéder au système et aux données, c'est évidemment au regard de
la doctrine de la libre circulation des personnes et du droit des gens ».
L'intégration du SIS est-elle en vue, monsieur le ministre ?
Or, avec le traité d'Amsterdam, l'asile, l'immigration, la coopération
judiciaire en matière civile et l'octroi de visas pour les ressortissants des
pays tiers, seront progressivement communautarisés.
Le traité prévoit, dans son article 7, un système de suspension des droits
d'un Etat membre ne respectant pas les principes précités sur la démocratie et
les libertés. Cette suspension des droits peut aller jusqu'à priver cet Etat de
son droit de vote, après un vote à la simple majorité qualifiée.
Par ailleurs, le traité prévoit la suppression, dans un délai de cinq ans, des
contrôles aux frontières intérieures de l'Union, ainsi qu'un renforcement aux
frontières extérieures.
En outre, les décisions en matière de libre circulation des personnes pourront
être prises à l'issue d'une période transitoire de cinq ans, à la majorité
qualifiée et non plus à l'unanimité.
Je voudrais attirer votre attention sur cet abandon de la règle de l'unanimité
qui constitue, à notre avis, la perversion fondamentale de souveraineté du
traité d'Amsterdam.
Je tiens sur ce point à réfuter l'argument selon lequel il ne serait pas
acceptable de maintenir un système permettant à un pays sur quinze d'empêcher
telle ou telle décision européenne. Contester ce fait, c'est contester le
fondement même de la règle de l'unanimité, le fondement même de la règle de la
souveraineté nationale. Il s'agit d'une acceptation totale de la
supranationalité et du fédéralisme, qui signifie l'abandon pur et simple de la
notion de peuple souverain.
La souveraineté nationale ne peut se partager sans disparaître. En revanche,
les responsabilités peuvent se partager, dans des traités, conventions,
accords, pouvant se négocier de façon bilatérale ou multilatérale.
Dès lors, la seule façon de maintenir le principe de souveraineté, c'est de
garder, quoi qu'il arrive, la liberté de décision, d'orientation, de processus,
face à des actes jugés contraires à l'intérêt du pays. La possibilité de dire
non à tout moment est la préservation du principe de souveraineté.
Le droit de veto de la France n'est-il pas le dernier rempart pour préserver
notre souveraineté ? A ce propos, si notre question préalable n'était pas
adoptée, mon groupe inviterait le Sénat à se prononcer clairement par le biais
d'un amendement.
Dans le traité, il est des domaines qui sont particulièrement sensibles et où
de nouvelles atteintes à la règle de l'unanimité apparaissent.
En politique extérieure, la principale innovation réside dans le fait que le
Conseil européen devra décider de « stratégies communes qui seront mises en
oeuvre par l'Union dans des domaines où les Etats membres ont des intérêts
communs importants ».
Ces stratégies seront définies à l'unanimité. Très bien ! Mais un mécanisme «
d'abstention constructive » limite la portée de l'unanimité.
Il était difficile, en matière de défense ou de politique extérieure,
d'adopter brutalement la règle de la majorité !
Ce sera vraisemblablement pour le prochain traité ! Le traité d'Amsterdam aura
créé un précédent.
En attendant, l'abstention constructive pourra jouer pour ne pas s'opposer à
des décisions, tout en faisant jouer un prétendu risque quant aux principes.
L'histoire nous apprend que l'abstention en matière de politique extérieure
conduit aux atteintes à la souveraineté des peuples, aux agressions contre
certains pays car, de façon hypocrite et sans vouloir rappeler Munich, un pays
peut se réfugier dans l'abstention pour laisser faire.
Il est un autre thème qui nous inquiète, celui de la défense ou nationale ou
européenne ! La volonté d'intégration de l'UEO dans l'Union européenne ne
prend-elle pas un relief nouveau après le sommet franco-britannique de
Saint-Malo relançant l'Europe de la défense ?
Ce sont deux grandes inquiétudes. Défense, politique extérieure seront-elles
infléchies vers l'intégration ? La remise en cause de la règle de l'unanimité
nous le fait craindre, d'autant plus qu'une troisième inquiétude se fait jour
dans le domaine des institutions de l'Union.
En apparence, le traité d'Amsterdam reste prudent. Une nouvelle conférence
intergouvernementale devra effectuer un réexamen complet des dispositions des
traités relatives aux institutions. Il est cependant des certitudes.
Le président de la Commission est conforté, mais sans renforcement réel des
institutions.
La révision du mécanisme de la pondération des voix est simplement remise à
plus tard.
La procédure du vote à la majorité qualifiée devient la règle dans le nouveau
traité. Qui, mes chers collègues, parmi les fondateurs de l'Europe, aurait pu
imaginer que puisse être remise en cause la règle de l'unanimité ?
Enfin, un protocole sur le rôle des parlements nationaux a été adopté. Là
encore, il fait apparaître un contrôle par chaque Etat des décisions communes,
suivant ses règles de fonctionnement. Le délai d'examen des autres est étendu.
Mais, dans les deux cas, le plus important n'est pas affirmé : chaque parlement
a le pouvoir de décider sur chaque acte communautaire. L'avis du Parlement est
souhaité, mais seulement à titre consultatif.
Il faut cesser ces débats de tartuffe. Oui ou non, les parlements nationaux
doivent-ils obtenir une place réelle dans la construction européenne ? Nous
proposerons sur ce point, si les articles sont mis en discussion, un amendement
permettant de faire un choix sans ambiguïté.
Mes chers collègues, avec les remises en cause du droit de chaque Etat de
s'opposer ou de revenir en arrière sous prétexte d'être obligé de poursuivre,
car il n'y aurait pas le choix, vous créeriez une combinaison où la compétence
du peuple français sur la maîtrise de sa politique serait réduite à néant.
L'enjeu démocratique, national, européen et même mondial est posé.
C'est pour que le peuple français puisse répondre en toute clarté à cet enjeu
que nous proposons un référendum.
Le vote de notre question préalable est une demande solennelle des
parlementaires qui veulent promouvoir l'Europe par le bonheur premier de notre
pays et du peuple français.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
ainsi que sur certaines travées du RPR).
(M. Jacques Valade remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE,
vice-président
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission s'est prononcée contre cette motion qui va à
l'encontre du choix qu'elle a fait d'adopter ce texte. Elle sera néanmoins
intéressée par la réponse du Gouvernement.
A titre personnel, j'ajoute que, lorsque j'entends citer Saint-Just dans un
propos sur le bonheur des peuples, j'éprouve un certain sentiment
d'inquiétude...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Vous avez tort !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Nous partageons le
sentiment du rapporteur de la commission.
Mme Beaudeau vient d'exprimer une opinion sur l'Europe. Si son intervention
manifeste notre souci commun d'avancer dans une même direction sur le plan
économique et social, elle souligne aussi des différences d'approches
importantes sur les questions qui nous seront soumises, notamment sur le traité
d'Amsterdam.
Une autre différence porte sur le recours au référendum. Nous avons le
sentiment de nous inscrire dans un processus légitime qui est prévu par
l'article 89 de la Constitution. Aux termes de cet article, en effet, c'est au
Président de la République et à lui seul qu'il revient de décider si la
Constitution doit être révisée par référendum ou par la voie du Congrès. C'est
son pouvoir.
Mais je ne veux pas être hypocrite : nous nous sommes engagés clairement dans
la voie d'une révision par le Congrès parce que nous estimons que le référendum
n'est pas forcément la réponse adaptée à un tel texte.
La question, dans un référendum, doit être claire, simple et concerner des
enjeux fondateurs. Je pense à la monnaie unique ou à l'éventualité, soulevée
par M. Robert Badinter, d'une clause de révision globale de notre Constitution
validant par anticipation les évolutions européenne à venir.
Voilà des motifs qui justifieraient un référendum.
Là, nous avons un texte un peu fourre-tout, dont on a pu souligner le
caractère d'amalgame. Pour ma part, je ne relèverai pas son caractère
technique, mais c'est un mot qui a été repris par le Président de la République
dans la nuit d'Amsterdam, quand il avait évoqué son peu d'inclination à
recourir au référendum.
M. le président.
Je vais mettre aux voix la motion n° 2.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
(Murmures sur diverses travées.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il s'agit d'une question d'importance, mes chers collègues, et je souhaite
revenir sur quelques points.
M. le président.
Vous avez la parole pour cinq minutes, madame Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je ne reprendrai pas l'ensemble de l'argumentaire que je viens de développer,
mais je veux insister sur deux points.
Il est inacceptable que certains intervenants continuent à caricaturer les
propos de ceux qui plaident en faveur d'une construction européenne non soumise
aux lois du marché. Il faut cesser de tourner en ridicule ceux qui affirment
que, pour résister à la formidable pression du monde de la finance, seule
l'intervention des peuples, l'intervention des citoyens de l'Europe et du monde
peut permettre de s'engager dans une autre voie.
M. Badinter a taxé de nationalistes ceux qui défendent la compétence des
parlements nationaux. Comment pourrait-il dès lors dénommer ceux qui décident
de priver le peuple de la maîtrise de son destin au profit d'organismes
antidémocratiques par essence, telle la Commission européenne ou la Banque
centrale européenne ?
Je ne crois pas qu'il soit utile, entre hommes et femmes de progrès, de
continuer une telle polémique.
Je veux simplement rappeler, car cela me semble important, que la voie de
Maastricht, si elle est maintenue - qui pourrait d'ailleurs nous dire qu'elle
ne l'est pas ? - conduit la gauche en France, mais aussi dans d'autres pays
européens, à l'impasse.
C'est en ayant conscience de cette réalité, monsieur le ministre, que le parti
socialiste et le parti communiste français ont indiqué ensemble, dans une
déclaration commune le 29 avril 1997 : « Avec toutes celles et tous ceux qui
dénoncent les dogmes actuels de l'ultralibéralisme et qui, dans le même temps,
considèrent non seulement que le repli nationaliste n'est pas la solution, mais
que la France peut et doit affronter avec ses partenaires européens la
mondialisation et les défis du monde tel qu'il est aujourd'hui ; avec celles et
ceux qui refusent de sacrifier la nation et sa souveraineté à la construction
européenne, nous disons non à l'Europe libérale, à l'Europe de l'argent-roi et
de la soumission aux marchés financiers. Nous pensons qu'il faut redonner du
sens à l'Europe en dépassant le traité de Maastricht sur lequel nous n'avons
pas eu la même attitude lors du référendum de 1992.
« C'est à partir de l'affirmation en France d'une politique économique et
sociale de gauche, pour la croissance et l'emploi, de l'action pour une
politique sociale au niveau européen harmonisant par le haut les législations
et pour une France organisant, pour cela, sur le plan politique, le partage des
responsabilités, que nous pouvons nous engager sur une autre voie.
« Nous estimons que la France doit proposer aux partenaires européens
d'engager des discussions, avec la volonté de faire l'Europe et de réorienter
la construction européenne vers une Europe sociale, de progrès, de paix et de
sécurité. »
C'est en laissant à chacun le soin de méditer ces dispositions essentielles et
en rappelant combien le traité de Maastricht, le pacte de stabilité et le
traité d'Amsterdam vont à l'encontre de tels objectifs que je conclurai mon
propos en invitant le Sénat à voter cette motion tendant à opposer la question
préalable.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 2, repoussée par la commission et par le
Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi
constitutionnelle.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président.
Nous passons à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président.
Par amendement n° 8, Mme Luc, MM. Duffour et Bret, Mmes Beaudeau et
Bidard-Reydet, M. Bécart, Mme Borvo, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefebvre,
Loridant, Ralite, Renar, Mme Terrade proposent d'insérer, avant l'article 1er,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article 3 de la Constitution, il est inséré un
alinéa ainsi rédigé :
« Les projets de loi tendant à autoriser la ratification des traités qui
auraient pour conséquence de modifier l'exercice de la souveraineté sont soumis
à référendum. »
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Comme l'a rappelé voilà un instant ma collègue et amie Marie-Claude Beaudeau,
« la souveraineté ne peut être représentée (...), elle consiste essentiellement
dans la volonté générale (...), les députés du peuple ne sont que des
commissions, ils ne peuvent rien conclure définitivement ». Jean-Jacques
Rousseau est l'auteur de ces lignes.
Ces écrits, constitutifs de ce qui allait devenir la République, méritent
d'être rappelés alors que, pour certains, l'idée même de souveraineté nationale
serait à classer au rang des vieilles idéologies conservatrices.
Bien entendu, nous refusons tout discours nationaliste porteur de repli, alors
que notre temps, on le sait, est celui de l'ouverture sur le monde et de
l'élargissement de l'espace.
L'idée de souveraineté nationale ne peut être, selon nous, dissociée de celle
de souveraineté populaire.
Comment imaginer, en effet, répondre à la volonté d'introduire davantage de
démocratie et de contrôle populaire des institutions européennes en mettant en
cause le principe de souveraineté nationale, qui permet l'intervention du
peuple ?
Il y a, selon nous, une véritable malhonnêteté intellectuelle à caricaturer
les propos de ceux qui placent la souveraineté nationale au rang des valeurs
essentielles de progrès.
Est-ce une conception progressiste des rapports entre représentants et
représentés que de supprimer tout moyen d'intervention réel d'un peuple sur son
avenir ? Nous ne le pensons pas.
Le débat sur le projet de loi de révision constitutionnelle ne nous semble pas
respecter des règles démocratiques élémentaires.
En effet, comment peut-on accepter d'inscrire dans la Constitution la
référence à un traité non encore ratifié, que ce soit par le Parlement ou,
surtout, par le peuple ?
Que se passerait-il si, demain, le traité n'était pas ratifié ?
Nous devrions entamer une nouvelle révision de la Constitution pour défaire ce
qui est fait aujourd'hui par anticipation.
Nous assistons là, me semble-t-il, à de graves dysfonctionnements de nos
institutions. Or, ne l'oublions pas, derrière tout cela, il y a une volonté
politique : celle d'une mise en place, à marche forcée, d'une Europe libérale,
qui n'est pas l'Europe dont les peuples ont besoin.
Nous l'affirmons clairement : nous sommes partisans de l'Europe, d'une
construction européenne.
Toute personne prônant le repli au sein de nos frontières ferait preuve d'une
grave irresponsabilité. Mais il existe différentes conceptions de l'Europe et,
dans ce domaine-là, comme dans d'autres, il n'y a pas de pensée unique !
Nous estimons qu'il est fondamental d'organiser la consultation du peuple, par
voie de référendum, en préalable à la ratification du traité d'Amsterdam.
Il est possible, mes chers collègues, de discuter durant des heures, de se
livrer à des joutes juridiques sans fin, mais deux points nous apparaissent
d'une grande limpidité.
Premièrement, selon l'article 89 de la Constitution, le principe, en matière
de révision constitutionnelle, c'est le référendum ; l'exception, la réunion du
Congrès du Parlement.
Que prévoit en effet l'article 89, dont je vous cite l'essentiel : « La
révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.
« Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le
Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en
Congrès ».
A moins de considérer le sujet de notre débat d'aujourd'hui comme une
pécadille qui ne mérite pas l'avis du peuple, il apparaît évident, à la lecture
de la Constitution, que le débat sur le projet de révision lui-même pourrait
être soumis à référendum.
Deuxièmement, et c'est sur ce point que nous insistons tout particulièrement,
le référendum s'impose sur l'ensemble du traité d'Amsterdam, et pas seulement
sur le projet de révision. Nul ne conteste les atteintes à la souveraineté
nationale résultant du traité, le Conseil constitutionnel lui-même en relevant
certaines.
Or l'article 3 de la Constitution rappelle que « la souveraineté nationale
appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie de
référendum ». Il n'est pas dit par ses représentants « ou » par la voie de
référendum.
Nous estimons que le recours au peuple est donc clairement inscrit dans la
Constitution.
Pour couper court aux travaux d'interprétation, nous proposons de modifier la
Constitution afin d'indiquer, sans ambiguïté, que tout traité mettant en cause
la souveraineté nationale devra être soumis à référendum, et c'est l'objet de
l'amendement n° 8.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Défavorable, car la commission considère que nous sommes une
démocratie parlementaire et qu'il n'y a lieu de recourir au référendum que
d'une manière tout à fait exceptionnelle.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Moi non plus, je ne peux souscrire à l'idée de donner
au référendum un caractère obligatoire. La Constitution procède d'un équilibre
entre la démocratie représentative et son exercice direct par le peuple.
Il est important que nous gardions cette souplesse du texte constitutionnel
qui permet soit de réviser la Constitution par référendum - cela a été le cas
pour le traité de Maastricht - soit de donner cette responsabilité au
Parlement.
En tout état de cause, c'est une prérogative du Président de la République de
choisir la voie du Congrès ou celle du référendum.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
Le premier, n° 4 rectifié, est présenté par MM. Legendre, Darniche, Adnot,
Barnier, Bourdin, Mme Brisepierre, MM. Calmejane, Cantegrit, Cazalet, César,
Courtois, de Cuttoli, Darcos, Delvoye, DelPicchia, Deneux, Descours, Dulait,
Durand-Chastel, Eckenspieller, Ferrand, Fournier, Foy, François, Gournac,
Gouteyron, Gruillot, Hamel, Gérard Larcher, Laufoaulu, Lauret, Leclerc,
Loueckhote, Maman, Marini, Masson, Mme Michaud-Chevry, MM. Moinard,
Mouly,Neuwirth, Mme Olin, MM. d'Ornano, Othily, Oudin, Payet, Pelchat,
Peyrefitte, Rausch, Reux, Rufin, Seillier, Souplet, Türk, Ulrich, Valade,
Vasselle, Vinçon et de Villepin.
Le second, n° 9, est déposé par MM. Renar et Ralite, Mme Luc et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi
rédigé :
« Avant l'article 88 de la Constitution, il est inséré un article additionnel
ainsi rédigé :
«
Art. ... -
La République participe à la construction d'un espace
francophone de solidarité et de coopération. »
La parole est à M. Legendre, pour défendre l'amendement n° 4 rectifié.
M. Jacques Legendre.
L'objet de cet amendement est d'inscrire enfin la francophonie dans la
Constitution pour bien montrer qu'elle est une donnée permanente de la présence
de la France dans le monde.
Cette inscription traduit une volonté déjà ancienne. En 1995, un amendement
que j'avais cosigné avec Xavier de Villepin et Maurice Schumann avait été
adopté par le Sénat. Il tendait déjà à préciser que la République participe à
la construction d'un espace francophone de solidarité et de coopération.
Malheureusement, l'Assemblée nationale avait estimé que le temps n'était pas
venu, que l'amendement était trop éloigné du débat du moment, et ne l'avait
donc pas retenu.
Ce même amendement a été repris en 1996 par M. Chevènement à l'Assemblée
nationale, tandis que notre regretté collègue Maurice Schumann montait à cette
tribune pour défendre à nouveau un amendement très voisin.
Une fois de plus, le Gouvernement avait estimé qu'il s'agissait d'un cavalier,
d'un amendement trop éloigné du débat du moment, qui portait sur la sécurité
sociale, pour pouvoir le retenir, tout en prenant bien soin d'indiquer que le
refus était non pas un refus de fond, mais un refus de forme.
Nous voici donc, à nouveau, en train de débattre de la place de la France dans
le monde et nous en discutons à propos de l'Europe, la géographie nous plaçant,
bien évidemment, en Europe. Mais il existe d'autres solidarités qui, souvent,
sont venues de l'histoire, et le moment, par conséquent, nous paraît venu, et
d'une manière incontestable cette fois, de situer la place de la France et de
ces solidarités dans le monde. C'est pourquoi nous pensons que cet amendement
n'est pas du tout hors sujet.
Parce qu'ils ressentent les choses ainsi, vingt-trois sénateurs issus de tous
les groupes de cette assemblée ont, au mois d'octobre, lancé un appel au
Gouvernement pour que ce dernier propose lui-même un amendement. Il s'agit de
rappeler que la France, si elle participe de la manière que l'on voit à la
construction européenne, poursuit aussi la construction d'un ensemble, d'un
espace qu'elle doit à son histoire.
