Séance du 5 décembre 1998
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Saisine du Conseil constitutionnel
(p.
1
).
3.
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
(p.
2
).
4.
Loi de finances pour 1999.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
3
).
Emploi et solidarité
(p.
4
)
III. - VILLE
MM. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard
Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du
Plan ; Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
; Mme Nelly Olin, MM. Guy Fischer, Gilbert Chabroux, Christian Demuynck, Mme
Gisèle Printz.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.
Crédits du titre III (p. 5 )
Amendement n° II-25 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre
délégué, Guy Fischer, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des
finances ; Alain Lambert, président de la commission des finances. -
Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits du titre IV. - Adoption (p.
6
)
Crédits du titre V (p.
7
)
Amendement n° II-26 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le
ministe délégué, Gérard Larcher, rapporteur pour avis. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits du titre VI. - Adoption (p.
8
)
Jeunesse et sports
(p.
9
)
MM. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances ; James Bordas, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Joseph Ostermann, Mme Hélène Luc.
Suspension et reprise de la séance (p. 10 )
MM. Franck Sérusclat, Rémi Herment, Bernard Joly, Philippe Madrelle, André
Maman.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.
Crédits du titre III (p. 11 )
Amendement n° II-33 de la commission. - M. Philippe Marini, rapporteur général
de la commission des finances ; Mmes le ministre, Hélène Luc, MM. Franck
Sérusclat, Joseph Ostermann, Alain Lambert, président de la commission des
finances. - Adoption par scrutin public.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits du titre IV (p. 12 )
Amendement n° II-34 de la commission. - M. le rapporteur général, Mmes le
ministre, Hélène Luc, M. Franck Sérusclat. - Adoption par scrutin public.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits des titres V et VI. - Adoption (p.
13
)
Suspension et reprise de la séance
(p.
14
)
Culture
(p.
15
)
MM. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances ; Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le cinéma et le théâtre dramatique ; Jack Ralite, Mme Danièle Pourtaud, MM. Denis Badré, Jean Clouet, Bernard Joly, Jean-Paul Hugot, Marcel Vidal, André Maman, Jean-Pierre Raffarin, Louis de Broissia, Franck Sérusclat.
Suspension et reprise de la séance (p. 16 )
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.
Crédits du titre III (p. 17 )
Amendement n° II-8 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme le
ministre, MM. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances
; Ivan Renar, Mme Danièle Pourtaud. - Adoption par scrutin public.
Amendement n° II-101 de M. Renar. - MM. Ivan Renar, le rapporteur spécial, le
rapporteur général, Mme le ministre. - Retrait.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits du titre IV (p. 18 )
M. Ivan Renar.
Amendement n° II-9 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme le
ministre, M. le rapporteur général, Mme Danièle Pourtaud, M. Jack Ralite. -
Adoption par scrutin public.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits du titre V. - Adoption (p.
19
)
Crédits du titre VI (p.
20
)
M. Ivan Renar, Mme le ministre.
Adoption des crédits.
Communication (p. 21 )
MM. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Paul
Hugot, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la
communication audiovisuelle ; Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la
commission des affaires culturelles, pour la presse écrite ; Ivan Renar, Mme
Danièle Pourtaud, MM. André Diligent, Michel Pelchat, Paul Girod, Henri Weber,
André Maman, Georges Othily.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.
Lignes 44 et 45 de l'état E. - Adoption (p.
22
)
Article 63. - Adoption (p.
23
)
SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I. -
Services généraux
(p.
24
)
Crédits des titres III à V. - Adoption (p.
25
)
5.
Ordre du jour
(p.
26
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENT DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
M. le président a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une
lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été
saisi, le 4 décembre 1998, en application de l'article 61, alinéa 2, de la
Constitution, par plus de soixante députés, d'une demande d'examen de la
conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale
pour 1999.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de
la distribution.
3
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article
105 de la loi de finances pour 1998 n° 97-1269 du 30 décembre 1997, le rapport
sur le rôle et l'évolution des moyens de la commission nationale du débat
public.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
4
LOI DE FINANCES POUR 1999
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 1999 (n° 65, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 66
(1998-1999).]
Emploi et solidarité
III. - VILLE
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'emploi et la solidarité : III. - Ville.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Joyandet,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le ministre, à l'examen des
crédits de votre ministère, nous nous apercevons très rapidement que nous avons
au moins trois bonnes nouvelles : un ministre est de retour pour la ville ; il
vient avec un milliard de francs tout rond dans sa poche et il nous annonce
plus de 30 milliards de francs en provenance d'autres ministères. Nous ne
pourrions que nous en féliciter. Cependant, la commission des finances a essayé
d'y regarder d'un peu plus près pour voir si tant de bonnes nouvelles n'étaient
pas autant de fausses nouvelles.
S'agissant de la première, c'est incontestable, vous êtes là, monsieur le
ministre, et nous nous en réjouissons. C'est d'ailleurs quand vous n'étiez pas
là que la situation était anormale.
S'agissant de la deuxième nouvelle, ce milliard de francs bien rond, presque
trop rond, nous avons voulu en savoir un peu plus, comprendre comment on
atteignait ce chiffre. Beaucoup de crédits, c'est toujours agréable, mais
encore faut-il savoir pourquoi !
Il est quand même impressionnant de constater que les crédits du titre III,
qui rassemble essentiellement des crédits de fonctionnement, augmentent de
manière très importante : 32 %. La délégation interministérielle à la ville et
au développement social urbain, la DIV, notamment, voit pour sa part ses
crédits de fonctionnement augmenter de plus de 40 %.
Nous ne savons pas très exactement à quoi vont servir ces crédits.
Les crédits du titre IV augmentent de 50 %, passant de 437 millions de francs
à 657 millions de francs. On ne peut que s'en féliciter puisque ces crédits
servent notamment à financer les quelque 214 contrats de ville signés à travers
toute la France.
Le titre V nous a fait un peu bondir, je ne le cache pas, puisqu'il s'agit des
crédits d'études, qui passent de 4 millions de francs à 16 millions de francs
en crédits de paiement. C'est une somme très importante, alors qu'en 1997 cette
petite somme de 4 millions de francs n'a été consommée qu'à hauteur de 38 %.
Enfin, le titre VI regroupe les crédits d'investissement. Ce sont les parents
pauvres de ce « bleu » budgétaire : ils sont en régression de plus de 6 %.
En résumé, monsieur le ministre, votre budget s'élève à un milliard de francs
tout rond, mais avec des crédits de fonctionnement inscrits comme cela, sans
affectation particulière, alors que les crédits d'investissement sont, eux, en
stagnation, voire en régression.
En ce qui concerne la troisième nouvelle, disons-le tout net, nous ne sommes
pas d'accord !
Il s'agit là très clairement pour nous d'une fausse nouvelle, puisque nous
n'avons pas du tout la même appréciation sur les chiffres : 31 milliards de
francs sont annoncés, soit 8 milliards de francs de plus par rapport à
l'exercice budgétaire précédent. Pour notre part, nous sommes entre 16
milliards de francs et 20 milliards de francs, suivant les affectations que
nous voulons bien faire les uns et les autres, s'agissant de véritables crédits
budgétaires.
Pour ma part, monsieur le ministre, je considère que les 3 milliards de francs
des collectivités territoriales, le milliard de francs en provenance de l'Union
européenne, les 7 milliards de francs de la Caisse des dépôts et consignations
qui, de toute évidence, sont non pas des subventions mais des prêts - à la
limite pourrait-on inclure la bonification d'intérêt mais, en tout état de
cause, pas les prêts - et les 4 milliards de francs de la dotation de
solidarité urbaine, la DSU, qui sont dans la dotation générale de
fonctionnement, la DGF, soit au total 15 milliards de francs, ne devraient pas
être comptabilisés dans l'effort global de votre ministère.
Je sais bien que l'on dit qu'il est bon d'avoir une vision globale des
choses, mais il me semble qu'il faut s'en tenir aux véritables crédits
budgétaires.
Si l'on enlève ces crédits, on arrive à une addition qui n'est pas de 31
milliards de francs, mais de 16 milliards de francs, et si l'on compare à
critères identiques par rapport à l'exercice précédent, nous ne sommes qu'à 3
milliards de francs de plus par rapport à l'année dernière.
D'où viennent ces 3 milliards de francs ?
Nous les avons cherchés : ils ne viennent pas de la dépense fiscale, qui
stagne ; ils ne viennent pas des autres ministères puisque les actions au titre
des contrats de ville en provenance des autres ministères sont en baisse de
près de 7 %. Nous ne retrouvons finalement ces 3 milliards de francs que dans
les emplois-jeunes qui ont été comptés de manière un peu arbitraire : 20 % de
l'ensemble des emplois-jeunes en provenance des différents ministères.
Voilà pourquoi nous considérons que votre troisième bonne nouvelle est pour
nous une fausse nouvelle.
Monsieur le ministre, pour résumer, après ce décryptage un peu sommaire, le
milliard de francs du « bleu » est atteint avec des inscriptions en crédits de
fonctionnement tout à fait impressionnantes et en tout cas à utilisation non
identifiée en l'état de nos informations.
Je me suis même, à un moment, posé la question de savoir s'il ne s'agissait
pas là d'une éventuelle réserve budgétaire au cas où la croissance en 1999
n'atteindrait pas 2,7 %. Nous serons très attentifs après le vote de ce budget
pour éventuellement surveiller un certain nombre d'annulations de crédits.
L'effort budgétaire réel global n'est donc pas de 30 milliards de francs, mais
est plutôt de 16 ou 17 milliards de francs ; surtout, les investissements font
figure de parent pauvre.
La commission des finances n'aura donc guère de peine et ne prendra bien
entendu aucun risque en appliquant à ce budget son principe de maîtrise de la
dépense publique par le biais de deux amendements visant à réduire les crédits
des titres III et V de 5 %, apportant ainsi une contribution d'environ 12
millions de francs à la réduction globale de la dépense publique.
J'ajoute que ces réductions n'affecteront en rien le dynamisme et le
fonctionnement de l'ensemble de l'institution chargée de mettre en oeuvre la
politique de la ville.
Après l'exposé des chiffres, parfois un peu brutal, je voudrais, monsieur le
ministre, attirer votre attention sur deux points concernant la politique de la
ville que nous ne sentons pas du tout dans ce budget qui nous est proposé.
Quand on parle de la ville, on parle des jeunes, du malaise des jeunes, de
leur mal-être. Or deux points très importants fondent le rééquilibrage de la
jeunesse, notamment dans les cités : l'emploi, de toute évidence, mais aussi le
logement.
Je regretterai une fois de plus que la politique des emplois-jeunes n'ait pu
être ouverte aux activités privées. Mme Aubry nous avait annoncé 350 000
emplois publics ; l'effort est entrepris. Mais les 350 000 emplois-jeunes dans
le secteur privé, nous ne les voyons toujours pas venir. Le Sénat avait mené
une bataille pour faire adopter un amendement tendant à ouvrir les
emplois-jeunes au secteur privé. Hélas ! les députés n'ont pas retenu cette
initiative. Il me semble que, si nous pouvions ouvrir des dispositifs dans les
entreprises privées, nous créerions de véritables emplois ; au terme des
contrats, les emplois-jeunes dans le secteur privé pourraient devenir
définitifs.
En effet, actuellement, il faut le reconnaître, monsieur le ministre, les
emplois-jeunes ne sont pas de véritables emplois ; nous le constatons dans nos
villes, la plupart du temps, les emplois-jeunes ne concernent pas les jeunes
qui devraient normalement en bénéficier, les jeunes en difficulté. Il y a là un
vrai problème.
Un autre sujet, me semble-t-il, très important pour l'avenir, est celui du
logement. Un logement décent pour chaque famille devrait être l'objectif de
tout gouvernement et un plan national de restructuration de l'habitat social
est nécessaire.
Nous constatons sur le terrain que même des prêts bonifiés de la Caisse des
dépôts et consignations ne suffisent pas à accélérer de manière significative
la rénovation de l'habitat.
Des enfants de sept ans, dix ans, quinze ans rentrent le soir chez eux dans
des appartements d'une autre époque, qui ont eu leur utilité dans les années
soixante mais qui, aujourd'hui, ne favorisent absolument pas l'équilibre
familial, ne permettent absolument pas de faire des devoirs dans de bonnes
conditions.
Le problème qui se pose est très important pour l'avenir.
A titre d'exemple, je citerai le cas de Vesoul, la commune dont je suis le
maire. Nous avons désaffecté une tour de quatorze étages et, dans le même
temps, de petits pavillons sociaux indépendants ont été construits, avec chacun
son garage et son petit jardin. On constate que les problèmes sociaux que
connaissaient les familles disparaissent dans ce nouveau contexte.
La politique de la ville, c'est aussi conjuguer les actions en matière
d'emploi et de logement.
Aujourd'hui, l'Etat fonctionne certes, mais il n'investit plus. Or seule une
opération nationale en direction de l'habitat social permettrait de résoudre le
problème.
Seule une vaste opération d'investissement permettrait aux entreprises
d'embaucher des jeunes, qu'elles formeraient et, le plus souvent garderaient.
Il en résulterait, sans doute, une baisse très importante des coûts sociaux.
Monsieur le ministre, il ne faut plus tenter de résorber les effets d'une
situation qui va devenir explosive. Nous devons nous attaquer aux racines du
mal.
La commission des finances a donc émis un avis favorable à l'adoption de ce
projet de budget pour 1999, sous réserve de l'adoption de deux amendements
réduisant partiellement la progression des crédits figurant aux titres III et
V.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment
enrayer la spirale du déclin, de la pauvreté et de la violence dans les
quartiers les plus en difficulté ? Telle était la question à laquelle MM. Idrac
et Duport - appelés depuis lors à d'autres fonctions - ont tenté de répondre en
imaginant les zones franches urbaines. Ils souhaitaient donner une réponse à la
fois économique et sociale aux problèmes des quartiers les plus en difficulté,
en premier lieu au chômage qui les gangrène, et qu'évoquait voilà quelques
instants M. le rapporteur spécial.
Vous le savez, monsieur le ministre, la politique de la ville a d'abord besoin
de continuité et de stabilité. Aussi, permettez-moi de vous faire part des
préoccupations de la commission des affaires économiques et du Plan au sujet de
la modification du régime juridique des « zonages », en général, et des zones
franches, en particulier. Leurs détracteurs sembleraient trouver un certain
écho dans les rangs du Gouvernement !
Mais quelles solutions alternatives proposent-ils ?
Selon les uns, les zones franches urbaines, les ZFU, auraient favorisé les
délocalisations d'entreprises. Pour les autres, elles n'ont pas permis de créer
assez d'emplois.
Ces affirmations négatives, parfois formulées
a priori
- j'ai à ce
propos en mémoire les « fuites » issues du ministère de l'emploi et de la
solidarité durant l'été 1997 - me paraissent relever plus du procès d'intention
que d'une analyse précise et quantifiée.
Je déplore à cet égard que le rapport annuel que le Sénat avait demandé au
Gouvernement ne lui ait toujours pas été remis, deux ans après l'entrée en
vigueur de la loi ! Si l'exécutif ne parvient pas à réaliser une évaluation
a posteriori,
pourra-til effectuer une évaluation « en continu », comme
il l'a annoncé ?
A cette tribune même, voilà un an, Mme la ministre de l'emploi et de la
solidarité, qui, à cette époque, était aussi en charge de la ville, nous avait
assurés que ce rapport serait prêt pour l'été 1998. Je ne souhaite pas vous
voir assumer une responsabilité qui incombe à d'autres, mais j'observe que ce
document ne nous sera présenté qu'après le vote du projet du budget pour 1999.
Cette non-transmission est regrettable, car ce rapport aurait apporté un
éclairage important au Parlement !
Contrairement aux thèses soutenues par leurs détracteurs-procureurs, les zones
franches urbaines me paraissent avoir permis de mettre un terme à la
dégradation économique et sociale d'un certain nombre de quartiers les plus en
difficulté. Si j'en crois le bilan présenté par l'association des villes zones
franches urbaines, ces zones auraient, en un an et demi, permis l'installation
de 4 662 entreprises dont 2 194 résulteraient d'une création. Dans le même
temps, plus de 20 000 emplois ont été installés dans ces quartiers, dont 10 308
correspondent à des créations nettes.
Ces chiffres semblent indiquer que la tendance positive que nous avions
observée voilà un an se confirme, mieux qu'elle s'accélère.
Soucieux d'une approche réaliste et concertée, dans la tradition et la
vocation même de notre assemblée, votre rapporteur pour avis a, après un examen
sur pièce, effectué un contrôle sur place dans la zone franche de
Mantes-la-Jolie, au comité de surveillance de laquelle le président du Sénat
l'a désigné. Au cours de cette visite en la compagnie de M. Pierre Bédier, le
maire de la ville, et de notre collègue M. Dominique Braye, le président du
district urbain de Mantes, nous avons rencontré les acteurs de la zone
franche.
A Mantes, la création de la zone franche urbaine est une chance pour modifier
l'image négative du quartier du Val-Fourré et renforcer la mixité sociale.
Comme le soulignait une buraliste de Mantes II : « On revoit enfin des gens en
cravate ! ».
Cette formule résume, mieux qu'un long discours, la transformation qui
commence à être ressentie par les habitants. J'ai observé, alors que le texte
de la loi de 1996 prévoyait que 20 % au moins des emplois seraient pourvus par
des habitants des quartiers - je m'en souviens pour avoir eu l'honneur, alors,
d'être le rapporteur de la commission spéciale préparant le pacte de relance
pour la ville - que le taux d'embauche locale avoisinait 50 %. Les objectifs
sont donc dépassés et un certain équilibre est atteint.
La mixité au travail est l'une des formes de la mixité sociale. Il ne serait
pas raisonnable de considérer que les habitants des quartiers ont vocation à
occuper tous les emplois des zones franches urbaines. C'est cela même qui
contribuerait à les stigmatiser aux yeux de la population avoisinante. Là
encore, tout est question d'équilibre.
Pour ces communes, la création des zones franches me paraît offrir une lueur
d'espoir : au lieu du cercle vicieux qui lie la crise sociale et la précarité
fiscale se profile un début de cercle vertueux, et l'arrivée de nouvelles
entreprises augmente le produit de la taxe professionnelle, notamment par
compensation et, surtout, redonne de l'espoir.
Le dispositif « zone franche urbaine » ne fonctionne actuellement pas encore -
ce qui est normal - à plein régime. Au cours des deux dernières années, les
collectivités locales ont travaillé d'arrache-pied pour créer des zones
d'activités qui vont entrer progressivement en service. Tel est le cas à Mantes
où, après la zone Clemenceau, une autre se mettra en place, et dans d'autres
communes qui ont dû réviser leur plan d'occupation des sols afin de dégager des
emprises foncières pour y installer des entreprises.
J'ajoute que le retard pris dans la mise en oeuvre de l'établissement public
d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux a
pénalisé un certain nombre de municipalités. Je pense, par exemple, aux
difficultés rencontrées à Garges-lès-Gonesse par notre collègue Mme Nelly Olin.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que la commission spéciale du Sénat sur
le pacte de relance avait souligné l'importance de l'aide apportée par
l'EPARECA, spécialement pour des cités comme Garges.
Monsieur le ministre, avant de modifier le régime en vigueur, laissez-lui le
temps de produire tous ses effets. Laissez se produire les effets de la méthode
expérimentale. Laissez-les vivre ! Mieux, envisagez dès à présent avec les élus
locaux les modalités d'évolution, à expiration des délais fixés par la loi de
1996. Mais surtout, de grâce, donnez du temps à ce dispositif !
Mais la politique en faveur des quartiers ne saurait se réduire à des
dispositions d'ordre économique. Le pacte de relance prévoyait un ensemble de
mesures, dont un renforcement de la sécurité. Or, qu'observe-t-on lorsque l'on
pousse la porte, comme je l'ai fait de façon inopinée, voilà un mois, du poste
de police du Val-Fourré ? On constate que sur vingt fonctionnaires de police,
huit sont des auxiliaires de sécurité !
Une telle situation n'est pas conforme aux besoins. Nous n'avons cessé de
répéter depuis des années, et sur toutes les travées, que les quartiers
difficiles nécessitent, plus que d'autres, des personnels expérimentés, ce qui
n'exclut pas les adjoints ou les médiateurs, et personnellement j'en emploie
dans ma ville, mais à des tâches qui ne peuvent pas être celles d'hommes et de
femmes d'expérience.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de manifester des réserves sur un autre
sujet qui concerne les conditions dans lesquelles le comité interministériel
des villes du 30 juin dernier entend renforcer la participation des habitants.
Nul mieux que le maire, nous l'avons souvent affirmé ici, n'est fondé à animer
la politique de la ville. Que l'Etat prenne garde à ne pas favoriser
l'émergence d'instances dépourvues de toute légitimité élective à côté des
représentants élus des citoyens, en réclamant à cor et à cri l'intervention de
la « base ». Oui, il faut du dialogue, du vrai dialogue, mais prenez garde de
ne pas affaiblir le système démocratique.
Enfin, monsieur le ministre, je considère que le redécoupage des zones
d'éducation prioritaires, les ZEP, doit se faire en concertation avec les chefs
d'établissements, les parents d'élèves et les élus. Les mouvements que suscite
à Paris la réforme en cours montrent que, dans ce domaine, bien des efforts
restent à accomplir.
Là encore, alors même que le rapport Sueur parlait de « zonite aiguë », il
importe de se montrer prudent quant à l'évolution des zonages, et de pratiquer
le dialogue, toujours le dialogue, pour ne pas exclure certaines situations
différentes des efforts qui sont engagés, des restructurations presque mentales
qui sont conduites. A cet égard, l'école est un des piliers de la politique de
la ville.
L'ensemble de ces considérations et, vous l'aurez compris, de ces
appréhensions, ont amené la commission des affaires économiques à débattre et à
souhaiter que le Gouvernement travaille dans la continuité du pacte de relance
pour la ville.
La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits au
projet de loi de finances pour 1999, sous réserve du vote des amendements qui
seront présentés, au nom de la commission des finances, par notre rapporteur
spécial, et qui - c'est un peu exceptionnel dans les débats qui nous occupent
depuis quelques jours - corrigent le titre V pour des crédits d'études.
Monsieur le ministre, la politique de la ville a certes besoin d'études, mais
elle en est à bac + 15
(Sourires),
et plus que d'une énième étude, elle a besoin de volonté, de continuité et
d'ambition.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Blanc, rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des
affaires sociales a étudié avec attention le budget de la ville, d'autant plus
que nous avons senti que certaines des observations que nous avions émises, mes
collègues et moi-même, lors de la précédente discussion budgétaire, avaient été
entendues.
C'est ainsi que, avec votre nomination, au mois de mars dernier, monsieur le
ministre, l'organigramme gouvernemental a été aménagé afin de mieux prendre en
compte la spécificité de la politique de la ville.
Les quartiers sensibles, comme les zones rurales défavorisées, ont besoin
d'être aidés par les pouvoirs publics pour surmonter les difficutés qu'ils
rencontrent. C'est pourquoi il n'y a pas, pour nous, de contradiction entre
l'objectif du retour au droit commun des quartiers en difficulté et la mise en
place d'une géographie prioritaire de la politique de la ville - selon les
critères améliorés mis en place depuis 1996 et pour lesquels vient de vous être
demandée une continuité - qui permette à l'Etat d'intervenir au mieux dans les
zones où se fait durement sentir le besoin d'une redynamisation économique et
sociale.
Je ne reviendrai pas, bien entendu, sur les chiffres déjà indiqués par les
rapporteurs qui m'ont précédé ni sur les problèmes de l'emploi des jeunes, des
logements et des zones franches.
S'agissant du budget, les évolutions flatteuses de l'effort public consenti en
faveur de la ville ne doivent pas masquer la part essentielle prise par les
collectivités locales, qui interviennent soit directement, soit indirectement
par la mise en jeu de la solidarité financière au sein de la DGF, le recours
aux emprunts de la Caisse des dépôts et consignations - auquel il a déjà été
fait allusion - ou les efforts consentis en dehors des contrats de ville.
Mais, au-delà de ce budget, monsieur le ministre, la commission des affaires
sociales a émis trois mises en garde sur la politique de la ville que vous
mettez en place.
Tout d'abord, il faut veiller à ne pas casser l'outil utile, mais déjà
fragile, que constitue le contrat de ville en lui assignant trop d'objectifs.
Vous souhaitez demander aux futurs contrats de faciliter l'émergence des
agglomérations urbaines, d'incarner la participation démocratique des habitants
à la vie locale et de formaliser l'intervention conjointe de tous les niveaux
de collectivités locales. Mais vous négligez le défaut principal qui explique
en partie le ralentissement des financements locaux en 1997 et qui est la
complexité des prises de décisions et la lourdeur des circuits de financement
croisés. Le contrat de ville est un outil au service de la décentralisation qui
demande à être plus lisible et rendu plus efficace plutôt qu'à être encore
compliqué.
Ensuite, les réticences exprimées, ici où là, à l'égard du dispositif
d'exonérations dans les zones franches urbaines semblent être remises en cause
- et M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan, y a fait allusion - car les résultats sur dix-huit mois
montrent clairement que les installations d'entreprises et les embauches
nouvelles reprennent dans des quartiers que l'on disait sinistrés depuis quinze
ans. La question est non plus de savoir aujourd'hui si les zones franches
urbaines marchent ou ne marchent pas, mais plutôt de se demander s'il ne
faudrait pas en étendre le champ pour des zones classées aujourd'hui en zones
de redynamisation urbaine, les ZRU.
Enfin, et c'est sur ce point que je souhaite insister, le rétablissement de la
sécurité dans les quartiers doit être une priorité absolue.
Au-delà des statistiques, qui méritent d'être affinées à partir d'un
échantillon - ne serait-ce que pour que l'action du Gouvernement dispose d'un
indicateur minimal - il importe de souligner que le sentiment d'insécurité qui
règne dans les quartiers demeure très fort dès lors que les victimes de
violences ou de dégradations de biens ont le sentiment qu'il ne leur est pas
apporté de réponse policière. De plus, les actes d'incivisme et d'incivilité
qui ne donnent pas lieu à déclaration et qui exaspèrent les habitants réduits à
l'impuissance méritent également une réponse appropriée.
Il faut enfin compter avec la progression d'une délinquance causée par des
mineurs parfois en bandes organisées, progression qui pose à la fois la
question de l'adaptation de notre système judiciaire et celle de l'évolution du
système de distribution des prestations familiales pour éviter de
déresponsabiliser les parents.
La commission a également tenu à souligner que la violence urbaine tendait à
s'étendre par un effet de tache d'huile à des zones rurales proches des
banlieues où apparaissent des actes de destruction et de dégradation de biens
agricoles ainsi que dans les villes suburbaines moyennes.
Si toutes les expériences étrangères, telles que celles qui sont conduites aux
Etats-Unis, ne sont sans doute pas directement transposables dans notre pays,
elles ont au moins le mérite de nous rappeler que l'activité policière doit
apporter une réponse concrète, quotidienne et sérieuse à toutes les situations
de violence ou d'insécurité vécues par les habitants de quartiers. Faudra-t-il
appliquer dans notre pays la politique inspirée de la thoérie du « carreau
cassé » ?
C'est pourquoi, au-delà de la politique de prévention que vous préconisez,
monsieur le ministre, et qui fait largement appel aux capacités d'intervention
des collectivités locales à travers les conseils communaux de prévention de la
délinquance ou les contrats locaux de sécurité, il importe de renforcer la
présence policière par un déploiement d'effectif d'agents chevronnés sur le
terrain, et ce d'autant plus que l'on sait que le taux de rotation des
personnels en service est élevé.
De ce point de vue, nous ne pouvons que nous inquiéter du fait que le
déploiement de 4 000 policiers envisagé dans le pacte national de relance pour
la ville de M. Alain Juppé ait été interrompu, alors que le déploiement des
adjoints de sécurité et des agents locaux de médiation sociale n'apporte pas
les mêmes garanties d'efficacité. Nous souhaitons que la politique de la ville
se fasse dans la continuité.
Compte tenu de ces observations, la commission a émis un avis défavorable à
l'adoption du projet de budget relatif à la ville tel qu'il est transmis par
l'Assemblée nationale. Bien entendu, cet avis ne préjuge pas les votes qu'elle
sera amenée à formuler sur le budget tel qu'il pourrait être amendé sur
l'initiative de la commission des finances et tel que vient de l'évoquer M. le
rapporteur spécial.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 38 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget pour la ville qui nous est soumis aujourd'hui s'élève, selon le «
fascicule jaune », à 31,262 milliards de francs. Il augmente ainsi de 31 %, ce
dont je me félicite. Toutefois, cette hausse ne fait que correspondre aux
principes posés par la loi relative à la mise en oeuvre du pacte de relance
pour la ville de 1996.
Les crédits spécifiques ville sont, quant à eux, inscrits dans le « fascicule
bleu » et émanent de l'Etat.
Le budget pour la ville apparaît comme un mélange de plusieurs crédits
provenant de l'Etat, de l'Union européenne, des collectivités locales... Vous y
incluez même les prêts issus de la Caisse des dépôts et consignations. D'une
part, je m'étonne que l'on puisse considérer sérieusement des prêts comme de
véritables crédits ; d'autre part, vous savez très bien, monsieur le ministre,
qu'étant donné les difficultés rencontrées par les communes à emprunter
davantage ces prêts sont rarement consommés.
A entendre les déclarations du Gouvernement, les crédits alloués à la
politique de la ville traduisent un effort financier énorme, sans précédent.
Pourtant, monsieur le ministre, il a fallu une année à ce même Gouvernement
pour prendre conscience de la nécessité d'un ministère chargé de la ville. Il
était temps ! Comme l'ont dit mes collègues, nous nous réjouissons de votre
arrivée. Nous aurions tous aimé, notamment les maires des villes difficiles,
qu'il en soit autrement et que le ministère chargé de la politique de la ville,
qui avait été mis en place par vos prédécesseurs, ne disparaisse pas, même pour
une année.
La situation préoccupante de nos banlieues nous prouve tous les jours qu'une
politique sérieuse et surtout efficace doit être mise en oeuvre.
S'il y a peu d'occupations aussi passionnantes que celle de maire, il faut
avouer que c'est une tâche difficile. En tant que maire de Garges-lès-Gonesse,
j'insiste sur la nécessité d'une politique efficace qui s'inscrirait dans la
durée.
Je m'étonne donc, monsieur le ministre, de l'énormité des crédits affectés à
diverses instances de réflexion. Plusieurs institutions existent déjà : le
Conseil national des villes et du développement social urbain, dont je suis
membre, la délégation interministérielle à la ville et au développement social
urbain... Et j'apprends votre volonté de mettre en place et de créer un
institut pour la ville ! Je ne peux que regretter que l'on finance de plus en
plus de nouvelles structures qui feront le même travail que celles qui existent
déjà.
Vous augmentez les crédits d'étude, d'ingénierie et de formation, qui doivent
être cofinancés par des collectivités locales qui supportent de moins en moins
l'ouverture de nouveaux crédits.
Monsieur le ministre, on dépense beaucoup en études théoriques pour tenter de
comprendre les malaises des quartiers et ce, malheureusement, aux dépens de ces
mêmes quartiers. Je souhaite que ces études soient consacrées à des projets
concrets et non à des réflexions plus ou moins déconnectées de notre
réalité.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Très bien !
Mme Nelly Olin.
La politique de la ville doit se recentrer sur deux principaux objectifs.
D'une part, nous devons engager une lutte sans merci contre la violence urbaine
et, d'autre part, tous les acteurs de la vie locale doivent se mobiliser pour
lutter contre le chômage.
Les événements récents qui se sont déroulés dans les transports publics nous
ont montré, une fois de plus, l'exaspération de la population face à ce regain
de violence. Je profite de cette occasion pour féliciter notre collègue
Christian Bonnet d'avoir déposé, au nom de la commission des lois, une
proposition de loi aggravant les peines encourues en cas d'agression d'un agent
des transports publics de voyageurs.
Il était temps d'engager des mesures répressives pour lutter contre une
délinquance, hélas ! de plus en plus jeune et de plus en plus violente. Les
actes gratuits se multiplient et la population ne supporte plus de voir ces
délits impunis. Il est urgent d'engager une concertation avec les collectivités
locales afin d'affecter de nouveaux moyens de police ou de gendarmerie dans les
quartiers difficiles.
S'agissant de la prévention, je me réjouis de la relance des zones d'éducation
prioritaire et de la mise en place de contrats éducatifs locaux pour prévenir
la violence et favoriser l'éducation à la citoyenneté, à condition que cela se
fasse dans la plus parfaite concertation avec les élus et l'éducation
nationale.
Le comité interministériel des villes et du développement social urbain, qui
s'est réuni en juin dernier, a prévu le développement de comités d'éducation à
la santé et à la citoyenneté. J'ose espérer que ce projet ne restera pas une
annonce.
La sécurité, je vous l'ai dit tout à l'heure, monsieur le ministre, doit être
renforcée dans nos quartiers, et c'est pour cela que Garges-lès-Gonesse a
répondu à l'appel à projets « commerce et sécurité » lancé par le précédent
gouvernement ; elle a été lauréate. C'est donc dans ce cadre que des
investissements sont soit en cours soit prévus, comme l'éclairage, les bornes
antifranchissement ou la vidéosurveillance. Conformément aux engagements pris
dans le cadre de l'appel à projets, une brigade VTT de la police municipale -
non armée - assure une surveillance ciblée sur les sites commerciaux.
Je regrette, monsieur le ministre, que le Gouvernement ne lance plus
d'opérations de ce type pour assurer davantage de sécurité non seulement dans
les centres commerciaux, mais également dans les transports.
Le deuxième grand objectif de la politique de la ville est, bien sûr, la lutte
contre le chômage.
S'agissant de l'emploi des jeunes, la loi du 16 octobre 1997 prévoit la
création du programme « Nouveaux services, nouveaux emplois ». Je souhaite que
les emplois-jeunes soient réellement de nouveaux emplois.
Je me réjouis toutefois de la mise en place du programme TRACE - trajet
d'accès à l'emploi - pour les jeunes en difficulté et issus de quartiers
sensibles. Il permettra d'accompagner ces derniers vers un emploi stable en
dix-huit mois. Pour l'année 1998, ce programme devrait concerner environ 10 000
personnes.
S'agissant des chômeurs de longue durée, des allocataires du RMI ou des
handicapés, la mise en place des contrats emploi-solidarité prouve encore
aujourd'hui son efficacité. Il serait bon, monsieur le ministre, que vous
prévoyiez de renforcer ce dispositif dans les zones difficiles.
Reste, monsieur le ministre, que j'ai été très choquée par le contenu du
rapport Sueur s'agissant de la discrimination positive faite en faveur des
zones et de vos propos sur le dispositif des zones franches urbaines qui «
susciterait des effets pervers »
Je peux aujourd'hui en témoigner, la création de la zone franche
Garges-Sarcelles a permis à ma commune de relever la tête. C'en est en effet
fini des départs incessants des entreprises. Pour la seule ville de
Garges-lès-Gonesse, ce sont 178 entreprises qui se sont installées et 1 020
emplois qui ont été créés. Ces résultats, vous en conviendrez, sont très
encourageants ; ils n'auraient pas été possibles sans la loi relative au pacte
de relance pour la ville.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Très bien !
Mme Nelly Olin.
Aussi, monsieur le ministre, je ne vois pas d'effets pervers à la création de
2 020 emplois pour la seule zone franche Garges-Sarcelles. Je peux vous assurer
que les zones franches urbaines ont réellement « sauvé » des villes du
naufrage. Vous vous êtes permis de juger un dispositif sans en connaître les
résultats et sans vous donner les moyens de les connaître puisqu'aucun bilan
n'a encore été établi, mise à part la visite récente d'inspecteurs des finances
et des affaires sociales, qui, d'ailleurs, manifestaient
a priori
un
certain scepticisme, je tiens à le préciser !
Nous pouvons vous dire aujourd'hui que, non seulement le bilan est positif en
matière de créations d'emplois mais que, en plus, il s'améliore par rapport à
la première année de sa mise en place.
Le dispositif serait encore plus efficace si vous aviez bien voulu lui
accorder tous les moyens prévus, notamment l'affectation de 4 000 postes de
policiers dans les quartiers sensibles.
Il s'agit maintenant de répondre aux interrogations des entreprises sur la fin
du dispositif, dont la durée de vie est de cinq ans ; nous attendons vos
propositions à ce sujet.
Vos arguments s'appuient sur un risque d'inégalité entre les communes.
Toutefois, je vous rappelle que les zones franches urbaines ne sont pas
destinées à durer puisqu'elles ont pour objectif de remettre « à niveau » nos
villes du point de vue économique.
Le pacte de relance pour la ville a également permis d'amplifier les retombées
des contrats de ville en y intégrant fortement la dimension économique. Le
contrat de ville passé entre l'Etat et Garges-lès-Gonesse a permis la mise en
oeuvre de plusieurs actions intercommunales, notamment en matière de santé, ce
qui me réjouit. Toutefois, je regrette que ces contrats ne permettent de
financer que des engagements de quartier alors que nous aurions besoin d'une
complète recomposition urbaine.
Vous vous inquiétez de la prise en compte des seuls quartiers au détriment de
l'agglomération dans son ensemble. Je vous rappelle que le principe du zonage
permettra justement de réinstaller une certaine égalité entre les quartiers
dits difficiles et les autres, plus tranquilles.
A cet égard, j'aimerais savoir sur quels critères les treize sites pilote ont
été choisis et dans quelle mesure ce choix n'accentuera pas l'inégalité entre
les communes.
Je doute également de votre souci d'égalité au vu de l'application des crédits
alloués aux grands projets urbains, les GPU. Ce dispositif, qui permet de
concentrer des crédits importants relevant de la politique de la ville au
niveau de l'Etat, de la région et du département, tend à réinsérer et à
restructurer les quartiers dans l'agglomération. C'est une bonne chose,
monsieur le ministre, mais je m'étonne que toutes les villes qui en auraient
besoin n'en bénéficient pas.
En particulier, je regrette que Garges-lès-Gonesse ne soit pas classée en GPU,
mais il est vrai que la menace permanente que fait peser sur notre ville
l'autoroute A 16 rend difficile l'élaboration d'un véritable projet urbain !
Monsieur le ministre, j'aurais souhaité qu'en matière de
démolition-reconstruction, l'Etat dégage des crédits spécifiques afin d'éviter
aux communes d'avoir une nouvelle fois recours à l'emprunt, comme cela est
envisagé à Garges-lès-Gonesse pour la reconstruction de 170 logements.
Enfin, monsieur le ministre, j'ai saisi en juillet 1997 l'EPARECA -
établissement public d'aménagement et de reconstruction des espaces commerciaux
et artisanaux - afin qu'il intervienne à propos du centre commercial de
Garges-lès-Gonesse. Depuis, nous attendons toujours une réponse. Je regrette
les lenteurs de la mise en place de cet établissement : il serait urgent qu'il
se mette au travail. En effet, ces énormes délais portent un grave préjudice à
nos projets, et j'attends du Gouvernement qu'il mette rapidement en oeuvre les
crédits nécessaires.
Monsieur le ministre, je crains que le présent projet de budget ne réponde que
très mal aux attentes suscitées par les mesures qui ont été annoncées. Or les
maires, vous le savez, sont las d'aller de déception en déception. Il faut
donner les moyens à nos communes de retrouver une image positive. Pour que nous
n'ayons plus à parler d'actes de vandalisme, de voitures brûlées, de centres
commerciaux dévastés, dont la presse d'ailleurs se fait toujours largement
l'écho à tort, donnez-nous les moyens d'espérer que nos villes puissent
remobiliser leurs forces et leurs atouts, qui sont considérables dès lors qu'on
ne les décourage pas à coup de promesses non suivies d'effets.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis les
dispositifs sur l'habitat et la vie sociale de la fin des années soixante-dix
en passant par le pacte de relance de la ville, vingt années d'intervention au
titre de la politique de la ville n'ont pas permis d'enrayer des tendances
lourdes touchant particulièrement nos grands ensembles qui, en fait, traduisent
de véritables mutations de notre société.
C'est en ce sens qu'il faut beaucoup d'humilité dans le traitement des
problèmes qui se posent à nous car la ségrégation se conforte, l'exclusion se
territorialise, la mixité sociale s'affaiblit, le chômage fait des ravages -
les jeunes sont particulièrement touchés - le taux de vacance des logements
sociaux augmente dangereusement - près de 100 000 logements sont vacants dans
les grands ensembles - l'insécurité, les incivilités freinent les actions
engagées, voire les remettent en cause.
Si ce constat nous interpelle, il ne nous étonne pas. Depuis de nombreuses
années, les élus communistes répètent que le mal-être des banlieues n'est rien
d'autre que le reflet de la crise qui ronge notre société, laquelle société est
de plus en plus duale.
Si la dégradation du tissu social urbain est avant tout due au chômage, à la
précarité et à la misère, elle est aussi, en partie, causée par la conception
de l'urbanisation des années cinquante - soixante-dix où l'on a construit et
équipé notre territoire en le zonant de manière outrancière.
La ségrégation des territoires a marqué à jamais notre pays.
Cela est particulièrement vrai en matière d'habitat. La répartition entre
logements sociaux et privés dans le Bassin parisien ou dans l'agglomération
lyonnaise est sans équivoque.
Le rapport Sueur met en évidence les déséquilibres, s'agissant notamment de la
présence des services publics : des services de police, de justice, des postes
et télécommunication, de l'éducation, etc.
Par exemple, il y a un écart de 1 à 31 entre la population desservie par les
différents tribunaux de grande instance. La Poste emploie, en moyenne, au
niveau national, 1 agent pour 180 habitants alors que, dans les zones urbaines
sensibles, le rapport est de 1 pour 672.
Le mouvement des enseignants, des élèves et des parents de la
Seine-Saint-Denis, qui s'est manifesté en mai dernier, a révélé l'ampleur des
inégalités en matière d'éducation.
Ces constats doivent nous conduire à la mise en oeuvre d'une politique de la
ville ambitieuse.
Votre nomination, monsieur le ministre, a répondu à notre attente. Le projet
de loi de lutte contre l'exclusion, la mise en place des emplois-jeunes étaient
des réponses attendues. Le groupe communiste républicain et citoyen se félicite
que vous engagiez franchement, monsieur le ministre, un travail
interministériel et transversal.
Nous sommes de ceux qui préfèrent aborder la politique de la ville comme la
volonté de mettre en oeuvre une véritable cohésion des politiques ayant trait à
la vie dans les villes et au développement des « villes », qu'il s'agisse du
développement des pôles de services publics, de la desserte de l'ensemble du
territoire par les transports publics, des projets d'aménagement, des règles de
péréquation et de solidarité financière entre collectivités ou encore des
règles de répartition des différents types d'habitat sur les territoires.
Le comité interministériel des villes, réuni le 30 juin dernier, s'inscrit
dans cette perspective. Les huit mesures qui nourrissent les orientations du
Gouvernement en matière de mixité urbaine et sociale vont dans le bon sens. De
telles ambitions ont pour corollaire l'engagement de moyens nouveaux en
croissance significative.
Les crédits de votre ministère progressent globalement de 32 %. Cet effort est
d'autant plus louable qu'il porte, pour l'essentiel, sur les interventions
publiques, qui augmentent de 50 %.
Ajouté aux 8 milliards de francs d'évolution de l'effort public global, qui
passe de 23 milliards à 31 milliards de francs, le budget de la politique de la
ville devrait, dès 1999, commencer à rendre perceptible dans le vécu quotidien
de millions de personnes l'action politique qui le sous-tend.
En revanche, vos crédits d'investissements sont stables. Si cette stagnation
est due à la non-consommation des crédits d'investissements les années
précédentes, cette non-consommation n'est-elle pas elle-même due, en partie,
aux difficultés financières des collectivités qui ne trouvent pas toujours les
moyens de réaliser les équipements qu'elles continuent pourtant de juger
indispensable ?
Un des autres axes affichés par votre budget est le développement de la
démocratie et de la participation citoyenne à la vie des villes.
La commune, foyer de démocratie, de vie associative, elle-même facteur de
cohésion sociale, reste le cadre le plus approprié de l'expression de la
volonté populaire.
L'actualité, marquée par une certaine recrudescence des actes de violence,
doit nous inciter à faire coexister la vigilance, la prévention et la
répression.
En ce moment même, monsieur le ministre, à Vénissieux, aux Minguettes, un
collectif d'associations et d'habitants manifeste pour résister aux grands maux
de notre société. Ils ne baissent pas les bras, ils agissent. Ils doivent être
entendus. Les Minguettes sont privés de transports en commun depuis trois jours
à la suite de la mort accidentelle à Saint-Fons d'un collégien. Ce fait divers
illustre dramatiquement la réalité de la vie quotidienne.
Il faut donc continuer à se battre pour la création d'emplois.
Mieux vivre à la ville passe également par l'éducation et la
responsabilisation des parents. Le plan de relance des ZEP doit être dynamisé
et discuté.
D'autres actions fortes doivent conforter les opérations d'aménagement et de
réhabilitation engagées. Le chemin est long et sinueux.
La construction-démolition marquera une nouvelle étape en matière
d'aménagement urbain. Instaurer une présence forte dans les transports en
commun et dans les quartiers, conforter la présence des services publics sont
autant d'actions qui, avec le développement économique, contribueront
éminemment à maintenir le lien social.
Il faut enfin, bien sûr, réclamer des moyens financiers à la hauteur de
l'enjeu. Nous nous y engageons.
Cependant, au nom de la réduction des dépenses et du déficit public, la
commission des finances s'apprête à amputer 16 millions de francs, notamment
sur les crédits d'équipement. Nous le regrettons vivement et ne pouvons
cautionner cette démarche, qui justifiera notre franche opposition à cette
réécriture du budget, même symbolique, de la majorité sénatoriale.
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le ministre, c'est le premier budget que vous nous présentez, et nous
nous réjouissons tous de la nomination d'un ministre délégué à la ville.
Ce budget est aussi le premier budget de l'Etat par sa progression : il
connaît une hausse de 32 % pour les crédits spécifiques de votre ministère, qui
franchissent le cap symbolique du milliard de francs. C'est une augmentation
sans précédent depuis la création d'un ministère de la ville, mais nous n'en
sommes pas surpris, compte tenu de la volonté que vous avez exprimée, dès votre
nomination, d'une nouvelle ambition pour les villes.
Le conseil interministériel des villes, qui s'est réuni le 30 juin dernier,
sous la présidence du Premier ministre, a très clairement souligné le caractère
prioritaire qu'il faut donner à la politique de la ville.
Rappelons qu'en février 1998 le rapport
Demain la ville
de Jean-Pierre
Sueur a largement contribué à relancer la réflexion sur l'avenir de la
politique de la ville.
L'idée conductrice de ce rapport a été de sortir de la conception habituelle
selon laquelle la ville serait le réceptacle de tous les maux de la société. Il
faut réhabiliter l'image et le concept de la ville.
En 1994, l'association des maires des grandes villes de France avait publié
son manifeste :
Mon pays, c'est la ville.
Et la ville va encore grandir : bientôt, huit Français sur dix vivront dans
les villes. Sans vouloir opposer les villes au monde rural, les habitants des
campagnes à ceux des villes, il faut bien reconnaître que c'est la ville qui
crée la majeure partie des richesses et qui est le lieu des principaux
enjeux.
André Bercoff, dans la préface du Manifeste des maires, s'exprime ainsi : «
S'il s'agit de développer ses potentialités, d'acquérir plus de conscience,
d'approfondir disciplines et concepts, de gagner en intensité sur le temps qui
nous reste à vivre, de s'ouvrir aux êtres et aux rencontres, de s'enrichir par
ses différences, d'apprendre à apprendre, de grandir en civilisation, alors,
rien de tel que la ville ».
Monsieur le ministre, le problème dont nous débattons aujourd'hui en examinant
les crédits de votre ministère est bien celui d'un projet de société. Et c'est
bien ainsi que vous le considérez. Il ne s'agit pas d'élaborer un nouveau plan
d'urgence, un plan Marshall pour les banlieues ; la politique de la ville ne
doit pas être, pour reprendre votre expression, un SAMU social. Il faut une
approche plus large, dépassant le cadre des seuls quartiers en difficulté et
s'inscrivant dans le long terme. Nous adhérons tous, j'en suis convaincu, aux
objectifs qui ont été fixés par le conseil interministériel.
Il faut d'abord garantir le pacte républicain sur tout le territoire avec un
égal accès aux services publics. Quelles que soient les mesures qui ont pu être
prises jusqu'ici, il faut bien reconnaître - cela a été dit - qu'il y a
toujours moins de services publics dans les quartiers sensibles que dans le
reste des villes. C'est vrai pour La Poste, pour l'ANPE, pour la justice, pour
la police.
Les budgets des ministères concernés doivent tenir compte des principales
préoccupations des habitants de ces quartiers : l'éducation, la sécurité,
l'emploi.
Il faut des réponses cohérentes, transversales. Les contrats locaux de
sécurité devraient permettre d'apporter une réponse collective, mieux
appropriée, en mettant en oeuvre un véritable partenariat. Mais il faudra sans
doute aussi renforcer les moyens, particulièrement les effectifs de la police,
pour assurer partout le droit à la sécurité et à la tranquillité publique.
Le problème de l'emploi est également très préoccupant et il appelle aussi des
réponses transversales. Il y a le rôle que jouent les emplois-jeunes, qu'il
s'agisse des adjoints de sécurité ou des aides-éducateurs, ou encore des autres
emplois-jeunes créés par les communes ou par des associations et qui sont
essentiellement déployés dans les quartiers en difficulté. Il y a aussi le
programme TRACE, dont Mme Olin a souligné l'intérêt.
Mais peut-on considérer que les zones franches et les zones de redynamisation
urbaine ont atteint les objectifs qui avaient été fixés et qui étaient de créer
des emplois dont une large partie serait réservée aux habitants des quartiers
concernés ?
Si, dans un certain nombre de cas - M. Gérard Larcher l'a souligné - des
résultats positifs ont pu être obtenus, n'y a-t-il pas eu, dans d'autres cas,
des dérives, des effets d'aubaine, des délocalisations, une concurrence
déloyale ? La question mérite d'être posée quand on sait que le coût des
exonérations fiscales et sociales pour ces zones s'élève à 2,6 milliards de
francs.
Disposez-vous, monsieur le ministre, d'informations précises et incontestables
vous permettant de décider de l'avenir de ce dispositif ?
Le deuxième objectif que vous vous êtes fixé est de renforcer la cohérence
sociale dans les villes, en assurant une plus grande mixité sociale et urbaine
dans les agglomérations. Le problème est posé de l'échelle à laquelle il faut
agir, donc du périmètre des futures contrats.
Il est vrai que l'on ne peut pas voir le quartier sans voir en même temps la
ville et il en est de même pour la ville par rapport à l'agglomération. Les
quartiers ont assez souffert d'une politique de zonage ; ils en porteront
longtemps les stigmates. Une zone, même si elle bénéficie d'une discrimination
positive, reste une zone. Il faut plus de globalité.
Mais il n'y a pas de politique de la ville sans les élus locaux des
municipalités qui y croient et qui s'engagent et sans les associations et les
acteurs de terrain. Il est donc nécessaire qu'il y ait différents niveaux de
compétences et une bonne articulation entre le contrat d'agglomération et le
contrat de ville. De toute façon, ce n'est pas l'agglomération qui peut piloter
les actions sur le terrain.
Votre troisième objectif, monsieur le ministre, est de mobiliser autour d'un
projet collectif, avec une implication plus forte des collectivités locales :
les régions, les départements et les communes. C'est une question de
solidarité. C'est aussi le problème du financement des futurs contrats. On voit
bien l'intérêt de mettre ces contrats en cohérence avec les contrats de plan
Etat-régions sur la période 2000-2006. Mais que se passera-t-il si une région -
je pense, bien sûr, à la région Rhône-Alpes - ne s'engage pas ou si, comme elle
le fait actuellement sous la pression du Front national, elle annule ses
engagements ? Que se passera-t-il si une collectivité, quelle qu'elle soit,
n'accepte pas de rentrer dans une logique de solidarité urbaine, notamment sur
le plan financier ? Sera-t-elle pénalisée ? Comment ?
Les départements vont jouer un rôle plus important. Très bien ! Mais ne
pourrait-on pas, à cette occasion, réformer les modes de calcul des contingents
d'aide sociale, sachant que, d'un département à l'autre, le contingent communal
par habitant peut varier dans un rapport de un à six et que c'est en général la
solidarité à l'envers, car ce sont les communes qui connaissent le plus de
problèmes qui payent les contingents les plus élevés ?
On peut même se poser la question de la dotation de solidarité urbaine. Elle
est heureusement très fortement augmentée. Sans ce milliard de francs
supplémentaire, les communes en difficulté auraient du mal à agir. Mais peut-on
considérer que la DSU a atteint son maximum, alors qu'elle ne représente
qu'entre 2 à 3 % de l'enveloppe normée des concours financiers de l'Etat ?
L'Etat ne doit-il pas mieux dimensionner son aide et la moduler, en prenant en
compte l'importance relative des problèmes locaux ?
Enfin, le quatrième objectif est de construire un nouvel espace démocratique
avec les habitants. Comment pourrait-on faire sans la participation effective
des habitants ? Il faut une participation « citoyenne » et on ne peut que se
féliciter, monsieur le ministre, de voir progresser dans votre budget le fonds
de promotion des initiatives des habitants.
Le thème de la démocratie participative, de la démocratie de proximité est
devenu l'un des enjeux majeurs de la politique de la ville. Il faut pouvoir
s'orienter, comme cela se fait dans un certain nombre de villes, vers des
conseils de quartier ou d'autres structures participatives, pour que chacun
puisse être reconnu comme acteur de la cité. C'est ainsi que l'on pourra faire
reculer l'intolérance et les idées extrémistes.
Monsieur le ministre, les élus locaux attendent beaucoup ; ils fondent
beaucoup d'espoir sur des nouveaux contrats qui ne seront pas de simples
déclarations d'intention, mais qui auront force de loi. Les différentes
collectivités territoriales doivent s'engager pleinement à mettre en oeuvre la
solidarité d'un territoire, et les contrats doivent ensuite s'imposer aux
différentes administrations de l'Etat et à leurs responsables.
La politique de la ville date d'une quinzaine d'années. Elle avait fini par
s'essouffler. Après un temps de réflexion tout à fait nécessaire, le
Gouvernement a su respecter ses engagements et vous nous présentez, monsieur le
ministre, un budget d'impulsion et d'innovation, un budget qui est de nature à
redonner un élan : non seulement les crédits sont en très forte hausse, mais
des projets se dessinent, qui doivent permettre de faire de la ville un lieu
d'échanges et de bien-vivre, une ville faite pour l'homme.
Bien entendu, le groupe socialiste vous apportera tout son soutien pour que
vous puissiez mettre en oeuvre cette politique et donner une nouvelle ambition
aux villes.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi, que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le ministre, je souhaite tout d'abord vous exprimer tout le plaisir
que j'ai à m'adresser à vous ce matin, car cela signifie qu'enfin - mais, il
faut le reconnaître, avec un certain « retard à l'allumage » -, le Gouvernement
s'est doté d'un représentant spécifique chargé de cette délégation
ministérielle essentielle qu'est celle de la ville. Je suis très heureux
d'avoir un interlocuteur en la personne d'un ministre délégué pour exprimer mes
remarques sur ce budget.
Le fait que vous soyez un élu de la Seine-Saint-Denis nous rapproche, bien
évidemment, même si nous n'avons pas forcément, et même très souvent, les mêmes
options.
Cela étant, ce projet de budget nous est présenté avec tout le clinquant d'un
superbe enrobage savamment dosé et vous imaginez sans mal que j'aurai quelques
observations à formuler. J'apprécie d'ailleurs à sa juste valeur l'excellente
formule de M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis, qui titre ainsi la
présentation générale des crédits : « Les faux-semblants d'un budget en
trompe-l'oeil. »
Je souhaite féliciter également les trois rapporteurs de la qualité du travail
qu'ils ont fourni et de la pertinence de leurs observations.
Mes remarques sont principalement inspirées par le constat inquiet d'une
augmentation générale de la délinquance et pas seulement dans les communes qui
bénéficient de crédits pour lutter contre celle-ci.
Monsieur le ministre, sur les documents que nous avons étudiés, votre budget
apparaît en augmentation de 32 % par rapport à ce qui a été prévu dans la
dernière loi de finances, ce qui représente, sur le papier, la plus forte
augmentation de tous les budgets. Il est vrai que vos crédits doivent être
rapportés à l'effort financier réalisé en faveur de la politique de la ville.
Mais, lorsqu'on décortique tous les tableaux que vous nous avez communiqués,
certains éléments nous indiquent que l'ensemble de cet effort n'est pas
seulement consenti par le budget de l'Etat, loin s'en faut !
Je citerai, par exemple, les contributions des collectivités locales à hauteur
de 3 milliards de francs, le fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France
pour 700 millions de francs ; le fonds européen apparaît aussi pour plus de un
milliard de francs et les interventions de la Caisse des dépôts et
consignations avoisinent 7 milliards de francs. Il s'agit là non pas de
subventions, mais de transferts ou de prêts consentis aux collectivités
territoriales. Dès lors, on s'aperçoit que vous êtes finalement moins généreux
qu'il n'y paraît, monsieur le ministre.
Qui paie tout cela ?
En ce qui concerne la dotation de solidarité urbaine, comme son nom l'indique,
ce sont les villes qui paient. Les fameuses « interventions » de la Caisse des
dépôts et consignations consistent en des prêts consentis par cet organisme
financier et ce sont donc les villes qui doivent s'endetter.
Les 3 milliards de francs de contribution des collectivités locales
représentent la charge qui revient aux communes dans le cadre des contrats de
ville. Là encore, ce sont les villes qui paient !
Cette liste rapide et non exhaustive montre, si besoin était, combien les
communes sont de plus en plus sollicitées financièrement, ce qui, pour beaucoup
d'entre elles, risque vite de devenir intolérable.
Certes, des collectivités récupèrent une partie de cet argent grâce aux
contrats de ville, aux dotations de solidarité urbaine et autres subventions
que vous versez. Ces actions sont nécessaires, voire indispensables, et je ne
remets nullement en cause la plupart des programmes développés par tous ces
quartiers en difficulté. Mais ce ne sont là que des opérations précises sur des
lieux très limités et clairement définis.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour toutes les autres communes,
petites, moyennes, mais parfois aussi grandes, qui subissent des problèmes liés
à la délinquance et qui ne reçoivent, elles, aucun subside de l'Etat ? Non
seulement, comme je le disais précédemment, elles sont obligées de payer pour
les autres, mais, bien souvent, elles doivent également se débrouiller seules
pour résoudre leurs problèmes quotidiens.
Beaucoup s'investissent dans des actions parfois coûteuses ; elles le font
sans aucune arrière-pensée, prenant pleinement des responsabilités qui,
d'ailleurs, ne leur incombent pas toujours. Elles manifestent ainsi une volonté
claire d'assurer la paix civile et sociale.
Je peux vous citer beaucoup d'exemples, notamment en Seine-Saint-Denis,
département que nous connaissons tous les deux très bien, où certaines
associations, travaillant régulièrement et, j'ose le dire, avec de très bons
résultats, dans le cadre des opérations Ville-Vie-Vacances, ont vu leurs
crédits diminuer cette année de 56 % ! Dans cet exemple précis, ce sont les
villes qui se sont substituées à l'Etat.
Depuis plusieurs semaines, les médias se font malheureusement l'écho des
exactions perpétrées à l'encontre des machinistes de la RATP qui assurent le
transport public dans des conditions parfois extrêmement difficiles. Eh bien !
je peux vous dire que j'ai été obligé de réunir les représentants de la force
publique, de la RATP et d'autres maires des communes voisines, face à un de ces
problèmes que nous avons rencontrés sur une ligne qui parcourt nos communes.
Est-ce normal ? Le rôle de l'Etat et de ses représentants n'est-il pas de faire
en sorte que la sécurité des chauffeurs et des passagers soit assurée ?
Un autre exemple me tient à coeur, il concerne les jeunes qui se trouvent en
situation d'échec scolaire.
Je suis profondément convaincu qu'il est nécessaire de mettre en place, en
parallèle avec les cursus qui sont proposés par l'éducation nationale, d'autres
actions pour permettre aux jeunes exclus du système classique de pouvoir
obtenir une qualification et, plus tard, un emploi.
C'est dans ce sens que nous avons créé l'« école de la deuxième chance » qui,
depuis deux ans, permet à des jeunes qui se trouvent en grande difficulté
scolaire de suivre une formation dans un institut d'enseignement rural de
mécanique agricole de la Nièvre. Cette expérience donne de très bons résultats
puisque chaque jeune trouve un emploi à la sortie. Or, malgré tout l'intérêt
que vous avez manifesté lorsque je vous ai rencontré pour vous présenter cette
action, je n'ai pour l'instant aucune aide financière de l'Etat dans ce
domaine.
Oui, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis persuadé que la
plupart des communes de France travaillent quotidiennement pour éviter que ne
dégénèrent des phénomènes de délinquance. Pour maîtriser toute explosion dans
les banlieues, mais aussi dans les grandes villes de province, je souhaite donc
plaider, au nom de ces maires qui ne reçoivent aucune subvention, afin que vous
puissiez réorienter une partie de vos redistributions financières pour que
chacun reçoive une aide et un encouragement dans cette action nécessaire.
Et là je souhaiterais ouvrir une parenthèse - puisque nous sommes dans la
discussion budgétaire - au sujet du contrat de solidarité et de croissance.
J'estime qu'il s'agit là d'une grave atteinte à l'autonomie financière des
communes. En effet, cette mesure telle qu'elle a été présentée et adoptée à
l'Assemblée nationale - mais pour l'instant, heureusement, elle a été amendée
par le Sénat - risque de diminuer gravement les recettes de 500 communes de
plus de 5 000 habitants, qui se verraient pénalisées par une diminution de
l'ordre de 24 % de la dotation de compensation de la taxe professionnelle.
J'estime que c'est très grave, notamment pour toutes les raisons que j'ai
énoncées plus haut, mais aussi parce que cela va empêcher les communes, qui ont
de plus en plus de responsabilités, de les assumer pleinement.
Avant de conclure, monsieur le ministre, je souhaiterais aussi aborder
l'aspect des relations nécessaires de votre ministère avec vos autres collègues
ministres, et tout particulièrement dans le domaine judiciaire. J'ai, avec
d'autres collègues et à plusieurs reprises, tiré la sonnette d'alarme en ce qui
concerne le sujet brûlant de la délinquance des mineurs. En effet, je reste
persuadé que le législateur doit prendre ses responsabilités et sanctionner
chaque délit par une peine correspondante. Trop de jeunes délinquants voient
leurs délits impunis et sont ainsi encouragés à persévérer dans une voie fort
lucrative pour eux et exempte de toute sanction. Cela m'amène aussi à dire
combien il est primordial de rappeler aux parents l'obligation qui est la leur
d'assurer leur mission éducative. Lorsque j'avais proposé, avec mon collègue M.
Pierre Cardo, de sanctionner ces adultes là où le bât blesse, c'est-à-dire de
suspendre les allocations familiales s'ils ne s'occupaient pas de leurs
enfants, que n'avions-nous alors entendu !... Pourtant, aujourd'hui, cette idée
a fait son chemin, et j'observe avec satisfaction qu'elle est abordée dans tous
les rangs du Parlement.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques remarques que je souhaitais
faire sur votre budget et qui pourraient en quelque sorte être résumées dans
une double question à partir d'un constat selon lequel la délinquance se
multiplie partout : que comptez-vous faire pour les villes situées en dehors de
tout contrat ou subvention ? Ne trouvez-vous pas, finalement, que les communes
vont être trop taxées ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
M. le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année 1998 aura
été une année de transition durant laquelle le Gouvernement a pris le temps de
la réflexion, avant de relancer sa politique de la ville sur des bases solides.
Ainsi, le rapport de M. Jean-Pierre Sueur, à qui je souhaite rendre hommage
pour son remarquable travail, l'installation du conseil national des villes, le
CNV, la redynamisation de la délégation interministérielle à la ville, la DIV,
et votre nomination, monsieur le ministre, en avril dernier, ont été des signes
forts qui ont souligné la volonté du Gouvernement d'agir en faveur d'une «
nouvelle ambition pour les villes ».
Aujourd'hui, arrive le temps du mouvement et de la mobilisation de l'ensemble
des acteurs qui, au quotidien, font la ville.
L'effort budgétaire en faveur de la politique de la ville connaîtra un
accroissement exceptionnel en 1999, car c'est l'un des budgets prioritaires de
l'Etat. Cette priorité se traduit, notamment, par une augmentation sans
précédent, depuis la création d'un ministère de la ville, de 32 % pour les
crédits spécifiques. Elle permet ainsi de franchir un cap symbolique, celui du
milliard de francs. Cet engagement financier permettra de renouer avec
l'intention initiale de la politique de la ville, qui est de privilégier une
approche globale et transversale des questions relatives au malaise urbain.
Les mesures nouvelles s'inscrivent toutes dans la perspective de la nouvelle
génération des contrats de ville qui seront conclus dans le cadre des prochains
contrats de plan Etat-région, dont les effets seront perceptibles dès 1999,
notamment dans les seize sites pilotes qui devront expérimenter de nouvelles
méthodes de travail.
Monsieur le ministre, la conception et l'animation de la politique de la ville
seront l'un des principaux axes de votre politique et elles se traduiront,
notamment, par l'octroi de moyens nouveaux au conseil national des villes et du
développement social urbain afin de renforcer les capacités d'animation, de
formation, d'ingénierie et de recherche. Nous espérons que cet effort
budgétaire profitera pleinement aux acteurs de terrain, notamment en facilitant
leurs relations avec les représentants de l'Etat à l'échelon local. Comme vous
le savez certainement, les attentes sont également très fortes en matière de
formation, le secteur des métiers de la ville est en plein essor et les besoins
des collectivités locales sont importants.
Le soutien aux initiatives locales et aux expérimentations est un volet
important de votre budget. Aussi, je souhaite revenir sur les seize sites
pilotes désignés à Lille, le 11 septembre dernier.
Il s'agira, tout d'abord, de prendre en compte l'ensemble des enjeux de la
crise urbaine, quelle que soit leur échelle territoriale, et de placer les
acteurs de terrain au coeur de la politique de la ville. En effet, il est
important de tenir compte des évolutions de ces dernières années et de ne pas
se cantonner à quelques zones prioritaires définies à l'échelon national.
Le développement de la ville doit être pensé dans sa globalité et donc au
niveau de l'agglomération. Il est alors essentiel que les acteurs locaux
identifient les quartiers prioritaires, car ils sont mieux placés que quiconque
pour dire où il faut concentrer les moyens financiers. Cette démarche
permettra, d'une part, d'éviter la stigmatisation de certains quartiers, comme
ce fut le cas ces dernières années, et, d'autre part, de développer une plus
grande solidarité intercommunale.
Il s'agira, ensuite, d'impliquer davantage les habitants et, grâce à des fonds
d'initiative habitants, de financer des postes d'agents de développement social
chargés de promouvoir et de pérenniser cette implication.
Monsieur le ministre, nous espérons que cette initiative profitera également
aux petites associations. En effet, beaucoup d'associations socioculturelles de
jeunes, de femmes, de communautés étrangères, notamment, souhaiteraient
bénéficier d'enveloppes pour organiser à tout moment de l'année des
micro-projets profitant aux habitants des quartiers. Il me semble en effet
nécessaire d'encourager ce type d'initiative.
D'une manière générale, je pense que, dans le cadre d'une politique de la
ville, l'Etat doit apporter son aide aux associations, au coeur des quartiers,
afin qu'elles puissent mettre en oeuvre des projets durables. Les associations
sont, en effet, des acteurs incontournables de la politique de la ville.
Anonymes, souvent bénévoles, toujours sur le terrain et au plus près des
problèmes, leurs membres déploient une activité exemplaire au service de celles
et de ceux qui en ont le plus besoin. Malheureusement, beaucoup trop
d'associations se précarisent car, bien que fortement impliquées dans la
politique de la ville, elles ne bénéficient pas de crédits de droit commun ni
de financements pluriannuels, et donc, faute de pouvoir financer des postes à
temps plein, elles ne peuvent mener que des actions ponctuelles.
Le tissu associatif joue un rôle de cohésion sociale, d'animation et
d'épanouissement, sans lesquels toute politique de la ville perdrait en
efficacité. C'est pourquoi les associations doivent être encouragées.
Il est indéniable qu'à travers le présent projet de budget le Gouvernement
souhaite prendre en compte des impératifs de la proximité. Toutefois, je
regrette qu'aucune ligne ne soit réellement attribuée à l'animation de
proximité. Monsieur le ministre, les maîtrises d'oeuvre urbaines et sociales,
les MOUS, ne devraient-elles pas sortir du financement conjoncturel afin de
marquer plus encore votre volonté d'une politique de la ville proche de celles
et de ceux qui vivent dans les quartiers dits sensibles ?
Concernant toujours les seize sites pilotes, beaucoup d'acteurs locaux
craignent que la politique de la ville du xxie siècle ne prenne en compte que
les expériences nouvelles et convaincantes effectuées sur ces seize sites et
abandonne toutes les actions entreprises jusqu'à présent. Monsieur le ministre,
afin de rassurer celles et ceux qui nous interpellent, pouvez-vous me confirmer
que la politique de la ville de demain tiendra également compte des expériences
concluantes qui ont été faites au cours des dernières années ?
Les actions de politique de la ville seront, elles ausssi, un axe important de
votre politique. En effet, les moyens supplémentaires qui seront alloués aux
contrats de ville et aux grands projets urbains, GPU, en 1999 serviront
principalement au soutien des priorités de l'Etat, notamment l'emploi, la
sécurité et l'éducation.
L'égalité d'accès au service public est la troisième priorité inscrite dans
votre projet de budget. L'an dernier, ici même, je me félicitais que cette
nécessité soit prise en compte dans le domaine de l'éducation, de la santé et
de la prévention de la délinquance. Je me réjouis cette année encore, car le
développement des services de proximité permet d'assurer une présence publique
qui, malheureusement, fait souvent défaut dans les quartiers. Cette présence
incombe d'abord aux administrations décentralisées, mais nous comptons aussi
sur votre détermination pour que l'Etat assure pleinement son rôle d'animateur
et facilite la participation de ses personnels aux initiatives locales. Il est
en effet important d'ancrer dans les quartiers tous les services publics ou
collectifs.
Service public signifie également forces de l'ordre, car la sécurité et la
tranquillité publiques sont des dimensions essentielles de la politique de la
ville. Nous le savons tous, les banlieues sont trop souvent le cadre d'excès de
violences et la réputation d'insécurité qui colle à certains quartiers nuit à
tous leurs habitants. Monsieur le ministre, vous avez récemment été chargé
d'une réforme des dispositifs de prévention et de sécurité ; nous comptons sur
vous pour trouver une meilleure articulation de ces dispositifs avec la
politique de la ville et pour contribuer à faire de la sécurité un droit pour
tous, car, comme M. le Premier ministre l'a rappelé à plusieurs reprises, la
sécurité est bien un droit pour tous.
Mes chers collègues, la politique de la ville est un enjeu majeur pour notre
société. Ce budget est un bon budget par son ampleur et par l'ensemble sans
précédent des moyens qu'il prévoit. C'est un budget novateur, à la hauteur de
nos ambitions. Son enjeu est d'améliorer le cadre de vie de trois Français sur
quatre, de lutter encore et toujours contre les exclusions et d'offrir à chacun
l'égalité des chances. Monsieur le ministre, nous voterons ce budget avec
enthousiasme.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Monsieur le président, messieurs les
rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la ville est devenue le lieu de
toutes les richesses, mais aussi de toutes les exclusions. Alors que huit
français sur dix habitent la ville, celle-ci n'est pourtant devenue que
récemment un véritable enjeu politique.
Notre pays a construit sa puissance et ses valeurs sur un modèle rural et
centraliste. Il joue, à n'en pas douter, son avenir dans l'équilibre du
territoire, la civilisation urbaine et la démocratie de proximité.
Fort de cette conviction, le Gouvernement a décidé d'une nouvelle ambition
pour la politique de la ville. Cette ambition est de maîtriser le développement
incontrôlé de nos villes et de réduire les nouvelles frontières intérieures que
le libéralisme et la crise économique ont érigées, conduisant à la
disqualification de la partie la plus fragile de la population et à la dérive
de certaines portions du territoire.
La politique de la ville est au coeur de l'action du Gouvernement, et elle
l'est depuis juin 1997, comme les emplois-jeunes, la loi relative à la lutte
contre les exclusions, la réforme de l'éducation nationale ou les contrats
locaux de sécurité, qui visent à donner à chacun le droit de mener une vie
normale, d'avoir un emploi, un logement et des services publics de qualité,
quels que soient son lieu de résidence et ses origines.
La nouvelle politique de la ville est entrée dans une phase décisive, après
les réflexions menées dans le cadre du rapport Sueur, avec la nomination d'un
ministre de la ville, ce qui répond d'ailleurs à une demande du Parlement, le
renouvellement du conseil national des villes, la définition d'un important
programme de renouvellement urbain en lien avec la Caisse des dépôts et
consignations, la tenue des deux comités interministériels des villes le 30
juin 1998 et le 2 décembre dernier, présidés par le Premier ministre, comités
qui ont fixé les objectifs et la méthode de cette nouvelle ambition pour les
villes.
Permettez-moi de revenir un instant sur les grandes priorités qui ont été
définies par le Gouvernement, notamment l'emploi et la sécurité, qui ont été
évoqués dans vos interventions.
L'emploi et le développement économique ne sont pas apparus dans le champ de
réflexion des acteurs de la politique de la ville par le miracle des zones
franches. Des structures d'insertion par l'économique et des entreprises, en
lien avec le service public de l'emploi, s'investissent depuis longtemps dans
la réinsertion des personnes éloignées de l'emploi et dans la création
d'activités dans les quartiers d'habitat social.
Je ne veux pas croire que le législateur du pacte de relance pour la ville
pensait répondre au problème de l'emploi dans les quartiers par la seule
instauration de quarante-quatre zonages ciblés supplémentaires ! Le
gouvernement d'alors n'avait d'ailleurs pas mis en place d'indicateurs de suivi
ou d'instruments d'évaluation, ce qui m'a obligé à demander, pour la fin de
l'année, une mission d'inspection qui permettra de mesurer l'efficacité de la
mesure et de corriger, après concertation, les dérives qui me sont d'ores et
déjà signalées, par exemple par le maire de Bordeaux ou encore par le maire du
Raincy, lequel évoque des « risques de concurrence déloyale et de
délocalisations d'entreprises ». Et compte tenu des responsabilités que le
maire de Raincy a exercées en matière de politique de la ville, je suis certain
qu'il parle d'or.
Il faudra, à l'évidence, aller plus loin pour que ces mesures contribuent au
développement économique local, à la formation professionnelle et à l'accès à
l'emploi. C'est ainsi, par exemple, qu'il a été décidé que 20 % des
emplois-jeunes ainsi que l'essentiel des 10 000 premiers parcours TRACE, trajet
d'accès à l'emploi, profiteront aux quartiers en difficulté. Je regrette, à cet
égard, que la majorité sénatoriale ait proposé de réduire les crédits
correspondants du budget du ministère de l'emploi et de la solidarité. Il
conviendra également de mobiliser encore davantage les entreprises privées pour
créer des emplois et lutter contre la discrimination à l'embauche. Ces
entreprises doivent savoir qu'il n'y a pas de développement économique possible
dans une société qui exclut une partie de la population de l'emploi et de la
consommation.
