Séance du 3 décembre 1998
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Loi de finances pour 1999.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
1
).
Emploi et solidarité
I. - EMPLOI (p.
2
)
MM. Joseph Ostermann, rapporteur spécial de la commission des finances ; Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le travail et l'emploi ; Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la formation professionnelle ; Jean Clouet, Bernard Joly, Alain Gournac.
Suspension et reprise de la séance (p. 3 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
3.
Communication
(p.
4
).
4.
Modification de l'ordre du jour
(p.
5
).
5.
Loi de finances pour 1999.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
6
).
Emploi et solidarité
I. - EMPLOI
(suite)
(p.
7
)
MM. Guy Fischer, Roland Huguet.
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
M. André Jourdain, Mmes Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité
; Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation
professionnelle.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Mme le
ministre.
Crédits du titre III (p. 8 )
Amendement n° II-21 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme la
ministre. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits du titre IV (p. 9 )
Amendement n° II-22 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme le
ministre, MM. Roland Huguet, Guy Fischer, le rapporteur général, Alain Lambert,
président de la commission des finances. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits des titres V et VI. - Adoption (p.
10
)
Article 80 (p.
11
)
Amendements identiques n°s II-40 de la commission et II-46 rectifié de M. Souvet, rapporteur pour avis. - M. le rapporteur spécial, Mmes Annick Bocandé, rapporteur pour avis ; le secrétaire d'Etat, MM. Adrien Gouteyron, Guy Fischer. - Adoption des amendements supprimant l'article.
Article 81 (p. 12 )
Amendements identiques n°s II-41 de la commission et II-47 rectifié de M. Souvet, rapporteur pour avis ; amendement n° II-100 du Gouvernement. - MM. le rapporteur spécial, Louis Souvet, rapporteur pour avis ; Mme le ministre, M. le rapporteur général. - Retrait des amendements n°s II-41 et II-47 rectifié ; adoption de l'amendement n° II-100 rédigeant l'article.
II. - SANTÉ ET SOLIDARITÉ (p. 13 )
MM. Jacques Oudin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la solidarité ; Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la santé ; Georges Othily, Lucien Neuwirth, Philippe Darniche, Mme Nicole Borvo, MM. François Autain, Jean-Pierre Cantegrit, Mme Anne Heinis, M. Marcel Vidal.
Suspension et reprise de la séance (p. 14 )
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Crédits du titre III (p. 15 )
Amendement n° II-23 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme le
secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits du titre IV (p. 16 )
Amendement n° II-24 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme le
secrétaire d'Etat, M. François Autain, Mme Nicole Borvo. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits des titres V et VI. - Adoption (p.
17
)
Article 82. - Adoption (p.
18
)
Article 83 (p.
19
)
Amendement n° II-43 de M. Chérioux, rapporteur pour avis. - MM. Jean Chérioux, rapporteur pour avis ; le rapporteur spécial, Mme le secrétaire d'Etat, M. Alain Vasselle. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article additionnel après l'article 83 (p. 20 )
Amendements identiques n°s II-44 de M. Chérioux, rapporteur pour avis, et II-57 de M. Michel Mercier. - MM. Jean Chérioux, rapporteur pour avis ; Michel Mercier, le rapporteur spécial, Mmes le secrétaire d'Etat, Nicole Borvo, M. Guy Fischer. - Adoption des amendements insérant un article additionnel.
Article 84. - Adoption (p.
21
)
Suspension et reprise de la séance
(p.
22
)
Aménagement du territoire et environnement
(suite)
(p.
23
)
II. - ENVIRONNEMENT (p.
24
)
MM. Jacques Oudin, en remplacement de M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de
la commission des finances ; Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission
des affaires économiques ; Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la
commission des affaires culturelles ; Alain Vasselle, Gérard Le Cam, Paul
Raoult, Philippe Richert, Mme Anne Heinis, MM. Aymeri de Montesquiou, Daniel
Eckenspieller, René-Pierre Signé, Bernard Joly, Serge Lepeltier.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement.
Crédits du titre III (p. 25 )
Amendement n° II-4 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme le
ministre. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits du titre IV (p. 26 )
Amendement n° II-5 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme le
ministre. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits du titre V. - Adoption (p.
27
)
Crédits du titre VI (p.
28
)
Amendement n° II-7 rectifié de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme
le ministre. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
6.
Dépôt d'une question orale avec débat
(p.
29
).
7.
Transmission d'un projet de loi
(p.
30
).
8.
Dépôt d'une proposition d'acte communautaire
(p.
31
).
9.
Dépôt d'un rapport
(p.
32
).
10.
Ordre du jour
(p.
33
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à onze heures cinquante.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
LOI DE FINANCES POUR 1999
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 1999 (n° 65, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 66
(1998-1999).]
Emploi et solidarité
I. - EMPLOI
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'emploi et la solidarité : I. - Emploi.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joseph Ostermann,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame le
ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est la première
fois que j'ai l'honneur de rapporter, au nom de la commission des finances, les
crédits de l'emploi et de la formation professionnelle.
Permettez-moi, en cette qualité nouvelle, de saluer aux côtés de Mme Martine
Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, la présence de Mme Nicole
Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation
professionnelle.
Je tiens également à saluer et à féliciter, pour la qualité et la très grande
pertinence de leurs travaux, nos collègues de la commission des affaires
sociales, Mme Annick Bocandé et M. Louis Souvet.
Dans le projet de loi de finances pour 1999, les crédits du ministère de
l'emploi s'élèvent à 161,8 milliards de francs, en augmentation de 4,02 %, à
structure comparable, par rapport à 1998.
Cette progression, supérieure à l'augmentation moyenne des dépenses de l'Etat,
fixée pour 1999 à 2,3 %, correspond à la traduction budgétaire de « mesures
phares » décidées par le Gouvernement - réduction du temps de travail,
emplois-jeunes ou lutte contre l'exclusion - sur la pertinence et l'efficacité
desquelles le Sénat avait tenu à émettre des doutes.
Par ailleurs, une refonte de la nomenclature budgétaire a intégré au sein de
ce budget des crédits concernant des « mesures exceptionnelles en faveur de
l'emploi et de la formation professionnelle », qui étaient jusqu'alors inscrits
au budget des charges communes pour un montant de 43 milliards de francs en
1998. Je me félicite d'une telle mesure, que la commission des finances avait
appelée, en son temps, de ses voeux.
Compte tenu des délais qui me sont impartis, je limiterai mon intervention aux
principales observations suivantes, vous renvoyant pour l'analyse détaillée des
crédits, à mon rapport écrit.
Sur le plan des principes, il m'apparaît tout d'abord utile de relever que Mme
le ministre a réalisé, lors de l'élaboration de son projet de budget, une part
significative d'économies qualifiées pudiquement de « recentrages », et cela
pour un montant de 11 milliards de francs.
Le Gouvernement a donc fait en partie financer ses priorités politiques par
des économies budgétaires sur des dispositifs particulièrement sensibles.
Il s'agit principalement, pour 4,5 milliards de francs, de la diminution des
crédits des préretraites, pour 3,6 milliards de francs, de la réduction de la
dotation au profit des contrats initiative-emploi et pour 1,6 milliard de
francs du « recentrage » des contrats emploi-solidarité. Ce montant d'économies
est destiné notamment à financer la progression des emplois-jeunes ou des
crédits consacrés aux 35 heures et représente plus de 7 % des 152 milliards de
francs de crédits que le titre IV consacre aux aides à l'emploi.
En termes de méthode, même si, en l'espèce, ces économies sont mal ciblées,
car elles sont destinées au financement de priorités contestées par la
commission, cela démontre que les aides à l'emploi ne peuvent être financées à
« guichet ouvert ».
Des économies budgétaires sont donc possibles, voire souhaitables, sinon
indispensables.
Le Gouvernement l'a lui même démontré à nouveau dans la présentation du
collectif budgétaire pour 1998. Il a annulé 7,7 milliards de francs sur les
crédits de votre ministère dont une somme de 7,5 milliards de francs sur le
chapitre n° 44-74 concernant les aides destinées « à l'insertion des publics en
difficulté ». Or, madame le ministre, vous nous aviez indiqué à cette même
tribune l'année dernière que vous, et je cite le
Journal officiel,
«
comprendriez mal que l'on fasse des économies sur ce même chapite ».
Ces économies permettent en effet notamment de lutter contre la fraude, le
détournement des dispositifs et, partant, contribuent à leur plus grande
efficacité. Il n'est donc pas nécessaire, en matière sociale comme ailleurs,
d'accroître inexorablement la dépense publique.
Je tiens à relever en outre que, pour la seconde année consécutive, le montant
des crédits destinés au financement des primes à l'apprentissage a été réduit,
en loi de finances, de 500 millions de francs.
Cette mesure m'apparaît d'autant moins justifiée que le Gouvernement n'indique
pas précisément dans les documents budgétaires comment il entend remédier à cet
état de fait. Il évoque seulement un « fonds de concours » abondé par un
prélèvement de 500 millions de francs. En l'absence d'informations claires sur
ce point, il est à craindre que ne se renouvelle le dispositif mis en place
l'an passé consistant à prélever une nouvelle fois, « à titre exceptionnel »,
cette somme sur la trésorerie des organismes collecteurs des fonds de la
formation en alternance.
La commission des finances ne peut donc qu'émettre les plus vives réserves
devant la volonté affichée par le Gouvernement de procéder à nouveau, en 1999,
à une ponction sur ces organismes afin de financer la réduction des crédits
consacrés aux primes des contrats d'apprentissage.
Je souhaite également que soit rapidement publié le Livre blanc sur la
formation professionnelle afin que la situation dans ce domaine puisse être
clarifiée et que soit engagée la nécessaire mutation de ce secteur. Ce souhait
est d'ailleurs partagé par l'ensemble des acteurs sociaux.
Dans ce contexte, je tiens à indiquer combien me semble inopportune la mesure
de recentrage des primes à l'apprentissage prévue par l'article 80 de ce projet
de loi de finances. Mais nous y reviendrons.
Sans évoquer à nouveau les circonstances dans lesquelles les crédits consacrés
à la ristourne dégressive fusionnée avaient été réduits l'an dernier, je me
félicite de la progression pour 1999 des crédits consacrés au financement de
cette ristourne. Elle a fait ses preuves en permettant le maintien ou la
création d'emplois dans le secteur marchand. Je tenais néanmoins à relever que
figurent, dans le collectif pour 1998, 5,6 milliards de francs de crédits au
titre du « rattrapage » sur ces exonérations. Ce chiffre n'apparaît pas
totalement cohérent avec les indications précédentes fournies par le
Gouvernement. Je souhaiterais donc connaître de façon précise les éléments de
calcul de ce rattrapage.
Dans ce contexte, je tenais à rappeler la constance des positions du Sénat en
matière d'allégement des charges sur les bas salaires. Cette constance s'est
traduite notamment par l'adoption, le 29 juin 1998, de la proposition de loi,
déposée par M. Christian Poncelet, tendant à élargir le champ de ce
dispositif.
Je veux également souligner que la nécessité de réduire les charges sur les
bas salaires avait été rappelée au cours de l'été dernier par le professeur
Malinvaud dans son rapport remis au Premier ministre. Où en est la réflexion du
Gouvernement sur ce point ?
Il m'apparaît également que les 3,5 milliards de francs de crédits figurant
dans le projet de loi de finances pour 1999 et destinés au financement des 35
heures ne sont pas réalistes. Non seulement le Gouvernement n'indique pas
précisément la manière dont ces crédits ont été calculés, mais ceux-ci
apparaissent mal calibrés.
La commission s'étonne en effet des modalités selon lesquelles ce coût a été
déterminé. Le coût brut budgétaire de cette mesure est estimé à 7 milliards de
francs en 1999 par le Gouvernement. A cette somme, s'ajoutent 200 millions de
francs au titre des aides au conseil.
Or il ressort des informations obtenues par votre rapporteur que la moitié de
ce coût brut, soit 3,5 milliards de francs, a été mis par le Gouvernement à la
charge des régimes de sécurité sociale, au titre du « recyclage des économies
que feront les régimes sociaux », et cela sans fondement juridique précis et en
contradiction avec les principes posés par la loi du 25 juillet 1994. Je
souhaite obtenir des éclaircissements sur ce point de la part de madame le
ministre.
Il serait donc « opportun » comme le relève très justement le rapporteur
spécial de l'Assemblée nationale, que Mme le ministre indique « à quel niveau
la compensation de l'Etat s'effectuera pour les organismes de sécurité sociale
».
Par ailleurs, cette dotation apparaît mal calibrée. Si ce dispositif devait
produire des effets à la hauteur de l'ambition du Gouvernement, la charge
budgétaire en serait accrue de manière très substantielle. La commission des
affaires sociales en avait ainsi évalué le coût, sur la base de 450 000 emplois
créés, à 13,5 milliards de francs la première année et à 36 milliards de francs
la seconde année.
Or les premières indications fournies par le Gouvernement témoignent d'un
succès mitigé de ce dispositif : 434 accords d'entreprise ont été signés
concernant moins de 58 000 salariés et seulement 4 460 emplois ont été
préservés ou créés. Il apparaît ainsi que la provision de 3 milliards de francs
prévue pour 1998 n'a été utilisée qu'à hauteur de 10 % à 15 % des crédits
inscrits, comme le reconnaît implicitement le Gouvernement lorsque vous
évoquez, madame le ministre, des « reports importants de ces crédits de 1998
sur 1999 ».
Je peux, en outre, observer moi-même dans mon département les effets pervers
et dramatiques des 35 heures. Plusieurs entreprises locales délocalisent
l'emploi, vers la Roumanie et la République Tchèque pour le secteur de la
chaussure et de l'habillement, vers le Luxembourg pour le transport.
Nos chefs d'entreprise sont de plus en plus démobilisés. Vous ne semblez pas
le voir, madame le ministre.
A un moment où les frontières disparaissent et où les contraintes sont
quasiment insignifiantes dans des pays situés à quelques kilomètres de la
France, notre politique de l'emploi se doit d'échapper à toute crispation
idéologique.
En conséquence, et eu égard au peu d'impact de ce dispositif, votre rapporteur
vous proposera, mes chers collègues, de supprimer la dotation de 3,7 milliards
de francs figurant dans le projet de loi de finances pour 1999. En effet, les
crédits prévus en 1998 n'ont été utilisés que dans une très faible
proportion.
Je tiens enfin à souligner la dérive prévisible du coût budgétaire des
emplois-jeunes : 13,8 milliards de francs de crédits sont inscrits au titre du
budget de l'emploi pour financer ces emplois-jeunes.
Par-delà les critiques quant à la porté d'un tel dispositif, qui consiste à
accroître l'emploi dans le secteur non marchand et les risques de
pérennisation, à terme, de ceux-ci au sein de la fonction publique, je souhaite
présenter quelques remarques.
Le coût de ces emplois-jeunes pour 1999 me semble d'ores et déjà minoré. Les
crédits figurant au budget de l'emploi pour 1999, soit 13,8 milliards de
francs, ne permettent de financer que le « stock » qui existera au 1er janvier
1999, soit 150 000 emplois-jeunes, pour un coût annuel unitaire de 93 840
francs.
L'enveloppe budgétaire actuelle telle qu'elle figure dans le projet de loi de
finances ne permettra donc pas de financer, à compter du 1er janvier prochain,
le recrutement des 100 000 nouveaux emplois-jeunes, qui correspond à l'objectif
que s'est fixé le Gouvernement pour 1999. Il y a, pour 1999, une
sous-évaluation du coût de ce dispositif, que l'on peut estimer à près de 4,5
milliards de francs sur la base d'une montée en charge linéaire et progressive
de ces 100 000 nouveaux emplois-jeunes.
Comme le Gouvernement entend-il y faire face ? Existe-t-il des reports au
titre de 1998 ? Je vous remercie, madame le ministre, de nous apporter toute
précision en ce domaine.
Je souhaite également rappeler à nos collègues que, compte tenu des objectifs
que s'est fixés le Gouvernement, à savoir la mise en place d'ici à 2001 de 350
000 emplois-jeunes, le coût budgétaire en année pleine de ce dispositif sera de
près de 32 milliards de francs par an.
Aussi, en ce domaine, la position de votre commission est-elle très claire. Si
le Gouvernement tient à financer les 100 000 nouveaux emplois-jeunes qui
figurent au sein du budget de l'emploi, il doit réexaminer les dispositifs
préexistants et procéder par redéploiement au sein d'une enveloppe globale des
aides à l'emploi qui atteint, je le rappelle, 152 milliards de francs.
En effet, votre commission ne souhaite bien évidemment ni remettre en cause le
« stock » des emplois-jeunes existants, ni porter atteinte aux « flux » des
nouveaux emplois-jeunes, toute autre présentation serait erronée, simpliste et
malveillante. Elle entend simplement que leur coût soit financé par des
économies réalisées sur l'ensemble des 152 milliards de francs de crédits du
titre IV.
Pour que les choses soient claires, je rappelle que notre effort d'économie
s'élève à 10,5 milliards de francs sur le budget de l'emploi et ne porte que
sur les mesures nouvelles, c'est-à-dire sur les crédits supplémentaires de ce
ministère. Par ailleurs, si nous réalisons 10,5 milliards de francs
d'économies, le Gouvernement en a lui-même réalisé 11 milliards de francs, soit
un montant supérieur à celui que nous préconisons !
Enfin, je m'interroge sur la date du dépôt et de l'examen de la seconde loi
prévue par le Gouvernement et tendant à mettre en place des « emplois-jeunes »
dans le secteur privé. Le Gouvernement n'a encore fourni aucune précision sur
ce point. Qu'en est-il exactement ?
Je me permets à ce propos de vous rappeler que, lors de l'examen du projet de
loi relatif à l'emploi des jeunes, j'avais déposé un amendement visant à mettre
en place un dispositif infiniment moins onéreux et certainement beaucoup plus
efficace que le vôtre, puisqu'il incitait les PME à embaucher des jeunes grâce
à des exonérations de charges. Vous m'aviez alors affirmé qu'un tel dispositif
constituerait le deuxième étage de votre fusée pour l'emploi.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non !
M. Joseph Ostermann,
rapporteur spécial.
Cet engagement m'aurait alors amené à retirer mon
amendement.
Or, je constate que la fusée est toujours au pas de tir, ce qui est très
regrettable.
Deux articles sont rattachés pour leur examen au budget de l'emploi. Votre
commission vous proposera de les supprimer.
Le premier, l'article 80, vise à recentrer les primes d'apprentissage sur les
plus bas niveaux de qualification. Cela exclura du dispositif près du quart des
apprentis, soit 50 000 jeunes. Cette disposition permet au Gouvernement de
réaliser en 1999 une économie d'un montant de 60 millions de francs dans un
secteur, celui de la formation en alternance, déjà touché par de telles
économies. Cela ne peut être accepté par votre commission qui vous proposera en
conséquence d'adopter un amendement de suppression de cet article. Je suis
certain que cette proposition recueillera un très large assentiment de
l'ensemble de nos collègues.
Cette position est en effet partagée par le rapporteur spécial de l'Assemblée
nationale pour les crédits de la formation professionnelle, qui a indiqué : «
L'apprentissage est un maillon essentiel de notre dispositif de formation
professionnelle. Il pourrait être possible de trouver ailleurs le financement
nécessaire aux actions menées par le Gouvernement. »
Croyez bien, madame le ministre, que sur l'ensemble des bancs de notre
hémicycle nous partageons cette péoccupation.
Le second article, l'article 81, visait initialement à supprimer une
exonération spécifique de cotisations d'allocations familiales au profit de
quatre catégories d'entreprises, notamment - et je me permets d'insister sur ce
points - celles qui sont situées en zone de revitalisation rurale.
La commission des finances ne peut que marquer sa surprise devant une telle
disposition, qui vient par ailleurs contredire la pérennisation de ce
dispositif qui avait été votée lors de l'adoption de la précédente loi de
finances et soutenue alors par le Sénat.
Par ailleurs, je tenais à relever que la rédaction de cet article 81 comporte,
sur le plan juridique, des imprécisions dans la coordination et la modification
des textes visés. Le dispositif juridique de cet article ne m'apparaît donc pas
pleinement opérationnel, ce qui devrait inciter Mme le ministre à réexaminer ce
dispositif.
Cette disposition nous paraît donc, inopportune et préjudiciable à la bonne
marche d'entreprises qui créent des emplois dans le secteur marchand. En
conséquence, la commission des finances vous demandera d'adopter un amendement
de suppression de cet article.
En conclusion, permettez-moi de vous faire part de mes interrogations
concernant le contenu de la dynamique actuelle de l'emploi.
Certes, le chômage, tel que le mesure le Bureau international du travail, a
baissé de 5 % par rapport à l'année dernière. Il touche cependant encore 3
millions de personnes.
Par ailleurs, la progression de l'emploi, qui est indéniable sur le plan
quantitatif, me paraît plus incertaine sur le plan qualitatif. Outre le fait
que notre taux de chômage est toujours supérieur à la moyenne des grands pays
industrialisés, cette baisse me semble reposer sur la création d'emplois non
marchands financés par le budget de l'Etat, car elle résulte, pour l'essentiel,
de la mise en place des emplois-jeunes.
En outre, un dossier paru dans un grand quotidien national, cette semaine, se
montre particulièrement alarmant quant à la précarité croissante de l'emploi.
Il souligne, en effet, que l'amélioration de l'emploi salarié est surtout due à
une progression des contrats à durée déterminée et de l'intérim.
Quel constat redoutable !
Vous persistez cependant à nous présenter des textes qui, invariablement,
accentuent la rigidité de l'emploi. Par conséquent, il est bien compréhensible
que, face à une réglementation de plus en plus étouffante, nos patrons de PME
soient contraints soit de recourir à l'emploi précaire, soit de s'abstenir
d'embaucher ou, pire encore, de délocaliser leur activité.
Il me paraît donc indispensable que soit appliquée une autre politique, axée
sur la création d'emplois productifs au sein de l'économie marchande, en
introduisant, entre autres, davantage de flexibilité et en réduisant les
charges en faveur des PME.
Une telle dynamique, comme l'a rappelé M. le rapporteur général, est en effet
la seule qui puisse résoudre durablement le problème du chômage en France.
Compte tenu de ces éléments, la commission des finances vous proposera
d'adopter les crédits du budget de l'emploi modifiés par deux amendements de
réduction.
Elle vous proposera également de supprimer les deux articles rattachés.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Souvet, rapporteur pour avis.
M. Louis Souvet,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le travail
et l'emploi.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les moyens du ministère de l'emploi
devraient atteindre 161,8 milliards de francs en 1999, soit une hausse des
crédits de 3,9 % par rapport à 1998. Compte tenu du niveau très élevé du
chômage dans notre pays, vous comprendrez que mes remarques ne portent pas,
pour l'essentiel, sur le niveau des crédits, lequel nous semble correspondre
globalement à l'importance de l'enjeu.
La commission a plutôt essayé d'examiner dans quelle mesure ces moyens
budgétaires considérables pouvaient permettre d'obtenir des résultats
tangibles, et surtout durables, sur le front du chômage.
Par ailleurs, un an après le vote de la loi sur les emplois-jeunes, la
commission des affaires sociales a souhaité faire le point sur ce
dispositif.
Le budget du ministère de l'emploi comporte quatre priorités : les allégements
de charges sociales, l'incitation à la réduction du temps de travail, le plan
emplois-jeunes et le volet emploi de la lutte contre les exclusions.
Les allégements de charges constituent toujours le socle de la politique de
l'emploi en France. Ils représenteront environ 80 milliards de francs en 1999.
Le projet de budget reconduit le dispositif de la « ristourne dégressive » dans
la configuration adoptée en 1998. Cette politique est largement responsable de
l'enrichissement du contenu en emplois de la croissance. Elle doit être
absolument poursuivie pour qu'elle donne de bons résultats.
A cet égard, je rappellerai que le Sénat a adopté, le 29 juin dernier, une
proposition de loi de M. Christian Poncelet, qui était alors président de la
commission des finances, visant à porter à 1,4 fois le SMIC, le seuil des
exonérations de charges sociales.
J'aurai l'occasion de revenir sur l'article 81, modifié par l'Assemblée
nationale.
Je ne partage pas tout à fait les propos de notre excellent rapporteur
spécial, M. Ostermann, et je fais remarquer que cet article était entaché, et
est toujours entaché, d'une erreur matérielle et que son exposé des motifs ne
semble pas correspondre aux motivations réelles du Gouvernement.
J'ai appris au moment où je montais à la tribune que, par le dépôt d'un
amendement, le Gouvernement revenait sur cette erreur matérielle que j'avais
signalée dans mon rapport écrit aux pages 38 et 39. La nouvelle rédaction sera
donc désormais correcte, ce qui ne m'empêche pas de constater que la loi du 13
juin 1998, dans son article 3, alinéa 10, comportait une erreur qui a introduit
le cumul des exonérations.
Nous avons dressé un constat : la loi du 13 juin 1998 relative aux 35 heures
peine à créer des emplois.
Selon le dernier bilan effectué par le ministère, 434 accords d'entreprise ont
été signés concernant 57 851 salariés ; 4 460 emplois auraient été créés ou
préservés.
Ces résultats, modestes au demeurant, s'expliquent par les incertitudes qui
demeurent quant au contenu de la seconde loi, notamment sur les heures
supplémentaires et la rémunération mensuelle minimale. Ils illustrent également
le défaut d'adhésion de nombreux chefs d'entreprise et les doutes de certains
syndicats.
Un peu plus d'un an après le vote de la loi du 16 octobre 1997, la commission
des affaires sociales a souhaité faire un premier bilan du plan
emplois-jeunes.
A la fin du mois de novembre 1998, 151 926 emplois avaient été créés et 109
014 jeunes avaient été embauchés.
Sur le plan quantitatif, le dispositif constitue indubitablement un succès.
Doit-on d'ailleurs s'en étonner compte tenu du fort taux de chômage des jeunes
dans notre pays ? Ces emplois, payés au SMIC, ont constitué une véritable
aubaine pour les jeunes en panne d'emploi. Par ailleurs, nombre d'entre eux
sont apparus, à juste titre, comme une possibilité d'entrer par la petite porte
dans la fonction publique.
Le coût budgétaire de ce dispositif devrait représenter environ 20 milliards
de francs pour 250 000 emplois fin 1999, compte tenu de la dotation budgétaire
de 13,8 milliards de francs, des reports de crédits de 1998 et de la
participation à hauteur de 20 % des différents ministères d'accueil.
Les entreprises publiques ont été fermement invitées à accueillir des
emplois-jeunes. On ne peut parler d'une démarche volontaire de leur part.
La SNCF a ainsi saisi l'opportunité de l'aide de l'Etat pour renforcer la
présence en personnels dans les gares. Il s'agit pour elle d'un pur effet
d'aubaine.
La RATP, quant à elle, a créé des associations qui emploient les jeunes avant
de les mettre à sa disposition pour occuper des fonctions qui relèvent, à
l'évidence, de son métier : nettoyage, orientation, accompagnement, « présence
», etc. Cette pratique constitue également un effet d'aubaine.
Je m'interroge : ce procédé n'est-il pas contraire au droit du travail, qui
prohibe la mise à disposition de personnels ? La commission souhaite être
éclairée sur ce sujet, madame le ministre.
Les emplois-jeunes à l'éducation nationale constituent le gros des troupes,
puisque 40 000 d'entre eux ont déjà rejoint les écoles élémentaires, les
collèges et certains lycées. L'utilité de ces emplois n'est généralement pas
contestée, leur présence est même considérée aujourd'hui par certains syndicats
comme indispensable.
Toutefois, il serait excessif d'attribuer le bénéfice de ce progrès seulement
aux vertus du dispositif en lui-même, car ces personnels auraient fait preuve
du même entrain s'ils avaient été l'objet d'un recrutement statutaire.
On observe bien au contraire que le mode de recrutement employé - des contrats
de droit privé - est une source majeure de dysfonctionnements et d'ambiguïté.
Trop souvent, les tâches qui sont confiées aux jeunes empiètent sur les
compétences d'autres personnels, que ce soient les maîtres d'internat ou les
surveillants d'externat, les documentalistes des centres de documentation et
d'information ou encore les psychologues ou les assistantes sociales à travers
les tâches de médiation.
Je ne vous apprendrai bien sûr rien en vous rappelant à ce jour que les «
pions », comme on disait de mon temps, sont en grève pour améliorer leur statut
et, chose étonnante pour moi, contre les emplois-jeunes. Ce sont du moins les
commentaires que j'ai entendus à plusieurs reprises.
Par ailleurs, le droit du travail n'est ni appliqué ni contrôlé. On peut, en
effet, s'interroger sur la légalité des mises à disposition de personnels
employés par les collèges dans les écoles élémentaires. Enfin, il convient de
souligner que l'inspection du travail n'a pas - à l'heure actuelle - accès aux
locaux de l'éducation nationale. Cela signifie que ce ministère est
de
facto
exempté du respect du droit du travail, hors contentieux devant les
prud'hommes, ce qui constitue une véritable aberration, notamment compte tenu
de l'état d'ignorance des chefs d'établissement en matière de droit privé du
travail.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Or il lui faudrait montrer l'exemple
!
M. Louis Souvet,
rapporteur pour avis.
Tout ceci pour rappeler que la commission des
affaires sociales avait préconisé que les emplois-jeunes soient recrutés sur la
base de contrats de droit public. J'observe que cela aurait évité bien des
incertitudes.
Par ailleurs, il existe d'ores et déjà un malentendu entre le ministre de
l'éducation nationale, d'une part, et les jeunes et certains syndicats d'autre
part. Le ministre a déclaré qu'au terme des cinq ans les jeunes seraient
remplacés dans leurs fonctions par de nouveaux postulants. Les titulaires
d'emplois-jeunes souhaitent, quant à eux, être recrutés et titularisés, que ce
soit sur ces nouveaux métiers ou sur des postes d'enseignants. Le ministre
chargé de ce dossier en 2003 devra faire face à ce qui constitue déjà une
véritable « bombe à retardement », sur le plan social en tout cas.
Dans la police nationale, les syndicats constatent des dérives graves dans les
tâches confiées aux adjoints de sécurité. En contradiction avec la loi et les
décrets d'application, il m'a été rapporté que nombre d'adjoints de sécurité
étaient laissés sur la voie publique sans aucun encadrement. Par ailleurs, le
niveau de recrutement est considéré par les syndicats comme étant moyen, voire
médiocre. Des policiers se plaignent de l'illettrisme de certains adjoints de
sécurité. Les fonctionnaires, leurs représentants en tout cas, s'inquiètent
plus généralement du développement d'une sous-fonction publique.
La commission des affaires sociales pense qu'un gros effort est encore à
fournir en ce qui concerne ce plan emplois-jeunes. Comme on pouvait s'y
attendre, le déficit de formation et d'encadrement que nous avions dénoncé il y
a un an constitue aujourd'hui la principale faiblesse du dispositif. Le
transfert de ces emplois vers le privé prend de plus en plus la forme d'un voeu
pieux.
M. Alain Gournac.
Malheureusement !
M. Louis Souvet,
rapporteur pour avis.
La commission estime que le plan emplois-jeunes
constitue non pas une politique, mais une boîte à outils pour faire baisser le
taux de chômage des jeunes, sans vision globale suffisante à long terme, à la
différence d'autres dispositifs comme l'apprentissage et l'alternance, dont il
freine par ailleurs le développement. Cette mesure tire d'embarras ceux qui
recherchent un emploi et ceux qui luttent contre le chômage, mais elle laisse
subsister les difficultés et les reporte à plus tard.
La dernière priorité du projet de budget du ministère concerne le recentrage
des dispositifs d'aide publique à l'emploi sur les publics les plus en
difficulté.
Le nombre des contrats emplois consolidés est doublé par rapport à 1999. Le
programme de trajet d'accès à l'emploi, dit TRACE, devrait permettre
d'accueillir 40 000 jeunes en grande difficulté pour un « parcours »
accompagné. Un effort a été fait en direction des entreprises d'insertion.
Pour financer ces actions, les contrats emploi-solidarité et les contrats
initiative-emploi ont été réduits ou recentrés.
Concernant les autres grands postes du projet de budget de l'emploi, j'observe
que les moyens du service de l'emploi sont accrus : la subvention à l'Agence
nationale pour l'emploi augmente de plus de 10 %.
Par ailleurs, les conditions d'accès aux allocations spéciales du FNE et aux
préretraites progressives devraient être durcies en 1999 alors qu'un effort
devrait être fait en matière de prise en charge du chômage de solidarité et de
reclassement des travailleurs handicapés.
En conclusion, votre commission des affaires sociales considère que les
incertitudes comme les insuffisances de la loi sur les trente-cinq heures et du
plan emplois-jeunes nourrissent le scepticisme quant à leur capacité à faire
reculer le chômage. L'absence de signe fort en faveur d'un renforcement des
allégements des charges sociales sur les bas salaires a achevé de convaincre
votre commission des affaires sociales de formuler un avis défavorable à
l'adoption des crédits du budget de l'emploi ainsi que de l'article 81, qui lui
est rattaché.
Cet avis concerne bien entendu les crédits tels qu'ils ont été votés à
l'Assemblée nationale. Il n'a pas pris en compte l'alternative préparée par
notre commission des finances et rapportée par Joseph Ostermann.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Bocandé, rapporteur pour avis.
Mme Annick Bocandé,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la formation
professionnelle.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget de la formation
professionnelle pour 1999 s'inscrit dans une certaine continuité.