Cette démarche avait d'ailleurs été soutenue à l'Assemblée nationale. C'est
ainsi que notre collègue Louis Mexandeau avait demandé au Gouvernement de bien
vouloir prendre cette initiative ; quant à notre collègue Pierre-André Wiltzer,
président de la commission politique de l'Assemblée parlementaire de la
francophonie, il avait déposé un amendement qui n'a pas été accepté par le
Gouvernement, mais, là encore, pour un motif non pas de fond, mais
d'opportunité.
De nombreuses prises de positions favorables avaient été entendues à
l'Assemblée nationale. Je citerai M. de Charette : « J'ai du mal à comprendre
comment on peut être opposé à inscrire dans nos textes fondamentaux une
disposition qui traduit la force, la détermination, l'intention durable de la
France, quelles que soient ses majorités, de donner à la francophonie toute sa
dimension et sa priorité. »
M. de Charette ajoutait à l'adresse de Mme le garde des sceaux : « Il me
serait agréable qu'une réponse positive soit donnée à la demande du groupe UDF.
»
Je ne peux pas non plus taire la réponse qu'avait faite à l'appel des
vingt-trois le Président de la République lui-même, rappelant dans une lettre
que la défense de la francophonie constitue une priorité de son action
diplomatique.
Rappelons également ses propos devant le Haut Conseil de la francophonie.
Jacques Chirac disait : « J'avais moi-même souligné qu'il appartenait au
Parlement de rassembler sur ce thème une large majorité. »
Mes chers collègues, j'ai espéré que cette large majorité pourrait provenir du
Sénat quand j'ai constaté que nous étions capables de nous mettre d'accord, au
groupe socialiste, au groupe communiste républicain et citoyen et au sein de la
majorité sénatoriale, pour déposer un amendement rédigé en termes identiques.
Cela marque bien l'intérêt de l'ensemble du Sénat pour ce sujet.
Je voudrais, enfin, répondre à l'éternelle question : est-ce le bon moment ?
J'attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que c'est la
dernière occasion, la seule.
On suggère parfois la voie de la proposition de loi constitutionnelle.
Va-t-on, sur un sujet comme celui-là, aller jusqu'au référendum ? Vous savez
bien que non ! On nous suggère encore de raccrocher cet amendement à un autre
débat. Imaginez-vous que nous déposions un amendement sur le texte relatif à la
parité hommes-femmes ? On nous dirait encore, bien évidemment, qu'il s'agit
d'un cavalier.
J'aimerais que les choses soient bien claires. Cet amendement n'a pas pour
objet de fausser le débat, ni de le retarder, ni de repousser l'adoption par
notre Parlement de dispositions rendues nécessaires par le traité d'Amsterdam.
Il n'est pas un prétexte, il n'est pas incompatible, avec le texte, il n'est
pas en contradiction avec celui-ci. Il est simplement l'occasion donnée enfin
au Sénat d'inscrire cet autre espace de solidarité dans notre Constitution.
En conclusion, mes chers collègues, j'ai envie de citer un ancien ministre des
affaires étrangères, qui ne fut pas le plus exemplaire, Talleyrand : « Il faut
vouloir ce que nous pouvons. » Aujourd'hui, nous pouvons dire solennellement
que la France considère la francophonie comme un aspect essentiel de sa
présence dans le monde. Il appartient au Sénat d'avoir l'honneur de donner ce
signal.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 9.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers
collègues, nous souhaiterions user de ce que la révision de notre Constitution
a de solennel pour inscrire de manière symbolique, dans cette dernière,
l'amendement n° 9 que nous proposons au Sénat d'adopter.
Cet amendement vise à inscrire dans la Constitution la construction d'un
espace francophone de solidarité et de coopération.
Notre langue, le français, possession intime dépourvue de titre de propriété,
nous l'avons en partage avec d'autres que nous-mêmes, parfois géographiquement
très proches, souvent dispersés sur les continents.
A des usagers divers, à des parlers différents répond une tournure qui nous
apparente, qui participe de notre construction individuelle et collective
autour d'inscriptions symboliques et de valeurs qui nous réunissent presque
malgré nous.
C'est à cette façon indicible et profonde d'être ensemble que nous
souhaiterions que notre République participe à travers la construction d'un
espace francophone de solidarité, de démocratie, de respect des droits de
chacun.
Loin d'une quelconque hégémonie culturelle, notre République doit jouer un
rôle actif dans la construction d'un espace ayant en partage le français et son
horizon symbolique.
Au sein d'un univers rétréci par la communication et les échanges, dans une
société mondiale fondée pour l'essentiel sur le mercantilisme et ses effets les
plus douloureux pour l'homme, nous pensons qu'il peut y avoir place, qu'il doit
y avoir une place, pour une organisation assise sur d'autres fondements.
A de multiples reprises, l'occasion nous a été donnée, voilà peu de temps
encore, d'illuster l'originalité de notre République sur des questions
relatives à l'ordre international.
Ainsi, le rôle joué par notre pays lors des négociations de l'AMI témoigne
d'une prise de position inédite et novatrice dans la construction de cette
société.
L'espace francophone que nous pourrions initier doit reposer sur ce partage
linguistique librement consenti, dans le respect de nos différences, à
l'identique de l'utilisation de notre langue maternelle, toujours originale et
différente selon ses locuteurs.
Dans un contexte de prédominance des langues anglo-saxonnes, prédominance liée
au mode de construction de cette société que je dirais mondiale, l'espace
francophone à construire pourrait être une ouverture vers d'autres possibles,
d'autres alternatives au service d'une indépendance et d'une différence de
points de vue de ses adhérents.
La langue est cette matière faite d'identités et de différences autour d'un
même code qui se doit de conserver une relative unité.
C'est sur ce modèle-là qu'il nous faut construire l'espace francophone défendu
par M. Boutros-Ghali.
Certes, comme l'indique M. Boutros-Ghali, « il ne s'agit pas de faire
concurrence à l'ONU », il s'agit bien plutôt de permettre échanges et
coopérations dans cette nébuleuse ayant en commun une langue et la
démocratie.
L'espace francophone que nous voulons construire appelle des efforts de
partages, de coopérations et d'échanges sans précédents en matière culturelle,
en matière d'éducation et de diplomatie. M. Legendre l'a dit avant moi.
A l'heure où notre pays s'apprête à ratifier la charte des langues régionales,
il est bon que la dimension universelle de la langue de notre pays et des
valeurs qui s'y rattachent soit clairement réaffirmée par la France, bien sûr,
mais aussi par tous ceux qui l'ont en possession.
Adopter notre amendement, c'est manifester notre choix de voir notre pays
participer de manière active à la construction d'une communauté de coopération
et de solidarité fondée sur une langue et sur des valeurs communes.
Tel est le sens de notre amendement que nous souhaitons voir adopté à
l'unanimité.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur les travées du RPR.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission souhaiterait entendre l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Ces amendements ont pour objet d'inscrire la
francophonie dans notre Constitution.
Je me suis déjà expliquée sur cette proposition à l'Assemblée nationale, où
des amendements comparables avaient été déposés.
Je me suis montrée réservée pour deux raisons tout en soulignant qu'il ne
devait y avoir aucune ambiguïté sur la volonté du Gouvernement de mener une
politique francophone forte, ce que les actions entreprises par la France sur
le terrain démontrent chaque jour.
J'ai exprimé alors mon attachement à cette cause tant au nom du Gouvernement
qu'à titre personnel. Elle constitue un axe majeur de la politique extérieure
de la France.
J'ai souligné devant l'Assemblée nationale, et je le fais de nouveau dans
cette enceinte, combien les gouvernements successifs, notamment celui de Lionel
Jospin, ont toujours mené une politique volontariste en ce domaine. Je rappelle
que la France a consacré, cette année, un budget de 620 millions de francs à la
francophonie et que ce budget atteindra 700 millions l'an prochain.
M. Alain Vasselle.
Raison de plus pour émettre un vote favorable !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cet effort budgétaire a permis à notre pays d'agir
concrètement et de développer ses relations avec ses partenaires francophones.
Le Sénat a adopté ces crédits à l'unanimité.
M. Adrien Gouteyron.
Ce n'est pas le sujet !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'ai indiqué que, sur le plan méthodologique, il ne me
semblait pas possible, à l'occasion d'une révision constitutionnelle portant
sur la construction communautaire, de traiter de la question de la
francophonie. Ce sujet trouvera davantage sa place dans le cadre d'une future
discussion sur la politique française de coopération internationale.
Est-il vraiment opportun et nécessaire de consacrer la solidarité francophone
dans notre loi fondamentale ?
L'action du Gouvernement aura-t-elle plus de portée pour nos partenaires
francophones si nous inscrivons la francophonie dans notre Constitution ?
Plusieurs sénateurs du RPR.
Oui !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Pour ma part, je ne le crois pas. De plus, après les
différentes interventions que nous avons pu entendre depuis hier soir, à la
suite de votre rapporteur et de votre commission des lois, il me semble que la
Haute Assemblée pourrait adopter sans modification le texte qui vous est
proposé.
M. Josselin de Rohan.
Ah voilà !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il s'agirait d'un signal fort de notre engagement
européen.
C'est pourquoi, tout en n'étant pas insensible à la démarche engagée dans les
deux assemblées, je ne puis m'y rallier.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission, qui a examiné avec intérêt ces amendements, a
considéré que leur rédaction, un peu vague, n'était pas véritablement au point.
(Protestations sur certaines travées du RPR.)
Elle a surtout considéré qu'à partir du moment où elle avait décidé d'opter
pour un vote conforme, et donc de renoncer en ce qui la concernait à certaines
améliorations qui lui ont paru mineures mais qui auraient pu être apportées,
elle ne pouvait pas donner un avis favorable sur ces amendements.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 4 rectifié et 9.
M. Michel Pelchat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Mes différents déplacements en Afrique et en Europe centrale et orientale
m'ont permis de me rendre compte combien la francophonie reculait d'année en
année et combien les pays francophones, mais aussi nos amis francophones vivant
dans des pays qui ne le sont plus, notamment en Asie du Sud-Est, ces amis
francophones qui se battent quotidiennement dans ces pays, attendent de la
France un geste d'amitié symbolique et d'encouragement significatif.
Vous le savez, si le français n'est plus la langue la plus parlée au monde
parce qu'elle vient aujourd'hui après l'anglais, le hindi, le chinois, le
russe, l'espagnol..., c'est en revanche la langue qui est géographiquement la
mieux répartie ; elle est langue officielle de plusieurs régions sur tous les
continents.
Si le mot « francophonie » a été créé à la fin du siècle dernier, en 1871, par
un géographe français, Onésime Reclus, il a été repris et illustré dans les
années soixante par des étrangers, tel M. Léopold Sédar Senghor.
M. Senghor écrivait à propos du français : « Je sais ses ressources pour
l'avoir goûté, mâché, enseigné et qu'il est la langue des dieux... Le français,
ce sont les grandes orgues qui se prêtent à tous les timbres, à tous les
effets, des douceurs les plus suaves aux fulgurances de l'orage. Il est, tour à
tour, ou en même temps, flûte, hautbois, trompette, tam-tam, et même canon. »
Voilà ce qu'écrivait ce grand poète.
« Français », c'est donc le nom d'un peuple et le nom d'une langue, et cette
langue, qui n'est la propriété de personne, s'est implantée sur les cinq
continents et constitue une entité que l'on appelle francophonie.
C'est pourquoi la défense de la francophonie doit êre pour nous tous une
priorité. Je crois d'ailleurs y avoir modestement contribué en me battant il y
a cinq ans, à l'Assemblée nationale, pour l'adoption de l'amendement sur les
quotas de 40 % en faveur de la chanson francophone.
La francophonie est non seulement une condition du rayonnement de notre pays
dans le monde, mais c'est aussi, et j'ai envie de dire surtout, le symbole de
la liberté pour beaucoup de peuples opprimés. La langue française qu'ont su
imposer sur l'ensemble de notre territoire les révolutionnaires de 1789 est la
langue de la démocratie et des droits de l'homme.
M. Josselin de Rohan.
Très bien !
M. Michel Pelchat.
Comment ne pas soutenir par exemple les femmes algériennes qui, notamment par
leurs écrits publiés en français, essaient de défendre aujourd'hui leurs droits
en luttant contre un code de la famille inique ?
Comment ne pas encourager, par un geste symbolique, ceux qui, en Algérie, se
battent pour garder le droit, le simple droit de s'exprimer en français et pour
maintenir à cette langue la place qu'elle occupe depuis des décennies ?
N'est-ce pas Kateb Yacine, ce grand écrivain algérien kabyle, qui a dit de la
langue française qu'elle n'avait pas été imposée aux Algériens, mais conquise
par eux de haute lutte ?
M. Paul Masson.
C'est un signe !
M. Michel Pelchat.
Mes chers collègues, je crois que l'adoption de cet amendement qui reconnaît
enfin à la francophonie la place qui lui échoit parmi nos valeurs
fondamentales, est, oserais-je dire, le plus beau cadeau de Noël que le Sénat
de la République puisse offrir à la communauté francophone.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
Et si la majorité du groupe des Républicains et Indépendants a décidé de
ne pas voter cet amendement, pour ma part, je maintiens mon adhésion à cette
proposition que, bien entendu, j'adopterai et j'appelle le Sénat tout entier à
faire de même.
Je forme le voeu que la constitutionnalisation de la francophonie puisse être
le sceau de cet espace francophone de solidarité et de coopération qui
nécessite notre constante vigilance et dont nous devons parfaire la
construction !
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Claude Estier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Charles Pasqua.
Allez, un bon mouvement !
(Sourires.)
M. Claude Estier.
Le groupe socialiste avait, lui aussi, déposé un amendement sur la
francophonie rédigé en termes presque identiques à ceux de nos collègues.
Nous l'avons retiré car, si l'idée qu'ils expriment nous paraît parfaitement
légitime, elle reste toutefois éloignée de l'objet de la révision
constitutionnelle qui nous est soumise aujourd'hui.
C'est pourquoi le groupe socialiste, qui est soucieux d'aboutir dès ce soir à
un vote conforme, ne votera pas les amendements n°s 4 rectifié et 9.
(Et
voilà ! sur les travées du RPR.)
M. Philippe Darniche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche.
A la suite des propos fort explicites et de l'analyse très précise formulée
par nos collègues Jacques Legendre et Michel Pelchat, je tiens, au nom des six
sénateurs non inscrits qui ont cosigné cet amendement fondamental, à prendre la
parole pour le soutenir sans faille et souhaiter son vote dans les meilleures
conditions.
En effet, il me paraît nécessaire de rappeler que c'est par le consensus
politique sur certains sujets très précis que l'on peut faire durablement
avancer les choses.
Avec la conviction du maire de terrain que je suis et qui a jumelé, depuis de
nombreuses années, sa municipalité vendéenne avec la ville d'Abomey, au Bénin,
je constate que, face aux défis que connaît actuellement notre langue française
dans le monde, la francophonie est une véritable chance à saisir pour les
jeunes générations vivant, étudiant ou travaillant tant en France qu'à
l'étranger.
Tel sera d'ailleurs, je vous le rappelle, le thème du huitième sommet des
chefs d'Etat et de gouvernement francophones qui se tiendra à Moncton, dans le
Nouveau-Brunswick, en septembre 1999.
C'est la raison pour laquelle on peut légitimement se poser la question
suivante : n'est-il pas utile, symbolique et - n'hésitons pas à l'affirmer -
grand temps, de réaliser la reconnaissance constitutionnelle de la francophonie
en affirmant que : « la République participe à la construction d'un espace
francophone de solidarité et de coopération » ?
En votant l'intégration de la notion de francophonie dans notre Constitution
avant l'article 88, chacun d'entre nous participera à la reconnaissance de tous
ceux qui oeuvrent, sur le terrain réel et économique, mais également culturel,
à une seule et même mission : celle de l'humanisme, de la démocratie, de
l'échange et de la solidarité.
Je souhaite faire ici un bref retour en arrière sur un long processus qui fut
laborieux, je le reconnais volontiers, mais qui fut toujours mené avec
optimisme et réalisme. Car ce projet de constitutionnalisation de la
francophonie, comme l'a dit tout à l'heure Jacques Legendre, n'a de réelle
valeur que s'il est marqué par une volonté commune et s'il est porteur d'un
message d'ouverture à destination des jeunes générations.
Il y a tout juste trois ans, à l'issue du sommet de Cotonou, le Président
Chirac déclarait qu'il n'était pas hostile à une initiative parlementaire en
faveur de la reconnaissance de la francophonie dans la Constitution.
Dans son discours prononcé le 2 décembre 1995, à l'occasion du sixième sommet
des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage, le Président
de la République dressait le constat suivant : « Nul ne conteste les aspects
bénéfiques de la révolution de l'information. Mais soyons conscients des
dangers qu'elle recèle : celui de voir se creuser encore, et de manière
irréversible, l'écart entre pays riches et pays pauvres. Celui aussi de
l'uniformisation culturelle. L'enjeu est clair : si, dans les nouveaux médias,
notre langue, nos programmes, nos créations ne sont pas fortement présents, nos
futures générations seront économiquement et culturellement marginalisées.
Sachons, demain, offrir à la jeunesse du monde des rêves francophones, exprimés
dans des films, des feuilletons et valorisant la richesse culturelle et la
créativité de chacun de nos peuples. Il faut produire et diffuser en français.
C'est une question de survie. »
Le Premier ministre a également fait part de son souhait de voir la
francophonie se développer.
Compte tenu de cet accord du Président de la République et du Premier ministre
sur un sujet qui fait par ailleurs l'objet d'un consensus clair, je crois que
nous devons aujourd'hui soutenir cette initiative parlementaire.
A mes yeux, cet amendement a tout à fait sa place dans le présent projet de
loi constitutionnelle. J'ajoute qu'il intervient à un moment opportun dans
notre calendrier constitutionnel et que, surtout, il est très attendu par la
cinquantaine de pays et de partenaires francophones qui nous soutiennent de
tout coeur dans cette démarche d'ouverture, de coopération et de solidarité.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes
chers collègues, à défaut de conjuguer nos talents, conjuguons nos efforts pour
faire aboutir maintenant et définitivement cet acte fort et fondateur qu'est la
reconnaissance de la francophonie dans la Constitution.
Pour moi, la francophonie n'est pas un sujet de polémique : c'est un domaine
de conviction, qui requiert à la fois une détermination sans faille dans la
pensée et une volonté affirmée dans l'action.
Pour tous les francophones, pour chacun des parlementaires, sénateurs et
députés, sensibles aux problèmes de francophonie, le moment est historique,
décisif, car il est celui d'une grande chance mais aussi d'une chance
ultime.
J'entends dire que cet amendement pourrait provoquer un bouleversement majeur
du calendrier parlementaire. Je m'inscris en faux contre cette assertion, car
il est prévu que l'Assemblée nationale examinera à nouveau ce texte le mardi 22
décembre, puis que le Sénat s'en saisira le mercredi 23 décembre, son adoption
définitive pouvant ainsi intervenir avant la ratification du traité
d'Amsterdam, le 18 janvier 1999.
C'est pour nous une chance ultime dès lors que le prochain projet de loi
constitutionnelle sera consacré à la parité homme-femme et que tout effort de
constitutionnalisation de la francophonie sera ainsi, une nouvelle fois,
reporté aux calendes grecques !
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je souhaite que cet
amendement soit voté à l'unamité.
(Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées des
Républicains et Indépendants.)
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la cause de
la francophonie est une cause tout à fait essentielle, notamment dans le
domaine du droit où, disons-le très franchement, à l'heure actuelle, nous
assistons - je pourrais parler d'OPA, mais le terme serait malvenu - à une
véritable mainmise des Anglo-Saxons, et plus particulièrement à une offensive
de la culture juridique américaine sur l'ensemble du monde.
Il s'agit là d'une question difficile. C'est une des raisons pour lesquelles
j'ai demandé et obtenu l'accord de M. le Président de la République et de M. le
Premier ministre, à l'occasion de la commémoration de la Déclaration
universelle des droits de l'homme, pour que soit créé un site Internet sur
lequel on pourra consulter, aussi bien en français qu'en espagnol et en
anglais, la totalité des documents, articles et arrêts des cours
internationales et constitutionnelles, concernant les droits de l'homme.
