Séance du 9 décembre 1998
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Candidatures à des organismes extraparlementaires
(p.
1
).
3.
Modification de l'ordre du jour
(p.
2
).
4.
Conseils régionaux.
- Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
3
).
Discussion générale : MM. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer,
ministre de l'intérieur par intérim ; Paul Girod, rapporteur de la commission
des lois ; Patrice Gélard, Michel Duffour, Guy Allouche, Jacques Larché,
président de la commission des lois ; Daniel Hoeffel.
5.
Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
(p.
4
).
Suspension et reprise de la séance (p. 5 )
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
6.
Conseils régionaux.
- Suite de la discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
6
).
Discussion générale
(suite)
: MM. Paul Masson, Jean-Paul Amoudry.
Clôture de la discussion générale.
MM. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement ; Paul Masson,
Patrice Gélard.
Suspension et reprise de la séance (p. 7 )
M. Patrice Gélard.
Article 1er (p. 8 )
M. Jean-Pierre Raffarin.
Amendement n° 4 de la commission. - MM. Paul Girod, rapporteur de la commission
des lois ; le ministre, Jean-Pierre Raffarin, Patrice Gélard, Jean Arthuis,
Daniel Hoeffel. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Demande de réserve (p. 9 )
Demande de réserve de l'article 2. - MM. le rapporteur, le ministre. - La réserve est ordonnée.
Article 3 (p. 10 )
MM. Serge Franchis, Jean-Pierre Raffarin, Patrice Gélard, Jean Arthuis.
Amendement n° 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Paul
Amoudry, Jean-Pierre Raffarin. - Adoption.
Amendement n° 7 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 9 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Jean
Arthuis, Patrice Gélard, Jean-Pierre Raffarin, Michel Duffour, Guy Allouche,
Jacques Legendre. - Adoption.
M. le président.
7.
Communication du Gouvernement
(p.
11
).
MM. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement ; le président,
Jean Arthuis, Jacques Larché, président de la commission des lois.
Suspension et reprise de la séance (p. 12 )
MM. le président de la commission, le président, le ministre.
8.
Conseils régionaux.
- Suite de la discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
13
).
Article 3 (suite) (p. 14 )
Amendement n° 10 de la commission. - MM. Paul Girod, rapporteur de la
commission des lois ; Daniel Vaillant, ministre des relations avec le
Parlement. - Adoption.
Renvoi de la suite de la discussion.
9.
Transmission d'une proposition de loi
(p.
15
).
10.
Dépôt de rapports
(p.
16
).
11.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
17
).
12.
Ordre du jour
(p.
18
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix-sept heurs trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CANDIDATURES À DES ORGANISMES
EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de deux
organismes extraparlementaires.
La commission des affaires sociales propose les candidatures de M. Louis
Boyer, en qualité de titulaire, de MM. Roger Lagorsse et Jacques Machet, en
qualité de suppléants, pour siéger au sein du Conseil supérieur des prestations
sociales agricoles.
Elle propose parallèlement la candidature de M. Roger Lagorsse pour siéger, en
qualité de suppléant, au sein de la section de l'assurance des salariés
agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles du
Conseil supérieur des prestations sociales agricoles.
La commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques
de la nation propose les candidatures de :
- M. Auguste Cazalet pour siéger au sein de la commission centrale de
classement des débits de tabac ;
- M. Joël Bourdin pour siéger, en qualité de titulaire, au sein du Conseil
supérieur des prestations sociales agricoles et pour siéger, en qualité de
titulaire, au sein de la section de l'assurance des salariés agricoles contre
les accidents du travail et les maladies professionnelles du Conseil supérieur
des prestations sociales agricoles.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à
l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai
d'une heure.
3
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président. J'informe le Sénat que la question orale sans débat n° 367 de M. Francis Grignon est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance du 15 décembre 1998.
4
CONSEILS RÉGIONAUX
Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n°
81, 1998-1999), modifié par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif
au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée
de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux. [Rapport n° 95
(1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous
présenter de manière succincte un projet de loi dont j'ai déjà eu l'occasion
d'exposer devant vous les grands traits. En effet, l'adoption par le Sénat
d'une question préalable en première lecture n'a pas permis l'échange de vues
nécessaire entre les deux assemblées ni l'examen par l'Assemblée nationale des
amendements issus du travail effectué par votre commission des lois.
C'est donc, par la force des choses, un texte très proche de celui que j'avais
déjà été amené à vous présenter qui est soumis à votre examen en nouvelle
lecture.
La modernisation de notre vie publique, généralement considérée comme
nécessaire, comme l'a rappelé le Président de la République le 4 décembre
dernier à Rennes, a conduit le Gouvernement à proposer une réforme du mode de
scrutin régional.
Critiqué de toutes parts, le système actuel, fondé sur la proportionnelle
intégrale, mérite à coup sûr d'être réformé. Ses résultats sont malheureusement
connus : majorités relatives, instabilité, alliances contestées ; les régions
en sont les premières victimes et les citoyens ne se reconnaissent plus dans
leur représentation. Le Président de la République le soulignait il y a
quelques jours : « Il faut d'abord que les régions soient gouvernables. »
Le débat sur le contenu de cette réforme est légitime et nécessaire ; mais le
rejet préalable exprimé par le Sénat le 21 octobre n'était en rien conforme au
souhait souvent exprimé d'une clarification des règles de la vie publique.
Les travaux de votre commission des lois et de votre rapporteur, M. Girod,
méritent le plus grand intérêt. Je souhaiterais donc m'y reporter
précisément.
Deux motions d'irrecevabilité visent à écarter le principe de parité dans
l'établissement des listes. Ce principe a été adopté par l'Assemblée nationale,
anticipant ainsi l'application de la réforme constitutionnelle portant sur
l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions et mandats.
Vous rappelez que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 novembre
1982, avait considéré que l'institution d'un système de quota n'était pas
conforme au texte de la Constitution. Mais peut-on considérer que, après le
vote explicite par la représentation nationale, au moins en première lecture,
de la réforme constitutionnelle, les choses resteront en l'état où elles
étaient en 1982 ?
Le législateur n'est-il pas fondé à faire preuve d'anticipation, au moment où
il adopte une réforme de notre texte fondamental visant à faciliter l'accès des
femmes aux mandats électifs, et à en tirer les conséquences dès lors qu'un
projet de mode de scrutin régional lui est soumis ? On ne peut, à mes yeux,
souhaiter la modernisation de la vie politique et ne pas s'en donner les moyens
!
La réforme constitutionnelle en cours ne conduit nullement à modifier les
modes de scrutin existants, mais, lorsqu'un scrutin de liste est déjà établi,
il est légitime de prendre en compte cette réforme. C'est d'ailleurs le propos
qu'a tenu M. le Premier ministre il y a quelques minutes à l'Assemblée
nationale : répondant au président du groupe Démocratie libérale, M. José
Rossi, il lui a indiqué que nous devions aller dans le sens de la parité, mais
que cela ne signifiait pas une modification du mode de scrutin et qu'il n'y
avait pas d'arrière-pensées dans le projet de loi constitutionnelle.
Voilà pour les deux premières motions d'irrecevabilité.
Une troisième motion d'irrecevabilité concerne l'article 21 du projet de loi,
qui définit une procédure dérogatoire d'adoption des budgets régionaux.
Pourtant, vous le savez, du fait de l'actuel mode de scrutin, de nombreux
conseils régionaux sont dotés d'une simple majorité relative, qui rend leur
gestion - et plus spécialement l'adoption de leur budget - très
problématique.
Certes, la réponse à ces situations réside, à terme, dans le changement de
mode de scrutin. Mais, en attendant, peut-on laisser ces régions à la merci des
crises sans porter atteinte à l'institution régionale, sans la fragiliser
dangereusement ?
Peut-on, en cas de difficulté majeure, faire du préfet l'arbitre de
l'impuissance des assemblées régionales ? Vous évoquez à bon droit le principe
de la libre administration des collectivités locales par des conseils élus.
Mais si, dans de nombreuses régions, demain, le représentant de l'Etat devait
arrêter les budgets, aurions-nous rempli nos obligations ?
Cette procédure dérogatoire s'éteindra d'elle-même dès que le nouveau mode de
scrutin permettra de former des majorités de gestion stables. Mais elle est à
présent urgente et nécessaire.
Je voudrais aborder maintenant les modifications substantielles que votre
rapporteur propose quant au mode de scrutin.
Il s'agirait, en premier lieu, comme le souhaite le Gouvernement, d'instaurer
un scrutin à deux tours, fondé sur la proportionnelle avec prime majoritaire.
Il s'agit bien d'adapter le mode de scrutin municipal, qui a fait ses preuves.
Mais les listes régionales seraient constituées de sections départementales, de
sorte que le scrutin demeurerait départemental, tandis que la prime serait
calculée au niveau régional.
L'intérêt d'un tel dispositif serait de garantir une représentation plus
juste, notamment pour les départements à faible démographie. Mais convenez que
sa complexité est immense ! De plus, la répartition des sièges gagnés du fait
de la prime conduirait, dans certains départements, des listes minoritaires en
voix à devenir majoritaires en sièges.
Définir un cadre régional pour des élections régionales me paraît plus simple
et plus sage. La juste représentation de tous les départements me paraît
pouvoir être obtenue par le simple bon sens des formations politiques, qui
auront tout intérêt à veiller à l'équilibre géographique des candidatures.
Enfin, il convient de noter que, si l'on veut que la région s'affirme dans les
domaines de l'aménagement du territoire et du développement économique, il est
légitime que la circonscription électorale où s'expriment les suffrages de nos
concitoyens soit bien la circonscription régionale.
J'ai bien noté aussi le désaccord formel qui se manifeste entre l'Assemblée
nationale et le Sénat à propos des seuils nécessaires, d'abord pour qu'une
liste puisse fusionner entre les deux tours, ensuite pour qu'une liste puisse
se présenter au second tour, enfin pour qu'une liste puisse participer à la
répartition des sièges.
M. le rapporteur rappelle mes propos à ce sujet : dans un domaine qui concerne
aussi étroitement les règles de notre politique, le Parlement doit avoir le
dernier mot.
Mais si la sagesse du Parlement doit prévaloir en matière de mode de scrutin,
il m'incombait d'éclairer avec franchise le choix de l'Assemblée et de préciser
les risques que comporterait, à mes yeux, un abaissement excessif des seuils.
L'Assemblée nationale a ensuite pris sa décision.
Nous devons trouver le juste équilibre entre, d'une part, la représentation
des diversités et des sensibilités politiques et, d'autre part, la définition
de majorités stables.
L'existence d'une prime majoritaire éclaire la question d'un jour particulier
puisqu'elle garantit qu'une majorité absolue pourra se dessiner dans les
conseils régionaux. Cette situation autorise sans aucun doute une plus grande
latitude pour la définition des seuils, mais avec le risque, là aussi,
d'émiettement du suffrage. Toutefois, je le rappelle, le Parlement doit juger
en pleine connaissance de cause.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi
s'inscrit dans un ensemble de propositions visant à moderniser notre vie
publique. Avec la réforme du cumul des mandats, la réforme constitutionnelle
favorisant l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions, avec
le changement de mode de scrutin régional, si longtemps attendu, nous voici à
pied d'oeuvre.
Cette réforme appelle évidemment un débat. Celui-ci est engagé devant le
Parlement depuis le 23 juin dernier. Je ne suis pas sûr que l'adoption de la
question préalable en première lecture ait permis au Sénat d'y contribuer
pleinement.
En tout cas, je peux affirmer que le Gouvernement a pris ses responsabilités
pour affronter les difficultés nées de la situation actuelle dans nos régions
et pour les résoudre.
Le dispositif qui est présenté aujourd'hui est en mesure de rendre les régions
gouvernables, de représenter justement tous les courants politiques, de
dessiner des majorités de gestion et, dans la période transitoire, de permettre
l'adoption des budgets ou les clarifications rendues nécessaires. A ce titre,
il peut donner un nouveau souffle à la démocratie locale.
Tel est l'esprit du projet de loi soumis à votre examen en nouvelle lecture.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc arrivés,
dans le processus parlementaire, à la dernière lecture au Sénat d'un texte qui
était promis, parfois attendu ou redouté et qui, en tout cas, laisse perplexes
bon nombre de législateurs, en particulier de membres de la commission des
lois.
Je ne referai pas l'exégèse de tout ce processus. Je rappellerai seulement
qu'en 1996, si mes souvenirs sont exacts, un groupe de travail du Sénat avait
procédé, à la demande de la commission des lois, à toute une série d'auditions,
à de longues délibérations et qu'il avait adopté, à l'unanimité de ses membres
- j'ai eu l'occasion de le rappeler quelquefois cruellement à tel ou tel ! - la
position selon laquelle il n'était pas opportun de changer le mode d'élection à
l'époque : nous étions à deux ans des élections régionales.
Parmi les arguments avancés - je me permets de le souligner devant le Sénat -
il en est un qui avait été assez largement utilisé sur toutes les travées, et
qui était que, au fond, une modification était hasardeuse parce qu'on ne savait
pas à qui elle profiterait. Je l'ai encore dans les oreilles.
Cela signifie que, si tout le monde s'est rallié au
statu quo
, c'est
non pas pour des motifs majeurs mais pour des motifs mineurs et qu'après tout
le Gouverment de l'époque, prenant acte de cette situation, n'a peut-être pas
été aussi condamnable qu'on le dit maintenant de n'avoir point bougé en la
matière. S'il avait bougé, il aurait été en effet immédiatement soupçonné de
chercher à porter atteinte aux intérêts électoraux des uns ou des autres, dans
une période qui était sensible, et qui s'est avérée d'autant plus sensible
qu'il y a eu une dissolution de l'Assemblée nationale et un changement de
majorité.
Peut-être est-ce d'ailleurs ce même sentiment d'incertitude quant aux profits
éventuels des uns et des autres qui a prévalu dans les délibérations internes
du nouveau gouvernement et qui l'a amené à ne point présenter un nouveau mode
d'élection des conseils régionaux, tout en se drapant de la vertu qui veut que
l'on ne modifie pas les règles du jeu à moins d'un an de l'élection, sauf
consensus général, qui, dans le traumatisme de l'instant, était
a priori
évidemment impossible.
Le Gouvernement, c'est vrai - il faut lui en donner acte - avait pris
l'engagement de déposer, sitôt les élections passées, un projet de mode
d'élection rénové à la lumière de l'expérience qui serait née de l'élection de
1998.
Les élections régionales ont eu lieu, et nul ne peut dénier au Gouvernement le
fait que, sur ce point précis, il a tenu parole. Au lendemain des élections, ou
très peu de temps après, il a en effet déposé un texte de réforme des élections
des conseils régionaux.
Seulement voilà, ce texte, qui est à l'évidence un texte de fond, qui
s'inscrit dans une démarche complexe englobant à la fois la répartition des
pouvoirs entre les différents niveaux de l'administration territoriale de la
République et la rénovation souhaitée, parfois caricaturée, de notre vie
publique et du rôle de nos élus dans l'administration de notre pays, ce texte,
dis-je, qui demande à la fois réflexion et prudence, qui demande à être inscrit
dans un contexte général, a été assorti, au moment de son dépôt, d'une
déclaration d'urgence, déclaration que rien ne justifie puisque, de toute
façon, dans l'état actuel du droit, sauf dissolution générale prononcée par une
loi, tous les conseils généraux ont leur vie fixée jusqu'à l'année 2004.
Si mes souvenirs sont encore exacts, nous sommes en 1998. Par conséquent, nous
avons du temps avant que tombe le couperet de la dernière année avant
l'élection, époque à laquelle la bienséance veut que l'on ne modifie pas le
scrutin à venir.
M. Michel Caldaguès.
Oui, mais il y a un truc !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Cinq ans ! Pourtant, urgence déclarée en juin et délibération
au forceps à tout prix pour en terminer avant le 31 décembre ! Nous sommes loin
de la sérénité !
C'est un premier aspect des choses.
Mais à cela, il y a une raison, nous dit-on : il y a, dans le texte, une
deuxième partie - je vous ai bien écouté, monsieur le ministre - destinée à
faire en sorte que les préfets ne règlent point les budgets des conseils
régionaux. Monsieur le ministre, c'est faux, totalement faux !
A en effet été promulguée le 7 mars dernier - si je me souviens bien - une
loi, d'ailleurs validée extrêmement rapidement par le Conseil constitutionnel,
qui prévoit tous les dispositifs nécessaires pour que les préfets n'aient pas
leur mot à dire dans l'adoption des budgets régionaux. Nous ne sommes donc plus
dans la situation que l'on invoquait l'année dernière, à savoir le risque d'une
intrusion des préfets.
Le texte existe. Il n'a pas donné les résultats - il aurait peut-être fallu
les définir un peu mieux , ces résultats ! - que certains espéraient. C'est
vrai, en tout cas, dans deux régions parce que les présidents des régions
concernés - ce n'est pas ma faute s'ils sont de vos amis, monsieur le ministre
- ont totalement méconnu et le texte et l'esprit, ce qui fait que, c'est vrai,
il y a eu intrusion du préfet.
Ce n'est donc pas une question de droit. C'est le fait de deux personnes. Et
l'on vient nous dire, alors, que les conseils régionaux sont d'avance bloqués
pour l'avenir parce que deux personnes, dans un passé proche, ont méconnu une
loi que l'on venait de voter !
Admettez, monsieur le ministre, que la commission des lois s'interroge - c'est
le moins que l'on puisse dire ! - sur la manière dont on conçoit
l'administration de notre pays et sur la conception que l'on a aujourd'hui de
la loi au niveau gouvernemental !
Par conséquent, le moins que l'on puisse dire également, c'est que l'urgence
sur la deuxième partie du texte ne se justifie pas plus que sur la première. Il
est en effet anormal de considérer une loi, dont on a dit à quel point elle
était merveilleuse, extraordinaire, et qui a été validée par le Conseil
constitutionnel malgré certaines réticences, comme morte quand on ne l'a pas
fait vivre, de vouloir, dès lors, en imposer une autre et de se servir de cette
autre pour justifier une urgence dans un domaine électoral qui ne la justifie
en rien !
Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l'heure le dépôt de la question
préalable au Sénat. Je veux, à cet égard, vous rappeler tout de même un certain
nombre de choses.
La décision n'a été prise ni spontanément ni à l'avance.
En tant que rapporteur de la commission des lois - je parle sous le contrôle
de son président - j'avais, en présentant mon rapport devant elle, fait
remarquer que la déclaration d'urgence posait le problème d'une éventuelle
question préalable, que je n'y étais, pour ma part, pas favorable à ce stade du
débat et que je préférais proposer à la commission un certain nombre
d'amendements, majeurs d'ailleurs, au texte qui nous venait de l'Assemblée
nationale. La commission de lois m'avait suivi.
C'est le débat en séance publique lors de la discussion générale, c'est en
particulier - permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre -, certaines
de vos réponses qui ont amené certains de nos collègues aux responsabilités
éminentes dans cette assemblée, c'est-à-dire les présidents de groupe,...
M. Henri de Raincourt.
Merci pour eux !
M. Paul Girod,
rapporteur
... à déposer une question préalable que le ton de la
discussion justifiait et que, du coup, la commission des lois, prenant
elle-même en considération les échanges qui avaient eu lieu en cette enceinte,
a été amenée à accepter et, ensuite, à faire adopter.
Par conséquent, c'est non pas une volonté de blocage du Sénat mais la nature
même du débat sur le projet qui a conduit au dépôt de la question préalable. Il
faut que cela soit clairement établi.
M. Robert Bret.
Ça c'est clair !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je vous remercie de le dire.
Alors, nous revient maintenant de l'Assemblée nationale, après l'échec
prévisible d'une commission mixte paritaire engagée dans de telles conditions,
un texte dont vous nous avez dit il y a quelques instants, monsieur le
ministre, qu'il est à fort peu de choses près identique au premier texte de
l'Assemblée nationale.
Le « fort peu de choses » n'est pas rien ! Le « fort peu de choses » est même
fondamental.
Il y a deux parties dans le texte. Avec votre permission, mes chers collègues,
je traiterai d'abord de la seconde, qui, à la limite, est la plus simple ;
parce qu'elle est celle qui pose le plus de problèmes de principe, et au sein
de laquelle, je serai amené à soulever une exception d'irrecevabilité
constitutionnelle sur un article - c'est une procédure assez peu fréquente ! -
qui entérine la prééminence exagérée des pouvoirs du président sur son propre
conseil à travers cette nouvelle procédure d'adoption de trois documents
budgétaires dans l'année.
Cette partie comporte un certain nombre d'anomalies, en particulier cette
prééminence majeure du président du conseil régional sur le conseil,
constitutionnellement seul responsable de la libre administration de la
collectivité territoriale dont il est la représentation.
Je signale d'ailleurs au passage, monsieur le ministre, que, si la
Constitution a prévu pour le Gouvernement, devant le Parlement, la procédure
que l'on appelle le « 49-3 », elle l'a spécifiquement réservée au Gouvernement
devant l'Assemblée nationale, ce qui exclut qu'elle puisse être appliquée par
tout autre exécutif à toute autre assemblée délibérante. Sur ce point, nous
verrons bien ce que décidera le Conseil constitutionnel.
Maintiendra-t-il la position qu'il a adoptée lorsqu'il a été saisi de la
première loi, considérant que le système de la double délibération, de la
motion de renvoi, qui était contenu dans cette loi et dont l'objet était
d'éviter l'intrusion du préfet venant régler tout seul le budget de la région,
était un progrès dans la responsabilité de l'assemblée délibérante ?
Considérera-t-il que l'intrusion du président, piétinant allégrement un vote
acquis de l'assemblée pour imposer autre chose, ressort de la libre
administration des collectivités territoriales par un conseil librement élu
?
Cela fait partie des inconnues, pour le moins majeures, du texte que nous
avons à examiner.
Restent d'autres dispositions variées.
L'une d'entre elles me paraît particulièrement contestable : le caractère
public des délibérations des commissions permanentes.
Monsieur le ministre, il faut vraiment ignorer ce qu'est une commission
permanente de collectivité territoriale pour envisager qu'elle puisse - sauf
exception, bien entendu, qui attirera immédiatement l'attention - siéger en
présence de la presse, alors qu'il s'agit de décisions ponctuelles qui ne sont
que l'habilitation donnée au président d'appliquer les politiques librement -
s'il y a encore une liberté en cette matière - définies par le conseil régional
tout entier.
La seconde partie du texte comporte donc quelques anomalies de ce genre ; mais
le Sénat essaiera d'y remédier.
J'en viens à la fameuse « affaire » du code électoral.
Mes chers collègues, je voudrais appeler votre attention sur un point précis
de la procédure parlementaire afin que vous mesuriez bien quels sont, en cet
instant du débat, notre pouvoir et nos capacités d'influence pour la suite.
Deux délibérations, une à l'Assemblée nationale et une au Sénat, se sont
déroulées dans le cadre de la procédure d'urgence. Nous savons à quoi elles ont
abouti : commission mixte paritaire et échec de celle-ci, c'était prévisible ;
rétablissement par l'Assemblée nationale - avec les différences dont je viens
de parler - de son texte d'origine ; aujourd'hui, nouvelle et dernière lecture
au Sénat.
J'imagine, monsieur le ministre, que, si le Sénat n'est pas complètement
d'accord avec l'Assemblée nationale, le Gouvernement va prendre la décision de
faire délibérer celle-ci en dernier ressort. Cette prévision me semble assortie
d'un certain coefficient de probabilités positives. Mais je ne suis pas Mme
Soleil...
L'Assemblée nationale aura uniquement le choix - car elle ne délibère plus
souverainement ; elle est complètement coincée - entre soit reprendre
intégralement son propre texte soit reprendre son propre texte en acceptant un
certain nombre d'amendements adoptés par le Sénat.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois a retenu une démarche à
la fois prudente et, espère-t-elle, constructive, qui consiste à ne pas
rebouleverser complètement le texte de l'Assemblée nationale en reprenant ses
propres positions de première lecture. Ce faisant, la commission ne renonce pas
pour autant aux positions de fond qu'elle a prises en première lecture, il faut
que ce soit clair.
J'ai eu le sentiment que peu de membres de la commission des lois acceptaient
de bon coeur l'idée d'abandonner, même pour des motifs tactiques - et il s'agit
bien de motifs tactiques - la référence au scrutin départemental.
Mais si nous voulons que l'Assemblée nationale puisse tenir compte de
certaines de nos objections, il faut les exprimer par des amendements ponctuels
sur des points choisis, afin de lui permettre de se poser un certain nombre de
questions.
Quels sont les points ponctuels qu'a retenus la commission des lois ?
La commission des lois n'a pas cédé à la tentation du scrutin à un tour. Si
elle a accepté le scrutin à deux tours, je le répète, c'est dans le cadre de
cette délibération qui n'est destinée qu'à encadrer les marges de manoeuvre de
l'Assemblée nationale en dernière lecture.
Accepter le scrutin à deux tours...
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'est déjà trop !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Mon cher collègue, vous m'avez interrompu, je vous réponds
tout de suite : si nous retenons le scrutin à un tour, ce n'est même pas la
peine d'espérer que l'Assemblée nationale regarde quoi que ce soit ; d'avance,
elle serait déliée de toute espèce de nécessité d'étudier ce que nous avons
fait par le fait même que, dès le départ, nous aurions pris une position
totalement différente de la sienne.
Le problème de la commission des lois est d'essayer d'amener l'Assemblée
nationale à délibérer sur des points précis.
Nous avons donc accepté le scrutin à deux tours - avec tous les inconvénients
que nous ne nous dissimulons pas - et le cadre régional du scrutin.
Monsieur le ministre, tout à l'heure, vous avez parlé de scrutin
départemental. Non ! la liste sera régionale. Mais elle doit comporter un
nombre normal de représentants par département pour éviter que les départements
peu peuplés ne soient écrasés par le département le plus peuplé.