Pour reprendre une litanie que vous connaissez bien, je dirai que la réforme
du système de collecte est toujours à venir, que les fonds de l'alternance sont
toujours « excédentaires » et que la collecte de la taxe d'apprentissage reste
toujours aussi compliquée et peu transparente.
En fait, la seule véritable nouveauté comprise dans ce projet de budget réside
dans le recentrage des aides publiques à l'alternance ; j'aurai l'occasion de
revenir sur le caractère regrettable de cette disposition.
Les crédits de la formation professionnelle devraient représenter 26,42
milliards de francs en 1999, soit une hausse de 5,3 %. Si l'on y ajoute les 4,5
milliards de subventions à l'Association nationale pour la formation
porfessionnelle des adultes et aux autres organismes de formation, le budget de
la formation professionnelle est de 31 milliards de francs. Ces crédits
permettent de financer deux types d'actions : les formations en alternance et
les actions de formation à la charge de l'Etat.
Les crédits alloués au soutien à la formation en alternance augmentent de 10,2
%, pour atteindre 12 653 millions de francs. Ils se répartissent entre le
financement des différents contrats d'apprentissage et de qualification et la
compensation des exonérations de charges sociales correspondantes.
La discussion des crédits budgétaires intervient dans un contexte favorable à
l'apprentissage.
Avec plus de 240 000 nouveaux contrats signés en 1997, l'essor du dispositif,
amorcé en 1993, se confirme. L'apprentissage progresse dans tous les secteurs :
ainsi, son usage s'intensifie dans les secteurs d'accueil traditionnel, alors
qu'il se développe plus rapidement dans de nouveaux secteurs exigeant des
formations de niveau supérieur.
Il est d'autant plus étonnant, dans ces conditions, que le Gouvernement ait
décidé de procéder à des économies sur les aides publiques aux contrats en
alternance.
Déjà, le mois dernier, le Gouvernement a modifié par décret les conditions
d'attribution de l'aide forfaitaire liée à l'embauche en contrat de
qualification.
Depuis le 15 octobre, le versement de l'aide forfaitaire liée à l'embauche en
contrat de qualification intervient pour les seuls jeunes de niveaux VI, V
bis
et V de l'éducation nationale, ainsi que pour ceux qui ne sont pas
titulaires du baccalauréat.
L'article 80 du projet de loi de finances, rattaché au projet de budget de la
formation professionnelle, a un objet identique au décret du 12 octobre 1998
pour ce qui concerne, cette fois, l'aide à l'embauche d'un apprenti.
Cette discrimination à l'égard des apprentis diplômés est justifiée par le
Gouvernement au nom de la nécessité de concentrer les moyens sur les publics
prioritaires. En réalité, le Gouvernement limite le développement de la
formation en alternance. A cet égard, le nombre d'entrées de jeunes dans
l'apprentissage devrait baisser de 4,2 % en 1999, passant à 230 000.
J'ai le sentiment très fort que des arbitrages ont été faits qui tendent à
financer en priorité le dispositif emploi-jeunes, dont la pérennisation est
aléatoire, de préférence aux dispositifs structurants comme l'alternance. Si
cette tendance devait se confirmer, elle constituerait un motif sérieux
d'inquiétude.
Les crédits consacrés aux financements des primes à l'apprentissage passent de
4,77 milliards de francs en 1998 à 4,66 milliards de francs en 1999. Le
recentrage correspond donc bien à une économie pour le budget de l'Etat. Le
montant des exonérations de charges sociales afférentes aux contrats
d'apprentissage devrait représenter 4 587 millions de francs en 1999, contre 4
545 millions de francs en 1998.
Les 130 000 contrats de qualification qui sont prévus en 1999 pour les jeunes
devraient bénéficier de 343 millions de francs sous la forme de primes et de
2,6 milliards de francs sous la forme d'exonérations de charges sociales.
Je soulignerai l'intérêt que peut présenter l'expérimentation de l'extension
des contrats de qualification aux adultes, ce dispositif ayant pour objet de
donner une qualification reconnue sur le marché du travail. Le coût des 10 000
contrats est évalué à près de 350 millions de francs pour 1998.
Il reste à trouver la bonne formule, car on ne peut imaginer transposer le
dispositif destiné aux jeunes sans tenir compte des spécificités attachées à un
public composé d'adultes en difficulté.
Concernant le prélèvement de 500 millions de francs sur les fonds de la
formation en alternance, j'observe qu'il fait suite à deux prélèvements
antérieurs, le premier à travers l'article 40 de la loi de finances pour 1997
et le second à travers l'article 75 de la loi du 2 juillet 1998 portant
diverses dispositions d'ordre économique et financier.
La commission des affaires sociales s'est opposée à ces deux prélèvements,
considérant qu'ils mettaient en péril le financement des contrats de
qualification et qu'ils permettaient de financer le budget général sans aucune
assurance que les fonds profitent à la formation.
Le nouveau prélèvement qui nous est proposé est entouré, à cet égard, de
garanties qui peuvent apparaître rassurantes.
En effet, les 500 millions de francs devraient être affectés à un fonds de
concours. Or, comme me l'a indiqué le directeur de l'Association de gestion du
fonds des formations en alternance, ce fonds devrait faire l'objet d'une
utilisation concertée avec les partenaires sociaux.
Par ailleurs, et c'est là un point essentiel, par un courrier adressé le 19
octobre 1998 au comité paritaire national pour la formation professionnelle,
Mmes Martine Aubry et Nicole Péry ont déclaré que « la constitution de ce fonds
- de concours - ne devait en aucune manière contraindre le développement actuel
des formations professionnelles en alternance. Le cas échéant, toutes les
dispositions nécessaires seront prises par les pouvoirs publics pour assurer la
couverture effective des dépenses exposées par les entreprises dans le cadre de
ces contrats ».
Cette garantie de l'Etat supprime, de fait, les risques financiers relatifs à
la couverture du paiement des contrats de qualification ; elle devrait
préserver, à l'avenir, le développement de ce dispositif qui avait fléchi en
1998. Cette garantie était attendue depuis plus de trois ans par les
partenaires sociaux.
La commission des affaires sociales regrette néanmoins qu'aucune indication
n'ait filtré sur l'utilisation concertée des fonds.
Par ailleurs, l'Etat devrait verser 2,71 milliards de francs à l'UNEDIC, au
titre de l'allocation de formation reclassement, soit un montant comparable à
celui de 1998.
Les quatre dotations de décentralisation sont reconduites en 1999 dans des
proportions proches de celles de 1998.
Un mot sur le réseau des missions locales et des permanences d'accueil,
d'information et d'orientation ; les crédits alloués à la délégation
interministérielle à l'insertion professionnelle et sociale des jeunes en
difficulté augmentent sensiblement : ils devraient s'élever à 416 millions de
francs en 1999. Cette hausse des crédits s'inscrit dans le cadre d'un contrat
de progrès qui vise à compléter le réseau par le renforcement des missions
locales et le développement des espaces jeunes. Le réseau est appelé à jouer le
rôle de pilote et d'opérateur du programme TRACE. L'objectif est d'accueillir
10 000 jeunes en 1998, 40 000 en 1999 et 60 000 en l'an 2000 pour un suivi
personnalisé. Pour ce faire, le réseau devrait bénéficier de la création de
trois cent cinquante postes et d'une dotation supplémentaire de 30 millions de
francs.
Je terminerai ce tour d'horizon des crédits de la formation professionnelle en
évoquant l'Association pour la formation professionnelle des adultes. L'AFPA
devrait bénéficier d'une subvention en hausse de 140 millions de francs pour
atteindre 4,128 milliards de francs pour 1999. Cette dotation s'inscrit dans le
cadre des nouveaux objectifs fixés à l'association par le contrat de progrès.
L'activité de l'AFPA en 1999 devrait suivre le plan national d'action pour
l'emploi mis en oeuvre en France, suite au Conseil européen extraordinaire de
Luxembourg des 20 et 21 novembre 1997. Je rappelle que le plan national
d'action est organisé autour de quatre piliers : améliorer la capacité
d'insertion des jeunes et des adultes afin de prévenir le chômage de longue
durée et lutter contre l'exclusion, développer l'esprit d'entreprise, renforcer
l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et oeuvrer pour une
meilleure intégration des personnes handicapées.
L'AFPA occupe une place importante dans la mise en oeuvre du premier objectif
de ce plan. Elle devrait voir sa collaboration avec l'ANPE se renforcer afin de
proposer aux demandeurs d'emploi des projets personnalisés.
Cet objectif marque une rupture avec la politique suivie les années
précédentes par l'association, qui était plus tournée vers le marché de la
formation. Le Gouvernement a souhaité délibérément recentrer l'AFPA sur la «
commande publique » et rendre ses formations plus accessibles.
C'est ainsi que l'agence pourra être sollicitée dans le cadre du programme
TRACE. Elle devrait également participer à la définition des formations dans le
cadre du plan emploi-jeunes ; un rôle particulier lui incombe dans l'animation
des plates-formes régionales.
Les crédits de la formation professionnelle dans le projet de budget pour 1999
ne sont donc pas remis en cause. Tout au plus observe-t-on des arbitrages qui
s'expliquent par une amélioration de la conjoncture ou par la nécessité de
financer le plan emploi-jeunes. Il reste que le grand chantier de la réforme
des formations en alternance est devant nous, que bien des incertitudes
demeurent sur le rôle qui sera dévolu aux collectivités locales dans ce nouveau
cadre. Les entreprises qui assurent l'essentiel du financement ne sauraient
être exclues de la collecte.
Quant à la gestion des fonds, les partenaires sociaux doivent conserver leur
mot sur leur emploi. On le voit, le projet de réforme devrait ouvrir un vaste
débat et votre commission des affaires sociales ne manquera pas de donner son
avis sur cette question qu'elle suit depuis toujours avec beaucoup
d'intérêt.
En conclusion, je souhaite citer une enquête réalisée il y a quelques jours
par la direction de l'animation, de la recherche, des études et des
statistiques sur l'efficacité des aides à l'emploi. Il apparaît que les aides
publiques à l'apprentissage sont celles qui ont le plus d'impact. Sur 100
embauches d'apprentis, 46 n'auraient pas eu lieu sans l'aide de l'Etat et 19
auraient été reportées ultérieurement.
Les aides à l'embauche ont donc un impact positif sur 65 % des embauches
d'apprentis. Or l'article 80 supprime l'aide à l'embauche pour les apprentis
qualifiés. Cet article illustre la philosophie plus générale du budget de la
formation professionnelle marqué par la préférence donnée à d'autres
dispositifs moins qualifiants et moins structurants.
C'est pourquoi votre commission des affaires sociales a émis un avis
défavorable à l'adoption des crédits pour la formation professionnelle du
ministère de l'emploi et vous propose d'adopter un amendement de suppression de
l'article 80.
Bien entendu, cet avis ne préjuge pas son vote sur le budget tel qu'il
pourrait être amendé sur l'initiative de la commission des finances.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 23 minutes ;
Groupe socialiste, 28 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 21 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 7 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes.
La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, M. Serge Mathieu, empêché de présenter ses observations devant
le Sénat, m'a demandé de le faire à sa place, ce que j'ai bien volontiers
accepté.
Les crédits consacrés au travail et à l'emploi dans le projet de loi de
finances pour 1999 sont en hausse de près de 4 %. Une telle augmentation ne
paraît pas vraiment se justifier si l'on considère plusieurs des priorités
auxquelles ce budget est concacré.
Le budget de l'emploi est, en effet, construit autour de trois priorités : la
réduction du temps de travail, les emplois-jeunes et le volet « emploi » du
programme de lutte contre l'exclusion.
Les crédits inscrits au titre de l'aide incitative à la réduction du temps de
travail s'élèvent à 3,5 milliards de francs.
Si ce chiffre est modique, c'est que les résultats actuels de l'application de
la loi sur les trente-cinq heures sont modestes : 701 accords ont été signés,
certes, mais seulement 6 000 emplois ont été préservés ou créés. De ce fait, la
provision de 3 milliards de francs prévue pour 1998 n'a été utilisée qu'à
hauteur de 10 % à 15 %, chiffres bien en deçà de vos pronostics.
Mais, si ce chiffre est modeste, c'est aussi parce que 3,5 milliards de
francs, soit la moitié des dépenses de mise en oeuvre des trente-cinq heures en
1999, sont mis, semble-t-il, à la charge des régimes de sécurité sociale,
contrairement à l'esprit de la loi Veil du 25 juillet 1994.
Celle-ci impose, en effet, une compensation intégrale, par le budget de
l'Etat, des exonérations de cotisations sociales.
Comment peut-on demander à la sécurité sociale, d'un côté, de maîtriser ses
dépenses et, de l'autre, d'augmenter ses charges ? On ne peut répondre que de
ses propres actes, non de ceux qui vous sont imposés.
Cette attitude vis-à-vis de la sécurité sociale est profondément
déresponsabilisante. Invoquer les gains en cotisations sociales dont
bénéficieront les régimes sociaux grâce aux embauches liées aux trente-cinq
heures ne change rien à l'affaire. Ces gains sont d'ailleurs aléatoires et ils
sont là non pas pour compenser des exonérations mais pour servir à financer,
notamment, les prestations sociales des personnes embauchées et nouvellement
affiliées.
Quant aux emplois-jeunes, il est tout à fait regrettable de voir avec quelle
tranquillité vous passez outre aux dispositions d'une loi qui est pourtant la
vôtre.
Les emplois-jeunes devaient être consacrés à la satisfaction de besoins
nouveaux ou émergents, auxquels le secteur privé ne répondait pas encore mais
qui, grâce à l'initiative publique, devaient, à terme, devenir solvables.
La majorité sénatoriale avait dénoncé le caractère irréaliste de cette
conception et vous avait mise en garde contre les dérives inéluctables du
dispositif. Nous étions loin, toutefois, de nous attendre à ce que le
Gouvernement laisse si vite de côté cette préoccupation d'utilité nationale
pour se confiner aux statistiques. Ainsi, les entreprises publiques - SNCF,
RATP - ont été fermement invitées à accueillir des titulaires d'emplois-jeunes.
Dans ces entreprises, tout comme à l'éducation nationale, ces emplois empiètent
souvent sur les compétences du personnel, en violation de la loi sur les
emplois-jeunes elle-même.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Et, en plus, aux frais de l'Etat !
M. Jean Clouet.
Dans un autre domaine, les adjoints de sécurité engagés dans la police
nationale ne sont souvent ni formés ni encadrés.
La plupart des emplois créés ne pourront pas, une fois le contrat de cinq ans
achevé, être efficacement relayés par le secteur privé.
Que proposera-t-on alors à tous ces jeunes ? Des titularisations au rabais ?
C'est un bien vilain cadeau pour vos successeurs.
Le recentrage des dispositifs d'aide publique à l'emploi sur les publics en
difficulté est tout aussi contestable. Certes, le nombre de contrats
emplois-consolidés est doublé. Certes, le programme « trajet d'accès à l'emploi
» - curieux jargon - se met en place. Mais où est le financement de ces
initiatives ?
Loin de relancer la politique de baisse des charges sociales, comme vos
récentes déclarations, madame le ministre, le laissait attendre, le
Gouvernement continue de rogner sur les crédits consacrés à celle-ci :
l'article 81 du projet de loi de finances pour 1999 supprime ainsi, dans
certains cas, l'exonération de cotisations d'allocations familiales accordées
aux entreprises.
De même, en matière de formation professionnelle, l'article 80 du projet de
loi de finances pour 1999 réserve le paiement de la prime à l'embauche de 6 000
francs aux seuls apprentis faiblement qualifiés. Compte tenu d'un effectif
d'apprentis évalué à 230 000 en 1999, la mesure ne touchera environ que 50 000
d'entre eux, c'est-à-dire à peine un pour cinq.
Cette décision est néfaste pour l'apprentissage dans le mesure où elle réduit
l'« attractivité » du dispositif de l'apprentissage à un moment où les
effectifs entrant en apprentissage connaissent une légère baisse. De surcroît,
elle va nuire à l'image de l'apprentissage, en le concentrant sur les
formations de faible niveau, revenant ainsi sur tout les efforts de
valorisation de son image.
Le groupe des Républicains et Indépendants ne peut accepter ce budget en
l'état. Fidèle à la stratégie d'ensemble de la majorité sénatoriale, il
soutiendra les amendements de suppression des articles 80 et 81 du projet de
loi de finances, ainsi que les autres amendements proposés par la commission
des finances. Ainsi amendé, nous apporterons, sans enthousiasme, notre soutien
à ce projet de budget.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, mon propos sera centré sur les dispositions du projet de
budget du ministère de l'emploi et de la solidarité consacrées aux différents
emplois aidés du secteur non marchand, les contrats d'emploi solidarité, les
CES, les contrats d'emplois consolidés, les CEC et les contrats
initiative-emploi, les CIE.
Sur le plan strictement comptable, on constate une diminution globale de ces
emplois, qui fléchissent de 700 000 à 650 000 au détriment, principalement, des
CES, dont la dotation passe de 11,6 milliards de francs pour cette année à 6,9
milliards de francs pour 1999. Toutefois, les crédits affectés aux CEC
augmentent de façon significative ; un peu plus de 2 milliards de francs pour
l'exercice à venir permettraient de doubler les offres.
Il semblerait, madame le ministre, que vous justifiiez ce report, si tant est
qu'il n'y a pas de solde négatif global, par une volonté de recentrage du
dispositif sur les personnes les plus en difficulté, au motif que les CES ne
sont pas de vrais emplois.
Permettez-moi, madame le ministre, de ne pas tout à fait partager votre point
de vue.
Tout salaire, fût-il temporaire ou modeste, vaut mieux qu'une allocation de
solidarité sans contrepartie. D'abord, c'est une question de dignité. Puis, on
sait que les dégâts structurels et comportementaux générés par l'inactivité
sont profonds et durables. Les difficultés de réinsertion sont, en effet,
largement liées aux conduites de rejet de tout système.
On l'a bien vu ces jours derniers, où des SDF ont opté pour des abris de
misère plutôt que de rallier des centres ou de s'y laisser conduire. L'extrême
souffrance et la mort semblaient plus acceptables qu'une promiscuité non
choisie, que des règles de fonctionnement subies. Toute organisation devient
insupportable.
L'essentiel est d'éviter à tout prix la marginalisation. Or les réponses les
plus adpatées sont de proximité. Il convient que les politiques et les
financements soient arrêtés au niveau national, mais la répartition de ceux-ci
doit être déterminée après une évaluation des besoins locaux et la
décentralisation de la gestion.
Grâce à une forte mobilisation des acteurs de l'insertion dans les
départements, les CES et les CEC constituent une première étape vers une
activité professionnelle retrouvée ou abordée. Ce sont donc, tout à la fois,
des outils de prévention et de réparation. Dans les zones rurales, les maires
utilisent volontiers ces possibilités pour redonner aux chômeurs de longue
durée une place dans le système social et économique.
L'inquiétude point chez les acteurs du terrain car, outre l'interrogation sur
les quotas mis à disposition, les emplois-jeunes sont venus brouiller les
cartes.
On enregistre, en effet, une forte pression de la part de jeunes titulaires de
CES pour que leur contrat soit transformé en emploi-jeune. Les deux dispositifs
répondent à des raisons d'être différentes.
De plus, on constate une forme de dérive. Il y a une sorte de confiscation des
jeunes diplômés à l'égard de ceux pour qui un emploi-jeune serait une
opportunité, au bout des cinq ans, d'acquérir une qualification. En effet, et
je m'en étais ouvert au moment de l'examen de ce texte, c'est bien l'aspect le
plus positif de cette bouée offerte à la désespérance, le reste relevant d'une
précarité formalisée.
Il m'apparaît absolument nécessaire de clarifier la jungle des aides à
l'emploi. La simplicité est un gage d'efficacité.
Actuellement, faute justement de lisibilité, on est en droit de se poser un
certain nombre de questions. Notamment, la progression des CEC au détriment des
CES n'est-elle pas le prélude à la disparition de ces derniers ?
Le CEC a été créé en 1992 afin de pérenniser, dans le secteur non marchand, la
situation des personnes prioritaires issues des CES. La loi de juillet 1998
contre les exclusions l'a individualisé, et le CEC n'est désormais plus qu'un
prolongement du CES. Il s'agit, en effet, d'un contrat de type nouveau pris en
charge à 80 %, sans dégressivité, pendant 5 ans, et réservé aux personnes ayant
de sérieuses difficultés d'accès à l'emploi.
Outre que les motifs de la distinction que crée la loi entre les CES et les
CEC n'apparaissent pas clairement, l'utilité de l'individualisation définie par
la loi contre l'exclusion n'est pas claire.
Que recouvre exactement la notion de « personnes ayant de sérieuses
difficultés d'accès à l'emploi » ? Est-ce à dire que les CES ne remplissaient
pas cet objectif ? Les chiffres de la direction de l'animation, de la recherche
des études et de la statistique montrent pourtant que l'année 1997 enregistre
une hausse sensible de la proportion des bénéficiaires des CES qui étaient
demandeurs d'emploi depuis plus de trois ans, soit une augmentation de cinq
points, et allocataires du RMI, soit une augmentation de trois points et
demi.
J'aimerais donc savoir, madame le ministre, le pourquoi de cette
substitution.
Compte tenu de l'implication des collectivités locales dans la lutte contre le
chômage et l'exclusion, le sénateur Vallet et moi-même souhaitons vivement
qu'une marge d'initiative la plus large possible soit laissée aux départements
et aux régions dans l'utilisation et la ventilation qu'elles font des crédits
destinés aux aides à l'emploi.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Madame le ministre, votre gouvernement a fait du recul du chômage sa priorité,
et c'est autour de cet objectif que vous avez élaboré le budget de votre
ministère, qui enregistre une augmentation de 4 %.
Le niveau de chômage dans notre pays est très élevé, trop élevé, et votre
budget, avec 161,8 milliards de francs pour 1999, est à la mesure de votre
objectif.
Bien entendu, nos critiques ne peuvent porter sur la volonté qui est la vôtre
et celle de votre gouvernement d'enrayer ce phénomène qui brise les individus.
On le déplore chaque jour, particulièrement en cette saison où les drames
s'aggravent, pour notre honte à tous. Je ne réserve celle-ci, à la différence
de certains, à personne. Je l'assume, comme tout citoyen responsable.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Alain Gournac.
Nous n'avons pas la solution, pas plus que votre gouvernement, et je lis avec
attention les analyses de certains économistes de renom qui, renvoyant dos à
dos les politiques mises en oeuvre depuis vingt-cinq ans, voient dans l'absence
d'une véritable réglementation à l'échelon mondial une des causes majeures de
la situation de l'emploi dans nos pays européens, notamment en France.
Nous n'avons pas la solution, ni dans la majorité ni dans l'opposition, ni à
droite ni à gauche.
Nos approches sont cependant différentes au regard de l'entreprise et des
questions liées à l'emploi. Nous sommes, nous, plus souples, moins affirmatifs
et avant tout soucieux de mettre le plus d'atouts possible du côté d'un
véritable recul du chômage.
Notre excellent rapporteur pour avis Louis Souvet a rappelé que les craintes
que nous avions formulées, il y a un an, au sujet de votre loi sur les
emplois-jeunes n'étaient pas infondées. Quand le taux de chômage atteint 25 %
chez les dix-huit - vingt-cinq ans actifs, on ne peut qu'approuver une mesure
favorable à l'emploi des jeunes.
Toutefois, le contenu de cette mesure n'est pas adapté à la situation. Dans
tous les pays industrialisés où la baisse du chômage a été obtenue, elle l'a
été par la création d'emplois dans le privé. Or je suis persuadé que la
meilleure manière de réagir dans un environnement international fragile et de
faire face à des retournements de conjoncture, c'est de s'être préparé avec
sérieux et au moment opportun, c'est-à-dire avant qu'il ne soit un peu
tard...
Les experts s'attendent à une diminution de deux points de croissance à
l'échelle mondiale de 1997 à 1998. Sur le plan national, les instituts de
conjoncture économique, plus pessimistes que le Gouvernement, annoncent pour
1999 une croissance de 2,3 % à 2,5 %, ce qui induirait une croissance du nombre
d'emplois inférieure à 100 000.
Les risques d'un net ralentissement de la croissance se multiplient, au point
que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie se veut
rassurant face à des industriels de plus en plus pessimistes.
Certes, l'investissement des entreprises s'accroît pour le sixième trimestre
consécutif, mais avec une hausse moindre de trimestre en trimestre : 0,9 % au
troisième, après 1,6 % au deuxième et 2,5 % au premier.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est vrai !
M. Alain Gournac.
Mois après mois, les industriels voient leurs carnets de commandes s'amenuiser
et ils doivent réviser à la baisse leurs perspectives de production sur
l'ensemble des derniers mois.
S'agit-il d'un vrai retournement de conjoncture ? La circonspection s'impose !
Il apparaît toutefois que la capacité de l'économie française à mieux résister
que ses partenaires européens au ralentissement de la croissance mondiale est
une idée en attente de vérification.
Compte tenu de ces indices négatifs, on a tout lieu de s'inquiéter du devenir
de la loi d'incitation à la réduction du temps de travail à 35 heures.
M. Joseph Ostermann,
rapporteur spécial.
Tout à fait !
M. Alain Gournac.
Une croissance moindre ne pourrait, à l'évidence, qu'aviver des conflits qui
se sont révélés aigus dès l'élaboration du texte gouvernemental.
Dans les années quatre-vingt, on créait des emplois dans le secteur privé avec
un taux de croissance de 2 %. Grâce à la baisse du coût du travail peu
qualifié, obtenu par l'allégement des charges sociales et le développement du
travail à temps partiel, instaurés en 1993, on est arrivé à créer des emplois
avec un taux de croissance plus faible, c'est-à-dire 1,5 %.
La création d'emplois dépend étroitement et du taux de croissance et du coût
du travail. En juin dernier, j'avais eu l'honneur de rapporter sur une
proposition de loi déposée sur l'initiative de M. Christian Poncelet, alors
président de la commission des finances, et relative à l'allégement des charges
sur les bas salaires.
Je constate que le dispositif de la « ristourne dégressive » est reconduit
avec cette portée restreinte que nous dénoncions déjà dans la précédente loi de
finances et qui, depuis le 1er janvier 1998, met le seuil des exonérations de
charges sociales à 1,3 fois le SMIC. Or il était proposé en juin dernier de le
porter à 1,4 fois le SMIC. Ce n'était pas la panacée ; c'était simplement une
mesure qui venait en complément d'autres dispositifs, comme la réduction du
temps de travail, pour laquelle nous préconisons la libre négociation.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Alain Gournac.
La reprise de l'activité économique a permis de faire tomber le taux de
chômage de 12,5 % à 11,7 %. Cette baisse très significative a profité
essentiellement aux jeunes, la conjoncture et la manne des emplois-jeunes
aidant.
Cependant, je suis inquiet, madame le ministre, de la stabilité du nombre de
chômeurs de longue durée. C'est un signe préoccupant, car il révèle une
incapacité chronique à agir sur le chômage structurel. Comment ne pas mettre
cette sclérose profonde dont souffre l'emploi en France en relation avec notre
place en queue des pays de l'OCDE en matière de dépenses publiques : 55 % de
notre PIB d'après un rapport récemment paru ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est exact !
M. Alain Gournac.
C'est pourquoi je ne puis que partager le sentiment de notre rapporteur : oui,
l'évolution du chômage de longue durée est chez nous le véritable enjeu de
toute politique de l'emploi.
Madame le ministre, votre gouvernement - je le disais en introduction de mon
propos - ne fait pas mieux que ces prédécesseurs au regard de ce type de
chômage, si symptomatique. Il bénéficie simplement - et je m'en réjouis - d'une
meilleure conjoncture.
Votre loi sur les 35 heures, que vous présentiez comme la grande loi
progressiste faisant écho en cette fin de siècle à ce qui fut fait par le Front
populaire, vous a permis de jouer sur un passé emblématique et de convoquer les
symboles pour tenter d'entraîner l'adhésion des salariés. Mais elle ne vous a
pas permis d'avoir prise sérieusement sur la réalité des choses. Car les
résultats sont modestes : 4 460 emplois créés ou... préservés.
Fallait-il une loi imposant la négociation aux partenaires sociaux, qui
s'acheminent souvent vers des solutions rejetées par le Gouvernement ? Ne
font-ils pas le choix de préservation des salaires et du maintien du pouvoir
d'achat plutôt que celui de la création de nouveaux emplois ?
Quantitativement, le plan emplois-jeunes, lui, est incontestablement plus
satisfaisant. Les chiffres sont là. Mais c'est parce qu'ils étaient déjà là !
Je l'ai dit précédemment : avec un très fort taux de chômage des jeunes - 25 %
des dix-huit - vingt-cinq ans actifs - ce dispositif se présentait comme une
aubaine pour les jeunes concernés, comme pour leurs employeurs.
Comment bouder une telle mesure ? Sans doute faut-il considérer davantage le
soulagement matériel apporté, plutôt que le travail offert.
Madame le ministre, j'étais ce matin dans un bureau de poste. Il y avait là
une jeune fille et un jeune homme, tous deux bénéficiaires d'un emploi-jeune, à
qui j'ai demandé ce qu'ils faisaient. Ils m'ont répondu : « Rien ! » Ces deux
jeunes « employés » à La Poste ne font rien ! Je ne sais pas si c'est très
gratifiant pour eux !
Mais il vous fallait tenir parole, canaliser l'afflux des demandes, faire
d'une pierre deux coups en répondant aux différents malaises de notre société
par des créations massives de postes qu'il sera difficile, très difficile, de
pérenniser.
La générosité, alliée à l'urgence, a ses mérites. Elle a ses résultats. Elle a
aussi un immense inconvénient : l'absence criante du qualitatif.
Qu'engrange-t-on pour demain ou plutôt que sème-t-on ? La générosité
devrait-elle exclure la responsabilité ? C'est la question qui court à travers
les incertitudes soulignées par notre rapporteur au sujet de la création
d'emplois-jeunes dans l'éducation nationale.
Madame le ministre, dans tous les pays industrialisés, la baisse du chômage a
été obtenue par la création d'emplois privés. Elle s'est parallèlement
accompagnée d'une réduction de l'emploi dans le secteur public. Pourquoi
l'argent du contribuable est-il aujourd'hui, en France, dépensé pour des
emplois-jeunes sans qu'ait été vérifiée la pertinence de la demande ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Excellente question !
M. Alain Gournac.
Merci, mon cher collègue !
Plus d'un Français sur trois travaille pour l'administration.
Mme Nicole Borvo.
Sinon, ils seraient au chômage ! Au moins, ils ont du travail !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Plus il y a de fonctionnaires, plus il y a de chômage
!
M. Alain Gournac.
Autant vous dire, mes chers collègues, que la France est un des pays de l'OCDE
qui comptent le plus de fonctionnaires par rapport à la population active. Ne
pouvait-on pas assurer les services dits « émergents » par un redéploiement
d'activité au sein de la fonction publique ?
Je crois que l'Etat, remplit pas correctement ses fonctions. A-t-on vraiment
besoin encore et encore de fonctionnaires ? Certains analystes se demandent
d'ailleurs si l'inflation démesurée des effectifs n'est pas le corollaire et le
symptôme d'une déperdition de qualité, voire d'un abandon progressif du souci
même de la qualité.
Ces deux lois importantes - importantes tant elles ont occupé les services de
votre ministère et les parlementaires et tant leur coût est élevé pour la
nation - n'ont pas convaincu, hier, la majorité du Sénat. Je crois que les
premiers bilans donnent aujourd'hui un peu raison à cette majorité.
C'est pourquoi, madame le ministre, je suivrai l'avis défavorable de nos
rapporteurs sur les crédits de votre ministère.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures cinq, sous
la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
3
COMMUNICATION
M. le président.
Je vous rappelle que, le mercredi 9 décembre, à quinze heures, nous
consacrerons une séance solennelle à la commémoration de la proclamation de la
Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.
A la suite de mon discours d'ouverture, interviendront successivement M.
Robert Badinter, président de la Mission pour la célébration du cinquantième
anniversaire de la Déclaration universelle, et Mme Rigoberta Menchu, prix Nobel
de la paix.
Nous suspendrons ensuite la séance pour nous rendre à une réception dans les
salons Boffrand.
4
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
Par accord entre la commission des finances et le Gouvernement, la discussion
des crédits affectés au transport aérien et à la météorologie et au budget
annexe de l'aviation civile, d'une part, à la mer : marine marchande et ports
maritimes, d'autre part, qui était inscrite à la fin de l'ordre du jour de la
séance de demain vendredi 4 décembre, est reportée à la séance du dimanche 6
décembre, à quinze heures.
L'ordre du jour de la séance du vendredi 4 décembre et de la séance du
dimanche 6 décembre est modifié en conséquence.
5
LOI DE FINANCES POUR 1999
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.
Emploi et solidarité
I. - EMPLOI (
suite
)
M. le président.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'emploi.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen du
budget de l'emploi et de la formation professionnelle revêt, à un double titre,
une importance particulière.
D'une part, les masses budgétaires en jeu, importantes, s'élèvent à près de
162 milliards de francs. De fait, ce budget est l'un des plus importants
budgets de l'Etat.