Ainsi, partout dans le monde, et à tout moment, tout chercheur ou tout
militant des droits de l'homme sera en mesure de se connecter sur ce site qui
portera d'ailleurs un très beau nom, et aura surtout une très belle adresse :
cette
Encyclopédie universelle des droits de l'homme
sera en effet,
grâce à l'acquisition du château de Ferney par le ministère de la culture,
domiciliée à Ferney-Voltaire. Je me réjouis de penser que, en matière des
droits de l'homme lorsqu'on s'exprimera de manière raccourcie, on consultera «
Voltaire » !
Je reviens à la question plus générale de la francophonie. Elle est bien un
enjeu essentiel, qu'il faudra un jour inscrire dans la Constitution. Mais je
pense que l'amendement, tel qu'il est rédigé, pose un problème.
Bien sûr, il est intéressant et il mérite d'être étudié. Mais nous devrions
n'y revenir que lorsque nous aurons tous mesuré très exactement la portée de ce
qui est énoncé. Selon moi, le moment n'est pas encore venu, et je veux m'en
expliquer.
Je m'en étais ouvert à Maurice Schumann, dont vous vous rappelez la dernière
intervention sur ce sujet, qui était absolument admirable.
Que nous propose-t-on d'écrire dans la Constitution ? « La République
participe à la construction d'un espace francophone de solidarité et de
coopération. »
Je ferai d'abord remarquer, à titre subsidiaire, qu'il me paraît difficile de
« construire » un espace. Mieux vaudrait, me semble-t-il, en l'occurrence,
parler de « création d'un espace francophone ».
Mais ce n'est pas ce qui suscite principalement mes réserves. Le problème
essentiel tient à ce que cette rédaction donne à penser que tout ce qui est
francophone appelle solidarité et coopération. Or nous savons, hélas ! qu'il
existe de par le monde des Etats où l'on parle français mais qui ne sont pas
tout à fait respectueux des droits de l'homme, et j'utilise là une litote !
Je ne voudrais pas que l'on établisse, dans notre texte le plus solennel, une
relation nécessaire entre francophonie, d'une part, solidarité et coopération,
d'autre part.
Je souhaite vivement que la prise en compte de la francophonie dans la
Constitution intervienne très vite, mais il convient que l'on mesure bien ici
la portée de ce que nous y écrivons.
Mieux vaudrait peut-être lier à la francophonie les notions de culture et de
démocratie. C'est un débat que je me permets d'ouvrir.
Je l'ai dit, je m'étais entretenu de ce problème avec Maurice Schumann. Je lui
avais dit qu'il existait, selon moi, une relation fondamentale, pour le
Parlement français, entre la langue française, la francophonie et les droits de
l'homme. Je ne voudrais pas que nous perdrions de vue cette exigence qui me
paraît vraiment essentielle.
(Applaudissements.)
M. Michel Barnier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Barnier.
M. Michel Barnier.
Au fond, tout le monde est d'accord, mais tout le monde ne votera pas cet
amendement, si j'entends bien les uns et les autres.
Pour sa part, le groupe du Rassemblement pour la République l'approuvera sans
hésitation, car il résulte d'un travail considérable. Cette position, nous
l'adoptons non seulement par fidélité au combat de Maurice Schumann, mais aussi
parce qu'elle s'inscrit dans la droite ligne de notre action.
Des sénateurs de toutes sensibilités - et j'en suis - ont travaillé pour
aboutir à cette proposition. Celle-ci est en cohérence avec l'action que le
chef de l'Etat mène, de même que le Premier ministre, ainsi que vous l'avez
rappelé, madame le garde des sceaux.
Sur l'objectif, sur l'ambition, sur l'exigence de cette communauté
francophone, tout le monde est d'accord.
La divergence porte sur les mots « solidarité » et « coopération ». Monsieur
Badinter, cette solidarité et cette coopération visent les peuples qui parlent
français et dont on voudrait qu'ils parlent toujours français. Il ne s'agit
nullement d'une quelconque solidarité politique avec des Etats, dont certains,
nous le savons bien, qu'ils soient francophones ou non, ne sont pas toujours
respectueux des droits de l'homme.
Ne cherchez donc pas derrière ce texte, je vous le dis avec beaucoup de
respect et d'humilité, un argument qui n'est pas fondé. Nous nous adressons aux
gens, aux citoyens de ces Etats. Et quand bien même vivraient-ils aujourd'hui
sous un régime totalitaire, ce serait un geste de plus que nous accomplirions
en leur disant que, grâce à la langue qu'ils parlent ils peuvent plus
facilement avancer sur le chemin qui mène à la démocratie et aux droits de
l'homme.
Madame le garde des sceaux, tout à l'heure, vous avez repris l'argument que
vous aviez déjà employé ce matin, expliquant en substance : « Ne faisons pas
les choses à moitié, par petits bouts. C'est un grand sujet, il faut un grand
débat. » Mais, s'il faut toujours renvoyer à plus tard, à de grands débats, à
de grandes occasions, nous ne ferons jamais de progrès !
Là, nous avons l'occasion, tous ensemble, sur un sujet qui fait l'unanimité,
d'accomplir un progrès qui n'est pas négligeable.
Un autre de vos arguments, qu'a d'ailleurs repris Claude Estier, m'a déçu, je
vous l'avoue. Vous nous avez dit : « Ce n'est pas le sujet aujourd'hui parce
que nous parlons de l'Europe ». Eh bien si, justement, c'est le sujet !
Nous sommes nombreux à penser ici que l'influence de la France doit passer par
l'Europe. Quand on parle d'influence de la France, on parle aussi de notre
langue, et l'on pense autant à ceux qui sont déjà dans l'Union qu'à ceux qui
veulent la rejoindre, parmi lesquels il y a la Roumanie, la Bulgarie : des pays
qui font partie de la communauté francophone.
A l'instant, monsieur Badinter, vous avez reconnu qu'il y avait urgence. Il y
a « alerte rouge », en effet, par rapport à la tendance hégémonique de
l'anglais et de la culture anglo-saxonne dans toutes les négociations, qu'il
s'agisse des discussions ou même des documents de travail.
C'est donc précisément parce que nous parlons de l'Europe, parce qu'il s'agit
de l'influence de la France au sein de l'Europe, qu'il y a, ici et maintenant,
dans ce débat, urgence à réaffirmer notre attachement à la francophonie.
(Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées des
Républicains et Indépendants.)
M. Jean Arthuis.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Le groupe de l'Union centriste a longuement délibéré sur cette question.
Comme l'indiquait à l'instant Michel Barnier, nous sommes tous profondément
attachés à la francophonie.
Mais le débat qui vient de s'ouvrir sur cet amendement ne doit pas nous faire
courir le risque d'accréditer l'idée d'une divergence de vues.
Mes chers collègues, peut-on
a contrario
donner à penser que, au motif
que la Constitution n'aurait pas prévu de promouvoir la francophonie, tout ce
qui s'est accompli jusqu'à aujourd'hui au titre de celle-ci serait
inconstitutionnel ?
Ce que je souhaite, c'est que nous puissions mener le véritable débat qu'exige
ce thème.
La francophonie, c'est d'abord le rayonnement de la France, c'est sa réussite
économique, c'est la part qu'elle prend dans les grandes actions de
développement, ce sont les travaux de nos chercheurs, de nos intellectuels, de
nos artistes. C'est tout ce qui contribue à faire connaître la France. C'est
aussi le support logistique que notre pays peut apporter concrètement à ceux
qui souffrent et qui ont besoin de son aide.
Nous sommes profondément désireux de contribuer à l'élaboration d'un texte,
mais celui qui nous est proposé aujourd'hui nous paraît perfectible, parce
qu'il suscite des interrogations et laisse planer quelque ambiguïté.
Nous souhaitons qu'un débat s'engage, ai-je dit, et le sujet est si
fondamental qu'il justifie que nous soyons saisis d'un projet portant réforme
constitutionnelle et introduisant explicitement la francophonie dans notre
Constitution.
Les membres du groupe de l'Union centriste, à l'exception de ceux des siens
qui représentent les Français de l'étranger - je pense à Xavier de Villepin, à
Robert Cantegrit, à André Maman - et de M. Louis Moinard, voteront contre cet
amendement.
En effet, nous souhaitons que le texte sur lequel nous délibérons soit voté
conforme, car nous sommes impatients de voir la France ratifier le traité
d'Amsterdam. Notre pays sera parmi les derniers, sinon le dernier, à le
faire.
Mes chers collègues, que ce vote ne nous divise pas puisque, sur le fond, nous
sommes tous profondément attachés au rayonnement et à la diffusion la plus
large possible de la francophonie.
Le vocabulaire nous trahit parfois : M. Darniche a ainsi évoqué tout à l'heure
une rencontre internationale réunissant des francophones qui se tiendrait un «
week-end ».
(M. Bernard Darniche fait un signe de dénégation.)
Vous voyez, mes chers
collègues, que les choses ne sont pas si simples !
(Sourires.)
Nous voterons donc contre cet amendement, tout en souhaitant que le
Parlement soit prochainement saisi d'un projet de réforme de la Constitution
visant à y introduire la francophonie, dans une rédaction qui sera
consensuelle.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et sur les travées
socialistes.)
M. Josselin de Rohan.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été excellemment dit par M. Barnier.
Simplement, monsieur Arthuis, nous avons un moyen très simple pour sortir de la
situation : que l'Assemblée nationale vote notre amendement conforme
(applaudissements sur les travées du RPR)
et la francophonie sera
introduite dans la Constitution. Que l'Assemblée nationale fasse preuve de
bonne volonté, si le sujet est important !
Ce n'est pas pour un terme, que l'on peut du reste aisément changer, que l'on
s'oppose à notre amendement. Non ! C'est parce que, nous dit-on, cela
retarderait l'adoption de la réforme constitutionnelle et la ratification.
Allons donc, nous ne sommes pas à vingt-quatre heures près ! La navette est
possible et, si chacun y met du sien, eh bien ! il y aura un vote conforme. Je
ne crois pas que cet argument soit très sérieux.
(Applaudissements sur les
travées du RPR.)
M. Jacques Pelletier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Les sénateurs du Rassemblement démocratique et social européen sont de
farouches partisans de la francophonie, mais ils estiment qu'il n'est pas
l'heure de discuter de son introduction dans la Constitution.
Un sénateur du RPR.
Ben voyons !
M. Jacques Pelletier.
Nous avons à discuter d'une réforme constitutionnelle qui a pour but, et pour
but unique, de nous permettre la ratification, ultérieurement, du traité
d'Amsterdam.
Si un projet de loi était déposé, comme le suggérait tout à l'heure notre ami
Jean Arthuis, ou si le Président de la République nous invitait à une réforme
constitutionnelle plus large, à un toilettage de la Constitution - elle en a
bien besoin, du reste - je crois que ce même amendement, que les membres du
RDSE ne voteront pas aujourd'hui, serait alors adopté à l'unanimité.
Encore une fois, aujourd'hui, ce n'est pas l'heure, et les membres du RDSE
voteront contre cet amendement.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Mes chers collègues, quand on s'adresse maintenant à Turin pour se porter
candidat à un programme TACIS, un programme PHARE ou un programme SOCRATES, on
nous écrit en anglais et, si on ne répond pas en anglais, la demande n'est même
pas prise en compte.
Le français n'est déjà plus une langue européenne. On l'a éliminée !
Dans ces conditions, il est peut être temps de s'en émouvoir : avec la
francophonie, nous n'avons plus de retard à prendre. Mais nous avons déjà
débattu de la francophonie. M. Badinter l'a rappelé lui-même, en citant le
merveilleux discours prononcé par Maurice Schumann, l'année dernière, dans cet
hémicycle. Oui, à plusieurs reprises, nous avons parlé de la francophonie.
Alors, faisons ce geste. Il est temps.
La semaine dernière, j'étais à l'étranger, et j'ai pu constater que l'on nous
reprochait amèrement notre absence, alors que les Allemands, les Italiens, les
Néerlandais, eux, étaient là. Donc, le français ne sert évidemment plus à rien,
faute pour les Français d'occuper ce terrain-là et de prendre soin du
rayonnement de leur langue.
Je me tourne maintenant vers notre collègue M. Arthuis ; d'autres que moi
l'ont dit, les ouvriers de la onzième heure sont payés comme les premiers, mais
les derniers sont parfois les premiers !
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jacques Legendre.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre.
Nous sommes ici devant un amendement de bonne foi, qui a rassemblé des hommes
venus d'horizon très différents.
Certes, il n'a pas la prétention de la perfection mais, après avoir écouté
attentivement et le grand discours prononcé ce matin par M. Badinter et les
propos qu'il vient de tenir, j'aimerais qu'il sache que nous avions, bien sûr,
pris la précaution de consulter un certain nombre de professeurs, dont je suis
autorisé à divulguer les noms, éminents spécialistes en ce domaine. Or, à leur
avis, ce texte ne pose pas de problème.
Je voudrais surtout que nous ne laissions pas passer cette occasion au nom de
l'obsession du vote conforme mais que, au contraire, nous en profitions pour
envoyer ce message très simple : nous sommes dans l'Europe, nous contribuons à
bâtir l'Europe, mais nous sommes, et depuis longtemps, aussi présents au monde,
car c'est notre histoire. Voilà l'enjeu aujourd'hui. Que le Sénat et, demain,
l'Assemblée nationale lancent ce message, et je crois que nous aurons fait du
bon travail.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 4 rectifié et 9, repoussés par
la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'Union
centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
57:
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 187 |
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - I. - A l'article 88-2 de la Constitution, les mots : "ainsi qu'à
la détermination des règles relatives au franchissement des frontières
extérieures des Etats membres de la Communauté européenne" sont supprimés.
« II. - Il est ajouté à ce même article un alinéa ainsi rédigé :
« Sous la même réserve et selon les modalités prévues par le traité instituant
la Communauté européenne, dans sa rédaction résultant du traité signé le 2
octobre 1997, peuvent être consentis les transferts de compétences nécessaires
à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et
aux domaines qui lui sont liés. »
Sur l'article, la parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Beaucoup a déjà été dit dans cette discussion sur les transferts de
souveraineté nationale. Je ne reviendrai pas sur les arguments développés par
mes amis Michel Duffour et Marie-Claude Beaudeau, qui ont démontré en quoi les
abandons de souveraineté dans le cadre de la construction européenne actuelle
constitueraient de mauvais coups pour les peuples européens.
Ma présente intervention aura pour unique objet de pointer du doigt un débat
qui nous semble fortement porteur de dissimulation, voire d'hypocrisie, je veux
dire la distinction entre transfert de compétence et transfert de
souveraineté.
Il serait, à mon sens, tout à l'honneur de notre assemblée d'éclairer notre
pays sur ce débat, d'apparence extrêmement technique, mais en fait lourd de
conséquences pour l'avenir de la France.
Alors que chacun parle de la souveraineté nationale, la Constitution dans ses
articles 88-1 et 88-2 n'évoque que les seules compétences. Pourtant comme
l'indiquait M. Larché dans son excellent rapport de 1992, il existe « une
différence fondamentale de nature entre l'exercice en commun de certaines
compétences étatiques et un transfert pur et simple de la souveraineté
nationale ». Pour M. Larché, le transfert de compétences et leur mise en commun
n'implique pas transfert de souveraineté. Comment expliquez-vous, chers
collègues, que le débat porte, au sein tant du Conseil constitutionnel que du
Parlement, sur la portée même du transfert de souveraineté ?
M. le doyen Georges Vedel nous rappelle qu'aucun traité n'est irréversible.
Or, nombreux sont ceux qui ne jurent aujourd'hui que par l'irréversibilité du
processus de Maastricht et d'Amsterdam. Comme on le dit communément, il est
temps d'appeler un chat un chat. Ce qui nous est proposé constitue non pas
seulement un transfert de compétences, mais bien un transfert de souveraineté
sur lequel le peuple devrait être consulté.
Il faut cesser de brouiller les pistes, de noyer le poisson. Ce qui nous est
proposé aujourd'hui, c'est de transférer le pouvoir du peuple français de
décider de telle ou telle question au profit d'une entité, l'Europe, qui,
aujourd'hui, ne fonctionne pas sur les principes élémentaires de démocratie.
C'est en lien avec ces réflexions que nous proposons, à l'occasion de l'examen
de cet article, d'insérer une référence au contenu même du compromis de
Luxembourg, principe qui constitue l'ultime recours de la souveraineté
nationale. Ce principe - je le rappelle - permet, quand la majorité qualifiée
est prévue, de demander l'application de la règle de l'unanimité lorsqu'un pays
estime des intérêts très importants en cause.
En conclusion, je souhaite que notre débat éclaire les Français.
Rien ne doit être dissimulé. Or nous avons parfois l'impression que,
volontairement ou involontairement, la réalité des traités n'est révélée qu'une
fois leur ratification intervenue, mais il est alors trop tard.
M. le président.
Par amendement n° 5, MM. de Rohan, Barnier, Gélard et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République proposent de compléter le texte présenté par
le II de l'article 1er pour le second alinéa de l'article 88-2 de la
Constitution par la phrase suivante : « Lorsque ces modalités laissent à
l'appréciation du Conseil de l'Union européenne la décision de ne plus statuer
à l'unanimité, le Gouvernement ne peut donner son accord à une telle décision
qu'en vertu d'une loi ».
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Michel Barnier, Paul Masson et moi-même avons déjà présenté nos amendements à
l'occasion de la discussion générale.
Il convient maintenant de justifier cet amendement n° 5, qui prévoit
l'intervention obligatoire du Parlement lors du passage de la règle de
l'unanimité à celle de la majorité qualifiée en conditionnant la décision à
l'adoption d'une loi.
L'article 88-2, dans sa rédaction actuelle, n'ouvre qu'une faculté : il
dispose en effet que les transferts de compétences « peuvent être consentis »
et non pas qu'ils « doivent être consentis ». Cela laisse donc la place à une
liberté certaine non seulement du Gouvernement, qui jugera de l'opportunité de
la décision, mais aussi, selon nous, du Parlement. En effet, et, sur ce point,
personne n'a répondu à notre argumentation - ni M. le rapporteur, ni le
Gouvernement - le traité n'impose en aucun cas une formule particulière de
ratification. Le constituant qui doit modifier la Constitution demeure
totalement libre de faire ce qu'il veut pour précisément mettre notre
Constitution en harmonie avec les nouvelles exigences du traité.
Les arguments développés par M. le rapporteur et par Mme le garde des sceaux
n'emportent absolument pas ma conviction. Il faut bien souligner que, dans ce
domaine, nous restons libres. La meilleure preuve en est que nos partenaires
européens, tels que l'Autriche, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne et
l'Allemagne, pour ne citer qu'eux, ont institué des procédures qui associent, à
tous les stades, leur Parlement à la mise en place du traité d'Amsterdam.
Nous serions donc pratiquement le seul Etat à continuer comme par le passé.
Une fois le traité ratifié, tout est terminé. Le Parlement n'a plus rien à
faire. Il n'a plus qu'à regarder ce qui se passera à Bruxelles ou ailleurs.
Nous devons, comme nos partenaires européens, être associés à cette
construction européenne. Et nous ne pouvons l'être que par une loi. Or, M. le
rapporteur, Mme le garde des sceaux et M. le ministre nous ont tous trois
affirmé qu'en tout état de cause le Gouvernement demanderait au Parlement une
discussion, une résolution, un vote au moment où l'on passera de la règle de
l'unanimité à celle de la majorité qualifiée.
Pourquoi ne pas l'inscrire puisque nous sommes tous d'accord pour associer le
Parlement ? Voilà qui solenniserait quelque peu le déroulement de cette
construction européenne et renforcerait justement les liens qui existent entre
le Parlement, la nation et le Gouvernement en ce domaine.
Une multitude d'arguments nous ont été opposés. En réalité, il n'y en a qu'un
seul : on veut faire vite : on veut faire voter un texte conforme parce que
l'on veut démontrer que les Français sont les meilleurs Européens de la terre.
