Séance du 5 décembre 1998
III. - VILLE
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'emploi et la solidarité : III. - Ville.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Joyandet,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le ministre, à l'examen des
crédits de votre ministère, nous nous apercevons très rapidement que nous avons
au moins trois bonnes nouvelles : un ministre est de retour pour la ville ; il
vient avec un milliard de francs tout rond dans sa poche et il nous annonce
plus de 30 milliards de francs en provenance d'autres ministères. Nous ne
pourrions que nous en féliciter. Cependant, la commission des finances a essayé
d'y regarder d'un peu plus près pour voir si tant de bonnes nouvelles n'étaient
pas autant de fausses nouvelles.
S'agissant de la première, c'est incontestable, vous êtes là, monsieur le
ministre, et nous nous en réjouissons. C'est d'ailleurs quand vous n'étiez pas
là que la situation était anormale.
S'agissant de la deuxième nouvelle, ce milliard de francs bien rond, presque
trop rond, nous avons voulu en savoir un peu plus, comprendre comment on
atteignait ce chiffre. Beaucoup de crédits, c'est toujours agréable, mais
encore faut-il savoir pourquoi !
Il est quand même impressionnant de constater que les crédits du titre III,
qui rassemble essentiellement des crédits de fonctionnement, augmentent de
manière très importante : 32 %. La délégation interministérielle à la ville et
au développement social urbain, la DIV, notamment, voit pour sa part ses
crédits de fonctionnement augmenter de plus de 40 %.
Nous ne savons pas très exactement à quoi vont servir ces crédits.
Les crédits du titre IV augmentent de 50 %, passant de 437 millions de francs
à 657 millions de francs. On ne peut que s'en féliciter puisque ces crédits
servent notamment à financer les quelque 214 contrats de ville signés à travers
toute la France.
Le titre V nous a fait un peu bondir, je ne le cache pas, puisqu'il s'agit des
crédits d'études, qui passent de 4 millions de francs à 16 millions de francs
en crédits de paiement. C'est une somme très importante, alors qu'en 1997 cette
petite somme de 4 millions de francs n'a été consommée qu'à hauteur de 38 %.
Enfin, le titre VI regroupe les crédits d'investissement. Ce sont les parents
pauvres de ce « bleu » budgétaire : ils sont en régression de plus de 6 %.
En résumé, monsieur le ministre, votre budget s'élève à un milliard de francs
tout rond, mais avec des crédits de fonctionnement inscrits comme cela, sans
affectation particulière, alors que les crédits d'investissement sont, eux, en
stagnation, voire en régression.
En ce qui concerne la troisième nouvelle, disons-le tout net, nous ne sommes
pas d'accord !
Il s'agit là très clairement pour nous d'une fausse nouvelle, puisque nous
n'avons pas du tout la même appréciation sur les chiffres : 31 milliards de
francs sont annoncés, soit 8 milliards de francs de plus par rapport à
l'exercice budgétaire précédent. Pour notre part, nous sommes entre 16
milliards de francs et 20 milliards de francs, suivant les affectations que
nous voulons bien faire les uns et les autres, s'agissant de véritables crédits
budgétaires.
Pour ma part, monsieur le ministre, je considère que les 3 milliards de francs
des collectivités territoriales, le milliard de francs en provenance de l'Union
européenne, les 7 milliards de francs de la Caisse des dépôts et consignations
qui, de toute évidence, sont non pas des subventions mais des prêts - à la
limite pourrait-on inclure la bonification d'intérêt mais, en tout état de
cause, pas les prêts - et les 4 milliards de francs de la dotation de
solidarité urbaine, la DSU, qui sont dans la dotation générale de
fonctionnement, la DGF, soit au total 15 milliards de francs, ne devraient pas
être comptabilisés dans l'effort global de votre ministère.
Je sais bien que l'on dit qu'il est bon d'avoir une vision globale des
choses, mais il me semble qu'il faut s'en tenir aux véritables crédits
budgétaires.
Si l'on enlève ces crédits, on arrive à une addition qui n'est pas de 31
milliards de francs, mais de 16 milliards de francs, et si l'on compare à
critères identiques par rapport à l'exercice précédent, nous ne sommes qu'à 3
milliards de francs de plus par rapport à l'année dernière.
D'où viennent ces 3 milliards de francs ?
Nous les avons cherchés : ils ne viennent pas de la dépense fiscale, qui
stagne ; ils ne viennent pas des autres ministères puisque les actions au titre
des contrats de ville en provenance des autres ministères sont en baisse de
près de 7 %. Nous ne retrouvons finalement ces 3 milliards de francs que dans
les emplois-jeunes qui ont été comptés de manière un peu arbitraire : 20 % de
l'ensemble des emplois-jeunes en provenance des différents ministères.
Voilà pourquoi nous considérons que votre troisième bonne nouvelle est pour
nous une fausse nouvelle.
Monsieur le ministre, pour résumer, après ce décryptage un peu sommaire, le
milliard de francs du « bleu » est atteint avec des inscriptions en crédits de
fonctionnement tout à fait impressionnantes et en tout cas à utilisation non
identifiée en l'état de nos informations.
Je me suis même, à un moment, posé la question de savoir s'il ne s'agissait
pas là d'une éventuelle réserve budgétaire au cas où la croissance en 1999
n'atteindrait pas 2,7 %. Nous serons très attentifs après le vote de ce budget
pour éventuellement surveiller un certain nombre d'annulations de crédits.
L'effort budgétaire réel global n'est donc pas de 30 milliards de francs, mais
est plutôt de 16 ou 17 milliards de francs ; surtout, les investissements font
figure de parent pauvre.
La commission des finances n'aura donc guère de peine et ne prendra bien
entendu aucun risque en appliquant à ce budget son principe de maîtrise de la
dépense publique par le biais de deux amendements visant à réduire les crédits
des titres III et V de 5 %, apportant ainsi une contribution d'environ 12
millions de francs à la réduction globale de la dépense publique.
J'ajoute que ces réductions n'affecteront en rien le dynamisme et le
fonctionnement de l'ensemble de l'institution chargée de mettre en oeuvre la
politique de la ville.
Après l'exposé des chiffres, parfois un peu brutal, je voudrais, monsieur le
ministre, attirer votre attention sur deux points concernant la politique de la
ville que nous ne sentons pas du tout dans ce budget qui nous est proposé.
Quand on parle de la ville, on parle des jeunes, du malaise des jeunes, de
leur mal-être. Or deux points très importants fondent le rééquilibrage de la
jeunesse, notamment dans les cités : l'emploi, de toute évidence, mais aussi le
logement.
Je regretterai une fois de plus que la politique des emplois-jeunes n'ait pu
être ouverte aux activités privées. Mme Aubry nous avait annoncé 350 000
emplois publics ; l'effort est entrepris. Mais les 350 000 emplois-jeunes dans
le secteur privé, nous ne les voyons toujours pas venir. Le Sénat avait mené
une bataille pour faire adopter un amendement tendant à ouvrir les
emplois-jeunes au secteur privé. Hélas ! les députés n'ont pas retenu cette
initiative. Il me semble que, si nous pouvions ouvrir des dispositifs dans les
entreprises privées, nous créerions de véritables emplois ; au terme des
contrats, les emplois-jeunes dans le secteur privé pourraient devenir
définitifs.
En effet, actuellement, il faut le reconnaître, monsieur le ministre, les
emplois-jeunes ne sont pas de véritables emplois ; nous le constatons dans nos
villes, la plupart du temps, les emplois-jeunes ne concernent pas les jeunes
qui devraient normalement en bénéficier, les jeunes en difficulté. Il y a là un
vrai problème.
Un autre sujet, me semble-t-il, très important pour l'avenir, est celui du
logement. Un logement décent pour chaque famille devrait être l'objectif de
tout gouvernement et un plan national de restructuration de l'habitat social
est nécessaire.
Nous constatons sur le terrain que même des prêts bonifiés de la Caisse des
dépôts et consignations ne suffisent pas à accélérer de manière significative
la rénovation de l'habitat.
Des enfants de sept ans, dix ans, quinze ans rentrent le soir chez eux dans
des appartements d'une autre époque, qui ont eu leur utilité dans les années
soixante mais qui, aujourd'hui, ne favorisent absolument pas l'équilibre
familial, ne permettent absolument pas de faire des devoirs dans de bonnes
conditions.
Le problème qui se pose est très important pour l'avenir.
A titre d'exemple, je citerai le cas de Vesoul, la commune dont je suis le
maire. Nous avons désaffecté une tour de quatorze étages et, dans le même
temps, de petits pavillons sociaux indépendants ont été construits, avec chacun
son garage et son petit jardin. On constate que les problèmes sociaux que
connaissaient les familles disparaissent dans ce nouveau contexte.
La politique de la ville, c'est aussi conjuguer les actions en matière
d'emploi et de logement.
Aujourd'hui, l'Etat fonctionne certes, mais il n'investit plus. Or seule une
opération nationale en direction de l'habitat social permettrait de résoudre le
problème.
Seule une vaste opération d'investissement permettrait aux entreprises
d'embaucher des jeunes, qu'elles formeraient et, le plus souvent garderaient.
Il en résulterait, sans doute, une baisse très importante des coûts sociaux.
Monsieur le ministre, il ne faut plus tenter de résorber les effets d'une
situation qui va devenir explosive. Nous devons nous attaquer aux racines du
mal.
La commission des finances a donc émis un avis favorable à l'adoption de ce
projet de budget pour 1999, sous réserve de l'adoption de deux amendements
réduisant partiellement la progression des crédits figurant aux titres III et
V.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment
enrayer la spirale du déclin, de la pauvreté et de la violence dans les
quartiers les plus en difficulté ? Telle était la question à laquelle MM. Idrac
et Duport - appelés depuis lors à d'autres fonctions - ont tenté de répondre en
imaginant les zones franches urbaines. Ils souhaitaient donner une réponse à la
fois économique et sociale aux problèmes des quartiers les plus en difficulté,
en premier lieu au chômage qui les gangrène, et qu'évoquait voilà quelques
instants M. le rapporteur spécial.
Vous le savez, monsieur le ministre, la politique de la ville a d'abord besoin
de continuité et de stabilité. Aussi, permettez-moi de vous faire part des
préoccupations de la commission des affaires économiques et du Plan au sujet de
la modification du régime juridique des « zonages », en général, et des zones
franches, en particulier. Leurs détracteurs sembleraient trouver un certain
écho dans les rangs du Gouvernement !
Mais quelles solutions alternatives proposent-ils ?
Selon les uns, les zones franches urbaines, les ZFU, auraient favorisé les
délocalisations d'entreprises. Pour les autres, elles n'ont pas permis de créer
assez d'emplois.
Ces affirmations négatives, parfois formulées
a priori
- j'ai à ce
propos en mémoire les « fuites » issues du ministère de l'emploi et de la
solidarité durant l'été 1997 - me paraissent relever plus du procès d'intention
que d'une analyse précise et quantifiée.
Je déplore à cet égard que le rapport annuel que le Sénat avait demandé au
Gouvernement ne lui ait toujours pas été remis, deux ans après l'entrée en
vigueur de la loi ! Si l'exécutif ne parvient pas à réaliser une évaluation
a posteriori,
pourra-til effectuer une évaluation « en continu », comme
il l'a annoncé ?
A cette tribune même, voilà un an, Mme la ministre de l'emploi et de la
solidarité, qui, à cette époque, était aussi en charge de la ville, nous avait
assurés que ce rapport serait prêt pour l'été 1998. Je ne souhaite pas vous
voir assumer une responsabilité qui incombe à d'autres, mais j'observe que ce
document ne nous sera présenté qu'après le vote du projet du budget pour 1999.
Cette non-transmission est regrettable, car ce rapport aurait apporté un
éclairage important au Parlement !