Demain, nous aurons ici un débat sur l'aménagement du territoire. J'entends
demander à votre collègue ministre de l'environnement et de l'aménagement du
territoire, qui, je crois, représentera le Gouvernement, s'il existe encore en
France des territoires non urbains susceptibles de recueillir un peu
d'attention de la part du Gouvernement...
Avec un système régional sans sectionnement départemental, que va-t-il se
passer ?
Bien entendu, en région Picardie, qui est la mienne, cela ne posera pas de
problème majeur. Mais en Rhône-Alpes, en Ile-de-France, en Midi-Pyrénées, en
Aquitaine, dans les régions où la métropole régionale est majeure, que va-t-il
se passer pour les départements les moins peuplés ?
Nous voyons très bien ce qui se profile, et, par conséquent, sur ce point
précis, nous demandons que les départements les moins peuplés ne soient pas
sous-représentés.
La deuxième série d'amendements a trait à ces fameux seuils, à propos
desquels, monsieur le ministre, vous avez dit tout à l'heure que le texte qui
nous revient de l'Assemblée nationale est à peu près identique à celui que nous
avons examiné en première lecture.
Je m'inscris en faux contre cette affirmation, monsieur le ministre. Vous ne
pouvez décemment pas soutenir que l'abaissement des seuils à 5 % pour se
maintenir au second tour, à 3 % pour participer à la répartition des sièges et
à 3 % pour fusionner les listes, assorti d'une prime limitée à 25 % pour la
liste arrivée en tête, permet d'assurer les majorités dans les régions.
Ce n'est pas vrai, et votre seul objectif est en réalité de faire plaisir à
certains de vos alliés de la majorité dite plurielle,...
M. Michel Duffour.
Et alors, ce n'est pas un crime !
M. Paul Girod,
rapporteur.
... qui, autant que je sache, ont prononcé quelques oukases à
cet égard. Cela a d'ailleurs été dit sans fard à l'Assemblée nationale par le
rapporteur du projet de loi, qui a bien expliqué qu'il s'agissait d'un texte
élaboré en fonction de préoccupations politiques et qu'il n'était pas motivé
par un souci de bonne administration. Par conséquent, il s'agit en réalité
d'une manoeuvre purement qualifiée.
Par ailleurs, vous ne pouvez pas dire que ce projet tient debout, dans la
mesure où, en réalité, vous savez très bien qu'il s'agit pour vous d'essayer
d'enfermer vos adversaires dans un piège, et non pas d'assurer aux régions une
majorité stable.
L'objectif est bel et bien de mettre en place une majorité que vous avez
choisie d'avance.
A cet égard, je me permettrai simplement de citer quelqu'un que, j'imagine,
vous ne récuserez pas, à savoir le président Mitterrand. Il a dit, si ma
mémoire est bonne - et je crois que j'étais présent - que les réformes
électorales étaient des choses à manipuler avec précaution, parce qu'en général
cela se retournait contre ceux qui les faisaient. Or je ne suis pas certain
que, en l'occurrence, vous n'aboutissiez pas à une déconvenue, d'autant,
monsieur le ministre - et je reviens là aux discussions de la première lecture
- qu'il était ressorti très clairement de tous les débats que nous avons eus le
sentiment général que l'on allait prendre prétexte de la deuxième partie du
texte pour expliquer l'urgence, mais l'appliquer à la première partie,
c'est-à-dire à la réforme électorale, avec l'espoir que l'on aurait à s'en
servir prochainement.
Au reste, et j'attire votre attention sur ce point, je ne suis pas certain
qu'il soit constitutionnel d'avoir des assemblées de même nature et
fonctionnant en même temps mais élues selon des modes de scrutin différents.
D'ailleurs, la commission des lois vous proposera - encore un point
d'application d'une réforme électorale - d'exprimer clairement que tout ce
dispositif ne s'applique qu'à compter des élections de 2004, et pas avant.
M. Michel Duffour.
A tort !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Nous verrons bien si c'est à tort, mon cher collègue.
Donc, pas avant 2004, et ce quelles que soient les manipulations sur le
fonctionnement des conseils régionaux qui pourraient éventuellement être
validées avant...
Mais, monsieur le ministre, à force de tirer sur les ficelles, il arrive qu'on
les casse et, dans cette affaire, je crains que le Gouvernement, à force de
vouloir tirer sur les ficelles, ne soit en train de créer une mécanique qui ne
fera que plonger un peu plus les régions dans l'incertitude.
Dissoudre un conseil régional à la faveur d'un traquenard, cela peut
s'expliquer. On peut aller à la chasse et espérer rapporter un gros gibier.
(Sourires.)
Mais, parfois, on est un peu étonné de n'avoir tiré qu'une
grenouille !
(Nouveaux sourires.)
J'ai connu cela, j'étais moi-même un peu chasseur
dans le temps... encore que je n'aie jamais réussi à tuer une grenouille avec
un plomb, car ce n'est pas une cible facile à toucher ! Reste que c'est de la
manipulation, monsieur le ministre, de la manipulation !
Ce n'est pas grandir une institution que de s'en servir pour des
démonstrations de second ordre.
La réalité, c'est que nous avons besoin de régions stables. Vous l'avez dit et
tout le monde partage ce sentiment.
Vous avez évoqué la déclaration de Rennes ; je ne suis pas sûr que vous l'ayez
très bien lue.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Si
!
M. Paul Girod,
rapporteur.
Vous en avez tiré ce qui vous arrange et rejeté ce qui vous
arrange moins !
M. Claude Estier.
Il y avait tout et le contraire de tout dans cette déclaration !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il y avait un appel à la morale publique, un appel au sérieux
pour traiter des rapports entre notre peuple, ses collectivités locales, de
leur nécessaire évolution et de la réalité de la vie républicaine et de ses
principes de base.
Or, monsieur le ministre, d'une certaine manière, le texte qui nous arrive de
l'Assemblée nationale transgresse certains de ces principes de base.
C'est la raison de fond, mes chers collègues, des amendements qui vous seront
présentés par la commission des lois et que, j'espère, le Sénat retiendra.
J'espère surtout que, dans un ultime sursaut vers le sérieux, l'Assemblée
nationale s'en saisira, les étudiera un par un, sans être obligée de se renier
sur l'ensemble de ses positions.
Qu'elle revienne au sérieux dans l'affaire ! Qu'on n'ait pas un émiettement
de la représentation par l'introduction du majoritaire dans le proportionnel.
Qu'on évite les manipulations politiciennes.
Monsieur le ministre, j'ai été un peu dur à cette tribune, je ne l'ai pas été
beaucoup moins dans mon rapport écrit.
Mes chers collègues, je crois que nous devons prendre conscience à la fois de
la responsabilité qui est la nôtre en cet instant et de nos limites d'action.
Telle est encore une fois la raison de ces amendements ciblés. Je reconnais
qu'ils ne reflètent pas totalement notre sentiment sur le fond. Toutefois, dans
la technique législative d'instruction des textes et dans la situation
juridique dans laquelle se trouve l'Assemblée nationale, ils constituent pour
le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, le
dernier moyen d'appeler au sérieux, à l'abandon des petites manoeuvres, à une
réalité qui s'impose à nous tous, celle de la libre administration de nos
collectivités territoriales, de leur solidité, de leur sérieux et de leur
fidélité aux principes républicains.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 45 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 27 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
J'ai bien apprécié les propos de M. le ministre au début de son
intervention.
Il nous a d'abord dit qu'il y avait un réel problème de fond, et j'ai cru un
instant qu'il allait nous écouter avec beaucoup d'attention et qu'il se ferait,
devant l'Assemblée nationale, l'avocat des propositions honnêtes et
intelligentes que le Sénat va adopter. Mais après l'avoir entendu jusqu'au
bout, il me semble bien que c'est tout autre chose qui nous attend.
Monsieur le ministre, je tiens à vous rappeler que, si nous avons voté la
question préalable en première lecture, c'est parce que, à l'issue de la
discussion générale, vous nous avez dit que vous ne tiendriez compte d'aucun de
nos amendements.
Vous aviez eu l'air d'estimer que le Sénat ne servait à rien dans cette
affaire et que les dés étaient jetés.
Nous avons donc fait un effort méritoire, comme l'a dit M. le rapporteur, dont
je salue le travail tout à fait remarquable. Pourtant, vous êtes allé encore
plus loin dans votre déclaration liminaire aujourd'hui. Peut-être est-ce une
manoeuvre délibérée de votre part ? Vous avez en effet justifié une atteinte
évidente à la Constitution et à la décision du Conseil constitutionnel selon
laquelle il est impossible de fixer des quotas en affirmant que l'Assemblée
nationale a voté et que, par conséquent, il n'y a pas de raison de ne pas
l'inscrire dans la loi.
Je vous rappelle à ce propos que le seul chef de gouvernement qui ait tenu
dans le passé le même raisonnement que vous, c'est Staline.
(Rires et
exclamations sur les travées communistes.)
Selon lui, il était possible de
modifier la Constitution par une loi ordinaire. Il n'y a pas d'autres
précédents historiques !
M. Guy Allouche.
Queyranne égale Staline !
M. Patrice Gélard.
Je trouve que vous allez un peu loin, monsieur le ministre. Il me semble que
vous avez un peu oublié le contenu de la Constitution et son article 89, selon
lequel, en matière de révision constitutionnelle, le Sénat a des droits égaux à
ceux de l'Assemblée nationale.
Je vous renvoie également à un excellent article paru dans
Le Monde
d'avant-hier et signé de M. le doyen Vedel, pour qui le texte tel qu'il a
été voté par l'Assemblée nationale ne signifie pas, en l'état, qu'il doive y
avoir des quotas.
Pourtant, en l'occurrence, prévoir 50 % d'un sexe et 50 % de l'autre, cela
veut bien dire que nous sommes en face de quotas.
Vous avez donc ôté le masque : en fait, vous voulez qu'il y ait des quotas
!
On en discutera, mais je ne suis pas du tout convaincu que le Sénat puisse
vous suivre dans cette voie car, si nous sommes pour la parité entre hommes et
femmes, nous ne sommes pas pour autant partisans des formules qui ont apporté
partout la preuve de leur effet néfaste.
Je ferme la parenthèse et j'en reviens au fond du texte qui nous est transmis
de l'Assemblée nationale.
Il y a un vrai problème régional, nous en sommes tous convaincus. Ce problème
mérite des solutions et nous avons, au sein du Sénat, constitué un groupe de
travail sur cette question. Nous n'avons pas pu aboutir, on s'en souvient. Nous
avions alors le temps devant nous. Rien ne justifiait l'urgence, on l'a déjà
dit et je le répète, car je crois qu'il faut parfois enfoncer les clous.
Que dire à propos du texte que vous nous proposez ?
Il était certes nécessaire de réviser le mode de scrutin régional pour aboutir
à une majorité stable et faire en sorte que les régions atteignent enfin le
seuil de crédibilité qu'elles ont du mal à obtenir aux yeux de nos
concitoyens.
Je reprocherai toutefois à ce projet de loi de n'être ni assez moderne ni
assez audacieux en matière électorale. Vous reprenez en effet les modes de
scrutin anciens, que vous aménagez comme vous pouvez.
En matière de mode d'élection aux conseils régionaux, on pouvait innover, on
pouvait proposer un système à l'allemande, par exemple.
Il n'en est rien et l'on conserve le scrutin proportionnel, qui n'est pas un
mode de scrutin très intéressant pour les électeurs puisqu'ils ne connaissent
pas les candidats qui se présentent.
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'est exact !
M. Patrice Gélard.
Dans une région, constituée de cinq départements parfois très éloignés les uns
des autres, comment voulez-vous que l'électeur s'y retrouve ? Il ne connaîtra
pas les candidats ; peut-être reconnaîtra-t-il un nom, même s'il est placé en
dix-septième position sur la liste. Il ira alors pêcher à la ligne plutôt que
de participer au scrutin.
Ce processus, on le connaît déjà, monsieur le ministre, malheureusement, pour
les élections européennes. Les élections européennes ne sont qu'une lointaine
préoccupation des Français parce que les électeurs ne connaissent pas les
candidats qui se présentent.
On va pourtant faire la même chose avec le scrutin régional.
Je vous avoue que ma préférence pour les élections régionales aurait été un
scrutin majoritaire pour la moitié des sièges et un scrutin à la
proportionnelle pour l'autre moitié, soit un mode de scrutin que le parti
socialiste lui-même avait envisagé à une époque.
Je regrette qu'on ne soit pas allé au bout du processus. Cela vous aurait
peut-être permis d'éviter ce débat un peu stérile, où nous jouons les
défenseurs de positions d'arrière-garde.
Selon moi, seul un mode de scrutin différent nous aurait permis d'approfondir
réellement la réflexion.
Le scrutin proportionnel est un mode de scrutin qui fait courir le risque de
l'émiettement, avez-vous dit au début de votre intervention, et c'est exact.
Mais je déplore que vous n'ayez pas souligné devant l'Assemblée nationale que
l'abaissement des seuils conduit à rendre le scrutin proportionnel totalement
inutilisable.
M. Henri de Raincourt.
Absolument !
M. Patrice Gélard.
A la limite, on aurait pu retenir la proportionnelle intégrale sans aucun
seuil ! On en connaît pourtant le résultat ! Les Polonais, qui l'ont essayé
récemment, ont vu arriver quarante-huit partis au Parlement, dont certains
aussi folkloriques que « Les Amis de la bière », dont le seul programme était
la détaxation du demi de bière.
(Sourires.)
On risque d'aboutir à ce résultat-là, vous le savez aussi bien que moi !
Le seuil à 5 %, même s'il n'est pas excellent, a maintenant plus de cinquante
ans d'existence dans notre pratique électorale. En effet, en 1946 déjà, au
moment du scrutin proportionnel, ce seuil était fixé à 5 %. Il est alors apparu
insuffisant et il a fallu voter la malheureuse loi de 1950 sur les
apparentements, qui n'était pas une merveille. Il n'en demeure pas moins que le
seuil à 5 % fait partie de notre tradition.
Modifier le seuil traditionnel pour le ramener à 3 %, c'est porter un mauvais
coup à la proportionnelle. Cela revient, plus précisément, à la discréditer.
Comme M. le rapporteur l'a excellemment dit, le fait de ramener le maintien au
second tour de 10 % à 5 % va conduire à un résultat parfaitement prévisible :
au second tour, ce ne sont pas deux listes qui subsisteront, mais trois,
quatre, voire cinq listes qui se maintiendront. Cela permettra par ailleurs à
ces listes de décider dans l'ombre, en dehors de l'électeur, quelles alliances
- contre nature ou pas - elles concluront une fois le résultat acquis.
Je ne suis donc absolument pas satisfait du travail de l'Assemblée nationale
en ce qui concerne le mode de scrutin.
Permettez-moi maintenant d'en venir à quelques interrogations quant à la
constitutionnalité de certaines dispositions du texte que vous présentez,
monsieur le ministre.
Le droit n'est pas fait pour être tordu. Le droit est droit, il n'est pas
courbe. Or, on a l'impression avec ce texte que les possibilités juridiques ont
été tordues au maximum, non pour atteindre un objectif net et clair - la bonne
administration de la région - mais pour répondre à des préoccupations
politiques mal avouées.
Pourquoi avoir décidé que, dorénavant, la primauté n'irait plus au doyen d'âge
mais au benjamin, que ce soit pour la présidence des séances ou en cas
d'égalité des voix ? C'est complètement ridicule, parce que vous touchez là à
une tradition républicaine qui remonte au tout début de la République :
l'institution du doyen d'âge remonte en effet à la Révolution française.
A mon avis, il s'agit là d'un des principes fondamentaux reconnus par les lois
de la République, et vous le remettez en cause. On peut le faire. Il faut
certes que la loi évolue avec les moeurs. Mais, à ce moment-là, il faut
modifier la Constitution et non la loi !
En l'occurrence, il s'agit d'une pure déclaration démagogique. On met le plus
jeune à la place du plus vieux pour faire plaisir à quelques électeurs de plus.
Et je ne suis même pas convaincu que cela leur fera plaisir !
Cette mesure relève de la simple démagogie et non de la volonté pourtant
affirmée d'un bon fonctionnement des régions.
J'évoquerai également - mais M. le rapporteur en a déjà parlé - la durée du
mandat régional, qui est ramenée à cinq ans sans étude préalable, sans
discussion préalable, sans motif valable.
Cette disposition aurait pu répondre à une raison, monsieur le ministre :
faire coïncider la durée du mandat régional avec celle du contrat de plan
Etat-région. Alors, à la limite, j'aurais pu accepter votre choix. Un contrat
de plan Etat-région de cinq ans correspondant à la durée du mandat régional, ce
n'était pas idiot du tout, cela se justifiait.
Mais, puisque les contrats de plan Etat-région durent désormais non plus cinq
ans, mais six à sept ans, vous ne permettrez donc même pas à un conseil
régional de mener à terme le contrat Etat-région qu'il aura négocié. Au bout de
cinq ans, ce sera terminé ! Les conseillers régionaux seront obligés de se
représenter devant les électeurs !
Il n'y aura donc pas de lien logique entre les engagements pris à un moment
donné et leur réalisation.
Là encore, il aurait fallu prendre le temps, réfléchir. Pourquoi pas cinq ans,
disais-je, si cela se justifie ? Cela aurait été acceptable à cette
condition.
Mais chacun d'entre nous sait bien qu'aujourd'hui cinq ans est un minimum, et
que six ans, c'est mieux pour mener à bien une politique qu'on a lancée.
J'en reviens aux quelques motifs d'inconstitutionnalité que j'ai cru pouvoir
relever.
Pour ce qui est de la parité hommes-femmes, l'inconstitutionnalité est
manifeste.
Pour ce qui est de la primauté du benjamin sur le doyen d'âge,
l'inconstitutionnalité est réelle, j'en suis convaincu.
Mais j'ai relevé d'autres irrégularités.
Qu'en est-il des sections départementales ? Je ne suis en effet pas du tout
convaincu qu'il soit constitutionnel de faire en sorte que les électeurs
sénatoriaux n'aient aucun rapport avec le département dans lequel ils seront
appelés à voter.
Il est prévu par ailleurs prévu de rendre publiques les réunions des
commissions permanentes. Cela me paraît relever de la pure démagogie. On ne
réunira plus les commissions permanentes que pour la façade, les véritables
décisions se prenant ailleurs.
Est-il conforme à la Constitution d'adopter un tel dispositif ? Ne revient-il
pas aux collectivités locales de régler elles-mêmes un problème de cet ordre,
sans que la loi intervienne ?
En outre, avec un tel système, M. le rapporteur l'a bien souligné, le
président de la région peut se transformer en un dictateur régional, passer
outre les décisions du conseil.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourquoi ne pas se lancer dans une
autre expérience l'élection du président du conseil régional au suffrage
universel direct, par exemple ? Seule une telle élection justifierait les
pouvoirs que la loi va lui reconnaître.
Monsieur le ministre, le texte que nous examinons aujourd'hui et que nous
avons tenté d'améliorer pour inciter l'Assemblée nationale à suivre certaines
de nos recommandations est tellement tordu que le remède choisi risque
d'entraîner l'aggravation du mal. Je crains que les conseils régionaux n'en
sortent plus amoindris, plus malades qu'avant, moins crédibles au regard de
l'opinion publique, parce que la loi n'est pas bonne.
Je me demande même si, par machiavélisme, vous n'avez pas voulu en fait que
l'on saisisse le Conseil constitutionnel, et si, dès le départ, vous n'avez pas
accepté un certain nombre de dispositions tout à fait invraisemblables pour que
le Conseil constitutionnel les refuse.
Je me demande aussi dans quelle mesure vous n'avez pas été soumis dans cette
affaire, d'abord et avant tout, à des pressions politiques pour que les
conseils régionaux soient les plus proches possible de la représentation idéale
de votre majorité plurielle.
Nous ne pouvons pas accepter qu'une loi soit faite en fonction des
circonstances. Elle est faite pour l'avenir, pour le futur. C'est la raison
pour laquelle je crois que nous avons fait un travail solide en proposant des
amendements qui valent ce qu'ils valent, mais dont nous espérons qu'ils seront
suivis par l'Assemblée nationale, faute de quoi je crains - je le dis
franchement - que la loi qui sera votée par l'Assemblée nationale en dernière
lecture ne soit tellement mauvaise dans la pratique, qu'elle doit, tôt au tard,
revenir devant le Sénat.
(Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion
de la première lecture de ce texte au Sénat, le 20 octobre dernier, j'avais
indiqué au nom de mon groupe les aspects que nous jugions positifs ou
nécessaires, ainsi que ceux que nous estimions négatifs et sur lesquels nous
émettions certaines réserves.
Au premier rang de nos critiques figuraient, dans le projet de loi, des seuils
que nous considérions comme trop élevés pour la participation au second tour ou
le bénéfice de la répartition des sièges. Je constate que vous revenez,
monsieur le ministre, avec un texte nettement meilleur, et notre attitude va
s'en ressentir sur les plans tant du débat que de nos appréciations.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Tiens !
Tiens !
M. Michel Duffour.
C'était pour nous une question importante. Nous nous sommes en effet beaucoup
interrogés sur le fait de savoir si l'objet de tels seuils était le bon
fonctionnement des conseils régionaux. De toute évidence, non, puisque les
dispositions prévues pour favoriser l'émergence d'une majorité stable, avec
notamment l'octroi d'une prime significative à la liste arrivée en tête,
permettaient cette stabilité.
Notre crainte était alors - je n'y reviendrai pas - le franchissement d'une
étape supplémentaire dans une bipolarisation de la vie politique que nous
estimons mauvaise pour la vie citoyenne de notre pays. En effet, la conséquence
essentielle d'un seuil trop élevé est de priver de toute réprésentation des
courants minoritaires qui, pourtant, rassemblent une part importante de
l'électorat et méritent donc d'être représentés.
Nous estimons que la démocratie ne peut se satisfaire d'une restriction du
débat d'idées, car c'est dans la diversité et dans le pluralisme qu'elle puise
sa vitalité.
La région est un échelon suffisamment important pour que le débat y prenne une
dimension politique marquante.
La discussion que nous avons eue sur la question des seuils - je respecte les
arguments qui ont été avancés par le Gouvernement - a, je le constate, porté
ses fruits, et nous nous en félicitons.
La majorité des députés, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, a
décidé la réduction significative des seuils. Il s'agit d'un geste politique
important que nous approuvons pleinement.
M. le rapporteur et l'orateur précédent ont fantasmé sur d'éventuelles
magouilles au sein de la majorité. Il faut vous y faire, messieurs. La majorité
plurielle fait preuve de sa vitalité et de son sens du dialogue. Des désaccords
nous opposent sur certains sujets. Nous les exprimons avec beaucoup de
franchise.
A la différence de la droite, que nous avons vue pendant des années paralysée
par des divisions internes - M. le rapporteur a fait l'historique à sa façon de
la non-publication d'un texte au cours des dernières années -, qui est
complètement empêtrée dans ses contradictions et qui n'a pas le courage de
dépasser ses désaccords, et cela au grand jour, la majorié de la gauche
plurielle a tout simplement réussi à se mettre d'accord et a faire converger
ses différents points de vue.
Cette évolution, sur un point que nous estimons essentiel, nous conduit
aujourd'hui, dans un esprit constructif et pour permettre aux régions de
fonctionner dans de meilleures conditions, à approuver ce texte.
L'attitude de la majorité de droite, qui souhaite restaurer des seuils plus
élevés, voire aller beaucoup plus loin que le texte initial comme elle le
propose dans certains amendements, cette attitude ne nous surprend pas.
Que la droite sénatoriale veuille faire barrage à la reconnaissance du
pluralisme politique à l'échelon régional ne nous étonne nullement, car la
déformation du suffrage universel a malheureusement toujours été une constante
de la droite française ! Il suffit de regarder le mode de scrutin sénatorial,
ses aspects antidémocratiques évidents - mais qui ne le constate aujourd'hui ?
- pour refuser à la majorité sénatoriale, qui défend bec et ongles ce mode de
scrutin, de donner ici des leçons de démocratie !
Nous voterons donc contre les dispositions présentées par la commission des
lois pour restaurer les seuils, que l'Assemblée nationale a réduits.
Nous nous opposons aussi - je le dis d'emblée, car nous n'interviendrons pas
fréquemment dans cette discussion - à la volonté de la majorité sénatoriale de
ralentir la discussion. Il aurait tout de même été beaucoup plus sain et
productif...
M. Paul Girod,
rapporteur.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Duffour ?
M. Michel Duffour.
Très volontiers, monsieur le rapporteur.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Très honnêtement, mon cher collègue, si nous avions vraiment
voulu ralentir les débats, je vais vous dire ce que j'aurais pu être amené à
faire, car c'était mon devoir de rapporteur : j'aurais pu demander à rencontrer
M. le Premier ministre et M. le ministre de l'intérieur, et demander les
résultats des simulations relatives aux abaissements de seuils.
Nous ne l'avons pas fait. Nous avons accepté d'entrer dans le jeu et de nous
en tenir au calendrier qui nous était fixé. Mais nous n'avons pas cherché à
ralentir le débat. Dans cette affaire, monsieur le ministre, nous somme blancs
comme neige !
M. Henri de Raincourt.
Clean !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Duffour.
M. Michel Duffour.
Nous allons voir si ce souci d'avoir une discussion productive et rapide...
M. Jacques Larché.
président de la commission des lois.
Productive et rapide, c'est
incompatible !
M. Michel Duffour.
... va finalement se confirmer dans les heures qui viennent !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Ce n'est pas moi qui ai prévu pour cet après-midi la
célébration du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des
droits de l'homme !
M. Michel Duffour.
En tout cas, pour ce qui est de la productivité, il est sûr que notre débat en
première lecture n'aurait pas été conclu comme il l'a été et, s'agissant de la
réforme du mode de scrutin régional, le Sénat aurait pu apporter sa pierre ! Je
constate qu'il ne l'a pas fait. Notre Haute Assemblée avait pourtant besoin
d'un débat utile.