D'autre part, la discussion sur l'affectation des crédits est l'occasion, pour
chaque formation politique, de donner son sentiment sur l'opportunité et
l'efficacité des politiques publiques d'aide à l'emploi décidées et conduites
par le Gouvernement au regard du coût pour la collectivité de ces dernières.
Soutenue par le Gouvernement, la reprise économique constatée depuis l'an
dernier, couplée à une politique novatrice de l'emploi, a permis d'inverser la
tendance à la hausse du chômage.
Les derniers chiffres publiés témoignent d'une certaine embellie persistante
sur le marché de l'emploi. Selon le Bureau international du travail, le taux de
chômage, en baisse de 0,1 % point, s'établit à 11,6 % de la population
active.
Si le chômage des jeunes baisse de 11,9 % sur un an, d'autres indicateurs sont
néanmoins moins encourageants. Je pense non seulement aux chômeurs de longue
durée, qui sont plus nombreux qu'il y a un an, mais aussi à la situation
particulière des femmes et des chômeurs de catégorie 6 qui exercent une
activité occasionnelle réduite.
Cela me conduit à relativiser quelque peu l'amélioration constatée sur le
marché de l'emploi, amélioration qui a produit en surnombre des emplois
précaires.
Comment rester indifférent à l'explosion et à la persistance de formes de
travail atypique que sont les contrats intérimaires ou les contrats à durée
déterminée ?
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Comment ne pas faire le lien entre la précarité au sein de l'entreprise, les
ravages du temps partiel, la dégradation des conditions de travail et la grande
pauvreté d'un certain nombre de nos concitoyens ou chômeurs qui vivent dans une
angoisse profonde ? Seul le Mouvements des entreprises de France, le MEDEF, s'y
refuse.
Depuis 1996, ce phénomène de précarisation de l'emploi est allé en
s'accentuant, l'intérim et l'emploi en contrats à durée déterminée enregistrant
respectivement une hausse de 51 % et 15 %.
Aujourd'hui, 90 % des embauches s'effectuent par le biais de ces contrats !
Evidemment, ceux-ci contribuent à la reprise de l'emploi salarié, mais
devons-nous accepter, comme aux Etats-Unis, un haut niveau de précarité ?
Dangereuse pour la personne dont le statut est quasiment inexistant au sein de
l'entreprise, facteur d'incertitude personnelle et de blocage de projet de vie,
la précarité de l'emploi prive de surcroît de nombreux chômeurs, notamment les
jeunes, d'un droit à l'indemnisation.
Conséquence des décisions prises par l'UNEDIC en 1993, durcissant les
conditions de durée d'activité ouvrant les droits, seuls 42 % des chômeurs sont
actuellement indemnisés.
Les parlementaires communistes se sont toujours farouchement opposés aux
attaques en règle venant de la droite, destinées à introduire dans la
législation du travail plus de souplesse et moins de garanties pour les
salariés. Je vous renvoie aux débats de la loi quinquennale relative au
travail, à l'emploi et à la formation professionnelle.
Sans cesse nous avons dénoncé les dangers du travail à temps partiel subi, des
CDD, le recours systématique et massif de certains secteurs tels que
l'automobile et le bâtiment aux intérimaires.
Il est inacceptable, madame la ministre, que des entreprises intègrent la
précarité comme un mode normal de gestion de l'emploi, surtout qu'en plus, bien
souvent, elles se servent aussi des licenciements comme d'une variable
d'ajustement.
Nous partageons les préoccupations du Gouvernement, qui entend dissuader les
entreprises qui recourent massivement et anormalement, sans justification
économique, au travail précaire.
Madame la ministre, j'espère que la solution retenue, à savoir l'augmentation
de l'indemnité de précarité à la charge de l'employeur ou l'instauration d'une
contribution pour les entreprises dépassant certains seuils d'emplois précaires
par rapport à leur effectif global, permettra réellement d'inciter les
employeurs à recourir à l'emploi stable et correctement rémunéré et qu'elle ne
donnera pas aux entreprises qui abusent de l'intérim ou des CDD un quitus pour
continuer.
De plus, il est primordial qu'un dispositif contribue à responsabiliser les
chefs d'entreprise et que ces derniers soient éventuellement pénalisés en
fonction de la dangerosité de leurs comportements en matière de risque de
chômage.
Priorité doit être donnée au renforcement des moyens de contrôle de
l'administration du travail. Ce projet de budget, en permettant la création de
100 postes pour les services de l'inspection du travail, va dans le sens
désiré.
D'ailleurs, les réactions négatives du MEDEF face à votre intention de limiter
le recours abusif aux contrats à durée déterminée et au travail intérimaire
témoignent bien d'une stratégie inacceptable faisant de la souplesse du marché
du travail son credo.
Il convient de dynamiser l'emploi et la formation et d'enrayer le chômage de
masse.
L'augmentation très sensible - 3,9 % - que connaissent les crédits de votre
ministère doit être saluée comme témoignant de la volonté du Gouvernement de
continuer à faire de la lutte contre le chômage une de ses priorités.
Il faut toutefois noter que cette progression des crédits globaux est liée
assez étroitement à un changement de périmètre budgétaire. En effet, les
crédits précédemment inscrits au budget des charges communes pour compenser les
exonérations de cotisations sociales des entreprises, à hauteur de 4,3
milliards de francs, sont budgétisés en 1999 dans les crédits du ministère de
l'emploi et de la solidarité.
Si des moyens nouveaux sont dégagés pour financer des mesures nouvelles
prévues notamment dans la loi de lutte contre les exclusions telles que le
programme TRACE, Trajet d'accès à l'emploi, et la création de nouveaux contrats
emplois consolidés, des redéploiements internes ont conduit à diminuer de façon
significative certaines lignes de crédits. C'est le cas, par exemple, des
dépenses qui financent le retrait d'activité mais aussi de certaines dépenses
actives d'aide à l'emploi comme les contrats emploi-solidarité et les contrats
initiative-emploi.
Ultérieurement, j'aurai l'occasion de porter une appréciation sur le
bien-fondé de tels arbitrages.
Les crédits figurant au titre III enregistrent une progression non
négligeable, supérieure à 700 millions de francs, qui couvre les effets des
protocoles salariaux de la fonction publique et les créations nettes d'emplois
qui atteignent au total 218 agents. Il est en effet important de faire en sorte
que le ministère lui-même dispose de moyens à la hauteur des missions qui lui
incombent.
A priori,
cet argument est loin d'être partagé par tous sur ces travées, et surtout pas
par la commission des finances, qui propose d'amputer les crédits de
fonctionnement consacrés à l'emploi.
C'est au regard du titre IV de ce projet de budget, dont les crédits ouverts
s'élèvent à 152 milliards de francs, que l'on prend la mesure et la teneur des
interventions publiques pour l'emploi.
Les mutations internes au titre traduisent assez nettement les orientations
nouvelles du Gouvernement en matière d'emploi et de formation professionnelle.
Vous donnez la priorité à des outils tels que la réduction du temps de travail,
les emploi-jeunes. Vous faites le choix de financer l'insertion des personnes
les plus éloignées de l'emploi. Vous dynamisez la formation en alternance.
Le présent projet de budget est en rupture par rapport aux pratiques des
années précédentes, dont l'objectif était uniquement centré sur la baisse du
coût du travail par le biais des exonérations de charges sociales, et nous
l'apprécions donc positivement.
Contrairement à la commission des affaires sociales, nous validons la
traduction budgétaire des politiques volontaristes menées par le Gouvernement,
ne doutant pas de leur capacité à faire reculer le chômage.
Concernant tout d'abord la réduction du temps de travail, une provision de 3,5
milliards de francs est inscrite au projet de budget, provision à laquelle
s'ajoutent des reports de la dotation prévue au titre de 1998 et les crédits
destinés à l'élaboration de conventions.
N'en déplaise à certains, l'utilité de cette loi n'est plus à démontrer.
Adoptant une attitude différente de celle qui est prônée par le MEDEF,
nombreuses sont les entreprises, les branches à avoir enclenché ou mené à terme
les négociations.
Il est souhaitable qu'une large mobilisation au sein des entreprises concoure
à la réussite des 35 heures, disposition plus créatrice en emplois que
l'annualisation du temps de travail.
Concernant ensuite le « programme emplois-jeunes », je me félicite de
l'inscription de 14 milliards de francs cette année.
Après un an d'application de cette loi, un consensus existe pour affirmer que
le bilan est plutôt positif ; le cap des 150 000 emplois-jeunes devrait être
franchi. Mais un effort reste à faire en direction des jeunes des quartiers en
difficulté.
La droite a dû se résigner aux réalités locales, aux attentes et aux espoirs
des jeunes qui semblent en partie satisfaits.
Qualitativement, le dispositif demeure perfectible. En effet, comme j'ai eu
l'occasion de le noter lors des discussions sur le texte, des efforts
importants en termes de qualification et de formation doivent être faits
rapidement.
Il convient de privilégier la professionnalisation. De plus, il est nécessaire
de clarifier les rapports entre ces emplois et la fonction publique. Enfin,
nous devons tous nous investir pour pérenniser ces emplois afin d'éviter un
éventuel effet boomerang !
Le deuxième axe fort de ce projet de budget est le financement prioritaire du
volet emploi contenu dans la loi de lutte contre les exclusions, adoptée en
juillet dernier.
Ainsi, le programme TRACE d'accompagnement personnalisé vers l'emploi en
faveur des jeunes se voit doté de 90 millions de francs.
Le projet de loi de finances prévoit 60 000 contrats emplois consolidés,
l'ouverture des contrats de qualification aux adultes, le doublement des postes
d'insertion et l'extension des plans locaux pour l'insertion et l'emploi, les
PLIE. Ce sont autant de dispositions qui emportent notre aval.
Je tiens à rappeler ici que la réussite de ces dispositifs comme les
engagements de la France sur le plan européen, s'agissant du suivi des chômeurs
âgés, nécessitent un renforcement des moyens de notre service public de
l'emploi. La grève des agents de l'ANPE, en dehors du problème de la protection
sociale, démontre bien que, avant tout, les agences souffrent d'un manque
criant d'effectifs.
Le Gouvernement s'est engagé à créer 500 postes supplémentaires en 1999. Je
doute que cela suffise à combler le déficit des effectifs statutaires au regard
des engagements de l'Etat dans le contrat de progrès avec l'ANPE.
Enfin, au-delà des outils nouveaux mis en oeuvre, le Gouvernement s'est
attaché à remodeler, recentrer les dispositifs de contrats aidés sur les
personnes qui en ont le plus besoin. Ainsi, les crédits consacrés tant aux
contrats emploi-solidarité qu'aux contrats initiative-emploi sont en baisse.
Prétextant un bilan coût-efficacité manifestement négatif tant sur la
réduction du temps de travail et les emplois-jeunes que sur les mesures ciblées
en faveur des publics prioritaires, la commission des affaires sociales a émis
un avis défavorable sur le projet de budget de l'emploi. Nous ne pouvons
partager cette conclusion.
Surtout, nous ne pouvons souscrire aux propos du rapporteur qui déplore
l'absence dans ce projet de budget « de signes forts en faveur d'un
renforcement des allégements de charges sociales sur les bas salaires ».
A notre avis, la part des exonérations de cotisations sociales liées aux
mesures d'emploi est assez ample, et son efficacité parfois douteuse au regard
de son coût exorbitant commande plutôt une décroissance.
Une réflexion est en cours sur la réforme de l'assiette des cotisations
patronales ; je ne doute pas que le Gouvernement choisira la solution favorable
à l'emploi, à la formation professionnelle et aux salaires.
Il est impératif de ne pas relâcher notre attention, de poursuivre l'effort
d'encadrement de divers abus : temps partiel subi, licenciements déguisés, tant
les diverses dispositions de la loi quinquennale ont conduit à déstructurer la
situation juridique du salarié au sein de l'entreprise.
L'actualité reste plus que jamais marquée par le retour de lourdes
restructurations industrielles et par l'annonce de plans de licenciements :
Philips a annoncé la fermeture d'un tiers de ses usines ; Siemens se
restructure, Rhône-Poulenc et Hoechst créent Aventis, Total absorbe Petrofina,
Sanofi et Synthélabo ne formeront plus qu'une unité. Attention à l'onde de choc
!
Madame la ministre, contrairement aux engagements de M. le Premier ministre et
à nos attentes, vous avez annoncé récemment qu'il n'y aurait pas de loi sur les
licenciements, le durcissement des dispositifs préventifs actuels concernant
les plans sociaux ayant votre préférence. Je vous rappelle que le groupe
communiste républicain et citoyen a déposé sur le bureau de cette assemblée une
proposition de loi relative à la prévention des licenciements économiques,
proposition que nous réactualisons à la lumière des récentes évolutions.
Jusqu'à maintenant, seule la jurisprudence s'est attachée à mettre en évidence
une obligation de reclassement à la charge de l'employeur pour tout
licenciement économique et sanctionne, par la nullité, le plan social et les
licenciements qui en découlent, faute de respect de cette obligation.
Toutefois, le contrôle du juge intervient
a posteriori.
Pourquoi ne pas
faire de cette obligation de reclassement une condition au licenciement quel
qu'il soit et définir le contenu de cette obligation comme nous le proposons
?
Je ne nie pas l'importance des évolutions jurisprudentielles en ce domaine ;
je constate seulement que certains plans sociaux très lourds ne sont pas
contestés devant les tribunaux, les employeurs disposant de nombreux moyens
pour éviter tout contentieux. Nous souhaitons donc une législation plus ferme,
empêchant l'employeur d'avoir recours aux licenciements sans risque. Donnez la
possibilité aux représentants du personnel, aux responsables syndicaux de
contester efficacement, en s'appuyant sur la loi, des mesures qui vont à
l'encontre des intérêts du pays !
A défaut de renforcer la législation sur les plans sociaux, vous entendez
rendre plus difficile pour les entreprises le départ des salariés âgés de plus
de cinquante ans en doublant la contribution Delalande acquittée par
l'employeur en cas de licenciement et en étendant cette dernière aux
conventions de conversion. Ainsi est assuré un certain rééquilibrage entre le
coût d'un licenciement et d'une préretraite ; cette démarche est positive.
Enfin, nous prenons acte des justifications avancées à l'Assemblée nationale
concernant la très forte baisse de crédits pour les préretraites : allocation
spéciale du Fonds national de l'emploi ou préretraite progressive. Evidemment,
madame la ministre, nous partageons votre volonté de privilégier les
négociations sur la réduction du temps de travail. Il convient de faire
supporter à l'entreprise le coût des licenciements qu'elle déguise. Nous
espérons seulement que les salariés ne seront pas pénalisés.
Pour en terminer avec les préretraites, le MEDEF, ayant refusé l'aide
financière proposée par l'Etat afin de rendre possible l'extension de l'ARPE,
l'allocation de remplacement pour l'emploi, aux salariés entrés dans la vie
active à quatorze ou à quinze ans, je m'inquiète des conditions de reconduction
du dispositif.
J'en termine avec ce qui concerne la formation professionnelle, dont les
crédits progressent de 5,3 % par rapport à 1998. La création d'un secrétariat
d'Etat à la formation professionnelle témoigne de l'importance que revêt
l'acquisition, la valorisation des savoirs et des qualifications, non seulement
pour accéder à l'emploi, mais aussi pour se maintenir sur le marché du
travail.
Les efforts de ce projet de budget sont centrés sur la formation
professionnelle des publics rencontrant des difficultés particulières d'accès à
l'emploi en raison de leur manque de qualification. Pour ce faire, le
Gouvernement augmente de manière significative les contrats de formation en
alternance et les contrats d'apprentissage.
A noter qu'afin de limiter la sélectivité croissante exercée par les
employeurs, les aides à l'embauche sous contrat d'apprentissage seront
désormais réservées aux jeunes les moins qualifiés.
Les changements au sein de l'entreprise, l'évolution des technologies
nécessitent un accès permanent à la formation professionnelle. Enjeu au sein de
l'entreprise, mais aussi enjeu personnel de l'homme en quête perpétuelle de
développement de ses capacités, la formation tout au long de la vie nécessite
des moyens nouveaux, une logique différente qui, je l'espère, sous-tendront la
réforme voulue par le Gouvernement.
Au regard des intentions de la majorité sénatoriale, dont les amendements
amputent très largement ce projet de budget, notamment les crédits destinés à
financer les 35 heures et les emplois-jeunes, le groupe communiste républicain
et citoyen ne pourra pas voter cette réécriture.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Gournac.
Soutien très critique !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non, excellent !
M. Alain Gournac.
Très critique !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Fischer, au moins, a fait
une analyse sérieuse !
M. le président.
La parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet.
Madame la ministre, avec le vote de trois textes fondamentaux, vous aviez
donné une orientation très nette à votre politique en faveur des jeunes, pour
la réorganisation du travail et la lutte contre les exclusions.
Nous examinons aujourd'hui un projet de budget de l'emploi et de la formation
professionnelle qui confirme cette orientation et vient lui donner les moyens
de son application, de même qu'il réaffirme la priorité absolue qu'est l'emploi
pour le Gouvernement.
A l'heure où nous débattons, nous pouvons constater que la situation de
l'emploi s'est améliorée. Ainsi, avec 42 900 demandeurs d'emploi de moins qu'en
septembre 1998, le taux de chômage confirme la tendance à la baisse constatée
depuis un an. La baisse sur un an est de 5 % et atteint le niveau de chômage le
plus bas depuis octobre 1995, régression incontestable quel que soit le mode de
calcul. Les créations d'emploi dans le secteur privé augmentent de 2,2 %. Cette
évolution concerne l'ensemble des catégories de demandeurs d'emploi, y compris
les chômeurs de longue durée dont le nombre a diminué de 1 % sur un mois pour
la première fois.
Ce constat nous permet d'affirmer, madame la ministre, que les dispositifs mis
en place vont dans le bon sens, qu'ils répondent aux attentes et aux besoins de
la population. C'est pourquoi j'ai constaté avec satisfaction que ce projet de
budget s'appuyant sur une amélioration de la croissance et orientant la
majorité de ses interventions en direction des publics prioritaires permettait
le financement de ces dispositifs au niveau attendu.
Ainsi, la loi « nouveaux emplois - nouveaux services », adoptée après des
débats un peu vifs, atteint pour cette première année l'objectif que vous vous
étiez fixé : 150 000 emplois ont été agréés et sont en passe d'être
effectivement occupés. Quant à la dotation de 13,92 milliards de francs, elle
permettra de répondre aux prévisions de montée en charge du dispositif selon le
cadencement que vous aviez défini.
Outre l'éducation nationale, avec les emplois d'aides éducateurs, mais aussi
la police et La Poste, qui instaurent ainsi une nouvelle relation avec les
usagers fondée sur l'accueil et la médiation, ces emplois sont portés par les
collectivités et le monde associatif.
Cette démarche a permis de mettre en place de nouvelles approches, de mettre
en synergie des réflexions sur les moyens d'actions en direction des publics
ciblés pour élaborer des profils de postes correspondant aux besoins non
satisfaits jusqu'alors.
Au sein même des collectivités, la confrontation transversale des services a
permis d'enrichir les fonctionnements et d'améliorer l'intervention auprès du
public. Comme bon nombre de conseils régionaux et généraux, le conseil général
du Pas-de-Calais, que je préside, s'est engagé résolument et fortement dans ce
programme, les objectifs fixés étant progressivement atteints.
Aujourd'hui, les effets positifs apparaissent clairement en termes
d'amélioration des services, mais aussi et surtout de réelle satisfaction des
jeunes recrutés.
Pour avoir rencontré quelques-uns de ces accompagnateurs de démarches
administratives, de ces animateurs de randonnées, de ces médiateurs de la
petite enfance, employés soit par le département dans ses propres services,
soit dans les communes ou les associations, je puis vous assurer, madame la
ministre, que, loin de considérer leur emploi comme de peu d'intérêt, ces
jeunes se sont totalement impliqués dans ce qu'ils considèrent être un
véritable métier.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Absolument !
M. Roland Huguet.
Ils ont conscience d'apporter une véritable réponse aux personnes qui
s'adressent à eux. Ils s'attachent à se former le plus possible pour répondre
au plus près aux attentes.
Je me tourne maintenant vers mon collègue M. Gournac, dont j'admire la fougue
lorsqu'il intervient.
M. Alain Gournac.
Merci !
M. Roland Huguet.
S'il mettait cette fougue au service des mêmes opinions que moi, cela me
faciliterait d'ailleurs les choses !
(Rires.)
M. Jean Chérioux.
Il ne faut pas trop lui en demander !
M. Roland Huguet.
Ce matin, M. Gournac nous a donné un exemple d'emplois-jeunes.
Pour ma part, je suis allé voir des jeunes occupant ces emplois sur le terrain
avec des représentants de la presse, à qui j'avais, bien entendu, laissé toute
liberté de poser les questions qu'ils voulaient.
Un représentant de la presse, s'adressant à une jeune femme à qui l'on n'avait
pas non plus dit, bien sûr, ce qu'il fallait répondre, lui a demandé : « Vous
qui venez de nous dire que vous aviez une maîtrise et qu'on vous payait au
SMIC, ne vous sentez-vous pas dévaluée ? » Elle lui a répondu : « Monsieur,
c'est avant que j'étais dévaluée ; maintenant, je ne le suis plus, car j'ai un
emploi, et je vais m'efforcer, à partir de là, de rebondir. »
On pourra vérifier la véracité de mes dires dans la presse puisque le
journaliste en question s'est objectivement fait l'écho de cette interview.
M. le président.
Vous pourriez inviter M. Gournac, monsieur Huguet.
(Sourires.)
M. Roland Huguet.
C'est très volontiers que je l'invite à venir voir tous les jeunes qui
bénéficient d'un emploi-jeune dans mon département. Il choisira lui-même les
endroits où il veut aller. Je peux même l'inviter à déjeuner s'il le souhaite !
(Sourires.)
Un sénateur socialiste.
C'est trop !
M. Alain Gournac.
Quelle générosité !
M. Roland Huguet.
J'en reviens à mon propos.
Ces emplois-jeunes donnent un nouveau sens à la vie associative, développent
son action. De même, ils complètent parfaitement les services à la personne
dispensés par les collectivités. Par cet impact tant sur la vie sociale
quotidienne que sur le développement local, ils anticipent et préfigurent des
métiers solvables du futur proche, contribuant ainsi activement à la démarche
de pérennisation.
L'un des intérêts majeurs de ce programme, c'est son ouverture à tous les
niveaux de qualification. C'est ce qui a redonné espoir et possibilité
d'accéder à l'emploi à des jeunes ayant de réelles capacités mais butant pour
diverses raisons sur l'entrée dans le marché du travail. Je pense, par exemple,
aux emplois véritablement innovants occupés par des jeunes sans diplôme mais
porteurs d'une passion, d'un savoir-faire, dans des domaines comme
l'environnement. Ces activités, d'un intérêt indéniable pour chacun, mais non
solvables économiquement, ont pu être mises en place grâce à cette loi, et tout
le monde s'en félicite.
Pourtant, madame la ministre, ce qui constitue un atout nous oblige à être
particulièrement attentifs au devenir de ces emplois. C'est pourquoi je tiens à
attirer votre attention sur la nécessité de relancer, dans le cadre des
plates-formes régionales de professionnalisation, la validation des acquis pour
les jeunes ayant les plus bas niveaux de qualification. Ces derniers ont
souvent connu l'échec scolaire et trouvent dans leur emploi les ressources
personnelles nécessaires à un nouvel effort de formation. Cet effort doit
aboutir impérativement à la qualification.
Je pense qu'il conviendra, à cet effet, de réactiver la démarche de
certification de compétences professionnelles mise en sommeil depuis plusieurs
années.
Il en est de même pour la professionnalisation des métiers émergents, pour
lesquels il faudra bien définir les contenus et élaborer un programme de
formation.
Ce travail très important doit être engagé. Il donnera sa crédibilité au
programme et les moyens de pérennisation aux emplois. Mais je sais, madame la
ministre, que vous partagez ma pensée dans ce domaine ; votre budget en est la
preuve.
La deuxième grande loi à laquelle je faisais référence au début de mon propos
concerne l'aménagement et la réduction du temps de travail.
Les médias se sont focalisés sur quelques accords d'orientation de grandes
branches professionnelles aux contenus très différents, sans réellement rendre
compte de l'important mouvement de négociations lancé dans les entreprises.
Certains disent que le nombre de conventions signées cinq mois après la
publication de la loi est faible. Ce ne peut être que pour mettre en doute et
son efficacité et son utilité ! Car, chacun le sait, un bon accord suppose une
phase d'analyse initiale.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Absolument !
M. Roland Huguet.
La concertation et l'analyse prennent du temps. Le Gouvernement l'a bien
compris. C'est pourquoi il aide financièrement cette phase préparatoire
consacrée à la négociation. Pour cela, il faut, en effet, mettre en place une
ingénierie forte.
C'est ce que nous avons fait dans la région Nord - Pas-de-Calais, où une
action volontariste de soutien à la réflexion visant à la réduction du temps de
travail a été lancée depuis plusieurs années. Les assises pour l'emploi ont
permis de mettre en évidence et d'accompagner les premières mesures
d'application de l'aménagement du temps de travail, tout en apportant aux
entreprises et aux salariés l'amélioration attendue de ces modifications. La
région vient de contractualiser avec les organisations syndicales une aide à la
formation de leurs responsables afin de les former à l'information sur la loi,
de les aider, au sein des entreprises, à inciter à l'aménagement et à la
réduction du temps de travail ainsi qu'à élaborer les conventions.
Je considère, quant à moi, que le bilan actuel des 640 accords signés dans les
six premiers mois d'application, et qui ont pu mener à la création de 8 %
d'emplois supplémentaires dans les entreprises concernées, alors que la loi
n'en impose que six, est très encourageant et montre que la dynamique est
lancée.
L'année 1999 devra être mise à profit pour observer son accélération dans la
perspective de la préparation de la deuxième loi.
Mais certaines activités nécessitent plus que d'autres la mise en place d'un
accord collectif de branche en raison des contraintes particulières liées au
temps partiel. Je veux parler, par exemple, du transport public de voyageurs et
du problème particulier des coupures durant le temps de travail.
La situation dans ce domaine est complexe, car, faute de l'intervention de
l'accord avant fin décembre, les entreprises pourraient se voir contraintes
soit de suspendre les ramassages scolaires, soit d'en augmenter le prix dans
des proportions de l'ordre de 20 % à 30 %. La Fédération nationale du transport
de voyageurs, la FNTV, a sensibilisé bon nombre de collègues conseillers
généraux à ce sujet.
On peut, bien sûr, considérer que les accords collectifs de branche conclus
antérieurement à la loi du 13 juin 1998 demeurent applicables, dès lors qu'ils
respectent les nouvelles dispositions. C'est le cas pour le transport de
voyageurs, avec l'accord de branche de 1992.
Cependant, force est de constater que l'on ne négocie plus de contrats
d'intermittents. Le temps partiel est devenu un objet de flexibilité dans les
entreprises, parfois avec un nombre d'heures supplémentaires qui fait que, tous
comptes faits, l'activité du salarié approche un temps complet.
Cela pose un problème grave et m'amène à penser qu'il faut sortir rapidement
de cette situation qui fait peser actuellement des menaces sur l'exercice du
service public. Les partenaires doivent, sans tarder, engager une véritable
négociation. Dans cette profession, le temps partiel est une nécessité.
Cependant, les conditions d'exercice fractionné du temps de travail justifient
la mise en place de contreparties spécifiques, dans l'esprit de l'article 10 de
la loi.
Devant la multiplication des conflits, les organisations syndicales ont
formulé des propositions à la FNTV. La discussion n'est, cependant, toujours
pas ouverte. Il est urgent que les parties se rencontrent afin d'élaborer un
accord de branche étendu, correspondant aux véritables enjeux de la profession.
J'aimerais, madame la ministre, que vous apportiez une très grande attention à
ce problème.
Je vais aborder maintenant le troisième axe directeur de votre budget, à
savoir le renforcement de la solidarité envers les plus éloignés de l'insertion
professionnelle.
Le programme TRACE vise à amener les jeunes des quartiers en difficulté et des
zones rurales isolées à la qualification et à l'emploi grâce à un parcours
d'une durée adaptée à leur situation de l'ordre de dix-huit mois. Sont engagées
dans la mise en place de ce programme les missions locales et l'ANPE. L'impact
de cette mesure sera important. Les acteurs locaux n'en doutent pas, et déjà
ils se mobilisent pour l'appliquer. Des demandes d'ouverture de places
supplémentaires remontent des bassins d'emploi les plus exposés, alors que le
dispositif ne fait que démarrer.
Parallèlement, vous recentrez les dispositifs existants sur les publics
prioritaires. Ainsi, les 425 000 contrats emploi solidarité devraient profiter,
pour 80 % d'entre eux, à ces publics comportant un taux maximal d'aide à 95 %.
En outre, 60 000 contrats emplois consolidés seront mis en place, soit un
doublement par rapport à 1998, 70 % étant réservés aux publics les plus en
difficulté, et la prise en charge publique s'élevant à 80 % sur cinq ans. Il en
est de même pour les contrats initiative-emploi.
Je relève également qu'un effort important portera sur l'insertion par
l'économique, dont les crédits passent à 363 millions de francs en 1999.
Ces différentes enveloppes permettront de répondre pleinement aux objectifs
fixés par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.
Point extrêmement positif aussi que le rétablissement du dispositif d'aide à
la création d'entreprise sous la forme d'avance remboursable par les jeunes,
les allocataires du RMI et les titulaires de l'allocation de solidarité
spécifique ou bien encore de l'allocation de parent isolé.
Dans ce domaine, il importera de faire intervenir rapidement les textes
d'application, et ce notamment pour le dispositif EDEN, inscrit dans la loi
emplois-jeunes, dispsitif qui renforce la prise de responsabilité des jeunes
dans notre économie et les incite, lorsqu'ils le peuvent, à créer des
entreprises.
Comme vous le savez, madame la ministre, notre pays connaît actuellement un
recul sensible de la démarche de création. Ce programme devrait constituer un
réel moyen de relance.
Enfin, dans ce contexte de croissance amorcée, où près de 300 000 emplois ont
été créés en un an dans le secteur privé, le chômage de longue durée reste
dramatiquement stable. Souhaitons que le léger recul constaté sur un mois,
comme je le disais en début de mon propos, se confirme ; je pense, madame la
ministre, que les priorités que vous avez arrêtées y contribueront.
J'en viens maintenant au dernier point que je voulais relever tout
particulièrement, à savoir l'augmentation des moyens des services pour la
deuxième année consécutive.
Vous décidez de la création ou de la régularisation de trois cent quinze
emplois. La hausse programmée de 10,8 % des crédits de fonctionnement de l'ANPE
permettra le recrutement de cinq cents agents affectés au suivi des publics les
plus en difficulté, conformément aux engagements de la loi d'orientation
relative à la lutte contre les exclusions et du plan national d'action présenté
à Luxembourg en novembre 1997. Cet effort sera d'ailleurs accru dans les
prochaines années, comme vous venez de le confirmer il y a quelques jours.
Vous poursuivez également les politiques d'allégement de cotisations sociales
consenties aux employeurs, ce qui représente, au total, 80 milliards de francs.
Cet effort portera sur près de 40 % des emplois salariés, ce chiffre
relativisant, à mon sens, la demande, sans cesse réitérée, du patronat de
réduction massive des charges sociales.
Je note aussi avec satisfaction, madame la ministre, que le Gouvernement a
accepté de maintenir l'exonération de cotisations d'allocations familiales au
bénéfice des entreprises situées en zone de revitalisation rurale ainsi qu'aux
entreprises publiques concernées. Dans quelques instants, vous allez nous
proposer, par voie d'amendement, d'étendre cette mesure aux entreprises
nouvelles exonérées d'impôt sur les bénéfices ainsi qu'aux salariés,
occasionnels ou non, des exploitants agricoles. Ce sera, madame la ministre,
une excellente mesure.
Une action visant un impact structurel et les chiffres du chômage en
diminution sur le long terme confirment l'opportunité de vos choix. L'INSEE
indique qu'entre juin 1997 et septembre 1998 le nombre des demandeurs d'emploi,
selon la définition du Bureau international du travail, a diminué de 221 000,
retrouvant ainsi le niveau du début de l'année 1996.
Madame la ministre, la politique que vous développez a également une visée
préventive.
En effet, devant le constat que les plus de cinquante ans bénéficient le moins
de la baisse du chômage, vous décidez de peser sur les entreprises licenciant
des salariés de plus de cinquante ans. Nous savons tous la difficulté qu'il y a
à se réinsérer professionnellement à cet âge. Pour ce faire, vous proposez de
doubler la cotisation dite Delalande que doivent verser aux ASSEDIC les
entreprises procédant au licenciement de salariés de plus de cinquante ans,
selon des modalités progressives afin d'éviter tout effet pervers. Ainsi,
l'équilibre entre le coût d'un licenciement et celui d'une préretraite pour une
entreprise sera rétabli. Cela devrait éviter le drame du chômage à nombre de
salariés.
Cependant, la montée de l'intérim et du temps partiel reste une
caractéristique importante de la reprise. Le nombre des intérimaires a augmenté
de 83 000 entre mars 1997 et mars 1998. Ce sont les entreprises de plus de 200
salariés qui sont les plus créatrices de ce type d'emplois : plus 4,2 % contre
plus 1 % pour les autres. Or ces entreprises sont les plus à même d'offrir des
contrats à durée indéterminée.