Contrairement aux thèses soutenues par leurs détracteurs-procureurs, les zones
franches urbaines me paraissent avoir permis de mettre un terme à la
dégradation économique et sociale d'un certain nombre de quartiers les plus en
difficulté. Si j'en crois le bilan présenté par l'association des villes zones
franches urbaines, ces zones auraient, en un an et demi, permis l'installation
de 4 662 entreprises dont 2 194 résulteraient d'une création. Dans le même
temps, plus de 20 000 emplois ont été installés dans ces quartiers, dont 10 308
correspondent à des créations nettes.
Ces chiffres semblent indiquer que la tendance positive que nous avions
observée voilà un an se confirme, mieux qu'elle s'accélère.
Soucieux d'une approche réaliste et concertée, dans la tradition et la
vocation même de notre assemblée, votre rapporteur pour avis a, après un examen
sur pièce, effectué un contrôle sur place dans la zone franche de
Mantes-la-Jolie, au comité de surveillance de laquelle le président du Sénat
l'a désigné. Au cours de cette visite en la compagnie de M. Pierre Bédier, le
maire de la ville, et de notre collègue M. Dominique Braye, le président du
district urbain de Mantes, nous avons rencontré les acteurs de la zone
franche.
A Mantes, la création de la zone franche urbaine est une chance pour modifier
l'image négative du quartier du Val-Fourré et renforcer la mixité sociale.
Comme le soulignait une buraliste de Mantes II : « On revoit enfin des gens en
cravate ! ».
Cette formule résume, mieux qu'un long discours, la transformation qui
commence à être ressentie par les habitants. J'ai observé, alors que le texte
de la loi de 1996 prévoyait que 20 % au moins des emplois seraient pourvus par
des habitants des quartiers - je m'en souviens pour avoir eu l'honneur, alors,
d'être le rapporteur de la commission spéciale préparant le pacte de relance
pour la ville - que le taux d'embauche locale avoisinait 50 %. Les objectifs
sont donc dépassés et un certain équilibre est atteint.
La mixité au travail est l'une des formes de la mixité sociale. Il ne serait
pas raisonnable de considérer que les habitants des quartiers ont vocation à
occuper tous les emplois des zones franches urbaines. C'est cela même qui
contribuerait à les stigmatiser aux yeux de la population avoisinante. Là
encore, tout est question d'équilibre.
Pour ces communes, la création des zones franches me paraît offrir une lueur
d'espoir : au lieu du cercle vicieux qui lie la crise sociale et la précarité
fiscale se profile un début de cercle vertueux, et l'arrivée de nouvelles
entreprises augmente le produit de la taxe professionnelle, notamment par
compensation et, surtout, redonne de l'espoir.
Le dispositif « zone franche urbaine » ne fonctionne actuellement pas encore -
ce qui est normal - à plein régime. Au cours des deux dernières années, les
collectivités locales ont travaillé d'arrache-pied pour créer des zones
d'activités qui vont entrer progressivement en service. Tel est le cas à Mantes
où, après la zone Clemenceau, une autre se mettra en place, et dans d'autres
communes qui ont dû réviser leur plan d'occupation des sols afin de dégager des
emprises foncières pour y installer des entreprises.
J'ajoute que le retard pris dans la mise en oeuvre de l'établissement public
d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux a
pénalisé un certain nombre de municipalités. Je pense, par exemple, aux
difficultés rencontrées à Garges-lès-Gonesse par notre collègue Mme Nelly Olin.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que la commission spéciale du Sénat sur
le pacte de relance avait souligné l'importance de l'aide apportée par
l'EPARECA, spécialement pour des cités comme Garges.
Monsieur le ministre, avant de modifier le régime en vigueur, laissez-lui le
temps de produire tous ses effets. Laissez se produire les effets de la méthode
expérimentale. Laissez-les vivre ! Mieux, envisagez dès à présent avec les élus
locaux les modalités d'évolution, à expiration des délais fixés par la loi de
1996. Mais surtout, de grâce, donnez du temps à ce dispositif !
Mais la politique en faveur des quartiers ne saurait se réduire à des
dispositions d'ordre économique. Le pacte de relance prévoyait un ensemble de
mesures, dont un renforcement de la sécurité. Or, qu'observe-t-on lorsque l'on
pousse la porte, comme je l'ai fait de façon inopinée, voilà un mois, du poste
de police du Val-Fourré ? On constate que sur vingt fonctionnaires de police,
huit sont des auxiliaires de sécurité !
Une telle situation n'est pas conforme aux besoins. Nous n'avons cessé de
répéter depuis des années, et sur toutes les travées, que les quartiers
difficiles nécessitent, plus que d'autres, des personnels expérimentés, ce qui
n'exclut pas les adjoints ou les médiateurs, et personnellement j'en emploie
dans ma ville, mais à des tâches qui ne peuvent pas être celles d'hommes et de
femmes d'expérience.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de manifester des réserves sur un autre
sujet qui concerne les conditions dans lesquelles le comité interministériel
des villes du 30 juin dernier entend renforcer la participation des habitants.
Nul mieux que le maire, nous l'avons souvent affirmé ici, n'est fondé à animer
la politique de la ville. Que l'Etat prenne garde à ne pas favoriser
l'émergence d'instances dépourvues de toute légitimité élective à côté des
représentants élus des citoyens, en réclamant à cor et à cri l'intervention de
la « base ». Oui, il faut du dialogue, du vrai dialogue, mais prenez garde de
ne pas affaiblir le système démocratique.
Enfin, monsieur le ministre, je considère que le redécoupage des zones
d'éducation prioritaires, les ZEP, doit se faire en concertation avec les chefs
d'établissements, les parents d'élèves et les élus. Les mouvements que suscite
à Paris la réforme en cours montrent que, dans ce domaine, bien des efforts
restent à accomplir.
Là encore, alors même que le rapport Sueur parlait de « zonite aiguë », il
importe de se montrer prudent quant à l'évolution des zonages, et de pratiquer
le dialogue, toujours le dialogue, pour ne pas exclure certaines situations
différentes des efforts qui sont engagés, des restructurations presque mentales
qui sont conduites. A cet égard, l'école est un des piliers de la politique de
la ville.
L'ensemble de ces considérations et, vous l'aurez compris, de ces
appréhensions, ont amené la commission des affaires économiques à débattre et à
souhaiter que le Gouvernement travaille dans la continuité du pacte de relance
pour la ville.
La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits au
projet de loi de finances pour 1999, sous réserve du vote des amendements qui
seront présentés, au nom de la commission des finances, par notre rapporteur
spécial, et qui - c'est un peu exceptionnel dans les débats qui nous occupent
depuis quelques jours - corrigent le titre V pour des crédits d'études.
Monsieur le ministre, la politique de la ville a certes besoin d'études, mais
elle en est à bac + 15
(Sourires),
et plus que d'une énième étude, elle a besoin de volonté, de continuité et
d'ambition.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Blanc, rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des
affaires sociales a étudié avec attention le budget de la ville, d'autant plus
que nous avons senti que certaines des observations que nous avions émises, mes
collègues et moi-même, lors de la précédente discussion budgétaire, avaient été
entendues.
C'est ainsi que, avec votre nomination, au mois de mars dernier, monsieur le
ministre, l'organigramme gouvernemental a été aménagé afin de mieux prendre en
compte la spécificité de la politique de la ville.
Les quartiers sensibles, comme les zones rurales défavorisées, ont besoin
d'être aidés par les pouvoirs publics pour surmonter les difficutés qu'ils
rencontrent. C'est pourquoi il n'y a pas, pour nous, de contradiction entre
l'objectif du retour au droit commun des quartiers en difficulté et la mise en
place d'une géographie prioritaire de la politique de la ville - selon les
critères améliorés mis en place depuis 1996 et pour lesquels vient de vous être
demandée une continuité - qui permette à l'Etat d'intervenir au mieux dans les
zones où se fait durement sentir le besoin d'une redynamisation économique et
sociale.
Je ne reviendrai pas, bien entendu, sur les chiffres déjà indiqués par les
rapporteurs qui m'ont précédé ni sur les problèmes de l'emploi des jeunes, des
logements et des zones franches.
S'agissant du budget, les évolutions flatteuses de l'effort public consenti en
faveur de la ville ne doivent pas masquer la part essentielle prise par les
collectivités locales, qui interviennent soit directement, soit indirectement
par la mise en jeu de la solidarité financière au sein de la DGF, le recours
aux emprunts de la Caisse des dépôts et consignations - auquel il a déjà été
fait allusion - ou les efforts consentis en dehors des contrats de ville.
Mais, au-delà de ce budget, monsieur le ministre, la commission des affaires
sociales a émis trois mises en garde sur la politique de la ville que vous
mettez en place.
Tout d'abord, il faut veiller à ne pas casser l'outil utile, mais déjà
fragile, que constitue le contrat de ville en lui assignant trop d'objectifs.
Vous souhaitez demander aux futurs contrats de faciliter l'émergence des
agglomérations urbaines, d'incarner la participation démocratique des habitants
à la vie locale et de formaliser l'intervention conjointe de tous les niveaux
de collectivités locales. Mais vous négligez le défaut principal qui explique
en partie le ralentissement des financements locaux en 1997 et qui est la
complexité des prises de décisions et la lourdeur des circuits de financement
croisés. Le contrat de ville est un outil au service de la décentralisation qui
demande à être plus lisible et rendu plus efficace plutôt qu'à être encore
compliqué.
Ensuite, les réticences exprimées, ici où là, à l'égard du dispositif
d'exonérations dans les zones franches urbaines semblent être remises en cause
- et M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan, y a fait allusion - car les résultats sur dix-huit mois
montrent clairement que les installations d'entreprises et les embauches
nouvelles reprennent dans des quartiers que l'on disait sinistrés depuis quinze
ans. La question est non plus de savoir aujourd'hui si les zones franches
urbaines marchent ou ne marchent pas, mais plutôt de se demander s'il ne
faudrait pas en étendre le champ pour des zones classées aujourd'hui en zones
de redynamisation urbaine, les ZRU.
Enfin, et c'est sur ce point que je souhaite insister, le rétablissement de la
sécurité dans les quartiers doit être une priorité absolue.
Au-delà des statistiques, qui méritent d'être affinées à partir d'un
échantillon - ne serait-ce que pour que l'action du Gouvernement dispose d'un
indicateur minimal - il importe de souligner que le sentiment d'insécurité qui
règne dans les quartiers demeure très fort dès lors que les victimes de
violences ou de dégradations de biens ont le sentiment qu'il ne leur est pas
apporté de réponse policière. De plus, les actes d'incivisme et d'incivilité
qui ne donnent pas lieu à déclaration et qui exaspèrent les habitants réduits à
l'impuissance méritent également une réponse appropriée.
Il faut enfin compter avec la progression d'une délinquance causée par des
mineurs parfois en bandes organisées, progression qui pose à la fois la
question de l'adaptation de notre système judiciaire et celle de l'évolution du
système de distribution des prestations familiales pour éviter de
déresponsabiliser les parents.
La commission a également tenu à souligner que la violence urbaine tendait à
s'étendre par un effet de tache d'huile à des zones rurales proches des
banlieues où apparaissent des actes de destruction et de dégradation de biens
agricoles ainsi que dans les villes suburbaines moyennes.
Si toutes les expériences étrangères, telles que celles qui sont conduites aux
Etats-Unis, ne sont sans doute pas directement transposables dans notre pays,
elles ont au moins le mérite de nous rappeler que l'activité policière doit
apporter une réponse concrète, quotidienne et sérieuse à toutes les situations
de violence ou d'insécurité vécues par les habitants de quartiers. Faudra-t-il
appliquer dans notre pays la politique inspirée de la thoérie du « carreau
cassé » ?
C'est pourquoi, au-delà de la politique de prévention que vous préconisez,
monsieur le ministre, et qui fait largement appel aux capacités d'intervention
des collectivités locales à travers les conseils communaux de prévention de la
délinquance ou les contrats locaux de sécurité, il importe de renforcer la
présence policière par un déploiement d'effectif d'agents chevronnés sur le
terrain, et ce d'autant plus que l'on sait que le taux de rotation des
personnels en service est élevé.