La sécurité constituera également un axe prioritaire. Le droit à la sécurité,
tel qu'il a été réaffirmé de manière solennelle par le Premier ministre Lionel
Jospin à Villepinte, mérite, dans les quartiers en difficulté plus encore
qu'ailleurs, de devenir une réalité.
La montée des violences urbaines et du sentiment d'insécurité appelle une
réponse globale, qui nécessite, à l'évidence, une meilleure organisation des
forces de sécurité et de la justice, mais qui ne peut se contenter du volet
répressif, sauf à multiplier par huit la capacité de nos prisons, comme le
suggère apparemment le rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques, lorsqu'il fait référence au modèle américain, où l'enfermement à
outrance provoque des dérives raciales et sociales...
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Il y a erreur ! Je n'ai pas évoqué cela !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Je l'espère ! Mais lorsque l'on évoque le modèle
américain et le « carreau cassé » en ne retenant que la partie répressive, il
me semble que, derrière ce train-là, peut s'en cacher un autre...
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Le « carreau cassé », c'est M. Blanc qui l'a évoqué
! Mais je partage sa préoccupation à cet égard !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Si vous partagez sa préoccupation, vous portez alors au
moins la moitié du fardeau, s'agissant de cette critique !
C'est sans doute également ce qu'ont proposé récemment le secrétaire général
du RPR et certains responsables gaullistes, en disant ne plus vouloir entendre
parler d'« incivilités », niant ainsi la réalité de ce que vivent au quotidien
nombre de nos concitoyens et risquant d'exacerber les tensions par un appel
irresponsable au tout-pénal et au tout-sécuritaire.
La sécurité est l'affaire de tous, et elle nécessite que chacun en assume sa
part de responsabilité : organismes de logement social, transporteurs,
travailleurs sociaux, municipalités, associations.
M. Marcel Debarge.
Très bien !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Le droit à la sécurité pour tous s'inscrit dans une
politique durable de prévention et de maillage social, et dans une réponse
forte, systématique et collective aux violations des règles de vie en commun.
La politique de la ville a pour ambition d'articuler les trois piliers
indispensables de cette réponse : la sanction pour les actes les plus graves,
la réparation et la médiation pour les actes d'incivilités, la mobilisation
collective pour prévenir l'apparition de la violence.
La politique de la ville est à un tournant. Les futurs contrats de ville
seront l'un des enjeux principaux des prochains contrats de plan Etat-région
pour la période 2000-2006, et leur préparation a été solennellement lancée par
le Premier ministre lors du comité interministériel des villes du 2 décembre
dernier, quelques jours avant le comité interministériel d'aménagement et de
développement du territoire du 15 décembre. Ils seront élaborés pendant toute
l'année 1999 par les acteurs de terrain sur le fondement de véritables projets
politiques et en associant en premier lieu les collectivités locales que sont
les régions, les départements et les communes. Ils partiront de la réalité des
quartiers en difficulté pour définir les politiques à mener à cette échelle,
mais aussi dans les villes, les agglomérations et les régions.
L'Etat et ses partenaires s'engageront, à l'occasion du contrat de ville, à
prendre en compte, dans leurs politiques sectorielles, les préoccupations
issues de la politique de la ville. C'est ainsi, par exemple, que l'Etat fera
des contrats de ville, dans les agglomérations concernées, le cadre naturel de
mise en oeuvre des dispositions de la loi contre les exclusions. Les contrats
de ville prendront en compte tous les leviers du développement économique,
social et urbain.
La géographie des contrats de ville sera définie localement et dépassera
l'échelle des quartiers pour être élargie aux villes et agglomérations
concernées. A l'image des seize sites pilotes lancés le 16 septembre dernier à
Lille, ils seront donc plus politiques, avec un véritable projet de territoire,
plus participatifs, les habitants étant associés à leur définition et à leur
mise en oeuvre, et plus partenariaux, grâce à une implication plus forte des
différentes collectivités locales, notamment des départements, trop souvent
tenus à l'écart de cette politique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai en quelques mots à la
préoccupation évoquée par certains d'entre vous à propos de ces sites
pilotes.
Ces sites ont été choisis pour que des villes moyennes comme de plus grandes
agglomérations puissent faire part du savoir-faire acquis pendant la période
des derniers contrats de ville, de leurs attentes quant à l'amélioration des
outils de la politique de la ville, et de leurs réflexions, s'agissant du
périmètre pertinent sur lequel doit être élaborée ladite politique.
L'expérimentation de ces seize sites laboratoires situés en différents points
de notre hexagone, ainsi qu'outre-mer, pour l'un d'entre eux, vise à associer
l'ensemble des composantes politiques nationales et à permettre que chacun,
quelles que soient sa sensibilité politique, sa région et la taille de sa
ville, se sente concerné par ce travail de réflexion et d'élaboration.
Mais la politique de la ville ne se limitera bien évidemment pas, au cours des
prochaines années, à ces seize sites. Ceux-ci ne sont que l'avant-garde
indispensable d'une véritable politique industrielle de la ville, si je peux
dire. Ils doivent permettre d'affiner les outils et la réflexion au niveau tant
de l'Etat que des collectivités locales, afin que le stade du laboratoire soit
dépassé au cours de la période 2000-2006.
L'implication du Premier ministre, contrairement à la génération précédente
des contrats de ville, la volonté de l'Etat de garantir la cohésion sociale et
le respect des valeurs démocratiques, notamment là où certains tentent de
substituer la préférence nationale à l'égalité républicaine, ainsi que le temps
donné à l'élaboration des projets - un an contre quatre mois en 1993 -
constituent autant de gages de réussite pour cette nouvelle étape
contractuelle.
Venons-en au projet de loi de finances pour 1999.
L'ambition que je vous propose, au nom du Gouvernement, a un coût que
Jean-Pierre Sueur avait estimé à 35 milliards de francs par an pendant dix ans.
Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit d'entamer l'effort dès cette
année, en faisant passer l'effort global en faveur de la politique de la ville,
tel qu'il est récapitulé chaque année dans le « jaune » budgétaire, de 23
milliards de francs en 1998 à 31 milliards de francs en 1999. L'objectif de 35
milliards de francs devrait être atteint à mi-chemin des futurs contrats de
ville.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'évoquerai brièvement la différence qui
doit exister dans notre esprit et dans notre analyse entre le « jaune »
budgétaire et le « bleu » budgétaire.
Le « jaune » budgétaire est un outil moderne qui permet de mesurer l'action de
tous les intervenants dans la politique de la ville pour essayer de réfléchir
en termes de globalité, de financement et d'action. C'est la raison pour
laquelle, alors que ce « jaune » budgétaire était apparu sous des gouvernements
de gauche, il a survécu à l'alternance politique qu'a connue le projet : chaque
gouvernement a en effet reconnu la nécessité de pouvoir mesurer les avancées et
le côté cumulatif des aides indispensables à la politique de la ville. Il est
donc bon que ce « jaune » budgétaire permette de savoir ce que font
respectivement les collectivités locales, la Caisse des dépôts et consignations
et l'Etat, en vue d'atteindre un objectif commun.
Je ferai d'ailleurs remarquer que Jean-Pierre Sueur, quand il avait estimé à
35 milliards de francs par an pendant dix ans l'effort à accomplir, avait mis
en avant non pas la seule intervention financière de l'Etat, mais la
mobilisation financière de tous les acteurs de la politique de la ville que
sont l'Etat, les régions, les départements, les communes, la Caisse des dépôts
et consignations et le Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et
leurs familles. En effet, dans un projet de société comme celui-là, chacun doit
pouvoir prendre sa place, compléter financièrement cet effort commun et réussir
à coordonner ses actions.
Arrêtons-nous sur les composantes majeures de cet effort supplémentaire,
au-delà de mon budget propre, car l'agrégat récapitulé chaque année dans le «
jaune » budgétaire, malgré quelques imperfections techniques, a l'avantage de
bien marquer les interventions nettes, sous des formes diverses, des différents
partenaires. La politique de la ville, je ne la ferai pas seul et depuis Paris
!
L'implication plus forte de tous les ministères concernés devrait se traduire
par une augmentation de leurs crédits en loi de finances de près de 3 milliards
de francs en 1999.
Vous avez également noté le coût important des exonérations fiscales et
sociales consenties dans le cadre des zones franches urbaines et des zones de
redynamisation urbaine, coût qui atteint, comme M. Chabroux l'a signalé tout à
l'heure, 2,6 milliards de francs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, là encore, il me paraît de bonne méthode,
après l'adoption par le Parlement d'un outil comme celui des zones franches
urbaines, de chercher à l'évaluer pour connaître exactement ses résultats et
pour avoir, y compris dans le cadre des futurs contrats de ville, un outil
économique à proposer aux différents partenaires de la politique de la
ville.
Si le pacte de relance pour la ville a institué quarante-quatre zones franches
urbaines, ce dispositif a été élaboré dans le cadre d'une réglementation bien
précise de la Commission européenne interdisant que ce zonage concerne plus de
1 % de la population.
Mais pouvons-nous nous arrêter à un outil qui ne concerne que 1 % de la
population ? Non ! Je souhaite réellement que nous puissions, les uns et les
autres, nous interroger sur les imperfections de ce système pour l'améliorer
dans le cadre des zones franches urbaines et surtout pour parvenir à mettre au
point un véritable outil d'intervention économique à proposer à l'ensemble des
villes concernées par la politique de la ville, dans le cadre des contrats de
ville sur la période 2000-2006.
Les concours de la Caisse des dépôts et consignations, qu'il s'agisse de ses
interventions sur fonds d'épargne ou sur fonds propres, seront en augmentation
de près de 3 milliards de francs. Une convention avec l'Etat, signée en octobre
dernier, a fixé les priorités d'utilisation du programme de renouvellement
urbain, qui passe de 150 millions à 300 millions de francs par an, et de deux
enveloppes exceptionnelles de prêts bonifiés de 10 milliards de francs, qui
serviront aux projets urbains et aux opérations de
reconstruction-démolition.
Contrairement à ce qui a été indiqué, la consommation des prêts « projets
urbains » est bonne et en progression constante. Leur nombre est passé de 295,
en 1995, pour un montant de 1,2 milliard de francs, à 434, en 1997, pour un
montant de 2,9 milliards de francs.
La politique de la ville ne réussira que par un approfondissement de la
décentralisation, seize ans après les lois de Gaston Deferre. Une implication
plus grande des collectivités locales peut être observée à travers la montée en
puissance des actuels contrats de ville, dont 1999 sera la dernière année
d'exécution, mais elle reste en deçà des enjeux.
Je souhaite, en particulier, que les départements, en raison, notamment, de
leurs compétences en matière sociale, soient systématiquement associés à la
définition et à la mise en oeuvre de la politique de la ville.
Cela ne nous empêchera pas de nous poser la question de la réforme des
contingents d'aide sociale. J'ai cependant noté avec satisfaction la demande de
l'Association des présidents de conseils généraux, qui souhaitent pouvoir être
associés au travail de diagnostic et de proposition, mais aussi au financement
de la politique de la ville.
Une plus grande solidarité entre communes riches et communes pauvres et une
répartition plus équitable des dotations de l'Etat permettront aux communes de
mieux répondre à la gravité des problèmes qu'elles rencontrent. C'est le sens
du projet de loi sur l'intercommunalité, de l'augmentation de un milliard de
francs de la dotation de solidarité urbaine, qui sera poursuivie pendant deux
ans, ou de la réforme, décidée par le comité interministériel des villes et du
développement social urbain, le CIV - je le faisais remarquer il y a quelques
instants - des contingents communaux d'aide sociale.
Enfin, la participation des fonds structurels européens à la politique de la
ville, avec plus de un milliard de francs, est devenue une composante très
importante pour les sites éligibles. La réforme en cours des fonds structurels
doit être l'occasion pour la France de promouvoir le principe d'une
intervention plus soutenue de l'Europe en faveur des villes.
Venons-en aux crédits du ministère de la ville, à propos desquels je me
félicite qu'à travers le retour à un « bleu budgétaire » nous puissions avoir
un débat approfondi au Parlement.
Grâce à leur caractère fongible et déconcentré, ces crédits spécifiques sont
le ciment indispensable des milliers de projets portés chaque année par les
acteurs de terrain.
L'augmentation de plus de 32 % des crédits spécifiques, sans précédent depuis
la création d'un ministère de la ville, est donc le signal de la mobilisation
générale. Le cap du milliard de francs dans le projet de loi de finances
constitue un symbole fort et une réalité forte.
Mon budget sera même supérieur puisqu'il sera abondé de 485 millions de francs
supplémentaires en provenance, notamment, du Fonds d'aménagement de la région
d'Ile-de-France, le FARIF, et des différents ministères contributeurs au Fonds
interministériel d'intervention pour la ville.
Il sera consacré, à plus de 93 %, à des actions concrètes sur le terrain et
servira à financer trois types de priorités en 1999.
Le premier volet sera l'animation de la nouvelle politique de la ville, dotée
de 30 millions de francs supplémentaires, soit une progression de 86 %.
Pourquoi cette augmentation ? Parce que les capacités d'animation, de
formation, d'ingénierie et de recherche des institutions en charge de la
politique de la ville doivent être considérablement renforcées si l'on veut que
la politique de la ville monte en puissance à partir de 1999.
Ce sera le cas, en particulier, de la délégation interministérielle à la
ville, la DIV, qui doit être pleinement en mesure d'assurer ses fonctions de
coordination des actions interministérielles, d'animation des réseaux
d'acteurs, de valorisation et de diffusion des bonnes pratiques.
En cette année 1999, année charnière où nous aurons à animer un grand débat
entre l'Etat, les collectivités locales et tous les acteurs de terrain, il
était indispensable que la DIV ait les moyens d'assurer sa mission pour donner
plus de force, de contenu et, demain, de réalité aux différentes décisions qui
lieront l'Etat aux collectivités locales sur la période 2000-2006.
Les moyens du Conseil national des villes, le CNV, dont la composition a été
renouvelée, seront également renforcés pour qu'il joue pleinement son rôle de
conseil et de proposition.
Je dirai deux mots de la création d'un Institut pour la ville parce que l'idée
qui la sous-tend a peut-être été mal comprise, faute d'avoir été suffisamment
expliquée. Pourquoi, en effet, un Institut pour la ville et des centres de
ressources régionaux ? Parce qu'ils permettront de capitaliser les savoirs et
d'échanger les pratiques. L'Institut pour la ville a, en particulier, vocation
à devenir une passerelle entre le monde de la recherche et les acteurs publics,
passerelle que l'on a tant de mal à établir en France.
C'est un outil moderne que nous concevons non pas comme une cathédrale de
béton mais comme un lieu que s'approprieront, je l'espère, l'ensemble des
associations d'élus, l'ensemble des acteurs de terrain pour pouvoir, au-delà du
contrôle de l'Etat, toujours mal apprécié ou mal compris dans ce genre de
choses, mettre à plat l'ensemble des réussites comme des échecs, c'est-à-dire
tirer la conclusion des différentes expériences menées par les uns et les
autres. Il est en effet temps, sur un certain nombre de sujets, après vingt ans
de politique de la ville de dépasser le stade des expériences pour déboucher
sur des résultats positifs là où les actions sont menées.
Le volet principal de mon budget sera le soutien des initiatives locales, en
augmentation de 191 millions de francs, soit de 30 %. L'essentiel des moyens
supplémentaires en 1999 sera en effet affecté au financement d'actions menées
dans le cadre des contrats de ville et des grands projets urbains, selon les
priorités définies par le CIV. Là, ce sont non pas des structures qui seront
financées, mais des actions de terrain découlant des propositions conjointes
faites par les collectivités locales et l'ensemble des acteurs de terrain.
Les crédits d'investissement serviront à accompagner les opérations de
renouvellement urbain. Il s'agit non pas, comme semblent le penser certains, de
faire le bonheur des habitants malgré eux, mais, au contraire, de prendre en
compte le vote silencieux de ceux qui refusent désormais d'habiter certains
quartiers et de renouveler, avec les habitants, un habitat social et un cadre
de vie bâtis dans les années soixante et soixante-dix, et qui n'ont pas
vocation à durer aussi longtemps que les pyramides d'Egypte. Il s'agit là,
véritablement, du grand chantier du xxie siècle, au surplus créateur
d'emploi.
Les initiatives en matière de gestion urbaine de proximité et le développement
de nouvelles formes de participation des habitants seront également soutenus,
en vue de leur diffusion à grande échelle dans les futurs contrats de ville.
Ne soyons pas frileux sur le thème de la participation citoyenne.
J'ai lu attentivement les déclarations que le Président de la République a
faites, hier, en Bretagne ; j'ai vu qu'il appelait à un renouvellement de la
démocratie, à un renforcement de la participation citoyenne. J'ai l'impression
qu'au travers des décisions que Lionel Jospin a arrêtées, notamment, le 2
décembre, au cours d'un CIV, nous répondons en partie à cette invitation qui
nous a été faite collectivement par le Président de la République.
Il s'agit non pas de remettre en cause la démocratie représentative, mais, au
contraire, de l'approfondir, en recherchant l'adhésion des habitants sur les
projets qui les concernent et en rendant ainsi plus transparentes et plus
efficaces les politiques publiques.
Afin que les financements de la politique de la ville prennent mieux en compte
les difficultés de certaines communes à faire face aux investissements
nécessaires à ladite politique de la ville, le Gouvernement a décidé la
création d'une nouvelle ligne budgétaire de fonctionnement, dotée de 45
millions de francs, pour les communes impliquées dans un grand projet
urbain.
A ce propos, je tiens à revenir sur les remarques qui ont été faites
concernant la section d'investissement. Il faut être très clair : s'il n'y a
pas eu augmentation de cette ligne concernant les investissements, c'est, je le
rappelle, parce que 1999 sera la dernière année de cette génération de contrats
de ville et que l'abondance des crédits non consommés nous permettra de faire
face dans de bonnes conditions et sans rationnement aux demandes qui pourront
émaner de l'ensemble des collectivités locales.
Là aussi, il est de bonne politique, pour éviter de voter des sommes qui ne
pourraient être consommées, de reconnaître que, compte tenu de la durée de mise
en place d'un certain nombre de projets et des difficultés financières que
rencontrent un certain nombre de collectivités locales, il n'est pas
nécessaire, pour 1999 - j'y insiste : pour 1999 - d'augmenter les crédits de ce
qu'on appelle la « section d'investissement ».
Les opérations Ville-Vie-Vacances bénéficieront également de crédits
supplémentaires, qui devront être recentrés sur les territoires et les publics
les plus en difficulté.
Le troisième volet de mon budget concerne des actions de terrain contribuant à
rétablir l'égalité devant le service public. Les crédits afférents augmentent
de 24 millions de francs, soit de 32 %.
Il s'agira de financer des projets d'implantation et d'amélioration du
fonctionnement des services publics, en partenariat avec les collectivités
locales et d'autres prestataires, comme La Poste ou les transporteurs
publics.
La politique de la ville doit fournir une méthode de travail collective, mais
elle doit aussi avoir pour ambition de lever les freins et les blocages
ressentis sur le terrain. Les élus locaux, les professionnels et les acteurs
associatifs, les habitants eux-mêmes, tous ceux que j'ai rencontrés à
l'occasion d'une vingtaine de déplacements depuis avril 1998, ont trop souvent
le sentiment d'être freinés dans leurs initiatives. Le temps de l'attente entre
les intentions et les réalisations devient parfois le temps de la désespérance,
de l'abstention et de la violence.
Le Gouvernement a donc arrêté, lors du CIV du 2 décembre, une vingtaine de
mesures importantes de simplification dans la mise en oeuvre des crédits, qui
produiront leurs effets dès 1999.
Il ne s'agit pas d'effets d'annonce, comme cela avait été le cas dans le pacte
de relance pour la ville - je suis désolé de le dire. Le précédent gouvernement
avait, par exemple, présenté comme la panacée les conventions pluriannuelles
avec les associations, quasi-impossibles à mettre en oeuvre dans les faits,
avec des procédures d'instruction inchangées et des crédits disponibles en
milieu d'année.
Dorénavant, là où les associations devaient déposer plusieurs dossiers auprès
des services de l'Etat, elles pourront, demain, se contenter d'une demande.
Elles disposeront d'un interlocuteur unique et d'une subvention unique selon
des procédures simplifiées.
Les financements de l'Etat ont été largement regroupés au sein du Fonds
interministériel d'intervention pour la ville, qui sera mis à disposition des
préfets en début d'année, et des formules de mutualisation de tous les
financements dans une caisse unique, par exemple dans un budget annexe de la
commune, seront expérimentées.
Enfin, de nouveaux instruments, comme les fonds de participation des
habitants, seront créés dans de nombreux sites, dès 1999, en vue de leur
généralisation à partir de l'an 2000. Leur fonction sera de soutenir toutes les
initiatives qui peuvent prendre naissance dans les quartiers en difficulté, qui
peuvent faire tant pour que l'espoir renaisse et pour que de nouvelles
solidarités s'ébauchent.
Les acteurs de terrain doivent voir dans ces premières mesures, décisives, une
reconnaissance pour le patient travail de lien social qu'ils mènent et un
encouragement pour aller plus loin au moment où les raisons d'espérer sont plus
nombreuses. La mise en place de « pôles associatifs » dans toutes les
préfectures, avec une vocation d'accueil et de conseil, s'accompagnera d'un
véritable changement d'attitude de l'Etat, qui doit passer de la culture de
contrôle à la culture du partenariat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique de la ville est à un tournant.
Elle mérite le soutien continu de la représentation nationale et ne justifie
pas les critiques, parfois un peu décalées - si les rapporteurs me permettent
cet euphémisme - que j'ai notées dans leurs propos. Les moyens supplémentaires
qui y seront consacrés en 1999, avec des procédures simplifiées de
mobilisation, ont été perçus avec espoir par les acteurs de terrain. Cet espoir
ne doit pas être déçu, car, si les frémissements de la croissance s'arrêtent à
l'entrée des quartiers, le fossé entre les deux France s'élargira et, du pacte
républicain, il ne restera bientôt plus que le communautarisme des ghettos.
Mais j'ai confiance dans la capacité de mobilisation des élus locaux, en
premier lieu des maires qui constituent le pivot de cette politique, mais aussi
des associations et des milliers de professionnels qui, chaque jour, se
mobilisent aux côtés des habitants pour faire reculer l'exclusion et assurer,
ainsi, une meilleure cohésion sociale dans nos villes.
Ce projet de budget pour 1999 constitue, à l'évidence, un signe de
mobilisation générale. Il doit nous permettre d'agir concrètement en 1999 sur
le terrain, mais surtout en rétablissant l'espoir de préparer une génération de
contrats de ville pour la période 2000-2006, une génération ambitieuse qui
montrera réellement la mobilisation de l'ensemble des partenaires, de
l'ensemble des acteurs de la politique de la ville pour réduire effectivement
dans nos villes la fracture sociale.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Marcel Debarge.
Très bien !
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant la ville.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 27 970 000 francs. »
Par amendement n° II-25, M. Joyandet, au nom de la commission des finances,
propose de réduire ces crédits de 5 698 500 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Joyandet,
rapporteur spécial.
Cet amendement a pour objet d'apporter une
contribution à l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat.
Les crédits du titre III du ministère de la ville s'établissent, dans le
projet de budget pour 1999, à 114 millions de francs, en hausse de près de 32
%, alors que le Gouvernement ne nous a pas fourni d'indications précises sur la
réforme de l'oganisation et des missions des services de la ville que peut
laisser augurer une telle progression des moyens de fonctionnement.
La réduction forfaitaire de 5 % portera sur le chapitre 37-60 : « Moyens de
fonctionnement des services en charge de la politique de la ville », et sur le
chapitre37-82 : « Dépenses déconcentrées de modernisation et d'animation de la
politique de la ville. »
A titre indicatif, je souhaiterais que l'effort d'économie pèse davantage sur
les crédits de la délégation interministérielle à la ville et au développement
social urbain, sur les crédits de communication et sur les dépenses
déconcentrées d'animation notamment, qui enregistrent de fortes hausses, plutôt
que sur les projets de service public de quartiers, qui progressent moins en
termes relatifs alors qu'ils semblent les plus à même d'entraîner des
améliorations concrètes sur le terrain, pour les habitants des quartiers
défavorisés.
Je tiens à souligner, par ailleurs, que l'économie de 5,7 millions de francs
résultant de cet amendement ramènerait de 32 % à 26 % la hausse des crédits du
titre III du budget du ministère de la ville, lequel devrait donc conserver des
marges de manoeuvre très confortables !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Monsieur le rapporteur spécial, le Gouvernement ne peut
souscrire à cette proposition de réduction de crédits du titre III au moment
même où la politique de la ville est relancée. Les moyens nouveaux qui sont
demandés conditionnent, en effet, directement l'efficacité de cette politique
et la capacité d'animation de l'Etat.
Je rappelle que les crédits du titre III de mon budget concernent non pas les
dépenses de personnel mais les actions d'animation de la politique de la ville,
par exemple la mise en réseau informatique, qui nous est souvent réclamée par
l'ensemble des acteurs de terrain qui souhaitent pouvoir être en relation les
uns avec les autres pour avoir un outil d'échange qui leur permette
l'évaluation de chacune de leurs actions.
Je rappelle également que ces crédits permettent de donner du sens aux actions
du Conseil national des villes, qui comprend les élus et les acteurs de
terrain.
Je rappelle enfin que ces crédits permettent de donner plus de force à la
formation des professionnels de terrain ou encore à la modernisation des
services publics dans les quartiers.
Bref, l'ensemble de ces crédits du titre III permet sur l'année 1999 de
renforcer l'action de l'Etat, de donner une véritable accélération à la
présence de l'Etat dans le cadre de la politique de la ville pour mobiliser
l'ensemble des acteurs et préparer dans de bonnes conditions, comme je le
disais encore dans mon intervention, le débat qui doit se dérouler dans
l'ensemble du pays en 1999 afin de préparer cette étape essentielle des
contrats de ville sur la période 2000-2006.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-25.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Nous sommes là au coeur d'un débat de fond. Le président de la commission des
finances et les rapporteurs ont tenté, tout au long de l'examen des différents
budgets, d'asseoir un argumentaire, mais cet argumentaire ne tient pas sur ces
sujets qui, comme vient de le dire M. le ministre, nous renvoient à tant de
drames, à tant de problèmes que l'on maîtrise mal et qu'il conviendrait de
traiter avec beaucoup d'humilité.
On s'aperçoit en effet que, dans la recherche des solutions, on se heurte à
des contradictions entre le quotidien, le moyen terme et le long terme. Dès
lors, on voit très bien que, dans ce type de budget, la totalité des moyens
doit être mobilisée.
C'est pourquoi nous sommes farouchement opposés à ce que le Sénat, après avoir
réduit les crédits alloués aux emplois-jeunes, après avoir réduit les crédits
du RMI, après avoir réduit les crédits de l'allocation de parent isolé - notons
que, dans les quartiers difficiles, les parents isolés sont nombreux - réduise
encore les crédits de la ville. Nous voterons malheureusement contre
l'amendement n° II-25.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Vous votez à regret alors ?...
M. Guy Fischer.
Ce n'est pas de voter contre cet amendement que je regrette, monsieur Marini,
c'est de vous voir prôner une politique ultralibérale
(Exclamations sur les
travées du RPR)
dans des secteurs aussi sensibles socialement, alors que, quand il s'est agi
de traiter de l'impôt de solidarité sur la fortune ou de l'avoir fiscal, votre
majorité a généreusement défendu les privilégiés !
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées
socialistes.)
Mme Hélène Luc.
C'est triste et scandaleux !
M. Alain Joyandet,
rapporteur spécial.
Il reste 26 % d'augmentation !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteurgénéral.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'intervention de notre collègue M. Fischer appelle
de ma part deux remarques.
Mme Hélène Luc.
Vous n'avez pas d'argument ; c'est de la politique politicienne !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous nous avez mal écoutés, madame Luc !
Ma première remarque sera pour relever une légère contradiction entre la
logique dépensière de certains ministère, et ce que déclare aujourd'hui M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
J'ignore si vous avez bien réalisé, mes chers collègues, que, entre le moment
où s'est ouverte ici la discussion générale de ce projet de loi de finances et
aujourd'hui, du temps s'est écoulé, des faits économiques se sont déroulés.
Nous entendons aujourd'hui M. Strauss-Kahn déclarer : « Nous ne sommes plus sur
le chemin des 2,7 % de croissance. » Cela a été dit, imprimé et répété.
Cela signifie que les recettes sur lesquelles est fondé le budget de l'Etat ne
sont plus assurées comme elles pouvaient l'être il y a six mois, trois mois ou
seulement un mois.
Mme Hélène Luc.
Vous avez proposé des suppressions de crédits fondées sur ces chiffres !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En conséquence, les différents ministères, vous le
savez bien, devront en cours d'année, compte tenu du contexte économique et des
contraintes - que vous approuvez ou non, mais qui existent - faire des
économies.
Peut-être la vision de la majorité sénatoriale du Sénat est-elle une vision
plus prudente et plus réaliste : il vaut mieux quand même dire la vérité que de
vendre des illusions !
M. Marcel Debarge.
Vous n'avez pas l'exclusivité de la vérité !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il vaut mieux construire des budgets raisonnables et
réalistes plutôt que de tabler sur des ressources qui n'arriveront pas en
totalité et voter des dépenses que l'on devra annuler pour partie ! C'est quand
même une question de transparence dans le débat public. Qui fait progresser la
transparence, sinon la majorité sénatoriale avec son budget alternatif ?
Mme Hélène Luc.
Il y a de l'argent à prendre ailleurs ! On peut garder ce budget en l'état
!
M. Michel Sergent.
Oiseau de mauvais augure !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Non, pas oiseau de mauvaise augure !
M. Michel Sergent.
Si !
M. le président.
Mes chers collègues, veuillez ne pas interrompre monsieur le rapporteur
général, ainsi ne sera-t-il pas tenté de vous répondre !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'année dernière, M. Strauss-Kahn n'avait pas dit la
même chose. Je me réfère simplement à ses dernières déclarations. Je ne veux
surtout pas qu'on puisse dire que la commission des finances du Sénat comporte
en son sein des oiseaux de mauvaise augure. C'est absolument faux ! Au
contraire, nous avons fait preuve de beaucoup de discipline et de rigueur
intellectuelle pour ne pas remettre en cause les hypothèses officielles de
croissance, car c'est un mauvais signe de les remettre en cause. Or, qui les
remet en cause aujourd'hui sinon le ministre lui-même dans ses déclarations ?
Dès lors, mes chers collègues, nous avons le droit et le devoir d'en parler et
d'en tirer les conséquences.
M. Philippe Madrelle.
Lisez-le mieux !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ma seconde remarque concerne plus particulièrement la
politique de la ville. Il faut rendre hommage au rapporteur spécial, M. Alain
Joyandet, qui a étudié dans le moindre détail ce projet de budget et qui a
proposé, sur un certain nombre de points, des réductions de crédits issues de
son examen partagé par la commission des finances. Ces réductions visent des
actions, des chapitres bien déterminés où nous avons vraiment la conviction -
vous pouvez la partager ou non, mais l'examen a été fait au fond - que des
économies sont possibles, sont utiles et sont nécessaires, tout en ayant, bien
sûr, le souci de respecter les finalités sociales des actions indispensables
pour nos quartiers, pour nos villes et pour nos départements.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Mme Hélène Luc.
Allez dire cela aux chômeurs de Marseille qui manifestent en ce moment !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Dois-je une nouvelle fois
rappeler que l'examen budgétaire consiste à examiner tous les crédits du budget
de la ville ?
Mme Hélène Luc.
Mais oui !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur le ministre, 93 % des
crédits seront votés sur la proposition de M. le rapporteur général à l'article
44 du projet de loi de finances. Cela s'appelle les services votés, et les
services votés ne font généralement l'objet d'aucune discussion.
Mais la commission des finances, sous la responsabilité, s'agissant de votre
ministère, d'Alain Joyandet, a examiné la totalité des crédits de votre projet
de budget ; elle ne vous fait pas l'offense de ne s'intéresser qu'aux mesures
nouvelles. La discussion de ce matin ne porte que sur les mesures nouvelles.
Or, ce qui est important pour apprécier l'ampleur de la politique menée, c'est
d'examiner la totalité des crédits.
Je m'explique en prenant l'exemple de l'amendement n° II-25. Nous ne discutons
pas des 86 millions de francs de services votés. Vous allez mener une politique
avec ces 86 millions de francs ; si les actions sur lesquelles porte notre
proposition de réduction de crédits méritent d'être mises en oeuvre, rien ne
vous empêche d'agir puisque vous, Gouvernement, vous exécutif, vous avez
budgétairement la possibilité de les maintenir.
L'ordonnance organique ne permet au Parlement que de discuter des mesures
nouvelles. Il faut, mes chers collègues, que vous en acceptiez tout de même le
principe, à défaut de quoi notre discussion perd tout son sens.
J'entends de votre part, monsieur le ministre, que le Sénat, par la limitation
de l'augmentation des crédits qu'il propose - tout le monde parle de réduction
de crédits, mais en réalité, mes chers collègues, il s'agit d'en limiter
l'augmentation - empêcherait le Gouvernement de mener sa politique.
Vous souvenez-vous, chers collègues socialistes, des cris d'orfraie que nous
avons entendus l'année dernière lorsque nous avons procédé aux réductions de
crédits ?
Vous souvenez-vous, puisque vous en avez subi tant de souffrances, quel était
le montant total des crédits réduits ?... Je n'entends pas de réponse... Il
s'élevait à 21,3 milliards de francs.
Combien le Gouvernement que vous soutenez va-t-il annuler de crédits dans le
collectif dont nous allons engager la discussion la semaine prochaine ?...
Combien ?...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Bonne question !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Il va annuler 21,13 milliards de
francs !
Mes chers collègues, l'année dernière vous nous avez dit que nous n'avions pas
de coeur, que nous réduisions aveuglément les crédits sur tous les ministères
qui faisaient l'objet d'une discussion. En fait, nous n'avons fait que notre
travail et, à quelques dizaines de milliers de francs près, notre calcul était
bon, puisque le Gouvernement va vous proposer l'annulation des crédits
correspondant à la somme que nous avons décidé d'annuler l'année passée.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Mme Hélène Luc.
Allez le dire aux chômeurs de Marseille !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
J'entends bien tous ces chiffres, monsieur le président
de la commission des finances, mais, sans vouloir mettre en cause la
perspicacité de votre commission, j'estime que le parallélisme va être obtenu
sans pour autant que le chemin que vous avez suivi l'année dernière soit
exactement celui qu'a arpenté le Gouvernement.
Je m'explique. L'année dernière, déjà, la question de savoir si l'hypothèse de
croissance retenue par le Gouvernement était la bonne ou pas avait suscité des
débats au Sénat. De nombreuses voix, à l'Assemblée nationale également,
s'étaient élevées pour relever que le taux de 3 % était complètement
déraisonnable et que le Gouvernement allait bâtir un budget sur de fausses
hypothèses économiques. Or la croissance va certainement dépasser les 3 %
annoncés.
Monsieur le rapporteur général, le ministre de l'économie et des finances a eu
l'occasion de faire remarquer dernièrement qu'un certain nombre d'indices
relatifs à la conjoncture économique ne sont pas bons mais que c'est
certainement parce que l'ensemble des enquêtes réalisées ont porté sur les mois
de juillet, d'août et de septembre, en particulier, période pendant laquelle la
perception de la crise asiatique était la plus forte, ce qui a amené un certain
nombre de décideurs à suramplifier les différents signaux émis par les pays
asiatiques, voire par l'Amérique du Sud à ce moment-là.
La question posée est de savoir s'il s'agit ou non d'un trou d'air. Compte
tenu des mouvements qui sont intervenus depuis et des différents résultats qui
viennent d'être annoncés, je pense que ces chiffres ne constitueront qu'un trou
d'air.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Souhaitons-le !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Certes, mais je voudrais exposer la seconde partie de
ma démonstration, monsieur le rapporteur général.
A un moment donné, même si elles peuvent être corrigées, les annonces faites
par le Gouvernement en matière budgétaire sont importantes pour le maintien du
moral et de la confiance.
Nous savons tous qu'un certain nombre de chefs d'entreprise se posent
actuellement des questions sur le niveau des exportations parce que le moteur
des exportations connaît quelques ratés. Et il serait stupide de nier les
répercussions que pourrait avoir la crise monétaire que nous avons connue ces
derniers mois sur les exportations.
A partir du moment où ces chefs d'entreprise craignent que les exportations
puissent baisser, si nous ne maintenons pas le pouvoir d'achat de l'ensemble de
nos concitoyens et si nous ne prenons pas certaines décisions concernant la
dépense publique, ne croyez-vous pas que nous risquons de provoquer un trou
d'air plus important que celui que nous constatons ?
J'ai salué avec une grande satisfaction la décision prise conjointement par
l'ensemble des banques européennes et consistant à baisser les taux d'intérêt,
parce que cela sera bon pour l'investissement.
(M. André Maman s'exclame.)
Mais il ne pourra y avoir investissement que si les chefs d'entreprise
constatent qu'ils pourront satisfaire une demande. Si cette demande n'est pas
aussi élevée qu'on aurait pu le souhaiter à l'extérieur en raison de la crise,
il faut que nous, au moment de la présentation du budget, nous soyons en
situation de démontrer comment nous pouvons renforcer et maintenir la
consommation et la dépense intérieures parce qu'elles seront facteur de
décisions et d'investissements, de décisions positives de la part des
entreprises. C'est bien l'objectif que nous cherchons à atteindre les uns et
les autres.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour des raisons à la fois économiques et
symboliques, compte tenu de l'attente qui existe, notamment dans les quartiers
les plus en difficulté, compte tenu de l'année où vous avez souhaité, les uns
et les autres, que l'accent soit mis sur la politique de la ville par la
désignation d'un ministre et par le renforcement des moyens de cette politique,
je pense que la symbolique de la réduction des crédits est malvenue.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai le sentiment que nous nous
sommes quelque peu écartés du budget de la ville et que nous avons repris, dans
une certaine mesure, la discussion générale du budget.
M. Marcel Debarge.
Est-ce un mal ?
M. le président.
Pas du tout !
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-25, repoussé par le Gouvernement.
Mme Hélène Luc.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 221 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 18 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 16 000 000 francs. »
Par amendement n° II-26 rectifié, M. Joyandet, au nom de la commission des
finances, propose :
I. - De réduire les autorisations de programme de 6 568 000 francs.
II. - De réduire les crédits de paiement de 6 568 000 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Joyandet,
rapporteur spécial.
Le rapporteur spécial et la commission des finances
n'ont pas proposé une réduction aveugle des crédits budgétaires puisque, avec
cet amendement, nous avons justement essayé de faire la différence entre les
crédits jugés utiles et ceux qui ne le sont pas forcément.
La règle de la commission des finances, c'est de réduire de 1 % les crédits du
titre IV. En l'occurrence, nous n'avons pas voulu amputer des crédits qui sont
utiles sur le terrain et nous avons proposé faire porter cette réduction sur
des crédits figurant au titre V. Il s'agit ainsi d'amputer non des crédits
d'investissement mais des crédits d'études, dont l'augmentation a été
spectaculaire, puisqu'ils sont passés de 4 millions à 16 millions de francs en
crédits de paiement et de 2 millions à 18 millions de francs en autorisations
de programme.
Il nous a semblé que nous pouvions sans grand risque, en tout cas sans risques
de diminuer considérablement l'efficacité de la politique de la ville, demander
au Sénat de procéder à cette économie budgétaire.
Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous avez beaucoup parlé de la
symbolique d'une annonce ! Sachez donc
a contrario
que, sur le terrain,
les acteurs de la politique de la ville, en particulier les maires, se
demandent souvent comment sont utilisés les crédits, à quoi servent toutes ces
études compte tenu des difficultés qu'ils rencontrent afin d'obtenir des
crédits pour réaliser, pour agir. En l'occurrence donc, il s'agit, je le redis,
de réduire des crédits d'études et non pas de diminuer les dépenses consacrées
à l'investissement.
Mme Hélène Luc.
Même raisons, même vote, même scandale !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Je vais commencer par exprimer un motif de
satisfaction. Permettez-moi, monsieur le rapporteur spécial, de me réjouir du
fait que la commission des finances ait renoncé à proposer de réduire les
crédits d'investissement figurant au titre IV, qui contribuent directement,
comme vous avez eu l'occasion de le dire, au soutien des actions sur le
terrain.
Permettez-moi maintenant, hélas ! de regretter la proposition que vous faites
en ce qui concerne le titre V, notamment pour l'année 1999. Vous allez en effet
amputer les crédits d'ingénierie qui sont destinés à permettre à l'Etat de se
forger un réel point de vue sur les besoins des territoires qui feront l'objet
des prochains contrats de ville.
J'ai souhaité que ces moyens soient mis à la disposition des différents
services de l'Etat pour une raison simple : si nous entendons procéder à un
renforcement de la décentralisation, il faut que l'Etat soit en situation de
bien apparaître comme un Etat stratège et pas simplement comme un guichet.
J'ai donc souhaité qu'en 1999 différents services de l'Etat puissent disposer
des moyens de mener un véritable travail de diagnostic, avant d'entreprendre
une phase de négociations avec l'ensemble des collectivités locales.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-26 rectifié.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Pourquoi la commission des affaires économiques,
dans sa majorité, apporte-t-elle son soutien à la commission des finances ?
C'est, là encore, pardonnez-moi d'y revenir, parce que j'ai pu constater, à
l'occasion d'un contrôle sur place et sur pièces, qu'entre 1989 et 1998, pour
la seule zone du Val-Fourré, à Mantes-la-Jolie, il y a eu quarante études, dont
je ne suis pas sûr qu'elles aient toutes apporté des facteurs déterminants !
Par ailleurs, je relève que les contrats de ville précédents ont été établis
avec des crédits d'études qui représentaient à peine le tiers de ceux qui nous
sont proposés aujourd'hui.
C'est donc sans aucune difficulté que je voterai la réduction des crédits
figurant au titre V.
Il faut recentrer notre action ! Monsieur le ministre, vous avez parlé de
l'Institut de la ville. Pourtant, devant la commission des affaires économiques
et du Plan, et devant notre assemblée tout à l'heure, vous avec dit qu'il ne
fallait pas scinder l'étude des problèmes entre espace rural et espace
urbain.
Je vous propose donc de mettre en place, comme le Sénat l'avait souhaité lors
de l'examen de la loi du 4 février 1995, un véritable observatoire de
l'aménagement et de l'équilibre du territoire. Le Gouvernement aura d'ailleurs
l'occasion de nous proposer une telle mesure à l'occasion de la discussion du
projet de loi « revisitant » cette loi de 1995.
Sur ce sujet, il nous faut avoir une vision globale, et non une vision
parcellaire et segmentée.
Si nous en avions eu la possibilité, nous aurions préféré transférer ces
crédits du titre V sur d'autres titres. Il n'en demeure pas moins que c'est
sans aucune difficulté et en pleine connaissance de cause que je souhaite que
le Sénat réduise de 6,5 millions de francs les autorisations de programmes et
les crédits de paiement. Je ne crois pas que les contrats de ville en seront
pour autant de moindre qualité.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-26 rectifié, repoussé par le
Gouvernement.
Mme Hélène Luc.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 396 230 000 francs ;
« Crédits de paiement : 125 870 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la ville.
Jeunesse et sports
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la jeunesse et les sports.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Sergent,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame le
ministre, mes chers collègues, je citerai quelques chiffres avant de présenter
les principales observations que m'inspire ce projet de budget.
Les crédits budgétaires de la jeunesse et des sports s'élèvent, pour 1999, à 3
milliards de francs.
Comparé à la loi de finances de 1998, ce budget progresse de 3,4 % alors qu'il
avait diminué de 2,1 % l'année dernière.
Le budget de la jeunesse et des sports ne représente que 0,19 % du budget
général, contre 0,18 % l'an dernier.
Les moyens attribués à la jeunesse et aux sports comprennent également deux
comptes spéciaux du Trésor : le Fonds national de développement du sport, le
FNDS, et le Fonds national de développement de la vie associative, le FNDVA.
Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit une stabilisation de leurs
crédits. Je me réjouis particulièrement que, cette année, la progression du
budget soit suffisante pour que l'on n'ait pas recours à l'augmentation de ces
comptes spéciaux.
Les moyens dont disposera le ministère de la jeunesse et des sports
s'élèveront donc à 4 milliards de francs en projet de loi de finances pour 1999
contre 3,9 milliards de francs en loi de finances initiale pour 1998, soit une
progression globale de 2,5 %.
Le projet de budget « Jeunesse et sports » pour 1999 est marqué par une
sensible majoration des dépenses de personnel et une reprise de la progression
des crédits de fonctionnement.
Les dépenses de personnel progressent de 3,7 % pour atteindre 1,6 milliard de
francs.
Les crédits de fonctionnement augmentent de 4,6 % pour atteindre 323 millions
de francs en 1999.
Les crédits d'intervention, le titre IV, en forte diminution de 13,8 % en
1998, principalement en raison de l'impact de la diminution de la charge du
financement de la Coupe du monde, sont en augmentation sensible de 3,8 % pour
1999, pour atteindre 1 milliard de francs.
Les dépenses en capital, les titres V et VI, enregistrent une diminution de
6,9 % pour atteindre 108 millions de francs. Les subventions d'équipement
diminuent de 13,6 millions de francs. Elles avaient progressé de 45 millions de
francs en 1998, à la suite d'une mesure exceptionnelle d'attribution d'une
dotation complémentaire aux villes d'accueil de la Coupe du monde de
football.
Les crédits du Fonds national pour le développement du sport, le FNDS,
s'élèvent à 1 milliard de francs, soit une reconduction des crédits ouverts
pour 1998.
Cependant, en 1998, le fonds avait dû financer la rénovation des stades de
province à hauteur de 91,5 millions de francs. Pour 1999, cette somme ne sera
pas entièrement réaffectée à des dépenses d'investissement. Au total, les
dépenses d'investissement du fonds diminueront donc de 41 millions de francs
par rapport à 1998.
Cette diminution sera toutefois entièrement compensée par une augmentation des
dépenses de fonctionnement du FNDS qui portera intégralement sur l'aide au
sport de masse, cette dernière passant à 611 millions de francs. Je regrette
d'autant plus que les moyens d'investissement ne soient pas privilégiés que les
crédits d'investissement sur le budget général diminuent également. Mais je le
comprends mieux lorsque je note que les crédits d'investissement sur le FNDS ne
sont consommés qu'à hauteur de 35 %. Sans doute faudrait-il améliorer cette
consommation, car le risque est grand d'une annulation de crédits, comme nous
l'avons vu l'an dernier.
Pour mesurer l'enjeu des dépenses d'investissements, je rappellerai simplement
que, selon une étude menée en 1997 par le Centre national de la fonction
publique territoriale, la seule mise à niveau sur les plans de la sécurité et
de l'hygiène, hors modernisation des équipements sportifs, coûterait 40
milliards de francs, dont 18 milliards de francs pour les salles de sport et 15
milliards de francs pour les stades.
Par ailleurs, comme les trois années précédentes, le Fonds national pour le
développement de la vie associative, le FNDVA, sera doté, en 1999, de 24
millions de francs.
L'an dernier, j'avais attiré votre attention sur la gestion de ce fonds qui
nécessite un meilleur affichage de ses priorités, une clarification du
dispositif institutionnel, une gestion plus lisible et une stabilisation de ses
ressources.
Cette démarche semble en voie d'être concrétisée, ce dont je me réjouis
puisque vous présidez vous-même, madame la ministre, le conseil de gestion du
FNDVA.
Je ferai maintenant quelques observations.
Premièrement, le budget de la jeunesse et des sports marque un soutien affirmé
à la création de nouveaux emplois.
En 1999, il ne sera pas créé d'emplois budgétaires nouveaux, mais les
principales mesures en faveur de l'emploi concerneront les moyens
d'interventions auprès des associations et du milieu sportif, en direction des
jeunes.
Le ministère de la jeunesse et des sports mettra en place, en 1999, un
dispositif d'accompagnement des emplois-jeunes.
Le ministère a en effet signé 23 accords-cadres avec de nombreuses fédérations
et associations, correspondant à la création attendue de 15 000 emplois en fin
d'année 1998, soit un large dépassement de l'objectif initial.
Si ces emplois sont financés sur le budget du ministère de l'emploi et de la
solidarité, le ministère de la jeunesse et des sports devrait toutefois
soutenir ce dispositif par des mesures de formation et de professionnalisation,
pour un coût total de 26,5 millions de francs.
En 1998, le plan Sport-emploi avait bénéficié d'un doublement de ses crédits
pour atteindre 117 millions de francs.
Pour 1999, une mesure nouvelle de 20 millions de francs devrait permettre la
création de 300 emplois.
L'an dernier, j'estimais qu'une réflexion devait s'engager afin d'instaurer
une cohérence entre ce dispositif et celui des emplois-jeunes, dans la mesure
où le public et les associations visés par le plan Sport-emploi pouvaient
entrer dans le cadre plus favorable du plan d'emploi des jeunes.
Il apparaît qu'en 1998 la mise en application des dispositions « nouvelles
activités pour l'emploi des jeunes » a effectivement conduit le ministère de la
jeunesse et des sports à revaloriser le régime d'intervention du plan
Sport-emploi en augmentant le montant et la durée du financement avec effet sur
les contrats déjà conclus.
Deuxièmement, une politique volontariste sera conduite en faveur de
l'insertion des jeunes.
Le ministère de la jeunesse et des sports mettra en place une série de
dispositifs destinés à permettre l'accès des jeunes aux activités sportives et
associatives.
Le ticket-sport devrait permettre à des jeunes de découvrir des activités
sportives pendant les vacances scolaires.
Le coupon-sport, délivré par les directions départementales de la jeunesse et
des sports, servira à abaisser les coûts d'adhésion aux clubs sportifs. Sur le
même modèle, un coupon-loisirs devrait permettre de leur faciliter l'accès aux
activités sportives ou culturelles.
Enfin, les fêtes du sport et de la jeunesse permettront de continuer l'action
entreprise en 1998 sous la forme d'animation autour de la Coupe du monde, en
direction d'un public moins favorisé.
Une nouvelle impulsion a été donnée à la politique de la jeunesse avec les
rencontres nationales de la jeunesse à Marly-le-Roi en novembre 1997. Un
Conseil permanent de la jeunesse et des conseils départementaux ont été créés
au début de l'année 1998 pour suivre la mise en oeuvre des mesures annoncées et
faire de nouvelles propositions.
Par ailleurs, le réseau d'information jeunesse sera modernisé grâce à une
mesure nouvelle de 10 millions de francs.
Enfin, un guide des droits des jeunes sera diffusé. Cette mesure correspond à
une décision prise lors des rencontres nationales de la jeunesse.
Toutes ces initiatives ont pour objet de faire connaître à la jeunesse ses
droits et de favoriser son intégration dans la société.
Troisièmement, une réorganisation des rythmes de vie et des contrats locaux
est prévue.
Pour 1999, le ministère propose de fondre l'ensemble des contrats locaux
existants - l'aménagement des rythmes de vie de l'enfant et du jeune, l'ARVEJ,
les contrats d'animation rurale, les CAR, les contrats locaux d'animation, de
sports, d'expression et de responsabilité, les LASER, les projets locaux
d'animation jeunesse, les PLAJ, les projets locaux d'animation sportive, les
PLAS - et de créer des contrats locaux éducatifs et sociaux, les CLES, pour les
jeunes jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans.
La fusion de l'ensemble des contrats locaux en un seul dispositif aura
l'avantage de rendre plus lisible la politique de contractualisation du
ministère de la jeunesse et des sports avec les collectivités locales et
d'optimiser les moyens de l'Etat. En 1998, un pemier rapprochement avait eu
lieu entre ces contrats aux caractéristiques très proches, préfigurant une
fusion de ces dispositifs.
Au sein du CLES figure le contrat éducatif local, le CEL, qui a été défini par
l'instruction interministérielle du 9 juillet 1998 et qui concerne
l'aménagement des rythmes de vie de l'enfant.
De 1995 à 1997, les crédits consacrés à l'aménagement des rythmes scolaires
avaient connu une montée en puissance, et le ministère de la jeunesse et des
sports avait souhaité que l'année 1998 soit une année de transition et
d'évaluation du dispositif.
En effet, le financement du dispositif d'aménagement des rythmes de vie montre
une prédominance de la part des communes - 55 % - et du budget de la jeunesse
et des sports - 25 % -, les autres ministères, ceux de l'éducation nationale et
de la culture, entre autres, contribuant au total à moins de 5 % du coût du
dispositif.
L'année scolaire 1997-1998 a donc permis une réflexion interministérielle qui
a abouti à la création de ces contrats éducatifs locaux. Ces nouveaux contrats
devraient ainsi permettre d'adapter la participation financière du ministère de
la jeunesse et des sports selon les projets et de ne prendre en charge que le
temps périscolaire et extrascolaire.
Quatrièmement : la pousuite de la moralisation de la pratique sportive par la
lutte contre le dopage.
Comme en 1998, le projet de budget pour 1999 comporte un certain nombre de
mesures nouvelles destinées à accroître les moyens de la lutte antidopage. Au
total, 14,5 millions de francs supplémentaires seront consacrés à cet objectif,
soit une augmentation des crédits de 58 %.
Ayant mené une mission de contrôle sur les crédits du Laboratoire national de
dépistage du dopage, je note que, contrairement à 1998, année où la subvention
de fonctionnement avait été doublée, les moyens du laboratoire ne seront pas
relevés en 1999. Je souhaite donc que l'effort en matière de lutte contre le
dopage puisse se prolonger dans les années à venir, mais je tiens, madame la
ministre, à saluer votre détermination dans ce domaine.
Cinquièmement : le bilan de la Coupe du monde est une histoire un peu
inachevée, puisque, au total, son organisation aura coûté 9,4 milliards de
francs, dont 5,4 milliards de financements publics et 3,1 milliards de
financement pour l'Etat.
Même s'il n'est pas encore possible d'établir un bilan détaillé des
répercussions de la Coupe du monde sur l'économie française, il est certain que
les dépenses d'investissement associées ont permis de rénover le patrimoine
sportif de la France. Cependant, la Coupe du monde pèse encore pour plus de 50
millions de francs dans le projet de budget pour 1999.
Tout d'abord, le ministère versera le solde de la subvention aux villes
organisatrices pour leurs actions d'animation ; ensuite, et c'est un réel
problème, il devra assumer le coût budgétaire provenant de l'absence de club
résident du Stade de France.
En effet, en application du contrat de concession conclu le 29 avril 1995
entre l'Etat et la société Consortium Stade de France, le concédant garantit la
présence au Stade de France d'un ou plusieurs clubs résidents de football. A
défaut, une indemnité compensatrice de préjudice égale à 50 millions de francs
jusqu'en 2000 et 68 millions de francs les années suivantes devra être versée.
Comme je l'avais déjà indiqué l'an passé, il est urgent de trouver une solution
afin que l'Etat n'ait pas à prendre en charge le coût du fonctionnement de
l'ouvrage pour les années à venir.
Avec 4 milliards de francs, les moyens accordés à la jeunesse et aux sports
pour 1999 sont globalement satisfaisants. Ce budget témoigne d'une volonté de
faire du ministère de la jeunesse et des sports un instrument d'action au
service de la jeunesse, mais aussi le fer de lance de la moralisation du sport
- à travers la lutte contre le dopage - et de la promotion du sport pour
tous.
Toutefois, les critères de répartition entre les actions financées sur crédits
budgétaires et celles des comptes spéciaux du Trésor restent encore à préciser,
de même que la nomenclature budgétaire.
Il est enfin possible de regretter que l'effort d'investissement réalisé à
l'occasion de l'organisation de la Coupe du monde de football ne soit pas
complètement poursuivi en 1999, tant le patrimoine sportif exige des efforts
importants d'entretien et de rénovation.
En conclusion, mes chers collègues, je vous indique que la commission des
finances vous propose d'adopter le budget de la jeunesse et des sports sous
réserve de deux amendements - que, à titre personnel, je regrette -...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Ils sont symboliques !
M. Michel Sergent,
rapporteur spécial.
... réduisant l'augmentation des crédits des titres
III et IV de ce budget. Mais nous y reviendrons !
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. James Bordas,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet du budget pour
1999 de la jeunesse et des sports, qui s'élève à 3 021 millions de francs,
bénéficie d'une nette augmentation de ses crédits et du dégagement de marges de
manoeuvres nouvelles, puisqu'il n'est plus obéré, comme il l'a été pendant
quatre ans, par les dépenses liées à la Coupe du monde de football.
Nous nous en souvenons tous, mes chers collègues, mon prédécesseur, M.
François Lesein, avait coutume de rappeler que ces dépenses exceptionnelles
devaient recevoir des financements exceptionnels et non peser sur le budget du
ministère et sur le FNDS.
C'est une remarque que nous avons faite à tous les gouvernements, et que nous
pouvons réitérer à celui d'aujourd'hui, à propos des dépenses d'indemnisation
de l'exploitant du Stade de France - 52 millions de francs pour 1999. Est-il
normal que ces dépenses soient à la charge du budget de la jeunesse et des
sports ? Je pourrais d'ailleurs faire la même observation à propos du budget de
fonctionnement du futur Conseil de prévention et de lutte contre le dopage.
Néanmoins, madame la ministre, votre ministère retrouvera en 1999 une aisance
qu'il n'avait pas connue depuis plusieurs années, et ce n'est pas une mauvaise
chose.
Cependant, comme le rappelait en commission notre collègue Jean-Pierre
Fourcade, l'augmentation des dépenses ne suffit pas à faire un bon budget, et
le vôtre, madame la ministre, ne nous satisfait pas entièrement.
Certes, il comporte, et nous le reconnaissons volontiers, des aspects
positifs.
Nous apprécions ainsi l'effort fait pour soutenir la rénovation du patrimoine
sportif des collectivités territoriales et des associations. Cet effort est
bien nécessaire et devra être poursuivi : le montant total des travaux de
rénovation des équipements sportifs locaux est estimé à quelque 40 milliards de
francs.
J'ajoute, madame la ministre, qu'il serait vain de vouloir créer des emplois
sportifs durables si l'on ne développe pas les investissements sportifs.
Mme Hélène Luc.
Eh oui !
M. James Bordas,
rapporteur pour avis.
Nous approuvons aussi l'effort de remise en ordre
des contrats d'animation locale, dont nous espérons qu'il se traduira par une
simplification bien nécessaire, et aussi par un financement plus équilibré des
actions d'aménagement du temps de l'enfant, actuellement supportées à 55 % par
les communes.
Enfin, nous approuvons, bien sûr, l'augmentation des crédits de lutte contre
le dopage - mais nous reparlerons de ce sujet la semaine prochaine. Je voudrais
cependant insister sur la nécessité de progresser rapidement dans la mise en
place du suivi médical des sportifs de haut niveau.
Mais, à côté de ces aspects positifs, nous avons aussi eu l'impression, madame
la ministre, que cette aisance retrouvée faisait un peu oublier la nécessité
d'optimiser la gestion des crédits et de resserrer les priorités du ministère
de la jeunesse et des sports.
Nous nous inquiétons, par exemple, de l'augmentation des dépenses
d'administration générale, qui représentent le tiers du budget, ce qui est
beaucoup.
Nous nous interrogeons aussi sur le foisonnement des initiatives, et sur la
multiplication des dispositifs qui ne peut qu'être préjudiciable à leur
efficacité.
Pour les initiatives, je prendrai l'exemple du projet « 1, 2, 3... à vous de
jouer ». Il est à coup sûr très sympathique, mais avec les crédits qui lui
seront consacrés - 17 millions de francs au total - n'aurait-on pu soutenir un
grand nombre de petits projets locaux d'animation ou de projets présentés par
des jeunes ?
Pour les dispositifs, je prendrai l'exemple du coupon-sport et du
coupon-loisirs. Je suis tout à fait favorable au développement des aides à la
personne. Mais ces nouvelles aides ne s'analysent-elles pas, finalement, comme
des aides indirectes aux fédérations ou aux organismes de loisirs ? Et a-t-on
étudié leur cohérence avec les aides, souvent beaucoup plus importantes,
qu'accordent les collectivités territoriales ou les caisses d'allocations
familiales ?
Pour ces raisons, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles
n'a pu approuver sans réserves le budget pour 1999 de la jeunesse et des sports
; elle s'en remettra à la sagesse du Sénat pour son adoption ou son rejet.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 10 minutes ;
Groupe socialiste : 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 23 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Le budget que vous nous présentez aujourd'hui, madame la ministre, renoue avec
la hausse, après une baisse de 2,1 % l'année écoulée.
Cette hausse, appréciable, permet de remettre les compteurs à zéro par rapport
au budget pour 1997. Cette hausse, je l'espère, ne sera pas amputée une fois
encore par des annulations de crédits en cours d'année étant donnée la
faiblesse des crédits en valeur absolue au regard de l'importance du secteur de
la jeunesse et des sports pour la cohésion sociale de notre pays.
Je souhaiterais formuler quatre remarques à l'égard de la politique que vous
proposez de financer au travers de ce budget.
Tout d'abord, je tiens à reconnaître à sa juste valeur l'effort que vous menez
en faveur du regroupement fonctionnel des services déconcentrés, regroupement
visant à réunir les directions régionales et départementales implantées dans
une capitale régionale.
Une telle mesure facilitera la lisibilité des services par les usagers.
Je ne peux que vous encourager dans cette voie, que beaucoup de vos collègues
pourraient d'ailleurs suivre.
Je souhaiterais toutefois obtenir des garanties quant au caractère global de
ces regoupements. Il me semble important, en effet, de ne pas se cantonner à un
simple regroupement « physique » de ces structures déconcentrées, mais aussi et
surtout de procéder à une réorganisation du service même afin d'en améliorer la
qualité et de devenir de plus en plus efficace.
Par ailleurs, la poursuite de l'effort de contractualisation des relations
entre votre administration centrale et les services déconcentrés va, à mon
sens, dans la bonne direction et constitue une voie intéressante d'amélioration
du service public.
Il convient, néanmoins, de prendre garde à ce qu'une telle mesure de
contractualisation ne serve pas de prétexte à une réduction globale des crédits
alloués à un ministère déjà faiblement doté.
Je vous encourage donc à poursuivre cet effort de réorganisation.
Toutefois, permettez-moi de souligner un certain nombre de contradictions de
la politique que vous menez dans ce domaine.
Ainsi, parallèlement à cet effort de rationalisation et de simplification,
vous mettez en place, cette année, de nouveaux dispositifs d'une lourdeur et
d'une certaine complexité comme la nouvelle opération « 1, 2, 3... à vous de
jouer », destinée à prolonger l'esprit de la Coupe du monde en organisant des
actions et des animations visant à impliquer les jeunes. L'idée est louable
mais la méthode est critiquable. Vous prévoyez en effet que les candidatures
seront examinées par un comité national de parrainage qui sélectionnera les
projets.
Pourquoi ne pas suivre sur ce point également le mouvement de déconcentration
en examinant les dossiers à l'échelon local ?
Le second point que je souhaite aborder concerne la contribution de votre
ministère à la politique de l'emploi.
Le secteur associatif constitue sur ce point un gisement potentiel
extraordinaire. Ainsi, pour le seul secteur sportif, on estime que les 170 000
associations existantes peuvent rémunérer 15 000 animateurs vivant de ce
salaire à titre principal et 100 000 autres à titre complémentaire.
Je reviendrai sur les engagements financiers associatifs dans quelques
instants.
Vous poursuivez le financement à concurrence de 20 millions de francs en
mesures nouvelles du plan sport-emploi créé par votre prédécesseur Guy Drut,
plan qui a largement prouvé son efficacité. Les chiffres l'attestent : entre
1996 et 1998, ce plan a permis de créer 4 425 emplois.
Le principe sur lequel repose ce plan est, en effet, intelligent et
parfaitement adapté aux attentes des associations en réduisant le coût des
emplois créés et en simplifiant les formalités administratives.
Vous poursuivez également le financement de postes FONJEP - Fonds de
coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire - visant à la
rémunération d'animateurs permanents mais, malheureusement, à un niveau
nettement inférieur à celui de 1998, puisque vous ne prévoyez que 132 postes
nouveaux contre 350 en 1998, ce qui est dommage.
Le financement de ces deux dispositifs, plan sport-emploi et postes FONJEP
étant en recul, on peut se demander si vous ne procédez pas, de cette façon, à
un transfert de crédits vers les emplois-jeunes. Il est ainsi à craindre que
vous ne déshabilliez Pierre pour habiller Paul, ce qui serait regrettable.
En effet, les emplois-jeunes, contrairement aux deux dispositifs précédents,
posent un grave problème de compétence, notamment au niveau des animateurs ou
des entraîneurs, et ce malgré les crédits de formation nouvellement inscrits au
budget. On ne peut laisser l'animation entre les mains d'amateurs qui, pour
certains, découvrent la vie associative, au risque de voir se reproduire des
drames que les médias nous rappellent régulièrement ; le stage de voile en
Bretagne nous a tous très fortement interpellés en tant que responsables.
C'est pourquoi, nous souhaiterions, madame la ministre, obtenir l'assurance
que le plan sport-emploi et les postes FONJEP ne sont nullement menacés par le
plan emploi-jeunes, qui, comme le démontre un récent article paru dans un grand
quotidien du soir, commence déjà à susciter des problèmes en matière de
formation, mais aussi un sentiment d'inquiétude et de désarroi de la part des
jeunes concernés quant à leur avenir à l'issue des cinq ans.
Mme Hélène Luc.
Ne votez pas les suppressions de crédits, alors !
M. Joseph Ostermann.
Nos associations attendent de vous une politique en faveur de l'animation
véritablement offensive. Il convient de ne pas les décevoir, car les animateurs
constituent le socle de la vie associative et se sentent terriblement négligés.
Les collectivités locales ne peuvent, à elles seules, porter l'animation et la
vie associative.
Par ailleurs, s'il est important d'exploiter les gisements potentiels
d'emplois et de professionnaliser les associations, il convient néanmoins de
préserver et d'encourager le bénévolat, vecteur de valeurs essentielles telles
que le don de soi. Le bénévolat constitue l'action de proximité par excellence,
mais les réglementations et les responsabilités à assumer découragent les
bénévoles.
Je sais, madame la ministre, que vous êtes chargée d'un travail de réflexion
et de proposition sur le statut du bénévolat que vous devez présenter en
janvier. Les bénévoles assument un patient mais de plus en plus coûteux travail
de lien social au côté des élus locaux.
Cette reconnaissance et cette valorisation doivent, à mon sens, passer par
l'adoption de plusieurs mesures fortes telles que la définition d'un mécanisme
général de couverture des risques encourus par les bénévoles au cours de leur
activité, à savoir une protection sociale moyennant une cotisation forfaitaire
unique.
Il convient par ailleurs de leur reconnaître certains droits positifs tels que
la prise en compte dans le calcul des droits à la retraite des années de
travail effectuées de manière volontaire et représentant un apport pour la
collectivité.
Attention toutefois ! L'exemple des sapeurs-pompiers ne doit pas, madame la
ministre, vous inspirer. En effet, l'administration et le Gouvernement décident
; les collectivités locales, quant à elles, paient notamment les allocations de
vétérance.
Ne pourrait-on pas enfin encourager les entreprises à favoriser la
participation de leurs salariés à la vie associative en leur permettant
d'inclure dans leurs dons déductibles au sens du code des impôts les salaires
et charges correspondant aux absences de leurs salariés pour raison associative
?
Vous paraît-il envisageable, au regard de la réflexion que vous menez
actuellement, de mettre en oeuvre de telles mesures ?
Enfin, j'ai appris qu'une récente décision du Conseil d'Etat du 30 novembre
dernier aurait annulé le décret du 8 août 1996, qui permettait aux clubs
sportifs d'ouvrir des buvettes dans les stades au cours de dix manifestations
sportives par an.
Si cette décision devait être confirmée, c'est l'équilibre financier, déjà
bien fragile, et le dynamisme de notre vie associative et sportive qui seraient
gravement menacés.
Le décret d'août 1996 permettait de concilier les objectifs de santé publique
et la préservation des ressources des petits clubs.
Madame la ministre, que l'on arrête d'opposer le fonctionnement des buvettes à
la santé publique ! M. Evin ne connaissait sans doute pas les zones rurales où,
autour d'un
club house
, s'articule l'animation de nombreuses petites
communes dans lesquelles, trop souvent, le dernier restaurant a disparu. Il
faut modifier cette loi, dont les dispositions sont totalement hypocrites.
En effet, l'équilibre enfanté dans la douleur de débats parlementaires
houleux, voilà deux ans, serait ainsi brisé au détriment des associations
sportives, dont chacun d'entre nous connaît le rôle majeur dans le
développement de la convivialité et en matière d'intégration. Les associations
constituent un vecteur irremplaçable de la formation de nos jeunes, mais aussi
de l'animation de nos villes et de nos villages.
Compte tenu des conséquences particulièrement graves qu'aurait une telle
décision, pouvez-vous nous dire ce qu'il en est vraiment, ainsi que ce que vous
comptez faire pour régler cette question ?
Pour terminer, je souhaite évoquer l'épineuse question du financement de
l'entretien et de la rénovation des équipements sportifs et socio-éducatifs des
collectivités locales et des associations. Pour 1999, il est prévu 60,3
millions de francs, soit, si l'on ne tient pas compte des crédits exceptionnels
votés pour la Coupe du monde, plus du double par rapport à 1998. C'est un
effort important, mais je tiens malgré tout à émettre deux réserves.
Premièrement, pouvez-vous nous assurer, madame la ministre, que cette
augmentation des crédits ne sera pas amputée par des annulations et des reports
en coursd'année, comme ce fut le cas pour 1998, avec des conséquences fâcheuses
telles que l'absence de réalisation des opérations prévues de rénovation des
centres de vacances et de loisirs ?
Deuxièmement, malgré cette progression, ces crédits sont malheureusement bien
insuffisants au regard de l'ampleur des besoins de rénovation du parc sportif
français : la moitié des salles de sport, les trois quarts des patinoires et la
plupart des piscines ont plus de vingt ans. Ces installations souffrent ainsi
de l'effet conjoint du vieillissement, des lacunes de la maintenance et de
l'évolution incessante des normes de sécurité notamment.
En outre, comme le souligne une étude récente, la seule mise à niveau sur le
plan de la sécurité, de l'hygiène, de la santé et de l'environnement, hors
modernisation, coûterait 40 milliards de francs.
Or les communes, selon une enquête de l'Association des maires de France, sont
déjà le premier financeur public du sport, avec 27 milliards de francs en 1997,
soit 28,9 % du total de la dépense sportive.
Il apparaîtrait donc tout à fait normal qu'elles soient davantage soutenues
par l'Etat dans ce domaine, d'autant plus que votre ministère nous oppose
régulièrement des circulaires, des instructions, des transformations, toutes à
la charge des communes, qu'il s'agisse de piscines, de terrains de jeux,
d'agrès sportifs, des buts de terrains de football, de handball ou des paniers
de basketball. Les réglementations européennes se superposent aux
réglementations nationales, tout cela devient lassant !
Ne pourriez-vous pas dégager des moyens plus importants en réglant le problème
de l'occupation du Stade de France, qui grève considérablement votre budget,
l'Etat devant verser une indemnité compensatrice d'un montant de 50 millions de
francs jusqu'en 2000, puis de 68 millions de francs les années suivantes ? A
situation exceptionnelle, financements exceptionnels ! Comment entendez-vous
régler cette question ?
En conclusion, madame la ministre, sous réserve de réponses aux divers
éclaircissements que j'ai demandés et de l'adoption des amendements qui nous
seront soumis, je voterai votre projet de budget.
(Applaudissements sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants).
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le miroir
sportif de l'année qui s'achève resteront gravés des événements d'une rare
intensité et d'une rare portée pour toute la France. L'année 1998 aura
confirmé, si besoin était, que le domaine de responsabilité qui est le vôtre,
madame la ministre, se voit investi en permanence d'une actualité fertile en
faits de société aux retentissements multiples.
Dans la hiérarchie des exploits, la Coupe du monde de football, avec la
victoire inoubliable de l'équipe d'Aimé Jacquet et avec une organisation
remarquablement réussie, l'emporte à coup sûr. La France en est fière !
Dans le même temps, et à l'opposé, il y a, hélas ! le dopage, avec des
développements très préoccupants, mais aussi, comme élément positif, la
dislocation du mur du silence que vous contribuez à briser par votre action
courageuse.
Et puis, si l'on considère la dimension jeunesse de votre ministère, il y eut
ce formidable mouvement lycéen d'octobre, qui interpelle toute la société avec
sa lucidité et son exigence citoyenne de considération et d'avenir ! On y
retrouve les aspirations déjà exprimées dans les rencontres locales et
nationales que vous avez organisées l'an passé, qui se prolongent dans les
comités créés dans les départements et qui se trouvent traduites dans votre
politique, comme les 20 000 emplois-jeunes de votre ministère, pour lesquels il
faut vraiment consolider le volet formation. C'est ce que vous proposez en
inscrivant 26 millions de francs à cette fin, nous nous en réjouissons.
Concernant les filières de formation aux métiers du sport, pouvez-vous nous
indiquer, madame la ministre, où en est le projet de réforme, sachant que les
étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives,
STAPS, et les responsables universitaires et sportifs sont évidemment très
intéressés.
Bien d'autres exploits, bien d'autres palmarès nationaux et internationaux
pourraient venir compléter ce tableau.
Mais, loin des projecteurs et des médias, partout, de la capitale au petit
village, il y a le mouvement sportif et associatif avec ses millions de
participants, de dirigeants et d'éducateurs qui déploient souvent dans
l'anonymat et le bénévolat, tout à la fois, leur enthousiasme, leur dévouement
et leur abnégation. Ce grand mouvement fonde, en complémentarité de la haute
compétition, un socle solide et irremplaçable pour l'épanouissement humain, la
solidarité et la cohésion sociale.
Domaines passionnants et complexes à la fois, dans lesquels s'entrechoque le
poids de l'argent, des médias, de comportements et de valeurs humaines élevées,
le sport et la jeunesse appellent sans contexte une action forte, cohérente,
lisible et assise sur des moyens significatifs. La progression de votre budget
franchissant la barre des 3 milliards de francs - c'est une première ! - en
est, à cet égard, un signe tangible.
Madame la ministre, depuis votre prise de fonctions, vous impulsez des
orientations, vous ouvrez et conduisez des chantiers, vous prenez des décisions
et des mesures qui portent la marque d'une véritable politique du sport et de
la jeunesse que notre pays attendait.
Ne disposant que de quelques minutes, je ne peux entrer dans une analyse
détaillée de votre budget, mais je tiens à faire ressortir les créations de 300
emplois aux associations sportives, les 132 postes FONJEP rompant avec les
suppressions des années antérieures, ainsi que la progression de 58 % des
crédits pour lutter contre le dopage. Des crédits d'investissements nouveaux
pour les équipements des collectivités territoriales soulageront ces dernières,
mais leurs contributions restent trop élevées encore, compte tenu de leurs
ressources.
Nous apprécions votre volonté de développer le droit des jeunes aux loisirs et
au sport et d'engager des initiatives, afin de ne pas laisser retomber
l'enthousiasme suscité par le Mondial.
Votre budget est sous-tendu par une affirmation de mission de service public.