Mais je pense que celui-ci est quelque peu biaisé en raison de la
contradiction que je constate dans vos propos lorsque j'entends, d'un côté, des
orateurs de la majorité sénatoriale défendre bec et ongles la circonscription
départementale - que j'avais par ailleurs défendue moi-même - et, de l'autre,
l'ancien Premier ministre, M. Juppé, « exécuter » les départements, voilà
quelques jours ! J'attends donc les remarques que feront tout à l'heure les
orateurs appartenant au même parti que M. Juppé,...
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Vous avez une conception
monolithique du parti !
M. Michel Duffour.
... pour voir quels sont véritablement les fondements de leur démarche !
S'agissant de la parité entre les hommes et les femmes, je m'étonne, alors que
M. le Président de la République parle de modernité, d'entendre M. Gélard
aborder le problème de manière extrêmement restrictive, sans trouver le souffle
nécessaire pour accueillir favorablement le texte gouvernemental !
Je considère enfin, lorsque j'entends M. Gélard, déclarer que le scrutin
proportionnel à l'allemande a son intérêt - ce dont je ne disconviens pas -
alors que nous n'en avons jamais parlé au cours des deux derniers mois et
qu'aucun amendement n'a été déposé à l'appui de cette affirmation, que les
propos tenus manquent d'un certain sérieux ! Voilà ce que nous voulions dire
dans ce débat.
Je tiens à rappeler les réserves que nous avions émises sur certains aspects
du projet de loi et qui demeurent aujourd'hui.
La proportionnelle, je l'ai indiqué lors de la première lecture de ce texte,
est source de démocratie, et non le contraire.
Nous maintenons également nos réserves sur la réduction de l'effet
proportionnel dans le scrutin régional.
Nous reconnaissons cependant l'urgence qu'il y a à mettre en place des règles
de fonctionnement pour les régions.
Enfin, tout en étant pleinement conscients des nécessités de l'heure, nous
alertons le Sénat sur les risques d'enfermement dans un système s'apparentant
au vote bloqué parlementaire - je n'en veux pas spécialement à M. Gélard ! -
mais sans les excès qui ont été évoqués quant au danger d'un pouvoir
dictatorial des présidents. Je ne pense pas que l'on puisse faire de telles
remarques à propos de ce projet de loi.
Il sera important pour nous, à l'avenir, de faire le bilan d'un système qui
est transitoire et d'en tirer les conclusions.
La volonté affichée par le Gouvernement et la majorité plurielle de
l'Assemblée nationale de garantir la représentation des minorités mérite d'être
soutenue. Nous défendrons donc le texte tel qu'il a été initialement proposé.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, cher rapporteur, mes chers
collègues, refusant de mettre rapidement un terme aux situations de blocage
vécues par certains conseils régionaux du fait de l'absence de majorité stable,
prétextant de l'utilisation de la procédure d'urgence et regrettant que la
réforme du fonctionnement des conseils régionaux ne soit pas disjointe de la
réforme du scrutin, le Sénat a rejeté le texte en première lecture après
adoption d'une question préalable.
Réunie le 28 octobre dernier, la commission mixte paritaire a bien évidemment
échoué. Conformément à l'article 45 de la Constitution, il était normal que
l'Assemblée nationale reprenne le projet qu'elle avait précédemment adopté.
Ultime lecture, semble-t-il, que celle que nous avons aujourd'hui ! Séance de
pure forme, car il est très peu probable que le Gouvernement suive la majorité
sénatoriale dans ce qu'elle propose et que nos collègues députés acceptent la
moindre proposition sénatoriale.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Il ne faut pas désespérer du Palais du Luxembourg !
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
Malgré les efforts de M. le rapporteur, la réflexion n'a guère progressé. En
revanche, les conclusions de la commission des lois ont gagné en confusion et
en contradictions ; je m'en expliquerai.
A l'occasion de cette discussion générale, je veux m'attarder sur les
explications et motivations développées par M. le rapporteur dans la première
partie de son rapport écrit, sur les critiques qu'elles m'inspirent, car, à
l'appel des articles, peut-être aurai-je l'occasion d'expliquer les raisons
pour lesquelles nous sommes opposés à ce que vous proposez.
Monsieur le rapporteur, permettez-moi de préciser, compte tenu des sentiments
de confraternité et des liens qui nous unissent, qu'à travers vous je m'adresse
également à la majorité sénatoriale. N'y voyez donc aucune attaque d'ordre
personnel.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je n'aurais jamais pensé une seule seconde qu'une telle
tactique puisse vous inspirer !
M. Guy Allouche.
Je vous en remercie.
Pour ne pas trop étaler ses divisions et pour faire taire ses profondes
divergences, la majorité sénatoriale a préféré adopter une question préalable
en première lecture. Cher rapporteur, nous avons une profonde divergence sur
l'interprétation de cette question préalable.
Je prétends que si elle est intervenue, aux termes du règlement, à la fin de
la discussion générale, nous avions connaissance de son dépôt à l'ouverture de
la séance,...
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Et alors ?
M. Paul Girod,
rapporteur.
Vous aviez de meilleurs « espions » que moi !
M. Guy Allouche.
... tant et si bien que mes amis m'ont demandé de répondre également à la
question préalable.
Par conséquent, ce n'est pas après la réponse du ministre que la majorité
sénatoriale a décidé de déposer cette motion de procédure. C'est avant même que
le débat s'ouvre. Il suffit de consulter l'heure à laquelle la motion a été
déposée pour s'en rendre compte ! Monsieur Larché, je dis cela pour remettre
les choses dans l'ordre chronologique. Ce n'est pas à la fin de la discussion
générale que MM. de Raincourt, de Rohan et Arthuis ont pensé à la question
préalable. Non ! c'était avant et c'était leur droit.
M. Henri de Raincourt.
C'était une précaution que nous avions prise !
M. Guy Allouche.
Merci de le préciser ! Par conséquent, cela infirme ce qu'a dit notre
rapporteur.
M. Henri de Raincourt.
Non !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Absolument pas !
M. Guy Allouche.
M. le rapporteur a bien précisé que c'était à la suite de la non-prise en
considération par le ministre de ce qui avait été dit dans la discussion
générale...
M. Henri de Raincourt.
Absolument !
M. Guy Allouche.
Comment M. le ministre pouvait-il prétendre connaître vos remarques avant que
le débat commence ?
M. Henri de Raincourt.
Nous avons plusieurs cordes à notre arc !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Monsieur Allouche, me permettez-vous
de vous interrompre ?
M. Guy Allouche.
Je vous en prie, monsieur Larché.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de
l'orateur.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je m'étonne toujours de la
conception que nos collègues socialistes ont du débat parlementaire.
Comme l'a parfaitement dit le président de notre groupe, vous connaissant et
connaissant votre entêtement sur les positions que vous prenez, il n'était pas
du tout illégitime que nous prenions quelque précaution. Cette précaution,
c'était la rédaction d'une question préalable.
Vous êtes trop respectueux de la procédure parlementaire pour ne pas vous
souvenir qu'il a fallu réunir la commission des lois après la discussion
générale et vous connaissez suffisamment la liberté de ton et d'opinion qui
règne au sein de la commission des lois pour savoir que l'on ne pouvait pas du
tout préjuger le sort qui serait réservé à cette question préalable.
La question préalable n'a donc pris une existence juridique qu'à partir du
moment où, faisant ce qu'elle croyait être bon - mais elle aurait pu faire
autrement -, la commission des lois a décidé de l'approuver.
Votre chronologie n'apporte absolument rien au débat ; elle montre simplement
que vous avez été un peu dépités de la manoeuvre.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Allouche.
M. Guy Allouche.
Je disais donc que, pour ne pas trop étaler ses divisions et faire taire ses
profondes divergences, la majorité sénatoriale a préféré adopter une question
préalable en première lecture.
Aujourd'hui, rappelée certainement à l'ordre par le Président de la
République, qui a déclaré nécessaire de rendre gouvernables les régions
précisément par une réforme du mode de scrutin, elle semble avoir pris
conscience de ses erreurs, de ses incohérences et de ses inconséquences.
M. Hubert Haenel.
Ce n'est pas le cas du Gouvernement !
M. Guy Allouche.
Elle tente à présent d'y remédier, en acceptant de débattre, mais un peu
tard.
Les arguments avancés par notre rapporteur ne résistent pas longtemps à
l'analyse. Tous les reproches faits au Gouvernement et à la majorité de
l'Assemblée nationale n'arriveront jamais à masquer un tant soit peu les
profondes divergences que nous avons constatées depuis cinq ans, au sein de la
droite, sur cette question. Vous tentez de faire diversion avec une proposition
de dernière minute. Nul n'est dupe de la manoeuvre, et j'oserai employer une
expression quelque peu familière : « il n'est pire sourd que celui qui ne veut
rien entendre. »
Dès l'instant où le Sénat a considéré qu'il n'y avait pas lieu de délibérer,
pourquoi faire reproche à l'Assemblée nationale de ne débattre que de ses
proppres propositions. Que pouvait-elle faire d'autre ? Vous contestez
l'urgence. Moi aussi, j'ai souvent contesté les déclarations d'urgence, et vous
le savez.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Vous avez là une belle occasion de déployer vos talents !
M. Guy Allouche.
Vous contestez l'urgence déclarée qui interdirait à l'Assemblée nationale
d'examiner les propositions du Sénat. Il aurait été préférable, mes chers
collègues, que la Haute Assemblée les formule et les adopte en première
lecture. Tel n'a pas été le cas. Et je vous renvoie à la conclusion de mon
intervention contre la question préalable, dans laquelle je vous disais mot
pour mot : « Vous laissez à nos amis de l'Assemblée nationale le soin de
traiter de cette question. Ils ne s'en priveront pas. » N'est-ce pas, monsieur
le président de Raincourt ?
(M. de Raincourt acquiesce.)
Vous vous le rappelez. Donc, pourquoi faire reproche à l'Assemblée
nationale de reprendre son travail.
Et que dire de l'argument savoureux utilisé par le rapporteur lorsqu'il écrit
: « Le ministre se refusant à prendre en considération les propositions de
votre commission des lois, le Sénat a finalement décidé, avec l'avis favorable
de la commission des lois, d'adopter une question préalable. » C'est ce que
vous avez écrit, monsieur le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Oui, c'est vrai !
M. Guy Allouche.
Cependant, comme il est très peu probable que le Gouvernement vous suive
aujourd'hui, qu'il accepte ce que j'ai appelé, vous me le pardonnerez, l'«
usine à gaz » que vous avez proposée, est-ce à dire que nous serons saisis
d'une deuxième question préalable à la fin de cette discussion générale ?
M. Henri de Raincourt.
Vous verrez bien !
M. Guy Allouche.
Si chaque fois que le Gouvernement s'exprime en contradiction profonde avec le
Sénat, si chaque fois qu'il refuse les propositions sénatoriales, la droite
sénatoriale adopte une question préalable, mes chers collègues, il n'y a plus
de débat possible dans cette assemblée ! Cette autocensure joue contre vous -
et contre nous tous - et c'est vous qui en quelque sorte portez atteinte à
l'institution à laquelle vous et nous sommes attachés !
Au fait, qui décide au Sénat ? Est-ce le Gouvernement de la gauche plurielle
ou est-ce la majorité sénatoriale ?
Si vous aviez réellement voulu que l'Assemblée nationale étudie et prenne
éventuellement en considération les propositions alternatives du Sénat - à
supposer qu'elles existent - il aurait fallu les formuler et les adopter.
Représentant des collectivités territoriales, le Sénat a en quelque sorte
démissionné et laissé le soin à l'Assemblée nationale de définir l'avenir des
conseils régionaux. C'est vous qui avez choisi de tronquer le débat. Telle est
la réalité !
Je suis au regret de vous dire, monsieur le rapporteur, que, malgré vous, vous
avez été l'otage de votre propre majorité. En commission des lois, puis en
séance publique le 20 octobre dernier - vous l'avez redit tout à l'heure - vous
aviez rejeté le principe de la question préalable au motif que cela serait mal
interprété et qu'elle constituerait une réaction excessive.
M. Robert Bret.
C'est vrai !
M. Guy Allouche.
Vous l'avez dit en commission et à la tribune, vous l'avez écrit, vous l'avez
répété tout à l'heure.
Pour autant et dans un second temps, face aux divergences clairement exprimées
en séance, la commission des lois, qui s'est réunie à la fin de la discussion
générale, a voté en faveur de cette question préalable. Non seulement vous ne
vous êtes pas abstenu, monsieur le rapporteur, mais vous l'avez soutenue.
Vous n'avez de cesse de critiquer l'urgence. Mais il faut être sourd et
aveugle pour ne pas s'apercevoir que, déjà, des conseils régionaux élus il y a
à peine six mois ne fonctionnent pas et que d'autres, demain ou d'ici à 2004,
risquent de connaître la même situation. Tout gouvernement qui laisserait se
dégrader une telle situation serait à mes yeux irresponsable et coupable.
Oui, il y a urgence à sortir ces conseils régionaux des difficultés qu'ils
rencontrent.
Oui, il y a urgence à préserver d'autres assemblées régionales de ces mêmes
maux.
Oui, il y a urgence à changer de mode de scrutin, quand on sait, d'évidence,
que l'actuel mode de scrutin ne répond plus ou ne répond pas au mal qui se
développe.
M. le rapporteur a fait état du groupe de travail de la commission mis en
place par la commission des lois en 1996. Pour y avoir participé assez
activement, je puis attester que, effectivement, l'unanimité s'est faite,
compte tenu des divergences qui existaient entre nous tous, sur l'idée qu'il ne
fallait pas changer de mode de scrutin ; c'est exact.
Mais il y a eu l'alternance en 1997, et vous avez rappelé l'engagement du
Premier ministre - ce dont vous lui avez donné acte, monsieur le rapporteur -
de ne pas modifier les choses immédiatement. Dans la mesure où il n'y avait pas
de consensus avant l'élection régionale, il a fallu attendre que celle-ci se
déroule - on a vu avec quels résultats ! - pour que le Gouvernement prenne ses
responsabilités.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Très bien ! Parfait !
M. Guy Allouche.
Il a pris ses responsabilités, le Parlement en débat.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Personne ne conteste cela, monsieur Allouche, c'est l'urgence
qui est contestée.
M. Guy Allouche.
Je suis quand même étonné de voir, depuis quelques semaines, le nombre de
propositions de mode de scrutin qui surgissent tout à coup ! Je ne veux pas les
énumérer car ce serait trop long. Mais pourquoi cela n'a-t-il pas été fait
avant, de 1993 à 1997 ?
Notre excellent collègue M. Gélard, dont on connaît la science
constitutionnelle, vient de nous faire l'apologie du système allemand, rappelé
par notre collègue M. Duffour. Or, voilà à peine quelques heures, dans
l'enceinte de la commission des lois, j'ai entendu le même M. Gélard dire qu'en
aucun cas le système français ne pouvait être comparé au système allemand,
l'Allemagne étant un Etat fédéral.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Allons, allons, son propos portait
sur un autre point !
M. Guy Allouche.
Peut-être, mais en tout cas, le mode de scrutin utilisé dans un système
fédéral ne peut s'appliquer dans un système centralisé comme le nôtre ! Il faut
savoir choisir ses exemples !
Vous n'avez donc pas réussi à faire cette modification en quatre ans. Le
Premier ministre a pris un engagement devant la représentation nationale, il
l'a dit ici même au Sénat. Ce projet de loi concrétise cet engagement.
Je suis obligé de constater - et je ne suis pas le seul - que la droite oppose
toujours des préalables aux projets du Gouvernement : il faut approfondir la
décentralisation et adopter un statut de l'élu avant de parler du non-cumul des
mandats ; il faut procéder à l'examen des autres volets de la réforme de la
justice avant de ratifier la révision constitutionnelle sur l'indépendance du
Conseil supérieur de la magistrature ; il faut redéfinir l'avenir des régions
avant de modifier le mode de scrutin régional, etc., etc. Je pourrais
multiplier les exemples !
Vous soulignez, pour aussitôt les stigmatiser, « les considérations politiques
à l'origine de cette modification ». Oui, pourquoi ne pas le reconnaître ? Il
est exact que cela a fait l'objet de négociations au sein de la gauche
plurielle ! Et alors ? En quoi la concertation des composantes de la majorité
est-elle condamnable ?
M. Jean-Pierre Raffarin.
Parce qu'elle est exclusive !
M. Guy Allouche.
Cher monsieur Raffarin, n'y a-t-il pas concertation de la majorité sénatoriale
?
M. Henri de Raincourt.
Si !
M. Guy Allouche.
Celle-ci ne se réunit-elle pas pratiquement chaque semaine ?
M. Henri de Raincourt.
Si !
M. Robert Bret.
Cela n'a pas l'air de fonctionner !
M. Guy Allouche.
Ne décide-t-elle pas pour l'ensemble de la majorité ?
M. Henri de Raincourt.
Pas toujours.
M. Guy Allouche.
Mais souvent ! Est-ce qu'on vous en fait le reproche ? Non. Alors !
Si, au sein de la gauche plurielle, les composantes politiques qui soutiennent
le Gouvernement en place n'engageaient pas des discussions et des négociations,
ce ne serait plus une gauche plurielle.
M. Michel Duffour.
Très bien !
M. Guy Allouche.
Mes chers collègues, oui, il y a eu des discussions, il y a eu des
négociations, C'est la loi du genre et je ne pense pas qu'il faille balayer
d'un revers de main ce genre de contacts qui existent entre formations
politiques.
Comment ne pas être choqué par le comportement de la majorité sénatoriale, qui
refuse de remédier aux dysfonctionnements de certains conseils régionaux en
adoptant un amendement qui supprime tout le titre III ? Tout le travail de la
commission a été focalisé, selon vos propres termes, sur la question des
seuils, donc du mode de scrutin, alors qu'elle admet que l'urgence n'aurait dû
porter que sur le seul fonctionnement des conseils régionaux.
M. Paul Girod,
rapporteur.
On ne peut pas admettre des mesures
anticonstitutionnelles.
M. Guy Allouche.
Que de contradictions, monsieur le rapporteur ! Vous auriez dû proposer, en
toute logique - si tant est que la logique et la politique aillent de
pair...
M. Henri de Raincourt.
Pas toujours !
M. Guy Allouche.
... vous auriez dû proposer, dis-je, des amendements qui suppriment tous les
articles relatifs au mode de scrutin pour présenter des articles alternatifs
relatifs au fonctionnement des conseils régionaux. Vous avez fait l'inverse :
vous supprimez les articles concernant les dysfonctionnement et vous n'amendez
que ceux qui visent le mode de scrutin. Voilà la contradiction ! Voilà
l'incohérence et l'inconséquence de votre attitude ! Je ne pouvais pas ne pas
vous le faire remarquer.
Vous avez avancé un autre argument, monsieur le rapporteur : « Le choix de la
circonscription électorale contribue à une politisation accrue des élections »,
écrivez-vous. Mais cet argument consiste tout simplement à vouloir nier le rôle
politique des conseils régionaux, au niveau tant de leurs acteurs que de leurs
compétences. Qu'il s'agisse de listes régionales ou de listes régionales à
sections départementales, pour reprendre votre proposition, elles sont toutes
présentées par des formations politiques. S'il est une assemblée territoriale
qui a une fonction éminemment politique...
M. Jean-Pierre Raffarin.
Politique ne veut pas dire partisane !
(Exclamations sur les travées
socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Claude Estier.
Ça vous va bien !
M. Guy Allouche.
Monsieur Raffarin, je ne m'attendais pas à ce que ce soit vous qui disiez cela
!
Enfin, la critique des seuils est pour vous sans appel. Vous affirmez que le
texte qui nous vient de l'Assemblée nationale a changé de nature et que
l'abaissement proposé faciliterait la représentation des extrêmes.
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'est vrai !
M. Guy Allouche.
Mais, mes chers collègues, n'avez-vous pas encore remarqué que les extrêmes
dont vous parlez sont déjà représentés dans les conseils régionaux et que leurs
scores électoraux dépassent de très loin le seuil proposé ?
M. Henri de Raincourt.
Hélas !
M. Henri de Richemont.
Grâce à vous ! Vous avez tout fait pour !
M. Paul Girod,
rapporteur.
C'est bien pour cette raison qu'il faut le remonter !
M. Guy Allouche.
Tiens, c'est bizarre... Nous n'avons pas changé le mode de scrutin ! Et c'est
à cause de nous que les dysfonctionnements se produisent ! On veut le changer,
et c'est encore à cause de nous que cela ne va pas marcher ! Dans tous les cas
de figure, nous sommes coupables !
M. Henri de Richemont.
Ben oui !
M. Guy Allouche.
Ce n'est pas nous qui avons pactisé avec l'extrême droite.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Henri de Richemont.
Nous non plus !
M. Guy Allouche.
Je ne mets pas tous les élus du RPR et de l'UDF dans le « même sac », si je
puis dire !
M. Henri de Raincourt.
Merci !
M. Guy Allouche.
Parmi eux, je connais d'éminents républicains. Mais j'en connais d'autres qui
n'hésitent pas et qui veulent continuer à pactiser avec l'extrême droite !
M. Henri de Richemont.
Moi, j'en connais qui ont tout fait pour pousser l'extrême droite.
M. Guy Allouche.
Depuis quarante-huit heures, certains de vos amis ouvrent les bras...
M. Dominique Leclerc.
Assez d'hypocrisie.
M. Henri de Richemont.
Avant 1981, il n'y avait pas d'extrême droite !
M. Guy Allouche.
... à une formation politique que j'exècre et que j'ai toujours combattue. Eux
sont prêts à l'accepter comme si elle était blanchie.
En fait, le nouveau texte approfondit l'esprit de la réforme. Il s'agit d'un
mode de scrutin proportionnel à deux tours, qui est désormais conforme à la
tradition française où la diversité s'exprime avant que les rassemblements
nécessaires à l'existence d'une majorité stable s'opèrent dans la clarté, la
transparence. Ainsi, l'électeur peut choisir en connaissance de cause.
L'objectif que l'on cherche à atteindre par ce projet de loi est respecté : il
s'agit de donner une meilleure légitimité aux régions, de garantir des
majorités stables au sein des assemblées, tout en préservant la représentation
des minorités, d'assurer une véritable lisibilité et une transparence pour le
citoyen.
M. Henri de Richemont.
Des mots !
M. Guy Allouche.
En quoi l'assouplissement des seuils contredirait-il l'objectif de
transparence ? C'est justement parce que tout sera clair pour le deuxième tour
- soit le maintien, soit la fusion - que la transparence sera assurée sans
attendre les manoeuvres, manoeuvres honteuses...
(M. Dominique Leclerc s'esclaffe)
connues de tous et que nous ne
cesserons jamais de condamner.
N'est-ce pas le président du RPR, M. Philippe Séguin, qui, déplorant cette «
honteuse exception française »...
M. Henri de Richemont.
Les modes de scrutin ?
M. Guy Allouche.
Il parlait des alliances.
M. Séguin a déclaré, voilà quelques jours, dans un hebdomadaire qui paraît le
jeudi et qui ferait l'événement de ce jour...
M. Paul Girod,
rapporteur.
On se demande quel peut être cet hebdomadaire !
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
Voilà le document ! Il est daté du 19 au 25 novembre 1998 !
(M. Allouche présente un document à ses collègues.)
Je vous cite le président Séguin.
M. Hubert Haenel.
Bonne lecture !
M. Guy Allouche.
« Un accord entre élus, ça ne peut se prendre que devant les électeurs. Donc
avant l'élection. Si on le passe après, sans avoir prévenu préalablement, il y
a tromperie sur la marchandise. » Sur ce point précis, M. Séguin parle d'or.
M. Henri de Richemont.
Toujours !
M. Guy Allouche.
Pour moi, sur ce point précis !
En quoi l'assouplissement des seuils affecterait-il le fonctionnement des
conseils généraux, dès l'instant où une majorité stable s'est dégagée grâce à
la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête ?
M. le rapporteur n'hésite pas à affirmer que le projet de loi dont le Sénat
est saisi en nouvelle lecture apparaît comme une « machine de guerre »
politique et électoraliste, susceptible de déboucher sur des compromissions, de
favoriser les intérêts de la majorité de l'Assemblée nationale et de constituer
un obstacle sérieux à l'alternance régionale. Voilà ce que vous écrivez,
monsieur le rapporteur ! Rien de moins que cela !
Une réflexion approfondie vous aurait conduit à constater que, contrairement à
ce que vous affirmez, en abaissant les seuils, le Gouvernement n'oblige
personne - j'y insiste - et en tout cas pas les composantes de sa majorité, à
s'unir au second tour. Il respecte leur autonomie de décision, puisqu'elles
pourront se maintenir, ce qui ne permettra pas, éventuellement, à la gauche
dite « plurielle » d'arriver en tête et de bénéficier de la prime lui assurant
une majorité stable.
M. Henri de Richemont.
C'est généreux !
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
La parcellisation que vous redoutez est un « plus » démocratique à partir du
moment où une majorité politique cohérente et stable s'est dégagée.
M. Henri de Richemont.
Le tout, c'est de nous empêcher d'avoir la majorité !
M. Guy Allouche.
Si la gauche se parcellise, la droite devrait s'en réjouir, elle dont nous
savons tous, et depuis longtemps, qu'elle est parfaitement unie au sein de
l'Alliance, dont les partenaires sont d'accord sur tout et en tous domaines, au
point de ne jamais rien négocier.
Pour ce qui est des compromissions que vous craignez, certains de vos amis
politiques n'ont pas attendu la réforme du mode de scrutin pour passer à
l'acte. Votre région, monsieur le rapporteur - j'en suis désolé, et je suppose
que vous le regrettez comme moi - est un triste exemple à cet égard. Nous
verrons d'ailleurs ce que feront les élus du RPR, de l'UDF et de Démocratie
libérale, dont la collusion avec le Front national est patente, lors des votes
des budgets des conseils régionaux. Ce qui s'est passé en Languedoc-Roussillon
n'est pas de très bon augure sur ce plan.