De ce point de vue, nous ne pouvons que nous inquiéter du fait que le
déploiement de 4 000 policiers envisagé dans le pacte national de relance pour
la ville de M. Alain Juppé ait été interrompu, alors que le déploiement des
adjoints de sécurité et des agents locaux de médiation sociale n'apporte pas
les mêmes garanties d'efficacité. Nous souhaitons que la politique de la ville
se fasse dans la continuité.
Compte tenu de ces observations, la commission a émis un avis défavorable à
l'adoption du projet de budget relatif à la ville tel qu'il est transmis par
l'Assemblée nationale. Bien entendu, cet avis ne préjuge pas les votes qu'elle
sera amenée à formuler sur le budget tel qu'il pourrait être amendé sur
l'initiative de la commission des finances et tel que vient de l'évoquer M. le
rapporteur spécial.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 38 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget pour la ville qui nous est soumis aujourd'hui s'élève, selon le «
fascicule jaune », à 31,262 milliards de francs. Il augmente ainsi de 31 %, ce
dont je me félicite. Toutefois, cette hausse ne fait que correspondre aux
principes posés par la loi relative à la mise en oeuvre du pacte de relance
pour la ville de 1996.
Les crédits spécifiques ville sont, quant à eux, inscrits dans le « fascicule
bleu » et émanent de l'Etat.
Le budget pour la ville apparaît comme un mélange de plusieurs crédits
provenant de l'Etat, de l'Union européenne, des collectivités locales... Vous y
incluez même les prêts issus de la Caisse des dépôts et consignations. D'une
part, je m'étonne que l'on puisse considérer sérieusement des prêts comme de
véritables crédits ; d'autre part, vous savez très bien, monsieur le ministre,
qu'étant donné les difficultés rencontrées par les communes à emprunter
davantage ces prêts sont rarement consommés.
A entendre les déclarations du Gouvernement, les crédits alloués à la
politique de la ville traduisent un effort financier énorme, sans précédent.
Pourtant, monsieur le ministre, il a fallu une année à ce même Gouvernement
pour prendre conscience de la nécessité d'un ministère chargé de la ville. Il
était temps ! Comme l'ont dit mes collègues, nous nous réjouissons de votre
arrivée. Nous aurions tous aimé, notamment les maires des villes difficiles,
qu'il en soit autrement et que le ministère chargé de la politique de la ville,
qui avait été mis en place par vos prédécesseurs, ne disparaisse pas, même pour
une année.
La situation préoccupante de nos banlieues nous prouve tous les jours qu'une
politique sérieuse et surtout efficace doit être mise en oeuvre.
S'il y a peu d'occupations aussi passionnantes que celle de maire, il faut
avouer que c'est une tâche difficile. En tant que maire de Garges-lès-Gonesse,
j'insiste sur la nécessité d'une politique efficace qui s'inscrirait dans la
durée.
Je m'étonne donc, monsieur le ministre, de l'énormité des crédits affectés à
diverses instances de réflexion. Plusieurs institutions existent déjà : le
Conseil national des villes et du développement social urbain, dont je suis
membre, la délégation interministérielle à la ville et au développement social
urbain... Et j'apprends votre volonté de mettre en place et de créer un
institut pour la ville ! Je ne peux que regretter que l'on finance de plus en
plus de nouvelles structures qui feront le même travail que celles qui existent
déjà.
Vous augmentez les crédits d'étude, d'ingénierie et de formation, qui doivent
être cofinancés par des collectivités locales qui supportent de moins en moins
l'ouverture de nouveaux crédits.
Monsieur le ministre, on dépense beaucoup en études théoriques pour tenter de
comprendre les malaises des quartiers et ce, malheureusement, aux dépens de ces
mêmes quartiers. Je souhaite que ces études soient consacrées à des projets
concrets et non à des réflexions plus ou moins déconnectées de notre
réalité.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Très bien !
Mme Nelly Olin.
La politique de la ville doit se recentrer sur deux principaux objectifs.
D'une part, nous devons engager une lutte sans merci contre la violence urbaine
et, d'autre part, tous les acteurs de la vie locale doivent se mobiliser pour
lutter contre le chômage.
Les événements récents qui se sont déroulés dans les transports publics nous
ont montré, une fois de plus, l'exaspération de la population face à ce regain
de violence. Je profite de cette occasion pour féliciter notre collègue
Christian Bonnet d'avoir déposé, au nom de la commission des lois, une
proposition de loi aggravant les peines encourues en cas d'agression d'un agent
des transports publics de voyageurs.
Il était temps d'engager des mesures répressives pour lutter contre une
délinquance, hélas ! de plus en plus jeune et de plus en plus violente. Les
actes gratuits se multiplient et la population ne supporte plus de voir ces
délits impunis. Il est urgent d'engager une concertation avec les collectivités
locales afin d'affecter de nouveaux moyens de police ou de gendarmerie dans les
quartiers difficiles.
S'agissant de la prévention, je me réjouis de la relance des zones d'éducation
prioritaire et de la mise en place de contrats éducatifs locaux pour prévenir
la violence et favoriser l'éducation à la citoyenneté, à condition que cela se
fasse dans la plus parfaite concertation avec les élus et l'éducation
nationale.
Le comité interministériel des villes et du développement social urbain, qui
s'est réuni en juin dernier, a prévu le développement de comités d'éducation à
la santé et à la citoyenneté. J'ose espérer que ce projet ne restera pas une
annonce.
La sécurité, je vous l'ai dit tout à l'heure, monsieur le ministre, doit être
renforcée dans nos quartiers, et c'est pour cela que Garges-lès-Gonesse a
répondu à l'appel à projets « commerce et sécurité » lancé par le précédent
gouvernement ; elle a été lauréate. C'est donc dans ce cadre que des
investissements sont soit en cours soit prévus, comme l'éclairage, les bornes
antifranchissement ou la vidéosurveillance. Conformément aux engagements pris
dans le cadre de l'appel à projets, une brigade VTT de la police municipale -
non armée - assure une surveillance ciblée sur les sites commerciaux.
Je regrette, monsieur le ministre, que le Gouvernement ne lance plus
d'opérations de ce type pour assurer davantage de sécurité non seulement dans
les centres commerciaux, mais également dans les transports.
Le deuxième grand objectif de la politique de la ville est, bien sûr, la lutte
contre le chômage.
S'agissant de l'emploi des jeunes, la loi du 16 octobre 1997 prévoit la
création du programme « Nouveaux services, nouveaux emplois ». Je souhaite que
les emplois-jeunes soient réellement de nouveaux emplois.
Je me réjouis toutefois de la mise en place du programme TRACE - trajet
d'accès à l'emploi - pour les jeunes en difficulté et issus de quartiers
sensibles. Il permettra d'accompagner ces derniers vers un emploi stable en
dix-huit mois. Pour l'année 1998, ce programme devrait concerner environ 10 000
personnes.
S'agissant des chômeurs de longue durée, des allocataires du RMI ou des
handicapés, la mise en place des contrats emploi-solidarité prouve encore
aujourd'hui son efficacité. Il serait bon, monsieur le ministre, que vous
prévoyiez de renforcer ce dispositif dans les zones difficiles.
Reste, monsieur le ministre, que j'ai été très choquée par le contenu du
rapport Sueur s'agissant de la discrimination positive faite en faveur des
zones et de vos propos sur le dispositif des zones franches urbaines qui «
susciterait des effets pervers »
Je peux aujourd'hui en témoigner, la création de la zone franche
Garges-Sarcelles a permis à ma commune de relever la tête. C'en est en effet
fini des départs incessants des entreprises. Pour la seule ville de
Garges-lès-Gonesse, ce sont 178 entreprises qui se sont installées et 1 020
emplois qui ont été créés. Ces résultats, vous en conviendrez, sont très
encourageants ; ils n'auraient pas été possibles sans la loi relative au pacte
de relance pour la ville.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Très bien !
Mme Nelly Olin.
Aussi, monsieur le ministre, je ne vois pas d'effets pervers à la création de
2 020 emplois pour la seule zone franche Garges-Sarcelles. Je peux vous assurer
que les zones franches urbaines ont réellement « sauvé » des villes du
naufrage. Vous vous êtes permis de juger un dispositif sans en connaître les
résultats et sans vous donner les moyens de les connaître puisqu'aucun bilan
n'a encore été établi, mise à part la visite récente d'inspecteurs des finances
et des affaires sociales, qui, d'ailleurs, manifestaient
a priori
un
certain scepticisme, je tiens à le préciser !
Nous pouvons vous dire aujourd'hui que, non seulement le bilan est positif en
matière de créations d'emplois mais que, en plus, il s'améliore par rapport à
la première année de sa mise en place.
Le dispositif serait encore plus efficace si vous aviez bien voulu lui
accorder tous les moyens prévus, notamment l'affectation de 4 000 postes de
policiers dans les quartiers sensibles.
Il s'agit maintenant de répondre aux interrogations des entreprises sur la fin
du dispositif, dont la durée de vie est de cinq ans ; nous attendons vos
propositions à ce sujet.
Vos arguments s'appuient sur un risque d'inégalité entre les communes.
Toutefois, je vous rappelle que les zones franches urbaines ne sont pas
destinées à durer puisqu'elles ont pour objectif de remettre « à niveau » nos
villes du point de vue économique.
Le pacte de relance pour la ville a également permis d'amplifier les retombées
des contrats de ville en y intégrant fortement la dimension économique. Le
contrat de ville passé entre l'Etat et Garges-lès-Gonesse a permis la mise en
oeuvre de plusieurs actions intercommunales, notamment en matière de santé, ce
qui me réjouit. Toutefois, je regrette que ces contrats ne permettent de
financer que des engagements de quartier alors que nous aurions besoin d'une
complète recomposition urbaine.
Vous vous inquiétez de la prise en compte des seuls quartiers au détriment de
l'agglomération dans son ensemble. Je vous rappelle que le principe du zonage
permettra justement de réinstaller une certaine égalité entre les quartiers
dits difficiles et les autres, plus tranquilles.
A cet égard, j'aimerais savoir sur quels critères les treize sites pilote ont
été choisis et dans quelle mesure ce choix n'accentuera pas l'inégalité entre
les communes.
Je doute également de votre souci d'égalité au vu de l'application des crédits
alloués aux grands projets urbains, les GPU. Ce dispositif, qui permet de
concentrer des crédits importants relevant de la politique de la ville au
niveau de l'Etat, de la région et du département, tend à réinsérer et à
restructurer les quartiers dans l'agglomération. C'est une bonne chose,
monsieur le ministre, mais je m'étonne que toutes les villes qui en auraient
besoin n'en bénéficient pas.
En particulier, je regrette que Garges-lès-Gonesse ne soit pas classée en GPU,
mais il est vrai que la menace permanente que fait peser sur notre ville
l'autoroute A 16 rend difficile l'élaboration d'un véritable projet urbain !
Monsieur le ministre, j'aurais souhaité qu'en matière de
démolition-reconstruction, l'Etat dégage des crédits spécifiques afin d'éviter
aux communes d'avoir une nouvelle fois recours à l'emprunt, comme cela est
envisagé à Garges-lès-Gonesse pour la reconstruction de 170 logements.
Enfin, monsieur le ministre, j'ai saisi en juillet 1997 l'EPARECA -
établissement public d'aménagement et de reconstruction des espaces commerciaux
et artisanaux - afin qu'il intervienne à propos du centre commercial de
Garges-lès-Gonesse. Depuis, nous attendons toujours une réponse. Je regrette
les lenteurs de la mise en place de cet établissement : il serait urgent qu'il
se mette au travail. En effet, ces énormes délais portent un grave préjudice à
nos projets, et j'attends du Gouvernement qu'il mette rapidement en oeuvre les
crédits nécessaires.