Nous apprécions le retour de cette ligne directrice, dont il n'aurait jamais
fallu s'écarter.
Je souhaite également attirer votre attention sur l'importance du travail
engagé, et même très avancé, sur le projet de loi relatif au sport. Celui-ci
est très attendu du mouvement sportif. Les dispositions qu'il prévoit et qui
ont été élaborées dans le cadre d'une concertation approfondie et à laquelle
vous avez associé, dès le départ, la représentation parlementaire, je veux le
souligner, sont de nature à répondre à des questions cruciales sur l'évolution
et le devenir du sport, dans nombre de ses dimensions.
C'est pourquoi je me fais l'interprète de nombreux partenaires pour demander
avec insistance que soit débattu au Parlement, et dans les délais les plus
rapprochés possible, ce texte important. Il y a urgence, en effet, sur de
nombreux sujets.
Madame la ministre, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen
avaient prévu de voter le budget de la jeunesse et des sports tel que vous le
proposez. C'était sans compter sur une majorité sénatoriale qui, emportée par
sa frénésie ultralibérale
(Protestations sur les travées du RPR),...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Mais non !
Mme Hélène Luc.
... n'a de cesse, au cours de cette session budgétaire, d'opérer des coupes
aveugles sur les dépenses publiques utiles. Mais vous pouvez encore vous
rattraper !
(Sourires.)
La commission des affaires culturelles du Sénat a souvent, je le dis
sincèrement, fait preuve d'esprit de responsabilité. Je vous demande, monsieur
le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, de
retirer vos amendements de suppression des crédits. Je veux croire que la
sagesse que notre rapporteur a recommandée l'emportera.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Nous en parlerons tout à l'heure
!
Mme Hélène Luc.
Mesdames, messieurs de la droite, si vous votez ces amendements, il faudra
bien aller vous expliquer devant les dirigeants de vos clubs sportifs et devant
les jeunes de vos communes ! Cela n'empêchera pas pour autant vos amis - mais
ils n'en sont plus à une contradiction près - de se plaindre, localement, de
l'insuffisance des dotations budgétaires.
Si vous maintenez vos amendements - mais j'ai bon espoir
(Sourires),
puisque, pour le budget de l'agriculture, la commission des
affaires économiques a retiré l'amendement qu'elle avait déposé - nous voterons
contre le contre-budget de la majorité sénatoriale et les graves suppressions
de crédits qu'il prévoit.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Vous voterez contre le budget
!
Mme Hélène Luc.
Madame la ministre, revenons au projet de budget initial, le vôtre. La plupart
des lignes qui y figurent, même si on souhaite toujours plus - et il faudrait
plus ! - portent la marque d'un renversement de tendance prometteur autant que
nécessaire, et je veux vous en féliciter. Votre budget vient conforter une
action dans laquelle on reconnaît, à l'instar de celle qui a abouti à la grande
victoire de juillet, la détermination, la sincérité et l'authenticité.
Notre soutien vous est assuré, madame la ministre, et, après la réussite de
cette première étape, nous voulons vous encourager à prolonger l'effort pour
faire gagner tout le sport et répondre aux espoirs de la jeunesse.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures
quinze.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la jeunesse et les sports.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
Madame la ministre, votre budget est un budget très volontaire et comporte des
sources de satisfaction puisque vos crédits s'élèvent à un peu plus de 3
milliards de francs, soit une progression de 3,4 % par rapport à la loi de
finances pour 1998. Ce budget s'inscrit bien dans le rôle du ministère de la
jeunesse et des sports, dans une société où il convient de redonner au sport
toute sa place, fidèle à l'ancien adage :
« mens sana in corpore sano »
et d'offrir à nos jeunes des perspectives intéressantes et importantes
quant à leur avenir grâce à l'éducation et à la participation sportives. En la
matière, vos choix me semblent tous importants.
Je souhaite évoquer rapidement deux initiatives que vous avez prises. La
première, qui est très importante - et d'autres orateurs y ont fait allusion -
concerne la lutte contre l'exclusion. La seconde peut paraître accessoire, mais
il n'en est rien : il s'agit de l'attention portée au sport féminin. Nous
devons, par tous les moyens, faire comprendre à notre pays mais aussi à
d'autres qu'il n'existe pas d'inégalité entre un homme et une femme, et que
chacun est porteur de projets utiles à la collectivité dans tous les
domaines.
J'insisterai un peu plus longuement sur d'autres aspects, notamment
l'éducation populaire et les relations de votre ministère avec les
associations, qui, pour moi, revêtent une importance toute particulière. En
effet, le dialogue qu'engage le ministère avec des associations, petites ou
grandes, est un signe de démocratie et témoigne d'une démarche républicaine. Il
est bon que l'autorité supérieure ne soit plus seule à décider, et qu'elle
engage le dialogue avec ceux qui sont sur le terrain.
Je m'attarderai un peu sur les rythmes scolaires. Je n'évoquerai que
brièvement la lutte contre le dopage, car nous y reviendrons la semaine
prochaine à l'occasion de l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi
relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage
qui a été profondément modifié par l'Assemblée nationale, et pas toujours dans
le bon sens. Ces nombreux ajouts seront débattus par la commission des affaires
culturelles et feront certainement l'objet de positions divergentes.
Je soulèverai également le problème des objecteurs de conscience que j'avais
déjà évoqué en commission.
Vous souhaitez, madame la ministre, renforcer votre action en faveur des
associations en consacrant 4,5 millions de francs au développement de la vie
associative. Ce signal, certes important, est encore insuffisant.
Vous avez aussi décidé de créer 132 postes FONJEP, qui sont certes importants
pour les associations mais aussi du point de vue des emplois-jeunes. Une
formation professionnelle pourra ainsi être donnée à ces jeunes sans passer par
les voies habituelles des formations des écoles sportives, ce qui leur
permettra de participer plus activement à l'évolution du monde sportif.
Vous envisagez de mettre à la disposition des associations 300 ou 400
personnes susceptibles de promouvoir leur développement. Permettez-moi, à cet
égard, de formuler une remarque. Vous semblez attacher une plus grande
importance à l'association de quartier, à celle qui est née spontanément et qui
a une connaissance de la vie dans les quartiers mais qui ne dispose pas, en
contrepartie, de moyens suffisants pour exercer son action. Il est tout à fait
naturel de s'intéresser à ses initiatives. Mais ces associations sont souvent
des émanations de grandes associations. Je n'en citerai que deux qui, bien que
menant des politiques voisines, ont été parfois animées par une idéologie
différente ; je veux parler de la fédération Léo-Lagrange et Francs et franches
camarades.
Ces associations méritent une attention particulière, car d'elles dépendent
l'inervation de l'ensemble du pays et des initiatives fortes. Peut-être
pourriez-vous nouer des relations plus fortes et plus suivies avec ces
associations, dont les préoccupations sont très proches des vôtres, afin
d'aboutir à une reconnaissance presque officielle de leurs responsables, par
des invitations à participer à des tables rondes, par des soutiens financiers
et par une collaboration avec vos services.
Je veux relever aussi votre initiative intéressante et forte qui, jusqu'à
présent, n'a pas abouti et qui vise à définir un statut des bénévoles sans que
ceux-ci rencontrent pour autant des difficultés financières par la suite.
Dans la commune de Saint-Fons, nous avons essayé très tôt d'allouer des
indemnités à ceux qui consacrent beaucoup de leur temps à l'encadrement des
activités sportives, mais il fallait trouver une solution qui n'entraîne pas
ensuite pour eux des conséquences fiscales ou salariales.
Je ne peux décrire aujourd'hui dans le détail ce système, mais nous avons mis
au point une formule qui permet d'aider financièrement ceux qui se consacrent à
l'encadrement d'activités sportives et qui sont malheureusement de moins en
moins nombreux ou disponibles depuis quelques années.
Je souhaitais formuler ces quelques remarques sur vos relations avec les
associations auxquelles, je le répète, j'accorde une très grande importance,
car cet échange sur le terrain entre votre ministère et le monde associatif me
paraît fondamental.
Par ailleurs, qui s'occupera, en définitive, de la question des rythmes
scolaires ? Sera-ce votre ministère, comme ce fut le cas jusqu'à présent - il
était considéré comme pilote dans ce domaine - ou, comme l'a affirmé ici même
M. Claude Allègre, le ministère de l'éducation nationale ? Je suis persuadé que
ce problème donnera lieu à des échanges entre votre ministère, celui de la
culture et celui de l'éducation nationale, car il est certain que les rythmes
scolaires doivent prendre en compte les activités sportives, culturelles et
éducatives.
Pardonnez-moi de faire, là aussi, référence à ce qui se pratique depuis une
vingtaine d'années à Saint-Fons où les rythmes scolaires sont modifiés de
manière à offrir, pendant un temps périscolaire s'étendant de quinze heures
trente à dix-sept heures, une soixantaine d'activités aux enfants de la commune
afin de leur permettre de pratiquer celle qui les intéresse et de prendre des
initiatives qu'ils ne pourraient pas prendre pendant les horaires scolaires.
Je prendrai un exemple tout simple : certains enfants n'aiment pas lire et
n'ont pas envie d'écrire quand ils sont à l'école. Peut-être la généralisation
de l'ordinateur permettra-t-elle de changer les choses, mais il s'agit d'un
autre problème. Ces enfants trouvent dans les activités périscolaires un centre
d'intérêt dans lequel ils ont envie d'exceller. Or, pour y arriver, ils se
rendent compte qu'ils ont besoin de lire et d'écrire. Le retour à l'école est
alors facilité par ces activités.
Il faut donc ouvrir plus largement l'éventail de ces activités. Nous
constatons que, auparavant, les enfants ne pouvaient choisir qu'entre des
activités sportives. Aujourd'hui, la répartition entre les activités sportives,
culturelles voire plus banales, comme l'apprentissage de la cuisine ou du
jardinage, puisque toutes les activités sont offertes, est mieux équilibrée.
Je sais que nous avons beaucoup été aidés par les relais départementaux de
votre ministère non pas par le biais de participations financières fortes, mais
par la mise à disposition de formateurs. Il est donc particulièrement
intéressant de prendre en compte ces initiatives.
J'en viens au dopage, dont nous aurons l'occasion de débattre à nouveau la
semaine prochaine. Je suis vraiment persuadé que vous avez un mérite tout
particulier car vous êtes, à mon avis, la seule jusqu'à présent qui ait pris
fortement en compte les problèmes du dopage - et celui de l'argent - pour mieux
lutter contre ce phénomène.
J'ai rapidement parcouru un encart paru dans le journal
Le Monde
en
date du dimanche 6 et du lundi 7 décembre, dans lequel il est question de
modifier, pour une meilleure retransmission télévisée, les habitudes de jeux.
Il est ainsi proposé, en tennis, de supprimer l'avantage afin de réduire le
temps de jeu.
Madame la ministre, c'est la course à l'audimat ! On ne recherche plus que
cela. Or, le sport a d'autres vocations et je suis certain que vous les avez
prises en compte dans le sens qu'il convient.
Je terminerai mon propos en évoquant les objecteurs de conscience. Ceux-ci,
vous le savez, n'ont plus de raison d'être, puisque le service national n'est
plus obligatoire. Or, ils jouaient un rôle important auprès de nombreuses
associations qui trouvaient, par ce biais-là, des participants à moindre coût,
puisque leur rémunération était équivalente au pécule.
Comment, dès lors, allez-vous résoudre ce problème ? C'est une question à
laquelle, j'en suis sûr, vous trouverez une réponse efficace, comme dans les
autres domaines que je viens d'évoquer.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sans argent,
la France obtient de l'or. Malgré la faiblesse des crédits accordés aux sports,
notre pays obtient des résultats tant dans les championnats internationaux
qu'aux jeux Olympiques.
La victoire de l'équipe de France de football au mois de juillet dernier nous
a redonné espoir et nous a démontré l'excellence de la formation sportive
française. Je profite de cette occasion pour rendre hommage non seulement à la
fédération française de football, mais aussi à tous ceux qui, au sein du CFO,
ont contribué au succès de cet événement majeur qu'a été la Coupe du monde.
Malheureusement, à peine la victoire fêtée, les révélations, qui d'ailleurs
n'en étaient pas réellement, sur le dopage des coureurs du Tour de France ont
semé le trouble sur l'image du sport. Je reviendrai dans un instant sur ce
point.
Il est d'usage de déplorer chaque année la modicité du budget de la jeunesse
et des sports. Je ne me prêterai pas à ce jeu, quitte à rompre avec une
tradition bien établie. J'estime en effet que l'état des finances publiques ne
permet pas une augmentation exponentielle des crédits.
Pour autant, je crois qu'il est possible de faire mieux avec peu de moyens. La
lecture de votre projet de budget, madame la ministre, me conduit à formuler un
certain nombre de critiques. Vos choix ne paraissent pas toujours justifiés, et
je m'explique.
Le sport de haut niveau a reçu, au cours des dernières années, d'importants
moyens financiers, et cela, me semble-t-il, au détriment des jeunes et des
espoirs français. Il faudra veiller à les soutenir pour que la France soit
prête aux jeux Olympiques qui auront lieu en l'an 2000 et en 2004.
Par ailleurs, l'Etat n'a pas cessé de se désengager sur le titre IV du budget
de la jeunesse et des sports, qui concerne les interventions publiques.
Pourtant, ces crédits devraient profiter aux clubs sportifs et particulièrement
aux plus petits d'entre eux, confrontés à une pénurie de ressources.
L'Etat a prélevé 426 millions de francs pour le sport de haut niveau sur le
FNDS, au détriment du sport de masse, et sans compenser ce prélèvement pour les
collectivités locales. Ne serait-il pas possible d'inscrire l'ensemble des
crédits en faveur du sport de haut niveau sur le titre IV, et non plus sur le
FNDS ?
Ce Fonds national pour le développement du sport ne contribue, à l'heure
actuelle, que très faiblement au financement des équipements sportifs.
L'application du plan sport-emploi risque d'être bloqué si les infrastructures
ne sont pas en nombre suffisant pour accueillir les jeunes pratiquants, ce qui
suppose donc d'y consacrer des moyens.
Nous sommes nombreux à avoir souhaité, comme l'ensemble du mouvement sportif,
l'application du taux réduit de TVA aux activités sportives. Lors de l'examen
des articles de la première partie du présent projet de loi de finances, le
Sénat a adopté une disposition concernant les installations données à bail par
une collectivité à un professionnel privé dans le cadre d'une délégation de
service public. Il s'agit là d'une avancée. Toutefois, j'estime qu'il faudra
aller plus loin et réduire la TVA applicable aux prestations liées aux
activités sportives et à l'utilisation des équipements sportifs.
En outre, une partie des crédits du FNDS, délesté des priorités liées à la
Coupe du monde, sera répartie en 1999 en enveloppes régionales selon des
critères de population et de pourcentage de licenciés. J'attire votre attention
sur le risque que cela comporte. En effet, certaines régions rurales seront, me
semble-t-il, inévitablement défavoriées.
Malgré ces réserves que je viens d'exprimer, j'approuve, madame la ministre,
quelques-unes de vos orientations et les efforts que vous déployez pour faire
du sport un véritable vecteur d'intégration.
Vous faites également une large place aux actions en faveur de la jeunesse.
Les rencontres nationales de la jeunesse ont permis la mise en oeuvre de
plusieurs mesures concrètes. Le budget 1999 prévoit d'ailleurs la création d'un
conseil permanent et de conseils départementaux de la jeunesse. J'aimerais
connaître les missions exactes de ces organismes, auxquels sont tout de même
alloués 3,5 millions de francs.
La carte-jeune, le défi-jeune ou le ticket-sport bénéficient de 10 millions de
francs supplémentaires ; je m'en réjouis. Vous avez, en outre, mis en place,
cette année, le coupon-sport et un dispositif d'aides financières
personnalisées à la préparation du brevet d'animation. Enfin, le dispositif «
nouveaux services-nouveaux emplois » pour la création d'emplois-jeunes semble
très apprécié par les associations sportives. Il fournira un complément
d'encadrement venant renforcer les bénévoles et les cadres techniques. Je
rappellerai simplement que ces emplois sont précaires. Seront-ils intégrés dans
les effectifs du ministère, employés par les clubs qui souffrent cruellement
d'un manque de recettes ? Tout cela est bien incertain. Vous spéculez, me
semble-t-il, largement avec l'avenir de ces jeunes.
En ce qui concerne la vie associative, dont vous faites l'une des priorités de
votre projet de budget, je tiens à vous faire part de quelques inquiétudes. Si
le Fonds national pour le développement de la vie associative bénéficie d'une
augmentation de 24 %, des incertitudes pèsent sur les critères de répartition
entre les associations. De plus, il est urgent de procéder à une modification
de ses structures comme de son mode de gestion. J'attends, sur ce point, que
vous m'apportiez des précisions et que vous me fassiez part de vos projets.
Enfin, avant de conclure mon propos, je tiens à dire que votre action en
faveur de la lutte contre le dopage contribue à mettre un terme à des années
d'hypocrisie. Pour autant, le chemin est semé d'embûches, et vous le savez.
Le renforcement des moyens juridiques de la lutte contre le dopage prévu dans
le projet de loi que nous avons examiné au printemps dernier, dispositif que
l'Assemblée nationale vient encore de renforcer, ne peut être, à lui seul, un
outil efficace s'il ne s'accompagne pas d'un accroissement des moyens
financiers. Votre budget tient compte de cet impératif. Vous avez également
fait un effort sur l'information et la prévention grâce à la mallette « sport
net » destinée aux intervenants du monde sportif. J'ajoute que le problème du
dopage dépasse la communauté sportive. Il est un phénomène de société, un
problème de santé publique. Aujourd'hui, aucune étude sérieuse et complète
n'est à même d'en évaluer l'ampleur.
Plusieurs pistes sont pourtant envisageables pour limiter le dopage. Ainsi, il
convient de systématiser le suivi médical des athlètes, de créer des études de
pharmacovigilance, de suivre les évolutions technologiques, de mieux éduquer et
informer, et de réformer le sport de haut niveau. Enfin, il serait souhaitable
d'établir des règles fermes au niveau international. L'Europe a un rôle à jouer
en créant une dynamique qui pourrait avoir des retombées positives sur
l'ensemble de la communauté sportive internationale.
Sachez, madame la ministre, que nous vous soutenons dans cette action
difficile mais courageuse.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Plutôt que de reprendre, avec moins de talent d'ailleurs, les analyses
spécifiques de nos excellents rapporteurs sur le fascicule budgétaire de la
jeunesse et des sports, je préfère traiter de la place que devrait occuper
votre ministère, madame le ministre, dans une société et une époque où les
jeunes redoutent l'avenir.
Ce mal-être génère des comportements réactionnels excessifs qui font vaciller
la société sur ses bases. Aussi, je m'étonne, puisque nous avons un ministère
de la jeunesse, que ce ne soit pas lui qui soit leader, avec ses services
déconcentrés, s'agissant des dispositifs relatifs à cette population, non que
la pluridisciplinarité apparaisse comme l'apanage de ce département
ministériel, mais parce que la coordination d'actions initiées par d'autres
devrait tout naturellement lui revenir. Outre une meilleure cohérence des
projets, on pourrait parvenir à des bilans dont les résultats permettraient
d'apprécier les effets obtenus, et ainsi bâtir d'autres actions dans une
logique de continuité. Je ne suis pas loin de penser qu'aujourd'hui chacun
travaille dans son coin, avec la meilleure des bonnes volontés, mais avec de
relatives oeillères qui font ignorer les programmes menés par d'autres et sans
aucun souci de confronter les résultats.
Le plus récent exemple est celui des emplois-jeunes. Le pôle le plus
signifiant de ce concept est bien celui qui qualifie la classe d'âge. Pourquoi
ne pas avoir confié le dispositif au ministère de la jeunesse et des sports
?
Votre département, madame le ministre, intervient de façon sectorielle : 26,5
millions de francs ont été affectés à l'organisation de formations dans le
champ des animations sportives et culturelles. Le coût moyen de la formation
pour un jeune de dix-huit ans passant un diplôme d'Etat, s'appuyant sur le
CREPS et les services déconcentrés, se situe entre 15 000 francs et 20 000
francs pour 700 heures, en moyenne, d'enseignement. Voilà qui me semble
réaliste et valorisant.
La remarque vaut pour les plus de vingt-cinq ans, qui pratiquent un sport et
qui sont déjà diplômés, auxquels le plan sport-emploi permet une arrivée sur un
emploi cofinancé. Le coût unitaire - 150 000 francs - avec le premier contrat,
est un investissement porteur pour le bénéficiaire.
Qu'il y ait de nouvelles émergences de métiers, certes, mais à ne vouloir
privilégier que les pistes innovantes, il y a abandon de potentialités. Dans
cette optique de formations qualifiantes à exploiter, il conviendrait de créer
un diplôme professionnel plus élaboré que le BAFA, qui, lui, demeure
aujourd'hui du domaine du bénévolat.
Je souhaiterais également, madame le ministre, que, dans le cadre du contrat
éducatif local, on reconnaisse la compétence du ministère de la jeunesse et des
sports comme maître-d'oeuvre pour le temps extrascolaire. Il n'est pas normal
que ce soit le ministère de l'éducation nationale qui soit mandaté pour ce
champ. Outre le principe, cette confusion rend difficile la gestion du
système.
A l'inverse, la réapparition heureuse du coupon sport, qui remet en place une
forme de bourse personnalisée pour la pratique d'une discipline à tout
bénéficiaire de l'allocation de rentrée scolaire, transforme le service
déconcentré du ministère en un guichet administratif. Pourquoi ne pas charger
les caisses d'allocations familiales de la gestion de ce ticket modérateur
puisqu'elles sont directement impliquées dans l'attribution de l'allocation qui
le fonde ?
Dans les départements, les directions de la jeunesse et des sports souffrent
du manque de professionnalisme des interlocuteurs. Un statut du bénévolat est,
semble-t-il, en préparation. Quand pourrons-nous l'examiner, madame le ministre
? Le congé pour formation qui y figurerait, à côté d'autres volets, est tout à
fait nécessaire car, aujourd'hui, les intervenants du secteur privé
représentent 70 % et ceux du secteur associatif les 30 % restant. L'inverse
serait mieux.
Une préoccupation majeure et immédiate s'affirme en Haute-Saône - département
que vous connaissez bien, madame le ministre - comme dans tous les
départements, face à l'urgence et au coût de la rénovation des installations.
Les collectivités locales ne pourront, seules, assumer les efforts requis.
L'augmentation des crédits d'investissements du FNDS assure une meilleure
participation de l'Etat, qui toutefois reste faible par rapport aux
financements recherchés. Ces structures sont indispensables si l'on veut que
l'accès et la pratique du sport soient les plus larges possible. Beaucoup de
valeurs y sont vectorisées et l'individu y est pris en compte en tant que
personne dans sa particularité, dans ce qu'il a de spécifique. C'est une
réponse de qualité qu'il faut privilégier dans une société où l'isolement gagne
du terrain.
Les actions favorisant les rencontres locales méritent un soutien et un
renforcement. Apprendre aux jeunes à être acteur de leur destin contribue à
former un adulte responsable. Réunis en conseil départemental, ils identifient
les problèmes qui leur semblent majeurs, les traitent et y répondent. L'apport
de l'encadrement ne gomme pas l'approche qui leur est propre. Le message
véhiculé a alors toutes les chances de passer.
Le dernier point que je souhaiterais évoquer concerne la direction
départementale de la jeunesse et des sports en Haute-Saône, où dix-sept postes
budgétaires sont en place. Ne craignez rien, madame le ministre, je ne vous en
demanderai pas davantage,...
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Vous pouvez !
(Sourires.)
M. Bernard Joly.
... ce qui est une bonne nouvelle dans un débat budgétaire. Ce chiffre serait
satisfaisant si ces emplois étaient pourvus. Or, depuis dix ans, cette
direction n'a jamais pu fonctionner avec un effectif complet et stable de
titulaires. Actuellement, votre représentant est presque comblé puisqu'il a
seize personnes. C'est une satisfaction fugitive, car deux départs à la
retraite sont imminents et deux autres sont programmés. La situation est très
préjudiciable à la mission de ce service.
Je souhaiterais connaître les raisons de ce dysfonctionnement et, surtout,
comment vous allez y mettre fin, madame le ministre, car je ne doute pas que
vous vous y emploierez.
J'espère aussi que ce gouvernement donnera, enfin, sa vraie place et les
moyens correspondants au ministère de la jeunesse et des sports qui n'en finit
pas de rebondir d'une tutelle à l'autre, alors qu'il a vocation à être un
département à part entière aux compétences reconnues.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle.
Madame la ministre, l'an dernier, à cette même tribune, on remarquait déjà
dans votre projet de budget votre volonté de mettre en place une nouvelle et
véritable politique capable de répondre aux légitimes aspirations de la
jeunesse et du monde sportif.
Cette année, vous confirmez ces bonnes intentions en réalisant un effort
budgétaire sans précédent ; en effet, dépassant pour la première fois depuis
cinq ans le seuil des 3 milliards de francs, les crédits de la jeunesse et des
sports enregistrent une progression de 3,4 %.
Si l'on ajoute à ces sommes les dotations des comptes d'affectation spéciale -
le Fonds national pour le développement du sport, 1 014 millions de francs, et
le Fonds national pour le développement de la vie associative, 24 millions de
francs - le budget total de la jeunesse et des sports s'élève à 4 059 millions
de francs, ce qui montre que vous vous donnez tous les moyens pour atteindre et
pour réussir les objectifs prioritaires du Gouvernement : l'emploi, la justice
sociale et la citoyenneté.
Je voudrais vous féliciter très sincèrement, madame la ministre, pour toute
l'énergie que vous déployez pour redonner au sport ses lettres de noblesse dans
notre pays.
L'année 1998 aura été celle de la Coupe du monde et de la grande victoire de
l'équipe de France, qui aura permis de célébrer le rôle fédérateur et citoyen
du sport au sein de notre société.
Toutes les priorités définies dans ce projet de budget sont capables de
relayer cet élan populaire que nous avons vécu en juillet dernier, et vous me
permettrez, mes chers collègues, de retenir au premier rang d'entre elles les
actions en faveur de la jeunesse.
Nous ne pouvons que nous réjouir de voir le dispositif des emplois-jeunes
crédité d'une mesure nouvelle de 25,5 millions de francs ; nous savons tous que
la vie associative constitue un terrain de choix pour l'expérimentation de la
formation des jeunes.
Parallèlement au développement des emplois-jeunes, le plan sport-emploi doit
être poursuivi avec la création de 300 nouveaux emplois destinés aux
associations sportives, grâce à une mesure nouvelle de 20 millions de
francs.
Les associations de jeunesse et d'éducation populaire vont bénéficier de 132
postes FONJEP supplémentaires financés par une mesure nouvelle de 6 millions de
francs. Il s'agit là d'une évolution satisfaisante qu'il convient de saluer.
En revanche, madame la ministre, vous me permettrez de vous demander si vous
n'estimez pas nécessaire une augmentation des crédits du Fonds national pour le
développement de la vie associative. La formation des bénévoles constitue un
secteur essentiel pour le devenir de la vie associative de notre pays et mérite
- vous en conviendrez, j'en suis sûr - un effort supplémentaire.
En multipliant les initiatives comme le ticket-sport - 10 millions de francs -
le coupon-sport, destiné à réduire le coût de la licence sportive, et le
coupon-loisirs, vous prenez, madame la ministre, une part active dans la lutte
contre l'exclusion, ce dont je vous félicite.
Toutes ces initiatives bénéficiant de 60 millions de francs devraient
permettre l'arrivée massive de jeunes dans les clubs. Sans doute de telles
mesures pourraient-elles bénéficier d'un effort d'information, car elles
demeurent peu connues, ce qui est dommage !
Vous avez décidé de continuer le dialogue avec les jeunes, engagé avec les
rencontres de Marly ; en effet, ces échanges vont pouvoir se poursuivre grâce à
la mise en place d'un conseil permanent et de comités départementaux, qui sont
dotés de 3,5 millions de francs. Pourriez-vous nous apporter quelques
précisions quant à leur mode de fonctionnement ?
Nous attendons beaucoup de l'organisation des Assises de la vie associative,
prévues pour l'an prochain. Il s'agit de trouver les moyens d'encourager tous
ces bénévoles qui font un travail remarquable dans l'indispensable maintien du
lien social.
Madame la ministre, nous avons bien noté votre volonté d'imaginer des
prolongations à cette inoubliable liesse provoquée par la victoire de l'équipe
de France.
Pourriez-vous nous dire à quels projets seront utilisés les crédits de 15
millions de francs destinés à l'opération nationale « 1, 2, 3... à vous de
jouer » créée pour pérenniser la fonction citoyenne du sport ? En un mot,
madame la ministre, nous sommes très curieux de savoir ce que sera cette fête
du sport prévue en septembre 1999.
Afin de préserver l'unité du monde sportif, vous refusez à juste titre
d'opposer le sport de haut niveau et le sport de masse. Il s'agit là d'un choix
décisif que nous ne pouvons qu'approuver.
En 1999, les subventions directes aux fédérations s'élèveront à 510 millions
de francs au titre de conventions d'objectifs, soit une progression de 3 % par
rapport à l'an dernier.
Les dotations du FNDS seront utilisées intégralement pour financer la pratique
sportive et les équipements sportifs. Nous ne pouvons que nous réjouir de ce
recentrage des interventions du FNDS, lequel doit retrouver le plus rapidement
possible sa fonction d'origine, qui est le financement du sport de
proximité.
S'élevant à plus d'un milliard de francs, ce fonds permettra-t-il de faire
face à la rénovation et à la mise aux normes de sécurité de l'ensemble du
patrimoine sportif ?
En tant que maire et président de conseil général, je sais pertinemment que
les collectivités locales doivent constamment faire face aux inévitables
charges estimées à plusieurs dizaines de milliards de francs, concernant les
travaux d'homologation des piscines, des stades, des gymnases. Les 17,5
millions de francs consacrés à la rénovation du patrimoine sportif des
collectivités locales seront-ils suffisants pour répondre à ce besoin très
préoccupant, alors que les collectivités ne disposent pas toujours des moyens
suffisants pour l'entretenir ? Il s'agit là d'une question essentielle, car la
responsabilité des élus peut être mise en cause.
Par ailleurs, madame la ministre, pourriez-vous nous informer de l'étude
concernant la possibilité d'une réduction du taux de TVA sur les installations
et la pratique sportives ? L'application du taux réduit de la TVA permettrait
de créer des emplois.
Je voudrais aussi dénoncer, une nouvelle fois, très vivement la légèreté avec
laquelle l'ancienne majorité de droite a aveuglément signé, en 1995, un contrat
de concession garantissant la présence au Stade de France d'un club résident de
football. Aujourd'hui, cette folle imprudence entraîne pour des années, au
titre de l'indemnité compensatrice de préjudice, des dépenses budgétaires très
lourdes. Il est donc urgent de trouver une solution afin de désengager
l'Etat.
Plutôt que de déposer des amendements visant à la réduction des dépenses
pourtant indispensables au budget de la jeunesse et des sports, la majorité
sénatoriale de droite ferait mieux, à mon sens, de faire son examen de
conscience et de nous donner les moyens de respecter le contrat qu'elle a signé
il y a bientôt quatre ans pour l'occupation du Stade de France, contrat qui
nous vaut, aujourd'hui, tant de dépenses regrettables, sommes qui seraient
mieux utilisées ailleurs !
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Il fallait bien organiser la Coupe
du monde !
M. Philippe Madrelle.
Oui, mais c'est votre responsabilité totale !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est notre responsabilité à tous !
M. Philippe Madrelle.
Madame la ministre, l'importance d'un budget comme le vôtre se mesure plus à
la concrétisation des politiques annoncées et aux actions menées qu'à la
matière chiffrée. Le foisonnement des nouvelles mesures reflète bien votre
dynamisme et votre envie de faire changer les choses.
C'est parce que vous vous donnez véritablement les moyens de répondre aux
enjeux de cette fin de siècle en investissant dans la jeunesse et la
citoyenneté, c'est-à-dire dans la construction de notre avenir, que le groupe
socialiste du Sénat vous apportera son total soutien et votera votre projet de
budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Mme Nelly Olin.
Ça, c'est une nouvelle !
M. le président.
La parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, intervenant le
dernier dans ce débat sur la jeunesse et les sports, je ne reprendrai pas les
divers points que mes prédécesseurs ont déjà très bien développés.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial, et M. James Bordas, rapporteur pour
avis, ont dû beaucoup travailler, dans une précipitation exigée par un emploi
du temps trop rigoureux, pour terminer à temps leurs excellents rapports.
Au sein de la commission des affaires culturelles, j'ai suivi de très près
tous les travaux sur cette question.
J'apprécie beaucoup, madame la ministre, tout ce que vous avez fait depuis que
vous avez été nommée ministre de la jeunesse et des sports, et je voudrais ici
vous rendre hommage pour votre action.
Mme Hélène Luc.
Il ne faut pas seulement lui rendre hommage, il faut aussi lui donner des
crédits !
M. Ivan Renar.
Il ne faut pas réduire les crédits affectés à son ministère !
Mme Hélène Luc.
Cela étant, elle mérite votre hommage, mon cher collègue !
M. le président.
Monsieur Maman, ne vous laissez pas interrompre, fût-ce par Mme Luc !
(Sourires.)
M. André Maman.
Rien ne peut me troubler, monsieur le président, j'ai trop d'expérience !
Mme Nelly Olin.
Très bien !
M. André Maman.
Aujourd'hui, je voudrais mettre l'accent sur ce que le ministère de la
jeunesse et des sports pourrait et, selon moi, devrait entreprendre pour donner
aux jeunes Françaises et Français sportifs de l'étranger les mêmes chances de
pratiquer les sports et les mêmes avantages qu'à leurs camarades de métropole
et des départements et territoires d'outre-mer.
Seul sénateur représentant les Français établis hors de France à intervenir
dans ce débat, je dois d'abord faire remarquer que tous les points abordés, à
l'exception peut-être de la question des buvettes, qui ne se pose pas à
l'étranger
(Rires),
concernent également les Français de l'étranger, notamment la
possibilité tant de pratiquer les sports à tous les niveaux que de participer
aux compétitions locales.
Mes collègues sénateurs représentants les Français établis hors de France et
moi-même allons souvent en mission à l'étranger, à la rencontre des 1 800 000
Françaises et Français expatriés ; aujourd'hui 442 écoles françaises
accréditées par le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie sont réparties à travers le monde. S'y ajoutent 1 300 alliances
françaises et 54 instituts. Nous avons là, madame la ministre, ce que la
francophonie a de plus performant dans le monde !
J'aimerais beaucoup que vous alliez vous aussi à la rencontre de nos
compatriotes expatriés. Vous seriez frappée par leur dynamisme, par leur
volonté et par leur patriotisme. Malgré les distances, ils veulent rester très
proches de la France et souhaitent disposer des mêmes avantages que les
Français de métropole.
Dans les pays où les sports sont largement pratiqués - je pense en particulier
aux Etats-Unis, au Canada, à l'Australie, à la Nouvelle-Zélande, au Brésil, aux
pays de la Communauté européenne - nos jeunes et nos athlètes sont très
sollicités pour participer à des championnats entre établissements scolaires,
entre villes et entre régions.
On a beaucoup évoqué la Coupe du monde de football au cours de laquelle la
France a tant brillé : mais que resterait-il de l'équipe de France si, sur les
22 footballeurs sélectionnés par Aimé Jacquet, à qui je rends ici un grand
hommage, on enlevait les Français de l'étranger ?
(Sourires.)
Je vous invite à réfléchir sur ce point !
Les Français de l'étranger veulent être aidés à développer leurs activités
sportives.
De nombreux sports - football, rugby, basket-ball, natation, gymnastique,
hockey sur glace, pour citer les principaux - sont pratiqués dans les écoles
françaises, à l'instar de qui se passe dans les écoles locales. Simplement,
alors que, dans ces dernières, les cours s'arrêtent souvent vers quatorze
heures trente pour permettre aux élèves de pratiquer un sport, il n'en est pas
de même dans les écoles françaises, dont les programmes sont plus chargés. Les
écoles françaises aimeraient avoir plus de professeurs d'éducation physique
formés en France et plus d'entraîneurs, les leurs étant souvent,
malheureusement, des professeurs bénévoles, pas toujours très compétents.
Nos élèves veulent - c'est d'ailleurs compréhensible - briller dans les
compétitions locales et régionales auxquelles ils participent, pour augmenter
le prestige de leur école.
En dehors des écoles, il existe de nombreuses associations sportives dans les
communautés, surtout dans les villes comptant de fortes concentrations de
Françaises et de Français. On parle de renforcer la vie associative française à
l'étranger, et il est évident que le sport, comme cela a déjà été dit, peut y
contribuer.
A Pondichéry, vivent 15 000 Français. Assez récemment, j'y ai été
chaleureusement reçu par une trentaine d'associations : deux ou trois
associations d'anciens combattants, des associations professionnelles -
enseignants, écrivains, artistes - mais surtout des associations sportives.
J'ai ainsi visité un magnifique club de judo dans lequel la pratique peut
commencer à partir de cinq ou six ans et où tout est fait pour faire prendre
conscience aux visiteurs de l'importance du sport dans la vie de la communauté.
Il existe aussi, à Pondichéry, un magnifique lycée français où un certain
nombre de sports sont également pratiqués.
Toutes ces associations dans le monde ont besoin d'aide financière pour
poursuivre leur travail. La générosité de leurs membres et le mécénat ont des
limites.
Je souhaiterais que le ministre de la jeunesse et des sports dispose d'une
ligne budgétaire, afin que nos ambassades, dans le monde, puissent disposer de
fonds spécialement affectés à l'aide aux associations sportives françaises de
leur circonscription. Ne me répondez pas, madame la ministre, que cela dépend
de tel ou tel autre ministère, rejetant ainsi ma requête qui finira, oubliée,
avec des dossiers abandonnés !
Je vous rappelle que les Françaises et les Français de l'étranger sont
uniquement représentés au Sénat. C'est donc aux sénateurs qu'ils ont élus qu'il
appartient de faire entendre leur voix et de présenter leurs demandes.
J'espère, madame la ministre, que nous serons écoutés.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, j'avais indiqué, il y a un an, qu'il était urgent de
faire repasser au budget de la jeunesse et des sports la barre des 3 milliards
de francs. Cet objectif est atteint.
Avec 3,021 milliards de francs, le projet de budget pour 1999 est en
augmentation de 3,4 %.
Avec le Fonds national pour le développement du sport et le Fonds national
pour le développement de la vie associative, plus de 4 milliards de francs
seront consacrés, en 1999, au sport, à la jeunesse et à l'éducation
populaire.
Ce projet de budget pour 1999 veut répondre aux attentes fortes qui ont été
exprimées à travers le sport et les grands événements sportifs que nous avons
connus ainsi qu'à travers les appels lancés par la jeunesse en 1998, en mettant
en oeuvre quatre grandes priorités : l'emploi, la formation, l'accessibilité et
la citoyenneté.
Le développement de l'emploi et de la formation reste notre priorité numéro 1,
plusieurs d'entre vous l'ont souligné.
C'est autour du dispositif des emplois-jeunes que sera accentuée la
mobilisation du ministère.
Les accords nationaux signés avec les associations sportives et de jeunesse
avec les collectivités devront permettre la création de 28 000 emplois en trois
ans dans les domaines de compétence du ministère.
En même temps, nous avons la responsabilité - et j'y tiens personnellement
beaucoup - de permettre à ces jeunes d'acquérir une formation professionnelle,
condition de la pérennisation de ces emplois, monsieur Herment.
Nous accueillons dans ces emplois-jeunes de la jeunesse et des sports des
jeunes qui, souvent, n'ont pas pu atteindre le niveau du baccalauréat et à qui
nous pouvons ouvrir nos formations d'animation et nos formations sportives pour
leur donner véritablement un métier.
C'est pourquoi, en 1999, nous consacrerons 26,5 millions de francs à cet
objectif d'aide à la formation du dispositif emplois-jeunes. Je crois en effet,
monsieur Joly, qu'il faut chercher à toujours mieux coordonner les initiatives
prises par les différents ministères et, s'agissant des emploi-jeunes, je pense
que le ministère de l'emploi et de la solidarité, sous l'autorité de Mme Aubry,
remplit bien son rôle.
Mais nous avons besoin, c'est vrai, vous l'avez souligné, madame Luc, monsieur
Joly, de travailler - et nous nous y sommes engagés depuis quelques mois - à
une réforme de nos formations, qui ne sont pas toujours adaptées aux besoins
qui se font jour dans les associations et dans les clubs.
Parallèlement au dispositif emplois-jeunes, nous poursuivrons le plan
sport-emploi, avec la création de 300 nouveaux emplois qui porteront à plus de
6 000 le nombre d'emplois-sport créés en trois ans.
Il s'agit d'aider à l'emploi des jeunes âgés de plus de vingt-cinq ans dans le
sport. Ainsi, monsieur Sergent, monsieur Ostermann, les deux dispositifs
emplois-jeunes et plan sport-emploi doivent être complémentaires et j'ai
précisément modifié, l'an dernier, la durée et le montant de l'aide au plan
sport-emploi pour qu'il ne soit pas concurrencé de manière déloyale par le
dispositif emplois-jeunes. Nous avons besoin des deux et les femmes et les
hommes engagés dans les métiers du sport ont besoin, qu'ils soient âgés de
moins ou de plus de vingt-cinq ans, qu'on leur offre des emplois.
S'ajoutera à ces mesures l'ouverture de 132 postes FONJEP supplémentaires. On
observera également que les moyens en personnel du ministère sont stabilisés
pour 1999. Après le budget de 1998, c'est la confirmation de la rupture avec la
spirale des suppressions d'emplois des années précédentes.
Pour un ministère d'intervention comme le nôtre, il y a besoin de plus d'Etat
dans nos services déconcentrés pour soutenir l'initiative de terrain, pour
assurer l'aide à la vie associative.
Dans les services déconcentrés, je crois, monsieur Sergent, monsieur
Ostermann, que nous avons bien avancé dans la coordination entre les directions
régionales et départementales.
Nous allons réunir à nouveau, le 14 décembre prochain, les directeurs
régionaux et départementaux et nous insisterons sur le rôle particulier des
directeurs régionaux pour animer et coordonner l'action du ministère de la
jeunesse et des sports au plan local.
Bien évidemment, monsieur Joly, la Haute-Saône n'est pas le seul département
où des postes ne sont pas immédiatement pourvus lorsqu'ils se libèrent. A cet
égard, nous travaillons à une cartographie plus juste de la répartition des
postes, mais, au-delà de la question des postes non pourvus, je considère que
la création de postes dans les directions déconcentrées devra être sérieusement
envisagée l'année prochaine. Il faudra également répondre aux besoins en
personnel qui apparaîtront à la suite de la mise en oeuvre de la loi relative à
la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.
Développer la citoyenneté sera notre second objectif.
En 1997, 100 000 jeunes ont participé aux rencontres locales organisées par le
ministère. Ils ont eux-mêmes demandé la mise en place de lieux permanents
d'écoute, de propositions et de décisions.
C'est ainsi que sont nés le Conseil permanent de la jeunesse et les conseils
de la jeunesse, créés dans chaque département. Ces conseils disposeront de 3,5
millions de francs pour leur fonctionnement. Ils doivent informer les jeunes,
communiquer, mettre sur pied des initiatives.
Concrètement, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil permanent est
composé de jeunes âgés de seize à vingt-huit ans, et il est constitué de trois
collèges : les représentants d'associations nationales de jeunes, les
représentants d'associations locales, et des personnalités qualifiées, à savoir
des jeunes que nous avons identifiés au cours des rencontres locales.
Je préside personnellement le Conseil permanent et les conseils départementaux
sont animés par les préfets, qui se sont mis à l'oeuvre voilà un an. Des
groupes de travail ont été mis en place sur l'accès aux loisirs et aux sports,
sur la citoyenneté, la formation, la santé, le statut social des jeunes ou la
question de la violence. Ils ont émis des propositions qui sont liées aux
réalités locales : dans les départements ruraux, par exemple, l'accès aux
loisirs et aux sports est différent en raison des problèmes d'organisation des
transports, du coût des déplacements, etc.
Ce travail me semble vraiment intéressant. Les 12 et 13 décembre prochain, je
réunirai une assemblée de ces conseils départementaux pour faire le point sur
leur fonctionnement, sur la mise en oeuvre des cinquante mesures que nous
avions adoptées à Marly-le-Roi et sur les nouvelles propositions qu'ils auront
élaborées.
Par ailleurs, au-delà de l'existence de ces conseils, nous devons soutenir le
réseau associatif de l'information de la jeunesse. C'est pourquoi nous
proposons d'affecter 10 millions de francs au financement d'une mesure
nouvelle. En effet, lors des rencontres locales, une question lancinante est
apparue : alors qu'existent de très nombreux lieux d'information pour les
jeunes, ceux-ci ont le sentiment de ne pas être informés. Ils ont l'impression
d'une information très dispersée, ils cherchent des lieux où ils peuvent
trouver l'ensemble des informations, quel que soit leur problème. Le réseau
associatif de l'information en direction de la jeunesse peut être l'un de ces
lieux ; il faut donc l'aider.
Le développement de la citoyenneté des jeunes peut aussi passer à travers le
sport.
Dans ce domaine, nous avons le souci de ne pas laisser retomber le souffle de
la Coupe du monde. C'est animée de cette volonté que j'ai mis en place avec M.
Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, qui était parmi vous ce matin
pour vous présenter son budget, une opération nationale intitulée « 1, 2, 3...
à vous de jouer ».
Cette initiative a immédiatement reçu le soutien de nombreuses personnalités
du monde sportif et culturel, dont Aimé Jacquet et Robin Renucci, ainsi que des
grandes organisations comme le Comité national olympique et sportif français,
l'Association des maires de France et le Conseil national des associations de
jeunesse et d'éducation populaire.
De quoi s'agit-il concrètement ? Il ne s'agit pas, monsieur Bordas,
d'organiser de grandes initiatives nationales, bien au contraire. Il s'agit
d'apporter notre soutien - notre soutien, c'est-à-dire celui des ministères de
la ville et de la jeunesse et des sports - à des actions et à des animations
impliquant fortement les jeunes au travers d'associations, de clubs sportifs,
de collectivités locales et associant le sport à la solidarité, à la culture,
au livre, à la citoyenneté, à l'ouverture au monde.
Monsieur Ostermann, les projets ne seront pas tous examinés à l'échelon
national, à l'instar de « Cités-foot », qui, pendant la Coupe du monde, a
concerné l'ensemble du pays. En effet, la plupart des projets seront examinés
par des comités de pilotage ou de parrainage à l'échelon départemental, pour
préserver leur caractère de proximité et veiller à ce que ces projets - qui
doivent être nouveaux - associent les jeunes dans un esprit de solidarité et de
fraternité.
Nous avons prévu une quinzaine de millions de francs pour ces projets, mais
nous souhaitons que d'autres partenaires s'y associent. Lors de l'opération «
Esprit Coupe du monde », de grandes entreprises ont ainsi parrainé certains
projets. Je trouve cela tout à fait positif !
Ces initiatives déboucheront non pas sur la finale de la Coupe du monde de
football
(Sourires),
mais sur une grande fête du sport et de la jeunesse, que nous
voulons doter d'une dynamique nouvelle.
La citoyenneté s'exerce encore à travers la vie associative.
Le mouvement sportif foisonne, à la base, de milliers de clubs et se trouve,
au sommet, structuré par les fédérations nationales, revêtant elles-mêmes la
forme d'associations.
Cette richesse - que vous avez rappelée, madame Luc - il convient de la
préserver, de la soutenir. J'ai fait le choix constant, depuis mon arrivée au
ministère, de l'unité du mouvement sportif sans jamais opposer sport de haut
niveau et sport pour tous, sport amateur et sport professionnel.
En 1999, le FNDS et le titre IV du budget de la jeunesse et des sports
verseront 510 millions de francs aux fédérations, au titre des conventions
d'objectifs.
Parallèlement, je proposerai, comme je l'ai déjà fait l'an passé, que la part
régionale du FNDS soit de nouveau augmentée en faveur des petits clubs - de
plus de 7 % - pour atteindre 611 millions de francs.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai le souci que l'argent «
redescende » vers les petits clubs qui en ont tant besoin.
Je partage votre souci, monsieur Herment, quant aux critères de répartition,
ayant moi-même rencontré de nombreux élus ruraux qui m'ont fait part de leurs
préoccupations.
Je crois qu'il faut, bien évidemment en concertation avec le mouvement
sportif, qui cogère le FNDS, examiner ce dossier et avancer de nouvelles
propositions.
Je comprends également l'inquiétude suscitée par les conséquences de la
décision du Conseil d'Etat annulant le décret du 8 août 1996 sur les
dérogations de la loi Evin.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est préoccupant !
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Je rappelle que le recours a été
déposé par la fédération des hôteliers essentiellement pour des motifs de
concurrence déloyale de la part des buvettes dans les clubs.
Dans sa décision, le Conseil d'Etat a estimé que, par l'importance des
dérogations qu'il leur accordait, le décret de 1996 allait à l'encontre de
l'esprit de la loi.
Nous travaillons à d'autres solutions immédiates pour faire en sorte que cette
perte de ressources soit compensée pour les petits clubs.
Enfin, cette décision ne fait que renforcer l'urgence qu'il y a à dégager des
moyens durables en faveur des associations sportives locales.
Nous y travaillons, dans le cadre de la préparation de la loi sur le sport,
par un système de mutualisation de l'argent que génère le sport, notamment à
travers les contrats médiatiques et les contrats de sponsoring liés au passage
à la télévision.
Nous avons le même objectif en ce qui concerne les bénéfices du Comité
français d'organisation de la Coupe du monde : ils seront affectés au
développement du sport de masse, particulièrement le football, par
l'intermédiaire d'une ligne spécialisée du FNDS. Le comité de gestion
spécifique constitué à cet effet fera place à la Fédération française de
football, au vice-président du CFO et à un représentant des maires des villes
organisatrices de la Coupe.
Monsieur Bordas, je ne souhaite pas, quant à moi, que cet argent serve à payer
les conséquences de la concession du Stade de France signée par un précédent
gouvernement. J'ai fait et je continuerai à faire tout mon possible, monsieur
Sergent, pour qu'un club résident vienne enfin animer cet équipement.
Deux raisons expliquent ce choix. D'abord, les 50 millions de francs qui sont
pris sur le budget et versés au consortium seraient mieux utilisés au
développement de l'accessibilité au sport pour tous ; ensuite, un stade comme
le Stade de France a besoin, pour vivre réellement, d'un club qui a son public
pour faire vibrer ce magnifique équipement.
Le renforcement du sport de haut niveau est également ce qui marque ce projet
de budget.
J'affirme en effet que le sport de haut niveau est irremplaçable pour la
culture sportive de ce pays, de par sa capacité d'attraction et
d'entraînement.
Le sport de haut niveau sera renforcé, en 1999, par trente contrats de
préparation olympique, en vue, notamment, des prochaines échéances dont les
Jeux de Sydney, en l'an 2000. On peut estimer à 380 millions de francs l'aide
en encadrement ainsi accordée.
J'ai, enfin, demandé au responsable de la commission « haut niveau » de me
faire des propositions pour améliorer le statut des athlètes, notamment pour
assurer une couverture sociale dont certains ne bénéficient pas.
Comme l'un d'entre vous, j'aimerais que les crédits consacrés au sport de haut
niveau soient inscrits dans le budget du ministère. En effet, le fait qu'une
partie d'entre eux aient été peu à peu transférés sur le FNDS fragilise les
actions durables, dans la mesure où elles sont financées par un compte
d'affectation spéciale. Je rappelle, par ailleurs, qu'à l'origine le FNDS
devait favoriser l'association sportive locale et qu'il convient donc de
corriger peu à peu la situation pour qu'il remplisse de nouveau son rôle
initial.
A la citoyenneté par le sport, il faut ajouter la citoyenneté par les
associations de jeunesse et par l'éducation populaire.
Le renforcement du soutien à la vie associative est, à mes yeux un objectif
prioritaire, et loin de moi l'idée, monsieur Sérusclat, d'opposer les petites
associations aux grands réseaux.
Bien au contraire, je souhaite que s'instaure entre eux une sorte de
parrainage. Les petites associations de quartiers, parfois très fragilisées,
avec des jeunes responsables connaissant eux-mêmes la précarité, ont besoin que
des grands réseaux les fassent profiter de leur expérience, de leur
savoir-faire. D'ailleurs, la Ligue de l'enseignement vient de prendre plusieurs
initiatives en ce sens en prenant en tutorat une série de petites associations.
Je souhaite que ces démarches se multiplient au sein de l'éducation
populaire.
Les mesures sur le bénévolat que je prépare pour 1999 prendront en compte le
rôle d'intérêt général rempli par les bénévoles associatifs. Elles traiteront
des problèmes de la disponibilité, de la reconnaissance et de la
responsabilité, point essentiel pour les élus et les responsables bénévoles.
C'est là une priorité du Gouvernement puisque le Premier ministre organisera
lui-même, à la fin du mois de février 1999, des assises de la vie associative,
où je rapporterai les mesures pour les bénévoles.
Le soutien aux associations de jeunesse et d'éducation populaire sera
conforté, en 1999, par une augmentation de 5,6 % des crédits.
A ce sujet, je partage le souhait qui a été exprimé d'une hausse de la
ressource alimentant le FNDVA. Cette question me paraît pouvoir être posée dans
le cadre de la réorganisation prévue par la circulaire du Premier ministre
signée le 14 septembre 1998.
Cette réorganisation devrait permettre de clarifier, si nécessaire, là aussi
en concertation avec les associations qui cogèrent ce fonds, les critères
d'attribution des différentes subventions.
Monsieur Sérusclat, il est bien évident que la disparition progressive des
objecteurs de conscience pose de véritables problèmes aux associations. Je vois
trois pistes de solution : le projet d'un volontariat civil, en cours de
préparation ; les mesures - je viens de les évoquer - destinées à multiplier
l'engagement bénévole ; enfin, l'accès à l'emploi qualifié, notamment à travers
le dispositif emplois-jeunes dans le mouvement associatif.
Mon troisième objectif, c'est l'accessibilité pour lutter contre toutes les
formes d'exclusion.
A ce titre, j'évoquerai le coupon-sport, le coupon-loisirs, les bourses à la
formation, notamment pour les jeunes qui préparent le BAFA. Il s'agit là non
pas d'une aide cachée aux associations, mais bien d'une aide personnalisée sur
critères de ressources délivrée aux jeunes eux-mêmes.
Le coupon-sport en est aux premières expériences. Le dispositif a encore
besoin de s'améliorer, notamment pour ce qui est de l'information des jeunes
par le mouvement sportif et les élus.
Nous essayons également, pour gagner en efficacité, d'assurer une meilleure
cohérence entre ces mesures sur l'accessibilité prises au ministère de la
jeunesse et des sports, et celles que prennent d'autres ministères, comme celui
de la ville, les caisses d'allocations familiales, les régions, de nombreux
départements. Il faut en effet non pas que les aides convergent toutes vers les
mêmes individus, mais qu'elles répondent aux attentes les plus larges
possible.
MM. Madrelle et Herment m'ont interrogée sur la baisse de la TVA frappant
l'accès aux installations sportives. J'y suis favorable, dans la mesure où
cette disposition est, précisément, de nature à améliorer l'accessibilité des
installations et à créer des emplois.
Vous l'avez souligné, j'ai également souhaité que soit posée avec force la
question du sport féminin, dont le développement est un élément déterminant de
l'impact social du sport.
Enfin, j'entends apporter une aide accrue aux fédérations handisport et sport
adapté. J'ai demandé à M. le Premier ministre que soit entamé un travail
interministériel facilitant l'accès à toutes les pratiques sportives des
personnes touchées par un handicap.
Mon quatrième objectif est le développement des politiques territoriales
contractuelles.
Tout d'abord, en ce qui concerne la préparation de la prochaine génération de
contrats de plan Etat-régions, je peux vous annoncer, presque sous forme de «
scoop », que je viens de faire acter, hier, en réunion interministérielle, un
accroissement extrêmement important de la part contractualisée de nos crédits.
Cette hausse, qui fait que les crédits atteignent 140 millions de francs,
multiplie par six la participation du ministère dans les contrats de plan
Etat-régions. Cela va nous aider, tant au niveau des collectivités que des
ministères, à satisfaire les besoins en équipements et en fonctionnement.
Pour rendre cette politique plus lisible et plus claire, les divers types de
contrats jusqu'ici mis en oeuvre par le ministère - ARVEJ, CAR, LASER, PLAJ,
PLAS, etc. - seront rattachés progressivement, à partir de 1999, à un
dispositif unique : les contrats jeunesse et sports, qui vont disposer de
moyens budgétaires accrus par rapport à 1998.
A l'intérieur de ces contrats, je distinguerai les contrats d'aménagement du
temps et des activités des enfants d'âge scolaire.
En la matière, la « transition » de l'année 1998 a été mise à profit. Le 9
juillet dernier, avec les ministres de la culture, de l'enseignement scolaire
et de la ville, j'ai signé une instruction interministérielle qui définit le
contrat éducatif local.
Ce travail répond, je crois, au souci d'articulation entre ces différents
ministères.
Les rythmes scolaires dépendent, bien évidemment, de l'éducation nationale,
mais nous aurons besoin de travailler ensemble, car les rythmes scolaires et le
périscolaire ne peuvent faire l'objet de démarches parallèles. Je crois que
nous avançons ainsi dans le bon sens.
A ce propos, madame Luc, les travaux d'une commission mixte, en place depuis
déjà plusieurs mois, progressent vite sur la question des passerelles
nécessaires entre les filières universitaires d'éducation physique - cela
concerne 33 000 étudiants et 1 500 places au CAPES - et les brevets
professionnels. Il faut que les jeunes concernés puissent choisir un
débouché.
Je veux insister, enfin, sur la nécessité, que vous avez tous soulignée, de
l'aide à la réhabilitation, tant des centres de vacances associatifs que du
patrimoine sportif.
L'Etat ne peut pas se désengager de l'effort extraordinaire qui est demandé
aux collectivités locales en matière de réhabilitation, de respect des normes
et de la sécurité.
Je vais d'ailleurs engager le débat avec le mouvement sportif, notamment avec
les fédérations internationales, sur la question des normes exigées par ces
mêmes fédérations internationales sans consultation des élus, qui sont pourtant
les payeurs dans cette affaire.
Nous avons, en fait, augmenté les moyens destinés à cette réhabilitation des
équipements en recyclant tout ce qui avait été utilisé pour la Coupe du monde
de football en matière d'équipement et de mise aux normes de nos stades.
A propos du FNDS, je tiens à préciser, puisque j'ai entendu parler d'une
sous-consommation de ses crédits, que, pour 1998, la dotation disponible, qui
s'élevait, compte tenu des reports de 1997, à 1,36 milliard de francs, aura été
consommée à 96,4 %, soit 999 millions de francs de dépenses engagées à ce
jour.
Je ne m'attarde pas sur la lutte pour la santé des sportifs et contre le
dopage puisque nous y consacrerons, mercredi prochain, un débat tout à fait
important. Je signale simplement que les moyens affectés à la lutte contre le
dopage seront accrus de 58 %.
Bien évidemment, comme vous l'avez souligné, madame Luc, tous ces efforts
budgétaires, ces choix, ces options ne trouveront une pleine cohérence que si
nous réussissons, au terme de la longue concertation que nous avons menée à
travers les forums sportifs, à faire examiner, ici même et à l'Assemblée
nationale, la loi sur le sport.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le budget que je vous présente est, à mes
yeux, l'expression d'une politique qui vise à faire progresser l'éthique, la
citoyenneté et à donner au mouvement associatif les moyens de son action.
(Applaudissements.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la jeunesse
et les sports et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 51 000 239 francs. »
Par amendement n° II-33, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de réduire ces crédits de 31 924 288 francs.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pour l'examen de ce projet de budget, la majorité
sénatoriale a adopté une stratégie d'ensemble qui s'applique nécessairement à
tous les départements ministériels. Ce n'est donc pas, madame le ministre, pour
des raisons d'opposition de principe ou de doctrine que nous avons déposé cet
amendement, qui a pour objet, au titre III, d'opérer une réduction de 1 % des
crédits de personnels et de 5 % des crédits de fonctionnement.
S'agissant des crédits de personnels, qui sont l'occasion d'évoquer certaines
considérations de structure au sein des services de l'Etat, je me permettrai
d'ailleurs, comme le faisait l'un de nos collègues en commission des finances,
voilà quelques semaines, d'évoquer, au sein des services déconcentrés de votre
ministère, l'existence persistante de directions régionales et de directions
départementales de la jeunesse et des sports dont les compétences respectives
ne sont peut-être pas toujours d'une extrême clarté, pour les collectivités
territoriales en particulier.
Dans ce domaine, et pour l'avenir, ne serait-il pas concevable d'opérer
certaines simplifications ?
Notre amendement est à la fois un amendement lié à notre analyse générale du
projet de budget et un amendement d'appel visant à montrer que, dans tous les
domaines, la réforme de l'Etat est nécessaire.
J'ajoute que, s'il était adopté, dans la mesure où il s'applique à un titre
III dont le montant global est de 1,9 milliard de francs et dont la
progression, telle qu'elle est affichée dans le projet de loi de finances, est
significative, les crédits de ce titre III resteraient tout de même en
progression.
Il convient également de rappeler que, si la réduction proposée est appliquée
- nous en avons fait la vérification - la progression restante permettra de
tenir compte des accords qui sont intervenus sur la revalorisation des
rémunérations et de l'accord salarial dans la fonction publique.
Voilà, mes chers collègues, les quelques éléments d'appréciation que la
commission des finances souhaitait vous donner à l'appui de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Le Gouvernement est défavorable à
cet amendement.
Comme j'ai essayé de le dire brièvement tout à l'heure afin de ne pas allonger
excessivement mon intervention, notre ministère est un ministère de proximité.
Dans nos directions déconcentrées, travaillent des hommes et des femmes qui ont
un rôle de conseil et de contrôle de la vie associative, un rôle d'aide à
l'initiative des jeunes et des mouvements sportifs.
Or la plupart de ces directions déconcentrées ont actuellement atteint le
point de non-retour quant au nombre de postes, de sorte que, faute de moyens
humains, elles parviennent difficilement à assumer les missions de contrôle et
de sécurité à l'égard des centres de loisirs.
Je pense donc que ce ministère souffre non pas d'un excès de personnel, mais
d'un défaut de personnel. Sans doute n'est-il pas inutile de vous rappeler que,
ces dix dernières années, c'est le ministère qui a perdu - relativement bien
entendu, puisque nous sommes un petit ministère - le plus de personnels.
Cet amendement concerne en outre, non seulement les contrats de préparation
olympique, mais également les moyens en personnel du Conseil de prévention et
de lutte contre le dopage.
Avec cet amendement, vous ne vous attaquez donc pas au train de vie de l'Etat,
mais à des crédits qui sont nécessaires pour répondre à l'attente du monde
sportif, de la vie associative et de la jeunesse.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-33.
Mme Hélène Luc.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
J'espérais encore, messieurs Lambert et Marini, que vous reviendriez sur vos
amendements de suppression tant votre attitude est illogique. Elle l'est à la
fois compte tenu de l'appréciation que vous avez portée sur le bilan du
ministère de la jeunesse et des sports et compte tenu du discours tenu chaque
année par la commission des affaires culturelles sur l'insuffisance du budget
de la jeunesse et des sports.
La logique qui a prévalu jusqu'à présent dans l'examen du projet de budget
pour 1999, défendue par la majorité sénatoriale et qui consiste à réduire les
crédits ministériels, va s'appliquer au budget de la jeunesse et des sports.
Les amendements que vous nous proposez d'adopter prévoient, mesdames,
messieurs de la majorité, de réduire de près de 32 millions de francs -
dépenses des personnels - les moyens des services du ministère, et de plus de
10 millions de francs les interventions de l'Etat.
Cette logique comptable que vous préconisez en matière de dépenses publiques
n'est pas conforme aux choix de progrès portés par notre société.
L'ensemble des budgets ministériels relevant des missions fondamentales de
l'Etat et porteurs de transformations sociales sont frappés de ce même anathème
: « contribution à l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat... ».
Mais pour qui les efforts ? Je vous le demande ! Les jeunes paient aujourd'hui
un tribut toujours plus lourd à cette société fondée sur la maîtrise des
dépenses. Leur maîtrise à eux est faite de précarité, d'exclusion, de « galères
» comme ils le disent eux-mêmes ! Il faut penser à ces jeunes, mesdames,
messieurs de la majorité, plutôt que de s'entêter à adopter une attitude
d'opposition systématique au gouvernement en place.
Le ministère de la jeunesse et des sports inscrit 26,5 millions de francs pour
la formation des emplois-jeunes : cette démarche devrait être soutenue.
Est-ce encore trop ? Peut-on sacrifier au dogme de la maîtrise des dépenses
publiques la santé des sportifs quand nombre d'entre eux sont directement
menacés par le dopage ?
Un grand nombre de mes collègues de la commission des affaires culturelles,
appartenant à la majorité sénatoriale, ont évoqué le coût pour les
collectivités locales de la mise en conformité des installations sportives.
Est-ce les subventions du ministère au bénéfice des collectivités qu'il faut
amputer ?
Si nous n'y prenons garde, mes chers collègues, notre société mourra de cette
logique seulement financière et économique qui dessert l'emploi, qui desservira
la croissance et qui dessert enfin le progrès en multipliant les ravages
précisément parmi notre jeunesse vulnérable dans notre société.
Nous avons, quant à nous, parce que nous sommes soucieux de l'équilibre de nos
finances, proposé des ressources nouvelles, mais vous les avez refusées.
Nous appelons pour notre pays d'autres desseins que cette course effrénée aux
économies. Nous voulons pour les jeunes autre chose que l'exclusion, la
violence, le repli sur soi et le mal vivre.
Ces choix-là, qui d'autre que la puissance publique peut les mener, investie
qu'elle est d'une mission et d'une responsabilité particulières à l'égard de
tous ceux qui la composent ?
En conséquence, c'est résolument que nous voterons contre les amendements qui
nous sont proposés et pour lesquels nous demandons un scrutin public.
M. Franck Sérusclat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Franck Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
L'argumentation de notre collègue M. Marini est assez étonnante !
Si je comprends bien ce qu'il a voulu dire, il n'y a pas de raison formelle de
réduire les crédits de votre budget, madame la ministre, mais il a été décidé
de réduire les crédits de tous les budgets. C'est une position systématique,
idéologique
(Protestations sur les travées du RPR),...
M. Joseph Ostermann.
Mais non !
M. Franck Sérusclat.
... qui est suivie de façon continue, même sans raison.
(Nouvelles
protestations sur les mêmes travées.)
Votre réaction prouve que ce que je dis est vrai !
Mais nous savons, nous aussi, réagir lorsqu'il le faut et là, me semble-t-il,
la démarche est claire et patente.
Tout à l'heure, M. Marini a avancé comme argument le fait que la croissance du
PIB serait de 2,7 %. Or la décision de réduire les crédits de tous les budgets
a été prise bien avant de connaître ce taux. C'est la seconde fois que je le
surprends à user d'une argumentation fragile et de circonstance.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Oh !
M. Franck Sérusclat.
M. Marini a d'ailleurs avoué ses difficultés à trouver un argument pour
justifier la réduction de crédits qu'il propose.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Votre entendement est sélectif !
M. Franck Sérusclat.
Et quelle réduction ! Vous ne disposez plus, madame la ministre, que de 20
millions de francs au lieu des 51 millions de francs qui étaient inscrits au
budget de la jeunesse et des sports et qui sont pourtant nécessaires. M. le
rapporteur général le sait très bien d'ailleurs, qui demandera dans quelque
temps que, dans tel ou tel secteur de son département, soit affecté un tel ou
un tel ; non pas parce qu'il tient à ces personnes-là, mais parce que le besoin
s'en fait sentir.
Nous sommes devant une contradiction politique majeure et fort désagréable.
C'est la raison pour laquelle nous avons demandé un scrutin public. Nous
voterons contre l'amendement et, puisque nous risquons d'être battus, nous ne
pourrons pas voter ce budget - alors que nous partageons toutes les initiatives
prises par Mme la ministre - car nous ne pouvons pas voter un budget amputé,
sinon ce serait approuver la position adoptée par la droite du Sénat.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Joseph Ostermann.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
J'entends des propos qui sont difficiles à assimiler en cette fin de samedi
après-midi, où l'on évoque l'attitude de l'opposition qui serait
idéologique.
S'agissant de vie associative et de sport, ces remarques me semblent
particulièrement déplacées, alors que nous nous occupons tous de la jeunesse et
de la vie associative dans nos communes.
J'ai été ce matin interpelé à deux reprises par Mme Luc et je me permettrai
quelques réflexions.
J'ai été élevé dans l'économie et, dans ce monde, seules les valeurs
comptables tiennent : c'est l'équilibre budgétaire et la réalité qui
prévalent.
Mme Luc nous a demandé ce matin d'aller expliquer notre position aux
associations sportives. Je suis prêt à expliquer la position de la commission
des finances mais, en retour, je souhaite que celles et ceux qui nous
critiquent ouvrent le rapport de l'excellent rapporteur général, M. Marini, à
la page 52. Ils y trouveront la vérité comptable : 518 milliards de francs
d'emprunts supplémentaires cette année. Non seulement le Gouvernement augmente
la dette publique de 236,5 milliards de francs, mais il y ajoute 68,7 milliards
de francs de déficit de fonctionnement, ce qui est, reconnaissez-le, peu
courant.
En outre, 282 autres milliards de francs sont empruntés pour rembourser les
emprunts du passé. C'est quelque peu gênant d'aller expliquer cela aux jeunes.
Il n'est pas aisé de dire aux bambins qui pratiquent un sport que, demain, ils
devront rembourser les emprunts que nous ne sommes pas capables de rembourser
aujourd'hui. Comment y parviendront-ils, tant du point de vue économique que du
point de vue de la gestion ?
Enfin, madame le ministre, admettez qu'un maire ou qu'un chef d'entreprise
soit dans cette situation : il serait au minimum mis en examen. Pourtant, vous
nous conseillez de continuer sur cette lancée !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je me tourne vers vous, madame
la ministre, avec beaucoup de délicatesse, en tout cas toute celle dont je suis
capable, parce que votre personne l'appelle et que vous savez parler de ces
questions avec beaucoup de modération.
Vous êtes la ministre de la jeunesse. Or chaque fois que nous dépensons un
franc de plus et que nous le finançons par l'emprunt, nous faisons payer ce
franc par les jeunes.
M. Joseph Ostermann.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
De quel honneur pouvons-nous
nous prévaloir en dépensant un franc sans en prévoir le financement et en en
faisant supporter le remboursement à nos enfants ? Non, nous n'avons pas le
droit de faire cela aux jeunes.
Vous vous battez, madame la ministre, et M. le rapporteur général et moi-même
avons tout à l'heure applaudi à la fin de votre intervention, parce que votre
engagement mérite le respect et, dans certains domaines, notre soutien,...
Mme Hélène Luc.
Mais voilà !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... que nous ne ménageons
pas.
M. le rapporteur général a fait une proposition extrêmement modérée à votre
collègue du budget, en lui indiquant que l'occasion nous était enfin donnée, en
1999, de ne pas alourdir encore notre dette par rapport au produit intérieur
brut.
M. le rapporteur général a ajouté que nous pouvions y parvenir en réduisant le
déficit budgétaire de seulement 14 milliards de francs, et il a demandé à M. le
secrétaire d'Etat au budget d'indiquer simplement au Sénat où il préférait que
ces économies soient réalisées. Il suffisait que le Gouvernement choisisse le
poste où cette réduction de crédits apparaîtrait le moins dommageable. En
effet, le Sénat ne prétend pas imposer une solution à l'exécutif. Or, M. le
secrétaire d'Etat au budget lui a répondu d'appliquer l'ordonnance organique de
1959 dans ce qu'elle a de plus aveugle, en particulier son article 47,
c'est-à-dire que nous devrions opérer les réductions de crédits par titre et
par chapitre.
Mais vous savez très bien comment s'organise un budget, madame la ministre,
puisque vous venez de nous présenter le vôtre. Nous ne voterons pas aujourd'hui
93 % des crédits de votre projet de budget, puisque M. le rapporteur général
nous les proposera à l'article 44, et nous ne pouvons donc réaliser des
économies pour aboutir à une réduction du déficit public de 14 milliards de
francs que sur les modestes crédits qui sont en discussion cet après-midi. En
effet, contrairement à ce que veulent bien dire nos collègues, nous ne parlons
pas de la totalité de votre projet de budget.
Mes chers collègues, à l'article 44, M. le secrétaire d'Etat au budget nous
proposera de voter 1 844 milliards de francs de services votés et on nous
demandera en un instant, simplement en levant la main, de nous prononcer sur
ces 1 844 milliards de francs de services votés sur lesquels nous n'aurons pas
un mot à dire !
Or, si M. le secrétaire d'Etat au budget avait bien voulu diminuer de 14
millions de francs les dépenses sur ce budget, nous n'aurions pas cette
discussion cet après-midi et, madame la ministre, vous n'auriez pas le
sentiment que nous nous attaquons aux crédits de votre ministère plus
particulièrement qu'à d'autres.
Un sénateur socialiste.
Ce n'est pas vrai !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Tel est le choix de votre
gouvernement, tel est le choix de M. le secrétaire d'Etat au budget.
En tout état de cause, sachez que c'est vraiment parce que nous n'avons pas pu
faire autrement que nous procédons ainsi.
Pour ce qui nous concerne, nous pensons que la meilleure action que nous
puissions faire pour la jeunesse, c'est d'assumer les dépenses de notre
génération et de cesser enfin de renvoyer sur les générations futures la charge
de dépenses que nous avons décidées, mais que nous n'avons pas accepté
d'assumer.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-33, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe
socialiste et, l'autre, du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
40:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 215 |
Contre | 99 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 84 110 000 francs. »
Par amendement n° II-34, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de réduire ces crédits de 10 137 200 francs.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est un amendement de même philosophie que le
précédent, mais il porte sur un montant moindre, puisqu'il vise à réduire les
crédits d'environ 10 millions de francs, à comparer avec le montant des
dotations figurant au titre IV, qui s'élevait à 1 milliard de francs dans le
projet initial.
Il faut rappeler que, si cet amendement est accepté, le titre IV n'en
progressera pas moins de 30 millions de francs.
Il faut également rappeler, madame le ministre, que le collectif budgétaire
dont nous allons être prochainement saisis conduit à constater, sur les crédits
du ministère de la jeunesse et des sports comme sur ceux d'autres ministères,
des réductions, c'est-à-dire des annulations de crédits prononcées en cours
d'exercice.
J'ai ainsi relevé qu'au chapitre 43-91 relatif au sport, à l'issue du
collectif budgétaire, les crédits diminueront de 15 millions de francs pour
l'année 1998, ce qui constitue, si je ne me trompe, une baisse supérieure à
celle que nous avions adoptée, dans des circonstances analogues, l'année
dernière.
Ces quelques précisions ont pour objet de relativiser, s'il le fallait, la
portée de nos votes.
Je voudrais ajouter maintenant deux considérations de portée générale.
Notre collègue M. Sérusclat a évoqué le contexte économique général et la
croissance. Ainsi qu'il a été dit ce matin à l'occasion de la discussion d'un
autre budget, la majorité sénatoriale n'a pas voulu retenir d'autres hypothèses
économiques que celles qui ont été retenues par le Gouvernement.