Est-ce ainsi qu'on travaille ? Le travail vite fait est rarement bon. Je
suggère plutôt que nous prenions notre temps, que nous réfléchissons, que nous
étudiions les conséquences.
On ne peut plus, au stade actuel de la construction européenne, continuer
comme par le passé en utilisant exclusivement les arguments du droit
international public. La construction de l'Europe ne relève pas de celui-ci.
Elle mérite plus d'égards ; elle mérite que le Parlement soit associé.
Nous demandons simplement que, au moment du passage de la règle de l'unanimité
à celle de la majorité qualifiée, le Parlement soit associé à la décision.
Est-ce trop demander ? Faut-il à tout prix sauter tout de suite dans l'inconnu
?
(« Très bien ! » et applaudissements sur certaines travées du RPR.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
J'ai déjà eu l'occasion, dans mon exposé général, d'expliquer
les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur cet
amendement, tout en comprenant d'ailleurs l'esprit qui le sous-tend.
La question ne peut être résolue en disant simplement qu'il s'agit d'une
question de politique étrangère, de traités qui relèvent donc du Gouvernement.
Il existe en effet une nouvelle catégorie juridique à laquelle nous ne sommes
pas habitués ou du moins qui n'a pas encore de contours bien définis : il
s'agit de celle des actes qui, même s'ils résultent des traités, revêtent une
telle importance dans notre droit interne qu'ils sont à la fois des actes de
droit interne et des actes de droit externe. Il en résulte un véritable
problème.
J'ai expliqué les raisons pour lesquelles l'habilitation parlementaire ne me
semblait pas être une réponse adéquate. Sans revenir sur ce que j'ai déjà dit,
je formulerai deux réflexions.
Tout d'abord, n'exagérons rien, cher monsieur Gélard. Il ne faut pas dire que
nous nous en remettons à l'intergouvernemental. En effet, il s'agit uniquement
du passage d'un système de vote à un autre, passage qui ne peut intervenir
qu'après une période de cinq ans. Pendant ces cinq années, un certain nombre de
mesures seront adoptées et le passage de la règle de l'unanimité à celle de la
majorité qualifiée servira d'argument de négociation. Il est difficile
d'imaginer la façon dont les choses évolueront mais il n'y aura pas un vide
pendant cinq ans puis, soudain, une avalanche de textes.
L'essentiel, ce sont les décisions qui seront prises soit à l'unanimité
pendant ces cinq ans, soit à la majorité qualifiée après cette période. Mais
ces décisions-là, nous ne les ignorerons pas. En effet, elles feront l'objet de
directives, qu'il faudra transposer dans notre droit interne et dès lors nous
en connaîtrons. Ces directives porteront sur le fond de la question et non sur
les modalités de la décision. Dans la mesure où elles modifieront
nécessairement notre législation, nous devrons les transposer et, alors, nous
en débattrons. Il y aura des lois de transposition en droit interne qui
pourront être soumises au Conseil constitutionnel. Nous retrouverons donc là le
processus de contrôle dont nous ne sommes pas privés, je me permets de le
souligner, contrairement à ce que vous avez affirmé tout à l'heure.
Enfin, je formulerai une dernière réflexion qui dépasse un peu le cadre de ce
débat, mais il n'est pas interdit de réfléchir de manière un peu
prospective.
Il est vrai que se pose un problème de participation du législatif à l'échelon
européen. Nous n'avons pas de raison de laisser le Gouvernement prendre des
décisions sur des questions qui, dans notre tradition constitutionnelle comme
dans celle de toutes les démocraties, relèvent du domaine législatif.
Comme un intervenant l'a très justement souligné hier, ce n'est pas par un
retour aux différentes législations nationales que cette carence législative
sera assumée à l'échelon européen. Elle le sera dans le cadre de la codécision,
qui est loin d'être parfaite en ce sens qu'elle pose le problème de la
participation d'un véritable Parlement européen au sein duquel la
représentation française serait élue dans des conditions plus satisfaisantes du
point de vue démocratique.
Comme il est de règle dans tous les ensembles plurinationaux - je n'irai pas
jusqu'à dire dans tous les ensembles de type fédéral ; gardons-nous des
querelles de mots - une chambre serait destinée à la représentation des
Etats.
Au fur et à mesure que, par le deuxième et le troisième pilier, nous étendons
les compétences de l'Europe à des questions qui sont par nature législatives,
je suis de ceux qui pensent que le moment vient de réfléchir à la mise en place
de cette seconde assemblée. Un peu à l'instar du
Bundesrat
allemand - je
ne pense pas au Sénat américain - cette chambre représenterait non pas les
gouvernements, qui siègent déjà au sein du Conseil des ministres, mais les
parlements. Par leur délégation à cette assemblée, ces derniers seraient
effectivement et concrètement associés dans le cadre d'une codécision qui
aurait alors toute sa portée avec, d'une part, une assemblée représentant les
peuples et, d'autre part, une assemblée représentant les Etats et leurs
traditions propres. Ainsi, il serait donné satisfaction à une préoccupation qui
me paraît en elle-même légitime, même si la solution proposée a fait l'objet
d'un vote, je le rappelle, défavorable de la part de la commission des lois.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je me suis longuement exprimée dans mon discours
introductif sur la position qu'a défendue M. Gélard.
Il propose de subordonner à l'adoption d'une loi la décision que prendra, dans
cinq ans, le gouvernement français de passer à la procédure de la majorité
qualifiée et de la codécision. Si nous révisons aujourd'hui la Constitution,
c'est précisément parce que le traité ne prévoit pas une procédure
particulière.
Par conséquent, si nous subordonnions au vote d'une loi l'action du
Gouvernement dans cinq ans, nous rendrions totalement inutile et inopérante la
révision que vous vous apprêtez à approuver aujourd'hui.
Les décisions que le Parlement est amené à prendre doivent être cohérentes.
C'est pourquoi je suis opposée à cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
M. Pierre Lefebvre.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Nous ne voterons pas cet amendement présenté par le groupe du RPR.
Bien entendu, comme nous l'avons dit et répété, nous sommes favorables au
renforcement du rôle du Parlement et au respect de la souveraineté
nationale.
Nous ne pouvons pas pour autant accepter la démarche des auteurs de cet
amendement qui, tout en acceptant le traité d'Amsterdam et le décalage
persistant entre les peuples, leurs représentants et les centres de décision
qu'il entérine, proposent de réintroduire la compétence du Parlement sur un
point et un seul.
Nous estimons que la restauration des pouvoirs des parlements nationaux doit
être globale ; elle ne doit pas porter sur un seul point alors que, par
ailleurs, le train des abandons de souveraineté avance.
Nous ne voterons donc pas un amendement qui, sans être inintéressant, loin
s'en faut, ne se démarque aucunement de la logique de fond du traité
d'Amsterdam.
La réalité, c'est que les auteurs de cet amendement ont déjà décidé de voter
ce projet de révision, de ratifier le traité. Quoi d'étonnant à cela puisque
l'un d'entre eux figure au nombre des signataires du traité ?
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Lors de mon intervention hier soir, j'ai déjà eu l'occasion d'expliquer en
quoi une telle proposition ne me paraissait pas conforme à l'équilibre
traditionnel de notre Constitution. M. le rapporteur, tout comme Mme le garde
des sceaux a excellemment démontré ce qu'il en était du passage de la règle de
l'unanimité à celle de la majorité qualifiée.
Je ne reprendrai pas les explications juridiques. Mais chacun se demande
comment les choses vont concrètement se passer. Dans cinq ans, la décision sera
éventuellement prise à l'unanimité - par conséquent, une voix suffira pour s'y
opposer - de passer au système de la codécision et à la majorité qualifiée.
M. Gélard soutient que le Parlement doit autoriser le Gouvernement à prendre
cette décision. Cela est absolument contradictoire avec l'article 52 de la
Constitution concernant les pouvoirs du Président de la République, qui négocie
et conclut les traités - ce qui signifie, en clair, que c'est là son domaine
réservé - ainsi qu'avec l'article 20 de la Constitution relatif aux pouvoirs du
Gouvernement qui, lui, détermine et conduit la politique de la nation.
Vous demandez au Parlement de voter une loi. Cela signifie que la majorité
politique de l'Assemblée nationale adoptera une loi contraignant le
Gouvernement, lequel, par définition, est en harmonie avec sa majorité. A quel
moment peut-on imaginer une rupture d'harmonie ? Si cela se produisait, ce
serait fatal au Gouvernement qui se permettrait d'agir ainsi contre sa
majorité. Telle est la réalité. Pourquoi voulez-vous vous engager dans cette
voie ? J'avoue ne pas comprendre.
De surcroît, vous voulez faire figurer dans notre Constitution la nécessité de
demander au Parlement, c'est-à-dire en fait à la majorité de l'Assemblée
nationale, une autorisation préalable. Non, cela ne s'est jamais produit dans
nos Constitutions républicaines...
M. Jean Chérioux.
Et les autres constitutions ?
M. Robert Badinter.
Vous voulez parler des constitutions des autres Etats de l'Union ? Le
Bundestag
donne un avis.
M. Jean Chérioux.
Monsieur Badinter, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Robert Badinter.
Je vous en prie, mon cher collègue.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean Chérioux.
Mon cher collègue, vous êtes en train d'évoquer le passé. Or, nous sommes
confrontés à un problème nouveau, celui de la construction européenne. On se
réfère à une constitution qui a été élaborée avant la création de l'Europe, à
une époque où n'existaient que la législation interne et les traités.
Maintenant, un nouveau droit est élaboré par les institutions européennes. En
conséquence, nous avons besoin de nouvelles structures constitutionnelles pour
y faire face. En effet, nous ne pourrons pas rester avec un système de
ratification des traités alors que, en réalité, la législation européenne
interfère avec la législation nationale. C'est là le fond du problème.
Vous pouvez dire que tel n'est pas l'esprit de la Constitution c'était vrai à
l'époque, mais elle a besoin d'être mise à jour.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Badinter.
M. Robert Badinter.
Je réponds toujours avec plaisir dans ces cas-là, car la réponse est simple.
Lisez le texte de l'amendement ! Il ne vise ni à transférer une sorte de
pouvoir législatif ni à envisager la création d'une législation dérivée à
laquelle participerait le Parlement français.
Son objet est beaucoup plus simple : il s'agit d'un acte unique. Il s'agit
d'une décision qui relève substantiellement du Président de la République et du
Gouvernement. Et le Parlement devrait autoriser le Gouvernement à prendre une
position dans le cadre d'une négociation internationale ? C'est absolument
contraire à la lettre des articles 52 et 20. De plus, notre système
parlementaire n'a jamais prévu de donner un mandat impératif à un Gouvernement
de prendre une décision ou une position dans une négociation internationale.
Cela ne se conçoit pas, pas plus dans ce domaine que dans aucun autre.
Evoquons ce qui se passe à l'étranger.
En Allemagne, au Bundestag, c'est un avis. C'est la même chose que ce que nous
faisons par nos résolutions. A l'évidence, aucun gouvernement ne prendra le
risque de s'exposer sans avoir préalablement recueilli, au cours d'un débat ou
à l'occasion d'une résolution, un assentiment de la part de sa majorité.
Revenons tout de même à ce qu'est la pratique réelle du Parlement et de ses
rapports avec le Gouvernement.
En Espagne, c'est un avis. Je sais bien que les Britanniques ont d'autres
vues, mais, pardonnez-moi de le dire, dans le cadre européen, ce n'est pas
exactement notre modèle. Quant à l'Allemagne et au Bundesrat, je rappelle que
c'est seulement dans le cas où il s'agit des intérêts vitaux des Länder que,
pour des raisons constitutionnelles que l'on comprend, en vertu de l'article
22, paragraphe I, de la Loi fondamentale, le Gouvernement est tenu. Mais c'est
lié à la structure fédérale allemande. Même les Espagnols n'en ont pas besoin.
Cette disposition, je n'en vois pas l'utilité, mais j'en vois à coup sûr les
inconvénients.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Depuis le début de ce débat, nous avons entendu nombre d'interventions
hautement qualifiées des éminents juristes que la Haute Assemblée se plaît à
compter en son sein.
S'agissant de celles qui ont exprimé le point de vue du Gouvernement et de sa
majorité, peut-être ne les ai-je pas écoutées assez attentivement, mais je me
pose une question. Le fait que, à Amsterdam, les gouvernements se soient donné
la faculté de différer leur décision définitive jusqu'à l'expiration d'une
période de cinq ans n'appelle aucune observation, et est considéré comme
parfaitement justifié et normal. Dès lors, pourquoi les parlements ne
pourraient-ils user de la même faculté et pour quelle raison cette possibilité
fait-elle crier au scandale et à la volonté d'affaiblir l'Europe ? Je ne
comprends pas, sauf à ce que l'on se refuse à franchir le premier pas, ou
plutôt le deuxième, car l'article 88-4 est tout de même important, sauf donc à
se refuser à franchir le deuxième pas important de la protection, et même de
l'exaltation des droits du Parlement dans l'Europe nouvelle. Rendez-vous dans
cinq ans, mes chers collègues ! Croyez-moi, ces droits du Parlement occuperont
alors vos préoccupations ! Pourquoi se dérober au moment où cette occasion nous
est offerte ?
Mais je voudrais aller plus loin, tout en respectant le temps de parole qui
m'est imparti.
Ici, un certain nombre d'entre nous ont, aux yeux des Européens les plus
convaincus, des antécédents un peu chargés, et j'en suis.
M. René-Pierre Signé.
Vous n'êtes pas le seul !
M. Michel Caldaguès.
Nous avions envisagé, très positivement, de voter la ratification, et j'en
suis encore. Il y avait diverses raisons à cela.
D'abord, le peuple français a tranché. Il a arrêté une orientation pour
l'Europe, de peu, mais il l'a fait. Il y avait aussi, pour nous, ce que
j'appellerai des raisons de solidarité au plus haut niveau et on me comprendra.
Il y avait également le réalisme, parce que l'Europe est en train de se faire ;
on ne tourne pas le dos à ce qui se fait. Donc, notre évolution avait le sens
d'une convergence.
Ayant siégé pendant plusieurs années à la délégation du Sénat pour l'Union
européenne, je garde, je dois le dire, le meilleur souvenir de cette
convergence qui s'est installée d'année en année. J'ai été très surpris de
constater que les oppositions devenaient de moins en moins fortes.
Aussi, j'espérais que l'effort de convergence, en ce qui nous concerne, serait
reconnu. Mais ce que je comprends de l'attitude de ceux vers lesquels nous
convergions, c'est que le consensus, en fait, leur est indifférent. Ils n'en
ont pas besoin et ils nous le font savoir en rejetant dans les ténèbres les
amendements que nous déposons. Nous avons, nous aussi, le droit de défendre nos
convictions et les amendements que nous déposons ne font aucunement grief à
l'Europe. Je défie quiconque de prouver le contraire.
Je ne comprends pas leurs raisons. Je ne vois pas où est la fibre européenne
dans cette façon de se comporter. J'essaie d'imaginer quelles sont les
véritables raisons à l'arrière-plan. Ce que je sais, en tout cas, c'est
qu'elles font bon marché des efforts de conviction et de réalisme que je viens
d'évoquer. Si l'Europe ne vaut pas un effort pour favoriser le consensus, alors
que vaut-elle, mes cher collègues ? Voilà quel est, à l'heure actuelle, mon
état d'esprit, surtout après le vote qui vient d'intervenir sur la
francophonie. Certes, l'amendement qui avait été déposé ne pouvait pas tout
résoudre, mais songez à ce que peut être la portée d'un vote négatif comme
celui-ci. Elle est très grave !
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est pas nouveau !
M. Charles Pasqua.
Si vous êtes content...
M. Michel Caldaguès.
Mes chers collègues, tout ce que je viens de dire méritait d'être dit. Je
tenais en effet à vous expliquer pourquoi les attitudes que j'ai évoquées
conduiront un certain nombre d'entre nous à modifier leur vote sur l'ensemble,
les uns émettant un vote négatif et les autres ne s'associant pas à la révision
constitutionnelle.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Philippe Adnot.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers
collègues, cet amendement revêt, à mes yeux, une extrême importance. Un certain
nombre d'arguments ont été développés et je pense que chacun a été sincère dans
ses explications. Pour ma part, cet amendement représente en quelque sorte un
garde-fou d'une grande importance pour l'avenir. En effet, il laisse ouvertes
toutes les possibilités, mais il garantit que nous resterons très attentifs.
Je tiens à dire que si cet amendement n'était pas adopté, je ne voterais pas
la révision constitutionnelle.
(Applaudissements sur plusieurs travées du
RPR.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe du
RPR et, l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
58:
Nombre de votants | 302 |
Nombre de suffrages exprimés | 302 |
Majorité absolue des suffrages | 152 |
Pour l'adoption | 102 |
Contre | 200 |
Par amendement n° 10, Mme Luc, MM. Duffour et Bret, Mmes Beaudeau et Bidard-Reydet, M Bécart, Mme Borvo, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefebvre, Loridant, Ralite, Renar et Mme Terrade proposent de compléter in fine l'article 1er par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Il est ajouté à ce même article un alinéa ainsi rédigé :
« La France peut lorsqu'elle estime ses intérêts essentiels mis en cause s'opposer au recours à la procédure de la majorité qualifiée pour l'adoption d'une décision. »
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Mes chers collègues, cet amendement vise à inscrire, dans la Constitution même, le principe adopté en janvier 1966 par le Conseil des communautés européennes, habituellement dénommé « compromis de Luxembourg ».
Il s'agit de permettre à un pays membre d'invoquer la règle de l'unanimité, plutôt que celle de la majorité qualifiée, lorsqu'il considère qu'un intérêt très important ou essentiel est en cause.
Certains diront que vouloir inscrire un tel principe dans la Constitution est déraisonnable, voire fantaisiste.
Permettez-moi, pour couper court à de telles critiques, de vous citer une nouvelle fois, monsieur le président Larché.
En 1992, lors de votre rapport sur la révision relative au traité de Maastricht, vous indiquiez : « On aurait certes pu envisager de faire figurer les dispositions du compromis de Luxembourg dans la Constitution. Cette démarche apparaît toutefois inutile, du fait que l'aménagement de Luxembourg est toujours en vigueur et peut, le cas échéant, produire pleinement ses effets dans l'ordre juridique communautaire. »
Ce raisonnement était empreint d'une grande sagesse en 1992.
En 1998, la situation est-elle si différente ?
Nous devons nous prononcer, aujourd'hui avec la révision, demain avec la ratification, sur un traité qui modifie « l'ordre juridique communautaire » auquel vous faisiez référence, monsieur Larché.
La modification de cet ordre juridique se trouve notamment dans les pouvoirs nouveaux conférés à la Cour de justice européenne. Qui peut contester ici, chers collègues, à la lecture du traité lui-même, que, demain, la Cour de justice pourra statuer sur tout différend entre Etats membres concernant l'interprétation ou l'exécution des actes adoptés par le Conseil.
Et surtout, selon le protocole n° 7 joint au traité, la Cour de justice sera, de fait, le juge du principe de subsidiarité.
Pourra-t-on toujours, au nom du compromis de Luxembourg, constituer un arbitrage de la Cour de justice ?
Le doute est pour le moins permis, mes chers collègues.
Nous estimons donc nécessaire de réaffirmer avec force le dernier recours de la souveraineté que constitue cet accord en l'inscrivant dans la Constitution. Ce sera le moyen le plus sûr de rappeler à l'intérieur de nos frontières, comme à l'extérieur, la pérennité de ces dispositions.
En conclusion, je tiens à répéter avec force qu'affirmer haut et fort la nécessité vitale pour les peuples européens, pour notre peuple, de préserver son droit d'action à l'égard de la construction européenne n'est en rien contradictoire avec l'idée même d'une telle construction.
L'Europe de progrès, l'Europe sociale, l'Europe culturelle ne se développera pas si les droits élémentaires des peuples ne sont pas respectés.
Mes chers collègues, ne laissons pas ce combat pour la souveraineté de notre pays, pour le pouvoir du peuple aux mains de ceux qui haïssent les idéaux de liberté, d'égalité et de fraternité.