Si nous savons depuis longtemps que l'on ne combat pas l'extrême droite avec
le code électoral, il est tout aussi évident que ce n'est pas en pactisant avec
elle ou en reprenant ses thèses racistes et xénophobes qu'elle reculera.
Quant au mode de scrutin que vous proposez, et que je qualifierai une nouvelle
fois d'« usine à gaz », il est complexe et peu lisible. J'en veux pour preuve
la mixité du cadre électoral ; le fait qu'une liste minoritaire dans un
département puisse néanmoins se voir attribuer la majorité des sièges ;
l'instauration d'un double seuil pour le maintien au second tour, à savoir 5 %
à l'échelon départemental et 10 % à l'échelon régional. C'est vraiment très
difficile à comprendre, et j'avoue que je n'ai pas compris !
M. Henri de Richemont.
Vous ?
M. Guy Allouche.
Moi, je n'ai pas compris, mon cher collègue, et comme je pense être à l'image
du Français moyen...
M. Henri de Richemont.
Mais non !
(Sourires.)
M. Hubert Haenel.
Vous êtes mieux que cela !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Puis-je vous interrompre, mon cher collègue ?
M. Guy Allouche.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je suis navré de devoir vous interrompre, monsieur Allouche,
mais vous savez qu'en matière électorale les mathématiques sont une chose et
les préoccupations politiciennes une autre.
Vous dites que vous n'avez pas compris. Je crains que vous n'ayez tout
simplement pas trouvé la manoeuvre politique qu'il y avait derrière la fixation
de certains seuils.
M. Guy Allouche.
Non.
M. Paul Girod,
rapporteur.
En fait de manoeuvre, il y a la déclinaison d'un principe
simple : on ne peut pas représenter le peuple si l'on ne représente rien !
Telle est la réalité ! En vérité, dans cette affaire, en tout cas au niveau du
rapporteur - et je vous prie, monsieur Allouche, de m'en donner acte - il y a
jamais eu de conception partisane du système des seuils. Ce système, tel qu'il
est conçu, se veut le reflet de la représentativité républicaine.
Puisque vous avez cité ma région, je souhaite que vous me donniez acte d'autre
chose : dans mon département, où la majorité a changé dans un canton pour sept
suffrages, les choses se sont passées de manière telle que, même à l'échelon
national, nous avons été salués comme étant des républicains conséquents. Je ne
voudrais donc pas que quiconque lisant les débats qui se tiennent ce soir au
Sénat puisse déduire des propos que vous avez tenus sur ma région quoi que ce
soit concernant mon honneur.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le rapporteur, je vous en donne acte, bien entendu ! Pour le cas où
j'aurais été mal compris, j'indique qu'en aucun cas vous ni vos amis dans votre
département ne pouvez être mis en cause. Que les choses soient claires : j'ai
parlé de certains de vos amis politiques dans votre région.
Le système que vous proposez est difficile à comprendre. Il y avait plus
simple à proposer pour veiller à la juste représentation des départements. Nous
aussi nous sommes soucieux de voir les départements bien représentés ! Vous
auriez pu suggérer, par exemple, l'obligation pour chaque liste régionale de
respecter le nombre de candidats affectés à chaque département. Il est
impensable, en effet, qu'un département soit totalement absent d'une assemblée
régionale ; il y va de l'intérêt politique et électoral de chaque liste. En
réalité, votre système exprime la crainte de ceux qui sont atteints -
j'emploierai un néologisme - de « départementalite aiguë », et qui voient d'un
oeil sombre l'émergence croissante des régions.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Eh oui !
M. Guy Allouche.
Monsieur le rapporteur, vous qui reprochiez au Gouvernement, avec l'ensemble
de la droite, de ne pas avoir engagé une large concertation en vue de définir
un mode de scrutin acceptable par l'ensemble des formations politiques
républicaines, puis-je vous demander avec qui vous vous êtes concerté ?
Vos amis de la majorité sénatoriale ont découvert, comme nous-mêmes en
commission, votre proposition, et vous ne pouvez pas dire que vous avez été
unanimement suivi par les vôtres !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Pourquoi ne serions-nous pas pluriels, nous aussi ?
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
Certes, il est du rôle du rapporteur de formuler des propositions, mais, en la
circonstance, vous nous avez sorti ce mode de scrutin comme un magicien sort
une colombe de son chapeau !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Cela prouve que j'ai quelque talent !
M. Hubert Haenel.
Généralement, c'est un lapin que l'on sort du chapeau !
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
Je préfère la colombe, monsieur Haenel, c'est plus symbolique, et c'est la
paix !
En ce qui concerne le second volet du projet de loi, selon vous, l'institution
du vote bloqué à l'article 21 serait contraire à la libre administration des
collectivités territoriales, au motif qu'il dessaisit l'assemblée délibérante
en matière de vote du budget.
Vous feignez de ne pas comprendre que cette procédure n'intervient qu'à
l'issue d'un premier rejet du budget, donc après une première délibération. Le
nouveau budget proposé par le président ne peut être modifié que par des
amendements soutenus en première lecture et qui ne sont présentés qu'avec
l'accord du bureau. Le président qui est élu par l'assemblée délibérante, je le
rappelle, n'a donc pas un pouvoir absolu. Tout à l'heure, notre collègue
Patrice Gélard a employé le terme de « dictateur », me semble-t-il, en parlant
du président.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Nous en parlerons lors de la discussion des articles, car ce
n'est pas du tout cela ! C'est même le contraire !
M. Guy Allouche.
Oui, nous en discuterons à l'occasion de l'examen dudit article.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il s'agit de l'ancienne loi !
M. Guy Allouche.
Ce dispositif permet à la majorité sortie des urnes d'appliquer un budget qui
est conforme aux engagements pris devant les électeurs.
Le système est équilibré. Un ultime recours est prévu : si une majorité
absolue se dégage au sein de l'assemblée délibérante, elle a la possibilité de
présenter un budget alternatif, avec un accord sur celui, ou celle, qui sera
appelé à exercer la présidence.
Il ne suffit pas de se prononcer contre un budget. Encore faut-il être en
mesure d'en proposer un autre qui recueille l'assentiment de la majorité
absolue ! Il appartiendra alors au nouveau président d'assurer la bonne marche
de l'assemblée régionale, le tout s'effectuant dans la clarté et la
transparence grâce aux dispositions nouvelles.
Pour conclure mon propos, mes chers collègues, je dirai que le groupe
socialiste, qui approuve non pas le texte issu des travaux de la commission des
lois, mais le projet de loi, se félicite du fait que les conseils régionaux
pourront disposer de moyens juridiques leur assurant un fonctionnement
rationalisé.
La majorité sénatoriale, une fois encore, n'arrive pas à masquer ses
divergences et ses incohérences, tant il est vrai que l'on ne peut, dans le
même temps, dénoncer le malaise et les dysfonctionnements des conseils
régionaux et plaider pour l'immobilisme en condamnant, notamment, l'urgence.
Le nouveau mode de scrutin régional, qui s'inspire largement du scrutin
municipal, si décrié à l'époque et apprécié par tous aujourd'hui, adapté à la
situation politique des régions, est parfaitement conforme à la tradition
française. Il permettra l'expression des sensibilités politiques du pays, tout
en dégageant une majorité stable. C'est ce compromis entre deux exigences
démocratiques que nous approuvons.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Hubert Haenel.
Allouche est un bon avocat !
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat de
ce soir est intéressant et important, car nous savons tous qu'à l'arrière-plan
de cette discussion sur le mode de scrutin régional et sur le fonctionnement
des conseils régionaux trois questions de principe se profilent.
La première concerne l'avenir de la collectivité régionale, son efficacité et
la place qu'elle doit prendre dans le paysage institutionnel français.
La deuxième a trait à l'éternel débat sur le mode de scrutin le
meilleur,...
M. Hubert Haenel.
Les deux sont liées !
M. Daniel Hoeffel.
... et la tentation est grande, à ce propos, d'ouvrir le débat sur la justice
et l'efficacité qui peuvent se dégager de tel ou tel mode de scrutin et sur la
difficulté qu'il y a à concilier justice et efficacité.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention les intervenants précédents et
l'évocation, par certains d'entre eux, de modes de scrutin en vigueur dans
d'autres pays européens. J'ajouterai à ce propos que chaque pays a sa mentalité
et qu'à cette mentalité correspond une certaine conception des modes de
scrutin. Il y a toujours quelque risque à vouloir transposer chez nous ce qui
peut être valable à l'étranger compte tenu de notre mentalité latine quelque
peu particulière.
M. Guy Allouche.
Très juste !
M. Daniel Hoeffel.
Par ailleurs, nous avons expérimenté en France, tout au long de nos
républiques, quasiment tous les modes de scrutin possibles et imaginables. Nous
avons même expérimenté, sous la IVe République, un mode de scrutin qui
permettait aux candidats ayant recueilli le moins de voix d'être élus !
La troisième question de principe qui se profile derrière ce débat est celle
du mode de fonctionnement des conseils régionaux et, d'une manière générale, de
toute assemblée élue.
C'est dans ce contexte que nous abordons ce débat.
Je tiens à dire d'emblée qu'il convient d'exprimer notre reconnaissance au
rapporteur de la commission des lois, M. Paul Girod.
M. Hubert Haenel.
C'est vrai.
M. Daniel Hoeffel.
Sur ces sujets ô combien délicats, qu'il est nécessaire de dépassionner au
maximum - et nous avons pu constater, à travers les interventions que nous
venons d'entendre, que cet exercice est difficile - il s'est livré à un travail
sérieux, en ayant constamment la volonté d'être objectif et efficace. Vous ne
serez donc pas surpris, monsieur le ministre, qu'après avoir exprimé, en
première lecture, des positions quelque peu divergentes le groupe de l'Union
centriste approuve aujourd'hui pleinement les conclusions qu'il a
présentées.
En première lecture - j'y reviendrai rapidement car je ne veux pas prolonger
inutilement ce débat - j'avais exprimé une double position.
En premier lieu, il me paraissait logique que la circonscription régionale
soit la circonscription à l'intérieur de laquelle devaient se dérouler les
élections régionales, tant il est vrai qu'il est toujours difficile d'expliquer
à l'électeur de base que, pour l'élection régionale, c'est la circonscription
départementale qui est choisie.
En second lieu, nous avions exprimé notre préférence pour un scrutin à un tour
et nous vous avions mis en garde contre toutes les difficultés, toutes les
sombres tractations et les manoeuvres complexes qui apparaissent nécessairement
entre les deux tours d'une élection, quelle qu'elle soit.
Le choix de la circonscription régionale et d'un scrutin à un tour me
paraissait être un gage d'efficacité et une garantie pour l'émergence de la
collectivité régionale, à laquelle, personnellement, je crois profondément.
M. Auguste Cazalet.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Cela ne signifie pas pour autant - je veux, d'emblée, rassurer M. le président
de la commission des lois - qu'il convienne de jeter l'opprobre sur la
collectivité départementale, à laquelle notre pays doit beaucoup...
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
... et qui doit continuer à jouer son rôle.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Néanmoins, regardons l'avenir en face : l'émergence de la région est un
phénomène inévitable, irréversible, et j'y crois.
M. Jean-Pierre Bel.
Nous aussi !
M. Daniel Hoeffel.
Tels sont les arguments qui étayaient notre position lors de la première
lecture.
Mais nous en sommes, ce soir, à la nouvelle lecture et, je le répète, nous
pensons que l'idéal est un objectif auquel il convient de ne jamais renoncer.
Ce mode de scrutin idéal est encore lointain cependant il ne pourra être
atteint que par étapes.
Je salue, à cet égard, les avancées positives qui ont été faites par notre
rapporteur et qui vont incontestablement dans la bonne direction puisque, en
l'occurrence, c'est la circonscription régionale qui est choisie dans son
principe, les sections départementales étant néanmoins préservées. Ainsi, la
circonscription régionale est reconnue mais elle s'accompagne d'une répartition
équitable des sièges département par département. Concilier ces deux exigences
était un exercice difficile. C'est donc un pas qui va dans la bonne
direction.
L'autre élément du mode de scrutin régional - et nous pouvons le regretter,
compte tenu des propos exprimés lors de la première lecture - c'est le maintien
des deux tours. Mais, pour des raisons tout simplement réalistes, il fallait en
passer par là. En effet, la représentation proportionnelle étant maintenue,
tout le problème consistait à parvenir à une répartition juste des sièges, tout
en évitant les excès d'une proportionnelle poussée à l'extrême. En effet, la
proportionnelle n'est à la fois juste et efficace que dans la mesure où elle
est encadrée et où l'on en évite les à-coups. Tel est l'objet de l'opportune
proposition de la commission des lois.
En accordant une prime égale au quart des sièges à la liste arrivée en tête,
la proposition s'inspire du mode de scrutin qui est en vigueur dans les grandes
villes, tout en évitant le caractère pénalisant d'une prime trop forte, qui
irait en fin de compte à l'encontre d'une répartition équitable des sièges.
En préconisant de maintenir à 5 % des suffrages exprimés le seuil permettant à
une liste de fusionner avec une autre liste au deuxième tour, de fixer à 10 %
le minimum pour le maintien d'une liste au deuxième tour et à 5 % le seuil
permettant de participer à la répartition de sièges, M. le rapporteur évite les
listes marginales et donc une dispersion de la représentation qui irait à
l'encontre de l'objectif recherché. Compte tenu des progrès significatifs
intervenus entre la première et la deuxième lecture, je suis persuadé que la
commission et le Sénat contribueront à renforcer l'esprit régional et la
collectivité régionale.
S'agissant du second volet du texte qui nous est soumis et qui concerne le
fonctionnement des conseils régionaux, les choses me paraissent très claires :
dès lors que le mode de scrutin permet de dégager une majorité, il est inutile
de recourir à toute sorte d'artifices pour essayer de trouver des solutions aux
dysfonctionnements.
Le mode de scrutin tel qu'il est présenté permet incontestablement, dans
l'immense majorité des cas, de dégager spontanément une majorité. Dès lors, il
est inutile de recourir à un vote bloqué, voire à l'adoption sans vote du
budget de la région, ou de rendre publiques les réunions des commissions
permanentes.
Nous sommes pour une région par adhésion et non pour une région par défaut.
M. Hubert Haenel.
Très bien !
M. Auguste Cazalet.
C'est le bon sens !
M. Daniel Hoeffel.
Voilà pourquoi il était nécessaire que, en toute clarté, la commission des
lois et son rapporteur nous proposent de ne pas adopter toutes les dispositions
concernant le fonctionnement des conseils régionaux. Cette seconde partie du
texte tombera d'elle-même dès lors que nous nous serons efforcés, dans la
première partie, de trouver une réponse claire pour le mode de scrutin.
M. Guy Allouche.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel. C'est pourquoi, mes chers collègues, après mûre réflexion, après avoir lu attentivement les conclusions présentées par M. le rapporteur, après avoir écouté les prises de position en faveur de ce texte ou contre celui-ci, nous soutiendrons, en toute objectivité et d'une manière dépassionnée, les conclusions de la commission des lois du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) 5
NOMINATION DE MEMBRES
D'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
Je rappelle que la commission des affaires sociales et la commission des
finances ont proposé des candidatures pour deux organismes
extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par
l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Auguste Cazalet membre de la commission centrale de classement des débits
de tabac ;
- MM. Joël Bourdin et Louis Boyer membres titulaires, MM. Roger Lagorsse et
Jacques Machet membres suppléants du conseil supérieur des prestations sociales
agricoles.
Au sein de cet organisme extraparlementaire, je proclame en outre M. Joël
Bourdin membre titulaire et M. Roger Lagorsse membre suppléant de la section de
l'assurance des salariés agricoles contre les accidents du travail et les
maladies professionnelles.
Mes chers collègues, M. le ministre m'ayant fait part d'un impératif, nous
allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une
heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une
heures cinquante, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
CONSEILS RÉGIONAUX
Suite de la discussion d'un projet de loi
en nouvelle lecture
M. le président.
Nous reprenons la discussion en nouvelle lecture du projet de loi relatif au
mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de
Corse et au fonctionnement des conseils régionaux.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Masson.
M. Paul Masson.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, devant cette
assemblée composée de gens avertis, je donnerai mon sentiment sur le texte qui
nous est présenté. Je dirai sur le ton de la confidence, monsieur le ministre,
que nous allons pouvoir échanger quelques vérités. Cela ne fait de mal à
personne que de dire franchement ce que l'on pense, et je m'efforcerai donc de
le faire avec sincérité.
Il y a beaucoup à dire sur les régions, et l'on n'a guère réfléchi sur leur
fonctionnement, sur le passé, sur le petit miracle quotidien qui permettait que
l'on assumât la continuité des budgets et des programmes malgré les majorités
relatives issues d'un scrutin à la proportionnelle intégrale.
Il y a tant à dire sur le comportement de ces majorités relatives qui les
portèrent à bout de bras pendant dix ans que je suis, ce soir, confondu devant
la faiblesse du texte qui nous est transmis par l'Assemblée nationale et triste
de voir ravalé un tel débat au rang d'une médiocre opération où le cynisme et
l'hypocrisie affleurent.
Le discours lui-même est désinvolte et malhabile ; il est insupportable pour
ceux qui croient à la sincérité des échanges et qui n'admettent pas que l'on
prenne l'opposition pour un rassemblement de personnes qui ne comprennent pas
ou qui sont un peu demeurées.
Certes, chacun sait qu'aucun gouvernement ne propose innocemment une réforme
électorale : il ne s'agit pas, quand on réforme la loi électorale - et cela
vaut pour tous les gouvernements - de renforcer le camp de ses adversaires !
Certes, la loi électorale a toujours été l'instrument du pouvoir en place ;
mais, jusqu'ici, les gouvernements y mettaient les formes. Certains ministres
de l'intérieur assortissaient même le découpage qu'ils proposaient de telles
précautions que certains de leurs adversaires, certains élus de l'opposition
d'alors y trouvaient leur compte et une aisance nouvelle.
Aujourd'hui on ne peut pas dire, chers collègues, que le Gouvernement mette
des gants pour tenter de faire tomber dans la corbeille socialiste la
quasi-totalité des régions françaises lors de la prochaine consultation !
Je vous l'avoue, je suis étonné de cette méthode qui relève plus de la
stratégie guerrière que des concertations tant prônées et du système dans
lequel nous avons eu les uns et les autres l'habitude de nous mouvoir.
Je sais la gauche plurielle tellement attentive au message moral qu'elle veut
transmettre dans une démocratie transparente que je suis un peu étonné de
trouver dans ce texte des mesures relevant plus du bétonnage d'un pouvoir peu
assuré de sa pérennité que des leçons de civisme généreusement distribuées dans
les discours destinés à l'information générale de l'opinion !
Pourquoi ne pas dire que les dispositions qui nous viennent de l'Assemblée
nationale révèlent une désinvolture qui frise l'insolence ? Si le Gouvernement
devait cautionner définitivement une telle méthode, qu'il n'a d'ailleurs pas
approuvée dans son intégralité - je vous en donne acte, monsieur le ministre -
ainsi que de telles propositions, il apporterait une preuve du peu de
considération qu'il porte à l'expression du suffrage.
Dans la démocratie - vous le savez très bien - l'expression la plus parfaite
du suffrage tient dans la loi du nombre. Les Britanniques l'ont bien compris
qui, en un tour, font émerger le meilleur, c'est-à-dire celui qui a le plus de
voix.
Nous avions au moins la chance, dans le statut régional, qu'il n'y ait qu'un
tour. Et un certain souci de clarté, semble-t-il, comme le dit excellemment
notre collègue Guy Allouche, nous a conduits à retrouver pour ce scrutin les
vertus des deux tours, sans doute parce que le deuxième tour favorise les
mariages de raison et les rapprochements d'opportunité. Soit ! Mais pourquoi
faut-il ajouter à ces considérations qui entrent dans notre jeu démocratique
cette dose de cynisme qui conduit à favoriser la multiplication des appétits
pour ensuite se mieux répartir les plats ?
M. Auguste Cazalet.
Bravo !
M. Paul Masson.
Orienter le suffrage en sollicitant l'arithmétique électorale afin de
fabriquer des majorités minoritaires laisse toujours des traces. Rappelez-vous,
monsieur le ministre, les apparentements dont parlait tout à l'heure notre
éminent collègue Daniel Hoeffel, apparentements qui étaient chers aux majorités
de la IVe République. Il s'agissait alors de restreindre, à gauche comme à
droite, l'influence de certains courants populaires qui dérangeaient les
pouvoirs installés. Il s'agissait aussi de conforter ces vieux partis qui
rassemblaient, dans le pluriel de leurs intérêts, leurs forces affaiblies pour
partager les moyens d'un pouvoir immobile.
On arrivait alors à proclamer élus des battus du suffrage universel :
merveilleuse alchimie qui laissait le peuple pantois, pantois jusqu'à
l'écoeurement.
Vous savez ce qu'il advint de ce système. Il y eut déjà, alors, l'émergence
d'un extrémisme dur, qui contestait le fondement républicain de notre
démocratie ; il y eut, finalement, l'effondrement du système dans l'impuissance
et le discrédit.
D'abord, pouquoi l'urgence sur un texte qui n'en comporte aucune, puisque
l'élection prochaine aura lieu dans six ans ? N'allez pas nous dire que le
système qui a été inventé il y a dix mois empêche les exécutifs locaux de
fonctionner !
Certes, le budget d'une région - une région que je connais bien, monsieur le
ministre - a été établi par le préfet. Mais chacun sait que la censure de la
chambre régionale des comptes, dont cette majorité nouvelle fit les frais, est
due à une mauvaise utilisation du texte et à une maladresse de l'exécutif.
Le Gouvernement est-il donc si pressé de redresser un texte à peine vieux de
dix mois et de bétonner encore, à cette occasion, le dispositif resserré dans
lequel il enferme et sa majorité et ses oppositions ?
Sur cette affaire, le Gouvernement aurait pu laisser entre les deux assemblées
une fructueuse concertation s'instaurer. Il aurait fallu pour cela qu'il n'y
ait pas l'urgence, et je suis certain que nous serions arrivés alors à un
accord : nous sommes habitués à ce genre d'exercice et nous avons donné, dans
le passé, des dizaines de preuves du bien-fondé de cette procédure. Pourquoi ne
pas l'avoir utilisée ?
Pourquoi avoir voulu renforcer ce que l'on appelle le « 49-3 », qui n'est pas
conforme, M. le rapporteur le dit excellemment depuis longtemps, aux principes
régissant les collectivités, des collectivités qui, vous l'avez rappelé et je
me dois de le faire à mon tour, sont librement administrées par des conseils
élus ? Le Conseil constitutionnel aura d'ailleurs, à un moment ou à un autre, à
dire si vraiment cet article 49-3 est compatible avec la libre expression des
conseils élus par le suffrage universel.
Fallait-il, neuf mois après, renforcer ce dispositif, le bétonner un peu plus
par un article 21 qui permet d'imposer non seulement le budget mais aussi deux
collectifs à l'assemblée ?
Le pouvoir régional en place se sentirait-il si fragile ? Craignez-vous, dans
les années à venir, que tous ces courants de pensée divergents ne risquent, à
la fin, de s'écarter du gros de la troupe - tout du moins une de ses
composantes - parce qu'il faudra bien, à un moment ou à un autre, que les
exécutifs gèrent, qu'ils parlent des programmes, des projets, des plans, qu'ils
sortent de la logomachie pour en arriver aux faits ?
Les citoyens des régions n'ont pas élu leur majorité pour entendre des
discours et il faudra bien, à un moment ou à un autre, parler réalité ! Est-ce
à ce moment-là que certains craignent de voir s'écarter du troupeau tel ou tel
de ceux qui se sont rassemblés à un moment déterminé pour s'emparer du pouvoir
?
Faut-il donc qu'il y ait un dispositif resserré pour rester dans ce pouvoir et
le consolider ? Faudra-t-il, par le jeu de « 49-3 » à répétition, que soient
gelées à l'avenir toutes les positions pour éviter la libre expression des
votes ?
Comment ont fait, pendant dix ans, les majorités relatives issues de cette loi
à la proportionnelle qui n'a pas été modifiée depuis que le Président de la
République d'alors, François Mitterrand, l'a imposée en 1986 ?
N'ont-elles pas accepté, ces majorités relatives d'alors, les alliances d'un
soir contre elles, les votes de circonstance où Front national, socialistes et
communistes ont mêlé leurs voix ?
(M. le ministre proteste.)
Si, monsieur le ministre ! Je vous vois faire des signes de dénégation
muette, mais je vous précise qu'à vingt-deux reprises - je les ai inventoriées
! -, dans la région Centre, socialistes, communistes et Front national ont mêlé
leurs voix pour battre la majorité relative, qui n'en a pas fait pour cela un
drame et qui n'a pas rempli les journaux de ses protestations !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. Henri de Richemont.
Il a raison !
M. Paul Masson.
Il faut dire les choses honnêtement !
Je ne suis pas flatté d'avoir à révéler ce qui paraît être une surprise pour
vous, et vous pourrez vérifier. Mais j'aurais préféré que ce constat vint de
ceux qui passent aujourd'hui tant d'heures à la télévision pour dénoncer ces
alliances hypocrites ou contre nature...
C'est vrai, nous avons accepté d'être battus par des votes de rencontre, mais
nous en avons fait notre affaire et nous avons mis sur le métier d'autres
procédures, nous avons joué le jeu. C'était difficile, c'était ingrat, mais il
n'y avait pas là matière à bouleverser un système et à imposer finalement à la
majorité et à l'opposition un corset sous lequel, effectivement, il n'y a plus
rien d'autre à faire sauf à admettre que, pendant six ans, il n'y aura plus de
vraie expression de la libre volonté de la gestion des collectivités par
elles-mêmes.