Monsieur le ministre, je crains que le présent projet de budget ne réponde que
très mal aux attentes suscitées par les mesures qui ont été annoncées. Or les
maires, vous le savez, sont las d'aller de déception en déception. Il faut
donner les moyens à nos communes de retrouver une image positive. Pour que nous
n'ayons plus à parler d'actes de vandalisme, de voitures brûlées, de centres
commerciaux dévastés, dont la presse d'ailleurs se fait toujours largement
l'écho à tort, donnez-nous les moyens d'espérer que nos villes puissent
remobiliser leurs forces et leurs atouts, qui sont considérables dès lors qu'on
ne les décourage pas à coup de promesses non suivies d'effets.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis les
dispositifs sur l'habitat et la vie sociale de la fin des années soixante-dix
en passant par le pacte de relance de la ville, vingt années d'intervention au
titre de la politique de la ville n'ont pas permis d'enrayer des tendances
lourdes touchant particulièrement nos grands ensembles qui, en fait, traduisent
de véritables mutations de notre société.
C'est en ce sens qu'il faut beaucoup d'humilité dans le traitement des
problèmes qui se posent à nous car la ségrégation se conforte, l'exclusion se
territorialise, la mixité sociale s'affaiblit, le chômage fait des ravages -
les jeunes sont particulièrement touchés - le taux de vacance des logements
sociaux augmente dangereusement - près de 100 000 logements sont vacants dans
les grands ensembles - l'insécurité, les incivilités freinent les actions
engagées, voire les remettent en cause.
Si ce constat nous interpelle, il ne nous étonne pas. Depuis de nombreuses
années, les élus communistes répètent que le mal-être des banlieues n'est rien
d'autre que le reflet de la crise qui ronge notre société, laquelle société est
de plus en plus duale.
Si la dégradation du tissu social urbain est avant tout due au chômage, à la
précarité et à la misère, elle est aussi, en partie, causée par la conception
de l'urbanisation des années cinquante - soixante-dix où l'on a construit et
équipé notre territoire en le zonant de manière outrancière.
La ségrégation des territoires a marqué à jamais notre pays.
Cela est particulièrement vrai en matière d'habitat. La répartition entre
logements sociaux et privés dans le Bassin parisien ou dans l'agglomération
lyonnaise est sans équivoque.
Le rapport Sueur met en évidence les déséquilibres, s'agissant notamment de la
présence des services publics : des services de police, de justice, des postes
et télécommunication, de l'éducation, etc.
Par exemple, il y a un écart de 1 à 31 entre la population desservie par les
différents tribunaux de grande instance. La Poste emploie, en moyenne, au
niveau national, 1 agent pour 180 habitants alors que, dans les zones urbaines
sensibles, le rapport est de 1 pour 672.
Le mouvement des enseignants, des élèves et des parents de la
Seine-Saint-Denis, qui s'est manifesté en mai dernier, a révélé l'ampleur des
inégalités en matière d'éducation.
Ces constats doivent nous conduire à la mise en oeuvre d'une politique de la
ville ambitieuse.
Votre nomination, monsieur le ministre, a répondu à notre attente. Le projet
de loi de lutte contre l'exclusion, la mise en place des emplois-jeunes étaient
des réponses attendues. Le groupe communiste républicain et citoyen se félicite
que vous engagiez franchement, monsieur le ministre, un travail
interministériel et transversal.
Nous sommes de ceux qui préfèrent aborder la politique de la ville comme la
volonté de mettre en oeuvre une véritable cohésion des politiques ayant trait à
la vie dans les villes et au développement des « villes », qu'il s'agisse du
développement des pôles de services publics, de la desserte de l'ensemble du
territoire par les transports publics, des projets d'aménagement, des règles de
péréquation et de solidarité financière entre collectivités ou encore des
règles de répartition des différents types d'habitat sur les territoires.
Le comité interministériel des villes, réuni le 30 juin dernier, s'inscrit
dans cette perspective. Les huit mesures qui nourrissent les orientations du
Gouvernement en matière de mixité urbaine et sociale vont dans le bon sens. De
telles ambitions ont pour corollaire l'engagement de moyens nouveaux en
croissance significative.
Les crédits de votre ministère progressent globalement de 32 %. Cet effort est
d'autant plus louable qu'il porte, pour l'essentiel, sur les interventions
publiques, qui augmentent de 50 %.
Ajouté aux 8 milliards de francs d'évolution de l'effort public global, qui
passe de 23 milliards à 31 milliards de francs, le budget de la politique de la
ville devrait, dès 1999, commencer à rendre perceptible dans le vécu quotidien
de millions de personnes l'action politique qui le sous-tend.
En revanche, vos crédits d'investissements sont stables. Si cette stagnation
est due à la non-consommation des crédits d'investissements les années
précédentes, cette non-consommation n'est-elle pas elle-même due, en partie,
aux difficultés financières des collectivités qui ne trouvent pas toujours les
moyens de réaliser les équipements qu'elles continuent pourtant de juger
indispensable ?
Un des autres axes affichés par votre budget est le développement de la
démocratie et de la participation citoyenne à la vie des villes.
La commune, foyer de démocratie, de vie associative, elle-même facteur de
cohésion sociale, reste le cadre le plus approprié de l'expression de la
volonté populaire.
L'actualité, marquée par une certaine recrudescence des actes de violence,
doit nous inciter à faire coexister la vigilance, la prévention et la
répression.
En ce moment même, monsieur le ministre, à Vénissieux, aux Minguettes, un
collectif d'associations et d'habitants manifeste pour résister aux grands maux
de notre société. Ils ne baissent pas les bras, ils agissent. Ils doivent être
entendus. Les Minguettes sont privés de transports en commun depuis trois jours
à la suite de la mort accidentelle à Saint-Fons d'un collégien. Ce fait divers
illustre dramatiquement la réalité de la vie quotidienne.
Il faut donc continuer à se battre pour la création d'emplois.
Mieux vivre à la ville passe également par l'éducation et la
responsabilisation des parents. Le plan de relance des ZEP doit être dynamisé
et discuté.
D'autres actions fortes doivent conforter les opérations d'aménagement et de
réhabilitation engagées. Le chemin est long et sinueux.
La construction-démolition marquera une nouvelle étape en matière
d'aménagement urbain. Instaurer une présence forte dans les transports en
commun et dans les quartiers, conforter la présence des services publics sont
autant d'actions qui, avec le développement économique, contribueront
éminemment à maintenir le lien social.
Il faut enfin, bien sûr, réclamer des moyens financiers à la hauteur de
l'enjeu. Nous nous y engageons.
Cependant, au nom de la réduction des dépenses et du déficit public, la
commission des finances s'apprête à amputer 16 millions de francs, notamment
sur les crédits d'équipement. Nous le regrettons vivement et ne pouvons
cautionner cette démarche, qui justifiera notre franche opposition à cette
réécriture du budget, même symbolique, de la majorité sénatoriale.
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le ministre, c'est le premier budget que vous nous présentez, et nous
nous réjouissons tous de la nomination d'un ministre délégué à la ville.
Ce budget est aussi le premier budget de l'Etat par sa progression : il
connaît une hausse de 32 % pour les crédits spécifiques de votre ministère, qui
franchissent le cap symbolique du milliard de francs. C'est une augmentation
sans précédent depuis la création d'un ministère de la ville, mais nous n'en
sommes pas surpris, compte tenu de la volonté que vous avez exprimée, dès votre
nomination, d'une nouvelle ambition pour les villes.
Le conseil interministériel des villes, qui s'est réuni le 30 juin dernier,
sous la présidence du Premier ministre, a très clairement souligné le caractère
prioritaire qu'il faut donner à la politique de la ville.
Rappelons qu'en février 1998 le rapport
Demain la ville
de Jean-Pierre
Sueur a largement contribué à relancer la réflexion sur l'avenir de la
politique de la ville.
L'idée conductrice de ce rapport a été de sortir de la conception habituelle
selon laquelle la ville serait le réceptacle de tous les maux de la société. Il
faut réhabiliter l'image et le concept de la ville.
En 1994, l'association des maires des grandes villes de France avait publié
son manifeste :
Mon pays, c'est la ville.
Et la ville va encore grandir : bientôt, huit Français sur dix vivront dans
les villes. Sans vouloir opposer les villes au monde rural, les habitants des
campagnes à ceux des villes, il faut bien reconnaître que c'est la ville qui
crée la majeure partie des richesses et qui est le lieu des principaux
enjeux.
André Bercoff, dans la préface du Manifeste des maires, s'exprime ainsi : «
S'il s'agit de développer ses potentialités, d'acquérir plus de conscience,
d'approfondir disciplines et concepts, de gagner en intensité sur le temps qui
nous reste à vivre, de s'ouvrir aux êtres et aux rencontres, de s'enrichir par
ses différences, d'apprendre à apprendre, de grandir en civilisation, alors,
rien de tel que la ville ».
Monsieur le ministre, le problème dont nous débattons aujourd'hui en examinant
les crédits de votre ministère est bien celui d'un projet de société. Et c'est
bien ainsi que vous le considérez. Il ne s'agit pas d'élaborer un nouveau plan
d'urgence, un plan Marshall pour les banlieues ; la politique de la ville ne
doit pas être, pour reprendre votre expression, un SAMU social. Il faut une
approche plus large, dépassant le cadre des seuls quartiers en difficulté et
s'inscrivant dans le long terme. Nous adhérons tous, j'en suis convaincu, aux
objectifs qui ont été fixés par le conseil interministériel.
Il faut d'abord garantir le pacte républicain sur tout le territoire avec un
égal accès aux services publics. Quelles que soient les mesures qui ont pu être
prises jusqu'ici, il faut bien reconnaître - cela a été dit - qu'il y a
toujours moins de services publics dans les quartiers sensibles que dans le
reste des villes. C'est vrai pour La Poste, pour l'ANPE, pour la justice, pour
la police.
Les budgets des ministères concernés doivent tenir compte des principales
préoccupations des habitants de ces quartiers : l'éducation, la sécurité,
l'emploi.
Il faut des réponses cohérentes, transversales. Les contrats locaux de
sécurité devraient permettre d'apporter une réponse collective, mieux
appropriée, en mettant en oeuvre un véritable partenariat. Mais il faudra sans
doute aussi renforcer les moyens, particulièrement les effectifs de la police,
pour assurer partout le droit à la sécurité et à la tranquillité publique.
Le problème de l'emploi est également très préoccupant et il appelle aussi des
réponses transversales. Il y a le rôle que jouent les emplois-jeunes, qu'il
s'agisse des adjoints de sécurité ou des aides-éducateurs, ou encore des autres
emplois-jeunes créés par les communes ou par des associations et qui sont
essentiellement déployés dans les quartiers en difficulté. Il y a aussi le
programme TRACE, dont Mme Olin a souligné l'intérêt.
Mais peut-on considérer que les zones franches et les zones de redynamisation
urbaine ont atteint les objectifs qui avaient été fixés et qui étaient de créer
des emplois dont une large partie serait réservée aux habitants des quartiers
concernés ?
Si, dans un certain nombre de cas - M. Gérard Larcher l'a souligné - des
résultats positifs ont pu être obtenus, n'y a-t-il pas eu, dans d'autres cas,
des dérives, des effets d'aubaine, des délocalisations, une concurrence
déloyale ? La question mérite d'être posée quand on sait que le coût des
exonérations fiscales et sociales pour ces zones s'élève à 2,6 milliards de
francs.
Disposez-vous, monsieur le ministre, d'informations précises et incontestables
vous permettant de décider de l'avenir de ce dispositif ?
Le deuxième objectif que vous vous êtes fixé est de renforcer la cohérence
sociale dans les villes, en assurant une plus grande mixité sociale et urbaine
dans les agglomérations. Le problème est posé de l'échelle à laquelle il faut
agir, donc du périmètre des futures contrats.
Il est vrai que l'on ne peut pas voir le quartier sans voir en même temps la
ville et il en est de même pour la ville par rapport à l'agglomération. Les
quartiers ont assez souffert d'une politique de zonage ; ils en porteront
longtemps les stigmates. Une zone, même si elle bénéficie d'une discrimination
positive, reste une zone. Il faut plus de globalité.
Mais il n'y a pas de politique de la ville sans les élus locaux des
municipalités qui y croient et qui s'engagent et sans les associations et les
acteurs de terrain. Il est donc nécessaire qu'il y ait différents niveaux de
compétences et une bonne articulation entre le contrat d'agglomération et le
contrat de ville. De toute façon, ce n'est pas l'agglomération qui peut piloter
les actions sur le terrain.