Nous sommes cependant bien obligés de constater que c'est le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie lui-même qui indique que nous ne
sommes peut-être plus sur un chemin de croissance à 2,7 % du produit intérieur
brut, ce qui naturellement, en cours d'année, si une telle nouvelle venait à se
confirmer, conduirait, madame le ministre, à des annulations de crédits,
vraisemblablement d'un ordre de grandeur égal ou supérieur à ce que la majorité
sénatoriale propose aujourd'hui.
Enfin, même si les considérations comptables ne sont pas les seules dont nous
devions débattre, et j'en conviens, il n'en reste pas moins qu'il faut
affronter certaines réalités.
M. le président de la commission des finances a dit sur ce sujet, sur
l'endettement des générations futures, ce qu'il faut retenir et ce qui est
essentiel. Mais il est d'autres débats qui vont nous obliger à admettre une
réalité ingrate.
Je ne citerai qu'un exemple, les retraites, sur lesquelles le commissaire au
Plan vient de transmettre un rapport aux organisations professionnelles.
Madame le ministre, mes chers collègues, pour la première fois depuis de
longues années, dans un document officiel, la perspective envisagée, c'est
l'allongement de la durée de la vie active, c'est-à-dire l'éventualité de
repousser au-delà de 60 ans la liquidation des droits à la retraite du régime
général et dans les conditions de droit commun.
Si des problèmes de cette nature sont posés et si on les soumet au débat,
c'est bien qu'ils reposent sur une réalité et sur des éléments concrets que
nous devons prendre en compte, les uns et les autres, quelles que soient nos
opinions respectives.
C'est donc dans ce contexte que la commission des finances, en ce qui concerne
le titre IV du budget de la jeunesse et des sports, vous propose l'amendement
n° II-34.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Si vraiment cet amendement ne va
presque rien enlever à ce titre IV, ainsi que le dit M. le rapporteur général,
s'il représente si peu de choses, on peut se demander pourquoi la commission
des finances l'a déposé !
Plus sérieusement, je dirai que le Gouvernement, bien sûr, y est
défavorable.
Je remercie l'ensemble des intervenants, toutes sensibilités confondues,
d'avoir apporté leur soutien à la lutte contre le dopage, au développement de
la vie associative et du sport notamment. Mais je note que, par ce soutien, ils
nous demandent de dégager des moyens financiers.
Or, au titre IV, ils nous proposent de réduire les crédits qui touchent les
postes FONGEP, le soutien à la vie associative et au mouvement sportif, la
protection de la santé des sportifs, l'accès au sport, les coupons sport-loisir
? Ce serait regrettable.
Je ne fais jamais de triomphalisme à propos de ce budget, et, si je constate
que, pour la première fois depuis dix ans, il est en augmentation et qu'il
figure parmi les budgets prioritaires, je reconnais que nous n'avons pas encore
les moyens de répondre aux attentes du mouvement associatif et sportif, et des
jeunes.
Je pourrais citer bien des exemples pour illustrer mon propos. Je me bornerai
à parler de la santé des sportifs. Aujourd'hui, grâce à ce projet de budget
pour 1999, nous pouvons suivre sérieusement un peu plus de 600 sportifs. Or,
des sportives et sportifs de haut niveau, il y en a 5 000. Pourquoi,
d'ailleurs, se limiterait-on à ces derniers ? Nous devons en effet nous
intéresser également aux jeunes amateurs, notamment.
Si cet amendement est si relatif, il est donc déposé pour des motifs
politiques.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est une question de proportion
!
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Or, selon moi, ce ministère, qui
joue un rôle considérable, n'a pas besoin qu'on lui ampute ses moyens !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-34.
Mme Hélène Luc.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Lors de mon intervention dans la discussion générale de ce projet de budget,
j'avais proposé, au nom de mon groupe, que 50 % du produit de la croissance -
et les propos que vous avez tenus aujourd'hui ne m'ont pas fait changer d'avis,
monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des
finances, ces fruits de la croissance existent - soient utilisés pour remettre
la machine en route, par l'augmentation de la consommation et la création
d'emplois. Alors que, je le rappelle, 15 % seulement de cette croissance sont
utilisés pour financer l'augmentation des dépenses, la majorité sénatoriale
veut diminuer encore des crédits déjà insuffisants.
Puisque, aujourd'hui, c'est la journée consacrée au Téléthon, je voudrais
évoquer ce qui s'est passé à Choisy-le-Roi et qui se passe d'ailleurs dans
toutes les villes de France, mais qui a directement trait au sport.
Les animateurs de la jeunesse et des sports, qui ont pu le faire parce qu'ils
disposaient de personnel, ont aidé un club de voile à se développer à
Choisy-le-Roi, où nous avons la chance de posséder un très grand plan d'eau. Et
ils sont aujourd'hui trois cents à voguer sur le plan d'eau. Pendant trente
heures, ils se battront pour aider les jeunes en difficulté.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Voilà de la générosité sincère,
qui n'a pas besoin de l'argent des générations futures !
Mme Hélène Luc.
C'est de la générosité sincère, mais il faut des crédits pour cela.
Je ne supporte pas que l'on veuille réduire les crédits relatifs à ces postes
d'éducateur sportif, alors que l'on manque encore de personnels de
proximité.
Pour aider ces jeunes des cités qui ont envie de faire du sport et qui sont
souvent en échec scolaire, il faut des éducateurs spécialisés, des
moniteurs.
Si l'on croit aux effets bénéfiques du sport - moi, j'y crois, et la Coupe du
monde a bien montré que j'avais raison - donnons les moyens au ministère de la
jeunesse et des sports de mener la politique dont la France et les jeunes ont
besoin.
M. Franck Sérusclat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
Après l'intervention de Mme la ministre, le problème a été très nettement posé
de la contradiction fondamentale qui existe entre les souhaits, voire les
demandes, exprimés dans les interventions des uns et des autres et les
conséquences d'une telle réduction des crédits de ce ministère !
J'ajouterai un autre paradoxe : celui qui ressort des interventions du
président de la commission des finances, M. Lambert, et du rapporteur général,
M. Marini, paradoxe qui fait état de leur souffrance morale !
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président de la commission a commencé par dire qu'il avait le souci
de respecter les positions de Mme la ministre, et Mme la ministre elle-même.
Mais respecter, c'est déjà accepter !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous sommes courtois !
M. Franck Sérusclat.
Quand on veut contrarier, on ne respecte plus !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je n'ai pas envie de tirer des
chèques sur le compte de mes enfants !
M. Franck Sérusclat.
En fait, il fait état d'un tourment profond, car il est obligé d'appliquer une
règle générale à un moment où il a évidemment bien conscience qu'elle tombe
mal, qu'elle s'applique à faux.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Mais vous tirez des chèques sur
le compte de vos enfants !
Mme Hélène Luc.
Il y a de l'argent ailleurs ! N'en prenez pas sur ces crédits !
M. Franck Sérusclat.
Monsieur le président, vous relirez calmement vos propos et vous constaterez
que vous avez fait état de ce tourment et de cette souffrance qui sont les
vôtres, à savoir d'être obligés d'appliquer de façon générale une décision de
principe purement politique qu'il vous faut assumer ! Il n'y a d'ailleurs pas
de raison que vous n'en assumiez pas les conséquences !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Dans votre commune, vous appliquez des principes
généraux à votre budget !
M. Franck Sérusclat.
Vous n'auriez pas fait cette même démarche si le Gouvernement n'était pas
celui de la gauche plurielle !
(Nouvelles exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
C'est évident !
Au contraire, vous auriez adopté sans rien dire les propositions faites par
ledit gouvernement, même si elles avaient été identiques à celles d'aujourd'hui
!
Je me permets d'insister, même si Mme la ministre a déjà expliqué les
conséquences directes d'une telle baisse de crédits, sur le fait que,
effectivement, le nombre des postes FONJEP va être réduit.
Cela va surtout diminuer la participation du ministère à la protection de la
santé des sportifs, à la lutte contre le dopage, à l'accessibilité des
activités sportives et associatives - je pense au coupon-sport, au
coupon-loisirs et au ticket-sport - autant d'éléments qui sont vraiment
perceptibles pour chaque individu !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est un moulinet qui tourne
!
M. Franck Sérusclat.
Mais, monsieur, moi aussi je dis ce que je pense, tout comme vous l'avez fait
vous-même tout à l'heure !
Ce n'est pas un moulinet qui tourne ! C'est une réflexion qui se veut juste !
Et je regrette de devoir vous le dire, mais c'est votre réflexion - relisez-là
! - qui me permet de tenir ces propos !
Voilà la raison pour laquelle, cette fois encore, nous voterons contre cet
amendement. Mais comme la majorité de droite du Sénat va l'adopter, nous allons
devoir voter contre un projet de budget qui est pourtant le reflet de projets
excellents, lesquels ne pourront être concrétisés par vote faute en raison d'un
manque de moyens !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-34, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe
socialiste et, l'autre, du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
41:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 215 |
Contre | 99 |
Mme Hélène Luc. Heureusement, l'Assemblée nationale rétablira les crédits !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 54 710 000 francs ;
« Crédits de paiement : 31 332 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 67 206 000 francs ;
« Crédits de paiement : 67 206 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la jeunesse et les sports.
Mes chers collègues, avant d'aborder l'examen des dispositions du projet de
loi de finances concernant la culture, je vous propose d'interrompre nos
travaux quelques instants.
(Assentiment.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures
quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Culture
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la culture.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
ministre, mes chers collègues, le budget qui nous est proposé pour le ministère
de la culture en 1999 est relativement confortable : avec 15,67 milliards de
francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, il augmente de 3,46 % par
rapport à l'année qui se termine, donc de plus de 546 millions de francs, soit
nettement plus que les 2,2 % retenus par le Gouvernement pour le budget de
l'Etat en général. C'est dans l'ordre des faveurs le neuvième budget et l'on
frise, avec 0,941 %, 0,976 % hors effets de structure dus aux rebudgétisations,
le mythique 1 %.
Pour les dépenses d'équipement, la présentation est un peu moins brillante :
3,52 milliards de francs pour les autorisations de programme, soit moins 4,91 %
par rapport à 1998, qui a vu, il est vrai, un rattrapage de 20 %.
La Haute Assemblée se souvient certainement du valeureux combat de mon éminent
prédécesseur, Maurice Schumann, pour augmenter de 70 millions de francs les
dépenses en faveur du patrimoine qui sont, hélas !, en grande partie annulées
par les gels de crédits sur la loi de finances de 1997.
Notons que, pour l'année 1998, l'effet de régulation budgétaire a été plus
mesuré : moins 0,4 %. Globalement donc, madame la ministre, on peut considérer
que vous vous en êtes bien tirée.
Mais ce qui compte dans un budget, ce n'est pas seulement la masse, ce sont
aussi les priorités. A une époque où, dans la culture comme dans le reste, il
faut dépenser mieux plutôt que dépenser plus, vous présentez un profil bas qui
est plutôt sympathique... Vous faites peu de déclarations tapageuses et vous
essayez de faire au mieux en dépit des crises qui agitent ce secteur
sensible.
Les ministres de la culture sont une spécialité française qu'on tend à imiter
: même les Allemands s'y mettent. Dans ce poste, on hésite toujours entre deux
modèles : ministre de la parole, voire du prophétisme, et quelquefois de
l'apparence, ou bien secrétaire d'Etat aux beaux-arts un peu amélioré. Vous
n'êtes, madame, ni André Malraux, ni Jack Lang, ni non plus l'honorable André
Cornu, de la IVe République.
Vous avez, comme tous vos prédécesseurs, deux missions essentielles :
conserver l'acquis et encourager la création.
A lire votre budget ou vos déclarations, il est difficile de dire de quel côté
vous penchez. Peut-être pensez-vous que cette dichotomie est artificielle.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je recherche
l'équilibre.
M. Yann Gaillard,
rapporteur spécial.
Les deux principales réformes administratives que
vous venez de mener à bien concernent en effet et le patrimoine et l'art en
mouvement. Vous avez supprimé deux postes de directeur, ce à quoi nous ne
pouvons qu'applaudir, pour constituer deux grands ensembles : la direction de
l'architecture et du patrimoine, d'une part ; celle de la musique, de la danse,
du théâtre et des spectacles, de l'autre.
La première de ces fusions a été bien accueillie, car il est logique de penser
la création architecturale à l'intérieur des ensembles immobiliers qu'il s'agit
de conserver et d'embellir.
La seconde a pour elle la logique administrative : les mêmes techniques de
subventionnement sont à l'oeuvre, les mêmes lieux accueillent les
manifestations et les oeuvres d'aujourd'hui sont souvent syncrétiques, mêlant à
la fois musique, danse et expression chantée ou parlée. Néanmoins les
musiciens, en tout cas ceux de la musique dite classique, ont fait la grimace :
M. Marcel Landowski, qui a beaucoup oeuvré pour le rattrapage de la France
musicale, s'est demandé à haute voix ce que sont ces musiques actuelles qui
semblent avoir vos complaisances.
En si bon chemin, vous avez entrepris aussi de rationaliser un peu votre
maison. Vous vous munissez d'un établissement unique chargé de la maîtrise
d'ouvrage de travaux culturels, l'EPMOTC, né de la fusion de l'établissement
public du grand Louvre, qui achève sa tâche, et de la mission
interministérielle des grands travaux. Et vous avez décidé de réduire vos sites
centraux de seize à trois, désormais proches les uns des autres, opération qui
se voit doter, en 1999, de 84,6 millions de francs, le coût total, études et
travaux, du nouvel immeuble « Saint-Honoré Bons Enfants » étant estimé à près
de 400 millions de francs, ce qui n'est pas rien.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Non, ce n'est pas rien !
M. Yann Gaillard,
rapporteur spécial.
Ces aménagements administratifs, dont l'intention est
certainement louable, ont, soit dit en passant, deux inconvénients, que le
rapport écrit analyse en détail : des modifications de la nomenclature
budgétaire, qui rendent parfois difficile la comparaison d'une année sur
l'autre, donc le contrôle du Parlement, d'une part, un goût excessif de la
transversalité et des dénominations imprécises, d'autre part. A la direction de
l'architecture et du patrimoine, vous avez créé un service de la connaissance,
de la conservation et de la création ainsi qu'un service des enseignements, des
publics et des réseaux. Tout cela n'est guère conforme aux principes de
simplicité qu'enseignait Robert Catherine dans son classique traité sur le
style administratif.
Dans la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles,
tout est résolument transversal : création et activités artistiques,
enseignement et pratiques artistiques, d'une part, formation professionnelle et
entreprises culturelles, de l'autre, telles sont les sous-directions.
Il faut descendre au niveau des bureaux et des trois comités, au rôle et aux
pouvoirs mal définis, pour retrouver les disciplines musicales, chorégraphiques
et théâtrales, qui méritent quand même quelque approche spécifique.
Il m'a fallu un entretien avec votre nouveau directeur, M. Dominique Wallon,
dont la compétence et la passion culturelle sont bien connues, pour tenter
d'approcher la part de ces disciplines - tenter seulement, car la
déconcentration au profit des DRAC, les directions régionales des affaires
culturelles, par ailleurs fort souhaitable, complique l'analyse. Je vous
renvoie sur ce point aux pages dix-sept et suivantes de mon rapport écrit.
Si, en dépit de ce flou, j'essaie de préciser quelles sont les lignes de force
de ce projet de budget, il me semble s'en dégager trois.
La première, incontestablement, tient aux réévaluations indiciaires de votre
personnel. Ces dépenses, qui augmentent de 4,8 %, ne comportent pas de
créations d'emplois. Aux mesures générales découlant des protocoles de la
fonction publique, d'un montant de 31,7 millions de francs s'ajoutent 19,2
millions de francs de mesures spécifiques à la rue de Valois.
Tous les corps ou presque sont ainsi « repyramidés » et avantagés : cela va
des directeurs régionaux des affaires culturelles et des conservateurs du
patrimoine aux corps de surveillance et de gardiennage, en passant par les
maîtres-assistants des écoles d'architectures, les attachés d'administration,
les architectes urbanistes, les ingénieurs de services culturels, etc.
Je pense, madame la ministre, que vous avez eu beaucoup de chance d'obtenir
l'accord du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie pour cette
avalanche de mesures,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En effet !
M. Yann Gaillard,
rapporteur spécial.
... et je vous en félicite.
Il faut noter une mesure intéressante relative à la réduction de l'emploi
précaire, qui concerne 450 agents sous contrat à durée déterminée.
La deuxième priorité - mais comment pourrait-il en être autrement au ministère
de la culture ? - concerne le patrimoine. Elle est relativement modeste - ses
crédits croissent de 2,54 % - si on compare ce chiffre à l'augmentation globale
de vos moyens, qui est d'un point supérieure.
Est-ce à dire que le patrimoine est sacrifié ? Porter un tel jugement serait
excessif, si l'on considère le chapitre 56-20, qui concerne le patrimoine
appartenant à l'Etat, où les autorisations de programme augmentent de 22,2 %.
C'est pourtant bien le cas si l'on considère le chapitre 66-20, qui concerne
les subventions d'investissement, dont les autorisations de programe diminuent
de 33,6 %. Or ce chapitre intéresse aussi bien les églises de campagne,
problème lancinant et souvent insoluble des communes rurales, que les châteaux
privés, mais ouverts au public.
S'agissant des églises, je prendrai l'exemple de mon département, où elles
sont presque toutes bâties en craie. Leur espérance de vie est de 400 ans,
c'est-à-dire que celles qui ont été construites au xiie siècle se sont
écroulées au xvie siècle et que celles qui ont été reconstruites au xvie siècle
s'écroulent aujourd'hui. C'est un problème angoissant.
La vérité, c'est que les crédits affectés à l'entretien du patrimoine sont
obérés par de grosses opérations, telles que la réfection du Grand Palais, dont
le coût prévisionnel est de 878 millions de francs. Cette opération s'apparente
pourtant plus aux grands travaux qu'à une opération patrimoniale classique, et
c'est bien le poids de ces grands travaux qui, à la fois, explique la
croissance et grève le budget du ministère de la culture. Cela est moins vrai
en matière d'investissements, puisque les chantiers « mitterrandiens » touchent
à leur terme et que le projet de l'actuel septennat, à savoir le musée des arts
premiers, dont le coût est estimé à 1,2 milliard de francs, n'est doté, dans
les projets de budget pour 1999 de la culture et de l'éducation, que de 189
millions de francs de crédits, au titre des études, des acquisitions et des
investissements.
La situation est en revanche inquiétante en ce qui concerne les dépenses de
fonctionnement, car sept établissements parisiens, dont le musée du Louvre et
l'Opéra, absorbent à eux seuls 16 % du budget du ministère, contre 13 % voilà
cinq ans. Du fait de cesprestigieux et coûteux grands établissements, en dépit
des bonnes intentions proclamées de rééquilibrage, la part de Paris par rapport
au reste de la France continue de dépasser 50 %.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est de plus en plus parisien !
M. Yann Gaillard,
rapporteur spécial.
Je voudrais à cet égard vous demander, madame la
ministre, quelle sera la destination définitive de lieux qui sont sans
affectation ou vont être libérés à plus ou moins brève échéance.
Quid du Palais de Tokyo, où l'on a dépensé 30 millions de francs pour
installer une Maison du cinéma, qui a opté pour l'ancien American center ?
Quid du Musée des arts africains d'Océanie de la Porte-Dorée, avec ses locaux
de prestige, rénovés dans le style « exposition coloniale » et son merveilleux
aquarium ?
Le patrimoine bénéficie donc d'une priorité en demi-teinte, ce que confirme la
non-reconduction d'une loi cadre, dont l'application avait été étalée dans le
temps et qui n'a sans doute pas répondu aux espoirs que l'on avait mis en
elle.
La troisième préférence, celle qui vous tient peut-être le plus à coeur, va
aux spectacles vivants, avec leurs 110 millions de francs de mesures nouvelles.
Vu la sensibilité à fleur de peau des entreprises culturelles concernées par
les « arts de la rue », les « pratiques amateurs », les « musiques nouvelles »,
notamment, j'attendrai d'avoir acquis plus d'ancienneté dans ce rapport et
d'avoir eu le temps de procéder à des investigations complémentaires pour me
permettre de porter un jugement.
Dans un même ordre d'idée, d'ailleurs, concernant l'aide à la création
artistique, le citoyen ou l'amateur peut éprouver quelque inquiétude quant à
l'uniformité des choix esthétiques, et ce qu'il s'agisse des musées d'art
modernes ou des fonds régionaux d'art contemporain, les FRAC. Cet effet
Caillebotte à l'envers, indéfiniment continué, à travers les avant-gardes
successives, ne risque-t-il pas de faire courir à notre pays un krach
patrimonial,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Yann Gaillard,
rapporteur spécial.
... si, brusquement, comme la bourse des valeurs,
celle des valeurs esthétiques venait à subir un coup de tabac ? Certains essais
récents, certaines polémiques dans la presse spécialisée le donnent à penser.
J'aurai certainement l'occasion, dans les mois qui viennent, d'approcher vos
collaborateurs - ou peut-être vous-même, si j'en ai la chance - pour connaître
l'état de la réflexion à ce sujet.
Enfin n'est pas priorité dans ce budget, et on peut, semble-t-il, le
regretter, la politique muséale, notamment celle des acquisitions.
La loi du 31 décembre 1992, qui limite à trois ans le refus de certificat
d'exportation, et la jurisprudence Walter font néanmoins peser sur votre budget
et sur le maintien de certains trésors nationaux en France des risques auxquels
je sais que vous êtes sensible, madame la ministre, pour vous avoir entendue
commenter en termes délicats le sauvetage, grâce à la Fondation du patrimoine,
du portrait de
Berthe Morisot au bouquet de violettes,
par son
beau-frère, Edouard Manet.
Quelques mots d'actualité, pour finir.
On parle un peu moins, depuis quelques jours, de l'affaire de la Bibliothèque
nationale de France. Où en est-on ? Le problème informatique est-il en voie de
règlement ? Pouvez-vous nous donner l'assurance qu'à bref délai une institution
qui a coûté 8 milliards de francs en investissements au contribuable, et lui
coûtera plus de 1 milliard de francs par an en fonctionnement, ne rendra pas
aux lecteurs et aux chercheurs un service plus réduit dans le temps et moins
satisfaisant dans les prestations que l'ancien site de la rue de Richelieu ?
J'ajoute qu'une crise comparable pourrait bien se produire lors de la
réouverture du centre Georges-Pompidou, le 1er janvier 2000. Le budget de cet
établissement a été présenté cette semaine au conseil d'orientation, en déficit
de 10 millions de francs, ce qui n'est pas acceptable, et le président,
Jean-Jacques Aillagon, parle même de décaler cette ouverture d'un semestre.
Je profite de cette occasion pour saluer notre collègue Marcel Vidal, qui a
brillamment été élu président du conseil d'administration - avec ma voix
d'ailleurs.
Par ailleurs, certains s'inquiètent de l'institution, préconisée par le
rapport Borzeix, d'un droit sur les prêts de livre par les bibliothèques, droit
qui serait collecté par une sorte de SACEM, organisme fort peu populaire dans
nos villages,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est le moins qu'on puisse dire !
M. Yann Gaillard,
rapporteur spécial.
... au bénéfice des éditeurs et des auteurs.
J'attire votre attention, madame la ministre, sur un très bel article du
professeur Jacques Thuillier, du Collège de France, paru dans le dernier numéro
de la
Revue administrative
: « La lecture publique a été organisée afin
de propager la pratique de la lecture ; elle se justifie par sa mission ; c'est
à ce titre qu'elle est financée par le contribuable (...). Le même contribuable
ne peut à la fois payer pour promouvoir la lecture, puis payer pour emprunter
les livres achetés de ses deniers. »
A l'Assemblée nationale, vous avez parlé, en réponse à une question au
Gouvernement, d'une table ronde en janvier. Souhaitons qu'elle aboutisse à
faire rentrer ce rapport dans le tiroir dont il n'aurait jamais dû sortir.
Enfin, pour terminer sur une note positive, je précise que notre délégation du
Sénat pour l'Union européenne a accueilli avec intérêt le projet de la
commission « Culture 2000 ». Aux programmes dispersés, Kaléidoscope, Ariane et
Raphaël, succédera un instrument unique de programmation et de financement
concernant des projets culturels d'une dimension véritablement communautaire.
Quelle est votre position sur ce programme, qui serait doté pour la période
2000-2004 de 167 millions d'euros, et quel dispositif envisagez-vous pour que
notre pays en ait sa juste part ?
Sous le bénéfice de ces observations un peu hétérogènes, comme le sont
d'ailleurs les crédits du ministère, le rapporteur spécial que je suis vous
propose d'adopter ceux-ci, préalablement affectés, dans le cadre du budget
alternatif décidé par notre majorité sénatoriale, de deux amendements de
réduction des crédits des titres III et IV.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me propose en
examinant les crédits du ministère de la culture pour 1999 de leur apporter un
double éclairage, en appréciant d'abord l'évolution globale de ce budget, puis
les différentes actions qu'il permet de financer et qui sont le socle de la
politique culturelle de notre pays.
Le budget du ministère de la culture s'élèvera pour 1999 à 15,700 milliards de
francs, soit une augmentation de 3,4 % par rapport à la loi de finances
précédente.
Cette évolution est à comparer avec celle du budget de l'Etat, qui se situe à
2,2 %. Elle est dès lors satisfaisante et traduit l'effort soutenu engagé en
faveur de la culture.
Je voudrais néanmoins avancer cette appréciation un peu rapide en faisant deux
remarques qui donneront peut-être le sentiment d'un clair-obscur dans mon
appréciation de la masse globale du budget.
Je commencerai par une critique : si l'on raisonne en termes d'engagement en
tenant compte des autorisations de programme et non des crédits de paiement,
l'augmentation réelle est ramenée à 1,5 %, ce qui reste appréciable mais dans
des proportions plus raisonnables.
En revanche, l'augmentation des crédits se fait à structure budgétaire
constante, le champ des compétences de l'exercice étant désormais stabilisé.
De plus, les grands travaux étant, à l'exception du Louvre, achevés, la marge
de manoeuvre du ministère s'en trouve accrue d'autant. La tentation a dû être
grande d'amputer votre budget, madame la ministre, à due proportion. Je vous
félicite d'avoir su défendre votre pré carré et empêcher ainsi qu'il ne soit
une fois de plus une variable d'ajustement du budget de l'Etat.
J'ajouterai que, cette année - vous voyez que les éléments positifs
l'emportent sur les éléments négatifs quant à l'appréciation globale de votre
budget ! - les conditions d'exécution de la loi de finances, comme l'a souligné
M. le rapporteur spécial il y a un instant, se sont améliorées. Les mesures
d'annulation des crédits n'ont été que de 60 millions de francs, prélevés en
janvier 1998. Ces mesures étaient, au demeurant, tout à fait légitimes
puisqu'il s'agissait de financer le plan d'aide aux chômeurs. La commission des
affaires culturelles et moi-même ne pouvons que saluer cet effort, tout en
espérant qu'aucune mesure de régulation budgétaire ne viendra atténuer la
portée de ce que je viens de dire, notamment dans ce domaine essentiel qu'est
celui des crédits affectés à la restauration du patrimoine.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Très bien !
M. Philippe Nachbar,
rapporteur pour avis.
Le seuil de 1 % n'est pas encore atteint, même si
le budget s'en approche de très près. Encore faut-il ne pas donner à ce chiffre
un caractère sacré. L'évolution des compétences du ministère en a réduit la
portée mythique, d'autant que, à l'action de l'Etat en faveur de la culture, il
convient d'ajouter celle, équivalente, des collectivités locales.
Il est important, au Sénat plus qu'ailleurs sans doute, de souligner la place
éminente des communes, des départements et des régions dans le financement de
la vie culturelle. Selon les derniers chiffres disponibles, l'effort consenti
par les collectivités territoriales est en effet identique à celui qui est
accompli par l'Etat.
Une telle situation rend d'autant plus nécessaire le développement d'un étroit
partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales pour conduire de
concert des actions, de sorte que la culture irrigue l'ensemble du
territoire.
Cette augmentation globale de vos crédits, madame la ministre, est répartie
également entre les dépenses ordinaires et les dépenses de fonctionnement.
Les dépenses ordinaires augmentent de 3,4 %. Elles permettront, pour ce qui
est du titre III, qui définit les moyens de vos services, de résorber l'emploi
précaire, démarche tout à fait louable.
Je voudrais souligner ici le fait que le nombre global d'emplois du ministère
n'augmentera pas en 1999.
Dans ce même titre III, les subventions de fonctionnement versées aux
établissements publics augmentent de 2,4 % ; en fait, il s'agit de 1,7 %
puisque deux nouveaux établissements vont y émarger : le Centre national de la
danse, d'une part, le Musée des arts premiers, qui se voit allouer 7,5 millions
de francs, d'autre part.
Une préoccupation, néanmoins, se fait jour de plus en plus : le coût
considérable des grands établissements publics issus des travaux que nous
évoquions tout à l'heure et qui représente à peu près 15 % de ce budget. Ils
pèseront d'autant plus lourd que nous souhaitons tous voir ces institutions
fonctionner dans les meilleures conditions et accueillir le public d'une
manière optimale.
Pour ce qui est du titre IV, le plus significatif, car il reflète les grandes
orientations de la politique culturelle, il augmente de 3,6 %.
Il convient de noter que 60 % des dépenses d'intervention sont désormais
déconcentrées. Cette évolution n'est pas nouvelle mais vous l'accentuez cette
année puisque, l'an dernier, cette proportion était de 52 %. Cela signifie que
les DRAC devront pouvoir faire face aux charges supplémentaires que vous leur
conférez ; je vais y revenir.
Les principales actions financées sur le titre IV seront la lecture publique -
et je m'en félicite - ainsi que le spectacle vivant, pour lequel un effort
particulier est réalisé cette année ; sans doute cela correspond-il à une
évolution des pratiques culturelles que l'on pouvait effectivement
difficilement imaginer il y a quelques années.
Au-delà des chiffres, le renforcement des moyens d'action du ministère se
traduira cette année par une double réorganisation. Au niveau national, je n'y
insisterai pas, il s'agit du regroupement de deux directions : théâtre, musique
et danse, d'une part, architecture et patrimoine, d'autre part. Au niveau
régional, il s'agit de la déconcentration croissante des crédits gérés par les
DRAC, que j'évoquais il y a quelques instants.
Cette déconcentration signifie que va se poser le problème des moyens dont les
DRAC peuvent disposer pour faire face à leurs nouvelles responsabilités. Si
l'on veut éviter d'accroître les coûts de fonctionnement - et je crois que nous
sommes unanimes à estimer qu'il ne faut pas les augmenter - il faudra faire un
effort considérable d'imagination pour simplifier et alléger les procédures, de
manière que cette déconcentration puisse remplir sa vocation qui est
d'accélérer le travail de chacun.
Les dépenses en capital augmentent de 3,5 % pour les crédits de paiement mais
diminuent de 4,9 % pour les autorisations de programme.
Si l'on distingue le patrimoine historique de ce qui relève des autres
dépenses, on constate une progression importante de l'effort de l'Etat
concernant ses propres monuments. Cela est dû en grande partie à la nécessité
de remettre en état le palais de Chaillot et le Grand Palais, pour lesquels 212
millions de francs sont prévus ; l'utilité de cette mesure est indiscutable. Il
est à craindre, cependant, que ces travaux ne soient financés par un transfert
dont pâtiraient les opérations partimoniales engagées soit par les
collectivités soit par les propriétaires privés.
En ce qui le concerne l'action que l'Etat entend mener sur son propre
patrimoine, je voudrais souligner, pour en féliciter le ministère, la nouveauté
de deux orientations.
C'est d'abord la préservation du patrimoine du xxe siècle, dont le plus beau
symbole est la rénovation de la villa Noailles de Mallet-Stevens, qui, dans
quelques années, n'aurait plus été que ruines.
C'est ensuite l'inventaire et la protection renforcée du patrimoine
industriel. Cela correspond à un souhait que j'avais émis dans un précédent
rapport. Je ne peux aujourd'hui que me réjouir d'avoir été entendu, me bornant
à regretter le retard pris par la France en ce domaine par rapport à des pays
voisins comme la Grande-Bretagne ou l'Allemagne, alors même que le patrimoine
industriel, pour de nombreuses raisons, est essentiel dans notre pays.
Hors patrimoine, les crédits augmentent dans des conditions qui permettront de
réduire la dette que l'Etat avait accumulée en plusieurs années envers les
collectivités locales.
En contrepoint de cette avancée globale, il convient de juger ce budget en le
mettant en regard de la pierre de touche que constituent les buts de toute
politique culturelle et qui sont, à mes yeux, au nombre de trois.
Le premier est l'aménagement culturel du territoire.
Les grands travaux avaient, un temps, concentré l'effort de l'Etat en
investissements sur Paris. Ne voyez là aucune critique, car ce qui a été fait à
Paris a profité à l'ensemble de notre pays. Il convient aujourd'hui, ces grands
travaux étant quasiment achevés, de rétablir l'équilibre.
A cet égard, l'examen du budget montre que le rééquilibrage se poursuit.
Ainsi, au sein du titre IV, 73 % des crédits de l'Etat seront destinés à
l'action culturelle en province.
S'y ajoute, là encore, la déconcentration des crédits qu'il conviendra de
juger lorsque entrera en application la charte du service public, au 1er
janvier prochain, de manière à garantir la nécessaire impartialité de la
politique culturelle de l'Etat.
Quant à la politique d'implantation des équipements culturels, elle a pris du
retard car, sur les 800 millions de francs prévus en 1994 par le CIAT de
Troyes, seule une grosse moitié a été consommée, alors même que la période
expire l'année prochaine. Il est à souhaiter qu'une politique de grands travaux
en province puisse se poursuivre, voire s'amplifier.
Deuxième but : la démocratisation culturelle grâce à l'éducation artistique.
Notre pays a, pendant longtemps, dans ce domaine, accumulé un retard qu'il
s'efforce de combler. Vous avez, madame la ministre, souligné devant la
commission qu'il s'agissait pour vous d'une priorité.
En 1999, les crédits concernés augmenteront de 2,4 % en dépenses ordinaires.
Cette évolution est globalement satisfaisante.
Je nuancerai néanmoins ce jugement en indiquant que, si les grands
établissements publics d'enseignement artistique en profitent, l'enseignement
artistique dans le primaire et dans le premier cycle du secondaire n'est sans
doute pas - mais il faut que les esprits évoluent sur ce point - aidé comme il
le mériterait.
Enfin, troisième but d'une politique culturelle : la protection et la mise en
valeur du patrimoine.
Le champ d'intervention de l'Etat ne cesse de s'accroître et la loi
d'orientation du 31 décembre 1993 lui a solennellement confié cette charge.
Un seul chiffre, mes chers collègues : 39 600 immeubles sont aujourd'hui
protégés et relèvent par conséquent directement de cette responsabilité de
l'Etat. C'est dire l'ampleur, madame la ministre, de la mission de votre
ministère à cet égard, mission qui répond à une attente des Français, comme l'a
montré le succès des journées du patrimoine.
L'Etat n'est pas seul : les collectivités territoriales interviennent, les
propriétaires privés aussi. La Fondation du patrimoine, créée sur l'initiative
d'un rapport de notre collègue M. Hugot, doit permettre de développer le
mécénat.
Il est néanmoins essentiel que l'Etat continue d'accomplir un effort
considérable.
A cet égard, un point me préoccupe : la faiblesse des crédits destinés au
patrimoine non protégé. Ce patrimoine, qui irrigue l'ensemble du territoire,
pèse lourdement sur le budget des communes, car le passé leur a souvent légué
des monuments qui représentent une charge démesurée par rapport à leurs
capacités financières.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Très juste !
M. Philippe Nachbar,
rapporteur pour avis.
Il est donc à souhaiter que, dans les prochains
budgets, le patrimoine rural non protégé bénéficie de moyens substantiellement
renforcés.
Ma dernière préoccupation, s'agissant du patrimoine au sens large, a trait à
l'insuffisance - mais il convient d'aller au-delà du budget pour l'apprécier -
des crédits d'acquisition des musées. Les trésors nationaux nous échapppent,
compte tenu tant de l'évolution du marché de l'art que des règles juridiques
qui découlent de la jurisprudence Walter. Certains d'entre eux ont pu être
acquis mais d'autres sont partis définitivement à l'étranger.
Il faudra sans doute, madame la ministre, réfléchir pour l'avenir à un système
différent d'acquisition des trésors nationaux, comparable à celui qui a cours
dans la plupart des pays européens, de manière à aider nos musées à compléter
leur collection.
La discussion est ouverte sur ce point, qui déborde d'ailleurs l'examen de vos
crédits pour 1999.
Pour conclure, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues,
j'indique que, sous le bénéfice des observations que j'ai formulées, la
commision des affaires culturelles a donné à l'unanimité un avis favorable à
l'adoption de ce projet de budget.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de
l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Vidal, rapporteur pour avis.
M. Marcel Vidal,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le cinéma
et le théâtre dramatique.
Monsieur le président, madame la ministre, mes
chers collègues, le cinéma et le théâtre ont en commun de bénéficier de
mécanismes de soutien public. Ces mécanismes, très différents dans leurs
modalités, visent un même objectif : garantir la liberté de création et la
diversité de l'offre culturelle.
L'année 1998 a été à nouveau l'occasion de réaffirmer qu'on ne saurait s'en
remettre aux seuls mécanismes du marché et de la compétition économique pour
atteindre les objectifs de la politique culturelle menée en ces domaines. Tel
est du moins le sens que je donne, madame la ministre, à la décision du
Gouvernement de ne pas reprendre les négociations de l'accord multilatéral sur
les investissements.
La fermeté avec laquelle le Gouvernement a défendu l'exception culturelle a
suscité en France un débat qui a souligné la pertinence de ce principe et qui a
permis à nos principaux partenaires européens de prendre conscience des enjeux
culturels d'une telle négociation. Nous nous en félicitons.
J'en viens maintenant aux dispositions du projet de budget qui concernent le
cinéma et le théâtre.
Les crédits relatifs au cinéma s'élèveront en 1999 à 1 640 millions de francs,
en augmentation de 4,8 % par rapport à 1998. Cette évolution significative
s'inscrit dans un contexte favorable à l'industrie cinématographique.
La nouvelle phase de croissance que connaît depuis cinq ans le cinéma français
se poursuit. La fréquentation progresse ; elle a atteint en 1997 son niveau le
plus élevé depuis douze ans. De même, la création fait preuve de dynamisme et
connaît un renouvellement accru : la moitié des films français produits en 1997
étaient des premiers ou des seconds films.
Le secteur de l'exploitation profite également de cette embellie : l'ouverture
de salles nouvelles se poursuit à un rythme soutenu, et ce essentiellement
grâce à l'essor des multiplexes.
A cet égard, je vous ferai part, madame la ministre, d'une interrogation. Si
le développement des multiplexes contribue incontestablement au renouveau de la
fréquentation, il entraîne en revanche un processus de concentration de l'offre
qui ne sera pas sans conséquences sur la diffusion des oeuvres
cinématographiques. La logique culturelle de ces implantations n'est pas encore
suffisamment prise en compte - j'insiste sur ce point, comme l'ont fait
plusieurs de mes collègues en commission, notamment Jack Ralite - et les
mécanismes de régulation sont, de ce point de vue, imparfaits.
Dans cette perspective, nous serons attentifs aux conséquences de la réforme
du soutien automatique à l'exploitation mise en oeuvre cette année et destinée
à en accroître l'effet redistributif.
Je rappelle que cette réforme s'inscrit dans le processus de modernisation des
aides à l'industrie cinématographique engagé dès 1996. Après la modification
des mécanismes de l'avance sur recettes opérée en 1997, ce sont le soutien
automatique à l'exploitation et la procédure de l'agrément qui ont été réformés
cette année. Je formule le souhait que cette adaptation des mécanismes de
soutien au secteur du cinéma soit poursuivie en 1999.
J'avais souligné, l'an dernier, au nom de la commission des affaires
culturelles, l'intérêt de la politique de conservation et de valorisation de
notre patrimoine cinématographique. A cet égard, je salue la décision de créer
la Maison du cinéma, projet trop longtemps retardé, qui devrait voir le jour
d'ici à l'an 2000, ainsi que l'effort d'investissement destiné à améliorer les
conditions de stockage des films anciens ; pour être plus modeste, cette action
n'en était pas moins nécessaire.
Si l'Etat joue un rôle prépondérant dans la politique du cinéma, les
collectivités locales tendent à en devenir des partenaires actifs. A cet égard,
l'action efficace conduite par le Centre national de la cinématographie pour
développer la coopération entre l'Etat et les collectivités locales, afin de
faire du cinéma un pôle de développement économique et culturel, me paraît
essentielle.
Depuis 1989, 133 conventions ont été signées avec 126 collectivités
territoriales. Cette coopération, qui s'est établie en premier lieu avec les
communes et les départements, concerne désormais également les régions. Elle
permet de développer des actions de promotion du cinéma, en particulier en
faveur du jeune public.
Au-delà de cette politique de coopération, qu'il est nécessaire de poursuivre,
les collectivités lcoales s'impliquent volontiers dans des actions en faveur de
la diffusion du cinéma ou encore dans la construction ou l'acquisition de
salles, comme en témoigne l'activité de l'association Ville et cinéma, dont je
suis les travaux avec attention.
A cet égard, l'Association des maires de France, animée avec efficacité et
simplicité par notre collègue Jean-Pierre Delevoye, dispose de toutes les
compétences souhaitables pour stimuler cette démarche attendue par les
municipalités, y compris dans une stratégie intercommunale.
Nous aurons donc le devoir de nous rapprocher de la commission chargée de
suivre cette question à l'Association des maires de France.
Dans cette perspective, ne serait-il pas opportun de réfléchir à un
assouplissement des règles juridiques qui limitent aujourd'hui les possibilités
d'intervention directes des collectivités locales en faveur de l'industrie
cinématographique ?
J'en viens aux crédits qui sont dévolus au théâtre.
Cette année, plus encore que l'an dernier, l'opacité du document budgétaire
résultant de nouvelles modifications de la nomenclature rend très difficile, à
la seule lecture du « bleu », l'identification des crédits consacrés au
théâtre.
En outre, la fusion des directions du théâtre et du spectacle, d'une part, de
la musique et de la danse, d'autre part, est venue compliquer encore la tâche.
Parfaitement légitime, ce regroupement administratif ne facilite pas à
l'évidence, dans l'immédiat, l'exercice du contrôle parlementaire. Ne pouvant
vous fournir, faute d'informations nécessaires, un état détaillé des crédits du
théâtre, je me contenterai de vous faire part de deux motifs de satisfaction et
de deux motifs d'interrogation.
Tout d'abord, s'agissant des deux motifs de satisfaction, la progression
globale des crédits permet de consolider l'effort budgétaire engagé en 1998 en
faveur du théâtre. Les dotations de fonctionnement des théâtres nationaux
s'élèveront, en 1999, à 359 millions de francs, soit une progression de 2,7
%.
Par ailleurs, les subventions des institutions de la décentralisation
théâtrale devraient bénéficier d'une partie des mesures nouvelles décidées en
faveur du spectacle vivant dans une proportion que je vous demanderai, madame
la ministre, de nous confirmer.
Les avancées significatives accomplies cette année afin de remédier aux
difficultés structurelles du régime des intermittents du spectacle constituent
un second motif de satisfaction. C'est un point extrêmement important.
Un accord destiné à limiter le recours au contrat à durée déterminée a été
approuvé par les professionnels et l'article 6 de la loi du 2 juillet 1998
portant DDOEF a rendu possible la création d'un guichet unique pour la
déclaration et le paiement des charges sociales.
En dépit de ces éléments positifs, la politique du théâtre pour 1999 n'est pas
exempte d'incertitudes.
Le budget pour 1999 se caractérise par une plus grande déconcentration des
crédits. Après la déconcentration, en 1998, de l'ensemble des crédits consacrés
aux scènes nationales et de la plupart des crédits affectés aux compagnies et
aux festivals, les crédits relatifs aux centres dramatiques nationaux seront, à
leur tour, déconcentrés en 1999.
La mise en oeuvre de la déconcentration s'est heurtée, cette année, à des
difficultés administratives qui se sont traduites, notamment, par un
allongement des délais de versement des subventions. Je ne m'étendrai pas sur
les difficultés qu'une telle situation peut entraîner pour l'activité des
structures théâtrales, vous les connaissez aussi bien que moi.
Certes, la déconcentration répond à un besoin réel, mais elle ne sera
profitable que si le ministère de la culture accompagne cette réforme d'une
redéfinition du rôle de l'administration centrale. Cette dernière doit, plus
que par le passé, se consacrer à sa fonction de conception et d'impulsion. En
ce domaine, des progrès restent à accomplir.
L'élaboration de la charte des missions de service public devrait y
contribuer. Ce texte, qui entrera en vigueur le 1er janvier 1999, a vocation à
s'appliquer à l'ensemble des structures théâtrales, y compris les théâtres
nationaux. Nous serons donc, là encore, très attentifs aux conditions de sa
mise en oeuvre, qui doit garantir la cohérence de la politique culturelle.
Enfin, les conséquences de la circulaire du 15 septembre dernier, destinée à
clarifier le régime fiscal des associations, constituent un second motif
d'interrogation. Les effets de ce nouveau régime fiscal sur les structures
théâtrales, qui sont nombreuses à exercer leur activité sous statut associatif,
sont en effet incertains.
Les mesures d'apurement du passé sont incontestablement positives et sauveront
nombre d'associations. Mais, pour l'avenir, une lecture pessimiste de
l'instruction fiscale s'impose, et il est à craindre que beaucoup
d'associations ne soient imposées au titre des impôts commerciaux.
Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit une mesure de compensation pour
les associations culturelles qui se trouveraient dans ce cas : les
collectivités locales pourront porter de 50 % à 100 % le taux de l'exonération
de la taxe professionnelle dont elles peuvent bénéficier. Il est peu probable,
cependant, que cette mesure permette de compenser le coût de la fiscalistion.
Dans ces conditions, pour les associations soutenues par les collectivités
locales ou par l'Etat, se posera, à terme, la question de la réévaluation de
leurs subventions.
Le projet de budget pour 1999 traduit bien la volonté du Gouvernement de
soutenir la création artistique et cinématographique. Cette volonté
s'accompagne d'un souci de réformer et de moderniser les mécanismes de soutien,
afin d'en accroître l'efficacité.
Compte tenu de ce constat, la commission des affaires culturelles a donné un
avis favorable à l'adoption des crédits du cinéma et du théâtre dramatique
(Applaudissements.).
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 28 minutes ;
Groupe socialiste : 27 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 20 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 29 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 13 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues,
traditionnellement, quand on examine le budget de la culture, on parle chiffres
et comptes et l'on s'essaie à voir les correspondances constructives qui
existent entre ces chiffres et des finalités concernant les arts et la
culture.
Incontestablement, le budget pour 1999 compte mieux et je sais l'opiniâtreté
dont vous avez fait preuve, madame la ministre, pour obtenir ces 3,5 %
supplémentaires ou, en d'autres chiffres, ces 525 millions de francs de mesures
nouvelles.
Ici où là, j'ai cependant entendu la remarque critique sur le 1 % pas encore
atteint. Je la partage en ce sens qu'il s'agit d'une symbolique, mais je répète
ce que j'ai déjà dit l'an passé : le 1 % est un plancher et il faut l'utiliser
plus comme un élan que comme un but.
Votre travail, madame la ministre, a cela de spécifique dans le travail
gouvernemental qu'il concerne des domaines, notamment celui de l'art, dont le
sens ne dépend pas du mot « utile ».
Georges Bataille, dans un court et phosphorescent petit livre,
La Notion de
dépense,
écrit : « Chaque fois que le sens d'un débat dépend de la valeur
fondamentale du mot utile, il est possible d'affirmer que le débat est
nécessairement faussé et que la question fondamentale est éludée. » Et il
poursuit : « L'utilité classique a théoriquement pour but le plaisir, mais
seulement sous une forme tempérée. » Parlant notamment de l'art et du jeu,
Georges Bataille ajoute : « Le plaisir est réduit, en définitive, à une
concession, c'est-à-dire à un délassement dont le rôle serait subsidiaire. »
Précisément, il n'y a pas d'art tempéré. L'art n'a pas un rôle subsidiaire, il
n'y a que des arts « luxe de l'inaccoutumance ». L'art résiste, convoque la
pensée, travaille sur l'exception, toutes choses contraires au rôle d'invité du
raccroc.
Il s'agit là de données incontournables au moment où le ministère décide
d'être, entre autres, légitimement sensible aux arts de la rue, aux musiques
amplifiées, à la démocratisation culturelle. Je souhaite, justement, à propos
des musiques amplifiées, qui s'appellent aussi musiques actuelles ou musique
techno, faire quelques remarques.
De tout temps, la musique, quelle qu'elle soit, et la machine ont été en
relation. L'institut de recherche et de coordination acoustique-musique,
l'IRCAM, en est la symbolique contemporaine, mais pas seulement. Parmi la
jeunesse, il existe une grande familiarité avec la musique complice des
nouvelles technologies. Il y a là une vitalité qui joue un vrai rôle dans la
création vivante d'aujourd'hui et qui travaille la société à bras-le-corps, la
société qui connaît malheureusement un certain « réensauvagement ».
Mais cette émergence qui s'exprime dans des musiques conceptuelles et dans
d'autres musiques, notamment intuitives, connaît un problème, celui de la
catégorisation de leur approche, avec ce que cela masque sur le plan des
contenus et révèle sur le plan des tendances qui ne se reconnaissent pas,
d'autant que le commerce s'en mêle abondamment.
C'est, bien sûr, pour le ministère une difficulté, que seule la référence à la
création permet de maîtriser. Sinon, on parlerait de plus en plus de musique
amplifiée, et il y aurait de moins en moins de musique. C'est non pas
l'originalité, mais le nombre qui prendrait alors le dessus, le nombre utile,
utile à quoi ? A un défilé qui se satisferait, voire fabriquerait de l'homme
unidimensionnel qui écouterait toujours la même chose, alors que l'ordre du
jour est l'homme multidimensionnel, y compris dans la plèbe, qu'il soit à la
Florida d'Agen, à Uzeste, à l'Aéronef à Lille, à l'IRCAM, à Musica à Strasbourg
ou au Conservatoire national de région d'Aubervilliers-La Courneuve, avec cette
problématique de l'écoute si chère à Luigi Nono, de l'écoute des voies
oubliées, réprimées, censurées, secrètes ou inconnues, des voies intérieures
auxquelles la musique donne leur envol.
« Réveiller l'oreille », tout est là ! Evidemment, ce genre d'attitude ne
correspond pas bien aux besoins du marché. C'est l'une des questions centrales,
et je vous y sais confrontées, cherchant et construisant la parade, que les
états généraux de la culture, pour leur part, appellent depuis bientôt douze
ans une responsabilité publique, nationale et sociale, avec ses coordonnées
processus : premièrement, audace de la création ; deuxièmement, élan du
pluralisme ; troisièmement, obligation de production ; quatrièmement, maîtrise
de la diffusion ; cinquièmement, atout d'un large public partenaire des
créations, mais aussi s'exprimant et se formant - et là, comme ne pas évoquer
l'éducation nationale qui ne comprend pas toujours assez, malgré une circulaire
commune avec vous de juillet 1998, que l'enfant et l'artiste habitent le même
pays, contrée sans frontières, lieu de transformation et de métamorphose ? -
enfin, sixièmement, nécessité toujours plus vive de prendre en compte la
dimension internationale, de « taper de ses dix doigts sur le clavier du piano
du monde », selon la belle expression de Rosa Luxemburg, dont nous donnions ce
matin le nom à un nouveau collège, à Aubervilliers, dans l'un des quartiers les
plus pauvres de notre ville, le Landy, où l'on connaît « les belles manières
d'être avec les autres », selon Paul Eluard.
Oui, responsabilité publique valable pour le secteur public comme pour le
secteur privé !
A ce moment, je veux vous saluer, madame la ministre, car, face à la tentative
de l'Accord multilatéral sur l'investissement, l'AMI, de privatiser sans rivage
la vie, donc la culture, d'en blesser l'indispensable pluralisme, ce qui a
conduit au grand geste gouvernemental d'en récuser et l'esprit et le lieu, club
des riches, de sa négociation, je veux témoigner, avec les états généraux de la
culture et d'autres qui, inlassablement, depuis 1996, alertent à son propos,
que vous avez, dès votre prise de fonctions, dit ce qu'il fallait dire dans un
dialogue avec les artistes, dont je veux rappeler les étapes : le festival du
cinéma européen de Strasbourg en septembre 1997, les rencontres
cinématographiques de Beaune en octobre 1997, le festival de télévision de
Biarritz en janvier 1998 et la réunion de l'Odéon en février 1998.
Avant vous, aucun ministre n'avait jamais combattu ni même évoqué l'AMI.
Continuez, car une nouvelle étape arrive avec l'Organisation mondiale du
commerce, étape dont l'issue dépendra beaucoup de l'attitude française face aux
compromis de Londres du 18 mai dernier, qu'il faut rejeter avec vigueur et
rigueur.
L'AMI a, en tous lieux et dans toute géographie, les mêmes défauts. Il faut
rejeter le TEP avec la même force que celle qui vous a conduite avec nous, à
Birmingham, en avril dernier, à refuser la convergence dérégulatrice de
l'audiovisuel européen.
J'ai la conviction, madame la ministre, que nous sommes à un tournant de
société et qu'il faut choisir nettement entre le marché qu'Alain Minc qualifie
de « naturel comme la gravitation universelle », et les hommes et les femmes
qui ne veulent plus supporter d'être la seule variable d'adaptation,
d'adaptation à quoi ? A l'utile - je retrouve Georges Bataille - c'est-à-dire à
l'économie-hégémonie.
Le statut de l'esprit comme le statut du vivant, c'est-à-dire le statut de la
culture, est posé à la toute approche du xxie siècle.
Personne ne peut dire, même si les lords anglais ont répandu de l'espérance,
qui l'emportera, du « réensauvagement » visible de l'humanité, de cette sorte
de fascination du néant, de la barbarie, ou de la civilisation, avec en son
coeur l'option d'autrui, c'est-à-dire l'ouverture au monde, la découverte de
soi au travers de son semblable.
Vous avez un travail à la fois d'alerte et de construction à assumer, et je le
vois dans trois pratiques politiques, avec toujours, en ligne de mire, la
reponsabilité publique déjà évoquée.
Premièrement, la culture est le lieu de l'autonomie humaine. Votre fonction
d'autorité, qui tient à la nature de l'Etat, doit s'éloigner dans ce domaine de
toute instrumentalisation. C'est, je crois, le cas.
Deuxièmement, vous êtes l'Etat et, à ce titre, votre fonction d'autorité est
un fait ; elle doit s'orienter à combattre les autres pouvoirs, notamment le
marchand. C'est la source de lois régulatrices, d'une sorte de code de la
route. L'Etat n'instrumentalise pas les arts, mais il doit empêcher les autres
de le faire. En quelque sorte, votre attitude face à l'AMI doit être
généralisée.
Troisièmement, vous devez alors favoriser la responsabilité publique et son
coeur, le service public, avec ses dimensions, par exemple des critères
inégalitaires pour faciliter l'égalité d'accès aux oeuvres de l'esprit.
Vous voyez que je suis pour les lois, y compris dans le domaine de
l'audiovisuel, où une loi générale est nécessaire. Oui, je suis pour les lois,
et les états généraux vont s'employer à contribuer à en écrire une sur
l'audiovisuel à l'occasion d'une réunion qui se tiendra, le 18 février
prochain, au Sénat, salle Monnerville. Oui, je suis pour les lois, pour la
simple raison que je les préfère aux contrats, qui enregistrent seulement les
rapports de force, alors que les lois sont une alchimie entre ces rapports de
force et certaines valeurs.
Je sais que les patrons de l'audiovisuel privé disent ne pas vouloir de lois,
mais ils ne sont pas la loi, même s'ils doivent être entendus, ainsi que
beaucoup d'autres, avant de rédiger la loi, sans laquelle il n'y a pas d'avenir
culturel de l'audiovisuel français et de l'audiovisuel européen.
C'est un immense chantier, et son succès a besoin d'un état d'esprit politique
qui, habité par l'émancipation sociale, ne se résout jamais ni au consensus mou
ni au monde séparé.
Mais, là, je dois dire que ce qui se prépare à Eurodisney ressemble beaucoup à
un morceau d'AMI dans un morceau de Seine-et-Marne. Des rumeurs m'avaient
alerté et j'ai rencontré, le 27 novembre, l'inspecteur des finances qui gère ce
dossier. Par ailleurs, j'ai lu dans
Les Echos
du 2 décembre dernier
l'annonce de la création d'un second parc Disney, qui serait un parc de cinéma,
avec des studios de production de films d'animation, des studios de télévision
et des studios de doublage, et tout cela à vol d'oiseau des studios de
Montreuil, des studios de la SFP et de nombreux studios de doublage.
Dans
Les Echos,
il est lancé un appel gouvernemental pressant la Caisse
des dépôts et consignation de contribuer à financer cette opération à hauteur
de 4,5 milliards de francs.
Les Echos
évoquent une signature à la
mi-décembre, autrement dit un contrat. Et la loi ? Et la responsabilité
publique ?
Madame la ministre, je vous ai entendue au colloque de la fondation
Jean-Jaurès sur la culture et l'Europe tenir à votre nouveau collègue allemand,
que nous accueillions ensemble avec plaisir, mais qui était un peu débutant, de
fortes paroles sur la façon d'être avec les Etats-Unis dans ce secteur de
l'image. La salle, pluraliste, vous a applaudie. Agissez de même dans le cas
que je viens d'évoquer qui, au-delà de sa réalité, prend figure de symbole.
Vous savez, vous qui avez, voilà plus de dix-huit mois, animé avec d'autres
que vous respectez le grand rassemblement de Strasbourg pour les libertés, le
poids de l'imaginaire dans les déterminations humaines.
Je suis de ceux qui pensent que nous manquons du nouvel imaginaire dont notre
société a besoin pour vivre, surtout avec l'apparition des nouvelles
technologies. Mais, précisément, votre ministère a une contribution capitale à
y apporter, et, en ces moments de commémoration non sacralisante de la
Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, rappelons-en l'article
27 :
« 1. Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle
de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et
aux bienfaits qui en résultent.
« 2. Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant
de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est
l'auteur. »
Il y a là un « en-commun » qui nous est cher comme à vous-même, un « en-commun
» à déplisser et à sauvegarder. Il est à déplisser, parce que le monde bouge et
l'art, de ce point de vue, est un mutin. Il est à sauvegarder, parce que
certaines valeurs sont pérennes, aussi éloigné du tout-Etat que du tout-privé,
aussi éloigné du consensus mou et des mondes séparés que j'évoquais tout à
l'heure. Nous devons travailler - tâche inouïe - à sortir du calcul des
équilibres économiquement profitables et socialement tolérables. Notre ordre du
jour, c'est la défense de l'infini, et cela passe par le sujet, les sujets, ces
êtres qu'il faut replacer au centre de la société. C'est dur, c'est très dur à
faire advenir.
Hier soir, j'étais à Dieulefit, à une rencontre organisée par
Témoignage
chrétien.
J'y ai trouvé confirmation que, selon l'expression de Hölderlin,
« Là où croît le danger, croît aussi ce qui sauve ».
Votre personne, madame la ministre, est, j'en suis convaincu, du côté de « ce
qui sauve ».
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est
toujours très difficile de succéder à M. Ralite, qui vient encore une fois de
nous faire la démonstration de son talent. C'est pourquoi je laisse la parole à
Ionesco, qui disait : « Celui qui ne comprend pas l'inutilité de l'utile et
l'utilité de l'inutile ne comprend rien à l'art. »
(Très bien ! sur toutes
les travées.)
Après quatre ans d'immobilisme et de régression pendant lesquels le ministère
de la culture avait été amputé de 20 % de ses financements, le présent projet
de budget, madame la ministre, affirme, pour la deuxième année consécutive, la
vocation de l'Etat à jouer son rôle dans le domaine culturel.
Votre action, vous l'avez voulu et dit, « est tendue vers la restauration du
service public de la culture ».
Cette restauration se traduit en 1999 par une augmentation de 3,5 % du budget
de la culture, après celle de 3,8 % en 1998. Pareille progression est
supérieure à celle du budget général de l'Etat, fixée, elle, à 2,2 % ; elle
montre que la culture est bien une priorité de ce gouvernement. On n'a jamais
été aussi proche depuis 1993 du fameux 1 % symbolique.
Ce budget affirme la volonté d'un ministère plus présent et décidé à
entreprendre des réformes. Il comporte trois axes prioritaires.
D'abord, l'administration culturelle va gagner en efficacité dans l'intérêt
des artistes et des citoyens, grâce à la mise en place de deux grandes
directions à l'échelon central, mais aussi par la poursuite du rééquilibrage
entre Paris et la province.
Ensuite, de nombreuses actions seront menées pour rendre accessible à tous la
création artistique, pour réconcilier l'art et le public, la création et la
diffusion. C'est, en particulier, le but de votre charte des missions de
service public, qui devrait être élargie aux autres secteurs de la culture.
Enfin, la politique de sauvegarde du patrimoine, si malmenée sous le précédent
gouvernement, sera poursuivie.
Je dirai donc quelques mots, pour commencer, sur la réforme de
l'administration culturelle.
L'année 1999 sera la première année pleine où fonctionneront les deux
nouvelles directions, issues du rapprochement de plusieurs secteurs, à savoir,
d'une part, la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des
spectacles et, d'autre part, la direction du patrimoine et de
l'architecture.
Certes, les arts de la scène recouvrent des modes d'expression extrêmement
diversifiés, en perpétuelle mutation. Je pense ici aux nouvelles formes que
sont le théâtre de rue, héritage direct des amuseurs du Pont-Neuf ou du théâtre
de foire du xviiie siècle, ou bien encore aux musiques actuelles.
Mais, au-delà des différences, le théâtre, la musique et la danse ont pour
point commun d'être des arts de la rencontre avec les spectateurs et comportent
des bases juridiques et économiques identiques. Citons, par exemple, la
constitution en troupe, le régime des intermittents et la licence
d'entrepreneur de spectacle dont nous redébattrons ici bientôt. Tous
bénéficieront désormais d'un traitement commun.
C'est pourquoi je me félicite de ce rapprochement qui, tout en ménageant
l'identité de ces disciplines, contribuera à mieux répondre aux demandes des
artistes et des institutions. J'espère, au même titre, qu'il favorisera une
meilleure répartition des financements entre le théâtre, la musique et la
danse, car cette dernière discipline a été longtemps négligée au profit des
deux autres. Pouvez-vous, madame la ministre, nous apporter quelques précisions
sur cette question ?
Quant à la direction du patrimoine et de l'architecture, elle permet de
concilier « mémoire et création », mais aussi « monument et ville ». Le paysage
urbain sera ainsi mieux pris en compte parce que « l'important, ce ne sont pas
les choses, c'est la relation entre les choses », disait déjà Braque. Il est
souhaitable que des actions communes puissent être menées en matière de
diffusion, afin que, comme le patrimoine, la recherche architecturale puisse
être mieux connue du grand public.
J'ajoute que les crédits du patrimoine vont à nouveau augmenter, ce qui
représente, en deux ans, une hausse de 42,5 %. L'accent sera mis sur
l'achèvement et le démarrage d'importants travaux de restauration, comme la
consolidation du Grand Palais ou l'installation de la cité de l'architecture et
du patrimoine dans l'aile Passy du palais de Chaillot.
Puis-je néanmoins regretter que les travaux de l'Odéon soient encore repoussés
de deux ans ? Il est vrai que le retard pris par vos prédécesseurs en matière
de sauvegarde du patrimoine, madame la ministre, n'est pas sans conséquences
négatives sur le montant global aujourd'hui nécessaire. C'est, parmi d'autres,
l'une des raisons concrètes pour que le budget de la culture augmente encore
sensiblement dans les années à venir, afin que la part dévolue au patrimoine ne
pénalise pas les autres secteurs.
J'en viens maintenant à votre politique de rééquilibrage des crédits en faveur
de la province. Elle passe par un double mouvement de déconcentration et de
décentralisation.
Le déséquilibre entre Paris et la province - je quitte là un instant mes
préoccupations d'élue parisienne - quoi-que encore trop important, tend à se
résorber : en 1998, hors établissements publics, les crédits de l'Etat affectés
à Paris s'élèvent à 39,1 % et ceux qui sont réservés à la province à 55,4 %,
soit une hausse de 2 % en faveur de cette dernière par rapport à l'année 1997.
Peut-être pourrez-vous nous préciser tout à l'heure, madame la ministre, la
part effective de l'intervention de l'Etat en direction de Paris et de la
province pour l'année 1999 ?
En ce qui concerne la déconcentration, comme vous le savez, mes chers
collègues, c'est non pas de « moins d'Etat » qu'il s'agit, mais d'un Etat plus
proche de nos concitoyens. Confier plus de crédits aux DRAC, c'est s'assurer
d'une meilleure implantation locale des projets culturels comme des
institutions, dans l'intérêt du public. C'est aussi assurer aux artistes un
suivi plus personnalisé de leurs projets.
Mais la déconcentration suppose également, nous y reviendrons tout à l'heure,
une augmentation des ressources humaines dans les DRAC, afin qu'elles puissent
affronter leurs nouvelles missions. J'attire en particulier votre attention,
madame la ministre, sur la DRAC d'Ile-de-France, qui fut pendant longtemps la
grande oubliée de la déconcentration. Lui garantira-t-on, cette année, les
moyens de ses missions ?
En ce qui concerne la décentralisation, vous avez décidé d'apurer la dette de
l'Etat envers les collectivités territoriales, passif du précédent
gouvernement. Je crois que ce geste est particulièrement apprécié au Sénat.
Voilà qui permettra d'entamer, sur des bases saines, la négociation des
prochains contrats de plan 2000-2006. Alors que les collectivités territoriales
apportent désormais 70 % du financement de la culture, ces contrats renforcent
et développent les réseaux culturels.
Dans les régions où des alliances scandaleuses ont amené la participation du
Front national à l'exécutif, de nombreux artistes se sont vu privés de leurs
subventions. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, les mesures que
vous envisagez pour faire face à ce grave problème ? Cette question se posera
d'autant plus lors de la négociation des futurs contrats de plan Etat-régions.
Je salue au passage votre initiative de créer un comité de vigilance pour la
culture et la création. Il n'est pas concevable que, dans notre pays, on ose
établir des listes noires, dans lesquelles sont nommément désignés les
professionnels à réduire au silence.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Il n'y a pas une liste rouge non plus !
Mme Danièle Pourtaud.
Mon cher collègue, il ne faut pas plaisanter avec de tels sujets ! C'est
vraiment trop grave.
M. Jean Chérioux.
Arrêtez de donner des leçons !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Mme Danièle Pourtaud.
L'une des principales difficultés rencontrées par le ministère de la culture -
nous l'avons vu au travers de récents mouvements de protestation - tient aux
effectifs, tant en ce qui concerne leur nombre que leur affectation. Disons-le
tout net : la situation n'est pas satisfaisante. Certes, les crédits en
personnel augmentent de 4,8 %, mais il n'y aura pas, en 1999, de création
d'emplois budgétaires.
La politique de redéploiement des effectifs au sein des DRAC comme des
institutions culturelles permettra de parer au plus pressé. Mais qu'en est-il
des musées ou d'établissement public comme la Bibliothèque nationale de France,
dont une partie du personnel, vous le savez, madame la ministre, était en grève
hier encore ?
Cependant, je salue les efforts réalisés depuis deux ans pour lutter contre la
précarisation, à la fois par la réduction du nombre des vacataires et
l'amélioration de leurs conditions de travail. Ainsi, 450 vacataires seront
contractualisés en 1999 et 8 millions de francs permettront de cesser les
recrutements abusifs limités à une période de trois mois. Madame la ministre,
pouvez-vous nous préciser, à l'occasion de ce débat, les perspectives
envisagées en ce domaine pour les années à venir ?
Venons-en à votre politique de démocratisation de l'accès à une création de
qualité.
L'enjeu est de taille. En effet, seulement 16 % des Français âgés de quinze
ans ou plus se sont rendus au théâtre au cours des douze derniers mois, 11 % à
un concert de musique, 7 % à un concert de jazz, comme le montrent les derniers
chiffres consacrés aux « pratiques culturelles des Français » publiés en juin
dernier. Depuis cinq ans, ces chiffres n'ont pas changé et les écarts tendent à
se creuser aux extrémités de l'échelle sociale.
Comment faire pour qu'un plus large public s'intéresse aux oeuvres produites ?
Comment favoriser la création et, surtout, la diffusion d'oeuvres d'aujourd'hui
destinées à un public d'aujourd'hui ?
C'est le fil directeur de votre action, madame la ministre, mais c'est un
travail de longue haleine. A cet égard, je souligne l'augmentation de 4,3 % des
crédits d'intervention du titre IV de votre ministère. C'est le spectacle
vivant qui bénéficie de la plus forte progression, avec 110 millions de francs
de mesures nouvelles, ce qui facilitera l'application de votre charte des
missions de service public. Désormais, la subvention des opérateurs du
spectacle vivant sera conditionnée par leur effort de diffusion. Vous avez
ainsi réaffirmé que le meilleur doit aller au plus grand nombre, et en
particulier aux plus démunis.
En effet, l'art est bien un vecteur de la réconciliation sociale. On connaît
le voeu de Vilar : « réunir dans les travées de la communion dramatique le
boutiquier de Suresnes, le haut magistrat, l'ouvrier de Puteaux et l'agent de
change, le facteur des pauvres et le professeur agrégé ». Le théâtre, pour ne
citer que lui, plus que national ou populaire, est avant tout un art collectif,
capable de recréer le sentiment d'appartenance à la communauté des hommes ;
certains diront la vanité d'une référence à ces fantômes du passé, mais quels
fantômes ! Force est de constater qu'une telle ambition est bien ce qui fonde
avec le plus de sens, pour toutes les formes d'art, l'intervention de l'Etat et
le service public de la culture.
Tout cela nous ramène à la question cruciale de l'évaluation. En effet, c'est
un fait, le poids des grandes institutions ne fait que croître et paralyse le
renouvellement de la création. Les DRAC ne devraient-elles pas tendre vers
davantage de transparence dans les critères d'attribution des subventions ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Certainement !
Mme Danièle Pourtaud.
Ne devons-nous pas continuer à promouvoir avec plus de résolution les
initiatives « d'action culturelle » telles celles d'un Armand Gatti ou d'un
Gérard Garouste ? Mais, il en est d'autres, à Paris en particulier, qui ne
demandent qu'à être mieux connues.
Quoi qu'il en soit, nous sommes bien conscients que le nerf de la
démocratisation de l'accès à la culture se situe en amont de la création, par
la formation du public. L'école doit jouer un rôle plus important, ce qui
passera, cette année, non seulement par l'augmentation des crédits alloués aux
conservatoires et aux autres écoles artistiques, mais aussi par un
renformcement des partenariats avec l'éducation nationale. Nous voudrions être
certains, madame la ministre, que les crédits nécessaires à ce partenariat
seront bien dégagés pour les prochaines années.
J'espère que tous ces éléments et ceux qui seront développés par mes collègues
du groupe socialiste sauront vous convaincre, mes chers collègues, que ce
budget est bien celui de la mise en oeuvre des réformes. Comme vous l'avez
rappelé à plusieurs reprises, madame la ministre, la culture n'est pas un luxe
; elle doit cesser d'être considérée comme la danseuse de l'économie. Espérons
que votre budget ne sortira pas dénaturé de cet hémicycle, car le groupe
socialiste du Sénat souhaiterait le voter.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La paroles est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'an dernier,
je citais Yehudi Menuhin et la merveilleuse petite fable par laquelle il nous
dit qu'une société est vivante dès lors qu'elle compte autant sur ses
violonistes que sur ses comptables, et si elle veille à ce que ceux-ci se
parlent, se comprennent et sachent travailler ensemble.
La culture, ce « supplément d'âme », relève évidemment de la transcendance.
C'est donc plutôt le violoniste qui conduit l'homme à se dépasser, même au
quotidien, surtout là où il vit. C'est bien ce supplément d'âme qui anime
l'artiste reconnu, comme celui qui est simplement heureux d'exprimer de plus
modestes talents, ou encore l'amateur qui se réjouit d'admirer l'oeuvre d'un
autre.
Madame le ministre, votre domaine est bien d'abord perçu comme celui du
violoniste. C'est celui du qualitatif et de ce qui n'a pas de prix. C'est dans
ce contexte exaltant que vous devez, aujourd'hui, jouer la partition un peu
plus ingrate du comptable, partition qui, vous allez le voir, est pourtant
aussi exigeante.
Votre domaine est celui de l'artiste et de l'oeuvre. C'est pour eux que vous
venez ici parler de politique, c'est-à-dire de l'organisation de la cité, donc
aussi du rôle de l'Etat, de la responsabilité et de l'organisation de votre
administration et, si possible, de projets.
Alors, pour situer notre débat, je souhaite tout d'abord présenter deux
observations. D'une part, l'Union européenne procède essentiellement d'un
enracinement dans la culture. L'Europe est d'abord culture ! D'autre part, la
culture peut créer des liens suffisamment forts dans la société pour pouvoir
représenter un des meilleurs moyens de lutte contre de nombreuses formes
d'exclusion.
Assumons donc ensemble, face à ces deux exigences, le rôle du comptable. Vous
me semblez vous-même assez satisfaite : votre budget augmente encore plus
rapidement que la masse globale des dépenses de l'Etat. Tant mieux pour vous et
pour le secteur que vous défendez ! Au risque de passer ici pour un esprit
chagrin, je rappellerai tout de même que nous jugeons excessive la progression
générale des dépenses de l'Etat puisque nous ne voulons ni vivre à la charge de
nos enfants - à travers le déficit budgétaire - ni voir alourdir les
prélèvements déjà lourds qui pèsent sur nos concitoyens et sur les
enterprises.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Denis Badré.
Cela dit, ceux qui sont attachés au développement des activités culturelles -
et j'ai la faiblesse de me compter dans leur nombre - pourraient apprécier de
voir votre budget dépasser 15,5 milliards de francs s'ils avaient la certitude
que ce « placement » résulte d'un bon dialogue entre comptables et violonistes,
et des meilleurs choix. Progression du budget signifie aussi exigences accrues,
surtout lorsqu'il s'agit d'un domaine aussi emblématique que le vôtre !
Votre projet de budget ne doit donner lieu à aucune critique et doit vraiment
préparer l'avenir. Malheureusement, nous avons toujours du mal à deviner votre
stratégie. Nous cherchons vainement quelle vision vous guide.
L'inventeur, l'artisan, l'artiste, le créateur, professionnel ou amateur, ce
sera toujours l'homme, qu'il travaille seul ou en atelier, dans une troupe, au
sein d'un orchestre ou d'un choeur. Et qu'attend-il de l'Etat ou d'une
collectivité territoriale ? Un climat favorable à la création, une
reconnaissance et la promotion de son activité, que celle-ci lui permette de
vivre, qu'elle procure à ces concitoyens ce « plus » d'humanité qui rend la
société meilleure.