Je crois qu'il faut réformer la loi électorale, je crois qu'il faut corriger
les effets de la proportionnelle intégrale qui a été voulue par un gouvernement
socialiste. Il faut trouver des majorités vraies pour donner aux régions à la
fois leurs assises et leur vocation.
Mais l'Assemblée nationale a « bricolé » un dispositif cynique et dont les
effets attendus n'honorent pas ceux qui le préconisent. Ce projet est partisan.
Ce projet accentue le fossé entre l'électeur et l'élu.
M. Henri de Richemont.
C'est très vrai !
M. Paul Masson.
En abaissant de 5 % à 3 % le seuil d'admission à la répartition des sièges, et
de 10 % à 5 % le seuil d'accès au deuxième tour, votre majorité n'a eu d'autre
objectif que de multiplier l'apparition de listes sectorielles et de favoriser
au deuxième tour les triangulaires, voire les quadrangulaires.
Le Gouvernement a laissé faire cette manipulation.
Chacun comprend que, derrière cette astuce, il y a le souci de fournir à vos
partenaires le ciment du pouvoir. Pour obtenir un siège régional, il faudra
demain adhérer à cette « société à responsabilité limitée » qui regroupera les
contraires. L'essentiel sera de se trouver autour de la table.
Vous aurez rassemblé ainsi ceux qui veulent les routes et ceux qui veulent les
trains, ceux qui espèrent réguler les fleuves et ceux qui les aiment sauvages.
Pour quelques sièges, vous aurez donné des voix à certains défenseurs des
produits du terroir ou encore, pourquoi pas, aux indépendantistes marginaux de
nos provinces frontières.
Peu importe le contenu, pourvu qu'on ait le flacon !
Mais prenez garde : six ans, en politique, c'est long ! Sur votre chemin, vous
aurez aussi, monsieur le ministre, je vous le dis, vos catégoriels. J'en vois,
à la veille de ces fêtes, quelques-uns qui se préparent et qui pourraient sans
doute, en exploitant les veines inépuisables du populisme, provoquer dans vos
rangs quelques surprises.
Cependant, en tout état de cause, vous aurez réussi à multiplier les
triangulaires, fidèle en cela à l'héritage de M. François Mitterrand. Vous
poursuivrez ainsi vos rapports ambigus avec le Front national.
M. Henri de Richemont.
Bravo !
M. Paul Masson.
Vous savez que 71 triangulaires au deuxième tour des élections législatives de
1997 vous ont permis d'obtenir la majorité des sièges à l'Assemblée nationale,
et donc le gouvernement.
Vous voulez reproduire et amplifier, aux prochaines élections régionales,
cette situation qui vous a si bien servis. Pourquoi ne pas le dire dans la
sérénité de ce débat de ce soir, votre majorité a fait, en cette matière, la
preuve - je le répète - de son incroyable cynisme en creusant ainsi le lit de
l'extrême droite.
Cela ne l'empêche pas de proposer à la minorité nationale ce qu'elle appelle «
l'arc républicain » lors de chaque confrontation avec le Front national.
Vous multipliez - et il est là, votre cynisme - les occasions pour le Front de
s'affirmer dans toutes les élections et vous lancez, comme M. Hollande l'a
encore proposé il y a quelques jours, des appels au RPR ou à l'UDF pour que nos
élus votent avec la gauche afin de repousser les budgets de quatre régions où
la droite et le Front national votent ensemble.
M. Hollande déclare que nous « blessons la République ». Mais qui blesse la
République,...
M. Henri de Richemont.
Eux !
M. Paul Masson.
... sinon ceux qui multiplient les occasions pour le Front d'être
représentatif et qui diversifient son influence même là où il recueille peu de
voix ?
Vous aurez alors dans chaque conseil régional des frontistes, et vous aurez
ensuite dans les conseils d'administration des lycées des chahuts organisés par
ceux qui protestent contre leur présence.
Il y a, derrière ce texte, un calcul : vous spéculez sur les tentations
locales de rapprochement entre la droite républicaine et le Front à l'occasion
des prochaines élections. Vous maintenez ainsi le Front en position d'arbitre,
tout cela en proclamant qu'il faut réduire son impact.
L'Assemblée nationale avait une excellente occasion de prouver la sincérité de
vos déclarations et de vos intentions.
En agissant à l'inverse de vos déclarations, vous laissez une fois de plus se
dévoiler votre stratégie.
Ainsi se met en place un système dans lequel tout pouvoir sera à gauche, parce
que vous savez notre attachement à l'expression républicaine de notre
démocratie et que vous spéculez bien sur cette division, que vous voulez
longue, certaine, appuyée, de ceux qui ne votent pas à gauche.
Eparpiller les voix, favoriser les compromis autour du pouvoir, pérenniser
l'extrême droite, tout cela n'a d'autre finalité que de rendre plus difficile
le combat électoral de demain. Vous fabriquez des ressentiments. On ne peut pas
tromper tous les électeurs tout le temps !
J'ajoute que votre projet creuse inutilement le fossé entre l'électeur et
l'élu. Vous prévoyez une circonscription électorale agrandie, vous veillez à
séparer les conseils généraux et les conseils régionaux. Je crois que vous
normalisez les excès auxquels vous nous proposez d'adhérer.
Quand vous aurez fait la démonstration de cette hypocrisie, vous aurez, je
crois, réussi clairement à montrer à l'opinion les limites de votre
sincérité.
Je n'impute pas au Gouvernement la totalité de ces excès ; les propositions
initiales du projet de loi étaient différentes. Vous avez émis des réserves sur
certaines des dispositions qu'il contient. Si vous ne voulez pas que ce texte
passe à la postérité comme une machine de guerre montée contre la démocratie
authentique, il vous est encore possible de faire revenir votre majorité à des
pourcentages plus proches de l'objectivité.
La concertation, la recherche permanente des grands compromis, ceux qui
rassemblent les démocrates sincères, sont, je crois, un des fondements de la
politique que M. le Premier ministre exprime à de nombreuses occasions. Il y a
là, monsieur le ministre, une belle occasion de prouver cette volonté
gouvernementale en dehors des mots. Il vous reste encore la chance du retour à
l'Assemblée nationale de ce texte après le refus qui y sera opposé par la
majorité du Sénat, et il vous restera une occasion de retrouver une relative
mesure dans l'excès auquel nous sommes confrontés.
Je vous prie, monsieur le ministre, de saisir cette occasion. Nous serons
peut-être plus convaincus de la véracité des déclarations du Gouvernement
lorsqu'il convie à la concertation. Ce texte, c'est le contraire de la
concertation. C'est imposer une volonté cassante, brutale, désinvolte, à une
minorité nationale, qui a toute sa place dans le débat et qui ne comprend pas
qu'on veuille ainsi la marginaliser, la cantonner dans un rôle de prête-nom et
dans un dispositif statique.
Lorsque M. le président de la République déclarait à Rennes la semaine
dernière : « La démocratie n'a plus de sens quand l'imbrication des pouvoirs
rend impossible l'identification des responsables... Les Français aspirent à
plus de visibilité. Ils veulent savoir où sont prises les décisions qui les
concernent, comment sont dépensés les prélèvements dont ils s'acquittent. Ils
veulent savoir à qui demander des comptes. »
Dans le système qui est proposé, et qui risque de s'imposer pendant six ans
dans les régions, les Français y verront encore moins clair, les cartes seront
encore un peu plus brouillées, les pouvoirs seront plus lointains et anonymes.
Les régions n'auront pour le peuple qu'une signification technocratique. Les
appareils politiques distribueront les fauteuils aux militants les plus
engagés.
Bref, cette loi intrinsèquement perverse aura à cet égard les effets tant
redoutés d'une opinion qui se détache de la démocratie, de notre République, et
qui ne considérera pas que son devoir de citoyen est de faire un choix
lorsqu'il y a une élection. L'abstention s'accroîtra, avec tout ce qu'elle
porte en elle de menaces pour l'avenir.
Monsieur le ministre, tout n'est pas encore joué. Il vous reste, à l'Assemblée
nationale, à imposer à votre majorité - si vous le voulez - plus de modération
dans la prise du pouvoir régional.
Un réflexe de sagesse, de mesure, de pondération vous conduira à ne pas
laisser le Gouvernement s'enferrer dans des choix partiaux et sectaires que
pourrait vous imposer votre majorité plurielle.
Demain, nous tirerons la leçon de ce que nous aurons à mesurer dans les jours
qui viennent. L'urgence nous frappe dans son injuste privilège qui conduit
l'Assemblée nationale à éviter d'ébaucher les contours d'une négociation avec
le Sénat. Si, par surcroît, le Gouvernement couvrait de son accord la
partialité des pourcentages, je crois qu'alors nous aurions compris qu'entre
les mots et les faits il y a, pour le Gouvernement comme pour sa majorité, le
fossé considérable qui sépare l'apparence de la réalité.
Nous voterons contre ce projet de loi, monsieur le ministre, nous voterons
pour le rapport, et j'en profite, mes chers collègues, pour remercier ici notre
collègue Paul Girod de la persévérance avec laquelle il a porté, depuis des
mois, ce dossier pénible, insupportable et même désagréable.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste. - M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'il devait
en l'état acquérir force de loi, le texte gouvernemental tendant à la
modification du scrutin pour l'élection des conseillers régionaux amènerait
inévitablement une forte régression de la représentation des parties de
territoires régionaux moins peuplées que les grands centres urbains. Chacune et
chacun ici l'admettra, je pense. Je constate d'ailleurs que tous les orateurs
qui se sont succédé à cette tribune et qui ont évoqué la question n'ont pas
démenti cette évidence.
C'est précisément pour remédier à ce grave inconvénient que le rapporteur de
la commission des lois, auquel je tiens à rendre hommage, pour la qualité du
travail accompli, a bâti une proposition fondée sur l'idée de sections
départementales.
Je souhaite évidemment que cette proposition devienne loi, mais, si tel
n'était pas le cas, alors, en Rhône-Alpes, par exemple, le déséquilibre entre,
d'une part, des secteurs périphériques tels les deux départements savoyards et,
d'autre part, les grandes agglomérations de Lyon, de Saint-Etienne ou de
Grenoble serait aggravé.
Comme l'a fort justement annoncé tout à l'heure M. le rapporteur, Rhône-Alpes
serait l'une de ces circonscriptions où votre réforme, monsieur le ministre,
aurait les plus profondes répercussions sur la cohésion régionale.
Le déséquilibre que je viens d'évoquer entre grandes agglomérations et
départements périphériques est, hélas, dans l'ordre des choses dans cette
région Rhône-Alpes, qui, par son étendue et la diversité de ses territoires, ne
permet pas autant que nous le voudrions la prise en compte des problèmes
spécifiques d'une région frontalière et montagneuse.
Faut-il le rappeler, l'engagement comme la qualité du travail des élus des
deux départements pour la région ne sont, bien évidemment, pas en cause ?
On avait bien pressenti ce déséquilibre dès l'origine puisque, en 1972,
l'opportunité de créer une région Savoie avait été envisagée.
L'Entente régionale, qui associe les conseils généraux des deux départements,
s'est prononcée favorablement, au cours de la réunion de son conseil
d'administration du 23 juin 1997, sur la nécessité de créer une région dans le
cas où les conseillers régionaux seraient élus dans le cadre d'une
circonscription régionale unique.
Ce lundi 23 novembre, le conseil général de la Haute-Savoie - au sein duquel
j'ai l'honneur de siéger - a pris position pour que, en cas de changement de
mode de scrutin, et dès lors que la représentation de ce département ne serait
plus suffisamment assurée en Rhône-Alpes, soit ouvert un débat sur
l'opportunité de créer une région Savoie.
Je voudrais, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
répondre à la Haute Assemblée, comme aux membres du Gouvernement, qui
pourraient légitimement s'interroger sur la pertinence de ce redécoupage
régional.
A l'origine, la Haute-Savoie a accepté d'être intégrée dans le vaste ensemble
rhônalpin - qui ne correspond à aucune logique historique, culturelle ou
économique - parce que sa représentation y était assurée.
Tel ne sera, hélas, pas le cas demain si le Parlement adopte la réforme
gouvernementale.
Aujourd'hui, les départements savoyards comptent un peu plus d'un million
d'habitants, c'est-à-dire plus que la Corse et le Limousin, et autant que la
Franche-Comté, autre région frontalière, dont le découpage respecte, lui, les
réalités historiques et géographiques. J'ajoute qu'une région Savoie compterait
autant de départements que la région Alsace ou la région Nord -
Pas-de-Calais.
A ceux qui objecteront que nos régions doivent atteindre une dimension
minimum, qui soit, comme l'on dit, « à l'échelle européenne », je répondrai que
les régions françaises, quelle que soit leur taille, ne peuvent être comparées
à celles des Etats fédéraux voisins, car, précisément, leurs compétences
respectives ne sont pas comparables ; j'ajouterai que notre pays n'a jamais
choisi entre grandes et petites régions et que, enfin, la Sarre, Brême, le Val
d'Aoste, le Trentin et le Frioul sont moins peuplés que les deux départements
savoyards réunis.
Ceux-ci éprouvent précisément le besoin de développer des partenariats avec
les régions italiennes du Piémont et du Val d'Aoste, ainsi qu'avec les cantons
suisses, partenariats nécessaires pour surmonter les handicaps liés aux
particularismes de la montagne, comme pour gérer les échanges transfrontaliers
et les spécificités touristiques et agricoles, environnementales,
universitaires et culturelles de cette région alpine.
Or, à l'évidence, Rhône-Alpes, dont le centre de gravité est à Lyon,...
M. Michel Mercier.
Ça, c'est vrai !
M. Jean-Paul Amoudry.
... dont les objectifs sont orientés sur le rayonnement européen de cette
grande métropole et dont les yeux sont tournés vers la Catalogne, la Lombardie
ou encore le Bade-Wurtemberg, n'a pas naturellement vocation à encourager ces
partenariats de voisinage.
L'amendement déposé par nos collègues députés savoyards et haut-savoyards
tendant à créer une région Savoie n'a pu être examiné en raison d'une
interprétation stricte de l'article 40 de la Constitution ; le Parlement se
voit du même coup, sur un tel sujet, privé non seulement de la possibilité de
légiférer sur l'organisation administrative du pays, mais encore de la simple
faculté d'ouvrir le débat sur cette question !
Il appartient dès lors au Gouvernement de prendre l'initiative, ce que,
monsieur le ministre, j'ai l'honneur de vous demander, en vous priant, si le
texte sénatorial n'était pas adopté, de bien vouloir engager la procédure de
consultation préalable au redécoupage régional en Rhône-Alpes.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
La discussion générale est close.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai pris connaissance des interventions qui
ont été prononcées cet après-midi et j'ai écouté attentivement celles de ce
soir.
En premier lieu, je voudrais répondre à M. Gélard pour lui indiquer que, si le
Gouvernement a déclaré l'urgence, le débat est entamé devant le Parlement
depuis le mois de juin dernier ; si l'Assemblée nationale n'a pu examiner les
propositions du Sénat, ce n'est pas de son fait, ni le fait du Gouvernement.
Il ne m'appartient pas de juger de l'opportunité de la question préalable que
le Sénat a choisi d'adopter, alors que la commission des lois du Sénat avait
pourtant beaucoup travaillé sur ce texte. Mais le Gouvernement n'est pas
comptable du choix arrêté alors par le Sénat.
M. Patrice Gélard.
Si !
M. Paul Masson.
Il est comptable de l'urgence !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Vous avez évoqué la question
des seuils retenus par l'Assemblée nationale pour le mode de scrutin.
M. Hoeffel, se rapportant à la grande tradition du droit électoral, rappelait
qu'il faut toujours concilier la justice et l'efficacité. L'efficacité sera
atteinte par la prime majoritaire, qui permettra de définir des majorités de
gestion.
A partir de là, l'Assemblée nationale a estimé qu'une plus grande latitude
était permise pour faire place à la justice dans la représentation des
suffrages. Il n'est pas choquant à mes yeux que le Parlement ait le dernier mot
en matière de mode de scrutin.
M. Hoeffel a également soutenu le principe proposé par M. le rapporteur du
Sénat de listes régionales avec sections départementales. Je ne puis que
rappeler la grande complexité du système proposé. De plus, il aboutirait à
permettre à des listes minoritaires en voix de devenir, dans tel département,
majoritaires en sièges.
M. Henri de Raincourt.
Comme à Marseille, aux dernières municipales !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
L'objectif poursuivi, à savoir
la représentation de tous les départements, y compris de ceux dont la
population est faible, sera atteint tout simplement parce que les élections se
gagnent souvent en fonction de la valeur ajoutée marginale.
Faisons confiance aux formations politiques pour constituer des listes
équilibrées. Sinon, la sanction du suffrage universel serait rapide, n'en
doutons pas.
L'Assemblée nationale a souhaité faire une application anticipée de la réforme
constitutionnelle portant sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
et fonctions.
Il me semble qu'après le débat national sur cette question et l'évolution des
esprits, après le vote en première lecture par l'Assemblée nationale de la
réforme constitutionnelle, les choses ne seront plus comme elles étaient en
1982.
Enfin, l'opportunité de définir une procédure dérogatoire budgétaire a été
contestée.
Observez à ce propos le nombre de conseils régionaux ne disposant que d'une
majorité relative.
M. Paul Masson.
Ce n'est pas nouveau !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
L'expérience montre que la loi
du 7 mars 1998 n'est pas totalement satisfaisante. Tirons-en les leçons ! Ce ne
serait l'intérêt de personne que de laisser fragiliser les régions.
Cette procédure écrite, précisée, mieux définie est nécessaire et urgente.
Je vous ai enfin entendu, monsieur Masson, dans un propos assez « musclé »,
parler d'insolence, de cynisme. Cela me conduit quand même à vous rappeler
qu'un texte, selon vous plus acceptable, a été rejeté d'un simple revers de la
main par la majorité du Sénat. Pourtant, la question des seuils que vous
évoquez n'était point posée dans les mêmes termes.
Par ailleurs, vous évoquez l'hypothèse d'un accord possible entre le Sénat et
l'Assemblée nationale.
M. Paul Masson.
Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Je vous en prie, monsieur le
sénateur.
M. le président.
La parole est à M. Masson, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Paul Masson.
Monsieur le ministre, vous refaites l'histoire récente et vous nous dites : «
Si vous avez ces pourcentages qui vous paraissent insupportables, vous ne le
devez qu'à vous ! »
Monsieur le ministre, dois-je rappeler que la loi qui nous préoccupe, et qui
vous amène à constater que les exécutifs régionaux sont fragiles, est issue
d'une majorité socialiste.
Pourquoi dire aujourd'hui : « Vous avez ce que vous méritez ? » alors que,
pendant dix ans, nous nous sommes acharnés à faire fonctionner un système
difficile et que, vous constatez aujourd'hui, parce que vous venez de prendre
possession de deux ou trois exécutifs supplémentaires, que ce qui était
possible du temps de la majorité d'alors devient radicalement impossible du
temps où la gauche s'empare du pouvoir.
Est-ce une prémonition, monsieur le ministre, ou bien simplement une absence
de mémoire ?
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur, je ne
vais ni dialoguer, ni polémiquer.
Certes, le mode de scrutin, non pas de 1983, mais de 1985, qui a instauré la
proportionnelle intégrale départementale, dans une situation politique qui
n'était pas tout à fait la même que celle que nous vivons aujourd'hui...
M. Paul Masson.
Ah bon ?
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Messieurs les sénateurs, je
n'en veux pour preuve que le fait que les problèmes qui se posent aujourd'hui
ne se posaient pas alors, y compris quand vos amis dirigeaient - je ne dis pas
« possédaient » parce que nous sommes en République - l'intégralité des
exécutifs régionaux.
Je me permets d'ajouter, monsieur Masson, que la majorité précédente, que vous
étiez censé soutenir, a essayé de changer le mode de scrutin et qu'elle n'est
même pas parvenue à dégager, en son sein, un accord pour le faire. Je rappelle
aussi que ce n'est pas si ancien !
Qu'un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur ce sujet n'ait pas
été possible à l'époque, que votre majorité de l'époque n'ait pas pu trouver
les voies et moyens pour changer un mode de scrutin qu'elle contestait,
fournit, je pense, la démonstration que, dans ces matières, les accords ne sont
pas simples à trouver.
Je veux aussi répondre, vraiment sans aucun esprit polémique, à un autre de
vos propos qui étaient tout de même, sinon musclés, comme je le disais tout à
l'heure, tout au moins francs. Il n'y a jamais eu collusion entre la gauche et
l'extrême droite.
M. Auguste Cazalet.
Allons ! A d'autres !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
... pour faire élire un
président de gauche contre une majorité relative de droite.
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. Paul Girod,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Et M.
Soisson ?
M. Henri de Richemont.
Ce n'est pas vrai !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Aux dernières élections
régionales, la gauche n'a pas présenté de candidat à la présidence d'une région
quand la droite avait la majorité relative.
M. Michel Duffour.
Très bien !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
La réciproque ne fut pas
vérifiée, à tel point que certains de vos amis ont dû courageusement, notamment
dans la région Centre, démissionner, quand d'autres se sont égarés et
disqualifiés définitivement dans quatre régions.
M. Guy Allouche.
Monsieur le ministre, il faut souligner le courage de notre collègue M.
Humbert, qui a fait ce qu'il fallait.
(M. Bret applaudit.)
M. Jean-François Humbert.
Merci.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Effectivement, dans la région
Franche-Comté, la gauche ne s'est pas compromise, elle, avec l'extrême
droite...
Je remercie maintenant MM. Duffour et Allouche d'avoir souligné qu'il y a
intérêt à trouver des solutions pour que la loi soit plus précise et mieux
écrite. Je leur sais gré du soutien qu'ils apportent au projet de loi.
Des régions gouvernables, des majorités de gestion clairement dessinées, la
juste représentation des courants politiques... tel est le seul objet de la
réforme du mode de scrutin. Et, en attendant qu'il prévale, un mécanisme simple
permettra d'adopter les budgets dans les conseils régionaux en difficulté. De
tout cela ne peut sortir qu'un renforcement de la démocratie et des régions.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Au nom du groupe du RPR, je demande une suspension de séance d'une dizaine de
minutes, en raison de certains propos que vient de tenir M. le ministre.
M. le président.
Le Sénat va faire droit à cette demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-deux
heures cinquante.)
M. le président.
La séance est reprise.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, pendant la suspension de séance, nous avons examiné la
déclaration qu'a faite M. le ministre.
Cette déclaration est inquiétante pour plusieurs raisons.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Patrice Gélard.
D'abord, c'est la première fois qu'un ministre se permet délibérément
d'affirmer que l'on peut passer outre à l'Etat de droit et à la supériorité de
la Constitution.
(Protestations sur les travées socialistes.)
C'est la première fois qu'un ministre estime que le texte constitutionnel
tel qu'il est examiné par l'Assemblée nationale est d'ores et déjà définitif.
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
C'est la première fois qu'un ministre se permet de passer ainsi outre aux
droits du Sénat en matière de révision constitutionnelle, tels qu'ils sont
prévus par l'article 89 de la Constitution, et qu'il estime que le texte
constitutionnel passe après la volonté politique du Gouvernement !
Je trouve que ce comportement n'est pas conforme à l'Etat de droit. Il n'est
pas conforme à notre démocratie. Il n'est pas conforme aux règles de la
souveraineté nationale. Il n'est tout simplement pas conforme à la tradition
républicaine !
M. Paul Masson.
Très bien !
M. Patrice Gélard.
En conséquence, je demande que le ministre retire ce qu'il a dit tout à
l'heure, sinon je ferai maintenir l'intégralité de ma déclaration au
procès-verbal.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Mon cher collègue, votre déclaration figurera de toute façon au
Journal
officiel.
Je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AU MODE D'ÉLECTION
DES CONSEILLERS RÉGIONAUX ET DES CONSEILLERS
À L'ASSEMBLÉE DE CORSE
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Au premier alinéa de l'article L. 336 du code électoral, les
mots : "pour six ans" sont remplacés par les mots : "pour cinq ans". »
Sur l'article, la parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Un empêchement majeur ne m'a pas permis d'être parmi vous tout à l'heure. J'ai
néanmoins suivi les propos du ministre et je voudrais faire part de mon grand
étonnement devant l'attitude qui nous a été exposée tout à l'heure, s'agissant
notamment de l'article 1er.
Monsieur le ministre, on nous dit qu'on veut renforcer les régions, que
celles-ci correspondent à un échelon de décision important pour régler les
problèmes qui sont posés au pays. M. le Président de la République l'a confirmé
dans un excellent discours, à Rennes, un discours fort, donc qui a été
entendu.
Partout se développe dans l'idée selon laquelle la région est finalement au
coeur d'un partenariat important, notamment en matière de
contractualisation.
M. Henri de Raincourt.
Eh oui !
M. Jean-Pierre Raffarin.
La région va donc être, avec les départements, les communautés de communes,
l'Etat, l'Europe, un acteur majeur de la contractualisation jusqu'en 2006.
Au moment où l'on allonge la période de travail fixée par cet acte majeur pour
l'action régionale qu'est le contrat de plan, on réduirait la responsabilité
des élus en ne leur accordant qu'un mandat de cinq ans ?
Aujourd'hui, dans une région française moyenne, savez-vous, monsieur le
ministre, que la contractualisation représente pratiquement 40 % du budget
annuel si l'on prend en compte et l'Etat et la région ? Comment voulez-vous
que, pour un acte majeur de la sorte, les élus engagent leur responsabilité sur
cinq ans pour un travail planifié sur six ou sept ans ?