Votre troisième objectif, monsieur le ministre, est de mobiliser autour d'un
projet collectif, avec une implication plus forte des collectivités locales :
les régions, les départements et les communes. C'est une question de
solidarité. C'est aussi le problème du financement des futurs contrats. On voit
bien l'intérêt de mettre ces contrats en cohérence avec les contrats de plan
Etat-régions sur la période 2000-2006. Mais que se passera-t-il si une région -
je pense, bien sûr, à la région Rhône-Alpes - ne s'engage pas ou si, comme elle
le fait actuellement sous la pression du Front national, elle annule ses
engagements ? Que se passera-t-il si une collectivité, quelle qu'elle soit,
n'accepte pas de rentrer dans une logique de solidarité urbaine, notamment sur
le plan financier ? Sera-t-elle pénalisée ? Comment ?
Les départements vont jouer un rôle plus important. Très bien ! Mais ne
pourrait-on pas, à cette occasion, réformer les modes de calcul des contingents
d'aide sociale, sachant que, d'un département à l'autre, le contingent communal
par habitant peut varier dans un rapport de un à six et que c'est en général la
solidarité à l'envers, car ce sont les communes qui connaissent le plus de
problèmes qui payent les contingents les plus élevés ?
On peut même se poser la question de la dotation de solidarité urbaine. Elle
est heureusement très fortement augmentée. Sans ce milliard de francs
supplémentaire, les communes en difficulté auraient du mal à agir. Mais peut-on
considérer que la DSU a atteint son maximum, alors qu'elle ne représente
qu'entre 2 à 3 % de l'enveloppe normée des concours financiers de l'Etat ?
L'Etat ne doit-il pas mieux dimensionner son aide et la moduler, en prenant en
compte l'importance relative des problèmes locaux ?
Enfin, le quatrième objectif est de construire un nouvel espace démocratique
avec les habitants. Comment pourrait-on faire sans la participation effective
des habitants ? Il faut une participation « citoyenne » et on ne peut que se
féliciter, monsieur le ministre, de voir progresser dans votre budget le fonds
de promotion des initiatives des habitants.
Le thème de la démocratie participative, de la démocratie de proximité est
devenu l'un des enjeux majeurs de la politique de la ville. Il faut pouvoir
s'orienter, comme cela se fait dans un certain nombre de villes, vers des
conseils de quartier ou d'autres structures participatives, pour que chacun
puisse être reconnu comme acteur de la cité. C'est ainsi que l'on pourra faire
reculer l'intolérance et les idées extrémistes.
Monsieur le ministre, les élus locaux attendent beaucoup ; ils fondent
beaucoup d'espoir sur des nouveaux contrats qui ne seront pas de simples
déclarations d'intention, mais qui auront force de loi. Les différentes
collectivités territoriales doivent s'engager pleinement à mettre en oeuvre la
solidarité d'un territoire, et les contrats doivent ensuite s'imposer aux
différentes administrations de l'Etat et à leurs responsables.
La politique de la ville date d'une quinzaine d'années. Elle avait fini par
s'essouffler. Après un temps de réflexion tout à fait nécessaire, le
Gouvernement a su respecter ses engagements et vous nous présentez, monsieur le
ministre, un budget d'impulsion et d'innovation, un budget qui est de nature à
redonner un élan : non seulement les crédits sont en très forte hausse, mais
des projets se dessinent, qui doivent permettre de faire de la ville un lieu
d'échanges et de bien-vivre, une ville faite pour l'homme.
Bien entendu, le groupe socialiste vous apportera tout son soutien pour que
vous puissiez mettre en oeuvre cette politique et donner une nouvelle ambition
aux villes.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi, que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le ministre, je souhaite tout d'abord vous exprimer tout le plaisir
que j'ai à m'adresser à vous ce matin, car cela signifie qu'enfin - mais, il
faut le reconnaître, avec un certain « retard à l'allumage » -, le Gouvernement
s'est doté d'un représentant spécifique chargé de cette délégation
ministérielle essentielle qu'est celle de la ville. Je suis très heureux
d'avoir un interlocuteur en la personne d'un ministre délégué pour exprimer mes
remarques sur ce budget.
Le fait que vous soyez un élu de la Seine-Saint-Denis nous rapproche, bien
évidemment, même si nous n'avons pas forcément, et même très souvent, les mêmes
options.
Cela étant, ce projet de budget nous est présenté avec tout le clinquant d'un
superbe enrobage savamment dosé et vous imaginez sans mal que j'aurai quelques
observations à formuler. J'apprécie d'ailleurs à sa juste valeur l'excellente
formule de M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis, qui titre ainsi la
présentation générale des crédits : « Les faux-semblants d'un budget en
trompe-l'oeil. »
Je souhaite féliciter également les trois rapporteurs de la qualité du travail
qu'ils ont fourni et de la pertinence de leurs observations.
Mes remarques sont principalement inspirées par le constat inquiet d'une
augmentation générale de la délinquance et pas seulement dans les communes qui
bénéficient de crédits pour lutter contre celle-ci.
Monsieur le ministre, sur les documents que nous avons étudiés, votre budget
apparaît en augmentation de 32 % par rapport à ce qui a été prévu dans la
dernière loi de finances, ce qui représente, sur le papier, la plus forte
augmentation de tous les budgets. Il est vrai que vos crédits doivent être
rapportés à l'effort financier réalisé en faveur de la politique de la ville.
Mais, lorsqu'on décortique tous les tableaux que vous nous avez communiqués,
certains éléments nous indiquent que l'ensemble de cet effort n'est pas
seulement consenti par le budget de l'Etat, loin s'en faut !
Je citerai, par exemple, les contributions des collectivités locales à hauteur
de 3 milliards de francs, le fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France
pour 700 millions de francs ; le fonds européen apparaît aussi pour plus de un
milliard de francs et les interventions de la Caisse des dépôts et
consignations avoisinent 7 milliards de francs. Il s'agit là non pas de
subventions, mais de transferts ou de prêts consentis aux collectivités
territoriales. Dès lors, on s'aperçoit que vous êtes finalement moins généreux
qu'il n'y paraît, monsieur le ministre.
Qui paie tout cela ?
En ce qui concerne la dotation de solidarité urbaine, comme son nom l'indique,
ce sont les villes qui paient. Les fameuses « interventions » de la Caisse des
dépôts et consignations consistent en des prêts consentis par cet organisme
financier et ce sont donc les villes qui doivent s'endetter.
Les 3 milliards de francs de contribution des collectivités locales
représentent la charge qui revient aux communes dans le cadre des contrats de
ville. Là encore, ce sont les villes qui paient !
Cette liste rapide et non exhaustive montre, si besoin était, combien les
communes sont de plus en plus sollicitées financièrement, ce qui, pour beaucoup
d'entre elles, risque vite de devenir intolérable.
Certes, des collectivités récupèrent une partie de cet argent grâce aux
contrats de ville, aux dotations de solidarité urbaine et autres subventions
que vous versez. Ces actions sont nécessaires, voire indispensables, et je ne
remets nullement en cause la plupart des programmes développés par tous ces
quartiers en difficulté. Mais ce ne sont là que des opérations précises sur des
lieux très limités et clairement définis.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour toutes les autres communes,
petites, moyennes, mais parfois aussi grandes, qui subissent des problèmes liés
à la délinquance et qui ne reçoivent, elles, aucun subside de l'Etat ? Non
seulement, comme je le disais précédemment, elles sont obligées de payer pour
les autres, mais, bien souvent, elles doivent également se débrouiller seules
pour résoudre leurs problèmes quotidiens.
Beaucoup s'investissent dans des actions parfois coûteuses ; elles le font
sans aucune arrière-pensée, prenant pleinement des responsabilités qui,
d'ailleurs, ne leur incombent pas toujours. Elles manifestent ainsi une volonté
claire d'assurer la paix civile et sociale.
Je peux vous citer beaucoup d'exemples, notamment en Seine-Saint-Denis,
département que nous connaissons tous les deux très bien, où certaines
associations, travaillant régulièrement et, j'ose le dire, avec de très bons
résultats, dans le cadre des opérations Ville-Vie-Vacances, ont vu leurs
crédits diminuer cette année de 56 % ! Dans cet exemple précis, ce sont les
villes qui se sont substituées à l'Etat.
Depuis plusieurs semaines, les médias se font malheureusement l'écho des
exactions perpétrées à l'encontre des machinistes de la RATP qui assurent le
transport public dans des conditions parfois extrêmement difficiles. Eh bien !
je peux vous dire que j'ai été obligé de réunir les représentants de la force
publique, de la RATP et d'autres maires des communes voisines, face à un de ces
problèmes que nous avons rencontrés sur une ligne qui parcourt nos communes.
Est-ce normal ? Le rôle de l'Etat et de ses représentants n'est-il pas de faire
en sorte que la sécurité des chauffeurs et des passagers soit assurée ?
Un autre exemple me tient à coeur, il concerne les jeunes qui se trouvent en
situation d'échec scolaire.
Je suis profondément convaincu qu'il est nécessaire de mettre en place, en
parallèle avec les cursus qui sont proposés par l'éducation nationale, d'autres
actions pour permettre aux jeunes exclus du système classique de pouvoir
obtenir une qualification et, plus tard, un emploi.
C'est dans ce sens que nous avons créé l'« école de la deuxième chance » qui,
depuis deux ans, permet à des jeunes qui se trouvent en grande difficulté
scolaire de suivre une formation dans un institut d'enseignement rural de
mécanique agricole de la Nièvre. Cette expérience donne de très bons résultats
puisque chaque jeune trouve un emploi à la sortie. Or, malgré tout l'intérêt
que vous avez manifesté lorsque je vous ai rencontré pour vous présenter cette
action, je n'ai pour l'instant aucune aide financière de l'Etat dans ce
domaine.
Oui, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis persuadé que la
plupart des communes de France travaillent quotidiennement pour éviter que ne
dégénèrent des phénomènes de délinquance. Pour maîtriser toute explosion dans
les banlieues, mais aussi dans les grandes villes de province, je souhaite donc
plaider, au nom de ces maires qui ne reçoivent aucune subvention, afin que vous
puissiez réorienter une partie de vos redistributions financières pour que
chacun reçoive une aide et un encouragement dans cette action nécessaire.
Et là je souhaiterais ouvrir une parenthèse - puisque nous sommes dans la
discussion budgétaire - au sujet du contrat de solidarité et de croissance.
J'estime qu'il s'agit là d'une grave atteinte à l'autonomie financière des
communes. En effet, cette mesure telle qu'elle a été présentée et adoptée à
l'Assemblée nationale - mais pour l'instant, heureusement, elle a été amendée
par le Sénat - risque de diminuer gravement les recettes de 500 communes de
plus de 5 000 habitants, qui se verraient pénalisées par une diminution de
l'ordre de 24 % de la dotation de compensation de la taxe professionnelle.
J'estime que c'est très grave, notamment pour toutes les raisons que j'ai
énoncées plus haut, mais aussi parce que cela va empêcher les communes, qui ont
de plus en plus de responsabilités, de les assumer pleinement.
Avant de conclure, monsieur le ministre, je souhaiterais aussi aborder
l'aspect des relations nécessaires de votre ministère avec vos autres collègues
ministres, et tout particulièrement dans le domaine judiciaire. J'ai, avec
d'autres collègues et à plusieurs reprises, tiré la sonnette d'alarme en ce qui
concerne le sujet brûlant de la délinquance des mineurs. En effet, je reste
persuadé que le législateur doit prendre ses responsabilités et sanctionner
chaque délit par une peine correspondante. Trop de jeunes délinquants voient
leurs délits impunis et sont ainsi encouragés à persévérer dans une voie fort
lucrative pour eux et exempte de toute sanction. Cela m'amène aussi à dire
combien il est primordial de rappeler aux parents l'obligation qui est la leur
d'assurer leur mission éducative. Lorsque j'avais proposé, avec mon collègue M.