L'Etat doit jouer, dans ce domaine, un rôle très original : de régulateur et
de faciliteur bien sûr, de mentor et de formateur certainement, de mécène
souvent, d'appui à la création et à l'expression probablement. Il doit aussi
accompagner les efforts de tous ceux qui, à travers la culture, tissent des
liens sociaux dans les associations, les quartiers, les villes ou les
entreprises. La collectivité nationale, enfin, ne doit pas oublier que la
culture représente un réservoir d'activités et d'emplois : 3 millions de
personnes travaillent pour la culture ou en vivent dans l'Union européenne,
dont 500 000 dans le seul secteur de la musique...
Compositeurs, auteurs ou interprètes, instrumentistes ou luthiers,
aquarellistes ou fabricants de couleurs, costumiers, éclairagistes ou acteurs,
metteurs en scène ou vendeurs, notamment, tous exercent de vrais métiers. Ils
contribuent au produit intérieur brut du comptable. Ils apportent de la
richesse sociale.
Leur engagement dans la cité doit être favorisé de manière durable afin qu'ils
soient vraiment en situation de donner à leur art le meilleur d'eux-mêmes. Il
faudrait pour cela, dans ce secteur aussi, une forme de « pacte de stabilité et
de croissance ».
Dans un tel cadre, la recherche d'un statut satisfaisant et durable pour vos
personnels nous semble sans doute plus urgente et importante que bien des
projets. Madame le ministre, le rythme actuellement soutenu des grèves dans
votre secteur - dans les musées ou les bibliothèques, notamment - traduit, me
semble-t-il, un vrai désarroi. Je pense qu'il a retenu votre attention.
Qu'allez-vous faire pour traiter les problèmes rencontrés par vos vacataires ?
Avant de parler d'emplois-jeunes, ne faut-il pas traiter le problème de
l'emploi précaire dans votre administration ?
Au-delà de celle-ci, et plus généralement, tout ce qui concerne les formations
dans le secteur de la culture doit être privilégié : formation des jeunes en
liaison avec l'éducation nationale, formation professionnelle aussi. Je le
disais voilà un an, et je le répète car je vois très peu de progrès sur ce
point. Je crains même, au contraire, que la création d'une direction du
spectacle ne pousse à donner priorité à l'événement. Je ne vois pas pourquoi
l'Etat assume ses devoirs lorsqu'il s'agit de former ingénieurs, médecins ou
juristes, et se repose en grande partie sur les communes lorsqu'il s'agit de
former les professionnels de la musique. Ce n'est pas la ville de Nanterre qui
porte l'université du même nom. Pourquoi le contribuable de Ville-d'Avray
est-il appelé à participer, dans une proportion croissante d'ailleurs, au
financement des formations professionnelles assurées par l'Ecole nationale de
musique et de danse de cette ville ?
C'est doublement malsain.
D'une part, cela accrédite en effet l'idée que ces formations au rabais
débouchent sur des métiers au rabais ou à part. Nous ne sommes pourtant plus au
temps de l'excommunication des saltimbanques !
D'autre part - et c'est plus grave - la pérennité de ces formations est à tout
moment menacée puisqu'elles dépendent du bon vouloir des communes qui peuvent
être à court de moyens ou procéder à de nouveaux choix.
Madame le ministre, nous sommes ici au coeur d'un vrai problème : « qui fait
quoi ? » D'importants efforts sont consentis par vous-même, par nos villes, nos
départements et nos régions. Ne les laissons pas gaspiller. Malheureusement,
beaucoup de ces efforts se perdent. Des initiatives souvent généreuses et de
qualité retombent, faute de suivi, en provoquant alors amertume et
frustration.
Après avoir été encouragées à s'engager dans des actions séduisantes, nos
communes sont ensuite abandonnées à elles-mêmes. Seules en face de réalisations
évidemment intéressantes, elles s'épuisent à essayer de poursuivre...
Nous sommes bien dans un domaine où, comme ailleurs, décentralisation et
déconcentration s'imposent, dans l'intérêt même de la culture. Pour le groupe
de l'Union centriste, c'est bien sur ce point, plus que sur une augmentation de
votre budget, que vous devez porter l'effort principal, si vous voulez
accroître l'efficacité de l'action de votre ministère. Dans l'obscurité
actuelle, ce sont en effet toujours nos villes qui se trouvent finalement
seules face aux problèmes des uns et des autres. Jusqu'à quand pourront-elles
effectivement faire face ? Avant de lancer de grandes actions nationales, plus
ou moins spectaculaires, il faut bien voir que la culture, c'est d'abord le
terrain. Avant d'engager une action nouvelle quelle qu'elle soit, veillez à
éviter la fermeture des bibliothèques de quartier ou des conservatoires de
musique.
Une réelle décentralisation doit donner un cadre « pour aider à gérer », et
non des contraintes qui découragent. Si votre direction du spectacle doit
d'abord donner priorité aux formations, comme je l'ai indiqué tout à l'heure,
elle doit ensuite s'efforcer d'accompagner et d'encourager les initiatives
locales. La culture, ce n'est pas l'Etat. Ce n'est pas non plus nos villes.
C'est « dans » nos villes et surtout « avec » nos villes, et c'est parfois «
avec » l'Etat.
C'est dans cet esprit aussi que nos monuments historiques doivent être gérés :
d'abord pour le public auquel ils appartiennent. C'est en particulier vrai pour
le parc de Saint-Cloud dont j'aurai sans doute très prochainement l'occasion de
vous reparler : contrairement aux engagements pris par votre prédécesseur, les
communes riveraines ne sont que très inégalement associées à la réflexion et
aux choix d'aménagement faits par le parc. C'est certainement dommage à
beaucoup d'égards !
C'est dans cet esprit, enfin, que je cherche actuellement comment faire pour
que l'une de nos plus grandes cantatrices puisse apporter son concours à sa
ville - la mienne - en encadrant la classe de chant lyrique de notre école de
musique. Sur le plan général, il faut évidemment des conditions de diplômes et
des grilles d'emplois. Mais il faut aussi, surtout dans ce domaine de la
culture, que les responsables locaux disposent de marges de manoeuvre et
d'espaces de liberté.
C'est en effet, madame le ministre, mes chers collègues, surtout dans ces
espaces de liberté que pourra s'épanouir pleinement ce supplément d'âme
qu'apporte la culture.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du groupe du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi
de vous faire part des observations que notre collègue Ambroise Dupont m'a
demandé de présenter à l'occasion de l'examen des crédits du ministère de la
culture.
Auparavant, je voudrais, à titre personnel, faire une réflexion de portée
générale pour relativiser certains chiffres. Vous détenez, madame la ministre,
0,97 % du budget général de l'Etat. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de
culture française, sinon, il n'y aurait pas d'industrie française puisque le
budget du ministère de l'industrie ne représente que 0,94 % du total du budget
!
J'en reviens aux remarques de M. Ambroise Dupont.
Depuis plus de vingt ans, les conseils d'architecture, d'urbanisme et de
l'environnement, les CAUE, remplissent la mission que leur a confiée la loi du
7 janvier 1977 : « contribuer à développer l'information et la participation du
public à la formation des intervenants de la construction, le conseil aux
candidats qui désirent bâtir et, enfin, l'aide aux collectivités locales et aux
administrations publiques ».
L'assistance à la maîtrise d'ouvrage est largement appréciée des collectivités
locales, en particulier en milieu rural, aussi bien pour la préparation
d'opérations d'urbanisme que pour l'amélioration de la qualité architecturale
des constructions publiques.
Les CAUE ont, en outre, contribué à l'application de plusieurs textes
législatifs, en apportant une assistance pédagogique aux collectivités
publiques et aux particuliers.
Mais leur intervention, efficace et discrète, se heurte à l'interprétation
littérale de la loi que donnent certaines administrations.
Celles-ci proposent ainsi souvent, à la satisfaction générale, des modules de
formation destinés aux élus ou aux fonctionnaires concernés par l'urbanisme et
l'architecture.
Or, une divergence d'interprétation de la notion de gratuité des prestations
des CAUE est apparue entre vos services, madame la ministre, et les services
déconcentrés du ministère de l'économie et des finances. Certains
trésoriers-payeurs généraux ont même estimé que la loi interdisait la signature
de conventions de formation assorties de contributions financières entre les
collectivités publiques et les CAUE.
Or la plupart des CAUE manquent de moyens.
C'est pourquoi il paraît indispensable d'envisager une modification de leur
champ de compétences et une clarification de la loi sur l'architecture en
raison de l'importance de leur mission dans le domaine de la formation.
Cette question est cruciale car, d'ores et déjà, nombre de CAUE ne survivent
que grâce à l'aide que leur apportent les départements. Convenez, madame la
ministre, qu'il serait singulier que les départements puissent accorder une
subvention aux CAUE, alors même que les trésoriers-payeurs généraux
refuseraient leur visa pour des conventions rémunérant des activités qui, à
l'évidence, ne peuvent être prises en charge par le secteur concurrentiel.
On doit d'ailleurs souligner que, loin d'être les concurrents des architectes
et des urbanistes, les CAUE jouent bien souvent un rôle précurseur en matière
d'urbanisme et suscitent de nouvelles commandes pour le secteur libéral. Il
suffit, par exemple, d'évoquer les progrès considérables réalisés dans nombre
de départements en matière d'aménagement des coeurs de villages.
Il ne s'agit donc nullement de fausser la concurrence au détriment des
architectes ou des urbanistes mais, tout simplement, de permettre la mise en
oeuvre d'opérations échappant au domaine du marché.
Madame la ministre, vos services préparent une réforme de la loi du 7 janvier
1977 sur l'architecture, ce dont il faut se féliciter.
Il est nécessaire que ce texte conforte les CAUE dans leur mission et qu'il
modernise leur statut, tout en précisant de façon claire les contours de la
notion de gratuité du conseil en architecture. Le service public dévolu au CAUE
se doit d'être confirmé et développé.
Il y aurait également lieu de clarifier les relations qui peuvent exister
entre les CAUE et les architectes des Bâtiments de France, au goût parfois
impérieux et juridiquement sans appel. Les avis requis du service des Bâtiments
de France sont parfois contradictoires avec ceux du CAUE. Il convient donc de
clarifier l'opposabilité des différents avis, pour éviter que les
pétitionnaires ne soient empêchés de réaliser leurs projets faute d'un accord
précis sur leurs demandes. Trop souvent, le projet qu'ils présentent n'est pas
remis en cause, mais la longueur de la procédure n'en exerce pas moins un
regrettable effet de blocage. De fâcheuses conséquences s'ensuivent pour
l'économie locale, sans compter l'incompréhension que ces contradictions entre
services publics suscitent chez les usagers. Il faut porter remède à cette
situation. Où en est, madame la ministre, la commission d'appel dont nous avons
prévu la création ?
Plusieurs membres de la Haute Assemblée, de tous horizons politiques, ont
manifesté, devant le retard constaté, leur préoccupation face aux problèmes que
rencontrent les CAUE. Tous sont désireux que le Gouvernement procède à une
réforme dans un délai qui ne saurait excéder le terme de l'année à venir, faute
de quoi ils devraient prendre eux-mêmes une initiative de portée
législative.
Depuis plus de vingt ans, les CAUE mènent une action sur le terrain. Ils ont
été, en matière d'architecture, des agents de sensibilisation des acteurs
locaux dans un domaine dont la loi de 1977 souligne à juste titre l'intérêt
public.
Il vous appartient donc, madame la ministre - je ne doute d'ailleurs pas de
votre démarche - de marquer, par un engagement politique clair, votre politique
à cet égard.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues,
j'interviendrai sur deux points bien précis : les architectes des Bâtiments de
France et les CAUE.
Madame la ministre, je souhaiterais tout d'abord vous interroger sur la
procédure nécessitant l'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de
France.
En juillet 1993, notre collègue Jacques Pelletier avait pris l'initiative, en
tant que médiateur de la République, de déposer une proposition de réforme qui
demandait l'institution d'un dispositif d'appel dans les procédures nécessitant
l'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France.
L'adoption par le Sénat, le 21 mai 1996, de la proposition de loi, déposée par
Claude Huriet et plusieurs de ses collègues, relative à l'instruction des
autorisations de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés ou
inscrits et dans les secteurs sauvegardés, répondait aux préoccupations du
médiateur.
L'Assemblée nationale était saisie de la proposition au début de 1997 et, le
28 février, était promulguée la loi n° 97-179 relative à l'instruction des
autorisations de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés ou
inscrits et dans les secteurs sauvegardés. La procédure d'appel est désormais
possible pour le maire ou pour l'autorité compétente pour délivrer
l'autorisation ou le permis de construire. Elle s'effectue auprès du préfet de
région qui, après consultation de la commission régionale du patrimoine et des
sites, créée par l'article 1er de la loi en remplacement de la commission
régionale du patrimoine historique, archéologique et ethnologique et du collège
régional du patrimoine et des sites, émet un avis se substituant à celui de
l'architecte des Bâtiments de France.
Toutefois, la mise en oeuvre des nouvelles dispositions de l'article 13
bis
de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques et de l'article
L. 313-2 du code de l'urbanisme est subordonnée à la parution d'un décret
d'application qui doit préciser la procédure et fixer la composition, les
attributions et le mode de fonctionnement de la commission du patrimoine et des
sites instituée, dans chaque région, auprès du représentant de l'Etat.
Or, il me semble que le délai de rédaction de ces dispositions réglementaires
se prolonge aujourd'hui de manière excessive.
Pourtant, dès la désignation du nouveau gouvernement, les ministres compétents
ont été alertés sur le caractère urgent de ce dossier. Le médiateur de la
République est intervenu à plusieurs reprises pour faire activer la sortie de
ce décret. De nombreux parlementaires vous ont interrogée, madame la ministre,
sur les délais de mise en oeuvre de la loi du 28 février 1997. Les réponses ont
longtemps été dilatoires, voire contradictoires, et c'est peu dire que les
nombreux engagements successifs sont restés lettre morte. Sans vouloir en
dresser la liste exhaustive, on peut ainsi relever que, le 28 octobre 1997,
notre collègue André Egu avait obtenu pour réponse à sa question orale sans
débat que le projet de décret serait présenté au Conseil d'Etat dans les
premières semaines du mois de décembre 1997. Cependant, le 26 janvier 1998, M.
Guy Lengagne s'était vu répondre à sa question écrite que la consultation entre
les ministères concernés, nécessaire s'agissant d'un projet de décret, était en
cours.
Puis, le 19 mai 1998, notre collègue Joseph Ostermann avait obtenu
l'engagement que le projet de décret serait transmis au Conseil d'Etat dans les
tout prochains jours et qu'il devrait donc être publié avant l'été.
Enfin, le 11 juin dernier, revenant à la charge par une nouvelle question
orale, notre collègue André Egu avait appris que les arbitrages étaient rendus
et que les décrets seraient bientôt signés : « c'est une affaire de jours »,
aviez-vous même ajouté, madame la ministre.
Nous sommes conscients du fait qu'un décret devant faire l'objet d'une
concertation interministérielle ne peut pas être pris en quelques semaines.
Mais nous sommes aujourd'hui au début du mois de décembre, vingt-deux mois
après la promulgation de la loi et, à ma connaissance, le décret tant attendu
n'a toujours pas paru.
Je sais qu'un projet a été examiné par la section de l'intérieur du Conseil
d'Etat le 6 octobre dernier : il semble désormais nécessaire de faire diligence
pour que le décret soit publié tout prochainement. C'est le souhait et
l'attente des parlementaires et de tous les élus locaux de notre pays.
En outre, je souhaiterais savoir quelles sont les dispositions prises pour que
la loi du 28 février 1997 soit applicable dans les départements d'outre-mer.
Par ailleurs, comme l'a parfaitement souligné notre collègue Jean Clouet, qui
se faisait l'interprète de la pensée de M. Ambroise Dupont, avec lequel nous
avons beaucoup travaillé ces derniers mois sur les CAUE, nous ressentons, dans
nos départements, de vives inquiétudes quant au présent et à l'avenir de ces
instances. Malgré le travail remarquable qu'elles réalisent, spécialement en
milieu rural, elles connaissent de graves difficultés financières.
Dans certains départements qui ont choisi de porter le taux de la taxe à son
plafond, le produit recouvré est inférieur à 500 000 francs !
Sur les quatre-vingt-quatre départements ayant institué la taxe,
soixante-quatre l'ont fixée au taux maximal : c'est bien la preuve que les
ressources sont insuffisantes. Ne conviendrait-il pas, dans ces conditions,
d'envisager un élargissement de la base de la taxe ou un accroissement de son
taux maximal ? On nous a toujours opposé, sur ce point, des arguments
techniques qui ne m'ont pas convaincu. Au surplus, l'Etat, qui interdit aux
départements de dépasser la plafond de 0,3 % de la valeur des ensembles
immobiliers ayant fait l'objet d'une autorisation de construire, n'assume pas
ses responsabilités financières.
L'aide de l'Etat aux CAUE qui est inscrite dans le budget du ministère de la
culture est dérisoire ! Elle s'élève à environ 4 millions de francs, destinés
au financement des vacations des architectes consultants. Cette aide est
d'ailleurs le plus souvent versée avec retard ! Ne serait-il pas envisageable
de la contractualiser sur plusieurs années ?
Ne conviendrait-il pas, madame la ministre, d'envisager un versement de la
subvention aux seuls départements qui ont porté la taxe au taux plafond ? La
maxime « Aide-toi, le Ciel t'aidera » doit s'appliquer aux CAUE.
J'en viens, madame la ministre, à la situation des architectes consultants.
Ces architectes étant des vacataires, ils n'ont aucune forme de carrière :
leurs contrats à durée déterminée ne durent souvent que de six à huit mois.
Leurs rémunérations, qui n'ont pas été revalorisées depuis sept ans, sont très
modestes : 235 francs pour une demi-journée dans un département que je connais
bien !
En outre, les contrats types qui sont signés lors de leur recrutement sont
manifestement inadaptés : songez que le nombre de vacations est limité à douze
par personne et par mois, si bien que les CAUE doivent faire appel à plusieurs
architectes qui n'interviennent au total jamais plus de six jours par mois !
De ce fait, les architectes consultants ne peuvent pas percevoir les
prestations d'assurance maladie, alors même qu'ils y cotisent en tant que
salariés, car le nombre d'heures qu'ils consacrent aux CAUE est inférieur au
minimum nécessaire pour ouvrir droit aux prestations sociales.
Cette situation est-elle satisfaisante, madame la ministre ? Si vous la jugez,
comme moi, particulièrement choquante, qu'entendez-vous faire pour y remédier
?
Certains CAUE ont tenté de sortir de cette situation calamiteuse en réalisant
des prestations de formation. Mais voilà que les services de l'Etat donnent une
interprétation si réductrice du principe de spécialité que les collectivités
locales elles-mêmes ne sont plus en mesure de pallier la carence de l'Etat.
Madame la ministre, vos services ont entamé une réflexion sur le devenir des
CAUE. Sachez que plusieurs membres du Sénat sont très désireux de connaître son
état d'avancement, voire, mieux encore, d'y être associés.
Je souhaite que vous présentiez rapidement des propositions. Je souligne
cependant que les conclusions du rapport présenté voilà trois ans par M.
Christian Vigouroux, conseiller d'Etat, ont d'ores et déjà fait le point sur
l'essentiel des problèmes que j'ai évoqués.
Permettez-moi, mes chers collègues, de rappeler, pour conclure, l'une des
observations que formulait le rapport précité : « Les CAUE ne sont pas conçus
pour survivre. Pour animer, innover, ils doivent disposer des moyens de leur
indépendance ou mieux vaut les dissoudre. L'Etat a tout à perdre en laissant
vivoter des structures en assistance de survie artificielle. »
Ces propos, madame la ministre, demeurent, hélas ! toujours d'actualité !
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Hugot.
M. Jean-Paul Hugot.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, permettez-moi
d'intervenir sur deux thèmes concernant, l'un, l'éducation artistique, l'autre,
le patrimoine ; en effet, ce sont là, à mon sens, deux piliers du secteur
culturel qui fait actuellement l'objet de nos débats.
S'agissant tout d'abord de l'éducation artistique, je souhaiterais, madame le
ministre, que vous puissiez nous définir encore plus clairement le rôle
spécifique de votre ministère à l'égard de la cause nationale qu'est
l'éducation artistique des jeunes générations. Il importe à mon avis que le
ministère de la culture joue à cet égard un rôle croissant pour la bonne raison
que le secteur de l'éducation nationale est de façon très dominante le domaine
de l'enseignement.
Sans jouer sur les mots, je dirai que le mot « enseignement » comporte le mot
« signe » : il s'agit bien d'une démarche relative à la langue, à la façon de
concevoir le monde tel que cela s'exprime par le discours.
L'enseignement, c'est mettre en signes, fabriquer de la signification. Par là
même, nous voyons bien que l'enseignement est, de façon un peu caricaturale,
unidimensionnel par le fait même que bien des aptitudes des jeunes concernant
le sens critique, le sens d'autrui - ou bien tout simplement le sens des
talents qui peuvent se manifester autrement que par la conscience
intellectuelle - semblent rester parfois un peu en friche.
Indéniablement, la culture, les arts permettent d'offrir l'éducation, au sens
complet, pour le jeune dans la société moderne.
D'abord, inévitablement, l'éducation artistique incite à la pratique des
arts.
Cette pratique doit d'ailleurs faire partie intégrante de l'éducation et
favoriser ainsi le développement de cette intelligence de la main, de cette
intelligence technique qui vient concurrencer l'intelligence spéculative et
compléter la formation.
Mais je voudrais y ajouter une autre dimension, qui concerne plus précisément,
à travers l'éducation artistique, la confrontation avec la création des formes,
et pourquoi pas leur repérage en termes d'expression des styles, c'est-à-dire
des autres manifestations de la diversité des civilisations et des hommes : on
rencontre ainsi leur personnalité et on s'y accoutume par la pratique
personnelle. C'est une façon de se découvrir et, en même temps, de comprendre
autrui.
Enfin, par l'art, par l'éducation artistique, on accède aussi à l'estimation
des valeurs, des valeurs artistiques, et par là même à la formation du
jugement, voire du jugement critique.
L'art contribue, de la sorte, à former la capacité morale, la capacité
d'appréciation. C'est donc à l'égard d'une conception très globale humainement,
très exhaustive, que je pose l'exigence d'une éducation artistique plus
complète.
C'est bien pourquoi je souhaite que le ministère de la culture puisse jouer un
rôle croissant face à une éducation nationale - j'en suis membre, je puis donc
en parler en toute complicité -, qui est exagérément tournée de façon
logocentrique vers les disciplines spéculatives de l'intelligence, qui, hier,
permettaient d'opposer dans la vie économique les cols bleus et les cols
blancs.
Le ministre de la culture, en incitant toute une jeune génération à la
pratique artistique, peut débloquer cette vision trop réductrice et permettre
l'éclosion d'une culture plus large.
S'il est un domaine où nous attendons que les efforts du ministère soient
accentués, c'est notamment pour seconder les collectivités territoriales, qui,
notamment en matière de musique, de danse mais aussi d'arts plastiques, n'ont
pas hésité à ouvrir, en formation post-scolaire ou en liaison avec l'éducation
nationale, des formations extrêmement solides dont l'essentiel réside dans le
fait qu'elles sont assises sur la rencontre entre le jeune et le créateur.
C'est surtout sur ce point que je voudrais insister, car le contact avec l'art
peut passer soit par la forme de l'enseignement et la médiation de l'écriture
et de la conscience intellectuelle, soit par la pratique directe.
Le rôle du ministère de la culture est donc de faire en sorte que, dans
l'éducation artistique, le contact direct avec le créateur soit privilégié,
dans la mesure où il permet, d'une part, au créateur de trouver sa place dans
la société par de nouveaux moyens à côté de la production de l'oeuvre, et,
d'autre part, aux jeunes générations de côtoyer le créateur. Ce contact peut
ainsi être la clé même non seulement de la transmission des savoir-faire
artisanaux ou artistiques, mais surtout de l'échange des passions dans la
rencontre des enthousiasmes.
J'en arrive tout naturellement à la question que je souhaitais vous poser,
madame le ministre : quel est, dans sa ligne de force, dans sa ligne
directrice, le rôle que le ministère de la culture se donne en matière de
développement de l'éducation artistique, notamment à l'égard de l'éducation
nationale ?
Le deuxième point de mon intervention concernera le secteur du patrimoine, et
plus particulièrement du patrimoine de proximité.
Nous savons que le patrimoine de proximité, qui fait le charme et la
caractéristique de nos paysages urbains ou ruraux, est constitué de centaines
de milliers d'éléments remarquables. Or il est bien clair que si l'Etat, qui a
ouvert depuis près d'un siècle le grand chantier du patrimoine, s'est réservé
les oeuvres majeures dites classées ou inscrites, il n'a pas fait de même
vis-à-vis du petit patrimoine, qui est souvent resté en deshérence.
Ce dernier appelait une approche plus globale que celle que l'on connaît
aujourd'hui et, trop souvent, le seul recours a été et demeure de s'adresser
aux propriétaires, parfois de condition très modeste, ou de faire appel aux
collectivités territoriales.
Cette hypothèse ne doit pas être rejetée, mais une autre idée a germé voilà
quelques années dans notre pays - et le Sénat en a été le relais - qui a
consisté à faire naître et croître un organisme susceptible de mettre au
service du petit patrimoine un mouvement ascendant ordonné autour d'une
fondation.
Vous avez tous reconnu la Fondation du patrimoine et, à ce sujet, madame le
ministre, si l'administrateur de la Fondation que je suis sait que,
aujourd'hui, les moyens et l'organisation nationale, régionale et
départementale sont en cours de mise en place et sont désormais opérationnels,
il considère néanmoins que nous devons avancer dans cette voie.
Il importe donc que la labellisation, disposition introduite dans le code
général des impôts, soit enfin activée par la promulgation du décret
d'application. Notre excellent rapporteur spécial, M. Nachbar, y a d'ailleurs
fait allusion dans son rapport : aux termes de cette disposition, « sont
déductibles du revenu imposable les charges foncières afférentes aux immeubles
labellisés par la Fondation du patrimoine si ce label est délivré sur avis
favorable du service départemental de l'architecture ».
Un dialogue s'est instauré à ce sujet entre les services des différents
ministères et la Fondation et nous attendons que le décret tant espéré - il
était prévu pour le deuxième semestre de 1998 - qui permettra à la Fondation de
se tourner vers les propriétaires publics ou privés et de leur proposer
d'accompagner leur développement, soit enfin publié.
Vous savez quelle est l'ambition de la Fondation : il ne s'agit pas moins que
de mobiliser, par le mécénat notamment, quelque 2 millions de francs par
département et par an. De la sorte, chaque année, sachant que les
participations de la Fondation sont estimées à 20 % des chantiers, c'est
environ un milliard de francs qui permettront l'ouverture de nouveaux chantiers
patrimoniaux. Et, lorsque l'on compare, madame le ministre, ce milliard de
francs avec les efforts de l'Etat, qui, en matière patrimoniale, tournent
autour de 1,5 milliard de francs, on voit bien qu'il y a là un effet
multiplicateur dont les retombées sont diverses. A terme, même Bercy devrait
d'ailleurs se retrouver gagnant !
Pour cela, il faut investir dans le pari que les incitations du label de la
Fondation à engager des chantiers nouveaux seront suffisamment fortes pour
permettre l'ouverture de ces chantiers, et donc, vous l'avez bien compris, la
capacité de développement des entreprises spécialisées ainsi que le maintien de
l'emploi dans ce secteur très porteur où il importe d'avoir une continuité dans
les commandes pour pouvoir garantir la formation des compagnons.
La question que je vous pose, madame le ministre, est donc la suivante : où en
est la réflexion du ministère de la culture sur la Fondation du patrimoine, et
le décret d'application va-t-il bientôt être publié ?
Je crois savoir que le ministère de la culture est particulièrement dynamique
dans sa volonté de faire aboutir le dossier, mais le dialogue interministériel
se poursuit : il est question d'un engagement à court terme qui permettrait de
vérifier si les conséquences fiscales de cette labellisation auront l'effet
escompté. Je conçois cette prudence, mais il faut prendre la décision qu'un
certain nombre de signes, d'engagements - de la part non seulement de votre
ministère, madame le ministre, mais aussi d'autres ministères - nous laissaient
attendre pour 1998. Or nous ne voyons toujours rien venir. Il est vrai que
Noël, c'est le 25 décembre ! Nous avons donc encore quelques jours à
attendre.
Je vous remercie, en tout cas, de votre attention sur ces deux questions.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal.
Madame la ministre, voilà un an, vous définissiez à cette tribune le pacte
républicain en faveur de la culture.
Vous rappeliez alors le rôle fondamental de l'Etat dans la dynamique
d'impulsion et de régulation de la politique culturelle, et vous indiquiez deux
objectifs majeurs : la démocratisation de l'offre culturelle comme vecteur
essentiel du lien social et l'impérieuse nécessité de mieux répartir cette
offre sur l'ensemble du territoire national.
La politique que vous nous proposez s'inscrit bien dans cette orientation et
dans cette « exception culturelle française », où l'Etat est au service de la
création artistique et de sa diffusion auprès de l'ensemble des citoyens.
Avec une progression de 3,5 % par rapport à la loi de finances de 1998, votre
budget répond parfaitement à ces exigences. Ainsi, vous continuez à combler le
retard pris précédemment, et vous vous rapprochez de l'objectif de 1 %, fixé
par le Premier ministre dans son discours de politique générale du mois de juin
1997.
Après avoir entendu les différents intervenants, je consacrerai pour ma part
le temps qui m'est imparti à trois sujets : la recherche de modes
d'intervention et de financement plus pertinents entre l'Etat et les
collectivités locales, la politique en faveur du patrimoine rural non protégé
et, enfin, l'action au service de la musique.
L'
Atlas des activités culturelles,
publié par votre ministère, a mis en
évidence la persistance de forts déséquilibres territoriaux entre les régions
et les départements.
Il est vrai que les lois de décentralisation de 1982 n'ont pas expressément
reconnu aux collectivités locales des compétences propres en matière d'action
culturelle, à l'exception de la lecture publique et des archives.
Le constat qui s'impose aujourd'hui est révélateur : c'est celui d'un écart
allant de 1 à 25 dans la part des dépenses culturelles des régions ou des
départements.
L'offre et le maillage culturels sont donc très disparates et fortement liés à
la volonté et aux choix politiques des collectivités territoriales et de leurs
élus.
De ce fait, la volonté de l'Etat de mieux répartir cette offre culturelle et
de la réguler est mise en échec, ce qui nous impose de réfléchir à des modes
d'intervention et de partenariat plus pertinents pour réduire ces déséquilibres
territoriaux.
Madame la ministre, vous avez fait des propositions très intéressantes dans ce
sens.
Ce débat budgétaire doit nous donner l'occasion de les rappeler devant le
Sénat, en souhaitant que la future loi d'orientation sur l'aménagement du
territoire nous permette de concrétiser ces axes majeurs que vous avez
tracés.
Outre les contrats de plan, des procédures contractuelles innovantes
s'imposent, en effet, pour construire une politique ambitieuse d'aménagement
culturel du territoire et pour relancer la politique d'équipements sur la base
de compétences, d'objectifs et de financements clairement définis entre l'Etat
et les collectivités territoriales.
Par ailleurs, vous avez émis l'idée très intéressante d'une prime à la
coopération intercommunale pour donner aux villes-centres et aux bourgs-centres
un rôle spécifique dans la création et la gestion d'équipements à vocation
intercommunale.
Il s'agit donc bien de définir de nouvelles règles du jeu entre l'Etat et les
collectivités territoriales pour corriger certains effets des lois de
décentralisation, et je dois vous dire que le conseil général de l'Hérault,
présidé par notre collègue André Vezinhet, souhaite s'engager, avec votre
ministère - et, bien sûr, la direction régionale des affaires culturelles -
dans cette expérience contractuelle.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous
connaissons tous les difficultés que rencontrent les maires ruraux pour
entretenir et restaurer le patrimoine non protégé. M. Hugot vient d'y faire
allusion.
C'est un exemple concret d'un objectif de partenariat qui pourrait être
inscrit dans le cadre d'une convention entre l'Etat et un département ou une
région. Nous sommes, en effet, régulièrement alertés par des maires contraints
de laisser disparaître un patrimoine, parce que le budget d'une petite commune
rurale ne permet pas de mener des actions de sauvegarde et de restauration.
Or si, au cours de ces deux dernières années, un important rattrapage des
crédits destinés au patrimoine monumental a été accompli, il faut, hélas !
constater que le « petit patrimoine non protégé », situé notamment en milieu
rural, ne bénéficie pas de moyens budgétaires suffisants.
M. Yann Gaillard,
rapporteur spécial.
C'est vrai !
M. Marcel Vidal.
Nous devons donc veiller à l'abondement des crédits consacrés au patrimoine
rural non protégé et, peut-être aussi, nous interroger sur le rôle que la
Fondation du patrimoine pourrait jouer, car ne faut-il pas constater que son
action n'a pas encore permis d'atteindre les objectifs qui présidaient à sa
création ? Le « décollage » nous paraît très lent malgré l'enthousiasme
manifesté voilà quelques instants par notre collègue Jean-Paul Hugot.
J'attire aussi votre attention, madame la ministre, sur les moyens de
fonctionnement des directions régionales des affaires culturelles.
Vous avez, à juste titre, engagé une politique de déconcentration,
indispensable si l'on veut atteindre l'objectif de contractualisation que je
soulignais à l'instant.
Cette déconcentration appelle un renforcement des moyens en personnels, car il
en va de la rapidité d'instruction des dossiers et de la qualité du service
public. Notre collègue Danièle Pourtaud a souligné cet aspect avec netteté au
cours de son intervention.
Un secteur mérite plus particulièrement un effort, celui des monuments
historiques, car nous manquons cruellement d'architectes - ils sont
littéralement dépassés - pour suivre, dans de bonnes conditions, les chantiers
de restauration.
De plus, une commune, un département, une région, possède un patrimoine très
dispersé géographiquement. Cette situation rend difficile le recensement et la
valorisation, d'autant que les conservateurs expérimentés sont, encore
aujourd'hui, en nombre très insuffisant. Il serait donc souhaitable de
renforcer leurs effectifs, ce qui aurait pour effet de favoriser un meilleur
suivi et un assouplissement des démarches administratives. C'est un point très
urgent et fort important pour nos collectivités.
Avant de conclure, je soulignerai le réel soutien que vous avez décidé
d'apporter à la musique, notamment aux musiques dites « actuelles », preuve,
s'il en est une, de l'importance que le Gouvernement attache à la création en
encourageant tous les genres, et à la démocratisation en suscitant l'intérêt de
nouveaux publics.
Vous avez, par ailleurs, ouvert des perspectives très intéressantes de
coopération avec l'éducation nationale qui augurent d'une approche nouvelle,
dans le domaine de l'enseignement artistique et de la sensibilisation aux arts
et à la création dès le plus jeune âge.
Ces choix s'accompagnent d'une forte augmentation des moyens alloués à la
formation professionnelle des enseignants.
Là encore, c'est un réel motif de satisfaction, lorsque l'on sait que 70 % des
intervenants dans les écoles de musique, par exemple, n'ont pas de
qualification pédagogique reconnue par l'Etat.
Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, rapidement abordés quelques
constats et des propositions.
En conclusion, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues,
je formulerai le voeu que soit bientôt consacré au Sénat un débat sur la
culture. En effet, en raison de sa brièveté, le rendez-vous annuel de la
discussion budgétaire ne permet pas d'évoquer tous les sujets de la politique
culturelle qui passionne, nous en sommes convaincus, de nombreux membres de la
Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Monsieur le sénateur, votre suggestion est bien retenue.
La parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si l'on s'en
tient à une appréciation purement chiffrée, le projet de budget du ministère de
la culture que le Gouvernement soumet à l'appréciation de notre assemblée est
relativement satisfaisant.
Avec une progression déjà mentionnée de 3,5 % par rapport à la loi de finances
initiale de 1998, les crédits affectés à l'action culturelle atteindront en
effet 15,7 milliards de francs, soit 0,97 % des charges nettes de l'Etat pour
1999.
En accord avec plusieurs intervenants, je dis à mon tour qu'il convient de se
féliciter de cette progression, même si l'objectif symbolique de parvenir à 1 %
du budget de l'Etat, objectif systématiquement proclamé mais jamais atteint, ne
sera pas, cette année encore, au rendez-vous.
Je tiens à rendre hommage à nos excellents rapporteurs, MM. Gaillard et Vidal,
ainsi qu'à M. Nachbar qui est intervenu au nom de la commission des affaires
culturelles. Je souligne d'autant plus la qualité de ce travail que la
nomenclature budgétaire établie par vos services, madame la ministre,
dissuadait la lecture par son caractère rébarbatif.
Nonobstant cette difficulté, M. Nachbar vient de présenter, avec autant de
mesure que de talent, l'économie générale de votre budget. Ses conclusions,
contrairement aux documents que vous nous avez fournis, étaient à la fois
claires et précises. Elles me dispenseront de m'appesantir sur l'ensemble des
choix et des options autour desquels vous avez entendu bâtir votre projet de
budget.
Je voudrais donc profiter de mon intervention pour évoquer trois points qui me
paraissent essentiels en matière d'action culturelle et qui, me semble-t-il,
témoignent du fait que, derrière des présentations chiffrées plutôt flatteuses,
se cachent souvent des réalités qui le sont moins.
Ces trois sujets - que j'avais déjà eu l'occasion d'évoquer l'année dernière à
cette tribune - ont trait à l'enseignement artistique, d'une part ; à la
politique de protection et de défense de notre patrimoine, d'autre part ; à la
nécessité d'une politique ouverte sur l'étranger, enfin.
Madame la ministre, le budget global dévolu aux enseignements artistiques est
en quasi-stagnation, ce qui est franchement désolant. En effet, si 38 millions
de francs supplémentaires sont effectivement inscrits à ce projet de budget, ce
qui constitue une progression modeste de 2,7 %, il n'est en revanche prévu
qu'une hausse d'à peine 1 % des crédits d'intervention.
Vous conviendrez avec moi que ces chiffres paraissent nettement insuffisants
dans un budget destiné à mettre en oeuvre une politique culturelle qui a fait
de la démocratisation sa priorité. Ces chiffres contrastent d'ailleurs
sévèrement avec ceux de l'année dernière, où votre département ministériel
avait consenti un effort plus sensible en la matière, puisque vous aviez
programmé des augmentations de 6,9 % en dépenses ordinaires, et de plus de 40 %
en autorisations de programme.
Cette stagnation, qui peut être considérée comme une absence de volonté
d'appliquer la loi du 6 janvier 1988 sur les enseignements artistiques, ne
correspond en rien aux immenses besoins d'une jeunesse dont il ne faut pas
s'étonner que le niveau de formation et de préparation à la connaissance des
arts soit si faible.
En tout état de cause, la modestie de votre projet de budget, dans ce domaine
capital, me paraît d'autant plus étonnante qu'elle s'accompagne d'un
désengagementmassif des interventions de l'Etat en faveur de l'aménagement des
rythmes scolaires, lesquels présentaient justement l'avantage de sensibiliser
les plus jeunes aux différents aspects de l'activité culturelle.
J'aborderai maintenant la deuxième partie de mon propos, qui concerne votre
politique du patrimoine.
En effet, il est regrettable de constater que l'effort consenti l'an passé en
faveur du patrimoine connaît un relâchement sensible dans le projet de budget
que vous nous proposez. Les crédits pour 1999 n'augmentent, en effet, que de
2,7 %, soit moins que l'augmentation générale du budget ; les subventions
d'investissement accordées aux propriétaires de monuments historiques diminuent
de près de 25 %, et l'effort budgétaire se limite aux travaux effectués par
l'Etat sur ses propres monuments. Ce dernier point est d'autant plus surprenant
que, si mes souvenirs sont exacts, vous aviez agi différemment l'année
dernière.
Je tiens à souligner, madame la ministre, à l'instar d'orateurs qui m'ont
précédé, que je regrette beaucoup ce choix, puisque le patrimoine devrait
constituer une véritable priorité de la politique culturelle. Les conséquences
de cette orientation doivent nous alerter : en effet, comme je vous l'avais
déjà fait remarquer l'an passé, le patrimoine représente un outil important, et
peut-être même essentiel, d'aménagement du territoire et de rayonnement
culturel.
De ce point de vue, je regrette naturellement que les crédits destinés aux
grands projets régionaux connaissent, eux aussi, un net ralentissement - 76
millions de francs pour 1999 contre 165 millions de francs en 1998 - ce qui ne
permet pas de rétablir l'équilibre qui devrait exister entre Paris et la
province, équilibre largement plombé par la disproportion qui existe entre les
coûts faramineux des équipements culturels parisiens et les crédits dévolus aux
actions en région.
A cet égard, et je m'éloigne quelques instants de mon sujet, je vous ai
adressé récemment une question écrite sur la situation ubuesque dans laquelle
se trouve placée la Bibliothèque nationale de France dont le coût - il convient
de le rappeler - s'élève à ce jour à 8 milliards de francs, pour des résultats
dont le moins que l'on puisse dire est qu'ils ne sont pas brillants. Mais
peut-être pourrez-vous, madame la ministre, éclairer le Sénat sur ce sujet.
Je souhaiterais, pour conclure, madame la ministre, attirer votre attention
sur un troisième point, qui me paraît tout à fait fondamental aujourd'hui.
Il me semble, en effet, que la révolution des échanges que le monde connaît
actuellement exige que soit mise en place une politique culturelle délibérément
ouverte sur le monde qui nous entoure. Notre pays, en effet, a trop souvent
tendance à adopter une attitude de repli, un peu frileuse, que je crois très
sincèrement préjudiciable.
Notre culture doit, à tout prix, éviter de s'enfermer à l'intérieur de sa
tradition particulière, et ce, même si cette dernière s'est toujours prévalue,
à juste titre, d'une vocation universelle. A l'inverse, notre politique
culturelle doit s'ouvrir aux autres sociétés, tant au sein de l'Union
européenne que dans le reste du monde.
L'enjeu d'une telle ouverture est de favoriser l'accès de nos concitoyens à
des cultures qu'ils ignorent, et sans lesquelles la pleine compréhension du
monde qui les entoure devient difficile, voire impossible.
Je suis convaincu, madame la ministre, que la préservation de notre langue et
que la diffusion de notre culture ne passeront que par la capacité de notre
pays à s'ouvrir aux autres et à participer avec ces derniers à des projets de
création d'envergure européenne ou internationale.
A cet égard, je crois qu'il est indispensable de porter une attention toute
particulière à l'ensemble des associations culturelles françaises, qui, à
l'étranger, oeuvrent à la promotion des relations entre la France et les autres
pays. Ces liens prennent la forme de manifestations diverses - expositions,
concerts, rencontres, etc. - et ne peuvent perdurer qu'à la condition que notre
pays soutienne l'ensemble de ces initiatives. Pour me rendre fréquemment sur le
terrain, à l'étranger, je peux témoigner que les organisateurs se sentent trop
souvent isolés et qu'ils ne bénéficient pas toujours de l'aide qui leur serait
nécessaire.
J'ai, lors d'une précédente intervention, plaidé pour l'inscription d'une
ligne de crédits à ce sujet au budget du ministère de la jeunesse et des
sports. Mais Mme la ministre ne m'a pas répondu.
Je sais très bien que le ministère des affaires étrangères couvre tout, mais
il serait très utile pour nous, représentants des Français de l'étranger, et
pour les Français de l'étranger, qu'une ligne budgétaire retrace clairement les
actions menées en ce domaine. Je constate tous les jours le dévouement et le
dynamisme de ces communautés françaises, je ne voudrais pas qu'elles soient
oubliées par votre département. Je vous remercie de votre attention.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La paroles est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Madame la ministre, pour les présidents de conseils régionaux, la culture est
certainement l'un des bons dossiers de la contractualisation. Cela est si peu
courant que cela mérite d'être souligné !
En effet, en matière culturelle, globalement, quand on fait le point de
l'ensemble des dossiers dans ce pays, on voit que les contrats ont souvent été
créatifs et qu'ils sont mieux réalisés que pour beaucoup d'autres ministères ;
je ne parle naturellement pas du ministère de l'équipement, qui est très loin
de ces objectifs, ni de bien d'autres encore...
Mais c'est votre budget qui nous intéresse aujourd'hui. Les régions,
globalement, participent activement avec les autres collectités territoriales à
la politique culturelle - cela a été dit par M. Nachbar et par M. le rapporteur
spécial - et ce dans un partenariat positif et constructif.
J'ai réagi tout à l'heure aux propos d'une collègue qui a évoqué les
difficultés rencontrées par certaines régions.
Dans votre lutte contre le Front national, madame la ministre, je vous sais
sincère. Je vous ai vu à Strasbourg. Je souhaite vraiment que notre pays
comprenne que la culture est le meilleur des antibiotiques contre le Front
national.
M. André Maman.
Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je souhaite que le pays comprenne que c'est la culture qui peut aujourd'hui
convaincre les jeunes de repousser l'extrémisme.
(Applaudissements.)
Je l'ai vu dans ma région. C'est Régine Chopinot, ce sont les Francofolies de
La Rochelle, c'est Philippe Herreweghe, c'est Yannick Jaulin, c'est le festival
de musique métisse d'Angoulême, c'est tout le folklore à Confolens qui,
globalement, sont les meilleures réponses aux thèses de l'extrémisme.
Mais comme le déclarait hier, à Rennes, M. le Président de la République en
évoquant la loi électorale, veillons à ce que ces messages ne soient jamais
teintés d'arrière-pensées ou de manque de sincérité.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
Franchement, si l'on veut convaincre les jeunes, qu'on laisse manifester les
artistes, qu'on les laisse parler à la jeunesse de ce pays. Que MM. Frêche et
Queyranne cessent de manifester en tête des cortèges en arborant leurs
écharpes. Ces élus montrent bien que ceux qui veulent des places aujourd'hui
utilisent des crises pour leurs propres combats politiques. Laissons la culture
s'exprimer. Laissons les jeunes écouter les artistes, et nous verrons que la
culture l'emportera.
Cette culture qui nous rassemble aujourd'hui est sans doute, pour nous, le
premier des combats - je terminerai tout à l'heure sur ce point - pour peu que,
comme vous le faites, madame la ministre, à Strasbourg et dans votre ministère,
ce combat soit sincère.
Votre projet de budget m'inspire trois réflexions.
D'abord, prenez donc, madame la ministre, la tutelle des métiers d'art.
Ces métiers sont en situation très grave dans notre pays. Cette tutelle est
aujourd'hui partagée par plusieurs ministères, et celui qui est chargé de
l'artisanat n'a pas les moyens de traiter les problèmes de ce secteur qui est
tellement important, non seulement pour la culture de notre pays, mais aussi
pour son économie.
Pensez aux difficultés que connaissent les restaurateurs des monuments
historiques et bien d'autres, les luthiers, les artisans du bois ou du verre,
tous ces professionnels qui travaillent avec des techniques du xviie siècle et
qui doivent payer les charges sociales du xxe siècle, voire du xxie siècle.
On n'a aucune chance de protéger durablement, dans notre pays, les métiers
d'art, si on ne leur bâtit pas un statut d'entreprise culturelle, si on ne les
soulage pas de leurs problèmes de gestion pour les aider à survivre.
Quand je vois les niveaux de TVA ou les menaces qui pèsent sur leur
organisation, je me demande pourquoi on ne met pas les métiers d'art à l'abri
des 35 heures, qui heurtent leur culture, eux, ces meilleurs ouvriers de
France, eux, ces compagnons du devoir, qui mesurent leurs chefs-d'oeuvre en
nombre d'heures de travail.
Pourquoi faire peser cette menace sur eux ? Limitons le débat à d'autres
professions, et protégeons ces métiers, qui relèvent davantage de la culture
que de tout autre secteur.
Je crois vraiment que nous devons travailler sur le statut des entreprises
culturelles, afin de les aider à se développer dans une compétition qui est
trop dure pour elles.
Ma deuxième remarque, madame la ministre, portera sur un autre problème, aussi
important à mes yeux, que j'ai eu à traiter en partie dans le passé, celui des
multiplexes et de la participation de la culture à la désintégration d'un
certain nombre de nos villes.
Nous avions lancé une première initiative, on a ensuite modifié les seuils,
mais il faut aller plus loin. Aujourd'hui, ces multiplexes regroupent des
salles de cinéma à la périphérie de nos villes, sur les parkings des grandes
surfaces, à côté des fast-foods, au sein de cette société déstructurée dont la
seule promesse est l'argent et le prix le plus bas, mais qui souffre en fait
d'un manque de cohésion économique, sociale et culturelle.
Le territoire rural autour des villes s'appauvrit, les centres-villes
s'asphyxient ; or il faut que la culture soit partout présente et qu'elle ne
soit pas concentrée. Ne renouvelons pas, avec la culture, les erreurs qui, dans
le passé, ont été commises avec les grandes surfaces, avec les hypermarchés,
avec cette société de consommation qui, au fond, pour séduire, détruit en fait
le tissu social.
La culture doit être partout sur notre territoire. Par conséquent, travaillons
ensemble pour qu'elle participe à l'équilibre entre la ville et la campagne, à
la cohésion territoriale.
A cet égard, je vous remercie, madame la ministre, de prêter attention à des
projets qui concernent les centres-villes, parfois de moyenne dimension. Je
pense notamment à l'auditorium implanté au coeur même de la ville de Poitiers :
voilà le type de projet qui peut permettre de donner aux centres-villes cet
accès à la culture dont ils ont besoin.
Ma troisième remarque concernera les nouvelles technologies.
J'ai assisté récemment, lors d'un grand salon universitaire, à des échanges,
sur Internet, entre des universités du bout du monde. On avait réussi, grâce
aux technologies les plus modernes, à mettre en contact deux spécialistes. Mais
la conversation était d'une pauvreté insigne :
Qu'est-ce que vous faites aujourd'hui ?
Qu'est-ce que vous allez faire demain ?
(M. Maman s'esclaffe.)
On voit bien que l'échange sans message n'est pas toujours vertueux. Il
faut donc faire en sorte d'inclure un contenu dans les nouvelles technologies,
afin que la technique et la technologie ne soient pas tout. Sans culture, la
communication est insuffisante.
Donc, dans ce domaine-là, faites en sorte que le ministère de la culture soit
en avance.
Vous avez vous-même, pour votre propre ministère, mis en ligne un grand nombre
d'informations. C'est important. Des efforts significatifs ont été réalisés sur
Internet par le ministère de la culture. Il faut avancer dans cette culture de
l'image et de l'information.
Sur les politiques de l'image et du numérique, vous devez aussi nous faire
connaître rapidement les conclusions du rapport de l'inspecteur général, M.
Imbert.
Il y a là aussi des formations à bâtir pour les jeunes afin qu'ils aient cet
accès au contenu de la communication, et pas simplement à la technologie.
Je suis quelque peu inquiet quand je vois dans le budget que la nouvelle Ecole
nationale supérieure des métiers de l'image est dotée d'une subvention de
fonctionnement de 34 millions de francs, plus 7 millions de francs cette année.
Je trouve que ces « danseuses » et d'autres grands projets - le Fresnoy - sont
quand même, pour le ministère de la culture, bien coûteux.
M. Ivan Renar.
Le Fresnoy n'est pas une danseuse, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Moi qui suis un grand républicain et qui veux l'égalité des chances...
(M. Ivan Renar proteste)
... je souhaite que l'ensemble des jeunes de ce
pays aient un égal accès à la formation.
Quand on voit un certain nombre de coûts par étudiant, on se demande par
moment si l'équité, si l'équilibre sont bien respectés !
(M. Yvan Renar s'exclame.)
Oh ! je sais, vous pouvez, vous, être favorable aux politiques
d'excellence. Vous pouvez, par là, rejoindre l'ultralibéralisme de certains qui
voudraient qu'il y ait des pôles exceptionnels.
M. Ivan Renar.
N'importe quoi !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Moi, je suis un vrai républicain et je souhaite que l'ensemble des jeunes
puissent avoir accès, dans des conditions équilibrées sur l'ensemble du
territoire, à une éducation qui puisse refléter les besoins de formation et
d'insertion de tous.
M. Ivan Renar.
Vous préférez être égalitaire pour tous !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous êtes très gêné sur cette affaire, monsieur Renar
!
M. le président.
Mes chers collègues, la parole est à M. Raffarin, et à lui seul.
Veuillez poursuivre, monsieur Raffarin.
M. Ivan Renar.
Il ne fallait pas mettre en cause le Pas-de-Calais !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je fais des voeux de succès pour le Fresnoy. Je n'en veux pas au Fresnoy,
monsieur Renar, mais permettez quand même que, globalement, lorsque l'on
analyse un budget, on fasse en sorte que l'ensemble des territoires puissent
être traités selon un principe d'équité.
Je termine, madame la ministre, en disant que, au fond, en cette fin de
siècle, la création, sous toutes ses formes, est sans doute le projet national
qu'il faut développer pour notre pays.
On le voit bien, dans le domaine économique, dans le domaine social, dans le
domaine culturel, nos forces ne sont aujourd'hui pas suffisamment puissantes
pour assurer à notre pays la pérennité de son rayonnement.
On constate dans notre économie, dans nos entreprises, dans nos forces
sociales et nos forces culturelles qu'un certain nombre de menaces pèsent : si
nous ne faisons pas de la création - création de richesses, création de
projets, création d'initiatives - une véritable ambition nationale, notre pays
ne tiendra pas dans le prochain siècle toute sa place.
Il faut donc que la création soit une priorité pour la culture, qui doit
montrer le chemin, mais aussi pour l'ensemble des activités.
Création de projet, création d'entreprises, création d'initiatives, cette
création vous devez la porter comme étendard parce que c'est le ministère de la
culture qui peut le mieux montrer la synthèse de la création dans toutes ses
fonctions.
Et nous, politiques, que pouvons-nous faire pour encourager cette vocation du
pays à être un pays créateur ?
Nous devons injecter du lien, créer de la solidarité, créer ce lien qui
permettra à notre territoire d'être le plus fertile possible, d'être le plus
fécond possible.
Madame la ministre, la culture n'est-elle pas ce lien fertile dont notre pays
a besoin pour franchir la ligne du troisième millénaire ?
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union
centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Madame le ministre, mes collègues de la majorité sénatoriale, comme ceux qui
représentent notre minorité parlementaire, ont souligné avant moi la
progression encourageante des crédits de la culture - 9,3 % en crédits de
paiement - même si votre collègue du budget, ou le Premier ministre, aurait pu
vous faire le cadeau d'être le ministre du 1 % : trente-trois millièmes
manquent pour que le 1 % soit là !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il aurait fallu encore plus couper !
M. Louis de Broissia.
Nous enregistrons avec satisfaction la progression des crédits déconcentrés en
province - 17 % - qui permettront le rapprochement de l'action culturelle vers
les bénéficiaires dans toutes les régions et pas seulement à Paris : le métro à
dix-huit heures, comme disait le général de Gaulle, ou le bus dijonais à la
même heure !
Nous avons noté aussi l'augmentation des crédits qui sont accordés aux
spectacles vivants ainsi que la fusion des directions du théâtre et de la
musique, d'une part, du patrimoine et de l'architecture, d'autre part.
Mais je tiens à présenter trois remarques et, après mes collègues, à revenir
sur le problème du patrimoine.
Il est vrai que le patrimoine monumental bénéficiera d'une croissance
budgétaire de 2,54 %, mais, d'autres collègues l'ont dit avec talent avant moi,
en particulier, M. Jean-Paul Hugot, cette stabilité relative se fera au
détriment du patrimoine rural ou urbain non protégé.
De surcroît, madame le ministre, vous faites ce que votre prédécesseur, M.
Jack Lang, avait tenté de faire un moment : vous tournez le dos à la loi de
programme.
Je regrette l'abandon de la technique de la loi de programme alors que ce type
de texte conditionne la survie de très nombreuses actions durables, en
particulier en faveur des métiers du patrimoine et, par ailleurs, les relations
entre l'Etat, les régions, les départements et les communes. Une loi de
programme apporte en effet un éclairage de longue durée, et je regrette que
vous n'en ayez pas parlé.
J'aimerais aussi, madame le ministre, revenir sur la question du personnel de
la culture.
Notre groupe a reçu une délégation intersyndicale du personnel de votre
ministère et je suis obligé de vous dire que ce qui se produit dans votre
ministère ne serait pas supporté au conseil général de la Côte-d'Or que j'ai
l'honneur de présider : en effet, un emploi sur cinq y est un emploi précaire
!
S'il en était ainsi dans nos collectivités territoriales, nous aurions des
observations désobligeantes des chambres régionales des comptes. Or, c'est ce
que vous faites puisque, au minimum, 1 200 emplois permanents sont occupés par
des vacataires, des vacataires à titre permanent.
L'intersyndicale du ministère de la culture exprime donc sa lassitude devant
le lâchage du ministère, qui n'assume pas ses missions et se contente d'un
service minimum.
Que direz-vous dès lors, madame le ministre, à votre collègue Mme Aubry, qui
s'apprête à imposer une taxe sur les emplois précaires ?
Par ailleurs, le budget du ministère de la culture est-il sincère, puisqu'il
n'y est pas prévu de payer cette taxe éventuelle ? Cette dernière question, je
la pose évidemment de façon sarcastique, vous l'avez bien compris.
Je conclus toutefois que si les moyens en équipement du budget de la culture
peuvent paraître relativement satisfaisants, les moyens en personnels, qui
permettraient de faire vivre ces équipements, feront cruellement défaut.
Je veux maintenant évoquer un sujet sur lequel certains de mes collègues sont
intervenus : les bibliothèques et la lecture publique.
La directive européenne 92/100 du 19 novembre 1992 porte sur le droit de
location et de prêt des oeuvres qui sont couvertes par le droit d'auteur et
institue le principe du prêt payant. Vous avez souhaité qu'une négociation
s'engage et qu'un rapport soit confié à M. Borzeix. Ce rapport qui, si j'ai
bien compris, a été enterré, préconiserait un financement forfaitaire par les
usagers.
Permettez-moi de vous rappeler que ce sont les collectivités du premier degré,
les communes et les départements, assistées des régions qui paient le plus
lourd tribut quant aux bibliothèques en milieu rural et en milieu urbain
défavorisé.
Nous souhaitons que, comme l'Espagne et comme l'Italie, qui ont utilisé le
droit de dérogation prévu à l'article 5 de cette directive européenne, vous
puissiez faire en sorte que la France déroge au droit exclusif de prêts publics
compte tenu de nos objectifs de promotion culturelle.
En conclusion, madame le ministre, après l'avis favorable de la commission des
affaires culturelles de notre Haute Assemblée, après nos interventions, vous
devriez être un ministre de la culture relativement heureux. Tant mieux ! Parce
que, au titre de la communication, nous le verrons nuitamment, vous apparaissez
bien lâchée par tous les vôtres ! Dans ce domaine de la communication, votre
parcours ressemble à une montée politique au Golgotha.
Je souhaite, nous souhaitons tous, que la culture soit le plus beau champ de
rassemblement des Français, celui auquel appelait notre collègue Raffarin.
Au temps d'André Malraux, et donc du général de Gaulle, madame le ministre,
l'argent était compté, mais l'ambition portait haut la France et la culture ne
servait pas d'alibi à des arrière-pensées politiques.
Madame le ministre, au-delà des discussions budgétaires, associez tous les
Français à cette ambition culturelle diverse, ramifiée, innovante. Associez
tous les élus locaux, des régions, des départements, des communes. Alors votre
ambition pourrait être facilement la nôtre !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
Madame la ministre, dernier orateur inscrit, que puis-je dire qui n'ait pas
déjà été dit ? Il est difficile de trouver des points nouveaux pour attirer
votre attention sur certains des caractères qui me semblent revêtir une
importance plus grande que celle qui est ressortie d'autres interventions.
Certes, tout le monde a parlé du seuil de 1 % presque atteint par votre projet
de budget ; les 0,033 % qui restent sont, nous le savons, les plus difficiles à
atteindre ; il serait bon néamoins d'y parvenir.
Mais je suis convaincu que le Gouvernement auquel vous appartenez a bien cette
intention, à terme, de doter votre ministère de 1 % du budget général de
l'Etat, étant donné la place indiscutable de la culture dans le développement
de l'homme.
J'aborderai deux points qui ont évidemment déjà été évoqués, mais en faisant
d'autres propositions à votre intention.
Le premier concerne le développement de l'enseignement artistique pour tous,
en particulier à partir de l'école maternelle et primaire, où tout enseignement
doit commencer pour, ensuite, au cours du cursus scolaire, se développer sur la
base de ces acquis.
L'enseignement artistique amateur en milieu scolaire me semble devoir être
développé, ainsi que la capacité, chez les enseignants, de cerner la
personnalité d'un enfant, personnalité qui s'exprime dans une activité
artistique avec plus d'originalité et de pertinence quelquefois que dans les
activités scolaires
stricto sensu
.
Cette formation des enseignants n'est pas facile à mettre en place. Dans la
commune de Saint-Fons, où j'ai exercé la responsabilité de maire pendant un
certain temps, des accords - approuvés, d'ailleurs, par l'inspection académique
- ont été signés à cette fin, en particulier avec les animateurs de l'école de
musique, de façon à faire naître un certain nombre de réflexions, à susciter
l'habitude d'aider à cette émergence de personnalité dont je parlais à
l'instant.
Les partenariats avec l'éducation nationale, mais aussi avec les ministères de
la jeunesse et des sports et de la ville, sont des occasions de rassembler des
idées, de comparer des applications pratiques en ces domaines.
Je ne m'étendrai pas davantage sur ce développement de l'enseignement
artistique à partir du niveau scolaire pour l'aborder et inciter à sa poursuite
à travers le rôle des nouvelles techniques d'information et de
communication.
Nous sommes à une époque où un moyen extraordinaire d'écrire, de dessiner, de
communiquer en général est mis à la disposition de notre société. J'ai eu
l'occasion - et peut-être vous-même également - de découvrir au Centre
international de création audiovisuelle, à Montbéliard, les initiatives qui
existent dans ces domaines de la création.
Personnellement, j'ai éprouvé des difficultés à passer de mon apprentissage et
de mon bagage culturel personnel au bagage culturel actuel, en essence et en
évolution, à comprendre l'intérêt, dans les milieux urbains dans lesquels je
vivais, du rock et du rap. Ces formes de musique ne correspondaient pas à ma
conception de cette dernière. Or ce sont ces éléments nouveaux qu'il faut avoir
le courage d'intégrer car ils représentent effectivement, contrairement à la
réaction spontanée que l'on peut avoir, une forme nouvelle d'expression.
Je pense à un domaine auquel je suis très fermé jusqu'à présent : les
nouvelles musiques, les musiques intuitives de toutes natures. Hier, j'ai
préféré écouter la Troisième symphonie de Saint-Saëns. Bien d'autres choses que
j'écoute à la radio, par exemple, m'apparaissent comme des bruits, mais je n'ai
pas le droit de porter un jugement négatif sur un domaine qui évolue.
Je sais qu'à l'époque de Mozart certains se sont rebellés contre
l'utilisation, qu'ils jugeaient excessive, du violon dans sa musique.
Aujourd'hui, qui condamnerait ce musicien ? Qui mettrait Mozart à l'index ?
(Sourires.)
C'est donc une difficulté majeure, mais également un enjeu important que de
savoir accepter, voire aider à se développer ce qui nous paraît extrêmement
confus à un moment donné et très différent de ce que nous avons jusqu'à présent
pris l'habitude d'entendre.
Je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sachant l'importance
que vous y accordez, sur ces nouvelles techniques d'information et de
communication - c'est mon second point - notamment la numérisation des
livres.
Cette technique permet sans nul doute une utilisation à distance d'ouvrages
que l'on ne peut pas avoir à portée de main. Elle présente aussi l'avantage
d'une consultation sur écran sans avoir à tourner les pages, ce qui évite de
dégrader les ouvrages qui sont fragiles.
Dans ce domaine, il y a des efforts importants à faire et des moyens à
trouver, car les nouvelles techniques d'information et de communication sont
sûrement un vecteur essentiel, pour les années qui viennent, dans les domaines
de l'éducation, de l'acquisition de la culture fondamentale et de la relation à
celle-ci, cet accès à la connaissance n'étant pas pour autant gratuit ni même
bon marché.
Voilà les deux sujets sur lesquels je voulais intervenir au terme d'un débat
au cours duquel ont été développés beaucoup de points de vue, d'orateurs de
droite comme de gauche. De toute façon, on a bien senti des points d'accords,
des perspectives communes. Je n'en veux pour preuve que la conclusion de M.
Nachbar, représentant la commission des affaires culturelles, qui a déclaré que
cette commission avait voté votre budget tel qu'il lui avait été présenté.
Les membres de cette commission vont toutefois se trouver confrontés à une
situation difficile et ambiguë.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce n'est pas inédit ! Vous en avez maitenant
l'habitude !
M. Franck Sérusclat.
En effet, par principe, comme nous l'avons vu tout à l'heure, des amendements
de réductions de crédits vont être présentés...
M. Philippe Nachbar,
rapporteur pour avis.
Par les communistes aussi !
M. Franck Sérusclat.
... par la commission des finances. Ils estimeront que les décisions sont
regrettables, mais ils les voteront quand même !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Les communistes demandent la suppression de 60
millions de francs !
M. Franck Sérusclat.
De ce fait, nous ne pourrons pas voter votre projet de budget, ainsi tronqué.
Mais, madame la ministre, vous savez que nous sommes parfaitement en accord
avec vos initiatives et vos projets.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une
heures quarante-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous pousuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la culture.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de vous présenter pour la
seconde année consécutive un budget de la culture qui traduit toute
l'importance qu'attache ce gouvernement à ce domaine de l'action de l'Etat.
Je tiens d'emblée à remercier MM. Gaillard, Nachbar et Vidal de l'examen très
vigilant auxquels ils se sont livrés sur ce projet de budget de la culture pour
1999.
Celui-ci bénéficie d'une claire priorité de la part du Gouvernement : il
enregistre une progression de 524 millions de francs, soit 3,5 %.
Il s'approche ainsi de l'objectif du 1 % du budget de l'Etat consacré à la
culture, objectif affirmé par M. le Premier ministre dans sa déclaration de
politique générale et encore tout récemment à l'UNESCO, lors d'un colloque de
la fondation Jean-Jaurès.
A l'occasion des arbitrages relatifs au projet de loi de finances pour 1999,
M. le Premier ministre a confirmé que le budget de la culture viendrait à
représenter 1 % du budget de l'Etat d'ici à la fin de la législature.
Permettez-moi d'insister sur la signification de cet objectif.
Je veux d'abord rappeler que la progression qu'enregistre le budget de la
culture est une pratique vertueuse qu'a souhaité mettre en oeuvre M. le Premier
ministre et qui est bien évidemment préférable à la pratique dissimulatrice qui
a eu cours précédemment, quand le pourcentage affiché ne rendait pas compte de
l'évolution véritable de ce budget.
Si le budget de la culture en était alors venu jusqu'à représenter 1 % du
budget de l'Etat, c'était, vous vous en souvenez, au prix de l'ajout continu de
dépenses précédemment financées par d'autres budgets ministériels. Le budget de
la culture augmentait en apparence, mais cette augmentation s'accompagnait en
fait d'une réduction des moyens véritables du ministère !
Cette situation un peu schizophrénique a aujourd'hui pris fin. Les budgets de
la culture pour 1998 et 1999 que j'ai préparés sont des budgets sincères.
Si le Premier ministre a confirmé, sur ma proposition, certains transferts de
dépenses intervenus sous le précédent gouvernement, la progression du budget de
la culture en 1998, comme celle que nous proposons pour 1999, a emprunté non la
voie d'un rattachement de nouvelles dépenses mais celle d'un renforcement
effectif des moyens pouvant être consacrés à un champ d'action désormais
stabilisé.
A cet égard, je suis en mesure de vous indiquer que le budget de la culture
pour 1999 n'incorpore pas de crédits au titre des manifestations relatives à
l'an 2000. Les dépenses prévues au titre de 1999 pour ces manifestations seront
financées dans le cadre du collectif de fin d'année par l'ouverture de crédits
supplémentaires au budget de la culture.
Par ailleurs, si le ministère de la culture est et restera un « petit »
ministère de par la taille de son budget, il s'agit en revanche, d'un « grand »
ministère pour la société française, dans la pluralité de ses composantes, et
au regard de l'idéal républicain qui l'anime.
A travers sa triple fonction de soutien à la création contemporaine, de
préservation des oeuvres artistiques et traces du passé et d'encouragement à la
diffusion des oeuvres, pratiques et connaissances, ce ministère concourt à la
formation de notre personnalité collective, voire à celle de l'identité
individuelle de millions d'entre nous.
Je crois que c'est cette dimension-là, qui puise au plus profond de nous-mêmes
et nous enrichit, qui donne sa pleine légitimité à l'existence et à l'action
d'un ministère de la culture.
Cette conception d'un ministère de la culture intégré et actif, loin de
constituer une quelconque « exception » française, comme elle est parfois
présentée, désuète et vouée à disparaître, commence à être partagée au niveau
européen, si j'en juge par le volontarisme dont font preuve en ce domaine des
pays aussi proches de nous que l'Allemagne et l'Italie.
Les récentes décisions arrêtées à l'échelon européen, qu'il s'agisse de
l'accord-cadre budgétaire 2000-2004, de la validation de la conception
française du prix unique du livre ou de la reconnaissance d'une autonomie des
Etats pour l'organisation et le financement de leur audiovisuel public, sont
autant de signes de l'émergence d'une politique culturelle européenne qui, sans
dire encore son nom, s'affirme peu à peu comme une dimension essentielle du
mouvement d'unification européenne.
S'agissant du programme-cadre Culture 2000, je suis personnellement intervenue
auprès du Premier ministre afin que la dotation globale de ce programme puisse
atteindre un niveau satisfaisant.
La position qu'a défendue la France au Conseil des ministres européens, le 17
novembre dernier, a traduit la priorité donnée au maintien d'une enveloppe de
crédits suffisante sur les cinq années à venir. Le chiffre de 167 millions
d'écus qui a été retenu constitue pour moi un montant incompressible, d'autant
que le Parlement européen avait souhaité un montant de 250 millions d'écus.
Il a cependant fallu tenir compte du fait que l'un de nos partenaires partait
de zéro et que, dès lors, des efforts de conciliation étaient nécessaires. Nous
attendons les décisions finales pour être bien assurés que cet accord se fera à
l'unanimité. Je suis confiante, car cette réunion a permis à tout le monde
d'avancer d'un même pas.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Vous parlez bien du Parlement de Strasbourg ?...
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Oui, il s'agit bien du
Parlement européen qui siège à Strasbourg, cher ancien collègue.
Bien entendu, lors de l'élaboration de ce programme-cadre, nous avons eu un
débat sur ses finalités. Nous partons de ce qui existe, comme le programme
Kaléidoscope. Mais nous envisageons, à partir des priorités qui ont été
dessinées, de donner plus de corps et plus de sens aux actions qui seront
menées, qu'il s'agisse d'actions en direction des jeunes ou d'actions plus
ciblées, concernant des manifestations ou des programmes nouveaux. Nous aurons,
hélas ! trop peu de marge de manoeuvre pour prévoir de très nombreuses actions.
Il nous faudra donc faire preuve de détermination quant aux choix qui seront
opérés.
A travers la mise en oeuvre d'une politique culturelle active sur un plan
national comme sur un plan européen, nous affirmons fondamentalement que, si
nous vivons dans le cadre d'une économie de marché, notre société n'est pas une
société de marché qui serait structurée essentiellement autour des fonctions
économiques.
Si nous voulons donner une priorité à la culture, c'est parce que la culture
constitue une condition essentielle à la compréhension du monde, un monde en
changement. L'Etat a un double rôle à cet égard : accompagner ces changements
et préserver ce qui, dans l'art et la culture, pourrait être anéanti par ces
mutations.
Je me félicite, à cet égard, de la décision prise par le Premier ministre de
retirer la France de la négociation de l'accord multilatéral sur
l'investissement, qui constituait une menace pour nos industries culturelles.
M. Ralite a rappelé les différentes étapes de la forte mobilisation qu'a
suscitée cet accord au sein du ministère de la culture pour expliquer et
défendre notre position, et finalement la faire partager par l'ensemble du
Gouvernement.
S'agissant du fameux TEP, le Gouvernement français a soutenu une position
extrêmement claire, par la voix du Premier ministre, en refusant qu'il y ait
des négociations sans mandat politique explicitement donné au commissaire
européen sur des orientations avalisées par les Etats. A défaut du respect de
ces conditions, la France ne pourrait évidemment approuver l'accord qui
interviendrait éventuellement.
Nous maintenons le cap sur ce sujet, notamment en ce qui concerne l'exclusion
de l'audiovisuel du champ de la négociation. C'est vrai, en particulier, pour
la négociation qui s'ouvrira dans le cadre de l'OMC. Nous prônons le respect
des règles nationales et de l'acquis communautaire en matière de propriété
littéraire et artistique.
S'agissant des négociations commerciales, nous maintenons nos exigences en ce
qui concerne la protection des biens culturels. C'est aussi parce que la
culture constitue non un luxe ou un supplément d'âme mais une condition
essentielle de la reconnaissance de chaque individu dans sa dignité et de
l'expression de la citoyenneté que la position du Gouvernement français est
exigeante sur le plan tant national qu'international.
Mon action est guidée par trois objectifs essentiels.
J'entends tout d'abord refonder un grand service public de la culture. La
politique culturelle doit s'appuyer sur un service public fort, efficace et
républicain quant aux conceptions qui l'animent et aux modalités d'intervention
qui sont les siennes. La reconstruction budgétaire et administrative du
ministère est aujourd'hui bien engagée. Elle se poursuit dans trois directions
et, en premier lieu, celle de la réorganisation des administrations
centrales.
La réunion de toutes les disciplines du spectacle vivant dans une même
direction a été guidée par le souci de bâtir un ensemble performant au service
de nos partenaires et professionnels, en supprimant les cloisonnements
artificiels qui servaient peut-être des cercles particuliers mais qui étaient
de plus en plus décalés par rapport aux enjeux de la création et de la
diffusion.
De même, j'ai souhaité mettre en place une nouvelle délégation au
développement et à l'action territoriale afin de renforcer la capacité d'action
du ministère en matière de démocratisation des pratiques culturelles et
d'aménagement du territoire.
C'est au sein de cette délégation qu'est traité l'ensemble des
contractualisations, qu'il s'agisse des contrats de plan, des contrats
d'agglomération ou des différents contrats qui peuvent ponctuellement lier une
collectivité territoriale et le ministère de la culture ; je pense aussi aux
contrats ville-lecture.
J'ai, par ailleurs, voulu rendre l'Etat plus présent sur le territoire et plus
proche de ses partenaires locaux, institutionnels et artistiques, en
poursuivant le mouvement de déconcentration des crédits vers les directions
régionales des affaires culturelles.
Je remercie les différents orateurs qui ont soulignél'intérêt que présente
cette déconcentration.
Bien entendu, je n'ignore pas que cette déconcentration des responsabilités au
niveau local est parfois discutée. Certains y voient un risque pour la création
artistique, dont la qualité cesserait d'être appréciée au niveau national ou
international. En outre, la déconcentration se traduirait par un allongement
insupportable des procédures, voire des difficultés financières pour les
structures aidées.
Je crois que ces craintes sont largement infondées.
Nous n'en sommes encore qu'à la deuxième année de déconcentration des crédits.
Nous y consacrons des efforts très importants mais il y a nécessairement des
difficultés liées à sa mise en oeuvre ; celle-ci prend évidemment un certain
temps.