L'amendement que nous vous proposons d'adopter à présent vise à affirmer l'attachement fondamental du Sénat au respect de la souveraineté nationale. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission des lois s'est prononcée contre cet amendement. Elle considère en effet que le compromis de Luxembourg, qui est un principe tout à fait important en matière de négociation politique, doit, pour conserver sa véritable efficacité, garder ce caractère de principe ; il ne faut donc y toucher que d'une manière très discrète.
Une inscription dans notre droit positif de ce principe ne pourrait avoir, à notre avis, que des effets tout à fait regrettables et aboutirait d'ailleurs à en atténuer la vertu.
Rappelons-nous aussi que le négociateur et le signataire des traités est le Président de la République, élu au suffrage universel, et donc au même niveau de légitimité que nous. Nous pouvons donc sans doute faire confiance au Président de la République pour apprécier, en son âme et conscience et en fonction des responsabilités qui sont les siennes, quand les intérêts supérieurs de la France sont en cause. Laissons-lui cette marge de liberté et de responsabilité ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, précisément parce que le compromis de Luxembourg est un principe de négociation politique.
Je rappelle la nature de ce compromis : dès 1966, il s'agissait d'un accord sur le désaccord qui ne faisait pas obstacle à la poursuite des discussions.
Je crois donc que ce serait un contre-sens que de vouloir codifier ce principe, et qu'il serait infondé de l'introduire dans le traité ou dans la Constitution.
J'ajoute que ce compromis de Luxembourg est aussi une arme de dissuasion, et que la dissuasion n'est jamais meilleure que si l'on ne s'en sert pas ou si on le fait par surprise. Cette arme a été utilisée pour la dernière fois en 1989, par le Danemark, et la France avait menacé de l'utiliser en 1992, lors des négociations commerciales agricoles entre les Etats-Unis et l'Europe.
Le Premier ministre Pierre Bérégovoy avait réaffirmé, lors du débat de révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Maastricht, l'attachement de la France au compromis de Luxembourg en ces termes : « S'agissant du compromis de Luxembourg, clarifions les intentions des uns et des autres. La France n'a jamais renoncé et ne renoncera pas au droit de protéger, en cas de crise grave, ses intérêts fondamentaux. Demeure donc l'engagement mutuel des Etats de continuer à chercher un accord entre tous quand l'unanimité n'aura pas été recueillie et que l'application de la règle majoritaire mettrait en cause des intérêts jugés vitaux par l'un d'entre eux. »
C'est d'ailleurs dans un esprit analogue à celui du compromis de Luxembourg qu'ont été rédigées les dispositions du traité d'Amsterdam en matière de politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, qui sont tout à fait spécifiques à ce deuxième pilier.
Bref, avant comme après Amsterdam, le compromis de Luxembourg demeure. Nous n'avons pas l'intention d'y renoncer, mais je crois que ce serait l'affaiblir que de l'évoquer hors de propos, à tout propos ou, encore, de l'inscrire dans la Constitution.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - L'article 88-4 de la Constitution est ainsi rédigé :
«
Art. 88-4. -
Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au
Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets ou
propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne
comportant des dispositions de nature législative. Il peut également leur
soumettre les autres projets ou propositions d'actes ainsi que tout document
émanant d'une institution de l'Union européenne.
« Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des
résolutions peuvent être votées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les
projets, propositions ou documents mentionnés à l'alinéa précédent. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 6, MM. de Rohan, Barnier, Gélard et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République proposent de rédiger comme suit le texte
présenté par cet article pour l'article 88-4 de la Constitution :
«
Art. 88-4
. - Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au
Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets ou
propositions d'actes des Communautés ou de l'Union comportant des dispositions
de nature législative, ainsi que les documents de consultation de la Commission
européenne mentionnés par le protocole sur les parlements nationaux annexé au
traité visé au deuxième alinéa de l'article 88-2. Il peut également leur
soumettre tout autre projet ou proposition d'acte ou tout document émanant
d'une institution de l'Union européenne ; il est tenu de le faire sur demande
du président de l'une ou l'autre assemblée.
« Pendant les sessions ou en dehors d'elles, des résolutions peuvent être
votées dans le cadre du présent article, selon des modalités déterminées par le
règlement de chaque assemblée. Le Gouvernement les prend en considération
lorsqu'il détermine sa position. Sauf urgence dûment motivée, les assemblées
disposent d'un délai minimal de six semaines pour se prononcer. »
Par amendement n° 12, M. Barnier propose de compléter le premier alinéa du
texte présenté par l'article 2 pour l'article 88-4 de la Constitution par un
membre de phrase ainsi rédigé : « ; il est tenu de le faire sur demande du
Président de l'une ou l'autre assemblée. »
Par amendement n° 11, Mme Luc, MM. Duffour, et Bret, Mmes Beaudeau, et
Bidard-Reydet, M. Bécart, Mme Borvo, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefebvre,
Loridant, Ralite et Renar et Mme Terrade, proposent de compléter le texte
présenté par l'article 2 pour l'article 88-4 de la Constitution par un alinéa
ainsi rédigé :
« Le Gouvernement s'exprime et vote au Conseil des Communautés dans le respect
des résolutions adoptées dans le cadre des deux alinéas précédents par le
Parlement. »
La parole est à M. Barnier, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Michel Barnier.
Je présenterai également l'amendement n° 12, qui est un texte de repli ; mais
je ne veux pas renoncer à l'idée de vous convaincre qu'il vous faut voter
l'amendement n° 6, mes chers collègues !
Voilà maintenant six ans que l'article 88-4 de la Constitution est en vigueur,
et je veux à cet instant rendre hommage à cet égard au président de la
commission des lois, M. Jacques Larché, et à notre ancien collègue M. Jacques
Genton. Chacun convient que cet article a permis de mieux associer - et il
était temps ! - les assemblées aux questions européennes ; chacun sait aussi,
six ans après, que son application révèle de nombreuses lacunes.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale sur l'initiative d'Henri Nallet, que
je veux remercier, comble une partie de ces lacunes, mais une partie seulement.
Désormais, les deux assemblées seront saisies de tous les projets ou
propositions d'actes qui comportent des dispositions de nature législative,
même s'ils concernent la PESC ou la coopération judiciaire et policière. C'est
un progrès, mais ce n'est en somme qu'un simple retour aux sources, puisque
telle était déjà l'intention du constituant en 1992, lorsque l'article 88-4 a
été adopté, ce qui montre bien, une fois encore, que nous avons intérêt à
adopter cette fois-ci un texte clair.
La rédaction de l'Assemblée nationale permet par ailleurs au Gouvernement de
soumettre aux assemblées tout autre texte émanant d'une institution de l'Union.
Mais, d'ores et déjà, rien n'empêche le Gouvernement de le faire, et les
assemblées ont effectivement été saisies, à plusieurs reprises, de textes
communautaires qui, selon l'avis du Conseil d'Etat, ne comportaient pas de
dispositions législatives au sens strict. En réalité, il n'y a plus depuis
longtemps de critère clair permettant de savoir si une proposition européenne
sera ou non soumise aux assemblées.
La rédaction de l'Assemblée nationale est donc loin de régler tous les
problèmes posés par l'application de l'article 88-4. Dans ces conditions, mieux
vaudrait que notre débat soit l'occasion de les régler une fois pour toutes.
Je les évoquerai rapidement. Ces problèmes portent sur le champ d'application
de cet article, sur la portée des résolutions que nous adoptons, et, enfin, sur
le délai accordé aux assemblées pour se prononcer.
Sur le champ d'application de l'article 88-4, la rédaction de l'Assemblée
nationale est finalement très restrictive, car elle donne tous pouvoirs au
Gouvernement. En particulier, elle ne garantit pas que les documents de
consultation de la commission européenne nous seront soumis ; comme l'a dit Mme
le garde des sceaux ce matin, elle le permet simplement.
Ces documents, notamment les livres blancs ou les livres verts, sont assez peu
nombreux - une dizaine par an environ - mais ils sont souvent importants : que
l'on songe, par exemple, à l'Agenda 2000 ou aux documents de la Commission sur
l'emploi en Europe. Surtout, ces documents se situent à un stade précoce du
processus de décision, c'est-à-dire au moment où nos interventions ont le plus
de chances d'être utiles.
J'ajoute que le traité d'Amsterdam lui-même prévoit que ces documents doivent
être rapidement communiqués aux parlements nationaux : or, à quoi bon prévoir
cela, si ce n'est pour que les parlements nationaux puissent s'exprimer en
temps voulu ?
L'amendement n° 6 tend à ce que les assemblées soient saisies de plein droit
de ces documents.
A côté de cela, il existe quelques propositions qui ne sont sans doute pas
législatives au sens strict, mais qui sont cependant importantes pour nous : je
pense, par exemple, à la directive sur l'heure d'été ou encore aux règlements
sur les organisations de marché des produits agricoles, dont certains nous sont
soumis et d'autres non, sans que l'on sache très bien pourquoi.
L'amendement n° 6 vise à ce que les assemblées soient saisies de ces textes
lorsqu'elles en feront la demande, c'est-à-dire, en pratique, s'il s'agit, à
nos yeux, de textes importants et controversés.
Nous croyons, en effet, que le Parlement doit pouvoir s'exprimer sur toutes
les propositions européennes importantes, sur toutes celles qui ont des
conséquences sur la vie des citoyens. Dans nos départements, nous sommes tous
confrontés - et nous allons l'être encore davantage - à des textes européens
élaborés sans véritable association du Parlement, adoptés par le Conseil après
un examen parfois rapide - je peux en témoigner - et dont ensuite les élus
locaux et les citoyens que nous sommes subissent les conséquences. Cela n'est
bon pour personne, et cela ne sert pas du tout la construction européenne.
Prévoir que, pour ce type de questions, l'intervention éventuelle des
assemblées doit être laissée à la discrétion du Gouvernement me paraît
témoigner - je le dis très sincèrement, monsieur le ministre - d'une sorte de
timidité, d'une attitude un peu craintive qu'il nous faut dépasser. Pour tout
dire, il y a une sorte d'archaïsme dans les rapports entre le Gouvernement et
le Parlement qui n'est plus de mise.
Sur ces questions, nous devrions pouvoir parvenir, entre le Gouvernement et le
Parlement, à un rapport plus moderne, plus confiant, à un vrai dialogue, pour
que nous ne voyions plus arriver tout d'un coup des textes européens que nous
avons beaucoup de peine à appliquer sur le terrain.
Cela me conduit à évoquer la portée des résolutions. Comme Mme le garde des
sceaux l'a rappelé ce matin, il est bien entendu qu'elles ne lient pas le
Gouvernement. Mais les résolutions ne sont pas non plus quelque chose de
purement platonique. Le Gouvernement doit en tenir compte, il doit les prendre
en considération, ce qui signifie notamment qu'il doit rendre compte
régulièrement aux assemblées des suites qui leur ont été données. C'est ce à
quoi tend l'amendement n° 6, dont la formulation s'inspire, sur ce point, de la
Constitution allemande, monsieur Badinter. Je donne cette précision, car nul ne
dira que le Gouvernement allemand est paralysé par je ne sais quel contrôle
parlementaire excessif. Plus de transparence, cela ne veut pas dire moins
d'efficacité.
Enfin, j'évoquerai rapidement les délais d'examen. En matière européenne
encore plus qu'ailleurs, parce que l'information est parfois difficile à
obtenir, il faut un minimum de temps pour un examen sérieux. Le traité
d'Amsterdam retient le principe d'un délai de six semaines pour l'expression
des parlements nationaux ; mais comme le champ d'application de ce principe
n'est pas parfaitement clair, il nous a paru utile de poser cette règle dans
l'article 88-4, afin que le Gouvernement ait à garantir aux assemblées ce délai
de six semaines, sauf naturellement s'il y a une réelle urgence.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce matin, Mme le garde des sceaux -
je le dis d'ailleurs sans aucune ironie, contrairement à ce qu'elle a pu croire
- a voulu, me semble-t-il, nous donner ou me donner une sorte de leçon de Ve
République. En outre, j'ai entendu M. Badinter et d'autres encore se référer
tout à l'heure aux principes fondamentaux, à l'équilibre tel qu'il est prévu
par la Constitution de la Ve République. Je dis « sans ironie » parce que nous
sommes, de ce côté-ci de l'hémicycle
(M. Barnier désigne la droite de
l'hémicycle),
touchés, voire émus du soutien apporté maintenant à la Ve
République
(Sourires sur les travées du RPR)
et de la fidélité qui lui
est témoignée.
(Applaudissements sur les mêmes travées.)
Mais, mes chers collègues - et je le dis en ce jour où M. le président du
Sénat a dévoilé en présence de nombre d'entre nous une plaque en mémoire de
Michel Debré, qui a siégé dans cet hémicycle - une constitution n'est pas figée
; elle doit vivre avec son temps, et même l'anticiper. C'est d'ailleurs ce que
j'avais compris de la volonté du général de Gaulle au moment même où il a
élaboré cette Ve République.
Cette constitution peut et doit évoluer, comme M. Caldaguès l'a très bien dit.
Plutôt que de le faire par petites touches, à coup d'assurances verbales, comme
celles que nous recevons depuis ce matin, ou d'avancées timides, le moment est
venu aujourd'hui, puisque nous en avons l'occasion, de nous doter d'une règle
du jeu, d'un mode d'emploi clair, fiable, moderne, pour l'association et, quand
il le faut, le contrôle du Parlement sur la politique européenne de la
France.
Mes chers collègues, cet amendement n° 6 présente quelques avantages que je ne
voudrais pas que vous sous-estimiez.
Tout d'abord, son adoption permettrait de rassembler ce soir sur le projet de
loi constitutionnelle la quasi-unanimité du Sénat, ce qui constituerait, à mon
avis, un signal fort.
Par ailleurs, nous pourrions disposer d'un texte clair sur cette question de
l'article 88-4. Or, monsieur le rapporteur, non seulement j'ai entendu ce que
vous avez dit aujourd'hui, mais j'ai lu ce qui a été écrit dans différents
rapports, et l'amendement que nous vous proposons ne contient rien d'autre que
ce que vous avez vous-même souhaité - comme d'autres de nos collègues - au nom
de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
De plus, pour avoir sondé les reins et les coeurs - y compris à l'Assemblée
nationale - je peux dire, sans trahir de conversations privées, que ce que nous
proposons là, c'est simplement du bon sens et une mise en ordre claire et
nette.
Enfin, je voudrais évoquer cet argument qui nous a été opposé - par exemple
par M. Arthuis tout à l'heure, mais aussi par M. le ministre - et qui consiste
à dire qu'il faut aller vite, et donc qu'il nous faut adopter le texte en
termes conformes ce soir. Mais, monsieur Arthuis, je vous le dis de tout coeur
: au nom de quoi et pour quelles raisons reviendrait-il au Sénat de voter
conforme ce soir ? Pourquoi donc n'appartiendrait-il pas à l'Assemblée
nationale d'adopter ce texte en termes conformes - c'est-à-dire dans les termes
du Sénat - demain ou lundi matin ?
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
C'est ce que nous avons fait en 1992, M. le président Monory est là pour en
témoigner, et d'autres encore ici. C'est nous - ou plutôt vous, car je n'étais
pas encore parmi vous - c'est vous, à cette époque, qui avez introduit l'idée
selon laquelle des résolutions pourraient être adoptées sur des textes
communautaires. Ce progrès a été suggéré par le Sénat, et l'Assemblée nationale
l'a accepté.
En quoi le vote de cet amendement retarderait-il le débat de ratification ? La
réunion du Congrès aura probablement lieu le 18 janvier. Rien ni personne - et
surtout pas moi - n'a l'intention de la retarder !
Encore une fois, l'Assemblée nationale peut voter ce texte en termes
conformes, en acceptant l'apport du Sénat. Qu'on ne vienne donc pas nous
opposer l'argument de l'urgence, parce que nous n'y croyons pas !
Je comprends que vous ayez été opposé à l'amendement précédent - celui qu'a
défendu M. Gélard - parce que, posant un principe, il pouvait être interprété
comme un mauvais signal en direction de nos partenaires, en ce sens qu'il
donnait le sentiment d'une ratification en deux temps. J'ai bien entendu tous
ces arguments.
Mais cet amendement-ci, je vous le dis en toute conscience, ne fait que
reprendre ce que nous avons toujours souhaité, espéré et dit : nous souhaitons
instaurer enfin un rapport moderne entre le Gouvernement et le Parlement sur le
plan européen.
A partir du moment où il n'y a pas de vraie raison pour retarder le débat de
ratification, je souhaiterais très sincèrement - je crois pouvoir le dire au
nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, que j'ai l'honneur de
présider - que nous soyons le plus nombreux possible, et même unanimes, à
approuver cet amendement.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Bécart, pour défendre l'amendement n° 11.
M. Jean-Luc Bécart.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes
chers collègues, nous avons eu l'occasion d'évoquer cet amendement lors de la
discussion générale. Il s'agit, pour nous, de donner un contenu impératif aux
résolutions adoptées par le Parlement sur des propositions d'actes
communautaires.
Nous estimons que le débat sur l'article 88-4 de la Constitution, tel qu'il
s'est déroulé jusqu'à présent, n'est pas satisfaisant et constitue un moyen de
masquer une acceptation pure et simple du dispositif d'Amsterdam.
A quoi bon, par exemple, étendre le champ d'application du contrôle
parlementaire aux Livres blancs, par exemple, si les propositions de résolution
adoptées par l'Assemblée nationale et par le Sénat ne sont même pas prises en
compte par le Gouvernement ?
Ce qui est essentiel, c'est le poids réel de l'intervention parlementaire dans
la construction européenne.
A cet égard, nous ne suivrons pas notre collègue M. Badinter quand il oppose
construction européenne et renforcement de l'intervention du Parlement. Pour
nous, les deux aspects sont complémentaires, et nous considérons bien au
contraire que cette intervention constituerait la garantie de la réconciliation
de la démocratie et de l'Europe, la garantie du rapprochement de l'Europe des
citoyens français.
Nous ne pouvons pas accepter que la Commission de Bruxelles, non élue, qui est
à l'origine et à l'aboutissement des actes communautaires, demeure
toute-puissante, sans réel droit d'intervention des peuples et de leurs
représentants nationaux.
Il faut rappeler que la procédure parlementaire du Danemark offre la
possibilité au Parlement de confier des mandats impératifs au Gouvernement.
Pourquoi ce qui existe au Danemark serait-il considéré comme du domaine de
l'absurde en France ?
Enfin, notre amendement respecte pleinement l'article 3 de la Constitution :
la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l'exerce par ses
représentants.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je commencerai par le dernier, l'amendement n° 11, parce que
c'est à son égard que la réponse est la plus simple.
Naturellement, la commission des lois n'a pas pu accepter un texte qui pose le
principe selon lequel « le Gouvernement s'exprime et vote au Conseil des
Communautés dans le respect des résolutions adoptées dans le cadre des deux
alinéas précédents par le Parlement ».
Je n'ai même pas besoin de vous dire que le Gouvernement serait bien
embarrassé si les résolutions n'étaient pas adoptées dans les mêmes termes par
les deux assemblées ! Mais passons sur cette difficulté technique.
Sur le fond, on nous propose d'instituer un régime d'assemblée : ce sont les
assemblées qui donneraient des consignes précises et détaillées au
Gouvernement. Or, autant que je sache, les institutions de la Ve République -
sur l'esprit desquelles nous sommes globalement tous d'accord dans cet
hémicycle - ne vont pas dans le sens du régime d'assemblée.
Il me paraît donc tout à fait impossible d'adopter une telle disposition, et
la commission des lois vous propose de la rejeter.
J'en viens à l'amendement n° 6, excellemment exposé par M. Barnier, et à
l'amendement n° 12, qui n'est qu'un amendement de repli et sur lequel je
n'aurai pas à m'expliquer longuement.
En réalité, cet amendement n° 6 comporte quatre propositions nouvelles par
rapport à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.