Pierre Cardo, de sanctionner ces adultes là où le bât blesse, c'est-à-dire de
suspendre les allocations familiales s'ils ne s'occupaient pas de leurs
enfants, que n'avions-nous alors entendu !... Pourtant, aujourd'hui, cette idée
a fait son chemin, et j'observe avec satisfaction qu'elle est abordée dans tous
les rangs du Parlement.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques remarques que je souhaitais
faire sur votre budget et qui pourraient en quelque sorte être résumées dans
une double question à partir d'un constat selon lequel la délinquance se
multiplie partout : que comptez-vous faire pour les villes situées en dehors de
tout contrat ou subvention ? Ne trouvez-vous pas, finalement, que les communes
vont être trop taxées ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
M. le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année 1998 aura
été une année de transition durant laquelle le Gouvernement a pris le temps de
la réflexion, avant de relancer sa politique de la ville sur des bases solides.
Ainsi, le rapport de M. Jean-Pierre Sueur, à qui je souhaite rendre hommage
pour son remarquable travail, l'installation du conseil national des villes, le
CNV, la redynamisation de la délégation interministérielle à la ville, la DIV,
et votre nomination, monsieur le ministre, en avril dernier, ont été des signes
forts qui ont souligné la volonté du Gouvernement d'agir en faveur d'une «
nouvelle ambition pour les villes ».
Aujourd'hui, arrive le temps du mouvement et de la mobilisation de l'ensemble
des acteurs qui, au quotidien, font la ville.
L'effort budgétaire en faveur de la politique de la ville connaîtra un
accroissement exceptionnel en 1999, car c'est l'un des budgets prioritaires de
l'Etat. Cette priorité se traduit, notamment, par une augmentation sans
précédent, depuis la création d'un ministère de la ville, de 32 % pour les
crédits spécifiques. Elle permet ainsi de franchir un cap symbolique, celui du
milliard de francs. Cet engagement financier permettra de renouer avec
l'intention initiale de la politique de la ville, qui est de privilégier une
approche globale et transversale des questions relatives au malaise urbain.
Les mesures nouvelles s'inscrivent toutes dans la perspective de la nouvelle
génération des contrats de ville qui seront conclus dans le cadre des prochains
contrats de plan Etat-région, dont les effets seront perceptibles dès 1999,
notamment dans les seize sites pilotes qui devront expérimenter de nouvelles
méthodes de travail.
Monsieur le ministre, la conception et l'animation de la politique de la ville
seront l'un des principaux axes de votre politique et elles se traduiront,
notamment, par l'octroi de moyens nouveaux au conseil national des villes et du
développement social urbain afin de renforcer les capacités d'animation, de
formation, d'ingénierie et de recherche. Nous espérons que cet effort
budgétaire profitera pleinement aux acteurs de terrain, notamment en facilitant
leurs relations avec les représentants de l'Etat à l'échelon local. Comme vous
le savez certainement, les attentes sont également très fortes en matière de
formation, le secteur des métiers de la ville est en plein essor et les besoins
des collectivités locales sont importants.
Le soutien aux initiatives locales et aux expérimentations est un volet
important de votre budget. Aussi, je souhaite revenir sur les seize sites
pilotes désignés à Lille, le 11 septembre dernier.
Il s'agira, tout d'abord, de prendre en compte l'ensemble des enjeux de la
crise urbaine, quelle que soit leur échelle territoriale, et de placer les
acteurs de terrain au coeur de la politique de la ville. En effet, il est
important de tenir compte des évolutions de ces dernières années et de ne pas
se cantonner à quelques zones prioritaires définies à l'échelon national.
Le développement de la ville doit être pensé dans sa globalité et donc au
niveau de l'agglomération. Il est alors essentiel que les acteurs locaux
identifient les quartiers prioritaires, car ils sont mieux placés que quiconque
pour dire où il faut concentrer les moyens financiers. Cette démarche
permettra, d'une part, d'éviter la stigmatisation de certains quartiers, comme
ce fut le cas ces dernières années, et, d'autre part, de développer une plus
grande solidarité intercommunale.
Il s'agira, ensuite, d'impliquer davantage les habitants et, grâce à des fonds
d'initiative habitants, de financer des postes d'agents de développement social
chargés de promouvoir et de pérenniser cette implication.
Monsieur le ministre, nous espérons que cette initiative profitera également
aux petites associations. En effet, beaucoup d'associations socioculturelles de
jeunes, de femmes, de communautés étrangères, notamment, souhaiteraient
bénéficier d'enveloppes pour organiser à tout moment de l'année des
micro-projets profitant aux habitants des quartiers. Il me semble en effet
nécessaire d'encourager ce type d'initiative.
D'une manière générale, je pense que, dans le cadre d'une politique de la
ville, l'Etat doit apporter son aide aux associations, au coeur des quartiers,
afin qu'elles puissent mettre en oeuvre des projets durables. Les associations
sont, en effet, des acteurs incontournables de la politique de la ville.
Anonymes, souvent bénévoles, toujours sur le terrain et au plus près des
problèmes, leurs membres déploient une activité exemplaire au service de celles
et de ceux qui en ont le plus besoin. Malheureusement, beaucoup trop
d'associations se précarisent car, bien que fortement impliquées dans la
politique de la ville, elles ne bénéficient pas de crédits de droit commun ni
de financements pluriannuels, et donc, faute de pouvoir financer des postes à
temps plein, elles ne peuvent mener que des actions ponctuelles.
Le tissu associatif joue un rôle de cohésion sociale, d'animation et
d'épanouissement, sans lesquels toute politique de la ville perdrait en
efficacité. C'est pourquoi les associations doivent être encouragées.
Il est indéniable qu'à travers le présent projet de budget le Gouvernement
souhaite prendre en compte des impératifs de la proximité. Toutefois, je
regrette qu'aucune ligne ne soit réellement attribuée à l'animation de
proximité. Monsieur le ministre, les maîtrises d'oeuvre urbaines et sociales,
les MOUS, ne devraient-elles pas sortir du financement conjoncturel afin de
marquer plus encore votre volonté d'une politique de la ville proche de celles
et de ceux qui vivent dans les quartiers dits sensibles ?
Concernant toujours les seize sites pilotes, beaucoup d'acteurs locaux
craignent que la politique de la ville du xxie siècle ne prenne en compte que
les expériences nouvelles et convaincantes effectuées sur ces seize sites et
abandonne toutes les actions entreprises jusqu'à présent. Monsieur le ministre,
afin de rassurer celles et ceux qui nous interpellent, pouvez-vous me confirmer
que la politique de la ville de demain tiendra également compte des expériences
concluantes qui ont été faites au cours des dernières années ?
Les actions de politique de la ville seront, elles ausssi, un axe important de
votre politique. En effet, les moyens supplémentaires qui seront alloués aux
contrats de ville et aux grands projets urbains, GPU, en 1999 serviront
principalement au soutien des priorités de l'Etat, notamment l'emploi, la
sécurité et l'éducation.
L'égalité d'accès au service public est la troisième priorité inscrite dans
votre projet de budget. L'an dernier, ici même, je me félicitais que cette
nécessité soit prise en compte dans le domaine de l'éducation, de la santé et
de la prévention de la délinquance. Je me réjouis cette année encore, car le
développement des services de proximité permet d'assurer une présence publique
qui, malheureusement, fait souvent défaut dans les quartiers. Cette présence
incombe d'abord aux administrations décentralisées, mais nous comptons aussi
sur votre détermination pour que l'Etat assure pleinement son rôle d'animateur
et facilite la participation de ses personnels aux initiatives locales. Il est
en effet important d'ancrer dans les quartiers tous les services publics ou
collectifs.
Service public signifie également forces de l'ordre, car la sécurité et la
tranquillité publiques sont des dimensions essentielles de la politique de la
ville. Nous le savons tous, les banlieues sont trop souvent le cadre d'excès de
violences et la réputation d'insécurité qui colle à certains quartiers nuit à
tous leurs habitants. Monsieur le ministre, vous avez récemment été chargé
d'une réforme des dispositifs de prévention et de sécurité ; nous comptons sur
vous pour trouver une meilleure articulation de ces dispositifs avec la
politique de la ville et pour contribuer à faire de la sécurité un droit pour
tous, car, comme M. le Premier ministre l'a rappelé à plusieurs reprises, la
sécurité est bien un droit pour tous.
Mes chers collègues, la politique de la ville est un enjeu majeur pour notre
société. Ce budget est un bon budget par son ampleur et par l'ensemble sans
précédent des moyens qu'il prévoit. C'est un budget novateur, à la hauteur de
nos ambitions. Son enjeu est d'améliorer le cadre de vie de trois Français sur
quatre, de lutter encore et toujours contre les exclusions et d'offrir à chacun
l'égalité des chances. Monsieur le ministre, nous voterons ce budget avec
enthousiasme.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Monsieur le président, messieurs les
rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la ville est devenue le lieu de
toutes les richesses, mais aussi de toutes les exclusions. Alors que huit
français sur dix habitent la ville, celle-ci n'est pourtant devenue que
récemment un véritable enjeu politique.
Notre pays a construit sa puissance et ses valeurs sur un modèle rural et
centraliste. Il joue, à n'en pas douter, son avenir dans l'équilibre du
territoire, la civilisation urbaine et la démocratie de proximité.
Fort de cette conviction, le Gouvernement a décidé d'une nouvelle ambition
pour la politique de la ville. Cette ambition est de maîtriser le développement
incontrôlé de nos villes et de réduire les nouvelles frontières intérieures que
le libéralisme et la crise économique ont érigées, conduisant à la
disqualification de la partie la plus fragile de la population et à la dérive
de certaines portions du territoire.
La politique de la ville est au coeur de l'action du Gouvernement, et elle
l'est depuis juin 1997, comme les emplois-jeunes, la loi relative à la lutte
contre les exclusions, la réforme de l'éducation nationale ou les contrats
locaux de sécurité, qui visent à donner à chacun le droit de mener une vie
normale, d'avoir un emploi, un logement et des services publics de qualité,
quels que soient son lieu de résidence et ses origines.
La nouvelle politique de la ville est entrée dans une phase décisive, après
les réflexions menées dans le cadre du rapport Sueur, avec la nomination d'un
ministre de la ville, ce qui répond d'ailleurs à une demande du Parlement, le
renouvellement du conseil national des villes, la définition d'un important
programme de renouvellement urbain en lien avec la Caisse des dépôts et
consignations, la tenue des deux comités interministériels des villes le 30
juin 1998 et le 2 décembre dernier, présidés par le Premier ministre, comités
qui ont fixé les objectifs et la méthode de cette nouvelle ambition pour les
villes.
Permettez-moi de revenir un instant sur les grandes priorités qui ont été
définies par le Gouvernement, notamment l'emploi et la sécurité, qui ont été
évoqués dans vos interventions.
L'emploi et le développement économique ne sont pas apparus dans le champ de
réflexion des acteurs de la politique de la ville par le miracle des zones
franches. Des structures d'insertion par l'économique et des entreprises, en
lien avec le service public de l'emploi, s'investissent depuis longtemps dans
la réinsertion des personnes éloignées de l'emploi et dans la création
d'activités dans les quartiers d'habitat social.
Je ne veux pas croire que le législateur du pacte de relance pour la ville
pensait répondre au problème de l'emploi dans les quartiers par la seule
instauration de quarante-quatre zonages ciblés supplémentaires ! Le
gouvernement d'alors n'avait d'ailleurs pas mis en place d'indicateurs de suivi
ou d'instruments d'évaluation, ce qui m'a obligé à demander, pour la fin de
l'année, une mission d'inspection qui permettra de mesurer l'efficacité de la
mesure et de corriger, après concertation, les dérives qui me sont d'ores et
déjà signalées, par exemple par le maire de Bordeaux ou encore par le maire du
Raincy, lequel évoque des « risques de concurrence déloyale et de
délocalisations d'entreprises ». Et compte tenu des responsabilités que le
maire de Raincy a exercées en matière de politique de la ville, je suis certain
qu'il parle d'or.