Il faut choisir ! Si vous laissez des mandats régionaux de six ans, alignez
les contrats sur la même période, ou réduisez les deux à cinq ans. Mais vous ne
pouvez pas ne pas harmoniser cet acte majeur pour une collectivité que
constitue la contractualisation avec la durée des mandats ! Sinon, je me pose
la question : dans ce projet de loi, la volonté du Gouvernement de renforcer
l'échelon régional est-elle sincère ? J'ai vraiment le sentiment que tel n'est
pas le cas. D'un côté, il dit « oui » à la région, mais, de l'autre côté, il la
fragilise en n'accordant pas aux élus un mandat leur permettant d'assumer leur
responsabilité première qui est celle de la contractualisation.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
Par amendement n° 4, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
supprimer l'article 1er.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur de la commission des lois.
Notre collègue Raffarin vient de
dire, avec toute son expérience de président de région et de président de
l'Assemblée des présidents de conseils régionaux, à quel point il était
incohérent d'avoir deux
timing
- excusez-moi pour l'anglicisme - disons
deux cadences...
M. Jacques Legendre.
Oui, c'est mieux !
M. Paul Girod.
... différentes pour la durée du mandat et pour celle de la
contractualisation.
Il sait mieux que personne ce qu'est la réalité de la vie d'un président de
région, qui a à préparer, à contractualiser, à exécuter et, en plus, à
surveiller que l'Etat tient sa parole par rapport aux engagements financiers
qu'il a pris ce qui n'est pas toujours le cas !
Pour être honnête, quel que soit le gouvernement, il arrive que des dérapages
se produisent ici ou là et que, par suite d'ennuis, les contrats de plan
s'exécutent moins vite qu'on ne l'aurait voulu. En tout cas, au moins faut-il
qu'il y ait un minimum d'harmonie entre la durée du mandat et celle des
contrats.
Ce premier aspect des choses relativise la seconde partie du texte ! Quand
nous aborderons cette dernière, nous devrons garder à l'esprit qu'une grande
partie, voire l'essentiel des budgets régionaux est tenue par des engagements
pluriannuels, certains vis-à-vis de l'Etat, d'autres vis-à-vis des
collectivités locales.
Je prie M. Allouche de m'excuser, mais en réalité il n'y a non pas un seul
texte, mais deux textes. La commission des lois a d'ailleurs dû adopter deux
approches différentes pour traiter la partie relative aux élections et celle
qui concerne le fonctionnement.
M. Allouche a dit que puisque nous rejetions le volet traitant des élections,
c'est sur celui-ci que devaient porter nos amendements de suppression, et qu'il
convenait, en revanche, d'améliorer la partie du texte relative au
fonctionnement. Or cette dernière a déjà été améliorée, et nous avons admis
d'entrer dans le débat sur la partie relative aux élections, mais pas n'importe
comment. Ce n'est pas la même chose !
J'en viens maintenant à l'affaire des mandats. En réalité, nous voyons bien
que celle-ci découle d'une déclaration qui, si je ne m'abuse, est la
déclaration de politique générale faite un certain jour de 1997 et qui a lancé
ce slogan : « On va réduire la durée de tous les mandats à cinq ans. » Pas si
simple !
Pour l'Assemblée nationale, c'est déjà fait, puisque le mandat est de cinq ans
au plus, tout le monde le sait. Pour les conseils municipaux, c'est six ans.
Pour les conseils généraux, c'est six ans. Pour les conseils régionaux, c'est
six ans. Pour le Sénat, c'est neuf ans.
M. Henri de Raincourt.
Neuf ans, c'est court !
(Sourires.)
M. Paul Girod,
rapporteur.
Pour la présidence de la République, c'est sept ans. Vous ne
pouvez pas toucher comme cela au mandat présidentiel.
Alors vous commencez par les régions. Très bien, mais ne vaudrait-il pas mieux
ouvrir un débat de fond sur ce qu'est la démocratie locale, voire la démocratie
tout court ? On pourrait éventuellement moderniser, peut-être s'adapter aux
contraintes du monde moderne, qui va plus vite qu'autrefois.
Autrefois, c'est vrai, entre le moment où le canon de 75 a été conçu et le
moment où il est arrivé dans nos arsenaux, il s'est écoulé un temps plus long
que celui qui a séparé la conception du Rafale de sa mise sur le marché.
D'accord !
Mais, tout de même, ne vaut-il pas mieux - d'autant que cela ne s'appliquera
qu'à partir de 2004, et pour les seuls conseils régionaux élus à cette période
- attendre pour ouvrir un débat général sur la durée des mandats locaux, voire
sur la durée de la totalité des mandats, plutôt qu'agir au détour d'une loi,
avec un article 1er tombant, là, comme un cheveu sur la soupe ? Est-il vraiment
utile d'ouvrir le débat du raccourcissement de la durée du seul mandat des
conseillers régionaux à cinq ans ? Je ne le pense pas, pour les raisons
d'opportunité, de technique et de bonne gestion qu'a rappelées M. Raffarin et
aussi pour des raisons tenant à l'organisation générale de notre démocratie
auxquelles je viens de faire allusion.
Telle est la raison de l'amendement de la commission des lois, qui recommande
au Sénat de ne pas accepter cette réduction ciblée et ponctuelle de la durée
d'un seul mandat local.
M. Michel Mercier.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Je voudrais dire, d'abord, que
la cohérence entre la contractualisation et la durée du mandat n'est pas un
élément déterminant, puisque les contrats de plan ne commencent pas au début
des mandats des conseillers régionaux en raison, notamment, du décalage
introduit par le gouvernement précédent.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Décalage que vous avez confirmé !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
De toute façon, il y aura un
débat sur l'aménagement du territoire et, à cette occasion, ce point pourra
être évoqué.
J'en viens à l'amendement n° 4.
Comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, dans sa déclaration
de politique générale du 19 juin 1997, M. le Premier ministre a fait de
l'harmonisation des mandats électifs sur une base de cinq ans un élément clé de
la modernisation de notre démocratie.
Cette périodicité qui prévaut pour les mandats de députés et de représentants
au Parlement européen est généralement considérée comme la plus satisfaisante
s'agissant d'un mandat d'une assemblée délibérante. Elle correspond en outre à
ce qui se passe dans la plupart des autres pays démocratiques.
D'autres réformes compléteront celle que le Gouvernement vous soumet afin
d'harmoniser la durée des différents mandats et de permettre le regroupement de
plusieurs scrutins le même jour.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'est pas favorable à
l'amendement n° 4.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Le dernier argument de M. le ministre me laisse pantois parce
que si, actuellement, le mandat est de six ans, c'est justement pour permettre
le regroupement des scrutins le même jour.
Nous venons d'ailleurs de sortir d'une expérience dans laquelle les conseils
généraux ont, pour moitié, été renouvelés le même jour que les conseils
régionaux. Dans trois ans viendront les municipales, avec la deuxième partie
des conseils généraux et, dans six ans, les conseils régionaux, avec la
première partie des conseils généraux. Le regroupement est déjà amorcé. Avec le
système à cinq ans, on casse le regroupement. Dès lors, je ne comprends plus,
monsieur le ministre, sauf à ouvrir un débat d'ensemble sur la réduction de
l'ensemble des mandats locaux. Or ce n'est pas le cas.
L'argument qui consiste à dire que l'abaissement à cinq ans permet la
coïncidence me laisse un peu perplexe, dans la mesure où il me semble me
rappeler qu'entre le chiffre cinq et le chiffre six il y a une différence de
un, et, en l'espèce, cela fait douze mois.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je ne puis laisser passer un argument avancé par M. le ministre qui
consisterait à dire que le gouvernement précédent aurait commis une erreur.
D'ailleurs, on voit aujourd'hui que la décision qu'il a prise a eu des
répercussions positives pour les finances publiques. De toute façon, cela ne
légitime en aucune manière de passer de six ans à cinq ans, et ce, notamment,
monsieur le ministre, sur un plan très précis : je veux parler du partenariat
entre la région, le département, instance évidemment essentielle, qui, comme
l'a dit récemment M. le Président de la République, a tout son avenir,...
M. Henri de Raincourt.
Il avait raison !
M. Jean-Pierre Raffarin.
... les communes, et notamment les communautés de communes.
Il ne vous aura pas échappé, monsieur le ministre, qu'à l'heure actuelle, se
développent de nombreuses contractualisations de pays sous des formes diverses,
contractualisations qui portent souvent sur trois ans, ce qui permet, pendant
la durée d'un mandat, d'en mettre en oeuvre deux.
Ainsi, au regard de ce travail avec les départements, avec les villes, avec la
région, tout le monde étant sur des rythmes de six ans, le rythme de trois ans
est un rythme suffisamment long pour être stratégique et suffisamment court
pour être opérationnel.
Ce rythme des contrats infra-régionaux de trois ans est donc très important.
Si l'on réduit le mandat régional à cinq ans, on rend le système bancal.
Si tout devait être aligné sur cinq ans, si les contrats, eux aussi, devaient
être noués pour cinq ans, pourquoi pas ? Mais, alors, pourquoi commencer par la
collectivité territoriale qui a un rôle de coordination en matière
d'aménagement du territoire, car, dès lors qu'elle joue ce rôle, ses politiques
imposent leur rythme aux autres.
Par conséquent, gardons ce rythme de six ans, qui permet une
contractualisation infra-régionale de trois ans.
Pour toutes ces raisons, j'approuve entièrement l'amendement n° 4 présenté par
notre rapporteur.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
La France détient le record du pays où l'on vote le plus souvent, en raison
des élections municipales, cantonales, régionales, européennes, nationales,
présidentielles et, accessoirement, référendaires.
Certes, dans certains pays, la durée des mandats est plus courte, mais il y a
moins d'élections.
En ce qui me concerne, je suis l'auteur d'une proposition de loi qui vise à
décaler les élections, car organiser des élections le même jour est un mauvais
système, qui aboutit à la confusion entre différents scrutins qui n'ont rien en
commun.
C'est la raison pour laquelle je ne comprends pas que l'on ait voulu ramener
la durée du mandat de six ans à cinq ans. A moins que ce ne soit dans une
volonté politicienne. Il n'y a, en effet, aucun fondement logique à vouloir
modifier la durée actuelle des mandats.
M. Raffarin l'a bien démontré, il n'y aura plus de synchronisation avec le
contrat de plan Etat-région, ni avec la contractualisation qui lie les
départements, les régions, les communes ou les collectivités de communes.
C'est la raison pour laquelle je me rallie, naturellement, à l'amendement n° 4
de la commission.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union
centriste.)
M. Jean Arthuis.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Notre démocratie a besoin de lisibilité et de stabilité, et toute modification
apportée à la durée des mandats me paraît de nature à égarer nos concitoyens.
Je crois, en effet, que c'est troubler les esprits que de raccourcir ainsi la
durée des mandats.
Je voudrais dire également combien j'ai été peiné d'entendre M. le ministre
mettre en cause l'allongement des contrats de plan. Je rappelle qu'en 1993, à
l'occasion de l'alternance, le gouvernement nouvellement désigné s'est trouvé
dans l'obligation d'assumer le legs empoisonné laissé par le gouvernement
socialiste, qui avait tout à la fois signé l'accord de Maastricht engageant la
France à entrer dans l'union économique et monétaire et à abaisser son déficit
en deçà de 3 % du PIB et abandonné le pouvoir avec un déficit de 6 %. Il
fallait rendre possible le passage à la monnaie unique dans des conditions
extrêmement délicates.
C'est du fait de cette gestion qui avait réhabilité la dépense publique,
laissé « filer » le déficit tout en prônant le franc fort, que les
gouvernements Balladur et Juppé ont été dans l'obligation d'allonger la durée
d'exécution des contrats de plan, et ce dans des circonstances particulièrement
douloureuses.
Je pense que, si la croissance a été aussi vive en 1997 et 1998, c'est parce
que les gouvernements précédents ont eu cette sagesse.
En tout cas, aucun motif ne saurait justifier la remise en cause de la durée
des mandats des conseillers régionaux. S'il s'agit d'une généralisation de
cette durée à cinq ans, monsieur le ministre, puis-je vous demander si c'est
l'annonce d'une remise en cause du mode d'élection des conseillers régionaux
?
Un sénateur sur les travées des Républicains et Indépendants.
Et des maires !
M. Jean Arthuis.
Les conseils régionaux se renouvellent par moitié. Est-il envisageable de
fractionner cette période de cinq ans en deux ? J'aimerais connaître la
position du Gouvernement sur ce point particulier.
Pour ma part, je voterai, bien sûr, l'amendement n° 4 de la commission des
lois.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du
RPR.)
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Je sais bien qu'il y a une
thèse selon laquelle, pour commencer à avoir fait quelque chose, il faut avoir
tout fait ; c'est dans l'air du temps. Il en est une autre, plus modeste, qui
veut que pour faire quelque chose, il faut commencer par quelque chose.
Le Gouvernement a souhaité que la durée du mandat des conseillers régionaux
soit ramenée de six ans à cinq ans, ce qui ne préjuge pas la durée d'autres
mandats,...
M. Henri de Richemont.
Cela n'a aucun sens alors !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
... même si, je le répète, le
Premier ministre s'est exprimé dans le sens d'une harmonisation générale. Cette
idée doit être poursuivie pour les mandats des assemblées délibérantes ; je
vous le confirme.
M. Daniel Hoeffel.
Je demande la parole pour explications de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Je suis favorable à l'amendement n° 4, parce que je crois justement qu'il est
risqué de vouloir commencer par faire quelque chose, alors que nous sommes dans
un domaine où une très grande cohérence est indispensable. Cette cohérence me
paraît nécessaire sur deux plans : d'une part, en ce qui concerne les
collectivités territoriales et, d'autre part, à propos des contrats de plan
Etat-régions.
Nous sommes à la veille, en raison d'initiatives du Gouvernement, de grands
débats sur l'aménagement du territoire, sur l'intercommunalité, qui risquent de
remettre en cause un certain nombre de structures existant actuellement. Il me
paraît nécessaire de ne pas risquer d'aborder un thème comme celui de la durée
des mandats électoraux sans connaître le contexte général des réformes qui sont
devant nous parce que rien ne serait plus préjudiciable que de préjuger un
certain nombre d'orientations.
J'en viens au second point, celui des contrats.
Quelqu'un évoquait tout à l'heure la liaison qu'il convenait de faire entre la
durée des mandats des conseillers régionaux et la durée des contrats de plan
Etat-régions.
Nous abordons là un domaine infiniment plus complexe. Il faudrait plutôt
harmoniser la durée des fonds structurels européens, la durée des contrats
Etat-régions, la durée des contrats de villes, la durée des contrats de
pays.
Plusieurs sénateurs de l'Union centriste.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Je crains qu'en partant en ordre dispersé nous n'en arrivions à créer une
situation anarchique.
Donc, pour le moment, voyons venir les différentes réformes et, au vu d'un
contexte stabilisé, nous aurons encore le temps d'aborder l'éventuel
harmonisation des mandats électoraux.
(« Très bien ! » et applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Monsieur le ministre, vous avez dit à l'instant : « Il faut
commencer par faire quelque chose. » D'où mon appel à la prudence ! En effet,
nous connaissons bien le raisonnement qui consiste à dire : vous avez accepté
cela, donc il faut accepter le reste après. C'est un paquet cadeau complet !
Il s'agit d'une affaire trop sérieuse ; l'harmonisation des mandats locaux est
quelque chose d'important.
Inscrire, au détour d'une disposition de détail sur un texte particulier, une
mesure qu'on nous opposera après pour nous en faire accepter d'autres, c'est un
peu excessif !
(Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er est supprimé.
Demande de réserve
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Monsieur le président, je demande la réserve de l'article 2
jusqu'après l'examen de l'article 3.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Elle est logique :
favorable.
M. le président.
La réserve est ordonnée.
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - L'article L. 338 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 338. -
Les conseillers régionaux sont élus dans chaque région
au scrutin de liste à deux tours, avec dépôt de listes comportant autant de
candidats que de sièges à pourvoir, sans adjonction ni suppression de noms et
sans modification de l'ordre de présentation.
« Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la
majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal au quart du
nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. Cette attribution
opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la
représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous
réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après.
« Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au
premier tour, il est procédé à un second tour. Il est attribué à la liste qui a
obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à
pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. En cas d'égalité de suffrages entre les
listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les
candidats ont la moyenne d'âge la moins élevée. Cette attribution opérée, les
autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation
proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de
l'application du quatrième alinéa ci-après.
« Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés ne sont
pas admises à la répartition des sièges.
« Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation sur
chaque liste.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège,
celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En
cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au moins âgé des candidats
susceptibles d'être proclamés élus. »
Sur l'article, la parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la révision
du mode d'élection des conseillers régionaux tient à la nécessité de permettre
aux assemblées régionales de disposer d'une majorité stable - je crois que nous
sommes tous d'accord sur ce point - d'où le projet d'attribuer à la liste qui
recueille soit la majorité absolue au premier tour, soit le plus grand nombre
de voix au second tour, un nombre de sièges supplémentaires que l'on appelle
communément « la prime », égale au quart du nombre de sièges à pourvoir. Ce
dispositif s'inspire du mode d'élection des conseillers municipaux.
Dans les régions, nous constatons volontiers de réelles difficultés pour
réunir une majorité, mais nous relevons aussi des obstacles à la mise en oeuvre
de ce qu'il est convenu d'appeler le pacte républicain.
Or les dispositions proposées dans le texte que nous examinons ce soir - et,
plus particulièrement, dans l'article 3 - ne préservent pas des effets souvent
dénoncés lors de triangulaires ou de quadrangulaires dans le cadre de
l'organisation d'un scrutin à deux tours.
L'abaissement de 10 à 5 % du seuil d'accès au deuxième tour suscite plutôt
l'émergence de listes susceptibles de représenter des extrêmes et tend à
favoriser ces triangulaires ou ces quadrangulaires. Si ces dernières possèdent
des vertus, eh bien ! il faut les reconnaître et il faut le dire.
A contrario,
il est malvenu d'en condamner les effets pervers et de
tout mettre en oeuvre pour en favoriser, pour en multiplier les occasions. La
morale républicaine n'y trouve pas son compte.
En bonne logique, plutôt que d'abaisser le taux de 10 %, il serait plus
radical de l'appliquer au nombre d'électeurs inscrits, de préférence à celui
des suffrages exprimés.
L'exigence nécessaire à cet égard pourrait même consister à n'admettre au
second tour que la présentation des deux listes arrivées en tête au premier
tour. Après tout, les considérations qui prévalent pour le mode d'élection du
Président de la République conservent toute leur valeur pour d'autres
consultations électorales.
Dans un scrutin de liste comme celui des élections régionales, les électeurs
expriment leur préférence politique. Au second tour, ils ont à désigner une
équipe dirigeante.
La répartition des sièges à la proportionnelle, d'après les résultats du
premier tour, pourrait ouvrir le champ à une stricte restriction du nombre de
listes admises à participer au second tour.
Nous devons prendre conscience de l'enjeu.
La révision d'un mode d'élection ne doit pas être enfermée dans des pratiques
obsolètes.
Tout en favorisant la plus large représentation démocratique, nous devons, à
tout prix, nous opposer à ce qui peut concourir à déformer la réalité politique
de la nation et à travestir la volonté du corps électoral. Or, compte tenu des
conditions dans lesquelles nous sommes amenés à procéder à cette révision du
mode de scrutin, nous ne pouvons qu'être réservés sur les conséquences qui en
découleront pour la composition des prochaines assemblées régionales.
Telles sont les réserves que je tenais à exprimer. Je crois, en effet, que
nous sommes engagés dans une voie que nous regretterons de voir se développer.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rejoins
l'essentiel des propos qu'a tenus Serge Franchis ; il a parlé avec beaucoup de
bon sens de ces questions.
Monsieur le ministre, l'article 3 est au coeur du débat. Je regrette vraiment
qu'une concertation n'ait pas eu lieu sur ce sujet. Quand je pense que M. le
Premier ministre, sur un texte comme celui-ci, a invité à Matignon les huits
présidents de régions socialistes, excluant les autres, y compris les
républicains ! Il nous demande de montrer que nous ne sommes pas liés au Front
national, que nous sommes vraiment engagés pour défendre des idées
républicaines, ce qui est le cas...
M. Jean Arthuis.
Bien sûr !
M. Jean-Pierre Raffarin.
... et, quand il s'agit de se concerter, il n'invite que les membres de son
parti ! S'il nous avait écoutés, il n'aurait pas commis les erreurs qui
figurent dans cet article 3 !
Tout d'abord, s'agissant du mode de scrutin à deux tours, j'indique en
préalable que j'approuve tout à fait les positions de la commission des lois,
ainsi que les propos de M. le rapporteur. A ce stade de la discussion, nous
n'en sommes plus à essayer de construire le mode de scrutin le plus efficace,
le plus juste et le plus républicain. Il s'agit de placer l'Assemblée nationale
devant le choix le plus clair possible.
Cette idée des deux tours, monsieur le ministre, démontre le manque de
sincérité du Gouvernement sur le sujet.
M. Serge Franchis.
Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Il n'existe pas, dans le monde entier, de scrutin à la proportionnelle à deux
tours, en dehors du scrutin municipal français. De deux choses l'une : ou bien
l'on choisit un scrutin majoritaire, et là les deux tours sont nécessaires, ou
bien l'on choisit un scrutin proportionnel, et un seul tour suffit. Le choix
d'instaurer un scrutin proportionnel à deux tours est une manoeuvre.
M. Henri de Raincourt.
Et voilà !
M. Michel Mercier.
C'est vrai !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Dans le discours de Rennes, le chef de l'Etat a exprimé une crainte eu égard à
des arrière-pensées des auteurs de ce projet de loi au manque de sincérité de
ce texte. M. Giscard-d'Estaing, dans un article important paru dans
Le
Monde,
parlait d'immoralité. Cela devrait vous inviter à la réflexion, mes
chers collègues !
Comment accepter aujourd'hui cette idée d'un scrutin à deux tours ? Elle est
véritablement la marque d'un manque de sincérité du Gouvernement, donc, je le
répète d'une manoeuvre.
Vous faites référence aux municipales ! Si cela est exact, monsieur le
ministre, retenez au moins les seuils des municipales...
M. Henri de Raincourt.
Eh bien voilà !
M. Michel Mercier.
Eh oui !
M. Jean-Pierre Raffarin.
... mais n'allez pas chercher ce seuil de 3 %, qui est fondamentalement
révoltant. Pour quelqu'un qui est attaché à la vie régionale, il est
inadmissible de donner des responsabilités à des ultra-minoritaires.
M. Paul Masson.
Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Croyez-vous que ce type de décision soit respectable ?
Je sais qu'aujourd'hui, dans la République citoyenne, on peut être ministre
avec 6 ou 7 % des voix. Est-ce en faisant en sorte que quelqu'un qui pèse 3 %
de voix puisse avoir accès à la représentation que nous amènerons le peuple à
avoir confiance dans ses édiles, à respecter ses élus ? Est-ce cela la
crédibilité du politique ?
Et on s'étonnera, après, que les jeunes sous-estiment, voire méprisent la
fonction publique. A 3 % est-on démocratiquement crédible ?
M. Robert Bret.
Oh !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Peut-on aujourd'hui, avec 3 % des voix - je le dis comme je le pense ! - jouer
les rôles de charnière en permanence et sur tous les sujets ? On l'a vu encore
aujourd'hui à propos d'une décision importante : M. le Premier ministre, des
heures durant, s'est enfermé dans son cabinet pour le dossier des laboratoires
souterrains pour les déchets nucléaires. Ces décisions sont stratégiques pour
le pays ! Il est obligé de composer et d'arriver à une conclusion qui ne
correspond pas à la loi Bataille, simplement parce que, à un moment ou à un
autre, au lieu d'opérer des choix stratégiques dans l'intérêt du pays, on
procède à des dosages politiques en donnant aux ultra-minoritaires des pouvoirs
qu'ils n'ont pas gagnés dans les urnes.
Je suis vraiment révolté par le seuil de 3 % et la répartition qui figurent à
l'article 3 !
Monsieur le ministre, il y a beaucoup de choses à dire sur ce scrutin à deux
tours. J'approuve la position de la commission des lois, car il me paraît
essentiel de retenir le texte qu'elle nous propose aujourd'hui. Mais, en fait,
ces deux tours sont, je le répète, l'expression d'un manque de sincérité.
J'ai été, pendant dix années, le plus jeune des présidents de région. Faut-il
vraiment donner à penser que la jeunesse doit prévaloir sur l'expérience ? Très
franchement, prévoir dans cet article 3 que la moyenne d'âge la moins élevée
doit être privilégiée est une erreur. J'ai renouvelé mes listes, et c'est sans
doute ce qui m'a permis de gagner les élections régionales en Poitou-Charentes,
mais je vois aujourd'hui que, suite à ce renouvellement, nous sommes souvent
confrontés à un manque d'expérience face aux complexités de la vie publique et
des responsabilités des élus.
La nouveauté doit-elle toujours être privilégiée ?
M. Guy Allouche.
Le temps de parole sur un article est limité à cinq minutes, monsieur le
président !
M. Jean-Pierre Raffarin.
J'en ai terminé, monsieur Allouche.
M. le président.
C'est moi qui préside et qui décompte les temps de parole, monsieur Allouche
!
M. Jean-Pierre Raffarin.
En conclusion, nous sommes, bien sûr, pour l'expression de la jeunesse. Nous
sommes bien sûr, favorables à la rénovation des institutions et à une plus
large ouverture à la jeunesse des assemblées. Mais faut-il vraiment donner à
l'inexpérience la prime sur l'expérience ? L'article 3 est particulièrement
décevant sur ce point.
C'est la raison pour laquelle cet article me paraît le plus néfaste du projet
de loi, et je le combattrai donc lors de l'examen des amendements.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
On a voulu comparer le mode de scrutin proposé dans ce projet de loi au
scrutin municipal. Or il n'y a rien de comparable ! Le mode de scrutin
municipal est un scrutin intéressant : on l'a souligné tout à l'heure, il est
unique en son genre dans notre pays, parce que, au second tour, il n'y a que
deux listes en présence, exceptionnellement trois.