Devant cette évolution préoccupante, vous venez de décider de réagir
préventivement en envisageant des mesures de nature à remener le recours à
l'intérim à un plus juste niveau.
Madame la ministre, nous retrouvons les mêmes orientations pour la formation
professionnelle. A structure constante, ce budget augmente de 5,3 % et atteint
26,42 milliards de francs en marquant une poursuite de l'effort en faveur de
l'alternance et en privilégiant les niveaux inférieurs au niveau V. Il
concentre les dispositifs en faveur des publics prioritaires avec le programme
TRACE, que j'ai déjà évoqué, concernant les jeunes en difficulté. Cette mesure
mobilisera l'ensemble des acteurs : les missions locales, les ANPE et les
conseils régionaux.
L'extension à titre expérimental du contrat de qualification aux adultes
demandeurs d'emploi de plus de six mois en difficulté d'insertion sociale et
professionnelle a pour objectif l'insertion durable sur le marché du travail.
Ce dispositif reçoit d'ailleurs déjà un accueil très favorable.
Vous poursuivez le recentrage de la formation professionnelle des adultes -
stages d'insertion et de formation à l'emploi et stages d'accès à l'emploi - en
direction des publics en difficulté que sont les chômeurs de longue durée, les
allocataires du RMI, les femmes isolées, eu égard aux bons résultats de
l'expérimentation sur les SIFE collectifs - stages d'insertion et de formation
à l'emploi - pour lesquels on constate que 40 % des stagiaires sont insérés six
mois après leur sortie de stage.
Vous donnez aux missions locales, permanences d'accueil, d'information et
d'orientation, les PAIO, et ateliers pédagogiques personnalisés - les moyens
d'assumer le suivi du programme TRACE et de répondre aux sollications qui se
multiplient en matière d'orientation, en renforçant leur dotation.
Vous augmentez de façon substantielle les moyens de fonctionnement de l'AFPA,
de près de 124 millions de francs, pour répondre aux nouveaux objectifs
assignés par le contrat de progrès, soit plus de 3 %. Cela devrait lui
permettre de réorienter son activité, d'avoir une gestion plus transparente,
surtout plus exigeante, et d'assurer une meilleure articulation avec l'ANPE.
Enfin, on constate une baisse du nombre de propositions de contrat
d'apprentissage des jeunes de niveau V ou inférieur de plus de 4 % au cours des
cinq dernières années de 78 % à 74 %.
Vous avez la volonté, madame la ministre, d'enrayer cette situation
préoccupante et, pour ce faire, vous proposez de limiter le bénéfice de la
prime à l'embauche aux jeunes apprentis de niveau VI, V
bis
et V ainsi
qu'aux jeunes de niveau classe terminale.
Je partage votre préoccupation, mais je m'interroge sur les conséquences de
cette réorientation sur le secteur des métiers.
M. Alain Gournac.
Moi aussi, c'est vrai !
M. Roland Huguet.
Celui-ci recrute, il est vrai, majoritairement des niveaux CAP et BEP.
Pourtant, la poussée de l'innovation et le développement technologique font
que, de plus en plus, ce secteur fait appel également à des niveaux IV et même
au-delà. Cela est d'ailleurs très souhaitable dans des domaines comme la
domotique et l'électronique et ne peut que faire évoluer positivement l'image
de l'apprentissage.
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
M. Roland Huguet.
C'est pourquoi je crains que cette mesure ne vienne enrayer cette évolution
vers le haut des niveaux dans l'artisanat. Ne pourrait-on envisager une
application plus sélective plutôt qu'une mesure de portée générale ? Mais il va
sans dire que je partage pleinement votre souci de relancer immédiatement
l'embauche d'apprentis de faible niveau et de stopper le mouvement actuel de
fort ralentissement de cette embauche.
Avec ce budget, madame la ministre, vous ancrez votre politique, vous
définissez des priorités fortes pour le développement de l'emploi et la lutte
contre le chômage - priorités inscrites dans la durée - et des mesures
d'ensemble qui vont à l'opposé de celles que nous avons trop longtemps connues
antérieurement.
En 1999, votre action sera guidée par deux nouveaux chantiers importants.
Le premier consistera à élaborer le Livre blanc de la formation
professionnelle, préalable à la réforme de la loi de 1971, et aura pour objet
de corriger les inégalités d'accès à la formation tout au long de la carrière
et de permettre l'adaptation aux évolutions d'une économie marquée par le
progrès technologique et le développement des nouveaux modes de communication.
Dans notre pays, 40 % de la population active actuelle a un niveau de formation
initiale inférieure au CAP. C'est pourquoi la formation sera, dans les
prochaines années, un levier essentiel de l'adaptation appelée à se développer
de façon importante.
Le second chantier sera l'élaboration de la deuxième loi sur la réduction du
temps de travail à la lumière des résultats de la démarche de négociation en
entreprises et dans les branches professionnelles.
Ces deux réformes marqueront sans aucun doute l'évolution du monde du travail,
son organisation mais aussi les relations dans notre société. Elles
constitueront les enjeux majeurs pour le futur.
Dans ces conditions, vous comprendrez aisément, madame la ministre, que le
groupe socialiste de la Haute Assemblée approuve sans réserve votre projet de
budget et souhaite votre réussite dans la lutte absolument prioritaire que vous
avez engagée contre le chômage, premier problème à résoudre dans notre pays et
qui devrait tous ici nous rassembler. Je déplore, après ce que j'ai parfois
entendu, notamment ce matin, que tel ne soit pas le cas.
(Applaudissements
sur les travées socialistes.)
(M. Paul Girod remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, la progression des crédits du budget de l'emploi pour 1999 est
de 4 %. Pour moi, ce n'est pas un motif de satisfaction. Non pas que j'aurais
voulu plus ou moins, mais parce que ce projet de budget traduit, à mon sens,
une mauvaise politique de l'emploi.
M. René-Pierre Signé.
Ça y est !
M. André Jourdain.
Certes, les solutions miracles n'existent pas, mais, pour autant, je ne crois
pas que la création des emplois-jeunes, qui représente une dépense de 35
milliards de francs par an, soit une réponse pertinente au chômage des jeunes.
Du reste, le bilan de ces prétendus « nouveaux emplois » est assez mitigé : 128
000 au total, dont 35 000 sont affectés à l'éducation nationale, c'est
nettement moins que ce que vous annonciez.
M. René-Pierre Signé.
C'est nettement plus que ce que vous avez fait !
M. André Jourdain.
Encore une fois, je regrette vivement que ces contrats ne puissent pas être
étendus aux entreprises, sous certaines conditions, cela va de soi. Je pense
notamment aux
start up,
ces petites entreprises en phase de démarrage
dont le créateur doit assumer seul toutes les fonctions. En effet, dans la
majorité des cas, il ne dispose pas de fonds suffisants pour pouvoir embaucher
et former du personnel. Il lui est même parfois impossible de se verser un
salaire et, à plus forte raison, d'en servir un deuxième ! En outre, depuis la
suppression de l'ACCRE, aucun dispositif efficace n'a été mis en place pour
aider ces entreprises.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est vous qui l'avez supprimée
!
M. André Jourdain.
Par ailleurs, l'extension des emplois-jeunes à ce type d'entreprises
permettrait aux jeunes d'acquérir une véritable expérience professionnelle dans
le secteur privé et, par conséquent, de s'insérer durablement dans la vie
active.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. André Jourdain.
En effet, nous ignorons actuellement quel sera leur avenir au terme des cinq
années passées dans ces emplois. Je suis pour ma part assez pessimiste quant à
leur future place dans notre société.
M. Alain Gournac.
Moi aussi !
M. André Jourdain.
En effet, sans formation ni expérience reconnues par le marché du travail, que
deviendront-ils ? J'aimerais connaître, madame le ministre, votre analyse sur
cette question.
Je voudrais également aborder la loi des trente-cinq heures, en particulier ce
qu'il est convenu d'appeler son second volet. En effet, un certain nombre de
questions, et non des moindres, demeurent en suspens.
Ainsi, nous ne savons toujours pas si un second SMIC sera mis en place. Nous
ignorons également comment seront appréhendées les heures supplémentaires,
comment sera appliquée la loi pour les cadres...
C'est donc dans un contexte totalement flou et incertain que doivent se faire
les négociations en entreprise. On comprend alors pourquoi, dans certains
accords, comme ceux de la métallurgie ou du textile, aucun engagement n'est
pris en matière de créations d'emplois. Du reste, les négociations portent
surtout sur l'annualisation du temps de travail et le contingentement d'heures
supplémentaires car les entreprises sont bien obligées de trouver une
compensation aux trente-cinq heures.
D'une manière générale, le cadre extrêmement strict de cette loi confisque le
dialogue social en le vidant de son contenu. La loi a enfermé la négocation
dans un carcan étroit, négociation qui est en outre soumise à votre censure,
madame le ministre, qui jugez des bons et mauvais accords.
Les entreprises ont le sentiment d'être bafouées, tandis que les salariés ne
savent pas très bien à quoi s'en tenir. La question de la compensation
salariale, là encore, est laissée en suspens.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. André Jourdain.
Enfin, s'agissant des emplois que cette loi prétend sauvegarder, voire créer,
je crois qu'elle n'aura pas les conséquences que vous attendez. L'augmentation
des coûts salariaux est en effet inévitable, que la réduction du temps de
travail soit compensée ou non.
Vous négligez les solutions simples et qui ont fait leur preuve, comme
l'allégement des charges sociales, pour privilégier une voie unique et, de ce
fait, inadaptée à des situations très diverses.
Pourquoi ne pas avoir permis de favoriser l'aménagement du temps de travail
négocié, entreprise par entreprise ? Cette voie était certainement plus
réaliste, plus adaptée à la réalité des entreprises. Elle permettait en outre
d'éviter des recours trop nombreux aux heures supplémentaires, même si
celles-ci demeurent indispensables en cas de supplément d'activité. J'aimerais,
là encore, connaître votre opinion sur la question de l'annualisation du temps
de travail.
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. André Jourdain.
S'agissant de la formation professionnelle, nous sommes nombreux, sur ces
travées, à déplorer les dispositions de l'article 80 qui suppriment la prime
d'embauche pour les formations au-delà du CAP et du BEP. Cette mesure va
limiter considérablement le développement de la formation en alternance alors
que tout devrait être fait pour la favoriser.
Par ailleurs, vous créez un nouveau prélèvement sur les fonds de l'alternance.
Lors de la discussion du dernier projet de loi portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier, j'avais déjà déploré que les prélèvements
exceptionnels deviennent un moyen de régulation budgétaire. J'attends donc avec
impatience la réforme du financement de la formation professionnelle, annoncée
depuis un certain temps déjà... Mais si c'est comme l'article 80 en montre la
voie, pour limiter la formation en alternance, il vaut mieux attendre.
M. Alain Gournac.
Ah !
M. André Jourdain.
Je souhaite aborder maintenant un sujet qui me tient particulièrement à coeur,
celui du multi-salariat ou travail à temps partagé.
Voilà quelques mois, j'ai déposé une proposition de loi afin de définir un
statut juridique pour les multisalariés. Ce statut concerne de plus en plus de
salariés et d'entreprises.
Pour les salariés, un tel statut leur permettrait d'organiser, de choisir leur
temps d'activité au service de plusieurs employeurs, à la différence du temps
partiel qui est effectivement généralement subi. Ce serait un autre mode de vie
au travail, fondé sur l'autonomie et l'acquisition de compétences
simultanées.
Pour les entreprises, le temps partagé ouvre la possibilité d'accéder à des
compétences qui lui sont indispensables, mais qui ne requièrent pas un travail
à temps plein. Elles peuvent par ce biais engager des collaborateurs de haut
niveau à la hauteur de leurs besoins.
Mon objectif, c'est de permettre d'accroître la compétitivité de nos
entreprises, surtout des petites, par cette nouvelle forme de travail.
J'aimerais connaître également votre avis et vos projets éventuels en la
matière, madame le ministre.
En conclusion, monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur la
politique de l'emploi fondée sur une stratégie défensive, qui consiste
uniquement à vouloir redistribuer l'emploi ou à le financer par des fonds
publics. Je ne peux qu'être hostile à une politique marquée par un esprit
d'assistance et non pas par un esprit d'offensive et de dynamisme,...
M. René-Pierre Signé.
Et vous, qu'avez-vous fait ? C'est scandaleux.
M. André Jourdain.
... ce qui hypothèque largement l'avenir.
Partageant totalement l'analyse de nos excellents rapporteurs, Mme Annick
Bocandé, M. Louis Souvet et M. Joseph Ostermann, je voterai contre le projet de
budget que vous nous présentez et pour les amendements qui seront proposés par
la commission des finances.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur avec Mme Nicole Péry de
présenter à votre assemblée les crédits de l'emploi et de la formation
professionnelle pour 1999.
Ce projet de budget traduit la priorité essentielle du Gouvernement : lutter
contre le chômage et contre les exclusions, en s'appuyant effectivement, comme
M. Roland Huguet en particulier l'a souligné, sur les grands textes votés par
le Parlement depuis un an et portant sur les emplois-jeunes, la réduction du
temps de travail, la prévention et la lutte contre les exclusions.
Ce projet de budget s'appuie aussi sur une dynamique de mobilisation, des élus
notamment. A cet égard, je me réjouis que, sur le terrain, les pratiques des
élus diffèrent des discours tenus ici, notamment sur les emplois-jeunes. Le
Gouvernement s'appuie aussi sur les acteurs de terrain, sur les partenaires
sociaux et, bien entendu, sur le service public de l'emploi, qui sera très
largement conforté par ce budget.
Je voudrais tout d'abord, mesdames, messieurs les sénateurs, en première
réponse aux analyses de votre rapporteur spécial, réaffirmer que, pas plus que
lui, je ne considère la croissance quantitative d'un budget comme une fin en
soi, ni comme un critère d'excellence des choix budgétaires. Nous sommes bien
d'accord pour dire que faire un budget, c'est passer au crible les contraintes
qui semblent inévitables et, effectivement, définir des priorités.
Nous avons fait des choix, défini des priorités et dégagé des marges de
manoeuvre grâce au redéploiement d'un certain nombre de crédits. Ainsi, sur 17
milliards de francs de mesures nouvelles, 13 milliards de francs résultent de
redéploiements ; je remercie M. Ostermann de l'avoir souligné.
La croissance substantielle du projet de budget qui vous est présenté est
finalement supérieure à la croissance du budget global, puisqu'elle atteint 4
%.
Je m'en réjouis car, comme M. Fischer l'a dit, ce secteur représente la
priorité du Gouvernement. Je précise, bien évidemment, que nous avons essayé de
bien utiliser les crédits qui nous sont confiés par les Français.
Si la politique menée par le Gouvernement et les priorités qu'il affiche sont
les plus mauvaises - à en croire du moins les critiques que j'ai longuement
entendues ce matin - elles apportent en tout cas des résultats : 300 000
emplois créés en un an, 182 000 chômeurs de moins, diminution de 15 % du
chômage chez les jeunes et, très récemment - M. Huguet l'a dit - décrue du
chômage de longue durée et réduction de l'ordre de 26 % des licenciements
économiques.
C'est peut-être l'inverse de ce qu'il fallait faire, mais je ne doute pas que
les Français apprécieront ces résultats !
Il faut avoir le courage de dire très simplement aujourd'hui, comme Fischer a
eu raison de le rappeler, que la croissance est un processus inégalitaire qui
crée d'abord de la précarité.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, sans nier la légitimité des
contrats à durée déterminée et les justifications des missions de travail
temporaire qui répondent à de réels besoins - lancement d'un nouveau produit,
surcroît temporaire d'activité, utilisation d'une nouvelle machine,
remplacement des absents - compte bien, si les partenaires sociaux ne
souhaitent pas s'en saisir eux-mêmes, faire en sorte que l'emploi précaire ne
devienne pas le mode permanent de gestion de l'emploi. Or, certains secteurs
comptent aujourd'hui en permanence 10 %, 15 %, 20 %, voire 25 % de salariés
sous contrat précaire.
Ce n'est bon ni pour les entreprises ni pour les salariés et, en tout cas,
cela a un coût pour la collectivité.
Après une concertation qui sera menée, avant Noël, avec les partenaires
patronaux et syndicaux et en fonction des intentions de ces derniers, le
Gouvernement prendra ses responsabilités en la matière. Sur ce point également,
je rejoins donc M. Fischer.
La croissance est importante et il fallait la relancer. Mais nous savons
qu'elle ne peut pas tout. Nous devons donc mettre en place des mesures
structurelles pour la rendre plus créatrice d'emplois et mobiliser les
mécanismes d'insertion dans l'emploi pour aider ceux qui sont les plus éloignés
du coeur de notre société.
Nos priorités, sont, en premier lieu, les politiques structurelles qui ont
donné lieu à des lois votées, au cours des derniers mois par la majorité du
Parlement.
Il s'agit, d'abord, de l'aide à la réduction de la durée du travail.
Plusieurs orateurs ont fait état de leurs doutes sur ce sujet. Certains ont
dit, tout à la fois, qu'ils ne croyaient pas à la réduction de la durée du
temps de travail et qu'ils s'étonnaient que les crédits mis en place par l'Etat
soient insuffisants ; cela me paraît pour le moins contradictoire. Ils ont fait
part de leurs doutes quant à la mise en place du dispositif.
Devant le Sénat, je tiens à dire comment je vois le déroulement du processus
de la réduction de la durée du travail sur le terrain.
Aujourd'hui, 20 % des entreprises négocient, 3 % à 4 % ont déjà signé un
accord, 20 % ont déclaré qu'elles allaient démarrer les négociations dans les
semaines qui viennent, enfin 30 % sont en train d'analyser les conditions de
cette négociation.
Dans les entreprises françaises où l'on négocie, pour la première fois - et je
suis heureuse de les entendre le reconnaître - des chefs d'entreprise disent
clairement ce dont ils ont besoin pour que l'entreprise fonctionne mieux en
termes de compétitivité, par rapport au marché et par rapport aux clients :
meilleure utilisation des équipements, plus large ouverture des services à la
clientèle, modulation des horaires pour prendre en compte une certaine
saisonnalité. En face, des salariés disent aussi comment ils veulent mieux
travailler, dans des conditions de travail meilleures, plus qualifiantes, leur
permettant de progresser dans leur carrière professionnelle et, en même temps,
plus en adéquation avec leur vie familiale.
Enfin, les uns et les autres - je le constate lors de chacune de mes visites
dans des entreprises qui ont signé des accords sur la durée du travail - ont la
fierté de faire entrer des chômeurs dans l'entreprise.
Certains intervenants ont critiqué les résultats d'aujourd'hui. Pourtant, à
peine quatre mois après le vote de la loi, dont deux mois d'été, plus de 765
accords ont été signés, ce qui représente une augmentation des effectifs de 8 %
en moyenne, soit une hausse supérieure aux 6 % prévus par la loi. Je rappelle
que la loi Robien, dix-huit mois après son adoption, n'avait engendré la
signature que de 500 accords, malgré une aide qui était beaucoup plus
importante.
Personnellement, ce qui m'intéresse plus encore, c'est le mouvement qui
s'engage. A ce titre, comme M. Huguet, je me réjouis que certains conseils
régionaux appuient notre démarche, particulièrement, et d'une manière
exemplaire, je le relève, la région Nord - Pas-de-Calais, qui nous est chère à
tous les deux.
En ce qui concerne les accords de branche - je réponds là à M. Jourdain - il
me paraît difficile de dire que la réglementation sur la durée du travail est
un carcan, qu'elle est stricte et, dans le même temps, qu'elle est floue et
qu'on ne sait pas comment négocier. Il faut choisir ! On ne peut pas nous
reprocher une chose et son contraire.
La vérité, c'est que cette loi fait confiance à la négociation, qu'elle a fixé
un cap. J'aurais préféré que la négociation fixe elle-même ce cap, comme en
Allemagne et aux Pays-Bas. Mais, en France, c'est ainsi, il faut que l'Etat,
décide.
Les négociations ont désormais lieu et, comme je l'ai dit, elles sont un
moment fort dans la vie des entreprises.
Pour ce qui est des accords de branche, personne ne peut prétendre qu'ils ne
m'intéressent pas. Il ne me paraît cependant pas anormal qu'on ne puisse pas
fixer des montants de créations d'emplois au niveau des branches. Si tel était
le cas, le système n'aurait rien à voir avec le système dans lequel nous
vivons, et chaque entreprise se verrait signifier par une fédération
professionnelle qu'elle doit créer tant d'emplois.
Les accords de branche me paraissent avoir un intérêt pour inciter à la
négociation, pour ouvrir des voies, pour proposer des solutions, comme la
Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment l'a fait
pour l'artisanat du bâtiment en proposant aux petites entreprises quatre
solutions pour réduire la durée du travail à 35 heures.
Les accords de branche me paraissent donc intéressants, dès lors qu'ils
incitent effectivement à appliquer la loi.
M. Souvet m'a reproché de faire des commentaires sur ces accords. Je suis
étonnée qu'un parlementaire me reproche de dire qu'un accord est contraire à
une loi. Nous sommes en effet tous ici pour affirmer que les lois qui ont été
votées par le Parlement doivent être appliquées par la nation, et, lorsqu'un
accord est contraire à cette loi, il me paraît de la responsabilité du ministre
compétent de le dire. Je pense m'être contentée d'agir ainsi.
En revanche, je partage l'avis de M. Jourdain sur le fait que nous devons
étudier la question de l'emploi partagé. J'ai d'ailleurs demandé à M. Michel
Praderie, qui m'a remis un rapport il y a très exactement quarante-huit heures,
de travailler sur les groupements d'employeurs. Il s'agit de rendre ce
dispositif plus flexible, plus facile à mettre en place, notamment dans les
petites entreprises, dans le commerce et l'artisanat. Il s'agit aussi de
permettre aux salariés qui le souhaitent de travailler dans plusieurs
entreprises dans de meilleures conditions.
Je compte tirer de ce rapport, dès la discussion du projet de loi portant
diverses mesures d'ordre social si des modifications législatives sont
nécessaires, un certain nombre de réponses qui peuvent permettre effectivement
de développer l'emploi partagé, dès lors qu'il est choisi et non pas subi.
A propos de la durée du travail, M. Ostermann a critiqué le calibrage du
financement des trente-cinq heures, sans que je comprenne s'il y avait trop ou
pas assez de crédits.
Comme l'année dernière, nous avons inscrit des crédits provisionnels car ni
vous, ni nous ne sommes capables de dire combien d'entreprises signeront un
accord.
Les 3,5 milliards de francs qui sont affectés à l'aide incitative seront
complétés par les reports de la provision de 1998. La loi ayant été votée plus
tardivement que prévu, il y aura des reports.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Reste à savoir combien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je ne suis pas devin ! Je ne
connais pas le nombre d'accords qui seront signés avant la fin de l'année.
Toutefois, dans la mesure où vingt-huit jours nous séparent de la fin de
l'année, nous serons fixés très rapidement.
De toute façon, si le mouvement de réduction de la durée du travail est ample,
s'il génère des emplois, l'aide de l'Etat étant liée à la création d'emplois,
je pense que nous serons unanimes pour considérer qu'il faut augmenter les
crédits et adopter un collectif.
En ce qui concerne la répartition du coût des exonérations entre la sécurité
sociale et l'Etat, j'ai été amenée à dire, pas plus tard qu'hier, devant la
Haute Assemblée, que le Gouvernement, comme il s'y était engagé, discuterait à
mi-année de cette répartition avec les partenaires patronaux et syndicaux.
C'est au regard de ce premier bilan que nous déciderons de la part de réduction
des cotisations sociales qui sera prise en charge par le budget de l'Etat et de
celle qui pourrait être supportée par la sécurité sociale.
J'en viens aux emplois-jeunes.
Nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, n'y croyaient pas. Je
tiens à dire qu'à la fin du mois de novembre 152 750 emplois-jeunes ont été
créés et que plus de 110 000 jeunes occupent effectivement un emploi, dont 54 %
dans des collectivités locales et des associations.
Comme l'a dit M. Souvet, les collectivités locales et les associations ont
pris le relais de l'éducation nationale et de la police. Elles ont commencé
lentement. Mais peut-être ont-elles ainsi pu répondre au souhait de M. Clouet :
vérifier la qualité des emplois créés et ne pas créer des emplois de
fonctionnaires
bis.
Personnellement, les critiques que j'ai entendues portaient non pas sur le
laxisme de l'Etat mais, bien au contraire, sur l'application trop stricte des
règles et sur le refus des emplois qui ne correspondraient pas véritablement à
de nouveaux besoins.
A cet égard, je dois dire que j'ai été assez étonnée des critiques émises par
M. Gournac. Une enquête vient d'être réalisée, non par le ministère, mais par
un institut extérieur, auprès des bénéficiaires emplois-jeunes : plus de 90 %
d'entre eux se disent très satisfaits.
Mes visites sur le terrain me conduisent, comme M. Huguet, à rencontrer des
jeunes qui sont contents non seulement d'avoir un emploi, mais aussi de l'avoir
pour cinq ans ! En effet, hormis les sénateurs, peu de gens sont sûrs de garder
leur emploi au-delà de cinq ans !
(Sourires.)
M. Alain Gournac.
Et encore !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Moi-même, je ne suis pas sûre
d'être encore là dans cinq ans !
Par conséquent, le fait, pour ces jeunes, d'avoir effectivement, cinq ans
devant eux pour se professionnaliser et pérenniser leur emploi est tout à fait
essentiel par rapport à ce qui existe aujourd'hui.
J'en viens maintenant à la formation. Elle est essentielle. Mais la formation
pour la formation n'a pas grand sens. Mettre des jeunes en formation, c'est
facile ; tout le monde sait faire ! Il faut, dans ce domaine, s'assurer qu'il
s'agit bien de métiers d'avenir, que les filières de formation peuvent
effectivement préparer aux métiers de demain.
Ce travail est aujourd'hui poursuivi au sein des plates-formes de
professionnalisation régionales après avoir été préparé avec l'ensemble des
ministères, secteur par secteur - culture, environnement, sécurité... - afin de
cerner les métiers de demain et de vérifier comment il est possible de les
professionnaliser.
Là encore, il faut faire preuve de sérieux. Ces jeunes ont droit à une
formation qui soit digne de ce nom, c'est-à-dire qui leur permette non
seulement d'avoir un vrai métier, mais de le poursuivre dans l'avenir !
S'agissant de la pérennisation - je réponds là à M. Jourdain - je suis
heureuse de constater - et encore la semaine dernière en Dordogne - qu'un
certain nombre de jeunes ont d'ores et déjà réussi, grâce aux clients qu'ils
ont trouvés, à financer leur propre emploi et qu'ils envisagent même de se voir
accompagnés par d'autres. Ce travail de recherche de nouveaux clients sera plus
aisé au fur et à mesure que les services rendus apparaîtront à nos concitoyens
comme étant de bonne qualité.
Je partage complètement le point de vue de M. Fischer selon lequel les jeunes
des quartiers en difficulté comme ceux des zones de revitalisation rurale
doivent être prioritaires pour les emplois-jeunes. Quand on veut le faire, on
peut le faire !
A cet égard, pardonnez-moi de citer à nouveau l'exemple de Lille, mais nous
avons réussi à créer dans cette ville 250 emplois, dont 81 % pour des jeunes
provenant de quartiers en difficulté. Cela prouve bien qu'on peut le faire
quand on veut ! Cela a été fait aussi en Seine-Saint-Denis, et j'espère que les
maires, puisque ce sont eux, en règle générale, qui sont concernés, entreront
dans cette logique.
Troisième élément de cette politique majeure en matière d'emploi après les
emplois-jeunes et la réduction de la durée du travail : la baisse des charges
sociales sur les bas salaires.
Je ne ferai que redire ici ce qui a déjà été dit.
Le Gouvernement s'est engagé, à la suite de l'adoption d'un amendement à
l'Assemblée nationale, à déposer au cours du premier semestre de 1999 un projet
de loi reprenant le dispositif de la ristourne dégressive afin, je l'espère, de
l'élargir et de le rendre plus juste. Il ne doit pas être une « trappe » à bas
salaires, comme c'est le cas aujourd'hui. Par conséquent, réduire les charges
qui pèsent sur l'emploi, oui, mais à condition qu'il y ait des contreparties en
matière d'emploi. Telle est la logique qui est la nôtre.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous reprenez nos idées !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non, je ne reprends pas vos
idées, car la ristourne dégressive coûte aujourd'hui 43 milliards de francs,
soit beaucoup plus - le double ! - que les emplois-jeunes et la réduction de
la durée du travail réunis. Or, jusqu'à preuve du contraire - et je cite là les
chiffres qu'avait donnés M. Barrot -, ce dispositif n'a permis de créer que 40
000 emplois, et ce pour un coût de 45 milliards de francs. Vous reconnaîtrez
avec moi que c'est bien coûteux, et quand je vous entends critiquer les
emplois-jeunes et la réduction de la durée du travail, je ne comprends pas que
vous n'adoptiez pas le même raisonnement s'agissant de la ristourne dégressive
!
La deuxième priorité est de mettre l'accent sur les mesures destinées aux
personnes les plus éloignées de l'emploi, celles qui aujourd'hui, malgré le
retour de la croissance, resteraient autrement sur le bord du chemin.
Nous avons tout d'abord renforcé ou créé des dispositifs adaptés pour répondre
aux besoins de ces adultes ou de ces jeunes les plus éloignés de l'emploi. Je
ne reviendrai pas sur les détails, car vous les connaissez, nous en avons
largement parlé lors de l'examen de la loi d'orientation relative à la lutte
contre les exclusions.
Là encore, certains s'étaient demandés si le Gouvernement respecterait ses
engagements. Dans le projet de budget de cette année, nous avons tenu compte de
l'ensemble des engagements que nous avions pris lors du vote de la loi dont je
parlais : la création d'un contrat emploi consolidé pour 60 000 personnes
financé à 80 % par l'Etat et pour une durée de cinq ans pour ceux qui ne
pourraient pas sortir du RMI ou des revenus de solidarité sans ce type d'emploi
; l'élargissement du contrat de qualification aux adultes sans qualification,
dont Nicole Péry s'occupe et pour lequel certaines professions ont déjà signé
des accords ; un programme TRACE pour les jeunes très éloignés de l'emploi, qui
concerne déjà 10 000 d'entre eux, qui en concernera 40 000 en 1999 et qui est
destiné à les mener vers la qualification et l'emploi.
Tels sont les outils nouveaux, auxquels nous devons ajouter le renforcement
des outils traditionnels ; je pense notamment à l'insertion par l'économique,
dont les moyens budgétaires seront doublés, qu'il s'agisse des structures
d'insertion par l'économique ou des plans locaux d'insertion par l'économique.
Je pense aussi - certains d'entre vous l'ont souligné à juste raison - à
l'appui à donner aux jeunes et aux bénéficiaires de minima sociaux pour qu'ils
créent leur entreprise. Le texte concernant ce mécanisme d'aide est
actuellement examiné par le Conseil d'Etat et devrait, je l'espère, être publié
avant la fin de l'année.
Il faut aussi renforcer et recentrer les dispositifs classiques vers ces
publics en grande difficulté.
Je commencerai par les contrats emploi-solidarité, en rassurant M. Joly : pour
moi, il ne s'agit évidemment pas de contrats de seconde zone.
Si l'Etat s'investit d'une façon aussi importante en termes de financement,
c'est bien pour aider les personnes qui, sans de tels contrats, ne trouveraient
pas un emploi, public ou privé. Le recentrage que j'ai réalisé à cet effet dès
mon arrivée au ministère a permis de faire passer la proportion des
bénéficiaires chômeurs de longue durée et RMIstes de plus d'un an de 56 % en
1997 à 67 % actuellement. J'espère que nous atteindrons 75 % en 1999.
Nous retrouverons ainsi la vocation initiale des contrats emploi-solidarité,
qu'il n'est pas, bien évidemment, question de supprimer. Au contraire, il faut
les recentrer sur les personnes qui en ont le plus besoin. Nous procédons de
même pour les contrats initiative-emploi ainsi que pour les offres de
formations et de stages pour les chômeurs de longue durée et, plus
généralement, pour les chômeurs.
Globalement, ce sont 120 000 actions complémentaires qui sont proposées dans
le projet de budget pour 1999 en faveur des chômeurs de longue durée, des
RMIstes, des personnes âgées de plus de cinquante ans ou des personnes
handicapées. Il s'agit donc bien d'un budget axé sur ceux qui en ont le plus
besoin, ceux qui aujourd'hui, malgré la croissance et les créations d'emplois,
resteraient au bord de la route si nous ne décidions pas en leur faveur un
soutien tout particulier. C'est pourquoi nous avons souhaité le faire de
manière très forte.
Nous facilitons les transitions des minima sociaux vers l'emploi. Vous avez
connaissance de la récente réforme qui est entrée en application le 1er
décembre et qui permettra le cumul des minima sociaux et d'un salaire pendant
un an, cumul intégral pendant trois mois et à 50 % pendant les neuf mois
suivants.
Avant d'aborder, pour conclure, les moyens du ministère du travail, je
voudrais d'un mot rassurer M. Fischer sur les préretraites.
Les crédits consacrés aux préretraites baissent de manière assez considérable
dans ce budget, c'est vrai, mais pour plusieurs raisons.