Il faudra, à l'évidence, aller plus loin pour que ces mesures contribuent au
développement économique local, à la formation professionnelle et à l'accès à
l'emploi. C'est ainsi, par exemple, qu'il a été décidé que 20 % des
emplois-jeunes ainsi que l'essentiel des 10 000 premiers parcours TRACE, trajet
d'accès à l'emploi, profiteront aux quartiers en difficulté. Je regrette, à cet
égard, que la majorité sénatoriale ait proposé de réduire les crédits
correspondants du budget du ministère de l'emploi et de la solidarité. Il
conviendra également de mobiliser encore davantage les entreprises privées pour
créer des emplois et lutter contre la discrimination à l'embauche. Ces
entreprises doivent savoir qu'il n'y a pas de développement économique possible
dans une société qui exclut une partie de la population de l'emploi et de la
consommation.
La sécurité constituera également un axe prioritaire. Le droit à la sécurité,
tel qu'il a été réaffirmé de manière solennelle par le Premier ministre Lionel
Jospin à Villepinte, mérite, dans les quartiers en difficulté plus encore
qu'ailleurs, de devenir une réalité.
La montée des violences urbaines et du sentiment d'insécurité appelle une
réponse globale, qui nécessite, à l'évidence, une meilleure organisation des
forces de sécurité et de la justice, mais qui ne peut se contenter du volet
répressif, sauf à multiplier par huit la capacité de nos prisons, comme le
suggère apparemment le rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques, lorsqu'il fait référence au modèle américain, où l'enfermement à
outrance provoque des dérives raciales et sociales...
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Il y a erreur ! Je n'ai pas évoqué cela !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Je l'espère ! Mais lorsque l'on évoque le modèle
américain et le « carreau cassé » en ne retenant que la partie répressive, il
me semble que, derrière ce train-là, peut s'en cacher un autre...
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Le « carreau cassé », c'est M. Blanc qui l'a évoqué
! Mais je partage sa préoccupation à cet égard !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Si vous partagez sa préoccupation, vous portez alors au
moins la moitié du fardeau, s'agissant de cette critique !
C'est sans doute également ce qu'ont proposé récemment le secrétaire général
du RPR et certains responsables gaullistes, en disant ne plus vouloir entendre
parler d'« incivilités », niant ainsi la réalité de ce que vivent au quotidien
nombre de nos concitoyens et risquant d'exacerber les tensions par un appel
irresponsable au tout-pénal et au tout-sécuritaire.
La sécurité est l'affaire de tous, et elle nécessite que chacun en assume sa
part de responsabilité : organismes de logement social, transporteurs,
travailleurs sociaux, municipalités, associations.
M. Marcel Debarge.
Très bien !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Le droit à la sécurité pour tous s'inscrit dans une
politique durable de prévention et de maillage social, et dans une réponse
forte, systématique et collective aux violations des règles de vie en commun.
La politique de la ville a pour ambition d'articuler les trois piliers
indispensables de cette réponse : la sanction pour les actes les plus graves,
la réparation et la médiation pour les actes d'incivilités, la mobilisation
collective pour prévenir l'apparition de la violence.
La politique de la ville est à un tournant. Les futurs contrats de ville
seront l'un des enjeux principaux des prochains contrats de plan Etat-région
pour la période 2000-2006, et leur préparation a été solennellement lancée par
le Premier ministre lors du comité interministériel des villes du 2 décembre
dernier, quelques jours avant le comité interministériel d'aménagement et de
développement du territoire du 15 décembre. Ils seront élaborés pendant toute
l'année 1999 par les acteurs de terrain sur le fondement de véritables projets
politiques et en associant en premier lieu les collectivités locales que sont
les régions, les départements et les communes. Ils partiront de la réalité des
quartiers en difficulté pour définir les politiques à mener à cette échelle,
mais aussi dans les villes, les agglomérations et les régions.
L'Etat et ses partenaires s'engageront, à l'occasion du contrat de ville, à
prendre en compte, dans leurs politiques sectorielles, les préoccupations
issues de la politique de la ville. C'est ainsi, par exemple, que l'Etat fera
des contrats de ville, dans les agglomérations concernées, le cadre naturel de
mise en oeuvre des dispositions de la loi contre les exclusions. Les contrats
de ville prendront en compte tous les leviers du développement économique,
social et urbain.
La géographie des contrats de ville sera définie localement et dépassera
l'échelle des quartiers pour être élargie aux villes et agglomérations
concernées. A l'image des seize sites pilotes lancés le 16 septembre dernier à
Lille, ils seront donc plus politiques, avec un véritable projet de territoire,
plus participatifs, les habitants étant associés à leur définition et à leur
mise en oeuvre, et plus partenariaux, grâce à une implication plus forte des
différentes collectivités locales, notamment des départements, trop souvent
tenus à l'écart de cette politique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai en quelques mots à la
préoccupation évoquée par certains d'entre vous à propos de ces sites
pilotes.
Ces sites ont été choisis pour que des villes moyennes comme de plus grandes
agglomérations puissent faire part du savoir-faire acquis pendant la période
des derniers contrats de ville, de leurs attentes quant à l'amélioration des
outils de la politique de la ville, et de leurs réflexions, s'agissant du
périmètre pertinent sur lequel doit être élaborée ladite politique.
L'expérimentation de ces seize sites laboratoires situés en différents points
de notre hexagone, ainsi qu'outre-mer, pour l'un d'entre eux, vise à associer
l'ensemble des composantes politiques nationales et à permettre que chacun,
quelles que soient sa sensibilité politique, sa région et la taille de sa
ville, se sente concerné par ce travail de réflexion et d'élaboration.
Mais la politique de la ville ne se limitera bien évidemment pas, au cours des
prochaines années, à ces seize sites. Ceux-ci ne sont que l'avant-garde
indispensable d'une véritable politique industrielle de la ville, si je peux
dire. Ils doivent permettre d'affiner les outils et la réflexion au niveau tant
de l'Etat que des collectivités locales, afin que le stade du laboratoire soit
dépassé au cours de la période 2000-2006.
L'implication du Premier ministre, contrairement à la génération précédente
des contrats de ville, la volonté de l'Etat de garantir la cohésion sociale et
le respect des valeurs démocratiques, notamment là où certains tentent de
substituer la préférence nationale à l'égalité républicaine, ainsi que le temps
donné à l'élaboration des projets - un an contre quatre mois en 1993 -
constituent autant de gages de réussite pour cette nouvelle étape
contractuelle.
Venons-en au projet de loi de finances pour 1999.
L'ambition que je vous propose, au nom du Gouvernement, a un coût que
Jean-Pierre Sueur avait estimé à 35 milliards de francs par an pendant dix ans.
Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit d'entamer l'effort dès cette
année, en faisant passer l'effort global en faveur de la politique de la ville,
tel qu'il est récapitulé chaque année dans le « jaune » budgétaire, de 23
milliards de francs en 1998 à 31 milliards de francs en 1999. L'objectif de 35
milliards de francs devrait être atteint à mi-chemin des futurs contrats de
ville.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'évoquerai brièvement la différence qui
doit exister dans notre esprit et dans notre analyse entre le « jaune »
budgétaire et le « bleu » budgétaire.
Le « jaune » budgétaire est un outil moderne qui permet de mesurer l'action de
tous les intervenants dans la politique de la ville pour essayer de réfléchir
en termes de globalité, de financement et d'action. C'est la raison pour
laquelle, alors que ce « jaune » budgétaire était apparu sous des gouvernements
de gauche, il a survécu à l'alternance politique qu'a connue le projet : chaque
gouvernement a en effet reconnu la nécessité de pouvoir mesurer les avancées et
le côté cumulatif des aides indispensables à la politique de la ville. Il est
donc bon que ce « jaune » budgétaire permette de savoir ce que font
respectivement les collectivités locales, la Caisse des dépôts et consignations
et l'Etat, en vue d'atteindre un objectif commun.
Je ferai d'ailleurs remarquer que Jean-Pierre Sueur, quand il avait estimé à
35 milliards de francs par an pendant dix ans l'effort à accomplir, avait mis
en avant non pas la seule intervention financière de l'Etat, mais la
mobilisation financière de tous les acteurs de la politique de la ville que
sont l'Etat, les régions, les départements, les communes, la Caisse des dépôts
et consignations et le Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et
leurs familles. En effet, dans un projet de société comme celui-là, chacun doit
pouvoir prendre sa place, compléter financièrement cet effort commun et réussir
à coordonner ses actions.
Arrêtons-nous sur les composantes majeures de cet effort supplémentaire,
au-delà de mon budget propre, car l'agrégat récapitulé chaque année dans le «
jaune » budgétaire, malgré quelques imperfections techniques, a l'avantage de
bien marquer les interventions nettes, sous des formes diverses, des différents
partenaires. La politique de la ville, je ne la ferai pas seul et depuis Paris
!
L'implication plus forte de tous les ministères concernés devrait se traduire
par une augmentation de leurs crédits en loi de finances de près de 3 milliards
de francs en 1999.
Vous avez également noté le coût important des exonérations fiscales et
sociales consenties dans le cadre des zones franches urbaines et des zones de
redynamisation urbaine, coût qui atteint, comme M. Chabroux l'a signalé tout à
l'heure, 2,6 milliards de francs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, là encore, il me paraît de bonne méthode,
après l'adoption par le Parlement d'un outil comme celui des zones franches
urbaines, de chercher à l'évaluer pour connaître exactement ses résultats et
pour avoir, y compris dans le cadre des futurs contrats de ville, un outil
économique à proposer aux différents partenaires de la politique de la
ville.
Si le pacte de relance pour la ville a institué quarante-quatre zones franches
urbaines, ce dispositif a été élaboré dans le cadre d'une réglementation bien
précise de la Commission européenne interdisant que ce zonage concerne plus de
1 % de la population.
Mais pouvons-nous nous arrêter à un outil qui ne concerne que 1 % de la
population ? Non ! Je souhaite réellement que nous puissions, les uns et les
autres, nous interroger sur les imperfections de ce système pour l'améliorer
dans le cadre des zones franches urbaines et surtout pour parvenir à mettre au
point un véritable outil d'intervention économique à proposer à l'ensemble des
villes concernées par la politique de la ville, dans le cadre des contrats de
ville sur la période 2000-2006.
Les concours de la Caisse des dépôts et consignations, qu'il s'agisse de ses
interventions sur fonds d'épargne ou sur fonds propres, seront en augmentation
de près de 3 milliards de francs. Une convention avec l'Etat, signée en octobre
dernier, a fixé les priorités d'utilisation du programme de renouvellement
urbain, qui passe de 150 millions à 300 millions de francs par an, et de deux
enveloppes exceptionnelles de prêts bonifiés de 10 milliards de francs, qui
serviront aux projets urbains et aux opérations de
reconstruction-démolition.
Contrairement à ce qui a été indiqué, la consommation des prêts « projets
urbains » est bonne et en progression constante. Leur nombre est passé de 295,
en 1995, pour un montant de 1,2 milliard de francs, à 434, en 1997, pour un
montant de 2,9 milliards de francs.
La politique de la ville ne réussira que par un approfondissement de la
décentralisation, seize ans après les lois de Gaston Deferre. Une implication
plus grande des collectivités locales peut être observée à travers la montée en
puissance des actuels contrats de ville, dont 1999 sera la dernière année
d'exécution, mais elle reste en deçà des enjeux.
Je souhaite, en particulier, que les départements, en raison, notamment, de
leurs compétences en matière sociale, soient systématiquement associés à la
définition et à la mise en oeuvre de la politique de la ville.
Cela ne nous empêchera pas de nous poser la question de la réforme des
contingents d'aide sociale. J'ai cependant noté avec satisfaction la demande de
l'Association des présidents de conseils généraux, qui souhaitent pouvoir être
associés au travail de diagnostic et de proposition, mais aussi au financement
de la politique de la ville.