De même, il s'agit d'un scrutin unique, parce que les fusions de listes sont
elles-mêmes exceptionnelles. En effet, il n'y a pratiquement que très peu de
fusions entre le premier et le second tour, ce qui oblige les formations
politiques qui se présentent aux élections municipales à faire preuve de
maturité et à consentir un effort préalable, d'abord parce qu'il y a des
seuils, ensuite parce qu'à l'échelon municipal il y a une personnalisation des
listes autour du nom du futur maire.
Or rien de tel n'est prévu dans le scrutin régional que l'on nous propose.
Tout d'abord, il n'y a pas la prime de 50 % des sièges qui existe pour le
conseil municipal : la prime est seulement du quart, soit 25 %. Comme l'a
magnifiquement démontré notre rapporteur, nous pourrons, même avec cette prime,
voir des formations minoritaires siéger au sein du conseil régional.
En outre, l'abaissement des seuils va permettre toutes les magouilles, en
particulier celle, bien connue, qui consiste à faire se présenter une liste
dissidente à la liste la plus dangereuse pour vous-même. Ainsi, on va créer une
pseudo liste de gauche, une pseudo liste de Verts ou une pseudo liste d'extrême
gauche qui va voler quelques voix à l'adversaire le plus important. Le système
qui consiste à abaisser le seuil à 3 % incitera, naturellement, toutes les
formations des plus folkloriques aux plus douteuses, à présenter des
candidats.
En d'autres termes, nous sommes en face du plus mauvais exemple de mode de
scrutin que l'on puisse trouver, surtout en raison de l'abaissement des seuils
: il ne permet pas d'aboutir au résultat que vous-même, monsieur le ministre,
avez fixé dès le départ, c'est-à-dire à une majorité stable à l'échelon local.
Vous avez donc fait tout le contraire de ce qu'il fallait faire !
La commission des lois a essayé de remédier à ces difficultés, notamment avec
le mode de scrutin à un seul tour. Elle a tenté de corriger les seuils
aberrants fixés par l'Assemblée nationale, lesquels relèvent purement et
simplement de la démagogie ou du calcul politique, mais absolument pas de
l'efficacité régionale.
Enfin, je conclurai mon intervention en reprenant les propos tenus tout à
l'heure par M. Raffarin. Le principe du privilège de l'âge remonte au tout
début de la démocratie. Il prévalait déjà dans la Grèce antique ; il a été
repris tout au long de l'histoire de la démocratie à laquelle il est
indissolublement lié. Il figurait même dans nos constitutions révolutionnaires.
Or il ne joue que dans certains cas en début de session ou à la marge.
A titre d'exemple, en Haute-Normandie, M. Laurent Fabius a été battu par M.
Antoine Rufenacht à la présidence de région au bénéfice de l'âge. Je ne
porterai pas de jugement sur M. Laurent Fabius, que j'apprécie tout
particulièrement ; mais j'estime qu'il était plus normal, en l'espèce, que le
plus âgé devienne président de la région. Il fallait, comme l'a souligné M.
Raffarin tout à l'heure, un homme d'expérience à la tête de celle-ci.
En d'autres termes, cette proposition n'a pour objet que de toucher quelques
électeurs indécis, que, de toute façon, vous ne rallierez pas - cela me fait
penser au caramel que l'on tend à un gamin - cela ne va pas plus loin.
En fin de compte, je me demande si cette mesure n'est pas d'ordre
constitutionnel et si elle ne relève pas des principes fondamentaux reconnus
par les lois de la République, puisque les constitutions l'ont toutes admise
dans le passé.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
L'article 3 se situe effectivement au coeur du dispositif proposé par le
Gouvernement. Je veux rendre hommage à M. Gélard, qui vient de formuler une
observation qui doit retenir toute notre attention car nous ne sommes pas à
l'abri, si ce texte scélérat
(Murmures sur les travées socialistes ainsi que
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen)
devait être voté,
d'un recours constitutionnel.
Nous sommes préoccupés, monsieur le ministre, par la stabilité des majorités
dans les conseils régionaux. Or il est regrettable que vous ayez cru devoir
rester ancré dans une logique proportionnelle. Pour ma part, je déplore que
vous n'ayez pas cru devoir nous proposer un dispositif qui a permis de dégager
des majorités stables. La démonstration en a été faite dans les conseils
généraux, comme à l'Assemblée nationale : je veux parler du scrutin uninominal
à deux tours.
C'est pourquoi, tout en reconnaissant le bien-fondé de l'amendement n° 6,
j'aurais souhaité entendre le Gouvernement sur ce sujet.
M. le président.
Par amendement n° 6, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit le premier alinéa du texte présenté par l'article 3 pour
l'article L. 338 du code électoral :
« Les conseillers régionaux sont élus dans chaque région, par section
départementale au scrutin de liste à deux tours, avec dépôt de listes
régionales comportant des sections portant la même appellation dans chacun des
départements de la région et présentant autant de candidats par département que
de sièges à pourvoir dans le département, sans adjonction, ni suppression de
noms et sans modification de l'ordre de présentation. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Après avoir écouté les différents intervenants et compte tenu
du fait que nous allons décortiquer l'article 3 puisqu'il comporte des
dispositions très diverses, il me revient à l'esprit une chanson qui a été
célèbre en son temps et qui commençait par les mots : « Je suis une bande de
jeunes à moi tout seul ».
L'article 3 est une révolution culturelle à lui tout seul car il introduit de
manière incidente et plus ou moins discrète toute une série de dispositions
nouvelles et fort importantes dans notre vie publique. Il constitue, en quelque
sorte, une loi électorale à lui tout seul.
Par amendement n° 6, la commission des lois accepte l'idée de la
circonscription régionale tout en essayant d'en éviter certains inconvénients.
Parmi ceux-ci, il en est un qui découle tout simplement de l'observation des
chiffres, et j'en citerai deux concernant la région Midi-Pyrénées.
Il n'est pas possible d'aménager le territoire, rôle éminent des régions, sans
se préoccuper des départements, si reculés soient-ils. Au recensement de 1990,
le département de l'Ariège, par exemple, comptait 136 455 habitants et la ville
de Toulouse 650 336 habitants, soit cinq fois plus...
M. Jean-Pierre Bel.
Non ! il n'y en a pas 400 000 !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je parlais de l'agglomération toulousaine.
M. Michel Duffour.
Si les chiffres ne sont pas bons...
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il n'en demeure pas moins qu'une seule agglomération
représente cinq départements. A qui fera-t-on croire qu'une liste, dont la
clientèle électorale est, de surcroît, généralement locale, tiendra
équitablement compte, dans sa composition, de telles disparités ? Elle mettra
bien évidemment le maximum de candidats connus dans le secteur qu'elle
recouvre.
Par ailleurs, le scrutin de liste sans rattachement des candidats à un
département aboutit à une liste, en région parisienne, de 209 personnes et, en
Rhône-Alpes, d'environ 150 personnes.
Imaginons un seul instant l'effarement de l'électeur de Brie-Comte-Robert -
excusez-moi, monsieur le président de la commission, j'ai pris au hasard
l'exemple de votre département.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Il est très
effaré !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Cela tombe bien ! Je ne le savais pas, mais je le
soupçonnais.
Imaginez donc l'effarement de l'électeur de Brie-Comte-Robert à qui sera
soumise une liste de 209 personnes. Il lui faudra une loupe car les noms seront
nécessairement écrits tout petit, sinon le bulletin n'entrera pas dans l'urne,
pour retrouver les noms de personnalités qu'il pourrait éventuellement
connaître et en qui il pourrait avoir confiance pour défendre le secteur dans
lequel il vit. Il y a donc là un abus.
D'ailleurs, entre nous, le même problème se pose pour les élections
européennes mais les pouvoirs de décision du Parlement européen n'ont rien à
voir avec ceux d'un conseil régional. En conséquence, la retombée locale des
décisions qui seront prises n'est pas du tout la même.
Il faudrait donc que les candidats soient identifiés par département et que
celui-ci soit convenablement représenté.
Monsieur le ministre, vous avez employé tout à l'heure un argument qui m'a
beaucoup surpris. Vous vous rendez compte, m'avez-vous dit, avec la section
départementale, une liste minoritaire dans un département sera majoritaire en
sièges dans le même département. Mais, avec votre système, c'est bien pire. Une
liste qui aura obtenu un nombre réduit de suffrages dans un département risque
de se retrouver majoritairement avec des représentants d'une tendance qu'elle a
rejetée, issue du même département, tout simplement parce que ces candidats
auront été placés dans la liste régionale et qu'ils auront été choisis par
hasard.
L'argument que vous avez employé tout à l'heure peut être retourné avec une
telle facilité que je n'ose même pas croire que vous aviez pensé aux
contre-batteries possibles. C'est la raison pour laquelle la commission des
lois, qui accepte, ce qui n'est pas si simple dans cette assemblée, l'idée d'un
scrutin régional, affirme que celui-ci ne peut être mis en oeuvre sans un
minimum d'attache départementale des candidats.
Tel est l'objet de l'amendement n° 6, que j'ai l'honneur de présenter au nom
de la commission des lois en souhaitant que le Sénat, dans sa sagesse,
l'adopte.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Le mode de scrutin proposé par
la commission des lois n'est pas dépourvu d'avantages.
(Exclamations sur les
travées de l'Union centriste.)
Attendez la suite ! Il concilie en effet
l'organisation de l'élection dans le cadre départemental et l'attribution d'une
prime en sièges à l'échelon régional. Il assure une majorité régionale sans
couper l'électeur du cadre départemental qui lui est, c'est vrai, familier. Il
évite aussi d'avoir à prévoir un dispositif particulier pour rattacher
ultérieurement les conseillers régionaux à chaque collège électoral sénatorial
dans le département de la région.
Toutefois, le Gouvernement, qui avait étudié ce mode de scrutin, ne l'a en
définitive pas retenu pour un certain nombre de raisons. Il lui apparaît très
compliqué et serait sans doute mal compris de l'électeur...
M. Serge Franchis.
Pal mal compris du tout !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
... avec les effets négatifs
qui peuvent en résulter sur la participation.
Dans certaines régions, composées de départements politiquement hétérogènes,
il aurait pour conséquence qu'une liste minoritaire dans un département
pourrait néanmoins s'y voir attribuer la majorité des sièges. En ce domaine,
tout se retourne donc...
M. Guy Allouche.
Tout est réversible !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Effectivement !
Vous avez évoqué tout à l'heure les élections européennes. Le Gouvernement
avait justement formulé une proposition. Or les groupes appartenant à la
majorité sénatoriale, ainsi d'ailleurs que certains à l'Assemblée
nationale...
M. Jean Arthuis.
La gauche plurielle !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
... ne m'avaient pas semblé
enthousiastes sur ce point. Comme quoi, tout se retourne !
Bref, la distorsion existant entre les sièges attribués par l'effet de la
prime et les résultats comptabilisés dans les départements serait perçue comme
une manoeuvre. C'est pourquoi, et vous n'en serez guère surpris, le
Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 6.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je ne suis pas certain que l'électeur préfère le brouillard
aux repères. Les lignes blanches sur les routes ont été dessinées afin que les
automobilistes ne se perdent pas quand il y a du brouillard. Si vous leur
proposez une liste de 209 noms, ils sont dans le brouillard. Si vous mettez
quelques lignes blanches qui leur permettent de savoir de qui il s'agit, c'est
quand même un peu mieux.
(« Bravo ! » et applaudissements sur les travées de
l'Union centriste.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
M. Jean-Paul Amoudry.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry.
Reprenant les propos tenus par M. le rapporteur, je souhaite revenir sur le
cas de la région Rhône-Alpes. J'avais, tout à l'heure, tenu à mettre en garde,
à travers cet exemple concret, contre les répercussions profondes du projet de
loi en l'absence de sections départementales.
Compte tenu de la perspective de voir fondre la représentation de certains
départements, je me suis fait l'interprète de plusieurs élus pour demander au
Gouvernement de se prononcer non pas sur l'opportunité de créer une région,
mais simplement sur l'ouverture d'un débat sur la question. A cet égard, je
serai reconnaissant à M. le ministre de m'indiquer la position du Gouvernement
tout en exprimant le regret de ne pas l'avoir entendue tout à l'heure et d'être
quelque peu contraint de la réclamer.
Est-il besoin, enfin, de souligner que ma démarche s'inscrit bien évidemment
dans le plus pur esprit républicain et que le désintérêt avec lequel elle
pourrait être accueillie ne ferait que renforcer des sentiments extrémistes et
autonomistes, qu'elle a pour objectif de réduire ?
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Serge Franchis.
C'est important !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je suis un peu embarrassé. En effet, je perçois bien l'intérêt de cet
amendement, que je vais voter. Mais je vois aussi que finalement, par petites
touches, on en arrive, à partir d'un texte dépourvu de cohérence, à laisser
penser que c'est finalement notre vision qui est incohérente.
Je rejoins l'une des propositions formulées par les présidents des groupes de
la majorité sénatoriale à l'appui de la question préalable déposée en première
lecture : ils avaient annoncé qu'une proposition de loi serait inscrite dans le
cadre de l'ordre du jour réservé à l'examen des textes d'initiative
parlementaire. J'attire l'attention de tous, y compris celle de M. le président
et de M. le rapporteur de la commission des lois, pour que nous travaillions
ensemble dans un souci de concertation et sans exclusive, monsieur Allouche.
M. Guy Allouche.
Le Président de la République l'a fait à Rennes avec ses amis politiques !
M. Philippe Nogrix.
Ils étaient tous présents !
M. Michel Duffour.
Pourquoi n'avez-vous pas encore commencé ?
M. Jean-Pierre Raffarin.
Dans la ligne des propos tenus par M. le Président de la République, j'estime
qu'il faut respecter les assemblées dans leur majorité et dans leur minorité.
Le Président de la République a notamment déclaré qu'il fallait du temps pour
bâtir un projet électoral qui soit partagé.
Une loi qui, dès le départ, est contestée, est fragile. Je crois qu'il nous
faudra reprendre ce texte. Tout à l'heure, M. Arthuis parlait de
circonscriptions pour scrutin majoritaire. C'est une idée. On a parlé du
scrutin à un tour. C'est une autre idée. Il y a plusieurs idées.
Confrontons-les au sein de la Haute Assemblée. Faisons-le avec cohérence et non
en adoptant une série d'amendements sur un texte incohérent, car le résultat ne
serait alors pas parfait.
Ce qui me paraît très important dans cet amendement et qui me convainc de le
voter, monsieur le rapporteur, c'est cette idée de section départementale.
En effet, il ne sert, à mon avis, à rien d'opposer, dans notre démocratie,
dans notre République, la région et le département.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Voilà !
M. Jean-Pierre Raffarin.
La décentralisation est forcément une dynamique unitaire. Si l'on veut le
combat des institutions, on n'obtient que la paralysie. Les territoires divisés
sont des territoires inactifs. Ce sont au contraire les territoires qui se
rassemblent qui dégagent vraiment des capacités d'action.
Par conséquent, tout doit être fait pour qu'il y ait entente institutionnelle
entre les départements et les régions. La section départementale permet de
reconnaître aux départements ce rôle important d'espace politique essentiel
dans le cadre duquel sont structurés beaucoup de nos échanges et notre
organisation politique. Il est important de maintenir et l'ambition régionale
et la section départementale.
Je voterai donc cet amendement. Ma réserve porte sur les deux tours ; mais il
ne s'agit pas aujourd'hui de bâtir notre proposition de loi pour la Haute
Assemblée : je souhaite que nous le fassions dans le cadre d'un travail
réfléchi et concerté. Dans ce contexte-là, j'approuve tout à fait la
proposition de M. le rapporteur.
(« Très bien ! » et applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 7, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
remplacer la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'article
3 pour l'article L. 338 du code électoral par les dispositions suivantes :
« La répartition de cette prime en sièges s'opère entre les sections
départementales de cette liste, en fonction des résultats obtenus par la liste
dans chaque département, à la représentation proportionnelle à la plus forte
moyenne. Cette attribution réalisée, les autres sièges sont répartis dans
chaque section départementale entre toutes les listes à la représentation
proportionnelle à la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du
quatrième alinéa ci-après. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je voudrais attirer l'attention du Sénat, spécialement de nos
collègues de l'opposition sénatoriale, et donc de la majorité nationale, sur le
fait que cet amendement, qui est une conséquence de l'amendement n° 6, qui
vient d'être adopté - il vise en effet la répartition de la prime entre les
sections départementales - ne remet pas en cause le niveau de la prime telle
qu'il a été accepté par l'Assemblée nationale. Nous en restons à 25 %. Nous
verrons tout à l'heure que ces 25 % sont incompatibles avec les seuils qui
viennent de nous être proposés.
M. Henri de Raincourt.
C'est important !
M. Paul Girod,
rapporteur.
C'est l'un ou l'autre, mais ce n'est pas les deux ! Le
dispositif doit être cohérent. Les lois électorales ne sont pas un buffet
ouvert dans lequel on prend un petit sandwich par ci, un verre de champagne par
là, un petit four, avant d'en revenir au salé !
M. Guy Allouche.
Ce n'est pas désagréable !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Ce n'est pas désagréable, mais ce n'est pas un menu ! Ce
n'est pas un repas !
M. Michel Mercier.
Ce n'est pas diététique !
(Sourires.)
M. Paul Girod,
rapporteur.
Nous acceptons le pourcentage adopté par l'Assemblée
nationale parce que, dans un système dans lequel il est important que les
minorités puissent s'exprimer 25 %, c'est peut-être bien. Encore faut-il que
cela débouche quand même sur des majorités !
L'amendement n° 7 est la conséquence de l'amendement n° 6 qui vient d'être
adopté, disais-je. Il vise à prévoir, dans le cadre de cette prime limitée -
c'est donc non négligeable - la répartition des sièges au niveau de chaque
section départementale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
C'est un amendement de
conséquence, et l'avis du Gouvernement est donc identique à celui qui avait été
émis sur l'amendement n° 6.
Je ne voudrais pas que M. Amoudry considère qu'il y a de la désinvolture de ma
part. Simplement, je pensais que M. Jean-Jack Queyranne, qui vient d'arriver
dans cet hémicycle, avait déjà largement répondu ; mais c'était peut-être à
l'Assemblée nationale. De toute façon, M. Queyranne aura certainement
l'occasion de s'exprimer.
En tout cas, des procédures existent, monsieur le sénateur : il faut que les
collectivités locales prennent l'initiative, et il y a tout un système qui peut
conduire à l'hypothèse que vous émettez. Pour l'instant, je dirai, sans émettre
un avis sur le fond, que je n'ai pas vu ces procédures s'engager.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 8, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose,
après la deuxième phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 3
pour l'article L. 338 du code électoral, d'insérer une phrase ainsi rédigée
:
« La répartition de cette prime en sièges s'opère entre les sections
départementales de cette liste, en fonction des résultats obtenus par la liste
dans chaque département, à la repésentation proportionnelle à la plus forte
moyenne. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Monsieur le président, cet amendement est similaire à
l'amendement n° 7. Ce dernier traitait de l'attribution de la prime en cas de
majorité absolue d'une liste au premier tour ; l'amendement n° 8 vise
l'attribution de la prime en cas de majorité relative d'une liste au second
tour.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Comme sur les précédents
amendements, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 9, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose, dans la
troisième phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 3 pour
l'article L. 338 du code électoral, de remplacer le mot : « moins » par le mot
: « plus ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Monsieur le président, nous quittons les mathématiques pour
entrer dans la poésie ;cette dernière n'est pas d'origine gouvernementale, si
j'ai bien lu le compte rendu des débats. En effet, c'est l'Assemblée nationale,
qui, emportée par sa jeunesse de mandat, se lance dans les aventures les plus
invraisemblables et a introduit cette notion de « jeunisme » dont parlait tout
à l'heure M. le professeur Gélard, avec toute l'autorité que lui confère sa
grande connaissance des textes constitutionnels et de l'histoire de la
démocratie. Cela fait plaisir, cela fait gentil, cela fait drôle, mais cela ne
fait vraiment pas sérieux ! En effet, on commence par accepter cette notion sur
un point précis, dans le cadre d'un scrutin de liste, en se disant que cela se
noie dans la masse ; et on l'introduira ensuite s'agissant des scrutins
uninominaux ! La pente sera inévitable.
Je vais vous dire ce que cela va donner, monsieur le ministre, car j'ai vécu
cette situation ! J'ai en effet connu un conseil général sans majorité, avec
une égalité absolue : vingt et un contre vingt et un ! L'élection a été faite
au bénéfice de l'âge : nous avons élu le doyen, le vice-doyen étant du bord
opposé, et, par conséquent, ce sont les deux personnes les plus âgées qui se
sont présentées. Nous avons eu deux hommes d'expérience, et nous avons fait
ainsi la décentralisation. Cela n'a pas été simple, mais cela s'est fait dans
le consensus.
Peut-être n'était-il au fond pas si idiot que la loi confère à deux personnes
d'expérience, assagies par le poids des ans et des épreuves, de mener une
révolution aussi forte.
Si le bénéfice de l'âge avait été accordé au plus jeune, nous aurions alors
présenté les deux personnes les plus jeunes ! Qu'on ne vienne pas me dire que
c'est le plus vieux ou le plus jeune des deux candidats qui sera élu. En effet,
pour être sûr d'emporter le morceau, on présenterait le plus jeune qui, par
définition, est celui qui vient d'arriver, ou presque ! Il est rarissime que le
plus jeune ait déjà six ans d'expérience.
Je vous laisse à penser ce qu'aurait été la décentralisation dans ces
conditions-là !
M. Henri de Raincourt.
Catastrophique !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Cela aurait été un affrontement de deux jeunes loups frais
émoulus d'une campagne électorale forcément dure - quand aucune majorité ne se
dégage, c'est que cela ne s'est pas passé tout seul ! - et nous nous serions
trouvés devant des difficultés inextricables !
Par conséquent, monsieur le ministre, il y a des notions qu'il faut toucher
d'une main plus que tremblante, et ce n'est pas le bénéfice de l'âge qui me
fait parler de main tremblante !
(Rires.)
M. Michel Duffour.
Encore que...
(Nouveaux rires.)
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je n'en suis pas encore là, mais cela viendra sûrement ! Mais
alors, je ne serai peut-être plus parlementaire !
C'est bien plutôt la prudence qui me fait parler ainsi : on n'introduit pas
des révolutions de ce genre - car c'est bien plus grave que la question de la
durée des mandats...
M. Michel Mercier.
Oh oui !
M. Paul Girod,
rapporteur.
... dans les moeurs politiques d'un pays comme la France,
dont on disait, cet après-midi, le rôle qu'il a joué et joue encore dans les
droits de l'homme et dans l'affermissement de la démocratie dans le monde, à
l'occasion d'une disposition de détail inscrite dans un texte par ailleurs mal
conçu, à notre avis. Il s'agit en tout cas d'une imprudence qui mériterait
d'être pesée longuement.
Je suis persuadé que, de toute façon, ce texte sera étudié, pour une raison ou
pour une autre, par le Conseil constitutionnel, qui même s'il n'est pas saisi à
propos de ce point précis, sera amené à examiner la totalité de la loi. Je
serais d'ailleurs étonné qu'il ne se saisisse pas lui-même, encore que certains
lui montreront peut-être qu'il y a là une innovation et une imprudence telles
qu'elles mettent en péril l'équilibre même de la démocratie dans un pays comme
le nôtre.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Imaginez, mes chers collègues, le cas de deux candidats à la présidence
de la République ayant obtenu un nombre égal de suffrages : ce serait le plus
jeune qui serait envoyé à l'Elysée !
M. Philippe Nogrix.
Eh oui ! Bravo !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Cet amendement tend finalement
à rétablir le texte dans sa rédaction initiale. Il vise le cas, dont la
probabilité est faible, d'une stricte égalité des suffrages entre deux
listes.
Sur cette modalité, qui ne concerne pas le coeur du texte, le Gouvernement ne
peut que s'en remettre à la sagesse du Parlement, et donc, ce soir, à celle de
la Haute Assemblée.
(Exclamations sur les travées de l'Union
centriste.)
M. Paul Girod,
rapporteur.
Ah ! notre cher et vieux Sénat !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
M. Jean Arthuis.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
J'exprimerai un regret sur la formulation.
M. Philippe Nogrix.
C'est le côté positif de la jeunesse !
M. Jean Arthuis.
Il faut, en effet, une certaine jeunesse pour exprimer des convictions en
politique, et ce n'est pas une question d'âge.
Je rejoins volontiers la formulation de M. le rapporteur, mais je pense qu'il
aurait pu garder le mot « moins », et substituer le mot « jeune » au mot « âgé
», M. le rapporteur pourrait-il nous dire pourquoi il n'est pas allé dans ce
sens ?
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
La raison en est simple, monsieur Arthuis : c'est simplement
la rédaction traditionnelle ! Nous aurions pu, il est vrai, innover, mais,
entre nous, je crois que la fidélité aux textes fondamentaux de la République
s'impose ici.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
J'ai utilisé tout à l'heure des arguments juridiques ; permettez-moi
maintenant de recourir à des arguments biologiques.
Il est paru, voilà une vingtaine d'années, un excellent ouvrage de biologie,
Le Singe nu,
qui décrivait, pour la comparer aux sociétés humaines, la
société des babouins.
Dans la société des babouins, le plus jeune fait d'abord ses armes auprès du
plus vieux en apprenant à agresser les autres ; puis, petit à petit, il
l'évince pour prendre sa place. Je crois que c'est un peu la raison pour
laquelle, dans la vie politique, on a toujours choisi le plus âgé, jusqu'à ce
que, n'étant plus capable de se défendre, il soit battu aux élections !