D'abord, beaucoup de personnes qui étaient entrées en préretraite à l'époque
où les licenciements étaient nombreux arrivent aujourd'hui à l'âge de la
retraite et quittent donc le dispositif. Le stock diminue de manière
considérable, et plus de la moitié de la réduction constatée est liée à ce
phénomène.
Ensuite - et heureusement ! - la croissance revenue entraîne une réduction des
licenciements qui ont baissé de 26 % depuis juin 1997, et donc des
préretraites.
En outre, j'ai souhaité, dès mon arrivée, que les préretraites soient
accordées de manière privilégiée dans les secteurs en grande difficulté, dans
les entreprises en difficulté et dans les régions en difficulté, considérant
que ce n'est pas à l'Etat de payer les restructurations d'entreprises qui ont
les moyens par ailleurs de financer, par exemple, des reclassements ou la
formation des salariés. Cela aussi explique une partie de cette réduction.
Enfin, j'ai augmenté la part de contribution des entreprises au Fonds de
préretraite, de sorte que, globalement, ce ne sont pas les salariés qui vont
faire les frais de cette réduction de crédits. Ce sont bien les entreprises,
lorsqu'elles le peuvent, qui contribueront plus à des préretraites, dispositif
que, encore une fois, l'amélioration de la situation de l'emploi rend un peu
moins nécessaire cette année que les années passées.
Je veux aussi dire à M. Fischer que le Gouvernement n'a pas renoncé à
légiférer en matière de licenciement.
A cet égard, je poursuis actuellement avec Mme Péry une réflexion qui
s'ordonne selon trois axes : d'abord, la prévention des licenciements ;
ensuite, l'amélioration forte et le contrôle des plans sociaux ; enfin, le
soutien et le suivi des personnes privées d'emploi à la fois en termes de
reclassement et en termes de formation.
Je suis convaincue que certaines des propositions que nous formulons
nécessiteront effectivement des modifications législatives, et je tiens à le
redire devant vous.
De manière plus précise, nous consultons à l'heure actuelle les partenaires
sociaux afin de renforcer le dispositif de la contribution, dite contribution
Delalande, que doivent verser les entreprises aux ASSEDIC lorsqu'elles
licencient un salarié de plus de cinquante ans. Aujourd'hui, le coût de cette
contribution est en effet deux fois moins élevé que celui de la préretraite, ce
qui a pour résultat d'accroître les licenciements des salariés de plus de
cinquante ans alors même qu'ils ont, nous le savons, très peu de chances de
retrouver un emploi.
Par ailleurs, le Gouvernement accueillera favorablement la proposition de loi
déposée par le groupe communiste à l'Assemblée nationale - elle viendra en
débat le 10 décembre - visant à étendre la contribution Delalande aux
conventions de conversion.
Je rappelle que ce projet de budget intègre bien évidemment l'ensemble des
améliorations des minima sociaux qui ont été décidées et annoncées par le
Gouvernement.
J'en termine en évoquant les mesures substantielles contenues dans le projet
de budget en vue de renforcer les moyens du service public de l'emploi.
Nous savons très bien que ces structures ministérielles ont, en règle
générale, moins de moyens que d'autres alors qu'elles voient arriver l'ensemble
des personnes en grande difficulté. Après une année où les fonctionnaires ont
beaucoup travaillé, au niveau central comme au niveau local, non seulement pour
préparer les textes de loi, mais aussi pour les faire appliquer, nous nous
devons de répondre aux demandes qui sont faites, avec juste raison, en ce qui
concerne les moyens tant quantitatifs que financiers de nos services.
Aussi la subvention de l'ANPE augmentera-t-elle de 11 % cette année. Cette
agence disposera ainsi de 1 000 agents supplémentaires, dont 500 ont été
recrutés par anticipation en 1998. C'est absolument essentiel si nous voulons
que les chômeurs de longue durée et les détenteurs de revenus de solidarité
soient non seulement reçus, mais accompagnés dans leur recherche d'emploi et de
qualification, dans le cadre restant du programme « nouveaux départs ».
Ce programme concerne d'ores et déjà 55 000 chômeurs de longue durée et
RMIstes qui ont été reçus depuis un mois pour le lancement du processus. Il
devrait toucher 850 000 personnes en 1999, conformément aux engagements que la
France a pris au Luxembourg.
Je laisse le soin à Nicole Péry de vous préciser les moyens mis en oeuvre pour
l'AFPA et pour les missions locales et les permanences d'accueil, d'information
et d'orientation, que nous confortons parce qu'elles auront à gérer le
programme TRACE. Nous proposerons 450 emplois cofinancés par les collectivités
locales qui le souhaiteront.
Je n'oublie pas le ministère.
Les moyens en personnel seront renforcés à la fois par la création de 140
postes de contrôleur et de 10 postes d'inspecteur du travail en plus des 15
postes créés en 1998.
J'ai souhaité, cette année, porter un effort particulier sur la situation des
agents de catégorie C - dont beaucoup, dans ce ministère, remplissent en fait
des missions relevant de la catégorie B - à la fois par des mesures
substantielles de repyramidage du corps et d'augmentation de l'enveloppe des
primes.
Enfin, il nous faut résorber les emplois précaires. Le projet de budget pour
1999 termine l'intégration des coordonnateurs emploi-formation par la création
de 185 emplois budgétaires et la poursuite de la titularisation des agents
précaires relevant du plan Perben. Nous sommes le ministère le plus avancé dans
cette voie ; je m'en réjouis parce qu'il nous faut combattre la précarité
partout, y compris chez nous, et je pense que M. Fischer me comprend bien.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les remarques que je
souhaitais faire.
M. Clouet nous a dit qu'il apporterait un soutien sans enthousiasme au projet
de budget amendé par les rapporteurs : je le comprends car, une fois les
amendements votés, il ne restera plus rien dans ce budget !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est une vision complètement caricaturale ; nous en
ferons la preuve !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si l'on supprime la formation
professionnelle, les emplois-jeunes, la réduction de la durée du travail et la
lutte contre l'exclusion, il ne reste effectivement qu'un budget
croupion,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Voyons !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... qui montre peut-être le
sens de la priorité que vous souhaitez accorder à l'emploi !
En tout cas, hormis des critiques, je n'ai entendu aucune proposition qui
permette un véritable débat démocratique. Pour nous, la priorité, c'est
l'emploi. Les résultats, je crois, commencent à le montrer et les Français
apprécieront !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous n'écoutez pas ce qui n'est pas votre avis !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous n'avez pas parlé ! J'ai
donc eu beaucoup de mal à vous écouter !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous avez entendu les rapporteurs !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ai effectivement entendu
l'ensemble des intervenants et j'ai essayé de leur répondre.
Je terminerai en disant que, heureusement, beaucoup d'entre vous ont, sur le
terrain, des pratiques différentes des discours qu'ils nous tiennent. Je sais
que tel ou tel va voir telle entreprise qui a réduit la durée du travail, que
tel autre crée des emplois-jeunes dans sa collectivité, son conseil général,
son conseil régional.
Finalement, je pense que les sénateurs ne seront pas les derniers à considérer
que cette politique porte ses fruits, et je m'en réjouis, car vous contribuez
ainsi à réduire le chômage. J'espère que, sur ce terrain-là au moins, notre
objectif est commun !
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez
d'aller à l'essentiel et de caler mon intervention sur les commentaires, les
réflexions et les critiques que vous avez pu formuler.
Le noyau dur du projet de budget de la formation professionnelle s'élève en
1999 à 26,42 milliards de francs, ce qui représente une hausse de 5,3 % par
rapport à 1998.
L'essentiel de cette hausse porte sur le financement des formations en
alternance. Ce point ayant été évoqué par chacun d'entre vous, je m'y
attarderai quelques instants.
Ce financement prend en compte l'objectif général de recentrage de l'ensemble
des dispositifs de la politique de l'emploi et de la formation professionnelle
sur les publics rencontrant des difficultés particulières ou n'ayant pas acquis
un niveau de formation suffisant.
Le Gouvernement est déterminé à augmenter le nombre de contrats de formation
en alternance, que ce soit l'apprentissage ou la qualification. L'augmentation
en volume est le signe dynamique d'une croissance présente, d'un retour de la
confiance et de la politique de l'emploi que nous avons menée. En effet, ces
dispositifs offrent de véritables chances de qualifications et d'insertion
professionnelle aux jeunes qui en bénéficient.
De janvier à octobre 1998, ces dispositifs ont connu une progression
importante : plus de 2 % pour l'apprentissage ; 8 % pour les contrats
d'adaptation ; 10 % pour les contrats de qualification et plus de 77 % pour les
contrats d'orientation.
Ainsi, le nombre de contrats de qualification est porté à 130 000 pour 1999.
Cela représente un montant d'intervention de 2,95 milliards de francs.
Par ailleurs, contrairement à la pratique des années précédentes, les primes à
l'embauche seront dûment inscrites en loi de finances, ce qui évitera les
retards observés dans leur versement.
Les contrats d'apprentissage seront portés à 230 000 en 1999. Cela représente
9,25 milliards de francs inscrits au projet de loi de finances. J'ajoute que
l'Etat, à travers ce dispositif d'incitation financière, a pris en charge, en
1997, près de 52 % des dépenses liées à l'apprentissage, les régions, quant à
elles, en assumant un peu plus de 25 %. Mais le Gouvernement a aussi la volonté
de limiter la sélectivité croissante exercée par les employeurs en réservant
les aides forfaitaires à l'embauche des jeunes les moins qualifiés. J'ai bien
entendu vos critiques à ce propos, monsieur Ostermann ; nous allons nous en
expliquer.
La part des jeunes de niveaux V - CAP, BEP - et de niveaux inférieurs en
contrats de qualification a chuté entre 1990 et 1997 ; elle est passée de 67 %
à 43 %. C'est cette évolution que nous voulons corriger.
A cet effet, les primes à l'embauche seront désormais réservées, vous l'avez
rappelé, aux jeunes titulaires d'un brevet d'études professionnelles - BEP - ou
d'un certificat d'aptitude professionnelle - CAP - et, disons plus largement,
aux jeunes sans diplôme. Seront ainsi concernés notamment les jeunes sortant du
système scolaire sans le baccalauréat.
Cette mesure a déjà été mise en oeuvre pour les contrats de qualification avec
l'assentiment de la plupart des partenaires sociaux, notamment des syndicats de
salariés. Un décret du 12 octobre 1998 et une circulaire du 14 octobre 1998 en
précisent les modalités.
Afin de ne pas créer de disparités entre les deux grandes mesures de formation
en alternance sous contrat de travail que sont les contrats de qualification et
les contrats d'apprentissage, dans le projet de loi de finances est proposée
une mesure identique pour les aides à l'embauche du contrat d'apprentissage.
Ce phénomène est de moindre ampleur pour les contrats d'apprentissage, qui, à
plus de 84 % en 1997, étaient conclus avec des jeunes de niveaux V et
inférieurs.
Le recentrage des primes ne devrait donc pas concerner le développement de
l'apprentissage dans le secteur des métiers, secteur auquel je suis
particulièrement attachée et qui accueille 71 % des apprentis, pour l'essentiel
de niveau du CAP et du BEP.
Je précise que ce recentrage ne concerne pas les aides à la formation, pas
plus que les exonérations de charges sociales très importantes, et ce quel que
soit le niveau de formation.
Pour ne pas avoir à y revenir tout à l'heure lorsque nous examinerons
l'amendement qui a été déposé à l'article 80, je pense utile de rappeler le
montant des efforts réalisés en faveur de l'apprentissage, pour montrer que ce
système sera incitatif, quels que soient les niveaux. Ainsi, la prime à la
formation, qui est annuelle, s'établit autour de 10 000 francs et les
exonérations de charges - j'ai effectué mes calculs à partir d'un traitement
égal à 65 % du SMIC - représenteront, sur deux ans, un allègement de 50 000
francs. Il s'agit donc d'aides massives d'autant plus que et la prime à la
formation et les exonérations de charges sont attribuées quel que soit le
niveau de formation des jeunes.
Ce dispositif - je m'adresse là également à M. Huguet - demeure indéniablement
incitatif pour tous ceux qui veulent s'engager dans le développement de
l'apprentissage, y compris dans l'enseignement supérieur. C'est pourquoi je me
suis permis d'insister sur le niveau des aides.
Je tiens à vous assurer de ma volonté de ne pas contenir l'apprentissage dans
une image passéiste de métiers faiblement qualifiés.
Je suis convaincue que cette filière peut répondre aux attentes de certains
jeunes qui veulent aller plus loin dans leur qualification professionnelle.
Je souhaite m'arrêter un instant sur un point évoqué par Mme Annick Bocandé,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. L'étude récente de
la DARES à laquelle vous faites référence, madame, fait état de l'efficacité
des aides à l'embauche pour l'apprentissage. Mais cette étude, dont j'ai
attentivement pris connaissance, confirme que ces aides ont un impact
significatif surtout sur le recrutement des personnes peu qualifiées qui,
justement, ne sont pas concernées par le recentrage des primes.
Je voudrais conclure sur ce premier point consacré aux formations
professionnelles en alternance en évoquant le transfert de 500 millions de
francs qui sera opéré par les partenaires sociaux gestionnaires de l'AGEFAL au
profit d'un fonds de concours rattaché au budget de la formation
professionnelle.
Je note avec satisfaction, madame Bocandé, que vous considérez que le
transfert proposé est entouré des garanties nécessaires, j'y ai personnellement
veillé, pour assurer le développement des formations en alternance, garanties
que vous avez rappelées et qui constituent un progrès.
Le manque de fluidité des fonds de l'alternance, ainsi que les transferts de
fonds opérés par les partenaires sociaux vers l'apprentissage - 1 milliard de
francs sur 6 milliards de ressources - rendent nécessaire la redéfinition des
règles de financement des formations en alternance, en concertation avec les
partenaires sociaux, mais également avec les régions. Cette redéfinition entre
dans la réflexion de fond que Martine Aubry et moi-même menons actuellement sur
le système de formation professionnelle.
Sans détailler toutes les mesures du Fonds de la formation professionnelle et
de la promotion sociale, le FFPPS, permettez-moi d'insister sur les contrats de
qualification pour les adultes.
Cette mesure était attendue et répond à des préoccupations majeures, à savoir
la nécessité de prévenir l'exclusion à laquelle sont exposés les chômeurs de
longue durée, l'absence, en dehors de l'AFPA, de dispositifs d'accès à la
qualification pour les demandeurs d'emploi adultes, enfin, l'utilisation de la
pédagogie de l'alternance bien adaptée pour ceux qui n'adhèrent pas aux
pédagogies classiques. Le décret du 18 novembre 1998 fixe le montant des aides
à l'embauche et des exonérations de charge.
Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit 248 millions de francs pour
financer les exonérations et 100 millions de francs pour les primes. Cela
correspond à un volume de 10 000 contrats.
J'ai également entendu vos interrogations sur les modalités du contrat
adultes. Elles seront bien entendu adaptées aux modalités du contrat jeunes.
Personnellement, je me réjouis de voir les partenaires sociaux se mobiliser dès
à présent au sein du conseil paritaire national de la formation professionnelle
chargé du suivi des grandes négociations interprofessionnelles sur la
formation.
J'aborderai maintenant directement, de manière évidemment très synthétique,
puisque le temps m'est compté, quelques axes de réflexion sur le projet de
réforme de la formation professionnelle. M. Fischer a d'ailleurs intégré ce
point dans son intervention.
Le Premier ministre et Martine Aubry m'ont demandé de préparer, en étroite
concertation avec les principaux acteurs de la formation professionnelle, une
évaluation du système actuel et une remise en mouvement de cette politique
prenant en compte les défis nouveaux de l'organisation économique et sociale de
notre société.
Cela m'a conduit à procéder à un diagnostic. C'est sur ces bases que je
poursuivrai dans les semaines à venir le débat déjà engagé avec l'ensemble des
acteurs, notamment les partenaires sociaux et les régions.
En effet, il me semble important d'évaluer objectivement l'efficacité globale
du système.
Le sentiment d'une mobilisation non optimale des fonds de la formation
professionnelle domine ; nous devons traiter le problème. En 1996, le montant
des dépenses consacrées à la formation professionnelle s'élevait à 138,2
milliards de francs répartis entre l'Etat pour 56 milliards de francs, les
entreprises pour 55 milliards de francs, les régions pour 13 milliards de
francs, l'UNEDIC, les autres partenaires pour 14 milliards de francs.
Toutefois, nous ne devons pas pour autant perdre de vue l'essentiel,
c'est-à-dire la nécessité de redéfinir ensemble les enjeux d'une politique de
formation professionnelle, tant les besoins sont importants.
Beaucoup reste à faire - je tiens à le rappeler - même si beaucoup de choses
ont été faites grâce à la loi de juillet 1971. Trente ans après, 40 % de la
population active a encore un niveau de formation initiale inférieure au CAP ;
c'est là une donnée trop souvent oubliée.
Le système de formation génère de fortes inégalités d'accès ; ainsi, les
femmes, les salariés des petites entreprises et ceux dont la qualification est
faible accèdent difficilement à la formation professionnelle.
Les chiffres sont significatifs : 80 % des salariés non qualifiés n'accèdent
pas à la formation continue contre 50 % des ingénieurs et des cadres. L'accès à
la formation continue des ouvriers qualifiés varie du simple au double entre
les hommes et les femmes. Dois-je ajouter que cela se produit au détriment des
femmes ?
M. Louis Boyer.
Pauvres femmes !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Par ailleurs, 91 % des salariés des entreprises de
moins de vingt personnes - et vous connaissez la réalité du tissu économique de
notre pays - n'accèdent pas à la formation continue, alors que, globalement, 50
% des employés des grandes entreprises de plus de 500 salariés accèdent à la
formation tout au long de leur vie.
Une autre donnée doit être absolument intégrée dans notre réflexion :
l'accroissement notable de la mobilité durant ces dernières années. Moi-même,
j'ai été surprise par les chiffres qui m'ont été fournis.
Un salarié sur quatre a changé d'entreprise en cinq ans ; un actif sur trois a
changé de catégorie socio-professionnelle ou de métier pendant la même
période.
De plus, le modèle français est marqué par une séparation nette entre le temps
de la formation initiale et celui de la formation continue, à la différence de
nos partenaires européens, Cette césure est aggravée par la difficulté de
valider et de faire reconnaître socialement l'expérience professionnelle. On ne
compte pas plus de 5 000 validations d'acquis professionnels, telles qu'elles
sont prévues dans la loi de 1992.
La formation n'est pas suffisamment considérée pour les demandeurs d'emploi
comme une période d'activité mise à profit pour acquérir une qualification ou
développer des compétences.
Face à ces constats, il nous faut réfléchir avec les partenaires sociaux et
les régions à un système de formation qui ménage des passerelles entre les
situations d'activité et d'inactivité, qui produise un droit effectif à la
formation, individuel, transférable d'une situation à une autre.
Le système de formation doit être mis résolument au service des salariés, des
demandeurs d'emploi et des entreprises. Il doit s'attacher à réduire les
risques et nous devons réfléchir à leur mutualisation.
Pour conduire ces changements, je m'inscrirai dans le respect de la culture
originale du système fondé sur l'articulation entre la négociation des
partenaires sociaux, la loi et la concertation avec les régions.
Vous serez, je n'en doute pas, les relais naturels et actifs de cette
réflexion.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Madame la ministre, vous nous avez dit que les
amendements présentés par la commission des finances et dont M. Ostermann,
rapporteur spécial, a présenté la substance, allaient faire de votre budget un
« budget croupion ».
Je voudrais donc donner à nos collègues quelques éléments d'appréciation afin
qu'ils puissent juger en toute connaissance de cause.
Je serais tenté de vous dire, madame la ministre, face aux propos à mon avis
quelque peu excessifs que vous avez tenus...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous n'entendez pas les vôtres,
monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je serais donc tenté de vous dire : « Pas vous et pas
ça ! »
Pourquoi ?
Tout d'abord, notre démarche, qui s'inscrit dans le recadrage de la politique
des finances publiques et de la politique économique que nous estimons
nécessaire, vise à réaliser 10,5 milliards de francs d'économie.
Or il se trouve que le Gouvernement, en préparant ce budget de l'emploi et de
la solidarité, a lui-même réalisé 11 milliards de francs d'économies. Mais, là,
vous ne parlez pas de « budget croupion » ; vous parlez de recentrage.
Ce recentrage, il a tout de même porté sur un certain nombre de points
sensibles, et c'est un effort méritoire de remise en question ; 4,5 milliards
de francs sur les préretraites, 3,6 milliards de francs sur les contrats
initiative-emploi, 1,6 milliard de francs sur les contrats
emploi-solidarité.
Rappelons que les chiffres que nous évoquons doivent être rapportés à une
masse globale de 152 milliards de francs pour le titre IV. Compte tenu du «
recentrage », reste un budget de 141 milliards de francs. S'agit-il d'un «
budget croupion » ? Permettez-moi tout de même de vous poser la question.
En outre, madame la ministre, j'ai eu la curiosité d'aller voir ce que
contenait le projet de loi de finances rectificative pour 1998, que la
commission des finances n'a pas encore examiné. J'y ai trouvé près de 15
milliards de francs de crédits annulés, dont 7,72 milliards de francs,
c'est-à-dire environ la moitié, concernent le ministère de l'emploi et de la
solidarité.
J'observe même que, sur ces 7,72 milliards de francs, l'essentiel, à savoir
7,5 miliards de francs, vise le chapitre 44-74 : « Insertion des publics en
difficulté ». Y sont incluses notamment les aides pour les chômeurs de longue
durée et les contrats initiative-emploi, certes, mais aussi les contrats emploi
consolidé, les contrats emploi-solidarité, les versements au titre des
préretraites.
Je me suis référé, madame la ministre, à nos débats de l'année dernière,
puisque nous avons déjà eu le plaisir d'avoir ce même dialogue. A l'époque, je
remplaçais le rapporteur spécial, M. Emmanuel Hamel. Vous m'aviez indiqué que
vous espériez bien que l'on ne ferait aucune économie sur le chapitre 44-74,
précisant : « je le comprendrais assez mal », compte tenu de votre
préoccupation, que nous partageons, face à l'augmentation du chômage de longue
durée.
Vous l'auriez mal compris et, pourtant, vous l'avez fait : à hauteur de 7,5
milliards de francs !
Peut-on objecter à la majorité sénatoriale la politique qu'elle défend tout en
observant finalement le même réalisme budgétaire ? Les chiffres sont les
chiffres, pour vous comme pour nous !
Il est certains rappels qui méritent vraiment d'être faits et de bien
s'inscrire dans vos mémoires, mes chers collègues. L'effort d'économie que
demandait le Sénat voilà un an sur le titre IV s'élevait à 6,2 milliards de
francs. Vous en aviez, madame la ministre, réfuté la pertinence, nous
enjoignant d'énoncer la liste des conséquences dangereuses de notre choix.
Et voilà que, après vous être étonnée de notre volonté de réaliser des
économies, nous découvrons que ces économies, vous les faites, non pas à
hauteur de 6,2 milliards de francs, mais à hauteur de 7,72 milliards de francs
!
Peut-être cet élément est-il de nature à revitaliser l'expression de « budget
croupion » que vous avez utilisée tout à l'heure, madame la ministre.
L'année dernière, vous vous étonniez que le Sénat puisse vous proposer une
économie de 1 milliard de francs sur l'enveloppe des emplois-jeunes. Or vous
nous indiquez aujourd'hui qu'il existe des reports de crédits, au titre de ces
mêmes emplois-jeunes, de 1998 à 1999. Cela ne veut-il pas dire que la dotation
pour 1998 était surcalibrée, comme nous le pensions, et que l'économie que nous
avions proposée l'année dernière, loin d'être excessive, était tout simplement
réaliste ?
Je me dois enfin de préciser que l'économie proposée cette année par la
commission des finances en ce qui concerne les emplois-jeunes n'entraînera la
suppression d'aucun emploi-jeune existant. De même, nos propositions
n'empêcheront pas le Gouvernement, s'il le souhaite, d'embaucher les 100 000
nouveaux emplois-jeunes qui correspondent à son objectif.
Au total, mes chers collègues, il est utile, me semble-t-il, que le Sénat juge
les actes et pas seulement les paroles.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur général,
pour que le Sénat puisse juger les actes, je vais m'efforcer de répondre à vos
questions.
Peut-être aurais-je dû parler non pas de « budget croupion » mais plutôt de «
politique de l'emploi croupion ». J'ai voulu éviter d'être par trop
désagréable, et j'ai sans doute eu tort.
Quand on supprime la totalité de la politique de réduction de la durée du
travail, quand on supprime toutes les entrées des emplois-jeunes, quand on
supprime une partie de la politique que nous entendons mener en matière de
formation des jeunes, c'est bien d'une « politique de l'emploi croupion » qu'il
s'agit.
Moi aussi, monsieur le rapporteur général, je pense qu'il faut dire les choses
telles qu'elles sont. L'année dernière, je vous ai indiqué que nous ne ferions
pas d'économies là où vous souhaitiez nous les voir faire, c'est-à-dire sur ce
qui dépend de nous dans la lutte contre le chômage de longue durée. Ce qui
dépend de nous, ce sont notamment les contrats emploi-solidarité et les
contrats emploi consolidé.
Si nous avons fait des économies dans la gestion de notre budget, je pense que
vous ne pouvez pas nous le reprocher. D'ailleurs, M. Ostermann, qui parle en
général en termes mesurés, a eu la gentillesse de les reconnaître.
Ces économies, elles sont rendues possibles parce qu'une gestion correcte a
été pratiquée, mais aussi parce que deux faits sont intervenus, qui ont
entraîné la réduction de dépenses inscrites au chapitre 44-74.
Le premier, c'est la baisse des préretraites. J'ai effectivement souhaité que
la contribution des entreprises au financement des préretraites soit plus
importante, ce qui induit une moindre dépense pour l'Etat. C'est une des
parties des 7,5 milliards de francs que vous avez évoqués.
Le second fait réside dans des économies de constatation sur le CIE, le
contrat d'initiative-emploi. Quand on veut être honnête, il faut l'être
jusqu'au bout, monsieur le rapporteur général ! Il y a en effet eu des ruptures
à un taux extrêmement élevé - 30 % - ce qui n'était jamais arrivé auparavant.
M. Barrot avait prévu un budget pour les CIE plus important que ce dont nous
avons eu effectivement besoin.
Vous savez que, dans le cas des CIE, ce sont les entreprises qui embauchent,
l'Etat n'intervient pas. Lorsque quelqu'un trouve un emploi, parce que nous
avons relancé la croissance et créé des emplois de meilleure qualité, nous ne
pouvons que nous en réjouir. Et si, de surcroît, l'Etat dépense moins de
crédits, je ne peux aussi que m'en réjouir.
Il n'y a donc pas eu d'économies sur le dos des chômeurs de longue durée. Il y
a simplement eu deux faits : un qui ne dépend pas de nous, qui est lié à ce
taux de rupture du CIE ; et un qui dépend de nous, car nous avons effectivement
la volonté de faire financer les préretraites un peu plus par les entreprises
et un peu moins par l'Etat.
Je peux donc redire ce que j'ai dit l'année dernière : il n'y aura pas
d'économies au détriment des chômeurs de longue durée, contrairement à ce qui
aurait résulté de ce que vous nous aviez proposé.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous ne l'avons jamais demandé, madame la ministre
!
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais si !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Jamais de la vie !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si ! Quand vous proposez, comme
cette année, de supprimer toute la politique de réduction de la durée du
travail, toutes les nouvelles entrées sur les emplois-jeunes, vous vous en
prenez en fait aux chômeurs de longue durée.
Vous savez bien que beaucoup des personnes qui vont entrer dans les
entreprises et occuper des emplois sont des chômeurs et que, parmi ceux-ci, il
y aura des chômeurs de longue durée.
Vous proposez de supprimer ces lignes, et vous avez évidemment tout à fait le
droit de le faire, puisque vous défendez une politique qui est différente de la
nôtre, mais ayez le courage d'assumer vos propositions ! De toute façon, les
résultats trancheront et les Français décideront.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Roland Huguet.
Réponse très bien argumentée !
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'emploi et la solidarité : I. - Emploi.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 720 092 915 francs. »
Par amendement n° II-21, M. Ostermann, au nom de la commission des finances,
propose de réduire ces crédits de 364 552 699 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joseph Ostermann,
rapporteur spécial.
Cet amendement vise à apporter une contribution à
l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat. Je ne reviendrai pas sur la
stratégie d'ensemble dans laquelle il s'insère et que nous avons déjà eu
l'occasion d'exposer.
Nous souhaitons réaliser une économie forfaitaire sur l'ensemble des crédits
de ce titre III qui, je le rappelle, s'élèvent à plus de 9,2 milliards de
francs.
Si notre amendement est adopté, l'augmentation des crédits du titre III sera
encore de 356 millions de francs, contre 720 millions de francs dans le projet
initial.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Comme je l'ai dit tout à
l'heure, les responsabilités du ministère sont évidemment importantes en
matière d'emploi, et nous savons bien que ce sont les fonctionnaires qui les
portent, à la fois dans l'élaboration et dans l'application des textes.
Par conséquent, j'ai souhaité voir augmenter les effectifs de l'ANPE, ce qui
n'a pas été le cas depuis de nombreuses années, malgré l'aggravation du
chômage. A l'échéance du nouveau contrat d'objectifs, c'est-à-dire dans un peu
plus de trois ans, l'ANPE verra donc le nombre de ses agents augmenter de 2
500.
Je crois que c'est essentiel si nous souhaitons que les chômeurs, notamment
les chômeurs de longue durée, dont M. Marini vient de parler, puissent être
reçus et accompagnés dans leur recherche d'emploi ou de formation. Les agents
qui supportent toute la journée la détresse de ceux qui sont au chômage ont
besoin de voir leurs effectifs augmenter.
Par ailleurs, et je remercie d'ailleurs M. Souvet et Mme Bocandé de l'avoir
perçu, je crois que les moyens de l'administration du travail sont peu
importants. Nous savons combien ce ministère est quantitativement pauvre en
cadres : des agents de catégorie C effectuent souvent des tâches qui relèvent
de la catégorie B. Il me paraît hautement souhaitable que nous sachions
aujourd'hui reconnaître le travail qui est réalisé.
En outre, je ne pense pas pouvoir tenir un discours général contre la
précarité sans être exemplaire au sein de mon ministère : je m'y efforce en
intégrant ceux qui occupent des emplois précaires depuis de nombreuses années,
en application d'ailleurs, pour partie, du plan Perben que le Sénat a voté.
Pour toutes ces raisons, je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur
l'amendement n° II-21.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-21, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 48 725 266 714 francs. »
Par amendement n° II-22, M. Ostermann, au nom de la commission des finances,
propose de réduire ces crédits de 10 337 763 173 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joseph Ostermann,
rapporteur spécial.
Cet amendement s'insère également dans la stratégie
d'ensemble déjà présentée et sur laquelle je ne reviens pas.
Il s'agit de proposer, outre la réduction forfaitaire des crédits, deux
économies ciblées.
La première consiste à supprimer les 3,7 milliards de francs de crédits
consacrés au financement des trente-cinq heures. Comme je vous l'ai indiqué, la
dotation prévue pour 1998 n'a pas, et de loin, été entièrement consommée. Il
existe, en effet, d'importants reports de crédits de 1998 à 1999, que l'on peut
chiffrer entre 2 milliards de francs et 2,5 milliards de francs. Ces importants
reports de crédits sont dus au succès mitigé rencontré, à ce jour, par la loi
sur les trente-cinq heures.
La seconde mesure tend à réaliser une économie de 5,1 milliards de francs sur
l'ensemble du titre, afin de gager la progression des crédits consacrés au
financement de cent mille nouveaux emplois-jeunes.
Permettez-moi de vous rappeler deux choses : d'une part, la dotation totale du
titre IV sur lequel porte notre effort d'économie s'élève à 152 milliards de
francs ; d'autre part, le Gouvernement a lui-même réalisé 11 milliards de
francs d'économie sur ce ministère, afin de financer ses priorités
politiques.
Enfin, je vous indique que l'économie que nous vous proposons ne portera pas
sur le stock des emplois-jeunes qui existent déjà. Je le dis de manière
solennelle : aucun emploi-jeune existant ne sera supprimé si notre amendement
est adopté ; de même, nous ne porterons pas atteinte au niveau du flux
d'emplois-jeunes que le Gouvernement entend créer l'année prochaine.
Nous disons simplement au Gouvernement que, s'il souhaite financer les cent
mille nouveaux emplois-jeunes prévus pour 1999, il doit le faire en réalisant
des économies sur les 152 milliards de francs de crédits inscrits sur ce titre
IV.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je serai très brève sur cet
amendement, car, en fait, j'ai déjà largement répondu à M. le rapporteur
spécial. Le Gouvernement croit beaucoup à la réduction du temps de travail et à
la création d'emplois-jeunes pour enrichir la croissance en emplois.
Pour ne prendre que l'exemple du département du Bas-Rhin, qui est très cher au
coeur de M. le rapporteur spécial, je vois avec grand plaisir que 1 078 emplois
ont été créés et que ce département, qui compte 7 500 chômeurs de moins de
vingt-six ans, grâce aux emplois-jeunes, a déjà pu en supprimer un sur sept.
Je me félicite également que le conseil général du Bas-Rhin, dont vous êtes
vice-président, monsieur le rapporteur spécial, soutienne le programme en
finançant les emplois créés dans les associations et en recrutant un certain
nombre directement pour les transports scolaires.