Une plus grande solidarité entre communes riches et communes pauvres et une
répartition plus équitable des dotations de l'Etat permettront aux communes de
mieux répondre à la gravité des problèmes qu'elles rencontrent. C'est le sens
du projet de loi sur l'intercommunalité, de l'augmentation de un milliard de
francs de la dotation de solidarité urbaine, qui sera poursuivie pendant deux
ans, ou de la réforme, décidée par le comité interministériel des villes et du
développement social urbain, le CIV - je le faisais remarquer il y a quelques
instants - des contingents communaux d'aide sociale.
Enfin, la participation des fonds structurels européens à la politique de la
ville, avec plus de un milliard de francs, est devenue une composante très
importante pour les sites éligibles. La réforme en cours des fonds structurels
doit être l'occasion pour la France de promouvoir le principe d'une
intervention plus soutenue de l'Europe en faveur des villes.
Venons-en aux crédits du ministère de la ville, à propos desquels je me
félicite qu'à travers le retour à un « bleu budgétaire » nous puissions avoir
un débat approfondi au Parlement.
Grâce à leur caractère fongible et déconcentré, ces crédits spécifiques sont
le ciment indispensable des milliers de projets portés chaque année par les
acteurs de terrain.
L'augmentation de plus de 32 % des crédits spécifiques, sans précédent depuis
la création d'un ministère de la ville, est donc le signal de la mobilisation
générale. Le cap du milliard de francs dans le projet de loi de finances
constitue un symbole fort et une réalité forte.
Mon budget sera même supérieur puisqu'il sera abondé de 485 millions de francs
supplémentaires en provenance, notamment, du Fonds d'aménagement de la région
d'Ile-de-France, le FARIF, et des différents ministères contributeurs au Fonds
interministériel d'intervention pour la ville.
Il sera consacré, à plus de 93 %, à des actions concrètes sur le terrain et
servira à financer trois types de priorités en 1999.
Le premier volet sera l'animation de la nouvelle politique de la ville, dotée
de 30 millions de francs supplémentaires, soit une progression de 86 %.
Pourquoi cette augmentation ? Parce que les capacités d'animation, de
formation, d'ingénierie et de recherche des institutions en charge de la
politique de la ville doivent être considérablement renforcées si l'on veut que
la politique de la ville monte en puissance à partir de 1999.
Ce sera le cas, en particulier, de la délégation interministérielle à la
ville, la DIV, qui doit être pleinement en mesure d'assurer ses fonctions de
coordination des actions interministérielles, d'animation des réseaux
d'acteurs, de valorisation et de diffusion des bonnes pratiques.
En cette année 1999, année charnière où nous aurons à animer un grand débat
entre l'Etat, les collectivités locales et tous les acteurs de terrain, il
était indispensable que la DIV ait les moyens d'assurer sa mission pour donner
plus de force, de contenu et, demain, de réalité aux différentes décisions qui
lieront l'Etat aux collectivités locales sur la période 2000-2006.
Les moyens du Conseil national des villes, le CNV, dont la composition a été
renouvelée, seront également renforcés pour qu'il joue pleinement son rôle de
conseil et de proposition.
Je dirai deux mots de la création d'un Institut pour la ville parce que l'idée
qui la sous-tend a peut-être été mal comprise, faute d'avoir été suffisamment
expliquée. Pourquoi, en effet, un Institut pour la ville et des centres de
ressources régionaux ? Parce qu'ils permettront de capitaliser les savoirs et
d'échanger les pratiques. L'Institut pour la ville a, en particulier, vocation
à devenir une passerelle entre le monde de la recherche et les acteurs publics,
passerelle que l'on a tant de mal à établir en France.
C'est un outil moderne que nous concevons non pas comme une cathédrale de
béton mais comme un lieu que s'approprieront, je l'espère, l'ensemble des
associations d'élus, l'ensemble des acteurs de terrain pour pouvoir, au-delà du
contrôle de l'Etat, toujours mal apprécié ou mal compris dans ce genre de
choses, mettre à plat l'ensemble des réussites comme des échecs, c'est-à-dire
tirer la conclusion des différentes expériences menées par les uns et les
autres. Il est en effet temps, sur un certain nombre de sujets, après vingt ans
de politique de la ville de dépasser le stade des expériences pour déboucher
sur des résultats positifs là où les actions sont menées.
Le volet principal de mon budget sera le soutien des initiatives locales, en
augmentation de 191 millions de francs, soit de 30 %. L'essentiel des moyens
supplémentaires en 1999 sera en effet affecté au financement d'actions menées
dans le cadre des contrats de ville et des grands projets urbains, selon les
priorités définies par le CIV. Là, ce sont non pas des structures qui seront
financées, mais des actions de terrain découlant des propositions conjointes
faites par les collectivités locales et l'ensemble des acteurs de terrain.
Les crédits d'investissement serviront à accompagner les opérations de
renouvellement urbain. Il s'agit non pas, comme semblent le penser certains, de
faire le bonheur des habitants malgré eux, mais, au contraire, de prendre en
compte le vote silencieux de ceux qui refusent désormais d'habiter certains
quartiers et de renouveler, avec les habitants, un habitat social et un cadre
de vie bâtis dans les années soixante et soixante-dix, et qui n'ont pas
vocation à durer aussi longtemps que les pyramides d'Egypte. Il s'agit là,
véritablement, du grand chantier du xxie siècle, au surplus créateur
d'emploi.
Les initiatives en matière de gestion urbaine de proximité et le développement
de nouvelles formes de participation des habitants seront également soutenus,
en vue de leur diffusion à grande échelle dans les futurs contrats de ville.
Ne soyons pas frileux sur le thème de la participation citoyenne.
J'ai lu attentivement les déclarations que le Président de la République a
faites, hier, en Bretagne ; j'ai vu qu'il appelait à un renouvellement de la
démocratie, à un renforcement de la participation citoyenne. J'ai l'impression
qu'au travers des décisions que Lionel Jospin a arrêtées, notamment, le 2
décembre, au cours d'un CIV, nous répondons en partie à cette invitation qui
nous a été faite collectivement par le Président de la République.
Il s'agit non pas de remettre en cause la démocratie représentative, mais, au
contraire, de l'approfondir, en recherchant l'adhésion des habitants sur les
projets qui les concernent et en rendant ainsi plus transparentes et plus
efficaces les politiques publiques.
Afin que les financements de la politique de la ville prennent mieux en compte
les difficultés de certaines communes à faire face aux investissements
nécessaires à ladite politique de la ville, le Gouvernement a décidé la
création d'une nouvelle ligne budgétaire de fonctionnement, dotée de 45
millions de francs, pour les communes impliquées dans un grand projet
urbain.
A ce propos, je tiens à revenir sur les remarques qui ont été faites
concernant la section d'investissement. Il faut être très clair : s'il n'y a
pas eu augmentation de cette ligne concernant les investissements, c'est, je le
rappelle, parce que 1999 sera la dernière année de cette génération de contrats
de ville et que l'abondance des crédits non consommés nous permettra de faire
face dans de bonnes conditions et sans rationnement aux demandes qui pourront
émaner de l'ensemble des collectivités locales.
Là aussi, il est de bonne politique, pour éviter de voter des sommes qui ne
pourraient être consommées, de reconnaître que, compte tenu de la durée de mise
en place d'un certain nombre de projets et des difficultés financières que
rencontrent un certain nombre de collectivités locales, il n'est pas
nécessaire, pour 1999 - j'y insiste : pour 1999 - d'augmenter les crédits de ce
qu'on appelle la « section d'investissement ».
Les opérations Ville-Vie-Vacances bénéficieront également de crédits
supplémentaires, qui devront être recentrés sur les territoires et les publics
les plus en difficulté.
Le troisième volet de mon budget concerne des actions de terrain contribuant à
rétablir l'égalité devant le service public. Les crédits afférents augmentent
de 24 millions de francs, soit de 32 %.
Il s'agira de financer des projets d'implantation et d'amélioration du
fonctionnement des services publics, en partenariat avec les collectivités
locales et d'autres prestataires, comme La Poste ou les transporteurs
publics.
La politique de la ville doit fournir une méthode de travail collective, mais
elle doit aussi avoir pour ambition de lever les freins et les blocages
ressentis sur le terrain. Les élus locaux, les professionnels et les acteurs
associatifs, les habitants eux-mêmes, tous ceux que j'ai rencontrés à
l'occasion d'une vingtaine de déplacements depuis avril 1998, ont trop souvent
le sentiment d'être freinés dans leurs initiatives. Le temps de l'attente entre
les intentions et les réalisations devient parfois le temps de la désespérance,
de l'abstention et de la violence.
Le Gouvernement a donc arrêté, lors du CIV du 2 décembre, une vingtaine de
mesures importantes de simplification dans la mise en oeuvre des crédits, qui
produiront leurs effets dès 1999.
Il ne s'agit pas d'effets d'annonce, comme cela avait été le cas dans le pacte
de relance pour la ville - je suis désolé de le dire. Le précédent gouvernement
avait, par exemple, présenté comme la panacée les conventions pluriannuelles
avec les associations, quasi-impossibles à mettre en oeuvre dans les faits,
avec des procédures d'instruction inchangées et des crédits disponibles en
milieu d'année.
Dorénavant, là où les associations devaient déposer plusieurs dossiers auprès
des services de l'Etat, elles pourront, demain, se contenter d'une demande.
Elles disposeront d'un interlocuteur unique et d'une subvention unique selon
des procédures simplifiées.
Les financements de l'Etat ont été largement regroupés au sein du Fonds
interministériel d'intervention pour la ville, qui sera mis à disposition des
préfets en début d'année, et des formules de mutualisation de tous les
financements dans une caisse unique, par exemple dans un budget annexe de la
commune, seront expérimentées.
Enfin, de nouveaux instruments, comme les fonds de participation des
habitants, seront créés dans de nombreux sites, dès 1999, en vue de leur
généralisation à partir de l'an 2000. Leur fonction sera de soutenir toutes les
initiatives qui peuvent prendre naissance dans les quartiers en difficulté, qui
peuvent faire tant pour que l'espoir renaisse et pour que de nouvelles
solidarités s'ébauchent.
Les acteurs de terrain doivent voir dans ces premières mesures, décisives, une
reconnaissance pour le patient travail de lien social qu'ils mènent et un
encouragement pour aller plus loin au moment où les raisons d'espérer sont plus
nombreuses. La mise en place de « pôles associatifs » dans toutes les
préfectures, avec une vocation d'accueil et de conseil, s'accompagnera d'un
véritable changement d'attitude de l'Etat, qui doit passer de la culture de
contrôle à la culture du partenariat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique de la ville est à un tournant.
Elle mérite le soutien continu de la représentation nationale et ne justifie
pas les critiques, parfois un peu décalées - si les rapporteurs me permettent
cet euphémisme - que j'ai notées dans leurs propos. Les moyens supplémentaires
qui y seront consacrés en 1999, avec des procédures simplifiées de
mobilisation, ont été perçus avec espoir par les acteurs de terrain. Cet espoir
ne doit pas être déçu, car, si les frémissements de la croissance s'arrêtent à
l'entrée des quartiers, le fossé entre les deux France s'élargira et, du pacte
républicain, il ne restera bientôt plus que le communautarisme des ghettos.
Mais j'ai confiance dans la capacité de mobilisation des élus locaux, en
premier lieu des maires qui constituent le pivot de cette politique, mais aussi
des associations et des milliers de professionnels qui, chaque jour, se
mobilisent aux côtés des habitants pour faire reculer l'exclusion et assurer,
ainsi, une meilleure cohésion sociale dans nos villes.
Ce projet de budget pour 1999 constitue, à l'évidence, un signe de
mobilisation générale. Il doit nous permettre d'agir concrètement en 1999 sur
le terrain, mais surtout en rétablissant l'espoir de préparer une génération de
contrats de ville pour la période 2000-2006, une génération ambitieuse qui
montrera réellement la mobilisation de l'ensemble des partenaires, de
l'ensemble des acteurs de la politique de la ville pour réduire effectivement
dans nos villes la fracture sociale.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Marcel Debarge.
Très bien !
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant la ville.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 27 970 000 francs. »