La déconcentration ne conduit nullement à un enclavement régional des
créateurs. J'ai par ailleurs veillé à ce que les procédures d'examen et de
versement des subventions par les directions régionales des affaires
culturelles n'engendrent pas de délais excessifs pour les structures
subventionnées.
Peut-être faut-il voir dans la nostalgie qui s'exprime parfois ici ou là, dans
les critiques de la déconcentration une sorte de quête du regard du Prince qui
valorisait jadis l'artiste. Pour ma part, je pense que cette conception-là du
rôle de l'Etat s'éloigne de la nécessaire neutralité qu'il doit montrer par
rapport au contenu de la création. Elle entretient aussi la dangereuse illusion
d'une création qui se suffirait à elle-même dès lors qu'elle bénéficie de
l'attention des pouvoirs publics.
Pour autant, il n'est pas question, non plus, de laisser les artistes, les
créateurs simplement soumis à l'aléa de décisions qui pourraient être motivées
par d'autres soucis que celui de voir se développer la création dans sa
diversité.
Je vois, au contraire, dans la déconcentration un facteur positif d'ouverture
des institutions culturelles sur leur environnement, vers de nouveaux publics,
dans le sens des objectifs que j'ai fixés en matière de démocratisation des
pratiques culturelles.
Le redéploiement d'une partie des effectifs de l'administration centrale vers
les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, qui sera
prochainement engagé, permettra d'atténuer les phénomènes de « surcharge »
administrative qui sont apparus dans certaines directions régionales en rapport
avec la déconcentration de l'attribution des subventions. J'apporte là une
réponse aux différentes questions qui ont été posées à cet égard.
En même temps, je souhaite rassurer Mme Pourtaud à propos de la situation de
la DRAC d'Ile-de-France, que nous avons voulu à la fois réinstaller et doter
prioritairement en postes, puisque c'était celle qui en était le plus
dépourvue. J'ai souhaité répondre d'abord aux besoins non seulement de
l'Ile-de-France, mais aussi des quelques régions françaises qui étaient
particulièrement sous-dotées. Le plan que j'ai demandé d'élaborer au directeur
de l'administration générale prévoit cette montée en puissance sur l'ensemble
du territoire.
La déconcentration se poursuivra donc en 1999, avec le souci d'une bonne
administration, en renforçant les moyens en personnels des DRAC. En effet, un
Etat crédible vis-à-vis de ses partenaires, c'est aussi un Etat fiable, qui
honore ses engagements.
Je me suis ainsi attachée à mettre fin à cet héritage calamiteux qui voyait
l'Etat promettre des subventions d'investissement à des collectivités locales,
après s'être mis dans l'incapacité de les leur verser dans des délais
raisonnables. Les redéploiements auxquels j'ai fait procéder dès cette année
ont permis de résorber les factures les plus anciennes. Je rappelle que le
montant global de ces factures avoisinait 300 millions de francs, et que, pour
que la parole de l'Etat soit crédible, il fallait régler cette dette à l'égard
des collectivités avant même d'engager la discussion sur les contrats de
plan.
Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit donc une ouverture
exceptionnelle de crédits de paiement, qui permettra de faire définitivement
disparaître la « dette » de l'Etat à l'égard des collectivités locales.
Ainsi, la progression, en 1999, de 105 millions de francs, soit de 41 %, du
montant des autorisations de programme destinées à soutenir les équipements
culturels locaux sera non pas une vaine promesse, mais un engagement clairement
financé de l'Etat.
La volonté qui est la mienne d'honorer la parole de l'Etat m'a aussi conduite,
dans le cadre du projet de loi de finances que je vous présente aujourd'hui, à
confirmer la restauration des crédits du patrimoine au niveau qui était le leur
avant la décision d'étalement en fait ; d'abandon de la loi sur le patrimoine
monumental de 1993. Vous vous souvenez sans doute, mesdames, messieurs les
sénateurs - il en a été beaucoup question aujourd'hui - de cette décision de
réduire de façon considérable le montant des financements, qui fit l'objet du
débat sur ce projet de loi de finances pour 1998, qui nous a réunis l'an
dernier.
A propos de ces crédits du patrimoine, je souhaite simplement répondre à une
intervention précédente concernant le chapitre 66-20. A structures constantes,
ce chapitre correspond à des subventions accordées à des collectivités locales
et à des propriétaires privés. Sa dotation a été portée de 367 millions de
francs à 386,4 millions de francs entre 1998 et 1999, soit une progression de
4,7 %, et non une stagnation, comme je l'ai entendu dire précédemment.
S'agissant du patrimoine, puisque la question a également été évoquée, je
tiens à rappeler qu'un nombre important de lieux culturels risquaient d'être
vides et dépourvus d'affectation. Cela est déjà le cas pour des lieux assez
prestigieux ; je pense notamment au Grand Palais.
Afin de ne pas pénaliser la mobilisation des crédits pour l'ensemble du
territoire national par de très grandes opérations comme la restauration et la
remise en état du Grand Palais ou de Versailles, j'ai souhaité établir, sur ces
grands équipements en passe de devenir vides ou qui le sont déjà, qui
nécessitent une réhabilitation lourde, un plan décennal pour le printemps 1999.
Celui-ci permettra d'étaler les crédits nécessaires et d'établir des priorités,
sans que ces crédits pèsent au détriment des opérations qui concernent les
monuments et le patrimoine classés ou les équipements culturels en région.
Ce plan décennal sera très important. Il comportera les travaux de rénovation
et de confortation des lieux prestigieux qui sont en mauvais état ; les travaux
à engager sur des équipements nouveaux - je pense au musée du Quai Branly, qui
est la nouvelle appellation du Musée des arts et des civilisations - ; les
travaux destinés à réaffecter des lieux, tels le Palais de Tokyo ou, à moyen
terme seulement, le Musée des arts africains et océaniens, le MAAO, dont les
collections seront transférées dans le musée du Quai Branly.
Il s'agit donc d'un programme indispensable qui nous donnera une vision
globale et qui nous permettra de mieux programmer l'évolution de la
restauration du patrimoine en région.
Chacun connaîtra ainsi les choix qui seront opérés ; ils seront débattus avec
les élus, que ce soit à l'échelon régional, départemental ou local, afin que
les décisions soient pleinement partagées.
Un Etat dont la parole est restaurée peut poser, à l'égard de ses partenaires,
tant artistiques qu'institutionnels, des exigences en matière de création
artistique et de diffusion des pratiques culturelles.
J'entends poser ces exigences pour mettre en oeuvre une politique ambitieuse
de soutien à la création et de démocratisation des pratiques culturelles.
Il s'agit là de deux volets indissociables de mon action. La politique
culturelle ne peut être uniquement une politique de l'usager, pas plus qu'elle
ne peut se résumer à une politique du soutien au créateur, indépendamment de la
fonction sociale que celui-ci remplit.
Le moment de la création et le moment de la diffusion sont, certes, deux
moments différents. Le ministère dont j'ai reçu la charge doit les prendre en
compte l'un comme l'autre, en assumant deux missions parallèles : garantir et
encourager la liberté de création partout dans notre pays et partout où elle
est mise en danger ; favoriser la diffusion la plus large possible du
patrimoine constitué.
Je ne crois pas que la création puisse pleinement s'affirmer sans un soutien
public important. En effet, elle ne répond pas mécaniquement à une demande
économique ou sociale. Elle n'est pas nécessairement reconnue au moment où elle
naît, se cherche et s'affirme.
Je ne crois pas non plus que la démocratisation des pratiques culturelles
puisse uniquement - ni peut-être principalement - résulter du développement
économique de notre pays et de l'élévation, au demeurant inégale, du niveau de
vie de nos concitoyens. Elle dépend fondamentalement, outre le milieu et la
formation initiale ou continue, de la présence ou non de médiations. Mes choix
budgétaires pour 1999 sont guidés par la volonté de soutenir la création et de
favoriser l'accès à la culture par le développement de ces médiations.
J'ai déjà évoqué, dans d'autres enceintes, l'importance des mesures nouvelles
prévues pour le secteur du spectacle vivant, qui s'élèvent à 110 millions de
francs. Je veux toutefois souligner que ces crédits supplémentaires ne seront
pas répartis de manière indifférenciée entre les structures subventionnées. Je
souhaite tout d'abord privilégier les disciplines ou les activités qui ont été
fortement affectées par plusieurs années de régression budgétaire : les
compagnies de danse et de théâtre.
A cet égard, je répondrai, en particulier, à la question qui a été posée par
Mme Pourtaud sur la danse. Notre ambition est d'augmenter, de façon
significative, les crédits affectés à la danse, qui touche un public de plus en
plus large en renouvelant constamment, avec un grand dynamisme et une forte
générosité, ses modes d'expression artistique.
Je citerai quelques exemples de cette volonté. Le Centre national de la danse
de Pantin, établissement public national dédié au développement de la danse,
qui a été créé en 1998, sera doté d'une mesure nouvelle de 3 millions de francs
et d'une subvention de fonctionnement qui atteindra plus de 26 millions de
francs. Les travaux d'aménagement des locaux de Pantin débuteront en 1999. Les
centres chorégraphiques nationaux seront dotés d'une mesure nouvelle de 3
millions de francs. Les deux nouveaux centres chorégraphiques créés en 1998 à
Biarritz et à Rillieux-la-Pape verront leurs moyens consolidés. L'aide aux
compagnies chorégraphiques - 134 compagnies ont été aidées en 1998 - sera
augmentée de 5 millions de francs. Enfin, nous nous efforcerons de créer de
nouveaux départements d'enseignement de la danse dans les conservatoires
nationaux de région.
L'ensemble de ces mesures nouvelles affectées à l'enseignement spécialisé de
la musique et de la danse s'élève à environ 8 millions de francs. La danse est
donc prise en compte, de façon significative, dans ce projet de budget pour
1999.
L'écriture musicale ou dramatique, sans laquelle il est vain de parler
d'effort public en faveur de la création contemporaine, est un secteur qui a
également souffert.
J'entends aussi soutenir les formes culturelles émergentes qui concourent à
renouveler la notion même de culture. Les musiques actuelles font régulièrement
l'objet de discours généreux, mais aucune démarche d'ensemble n'a été engagée
jusqu'à récemment.
J'avais souhaité qu'une commission précise les orientations qui pouvaient être
retenues pour la prise en compte de ces différentes sortes de musique. Il
s'agit non seulement de rap, de hip-hop ou de jazz, mais également des musiques
populaires qui trouveront, au travers de la mise en oeuvre de ces priorités, la
possibilité de se développer davantage. Je reprendrai là l'expression de M.
Jack Ralite qui parlait de « réveiller l'oreille ». En effet, si ces musiques
doivent être prises en compte, c'est aussi parce qu'elles sont souvent le
premier contact d'un jeune avec des formes musicales. Il convient qu'elles
soient reconnues tout simplement comme faisant partie de cet environnement.
Cependant, elles doivent non pas devenir exclusives dans notre esprit, mais
exister au même titre que les autres.
Avec ces musiques, nous sommes en même temps au carrefour de l'innovation,
parfois la plus avant-gardiste, et d'une très large adhésion populaire. Offrant
un gigantesque espace de création, de renouvellement des pratiques et
d'interpénétration des disciplines, ces musiques suscitent aussi de nombreuses
attentes, tant de la part du public que des élus. Je suis saisie de très
nombreux projets de sites, de studios de répétitions ou de salles.
Je consacrerai, en 1999, 35 millions de francs de mesures nouvelles, afin de
soutenir la création et la diffusion dans ce secteur.
J'envisage de créer une nouvelle forme d'enseignement itinérant pour permettre
le lien entre les conservatoires et ces lieux nouveaux qui seront en réseau
pour l'enseignement de ces musiques.
S'agissant des arts de la rue, qui associent également une large
reconnaissance publique et une forte créativité artistique, mon ministère
s'emploiera à accompagner la professionnalisation des troupes, à soutenir la
diffusion des spectacles et à conventionner les compagnies les plus
structurées. C'est la première étape, en 1999, d'une mise en vitesse de la
reconnaissance des arts de la rue.
Toutefois, j'entends clairement affirmer que l'entrée en application de la
charte des missions de service public pour le spectacle conduira à privilégier
les structures subventionnées qui assurent le mieux leurs missions de service
public : densité de la création artistique, recherche de nouveaux publics et
ouverture aux praticiens amateurs.
J'étendrai à l'ensemble des domaines d'intervention de mon ministère cette
démarche qui consiste à fixer aux structures subventionnées des objectifs
lisibles et conformes au souci de démocratisation des pratiques culturelles.
Je tiens à insister sur ce point, car, tout à l'heure, l'un des orateurs a
critiqué le fait que trop peu de mesures financières concernaient l'éducation
artistique. Une lecture sectorisée de ce projet de budget tend à occulter le
fait que ce que je demande aux musées, aux théâtres, aux opéras, etc., c'est
aussi de travailler avec les scolaires. Cela ne figure pas sur une ligne
spécifique, mais sera visible dans le travail effectué, dans les conventions
passées par les régions avec les académies et les DRAC, pour parvenir à
irriguer l'ensemble des structures qui concernent non seulement les jeunes,
mais aussi, bien évidemment, les moins jeunes.
La circulaire fiscale du 15 septembre 1998, évoquée par M. Vidal, se
traduirait, selon lui, par un accroissement de la charge fiscale des
associations culturelles, en particulier dans le domaine du spectacle vivant.
Je tiens à apporter des précisions à cet égard.
Cette circulaire soumet, effectivement, une grande partie des associations du
spectacle vivant aux impôts commerciaux. Cette perspective a pu paraître
inquiétante, mais les craintes sont aujourd'hui largement dissipées.
Le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi de finances pour 1999 la
possibilité pour les collectivités locales d'exonérer intégralement les
organismes de spectacles vivants de la taxe professionnelle. Je rappelle que
cette exonération était jusque-là limitée à 50 %. La réforme de la taxe
professionnelle permettra donc d'alléger les coûts de ces organismes. Elle fera
sortir les salaires de l'assiette de la taxe et réduira par conséquent
fortement les conséquences potentielles pour les organismes de spectacles
vivants d'un assujettissement à la taxe professionnelle.
Après comparaison, il nous est apparu que le basculement vers une imposition
sur les salaires coûterait extrêmement cher aux structures culturelles, en
particulier à ces organismes. Je suis par ailleurs à votre disposition pour
vous expliquer plus précisément les modalités d'application de ces mesures.
L'année 1999 sera une année importante pour les enseignements artistiques. Les
crédits qui leur sont consacrés par mon ministère augmenteront de 2,4 %. Les
bourses des écoles d'architecture et des écoles artistiques seront alignées sur
les barèmes pratiqués par l'éducation nationale. J'y tenais énormément car
j'estime que tous les professeurs et tous les étudiants qui sont formés dans
les institutions de formation dépendant du ministère doivent être considérés
comme les autres. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité, en 1999, la
suppression de l'inégalité entre les étudiants d'université et les étudiants de
nos écoles d'art et d'architecture.
La délégation aux arts plastiques verra ses crédits progresser de 13 % afin,
notamment, de soutenir le fonctionnement courant des écoles artistiques et les
investissements réalisés pour augmenter leurs capacités d'accueil et la qualité
des conditions d'enseignement.
Il a été fait référence au rapport Imbert. Nous sommes, là encore, dans une
première étape de traduction de ce rapport. Aucun des rapports que j'ai
demandés ne sont restés dans les tiroirs. Tous ont été traduits dans les faits
ou inspirent les décisions que j'ai prises.
M. Raffarin s'est interrogé sur les crédits consacrés par l'Etat à l'école du
Fresnoy. Cette école est, pour nous, d'un type particulier. Elle est, en
quelque sorte, une école laboratoire qui accueille des étudiants venus de toute
la France, mais également d'autres pays.
M. Ivan Renar.
Du monde entier !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Elle est à la fois
nationale et internationale, mais, bien évidemment, nous souhaitons que le lien
que vous évoquiez existe et qu'il puisse se traduire par des conventions entre
nos écoles d'art spécialisées dans les métiers de l'image et l'école du
Fresnoy.
En effet, nous ne pourrons bien évidemment pas réaliser plusieurs écoles de ce
type en France. Mais lorsque l'Etat investit dans les régions et non à Paris,
il ne faut tout de même pas s'en plaindre. J'ai entendu de nombreux élus dire
que les grandes écoles nationales avaient plutôt tendance à s'implanter en
région parisienne.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est le cas pour l'architecture.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Certes, il y en a plus à
Paris que dans les régions, mais nous souhaitons qu'elles s'implantent dans les
régions dynamiques, là où les projets peuvent se développer, mais là aussi où
il y a des besoins en termes d'emplois.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Sur ce critère, nous serons d'accord.
M. Ivan Renar.
Le Nord - Pas-de-Calais a quelques droits, vous en conviendrez.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je crois effectivement que
le Nord - Pas-de-Calais en est un bon exemple.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pour l'architecture, vous avez choisi Paris.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je ne veux pas raviver la
guerre entre le Poitou-Charentes et le Nord - Pas-de-Calais, mais j'aurai bien
évidemment le souci de préserver l'équilibre entre l'ensemble des régions, sans
en privilégier aucune.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Très bien !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Mais, de grâce, ne vous
plaignez pas qu'une de nos écoles qui est aujourd'hui considérée dans toute
l'Europe comme une école pilote soit implantée dans le Nord - Pas-de-Calais.
J'ai évoqué les formes culturelles émergentes parmi les domaines
d'intervention situés à l'intersection des deux objectifs de soutien à la
création artistique et de démocratisation de la culture. Les nouvelles
technologies, notamment le multimédia, sont également placées au centre de
cette double préoccupation.
Sans maîtrise de notre nouvel environnement technologique, notamment en
matière d'information, le risque est grand que ne s'instaure une coupure entre
ceux qui disposeraient des outils conceptuels et ceux qui se borneraient à
consommer les produits.
A cet égard, je réponds à M. Sérusclat qui évoquait le risque de rupture à la
fois sociale mais aussi entre générations. C'est la raison pour laquelle nous
avons engagé un programme de soutien à la création d'espaces culture multimédia
qui vise à favoriser une appropriation culturelle des nouvelles technologies de
l'information et à les utiliser comme vecteurs d'expression artistique.
Ce programme, qui sera amplifié en 1999, se caractérisera par une ouverture
plus grande vers chacun, jeunes et moins jeunes. Il concerne d'ores et déjà une
centaine de sites qui sont répartis sur tout le territoire. Nous en ouvrirons
pratiquement le même nombre en 1999, dans le cadre de l'application du plan sur
la société de l'information.
Si elles ne constituent bien évidemment pas le seul levier de la
démocratisation de l'accès à la culture, les politiques tarifaires doivent être
orientées en ce sens. Je souhaite, par conséquent, que toutes les institutions
culturelles soutenues par l'Etat simplifient leur système de tarification et
adoptent le principe d'un tarif périodique le plus bas possible, voire d'un
accès gratuit.
S'agissant des institutions culturelles de l'Etat, la gratuité un dimanche par
mois qui a été mise en oeuvre au musée du Louvre et qui a permis d'élargir le
public, sera progressivement étendue à l'ensemble des musées nationaux.
Je tiens à souligner que les crédits consacrés aux acquisitions de nos musées
augmenteront de 10 millions de francs.
Je compte également faire évoluer les tarifs des monuments historiques et des
théâtres nationaux afin d'élargir leur public, comme c'est le cas pour les
musées.
La démocratisation culturelle, c'est aussi le rééquilibrage des moyens entre
Paris et les régions. En 1997, Paris représentait 54 % des dotations. En 1999,
la capitale absorbera 52 % des crédits de mon ministère.
La priorité que j'ai souhaité donner dans ce budget aux interventions du titre
IV et aux concours de l'Etat au financement des équipements culturels locaux
explique cette évolution favorable que j'entends poursuivre.
Les contrats de plan qui seront conclus entre l'Etat et les régions pour la
période 2000-2006 permettront d'amplifier ce redéploiement progressif. Je
remercie M. Raffarin d'avoir souligné le bon climat qui a régné lors de leur
préparation et le fait que les projets culturels faisaient l'objet d'une bonne
contractualisation.
Je veux toutefois apporter un bémol à son propos car, comparé aux autres
administrations de l'Etat, le ministère de la culture n'a pas un très bon taux
de réalisation des projets inscrits dans les contrats de plan car les crédits
n'ont pas suivi. Je souhaite que les projets qui seront inscrits dans les
prochains contrats de plan puissent être réalisés.
Ce rééquilibrage entre Paris et les régions est donc engagé mais la
concentration sur Paris des coûts incompressibles de la politique culturelle,
en imprimant un rythme ralenti à ce rééquilibrage, souligne la nécessité de
poursuivre la croissance du budget de la culture si nous voulons atteindre nos
objectifs. Le troisième objectif de la politique que je mène tend à donner à la
politique patrimoniale une dimension nouvelle en favorisant l'appropriation
citoyenne de notre héritage culturel.
Je m'étais attachée, dans le cadre du projet de loi de finances pour 1998, à
reconstituer les crédits d'investissement du patrimoine, qui avaient été «
abattus », vous vous en souvenez, sous le précédent gouvernement. Le projet de
loi de finances pour 1999 que je vous soumets confirme cet effort en engageant
une progression continue, durable et régulière de ces crédits.
En deux ans, les crédits destinés au patrimoine monumental auront progressé de
près de 500 millions de francs, soit une augmentation équivalente à celle des
mesures nouvelles de l'ensemble du budget de la culture de l'année 1999. Je
vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de prendre cette donnée en
considération, dans la mesure où l'on n'avait pas hésité à annuler d'un trait
de plume des sommes équivalentes.
Certains ont cru voir dans l'absence de nouvelle loi sur le patrimoine
monumental la marque d'un renoncement à une grande ambition. Les chiffres
démentent sans appel cette critique. Comme j'ai pu le constater à mon arrivée
rue de Valois, les engagements pluriannuels de l'Etat ne protègent pas
effectivement les dotations affichées comme prioritaires. Je préfère disposer
de crédits plutôt que d'avoir une loi de programme si celle-ci n'est pas
respectée. Les crédits consacrés au patrimoine monumental ont été frappés par
les coupes successives qui ont été infligées à mon ministère.
M. Hugot a évoqué la Fondation du patrimoine. La discussion interministérielle
sur les modalités de la labellisation est quasiment terminée. Les arbitrages
définitifs seront rendus dans les prochains jours et le texte pourra donc
paraître au début de l'année prochaine. Voilà qui favorisera l'activité de
cette Fondation.
Je suis profondément attachée à la mise en oeuvre d'une politique renouvelée
du patrimoine. En effet, je pense que nos concitoyens ont besoin, dans cette
période de changement, de conserver, de retrouver certains repères de leur
identité collective et individuelle ou, tout simplement, d'enrichir leur
existence au contact de la beauté singulière qui émane de notre patrimoine
muséographique ou monumental. La fréquentation du patrimoine, au sens classique
du terme, est la deuxième pratique culturelle de nos concitoyens après
l'audiovisuel.
La politique patrimoniale ne se circonscrit pas à un passé plus ou moins
lointain. J'entends faire du passé proche une composante majeure d'une
politique renouvelée du patrimoine.
Un effort particulier est engagé en faveur du patrimoine du xxe siècle. Je me
réjouis que certains l'aient souligné. Ce patrimoine a été trop longtemps
négligé. Dans cet ensemble, la politique d'inventaire et de protection du
patrimoine industriel sera renforcée. Je souhaite, en effet, mettre en valeur
la dimension fondamentale de l'histoire sociale de notre pays représentée par
les bouleversements qu'ont imprimés les mutations de l'économie aux paysages et
à la mémoire de millions de nos concitoyens.
La politique patrimoniale n'est pas uniquement tournée vers le passé ; elle
est au centre de l'enjeu contemporain représenté par l'évolution de nos espaces
urbains.
A travers la fusion de la direction de l'architecture et de la direction du
patrimoine, j'ai voulu mettre fin à la différence de traitement entre le
monument, splendide et isolé, et son environnement urbain dont les mutations
doivent être maîtrisées.
Plusieurs intervenants ont évoqué les CAUE. Ces structures, par les conseils
qu'elles apportent en matière d'urbanisme et d'environnement, sont nécessaires.
Mises en place par la loi de 1977 sur l'architecture, elles mènent, aux côtés
des élus, une action importante de sensibilisation à la qualité
architecturale.
Dans l'esprit des conclusions du rapport remis par M. Vigouroux en 1995, la
place des CAUE est et sera encore analysée en concertation avec la fédération
des CAUE et les élus, afin que la réforme de la loi de 1977 intègre les
problèmes qui se posent aujourd'hui.
S'agissant de la clarification des différents avis, de la longueur de la
procédure et de la commission d'appel, je veux avant tout faire remarquer que,
en ce qui concerne les commissions régionales du patrimoine et des sites, la
loi a été mise en place sans que tous les problèmes juridiques aient été
totalement évacués. La concertation interministérielle a été complexe et
longue, notamment avec le ministère de l'environnement, pour tout ce qui
concernait les problèmes liés au paysage et à l'environnement.
Même si je comprends l'impatience des élus, les délais n'ont pas été trop
excessifs. Il fallait vraiment du temps pour que ce décret puisse être publié
et pour éviter que des problèmes juridiques ne viennent, par la suite, entraver
le travail de ces commissions. Ces dernières seront mises en place au printemps
prochain. Je précise que, depuis la publication de ce décret, il n'y a plus de
discussions sur ce point.
Dans le domaine du patrimoine écrit, la Bibliothèque nationale de France, dont
1999 sera la première année de fonctionnement à plein régime, mettra en réseau
ses fonds documentaires avec les bibliothèques municipales à vocation
régionale.
J'ai été interrogée sur la situation de la Biblothèque nationale de France.
Permettez-moi simplement de dire que l'homologue anglaise de la BNF a été
transformée sur une vingtaine d'années. La Bibliothèque nationale de France est
critiquée alors que viennent d'être mis en service de nouveaux moyens
informatiques qui doivent être mis au point, rodés, comme c'est le cas pour
toute très grosse infrastructure informatique.
Pour le reste, d'autres problèmes concernent les conditions de travail, mais
l'accueil des lecteurs et des chercheurs n'est nullement touché.
Cette période d'adaptation est aujourd'hui prise en compte à la fois par la
direction et par les représentants du personnel. Nous aurons dans quelques mois
la possibilité de faire un bilan qui sera, j'espère, positif.
L'année 1999 verra aussi l'engagement d'une politique patrimoniale forte dans
le domaine cinématographique. Le projet de Palais du cinéma avait été lancé
depuis le milieu de la précédente décennie sans recevoir de concrétisation. Les
travaux de réaménagement intérieur de l'immeuble construit par Franck Gerhy à
Bercy vont être engagés afin de permettre l'ouverture de la Maison du cinéma en
l'an 2000. Celle-ci sera la tête du réseau décentralisé des institutions qui
oeuvrent à la transmission de la culture cinématographique dans différentes
villes de France.
Je voudrais aussi souligner la proximité avec l'Inathèque qui est installée à
la Bibliothèque nationale de France, ce qui va donner à tout cet ensemble -
Maison du cinéma et Inathèque - un site, absolument unique dans le monde de
proximité entre les archives audiovisuelles et les archives
cinématographiques.
Les crédits de compte de soutien à l'industrie cinématographique et à
l'industrie audiovisuelle vont progresser de 2,5 % en 1999 pour atteindre 2,49
milliards de francs, dont 1,1 milliard de francs consacré plus particulièrement
au soutien à la production audiovisuelle.
L'accroissement des moyens du compte d'affectation spéciale, rendu possible
essentiellement par la hausse de la fréquentation des salles de cinéma,
constitue un facteur positif pour les oeuvres cinématographiques et les
programmes audiovisuels français, dont la densité concourt à la qualité de la
programmation des chaînes de télévision et au rayonnement international de la
culture française.
Je voudrais rappeler à M. Ralite que l'accord relatif au développement de
l'ensemble du site Disney, signé en 1985, incluait la réalisation d'un second
parc. Cependant, j'ai fait connaître, lors de la consultation
interministérielle, le problème que me posait la réalisation de ce parc centré
sur l'image, le dessin d'animation et le cinéma.
J'ai toujours défendu le droit à la pluralité culturelle et artistique et, au
nom de cette dernière, j'ai voulu exprimer la nécessité de s'interroger
collectivement sur les implications tant économiques que culturelles et
sociales de ce nouveau parc. Son caractère monolithique me paraît inquiétant
et, bien évidemment, j'ai exprimé, sur différents points de ce programme, les
objections et les difficultés que j'y vois.
Par ailleurs, j'ai indiqué que je souhaitais obtenir l'assurance, dans le cas
où ce parc se réaliserait, que les industries techniques françaises du secteur
du cinéma et de l'audiovisuel soient bénéficiaires des retombées positives de
cette implantation et que cette réalisation ne soit pas tournée sur
elle-même.
En outre, il convient de vérifier l'effet que pourrait avoir une telle
réalisation sur la place du cinéma français, ainsi que sur les activités liées
au dessin d'animation.
En ce qui concerne les multiplex, j'ai mis en place toute une série de mesures
qui visent à ce que leur développement, au demeurant positif pour l'ensemble du
secteur, ne se fasse pas au détriment du film français et du cinéma d'art et
d'essai.
Ainsi, dès le mois de juin dernier, j'ai choisi d'abaisser le seuil à partir
duquel les projets doivent obtenir l'aval des commissions départementales :
abaissement de 1 500 à 1 000 fauteuils pour les créations et de 2 000 à 1 500
fauteuils pour les extensions.
Je viens de signer et d'envoyer aux préfets une nouvelle circulaire
d'instruction qui tire un premier bilan des décisions prises par les
commissions départementales et par la commission nationale. J'ai indiqué les
nouveaux critères d'appréciation que je préconise, dont la mesure de l'effet de
ces nouveaux équipements sur les salles déjà existantes de la même zone et la
concurrence qu'ils peuvent exercer, les impératifs d'aménagements du territoire
- c'est une demande forte des élus - notamment lorsqu'ils sont de nature à
revitaliser certaines zones d'activité, et l'effet sur le niveau de
concentration des opérateurs. Enfin, j'ai engagé une réforme de l'ensemble du
système des aides sélectives à l'exploitation, réforme qui s'imposait du fait
des profondes transformations subies par le secteur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je conclurai en abordant la question de
l'archéologie, point qui n'a pas encore été évoqué.
L'archéologie a été au centre de l'actualité pendant la dernière période. Nous
connaissons maintenant le résultat de la mission que j'ai confiée à MM.
Pécheur, Demoule et Poignant.
Le rapport qu'ils ont présenté aux organisations représentatives de
l'archéologie française constituera le coeur de la loi, qui, comme je m'y suis
engagée, permettra une redéfinition de la mission de l'Etat et de son autorité,
de la mise en place de la carte archéologique française et des obligations de
publication des résultats. Elle prendra en compte à la fois les garanties
scientifiques et le souci des élus de pouvoir avoir, en matière
d'archéologie,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Un peu de concurrence !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
... un résultat
satisfaisant pour tous.
Il n'y aura pas de concurrence commerciale, car, à l'heure actuelle, aucune
entreprise ne fait de l'archéologie au sens scientifique du terme. C'est donc à
partir de la définition de la mission d'archéologie préventive qu'il peut y
avoir compétition, scientifique s'entend, entre équipes et surtout discussions,
négociations, conventions, de façon que tout soit traité le plus correctement
possible avec la plus grande rapidité et la plus grande transparence ; j'y
tiens beaucoup. En matière d'archéologie, un établissement sera créé en vue de
succéder à l'Association pour les fouilles archéologiques nationales.
Je terminerai cette intervention en évoquant le droit de prêt et le rapport
Borzeix, qui, selon l'un d'entre vous, aurait été rangé au fond d'un tiroir.
M. Yann Gaillard,
rapporteur spécial.
Mieux vaut qu'il y retourne !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
« Le même contribuable ne
peut à la fois payer pour promouvoir la lecture, puis payer pour emprunter les
livres », a déclaré M. le rapporteur spécial !
M. Yann Gaillard,
rapporteur spécial.
Ce n'est pas de moi, c'est de Jacques Thuillier !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je pourrais adhérer à ce
jugement si le prêt était gratuit dans la totalité des établissements, ce qui
n'est pas le cas en France : en effet, l'inscription est payante dans 70 % des
bibliothèques et l'usager paie donc au même titre que le contribuable.
En revanche, rien de ce qui est payé par l'usager à ce titre ne revient
directement au créateur, contrairement à ce qui se passe pour la vidéo et le
disque. Telle est la question qui est posée dans le rapport Borzeix. Et cette
question ne peut être éludée et purement et simplement rangée dans un tiroir.
Je pense qu'il faut l'aborder de façon sereine. Mais lorsque l'on défend le
droit d'auteur, la propriété littéraire et artistique, il faut alors poser la
question pour tous les professionnels qui sont dans la création littéraire et
artistique et ne pas en exclure certains.
C'est la raison pour laquelle j'avais souhaité que cette réflexion soit
engagée ; en effet, si l'on veut garder cette vitalité de la culture française,
il faut, à mon avis, reconnaître la pérennité de systèmes qui vont aussi bien
de la reconnaisance des droits qu'au système de l'intermittence.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi simplement de dire que j'ai
été extrêmement touchée par les expressions positives ou objectivement
critiques formulées sur ce projet de budget pour 1999. Néanmoins, je suis
profondément désolée et même assez choquée par les amendements tendant à
supprimer des crédits qui ont été déposés.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Celui du groupe communiste ?
M. Ivan Renar.
Non ! C'est un amendement de transfert, mon cher collègue !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela n'existe pas !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
J'ai entendu un certain
nombre d'interventions me demandant d'aller plus vite vers le 1 % et
d'augmenter le nombre des emplois et les subventions. Je suis saisie en
permanence d'une demande d'augmentation des crédits du patrimoine.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il faut yrésister !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
De tels amendements me
paraissent incompréhensibles, après ce qui s'est passé l'année dernière :
Maurice Schumann avait plaidé pour que le projet de budget, alors en
discussion, puisse, car le budget de la culture était en convalescence, être
préservé. On parle d'exception culturelle dans les négociations internationales
et j'ai moi-même parlé d'exception culturelle dans votre enceinte et devant la
commission des affaires culturelles, que je remercie d'avoir voté à l'unanimité
le projet de budget de la culture.
Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne comprendrais pas que vous
réduisiez la crédibilité de la parole de l'Etat en annulant des crédits que,
par ailleurs, vous exigez pour la réalisation de projets.
MM. Franck Sérusclat et Marcel Vidal.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous allons vous expliquer !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je voulais simplement le
souligner. C'est donc un peu sur un cri du coeur, mesdames, messieurs les
sénateurs, que je termine mon intervention !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la culture
et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 180 263 706 francs. »
Par amendement n° II-8, M. Gaillard, au nom de la commission des finances,
propose de réduire ces crédits de 239 992 434 francs.
En conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à
moins
59
728 728 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard,
rapporteur spécial.
Il s'agit d'un amendement du même type que ceux qui
ont été présentés par la commission des finances tout au long de l'examen de ce
projet de loi de finances, dans le cadre de l'élaboration d'un budget
alternatif.
Comme je l'ai dit dans mon exposé liminaire - cela a choqué Mme le ministre et
j'en suis désolé - il s'agit de réduire les crédits du titre III de 239 992 434
francs. Cette diminution est à peu près trois fois supérieure à celle sur
laquelle s'engagent nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen,
et, si les motivations ne sont pas les mêmes, la démarche est identique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Les mesures d'économie
proposées par la commission des finances me paraissent aveugles, discutables
dans leur principe et en contradiction avec l'avis formulé par la commission
des affaires culturelles du Sénat.
En ce qui concerne le titre III, une économie de 240 millions de francs est
évoquée, soit une réduction de 1 % des dépenses de personnel, équivalant à 30
millions de francs, et une baisse de 5 % des autres dépenses de fonctionnement,
soit environ 210 millions de francs. Or, annuler 30 millions de francs de
dépenses de personnel, c'est supprimer 170 emplois au ministère de la culture,
alors que je me suis battue pour n'en lâcher aucun. J'ai pu préserver les
emplois, mais n'ai guère pu en augmenter le nombre, alors que ce ministère en
aurait pourtant besoin. Par conséquent, supprimer 170 emplois par mesure
d'économie, c'est aller à l'encontre du service public.
M. Franck Sérusclat.
Tout à fait !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Annuler 210 millions de
francs de dépenses de fonctionnement, cela revient à procéder à un certain
nombre d'abandons : par exemple, annuler tous les crédits d'entretien des
monuments historiques, qui représentent un montant de 79 millions de francs en
base, annuler les mesures nouvelles sur les établissements publics, pour 84
millions de francs, annuler en plus 20 millions de francs sur les
établissements publics, et, enfin, annuler 5 % des crédits de fonctionnement,
soit à peu près 26 % de l'administration !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteurgénéral.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'ai bien entendu les réactions de Mme le
ministre.
L'exercice dans lequel nous nous situons impose au ministère de la culture un
effort de 288 millions de francs. Il n'est jamais agréable de devoir faire un
effort. Aussi, madame la ministre, je vais vous proposer un choix.
M. le rapporteur spécial, notre collègue Yann Gaillard, a suggéré, avec la
commission des finances, une réduction de 240 millions de francs des crédits du
titre III et de 48 millions de francs des crédits du titre IV. Mais, à la
vérité, vous pourriez faire d'autres économies que celles-là, à condition que
vous nous apportiez 288 millions de francs.
J'ai consulté les rubriques de votre ministère et j'ai notamment constaté une
similitude de chiffres assez étonnante. Il existe ainsi, à l'angle de la rue
Saint-Honoré et de la rue des Bons-Enfants, un immeuble d'une surface d'environ
20 000 mètres carrés qui, appartenant au ministère des finances et dévolu au
ministère de la culture, est inoccupé depuis 1989. Or il est prévu d'y réaliser
395 millions d'investissement pour réinstaller vos services. J'ai étudié
quelles étaient les dépenses engagées à ce titre, mais je n'ai trouvé trace,
madame le ministre, que de 10 millions de francs. Il est donc possible de faire
une économie sur cette opération !
Si vous le préférez, nous sommes tout prêts à rectifier notre proposition en
ce sens. Après tout, une opération qui attend depuis 1989 peut sans doute
attendre une année de plus, surtout si c'est, finalement, pour la commodité des
services centraux !
Cette suggestion, madame le ministre, nous vous la faisons pour montrer - mais
d'autres exemples l'illustreraient sans doute - qu'il y a assurément, dans
votre budget, des marges de manoeuvre.
M. Franck Sérusclat.
Non !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous le savons tous, il est possible de dépenser
mieux et il n'est pas responsable de dire que, dans un budget, on n'a pas un
sou à économiser, surtout au moment où l'on va très probablement se trouver
dans la situation de devoir subir, comme c'est le cas d'année en année et
comme, hélas ! ce sera peut-être le cas en 1999, des annulations de crédits en
cours d'année.
Mme Danièle Pourtaud.
C'était surtout vrai avant !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En effet, peut-être sommes-nous partis, mes chers
collègues, sur des estimations de croissance - et donc de recettes - qui nous
conduisent à tabler sur une prospérité que nous n'aurons pas totalement, avec
des dépenses que nous ne serons peut-être pas capables d'établir au plan
prévisionnel !
Madame le ministre, l'exercice que nous vous demandons n'est certes pas
agréable, pas plus qu'il ne l'est à vos différents collègues membres du
Gouvernement, mais la majorité sénatoriale propose une vision différente de la
politique économique et de la politique budgétaire. Elle considère que, dans ce
pays, il est absolument inadmissible de continuer à emprunter pour payer une
partie du fonctionnement de l'Etat. Ainsi, 70 milliards de francs sont
empruntés pour payer le fonctionnement.
Vous ne pouviez pas conduire une telle politique lorsque vous étiez maire de
Strasbourg ! Aucun maire ne peut le faire dans la commune qu'il administre, car
une telle politique obère l'avenir et risque de surcharger, bien entendu, les
générations futures pour lesquelles nous nous efforçons de travailler les uns
et les autres.
L'exercice auquel nous nous livrons et que - c'est peut-être un peu la loi du
genre - vous avez un peu caricaturé, dans ses conséquences, est en tout cas dû
aux contraintes qui nous sont imposées par l'ordonnance de 1959 portant loi
organique sur les lois de finances : nous ne pouvons toucher que les mesures
nouvelles. Mais, bien entendu, l'effort qui est demandé est un effort global !
Si vous voulez le répartir différemment, madame le ministre, vous avez pour
cela pleine liberté, dans les limites des compétences qui sont les vôtres.
M. Marcel Vidal.
CQFD !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Ce qui nous sépare,
monsieur le rapporteur général, c'est une question de philosophie.
Même si la nomenclature budgétaire de mon ministère est un peu compliquée - et
je vous prie de m'en excuser - je pense quand même pouvoir dire que je vous ai
présenté un budget en progression, avec un effort d'économies considérables.
J'ai toutefois entendu préserver d'abord les personnels, car je considère - et
quelqu'un l'a dit à cette tribune - qu'ils travaillent parfois dans des
conditions indécentes. Le ministère de la culture est en effet aujourd'hui
éparpillé sur treize sites dans Paris, ce qui nous coûte cher. S'installer rue
des Bons-Enfants, c'est un choix économique ! Ce lieu est vide depuis le
déménagement des services des finances à Bercy, et Bercy ne voulait plus
conserver cet immeuble dans son budget. Le ministère de la culture le traîne
depuis lors, et il va réaliser une économie importante en rassemblant ses
services dans ce site...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous pourriez le vendre !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Le vendre ? Avec les
contraintes urbanistiques actuelles, cela ne rapporterait pas grand-chose ! En
revanche, monsieur le rapporteur général, comme il est situé à côté de la rue
de Valois, il nous permettra d'abandonner treize sites, de limiter le montant
des loyers et de donner enfin aux personnels la possibilité de se rencontrer
pour travailler et accueillir le public.
Cette opération date, en effet, de 1989. M. Juppé avait alors donné son accord
pour qu'enfin une décision soit prise. Croyez-vous normal - puisque vous avez
le souci de l'argent public - de laisser un bâtiment se couvrir de mousse,
d'herbe, se dégrader ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vendez-le !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
J'ai obtenu un arbitrage
positif pour la réalisation de cette opération de regroupement desservices du
ministère. En effet, je considère aussi que l'on ne peut pas demander aux
autres de respecter le service public si l'Etat lui-même ne donne pas
l'exemple. L'Etat doit respecter ses agents, mais aussi respecter les citoyens
qui financent le service public.
M. Ivan Renar.
Très bien !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Laisser nos personnels
dans une situation indécente, ce serait entraîner une dépense inconsidérée,
sauf à déclarer que l'on souhaite demeurer dans la pauvreté, la pénurie et
l'éparpillement, empêchant ainsi toute rationalisation.
Je regrette, monsieur le rapporteur général, que vous considériez simplement
les choses de manière comptable et que vous ne regardiez pas sur la durée
l'économie réalisée. Ce n'est pas une dépense supplémentaire ! Il n'y a pas un
fonctionnaire titulaire de plus, vous le savez bien.
Par conséquent, je crois que votre argument n'est pas recevable, et je dirai
même que vous êtes presque plus dur que Bercy, avec qui j'ai pourtant eu des
mots pour parvenir à maintenir cet arbitrage.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est donc que le problème s'est posé !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je terminerai en citant M.
Nachbar, qui a souhaité que le budget de la culture ne soit pas une variable
d'ajustement du budget général de l'Etat. Or c'est exactement le contraire que
vous venez de défendre !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi
que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il faut faire de la culture, pas de l'immobilier !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-8.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat de ce
soir nous ramène à celui que nous avons eu l'autre soir sur l'enseignement, sur
l'enseignement supérieur puis sur la recherche.
Napoléon avait créé le Sénat conservateur. Il ne croyait pas si bien dire !
Toutefois, bien que conservateurs, vous ne conservez rien ! Vous venez de
compatir en disant que le budget n'atteint pas 1 % du budget de l'Etat, et vous
êtes en train de l'alléger de quelques dizièmes de points.
Dans ces temps de barbarie ordinaire, ce sont des crédits de civilisation que
vous voulez supprimer, et vous êtes loin du général de Gaulle et d'André
Malraux qui, ensemble, allaient inaugurer la maison de la culture de Bourges.
Le général déclara alors : « La culture n'est pas qu'un refuge, une consolation
: c'est la condition même de notre civilisation. »
M. Philippe de Gaulle.
Que ne l'avez-vous soutenu !
M. Ivan Renar.
Quel type de société allez-vous construire avec ce genre de proposition ? Vous
nous dites que tout cela coûte cher, mais avez-vous conscience que l'absence de
culture coûterait encore plus cher ? Aujourd'hui, une fois de plus, est à
l'oeuvre la grande faucheuse sénatoriale de la logique comptable, glacée.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Oh !
M. Ivan Renar.
Vous nous dites vouloir éviter demain une charge financière pour les
générations futures, mais, une fois de plus, « c'est Mozart qu'on assassine »
aujourd'hui, et pas seulement dans quatre régions françaises.
La culture n'est pas un luxe : elle est de première nécessité. Elle n'est pas
un supplément d'âme - Mme la ministre l'a rappelé tout à l'heure - elle est
l'âme même de l'être humain. Or c'est cela que vous touchez avec votre
amendement.
Nous voterons résolument contre cet amendement culturicide.
M. Franck Sérusclat.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout ce qui est excessif est insignifiant !
Mme Danièle Pourtaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Je me contenterai d'argumenter sur l'amendement tel qu'il nous a été présenté,
sans tenir compte, dans un premier temps, de ce que nous a proposé de manière
impromptue M. le rapporteur général.
Je constate avec regret que, par cet amendement, la majorité sénatoriale ne
semble pas avoir bien compris combien la culture est importante pour nos
concitoyens.
Prétendre amputer de 239,9 millions de francs les crédits de fonctionnement du
titre III revient à diminuer, notamment, de 1 % - cela a été dit - les dépenses
de personnel. Mme la ministre indiquait à l'instant que cela correspondait à la
suppression de 160 emplois.
Est-ce bien cohérent, monsieur le rapporteur général, avec les augmentations
de personnel que réclamaient avec véhémence tout à l'heure vos collègues MM.
Denis Badré et Louis de Broissia ?
Nous savons bien, tous, que c'est exactement du contraire qu'aurait besoin ce
budget, les acrobaties des redéploiements ayant forcément des limites quand il
s'agit de personnels.
Le groupe socialiste s'opposera donc fermement à cet amendement et souhaite
qu'il soit procédé à un scrutin public.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-8, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, émanant, l'une, de la
commission des finances, l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
42 :
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 213 |
Contre | 101 |
Par amendement n° II-101, MM. Renar et Ralite, Mme Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de réduire les crédits du titre III de 60 000 000 francs.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Notre amendement est, en quelque sorte, un cri d'alerte.
Dans un secteur - la culture - fragilisé par l'envahissement du secteur marchand, l'emploi public est à même de répondre aux missions fondamentales du service public et constitue un rempart efficace à l'envahissement que je viens d'évoquer.
Or le ministère dont vous avez la charge, madame la ministre, est très largement frappé par les sous-effectifs, mais aussi par la précarité de l'emploi parmi les agents qui le servent.
Au sein des services ministériels, le nombre des vacataires en poste depuis plus de dix mois dépasse le millier.
Les mouvements de grève à la Bibliothèque nationale de France, mais aussi l'inquiétude des personnels au sein d'établissements aussi prestigieux que le Musée du Louvre, la Manufacture nationale de Sèvres, le Centre Georges-Pompidou sans évoquer les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, - mais j'y reviendrai - justifient que des moyens nouveaux soient affectés au recrutement de personnels partout où les missions de service public sont mises à mal.
J'ai rencontré les représentants du personnel et mon ami Jack Ralite leur a rendu visite. Nous avons été frappés par leur haute conscience professionnelle. Or l'impulsion d'une politique culturelle offensive implique le concours et l'appui d'un personnel qualifié pouvant assurer ses missions sans la crainte de situations précaires, qui sont en outre un obstacle à la continuité du service public.
En ce qui concerne les services déconcentrés, la situation des DRAC est particulièrement préoccupante, comme en témoigne l'exemple de la direction du Nord - Pas-de-Calais. Cette direction est classée au quatrième rang en termes de volume de tâches, mais au quinzième rang en termes d'effectifs.
Ces derniers sont restés stables depuis 1991, alors que les responsabilités se sont accrues. Aujourd'hui sera-t-il possible de faire face aux nouvelles responsabilités liées à la déconcentration ?
Le déficit en postes est estimé à cinquante-trois. La DRAC Nord - Pas-de-Calais compte soixante-six agents, pour une population de 4 millions d'habitants dans une région riche de créations et de diffusions culturelles.
Ce déficit en postes pose un double problème, celui des conditions de travail des agents de l'Etat, celui de la place et du poids de l'Etat en région, et vous me permettrez d'insister sur ce point.
Je suis, comme vous vraisemblablement, attaché à un développement de l'investissement culturel des collectivités locales, de toutes les collectivités. Mais comment y parvenir, si l'Etat lui-même ne montre pas l'exemple ?
Les élus ont trop souvent l'impression que l'Etat cherche à se décharger de ses propres responsabilités. L'insuffisance de l'implication de l'Etat en région est vécue comme un signe de désengagement. Cela est d'autant plus vrai qu'aux problèmes d'effectifs s'ajoutent les insuffisances financières et les inégalités de traitement.
Pour rester dans la région qui me sert d'exemple, comment expliquer l'insuffisance de l'implication de l'Etat ? Le Nord - Pas-de-Calais, qui est la région qui consacre le plus de francs par habitant à la culture, est en dernière position des régions métropolitaines, avec l'Ille-de-France, en matière de crédits déconcentrés. Il y a là, madame la ministre, sans vouloir plaider la cause d'une situation contre une autre, plus qu'une anomalie, une injustice. Je ne me plains pas, je porte plainte !
Afin de donner dès cette année un signe fort de votre volonté de mettre un terme à cette situation, nous vous proposons d'adopter notre amendement qui vise à réduire de 60 millions de francs les crédits du chapitre 31-90 liés à des rémunérations non principales...
M. Philippe Marini, rapporteur général. « Réduire », j'ai bien entendu « réduire » ?
M. Ivan Renar. Laissez-moi poursuivre, monsieur le rapporteur général ! ... pour les affecter au chapitre 31-01 qui concerne les moyens en personnels, notamment la rémunération principale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai failli avoir peur !
M. Ivan Renar. C'est là la portée symbolique de l'amendement que nous vous proposons.
En outre, la création de nouveaux équipements culturels, que nous soutenons par ailleurs, devrait appeler une réflexion sur les moyens à mettre en oeuvre afin de leur permettre de fonctionner au mieux. M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. La commission n'a pas examiné cet amendement, qui a été déposé très récemment.
Si l'intention de notre collègue est claire, il n'en demeure pas moins que nous ne votons ni sur un objet d'amendement ni sur un exposé des motifs, nous nous prononçons sur un dispositif. Or le dispositif consiste à proposer une réduction des crédits du titre III qui viendra s'ajouter à celle que le Sénat vient de voter.
Puisqu'il vous est impossible de donner au Gouvernement une injonction de procéder à un transfert de crédits, il ne peut y avoir qu'une réduction de crédits. Le dispositif de votre amendement se limite à cela. Doit-on aller jusqu'à-là ? Peut-être ? Je ne sais pas. Hésitant entre le vote et le rejet de cet amendement, qui nous paraît réduire tout de même excessivement les crédits, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteurgénéral.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, lorsque M. le président Lambert ou le rapporteur général que je suis vous parle de l'ordonnance organique, vous nous regardez d'un oeil critique, voire ironique. Eh bien ! monsieur Renar, l'ordonnance organique, vous venez de la rencontrer car, pour solliciter le changement d'affectation d'une dépense, vous n'avez qu'une seule possibilité : déposer un amendement visant à réduire des crédits.
C'est ce que vous avez fait : vous avez déposé un amendement de réduction des crédits, accompagné d'un objet, et vous l'avez défendu avec talent.
Sur cet amendement, ainsi que vient de l'indiquer M. le rapporteur spécial, la commission des finances ne peut que s'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, nous faisons le même constat que vous : le ministère de la culture souffre d'une insuffisance d'emplois permanents, je l'ai dit il y a quelques instants. La précarité, qui résulte de l'application de remèdes médiocres, chaque fois que le ministère de la culture a développé son activité, est une plaie que je déplore et qu'il faut panser. Je me suis donc fixé pour priorité de titulariser les vacataires permanents et de régler aussi les situations les plus dramatiques des vacataires à temps partiel.
Je n'ai pas obtenu pour 1999, lors de l'arbitrage sur les effectifs de l'Etat, de création nette d'emplois. Toutefois, dans la mesure des moyens mis à ma disposition, j'ai réussi à stabiliser à 380 le nombre de vacataires dans les établissements publics et à atténuer, sans malheureusement la supprimer, la précarité des agents qui travaillent dans les services de l'Etat. Il s'agit d'éviter le recrutement de vacataires pour une durée inférieure à trois mois afin de ne pas avoir à supporter les indemnités de chômage. J'ai trouvé cette situation lorsque j'ai pris en charge ce ministère. Il sera mis fin à cette pratique en 1999 grâce à une mesure nouvelle de 8 millions de francs.
Ma lutte pour obtenir des créations d'emplois pour le ministère de la culture se poursuit et je suis confiante dans les arbitrages à venir. Mais elle est difficile car, vous le savez, plusieurs services de l'Etat connaissent un déficit d'emplois. Je pense à l'éducation nationale ou à la justice.
Quant à l'amendement que vous avez déposé, s'il réduit les crédits de vacation et augmente à due concurrence les crédits de rémunération des agents de l'Etat, il ne crée pas pour autant d'emploi budgétaire. S'il était adopté, mon ministère devrait renoncer au concours de plusieurs dizaines de vacataires qui tiennent à leur emploi. En fait, les crédits de rémunération destinés aux fonctionnaires, puisque l'effectif ne peut pas augmenter, seraient inemployés.
Monsieur le sénateur, j'ai entendu votre cri d'alarme, mais, en l'occurrence, il n'est pas de bonne méthode de réduire les crédits de mon ministère en laissant des sommes inemployées.
Quant à dire qu'ajouter cette réduction de crédits à celle qui a été précédemment décidée sur l'initiative de la commission, ce serait peut-être un peu trop, cela m'amène à vous livrer la réflexion suivante.
J'ai calculé en pourcentage ce que représente pour le budget de la culture la réduction de crédits qui a été décidée par le Sénat : 55 % des 524 millions de francs de mesures nouvelles ont été supprimés.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, il faut calculer sur l'ensemble de votre budget !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. En moyens de fonctionnement et en moyens d'interventions, les sommes dont vous avez voté la suppression représentent plus de la moitié des mesures nouvelles du budget de la culture.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Prenez les services votés, faites le total !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je vous en prie, monsieur le rapporteur général : c'est la moitié des efforts prioritaires décidés au niveau de l'Etat. A ce rythme, ce n'est pas une législature mais dix qu'il faudra pour atteindre le 1 % pour le budget de la culture !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ne sacralisez pas les chiffres !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-101.
M. Ivan Renar. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse mais aussi des efforts que vous faites pour tenter d'apporter une solution honorable aux problèmes des personnels. Aussi, vais-je retirer cet amendement...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah bon, comme c'est étrange !
M. Ivan Renar. ... en remerciant nos deux rapporteurs de m'avoir fait rencontrer ce soir l'ordonnance organique, même s'ils l'ont traduite de façon délicieusement canaille. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. L'amendement n° II-101 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.) M. le président. « Titre IV : 209 587 238 francs ».
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Madame la ministre, mes chers collègues, je souhaiterais aborder avec vous
deux aspects significatifs des difficultés de ceux qui ont en charge la culture
dans notre pays - en dehors de vous, naturellement, madame la ministre -
notamment les collectivités territoriales. Je veux parler du statut des
structures culturelles et de la fiscalité des associations.
Nous savons bien que le caractère associatif résulte très souvent de l'absence
de statut juridique adapté. C'est le cas de l'école supérieure d'art du
Fresnoy, devenue « Le Fresnoy, studio national des arts contemporains », qui
attend toujours l'adoption de statuts publics adaptés à ses missions. On lit
même, madame la ministre, dans un rapport de l'inspection générale des affaires
culturelles, que la structure n'a jamais été créée et qu'elle n'existe pas en
tant qu'institution, même si elle existe matériellement et fonctionnellement.
La voilà devenue en quelque sorte un « sans-papiers » parmi les structures
culturelles.
Le maintien d'un statut associatif est un pis-aller qui entraîne d'importantes
difficultés : retards de versements et diminution de subventions malgré leur
inscription au contrat de plan Etat-région ; absence de présidence, puisque la
présidence étant prévue en alternance par la convention Etat-région, désormais
le représentant de l'Etat ne siège plus dans l'exécutif des structures ;
impossibilité pour la structure d'obtenir la qualification d'« école nationale
supérieure », celle-ci étant notamment conditionnée à l'adoption du statut
d'établissement public, qui nous est refusé par ailleurs. Vous voyez qu'Ubu
n'est pas mort.
Pourtant, Le Fresnoy tourne à plein régime depuis la rentrée : effectifs
d'étudiants complets sur les deux promotions, ouverture permanente au
public.
L'autre inquiétude des associations culturelles, mais aussi des élus locaux
car il ne faut pas oublier que derrière ces associations le plus souvent se
trouvent des communes, des départements et de régions, est celle qui a trait à
la fiscalité des associations. Celle-ci reste unobstacle en dépit de la
circulaire du 15 septembre dernier. N'étant plus assujetties à la TVA à taux
réduit, les associations culturelles perdront leurs crédits de TVA et, en
outre, seront assujetties dans le même temps à la taxe sur les salaires.
Dans un secteur où l'essentiel de l'activité repose sur un fort taux de
main-d'oeuvre et donc sur une masse salariale importante, la perte pour des
structures importantes pourra dépasser plusieurs millions de francs.
Cette mesure pèsera donc sur l'emploi et ira à n'en pas douter renforcer
encore les rangs des intermittents du spectacle. Autant d'éléments qui ne
serviront pas à la création culturelle dans notre pays.
La circulaire du 15 septembre met gravement en péril l'existence des
associations culturelles et, une nouvelle fois, va pénaliser les collectivités
qui les subventionnent largement.
Ces deux questions méritent que l'on s'attelle à répondre vite à une
harmonisation des structures culturelles.
Le statut associatif répond par défaut, serais-je tenté dire de, aux missions
culturelles, les structures en régie directe manquent de souplesse et ne sont
pas adaptées aux particularités de la vie culturelle. A cette fin, madame la
ministre, j'ai déposé, vous le savez, une proposition de loi créant une
nouvelle catégorie de structure : les établissements publics à caractère
culturel.
Peut-être ce texte est-il à parfaire. Néanmoins, il est réellement urgent de
légiférer en la matière, afin d'aboutir à un système mixant fonds publics,
fonds privés, personnel de droit public, personnel de droit privé, et qui
permettrait de sortir souvent de la précarité du statut associatif, le statut
d'établissement public culturel mariant la souplesse de fonctionnement d'une
association et la rigueur de gestion d'un établissement public. Encore que le
statut associatif ne soit pas synonyme de dérive dans la gestion.
Je connais de nombreuses associations qui sont gérées de façon exemplaire. Je
pense en particulier aux grands orchestres symphoniques.
M. le président.
Par amendement n° II-9, M. Gaillard, au nom de la commission des finances,
propose de réduire les crédits du titre IV de 47 837 973 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard,
rapporteur spécial.
Cet amendement est le petit frère du précédent et il
sera sans doute aussi détestable pour madame le ministre.
Je ne reprendrai pas la théorie qu'a développée avec le talent qu'on lui
connaît M. le rapporteur général tout au long de la journée et je dirai
simplement que cet amendement vise à réduire de 1 % les crédits inscrits au
titre IV, soit de plus de 47 millions de francs.
M. le président.
Madame le ministre, à vingt-trois heures quinze, estimez-vous nécessaire de
reprendre votre raisonnement ou adoptez-vous la même position que précédemment
?
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je souhaite m'exprimer,
monsieur le président.
M. le président.
Je m'efforçais seulement de vous et de nous ménager.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président,
lorsque l'on attaque le budget de la culture, je ne saurais me taire. Et,
puisque M. le rapporteur général s'entête, je m'entêterai plus encore.
M. Yann Gaillard, en présentant cet amendement, me paraissait triste, et s'il
était réellement triste, je comprendrais sa tristesse. En effet, si l'on est
honnête envers soi-même, on ne peut pas défendre de bon coeur, on ne peut pas
défendre autrement qu'en service commandé un tel amendement.
Cet amendement vise en effet à contester des mesures nouvelles en proposant
des économies sur les crédits inscrits au titre IV. Or ce titre est le plus
fragile puisqu'il concerne l'action culturelle, c'est-à-dire les institutions
qui sont en contact avec le public.
Annuler près de 48 millions de francs de mesures nouvelles par rapport à ce
qui est présenté dans le projet de loi de finances pour 1999 reviendrait à ne
prévoir aucun moyen nouveau pour les enseignements artistiques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d'entre vous m'ont reproché de ne
pas en faire assez en faveur de l'enseignement artistique. Mais voter cet
amendement reviendrait à supprimer tous les moyens.
Adopter un tel amendement reviendrait également à ne prévoir aucun moyen
nouveau pour les exclus, pour les plus démunis d'entre nous. Si l'on estime que
la culture doit, comme le stipule la Constitution, être un droit fondamental
pour tous, je considère que cet amendement porte atteinte au droit
constitutionnel de l'accès pour tous à la culture.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteurgénéral.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Madame le ministre, la culture : oui ! Mais
l'immobilier : non ! Et le fait de regrouper des services qui attendent des
locaux depuis de nombreuses années dans un immeuble qui sera, effectivement,
parfaitement fonctionnel, ne nous dites pas que c'est lutter contre
l'exclusion, parce que ce n'est pas vrai.
(Protestations sur les travées socialistes.)
Quand une entreprise, quelle qu'elle soit, est en difficulté et qu'elle
doit concentrer ses moyens sur ce qui est essentiel, elle fait des économies
sur son siège social. Et c'est, je crois, ce que vous devriez faire vous aussi,
en tant que ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
C'est ce que je fais !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je vous en prie ! Pour un coût d'investissement de
395 millions de francs, il est indiqué dans la fiche de réponse à notre
questionnaire, que « l'opération peut donc être tenue pour financée avant
actualisation ».
Je ne sais pas ce que veut dire « avant actualisation », surtout si je me
refère à une opération précédente, à la réinstallation, fort belle - oh, oui !
fort belle - de la direction des musées de France, rue des Pyramides.
Je ne sais plus quel était le devis initial, mais je sais que le devis final
en a été très éloigné.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-9.
Mme Danièle Pourtaud.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Réduire de 47,8 millions les crédits d'intervention du titre IV, c'est priver
de 1 % de leurs moyens les institutions culturelles et donc, en définitive, les
artistes. A moins que vous ne proposiez, monsieur le rapporteur général, que
l'on réduise les crédits de la formation aux disciplines culturelles dont votre
collègue, M. Maman, demandait il y a un instant, avec conviction, un
renforcement important des moyens.
Cet amendement, comme le précédent, nous semble, en fait, être l'affirmation
d'une position dogmatique. Et, monsieur le rapporteur général, cela ne vous
surprendra pas, le groupe socialiste s'y opposera et demandera un scrutin
public.
M. Jack Ralite.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
L'année dernière, avant son grand départ, le président Schumann, accueillant
François Jacob à l'Académie française, avait eu cette expression : « Il y a une
chose que l'on ne pardonne jamais, c'est de mépriser les rêves. »
Je trouve que les propositions répétées d'économies, avec toutes les arguties
qui les entourent, sont vraiment du mépris pour les rêves. Nous voterons contre
cet amendement.
M. Franck Sérusclat.
Très bien !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Puisque l'on parle
d'économies et que l'on a fait référence aux budgets des collectivités
territoriales, je voudrais rassurer M. le rapporteur général quant au souci de
bonne gestion qui est le mien.
En effet, ayant dirigé une collectivité, je n'ai cessé de la désendetter tout
en augmentant le budget de la culture. Aujourd'hui, je fais la même chose dans
les fonctions qui sont les miennes.
Si le budget de la culture dans la ville que j'ai pu diriger un temps est
supérieur à 20 % du budget total, c'est par volonté politique et grâce à une
bonne gestion. De même, lorsque je propose de reconduire l'arbitrage de M.
Juppé sur le regroupement des services du ministère rue des Bons-Enfants, alors
que je n'avais pas approuvé les coupes claires qu'il avait pratiquées dans le
budget de la culture, s'agissant par exemple des crédits du patrimoine, c'est
parce que c'est un vrai choix d'économies. Eviter une dépense de 40 millions de
francs, par an en loyers et charges diverses, c'est une économie.
Se donner la possibilité de rembourser en dix ans un investissement - et un
investissement n'est pas une mauvaise dépense - en rationalisant le travail des
agents, en faisant des économies qui seront bien sûr reportées sur les
exercices suivants jusqu'au terme des dix années de remboursement, je crois que
c'est de la bonne gestion.
Je souhaite simplement redire ici qu'il faut tout de même réfléchir à ce choix
alternatif que la commission des finances a proposé. On ne peut pas parler
d'immobilier sans évoquer ce qui se passe à l'intérieur des bâtiments, sans se
soucier de l'impact des décisions prises.
Cela voudrait dire que l'on décide de tout en une année, alors que nous devons
construire un service public dans la durée, en nous souciant de la pérennité
des investissements et du bien des Français.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-9, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la
commission des finances, l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?..
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
43:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 213 |
Contre | 101 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 1 966 290 000 francs ;
« Crédits de paiement : 501 185 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 1 569 011 000 francs ;
« Crédits de paiement : 979 191 000 francs. »
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
En deux ans, le budget du patrimoine a nettement augmenté : c'est un effort
très important que je tenais à souligner.
Cela dit, je souhaite évoquer une fois encore - puisse-t-elle être la dernière
! - comme le titrait le journal
Le Monde,
le « martyre de la villa
Cavrois de Mallet-Stevens ».
Mon propos ne s'éloigne pas de vos préoccupations en matière patrimoniale, au
premier rang desquelles figure le patrimoine du xxe siècle.
En 1987, quelques mois après la mort de la veuve de l'industriel Cavrois, la
villa était encore entièrement meublée et en bon état. Aujourd'hui, en dépit
des efforts de l'association de sauvegarde de la villa, le bâtiment est en
ruine.
Cette villa réalisée par l'architecte Mallet-Stevens est l'un des exemples les
plus remarquables de l'architecture de l'entre-deux-guerres, ce qui justifie
pleinement qu'elle soit classée monument historique. Ce symbole ne doit pas
subir les outrages du temps et être livré aux vandales.
Si l'association de sauvegarde de la villa Cavrois et de nombreux architectes
du monde entier mènent un travail remarquable qui a déjà permis certaines
avancées, une intervention de la puissance publique est nécessaire et
indispensable pour permettre de sauvegarder un monument essentiel de
l'architecture de notre siècle, dans une région qui est soucieuse de protéger
les traces de son histoire.
Les propositions avancées par l'association de sauvegarde, à savoir la
restauration et l'ouverture au public de la villa, son utilisation à des fins
culturelles, permettraient de doter notre région et notre pays d'un équipement
culturel conforme à ce qu'il convient de faire en matière de sauvegarde
patrimoniale.
Il s'agit non pas de « sanctuariser » le site mais, à l'inverse, d'ouvrir un
lieu où s'expriment la créativité et la richesse culturelle de notre époque, ce
que vous avez appelé, madame la ministre, l'appropriation citoyenne.
Plus nous tarderons, plus les travaux seront coûteux et les dommages
irréparables.
Il est urgent de traiter cette question, un pan important du patrimoine
national et universel risque en effet de disparaître.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, je
me préoccupe personnellement de cette question, puisque j'en avais été saisie
directement lors de mon arrivée au ministère par l'association qui défend la
protection de ce bâtiment.
Nous avons engagé de façon très intensive les discussions. Vous savez que
cette maison appartient à un propriétaire privé qui ne veut pas la vendre et
qui a laissé se dégrader ce bâtiment.
M. Ivan Renar.
Il veut même faire un lotissement !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Pour l'instant, les
collectivités locales se sont réunies, et je me suis engagée à tout faire pour
sauver cette villa, qui fait partie des constructions les plus remarquables du
patrimoine du xxe siècle.
Il s'agit vraiment d'un des points les plus sensibles. Je ne peux pas vous
dire aujourd'hui que j'ai trouvé la solution miraculeuse pour faire céder ce
propriétaire, mais j'espère que nous y arriverons.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la culture.
Communication
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les crédits
relatifs à la communication : crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel,
d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits aux services généraux du
Premier ministre.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Je voudrais tout de suite vous
rassurer madame la ministre, nous avons communié aujourd'hui puisque nos deux
villes, votre immense ville et ma petite ville, étaient centres de province du
Téléthon ; si bien qu'il ne m'est pas possible d'être désagréable avec vous.
(Sourires.)
Le Téléthon, cela a été, sur France 2, sur une chaîne publique, trente heures
de télévision qui sont en train de se terminer. Il n'y a pas eu de souillure
publicitaire et puis nous pouvons considérer que beaucoup d'argent public a été
dépensé pour une bonne cause.
J'ai fait le calcul : une telle opération coûtera, pour la production et la
diffusion, à peu près le quart du produit du Téléthon.
Une chaîne de télévision aura ainsi, en dehors de toute idée de spéculation ou
de profit, fait oeuvre utile pour la nation. Cela démontre à l'évidence qu'il
est nécessaire, dans ce domaine, d'avoir un regard particulier, de considérer
que le marché ne règle pas tout. Il faut un secteur audiovisuel public.
M. Henri Weber.
Très bien !
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Le réduire à la souillure publicitaire n'est
peut-être pas le meilleur critère. C'est en tout cas très réducteur.
Madame la ministre, vous aviez élaboré un projet de loi que vous avez eu la
sagesse de retirer ou de reporter. Sans doute n'était-il pas tout à fait
conforme à ce que vous souhaitiez. Des réactions vous avaient-elles alertée sur
un certain nombre de difficultés ou d'insuffisances ?
Il y a place pour l'audiovisuel public, mais à la condition d'en redéfinir
vraiment les objectifs, les contours et les moyens. Un certain nombre de
préoccupations doivent être prises en compte et clairement énoncées. Je pense,
en particulier, à la télévision régionale et à l'information locale.
On me répète sans cesse, à moi qui ai la responsabilité d'une petite
sous-préfecture, bien loin de la préfecture de région ou de la chaîne de
télévision, qu'aucun crédit de personnels ou d'essence n'est débloqué. On nous
montre toujours - ce qui fait très plaisir à M. Jean-Pierre Raffarin - tout ce
qui se passe dans un rayon de dix kilomètres autour de Poitiers, mais jamais le
reste. Cela veut dire qu'il reste du chemin à parcourir dans ces domaines de la
télévision locale, de la télévision régionale !
Ma commune est jumelée avec une ville du Québec et je mesure tout le travail
qu'elle accomplit en matière d'information locale, d'audiovisuel, et cela sur
fonds publics en général ! Nous en sommes loin !
Par ailleurs, nous sommes tous porteurs, héritiers, usufruitiers et
responsables de l'avenir de l'une des plus grandes cultures du monde. Nous
avons notre langue. Alors qu'il s'agit là d'une dimension fondamentale et
hautement stratégique, nous sommes de moins en moins présents ; je dirais même
que nous sommes pratiquement absents hors de l'Hexagone. C'est très gênant pour
notre pays, pour la diffusion de notre culture, pour la connaissance que
doivent avoir les autres de la France, de notre langue et de ce que nous
sommes.
Cela signifie que l'audiovisuel public, en particulier la télévision, n'a pas
les moyens de faire face à ce qui peut être raisonnablement une ambition.
A partir de là, on peut se demander comment régler le problème. Il est des
choses qu'il faut avoir le courage de se dire.
J'ai bâti une longue vie de responsabilités publiques sur l'esprit de lucidité
et sur l'esprit de responsabilité. J'observe aujourd'hui un bouleversement
extraordinaire du paysage audiovisuel. Les choses n'ont jamais évolué aussi
vite en ce domaine qu'à ce moment précis. Je redeviens un vieil étudiant. J'ai
fait des choses qui n'étaient pas drôles pendant neuf ans, en travaillant sur
le budget. Mais, là, je rencontre des gens passionnants qui vivent quelque
chose d'exceptionnel avec leur oeil d'initié. J'observe un développement
extraordinaire, un dynamisme exceptionnel du secteur privé audiovisuel
français, que l'on trouve non seulement dans la création, mais aussi dans la
diffusion.
TF 1 prend sans arrêt des initiatives ; M 6 connaît une croissance
considérable. Des initiatives sont prises en matière de diffusion. Les bouquets
satellites sont de véritables hubs de l'audiovisuel. CanalSatellite marche très
bien. TPS, qui est tout jeune, progresse très vite et on y trouve les chaînes
audiovisuelles publiques, mais pas toutes et peut-être plus pour très longtemps
; cela dépendra des réalités capitalistes.
Voilà deux ans, on comptait cinq cent mille abonnés, ce qui était encore peu,
mais c'était le début. Au 31 décembre de cette année, on en comptera plus de
1,5 million. La croissance du nombre des abonnés est donc extrêmement
rapide.
Autrement dit, la France possède un secteur audiovisuel privé, qui obéit aux
règles du marché, qui progresse bien et qui utilise les moyens les plus
modernes et les plus performants. Mais, nous le savons tous, nous sommes à un
moment où les événements se précipitent et où il faut voir la réalité en
face.
Le satellite est partout au-dessus de nos têtes. Il nous permet de joindre
tout le monde et partout avec des moyens qui, une fois les premiers
investissements réalisés, ne sont somme toute pas considérables. Les ingénieurs
sérieux affirment même qu'on pourra bientôt, grâce aux lignes électrique et
téléphonique, faire pénétrer dans tous les foyers français n'importe quelle
information émanant de n'importe où. C'est déjà le cas de l'Internet et, pour
le reste, bientôt signifie cinq ans au plus tard, m'a-t-on dit !
Quand on légifère, ce n'est pas pour l'année qui suit. C'est pour longtemps !
On s'aperçoit alors que toute attitude qui consisterait à considérer que la
télévision, l'audiovisuel en général, a des frontières est totalement inadaptée
aux réalités technologiques actuelles !
Par conséquent, il est nécessaire d'avoir un audiovisuel public doté d'un
cahier des charges bien défini. Sur ce point, je crois, une très large majorité
nous suivra, car nous sommes tous très attachés, ici, à la réussite de notre
pays et à la diffusion de sa culture.
Mais prendre en compte l'audiovisuel public indépendamment de l'audiovisuel
privé serait une erreur fondamentale à un moment où nous sommes à la croisée
des chemins dans ce domaine-là. Il faut avoir une vision globale.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Très bien !
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
C'est un fait fondamental qu'il ne faut pas ignorer
et qui n'a pas été suffisamment pris en compte.
En vieil étudiant, je découvre des choses et elles ne cessent de me surprendre
! Nous vivons dans un monde où certains - en particulier dans le secteur privé
- ont les moyens d'agir et anticipent largement la conquête du marché global.
Je crois qu'il faut vraiment - et très vite - réussir à régler ce problème qui
est à la fois fondamental et stratégique pour notre pays.