Et je me suis laissé dire qu'en tant que maire vous veniez de décider la
création d'un emploi-jeune dans votre commune. Comment pourrais-je accepter de
supprimer des crédits destinés à financer cet emploi-jeune ?
(Sourires et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela ne nous empêche pas du tout de le financer !
M. Jean Chérioux.
C'est la carotte après le bâton !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cela me paraît absolument
impossible, monsieur le rapporteur général ! Aussi, je souhaite vraiment
conserver ces crédits.
Par ailleurs, et vous l'avez souligné tout à l'heure, nous avons procédé à des
redéploiements importants au sein du projet de budget. Je m'y étais engagée, je
l'ai fait !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-22.
M. Roland Huguet.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet.
Le groupe socialiste votera, bien évidemment, contre cet amendement.
Comme tous les amendements qui sont proposés par le rapporteur spécial de la
commission des finances, celui-ci est supposé apporter une contribution à
l'effort de maîtrise des dépenses du budget de l'Etat.
C'est une intention toujours louable, mais il convient, surtout en matière
sociale, de faire preuve de beaucoup de prudence et de discernement. Le risque
est, en effet, de provoquer des difficultés telles qu'il nous faudrait ensuite
engager des dépenses beaucoup plus élevées.
L'amendement n° II-22 vise, tout d'abord, à supprimer la totalité des crédits
inscrits pour l'application de la loi relative à la réduction du temps de
travail.
Je rappellerai simplement que plus de six cent cinquante accords ont déjà été
signés au moment où nous parlons et que l'adoption d'un tel amendement aurait
pour conséquence d'en empêcher l'application. Je ne suis pas sûr que les chefs
d'entreprise et les salariés concernés verraient cela d'un bon oeil !
Je ne suis pas sûr, non plus, qu'il soit très démocratique de tenter
d'empêcher ainsi l'application d'une loi votée.
En réalité, cet amendement est purement idéologique et va à l'encontre des
intérêts des entreprises et des salariés. En effet, vous oubliez que, sur le
terrain, l'ensemble des organisations syndicales s'impliquent dans les
négociations.
Les chefs d'entreprise mettent à profit cette opportunité de réflexion en
commun et de dialogue avec les salariés pour s'efforcer de négocier des accords
« gagnant-gagnant », selon la nouvelle formule consacrée : des accords qui
favorisent, d'une part, la réorganisation, l'amélioration de la productivité et
la compétitivité des entreprises et, d'autre part, la création ou le maintien
d'emplois et l'amélioration des conditions de vie des salariés.
Cet amendement correspond, finalement, à une vision figée de l'entreprise,
beaucoup plus idéologique que réelle. Il est le reflet d'une conception
dépassée des rapports sociaux.
Mais la commission des finances propose également la suppression de plus de 5
milliards de francs sur les crédits consacrés aux emplois-jeunes, c'est-à-dire
que, sur cent mille emplois-jeunes dont nous voulons soutenir la création, elle
propose d'en supprimer la moitié !
Je soulignerai simplement deux éléments : d'abord, l'ensemble des régions
participent aujourd'hui aux emplois-jeunes et en financent plusieurs milliers
ensuite, trente-cinq départements ont signé des contrats d'objectifs. sur les
152 000 conventions signées, plus du tiers sont le fait des collectivités
territoriales et des associations. Est-ce à dire que nos collègues de la
majorité sénatoriale sont, comme le disait à l'instant Mme la ministre, en
citant des chiffres irréfutables, contre les emplois-jeunes à Paris alors qu'il
y sont favorables dans leurs collectivités locales, où ils signent des
conventions pour créer des emplois ?
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Trop facile !
M. Roland Huguet.
D'ailleurs, on ne peut que les en remercier ! Que comptent-ils dire aux
collectivités et aux associations qui leur demandent une aide pour ces emplois
?
Je rappellerai aussi que, parmi les jeunes auxquels nous mettons ainsi le pied
à l'étrier avec un contrat de travail de cinq ans, 20 % étaient chômeurs de
longue durée et 30 % ont un niveau CAP ou inférieur. Ils avaient donc un risque
de difficulté durable d'insertion professionnelle.
Nos collègues qui siègent à droite de cet hémicyle s'apprêtent-ils à dire aux
jeunes et à leur famille qui attendent avec impatience la deuxième vague
d'emplois-jeunes qu'ils ont voté à Paris un amendement pour en limiter le
nombre ?
En fait de contribution à l'effort de maîtrise des dépenses du budget de
l'Etat, nous craignons que cet amendement ne soit plutôt une contribution au
chômage et à l'exclusion.
M. le président.
J'ai omis tout à l'heure - et je le prie de m'en excuser - de donner la parole
à M. Fischer, qui était inscrit sur les crédits du titre IV. Je la lui donne
maintenant... disons pour explication du vote.
M. Guy Fischer.
Par cet amendement, la commission des finances nous propose de procéder à des
coupes franches dans les crédits du titre IV du budget de l'emploi, titre qui
retrace la teneur des interventions publiques pour l'emploi.
Contrairement aux budgets précédents des gouvernements de droite privilégiant
les exonérations massives de charges sociales, notamment sur les bas salaires,
pour inciter les entreprises à créer de l'emploi en baissant le sacro-saint
coût du travail, le Gouvernement a fait le choix d'utiliser d'autres outils
plus volontaristes, tels que la réduction du temps de travail et les
emplois-jeunes. Le budget de l'emploi de cette année traduit nettement ces
orientations nouvelles.
La majorité sénatoriale qui s'est opposée à ces deux textes lors de leur
adoption s'apprête à torpiller les crédits destinés à les financer.
Après avoir baissé l'impôt sur la fortune de 4,5 milliards de francs et
l'avoir fiscal de 1 milliard de francs, on nous propose d'économiser 26
milliards de francs cette année sur le budget de l'Etat ; la moitié des
réductions de crédits sont ciblées sur les budgets emplois et solidarité. Cela,
nous ne pouvons l'admettre.
Les choix sont clairs, la démarche est idéologique.
Après, on peut se plaindre de la situation des jeunes dans notre pays !
Vous doutez de l'utilité de cette loi pour dynamiser le marché de l'emploi.
Pour ma part, je me félicite que la réduction du temps de travail,
revendication sociale majeure, ait été traduite juridiquement.
Certes, des améliorations doivent être apportées. Nous avons formulé un
certain nombre de critiques. Nous seront très attentifs à l'élaboration de la
deuxième loi et je ne surprendrai personne en souhaitant fortement qu'elle soit
plus normative, qu'elle cadre plus fermement le contingent annuel d'heures
supplémentaires, qu'elle traite du travail des cadres, que la question du SMIC
soit réglée, enfin, qu'elle permette d'articuler temps de travail et formation,
ce qui est au coeur de nos interrogations.
Aujourd'hui, à la lumière du débat qui est engagé depuis déjà de très
nombreuses heures, nous ne pouvons que formuler notre franche opposition à
l'amendement qui nous est proposé.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je ne veux pas allonger un débat qui me semble
quelque peu irréel et un peu trop convenu.
Qu'il me soit cependant permis de dire, madame le ministre, que, l'année
dernière, nous vous demandions de faire 6 milliards de francs d'économies et
que vous en avez réalisé près de 8 milliards de francs. Par conséquent, vous
étiez d'accord avec nous ! Vous nous avez donné des explications comptables. En
réalité, vous aurez quand même réalisé 7,75 milliards de francs d'économies sur
votre budget de 1998 !
Il est un autre sujet qui nous préoccupe beaucoup, à juste titre ; nous
l'avons presque tous évoqué : il s'agit de la précarité de certains contrats de
travail, du fait que le développement de l'économie et la croissance créent
relativement peu d'emplois stables et pérennes et génère surtout du travail
temporaire et des situations précaires.
A cela, vous répondez - sans doute approuvez-vous un peu les propos que vient
de tenir M. Fischer - qu'il faut plus de contraintes pour les entreprises.
Nous, membres de la majorité sénatoriale, répondons qu'il faut moins de charges
pour les entreprises, en particulier sur les bas salaires.
A cet égard, et ce sera ma conclusion, le Sénat a voté - vous vous en souvenez
sans doute - la proposition de loi Poncelet. Nous avons pu, depuis lors, nous
référer à l'excellent rapport de M. Malinvaud. Lorsque ce texte a été examiné
en séance publique, si je ne m'abuse, vous l'avez balayé du revers de la main.
Or dans le collectif budgétaire, dont nous allons aborder la discussion d'ici
peu, figurent 5,3 milliards de francs supplémentaires au titre du rattrapage de
l'effort accompli en faveur des bas salaires.
Finalement, madame le ministre, au-delà de ces débats annuels sur le fond,
nous partageons peut-être certaines préoccupations. Mais la majorité
sénatoriale a sans doute la franchise de dire des choses que vous n'osez pas
dire.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Franchement, monsieur Marini,
je ne vous comprends pas ! Vous avez fait adopter la loi sur la ristourne
dégressive. M. Barrot a sous-estimé les crédits. Pour ma part, j'applique la
loi votée par le Parlement !
M. Michel Mercier.
Vous n'étiez pas là !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous avons prélevé des crédits
sur le budget de 1998 afin de rattraper le retard résultant de la
sous-évaluation par M. Barrot en 1997. J'avais été amenée à l'indiquer l'année
dernière !
Vous prétendez qu'il s'agit d'un débat convenu. Il n'est pas convenu, puisque
vous dites des choses qui ne sont pas réelles. Je veux bien que l'on évoque des
arguments de fond, mais j'applique les lois ! Je ne suis pas favorable à cette
ristourne dégressive. Le Parlement l'a votée, je l'applique !
M. Barrot a fait adopter une loi sans prévoir, je le répète, les crédits
nécessaires à son financement. J'ai donc été obligée de la financer sur mon
budget de 1998 et d'affecter des crédits supplémentaires pour continuer à
l'appliquer tant que nous ne l'aurons pas modifiée.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, un projet de loi sera soumis au
Parlement au cours du premier semestre de 1999 ; il tendra à régler ce problème
de la ristourne dégressive. Ce dispositif sera, me semble-t-il, plus favorable
à l'emploi, avec des contreparties « emploi » moins coûteuses, sans incidence
sur les crédits publics. J'espère qu'un consensus se dégagera sur ce texte.
Telle est la réalité de ces 5 milliards de francs ! Je suis prête à vous en
donner le détail si vous le souhaitez. Mais M. Barrot l'ayant lui-même reconnu
à l'Assemblée nationale, il suffit que vous vous référiez à ses propos.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Madame la ministre, il est un
domaine dans lequel le débat est inévitablement convenu. Nous ne parlons que
des mesures nouvelles et vous n'y pouvez rien puisque c'est l'ordonnance
relative aux lois de finances qui nous y condamne tous.
Mes chers collègues, ce qui m'étonne, depuis le début de la discussion des
articles de la deuxième partie du projet de loi de finances, c'est que nous
nous disputons sur une part infime des crédits utilisés par les différents
ministères.
Je note en effet que 93 % des budgets qui nous sont proposés sont inscrits au
titre des services votés.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Eh oui !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est à l'article 44, que nous
examinerons la semaine prochaine, que le Sénat se prononcera, par un seul vote,
sur les services votés. Ainsi, 1 800 milliards de francs, mes chers collègues,
seront mis aux voix sans débat !
L'objet de nos discussions avec les ministres concerne les mesures nouvelles
et les moindres augmentations que nous proposons sont calculées sur ces
dernières et non sur l'ensemble des crédits des ministères.
Madame la ministre, prenons l'exemple du volet « emploi » de votre ministère.
Si je ne me trompe pas, ce sont, en fait, 161,8 milliards de francs qui sont
inscrits pour vous permettre de mener votre politique. C'est donc de ces 161,8
milliards de francs que nous devons débattre. Nous souhaitons que vous puissiez
optimiser ces crédits pour mener la politique que vous avez choisie. C'est
l'honneur de la démocratie qu'il en soit ainsi.
Lorsque nous vous proposons des réductions de crédits, nous souhaitons non
pas ouvrir une veule querelle avec vous, mais simplement traduire, avec les
seuls moyens mis à notre disposition, c'est-à-dire la fameuse ordonnance
relative aux lois de finances, la politique que le Sénat estime sage et qui
consiste à cesser de tirer des chèques sur le compte de nos enfants !
Nous avons la possibilité, cette année, en suivant la proposition de M. le
rapporteur général, de limiter un petit peu l'augmentation des dépenses
proposée par le Gouvernement, afin de stabiliser, enfin, la dette que nos
enfants auront à rembourser. Il s'agit bien de cela, monsieur le rapporteur
général ?...
(M. le rapporteur général opine.)
Nous ne vous faisons pas une mauvaise manière, madame la ministre : nous
appliquons à votre ministère la réduction proportionnelle qui nous semble
nécessaire, sauf que nous l'appliquons à une politique que nous n'apprécions
pas.
Je souhaite vous voir prendre en considération le soin que nous avons
néanmoins apporté à examiner la politique que vous comptez mener avec ces
crédits qui s'élèvent, je le rappelle, mes chers collègues, à plus de 161
milliards de francs alors que la réduction qui est proposée par l'amendent n°
II-22 n'est que de 10 milliards de francs ! En conséquence, mes chers
collègues
(M. le président se tourne vers la gauche de l'hémicycle)
les exemples
que vous avez cités ne sont pas rigoureux. Vous feignez d'ignorer que notre
débat est centré exclusivement sur des mesures nouvelles.
M. Guy Fischer.
Mais non !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Si vous vous étiez donné la
peine de prendre en considération la totalité des crédits mis à la disposition
de Mme la ministre pour mener la politique du Gouvernement, vous vous
apercevriez que la proposition qui vous est faite par M. le rapporteur spécial
est très modérée. Elle vise à ce que notre génération ait enfin la fierté de ne
pas continuer à tirer des chèques sur le compte de nos enfants.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-22, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 75 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 34 600 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 446 830 000 francs ;
« Crédits de paiement : 228 200 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
J'appelle en discussion les articles 80 et 81, qui sont rattachés pour leur
examen aux crédits affectés à l'emploi.
Emploi et solidarité
Article 80
M. le président.
« I. - La deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 118-7 du code du
travail est ainsi rédigée : "Cette indemnité se compose :
« 1° D'une aide à l'embauche lorsque l'apprenti dispose d'un niveau de
formation inférieur à un minimum défini par décret ;
« 2° D'une indemnité de soutien à l'effort de formation réalisé par
l'employeur. »
« II. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur pour les
contrats conclus à compter du 1er janvier 1999. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-40 est présenté par M. Ostermann, au nom de la commission
des finances.
L'amendement n° II-46 rectifié est déposé par M. Souvet, au nom de la
commission des affaires sociales.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n°
II-40.
M. Joseph Ostermann,
rapporteur spécial.
Avant de présenter cet amendement, permettez-moi,
madame la ministre, de formuler une remarque préalable.
Vous avez évoqué le département du Bas-Rhin, que vous connaissez bien. Vous
avez cité la loi Barrot, disant que vous l'appliquiez en tant que ministre.
Vous avez fait voter le projet de loi créant les emplois-jeunes, auquel nous
étions opposés, mais nous l'appliquons. Vous n'allez quand même pas nous le
reprocher, madame la ministre !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vous en félicite même !
M. Joseph Ostermann,
rapporteur spécial.
Puisque vous évoquiez le département du Bas-Rhin, je
vous engage très vivement à étudier les nombreuses délocalisations
d'entreprises, qui sont la conséquence de certaines des décisions qui ont déjà
été prises. Je reste à votre disposition pour prolonger cette réflexion.
J'en viens à l'amendement n° II-40. Il vise à supprimer l'article 80. Comme je
vous l'ai déjà indiqué, cet article a pour objet, en recentrant à compter du
1er janvier prochain le versement des primes d'apprentissage, d'exclure 50 000
apprentis du bénéfice de celles-ci pour un gain budgétaire de 60 millions de
francs.
Rejoignant sur ce point la position déjà défendue à l'Assemblée nationale par
sa commission des finances, nous estimons que cette mesure va perturber le bon
fonctionnement de l'ensemble de la filière de la formation professionnelle, et
cela afin de réaliser 60 millions de francs d'économies.
Cette mesure nous paraît donc particulièrement inopportune ; en effet, si des
économies doivent être réalisées, ce n'est certainement pas dans le secteur de
la formation professionnelle.
Je suis d'ailleurs certain que nous recueillerons sur cette question un très
large consensus.
M. le président.
La parole est à Mme Bocandé, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement
n° II-46 rectifié.
Mme Annick Bocandé,
rapporteur pour avis.
Mes arguments rejoindront ceux de M. le rapporteur
spécial.
L'article 80 vise à réserver le paiement de la prime à l'embauche aux
apprentis ayant un faible niveau de qualification. Ce faisant, il réduit
l'attractivité de l'apprentissage et remet en cause les efforts de promotion de
cette filière professionnelle entrepris depuis plusieurs années.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales vous propose d'adopter un
amendement de suppression de cet article.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s II-40 et
II-46 rectifié ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur spécial, j'ai cru comprendre
que Mme Aubry vous félicitait d'avoir embauché des emplois-jeunes dans votre
mairie.
M. Joseph Ostermann,
rapporteur spécial.
J'en prends acte.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
M'étant déjà longuement exprimée tout à l'heure sur le
sujet évoqué, je serai brève.
Il est vrai que les contrats de qualification procèdent d'un choix politique :
le Gouvernement souhaite recentrer les primes sur les jeunes qui ont besoin de
recevoir une qualification complémentaire. Je vous ai communiqué tout à l'heure
certains chiffres témoignant de l'évolution intervenue entre 1990 et 1997,
période au cours de laquelle le pourcentage des contrats conclus avec les
jeunes de niveau V ou inférieur, est passé de 65 % à 43 %.
Nous avons effectivement souhaité concentrer le maximum d'argent public sur
ceux qui en ont le plus besoin en termes de qualification.
J'ai bien compris que le contrat d'apprentissage constitue le point le plus
sensible. C'est pourquoi je m'étais longuement exprimée tout à l'heure à ce
sujet.
Je rappelle que 84 % des contrats d'apprentissage sont signés avec des jeunes
ayant un niveau CAP ou inférieur. L'essentiel du monde de l'apprentissage n'est
donc pas concerné, loin s'en faut, par le recentrage des primes. Quant aux 16 %
restants, qui concernent les jeunes de niveau IV, voire III, j'ai dit tout à
l'heure tout l'intérêt que je portais à la filière de l'apprentissage. Je
conçois parfaitement que cette forme de pédagogie puisse convenir à certains
jeunes. C'est pourquoi j'ai souligné en ce domaine le caractère très incitatif
de la prime à la formation et l'ampleur des exonérations de charges.
Je suis donc défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-40 et II-46
rectifié.
M. Adrien Gouteyron.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron.
Je sais qu'un débat s'est déjà engagé dans cet hémicycle sur ce point, mais le
sujet me paraît si important que je tiens à exprimer les raisons de mon
vote.
Depuis des années, dans notre pays, des efforts sont entrepris pour élever le
niveau de l'apprentissage et pour faire en sorte que cette formule ne s'adresse
pas uniquement aux jeunes qui échouent dans l'enseignement traditionnel. Ces
efforts sont en train d'aboutir.
Vous nous avez cité des pourcentages, madame la ministre : vous avez dit que
l'apprentissage concernait 84 % des jeunes de niveau CAP ou inférieur. C'est
donc que 16 % des jeunes préparent des diplômes supérieurs par la voie de
l'apprentissage. Quand on se rappelle d'où l'on est parti, on peut considérer
que c'est un très bon résultat.
Vous ne voulez pas, dites-vous, porter atteinte à l'apprentissage. Soit. Mais
je relève tout de même, et ce sont des chiffres officiels, que le nombre de
jeunes en apprentissage prévu pour 1999 passerait de 240 000 à 230 000.
J'ignore la raison de cette diminution des effectifs mais je ne voudrais pas
que la mesure que vous envisagez y contribue.
C'est la raison pour laquelle je voterai ces amendements de suppression de la
mesure que vous nous proposez. Je regrette que, avant de prendre cette mesure,
vous n'ayez pas engagé une concertation. Les représentants des chambres de
métiers de nos différents départements s'en sont plaints auprès de nous et je
me fais ici l'écho de leurs doléances.
Enfin, il ne faut pas confondre la lutte contre l'exclusion et la formation.
Qu'on ne me fasse pas dire que la formation ne contribue pas à la lutte contre
l'exclusion, mais les objectifs des deux actions ne se recouvrent pas
complètement. Vous avez raison de lutter contre l'exclusion.
En revanche, vous avez tort de porter atteinte à un dispositif de formation
qui a fait ses preuves et dont le niveau s'est élevé. Je regrette que vous
agissiez ainsi, et que vous sembliez ainsi oublier que ces apprentis, surtout
ceux qui souhaitent accéder à des diplômes supérieurs au CAP ou au BEP, peuvent
souvent devenir des chefs d'entreprise. Ces chefs d'entreprise, notamment de
petites entreprises, dont nous avons tant besoin dans notre pays, et qui, vous
le reconnaissez vous-même, créent des emplois, constituent le tissu économique
fécond qui est si nécessaire et permettent à notre pays, en dépit des
difficultés auxquelles il est confronté, de tenir le coup.
Dès lors, pourquoi réaliser cette mesure ? Pour 60 millions de francs
d'économies ? Bien sûr, toutes les économies sont bonnes à prendre, mais au
moins faisons en sorte qu'elles s'appliquent à des actions qui peuvent les
supporter et ne donnons pas à un ensemble de professions un signal négatif. Or
c'est ce que vous allez faire. Aussi, je vous en supplie - et si notre débat
n'avait servi qu'à vous convaincre sur ce point, il aura été utile - ne faites
pas cela !
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
M. Gouteyron vient de traiter d'un problème qui est certainement l'un des plus
complexes auxquels nous sommes actuellement confrontés. Toutes les politiques
qui ont été mises en oeuvre, notamment par les régions, ont eu pour objet de
prendre en compte les formations, qu'il s'agisse des contrats d'apprentissage
ou des formules très spécifiques, telles que celles qui ont été mises en oeuvre
dans la région Rhône-Alpes. Or je pense que l'on a eu tendance à former ceux
qui sont déjà très qualifiés. Nous avons déjà engagé un débat sur ce point et
nous sommes notamment revenus sur l'aide à apporter aux régions qui éprouvent
des difficultés pour financer les centres de formation pour apprentis. Une des
questions qui avaient été abordées - et je me souviens très bien d'un dialogue
avec M. Barrot - portait sur les jeunes en difficulté. Outre les jeunes de
niveau V, voire de niveau VI, dont on ne s'occupe pas, les jeunes en très
grande difficulté sont laissés sur le bord du chemin. Le rééquilibrage concerne
seulement 10 000 personnes environ.
Si le problème des jeunes les moins qualifiés n'est pas véritablement pris en
compte, il ne faudra pas s'étonner d'avoir des problèmes, notamment dans les
quartiers en difficulté.
Aujourd'hui, ces problèmes-là, nous ne les abordons pas. Je ne dis pas,
monsieur Gouteyron, que vous les ignorez, loin de là, mais ils ne sont pas
suffisamment pris en compte. En effet, dans les quartiers les plus difficiles,
le taux de chômage des jeunes est de l'ordre de 40 % à 50 %, voire 60 %. C'est
une situation que la plupart d'entre nous méconnaissent.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-40 et II-46 rectifié,
repoussés par le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 80 est supprimé.
Article 81
M. le président.
« I. - A l'avant-dernier alinéa de l'article L. 241-13 du code de la sécurité
sociale, les mots : "par les articles L. 241-6-1 et L. 241-6-2 du présent code,
par l'article 7 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative
au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle et "sont remplacés par
les mots : "par l'article L. 241-6-2 du présent code,
« II. - A l'article 1062-1 du code rural, les mots : "des articles L. 241-6-2
et" sont remplacés par les mots "de l'article".
« III. - Au II de l'article 39 et à l'avant-dernier alinéa de l'article 39-1
de la loi n° 93-1313 du 20 septembre 1993 quinquennale relative au travail, à
l'emploi et à la formation professionnelle, les mots : "par les articles L.
241-6-1 et L. 241-6-2 du code de la sécurité sociale et par l'article 7 de la
présente loi" sont remplacés par les mots : "par l'article L. 241-6-2 du code
de la sécurité sociale".
« IV. - Sont abrogés :
« 1°
Supprimé ;
« 2° Les articles 1062-2 et 1062-3 du code rural ;
« 3° L'article 7 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 précitée.
« V. - Les dispositions du présent article sont applicables aux gains et
rémunérations versés à compter du 1er janvier 1999. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° II-41 est présenté par M. Ostermann, au nom de la commission
des finances.
L'amendement n° II-47 rectifié est déposé par M. Souvet, au nom de la
commission des affaires sociales.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° II-100, le Gouvernement propose de rédiger ainsi l'article
81 :
« I. - A l'avant-dernier alinéa de l'article L. 241-13 du code de la sécurité
sociale, les mots "par l'article 7 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20
décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle
et" sont supprimés.
« II. - Les dispositions du présent article sont applicables aux gains et
rémunérations versés à compter du 1er janvier 1999. »
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n°
II-41.
M. Joseph Ostermann,
rapporteur spécial.
Madame le ministre, je vous remercie de vos
remerciements. De remerciements en remerciements, nous terminerons certainement
cette discussion de manière plus sereine !
L'amendement que nous avons déposé vise à supprimer l'article 81. Je rappelle
que, à l'origine, cet article avait pour objet de supprimer les exonérations
spécifiques de cotisations d'allocations familiales dont bénéficient quatre
catégories d'entreprises, notamment - je me permets d'insister sur ce point -
celles qui sont situées en zone de revitalisation rurale.
Permettez-moi tout d'abord de m'étonner de cette mesure qui contredit la
pérennisation d'un dispositif que nous avions adopté voilà tout juste un an,
lors du vote du projet de budget pour 1998.
Par ailleurs, sur le plan juridique, la rédaction retenue me semble imparfaite
et imprécise, notamment en ce qui concerne la coordination et la modification
des textes visés.
Enfin et surtout, mes chers collègues, je souhaitais vous indiquer que c'est
le Gouvernement lui-même qui a reconnu implicitement le caractère improvisé,
inopportun de cette mesure. Il a en effet, lors de l'examen de cet article à
l'Assemblée nationale, rétabli de fait le bénéfice des exonérations au profit
de trois des quatre catégories d'entreprises visées initialement par l'article.
Cela constitue bien un aveu implicite du caractère inopportun de la mesure
préconisée.
Nous demandons donc, madame la ministre, la suppression de cet article, que le
Gouvernement a déjà vidé de l'essentiel de son contenu, et ce afin de ne pas
légiférer dans la précipitation, comme vous l'avez vous-même reconnu lors des
débats à l'Assemblée nationale.
M. le président.
La parole est à M. Souvet, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement
n° II-47 rectifié.
M. Louis Souvet,
rapporteur pour avis.
Je prendrai beaucoup de précautions et je
m'aventurerai évidemment avec prudence sur ce terrain, qui est complexe.
Contrairement à ce qu'affirme l'exposé des motifs, cet article a moins pour
objet de « rationaliser les dispositifs d'aide à l'emploi » que de revenir sur
la possibilité de cumul entre la ristourne dégressive et l'exonération de
cotisations d'allocations familiales, possibilité introduite par erreur par la
loi du 13 juin 1998 pour certaines entreprises.
L'Assemblée nationale a rétabli la possibilité de cumul pour deux catégories
d'entreprises. L'aticle 81, tel que nous l'examinons, comprend par ailleurs une
erreur matérielle, puisqu'il fait référence à des articles L. 241-6-1 et L.
241-6-2 qui ne figurent pas dans le texte actuellement en vigueur du code de la
sécurité sociale.
La commission des affaires sociales a adopté un amendement de suppression de
cet article. Il ne lui appartient pas d'examiner l'amendement du Gouvernement
en lieu et place de la commission des finances. Néanmoins, votre rapporteur
observe qu'il avait considéré dans son rapport écrit qu'il appartiendrait au
Gouvernement de présenter un nouveau texte juridiquement applicable
correspondant à ses intentions et assorti d'un objet adéquat. Tel semble être
le but de l'amendement présenté par le Gouvernement.
Toutefois, l'objet de l'amendement semble encore peu clair, le coût budgétaire
de cette nouvelle rédaction n'est - à ma connaissance - pas estimé et la
situation des entreprises éligibles au cumul d'exonérations entre le 13 juin et
le 31 décembre 1998 n'est pas précisée. Compte tenu de ces zones d'ombre, je ne
me sens pas autorisé à retirer l'amendement de suppression présenté par la
commission des affaires sociales. Il appartiendra bien sûr au Gouvernement de
clarifier ses intentions d'ici à la nouvelle lecture.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre, pour présenter l'amendement n° II-100.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Pour répondre au souci de M. le
rapporteur spécial, j'espère que nous allons terminer sur un accord.
Vous avez raison, nous pouvons - nous l'avons d'ailleurs dit partiellement à
l'Assemblée nationale - renvoyer la simplification des exonérations au projet
de loi qui, comme je l'ai rappelé, doit être déposé au cours du premier
semestre 1999 et qui traitera du problème des charges patronales. Je pense
notamment au maintien de cette exonération à côté de la ristourne dégressive.
Quelques problèmes s'étaient posés au moment de la mise en place de celle-ci,
empêchant la suppression complète de la mesure Balladur d'exonération des
cotisations d'allocations familiales.
Je partage donc les préoccupations des auteurs des deux amendements, qui
visent à repousser le problème des quatre catégories concernées à notre débat
plus général sur les cotisations patronales, et à ne rien changer sur ce point
aujourd'hui.
Cependant, plutôt que de supprimer purement et simplement l'article, je vous
soumets une autre rédaction, qui prend en compte votre souci mais qui corrige
par ailleurs une erreur matérielle relative au calcul avec la ristourne, erreur
que vous aviez d'ailleurs soulevée, monsieur Souvet, dans votre rapport et
devant la commission des affaires sociales. Celle-ci avait d'ailleurs estimé
qu'« il appartiendra au Gouvernement de présenter un nouveau texte
juridiquement applicable correspondant à ses intentions et de l'assortir d'un
objet adéquat ».
Je crois avoir répondu aux préoccupations de la commission en corrigeant dans
cet amendement cette erreur matérielle, tout en repoussant, comme vous le
souhaitez, le problème des exonérations au débat général que nous aurons
l'année prochaine.
Aussi, j'espère que vous accepterez de retirer vos amendements, qui sont pris
en compte, encore une fois, dans l'esprit et dans la lettre, par le mien,
lequel corrige par ailleurs une erreur qu'avait relevée la commission.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-100 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je vais exprimer une réflexion personnelle, car cet
amendement ayant été déposé en séance, la commission n'a pu se réunir pour
l'examiner.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel visant à proposer une nouvelle
rédaction pour l'article 81. Comme l'a dit Mme Aubry, deux éléments sont ici à
considérer.
En premier lieu, nous sommes amenés à supprimer l'article 81 dans la rédaction
que le Gouvernement avait lui-même proposée dans le projet de loi de finances
initial.
En second lieu, le Gouvernement reconnaît que la rédaction initiale de
l'article n'était pas satisfaisante et qu'il y avait lieu de reprendre cette
question.
Ces deux points ont en effet été constatés tant par la commission des affaires
sociales, comme M. Souvet l'a très clairement dit, que par la commission des
finances. C'est en vertu des réactions que nous avons ainsi exprimées devant
cette rédaction inadéquate que nous avons déposé nos amendements respectifs de
suppression.
Le Gouvernement a choisi, mes chers collègues, de déposer en séance
l'amendement de rectification que vient de présenter Mme le ministre. Bien
entendu, nous examinons ce texte avec les moyens dont nous disposons, mais le
sujet est très technique, et sans doute juridiquement assez complexe.
Me reportant aux débats à l'Assemblée nationale, j'ai relevé que le 10
novembre dernier, en répondant à l'un des intervenants, Mme le ministre avait
reconnu qu'il y avait un problème. Il est sans doute un peu regrettable que
nous n'ayons pas été saisis plutôt de cet amendement. Certes, nous avons tous
beaucoup de choses à faire en même temps, madame le ministre. Le fait est que
nous n'avons pas été véritablement en mesure d'expertiser la rédaction que vous
nous proposez. S'agissant du fond, nous ne sommes sans doute pas très éloignés
les uns des autres.
Nous pensons, par exemple - c'est un point parmi d'autres - que la nouvelle
rédaction ne résout pas précisément la question du cumul des exonérations entre
le 13 juin 1998 et le 1er janvier 1999.
Madame le ministre, nous aurons d'autres occasions de débattre très
prochainement, notamment lors de l'examen du projet de loi de finances
rectificative. Nous préférerions faire de la législation bien ciselée, comme
nous le demande souvent M. le président de la commission des finances, qui
siège sous la statue de Portalis, qu'il aime à évoquer.
Aussi, pour éviter de légiférer dans la précipation, nous préférerions que le
Gouvernement comprenne que nos amendements de suppression ne sont pas, sur le
fond, si éloignés de sa propre démarche et qu'ils visent à lui permettre de
prendre le temps nécessaire pour proposer une rédaction techniquement
parfaite.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission émet un avis
défavorable.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Permettez-moi de corriger un
point dans les propos de M. le rapporteur général. Le texte qui vous est soumis
reprend en partie la rédaction initiale de l'article du projet de loi de
finances, qui, lui, était correct et qui rectifiait l'erreur de la loi du 13
juin 1998. C'est l'amendement de l'Assemblée nationale visant à réintégrer
trois des quatre catégories que vous souhaitez exonérer qui a réintroduit cette
erreur.