C'est cette simple donnée biologique, en dehors des arguments juridiques que
j'ai pu évoquer tout à l'heure, qui s'impose ici.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Sur un plan plus politique, la démocratie mérite, à mon avis, que nous soyons
les uns et les autres toujours vigilants pour la protéger. A la base de ce
texte, il y a une conviction commune aux uns et aux autres : nous voulons
éviter à notre pays le chemin de l'extrémisme. Tous les républicains souhaitent
que notre loi électorale puisse faire en sorte que les extrêmes ne viennent pas
déstabiliser le fait régional, en France. Il y a donc vraiment une volonté
profonde de protéger la démocratie.
Très franchement, je crois que nous avons besoin d'expérience pour protéger la
démocratie. Je préside très souvent une assemblée régionale et je vois parfois,
chez de jeunes élus, un manque d'expérience qui peut conduire à des décisions
très graves.
Je vous citerai tout à l'heure, messieurs les ministres, les « votes noirs »
du parti socialiste depuis les dernières élections : à sept reprises, dans sept
régions différentes, des républicains ont été mis en minorité sur des sujets
stratégiques par des votes majoritaires avec le Front national !
Et très souvent, cela a été le fait d'élus manquant d'expérience, se faisant
piéger et n'ayant pas forcément, à un moment ou à un autre, ce sens supérieur
de la démocratie qui demande un peu de réflexion, de discernement et beaucoup
de lucidité.
Voilà pourquoi il me paraît coupable, dans un texte qui veut éviter
l'extrémisme, de donner, par démagogie, la priorité à l'inexpérience. On ne
sauvera pas la démocratie en permanence menacée si on ne fait pas en sorte que
l'expérience soit l'une des vertus de la conduite de cette démocratie !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. Michel Duffour.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Notre groupe n'aurait pas rédigé le texte de cette manière, mais nous ne
voterons toutefois pas la proposition de M. le rapporteur, tant certains des
arguments juridiques ou biologiques entendus ici nous laissent tout de même
pantois !
Si M. Raffarin se plaint de l'inexpérience de ses colistiers, c'est peut-être
non pas simplement une question d'âge, mais parce qu'il les a mal choisis !
(Protestations sur les travées de l'Union centriste.)
Quoi qu'il en soit, nous sommes aujourd'hui confrontés à des exigences émanant
de la jeunesse elle-même, et il se fait jour dans ce pays une aspiration qu'il
convient, selon moi, de ne pas décevoir au moment où la crise de la chose
politique atteint les sommets que l'on sait.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
L'argumentation de notre excellent rapporteur est d'un poids considérable. Il
a fait appel à l'expérience en citant des cas très précis, et il est vrai que
sa propre expérience est bien connue et reconnue.
Toutefois, au-delà de l'argumentation forte qu'il a développée, je voudrais
lui lancer un appel et, à travers lui, à la Haute Assemblée : je souhaite qu'un
jour nous réfléchissions collectivement pour sortir de ce dilemme du choix
entre le plus âgé et le plus jeune.
Le plus jeune, incontestablement, souffre d'un défaut d'expérience, c'est
incontestable. Partout, l'apprentissage est nécessaire, y compris dans cette
maison où, lorsqu'on arrive, il faut faire sa période d'initiation,
d'apprentissage.
M. Jean Arthuis.
En effet !
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
N'est-ce pas, cher collègue Arthuis ? Nous en avons fait, des choses, dans
cette maison, au nom de la jeunesse !
(Nouveaux sourires.)
A l'approche du troisième millénaire, il nous faudra bien trouver une solution
pour que, systématiquement, on ne fasse plus appel au plus âgé, car
l'expérience dont on parle tant est, pour reprendre l'image du philosophe, une
lanterne que l'on porte dans son dos : elle n'éclaire pas forcément l'avenir.
Avec l'âge, il est vrai, on acquiert de l'expérience, mais cela ne suffit pas
forcément lorsqu'il s'agit de se projeter dans l'avenir, pour mille et une
raisons que je ne veux pas développer parce qu'il ne s'agit ici que d'une
explication de vote et que je ne veux pas être rappelé à l'ordre par notre
éminent président.
Je souhaite en tout cas qu'un jour, nous réfléchissions afin de trouver un
système - je n'ai pas la solution ce soir -, je l'avoue pour que, à défaut du
moins jeune, on ne prenne pas le plus âgé, ou, à défaut du plus âgé, on ne
prenne pas le plus jeune. Il y a là matière à réflexion pour que nos
assemblées, qu'elles soient locales, départementales ou régionales, puissent
trouver, en cas d'égalité des suffrages, une présidence qui rassemble
l'expérience et la jeunesse, mais aussi la projection dans l'avenir.
M. Jacques Legendre.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre.
Moi aussi, je voterai l'amendement de la commission.
M. le rapporteur vient de nous donnner un exemple concret inspiré par
l'expérience, mais je veux à cette occasion exprimer le léger malaise que je
ressens à voir identifier, en quelque sorte, jeunesse, inexpérience et risque
de commettre un certain nombre d'erreurs.
MM. Michel Duffour et Robert Bret.
Très bien !
M. Jacques Legendre.
Je crois qu'il ne faudrait pas que le Sénat donne le sentiment que telle est
son analyse !
Je rappelle que, dans notre pays, il est des lieux de pouvoir où les jeunes,
voire les très jeunes, ont leur place : dans les cabinets ministériels, dans la
haute administration, accèdent à des responsabilités importantes et sont
conseillers du prince des personnes dont l'âge n'est pas toujours très élevé,
et cela ne choque pas.
Peut-être est-ce parce que j'ai été par deux fois benjamin d'un gouvernement,
toujours est-il que je ne souhaite pas que soient trop mis en avant ces
critères de recrutement sur l'âge. Sur ce point, je ne suis donc pas éloigné de
M. Allouche : il n'est pas de bon système, me semble-t-il, de vouloir recourir
systématiquement au plus jeune et de céder à cette dérive en direction de ce
que l'on appelle le « jeunisme ». Ce n'est probablement pas prudent !
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Jacques Legendre.
En même temps, je reconnais aussi que l'on ne peut pas systématiquement penser
que la sagesse est toujours du côté du plus vieux !
(« Très bien ! » sur les
travées de l'Union centriste.)
N'oublions pas, à cet égard, cet exemple
malheureux de l'histoire lorsque, en 1940, le choix du plus vieux n'a pas été
le meilleur.
M. Guy Allouche.
Très bien !
M. Jacques Legendre.
Moi aussi, je souhaite donc que nous puissions un jour réfléchir sereinement à
la mise en place d'un autre système d'arbitrage dans les cas dont nous
débattons ce soir.
En attendant, je soutiendrai l'amendement de la commission.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
M. Allouche a parlé de la période d'apprentissage que chacun
connaît quand il entre dans une assemblée. Nous l'avons tous connue ! Je me
rappelle ainsi, lorsque je suis arrivé au conseil général de l'Aisne et alors
que je croyais avoir quelque expérience - je n'étais pas tout jeune, j'avais un
peu de « bouteille » dans d'autres domaines et pas mal de responsabilités
professionnelles qui n'étaient pas négligeables - je me rappelle, dis-je, avoir
entendu un conseiller général un peu plus âgé me dire qu'il fallait que je
fasse mes classes. Cela m'avait beaucoup choqué ! C'est pourtant lui qui avait
raison et moi qui me laissais emballer par l'enthousiasme de ma nouvelle
élection.
Que l'âge seul ne soit pas le meilleur critère, c'est probable ! Il a
cependant l'avantage d'être simple et facile à expliquer, parce qu'il ne me
paraît pas bon de commencer à trier dans les intelligences des uns par rapport
aux autres, dans l'expérience des uns par rapport aux autres, en prenant par
exemple la longueur du mandat : celui qui a exercé le mandat le plus long est
quelquefois celui qui ne s'est pas fait d'ennemi, donc celui qui n'a rien fait
!
Il faut donc trouver un système simple, facilement explicable. En tout cas, ce
n'est pas au détour de l'examen d'un projet de loi que l'on va commencer à
bouleverser tout cela.
Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de vous en remettre à la sagesse
du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
M. Guy Allouche.
Le groupe socialiste s'abstient.
M. Michel Duffour.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, je tiens à vous rappeler que la conférence des présidents
du mardi 8 décembre a décidé que nous arrêterions nos travaux à zéro heure. Or,
je constate qu'il est déjà zéro heure cinq.
En vertu de cette décision, je lèverai la séance au plus tard entre zéro heure
vingt-cinq et zéro heure vingt-neuf, afin que nous puissions reprendre nos
travaux demain à neuf heures trente pour le débat sur l'aménagement du
territoire, débat qui intéresse au premier chef le Sénat, représentant des
collectivités territoriales.
Ce débat a été décidé dans le cadre de l'ordre du jour réservé, en application
de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution, lequel dispose qu'« une séance
par mois est réservée par priorité à l'ordre du jour fixé par chaque assemblée.
»
Il ne serait pas acceptable, en effet, que l'ordre du jour de notre séance
empiète sur celui de la séance mensuelle réservée, qui correspond à une
priorité constitutionnelle pour le Sénat.
Il appartiendra donc au Gouvernement de proposer une autre date pour la suite
de l'examen du projet de loi actuellement en discussion.
7
COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, vous
savez à quel point le Gouvernement souhaite - et j'ai senti combien ce
sentiment était partagé
(Sourires) -
que l'examen de ce texte aille à son terme dans les meilleurs
délais.
M. Robert Bret.
Il faut que vous soyez patient !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Mardi, en conférence des
présidents, vous le savez, le Gouvernement a accepté, à la demande du président
de la commission des lois et malgré l'avis du président de la commission des
affaires culturelles, de déplacer la deuxième lecture du projet de loi
renforçant la lutte contre le dopage, alors que ce texte avait été annoncé le
17 novembre dernier.
Ce faisant, nous pensions que le temps dont nous avons disposé aujourd'hui
pour l'examen du projet de loi sur les conseils régionaux serait suffisant pour
avancer davantage dans la discussion. Manifestement, ce n'est pas le cas, et
j'ai le sentiment qu'il faudra encore un certain temps pour parvenir au terme
de cet examen et pour obtenir un vote sur l'ensemble dudit projet de loi.
Le Gouvernement se voit donc contraint de modifer une nouvelle fois l'ordre du
jour prioritaire du Sénat, en application de l'article 29, alinéa 5, du
règlement du Sénat.
La suite de l'examen en nouvelle lecture du présent projet de loi est donc
fixée au lundi 14 décembre, à dix heures trente, en lieu et place de l'examen
du collectif budgétaire pour 1998, dont la discussion commencera à quinze
heures.
Bien entendu, si, malgré cette nouvelle modification, le temps venait encore à
manquer, je puis vous assurer que le Gouvernement veillerait à ce qu'il soit
trouvé un nouveau créneau dans les meilleurs délais.
M. le président.
Acte vous est donné de cette communication.
M. Jean Arthuis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
S'il est un texte dont l'importance est capitale, c'est bien le projet de loi
de finances rectificative ! Il arrive en effet que le Gouvernement résiste mal
à la tentation d'insérer dans de tels projets, pour des motifs dits techniques,
un certain nombre de dispositions tendant à la légalisation d'opérations qui
ont été sanctionnées par des juridictions. Et il me semble que le texte qui
doit venir en discussion au début de la semaine prochaine est assez riche de ce
point de vue !
Je m'inquiète donc, dans ces conditions, de cette amputation du temps de
discussion du projet de loi de finances rectificative. Je trouverais fâcheux
que le Sénat manque de temps pour discuter comme il se doit du contenu de ce
texte.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Monsieur le président, avant que
nous reprenions la discussion du projet de loi relatif aux conseils régionaux,
je sollicite une brève suspension de séance.
M. le président.
Le Sénat va, naturellement, accéder à cette demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le jeudi 10 décembre 1998 à zéro heure dix, est reprise
à zéro heure quinze.)
M. le président.
La séance est reprise.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Monsieur le président, nous avions
appelé l'attention de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement sur
la complexité de ce texte et sur le temps que nécessiterait son examen. Nos
prévisions se sont avérées.
Pour autant, cela ne doit pas avoir pour conséquence de bouleverser l'ordre du
jour de lundi prochain, et notamment de restreindre le temps dont devait
disposer la commission des finances. Celle-ci n'est pas représentée ce soir, et
je trouve un peu cavalier de prendre une telle décision en son absence et de la
priver ainsi que le Sénat tout entier du temps nécessaire pour examiner un
texte qui doit l'être inévitablement avant la fin de l'année.
Monsieur le ministre, vous n'avez pas encore réussi - au fond de vous-même,
vous en êtes bien persuadé - à nous convaincre de l'urgence de ce texte, que,
je ne dirai pas par caprice gouvernemental mais par obstination, vous tentez de
faire aboutir.
Il n'y a pourtant aucune urgence. Les régions sont là pour six ans. Si les
présidents de région veulent bien appliquer les textes en vigueur, ils peuvent
parfaitement faire fonctionner leur assemblée.
Si vous insistez, monsieur le ministre, vous ne pourrez que nous renforcer
dans cette idée qui est sous-jacente à votre attitude : vous avez quelques
intentions politiques très directement liées à ce texte ! Vous me permettrez de
ne pas les partager.
M. le président de séance est resté dans son rôle quand il vous a donné acte
de votre communication, ce qui, à nos yeux, ne vaut en aucune manière
acceptation de votre proposition.
M. le président.
Monsieur le président de la commission, l'interprétation que je fais de mes
propres propos est identique à la vôtre. D'ailleurs, la lettre que nous a
communiquée M. le ministre ne prévoit pas d'horaire, s'agissant des horaires ;
il appartient au Sénat d'en décider. Nous verrons donc les suites qui seront
données à cette communication du Gouvernement.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, je
voudrais simplement faire remarquer que la conférence des présidents, à
laquelle nous avons tous deux participé et qui fut assez longue, pour une fois
au Sénat, a ouvert la journée du lundi 14 décembre sur l'examen du collectif
budgétaire, dans le cadre de l'ordre du jour prioritaire.
Je crois savoir que, aux termes de l'article 48 de la Constitution, il revient
au Gouvernement de fixer l'ordre du jour ; or celui-ci décide d'inscrire la
suite de ce projet. Il n'y a pas d'interprétation autre que celle que je viens
de donner concernant l'ordre dans lequel intervient l'examen des textes.
M. le président.
Monsieur le ministre, la conférence des présidents a ouvert l'ordre du jour de
lundi matin sur l'examen du collectif budgétaire.
Je confirme bien seulement qu'acte est donné de votre communication.
8
CONSEILS RÉGIONAUX
Suite de la discussion d'un projet de loi
en nouvelle lecture
M. le président.
Nous reprenons la discussion en nouvelle lecture du projet de loi relatif au
mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de
Corse et au fonctionnement des conseils régionaux.
Article 3
(suite)
M. le président.
Dans la discussion de l'article 3, nous en sommes parvenus à l'amendement n°
10.
Par amendement n° 10, M. Girod, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit la dernière phrase du troisième alinéa du texte présenté par
l'article 3 pour l'article L. 338 du code électoral : « Cette attribution
réalisée, les autres sièges sont répartis dans chaque section départementale
entre toutes les listes à la représentation proportionnelle à la plus forte
moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Cet
amendement est la conséquence des amendements n°s 6 et 7.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à une séance
ultérieure.
9
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale, relative au pacte civil de solidarité.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 108, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
10
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Louis Souvet un rapport fait au nom de la commission des
affaires sociales sur :
La proposition de résolution (n° 87, 1998-1999) présentée en application de
l'article 73
bis
du règlement par M. Michel Barnier sur la communication
de la Commission : proposition de lignes directrices pour les politiques de
l'emploi des Etats membres pour 1999 (n° E 1171).
Et la proposition de résolution (n° 98, 1998-1999) présentée en application de
l'article 73
bis
du règlement par M. Guy Fischer, Mmes Nicole Borvo,
Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM.
Robert Bret, Michel Duffour, Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Pierre Lefebvre,
Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Jack Ralite, Ivan Renar, Mme Odette Terrade
sur la communication de la Commission : proposition de lignes directrices pour
les politiques de l'emploi des Etats membres pour 1999 (n° E 1171).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 100 et distribué.
J'ai reçu de M. Philippe François un rapport fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan sur la proposition de résolution (n° 448,
1997-1998) présentée en application de l'article 73
bis
du règlement par
MM. Philippe François, Marcel Deneux, Jean-Paul Emorine, Mme Janine Bardou, MM.
Michel Barnier, Bernard Barraux, Georges Berchet, Jean Bizet, Roland Courteau,
Désiré Debavelaere, Mme Josette Durrieu, MM. Jean François-Poncet, Jean Huchon,
Jacques de Menou, Louis Minetti, Louis Moinard, Jean-Marc Pastor, Bernard
Piras, Paul Raoult, Charles Revet et Roger Rigaudière sur les propositions de
règlements (CE) du Conseil relatifs à la réforme de la politique agricole
commune (n° E 1052).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 101 et distribué.
J'ai reçu de M. Pierre Fauchon un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles de législation du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par
l'Assemblée nationale, modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution
(n° 92, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 102 et distribué.
J'ai reçu de M. André Boyer un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi
autorisant l'approbation du cinquième protocole (services financiers) annexé à
l'accord général sur le commerce des services (n° 22, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 103 et distribué.
J'ai reçu de M. Paul Masson un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur :
- le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre
le Royaume de Belgique, la République fédérale d'Allemagne, la République
française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République
italienne, le Royaume d'Espagne, la République portugaise, la République
hellénique, la République d'Autriche, le Royaume de Danemark, la République de
Finlande, le Royaume de Suède, parties contractantes à l'accord et à la
convention de Schengen, et la République d'Islande et le Royaume de Norvège
relatif à la suppression des contrôles de personnes aux frontières communes
(ensemble une annexe) (n° 568, 1997-1998) ;
- le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion du Royaume
de Danemark à la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin
1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes
(n° 569, 1997-1998) ;
- le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion de la
République de Finlande à la convention d'application de l'accord de Schengen du
14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières
communes (n° 570, 1997-1998) ;
- le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion du Royaume
de Suède à la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985
relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (n°
571, 1997-1998) ;
Le rapport sera imprimé sous le numéro 104 et distribué.
J'ai reçu de M. Robert Del Picchia un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi
autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle
entre le Gouvernement français et le Gouvernement macédonien pour la
prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions
douanières (n° 32, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 105 et distribué.
J'ai reçu de M. Robert Del Picchia un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi
autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle
entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
Fédération de Russie pour la prévention, la recherche et la poursuite des
fraudes douanières (n° 33, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 106 et distribué.
J'ai reçu de M. Robert Del Picchia un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi
autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle
en matière douanière entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République hongroise (n° 34, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 107 et distribué.
11
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Paul Masson un rapport d'information fait au nom de la
délégation du Sénat pour l'Union Européenne sur l'intégration de l'acquis de
Schengen dans l'Union européenne.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 99 et distribué.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, jeudi 10 décembre 1998 :
A neuf heures trente :
1. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat sur l'aménagement du
territoire.
Aucune inscription de parole dans ce débat n'est plus recevable.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.
4. Discussion des conclusions du rapport (n° 86, 1998-1999) de M. Christian
Bonnet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
sur la proposition de loi (n° 24, 1998-1999) de M. Christian Bonnet et des
membres du groupe des Républicains et Indépendants tendant à sanctionner de
peines aggravées les infractions commises sur les agents des compagnies de
transport collectif de voyageurs en contact avec le public.
Aucun amendement à ces conclusions n'est plus recevable.
5. Discussion des conclusions du rapport (n° 85, 1998-1999) de M. René-Georges
Laurin, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
sur la proposition de loi (n° 19, 1998-1999) de M. Claude Estier et des membres
du groupe socialiste et apparentés portant modification de la loi n° 96-370 du
3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de
sapeurs-pompiers.
Aucun amendement à ces conclusions n'est plus recevable.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi de finances rectificative pour 1998, adopté par l'Assemblée
nationale (n° 97, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 14 décembre 1998, à onze
heures.
Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif
aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 14 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant
les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution (n° 92, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 15 décembre 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 15 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à la validation
législative d'actes pris après avis du comité technique paritaire du ministère
des affaires étrangères :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 16 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de
loi de finances pour 1999 :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
jeudi 17 décembre 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 17 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à zéro heure vingt-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
Lors de sa séance du mercredi 9 décembre 1998, le Sénat a désigné :
M. Auguste Cazalet pour siéger au sein de la commission centrale de classement
des débits de tabac ;
MM. Joël Bourdin et Louis Boyer pour siéger en qualité de titulaires, MM.
Roger Lagorsse et Jacques Machet pour siéger en qualité de suppléants au sein
du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles.
Au sein de cet organisme extraparlementaire, M. Joël Bourdin a été désigné
pour siéger en qualité de titulaire et M. Roger Lagorsse a été désigné pour
siéger en qualité de suppléant dans la section de l'assurance des salariés
agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES
M. Hubert Durand-Chastel a été nommé rapporteur du projet de loi n° 72
(1998-1999) autorisant la ratification de la convention entre la République
française et la Confédération suisse portant rectification de la frontière
franco-suisse suite au raccordement des autoroutes entre
Saint-Julien-en-Genevois (département de la Haute-Savoie) et Bardonnex (canton
de Genève).
M. Hubert Durand-Chastel a été nommé rapporteur du projet de loi n° 73
(1998-1999) autorisant la ratification de la convention entre la République
française et la Confédération suisse portant rectification de la frontière
franco-suisse entre le département du Doubs et le canton de Vaud.
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
M. Marcel Lesbros a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 82 (1998-1999) de M. Rémi Herment tendant à prendre en compte pour l'octroi d'une retraite anticipée aux anciens combattants d'Afrique du Nord la durée du temps passé au-delà de la durée légale du service militaire entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962.
COMMISSION DES FINANCES
M. Michel Mercier a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 25
(1998-1999) de M. Bernard Joly visant à réformer le mode d'attribution de la
dotation particulière élu local.
Mme Marie-Claude Beaudeau a été nommée rapporteur de la proposition de loi n°
83 (1998-1999) de Mme Marie-Claude Beaudeau et plusieurs de ses collègues
relative aux ventes hors taxes.
DÉLAIS LIMITES POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS À DES PROPOSITIONS DE
RÉSOLUTION
En application de l'article 73
bis,
alinéa 7, du règlement, la
commission des affaires sociales a fixé au
mardi 15 décembre 1998,
à
17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à la
proposition de résolution qu'elle a adoptée sur la communication de la
Commission : proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi
des Etats membres pour 1999 (n° E 1171).
Le rapport n° 100 (1998-1999) de M. Louis Souvet sera mis en distribution
aujourd'hui,
jeudi 10 décembre 1998.
Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la
commission des affaires sociales et seront examinés par la commission lors de
sa réunion du
mercredi 16 décembre 1998,
à
9 heures.
En application de l'article 73
bis,
alinéa 7, du règlement, la
commission des affaires sociales a fixé au
lundi 14 décembre 1998,
à
17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à la
proposition de résolution qu'elle a adoptée sur les propositions de règlements
(CE) du Conseil relatifs à la réforme de la politique agricole commune (n° E
1052).
Le rapport n° 101 (1998-1999) de M. Philippe François sera mis en distribution
aujourd'hui,
jeudi 10 décembre 1998.
Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la
commission des affaires économiques et du Plan et seront examinés par la
commission lors de sa réunion du
mardi 15 décembre 1998,
au matin.
DÉLÉGATION DU SÉNAT
POUR L'UNION EUROPÉENNE
Composition du bureau
Au cours de sa séance du 8 décembre 1998, la délégation parlementaire pour
l'Union européenne a procédé à l'élargissement de son bureau, qui est désormais
ainsi composé :
Président :
Michel Barnier.
Vice-présidents :
Danielle Bidard-Reydet, James Bordas, Claude Estier, Pierre Fauchon,
Lucien Lanier, Aymeri de Montesquiou.
Secrétaires :
Nicolas About, Hubert Durand-Chastel, Emmanuel Hamel.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Importation et distribution de médicaments
397. - 9 décembre 1998. - M. Bernard Fournier demande à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes de bien vouloir lui préciser quelles sont les conditions d'application du décret n° 98-79 du 11 février 1998 au regard de la directive 92/25/CEE du 31 mars 1992. La directive CEE a proposé un cadre général pour l'activité de distribution en gros des médicaments à usage humain. Le décret ayant transposé ce texte en droit interne, semble beaucoup plus restrictif dans la détermination des activités, et conduit à de sérieuses difficultés d'importations parallèles de produits pharmaceutiques par un établissement autorisé et indépendant des fabricants. Dès lors que l'identité des spécialités à importer est établie, le bénéfice de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) délivré au fabricant ou à son représentant devrait être accordé à l'importateur : il semble que la pratique soit quelque peu différente, et que la Commission européenne puisse être amenée à se prononcer sur les restrictions apportées par la France à l'application de cette directive. Les articles 30 et 36 du traité de Rome instituaient la libre circulation des marchandises entre les Etats membres. S'agissant des médicaments, ces articles s'appliquent. Les écarts de prix au sein de l'Union pour un même produit variant de 20 à 50 %, les importations parallèles permettent de se procurer des médicaments à coût moindre, c'est-à-dire, d'influer de manière considérable sur les dépenses de santé. Les économies ainsi réalisées pourraient être substantielles, de l'ordre de 6 % des dépenses de santé. Des entreprises créatrices d'emploi se voient actuellement mises en danger par le blocage des autorités françaises à appliquer un texte européen, tandis que la jurisprudence, tant du Conseil d'Etat que de la Cour de justice des Communautés européennes est rigoureuse quand à l'applicabilité d'une directive par les Etats membres. Aussi, il le remercie de bien vouloir lui indiquer, d'une part, sur quels arguments le Gouvernement s'est fondé pour interpréter la directive 92/25 et ne pas en réaliser la transposition intégrale, et, d'autre part, si la France sera amenée à effectuer une nouvelle lecture de ce texte afin de l'appliquer plus exactement et de permettre ainsi directement la baisse des dépenses de santé.