S'agissant des moyens, je vais jouer quelques instants les commissaires aux
comptes et vous donner des chiffres : sur 18 milliards de francs environ, 12
milliards de francs proviennent de la redevance, 4 milliards à 5 milliards de
francs proviennent de la publicité. Le reste, ce sont de maigres crédits qui
proviennent du Premier ministre et de ministères comme celui des affaires
étrangères, mais pas celui de la culture. En effet, si vous êtes notre
vis-à-vis, ce n'est pas vous qui payez. C'est un héritage du logiciel de
l'ORTF, de l'époque où le Premier ministre était le maître de la communication,
ce qui n'est plus vrai aujourd'hui, j'en suis sûr.
M. Henri Weber.
Heureusement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il ne demanderait qu'à le redevenir !
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Matignon n'a plus aucune influence aujourd'hui.
Toujours est-il que c'est lui qui paie ! C'est une question de forme sans
importance et, comme nous avons tous le sens de l'histoire et de son
hystérésis, elle relève de l'anecdote !
Dans cette affaire, je vous incite, les uns et les autres, à regarder les
choses en face. L'audiovisuel public ne fait pas face à ses missions, et cela
est dû à un manque de moyens. On peut bien sûr toujours invoquer tel ou tel
problème de productivité ou d'efficacité. Si je n'ai pas atteint un niveau de
connaissances suffisant sur ce sujet pour porter une appréciation, je connais,
en revanche, l'organisation d'une entreprise, et j'ai d'ailleurs l'intention de
me rendre dans certaines d'entre elles.
Diminuer la publicité ? Cela risque d'arriver plus vite que vous ne le
souhaitez ! Client par ailleurs de publicité télévisuelle et lançant
précisément un appel d'offres en ce moment, je m'entends répondre - on ne sait
pas ce que je fais dans cette belle maison - que, l'an prochain, France 2 et
France 3 n'auront plus de publicité, que TF 1 aura l'exclusivité et augmentera
ses tarifs... Ce discours n'est pas vieux, il date de deux jours ! Par
conséquent, cela signifie que l'audiovisuel public risque en 1999 de ne même
pas avoir les recettes publicitaires nécessaires à son équilibre, lequel est
déjà aujourd'hui un déséquilibre. En effet, les responsables des chaînes
publiques nous expliquent qu'il leur manque 200 millions de francs à coup sûr -
nous avons fait le point au début du mois de novembre - pour boucler le budget
de 1998 et que les crédits qui leur sont délégués ne sont pas suffisants.
Madame la ministre, je livre cela à votre sagacité, mais vous le savez
beaucoup mieux que moi, car vous avez des moyens d'information que je ne
possède pas. Il n'est pas possible en ce moment de remettre en cause les moyens
publicitaires sans trouver d'autres ressources et on se demande où. Je crois
qu'il faut avoir conscience de tout cela.
Je précise aussi que les responsables - c'est ce qu'ils me disent, mais je
crois que cette réaction est logique parce que, à leur place, j'aurais la même
- ces responsables de télévision publique ou ces créateurs publics voudraient
bien pouvoir être des chefs d'entreprise entreprenants comme doit l'être un
chef d'entreprise, augmenter leurs produits et être fixés sur la durée. On ne
gouverne pas ce type d'entreprise, et encore moins qu'une autre, uniquement
dans le très court terme ! Voilà une conviction très forte que j'ai acquise en
m'entretenant avec différents responsables de haut niveau de ces entreprises.
Il y a là une réflexion à conduire. Vous êtes devant une réalité. Des moyens
sont nécessaires pour que l'audiovisuel public remplisse ses missions, missions
qui sont insuffisamment conduites. Il faut donc les trouver quelque part !
La redevance ? A ce propos, je vais peut-être vous choquer, mais il faut
regarder la vérité en face. Initialement, cette redevance était la contrepartie
de l'accès à la télévision tout court, et cela à un moment où il existait très
peu de chaînes. Aujourd'hui, avec tous ces bouquets satellites, avec les autres
moyens de pénétration des foyers qui se préparent, la redevance pourrait être
assimilée à la vignette automobile : ce serait une vignette pour la possession
d'un téléviseur qui pourrait, à la limite, ne plus recevoir une seule seconde
d'émission de chaîne publique.
Nous devons être très conscients, les uns et les autres, de la vitesse à
laquelle les choses se modifient, de la révolution que nous sommes en train de
vivre et des décisions stratégiques, sur les plans tant technique que
financier, qui doivent être prises.
Voilà tout simplement ce que, à ce jour, je voulais vous dire. Les crédits et
les moyens dont vous disposez sont ce qu'ils sont. La commission des finances,
ainsi qu'elle vous le montrera au moment du vote, n'a pas jugé opportun, même
si elle n'est pas d'accord avec tout ce qui s'est dit - mais comme le projet de
loi est reporté, ce n'était que paroles ! - de vous compliquer la tâche. En
conséquence, elle soutiendra les répartitions de crédits telles que vous les
avez proposées. C'est, je crois, madame la ministre, une attitude extrêmement
responsable.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Et courtoise !
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Pas seulement, mon cher collègue et président de
région !
La radio fait également partie de ce vaste domaine. J'avais commencé à creuser
le sujet mais, comme vous changez les directeurs à chaque instant
(Sourires),
nous en parlerons un peu plus l'année prochaine, si Dieu
nous prête vie et si les électeurs nous prêtent pouvoir.
Laissez-moi tout de même vous livrer un fait objectif. Aujourd'hui, dans
l'ensemble du bassin méditerranéen occidental, que ce soit en Espagne, en
Italie, ou ailleurs, la seule radio francophone que l'on puisse capter, c'est
Radio Alger, réputée pour l'objectivité de ses informations et sa connaissance
parfaite des réalités françaises ! L'ensemble des radios françaises qui peuvent
être captées avec les moyens grand public actuels, en ondes courtes ou en
grandes ondes, se sont tues. Les voix de la France se sont tues dans une grande
partie du monde !
M. Michel Pelchat.
Tout à fait !
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
J'en ai fait la remarque au directeur de RFI qui m'a
expliqué qu'il dépendait des affaires étrangères, qu'il avait des missions bien
précises pour ce qui concerne le continent africain, mais au sud du Sahara, que
le Maghreb était un territoire intéressant mais que ses habitants devraient
s'abonner à Internet s'ils voulaient savoir ce qui se disait sur les radios
françaises, et sur Radio France en particulier.
Voilà une situation qui ne me semble pas conforme aux intérêts de notre pays,
de notre culture, dans une partie du monde où il serait utile que nous soyons
présents, surtout compte tenu de la force du transistor dans des pays qui n'ont
pas l'électricité ou qui ont des difficultés de communication et de
réception.
J'en resterai là, aujourd'hui, pour ce qui concerne la radio.
Pour ce qui est de la presse, j'ai rencontré beaucoup de responsables de
presse. Ils m'ont tous dit : « C'est une usine à gaz, mais ce n'est pas la
faute de Mme Trautmann, c'est un héritage de choses qui se sont stratifiées au
fil du temps. »
C'est une usine à gaz, mais il ne faut pas trop changer les tuyaux !
L'aide au portage est très importante ; il faut la maintenir. L'aide aux
transports est très importante également ; il faut la maintenir. La Poste hurle
et la SNCF se fâche parce qu'elles sont souvent payées très en retard. Il y a
des dettes significatives vis-à-vis de la SNCF, mais vous avez prévu, je crois,
d'en rembourser au moins une partie.
Lorsque j'étais de l'autre côté, que je m'occupais du budget des charges
communes, je voyais bien la situation de délabrement des entreprises publiques.
On ne pouvait pas ne pas considérer qu'il n'était pas très sérieux de la part
de l'Etat de confier des responsabilités et de ne pas les rémunérer comme elles
auraient dû l'être. C'est une situation qui n'est pas tout à fait normale et
dans laquelle vous ne pourrez pas vous installer. La Poste est une entreprise
comme les autres et elle doit vendre le service à son prix, et non pas au prix
que voudraient payer les responsables de la presse.
Tout cela n'aura qu'un temps parce que, un de ces quatre matins, la direction
de la concurrence de Bruxelles va certainement étudier la question de très
près. Disons que cela fait partie des habitudes qu'avait le pouvoir français,
quel qu'il soit, en d'autres temps. Mais ces temps sont révolus, et vous ne
pourrez pas vous installer dans cette situation.
Ayant eu, sur d'autres sujets, des relations étroites avec les gens de
Bruxelles, ma conviction est qu'il vous faudra trouver un autre moyen. Avec
quel argent ? Ce sera votre problème...
Toujours à propos de la presse, a été créé l'année dernière, sur l'initiative
de l'Assemblée nationale, un fonds de modernisation de la presse. Pourquoi pas
? C'est un compte spécial du Trésor qui gère ce fonds, me semble-t-il. La
recette provient des imprimés diffusés sans adresse par les entreprises
spécialisées. Celles-ci doivent payer une dîme, et cette dîme alimente le fonds
de modernisation de la presse. Le problème est que la dîme prélevée n'est pas
aussi grasse qu'on l'avait prévu. Mais c'est peut-être parce que le calcul
avait été mal fait ou parce que l'assiette avait été surestimée.
Toujours est-il que 2 millions de francs ont été prélevés et qu'aujourd'hui on
ne parvient pas à affecter un seul centime sur ces 2 millions de francs, tout
simplement parce qu'on n'est pas d'accord avec les fédérations de presse sur le
concept de modernisation !
Madame la ministre, moi, je vais dire très clairement ce que je pense de cette
affaire : ou vous vous mettez d'accord et vous parvenez à utiliser ce fonds de
modernisation de la presse, ou ce prélèvement n'a plus aucun débouché parce que
son but n'est pas atteint. Donc, il faudra régler le problème !
Permettez-moi de vous proposer une solution partielle. Vous avez diminué les
crédits au téléphone en disant : « France Télécom a baissé ses tarifs à cause
de la concurrence avec les autres opérateurs, et maintenant c'est moins cher. »
C'est un fait. Vous avez donc décidé de transférer ces crédits sur le transport
par fac-similé.
Le problème est que les responsables de la presse, qui ont beaucoup modernisé
leurs outils, nous disent que le fac-similé, c'est comme le télex, c'est déjà
un peu dépassé et qu'on veut leur imposer une technologie, sinon du xixe
siècle, du moins de la fin du xxe siècle, en tout cas pas tout à fait du début
du xxie siècle. Ils demandent que soient prises en compte les lignes
numérisées, qui permettent, paraît-il, une meilleure qualité des opérations.
Moi, je crois que, si vous voulez utiliser pour la première fois le fonds de
modernisation de la presse - il ne s'agit pas de beaucoup d'argent : à peu près
150 millions de francs - essayez donc d'aider les entreprises de presse à vivre
avec leur époque au lieu de leur imposer une technique qui n'est déjà plus dans
l'air du temps !
Ce faisant, vous seriez en dehors de cette attitude fréquente que l'on trouve
dans l'Etat français et particulièrement dans une citadelle qui a quitté un
bâtiment dont on parlait tout à l'heure pour s'installer dans un autre bâtiment
très moderne, et qui pèse lourd dans la République française et chez vous.
Cette attitude, c'est celle qui consiste à vouloir toujours imposer des règles
qui sont obsolètes avant d'être écrites.
Voilà ce que je voulais vous dire, madame la ministre, sur la presse.
Il y aurait beaucoup de choses à dire, mais ce sont les seules recommandations
que je me permets de vous faire.
Vous l'avez compris, tout cela est dicté par un esprit de responsabilité, avec
la volonté de faire réussir notre pays dans un domaine hautement stratégique,
qui est celui de l'information, qui conditionne, par sa qualité par ses
techniques de diffusion, par son audience, la présence de la France non
seulement chez elle, ce qui est fondamental, mais aussi dans le monde, ce qui,
je le crois, nous réunira tous.
(Vifs applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la
communication audiovisuelle.
Si je n'ai pas été étonné, madame la
ministre, de la remise en cause du projet de loi concernant la partie
audiovisuel public, j'ai été très surpris d'apprendre que l'examen du texte
relatif à la transposition de la directive « Télévision sans frontière » avait
été purement et simplement repoussé à une date non précisée et pour le moins
incertaine.
Vous savez que cette directive comporte des mesures importantes qui doivent
être transposées dans le droit français avant le 30 décembre 1998 ; vous savez
aussi qu'en cas de retard la Commission européenne demandera à la France des
explications qui la conduiront immanquablement devant la cour du justice de
Luxembourg.
Vous n'ignorez pas non plus que la fixation de la durée horaire des messages
publicitaires diffusés par la télévision publique - cause du report de l'examen
du projet de loi - est une mesure purement réglementaire que le Premier
ministre, qui y tient beaucoup, si l'on en croit la presse, peut prendre quand
il veut.
Pourquoi, dès lors, n'avoir pas laissé le Parlement examiner le projet de loi
et adopter les mesures que nous avons l'obligation impérieuse de transposer, en
excluant du texte, par voie d'amendement, les trois lignes auxquelles le débat
a été réduit ? Le Premier ministre garde sa liberté de prendre toutes les
mesures réglementaires qu'il jugera utiles... quand il aura réuni la
documentation qui lui manque encore.
C'est la solution que dictait l'intérêt national, celle qui aurait évité à la
France d'inutiles et inopportuns déboires judiciaires, déboires inutiles car
les dispositions à transposer ne posent aucun problème de fond, déboires
inopportuns car, au moment où la France se prépare à consentir de nouvelles
délégations de souveraineté, il n'est pas bon de mettre en relief certains
aspects triviaux de ce processus. Il va falloir payer amende à l'Europe !
Mais le Gouvernement a préféré s'obstiner dans une démarche de tout ou rien,
qui nous garantit qu'il n'y aura pas de loi avant longtemps, donc pas de
transposition des textes européens, qu'il y aura seulement la démonstration
publique de l'incapacité d'une vieille nation juridique à s'acquitter
d'obligations purement procédurales !
Certains trouveront que je noircis le tableau.
M. Henri Weber.
Oui !
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
Ils pensent que les problèmes tardivement révélés
par le débat sur la publicité vont être résolus dans les prochaines semaines et
que tout va redémarrer.
Il suffit, madame la ministre, de regarder de près le projet de budget de 1999
pour perdre toute illusion à cet égard.
Devant la commission des affaires culturelles du Sénat vous avez parlé d'un
budget de préfiguration. Je parlerai plutôt d'un budget d'inextricables
contradictions, préfigurant l'abandon de votre projet de loi, constatation
faite de l'impossibilité d'assumer les conséquences financières d'une
importante régression des ressources publicitaires.
Voyons donc quelles sont ces contradictions.
Plutôt piquante serait, de prime abord, la contradiction existant entre le
radicalisme des objectifs publicitaires que vous continuez d'afficher et la
modestie du premier pas consenti dans le cadre de ce « budget de préfiguration
».
Inquiétante m'apparaît en revanche la contradiction existant entre les
estimations de recettes publicitaires présentées pour 1999 et les réalités du
marché. Celui-ci pourrait bien précéder le Gouvernement dans la voie de la
régression des ressources propres des chaînes : pénurie et déficits semblent se
profiler.
Très grave me semble enfin, à terme, la contradiction existant entre le
démantèlement immédiat des ressources budgétaires des chaînes et la réduction
annoncée de leurs ressources publicitaires. Il faudra pourtant mobiliser
massivement les ressources budgétaires pour faire face aux besoins de
financement du secteur public de l'an 2000, quand une situation financière
dégradée aura placé la télévision publique dans une position concurrentielle
difficile face au secteur privé.
A ce propos, il ne faut pas craindre de parler de concurrence : prétendre
mettre les organismes publics à l'abri de toute logique commerciale - il me
semble citer le Premier ministre - n'a pas de sens, car il faudra bien que la
télévision publique entre en concurrence avec les chaînes privées sur le marché
des programmes,...
M. Henri Weber.
Elle l'est !
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
... pour sauvegarder une audience qui est la raison
d'être de la télévision publique généraliste.
Sur quelle autre source de financement que les crédits budgétaires pourrait-on
compter pour faire face à ces besoins ?
La commission des affaires culturelles appelle depuis plusieurs années
l'attention des gouvernements successifs sur les faibles perspectives de
recettes nouvelles que la redevance offre. Ce prélèvement posera en effet
problème quand l'évolution de la communication audiovisuelle lui aura donné un
caractère manifestement artificiel et dépassé. Cela est déjà sensible pour
nombre de nos concitoyens. Le Gouvernement semble en prendre conscience puisque
l'augmentation des taux sera alignée en 1999 sur la hausse des prix. Encore
faudrait-il en tirer les conclusions nécessaires en ce qui concerne l'évolution
des autres recettes.
Or, il faut bien que j'y revienne, que trouve-t-on dans le projet de budget
pour 1999 ? Au lieu de l'amorce d'une montée en puissance des crédits
budgétaires pour préparer la compensation d'un manque à gagner de plus de 2
milliards de francs en l'an 2000, c'est-à-dire demain, on y trouve la
suppression des crédits budgétaires des organismes de l'audiovisuel intérieur
!
La solution, souvent présentée comme une panacée, du remboursement des
exonérations de redevance, me semble avoir perdu toute réalité, et c'est vous,
madame la ministre, qui lui avez porté le dernier coup puisque, d'une part, le
taux de remboursement est réduit en 1999 à quelque 4 % des exonérations
estimées, et que, d'autre part, l'unique bénéficiaire de ces remboursements
sera RFI, à laquelle vous déniez - à juste titre, me semble-t-il - l'accès à la
ressource de la redevance.
Vous conviendrez que nous marchons un peu sur la tête ! Ou alors il faut
admettre que la notion de remboursement est fictive, en dépit de l'appellation
officielle - comment peut-on d'ailleurs rembourser ce qui n'a pas été perçu ? -
et que les prétendus remboursements sont de simples crédits budgétaires,
c'est-à-dire le mode normal de financement de l'audiovisuel extérieur, ce qui
ne me scandalise pas.
Je n'ai fait cette digression que pour le cas où vous nous annonceriez, madame
la ministre, que le principe du remboursement aux chaînes publiques du moins
perçu de recettes publicitaires serait inscrit dans la prochaine mouture de
votre projet de loi. La compréhension de notre assemblée ne pourrait vous être
alors acquise qu'au prix d'une incompréhension de la mécanique des finances
publiques, trop manifeste pour être crédible.
Il suffit de lire votre projet de budget, madame la ministre, pour constater
que, sauf à créer au forceps des recettes nouvelles plus ou moins arbitraires,
l'avenir de la mesure que vous envisagez toujours de prendre est fort
incertain. La modification des structures de financement de la télévision
publique n'est pas forcément une mauvaise idée - je n'oppose aucune objection
de principe, par exemple, au retour à la situation du début des années
quatre-vingt dix - mais il s'agit d'une tâche de longue haleine qui s'accommode
mal, nous le savons, de la recherche d'effets.
Cela dit, je n'oublie pas que votre projet de budget dotera les organismes
publics de 2,6 % de moyens supplémentaires et que la mise en place de mesures
nouvelles, parfois significatives, en sera facilitée.
Cette dernière perspective à court terme a conduit la commission des affaires
culturelles à se voiler la face sur le moyen terme, espérant que la prudence
prévaudrait, et à s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le
rejet des crédits de la communication audiovisuelle pour 1999.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. de Broissia, rapporteur pour avis.
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la presse
écrite.
Madame le ministre, c'est avec un très grand plaisir que, au
milieu des sollicitudes variées dont vous êtes l'objet ces jours-ci, s'agissant
du délicat secteur de la communication, je vais pouvoir vous présenter deux
compliments.
Je constate, d'abord, que le budget des aides à la presse sera, en 1999 - si
les assemblées votent les crédits - en augmentation de 2,6 % par rapport à
1998, année « noire » marquée par une diminution de 1,03 %. Cette augmentation
globale me semble satisfaisante puiqu'elle est supérieure à la croissance du
budget de l'Etat, fixée à 2,2 %.
Vous avez ainsi élaboré ce que l'on peut appeler un budget de reconstitution,
pour reprendre une formule que vous avez utilisée dans un autre contexte.
Je me réjouis ensuite, en étant moins critique que M. le rapporteur spécial,
de la mise en place du fonds de modernisation de la presse quotidienne, créé
par la loi de finances pour 1998.
Certes, il aurait été intéressant d'esquisser une étude de cet instrument :
son premier mérite est d'opérer, au profit de la presse, le transfert d'une
portion des investissements publicitaires dirigée vers le hors-média ; son
second mérite - et il n'est pas des moindres - est de n'avoir pas servi de
prétexte à la diminution des aides traditionnelles. L'objectif de ce fonds est
de favoriser le lancement ou la poursuite de projets de modernisation dans un
cadre contractuel et pluriannuel ; j'y reviendrai.
Si la mise en place du fonds est un peu lente, si les crédits à redistribuer
sont nettement inférieurs aux estimations présentées lors de sa création - 140
millions de francs en 1998, peut-être 200 millions de francs en 1999, par
rapport à une estimation un peu optimiste de 400 millions de francs - ce
mécanisme me semble très prometteur et nous en suivrons les premiers pas avec
attention.
Voilà pour les compliments. Il y aura aussi des nuances et des réticences.
L'évolution relative des différents postes d'aide directe ne me convainct
pas.
Prenons, par exemple, la suppression de l'allégement des charges téléphoniques
des correspondants de presse. Cette aide est remplacée par une aide à la
transmission par fac-similé, dont le crédit est de 51,7 % inférieur aux
dotations du fonds supprimé.
Cette opération facilite une assez large redistribution des crédits en faveur,
d'une part, de l'aide au portage, qui progresse de 10 % - cela a été dit par M.
le rapporteur spécial - et, d'autre part, des remboursements à la SNCF des
réductions de tarifs accordées à la presse, qui augmentent de 7,4 % par rapport
à la dotation de 1998.
Ces mouvements comportent des éléments positifs.
Je rappelle à mes collègues que le fonds d'aide au portage est destiné aux
quotidiens et que les remboursements à la SNCF sont, depuis 1998, mieux ciblés
en faveur de ces quotidiens.
Sont aussi privilégiés par le projet de budget le fonds d'aide aux quotidiens
nationaux à faibles ressources publicitaires, qui augmente de 5,3 %, le fonds
d'aide auxquotidiens régionaux à faibles ressources de petites annonces, qui
progresse de 5,1 %, et le fonds d'aide à la diffusion de la presse hebdomadaire
régionale, qui s'accroît de 5 %.
Tout cela correspond, madame le ministre, à votre souhait, légitime, de faire
de la presse quotidienne la première bénéficiaire de la progression des
crédits. Je vous en donne acte, mais je regrette - je l'avais dit à la
commission des affaires culturelles - le clivage que vous établissez entre les
différentes catégories de quotidiens. En raison de mécanismes que mon temps
d'intervention m'empêche de rappeler dans le détail, la presse quotidienne
régionale, dont la situation économique n'est pas florissante, va se trouver
pénalisée par la suppression du remboursement des charges téléphoniques et par
les modalités d'attribution de l'aide au portage. Il s'agit, en quelque sorte,
d'un glissement des aides vers la presse quotidienne nationale au détriment de
la presse quotidienne régionale.
J'ai parlé d'un budget de reconstitution. La reconstitution n'a de sens que si
la consolidation vient la confirmer. Cela pose le problème de la pluriannualité
des engagements de l'Etat - vous savez que j'y suis attaché, je l'ai dit dans
une autre enceinte - qui me semble être un sujet majeur de réflexion pour les
prochaines années.
Au moment où le Gouvernement reconnaît, au profit de l'audiovisuel public, la
nécessité pour l'entreprise moderne de communication de disposer de repères
pluriannuels sur l'engagement financier de l'Etat, il serait légitime de
réfléchir à une évolution permettant à la presse de prévoir les concours
qu'elle peut attendre de l'Etat en moyenne période.
Certains jugeront injustifié de traiter de la même façon des entreprises
publiques dont l'Etat est l'actionnaire et des entreprises privées appelées à
assumer un risque économique. L'argument est faible. Ce qui motive le fait que
soient écartées les conceptions intégristes de l'annualité budgétaire, c'est la
mission d'intérêt général confiée aux organismes de l'audiovisuel public.
La pluriannualité c'est, en fait, l'exécution, dans de bonnes conditions,
d'une mission d'intérêt général essentielle au bon fonctionnement de notre
démocratie. Or chacun connaît le rôle premier de la presse, et spécialement,
bien sûr, de la presse d'information générale et politique à cet égard.
En outre, la pluriannualité - je m'adresse à mes collègues de la commission
des finances - ne serait pas si exorbitante qu'on le dit parfois. En effet -
l'argument m'apparaît important à souligner - voilà un certain temps déjà que
l'Etat en a implicitement reconnu la nécessité. On se dirige de plus en plus
vers des mécanismes d'aides ciblées à caractère partiellement pluriannuel. Je
pense à la création d'aides à durée limitée destinées à certaines catégories
d'organes de presse. C'est le cas de la compensation des charges liées au
portage des quotidiens. On peut parler d'une aide pluriannuelle, puisque le
maintien du mécanisme est assuré pour une durée de cinq ans et que le montant
des aides versées est garanti par l'automaticité du mode de calcul. Mais il
s'agit d'une « pluriannualité-couperet », puisque ces mécanismes sont promis,
de façon logique, à une fin brutale.
Le second aspect de la pluriannualité balbutiante des concours de l'Etat est
ce que l'on pourrait appeler l'aide aux projets. Elle a pris de l'ampleur avec
la création, en 1993, d'une aide budgétaire au plan social de la presse
parisienne. On peut également mentionner l'aide à la modernisation des
Nouvelles messageries de la presse parisienne, les NMPP, créée aussi en
1993.
Le nouveau fonds de modernisation de la presse quotidienne créé, en 1998,
illustre aussi l'idée d'aide pluriannuelle au projet. Cette forme de
pluriannualité présente des avantages.
Il serait intéressant que, par rapport aux besoins de financement liés à la
crise de la presse et aux impératifs d'une modernisation de longue durée, dans
le contexte de transition vers une société globale de l'information, l'Etat
soit enclin à opérer une sélection dans l'attribution des aides créées pour
faire face à ces besoins.
Après ce plaidoyer pour la pluriannualité, je concluerai mon propos en faisant
allusion au régime fiscal des journalistes. Il y a encore, en ce moment, des
perturbations dans les rédactions. Elle ne sont dues qu'aux initiatives
systématiquement décalées de l'Assemblée nationale sur ce dossier.
Le bon sens voudrait que l'on s'en tienne à la position adoptée par la
commission de finances du Sénat, la seule raisonnable et la seule solide sur le
plan juridique, et que le Gouvernement se mette sérieusement au travail pour
mettre, l'année prochaine, un terme définitif à ce dossier. Sur ce sujet,
l'Etat offre le spectacle de palinodies consternantes.
Il faut en effet le répéter : la suppression des niches fiscales entreprise
par M. Alain Juppé s'inscrivait, dans le projet de loi de finances pour 1997,
dans un processus, d'allégement général du barème de l'impôt sur le revenu des
personnes physiques. Depuis, ce dispositif a été supprimé par le Gouvernement
auquel vous appartenez. Il conviendra, à cet égard, d'adopter une position
définitive.
Enfin, je rappelle que la commission des affaires culturelles a décidé de s'en
remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits de la
presse en 1999.
Je souligne avec bonheur que la commission des finances a, dans la pratique, «
sanctuarisé » les crédits concernant la presse, ce qui montre par excellence
notre attachement commun à une presse vecteur premier de la démocratie.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste : 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 16 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 16 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 12 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en guise
d'introduction et d'encouragement, je veux proposer à votre méditation ce que
le philosophe Henri Lefebvre écrivait de la télévision en 1961, dans le tome II
de son ouvrage
Critique de la vie quotidienne
, avant même l'extension du
parc de téléviseurs en France : « Dans son fauteuil, l'homme privé, qui ne se
sent même plus citoyen, assiste à l'univers sans avoir prise sur l'univers et
sans en avoir le souci. Il regarde le monde, il se mondialise, mais en tant que
pur et simple regard, un regard social posé sur l'image des choses, mais réduit
à l'impuissance, à la détention d'une fausse conscience et d'une
quasi-connaissance, à la non-participation. C'est bien un regard privé, un
regard de la privatisation. »
Vous le voyez, les philosophes sont comme les artistes : ils travaillent avec
des mains d'avenir.
L'examen de ce budget vient à un moment où la communication et plus
particulièrement l'audiovisuel public sont au coeur de bien des débats. Au-delà
des polémiques, cela témoigne bien d'un besoin de réflexion, de concertation et
de confrontation d'idées.
En ce sens, nous apprécions la décision du Gouvernement de reporter l'examen
du projet de loi relatif à l'audiovisuel public non pas par évitement, mais, à
l'inverse, parce que nous savons que ce temps sera mis à profit et permettra de
doter notre pays d'un texte sur l'audiovisuel conforme aux enjeux, aux
mutations et au développement de ce secteur.
Une telle ambition doit concerner tout l'audiovisuel, public et privé. Nous ne
pouvons, en effet, appréhender et débattre sur le fond de la place et du rôle
de l'audiovisuel dans la société en limitant notre action et notre réflexion au
seul secteur public, au risque de voir perdurer un espace audiovisuel
comportant des droits étendus pour les uns et des devoirs stricts pour les
autres.
Nous devons traiter le sujet dans son ensemble, et élaborer ce que Jack Ralite
appelait tout à l'heure une « loi générale ». Pourquoi ne pas associer à ce
débat, pour une fois, les premiers concernés, ceux qui regardent la télévision
ou écoutent la radio et ceux qui s'en détournent ?
Compte tenu de l'intérêt de nos compatriotes pour l'audiovisuel - aujourd'hui,
c'est très souvent, il faut bien l'admettre, l'unique vecteur d'information, de
distraction et de culture - le moment nous paraît propice pour organiser, au
sein-même de la télévision, plusieurs débats sur l'audiovisuel. Cette démarche
novatrice et citoyenne permettrait d'éclairer d'un jour nouveau la réflexion
sur la télévision, la création télévisuelle et l'attente de nos concitoyens.
Le budget que nous examinons, que l'on dit en mutation, progresse de 2,6 % par
rapport à 1998, avec, il est vrai, une inflexion dans la politique
audiovisuelle menée jusqu'à présent quant aux recettes publicitaires. Ainsi, la
part des ressources publiques enregistre-t-elle une progression de 3,2 %. La
dépendance de France 2 à l'égard de la recette publicitaire est en recul.
France 3, qui ne devrait plus bénéficier de crédits budgétaires sous forme de
dotations propres, voit son budget en hausse de 3,6 % afin de permettre,
notamment, un développement des programmes régionaux, retardé, il est vrai, par
une abscence cumulée de budgets adaptés.
Si Radio France connaît également une progression des moyens qui lui seront
affectés de 2,4 %, les situations des personnels décentralisés sont assez peu
conformes aux missions de service public.
Après deux grands mouvements, en 1990 et en 1994, les animateurs souhaitent en
effet que soient respectés les engagements pris par leur direction.
Paiement au cachet, contrats renouvelables sous forme de contrats à durée
déterminée, statuts différenciés, telle est la réalité de la vie des animateurs
des stations locales de Radio France qui entrave, selon nous, les missions du
service public et qui participe à l'envahissement de la précarité dans notre
pays, y compris dans le secteur public.
Un autre sujet d'inquiétude porte sur les crédits de Radio-France
Internationale. Il y a, madame la ministre, une faiblesse de l'effort public
sur le terrain de la francophonie. La réduction des crédits de Radio-France
Internationale participe encore au délaissement d'une question essentielle au
rayonnement culturel de notre pays et de notre langue bien malmenée partout
dans le monde.
J'en viens à présent aux aides à la presse. Alors que le gouvernement
précédent diminuait ces aides de 14 % en 1997, vous proposez une hausse de 2,6
% des crédits avec le développement du fonds d'aide aux quotidiens nationaux.
Cette mesure est positive.
Au-delà des chiffres, il nous semble opportun de réexaminer dans le détail les
aides à la presse. Est-on bien certain qu'elles tiennent compte des difficultés
des entreprises de presse ?
La presse écrite est aujourd'hui confrontée à deux défis : d'une part, le
développement de nouvelles technologies de l'information et de la communication
et, d'autre part, la concentration, les tendances lourdes au rachat des titres
et à la constitution de grands groupes de communication, y compris avec des
investisseurs étrangers.
La multiplication et la sédimentation des différentes mesures rendent opaque
un dispositif que nous savons néanmoins essentiel à l'existence d'une presse
écrite malmenée de toutes parts.
Parmi les aides à la presse, mais aussi dans le cadre du développement du
rayonnement de notre pays que j'évoquais à l'instant, l'AFP occupe un rôle
essentiel. Garant de son indépendance, son statut original, ni privé ni public,
en fait un instrument privilégié qu'il nous appartient de sauvegarder. Il faut
y veiller et, surtout, ne pas revoir à la baisse la convention AFP-Etat,
c'est-à-dire le montant des abonnements de l'Etat.
Ce bref tour du budget de la communication permet d'entrevoir et de mesurer
les enjeux et la complexité de ce secteur. Encore avons-nous fait jusqu'à
présent l'économie du problème de la création.
Les enjeux de l'audiovisuel, le statut de la publicité, les aides à la presse,
voilà un tout que l'on range ordinairement sous le vocable de la communication.
A cet égard, le projet de loi sur l'audiovisuel qui nous sera proposé dans
quelques mois se doit de prendre en compte ces multiples dimensions. Nous
pensons que les choses vont dans le bon sens, comme en témoignent les projets
d'amendement dont nous avons pu avoir connaissance.
Les tunnels publicitaires sont insupportables à l'ensemble des
téléspectateurs. C'est pourquoi la réduction de la publicité proposée par le
projet de loi est une très bonne disposition. Nous apprécions ainsi votre
volonté de soustraire l'audiovisuel public du carcan de l'audimat.
Pour autant, ces questions ne sauraient être isolées d'un débat plus général
et plus approfondi sur le financement de l'audiovisuel privé et public. On ne
peut prendre ces mesures en ignorant le déséquilibre qui existe entre le
secteur public et le secteur privé. Si la publicité, que le premier ne peut
plus capter, va au second, les conséquences en seront terribles et contraires à
l'objectif recherché.
Aux termes de la loi, TF1 et M6 sont investies de missions de service public.
Dès lors, nous estimons que des quotas de diffusion publicitaire doivent
également leur être imposés.
Le débat sur l'audiovisuel est indissociable d'un débat plus large encore sur
la production audiovisuelle. La numérisation de l'information, l'apparition de
nouveaux médias, le développement d'Internet, qui devrait rendre possible dans
un délai très court la diffusion d'émissions télévisuelles, le câble, le
satellite, cette énumération démontre bien que le défi à venir sera celui du
contenu de l'information et du développement des programmes.
Comment résister à l'envahissement de productions importées d'outre-Atlantique
si ce n'est en répondant à l'échelon tant national qu'européen aux besoins de
la production de programmes, de logiciels, plus largement de créations
audiovisuelles et informatiques dans un contexte où la frontière entre les deux
est on ne peut plus mouvante ?
Il y a là, madame la ministre, mes chers collègues, un enjeu économique
important mais également des enjeux culturels fondamentaux dans le cadre d'une
mondialisation des échanges qui ne devrait pas s'opérer sur le seul secteur
marchand avec l'hégémonie sans lendemain des plus forts sur les plus
faibles.
Nous avons le devoir de doter le service public de l'audiovisuel d'instruments
lui permettant de faire face à ces enjeux.
Des coopérations du type de celle qui est conduite avec la SEPT-Arte devraient
être multipliées sous la forme de groupements d'intérêt économique avec nos
partenaires européens et, dans le même temps, par souci de pluralisme et pour
sauvegarder la création audiovisuelle, les dispositifs anti-concentration
capitalistique devraient être renforcés pour l'audiovisuel.
Voilà une façon de construire l'Europe bien différente de celle qui a cours
aujourd'hui.
Priver l'audiovisuel public d'un outil de production propre, c'est, de l'avis
de très nombreux professionnels, conduire celui-ci à l'impasse, à plus ou moins
court terme, et annihiler une part importante souvent la plus originale de la
création.
C'est pourquoi nous pensons que la SFP doit être intégrée au pôle de
l'audiovisuel public et ses missions redéfinies.
Le rôle de l'INA, fragilisé par la diminution de ses ressources de 5 %, doit
être inscrit de manière précise dans la loi afin de ne pas limiter ce dernier
aux missions d'archivage aussi indispensables soient-elles.
Dans un secteur audiovisuel en pleine mutation, l'Institut national de
l'audiovisuel ne doit rien concéder sur le terrain de la recherche et de
l'innovation. Il y va de l'intérêt même des chaînes de service public, et c'est
vrai que cela appelle de nouveaux investissements.
Il n'y aura pas de développement de la production audiovisuelle tant nationale
qu'européenne sans investissements publics.
L'assise budgétaire du financement audiovisuel sur la redevance est nécessaire
; encore convient-il que l'Etat rembourse mieux qu'il ne le fait les
exonérations de redevance, encore en baisse dans le projet de budget qui nous
est soumis.
Le secteur public audiovisuel se doit d'être présent dans le champ du secteur
concurrentiel. Car la réalité d'aujourd'hui nous amène, enfin, à constater la
place prépondérante des chaînes thématiques et des bouquets satellitaires.
Seules des stratégies à long terme permettront au service public de retrouver
le rôle qu'il n'aurait jamais dû cesser de jouer, la régulation n'étant pas le
moindre.
Avec l'audiovisuel, nous sommes à la frontière de l'économique, de
l'industriel - l'audiovisuel appelle des moyens financiers et humains
importants - et de la création qui ressortit à notre patrimoine collectif. Ce
n'est pas ancien et le politique a toujours eu, de manière heureuse ou parfois
malheureuse, conscience de cette dualité. C'est dire combien le débat sur
l'audiovisuel public nécessite que l'on manie avec circonspection ces
différents facteurs. Le succès du service public dépendra de notre manière
d'intégrer l'ensemble des contraintes que je viens d'évoquer.
Qu'il s'agisse de la présence sur le terrain de l'innovation, de la présence
sur le terrain de la qualité et de l'originalité des programmes, d'où la
nécessité de renforcer les outils de production, ou de la présence sur le
terrain de la démocratie, les téléspectateurs et les personnels sont les grands
absents de la réflexion menée actuellement : voilà des axes incontournables des
réorientations de notre politique audiovisuelle. Je crois aussi qu'il vous
faudra intégrer la télévision de proximité dans votre réflexion globale.
Cette réforme, madame la ministre, nous l'appelons de tous nos voeux et nous
sommes prêts à nous atteler à vos côtés à ce vaste chantier. Dans un contexte
où le secteur concurrentiel bénéficie d'avancées importantes, puisse le budget
que nous nous apprêtons à adopter être le budget de transition d'une réforme de
l'audiovisuel devenue aujourd'hui indispensable !
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 1996,
derniers chiffres disponibles, 94,5 % des foyers français étaient équipés d'au
moins un téléviseur. La durée d'écoute moyenne quotidienne par foyer pour les
chaînes hertziennes était de cinq heures et quatre minutes. Permettez-moi, mes
chers collègues, d'insister sur le rôle social, culturel et démocratique de la
télévision.
Premier loisir, premier moyen d'information, principal voire unique moyen de
contact avec la culture et le savoir, l'importance de la télévision dans la vie
des Français indique, à l'évidence, que l'Etat ne peut se désintéresser de ce
secteur.
Pourquoi ne pas le dire, madame la ministre : en examinant aujourd'hui le
budget de la communication pour 1999, nous avons tous les yeux fixés sur
l'importante réforme que vous allez bientôt présenter. Et, si ce budget est un
budget de transition, il marque déjà fortement la volonté du Gouvernement de
renforcer le secteur public, en augmentant et en clarifiant son financement.
L'augmentation des ressources de la télévision publique, plus que jamais
nécessaire, ne doit plus passer par la hausse des recettes publicitaires, sous
peine de réduire à néant notre objectif principal qui est de donner au service
public les moyens de conforter son identité et d'assumer ses missions.
Aussi pouvons-nous nous réjouir que le budget de l'audiovisuel public soit en
augmentation, avec, d'une part, une clarification du rôle de la redevance, qui
est en hausse de 2,6 % quand le budget n'augmente que de 2,2 %, et, d'autre
part, un coup d'arrêt à la progression des ressources publicitaires des chaînes
publiques.
Vous poursuivez, madame la ministre, la restauration des moyens de
l'audiovisuel public, commencée avec le budget pour 1998, en augmentation déjà
de 3,3 % par rapport à l'année précédente, année des importantes coupes claires
effectuées par le gouvernement Juppé à coup d'économies forcées et de
régulations budgétaires, qui s'étaient traduites par une baisse de 1,5 % des
crédits de l'audiovisuel public dans le budget pour 1997.
On se souvient ainsi des quelque 530 millions de francs de réduction de
crédits publics pour France-Télévision, des 40 millions de francs d'économies
imposées à Radio France, l'obligeant à un coûteux désengagement des ondes
moyennes, et des 140 millions de francs d'économies demandées au budget d'Arte
et de la Cinquième, dont les programmes ont nécessairement fait les frais, au
prétexte imprudent d'une fusion que le Parlement était censé entériner sans
discuter. Mais, caprice des urnes aidant, cette fusion n'est toujours pas
votée.
Revenons à ce budget sur lequel je formulerai deux séries de remarques, l'une
sur le montant global des ressources du secteur public, l'autre sur la
structure de son financement.
S'agissant des ressources globales du secteur public, les chaînes publiques
françaises disposent de beaucoup moins de moyens que leurs homologues
européennes. D'après la dernière étude de l'Observatoire européen de
l'audiovisuel, les ressources des deux chaînes de la BBC, financées sans
publicité, sont plus d'une fois et demie supérieures à celles de France
Télévision. Celles des deux chaînes publiques allemandes, ARD et ZDF, sont deux
fois et demie plus élevées.
Plus périlleux encore est le déséquilibre entre les moyens des trois chaînes
publiques et ceux des trois chaînes privées hertziennes françaises. En 1997,
les chiffres d'affaires nets cumulés de TF1, de M6 et de Canal Plus s'élevaient
à un total de 18,4 milliards de francs. En 1998, les chaînes publiques
disposaient, quant à elles, de 12,68 milliards de francs, ou de 13,88 milliards
de francs si l'on ajoute RFO.
Ce déséquilibre flagrant, au détriment du secteur public, justifie
certainement que celui-ci rassemble ses forces et rationalise ses moyens. Mais,
au-delà des remaniements structurels, nous devrons trouver des recettes
complémentaires augmentant à la même vitesse que celles des concurrents, pour
que le secteur public ne soit pas mis dans l'incapacité de s'approvisionner sur
le marché des droits, qu'il s'agisse de fictions ou de programmes de sports.
L'un des enjeux de la prochaine réforme doit être de remettre France Télévision
à armes égales avec ses principaux concurrents français et européens ; j'y
reviendrai dans quelques instants.
J'aborderai, à présent, la structure du financement du secteur public dans
cette loi de finances. Nous nous trouvons là au coeur de la définition des
missions de la télévision publique.
La redevance est presque entièrement consacrée aux opérateurs nationaux de
l'audiovisuel. Cette clarification me semble la bienvenue. Les Français
accepteront d'autant mieux la redevance qu'ils sauront précisément à quoi elle
sert. Le financement de TV5 et de RFI par crédits budgétaires est plus conforme
à leurs missions.
Moderne ou archaïque, je ne sais, la redevance n'en est pas moins une
ressource stable et prévisible, indispensable à la sécurité et à la visibilité
financière dont a besoin le secteur public pour pouvoir planifier son
développement. Nous devons la préserver, la pérenniser et chercher à améliorer
son rendement.
Elle rapportera, en 1999, 12,25 milliards de francs à l'audiovisuel, soit une
progression de près de 5 %, permise par une hausse modérée de 1,2 % et par une
amélioration du taux de recouvrement. Observons qu'à 744 francs pour un poste
couleur, elle se situe à l'un des plus bas taux d'Europe et que, par ailleurs,
les exonérations sociales amputent de quelque 2,6 milliards de francs le
montant total qu'elle devrait rapporter. On voit qu'une marge importante de
ressources supplémentaires pour le secteur public existe.
Pour compenser la baisse de 2 milliards de francs de ressources publicitaires
qui devrait, dit-on, résulter de la future loi, la première des ressources
complémentaires que nous devons restituer au secteur public réside bien dans
les 2,6 milliards de francs d'exonérations sociales.
J'en viens maintenant à ce qui est le signal fort de ce budget. C'est la
première fois depuis 1992 que la part de la publicité est stabilisée dans les
ressources des chaînes. Celle-ci avait enregistré une hausse de 9,5 % en 1996
et de 20 % en 1997.
Sur France 2, les recettes publicitaires devraient représenter 50 % du
financement de la chaîne contre 50,1 % en 1998. Elles demeurent stables sur
France 3 et sur La Cinquième.
Ce coup d'arrêt, annonciateur de la prochaine réforme, est doublement
indispensable.
Il l'est tout d'abord pour l'équilibre financier des chaînes car, malgré les
apparences, il y a aujourd'hui une relative désaffection des annonceurs pour la
télévision, les investissements y augmentant moins vite que l'ensemble du
marché. Les recettes publicitaires encaissées par France 2 et France 3 en 1998
seront vraisemblablement inférieures de 100 millions de francs aux prévisions
sur chacune de ces chaînes, ce qui devrait nous amener, d'ici à quelques
semaines, à leur répartir les 121 millions de francs d'excédents de redevance
pour leur permettre de terminer leur exercice à l'équilibre.
Cela m'amène à souligner au passage que ceux qui ont trop vite conclu que les
2 milliards de francs perdus par le secteur public, dans l'hypothèse du vote de
votre projet de loi, iraient directement sur TF 1 et M 6 s'aventuraient
peut-être un peu vite.
L'arrêt du gonflement des recettes publicitaires est également indispensable
pour libérer les chaînes publiques de l'emprise grandissante de la publicité
sur les programmes.
La durée de la publicité sur France 2 et France 3, entre dix-neuf heures et
vingt-deux heures, tranche horaire qui assure plus de 60 % des recettes
publicitaires de France Télévision, a augmenté de 65 % en cinq ans.
Sur France 3, c'est 95 % des recettes publicitaires qui sont réalisées dans la
tranche comprise en dix-huit heures trente et la fin du journal
Soir 3.
Il n'est pas étonnant que les téléspectateurs aient cette impression
désagréable de tunnels interminables !
Le CSA a d'ailleurs analysé ce point dans son très intéressant rapport sur les
liens entre audiovisuel et publicité : l'influence des annonceurs sur les
grilles de programmes est de plus en plus grande. On connaissait leur
préférence pour les programmes courts. On a ainsi assisté à l'émergence des
fictions de vingt-six minutes après celle de cinquante-deux minutes ! Mais le
pire était à venir : on voit aujourd'hui se développer en France la technique
américaine bien connue du
programming,
qui permet une intervention
directe des annonceurs dans la production. Je ne saurais être plus claire que
le président d'Etoile TV, filiale de Publicis, qui s'exprime ainsi : « Avant,
les producteurs avaient une idée d'émission et cherchaient leur sponsor,
maintenant c'est l'inverse : nous travaillons le concept en fonction de
l'annonceur. » Tout est dit. La télévision publique ne peut rester fidèle à ses
missions dans un tel contexte.
Je ne ferai qu'une allusion aux 473,2 millions de francs de mesures nouvelles
de votre projet de budget. Ces crédits seront destinés, sur toutes les chaînes,
à renforcer la production et à poursuivre la modernisation et la
diversification thématique.
Je souhaite, madame la ministre, que notre prochain rendez-vous d'automne soit
consacré au vote du budget d'un secteur public rassemblé et renforcé, doté de
moyens plus importants, stabilisés et assurés sur trois ans par des contrats
d'objectifs pour des missions réaffirmées et clarifiées. Il est en effet
indispensable - je crois l'avoir suffisamment démontré - que cette réforme du
secteur public ait lieu rapidement.
L'incertitude créée par la situation actuelle serait en effet extrêmement
dommageable à l'ensemble de notre secteur public et privé des industries de
l'image. Ce secteur économique est aujourd'hui un secteur industriel à fort
potentiel de créations d'emplois. Nous ne devons pas oublier qu'il est soumis à
la concurrence internationale, et avec quelle puissance, puisque cette
concurrence est principalement celle des Etats-Unis ! Les opérateurs publics et
privés ont donc besoin de sécurité juridique et financière pour pouvoir relever
le défi, assurer leur développement sur le secteur stratégique des chaînes
thématiques et des bouquets numériques. Nous devons, par ailleurs, donner à nos
concitoyens l'assurance qu'ils pourront, quel que soit le mode de réception
choisi, recevoir sans abonnement les chaînes publiques financées par la
redevance. La saisine, cette semaine, par la Commission de Bruxelles, de la
Cour de justice des Communautés, pour mettre en demeure la France de transposer
la directive TSF, constitue un argument supplémentaire pour vous permettre,
madame la ministre, de convaincre l'ensemble du Gouvernement de l'urgence de
cette réforme.
J'espère que le budget de l'an 2000 sera pour nous l'occasion de distribuer au
secteur de la télévision deux nouvelles ressources que nous pourrions faire
naître dans la prochaine loi.
La première ressource serait destinée au secteur public, afin de faire évoluer
ses ressources aussi vite que celles du secteur privé, soit autour de 6 % par
an, alors que la redevance suivra forcément une évolution plus lente.
Nous pourrions envisager de demander au secteur des télécommunications, dont
le chiffre d'affaires à travers l'explosion des portables et la transmission de
données suit une progression très forte, de contribuer au financement de nos
chaînes publiques. Ce serait un juste retour des choses, puisque leur
transmission par Internet risque de devenir, comme pour les opérateurs
satellitaires, un atout commercial.
Si le chiffre d'affaires des trois principaux opérateurs de télécommunications
français était à peu près de 170 milliards de francs en 1997, une contribution
de 0,5 % dégagerait presque 1 milliard de francs supplémentaire pour
l'audiovisuel public, soit un peu moins de 10 % du produit de la redevance.
La seconde ressource que je souhaiterais voir créer dans le prochain texte, si
les grandes lignes du projet de loi connu sont, ce que je souhaite, préservées,
est la taxe sur les recettes publicitaires supplémentaires des chaînes privées.
Celle-ci devrait bien entendu financer prioritairement l'industrie de
programmes, mais il me semble qu'elle devrait également, à travers un fond
ad hoc
, permettre d'introduire de nouveaux acteurs qui font aujourd'hui
cruellement défaut dans notre paysage audiovisuel cartellisé et répétitif : je
veux bien entendu parler des télévisions locales ou de proximité, à faibles
ressources publicitaires, souvent associatives, et qui ont aujourd'hui besoin
d'un statut et d'un financement public.
Après ces anticipations, j'achèverai mon propos en vous disant, madame la
ministre, qu'il sera enfin possible au groupe socialiste de voter l'un des
projets de budget du Gouvernement, puisque la commission des finances a épargné
les crédits de la communication. Une fois n'est pas coutume !
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Diligent.
M. André Diligent.
Madame la ministre, je ne suis pas de ceux qui se réjouissent des quelques
difficultés que vous avez pu recontrer ces derniers temps. Nous n'avons
d'ailleurs pas l'habitude, au Sénat, de harceler quiconque de flèches : nous ne
sommes pas un groupe d'archers ! Au contraire, compte tenu de votre
personnalité et des témoignages de bonne volonté que vous avez donnés jusqu'à
présent, sachez que nous ne considérons pas comme une catastrophe le fait que
l'examen de votre projet de loi soit reporté, à condition, bien entendu, que
cette situation ne se prolonge pas pendant des mois.
Je crois, au contraire, que vous pourriez mettre à profit ce délai
supplémentaire pour prendre en considération un certain nombre de suggestions
que nous allons formuler à l'occasion de ce débat budgétaire.
Je ferai une première remarque, qui a sans doute déjà été énoncée : je ne
crois pas qu'il soit bon de discuter séparément du secteur public et du secteur
privé. En effet, toute décision concernant le financement, les compétences ou
les vocations de l'un engendre fatalement des contraintes et des opportunités
pour l'autre. On souhaiterait par conséquent qu'une grande politique de
l'audiovisuel puisse être définie pour les deux secteurs simultanément.
Par ailleurs, je souhaiterais que vous saisissiez dans cette étape de
réflexion qui vous est offerte l'occasion de donner une ambition nouvelle à
notre radio et à notre télévision.
Aussi, faisant miennes la plupart des remarques de nos excellents rapporteurs
sur les problèmes financiers et techniques, je souhaite simplement consacrer
quelques observations à la politique des programmes. On parle en effet beaucoup
des tuyaux, mais jamais du contenu !
(Sourires.)
Je me permets de poser en premier lieu la question préalable ; elle est
fondamentale et nous ne cessons de la poser : qui oriente, choisit, décide la
politique des programmes sur les chaînes publiques ?
Ce n'est certainement pas le CSA, malgré le rôle très intéressant qu'il joue
et le bon travail qu'il fait ; ce ne sont certainement pas les conseils
d'administration - j'en suis témoin - malgré le qualité des hommes qui les
composent ; ce n'est pas non plus le ministre, comme ce fut le cas dans des
temps révolus, et j'en suis heureux d'ailleurs.
En réalité, c'est une direction des programmes, c'est-à-dire une poignée de
professionnels de l'audiovisuel, dont je ne nie pas les grands talents, mais
dont, en tout bien tout honneur, je me permets de contester la
représentativité.
C'est pourquoi je vous renvoie à la séance du Sénat du 20 février 1997 durant
laquelle nous avions institué, par voie d'amendement, un comité consultatif des
programmes, projet d'ailleurs soutenu par la commission des affaires
culturelles et dont je crois me souvenir qu'il avait fait l'objet d'un vote
unanime dans cet hémicycle.
Cet amendement avait pour origine une proposition d'un mouvement de
téléspectateurs réunissant, d'un côté, la Ligue de l'enseignement, de l'autre,
l'Union nationale des associations familiales, ce qui prouve bien qu'il faisait
l'objet d'un large consensus, au-delà de tous les clivages.
Cet amendement partait de l'idée que, si l'audimat peut apporter certains
renseignements, il n'est pas le directeur des programmes. En effet, l'audimat
indique simplement la répartition des choix des téléspectateurs. D'ailleurs,
si, un jour, tous les programmes étaient médiocres, l'audimat apporterait quand
même des réponses, avec sans doute les mêmes pourcentages. Mais l'audimat
n'apporte aucune indication sur la satisfaction, sur les souhaits, sur les
besoins et encore moins sur la qualité des programmes. Alors qui peut en parler
? Qui peut en décider ?
Bien des problèmes se posent par ailleurs, qu'il importerait d'éclaircir, sur
la valeur et la technique des sondages qui, en tout cas, ne doivent être qu'un
élément parmi bien d'autres des motivations et des choix.
Dès lors, nous avions proposé l'institution d'une commission consultative,
composée de ce que j'appellerai des téléspectateurs actifs, représentatifs et
voulant exercer leur responsabilité de citoyens dans les domaines qui leur sont
propres : représentants de l'enseignement, des associations de parents
d'élèves, des mouvements familiaux, des associations de téléspectateurs, des
mouvements de jeunes, et autres.
Ce vote du Sénat a provoqué un grand mécontentement chez certains, et,
malheureusement, l'Assemblée nationale l'a rejeté.
Redoutant un nouvel amendement, la direction de France Télévision a cru
pouvoir prendre les devants en organisant pour chacune des chaînes ce qu'elle a
appelé un « comité d'orientation des programmes ».
Ces comités se sont, paraît-il, réunis trois fois depuis leur naissance : en
avril, en juin et en novembre. Mais, les résultats des travaux sont restés si
confidentiels que les rapporteurs des commissions parlementaires concernées
ignoraient jusqu'à ce jour leur existence ! Dans ces conditions, qui peut en
profiter ? Pourtant, nous vivons dans une société où tout le monde demande la
transparence et la participation ! Où sont-elles, s'agissant de ce secteur très
important dans la mesure où chaque citoyen passe chaque jour, en moyenne, trois
heures devant son petit écran ?
Je n'irai pas jusqu'à dire que ces comités travaillent en secret, et je ne les
critiquerai pas, comptant plusieurs amis parmi leurs membres.
En tout cas, ces comités ne sont nullement représentatifs du public, alors que
la télévision est faite non pas seulement pour les professionnels, mais aussi
pour le public ! J'ai la preuve de ce que j'affirme : sur les douze membres du
comité d'orientation de France 3, j'ai relevé le nom de dix professionnels de
l'audiovisuel, qu'ils soients producteurs, réalisateurs, responsables
d'antenne, anciens directeurs, etc. Sont-ils vraiment représentatifs du public
? Ils représentent des intérêts très intéressants, mais il ne leur appartient
pas de dicter la politique des programmes.
Une nouvelle politique des programmes que j'appellerai la démocratie
participative permettrait sans doute d'améliorer les services que rend la
télévision, ainsi que de coordonner, d'organiser des programmes complémentaires
au sein des chaînes publiques et concurrentiels avec les chaînes privées.
Elle permettrait aussi d'éviter l'impression désastreuse que les
téléspectateurs ressentent certains soirs quand les chaînes semblent
s'ingénier, comme si c'était un mot d'ordre qui était passé, à n'offrir toutes
que des spectacles sans intérêt ou, au contraire, que des programmes de
qualité.
J'en terminerai avec l'audiovisuel en abordant un point que j'ai déjà souvent
soulevé : la violence à la télévision.
J'enrage quand je lis dans une savante étude commandée par nos chaînes
publiques ce constat : « L'influence de la représentation de la violence sur
les comportements n'a jamais pu être démontrée. »
Il faut avoir l'humilité de reconnaître ce qui est évident : la violence dans
le monde scolaire a pris des proportions inquiétantes. On a même vu, à l'entrée
des écoles et des lycées, des fouilles organisées pour vérifier que les élèves
ne détenaient pas d'armes de poing ou d'armes à feu.
Allez donc sur le terrain, allez discuter avec les professeurs, avec les
instituteurs, avec les parents d'élèves, avec les jeunes eux-mêmes. Et vous
verrez comme les plus fragiles sont encore marqués par ce qu'ils ont vu la
veille !
D'ailleurs, comment peut-on prétendre que l'influence de la représentation de
la violence n'est pas démontrée, alors que l'on s'efforce dans le même temps
d'inventer une signalétique pour la détecter et pour permettre aux parents de
l'éviter ? Il y a là une contradiction insoluble. Par conséquent, on ne peut
pas soutenir que la représentation de la violence à la télévision n'a pas
d'influence sur les comportements.
Que les programmes de la télévision ne soient pas la seule cause de la montée
de la violence, c'est évident. Mais qu'ils en soient l'une des causes, comment
peut-on le nier ? C'est ainsi que, certains soirs, aucune des cinq chaînes que
je reçois en tant que citoyen moyen n'est exempte de séquences violentes,
d'ailleurs présentées avec un manque total d'imagination : fusillades - de
préférence dans les parkings - poursuites en voitures dans des rues encombrées,
enlèvements et prises d'otages, voitures qui flambent... sans oublier les
sempiternelles bagarres à main nue où ce qui est le plus épatant est la
résistance physique des protagonistes.
Comme je l'ai dit un jour, mitraillettes et galipettes sont les deux
ressources de notre télévision.
(Sourires.)
Peut-être s'agit-il là d'une exagération, mais c'est en tout cas l'impression
que cela donne, car cette violence n'est pas comme celle de nos bons vieux
westerns ou des romans de cape et d'épée, qui se déroulaient dans un autre
univers, à une autre époque.
Il serait bon, peut-être, de s'attaquer maintenant à ce problème, même s'il
risque de n'être jamais totalement résolu, je le sais bien. Mais comment
s'attaquer à un péril si l'on en nie l'existence ?
En terminant sur cette question, et sans tomber dans l'angélisme et la
naïveté, je souhaite que, à l'heure où l'on parle tant de citoyenneté, de
démocratie représentative, la télévision joue pleinement son rôle en étant
elle-même à la pointe d'un double combat en faveur d'une plus grande
participation du public et, surtout, d'une plus grande transparence.
J'en arrive à une question qui m'est venue à l'idée tout à l'heure en lisant
un journal du matin : je souhaite, madame la ministre - et ne voyez aucune
agressivité dans mon propos - que vous puissiez répondre aux questions posées à
l'occasion de la saisine de la Commission de Bruxelles par le commissaire
européen à l'audiovisuel, M. Ortega, qui a porté plainte contre la France. Je
suis certain que vous pourrez répondre facilement à certains titres de journaux
à cet égard !
J'en arrive maintenant au problème de la presse écrite.
N'oublions pas que, en matière de publicité à la télévision, il était question
à l'origine non seulement d'établir des quotas, mais aussi de reverser un
pourcentage des bénéfices publicitaires de la télévision aux journaux de presse
écrite en difficulté. Il s'agissait de défendre le pluralisme de cette presse,
non par des discours édifiants mais par des mesures concrètes.
Depuis lors, ces notions ont été rangées aux oubliettes et, parallèlement,
beaucoup de titres ont disparu ou ont été intégrés dans de grands groupes de
presse.
Madame la ministre, vous aviez prévu dans votre projet de loi de restreindre
la publicité sur les chaînes publiques, ce qui, bien entendu - leurs
responsables ne s'en cachaient guère - aurait d'abord profité aux chaînes
privées. Mais, pour ne pas pénaliser la télévision publique, vous aviez prévu
un système un peu compliqué, qui consistait à créer une taxe sur le chiffre
d'affaires des chaînes privées, taxe destinée au fonds de soutien de
l'industrie audiovisuelle.
Pourquoi, dès lors, et dans l'hypothèse où cette disposition serait maintenue
dans la future loi, ne pas prévoir qu'une partie de cette taxe serait destinée
directement à la défense du pluralisme dans la presse écrite et à son
enracinement régional ?
Et pourquoi pas, poussant plus loin le raisonnement, ne pas affirmer que le
reversement de cette taxe serait inversement proportionnel au tirage, ce qui
permettrait de ne pas continuer à enrichir les riches et à creuser l'écart
entre eux et les entreprises qui survivent difficilement ? La réforme paraîtra
peut-être audacieuse, mais elle est simple et juste.
C'est d'ailleurs ce que nous reprochons aussi à l'article 39
bis
du
code général des impôts, que nous ne cessons de dénoncer depuis des décennies
et qui permet aux entreprises de presse d'affecter leurs bénéfices à
l'investissement, échappant ainsi à l'impôt. Mais encore faut-il faire des
bénéfices ! Autrement dit, une fois encore, on agrandit l'écart entre riches et
pauvres, au risque de favoriser la disparition du pluralisme.
Permettez-moi un mot sur l'aide au portage, qui a été instituée en 1997. Nous
en avons parlé tout à l'heure et je n'y reviendrai pas, sinon pour rappeler
simplement que même M. Le Guen - que vous connaissez bien - s'est interrogé sur
l'équité du choix consistant à privilégier le développement du portage au
détriment des entreprises qui l'ont choisi depuis longtemps et qui ont assumé
un rôle de pionnier dans cette technique de distribution, aujourd'hui
encouragée par les pouvoirs publics.
J'insiste sur ce point étant donné l'importance que prend le portage dans la
fidélisation du lecteur.
J'en termine avec un sujet qui, généralement, n'est pas abordé à cette
tribune, ni dans les débats sur la presse : je veux parler de la formation et
de la qualification de journalistes.
Il s'agit ici de la qualité de l'information, cette qualité à laquelle ont
droit les lecteurs de la presse écrite comme les téléspectateurs et les
auditeurs de radios.
Cette qualité, c'est-à-dire le sérieux, la compétence, la clarté dans l'exposé
des faits comme dans les commentaires, ne repose pas seulement sur la
conscience, mais aussi sur la qualification des journalistes.
Cette profession doit rester ouverte, la question ne se discute même pas. Mais
le meilleur moyen de s'y préparer reste d'acquérir une formation dans les
centres spécialisés et réputés tels le CFPJ, le centre de formation de la
profession de journaliste, appelé encore Ecole de la rue du Louvre, ou l'ESJ,
c'est-à-dire l'Ecole supérieure de journalisme, située à Lille, ou encore
d'autres filières, à Strasbourg notamment - vous devez bien les connaître ! -
et qui sont reconnues par les instances professionnelles.
L'Ecole de la rue du Louvre ayant rencontré depuis quelques années des
difficultés financières, qui risquaient de mettre en cause son existence même,
vous avez montré, madame la ministre - et permettez-moi de vous en féliciter -
que vous vouliez aider cette institution à surmonter ses difficultés.
A cette occasion, madame la ministre, vous avez voulu élargir le débat, vous
avez réuni une table ronde et demandé un rapport pour faire le point sur la
situation de l'enseignement du journalisme en France. Mais nous ne connaissons
pas les conclusions de ce rapport, ni celles que vous en avez vous-mêmes
tirées.
Vous ne serez pas surprise qu'un élu du Nord, en posant cette question, évoque
la situation paradoxale de l'Ecole supérieure de journalisme de Lille, qui
mérite aussi toute votre attention. J'ai dit « situation paradoxale », parce
que la doyenne des écoles de journalisme en France, et la plus « féconde »,
selon le rapport Sales, risque de souffrir de son développement et du succès de
ses initiatives en France, en Europe et sur tous les continents.
En France, outre sa vocation généraliste, elle a multiplié les formations
spécialisées dans nombre de disciplines, elle a créé un centre de recherche et
d'éthique ainsi qu'une filiale de formation continue à destination des
entreprises de presse.
A l'étranger, ce sont 3 000 anciens élèves, en exercice dans 140 pays. C'est,
pour cette seule année, 130 étudiants en Bulgarie, en Hongrie, en Tunisie, en
Bosnie, avec l'ouverture emblématique d'une école à Sarajevo. C'est également
570 stagiaires en Pologne, en Hongrie, au Cameroun, en Côte d'Ivoire, au Liban,
au Mali, en Roumanie.
En outre, l'Ecole a fondé et assume le secrétariat du « Réseau Théophraste »,
regroupant les écoles francophones de journalisme de quatorze pays. Elle a
aussi créé un diplôme franco-québécois de journalisme international. Enfin,
elle projette l'ouverture d'une école de journalisme au Viêt-nam, où elle a
également contribué au lancement d'une émission télévisée quotidienne en langue
française. L'ESJ a vu son budget passer de 7 millions de francs à 21 millions
de francs depuis le début de la décennie, mais avec une aide de l'Etat
strictement symbolique.
Bref, cette école peut afficher un palmarès dont on se félicite souvent. Mais,
sans capital ni fonds propres, ses dirigeants sont confrontés à la quadrature
du cercle.
C'est pourquoi, madame la ministre, je souhaite que vous preniez en main ce
problème majeur. En effet, à une époque où la défense de notre culture, de
notre langue est devenue essentielle, aider ces écoles est, croyez-moi, l'un
des meilleurs placements qu'un gouvernement français puisse faire.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Madame le ministre, vous nous avez annoncé que ce budget de l'audiovisuel
serait le préalable à une réforme profonde qui aurait dû se concrétiser en
matière financière avec le budget pour l'an 2000, et que 1999 serait une année
clé pour la réorganisation de l'audiovisuel public.
Cette annonce avait de quoi nous réjouir, c'est vrai. Mais, en analysant ce
projet de budget, on constate qu'il est frileux et sans véritable ambition, en
tout cas pour l'audiovisuel public.
Permettez-moi de vous faire part, d'abord, de mon étonnement devant la
contradiction de ce projet de budget par rapport à l'essence même de votre
projet de loi de réforme de l'audiovisuel.
Je n'ai sûrement pas lu, à cet égard, le même texte que M. Diligent, parce que
je constate que vous annoncez depuis des mois une hausse considérable de la
contribution de l'Etat dans le financement de l'audiovisuel public, alors que
son montant dans ce projet de budget est réduit de 22 % par rapport au budget
précédent. Vous annoncez une réduction importante, pour les futurs budgets de
l'audiovisuel public, du budget de la publicité, mais je constate que les
ressources publicitaires sont maintenues cette année au niveau de l'année
dernière, voire sont en légère augmentation. Mais peut-être avez-vous une
lecture différente ?
Venons-en maintenant aux différents budgets des chaînes tels qu'ils nous sont
présentés dans le « jaune budgétaire » cette année et tels que, je l'espère,
ils continueront de nous être présentés dans les prochains budgets. Je
m'explique : je pense en effet qu'il n'est pas souhaitable que le président de
la holding future soit le seul à répartir les crédits dans les différentes
chaînes de la télévision publique et je considère que le Parlement ne doit pas
être dessaisi de son pouvoir de répartition des montants alloués aux
différentes chaînes.
On peut d'ailleurs mettre en doute la constitutionnalité de cette mesure,
l'article 34 de la Constitution conférant au seul Parlement la responsabilité
de l'allocation et de l'utilisation des fonds publics.
J'espère donc que vous nous présenterez les prochains budgets de façon telle
que nos assemblées parlementaires pourront continuer à répartir les fonds
attribués aux chaînes publiques.
Par ailleurs, vous annoncez 158 millions de francs de dotations pour des «
mesures nouvelles » à France 2, dont le budget est de 5,3 milliards de francs.
Je vous pose la question : croyez-vous que ces 158 millions de francs
redonneront à France 2 les moyens de remplir son rôle de chaîne généraliste de
référence, comme cela a d'ailleurs été dit par certains de vos amis à
l'Assemblée nationale ? J'en doute !
Je me réjouis, en revanche, que le budget de La Cinquième soit en nette
progression par rapport à l'an passé et que celui de La Sept-Arte permette
enfin à celle-ci de retrouver une situation financière plus réaliste et
équilibrée. Je crois en effet au rôle essentiel de ces chaînes en matière de
programmes éducatifs et culturels.
Je note au passage que vous n'avez toujours pas donné à ces deux chaînes les
moyens juridiques d'exister puisque vous avez stoppé le processus de fusion qui
avait été engagé il y a deux ans.
Quant à la radio, madame le ministre, vous ne la traitez pas convenablement.
Pourtant, comme l'a montré un tout récent sondage, 83 % des Français écoutent
chaque jour la radio ! La radio, c'est le média le plus populaire, en France
comme à l'étranger. C'est pourquoi je trouve regrettable que, comme notre
collègue M. le rapporteur spécial l'indiquait tout à l'heure, RFI soit négligée
dans votre budget.
Ne vous y trompez pas : RFI, c'est le contact avec la France pour tous nos
amis francophones, pour nos compatriotes résidant à l'étranger, mais c'est
aussi - et c'est très important - une présence francophone dans des pays qui ne
le sont pas forcément !
Or voici que son budget pour 1999 baisse de 1,2 % par rapport à 1998 et de 3,6
% par rapport au budget voté par son conseil d'administration, et ce alors même
que M. Jean-Paul Cluzel vient d'être renouvelé dans ses fonctions de président
de RFI. J'y vois une certaine contradiction et, en tout cas, un défaut
d'ambition pour RFI.
Pour ce qui concerne le secteur public de la télévision, j'espère que les
prochaines lois de finances apporteront des modifications profondes à son
système de financement, sur trois éléments.
D'abord, concernant l'assiette de la redevance, comme vous le savez, le poste
de télévision - dont la possession cumulée au point de réception est le fait
générateur de la taxe - est, dans sa configuration technique actuelle, amené à
se réduire fortement dans les prochaines années, du fait des évolutions
technologiques.
Considérons, par conséquent - c'est en tous cas ce que je souhaiterais - que
seul le point de réception devrait être le fait générateur de cette taxe.
A la place d'une redevance de la télévision, nous aurions une redevance de la
communication, qui serait payée uniquement pour un droit à la réception de tout
moyen de communication, quel qu'il soit.
Par ailleurs, l'Etat devrait s'engager à permettre à chaque foyer de recevoir
un signal dont la qualité lui donnerait accès, dans un confort d'écoute normal,
aux différents programmes et services qui seront développés sur le réseau
hertzien en clair, ce qui n'est pas le cas actuellement pour La Cinquième et la
Sept-Arte, chaînes qui ne sont reçues que par environ 80 % à 85 %
d'auditeurs.
Ensuite, la redevance est aujourd'hui amputée de plusieurs centaines de
millions de francs parce qu'on prélève sur son produit une taxe de 5,5 % pour
contribuer au financement du fonds de soutien à la production. Cela réduit
considérablement les moyens de financement public mis à la disposition de
l'audiovisuel. De plus, reconnaissez qu'il n'est pas très logique de prélever
une taxe sur une redevance destinée à financer l'audiovisuel et non d'autres
activités, si nobles soient-elles, je n'en disconviens pas. Que cette taxe
concerne toutes les recettes à caractère privé, cela se conçoit, mais pas la
redevance de communication ! C'est un crédit public qui ne peut pas être frappé
d'une taxe.
Bien entendu, il ne faut pas pour autant que le compte de soutien en soit
affecté. Il faut donc augmenter la taxe à due concurrence sur les autres
recettes. Cela sera demain possible, puisque les chaînes privées vont connaître
une hausse de leurs recettes de publicité, contrairement aux chaînes publiques
qui les verront diminer. Une partie importante de ces recettes retomberont
ainsi sur le secteur privé, ce qui devrait lui permettre de contribuer
davantage au fonds de concours, ce qui apporterait plusieurs centaines de
millions de francs au secteur public.
En troisième lieu - d'autres orateurs l'ont indiqué avant moi - il incombe à
l'Etat de rembourser intégralement les exonérations qu'il accorde, à juste
titre, à un certain nombre de Français. Cela fait partie de sa politique
sociale. Je crois savoir qu'un amendement de dernière minute a été déposé en
commission des affaires culturelles à l'Assemblée nationale ; encore faut-il
qu'il soit voté. Ce point de vue, vous le savez bien, je le défends depuis de
nombreuses années.
J'espère donc que ces moyens verront le jour pour renforcer la solidité de
l'audiovisuel public.
J'espère aussi que, pour développer ce secteur audiovisuel public, seront pris
en compte dans les années à venir les enjeux de la révolution numérique, car
ils sont considérables.
Je disais, voilà un an, dans ce même hémicycle, à l'occasion de l'examen du
budget de l'audiovisuel pour 1998, combien j'avais pu constater l'importance du
numérique hertzien qui touche maintenant l'ensemble des secteurs de
transmission, et que notre pays était très en retard par rapport à ses voisins
dans l'exploitation de ce mode de diffusion.
Je citais alors le cas du Royaume-Uni qui se lançait dans la télévision
numérique hertzienne avec CTI, la filiale de TDF qui a été choisie par la BBC
comme diffuseur. Eh bien, ce retard s'accroît de jour en jour, madame le
ministre : le 15 novembre dernier, le Royaume-Uni a inauguré la télévision
numérique hertzienne avec le lancement de la plate-forme ONDigital - 30
programmes gratuits et payants sont désormais proposés aux téléspectateurs
britanniques.
Je signale en outre que le Royaume-Uni et les USA se sont d'ores et déjà
engagés sur l'élimination totale de la diffusion analogique pour 2006 et que
d'autres pays suivent la même voie. En Espagne et en Italie, le cadre
réglementaire est entré dans la phase de discussion parlementaire.
Et ne parlons pas du DAB ! C'est là encore une technologie française,
développée par TDF, qui est trop négligée par les pouvoirs publics. Savez-vous
que, là aussi, nous en sommes en France au stade expérimental - en vertu de la
loi Fillon d'avril 1996, qu'il est urgent de modifier ou d'amender puisqu'elle
sera obsolète à compter du mois d'avril 1999 - quand l'Allemagne et le
Royaume-Uni couvrent déjà respectivement 36 % et 60 % de la population et que
le Portugal, lui-même, nous devance très largement en matière de DAB et de
diffusion numérique.