Il est vrai, néanmoins, que nous avons déposé cet amendement tardivement, pour
corriger une erreur manifeste. Je pense que la confiance peut exister entre
nous : nous reprenons totalement votre souhait, c'est-à-dire que nous
maintenons l'exonération pour les quatres catégories que vous souhaitez
exonérer et nous corrigeons une erreur qui ne figurait pas dans le projet de la
loi de finances initial mais qui, malheureusement, figurait dans l'amendement
adopté par l'Assemblée nationale
Certes, ce n'est pas un problème majeur, mais je ne comprendrai pas que, sur
un point sur lequel nous sommes d'accord, nous ne parvenions pas à nous
entendre, sauf à dire que tout accord est impossible dans cet hémicycle, ce que
je ne veux pas croire.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pour montrer qu'il n'y a - bien entendu - aucune
espèce d'animosité entre les commissions et le Gouvernement, sous le bénéfice
des observations qui ont été présentées et en attendant, peut-être, que les
choses soient davantage approfondies, la commission des finances retire son
amendement.
M. le président.
L'amendement n° II-41 est retiré.
L'amendement n° II-47 rectifié est-il maintenu ?
M. Louis Souvet,
rapporteur pour avis.
A titre personnel, je me rallie à la position de
la commission des finances et je retire donc cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° II-47 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-100.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 81 est ainsi rédigé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'emploi.
II. - SANTÉ ET SOLIDARITÉ
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'emploi et la solidarité : II. - Santé et solidarité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget de la santé et de la
solidarité se caractérise par une structure particulièrement mouvante. Depuis
douze ans que je rapporte ce budget, je n'ai jamais pu le faire dans la même
configuration.
L'an dernier, j'avais espéré que la présentation retenue pour 1998 serait
conservée pour les exercices suivants, et que le budget de la santé et de la
solidarité trouverait enfin le minimum de stabilité nécessaire à sa
lisibilité.
Tel n'est pas le cas, et je dois regretter une fois encore que la présentation
des crédits soit à nouveau modifiée cette année.
En 1998, les deux fascicules distincts qui existaient depuis 1996, intitulés
respectivement « Santé publique et services communs » et « Action sociale et
solidarité » ont été fondus en un seul. Ce nouveau fascicule unique incluait,
en outre, l'ancien fascicule « Ville et intégration », ainsi que les crédits
consacrés à l'action sociale en faveur des rapatriés et les crédits de la
mission interministérielle à la lutte contre la drogue et la toxicomanie, qui
étaient antérieurement inscrits au budget du Premier ministre.
Pour 1999, les crédits consacrés à la politique de la ville sont à nouveau
présentés sous un fascicule distinct.
L'ensemble des crédits de la santé et de la solidarité ainsi définis s'élève,
pour 1999, à 79,9 milliards de francs, en progression apparente de 9,2 % par
rapport à 1998.
Toutefois, il convient de prendre en compte deux modifications de périmètre,
de sens contraire : en moins, le transfert des crédits de la ville sous un
fascicule à part, soit 755 millions de francs ; en plus, la prise en charge de
l'allocation de parent isolé par le budget de l'Etat, pour un montant de 4,2
milliards de francs.
A structure constante, l'augmentation du budget de la santé et de la
solidarité pour 1999 est de 4,5 %, à comparer au taux de progression de 2,6 %
enregistré en 1998 par rapport à 1997. Tout cela nous ramène, mes chers
collègues, à un débat que nous avons eu récemment à l'occasion de la discussion
du projet de loi de financement de la sécurité sociale sur les taux de
progression de nos dépenses sociales.
Il s'agit principalement d'un budget d'intervention, les dépenses du titre IV
en constituant plus de 90 %. Celles-ci sont en progression de 10,3 % et
expliquent l'essentiel de l'augmentation du budget. Les moyens des services
sont en progression modérée de 2,6 %, tandis que les dépenses en capital sont
en baisse de 26,7 % ; conformément à la tendance générale, constatée dans tous
les projets de budget présentés cette année, l'équipement est sacrifié.
Outre les modifications de périmètre précédemment évoquées, le projet de
budget de la santé et de la solidarité pour 1999 comporte une importante
refonte de la nomenclature et des agrégats budgétaires. Selon la réponse qui
m'a été faite, cette refonte vise à « donner ainsi une meilleure lisibilité des
actions menées par le ministère ». Dans l'immédiat, je constate qu'elle
interdit toute comparaison simple entre les deux exercices 1998 et 1999 dans
l'évolution des crédits, et j'en suis pour ma part désolé.
Le projet de budget de la santé et de la solidarité est composé désormais de
cinq agrégats de volumes très différents, deux d'entre eux en constituant à eux
seuls près de 90 %.
Pour une présentation détaillée des crédits, je me permets de vous renvoyer à
mon rapport écrit, mes chers collègues. Je tiens simplement à appeler votre
attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur six points qui me semblent poser
quelques problèmes.
S'agissant tout d'abord des moyens en personnel, le ministère de la santé et
de la solidarité se caractérise par le nombre des agents qui sont mis à sa
disposition par les caisses de sécurité sociale et les établissements
hospitaliers. Dans les services centraux, j'ai recensé 206 agents mis à
disposition.
Ces mises à disposition sont particulièrement importantes à la direction de la
sécurité sociale, qui emploie 44 personnes, et à la direction des hôpitaux, qui
en emploie 98. Elles peuvent s'expliquer essentiellement par le souci de
renforcer la capacité d'expertise des services concernés, mais elles risquent
de mettre le ministère en contradiction avec la fonction de tutelle qu'il doit
exercer par ailleurs sur les organismes d'origine des agents mis à
disposition.
A cela, j'ajouterai que, dans les services déconcentrés, le recensement est
plus difficile à faire ; mais, d'après mes estimations, le nombre de personnes
mises à disposition serait de 110.
La situation serait à mon avis plus claire si ce personnel d'appoint n'était
pas mis à disposition, c'est-à-dire payé par les organismes d'origine que sont
les caisses ou les hôpitaux, mais rémunéré directement par le ministère. Tout à
l'heure, j'entendais Mme la ministre souhaiter avoir un ministère exemplaire.
Une modification de votre budget en vue de supprimer ces anomalies est
nécessaire pour parvenir éventuellement à l'exemplarité sur ce point.
S'agissant par ailleurs de frais de justice et de réparation civile, je relève
que la dotation de 10,9 millions de francs prévue pour 1999, identique à celle
des années précédentes, est purement indicative. En pratique, les dépenses
constatées en exécution sont toujours très supérieures. Cette année, le projet
de loi de finances rectificative pour 1998 demande l'ouverture de 50 millions
de francs complémentaires à ce titre. Voilà quelques années, on nous demandait
plus de 150 millions de francs.
La présentation de ce poste de dépenses ne me paraît pas conforme au principe
de sincérité budgétaire. Je l'ai dit et je le répète : cela doit être rectifié
et supprimé.
J'observe en outre avec inquiétude la progression rapide des dépenses
consacrées à la tutelle et la curatelle d'Etat. Ces crédits progressent de près
de 10 % en 1999, pour s'établir à 571,5 millions de francs. Le plus important
est non pas leur montant mais la justification de leur augmentation.
L'évolution de ces crédits dépend des décisions judiciaires confiant à l'Etat
des décisions de tutelle et de curatelle sur les personnes reconnues incapables
: 21 000 décisions ont été rendues à ce titre en 1997, nombre en progression de
27 % par rapport à l'année précédente. Monsieur le secrétaire d'Etat, une telle
hausse montre l'existence d'un vrai problème. Cette évolution résulte de la
propension des juges des tutelles à écarter la famille au profit de l'Etat, en
ignorant le caractère normalement subsidiaire de la tutelle publique. Je
voudrais savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, quelles mesures le Gouvernement
envisage de prendre pour encadrer, voire pour corriger cette dérive.
Au-delà du cadre strict du projet de budget de la santé et de la solidarité,
je me suis attaché à examiner cette année certaines insuffisances de la
politique de santé publique. Pour cela, j'ai pu m'appuyer largement sur les
travaux de la Cour des comptes, dont la contribution à l'information du
Parlement, prévue par la Constitution, est irremplaçable. Le Sénat l'a
renforcée en adoptant des amendements lui donnant des compétences élargies.
La Cour des comptes a rendu public, en juillet 1998, un rapport particulier
sur le dispositif de lutte contre la toxicomanie, rapport qui est
particulièrement critique à l'égard de la politique ministérielle. La Cour des
comptes estime que la mission interministérielle de lutte contre la drogue et
la toxicomanie n'exerce pas de réel contrôle sur l'emploi des crédits et ne
joue qu'un rôle réduit dans le domaine international. Elle estime également que
les programmes et plans d'action gouvernementaux procèdent plus de la
juxtaposition des préoccupations de chaque département ministériel que d'une
véritable politique commune.
La Cour des comptes s'inquiète également des délégations d'attribution aux
associations, qui sont d'usage en matière de lutte contre la toxicomanie. Elle
estime que cette pratique fait obstacle à la coordination d'une politique
nationale homogène sur tout le territoire, ainsi qu'à l'évaluation
administrative et financière du dispositif. Enfin, la Cour des comptes estime
que l'Etat n'a pas défini les axes prioritaires de la recherche en toxicomanie,
ni mis en place l'organisation appropriée. Vous constaterez que des critiques
nombreuses et fondamentales ont été formulées. Je voudrais donc savoir,
monsieur le secrétaire d'Etat, quelles suites vous comptez donner aux
observations de la Cour des comptes.
Je me suis par ailleurs intéressé au financement de la politique de lutte
contre le cancer, à propos de laquelle j'ai récemment fait un rapport
d'information que je vous ai adressé. Cette politique me paraît souffrir de
graves lacunes. Après avoir largement consulté, j'ai formulé certaines
propositions, que je crois pertinentes, afin de parvenir à une amélioration à
cet égard. Monsieur le secrétaire d'Etat, avez-vous l'intention d'adapter, de
modifier ou de renforcer cette politique ?
Pourquoi n'avez-vous pas reconduit le Conseil national du cancer, créé en 1995
? Enfin, comptez-vous harmoniser les modes de tarification des chimiothérapies
et mettre à jour la nomenclature des actes de radiothérapie ? Que faites-vous
pour développer l'interdisciplinarité, qui est vitale en cancérologie ?
Allez-vous renforcer la cancérologie dans la formation initiale et continue des
médecins ?
Ma dernière observation, beaucoup plus large, complète les points que nous
avons développés lors du débat sur la loi de financement de la sécurité
sociale. Elle a trait au retard pris dans la mise en place des outils de
régulation des dépenses d'assurance maladie, pour lesquels certains crédits
budgétaires sont prévus.
Dans ce chapitre, je formulerai trois sous-observations. Tout d'abord, la
dotation de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé,
l'ANAES, est simplement reconduite en 1999, au niveau de 37,3 millions de
francs. Alors que l'ANAES a été créée par les ordonnances du 24 avril 1996, la
démarche d'accréditation ne sera officiellement lancée qu'au début de 1999. Le
retard pris dans la mise en place de l'ANAES s'est traduit par des reports de
crédits importants, qui atteignent près de 90 millions de francs au titre de
1997 et de 1998, et expliquent la stagnation apparente de sa dotation.
Ce retard est d'autant plus regrettable que l'ANAES apparaît comme un élément
essentiel de la réforme du système de soins, qui doit contribuer à la
transparence et à la rationalisation de l'allocation des ressources aux
hôpitaux. Trouvez-vous normal, monsieur le secrétaire d'Etat, que la seule
information comparative sur la qualité des établissements hospitaliers
actuellement disponible soit le récent numéro spécial de
Sciences et Avenir
?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
C'est déjà ça !
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Certes, mais c'est tout de même largement insuffisant
pour un secrétariat d'Etat tel que le vôtre.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Vous avez raison !
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Ma deuxième sous-observation porte sur le processus
d'informatisation de l'assurance maladie, qui accuse un retard considérable.
A cet égard, le dernier rapport de la Cour des comptes au Parlement sur la
sécurité sociale est particulièrement critique. Nous apprécions d'ailleurs
beaucoup de pouvoir nous appuyer sur ce rapport, dont les observations sont
incontestables.
La Cour des comptes estime que l'échéance du 31 décembre 1999 retenue pour la
mise en place de la carte Vitale 2 n'apparaît plus réaliste. Elle s'inquiète
également du futur équilibre économique de la concession de service public à
Cegetel pour le réseau santé social, équilibre qui ne lui paraît pas garanti en
raison de la concurrence potentielle d'Internet pour la télétransmission des
feuilles de soins électroniques.
Plus généralement, la Cour des comptes estime « qu'aujourd'hui, la complexité
du dispositif nécessite l'intervention d'un décideur capable d'anticiper et de
suivre les options stratégiques, les échéances et les coûts. L'Etat, qui aurait
dû jouer ce rôle, ne s'est pas, jusqu'à présent, mis en position de le faire ».
On ne peut pas mieux dire !
La participation budgétaire de l'Etat à l'informatisation de l'assurance
maladie est des plus modestes, puisqu'elle se limite à 1,450 million de francs
de crédits prévus, en 1999 comme en 1998, pour les frais de fonctionnement du
GIP « carte professionnelle de santé ». Je rappelle que la Cour des comptes
estime à 7 milliards de francs les dépenses nécessaires à moyen terme pour la
seule généralisation de la carte de santé Vitale 2.
Je ne saurais trop insister sur l'importance de l'informatisation du système
de soins, qui est la pierre angulaire de la réforme engagée en 1996. Aucune
maîtrise effective des dépenses de santé ne sera possible tant que les projets
en cours ne seront pas opérationnels.
Troisième sous-observation, le budget de la santé et de la solidarité
accueille également certaines dotations destinées à accompagner le nécessaire
processus de rationalisation de l'offre hospitalière, qui est financé
principalement dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale.
Les autorisations de programme prévues pour le fonds d'aide à l'adaptation des
établissements hospitaliers s'élèvent à 250 millions de francs seulement pour
1999, contre 503 millions de francs en 1998. Les crédits de paiement afférents
sont simplement reconduits, au niveau de 150 millions de francs.
Cette diminution des crédits s'explique par la lenteur du processus de
sélection des dossiers. Le fonds d'aide à l'adaptation des établissements
hospitaliers est pourtant essentiel, puisqu'il a pour mission d'accompagner les
opérations de restructuration.
Les agences régionales de l'hospitalisation, les ARH, dont l'autorité avait
été fragilisée l'an dernier par une polémique que je qualifie de mesquine sur
le niveau de rémunération de leurs directeurs, ne sont plus contestées
désormais. Leur dotation budgétaire apparaît toutefois modeste.
Les crédits consacrés aux ARH sont accrus de 5 millions de francs en 1999,
pour s'établir à 107,7 millions de francs, soit une hausse de 4,9 %. Cette
mesure d'ajustement est destinée à financer la réalisation des schémas
régionauxs d'organisation sanitaire, les SROS, de seconde génération.
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous saurez leur apporter le
soutien nécessaire lorsqu'elles auront à prendre des décisions difficiles.
Je ne saurais trop insister sur l'importance des ARH pour le processus
d'ajustement des dotations hospitalières aux besoins réels de la population,
ainsi que pour la réduction des inégalités entre les régions qui, comme vous le
savez, varient de 1 à 3.
Mes chers collègues, il me reste à vous indiquer la position de la commission
des finances sur le budget de la santé et de la solidarité pour 1999.
Tout d'abord, votre commission vous propose d'adopter sans modification les
trois articles qui sont rattachés à ce budget.
L'article 82 transfère à l'Etat la charge du financement de l'allocation de
parent isolé.
L'article 83 bascule automatiquement les bénéficiaires de l'allocation aux
adultes handicapés sur le minimum vieillesse lorsqu'ils atteignent l'âge de
soixante ans, et je sais que notre collègue M. Chérioux y est attaché.
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Je vais conclure, monsieur le président.
Enfin, l'article 84 encadre par un système d'enveloppe fermée les dépenses des
établissements sociaux et médico-sociaux financés par l'Etat.
En revanche, la commission des finances a estimé que ce budget justifiait,
outre les réductions de crédits forfaitaires proposées pour tous les
ministères, certaines économies.
M. le président.
Il vous faut vraiment conclure !
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
La première de ces économies ciblées concerne
l'allocation de parent isolé et porte sur 200 millions de francs.
Conformément au souhait de la Cour des comptes, la seconde de ces économies
ciblées porte sur le RMI. Elle concerne 1,3 milliard de francs et représente 5
% des crédits du RMI. Ceux-ci augmentent de 4,3 % alors que l'emploi
s'améliore, ce qui paraît tout à fait excessif et démontre que vous n'avez pas
le contrôle de la situation.
Tout en modérant ainsi leur progression, la commission des finances vous
demande d'adopter les crédits de la santé et de la solidarité pour 1999.
(Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement pour la
République, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la
solidarité.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, incontestablement, le budget dela solidarité pour 1999, qui
augmente de 4,73 % à structure constante, fait largement appel aux marges de
manoeuvre dégagées par la croissance. Or l'on voit aujourd'hui, hélas ! combien
les prévisions comportent d'aléas en cette matière.
Il est toujours tentant de juger un budget à la lumière des augmentations
nominales de crédits obtenus par le ministre durant la négociation budgétaire.
Dans le domaine social, ce raisonnement se heurte toutefois à l'ampleur des
besoins non satisfaits. Qu'il s'agisse d'améliorer les conditions de vie des
plus démunis, de lutter contre tous les facteurs qui freinent l'intégration des
handicapés dans la société, d'accueillir les sans-abri ou de réinsérer les
titulaires de minima sociaux, le présent budget ne saurait assurer la
couverture de toutes les dépenses potentielles.
C'est pourquoi, pour apprécier ce budget, il faut examiner s'il s'accompagne
d'un effort de maîtrise accrue des dérives de coût possibles dans le secteur
social. Dépenser « plus » importe moins que dépenser « mieux », c'est-à-dire
offrir plus de prestations ou les répartir plus équitablement, à niveau
budgétaire constant.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Très bien !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
En effet !
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Vous le voyez, je commence bien, monsieur le
secrétaire d'Etat !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Ce n'est pas mal !
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Parmi les points de satisfaction, la commission des
affaires sociales a relevé tout d'abord la poursuite de l'engagement en faveur
des personnes handicapées, notamment en matière de création de places
d'hébergement supplémentaires dans les maisons d'accueil spécialisé ou les
centres d'aide au travail.
Cela étant, Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a déclaré
récemment, devant le conseil supérieur des travailleurs handicapés, qu'elle
souhaitait assurer le financement des équipes de préparation et de suivi du
reclassement non plus par une dotation budgétaire, comme prévu pour 1999, mais
par l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des
handicapés, l'AGEFIPH. Il serait intéressant, monsieur le secrétaire d'Etat,
que vous nous apportiez des éclaircissements sur ce point.
Par ailleurs, la commission a tenu à souligner que, malgré les progrès
médicaux, l'état des malades atteints d'une maladie évolutive grave soulevait
toujours des incertitudes et que le régime de l'allocation adulte handicapé
devait en tenir compte.
Par rapport à l'année dernière, nous avons également apprécié que les crédits
d'action sociale de l'Etat tirent les conséquences de la loi du 29 juillet
dernier relative à la lutte contre les exclusions.
Concernant l'accueil d'urgence, il nous apparaît qu'au-delà de la rénovation
des dortoirs collectifs les plus inconfortables et les moins séduisants il
devient essentiel de permettre une meilleure mobilisation des places
disponibles lorsque les conditions climatiques se dégradent. C'est donc
l'appareil d'accueil et d'orientation que l'Etat doit contribuer à soutenir
pour en faire un véritable service public continu et efficace.
En revanche, au regard de la nécessaire maîtrise des coûts, la commission des
affaires sociales s'est inquiétée de l'évolution particulièrement préoccupante
de deux postes.
Le RMI aborde sa dixième année de fonctionnement avec plus d'un million
d'allocataires, et ce nombre devrait augmenter de 3 % en 1999. Alors que nous
entrons dans une période considérée comme une période de croissance plus riche
en créations d'emplois, il est difficile d'accepter que les effectifs du RMI
continuent d'augmenter plus vite que le PIB !
Peut-être aviez-vous déjà connaissance de ces éléments, monsieur le secrétaire
d'Etat, lorsque le Gouvernement a décidé tout récemment de prendre en matière
de RMI des mesures qui, elles, semblent aller dans le bon sens !
L'ensemble des outils dont s'est doté le Gouvernement pour assurer un nouveau
départ aux chômeurs de longue durée doit être mobilisé pour obtenir des
résultats plus significatifs sur les taux de sortie du RMI.
Il faut faire comprendre - y compris en contrôlant mieux - que le RMI est non
pas un dispositif où l'on peut s'installer durablement, mais une étape avant de
retrouver le chemin de l'insertion, faute de quoi l'on s'exposerait à une
contestation croissante. Et, effectivement, les mesures que vous avez prises
vont dans le bon sens.
Par ailleurs, les décisions de mise en tutelle et sous le régime de la
curatelle d'Etat continuent de progresser de plus de 10 % par an - M. le
rapporteur spécial s'en est ému - dans un contexte démographique défavorable,
mais qui n'explique pas tout. Sur ce dossier, plutôt que des correctifs
partiels qui entraînent le mécontentement des associations et des usagers,
c'est bien une véritable réforme qui doit être lancée, en concertation avec le
ministère de la justice, afin de redéfinir le rôle des familles et de clarifier
les conditions dans lequelles les juges peuvent décider du recours à la tutelle
par un tiers.
Comme chaque année, la présentation de cet avis donne à votre commission des
affaires sociales l'occasion de dresser le bilan des dépenses d'action sociale
et médico-sociale prises en charge par les collectivités locales.
Celles-ci ont augmenté de 2,7 % en 1997, ce qui semble confirmer la poursuite
de l'accalmie observée depuis 1995 après l'explosion du début des années
quatre-vingt-dix. Cette accalmie nous est apparue pourtant trompeuse, car
l'avenir est lourd de menaces.
Les évolutions démographiques, la question nouvelle de la prise en charge des
adultes handicapés âgés, la judiciarisation croissante de la protection de
l'enfance et le fardeau de l'exclusion sociale constituent autant de tendances
lourdes propices à une reprise forte de la demande au cours des prochaines
années.
La situation est aggravée par les récentes réformes du Gouvernement, qui ne
peuvent qu'entraîner un renchérissement du coût des prestations de l'appareil
social et médico-social.
Tout d'abord, la mise en oeuvre des emplois-jeunes a un effet de surcoût
immédiat pour les associations, qui conservent à leur charge au minimum 20 % du
coût de la rémunération des personnes embauchées. Mais c'est surtout dans cinq
ans qu'une demande forte apparaîtra en faveur de l'embauche par les
associations des emplois-jeunes, cette fois-ci à part entière, sur des postes
dont on nous dit déjà qu'ils doivent être « professionnalisés ».
Ensuite, la réduction du temps de travail dans le secteur social et
médico-social est particulièrement onéreuse, dans la mesure où les gains de
productivité susceptibles d'en compenser les effets sont faibles, voire
inexistants. L'émiettement des structures et des budgets et le fait que les
personnels travaillent face à des hommes et non à des machines appellent
inévitablement le recours à de nombreuses embauches compensatrices.
Certains estiment à 2 % l'augmentation des dépenses salariales pendant la
période aidée par l'Etat. Mais le surcoût peut varier entre 5 % et 8 % selon
les secteurs à l'issue de cette période. C'est donc une menace pour
l'avenir.
Enfin, la nouvelle définition de la notion de travail effectif, issue de la
jurisprudence et corroborée par la loi du 13 juin 1998, remet en cause les
accords conventionnels sur le calcul de la rémunération des périodes
d'astreinte, ce qui peut entraîner des variations de 6 % à 8 % des dépenses de
personnel dans les établissements selon les secteurs, ce qui est
considérable.
C'est dans ce climat, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous avez choisi
d'instituer le dispositif du taux directeur opposable dans le secteur social et
médico-social, dont le financement est assuré par le budget de l'Etat et par
l'assurance maladie.
Nous soutenons, bien entendu, votre démarche car, depuis deux ans, nous
demandons la mise en place d'un système d'enveloppes réellement limitatives
afin de freiner le caractère inflationniste des dépenses dans ce secteur, où
les accords tarifaires peuvent être constamment remis en cause par la voie
contentieuse. Nous vous proposerons, par cohérence, d'étendre le taux directeur
au secteur financé par les départements.
Mais, pour autant, le taux directeur opposable ne doit pas devenir un garrot
pour les associations gestionnaires.
M. Guy Fischer.
C'est pourtant ce qu'il va devenir !
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Le nouveau dispositif tarifaire ne prendra son sens
que si l'Etat évalue régulièrement les facteurs d'évolution de la dépense qui
dépendent de ses propres décisions et ceux dont la responsabilité incombe aux
gestionnaires.
Parmi ces dépenses, il faut souligner l'incidence des normes techniques,
génératrices d'investissements très lourds. Aucune coordination ne semble être
assurée pour éviter que convergent sur les associations et les collectivités
locales concernées des demandes impératives de remises aux normes sous la
menace d'engagement de responsabilité en cas de carence. Il faut évaluer le
surcoût imputable aux normes techniques !
Pour ce qui est de l'évolution des dépenses de personnel et du rôle que jouent
les conventions collectives, un facteur incompressible d'évolution de la
dépense au cours des prochaines années tient au « glissement vieillesse
technicité », qui entraînera inéluctablement une progression de un à deux
points par an de la dépense.
L'Etat, d'une manière générale, doit faire le point sur les surcoûts
imputables aux récentes réformes que je viens d'évoquer, ainsi que sur les
clauses des conventions collectives qui aboutissent à donner aux personnels de
droit privé du secteur associatif un statut qui est parfois très proche de
celui d'une quasi-fonction publique, alors que le recours aux associations a
pour objet - du moins le prétend-on - de permettre une gestion plus souple.
Enfin, les conséquences financières des avenants aux conventions collectives
devront être évaluées aussi bien pour l'Etat que pour les départements
employeurs avant tout agrément ministériel, contrairement à ce qui avait été
constaté lors de l'agrément des accords Durieux-Durafour.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, compte tenu de ces observations,
en particulier des inquiétudes qu'elles comportent, la commission des affaires
sociales a émis un avis défavorable à l'adoption du projet de budget relatif à
la solidarité tel que transmis par l'Assemblée nationale.
Bien entendu, cet avis ne préjuge pas les votes qu'elle sera amenée à formuler
sur le budget tel qu'il pourrait être amendé sur l'initiative de la commission
des finances.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La paroles est à M. Louis Boyer, rapporteur pour avis.
M. Louis Boyer
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la
santé.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, avant d'aborder l'analyse du budget de la santé pour 1999, je
voudrais rappeler que, depuis l'institution des lois de financement de la
sécurité sociale, je n'évoque plus dans mon rapport la politique d'assurance
maladie. Ce rapport concerne deux agrégats intitulés « Politique de santé
publique » et « Offre de soins » du budget de la santé et de la solidarité, qui
représentent au total 3,79 milliards de francs et qui affichent une très légère
progression de 0,2 % par rapport à ceux qui ont été ouverts en lois de finances
pour 1998.
Cependant, si l'on tient compte de la débudgétisation du financement des
centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie, cette progression représente 3,6
% à structure constante.
Nous ne pouvons que nous en féliciter, car la commission des affaires sociales
a constamment défendu l'idée selon laquelle les crédits du budget de la santé,
à condition, bien sûr, d'être convenablement utilisés, étaient utiles et
méritaient des redéploiements en provenance d'autres secteurs de l'action
publique. Notre système de santé demeure, en effet, trop orienté vers le
curatif, et le budget de la santé est le premier outil d'impulsion pour le
financement d'actions préventives et d'adaptation de l'offre de soins.
J'évoquerai, d'abord, les priorités de ce budget telles qu'affichées par le
Gouvernement, et, en premier lieu, celle qui concerne particulièrement la
commission des affaires sociales du Sénat, à savoir la mise en oeuvre de la loi
du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la sécurité et de la veille
sanitaires.
Le projet de loi de finances prévoit en effet les crédits nécessaires à
l'installation, dès le début de l'année prochaine, des trois nouveaux
établissements publics institués par cette réforme : l'Agence française de
sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence française de sécurité
sanitaire des aliments et l'Institut de veille sanitaire.
La première agence, qui contrôlera l'ensemble des produits de santé, profitera
de l'essentiel des crédits, soit 119 millions de francs, plus une subvention
destinée à financer des activités de recherche. Sur ces 119 millions de francs,
près de 85 millions proviennent de transferts : 80,5 millions de francs
correspondent à la subvention de l'Etat à l'ancienne Agence du médicament, et
s'y ajoutent des transferts d'emplois, au nombre de vingt-sept, en provenance
de l'administration centrale ou de l'Agence française du sang, représentant 4,5
millions de francs environ.
Les mesures nouvelles, qui doivent accompagner l'extension des missions de la
nouvelle agence par rapport à celles de l'Agence du médicament, s'élèvent à
34,9 millions de francs. Ces crédits permettront notamment la création de
soixante et un emplois.
La deuxième agence de sécurité sanitaire, l'Agence française de sécurité
sanitaire des aliments, disposera d'un budget bien moins élevé, avec un total
de subventions de l'Etat de 31,4 millions de francs.
Au sein de ces 31,4 millions de francs, la contribution du budget de la santé
est assez modeste ; elle s'élève à 8 millions de francs. La majeure partie de
ces crédits correspondent, en fait, au transfert à l'agence du laboratoire
d'hydrologie et à des subventions accordées, comme l'an dernier, à
l'observatoire des consommations alimentaires. Les mesures nouvelles, qui
situent l'effort du ministère de la santé pour créer une strucutre
véritablement nouvelle, s'élèvent à 3 millions de francs seulement.
Troisième établissement public institué par la loi du 1er juillet 1998,
l'Institut de veille sanitaire prend la suite, en quelque sorte, du réseau
national de santé publique. Il bénéficiera d'une subvention de 62,5 millions de
francs, dont plus du tiers sont des moyens nouveaux. Le reste des crédits
correspondent, outre la subvention à l'ancien réseau national de la santé
publique, aux moyens des registres de pathologies et à 3 millions de francs qui
étaient antérieurement affectés aux observatoires régionaux de la santé.
Lorsque j'ai interrogé le ministre, en commission, sur ce dernier transfert,
il a répondu que les 3 millions de francs ne feraient que transiter par
l'Institut de veille puisqu'ils devraient être consacrés aux observatoires
régionaux pour financer la maintenance des tableaux de bord. La fédération des
observatoires régionaux de la santé, que nous avons interrogée à ce sujet,
estime cependant que, lorsqu'ils reviendront aux observatoires, ces 3 millions
de francs se réduiront au mieux à 2,49 millions ; ils seront en effet soumis à
la TVA, sans tenir compte des éventuels frais de gestion de l'Institut de
veille sanitaire.
La commission des affaires sociales souhaiterait, monsieur le secrétaire
d'Etat, obtenir des précisions sur ce point.
Je ne voudrais pas clore le sujet de la mise en oeuvre de la réforme de la
sécurité sanitaire sans évoquer les péripéties concernant la gestion des
crédits ouverts en loi de finances pour 1998 pour l'installation des trois
établissements publics créés par cette réforme.
Vous vous en souvenez, l'an dernier, nous avions voté, à ce titre, l'ouverture
de 80 millions de francs de crédits. Dans la mesure où cet argent n'a pas
encore été utilisé, les agences n'étant pas encore créées, un arrêté du 21 août
dernier est venu annuler 34 de ces 80 millions de francs, un décret d'avances
ouvrant, par ailleurs, des crédits d'un montant identique de 34 millions de
francs pour financer les Etats généraux de la santé.
Restaient donc, au 21 août, 46 millions de francs pour les futures agences
!
Aujourd'hui, le projet de loi de finances rectificative pour 1998 vient
quelque peu compenser cette perte en demandant l'ouverture de 9 millions de
francs supplémentaires. On aura donc, au titre de 1998, 55 millions de francs
pour l'installation des nouvelles agences, dont on peut supposer qu'ils seront
reportés sur 1999 et viendront donc s'ajouter aux crédits ouverts par le
présent projet de loi de finances.
La commission voudrait s'assurer, monsieur le secrétaire d'Etat, que
l'ensemble de ces crédits seront bien reportés et elle aimerait connaître leur
répartition entre les deux agences et l'Institut de veille sanitaire.
On ne peut donc que constater que la « cagnotte » des 80 millions de francs
aura été bien utile, cette année, aux services du ministère de la santé pour
financer temporairement d'autres opérations et qu'elle se trouve réduite, en
fin d'année, de 25 millions de francs.
La seconde priorité gouvernementale affichée, cette année, dans le budget de
la santé est la lutte contre les exclusions et la mise en oeuvre des programmes
régionaux pour l'accès à la prévention et aux soins, institués par la loi
d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.
Le Gouvernement indique que 250 millions de francs, dont 194 millions de
francs de mesures nouvelles, seront affectés à ces programmes.