Je tiens d'emblée à dire que nous avons examiné cet amendement avec beaucoup
d'intérêt, car il correspond tout à fait aux préoccupations et de la délégation
du Sénat pour l'Union européenne et de la commission des lois. Nous nous
souvenons tous, à cet égard, du rôle spécialement joué par cette dernière et
par son président, M. Jacques Larché, dans l'élaboration de l'article 88-4,
innovation remarquable dans nos institutions qui mériterait bien des
développements et dont, je l'espère, nous pourrons discuter un jour : je veux
notamment faire allusion à la possibilité pour les assemblées de voter des
résolutions.
Sur cet amendement n° 6, je vais aller du plus simple à ce qui est peut-être
le plus délicat.
En premier lieu, l'amendement vise à ajouter expressément à la liste des
documents qui doivent être transmis « les documents de consultation de la
Commission européenne mentionnés par le protocole sur les parlements nationaux
annexé au traité visé au deuxième alinéa de l'article 88-2 ».
Cette proposition a été faite en son temps par M. Lanier, et je l'avais
moi-même reprise dans mon rapport.
En deuxième lieu, je rappelle que les documents qui doivent être communiqués
sont les documents de portée législative des premier, deuxième et troisième
piliers, ainsi que les documents préparatoires dont la communication est rendue
expressément obligatoire par le traité d'Amsterdam. L'Assemblée nationale y a
ajouté tous autres projets ou propositions d'actes communautaires que le
Gouvernement jugerait bon de communiquer. Et M. Barnier voudrait encore que le
Gouvernement soit tenu de procéder à cette communication sur la demande du
président de l'une ou l'autre assemblée !
En troisième lieu, le Gouvernement devrait prendre en considération les
résolutions adoptées par le Parlement lorsqu'il détermine sa position. Je me
permets de dire que ce n'est pas l'élément le plus fort et le plus convaincant
de l'ensemble et que cela prête même peut-être à sourire, cela dit sans porter
atteinte à l'autorité si grande de celui qui vient de défendre cet
amendement.
En quatrième lieu, le dernier élément de novation apporté par l'amendement n°
6 est le suivant : « Sauf urgence dûment motivée, les assemblées disposent d'un
délai minimal de six semaines pour se prononcer. » Cette disposition figure
d'ailleurs dans le protocole annexé au traité d'Amsterdam.
Je reprendrai ces quatre points dans l'ordre inverse.
Tout d'abord, en ce qui concerne le délai de six semaines, la commission a
considéré qu'il n'était pas convenable d'indiquer ce délai dans un texte
constitutionnel. Cette obligation résulte certes du traité d'Amsterdam que nous
allons ratifier, mais il ne semble pas nécessaire d'ajouter cette précision
dans le texte même de la Constitution.
S'agissant de l'idée selon laquelle le Gouvernement prend en considération les
résolutions adoptées lorsqu'il détermine sa position, la commission n'a pas cru
opportun d'inscrire une telle disposition dans la Constitution. Cela pourrait
donner l'impression qu'il pourrait en être autrement et qu'il faut le dire pour
qu'il n'en soit pas autrement, tout en sachant d'ailleurs qu'il ne suffit pas
de le dire pour qu'il en soit réellement autrement.
(Sourires.)
En
conséquence, cela ressemble à une sorte de placebo sur l'utilité duquel la
commission n'est pas convaincue. Elle ne peut donc pas l'approuver.
Ce qui pourrait poser davantage problème, c'est le principe selon lequel non
seulement le Gouvernement devrait communiquer les documents dont nous avons
parlé - premièrement, ceux qui concernent les premier, deuxième et troisième
piliers, dès lors qu'ils ont une portée législative ; deuxièmement, les
documents de consultation ; troisièmement, les documents qu'il juge utile de
communiquer - mais aussi les documents qui lui seraient demandés par le
président de l'une ou l'autre des assemblées.
C'est une idée intéressante que la commission n'a pas cru devoir retenir, car
elle a considéré que la liste des autres documents couvrait déjà à peu près
tous les documents imaginables et qu'on ne voyait pas très bien ce qui pourrait
manquer. En effet, il ne faudrait pas qu'au sein de la délégation nous soyons
accablés. Il suffit pour le comprendre de consulter la liste de tous les
documents que nous recevons et sur lesquels il nous est parfois bien impossible
de nous prononcer. Au demeurant, cela ne ressort souvent pas véritablement de
notre compétence !
Faut-il ajouter, dans ces conditions, que le Gouvernement sera tenu de
communiquer des documents qu'il n'aurait pas communiqués et qui lui seraient
demandés par le président de l'une ou l'autre des deux assemblées ? Nous ne
voyons pas très bien à quelle hypothèse concrète cela correspond. Par ailleurs,
si l'assemblée a le sentiment qu'elle n'est pas correctement informée sur tel
ou tel point, elle peut toujours créer une commission d'enquête ou de contrôle
! Ce système fonctrionne ainsi depuis un certain nombre d'années déjà, et je
n'ai jamais entendu dire qu'il y ait eu rétention de documents.
La précision souhaitée ne nous semble donc pas nécessaire.
Il subsiste un point qui nous paraît tout à fait justifié, mais dont nous
croyons pouvoir penser qu'il est satisfait par le texte voté par l'Assemblée
nationale tel qu'il a été interprété par le Gouvernement tout à l'heure.
Comme cette interprétation peut donner lieu à des difficultés - les
interprétations sont toujours elles-mêmes sujettes à interprétation - je
voudrais vous dire comment la commission des lois a compris ce texte et je
demande au Gouvernement, s'il ne l'a pas compris comme nous, de nous le dire
afin que les choses soient claires : dans ce cas, il deviendra peut-être
nécessaire de voter l'amendement, ou du moins une partie de l'amendement qui
nous est proposé.
Mme Guigou a pris un exemple précis et il est vrai qu'un exemple est toujours
plus concret qu'une phrase. On peut toujours discuter une phrase, un exemple
est plus évident.
Selon vous, madame le garde des sceaux, il est clair que, dans le cadre de la
rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, le Gouvernement aurait sans
hésitation - je propose pour ma part de supprimer ce « sans hésitation » -
transmis, au titre de l'article 88-4, des documents tels que l'Agenda 2000 ou
le Livre vert sur La Poste.
L'Agenda 2000, le voici.
(M. le rapporteur montre un document.)
Il
comprend des chapitres fort intéressants, c'est probablement l'un des documents
les plus importants qui soient sortis des travaux de la Commission au cours des
dernières années. En effet, c'est à sa lecture que l'on comprend ce qui va se
passer, que l'on est informé sur l'état de la problématique dans les différents
domaines et que l'on commence à pouvoir avoir une appréciation de la réalité
des problèmes et de leurs solutions possibles.
C'est aussi au moment où ces documents sont diffusés que le Gouvernement
commence à réfléchir à l'attitude qu'il adoptera. Nous avons donc intérêt à
démarrer alors nous-mêmes notre propre réflexion afin qu'elle ait des chances
d'être prise en compte, parce qu'elle sera arrivée assez tôt dans le processus
de réflexion des instances gouvernementales.
Cet exemple, en tant que tel, nous donne pleinement satisfaction. J'étais en
effet un peu embarrassé parce que j'avais cru entendre que vous aviez compris,
madame le ministre, qu'il s'agissait de communiquer les documents préparatoires
à des actes législatifs. Or on ne peut pas considérer l'Agenda 2000 comme un
document préparatoire à des actes législatifs ! Y aura-t-il ou non par la suite
des actes législatifs et, dans l'affirmative, lesquels ? Nous n'en savons rien
!
Nous respectons donc strictement les définitions qui sont données par le
traité d'Amsterdam, que vous nous invitez d'ailleurs à ratifier et que nous
sommes tout disposés à ratifier : tous les documents de consultation de la
Commission - Livres verts, Livres blancs et communications - sont transmis
rapidement aux Parlements nationaux des Etats membres.
Cela nous convient, étant entendu que cette transmission, encore une fois, se
feront en application de la dernière phrase de l'alinéa 1er de l'article 88-4,
que je vous demande de me dispenser de relire. Tous ces documents pourront donc
faire l'objet de résolutions.
C'est dans cet esprit que la commission a compris le texte de l'Assemblée
nationale, à la suite de vos déclaration.
(Mme le garde des sceaux fait un
signe d'approbation.)
J'en conclus, madame le garde des sceaux, que vous
souscrivez à cette interprétation. Dans ces conditions, notre préoccupation est
satisfaite...
M. Jean Chérioux.
Tu parles !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
... et c'est pourquoi, dès lors que cet amendement n'a plus
d'objet, la commission des lois invite le Sénat à le repousser.
M. Adrien Gouteyron.
Mais le Gouvernement n'a encore rien dit !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 6, 12 et 11 ?
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Je répondrai de façon globale aux auteurs des trois
amendements, qui concernent tous l'article 88-4 de la Constitution tel qu'il a
été adopté par l'Assemblée nationale, en relevant les quatre points que vient
d'évoquer M. le rapporteur.
Premier point, l'amendement central, l'amendement n° 6, vise à étendre le
champ des actes transmis systématiquement en application de l'article 88-4 de
la Constitution aux documents dits de consultation, et ce conformément au
protocole sur les parlements nationaux.
Je note au passage que, s'agissant de ces documents de consultation, il n'est
plus fait référence au critère législatif. Je souligne en outre que le
protocole annexé au traité n'impose pas que ces documents soient transmis pour
examen ; il dispose que, pour information, « tous les documents de consultation
de la Commission - livres verts, livres blancs et communications - sont
transmis rapidement aux parlements nationaux ». Cette exigence est d'ores et
déjà satisfaite puisque cette transmission est posée par la loi Josselin.
Comment le Gouvernement entend-il ce texte, monsieur le rapporteur ?
S'agissant de la transmission de tels documents au titre de l'article 88-4, la
clause permettant au Gouvernement de transmettre tout document d'une
institution qu'il juge important peut, à notre sens, parfaitement servir de
base juridique.
Le Gouvernement - c'est ce qu'a dit ce matin Mme Guigou - est d'accord pour
transmettre à ce titre les documents de consultation les plus importants,
c'est-à-dire ceux de préparation ou d'orientation, notion qui doit être
entendue au sens large. Il reviendra à la circulaire d'application de l'article
88-4 de préciser - dans un esprit qui est, vous le voyez, extrêmement ouvert -
les modalités de mise en oeuvre de cet engagement.
Deuxième point, le texte prévoit que le Gouvernement est tenu de soumettre au
Parlement tout document émanant d'une institution de l'Union européenne si une
demande en ce sens est formulée par le président de l'une ou l'autre des deux
assemblées. La possibilité qui serait ainsi donnée aux présidents des
assemblées de demander que certains documents soient soumis au Parlement
constituerait une innovation.
Nous respectons bien évidemment le rôle politique éminent des présidents des
deux assemblées, dont nous savons qu'ils ont un pouvoir de nomination à de très
hautes fonctions dans la République, mais en même temps il s'agit là
d'introduire une forme d'intervention auprès du Gouvernement qui n'est pas
conforme, jusqu'à nouvel ordre, à la tradition constitutionnelle de la Ve
République.
J'ajoute que la mise en oeuvre de l'article 88-4 de la Constitution repose sur
une logique de confiance entre le Gouvernement et les assemblées, et à cet
égard je veux donner quelques exemples qui démontrent la bonne volonté du
Gouvernement. Depuis le mois de juin 1997, celui-ci a répondu favorablement
cinq fois à six demandes de transmission formulées par l'un ou l'autre
président des deux assemblées, au titre de l'article 88-4, de textes n'entrant
pas dans le champ d'application de ce dernier. Tout récemment encore, le
Gouvernement a tenu à respecter ses engagements en transmettant, au titre de
l'article 88-4 et par anticipation sur l'adoption définitive de la révision
constitutionnelle en cours, le programme de travail annuel de la Commission. En
outre, j'ai indiqué ce matin, en réponse à M. Masson, qu'il fera de même
s'agissant de la répartition de l'acquis de Schengen, également par
anticipation. Je voulais préciser ce point.
Cela signifie, dans mon esprit, que si les problèmes existent - mais ils sont
très rares - il faut souligner que l'actuelle révision donne très exactement
les moyens d'y porter remède, et vous comprenez là encore quel esprit animera
le Gouvernement.
Troisième point, le texte prévoit l'inscription d'un délai minimal de six
semaines comme délai de réserve parlementaire.
Je serai extrêmement bref sur ce point pour dire qu'il ne me paraît pas
juridiquement satisfaisant d'inscrire un tel délai dans la Constitution. On
comprendra en outre que la nécessaire souplesse liée aux exigences de la
négociation communautaire justifie pleinement que le Gouvernement s'oppose à
cette proposition.
Enfin, quatrième point, l'amendement tend à préciser la portée des résolutions
votées par les assemblées, en indiquant que le Gouvernement les prend en
considération lorsqu'il détermine sa position.
Le texte de l'amendement n° 6 introduit une ambiguïté. Les circulaires
Balladur de 1993 et, surtout, de 1994 précisent justement la façon dont le
Gouvernement doit tenir compte des résolutions votées par le Parlement : on ne
peut pas les assimiler à des avis contraignants, car c'est totalement contraire
aux principes d'automie de négociation de l'exécutif, et donc à l'équilibre des
pouvoirs inscrits dans la Constitution.
La même remarque vaut pour l'amendement n° 11, qui tendrait également à
remettre en cause l'autonomie de l'exécutif dans la négociation internationale
en conférant un contenu impératif aux résolutions adoptées dans le cadre de
l'article 88-4 de la Constitution.
Le Gouvernement, monsieur Barnier, ne fait donc pas preuve de « timidité » et
il n'oserait en aucune façon donner à qui que ce soit, et surtout pas à vous,
une leçon sur la Ve République. Il est favorable à l'extension du contrôle
parlementaire, et il oeuvre en ce sens.
Il me semble d'ailleurs que la disposition votée par l'Assemblée nationale sur
proposition de M. Nallet - disposition qu'approuve votre commission, comme
vient de l'exposer M. Fauchon - donne toute satisfaction de ce point de vue et
correspond à un équilibre parfait.
Mais, dans le même temps, le Gouvernement ne veut pas que, de façon subreptice
et sans en avoir débattu de façon approfondie, des équilibres assez
fondamentaux de notre Constitution soient modifiés, qu'il s'agisse du partage
entre la loi et le règlement ou encore du pouvoir de négociation de l'exécutif,
au premier chef, de celui du Président de la République.
Vous dites que la Constitution n'est pas figée. Nous en sommes bien d'accord.
Il n'y a pas de tabous, et nous en viendrons peut-être les uns ou les autres à
des remises en cause profondes de telle ou telle constitution, en l'occurrence
la nôtre, mais ces remises en cause ne peuvent intervenir à l'occasion d'une
révision de circonstance qui, je le rappelle pour la troisième fois, n'a qu'une
justification : préparer la ratification du traité d'Amsterdam.
Peut-être y aura-t-il un grand débat sur ces points, mais je ne crois pas
qu'aujourd'hui soit le jour ; ce serait, je le répète encore, profiter d'une
révision de circonstance sans avoir tout à fait approfondi les tenants et les
aboutissants des modifications proposées.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
M. Jean Arthuis.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Je veux m'adresser au président de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne, M. Barnier, et lui dire que je regrette comme lui que le
Gouvernement, qui a signé le traité d'Amsterdam au mois d'octobre 1997, n'ait
pu prévoir dans le calendrier parlementaire une discussion plus précoce de ce
projet de loi préalable à la ratification.
Cela étant dit, cher Michel Barnier, Il n'y a de notre part aucune
précipitation frénétique. Si nous avons décidé de voter conforme ce texte -
plusieurs orateurs de notre groupe sont intervenus hier soir, vous y avez été
attentif, je pense, pour justifier notre position - c'est parce que, comme
vous, nous voulons que le Parlement puisse exercer ses prérogatives.
Nous entendons respecter la hiérarchie entre les traités et la loi. Nous avons
acquis la conviction que nous étions en mesure, sur la base du texte qui nous
vient de l'Assemblée nationale, d'exercer nos prérogatives de contrôle
parlementaire.
Dans ces conditions, et parce que M. le ministre chargé des affaires
européennes vient de le confirmer en réponse au rapporteur M. Pierre Fauchon,
nous considérons que l'amendement n° 6 n'a maintenant plus d'objet.
Je voudrais aussi vous remercier, cher Michel Barnier, d'avoir exprimé mieux
que je n'aurais pu le faire les réserves que suscitait l'amendement n° 5,
défendu par M. Gélard.
Je voudrais dire enfin à M. Caldaguès que, si nous n'avons pas voté
l'amendement prévoyant qu'une loi d'habilitation devrait être soumise au
Parlement dans cinq ans, voire plus tard, au moment où basculera le dispositif
de prise de décision de l'unanimité à la majorité qualifiée, c'est parce qu'un
acte sera soumis au Parlement. Il y aura donc vote d'une résolution, et, à ce
moment-là, il appartiendra à la majorité de l'Assemblée nationale, si elle le
juge opportun, de la faire connaître au Gouvernement, avec toute la force de
ses moyens juridiques.
Nous avons les moyens que nous souhaitons. C'est pour cette raison que le
groupe de l'Union centriste ne pourra pas voter l'amendement n° 6.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant l'une du groupe
socialiste, l'autre du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
59:
Nombre de votants | 300 |
Nombre de suffrages exprimés | 300 |
Majorité absolue des suffrages | 151 |
Pour l'adoption | 100 |
Contre | 200 |
L'amendement n° 12 est-il maintenu, monsieur Barnier ?
M. Michel Barnier. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
M. le président.
Par amendement n° 7, MM. de Rohan, Barnier, Gélard et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 2, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 88-4 de la Constitution, il est inséré un article
nouveau ainsi rédigé :
«
Art. 88-5
. - Les projets ou propositions d'actes comportant des
dispositions de nature législative visés à l'article 88-4 peuvent être déférés
au Conseil constitutionnel par le Président de la République, le Premier
ministre, le président de l'Assemblée nationale ou le président du Sénat. Le
Conseil constitutionnel se prononce sur leur conformité à la Constitution dans
le délai d'un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s'il y a urgence,
ce délai est ramené à huit jours.
« II. - Dans l'article 19 de la Constitution, les références : "56 et 61" sont
remplacées par les références : "56, 61 et 88-5". »
La parole est M. Masson.
M. Paul Masson.
Cet amendement n'est pas révolutionnaire : il ne bouleverse pas les
institutions ; il n'est apparemment pas contraire au traité ; il a, à mon sens,
pour objet essentiel de protéger le Gouvernement, le Parlement et les
institutions françaises de leurs contradictions internes à venir.
Il s'agit en effet d'ajouter, après l'article 88-4 de la Constitution, un
nouvel article qui permet à quatre personnalités éminentes - le Président de la
République, le Premier ministre et les deux présidents des assemblées - de
saisir le Conseil constitutionnel avant que les directives européennes ne
soient traduites dans le droit interne de sorte que nous puissions éviter,
autant que faire se peut, le système paradoxal dans lequel nous nous trouvions
de voir le Conseil constitutionnel en situation de devoir annuler, pour non
conformes à la Constitution, des textes qui résultent d'une directive qui
aurait été approuvée par le Gouvernement et transcrite dans le droit interne de
ce pays.
Je souligne, mes chers collègues, que nous n'examinons plus là des matières
formelles : il ne s'agit plus de monnaie, de produits, d'échanges, de
fiscalité, de taux de croissance. Il s'agit ici de l'homme, de la femme, des
droits de l'homme, des droits imprescritibles que nous avons souvent soulignés
et sur lesquels le Conseil constitutionnel est particulièrement vigilant.
Pour être bref, je prendrai un seul exemple : le droit de rétention, c'est un
sujet que connaît bien M. Badinter. Et cela nous dit quelque chose, mon cher
collègue Dreyfus-Schmidt, à vous et à moi.
Sur le droit de rétention, nous savons tous que la France est en pointe, si
j'ose dire. Le droit de rétention pratiqué dans les Etats de l'Union est, en
moyenne, d'environ trois mois. Chez nous, à trois reprises, le Conseil
constitutionnel a estimé qu'il est contraire aux droits de l'homme et qu'il est
impossible de priver de liberté un citoyen qui n'est pas condamné au-delà de
huit jours. Ce délai a ensuite été porté à dix jours, puis à douze jours.