Pourtant, et vous le savez, la numérisation de la diffusion hertzienne
terrestre présenterait de nombreux avantages, en particulier une multiplication
et une diversification des services pour le consommateur et une gestion plus
rationnelle des fréquences pour les pouvoirs publics. Elle donnerait au service
public un atout considérable dans le concurrence qu'il livre face au secteur
privé qui, lui, n'est pas prêt à investir aujourd'hui dans ce domaine. Un tel
engagement du secteur public de l'audiovisuel lui donnerait une dimension et
une avance considérables.
Mais voilà, au lieu d'une mobilisation en faveur du numérique hertzien, qui
est le seul avenir pour les télévisions locales et régionales, nous voyons
curieusement le CSA lancer des appels à candidatures pour l'usage de fréquences
en vue de l'exploitation de service de télévision privé à caractère local,
diffusé en analogique par voie terrestre hertzienne. La France doit aujourd'hui
être le seul pays au monde à lancer des appels d'offres pour de tels systèmes !
Quatre appels ont ainsi été lancés le 26 novembre dernier : Clermont-Ferrand,
Tours, Luçon en Vendée et Les Sables-d'Olonne et il semblerait que d'autres
soient à venir.
Pour conclure, madame le ministre, je rappellerai simplement qu'à l'heure où
la télévision privée connaît un essor très important en Europe, en particulier
en France par la diffusion satellitaire, il est primordial de garantir une
télévision publique de qualité et accessible à tous par le maintien d'un
financement public affecté qui est le meilleur garant de sa stabilité et de sa
pérennité.
C'est pourquoi je propose de créer cette redevance de communication qui se
substituerait au système actuel de redevance qui est totalement obsolète et
qu'il faut dès à présent modifier.
J'ajouterai en outre qu'une indispensable évolution des missions du service
public de l'audiovisuel doit être mise en place, afin de préserver son identité
et pour qu'il garde la base la plus large de téléspectateurs et qu'il continue
de tirer vers le haut l'ensemble du secteur privé.
J'aurais aimé, madame le ministre, que ce budget soit débattu en même temps
que votre projet de loi sur l'audiovisuel, que vous avez déposé après l'avoir
reporté une première fois à la demande de Matignon, puis modifié à la demande
du Conseil d'Etat, puis redéposé, puis retiré à nouveau cette semaine, sur
l'injonction du Premier ministre, et que vous redéposerez bientôt, je l'espère,
pour une dernière fois.
Il y a urgence, madame le ministre. Le retrait de votre projet de loi est
dramatique pour le secteur public. Tout et n'importe quoi circule sur son
devenir. La télévision occupe une place beaucoup trop importante dans la vie
des Français pour qu'on la néglige.
Aujourd'hui, le secteur public de l'audiovisuel demeure un vaste chantier qui
doit s'adapter à un paysage concurrentiel en profonde mutation, tant en France
que dans le monde. La France prend de plus en plus de retard, madame le
ministre, nous devons le combler, et vite !
Dans les tout prochains mois, dans le cadre de la discussion au Parlement de
votre projet de loi sur l'audiovisuel, il nous appartiendra d'essayer de
définir clairement la place de l'audiovisuel public. C'est ce que j'attends
depuis fort longtemps et c'est ce que j'espère plus que jamais.
Je sais combien l'audiovisuel est un domaine très complexe, madame le
ministre, et je n'oublie pas que votre budget est un budget de transition.
C'est pourquoi, ce soir, avec le groupe des Républicains et Indépendants, et
malgré de nombreuses critiques, je le voterai.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, mon
intervention sera brève, et se résumera plutôt à l'écho d'une interrogation.
Je n'ai pas, avec la télévision, les rapports de spécialistes que certains de
nos éminents collègues, en particulier l'orateur qui m'a précédé, ont pu nous
décrire.
Je n'ai pas la connaissance dans le détail des budgets de chaque chaîne encore
que, comme tout un chacun, je sache lire un budget, me semble-t-il.
J'ai eu plus de contacts avec nos amis américains au moment des négociations
du GATT et de la mise en place de l'exception culturelle française ou
européenne, parce que je me suis fait un peu l'écho des aspirations d'un
certain nombre de nos concitoyens qui font à la télévision trois reproches :
trop de violence - on l'a dit tout à l'heure - trop de productions
incompréhensibles - peut-être évoquerons-nous le rôle des chaînes publiques par
rapport à celui des chaînes privées - et trop de publicité.
J'évoquerai tout d'abord mes contacts avec les Américains, pour observer que
notre combat pour l'exception française et européenne serait moins dur si les
Etats-Unis n'exportaient pas d'abord les éléments les plus contestables de leur
propre production. Mais ainsi vont les choses !
J'ai bien noté que, dans votre esprit, madame le ministre, il était difficile
de maintenir l'équilibre actuel de ce moyen de communication majeur qui
alimente les réflexions des jeunes et des moins jeunes pendant plusieurs heures
par jour. Vous vous êtes donc interrogée sur sa réadaptation ou sur sa
réorganisation.
En parlementaire naïf que je suis, j'ai suivi l'évolution de votre projet de
loi et j'ai lu votre projet de budget. Comme bien d'autres, j'ai pensé qu'il
devait y avoir quelque part une cohésion entre ce projet de budget et votre
projet de loi même si, sur 18,478 milliards de francs, quelque 250 milions de
francs devaient passer du public vers le privé, ou l'inverse. Mais tout cela
est un peu compliqué !
J'ai essayé de chercher la trace de ces crédits. Pour être franc, je ne les ai
pas vraiment trouvés, malgré un examen à la loupe. Je n'ai pas trouvé non plus,
d'ailleurs, au cas où les recettes publicitaires disparaîtraient, et qu'elles
seraient compensées, comment on alimenterait le fonctionnement des heures ainsi
disponibles. Mais comme je vous fais confiance, madame le ministre, je me suis
dit que, forcément, tout cela a été prévu.
Je suis un peu perplexe. Maintenant qu'il n'y a plus de projet de loi,
subsiste toujours le même projet de budget. Il y a quelque chose qui me
turlupine un peu, pour employer un mot familier.
La seule question que je voudrais vous poser ce soir - c'est la raison pour
laquelle je serai bref - c'est que, ayant vu un budget avec un projet de loi,
un projet de loi sans budget, et le même budget sans projet de loi, est-ce
qu'un peu de simplification médiatique, et surtout pédagogique, ne serait pas
nécessaire pour que nous nous y retrouvions ?
C'est bien la raison pour laquelle, dans cette perplexité, je serai peut-être
un peu plus réticent que la commission. Je vous dis très honnêtement que je
m'abstiendrai sur ce projet de budget parce que je n'y comprends plus rien. Je
ne vois pas comment on peut faire vivre un système complexe dans lequel l'Etat
est extraordinairement présent avec un budget bâti dans une hypothèse alors
qu'il va s'appliquer dans une autre hypothèse.
Voilà la question que je voulais vous poser et les raisons de mon abstention
vraisemblable...
M. le président.
La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber.
Madame la ministre, notre excellente collègue Danièle Pourtaud ayant dit tout
le bien que nous pensons de votre budget, je consacrerai ces quelques minutes à
deux ou trois points qui me tiennent à coeur.
Le premier a trait au financement de la télévision publique. Danièle Pourtaud
l'a rappelé, notre télévision est pauvre. C'est la donnée de base. Les deux
chaînes publiques allemandes disposent de 24 milliards de francs, les deux
chaînes britanniques de 16,6 milliards de francs, les quatre chaînes françaises
de 12 milliards de francs seulement.
Depuis 1992, on a tenté de pallier cette misère par un recours massif à la
publicité. Les recettes publicitaires ont plus que doublé en cinq ans avec pour
conséquence une dépendance accrue de la grille des programmes vis-à-vis des
annonceurs.
Votre projet de budget porte, n'en déplaise à notre excellent collègue Michel
Pelchat, un coup d'arrêt salutaire à cette dérive et anticipe sur le retour, au
maximum, de cinq minutes de publicité par heure que prévoit votre projet de
loi.
Vous proposez que cette mesure soit financée par la restitution au fonds de la
redevance audiovisuelle des 2,6 milliards de francs d'exonération que l'Etat a
accordé, à juste titre, à nombre de nos concitoyens.
Pourquoi ne pas réformer dans la foulée notre système de prélèvement de la
redevance en considérant que tous les foyers sont équipés, quitte à ce que ceux
qui ne le sont pas le déclarent au fisc. Cette réforme réduirait au moins le
coût considérable de la fraude qui concerne plus de un million de foyers.
Mais préserver ou même améliorer un peu les ressources de la télévision
publique ne suffit pas. Il faut porter son financement au niveau des chaînes
publiques allemandes ou britanniques et de ses concurrents des chaînes privées
par l'augmentation substantielle de la dotation budgétaire.
Je suis frappé, en effet, par la contradiction flagrante qui existe entre le
discours exalté de la représentation nationale - elle tient sur la télévision
un discours prophétique - et les maigres moyens budgétaires qu'elle lui
consent.
D'un côté, on nous dit que la télévision est un incomparable outil de culture,
d'éducation, d'intégration ; on souligne que nos enfants passent d'ores et déjà
davantage de temps face au petit écran que dans les salles de classe.
D'un autre côté, on lui mesure chichement ses ressources. Le budget de
l'éducation nationale a été porté à 350 milliards de francs - budgétairement -
celui de la télévision publique se traîne péniblement à 12 milliards de francs
; et quand il s'agit de lui allouer deux milliards de francs supplémentaires
pour compenser le manque à gagner dû à un moindre recours à la publicité, la
représentation nationale doute elle-même de la pérennité de son effort et
cherche une solution du côté de la taxation du Loto ou des télécommunications.
Quel aveu ! Les générations futures jugeront sévèrement cette sous-estimation
flagrante de l'importance essentielle que revêt l'outil télévisuel.
Ma conviction est que nous devons consentir un effort budgétaire en faveur de
notre télévision bien plus considérable que celui qui nous est proposé. Ce
n'est pas de 2,6 milliards de francs dont la télévision publique a besoin, mais
de bien davantage.
Cet investissement serait judicieux, non seulement pour les raisons que je
viens d'évoquer, mais aussi parce qu'il permettrait de préserver ou, plus
exactement désormais, de rétablir un équilibre entre le pôle public et le pôle
privé de notre système audiovisuel. La qualité et la fécondité de notre
télévision dans son ensemble proviennent largement, à mon sens, de l'équilibre
qui s'est institué entre ces deux pôles : la concurrence de TF 1, de M 6 et de
Canal Plus engage France Télévision à se soucier grandement de son audience.
Réciproquement, l'existence d'un pôle public puissant, prétendant incarner la
tradition, les ambitions et les valeurs de la télévision de service public
incite les télévisions commerciales à démontrer qu'elles peuvent elles aussi,
et peut-être mieux encore, s'acquitter de ces missions. Cette émulation tire
l'ensemble de notre système audiovisuel vers le haut.
M. Michel Pelchat.
Bravo !
M. Henri Weber.
Mais la question du financement n'est pas tout. Celle du
management,
comme on dit, est, au moins aussi importante, à l'heure où le secteur de
l'audiovisuel connaît une croissance forte, des innovations technologiques
continues - on peut même parler de mutations technologiques répétées - et une
compétition exacerbée entre opérateurs de dimension internationale.
Pendant que nous prenons notre temps pour légiférer, Murdoch arrive, introduit
par TF 1, alors même qu'aucune réglementation n'existe encore dans le domaine
de la diffusion télévisuelle par satellite. Dans ces conditions, nous avons
besoin de véritables chefs d'entreprise, de professionnels confirmés à la tête
de notre télévision publique, capables d'assurer l'adaptation et l'expansion de
chacune de ses chaînes.
Je vois, pour ma part, une contradiction entre cet impératif industriel et le
mode de désignation actuel des dirigeants de l'audiovisuel public.
La nomination des dirigeants par une haute autorité administrative
indépendante était sans doute justifiée, voilà dix-sept ans, lorsque la
télévision était un monopole public marqué par une forte tradition de sujétion
au pouvoir. Pour promouvoir l'indépendance et le pluralisme des chaînes, sans
doute était-il alors nécessaire de dessaissir l'Etat de son pouvoir de
nomination des dirigeants.
Aujourd'hui, le paysage audiovisuel français a beaucoup changé : les chaînes
commerciales privées dominent la scène médiatique, l'audience des chaînes
publiques n'excède pas 40 %, et la principale d'entre elles, France 2, perd du
terrain.
La sagesse voudrait que l'on dépasse les structures hybrides à l'origine
d'effets pervers. Elle dicterait que l'instance de contrôle et de régulation
contrôle et régule, et que ce soit l'actionnaire qui choisisse les dirigeants
sur la base d'un contrat clair, comme il le fait dans toutes les autres
entreprises du secteur public.
M. Michel Pelchat.
Bravo !
M. Henri Weber.
On nous dit que le Conseil constitutionnel s'y opposera, au nom du principe de
non-régression des droits et des libertés publiques. Mais qu'en sera-t-il du
progrès de ces droits si l'audiovisuel public se marginalise et si s'impose
l'hégémonie absolue des chaînes commerciales ?
Madame la ministre, vous proposez à juste titre de porter de trois ans à cinq
ans la durée du mandat des présidents de chaînes et de regrouper dans une
holding unique les forces des quatre chaînes de télévision publique.
Il faut aussi trouver un mode de désignation des dirigeants de cette holding
qui, certes, satisfasse le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat, mais
qui permette aussi l'essor de notre télévision publique.
De tout cela, nous reparlerons bientôt en détail, lors de la discussion de
votre projet de loi. Je sais que vous êtes prête à nous le soumettre et que
vous pouvez même adjoindre à votre projet de loi sur l'audiovisuel public un
certain nombre de dispositions urgentes concernant l'audiovisuel privé.
Je forme le voeu que cette délibération intervienne au plus vite.
Madame la ministre, nous voterons votre budget de transition, en espérant que
cette transition sera aussi brève que possible et que le budget que vous nous
présenterez l'année prochaine, le budget pour l'an 2000 donc, traduira les
dispositions d'une grande loi de réforme de notre système audiovisuel.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le
début de la soirée, nos débats portent largement sur les difficultés de
l'audiovisuel public. Nous discutons d'un budget assez ordinaire, alors que
l'année 1999 ne sera pas, pour ce secteur, une année comme les autres. Avouez
que cela est quelque peu paradoxal.
Tout se passe comme si de rien n'était. Pourtant, au cours des derniers jours,
les choses ont beaucoup évolué. Le projet de loi a beau être reporté, sinon
retiré, son ombre continue de planer sur ce budget. Je ne reviendrai pas sur ce
point.
Par ailleurs, je souscris totalement aux propos que notre rapporteur spécial,
M. Claude Belot, vient de tenir sur les orientations budgétaires pour 1999.
Je souhaite insister sur les conséquences du retrait de votre projet de loi,
madame la ministre. La Commission européenne vient de saisir la Cour de justice
des Communautés européennes d'un recours contre la France pour manquement à ses
obligations de transposition de la directive Télévision sans frontières.
Cette saisine, disons-le clairement, équivaut à une sanction, sanction
d'autant plus infamante que c'est la France qui est à l'origine de la révision
de la directive. Vos hésitations, vos tergiversations vont conduire la France à
être condamnée financièrement. Je ne reviendrai pas sur les griefs formulés par
la Commission, vous les connaissez autant que moi.
Désormais, il vous faut rassurer la représentation nationale sur la suite des
opérations. Allez-vous procéder à une transposition par décret, comme vous en
avez la possibilité, et, par là même, tenir le Parlement à l'écart d'un sujet
aussi important, qui consolide à bien des égards le service public ?
Pouvez-vous nous donner l'assurance que l'Assemblée nationale et le Sénat
auront à se prononcer sur la transposition de la directive ? Si telle est votre
intention, vous les forcerez à légiférer sous la pression. Dès lors, vous ne
vous étonnerez pas des critiques qui ne manqueront pas de s'exprimer sur votre
méthode, qui est autant irresponsable qu'approximative.
Après ces remarques préliminaires mais néanmoins importantes, je souhaite axer
mon intervention sur l'audiovisuel extérieur.
Image de la France à l'étranger, vecteur de notre identité culturelle,
l'audiovisuel extérieur est un enjeu fondamental pour notre pays, pour la
francophonie.
Je sais que ce domaine relève principalement des compétences de votre
collègue, le ministre des affaires étrangères. Cependant, vous partagez avec
lui certaines prérogatives.
Après une politique de remise à plat, l'audiovisuel extérieur s'organise
progressivement. L'heure est à la rationalisation. J'approuve cette
orientation.
Il était temps d'assainir la situation de Radio-France internationale. Une
mesure nouvelle de 24,2 millions de francs devrait y contribuer. Cependant,
s'il y a une logique à financer RFI par des crédits budgétaires, il est permis
de se demander pourquoi ces crédits ne figurent pas au budget du ministère des
affaires étrangères. Comment pouvez-vous assurer, dans les années qui viennent,
la pérennisation du financement de cette radio ?
Nous sommes à peine sortis de la confusion autour de la nomination du
président de RFI, et déjà plusieurs questions suscitent des inquiétudes.
Comment la radio pourra-t-elle rivaliser avec la BBC, qui offre un service
radiophonique en quarante-quatre langues, ou avec
The Voice of America,
qui diffuse en cinquante et une langues ? Où en est le projet de
rapprochement entre les rédactions de TV5 et de RFI ?
A propos de TV5, je me réjouis que la chaîne internationale francophone se
dote enfin d'une véritable stratégie en matière de programmes. Les difficultés
ne sont pas pour autant résolues. Reçue par 90 millions de foyers dans 109
pays, TV5 doit désormais opérer une migration délicate de la télévision
analogique vers le tout numérique. Comment éviter qu'elle ne soit reléguée dans
des offres optionnelles payantes du câble et du satellite ?
Pour l'instant, je suis très attentif au développement de la chaîne
francophone sur les bouquets-satellites américains, en particulier, sur
Direct TV.
L'enjeu est considérable. Ce sont entre 600 et 1 500 heures
de programmes français qui pourront être diffusées sur un marché réputé être le
plus difficile du monde et où s'affrontent déjà plus de 350 chaînes.
Pour assurer et promouvoir notre identité culturelle dans le monde, il faut,
dès à présent, profiter des résistances qui s'exercent, de plus en plus, sur
les exportations de produits télévisés américains. Nous sommes, à l'heure
actuelle, le cinquième exportateur mondial de programmes. Les exportations, les
coproductions et les ventes de droits représentent 1,3 milliard de francs. La
marge de progression est encore importante.
Vous savez, madame la ministre, que le Sénat est très attaché au renforcement
de la culture et de la langue françaises dans le monde. Il a été à l'origine
d'une mesure visant à annexer au projet de loi de finances un document
retraçant les crédits de toute nature qui concourent au fonctionnement des
opérateurs intervenant dans le domaine de l'action audiovisuelle extérieure. Si
les développements consacrés à l'audiovisuel extérieur se sont enrichis, il
n'en demeure pas moins que notre langue, nos programmes et nos créations ne
sont pas suffisamment présents dans la plupart des médias.
Les rêves francophones, dont parlait M. le Président de la République en 1995
à Cotonou, ne sont toujours pas devenus réalité. Vous avez, madame la ministre,
un rôle important à jouer. Nous sommes prêts à vous y aider.
(MM. les
rapporteurs applaudissent.)
M. le président.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Les crédits que nous examinons ce jour revêtent une importance toute
particulière pour notre démocartie. En acceptant de consacrer à la
communication une part de ses recettes, l'Etat prouve son attachement à la
liberté d'expression et à la libre circulation des idées.
La presse écrite comme la presse audiovisuelle constituent en effet de
formidables vecteurs de talents culturels, éducatifs ou politiques.
Les objectifs sont multiples : faire découvrir, informer, divertir, enseigner.
Notre mission est de donner à l'Etat les moyens afin qu'ils puissent être
atteints.
Madame la ministre, représentant d'un département d'outre-mer, je m'attacherai
à vous faire connaître mon sentiment quant à l'organisation, la gestion, le
financement et le développement stratégique de l'audiovisuel public
ultra-marin, c'est-à-dire RFO.
Dans le cadre de ses missions de service public, RFO poursuit deux objectifs
essentiels. Le premier vise à assurer la continuité territoriale entre la
métropole et l'outre-mer, en tentant, grâce à l'image et à la voix, de réduire
les distances qui nous séparent. Le second consiste à préserver et valoriser
l'identité régionale de populations riches de leurs différences.
Malheureusement, aucun de ces objectifs n'est aujourd'hui satisfaisant. Plus
grave encore, en tentant sans succès d'atteindre le premier, on a négligé le
second.
Pour ce qui concerne la continuité territoriale, les enjeux sont simples. Il
s'agit d'offrir aux Français d'outre-mer des programmes identiques à ceux qui
sont diffusés en métropole.
Le développement des technolgies nouvelles - je pense en particulier aux
progrès accomplis en matière de transmission par satellite - permet d'assurer
sans aucune difficulté la diffusion outre-mer de l'ensemble des émissions
reçues sur le territoire métropolitain.
Rien ne s'oppose, en effet, à ce qu'un même faisceau véhicule l'ensemble des
émissions hertziennes qui sont diffusées sur le territoire national.
Nous sommes aujourd'hui bien loin de cet objectif. Avant d'être diffusés
outre-mer, les programmes de France 2 et de France 3 sont en effet acheminés
vers les stations locales de RFO, où le personnel se charge de les analyser,
puis de les reformater et, enfin, les monter.
Un tel procédé nécessite des investissements considérables, tant en hommes
qu'en matériels, qui se traduisent par une absorption démesurée des crédits
budgétaires allouées à RFO.
A l'inverse, une stricte retransmission satellitaire quasi automatisée
libérerait RFO des contraintes financières que je viens d'évoquer et
permettrait, grâce aux économies réalisées, d'assurer un redéploiement des
personnels et des moyens qui pourraient dès lors se consacrer pleinement au
second objectif assigné à la télévision publique ultra-marine : la préservation
de l'identité régionale.
Il n'est nullement besoin de démontrer l'importance de cet aspect spécifique à
l'outre-mer.
Qui, en effet - pour prendre un exemple plus parlant pour certains d'entre
nous - songerait à remettre en cause la présence de programmes régionaux sur
France 3 ?
Chacun comprendra dès lors que, si la création de stations régionales en
France métropolitaine s'est avérée nécessaire, ce besoin se révèle d'autant
plus pressant pour l'outre-mer que la divergence des attentes culturelles,
sociologiques et politiques de ces collectivités avec les données nationales y
est bien plus forte que dans les régions métropolitaines.
Il s'agit donc de donner à RFO les moyens d'assurer la production de ses
propres émissions, de l'autoriser à procéder à l'achat de programmes
francophones en vue de leur diffusion outre-mer et de favoriser le
développement d'échanges avec les chaînes de télévisions de bassins. RFO
pourrait être le transporteur des programmes nationaux en faveur des opérateurs
de télévision locales privées.
Madame la ministre, mon souhait n'est pas d'anticiper sur la réforme que vous
nous présenterez prochainement, mais je souhaiterais faire savoir au
Gouvernement combien il me paraît indispensable que les collectivités locales
soient pleinement associées à l'exercice de cette mission. Il s'agira notamment
de prévoir que les présidents des assemblées régionales concernées siègent au
conseil d'administration de RFO.
Je conclurai mon intervention en évoquant le cas de RFO-SAT dont les actions
ne semblent absolument pas correspondre aux missions que chacun est en droit
d'attendre du service public audiovisuel.
Qu'est-ce que RFO-SAT ? Il s'agit d'une création récente, dont le lancement
fut décidé malgré l'absence d'enveloppe budgétaire spécifique. Malgré ce lourd
handicap de départ, l'autorité administrative a donné son feu vert à ce projet,
parce que son promoteur avait assuré qu'il serait réalisé à budget constant.
Cette réalisation, dont le coût de fonctionnement peut être évalué à 8
millions de francs, a donc été effectuée au détriment de RFO, qui, en
conséquence, a vu une très large partie de ses ressources consacrée au
développement de cette nouvelle chaîne.
Madame la ministre, je suis choqué que de tels moyens aient pu être mis en
oeuvre au service d'une cause aussi accessoire et qui, de surcroît, s'inscrit
en totale contradiction avec l'esprit même du service public.
RFO-SAT, qui, je le rappelle, a coûté 8 millions de francs lors de sa création
et qui absorbe chaque année 10 millions de francs en frais de fonctionnement,
ne diffuse que quatre heures de programmes par jour, et quels programmes !
Je prends pour exemple l'ensemble des émissions diffusées hier, vendredi 4
décembre : à vingt et une heures : une version expurgée du journal télévisé,
JT, de la Réunion ; à vingt et une heures quinze : une version expurgée du JT
de la Guadeloupe ; à vingt et une heures trente : quinze minutes du JT expurgé
de la Guyane ; à vingt et une heures quarante-cinq : quinze minutes du JT
expurgé de la Martinique ; de vingt-deux heures à zéro heure trente : quelques
documentaires locaux à l'accent typique, puis, de zéro heure trente à une heure
trente, la rediffusion des quatre journaux télévisés expurgés que je viens
d'évoquer...
Reconnaissez avec moi que l'on ne saurait considérer de tels programmes comme
dignes d'un service public de qualité, si tant est qu'il soit permis de parler
de service public...
RFO-SAT est accessible soit grâce au câble, dont la gestion incombe
essentiellement à des opérateurs privés comme la Lyonnaise des eaux, soit grâce
au satellite
via
TPS ou CanalSatellite, qui sont également des
opérateurs privés.
Cela signifie en clair qu'un téléspectateur qui souhaite recevoir RFO-SAT,
chaîne du secteur public, doit, outre la redevance annuelle, verser
mensuellement au moins 120 francs à l'un des opérateurs redistributeurs.
Cela signifie aussi que la vocation affichée de la chaîne, qui consiste à
inverser la continuité territoriale en permettant aux ultramarins d'accéder en
métropole à leurs programmes, n'est pas respectée.
On compte en effet environ 3 millions d'abonnés au câble ou au satellite.
Parmi eux, combien sont originaires des DOM-TOM ?
Madame la ministre, il est encore temps de repenser RFO-SAT. S'agit-il d'une
priorité de votre ministère ? Quels changements envisagez-vous de mettre en
place ?
Les téléspectateurs d'outre-mer attendent beaucoup des réponses que vous leur
ferez connaître, tant au sujet de RFO-SAT que pour ce qui concerne la
continuité territoriale ou l'identité régionale. Madame la ministre, soyez, en
tout cas, assurée de mon soutien.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames,
messieurs les sénateurs, je tiens à remercier tous les intervenants d'avoir
participé à l'enrichissement de la réflexion qui est la mienne depuis
maintenant quelques mois à propos, notamment, des aides à la presse écrite et
du rôle de la presse écrite, qui est appelée à évoluer dans cette période de
transformation et de mutations technologiques qui touchent tous les médias, que
ce soit la presse ou la radio, mais également la télévision.
Presse écrite et audiovisuel sont des vecteurs fondamentaux de l'accès de tous
au divertissement, à la vie sociale et au savoir. Ces deux médias constituent
une condition essentielle à l'existence de notre démocratie.
L'Etat a la responsabilité de favoriser leur développement afin de contribuer
à la richesse de la création et au pluralisme de l'information.
L'année 1999 verra deux avancées à ce titre.
La première est l'attribution des premières aides par le fonds de
modernisation de la presse quotidienne et assimilée, qui viendra amplifier très
sensiblement le volume des concours de l'Etat aux entreprises de presse et
complétera la réforme des aides budgétaires qui a été engagée.
La seconde est l'examen du projet de loi sur l'audiovisuel public, qui
affirmera la spécificité des missions de ce secteur, rendra plus cohérente son
organisation et engagera une réforme de son financement.
S'agissant de la presse écrite, je commencerai par la modernisation des aides
directes à la presse.
Dès mon entrée en fonctions, j'ai évoqué la nécessité d'une action résolue de
soutien à la modernisation de la presse écrite.
Cette action s'est tout d'abord traduite par une adaptation de la nature des
aides directes à la presse et par un renforcement très significatif des
dotations qui leur sont allouées.
Les fonds destinés à soutenir la presse quotidienne nationale à faibles
ressources publicitaires, les quotidiens régionaux à faibles ressources de
petites annonces et la presse hebdomadaire régionale ont bénéficié d'une
augmentation de 20 % des concours qui leur sont accordés.
La dotation de l'aide au portage, qui constitue une incitation déterminante au
renforcement de la compétitivité du média presse, a été portée de 15 millions
de francs à près de 50 millions de francs.
Nous avons effectivement transféré vers le portage une partie des crédits qui
étaient liés aux aides téléphoniques. Pourquoi ? Parce que la chute des tarifs
rendait ces aides moins indispensables, tandis qu'il était véritablement
nécessaire de développer le portage pour pouvoir élargir le cercle des
lecteurs. C'est notamment important pour les quotidiens nationaux alors que -
pas la totalité - mais beaucoup de titres de la presse quotidienne régionale
ont déjà fourni cet effort avec le succès que l'on sait.
On ne manque évidemment pas de nous faire remarquer que la diminution des
aides destinées aux télécommunications devrait être assortie d'un nouveau
dispositif en direction des nouvelles formes de liaisons.
J'y reviendrai dans un moment, car il est nécessaire de rappeler l'évolution
des aides pour bien comprendre leur future orientation.
La dotation de l'aide au portage est devenue une véritable priorité. Je
signale simplement au passage que le syndicat représentatif de la PQR a proposé
d'en utiliser une partie pour financer l'aide aux liaisons numériques.
Cette suggestion, qui coïncide avec notre plein effort de développement du
portage, est donc quelque peu contradictoire avec mon projet. Je l'ai fait
observer au représentant principal de la PQR, qui fait partie de mes
interlocuteurs, en lui disant que, si je ne suis nullement hostile à un examen
de ces possibilités, je demande toutefois à connaître d'abord les chiffres.
En effet, on ne peut pas venir me dire, en pleine discussion budgétaire, qu'il
faudrait changer la ventilation des aides à la presse, notamment les aides au
portage, sans que je puisse connaître l'impact des dépenses que cela
représente.
Nous pourrons, à condition d'agir dans la concertation, comme nous l'avons
toujours fait, examiner en 1999 l'évolution de ces aides qui ont déjà été
adaptées à deux reprises.
L'accroissement des moyens du fonds multimédia presse a d'ores et déjà permis
la mise en oeuvre d'une trentaine de projets. Associés aux nouvelles modalités
d'intervention arrêtées pour ce fonds, les crédits qui vous sont aujourd'hui
proposés favoriseront notamment une présence renforcée de la presse française
sur l'Internet.
Au total, les efforts d'adaptation ont porté sur les deux tiers des articles
budgétaires correspondant à une aide directe à la presse. Les aides directes à
la presse progressent de 2,6 % en 1999, hors abonnements de l'Etat à l'AFP,
c'est-à-dire un rythme sensiblement supérieur aux dépenses de l'Etat prises
globalement.
Je voudrais bien clairement traduire l'évolution des aides à la presse et
expliquer ce qui a été présenté comme une diminution.
Hors AFP, la loi de finances initiale comportait, pour 1997, 249 millions de
francs, pour 1998, 246 millions de francs, pour 1999, 253 millions de francs.
Par conséquent, une augmentation a eu lieu entre l'année 1998 et l'année 1999
de 7 millions de francs : il s'agit des 2,6 % que j'ai évoqués.
Pourquoi y avait-il une différence entre le projet de budget pour 1997, que je
n'ai pas présenté, et celui de 1998, que j'ai défendu devant vous ? C'est en
raison de la réadaptation de la dépense à ce qui était considéré comme les
aides normales du financement du transport SNCF. A la suite du débat difficile
qui a eu lieu, les précédents gouvernements, dès 1992, n'ont plus ajusté les
enveloppes budgétaires aux montants consommés, laissant s'accumuler une dette
supérieure à 105 millions de francs, dette qui a été réduite à 45 millions de
francs l'an dernier.
J'ai été amenée à rembourser cette dette, ce qui a été un réel handicap pour
le projet de budget pour 1998. Nous avons débloqué 60 millions de francs en loi
de finances rectificative. Ce faisant, nous avons fait un pas très important
dans la politique de remboursement, qui sera poursuivie en 1999. Voilà pour la
dette.
En revanche, nous avons voulu dénoncer la convention. En effet, il n'est pas
justifié, selon moi, que la presse, par le biais des aides, finance tout
simplement le fonctionnement de la société. Nous avons donc décidé de mettre
les choses à plat et de bien vérifier comment s'organisaient ces dépenses.
Voilà, je crois, une bonne façon de procéder.
J'en arrive au fonds de modernisation de la presse quotidienne.
Ce fonds sera désormais opérationnel d'ici à quelques jours. Les concours
qu'il apportera prendront la forme soit de subventions, soit d'avances
remboursables. Ils viendront financer des projets relatifs à l'adaptation de
l'outil industriel, à la modernisation des moyens mis à la disposition des
rédactions et le développement de moyens de distribution plus performants.
J'attends de ce fonds, dont la création, comme vous le savez, résulte de la
rencontre d'une initiative parlementaire et de la préoccupation de ce
Gouvernement d'assurer la pérennité de la presse écrite, qu'il joue un
véritable effet de levier en faveur de la modernisation de la presse
quotidienne d'information générale.
La création de ce fonds de modernisation et son ciblage ont été parfois
critiqués. On a considéré en effet que la presse quotidienne d'information
générale bénéficiait d'un peu trop de faveurs ! Pourtant, dans la perspective
d'un débat démocratique, c'est elle qu'il nous faut soutenir. On ne
comprendrait pas que le fonds de modernisation, moins nécessaire pour les
magazines, serve largement à la presse spécialisée.
Nous estimons que cette priorité est conforme à la jurisprudence de notre
pays, par rapport au rôle que joue la presse d'information générale, et à la
nécessaire et rapide mutation à laquelle cette dernière se trouve confrontée
alors qu'elle est relativement chère, que la capitalisation de ses titres n'est
pas excellente. Certains titres risquent de passer progressivement - ce que
nous observons déjà dans l'audiovisuel, mais j'y reviendrai - aux mains
d'entreprises étrangères. Il nous faut donc donner à la presse d'information
générale les moyens d'évoluer vite.
Le produit du prélèvement attendu pour l'année en cours ne sera pas conforme à
la prévision contenue dans la loi de finances initiale pour 1998. Dès 1999
toutefois, les recettes du fonds enregistreront une forte progression. Leur
montant devrait atteindre 200 millions de francs en 1999, contre 135 millions
de francs, en 1998. Voilà pour ce qui concerne le produit.
J'en viens au décret fixant les règles de fonctionnement de ce fonds.
Sa non-parution n'est nullement due, comme je l'ai entendu dans une
intervention, à un désaccord avec la presse. Au contraire, nous avons mené avec
cette dernière une concertation longue et fructueuse sur la notion même de
modernisation, sa définition, ses critères, et sur les différentes étapes des
projets susceptibles de bénéficier du soutien de ce fonds.
Le Gouvernement a souhaité prendre toutes les garanties nécessaires en
soumettant son projet de décret au Conseil d'Etat, qui l'a examiné dans les
derniers jours de novembre et qui nous a fait parvenir son avis en fin de
semaine. Comme vous le voyez, c'est tout récent, c'est même un scoop ! Rien ne
s'oppose plus à ce que le décret paraisse avant la fin du mois de décembre,
comme je m'y étais engagée, et à ce que les sommes recueillies soient
distribuées. Nous respectons donc les délais que nous nous étions impartis à
l'époque où ce fonds de modernisation a été créé.
J'en viens à l'Agence France-Presse.
Ces perspectives d'évolution de la presse écrite en 1999 seraient incomplètes
si je n'abordais pas devant vous la question de la situation de l'AFP, l'Agence
France-Presse. Chaque jour, celle-ci apporte une contribution essentielle au
travail des rédactions de l'ensemble des organes d'information.
La mission d'audit que l'Etat a confiée à l'inspection générale des finances,
avec l'accord de la direction de l'agence, a souligné les problèmes de
compétitivité, les incertitudes stratégiques et les difficultés de gestion
auxquels était confrontée cette dernière, en dépit de la compétence de son
personnel et de la qualité de son outil de travail.
Dans le cadre de ce projet de loi de finances, l'augmentation de la subvention
accordée par l'Etat à l'AFP traduit la volonté des pouvoirs publics de
favoriser la mise en oeuvre des mesures susceptibles de permettre le
redressement de l'agence et d'assurer la pérennité de son activité.
Dans une lettre adressée à son président, le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie, le ministre des affaires étrangères, le secrétaire
d'Etat au budget et moi-même avons souligné les aspects de la gestion de l'AFP
qui nous paraissaient devoir faire l'objet d'un traitement prioritaire.
Le projet de plan triennal, que la direction doit présenter dans de brefs
délais, permettra de préciser les termes du débat sur l'avenir de l'AFP.
Nombreux sont, parmi vous, ceux qui ont fait part de leur préoccupation à
propos du niveau de l'allocation prévue pour les journalistes dans le projet de
loi de finances pour 1999. Je prends acte favorablement du vote intervenu à
l'Assemblée nationale sur le collectif de fin d'année, qui a porté à 50 000
francs le montant de cette allocation. Vous avez évoqué cette question dans des
termes légèrement différents mais j'ai cru pouvoir retenir qu'ils étaient
plutôt favorables.
J'en viens à l'audiovisuel public.
L'année 1999 sera une année déterminante dans ce domaine.
En matière de relations sociales, tout d'abord, doivent aboutir en 1999 les
négociations engagées sur la réforme des classifications, la prise en compte
des spécificités de chaque entreprise et la réduction du temps de travail.
La convention collective pour l'audiovisuel remonte à 1984. Elle est devenue,
pour une grande part, obsolète. Elle devient même, pour une partie des
personnels, tout à fait contre-performante.
L'Association des employeurs de l'audiovisuel public avait la possibilité de
dénoncer la convention. Le Gouvernement n'a pas voulu donner son aval à cette
solution, brutale, qui aurait interrompu les négociations en cours. En outre,
la convention, même dénoncée, serait restée en vigueur durant trois ans et demi
et aurait donc conservé ses effets pervers.
La signature d'un protocole d'accord ouvrant la voie à la révision à tout
moment de la convention collective ne constitue évidemment pas une garantie de
bonne fin de cette modernisation. Mais, pour la première fois depuis 1984, elle
en rend la perspective crédible.
L'année 1999 doit aussi être marquée par l'examen par le Parlement du projet
de loi sur l'audiovisuel public et par la mise en place de la nouvelle
organisation de la télévision publique qu'il prévoit.
Comme vous le savez, ce projet comporte trois éléments essentiels.
C'est d'abord la création d'un groupe des chaînes de télévision publiques.
Cette création est destinée à unifier leurs efforts de développement et à
renforcer leur capacité d'action.
C'est ensuite la mise en place de contrats pluriannuels d'objectifs et de
moyens - j'insiste sur ce dernier point - et j'y reviendrai - qui doit
conférer, avec l'allongement du mandat des présidents, une plus grande
prévisibilité à la stratégie et à la gestion des chaînes publiques de radio et
de télévision, quelles qu'elles soient.
C'est enfin une réduction de la durée maximale des écrans publicitaires de
douze à cinq minutes par heure glissante. Cette réduction permet de revenir à
la nature de service public des chaînes de télévision, sans pour supprimer
autant le contact avec le milieu économique « ordinaire » que représentent les
annonceurs et les publicitaires, ce qui me paraît logique dans un contexte
beaucoup plus concurrentiel et tourné vers l'industrie des programmes.
La réduction de la publicité permet aussi de mieux affirmer les missions des
chaînes, de rendre leurs choix de programmation moins dépendants de la
nécessité de dégager des recettes publicitaires et d'éviter ce qui a été
présenté précédemment comme un travers, c'est-à-dire la détermination du
programming
par les annonceurs.
La baisse des recettes publicitaires et le coût des programmes venant en
remplacement des écrans publicitaires doivent être intégralement compensés par
les crédits budgétaires ouverts au budget général de l'Etat. C'était
l'arbitrage du Premier ministre, au moment où il a présenté le projet de
loi.
J'ai proposé que ces crédits budgétaires soient versés au compte d'affectation
spéciale de la redevance, selon la règle existante de remboursement des
exonérations, que le Gouvernement a décidé de faire figurer dans la loi.
On a parlé d'un coût de 2,5 milliards de francs ; le remboursement des
exonérations dépasse ce montant de 100 millions de francs. Ainsi, ce sont 2,6
milliards de francs qui vont compenser à la fois la baisse des recettes
publicitaires et le coût des programmes supplémentaires destinés à occuper les
espaces laissés libres par la réduction des écrans publicitaires.
Comme je l'ai indiqué, j'irai jusqu'au bout de la réforme de l'audiovisuel
public. Il ne s'agit pas d'une quelconque affaire de fierté personnelle. Je
suis simplement persuadée que la réforme que j'ai présentée en conseil des
ministres, complétée par les amendements gouvernementaux dont j'ai annoncé le
dispositif ou le principe, avec l'accord du Premier ministre, est une bonne
réforme, conforme à l'intérêt général et qu'il est urgent de la voter.
C'est une réforme ambitieuse et, comme telle, elle nécessite des décisions
lourdes en termes de moyens, elle doit vaincre le scepticisme ainsi que les
coalitions d'intérêts hétéroclites qui pèsent en faveur du
statu quo
, ou
pire.
Vouloir renforcer les télévisions publiques, leur permettre d'affirmer une
nouvelle identité éditoriale et prévenir l'accaparement par les chaînes
commerciales des ressources libérées par la baisse des volumes publicitaires
sur les chaînes de service public suscite nécessairement des oppositions.
Ma détermination n'est pas entamée, et je suis frappée aussi par le fait que,
si la réforme telle qu'elle a été annoncée, suscite des inquiétudes, des
demandes d'explication ou de modification, voire des oppositions parmi ceux qui
se disent attachés au service public, aucune proposition alternative visant à
renforcer l'organisation et le financement du service public n'a été
véritablement présentée à ce jour.
Or il faut fixer un cap au service public audiovisuel. Sinon, il risque de
dépérir au détriment du pluralisme de l'information et - j'insiste sur ce point
- de la création. La ligne de la plus grande pente, assidûment suivie jusqu'à
ce projet de réforme, est celle de la transformation des chaînes de service
public en chaînes commerciales d'Etat.
C'est ce que j'ai constaté en prenant mes fonctions, puisque, notamment à
France 2, les recettes publicitaires avaient largement dépassé la barre des 50
% du total des ressources. J'ai souhaité qu'on en revienne, en 1999, à ce seuil
fatidique, dans l'attente, je le précise, du vote de la loi. Car il n'était pas
imaginable que l'on puisse arrêter un budget des chaînes pour 1999 qui ne
s'appuie pas sur le vote de la représentation nationale.
Sinon, mesdames, messieurs les sénateurs, vous auriez été les premiers à me
dire : « Mais comment pouvez-vous proposer un budget en prévoyant une baisse
drastique de la publicité ? Et comment ferez-vous après ? »
Il faut évidemment respecter la décision des parlementaires, car tout ce qui
concerne les ressources publiques les regarde, qu'il s'agisse du taux de la
redevance ou du montant des crédits budgétaires.
M. Michel Pelchat.
Ou de leur répartition !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Bien sûr !
Je sais que ce débat intéresse fortement les députés et les sénateurs. Il
importe qu'il soit mené dans les meilleures conditions.
C'est la raison pour laquelle j'ai constaté la nécessité - et cela ne me
dérange point - de modifier ce texte par des amendements qui concernent le
secteur privé, car l'équilibre que nous recherchons entre audiovisuel public et
audiovisuel privé est indispensable à la réussite de cette réforme.
Si les compléments concernant l'audiovisuel public prévoient à la fois la
compensation par le système de versement de crédits budgétaires sur le compte
d'affectation spéciale de la redevance - ce qui en fait une recette vertueuse
et sûre, année après année - et le prélèvement sur le surcroît de ressources
engendré par la réforme au profit des chaînes privées - prélèvement qui sera
plus particulièrement destiné à conforter le développement de l'industrie des
programmes - il est évidemment nécessaire, plusieurs orateurs l'ont souligné,
de prévoir l'augmentation des ressources.
J'ai prévu que, en 1999 - puisque la loi doit s'appliquer en 2000 et que
toutes ces mesures doivent donc trouver leur traduction dans le budget pour
2000 - tout en travaillant à l'élaboration des contrats d'objectifs et de
moyens, nous réfléchirions à une évolution de la redevance - en tout cas, de
son mode de prélèvement - telle qu'elle permette de financer le développement
de l'audiovisuel public.
Je défends la redevance, car je crois qu'il s'agit d'une très bonne recette.
C'est elle qui nous assure une progression des ressources de l'audiovisuel
public. Que son mode de collecte évolue, qu'elle puisse être mensualisée,
qu'elle soit éventuellement pensée différemment, soit ! L'essentiel est que
cette ressource perdure. En outre, l'éventuel élargissement de l'assiette de la
redevance peut encore apporter quelques centaines de millions de francs
supplémentaires au budget des chaînes. Il importe également que le
téléspectateur perçoive, sur l'écran, les effets de la réforme.
Nous savons que nous devons nous rapprocher de l'évolution des chaînes
publiques européennes et trouver un meilleur équilibre avec les chaînes privées
nationales. C'est important si l'on veut garantir l'avenir.
Or c'est bien ce dont il sera question dans les propositions qui seront faites
par Mme Frédérique Bredin. Celle-ci a, en effet, en tant que députée, été
chargée par M. le Premier ministre d'une mission qui couvrira le champ
d'investigation que je viens d'évoquer.
Mme Pourtaud a fait plusieurs propositions en ce qui concerne l'évolution de
la structure de redevance, en parlant d'une taxe de 0,5 % sur les
télécommunications ou d'une taxe supplémentaire sur la publicité par une
affectation aux télévisions locales. Cela donnerait lieu à la fois à une
évolution des ressources et à un élargissement des bénéficiaires.
Les propositions de M. Pelchat, sans être identiques, correspondent au même
souci : élargir les moyens à la disposition des chaînes et des radios publiques
de façon à garantir l'avenir.
Ces différentes propositions seront intégrées à la discussion qui fera suite
au travail que mène Mme Bredin, de manière à aboutir à des mesures qui pourront
être inscrites dans les contrats d'objectifs et de moyens qui sont
pluriannuels.
Je vous remercie, monsieur de Broissia, d'avoir parlé des « intégristes de
l'annualité budgétaire ».
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Je confirme !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je ne cherche pas à rompre
avec l'annualité budgétaire, d'autant qu'elle est constitutionnelle. Il reste
qu'on ne peut laisser les entreprises sans une visibilité leur permettant de
prévoir la modernisation technologique et le passage au numérique - vous en
avez souligné la nécessité - et, en même temps, les moyens qui leurs sont
nécessaires pour assurer les programmes.
J'ai pris mes fonctions après une année 1997 particulièrement noire, mesdames,
messieurs les sénateurs : France 2 avait perdu 250 millions de francs de moyens
budgétaires ; France 3, 300 millions de francs ; La Cinquième-Arte, 140
millions de francs.
Cette dernière, par exemple, au lieu de diffuser des programmes « frais », a
dû faire de la rediffusion. Nous n'avons pas pu respecter l'accord avec nos
partenaires allemands. De ce fait, ces derniers ont, en quelque sorte,
thésaurisé ce qu'ils auraient mis dans les programmes si les Français avaient
pu en mettre autant. La pénurie de programmes a ainsi entraîné un véritable
effet de récession.
Or il s'agit d'un projet européen, et je rejoins tout ceux d'entre vous qui
ont insisté sur la nécessité de développer à la fois la production de
programmes et leur diffusion à l'extérieur de notre pays.
Je veux rompre avec cette logique un peu hypocrite qui veut que, d'un côté, on
défende le service public et que, de l'autre, on empêche l'actionnaire
d'engager les moyens nécessaires. Tout actionnaire responsable doit fournir à
l'entreprise les moyens de produire.
Que reste-il si l'on retire les moyens pour les programmes ? Il reste des
charges, et on les trouve évidemment trop lourdes. Or nous entrons dans une
époque où, avec la multiplication des chaînes, avec le développement du
numérique, il faut tout centrer sur les programmes, parce que c'est en fin de
compte la seule chose qui intéresse les téléspectateurs.
Ainsi, le prélèvement prévu pour alimenter le compte de soutien à l'industrie
cinématographique et à la production audiovisuelle, le COSIP, et fondé sur le
surcroît de ressources dont bénéficient les opérateurs privés, servira aux
programmes qui peuvent paraître les plus nécessaires aujourd'hui, à savoir les
programmes éducatifs et les programmes pour la jeunesse.
Plusieurs sénateurs ont fait allusion à la violence à la télévision. Peut-être
serait-il préférable, effectivement, de financer de bons programmes qui
pourraient intéresser les jeunes. De même, nous devons apporter une aide au
développement du multimédia. C'est la raison pour laquelle ces nouvelles
recettes seront évidemment très utiles.
Le service public doit connaître son cap. Il doit donc avoir l'assurance de
pouvoir disposer, de façon pérenne, du résultat de la collecte de la redevance,
de la compensation budgétaire du montant total des exonérations et
d'éventuelles nouvelles ressources. Il faut éviter, en effet, que les chaînes
publiques ne deviennent des chaînes commerciales d'Etat, ce qui serait un
prélude à la privatisation d'au moins l'une d'entre elles.
Si nous nous trouvions dans cette situation, ce serait un véritable naufrage
de l'audiovisuel public. Dans
Ecran total,
M. Wolton, spécialiste des
médias, dit que « les chaînes généralistes jouent, au fond, un rôle de
rassemblement » - nous le pensons aussi - et qu'« elles surprennent parce
qu'elles offrent ce que l'on n'attend pas ou ce qu'on ne cherche pas ».
Lorsqu'on disposera de chaînes généralistes et de chaînes thématiques, on
regardera sur les chaînes thématiques le sport, la musique, le théâtre, le
cinéma ou d'autres programmes. La chaîne généraliste devra être plus créative
et diffuser, par exemple, des émissions qui conviennent à des moments de
rencontres familiales ou destinées à être regardées seul, et des grands
événements qui ont une valeur populaire, sans que ce terme soit méprisant.
Il convient donc de revoir la conception des chaînes généralistes, sous peine
de voir se poursuivre la baisse du taux d'audience. C'est un enjeu considérable
et il faut évidemment que nous y travaillions.
Les missions de service public sont rappelées dans la loi - j'envisage de les
compléter quelque peu pour répondre à un certain nombre de questions posées -
mais il est clair que c'est surtout le cahier des charges et le projet des
entreprises que sont les différentes sociétés de télévision qui traduiront cet
engagement, cette évolution et cette complémentarité.
Avec cette réforme, je veux éviter que les chaînes publiques ne se gênent
elles-mêmes, car, aujourd'hui, elles sont concurrentes entre elles. Si l'on
veut que le financement et la stratégie du développement soient efficaces, il
faut empêcher cet effet de concurrence. Les chaînes publiques doivent savoir où
elles vont. Mais elles doivent respecter les obligations qui leur sont fixées
eu égard à leurs missions ; je pense en particulier à ce que disait M.
Othily.
Je souhaite, personnellement, que RFO fasse partie du groupe des télévisions
publiques. On ne pourrait pas comprendre, en effet, quelle fasse l'objet d'un
traitement différencié et en soit exclue.
Je suis également attachée à ce que les programmes qui sont diffusés sur les
écrans des chaînes dites « nationales » - France 2, France 3 et les autres -
soient le reflet de la réalité de notre société. Je l'ai dit, d'ailleurs,
lorsque j'étais en Guadeloupe : je le redirai en me rendant à la Réunion. Nous
célébrons, cette année, l'abolition de l'esclavage. Il faut nous souvenir que
la conquête des droits a été utile pour tous. Le fait de ne pas voir la réalité
de notre société à l'écran empêche de comprendre le monde dans lequel nous
vivons. La façon de présenter nos quartiers au Journal télévisé, avec les
problèmes qu'ils peuvent poser, contribue également à ne pas comprendre nos
villes ; je m'adresse à M. Diligent, qui connaît bien cette question.
Par conséquent, la télévision joue un véritable rôle de lien social. C'est
vraiment la deuxième école de la République ! Elle doit être un reflet de la
société, mais pas uniquement cela ! Elle doit également être un point de
rencontre de la société. C'est la raison pour laquelle il s'agit d'un enjeu
considérable.
S'agissant du projet de loi de finances pour 1999, les ressources publiques
progressent de 3,2 % ; les ressources propres n'augmentent, elles, que de 1,3 %
; c'est le chiffre prévisionnel de l'inflation.
Au-delà du projet de loi de finances pour 1999, sur lequel vous vous
prononcerez, un amendement a été adopté dans la loi de finances rectificative ;
il concerne la redistribution des excédents de 1997 dans le collectif
budgétaire de 1998. Il s'agit de 121,5 millions de francs, qui sont répartis
ainsi : 70 millions de francs pour France 3, 30 millions de francs pour France
2 et 21,5 millions de francs pour RFO, destinés à sa relocalisation. Ces sommes
sont donc disponibles et seront versées en 1998.
Il s'agit d'un élément important, dès lors que certains d'entre vous ont
marqué leur inquiétude par rapport à la baisse des ressources publicitaires,
notamment de France 2 ou de France 3. Dans le cas de France 3, cette baisse est
due en grande partie à la période de grève ; en ce qui concerne France 2, elle
a commencé largement avant l'annonce de la réduction du temps de publicité à
cinq minutes, inscrite dans le projet de loi. Les éventuels effets indirects
complémentaires sont surtout liés aux problèmes de baisse d'audience de cette
chaîne ; j'espère qu'elle ne va pas se prolonger.
Le projet de loi de finances pour 1999 traduit donc une double volonté :
amorcer un rééquilibrage de la structure de financement de l'audiovisuel public
dans le sens d'une part accrue des ressources publiques et renforcer les moyens
du secteur public audiovisuel pour lui permettre de mieux remplir ses missions.
C'est en cela, d'ailleurs, qu'il est cohérent avec le projet de loi que
j'évoquais.
Le budget total de l'audiovisuel pour 1999 augmente plus fortement que le
budget général de l'Etat. Dans un contexte de rigueur budgétaire, sa croissance
souligne toute l'importance que le Gouvernement attache à l'existence d'un
secteur public audiovisuel puissant et diversifié.
Le budget total du secteur public audiovisuel pour 1999 doit s'établir à un
peu moins de 18,5 milliards de francs, soit une hausse de 2,6 % par rapport à
la loi de finances pour 1998, qui était elle-même en progression de 3,3 % par
rapport à la loi de finances pour 1997.
Après la reconstruction des moyens budgétaires de l'audiovisuel public en
1998, le Gouvernement a voulu donner au service public les moyens nécessaires à
son développement, tout en limitant l'augmentation de la redevance à
l'évolution prévisionnelle des prix, soit 1,2 %. La redevance n'augmente, par
conséquent, que de 9 francs, passant de 735 à 744 francs pour un poste
couleur.
L'augmentation des moyens des sociétés - 473,2 millions de francs - est
principalement destinée à financer des mesures nouvelles, qui s'élèvent à 334,5
millions de francs, soit un volume double de celui de l'année en cours,
notamment en direction des programmes. Ces mesures nouvelles sont donc
principalement tournées vers les téléspectateurs.
France 2 obtient une mesure nouvelle de 158,2 millions de francs destinée au
renforcement des investissements de la chaîne en matière d'information, l'une
des missions essentielles qui lui est assignée, et de coproduction de fictions
cinématographiques et audiovisuelles. Grâce à ces nouveaux moyens, France 2
pourra améliorer sa grille de programmes et restaurer son audience, qui connaît
une baisse préoccupante.
Les recettes publicitaires et de parrainage de France 2 s'établissent à la
moitié exactement de son budget prévisionnel. Pour la première fois depuis de
nombreuses années - je vous remercie, madame Pourtaud, de l'avoir souligné - le
montant des concours publics est fixé non pas comme le solde de prévisions
volontaristes d'évolution des recettes publicitaires - ce qui était devenu le
mode de calcul des recettes de France 2 - mais comme le socle de la croissance
des ressources dont bénéficiera la chaîne.
France 3, dont le budget croîtra de 3,6 % en 1999, pourra, grâce à une mesure
nouvelle de 68,1 millions de francs, lancer de nouveaux programmes régionaux,
dont un hebdomadaire de vingt-six minutes dans chaque région.
Pour la SEPT-Arte, la plus grande partie de la mesure nouvelle de 36,9
millions de francs qui lui est accordée ira à l'enrichissement de l'antenne,
notamment en avant-partie de soirée, et au financement d'une cinquantaine de
documentaires supplémentaires.
La Cinquième consacrera la mesure nouvelle de 12,8 millions de francs qui lui
est attribuée à de nouvelles implantations, notamment dans des lieux culturels,
de la banque de programmes et de services, la BPS, et à l'amélioration de sa
grille.
C'est également en vue de l'enrichissement de son antenne, par la production
de programmes propres, qu'une mesure nouvelle de 10,3 millions de francs a été
prévue pour RFO. Compte tenu du dérapage continu de ses charges d'exploitation
depuis 1997, dont nous commençons aujourd'hui à appréhender toute l'ampleur, je
suis au regret de devoir vous indiquer que cette mesure nouvelle sera utilisée
à couvrir une part, au demeurant limitée, de ce dérapage. Il faudra en effet
reprendre dans le projet d'entreprise, par un suivi beaucoup plus étroit, les
moyens financiers et la gestion, de façon à favoriser l'évolution de cette
société dans les meilleures conditions.
Avec une nouvelle mesure de 12,2 millions de francs, RFO devra conduire sa
modernisation et renforcer ses programmes d'information à caractère
généraliste, notamment sur France-Inter.
La mesure nouvelle attribuant 24,2 millions de francs à RFI lui permettra,
notamment, de reconstituer son fonds de roulement mis à mal par des déficits
d'exploitation successifs. Il est indispensable que ce fonds soit conservé par
la société en cours de gestion, afin de permettre le retour à une situation
financière assainie. Je répondrai maintenant aux différentes questions qui ont
été posées par les orateurs.
En ce qui concerne les personnels des radios locales, je partage la
préoccupation exprimée, notamment par M. Renar, qu'une succession de contrats à
durée déterminée puisse être un facteur de précarisation des personnels. Les
négociations en cours à Radio France ont précisément trait aux modalités
d'intégration de ces personnels. Je tenais à vous apporter cette précision.
Une solution semble avoir été trouvée, et je m'en réjouis, au problème posé
par la situation particulière des quatres cents animateurs de radios
locales.
Sur le plan financier, une prime a été négociée permettant à ces personnels de
compenser un plus faible taux d'augmentation de leurs rémunérations depuis
trois ans par rapport à des catégories professionnelles comparables de Radio
France.
Sur le plan de l'organisation professionnelle, un statut particulier est en
cours d'établissement pour des personnels en faveur desquels les conclusions de
la commission Michel permettraient de prévoir un emploi sous contrat à durée
déterminée d'usage commun.
Enfin, les conditions d'intégration en tant que salariés permanents de ceux
qui peuvent y prétendre seront celles qui sont prévues par la loi.
Mme Pourtaud, MM. Hugot et Diligent ont exprimé une inquiétude s'agissant de
la transposition de la directive « Télévision sans frontière ».
Avant sa modification, cette directive a fait l'objet d'un fort investissement
de la France en 1989. Mesdames, messieurs les sénateurs, la question de la
transposition n'est pas nouvelle. Lors de mon entrée en fonctions, nous étions
déjà sous la pression de la Commission. Nous avons fait valoir l'élaboration
d'un nouveau projet de loi, mais la Commission a maintenu la fin de l'année
1998 comme date-butoir.
Si la date du 2 décembre 1998 pour engager la saisine de la Cour de justice
est confirmée - je ne le sais pas encore, faute d'avoir reçu moi-même la
notification - cette saisine a eu lieu avant mon annonce du report de l'examen
du projet de loi devant la commission des affaires culturelles, familiales et
sociales de l'Assemblée nationale. Cette saisine est la règle, si la Commission
veut prendre sa décision en fonction de cette date-butoir.
Si l'on peut regretter que la France ait pris ce temps pour se mettre en
conformité avec la directive, il n'en demeure pas moins que nous ne saurions
engager des réformes sans prendre en compte l'ensemble du secteur et les
nécessités d'adaptation, tant par rapport à la réglementation satellitaire et
au câble, que par rapport aux équilibres nécessaires entre le public et le
privé.
Telle est bien notre intention. Soyez rassurés : les dispositions figurant
dans le projet de loi que j'allais présenter devant l'Assemblée nationale
incluaient les principaux articles liés à la transposition de la directive.
MM. Weber et Diligent ont beaucoup insisté sur la nécessité de traiter
ensemble le secteur public et le secteur privé. Dans la mesure où nous vivons
dans un monde concurrentiel, il faut pouvoir avoir une vision de l'équilibre
prenant en compte l'aspect financier, l'organisation, la puissance des
entreprises - leur accès aux programmes, aux marchés national, européen et
international - et assurer que cet équilibre tient.
Pour ma part, je considère que l'équilibre avec le secteur privé exige,
d'abord, un renforcement du service public. Si l'on se contente de mesures
législatives, certes nécessaires, sans donner au secteur public les moyens de
son développement, on se condamne à un résultat insatisfaisant.
La seconde mesure consiste bien évidemment à apporter des réponses en matière
de concentration mais aussi de séparation des intérêts liés à la fois aux
marchés publics et aux enjeux économiques qui seraient différents de ceux de
l'outil d'information qu'est la télévision.
Par conséquent, ces questions sont à l'ordre du jour. Je les ai d'ailleurs
évoquées dans la communication que j'ai faite au Gouvernement à la fin du mois
de janvier. Ces dispositions me paraissent utiles et nécessaires.
M. Weber a rappelé la modification du paysage audiviosuel français, qui n'est
pas encore complètement achevée. Je pense notamment à l'accord que TF 1
passerait avec le groupe de M. Murdoch. L'Italie s'est élevée avec force contre
le projet d'entrée de ce groupe dans l'audiovisuel italien ; l'Allemagne y est
également hostile pour ce qui la concerne et on ne peut pas dire que la France,
de son côté, y soit réellement favorable.
En effet, n'oublions pas que M. Murdoch non seulement s'en est pris, tout
récemment, à Birmingham, au service public mais qu'il a également combattu de
manière virulente l'exception culturelle et les acquis du GATT.
M. Murdoch veut donc pénétrer le marché européen audiovisuel car ce dernier
représente 40 % du marché mondial, soit l'équivalent de celui des Etats-Unis,
d'autant plus que des profits sont maintenant limités dans les pays où il a
développé ses activités.
Cette question est évidemment très importante. Elle suppose que nous puissions
traiter avec prudence notamment de l'évolution de TPS puisque le projet vise à
associer à TF1 d'autres chaînes. France Télécom et France Télévision sont
actionnaires de TPS. Par conséquent, ce projet concerne l'ensemble des
actionnaires, y compris ceux qui sont plus ou moins liés au secteur public
audiovisuel, comme France Télécom.
Ce projet peut avoir des conséquences sur l'évolution du paysage satellitaire
et susciter des interrogations, ainsi que j'ai pu le lire dans la presse, de la
part des responsables d'autres chaînes privées. Il faut donc bien réfléchir à
l'évolution du secteur public et du secteur privé.
Le projet de loi sur l'audiovisuel public que je vous proposerai, auquel
pourra s'ajouter d'autres mesures, si la représentation parlementaire en est
d'accord ou si elle le propose, permettra de parvenir à cet équilibre et de
doter notre pays d'un dispositif législatif qui m'a toujours paru absolument
indispensable depuis que je me suis attelée à cette réforme.
Il faut y ajouter bien évidemment un autre aspect qui est celui de la
participation des téléspectateurs. A cet égard, je proposerai, au nom du
Gouvernement, si le Premier ministre en est d'accord, une initiative. Dans la
mesure où la télévision est faite pour les téléspectateurs, pourquoi ne pas les
y associer ? Il ne faut pas que seul l'audimat prévale. L'avis ou les
suggestions des téléspectateurs sont également importants.
J'ai donc souhaité que les chaînes télévisées et les radios publiques
disposent d'un médiateur : c'est un premier pas. Une telle institution
n'existait pas. Il était donc indispensable que soit créé ce relais, ce contact
permettant à ceux qui veulent s'exprimer de le faire au-delà des émissions qui
leur donnent la parole.
S'agissant de RFI, M. Pelchat ne se trompe pas en rappelant que ses crédits
diminuent en apparence de 1,2 % en 1999. En réalité, cette baisse est la
traduction de l'économie que réalisera RFI l'an prochain en raison de l'arrêt
d'une partie de la diffusion de ses émissions en ondes courtes. Un problème se
pose d'ailleurs car cette technique de diffusion permettait de couvrir des
territoires situés au-delà des frontières françaises, mais proches à l'échelle
internationale. Cette économie s'élèvera à 41 millions de francs et entraînera
une réduction équivalente de crédits publics.
En revanche, je voudrais vous rassurer, mesdames et messieurs les sénateurs,
sur la situation financière de RFI. Une mesure nouvelle de 24,2 millions de
francs est prévue, je le rappelle, en sa faveur pour lui permettre de
reconduire son activité et de reconstituer un fonds de roulement qui avait été
gravement détérioré à la suite des arbitrages budgétaires rendus notamment dans
les lois de finances jusqu'en 1997.
La formation, qui constitue le dernier point que j'aborderai, est l'une de mes
préoccupations.
Le rapport Salles a dressé un état des lieux, moyennant quoi, lorsque nous
avons souhaité inciter les écoles de journalistes à se constituer en réseau,
nous nous sommes heurtés à certaines difficultés. Nous restons en contact tant
avec les initiateurs d'un renouvellemnt du CFPJ qu'avec l'ensemble des
responsables des écoles. Je crois en effet que si nous voulons avoir des
professionnels qui soient eux-mêmes garants du pluralisme et de la qualité de
l'information, nous devons avoir des écoles performantes. Mais, comme vous
l'avez constaté vous-même, le budget de la communication que j'ai eu l'honneur
de vous présenter ne comporte pas de ligne consacrée à de telles
subventions.
Il ne contribue donc pas directement au financement des structures de
formation initiale ou de formation continue. Tel est le constat que nous avons
fait lorsque nous avons cherché des solutions susceptibles d'être apportées au
problème du CFPJ.
Je conclurai mon propos en remerciant MM. les sénateurs de leurs interventions
et des encouragements qu'ils m'ont prodigués pour la suite de mes réflexions.
Voilà qui me permettra de revenir le plus rapidement possible devant vous pour
approfondir l'évolution du service public audiovisuel et les quelques mesures
complémentaires concernant la régulation du secteur privé.
(Applaudissements.)
M. le président.
Nous allons maintenant examiner les lignes 44 et 45 de l'état E annexé à
l'article 59, puis l'article 63.
Ligne 44 de l'état E
M. le président.
J'appelle la ligne 44 de l'état E concernant la redevance pour droit d'usage
des appareils récepteurs de télévision.
LIGNES |
DESCRIPTION |
PRODUIT
1997-1998 |
ÉVALUATION
1998-1999
|
|
---|---|---|---|---|
. | . |
Culture et communication |
||
46 | 44 |
Nature de la taxe : |
12 415 212 000 | 12 996 400 000 |
. | . |
- redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision. Organismes bénéficiaires ou objet : - compte spécial du Trésor institué par l'article 33 de la loi de finances pour 1975. Taux et assiette : Redevance perçue annuellement en 1999 : - 475 F pour les appareils récepteurs « noir et blanc » ; - 744 F pour les appareils récepteurs « couleur ». Textes : - décret n° 92-304 du 30 mars 1992 modifié ; - décret n° 94-1088 du 15 décembre 1994 ; - décret n° 95-1333 du 29 décembre 1995. |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la ligne 44 de l'état E.
(La ligne 44 de l'état E est adoptée.)
Ligne 45 de l'état E
M. le président.
J'appelle la ligne 45 de l'état E concernant la taxe sur la publicité
radiodiffusée et télévisée.
LIGNES |
DESCRIPTION |
PRODUIT
1997-1998 |
ÉVALUATION
1998-1999
|
|
---|---|---|---|---|
. | . |
Culture et communication |
||
47 | 45 |
Nature de la taxe : |
103 000 000 | 105 000 000 |
. | . |
- taxe sur la publicité radiodiffusée et télévisée. Organismes bénéficiaires ou objet : - fonds de soutien à l'expression radiophonique locale. Taux et assiette : - taxe assise sur le produit des activités des régies publicitaires. Textes : - décret n° 92-1063 du 30 septembre 1992 ; - décret n° 94-1222 du 30 décembre 1994 ; - décret n° 97-1263 du 29 décembre 1997 ; - arrêté du 23 juillet 1998. |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la ligne 45 de l'état E.
(La ligne 45 de l'état E est adoptée.)
M. le président. Le vote sur l'ensemble de l'article 59 est réservé.
Article 63
M. le président.
« Art. 63. - Est approuvée, pour l'exercice 1999, la répartition suivante du
produit hors taxe sur la valeur ajoutée de la taxe dénommée "redevance pour
droit d'usage des appareils récepteurs de télévision", affectée aux organismes
du secteur public de la communication audiovisuelle :
(En millions de francs) |
|
« Institut national de l'audiovisuel | 415,5 |
« France 2 | 2 588,0 |
« France 3 | 3 543,0 |
« Société nationale de radiodiffusion et de télévision d'outre-mer | 1 137,4 |
« Radio France | 2 597,2 |
« Radio France internationale | 165,4 |
« Société européenne de programmes de télévision : La Sept-Arte | 1 029,7 |
« Société de télévision du savoir, de la formation et de l'emploi : La Cinquième | 774,5 |
. |
|
Total | 12 250,7 » |
« Est approuvé, pour l'exercice 1999, le produit attendu des recettes des sociétés du secteur public de la communication audiovisuelle provenant de la publicité de marques, pour un montant total de 4 526,9 millions de francs hors taxes. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 63.
(L'article 63 est adopté.)
M. le président. Je vous rappelle que les autres crédits inscrits à la ligne « Services généraux du Premier ministre » ont été examinés le jeudi 26 novembre.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant les services du Premier ministre : I. - Services généraux.
ÉTAT B
SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I.
- Services généraux
« M. le président.
Titre III : 105 859 504 francs ».
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III modifié par l'amendement n°
II-1 précédemment adopté par le Sénat.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV :
moins
155 120 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I.
- Services généraux
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 396 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 326 780 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V modifié par l'amendement n°
II-2 précédemment adopté par le Sénat.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la communication.
5
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au dimanche 6 décembre 1998, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 65 et 66, 1998-1999).
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Equipement, transports et logement :
III. - Transports :
4. Transport aérien et météorologie (et article 85).
Budget annexe de l'aviation civile :
M. Yvon Collin, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 25) ;
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (aviation civile, avis n° 68, tome XIX).
IV. - Mer :
M. Claude Lise, rapporteur spécial (marine marchande, rapport n° 66, annexe n°
26) ;
M. Marc Massion, rapporteur spécial (ports maritimes, rapport n° 66, annexe n°
27) ;
Mme Anne Heinis, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 68, tome XX).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux créditsbudgétaires pour le
projet de loi de finances pour 1999
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1999 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif
au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée
de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux (n° 81, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 8 décembre 1998, à dix-sept
heures.
Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la protection de
la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage (n° 75, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 8 décembre 1998, à dix-sept
heures.
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, portant modification de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945
relative aux spectacles (n° 512, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 8 décembre 1998, à dix-sept
heures.
Débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur l'aménagement du
territoire.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 9
décembre 1998, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Claude
Estier et des membres du groupe socialiste et apparentés portant modification
de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans
le corps des sapeurs-pompiers (n° 85, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 9 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M.
Christian Bonnet et des membres du groupe des Républicains et Indépendants
tendant à sanctionner de peines aggravées les infractions commises sur les
agents des compagnies de transport collectif de voyageurs en contact avec le
public (n° 86, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 9 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le dimanche 6 décembre 1998, à deux heures
vingt-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du samedi 5 décembre 1998
SCRUTIN (n° 40)
sur l'amendement n° II-33, présenté par M. Philippe Marini au nom de la
commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre III de l'état B
du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale
(budget de la Jeunesse et sports).
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 314 |
Pour : | 215 |
Contre : | 99 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
13.
Contre :
4. - MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer et
Yvon Collin.
Abstentions :
5. - MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun, Bernard Joly,
Georges Othily et Jacques Pelletier.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
97.
N'ont pas pris part au vote :
2. - MM. Christian Poncelet, président du
Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
47.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
6.
Contre :
1. - M. Gérard Delfau.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun, Bernard Joly, Georges Othily et Jacques
Pelletier.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 41)
sur l'amendement n° II-34, présenté par M. Philippe Marini au nom de la
commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre IV de l'état B
du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale
(budget de la Jeunesse et sports).
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 314 |
Pour : | 215 |
Contre : | 99 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
13.
Contre :
4. - MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer et
Yvon Collin.
Abstentions :
5. - MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun, Bernard Joly,
Georges Othily et Jacques Pelletier.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
97.
N'ont pas pris part au vote :
2. - MM Christian Poncelet, président du
Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
47.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
6.
Contre :
1. - M. Gérard Delfau.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun, Bernard Joly, Georges Othily et Jacques
Pelletier.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification et
conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 42)
sur l'amendement n° II-8, présenté par M. Yann Gaillard au nom de la commission
des finances, tendant à réduire les crédits du titre III de l'état B du projet
de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (budget de la
Culture et communication).
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 314 |
Pour : | 213 |
Contre : | 101 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
13.
Contre :
6. - MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Georges Othily et Jacques Pelletier.
Abstentions :
3. - MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun et Pierre
Laffitte.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
97.
N'ont pas pris part au vote :
2. - MM. Christian Poncelet, président du
Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
45.
N'ont pas pris part au vote :
2. - MM. Philippe Nachbar et Jean-Pierre
Raffarin.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
6.
Contre :
1. - M. Gérard Delfau.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Georges Othily
Jean-Marc Pastor
Jacques Pelletier
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun et Pierre Laffitte.
N'ont pas pris part au vote
MM. Philippe Nachbar et Jean-Pierre Raffarin.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 43)
sur l'amendement n° II-9, présenté par M. Yann Gaillard au nom de la commission
des finances, tendant à réduire les crédits du titre IV de l'état B du projet
de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (budget de la
Culture et de la communication).
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 314 |
Pour : | 213 |
Contre : | 101 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
13.
Contre :
6. - MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Georges Othily et Jacques Pelletier.
Abstentions :
3. - MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun et Pierre
Laffitte.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
97.
N'ont pas pris part au vote :
2. - MM. Christian Poncelet, président du
Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
45.
N'ont pas pris part au vote :
2. - MM. Philippe Nachbar et Jean-Pierre
Raffarin.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
6.
Contre :
1. - M. Gérard Delfau.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Georges Othily
Jean-Marc Pastor
Jacques Pelletier
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun et Pierre Laffitte.
N'ont pas pris part au vote
MM. Philippe Nachbar et Jean-Pierre Raffarin.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.