Chez nous : douze jours ; ailleurs : trois mois ! Pourtant, un jour, une
directive de la Commission pourra fixer le droit de rétention en Europe à un
mois, par exemple.
Comment réagira le Conseil constitutionnel lorsque nous proposerons d'établir
ce dispositif en droit interne même si nous ne faisons qu'appliquer les
décisions prises par le Conseil des ministres et que transcrire une directive
qui est totalement légale ?
Le Conseil constitutionnel devrait se désavouer, lui qui, à de multiples
reprises, a considéré que le droit de détention était incontournable et
qu'au-delà de douze jours, l'étranger qui se trouvait en situation irrégulière
devait être libéré, même si son identité ou son domicile n'avaient pas été
déterminés ?
L'autre hypothèse est que le Conseil constitutionnel casse la transcription en
droit interne, et nous sommes condamnés par la Cour de justice pour
non-application d'un dispositif qui a force de loi dans l'ensemble de
l'Union.
Pour éviter cela, on imagine, préalablement à la décision d'introduire toute
disposition dans le droit interne, de consulter le Conseil constitutionnel sur
les projets et propositions d'actes communautaires comportant des dispositions
de nature législative.
Je répète que toutes les dispositions de nature législative que nous aurons à
connaître, après la ratification du traité d'Amsterdam, traitent de problèmes
concernant les étrangers, recouvrent intégralement le champ de l'ordonnance de
1945, mille fois débattue dans cette enceinte, et ajoutent à cela quelques
autres mesures qui touchent toutes les droits de l'homme et du citoyen.
Tel est l'objet de cet amendement que je présente avec une certaine sérennité,
parce qu'il reviendra sans doute à l'esprit du président Jacques Larché que
nous avions adopté une mesure similaire lors du débat en 1992, à l'époque où le
Sénat refusait, lui, de voter des textes conformes et imposait à l'Assemblée
nationale de le faire. Ce débat-là, nous l'avons déjà eu, disais-je, et j'ai eu
le plaisir de constater à l'époque que cette orientation avait été approuvée,
lors d'une première lecture, par la majorité du Sénat. En sera-t-il de même ce
soir ?
Je n'ose pas tenter l'expérience parce que j'ai bien compris que l'obsession
de l'adoption conforme était ancrée et que, en tout état de cause, quel que
soit le talent de mes collègues, leur capacité de persuasion et même
l'objectivité et le bien-fondé d'une telle disposition, il fallait à tout prix
que l'on arrête aujourd'hui le dispositif pour que, demain, à l'Assemblée
nationale, les députés aient enfin la satisfaction de constater que le Sénat
n'avait, pour une fois, rien changé et que les dispositions qui résultent de
ses travaux sont, en définitive, toutes celles que l'Assemblée nationale avait
adoptées.
Je regrette un peu cette situation. Elle ne réflète pas, je crois, un
sentiment qui est unanimement partagé, mais, puisque c'est une tactique qui a
été organisée de telle sorte que chacun doive s'y plier, monsieur le président,
je retire l'amendement.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Charles Pasqua.
Beau discours !
M. le président.
L'amendement n° 7 est retiré.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, je
donne la parole à M. de La Malène, pour explication de vote.
M. Christian de La Malène.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes
chers collègues, je voterai contre le projet de loi qui nous est soumis. Je le
ferai pour une raison de principe et pour une raison circonstancielle.
Une raison de principe, d'abord. Depuis quelques années, notre Constitution
est régulièrement révisée. Elle l'est curieusement, morceau par morceau,
tranche par tranche, à la demande en quelque sorte, et il est parfois difficile
de mesurer la portée de ce qui nous est proposé car un sujet en enclenche un
autre. Surtout, il est impossible de prévoir où cela va conduire la
Constitution de notre pays.
Je suis hostile à cette manière de réviser la Constitution. Je suis hostile à
ce découpage en tranches de la souveraineté française.
Si la Constitution de notre pays doit être revue pour prendre en compte la
constitution de l'Europe, alors il faut tout mettre à plat et offrir un choix
clair, un choix d'ensemble au peuple français, seul habilité à l'effectuer.
Mais comment approuver ces abandons et ces transferts qui, de pacte en traité,
progressivement, discrètement, pour ne pas dire plus, transfèrent en d'autres
mains la souveraineté des Français ?
La raison circonstancielle, maintenant. Le seul objet de la révision proposée
est de permettre la ratification d'un traité.
Mais, curieusement, chacun peut observer que ce traité manque de pères avoués
et n'a guère de très ardents défenseurs. Certains doivent se contenter de mots
et d'incantations pour lui trouver quelques mérites et, pour d'autres, à
l'inverse, son principal mérite, au contraire, c'est sa minceur.
En revanche, ce n'est qu'une seule voix pour déplorer que ce traité passe à
côté de son objectif qui aurait dû être de doter enfin l'Europe d'institutions
efficaces et démocratiques. Et chacun de jurer que l'on ne l'y reprendra plus
et qu'avant les prochains élargissements il y aura un préalable
institutionnel.
Oui ! Peut-être ! Mais en attendant que ces louables engagements soient suivis
d'effet, le traité d'Amsterdam, lui, fait le contraire. Sans attendre
l'efficacité, la pondération, la démocratie - réputées, à juste titre,
indispensables - il transfère du troisième pilier au premier pilier, du
Gouvernement français aux institutions bruxelloises, notamment au Parlement
européen, une matière de souveraineté très sensible. Fâcheux précédent !
Nouveau précédent ! Dangereux précédent !
Et c'est parce que je déplore cette contradiction, hélas permanente ! entre ce
que l'on fait et qui est acquis, et ce que l'on s'engage à faire et qui ne
vient jamais, que je ne saurais approuver la révision qui nous est demandée.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Pasqua.
M. Charles Pasqua.
Je serai bref car ce que j'ai dit ce matin suffit amplement.
Si j'avais eu le moindre doute, le débat qui s'est déroulé cet après-midi
aurait suffi à le dissiper.
En effet, le groupe du RPR a présenté trois amendements, dont l'un avait pour
objet de donner des garanties supplémentaires au Parlement avant le passage à
la majorité qualifiée. Or aucun de ces amendements n'a été retenu.
Le groupe du RPR en tirera les conséquences qu'il jugera bon.
Quant à moi, cele me confirme dans le sentiment qui est le mien. Il existe,
malheureusement, une majorité pour ne pas se rendre compte que, en réalité, il
s'agit non pas de transfert de compétences, mais d'abandon de souveraineté ; je
n'y souscris pas. En conséquence, je voterai contre.
(Applaudissements sur
certaines travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Je n'utiliserai pas les cinq minutes auxquelles j'ai droit parce que, au terme
de ce débat, je ne répéterai pas ce que Robert Badinter et moi-même avons déjà
dit, au nom du groupe socialiste.
Quelles que soient les lacunes du traité d'Amsterdam, nous pensons qu'il
permet une nouvelle avancée dans la construction européenne. Nous approuvons
donc la révision constitutionnelle qui va permettre - et le plus tôt sera le
mieux - de ratifier ce traité qui, je l'ai souligné, a déjà été ratifié par la
quasi-totalité des signataires.
Nous nous félicitons que cette révision permette aussi, par une adjonction à
l'article 88-4 de la Constitution, d'accroître le pouvoir de contrôle du
Parlement sur les actes européens, avec l'interprétation qu'en a souhaitée le
rapporteur M. Fauchon et qu'a admise le Gouvernement.
Il ne pouvait être question pour nous d'aller plus loin, et nous sommes
satisfaits que le Sénat ait rejeté tous les autres amendements en permettant
ainsi, dès aujourd'hui, un vote conforme auquel, bien entendu, le groupe
socialiste apportera ses voix.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson.
Monsieur le président, personnellement, je ne voterai pas la modification
constitutionnelle telle qu'elle nous est présentée dans le projet de loi.
Pourquoi ?
Il n'est pas dans mon habitude de ne pas voter les textes issus de nos débats.
Si je le fais c'est parce que le groupe du RPR a présenté trois amendements qui
ont été repoussés et dont l'un, le premier, me paraissait essentiel.
Un Parlement ne peut pas donner carte blanche à un Gouvernement pour ce qui se
passera dans cinq années, ce que personne ne maîtrise.
Qui peut me dire quelle sera, dans cinq ans, la majorité qualifiée de l'Europe
? Personne n'en sait rien.
Qui peut me dire quels seront, dans cinq ans, les accords que l'on pourra
passer ou non avec les pays d'immigration ? Personnne n'en sait rien.
Qui peut me dire quels seront, dans cinq ans, la composition, le comportement,
l'orientation du Parlement européen saisi pour codécision de toutes les
propositions de la Commission ? Personne n'en sait rien.
Je crois franchement qu'il était important de donner au Parlement la
possibilité d'émettre un avis dans cinq ans sur la décision de passer ou non à
la majorité qualifiée.
Je voudrais également répondre aux objections qu'ont formulées, hier, MM.
Badinter et Estier. L'un et l'autre évoquant la Constitution ont dit : vous
mettez un obstacle au pouvoir du Président de la République ou à la politique
que doit conduire le Gouvernement, selon l'article 20 de la Constitution.
Mais, mes chers collègues, quand le Président de la République a signé le
traité, il n'a pas signé l'engagement de passer à la majorité qualifiée dans
cinq ans. Dans le traité tel qu'il est rédigé, il s'agit non d'une obligation,
mais d'une possibilité.
Le Gouvernement opère en toute liberté, mais toujours sous le contrôle du
Parlement. La Constitution donne aussi au Parlement le devoir de contrôler
l'activité du Gouvernement. Et si, vraiment, le Parlement n'est pas dans son
rôle en contrôlant, sur ce sujet, et à cette époque, les activités du
Gouvernement, c'est qu'aucun contrôle du Gouvernement n'est plus possible.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le président, je ne voterai
pas la réforme qui nous est proposée.
M. le président.
La parole est à M. Ceccaldi-Raynaud.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis dans
la situation,
mutatis mutandis,
dans laquelle se trouvait M. Mélenchon
au moment du débat sur la Banque de France.
M. Claude Estier.
C'est un drôle de rapprochement !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
J'exprime la même peine que lui d'avoir à me séparer, l'espace d'un moment, de
mes amis. Ce n'est que l'espace d'un moment...
Nous, les minoritaires du groupe du RPR, considérons que le projet de loi qui
nous est soumis est dangereux pour l'immédiat et encore plus pour l'avenir.
Il est dangereux pour l'immédiat, ainsi que l'a démontré M. Pasqua, parce
qu'il assure la primauté de l'acte communautaire sur toute la hiérarchie des
normes françaises, y compris la Constitution, et la primauté absolue de la Cour
de Luxembourg.
Ce matin ou hier, M. le ministre a dit qu'Amsterdam sortait de Maastricht...
comme le jour sort de la nuit - cela, c'est moi qui l'ajoute.
(Sourires.)
Il sortira d'Amsterdam autre chose, que nous ne connaissons
pas aujourd'hui. Il y aura d'autres vagues, d'autres vagues d'aliénation,
d'autres vagues d'abandon de souveraineté...
Ce matin ou hier encore, un excellent orateur a cité Paul Valéry, ce poète qui
était le fils d'un douanier de Corse - c'est une qualité supplémentaire. Il y
avait « la mer toujours recommencée » ; il y aura aussi l'Europe toujours
recommencée.
En réalité, M. Badinter a bien cerné le problème en termes clairs. Il a dit :
ce texte oppose ceux qui veulent maintenir la règle de l'unanimité et ceux qui
veulent passer à la règle de la majorité.
Plus clairement encore, on aurait pu dire que le texte oppose ceux qui veulent
une Europe des Etats et ceux qui veulent une Europe fédérale.
Je comprends très bien que certains, sur des travées qui sont proches, ou
d'autres, sur des travées plus éloignées,...
M. Claude Estier.
Les vôtres autrefois !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Monsieur Estier, permettez-moi de...
M. le président.
Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Ceccaldi-Raynaud. Poursuivez votre
propos.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Si, je veux me laisser interrompre.
M. le président.
Je ne le souhaite pas, et personne d'ailleurs.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Très bien !
Si j'admets, comme l'a dit M. Badinter, qu'il peut y avoir une fierté à être
parmi ceux qui font avancer l'Europe, parmi ceux qui regardent l'aube qui se
lève quand le soleil éclaire le jour, nous, nous éprouvons cette même fierté et
nous croyons que vous vous trompez ; nous croyons que vous êtes parmi ceux qui
regardent la nuit qui tombe quand le soleil s'engloutit dans les flots.
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Je serai moins lyrique que M. Ceccaldi-Raynaud.
M. Henri de Raincourt.
C'est dommage !
M. Michel Duffour.
Nous avons abordé ce débat avec une volonté constructive, et je voudrais vous
remercier, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, d'avoir refusé la
facilité qui aurait consisté à caricaturer nos propos. Sans nous donner raison,
vous avez tout de même admis que l'on pouvait être européen en souhaitant une
autre construction de l'Europe.
Le groupe communiste républicain et citoyen se prononce contre cette révision
constitutionnelle, car nous sommes contre le traité d'Amsterdam tel qu'il est.
Nous voulons une construction européenne d'une autre nature. Nous cherchons à
la réorganiser dans un sens plus progressiste.
Quoi qu'il en soit, nous ne voulons pas que nos propos soient réduits à leur
caricature, que l'on dise que nous sommes contre toute construction de
l'Europe, car ce n'est absolument pas le cas.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste, républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Le groupe de l'Union centriste votera en faveur de la réforme
constitutionnelle qui permettra la ratification du traité d'Amsterdam.
Si nous votons ce texte, Charles Pasqua, c'est parce que nous sommes attachés
à la souveraineté.
Aujourd'hui, des hommes et des femmes - nos compatriotes - s'inquiètent chaque
fois que nous évoquons la mondialisation, la globalisation, car ils ont le
sentiment que l'Etat-nation n'est plus en mesure d'exercer un certain nombre de
prérogatives et régulations.
Mais prenons l'exemple de la monnaie. Qui peut soutenir qu'en 1992-1993 nous
étions pleinement en mesure d'assumer notre souveraineté ? Peut-on imaginer ce
qui se serait passé sur le plan monétaire à la fin de l'année 1997 ou dans le
courant de l'année 1998 sans la proximité du passage à l'euro ? Nous aurions
connu des soubresauts, des spasmes, pire que ceux qui ont été enregistrés en
1992 et 1993.
Nous pensons qu'il faut encadrer cette souveraineté partagée, et c'est la
raison pour laquelle nous voterons ce texte.
Présentement, il y a deux urgences : la première est de contribuer à la
rédaction de cette résolution qui viendra, cher Xavier de Villepin, en article
2 du traité soumis à ratification ; la seconde est de désigner, dans nos
familles politiques, des candidats aux prochaines élections européennes afin
que ceux-ci jouissent d'une autorité qui leur permette d'exercer pleinement
leurs prérogatives de contrôle de l'exécutif, au sein du Parlement européen.
(Applaudissements sur les travées du groupe de l'Unioncentriste.)
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
En toutes choses, il faut considérer la fin.
Nos débats, qui, je dois le dire, ont été à la hauteur des circonstances,
portaient sur une réforme de la Constitution autorisant une délégation de
souveraineté dans des domaines essentiels tels que la libre circulation des
personnes, le droit d'asile et l'immigration.
Chaque étape décisive de la construction européenne, qu'il s'agisse de la
création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, du traité de
Rome, du traité de Maastricht, aujourd'hui du traité d'Amsterdam, a consacré
une délégation de compétence au profit de l'Union européenne.
Il ne saurait en être autrement si l'on veut donner consistance et force à des
politiques communes.
Nous sommes tous conscients que, pour exister en tant que communauté, pour
être crédible dans un monde caractérisé par de grands regroupements et la
constitution de grands ensembles transnationaux, l'Union européenne doit
pouvoir conduire une politique spécifique et forte dans les domaines
économique, social et international.
C'est ce qui nous conduit à considérer que le traité d'Amsterdam constitue,
malgré ses lacunes ou ses imperfections, un progrès pour l'avenir de la
construction européenne.
Il est clair, lorsque l'on considère les problèmes que pose l'immigration à
notre continent, que, faute d'une véritable politique commune dans ce domaine,
les Etats qui composent l'Union seront désarmés si les uns font preuve de
laxisme quand d'autres s'efforcent à la rigueur. Certaines questions ne peuvent
trouver de solution satisfaisante dans le seul cadre national.
Mais il est non moins clair que, si nous voulons fonder l'Europe sur
l'adhésion des peuples, les institutions qui la régissent doivent être soumises
aux lois de la démocratie. Or, à quelque niveau que l'on se place, les sociétés
démocratiques sont mues par l'opinion et reposent sur le suffrage. Gouverner,
c'est d'abord convaincre, mais c'est également accepter le contrôle des corps
élus.
Parce que, trop souvent, les organismes européens apparaissent comme des
mondes clos, éloignés des préoccupations quotidiennes des habitants, dominés
par une technocratie incontrôlée, émettant des réglementations aussi nombreuses
et tatillonnes qu'incompréhensibles, l'Europe n'a pas toujours bonne presse,
même si cette vision est parfois simpliste et exagérée.
Et si la tâche des parlements nationaux doit consister pour l'essentiel à
transcrire dans la législation, sans rien y pouvoir changer, des directives au
demeurant adoptées par des exécutifs, le sentiment de leur inutilité et de leur
impuissance apparaîtra chaque jour plus flagrant.
M. Alain Vasselle.
Eh oui !
M. Josselin de Rohan.
C'est la raison qui nous a conduits à déposer des amendements visant à
permettre que, préalablement à l'élaboration des directives européennes, le
Parlement soit saisi des documents préparatoires à ces directives.
Il ne nous a paru ni incongru ni attentatoire à l'esprit des traités européens
que le Parlement puisse, par une loi, habiliter le Gouvernement à déléguer la
souveraineté de la France dans les domaines de compétence prévus par le
traité.
En effet, monsieur Badinter, vous avez opposé la Constitution à notre
amendement, mais nous sommes le pouvoir constituant, et ce qu'un constituant a
fait, un autre peut le défaire, ou le refaire.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Josselin de Rohan.
Nos amendements répondent à ce souci d'une plus grande démocratisation des
institutions européennes et d'une défense des droits du Parlement, souci
manifesté à plusieurs reprises tant par les défenseurs du traité de Maastricht
que par ses détracteurs.
Nous n'avons pas été suivis, et nous le regrettons. De toute façon, aucun
gouvernement ne pourra, nous en sommes convaincus, déléguer la souveraineté
nationale dans des domaines aussi sensibles que ceux du droit d'asile et de
l'immigration si l'opinion s'y refuse. Si d'aventure un gouvernement passait
outre, il devrait en répondre devant la représentation nationale, et nul doute
qu'il serait censuré.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Josselin de Rohan.
Nous n'avons pas conditionné notre vote de la réforme constitutionnelle à
l'adoption de nos amendements parce qu'il nous semble que les dispositions
mêmes du traité nous apportent des garanties suffisantes contre le risque de
voir imposer à notre pays, comme d'ailleurs à tout autre pays de l'Union, une
délégation de souveraineté à laquelle il se refuserait.
Nous voterons donc, dans notre majorité, la réforme constitutionnelle parce
que nous souhaitons la ratification du traité d'Amsterdam. Pour autant, les
raisons qui ont été opposées par des membres de notre groupe à un tel vote ne
sont ni médiocres ni subalternes, et nous les considérons avec respect.
Nous voterons cette réforme avec deux convictions profondément chevillées en
nous : celle que la construction d'une Europe des nations, démocratique, proche
des citoyens, faisant une très large part à la subsidiarité, peut seule obtenir
l'adhésion des peuples d'Europe ; celle que, pour être le moteur de cette
Europe et y tenir la place à laquelle lui donnent droit son histoire, son génie
et ses ressources, la France doit avant tout être forte, unie et prospère.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Le Sénat va maintenant procéder au vote sur l'ensemble du projet de loi
constitutionnelle.
En application de l'article 60
bis
, alinéa 1, du règlement, il va être
procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par
l'article 56
bis
du règlement.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.
(Le sort désigne la lettre V.)
M. le président.
Le scrutin sera clos quelques instants après la fin de l'appel nominal.
Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.
(L'appel nominal a lieu.)
(M. Christian Poncelet remplace M. Jacques Valade au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
Le premier appel nominal est terminé. Il va être procédé à un nouvel appel
nominal.
Le scrutin va rester ouvert encore quelques minutes pour permettre à ceux qui
n'ont pas répondu à l'appel nominal de venir voter.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
J'invite MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
60:
Nombre de votants | 276 |
Nombre de suffrages exprimés | 274 |
Majorité absolue des suffrages | 138 |
Pour l'adoption | 240 |
Contre | 34 |
8
DÉPÔT DE PROJETS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation
de la convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un
contexte transfrontière (ensemble sept appendices).
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 134, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation
de la convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur
la sûreté de la gestion des déchets radioactifs.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 135, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
9
TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblé nationale, portant prorogation des mandats des membres des conseils
consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses
d'épargne et de prévoyance.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 133, distribué et renvoyé à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale
dans les condition prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi de finances
pour 1999, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 137, distribué et renvoyé à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation.
10
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
Proposition de directive du Conseil modifiant, en ce qui concerne le taux
normal, la directive 77/388/CEE relative au système commun de taxe sur la
valeur ajoutée.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1193 et
distribuée.
11
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le
projet de loi de finances pour 1999 adopté avec modifications par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture (n° 137, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 138 et distribué.
J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le
projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, portant règlement définitif du budget de 1995 (n° 96, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 139 et distribué.
12
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Denis Badré un rapport d'information fait au nom de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne sur le futur cadre financier de
l'Union européenne.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 136 et distribué.
13
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au vendredi 18 décembre 1998, à neuf heures trente et, éventuellement, à
quinze heures :
Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances pour 1999,
adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture (n°
137, 1998-1999).
Rapport (n° 138, 1998-1999) de M. Philippe Marini, fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Délai limite pour le dépôt des amendements reporté à l'ouverture de la
discussion générale.
Scrutin public ordinaire de droit lors du vote sur l'ensemble du projet de loi.
Délais limites pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des
animaux (n° 111, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 21 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la
validation législative d'actes pris après avis du comité technique paritaire du
ministère des affaires étrangères (n° 109, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 21 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la protection de
la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage (n° 75, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 21 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi de finances
rectificative pour 1998.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 22 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET
DE LA DÉFENSE NATIONALE
En application de l'article 2 de la loi n° 98-567 du 8 juillet 1998, M. le président du Sénat a désigné, le 16 décembre 1998, M. Paul Masson pour siéger au sein de la commission consultative du secret de la défense nationale.
COMMISSION NATIONALE DE CONTRÔLE
DES INTERCEPTIONS DE SÉCURITÉ
En application de l'article 13 de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991, M. le président du Sénat a désigné, le 16 décembre 1998, M. Pierre Fauchon pour siéger au sein de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.
NOMINATION D'UNE MISSION
COMMUNE D'INFORMATION
Dans sa séance du jeudi 17 décembre 1998, le Sénat a autorisé, en application
de l'article 21 du règlement, les commissions des affaires culturelles, des
affaires économiques et du Plan, des affaires sociales, des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation et des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale à désigner les membres de la mission commune
d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer
les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales.
MM. Jacques Bellanger, Joël Bourdin, Robert Bret, Louis de Broissia, Jean-Paul
Delevoye, Claude Domeizel, Patrice Gélard, Paul Girod, Hubert Haenel, Claude
Haut, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Jean-François Humbert, Philippe Marini,
Michel Mercier, Gérard Miquel, Bernard Murat, Philippe Nachbar, Jacques Oudin,
Lylian Payet, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Henri de
Raincourt, Philippe Richert, Bernard Seillier, Guy Vissac.
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES
M. Jean Bernadaux a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 80
(1998-1999) visant à inciter au respect des droits de l'enfant dans le monde,
notamment lors de l'achat des fournitures scolaires, adoptée par l'Assemblée
nationale.
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL,
DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Guy Cabanel a été nommé rapporteur du projet de loi constitutionnelle n°
130 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité entre
les femmes et les hommes.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Plan d'aménagement de la Loire
409.
- 17 décembre 1998. -
M. Guy Vissac
attire l'attention de
Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement
sur le problème de la mise en oeuvre du Plan Loire Grandeur nature, à l'heure
où sa pérennité semble compromise. Ce plan comprend notamment la réalisation
d'une salmoniculture dans le Haut-Allier dont l'objectif est la restauration du
saumon dans l'Allier. Il lui indique que ce plan recèle une portée économique
certaine tant pour les pêcheurs, les hôteliers, que les professions du tourisme
de l'axe Loire-Allier. Il lui rappelle que, bien que l'Etat soit l'instigateur
et le signataire du Plan Loire, son opposition à la construction du barrage de
Chambouchard a pour effet de bloquer les financements de l'Etablissement public
d'aménagement de la Loire et de ses affluents (EPALA) - dont ceux consacrés à
la salmoniculture - et ce à hauteur de 12 millions de francs. Il lui rappelle
enfin que, sans le concours financier de l'EPALA ou sans la légitime
compensation de l'Etat - étant donné son engagement -, le projet de
salmoniculture semble, hélas, compromis. Il entend donc lui demander quelles
mesures concrètes elle entend prendre afin, d'une part, de débloquer la
situation et, d'autre part, d'assurer la viabilité et la réussite de ce plan.
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 17 décembre 1998
SCRUTIN (n° 56)
sur la motion n° 1, présentée par M. Charles Pasqua, tendant à opposer
l'exception d'irrecevabilité au projet de loi constitutionnelle, adopté par
l'Assemblée nationale, modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution.
Nombre de votants : | 292 |
Nombre de suffrages exprimés : | 292 |
Pour : | 10 |
Contre : | 282 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
N'ont pas pris part au vote :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Contre :
22.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
8. _ MM. Charles de Cuttoli, Xavier Dugoin, Christian de La
Malène, Paul Natali, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Jean-Jacques Robert et
Jean-Pierre Schosteck.
Contre :
82.
N'ont pas pris part au vote :
9. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat, MM. Michel Caldaguès, Charles Ceccaldi-Raynaud, Philippe de Gaulle,
François Gerbaud, Adrien Gouteyron, Roger Husson, Alain Joyandet et
René-Georges Laurin.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Contre :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Contre :
47.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
2. _ MM. Philippe Darniche et Bernard Seillier.
Contre :
1. _ M. Hubert Durand-Chastel.
N'ont pas pris part au vote :
4.
Ont voté pour
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Xavier Dugoin
Christian
de La Malène
Paul Natali
Paul d'Ornano
Charles Pasqua
Jean-Jacques Robert
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Ont voté contre
François Abadie
Nicolas About
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Patrice Gélard
Alain Gérard
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
Philippe Adnot
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Michel Caldaguès
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard Delfau
Michel Duffour
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Alfred Foy
Philippe de Gaulle
François Gerbaud
Adrien Gouteyron
Roger Husson
Alain Joyandet
René-Georges Laurin
Gérard Le Cam
Pierre Lefebvre
Paul Loridant
Hélène Luc
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Alex Türk
Paul Vergès
N'a pas pris part au vote
M. Christian Poncelet, président du Sénat.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 293 |
Nombre de suffrages exprimés : | 293 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 147 |
Pour l'adoption : | 10 |
Contre : | 283 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 57)
sur les amendements n° 4 rectifié, présenté par M. Jacques Legendre et
plusieurs de ses collègues et n° 9, présenté par MM. Ivan Renar, Jack Ralite,
Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen,
tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er du projet de loi
constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant les articles
88-2 et 88-4 de la Constitution (inscription de la Francophonie dans la
Constitution).
Nombre de votants : | 315 |
Nombre de suffrages exprimés : | 313 |
Pour : | 126 |
Contre : | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Contre :
22.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
97 dont M. Christian Poncelet, président du Sénat.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Jacques Valade, qui présidait la
séance, et Philippe de Gaulle.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
75.
N'ont pas pris part au vote :
3. _ MM. Michel Charasse, Guy Penne et
Mme Danièle Pourtaud.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
4. _ MM. Jean-Pierre Cantegrit, André Maman, Louis Moinard et
Xavier de Villepin.
Contre :
46.
Abstentions :
2. _ MM. André Dulait et Pierre Fauchon.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
3. _ MM. Joël Bourdin, André Ferrand et Michel Pelchat.
Contre :
44.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
6.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Gérard Delfau.
Ont voté pour
Philippe Adnot
Louis Althapé
Pierre André
Michel Barnier
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean Bernard
Roger Besse
Danielle Bidard-Reydet
Jean Bizet
Paul Blanc
Nicole Borvo
Joël Bourdin
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Charles Descours
Michel Doublet
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Michel Esneu
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Bernard Fournier
Alfred Foy
Philippe François
Yann Gaillard
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Jean-Paul Hugot
Roger Husson
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Lucien Lanier
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Paul Loridant
Simon Loueckhote
Hélène Luc
André Maman
Philippe Marini
Pierre Martin
Paul Masson
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
Bernard Murat
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Jack Ralite
Ivan Renar
Victor Reux
Henri de Richemont
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
René Trégouët
Alex Türk
Maurice Ulrich
Alain Vasselle
Paul Vergès
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Christian Poncelet, président du Sénat.
Ont voté contre
François Abadie
Nicolas About
Guy Allouche
Jean-Paul Amoudry
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Daniel Bernardet
Jean Besson
Pierre Biarnès
Jacques Bimbenet
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Guy-Pierre Cabanel
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Marcel Charmant
Michel Charzat
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Dreyfus-Schmidt
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Jean Faure
Jean-Pierre Fourcade
Serge Franchis
Jean François-Poncet
Yves Fréville
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Paul Girod
Serge Godard
Francis Grignon
Louis Grillot
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Jacques Larché
Dominique Larifla
Henri Le Breton
Louis Le Pensec
André Lejeune
Marcel Lesbros
Claude Lise
Jean-Louis Lorrain
Roland du Luart
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
François Marc
René Marquès
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Michel Mercier
Gérard Miquel
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Philippe Nogrix
Georges Othily
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rinchet
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Simon Sutour
Michel Teston
Henri Torre
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
André Vallet
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
MM. André Dulait et Pierre Fauchon.
N'ont pas pris part au vote
MM. Michel Charasse, Gérard Delfau, Philippe de Gaulle, Guy Penne et Mme
Danièle Pourtaud.
N'a pas pris part au vote
M. Jacques Valade, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 316 |
Nombre de suffrages exprimés : | 314 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 158 |
Pour l'adoption : | 127 |
Contre : | 187 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 58)
sur l'amendement n° 5, présenté par MM. Josselin de Rohan, Michel Barnier,
Patrice Gélard et les membres du groupe du Rassemblement pour la République,
tendant à modifier l'article 1er du projet de loi constitutionnelle, adopté par
l'Assemblée nationale, modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution
(passage à la procédure de codécision).
Nombre de votants : | 301 |
Nombre de suffrages exprimés : | 301 |
Pour : | 101 |
Contre : | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
N'ont pas pris part au vote :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Contre :
22.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
96.
N'ont pas pris part au vote :
3. _ MM. Christian Poncelet, président du
Sénat, Jacques Valade, qui présidait la séance, et Philippe de Gaulle.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Contre :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Contre :
47.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
5.
Contre :
1. _ M. Hubert Durand-Chastel.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Gérard Delfau.
Ont voté pour
Philippe Adnot
Louis Althapé
Pierre André
Michel Barnier
Jean Bernard
Roger Besse
Jean Bizet
Paul Blanc
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Charles Descours
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
Daniel Eckenspieller
Michel Esneu
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Alfred Foy
Philippe François
Yann Gaillard
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Jean-Paul Hugot
Roger Husson
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Lucien Lanier
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Simon Loueckhote
Philippe Marini
Pierre Martin
Paul Masson
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Bernard Murat
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Victor Reux
Henri de Richemont
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
René Trégouët
Alex Türk
Maurice Ulrich
Alain Vasselle
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
François Abadie
Nicolas About
Guy Allouche
Jean-Paul Amoudry
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Daniel Bernardet
Jean Besson
Pierre Biarnès
Jacques Bimbenet
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Guy-Pierre Cabanel
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Dreyfus-Schmidt
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Jean-Pierre Fourcade
Serge Franchis
Jean François-Poncet
Yves Fréville
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Paul Girod
Serge Godard
Francis Grignon
Louis Grillot
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Jacques Larché
Dominique Larifla
Henri Le Breton
Louis Le Pensec
André Lejeune
Marcel Lesbros
Claude Lise
Jean-Louis Lorrain
Roland du Luart
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
René Marquès
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Michel Mercier
Gérard Miquel
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Philippe Nogrix
Georges Othily
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rinchet
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Simon Sutour
Michel Teston
Henri Torre
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
André Vallet
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Gérard Delfau
Michel Duffour
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Philippe de Gaulle
Gérard Le Cam
Pierre Lefebvre
Paul Loridant
Hélène Luc
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jacques Valade qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 302 |
Nombre de suffrages exprimés : | 302 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 152 |
Pour l'adoption : | 102 |
Contre : | 200 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 59)
sur l'amendement n° 6, présenté par MM. Josselin de Rohan, Michel Barnier,
Patrice Gélard et les membres du groupe du Rassemblement pour la République,
tendant à modifier l'article 2 du projet de loi constitutionnelle, adopté par
l'Assemblée nationale, modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution
(champ d'application de l'article 88-4).
Nombre de votants : | 299 |
Nombre de suffrages exprimés : | 299 |
Pour : | 99 |
Contre : | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
N'ont pas pris part au vote :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Contre :
22.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
96.
N'ont pas pris part au vote :
3. _ MM. Christian Poncelet, président du
Sénat, Jacques Valade, qui présidait la séance, et Philippe de Gaulle.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Contre :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Contre :
47.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
3.
Contre :
1. _ M. Hubert Durand-Chastel.
N'ont pas pris part au vote :
3.
Ont voté pour
Philippe Adnot
Louis Althapé
Pierre André
Michel Barnier
Jean Bernard
Roger Besse
Jean Bizet
Paul Blanc
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Charles Descours
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
Daniel Eckenspieller
Michel Esneu
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Philippe François
Yann Gaillard
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Jean-Paul Hugot
Roger Husson
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Lucien Lanier
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Simon Loueckhote
Philippe Marini
Pierre Martin
Paul Masson
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Bernard Murat
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Victor Reux
Henri de Richemont
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
René Trégouët
Maurice Ulrich
Alain Vasselle
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
François Abadie
Nicolas About
Guy Allouche
Jean-Paul Amoudry
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Daniel Bernardet
Jean Besson
Pierre Biarnès
Jacques Bimbenet
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Guy-Pierre Cabanel
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Dreyfus-Schmidt
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Jean-Pierre Fourcade
Serge Franchis
Jean François-Poncet
Yves Fréville
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Paul Girod
Serge Godard
Francis Grignon
Louis Grillot
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Jacques Larché
Dominique Larifla
Henri Le Breton
Louis Le Pensec
André Lejeune
Marcel Lesbros
Claude Lise
Jean-Louis Lorrain
Roland du Luart
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
René Marquès
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Michel Mercier
Gérard Miquel
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Philippe Nogrix
Georges Othily
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rinchet
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Simon Sutour
Michel Teston
Henri Torre
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
André Vallet
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Gérard Delfau
Michel Duffour
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Alfred Foy
Philippe de Gaulle
Gérard Le Cam
Pierre Lefebvre
Paul Loridant
Hélène Luc
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Alex Türk
Paul Vergès
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat et Jacques Valade, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 300 |
Nombre de suffrages exprimés : | 300 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 151 |
Pour l'adoption : | 100 |
Contre : | 200 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 60)
sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée
nationale, modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution.
Nombre de votants : | 276 |
Nombre de suffrages exprimés : | 274 |
Pour : | 240 |
Contre : | 34 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
14.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Jack Ralite et Paul Vergès.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
10. _ MM. Jean-Michel Baylet, Guy-Pierre Cabanel, Yvon Collin,
Fernand Demilly, Jean François-Poncet, Paul Girod, Bernard Joly et Aymeri de
Montesquiou, Jacques Pelletier et André Vallet.
N'ont pas pris part au vote :
12.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
66. - dont M. Christian Poncelet, président du Sénat.
Contre :
15. _ MM. Charles Ceccaldi-Raynaud, Charles de Cuttoli, Xavier
Dugoin, François Gerbaud, Adrien Gouteyron, Emmanuel Hamel, Roger Husson,
Christian de La Malène, Paul Masson, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Jacques
Peyrat, Jean-Jacques Robert, Jean-Pierre Schosteck et Alain Vasselle.
Abstentions :
2. _ MM. Jean Chérioux et Philippe Marini.
N'ont pas pris part au vote :
16. _ MM. Michel Caldaguès, Jacques
Delong, Christian Demuynck, Michel Doublet, Bernard Fournier, Philippe de
Gaulle, Robert Laufoaulu, Edmond Lauret, René-Georges Laurin, Simon Loueckhote,
Pierre Martin, Alain Peyrefitte, Henri de Richemont, Yves Rispat, Michel Rufin
et Guy Vissac.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Pour :
75.
Contre :
1. _ M. Jean-Luc Mélenchon.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Henri d'Attilio et Philippe
Labeyrie.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
49.
N'ont pas pris part au vote :
3. _ MM. André Bohl, Michel Mercier et
Philippe Nogrix.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
37.
Contre :
1. _ M. Jean-Paul Bataille.
N'ont pas pris part au vote :
9. _ MM. Jean Clouet, Jean-Léonce Dupont,
René Garrec, Louis Grillot, Jean Pépin, Ladislas Poniatowski, André Pourny,
Charles Revet et Henri Revol.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
3.
Contre :
3.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Gérard Delfau.
Ont voté pour
Nicolas About
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Marcel-Pierre Cleach
Yvon Collin
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
Jean-Claude Gaudin
Patrice Gélard
Alain Gérard
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Jean-Philippe Lachenaud
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Jean-Louis Lorrain
Roland du Luart
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
René Marquès
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Louis Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Paul Raoult
Victor Reux
Philippe Richert
Roger Rinchet
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Henri Weber
Christian Poncelet, président du Sénat.
Ont voté contre
Philippe Adnot
Jean-Paul Bataille
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Charles Ceccaldi-Raynaud
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Michel Duffour
Xavier Dugoin
Guy Fischer
Thierry Foucaud
François Gerbaud
Adrien Gouteyron
Emmanuel Hamel
Roger Husson
Christian de La Malène
Gérard Le Cam
Pierre Lefebvre
Paul Loridant
Hélène Luc
Paul Masson
Jean-Luc Mélenchon
Paul d'Ornano
Charles Pasqua
Jacques Peyrat
Ivan Renar
Jean-Jacques Robert
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Odette Terrade
Alain Vasselle
Abstentions
MM. Jean Chérioux et Philippe Marini.
N'ont pas pris part au vote
François Abadie
Henri d'Attilio
Georges Berchet
Jacques Bimbenet
André Bohl
André Boyer
Michel Caldaguès
Jean Clouet
Gérard Delfau
Jacques Delong
Christian Demuynck
Michel Doublet
Jean-Léonce Dupont
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
René Garrec
Philippe de Gaulle
Louis Grillot
Pierre Jeambrun
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Simon Loueckhote
Pierre Martin
Michel Mercier
Georges Mouly
Philippe Nogrix
Georges Othily
Lylian Payet
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jack Ralite
Jean-Marie Rausch
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Yves Rispat
Michel Rufin
Raymond Soucaret
Paul Vergès
Guy Vissac
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 275 |
Nombre de suffrages exprimés : | 273 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 137 |
Pour l'adoption : | 239 |
Contre : | 34 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.