L'appréciation de cet effort doit tenir compte d'un certain nombre d'effets
d'optique, mais aussi de quelques effets de « yoyo budgétaire ».
Des effets d'optique, car l'effort annoncé en faveur de la lutte contre les
exclusions rassemble des actions qui sont également prises en considération
dans d'autres domaines de l'action gouvernementale. Ainsi, l'institution de
consultations d'alcoologie dans les centres d'hébergement peut être inscrite,
en affichage, au titre de la lutte contre l'exclusion, à condition de ne pas
être comptabilisée deux fois et d'être rappelée comme mesure nouvelle de lutte
contre l'alcoolisme. Il en est de même pour les vingt-cinq « points d'écoute »
destinés au jeunes toxicomanes.
Il faut aussi tenir compte des effets de « yoyo budgétaire ». Ainsi, le
Gouvernement annonce le quasi-doublement des crédits de l'article 40 du
chapitre 47-11, intitulé « Interventions sanitaires en direction de publics
prioritaires ». Si l'on doit se féliciter d'une telle progression, il convient
aussi de rappeler que ces mêmes crédits avaient été réduits d'un tiers, l'an
dernier, dans la loi de finances pour 1998.
Je voudrais maintenant évoquer la lutte contre les grands fléaux
sanitaires.
La lutte contre la toxicomanie, d'abord, bénéficiera de plus d'un milliard de
francs de crédits, soit plus du tiers du budget de la santé. Ces crédits se
répartissent en 815 millions de francs au titre des crédits du ministère et de
236 millions de francs pour la mission interministérielle de lutte contre la
toxicomanie. Ces derniers, après avoir progressé de 27 % l'an dernier, sont
réduits de 19,5 % cette année, une partie des crédits n'ayant pas été consommés
et devant faire l'objet d'un report.
Depuis l'entrée en fonctions du Gouvernement, se fait attendre un plan
triennal d'action qui n'a toujours pas vu le jour. Il est vrai qu'un rapport de
la Cour des comptes a critiqué les plans précédents, notamment leur
impréparation et l'insuffisante évaluation des politiques déjà mises en oeuvre.
A tout le moins peut-on espérer que, compte tenu de ses délais d'élaboration,
le futur plan, s'il doit voir le jour, ne s'exposera pas à de telles critiques
?
Le chapitre 47-18, jusqu'ici exclusivement consacré à la lutte contre le sida,
est élargi cette année à la lutte contre l'ensemble des maladies
transmissibles, notamment l'hépatite C. Ses crédits, qui s'élèvent à 523,5
millions de francs, sont en progression de 50 millions de francs. Cete
progression permettra, à hauteur de 16 millions de francs, d'améliorer le
dépistage, la prévention et la surveillance épidémiologique de l'hépatite C, ce
qui est une bonne chose.
En revanche, la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme est toujours le
parent pauvre du budget de la santé. Une fois de plus, je souhaite dénoncer,
outre l'indigence des crédits, le fait que, pour faire meilleure figure, le
budget de la santé ne distingue pas les crédits de la lutte contre le tabagisme
de ceux de la lutte contre l'alcoolisme.
Sur les 90 millions de francs ouverts dans le projet de loi de finances, les
crédits de la lutte contre l'alcoolisme représenteraient, selon le ministère,
environ 88,5 millions de francs et ceux de la lutte contre le tabagisme de 1,5
million de francs à 2 millions de francs.
L'an dernier, nous avions évoqué le manque de transparence des actions menées
par le comité national de lutte contre le tabagisme, le CNCT, qui reçoit
l'essentiel des crédits de la lutte contre le tabagisme ouverts chaque année en
loi de finances. Un rapport de l'IGAS, en cours d'année, nous a donné
raison.
Le ministère semble avoir choisi de ne pas reprendre en main lui-même la
politique de lutte contre le tabagisme et de continuer à privilégier la
solution CNCT, à condition que cette association accepte de renouveler ses
instances dirigeantes.
M. le président.
Mon cher collègue, j'en suis désolé, mais il va vous falloir conclure.
M. Louis Boyer,
rapporteur pour avis.
Je termine, monsieur le président.
La réponse à notre questionnaire budgétaire, cette année, n'est pas plus
détaillée que celle des années précédentes : elle ne fait mention d'aucune
précision, ni de délai ni de contenu, pour décrire l'exigence ministérielle.
J'aimerais, monsieur le secrétaire d'Etat, obtenir des précisions sur ce
point.
Je voudrais, enfin, évoquer certains crédits budgétaires destinés à l'offre de
soins, notamment les crédits destinés à l'organisation des soins et aux secours
d'urgence.
Les crédits déconcentrés régressent de 16 millions de francs à 10,5 millions
de francs. Nous souhaitons obtenir des précisions sur les raisons d'une telle
baisse.
Cette année, alors qu'il faudrait accélérer les opérations de restructuration,
le fonds ne sera doté que de 250 millions de francs en autorisations de
programme et de 150 millions de francs en crédits de paiement. On ne peut que
regretter cette décision, d'autant qu'elle est malheureusement en phase avec la
décision prise, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale,
de ne pas réorienter plus de financements de l'assurance maladie vers le fonds
d'accompagnement social des restructurations hospitalières.
Compte tenu de l'ensemble de ces observations, la commission a émis un avis de
sagesse pour l'adoption des crédits de la santé pour 1999.
(Applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 24 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 22 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
13 minutes.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
cette année encore, les crédits consacrés à la santé et à la solidarité
enregistrent une progression substantielle.
Ce budget s'articule principalement autour de deux axes : le développement
social et la lutte contre l'exclusion.
Si le développement social constitue, à mes yeux, une priorité fondamentale
quant à l'épanouissement de la personne humaine, laissez-moi faire le choix du
second axe de votre budget, la lutte contre l'exclusion, pour expliciter ma
position quant à cette politique.
S'agissant des crédits consacrés aux politiques d'intégration et de la lutte
contre les exclusions, qu'il me soit permis d'apprécier à sa valeur
l'importance des crédits, en augmentation de 18,9 % par rapport au budget de
1998, puisqu'ils traduisent la mise en oeuvre de la loi du 29 juillet 1998 et
s'inscrivent dans les priorités du Gouvernement.
Il nous appartient de garantir à chacun l'accès aux droits fondamentaux qui
sont ceux de chaque citoyen, qu'il s'agisse des sans-abri récemment victimes de
la vague de froid ou de cette jeune femme morte de faim à son domicile parce
qu'elle se sentait exclue de la société. Il est de notre devoir de citoyen, et
à plus forte raison d'élu, de consacrer une part substantielle des crédits au
traitement de ce que nous pouvons aujourd'hui qualifier de fléau de cette fin
de siècle.
Depuis 1946, la protection de la santé est un principe de valeur
constitutionnelle, et nous nous devons de le respecter et de le faire respecter
; c'est le droit à la santé.
C'est la raison pour laquelle il faut consentir les efforts nécessaires à
l'accueil de ces personnes.
Certes, les crédits permettront de créer 500 places supplémentaires dans les
centres d'hébergement et de réadaptation sociale. Mais s'il est indéniable que
ce chiffre est important, il est vrai aussi qu'il est encore trop
insuffisant.
La politique d'insertion et de lutte contre l'exclusion se traduit également
par le revenu minimum d'insertion, institué voilà tout juste dix ans. En
progression de 4,3 %, les crédits consacrés à l'allocation du RMI représentent
26,4 milliards de francs.
Au risque de choquer, je ne crois pas que nous devrions nous en réjouir.
Certes, cette augmentation résulte de la revalorisation de l'allocation, mais
aussi - je le déplore - de l'augmentation du nombre de bénéficiaires. Au
premier semestre de cette année, plus d'un million de personnes percevaient le
RMI.
Cette situation me préoccupe d'autant plus que le nombre d'allocataires du RMI
en Guyane - près de huit mille personnes au 31 décembre 1997 - ne cesse de
progresser.
Ce que certains pourraient considérer comme une avancée sociale s'apparente en
réalité à un véritable échec.
Outre l'insuffisance de sa revalorisation, force est de constater que le
revenu minimum d'insertion ne constitue plus un moyen d'insertion pour les
personnes vivant dans la précarité. Notre devoir est de redonner l'espoir à ces
personnes, pour qui vivre dignement est un combat de tous les jours. Pour
autant, le revenu minimum d'insertion n'apparaît plus comme la solution la
mieux adaptée.
Ne pourrait-on pas envisager d'instituer, par exemple, un revenu minimum
d'activité, qui pourrait être versé en échange d'un travail accompli au sein de
la collectivité ? C'est aussi un principe de valeur reconnu dans la Déclaration
universelle des droits de l'homme, article 23 : le droit au travail.
S'agissant des crédits consacrés à la santé, qu'il me soit permis de vous
faire part de mon sentiment d'insatisfaction pour ce qui concerne les crédits
alloués à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est déroutant de constater que ces crédits
sont très nettement insuffisants. Pourtant, les ravages occasionnés par ces
deux fléaux ne sont plus à démontrer et touchent de plus en plus de jeunes. Les
conséquences désastreuses méritent - ne croyez-vous pas ? - que l'Etat engage
une réelle politique de lutte.
J'aurais pu m'attarder plus longtemps sur l'examen des crédits qui nous sont
proposés ; mais, dans le temps qui m'est accordé, je manquerais à mes devoirs
d'élu de Guyane si je ne profitais pas de l'occasion qui m'est donnée
d'intervenir à cette tribune pour aborder la question de la précarité du
système de santé en Guyane.
Comprenez mon étonnement de constater que les problèmes dont j'avais fait état
lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998 sont
malheureusement encore d'actualité. J'avais indiqué à cette tribune la
nécessité de mettre en place une véritable politique de santé en Guyane. Je le
réaffirme solennellement aujourd'hui : la sécurité sanitaire en Guyane n'est
toujours pas assurée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'avais, l'an dernier, attiré votre attention
sur l'endémie palustre qui ne cesse de se développer dans notre département et
sur l'urgence qu'il y avait à combattre ce fléau, principalement en accordant
le remboursement des médicaments antipalustres.
Je sais que l'admission au remboursement de ces médicaments suppose une
procédure préalable qui met en jeu une commission de la transparence chargée de
donner un avis d'ordre technique et un comité économique qui fixe le prix des
médicaments.
Or la commission de la transparence a été saisie cet été.
Pourquoi avoir attendu si longtemps, alors que vous m'aviez donné l'assurance
l'année dernière à cette même tribune que vous prendriez les dispositions
nécessaires pour favoriser l'accès des populations aux traitements ? Combien de
temps faudra-t-il encore attendre pour que cet avis soit rendu ? N'oublions pas
que le paludisme est toujours aussi préoccupant et que les médicaments ne sont
toujours pas remboursés.
Au mois de décembre dernier, une mission de l'IGAS, dont les conclusions sont
aujourd'hui connues, s'est rendue en Guyane afin de procéder à un audit sur les
centres de santé. Le 6 juin dernier, le secrétaire d'Etat à l'outre-mer a
annoncé à la préfecture de la Guyane l'accord sur le principe de la reprise en
main des soins curatifs dans les centres de médecine collective en 1999 et la
mise en place d'une mission d'évaluation, comprenant un directeur des hôpitaux
et un médecin, pour établir la situation exacte. Pourquoi cette mission ? La
décision de la prise en charge des soins curatifs par l'Etat a-t-elle été prise
?
L'année dernière, vous m'aviez également indiqué, ainsi qu'en fait foi le
Journal officiel
des débats du Sénat, qu'il était envisagé de demander
des crédits exceptionnels pour parer au plus pressé en matière de soins
curatifs - remplacement des équipements de base, approvisionnement, recrutement
et rémunération des personnels. Or, rien n'a été fait jusqu'à présent. Pourquoi
?
Vous conviendrez pourtant avec moi, monsieur le secrétaire d'Etat, que la
gravité de la situation sanitaire de la Guyane exige des actions et des
financements exceptionnels.
Les structures de médecine collective sont pour certaines dans un état
déplorable. L'état de délabrement est indéniable : mauvaises conditions
d'hygiène, insuffisance de ventilation dans les salles de soins, pour ne citer
que ces exemples. Face à cette situation, les médecins et les infirmières sont
découragés et ne demandent surtout pas le renouvellement de leur affectation.
Les moyens humains, matériels et budgétaires, mis en exergue dans le rapport
Merle, sont très insuffisants et ne peuvent pas répondre aux besoins de la
population.
Il est inadmissible et indigne qu'un département français souffre d'une telle
déficience de son système de santé.
Malheureusement, la collectivité départementale de la Guyane ne peut plus
faire face à ses responsabilités en matière de médecine curative, notamment en
raison de la croissance de ses charges d'aide sociale. Toutefois, qu'il me soit
permis de rappeler que les transferts financiers n'ont pas suivi les transferts
de compétences en la matière, ce qui occasionne un manque à gagner pour cette
collectivité d'un montant de plus de 500 millions de francs. En effet, la
Guyane est confrontée à une très forte immigration, souvent clandestine, en
provenance du Brésil, du Surinam, du Guyana ou d'Haïti.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je terminerai mon propos par une question qui
me préoccupe particulièrement.
Compte tenu du nombre de bénéficiaires de thérapies gratuites relevant de la
sécurité sociale, une convention a été ratifiée par l'Etat, la DDASS et le
département. Cette convention prévoit le reversement par la sécurité sociale au
conseil général de la Guyane de sommes gelées depuis plusieurs années.
Aujourd'hui, la dette due par la sécurité sociale n'a toujours pas été versée.
Or, sans moyen financier, le conseil général ne peut pas poursuivre les
importants travaux que nous estimons nécessaires. Monsieur le secrétaire
d'Etat, quelles dispositions comptez-vous prendre pour contraindre la sécurité
sociale à payer sa dette ?
La situation sanitaire de la Guyane exige des efforts considérables, mais
indispensables. Je forme l'espoir que, cette fois-ci, vous m'entendrez et que
l'affirmation de votre volonté sera forte et grands les efforts que vous
déploierez rapidement pour que la situation sanitaire de la Guyane retrouve une
bonne santé.
M. le président.
La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
développement des soins palliatifs constitue une sujet essentiel, trop rarement
pris en compte par les pouvoirs publics. En France, si l'on excepte les
initiatives que nous avons décidées en faveur d'une meilleure prise en charge
de la douleur - mais elles débordent très largement le seul cadre de
l'accompagnement des mourants - il faut remonter à 1986 pour trouver une
circulaire du ministère de la santé « relative à l'organisation des soins et à
l'accompagnement des malades en phase terminale ». Une circulaire fort bien
faite, d'ailleurs, et qui a eu quelques effets significatifs. Mais une simple
circulaire n'a pas la force d'une loi, qui, elle, exprime une volonte
politique.
Or, aujourd'hui, l'état des lieux montre une situation très insuffisante, avec
quelque 550 lits de soins palliatifs très inégalement répartis sur l'ensemble
de notre territoire - il existe encore des zones entièrement noires - alors que
la petite Belgique compte environ 400 lits en unités hospitalières, auxquels il
faut ajouter les nombreux lits à domicile grâce aux équipes non hospitalières
et aux associations reconnues et financées par l'Etat.
Certes, au cours des deux dernières années, les pouvoirs publics et l'ordre
des médecins ont pris conscience de la nécessité de faire évoluer les choses,
en agissant principalement en direction des professionnels de santé.
Ainsi, la réforme des études médicales a ajouté les soins palliatifs à la
liste des enseignements obligatoires du deuxième cycle, et ils constituent un
des thèmes jugés prioritaires devant faire l'objet de séminaires. Mais cette
réforme est insuffisamment appliquée par l'ensemble des facultés de
médecine.
De son côté, l'ordre des médecins a accepté d'entreprendre une oeuvre
salutaire en modifiant profondément le code de déontologie des médecins. Ses
articles 37 et 38, en particulier, disposent désormais que « le médecin doit,
en toutes circonstances, s'efforcer de soulager les souffrances, assister
moralement le malade et éviter toute obstination déraisonnable. Le médecin doit
aussi » - c'est un point sur lequel j'attire l'attention parce qu'il répond à
certaines impatiences - « accompagner le mourant jusqu'à ses derniers moments,
assurer par des soins et des mesures appropriées la qualité d'une vie qui prend
fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage. »
Toutefois, de nombreux obstacles demeurent. Je crois ainsi que les blocages
qui freinent le développement des soins palliatifs sont tout à la fois de
nature réglementaire et de nature culturelle. Il faut également tenir compte de
l'insuffisance - pour ne pas dire de l'inexistence, actuellement - des crédits
budgétaires.
Je ne chercherai pas à hiérarchiser ces obstacles. Il me semble que seule une
action coordonnée dans ces trois domaines est susceptible de faire évoluer les
choses.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je suis favorable, comme l'ensemble des
sénateurs de toutes tendances du groupe d'études de la commission des affaires
sociales du Sénat, à ce que le Parlement soit appelé à réfléchir rapidement à
la définition d'une véritable politique de développement des soins palliatifs.
Celle-ci pourrait notamment avoir sa place dans la perspective d'une politique
globale de la santé publique et du droit des malades.
La Belgique a su le faire. Dès le 19 août 1991, un arrêté royal relatif au
financement des soins palliatifs faisait allusion à « l'aide et l'assistance
pluridisciplinaire qui sont dispensées à domicile, dans un hébergement non
hospitalier » - on pense aux maisons de personnes âgées - « ou dans un hôpital
afin de rencontrer globalement les besoins physiques, psychiques et spirituels
des patients durant la phase terminale de leur maladie et qui contribuent à la
préservation d'une qualité de vie ».
La loi belge du 21 décembre 1994 instituait le droit pour tout travailleur du
secteur public ou privé d'interrompre pour deux mois sa carrière pour se
consacrer aux soins palliatifs d'un proche souffrant d'une maladie incurable
par des congés à temps partiel ou par d'autres moyens.
Bref, dans toute l'Europe, les exemples ne manquent pas. Je ne parlerai pas de
la Grande-Bretagne, qui fut naturellement pionnière en la matière. Tout le
monde connaît l'hôpital Saint-Christopher.
Je pense aussi qu'il faut définir un statut de bénévole en santé et prévoir
des formations appropriées. Les bénévoles jouent un rôle essentiel dans le
domaine des soins palliatifs, et il n'est pas près de diminuer. Il faut donc
que ces bénévoles bénéficient, pour mieux assumer leur mission et aussi en
contrepartie de cette mission, de divers avantages et d'une formation
appropriée, car les bénévoles aussi doivent être formés. Mais, à la base de
tout, il faut inscrire les soins palliatifs dans la loi, prévoir, comme nous
l'avons fait pour la douleur, que les projets d'établissement des hôpitaux ne
peuvent pas continuer à rester muets sur la question de la gestion et de
l'accompagnement de la fin de vie.
Je crois beaucoup aussi à l'action des réseaux ville-hôpital, dont il faut
favoriser l'émergence, le fonctionnement et la coordination en prévoyant des
tarifications forfaitisées, sortant du paiement à l'acte. Rien ne serait pire
que la multiplication de structures spécialisées apparaissant comme des
mouroirs, le départ d'un malade vers de telles structures étant nécessairement
vécu comme un abandon ou une rélégation, une antichambre de la mort. Il
convient autant que possible de faciliter le maintien à domicile - 30 % des
décès ont encore lieu à domicile - ou dans des structures d'hospitalisation
classique, car c'est au sein même de ces établissements publics ou privés que
l'on doit trouver une place appropriée pour les personnes en fin de vie :
autrement dit, des lits de fin de vie. Enfin, les procédures d'accréditation
des établissements devraient prendre en considération, dans l'appréciation de
la qualité des soins, la question de l'accompagnement de la fin de vie. Il faut
cesser de considérer la mort comme le signe d'un échec de la médecine qui doit
être caché, refoulé, non assumé, alors qu'il s'agit d'un événement inéluctable
pour chacun d'entre nous.
Vous avez annoncé, monsieur le secrétaire d'Etat, un plan en faveur du
développement des soins palliatifs et un autre pour améliorer la prise en
charge de la douleur. C'est bien. Mais je suis au regret de constater qu'aucun
crédit budgétaire n'est prévu à ce titre, à l'exception de 400 000 francs que
vous comptez utiliser pour financer un didacticiel sur la douleur.
Certes, il n'y a pas que les crédits budgétaires, et l'assurance maladie
consacrera 100 millions de francs aux soins palliatifs. Mais nous souhaiterions
avoir la certitude que cette somme sera bien engagée ! Pour faire quoi
cependant, et comment ?
Il nous faut constater, monsieur le secrétaire d'Etat, que tout cela n'est pas
à la hauteur de l'enjeu, compte tenu de la situation qui se présente
aujourd'hui.
Mieux que quiconque, parce qu'en d'autres temps, en d'autres lieux, vous avez
été sur le terrain, vous savez que là où il n'y a pas de volonté politique
exprimée par la loi, soutenue par des engagements financiers, il n'y a rien à
attendre que déception et rancoeur.
Comme il l'a fait pour la prise en charge de la douleur, dans laquelle il
s'est engagé totalement, le Sénat souhaite, dans le domaine des soins
palliatifs et d'accompagnement, accomplir le pas décisif qui reste à faire. Le
budget de l'Etat sera-t-il prêt à suivre cette voie ? Nous l'espérons. Pour
l'instant, telle est la question.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, un
bon budget, n'est pas forcément un budget en forte progression. Nous le savons
tous bien.
Néanmoins, monsieur le secrétaire d'Etat, nombre des crédits discutés que vous
nous présentez aujourd'hui pour l'année 1999 risquent, en réalité, de ne pas
être à la hauteur des problèmes rencontrés, et je le regrette.
En effet, c'est un budget global pour la solidarité et la santé sans réelle
ambition que vous nous demandez de cautionner. De plus, ainsi que l'a indiqué
très justement M. Jacques Oudin, rapporteur spécial, il est peu lisible.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais davantage de rigueur budgétaire
pour le budget de la solidarité, sans diminution de son efficacité, et
davantage de moyens pour le budget de la santé.
Les options budgétaires que vous avez retenues pour cette année représentent
650 millions de francs de mesures nouvelles, qui vont être consacrées à la
réalisation du dispositif voté l'année dernière, dont 157 millions de francs au
titre de son volet sanitaire, 434 millions de francs au titre des interventions
sociales et 59 millions de francs en moyens de fonctionnement.
La réalité des efforts engagés par le Gouvernement, dans une approche globale,
et par votre ministère, dans une approche spécifique, impose donc une «
critique constructive » de ma part.
Ainsi, le budget consacré à la solidarité connaît, pour l'année 1999, une
augmentation de 4,73 % plus importante que celle du budget général et des
dépenses d'intervention, ce qui n'est pas la caractéristique d'une politique de
rigueur budgétaire.
Ainsi que l'a indiqué notre collègue M. Philippe Marini dans son excellent
rapport, il convient de « dépenser mieux », afin d'offrir plus de prestations
et de les répartir plus équitablement à niveau budgétaire constant, sans pour
autant « dépenser plus » dans un secteur où les contrôles affectés aux
dispositifs mis en place - je pense tout particulièrement au RMI - sont
aujourd'hui insuffisants.
Ainsi, c'est en toute tristesse que nous devons constater l'évolution des
chiffres du dispositif du RMI.
Créé voilà maintenant dix ans, il accueille aujourd'hui plus d'un million
d'allocataires et il conserve plus de 10 % de bénéficiaires de la « première
heure ». Je souhaiterais, comme nombre de mes collègues, sans remettre pour
autant le dispositif en cause, qu'un toilettage du RMI soit opéré.
Je citerai à cet égard trois cas concrets.
Tout d'abord - c'est le premier cas - est-il logique qu'un jeune de vingt-cinq
ans, détenteur d'un diplôme supérieur - de type ingénieur - issu d'une famille
aisée, puisse toucher le RMI au motif qu'il affirme ne percevoir aucune
ressource de sa famille ? Nous connaissons tous, nous élus locaux, des abus qui
représentent probablement un pourcentage non négligeable des bénéficiaires et
dont la suppression permettrait, avec des contrôles plus efficaces, de ne plus
favoriser des personnes qui le sont déjà, et ce au détriment de celles qu'on
pourrait prendre davantage en compte. Cet exemple volontairement un peu fort
n'a pour effet que d'insister sur la nécessité d'une rigueur accrue dans
l'attribution du RMI.
Je citerai également, c'est le deuxième cas, les bénéficiaires du revenu
minimum d'insertion qui omettent de déclarer des ressources annexes, ou qui
vivent maritalement avec une personne aux ressources importantes et qui ne le
déclarent pas.
Troisième cas enfin, est-il logique, alors que les budgets d'insertion des
départements ont doublé en cinq ans, que l'insertion reste encore très
insuffisante, puisque seulement 25 % des allocataires du RMI retrouvent un
travail ?
L'ouverture du dispositif sur le monde du travail doit par conséquent être
fortifiée, ainsi que l'a été le contrat social en entreprise que le département
de la Vendée a mis en place dès 1994.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
C'est un bon conseil général.
M. Philippe Darniche.
En ce qui concerne les autres dispositifs de votre budget de solidarité, je me
permets d'attirer votre attention sur la situation de nos départements, qui
sont insuffisamment dotés de maisons d'accueil spécialisées, en particulier de
nos départements les plus ruraux. Je sais que des efforts sont prévus dans le
projet de budget.
Par ailleurs, j'ai bien noté l'action entreprise par votre gouvernement en
direction des centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS, et de
l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH. Je ne peux qu'adhérer à cette
orientation encourageante.
Toutefois, se pose l'épineux problème des personnes handicapées
vieillissantes, qui ne peuvent trouver une place dans les foyers logement
traditionnels et qui n'ont plus de place dans les foyers à double tarification.
Il est urgent de trouver, tous ensemble, une solution à cette difficulté
grandissante et inquiétante.
Quant aux centres d'aide par le travail, les CAT, avec près de 2 000 places
nouvelles, comme l'année dernière - l'offre est portée à près de 90 000 places
en 1999 -, l'effort est certes appréciable mais il reste insuffisant, car
chaque département se verrait doté seulement de vingt places supplémentaires
alors que leur déficit est de plusieurs centaines de places.
Votre projet de budget pour la santé, quant à lui, affirme des priorités et
des choix budgétaires souvent contradictoires avec les objectifs retenus par le
Gouvernement.
Les grandes orientations budgétaires de la santé pour 1999 ne progressent pas,
et c'est inquiétant. En effet, le budget affecté à la politique de santé
publique s'élève à 3,79 milliards de francs, soit une progression, presque
nulle, de 0,2 %. Cela me semble notoirement insuffisant.
La lutte contre les fléaux sanitaires connaît une progression notable mais la
répartition des crédits reste très inégale.
J'adhère totalement au fait que des dotations aient été attribuées aux agences
de veille et de sécurité sanitaires des produits de santé, des aliments et des
produits destinés à l'homme. Avec une progression de plus de 3 %, ces crédits
affectés à la lutte contre les fléaux sanitaires dans notre pays démontrent un
effort certain en la matière. C'est une bonne chose.
Malheureusement, le budget de lutte contre la toxicomanie, même s'il fait
l'objet de l'effort le plus important du budget de la santé, voit ses crédits
régresser légèrement et, avec une enveloppe de près de 1 milliard de francs,
ils demeurent insuffisants.
Les crédits de la mission interministérielle de lutte contre la drogue
baissent de 20 %, ce qui illustre le fait que les moyens alloués à la politique
de prévention sont désespérément insuffisants.
Ainsi, je regrette profondément, comme mes prédécesseurs à cette tribune, que
le plan triennal de lutte contre la toxicomanie, annoncé par le Gouvernement
dès son entrée en fonctions, n'ait pas encore vu le jour. Sa mise en place
s'avère indispensable et les attentes, sur le plan local, demeurent
nombreuses.
Il est ici nécessaire de rappeler que les saisies de drogues par les services
des douanes françaises ne cessent d'augmenter - battant chaque mois le record
du mois précédent - et que l'offensive des trafiquants de drogues n'a pour
unique destination et pour cible ultime que la population - fortement
influençable - de nos jeunes en milieu urbain.
Les seuls moyens matériels et financiers de lutte contre les trafics de
stupéfiants accordés aux services des douanes restent certainement insuffisants
et ne serviront à rien au regard de la trop grande insuffisance du volet «
prévention » de la lutte contre la toxicomanie.
De même, avec une diminution de plus de 50 %, les crédits affectés à la lutte
contre le tabagisme et l'alcoolisme sont notoirement faibles et sans réel
rapport avec l'ampleur du fléau social et sanitaire, ce qui ne permet pas de
développer une politique de prévention efficace et durable.
Je tiens à rappeler cette spécificité actuelle et fort préoccupante du
tabagisme dans notre pays, à savoir son inquiétante progression chez les jeunes
filles, qui, dans les cours de collèges et de lycées, fument plus que les
garçons.
Ce tabagisme, si la prévention n'est pas durablement renforcée, fournira les
contingents à venir de malades atteints de maladies coronariennes et de
cancers. J'émets le voeu que soit enfin élaboré, pour l'an 2000, un plan
d'action gouvernemental digne de ce nom afin de lutter contre ce fléau
sanitaire et social qui atteint particulièrement les jeunes.
Pour résumer, monsieur le secrétaire d'Etat, les crédits de santé pour 1999 me
paraissent tout de même réduits à la portion congrue.
Leur augmentation par rapport à 1998, qui est insuffisante, laisse en suspens
un certain nombre de questions malgré les efforts concernant l'informatisation
du système de santé, l'extension géographique de SESAM Vitale, l'état
d'avancement de la mise en place du fonds d'aide à l'adaptation des
établissements hospitaliers et au fonctionnement de l'agence nationale
d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES. Celle-ci reste
insuffisamment dotée, en dépit de l'accroissement des missions qui lui sont
confiées et de l'urgence d'une véritable évaluation des établissements de santé
dans notre pays.
En ce qui concerne le secteur hospitalier, bien que je regrette que les
crédits du fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux soient si
faibles au regard des besoins, je tiens surtout à vous faire savoir, monsieur
le secrétaire d'Etat, que, sur le terrain, il n'y a pas plus attristant que
d'être hospitalisé dans des établissements aux techniques modernes de soins,
mais dont les locaux demeurent désespérément inadaptés.
Pour conclure, je tiens à remercier M. le rapporteur pour la clarté de ses
analyses et la force de ses propositions sur un projet de budget qui témoigne,
à mes yeux, de la faiblesse des moyens consacrés à la politique de solidarité
et de santé publique dans notre pays.
M'alignant sur les conclusions des rapporteurs, MM. Jean Chérioux, Louis
Boyer et Jacques Oudin, je souhaite que les aménagements nécessaires que j'ai
énoncés soient pris en compte. C'est la raison pour laquelle je voterai, en
toute sagesse, avec la majorité de mes collègues non inscrits, les amendements
de la commission sur ce projet de budget.
(MM. les rapporteurs
applaudissent.)
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
M. le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec près
de 80 milliards de francs de crédits pour 1999, le projet de budget de la santé
et de la solidarité porte, cette année encore, l'affirmation de la priorité de
l'action contre l'exclusion et les difficultés sanitaires d'une grande partie
de nos concitoyens.
On peut dire à l'inverse que ce projet de budget de la santé et de la
solidarité est profondément marqué par la persistance de difficultés sociales
majeures que la reprise économique actuelle n'a pas encore permis de
résoudre.
Les seules dépenses liées au RMI - 26,4 milliards de francs - à l'allocation
de parent isolé - 4,233 milliards de francs - et à l'allocation aux adultes
handicapés - 24,569 milliards de francs - en mobilisent la majeure partie, ce
qui n'est pas sans poser un certain nombre de questions.
Loin de nous l'idée que, comme le suggèrent certains ici, ces sommes seraient
mal utilisées et que l'attribution des allocations concernées ferait l'objet de
nombreuses fraudes qu'il conviendrait de pourchasser.
Nous devons plutôt, de notre point de vue, considérer ces réalités comme le
rappel de la lutte tenace que nous devons mener chaque jour, avec pugnacité,
contre la fracture sociale.
Pouvons-nous moralement accepter que, à moins de quinze mois de l'an 2000, 10
% des ménages de notre pays vivent au-dessous du seuil de pauvreté, qui est de
3 800 francs mensuels, et que 6 millions de personnes relèvent des minima
sociaux ?
La solution consistant à faire supporter à la solidarité nationale les
conséquences de l'absence de réponse aux besoins en matière de travail, de
respect et de dignité qu'expriment aujourd'hui les exclus ne peut et ne doit
perdurer. C'est là-dessus que nous nous sommes engagés, et c'est une nouvelle
fois ce que disent les milliers de chômeurs, dans la rue aujourd'hui même.
Le RMI, qui devait être éphémère, a dix ans.
Et, depuis, les riches se sont enrichis et le nombre de ceux qui reçoivent le
RMI est toujours supérieur à un million.
Dès lors, quand la commission des finances propose de diminuer les crédits, je
dis : Non ! s'il vous plaît !
Un peu d'espoir tout de même, que l'on peut mettre au crédit du Gouvernement.
D'abord, la profession en nombre ralentit. Ensuite, je salue la publication du
décret permettant le cumul temporaire entre un minimum social et un emploi qui
doit favoriser une insertion toujours difficile et incertaine.
En revanche, le relèvement significatif attendu des minima sociaux n'est pas
au rendez-vous. Or, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, nous y
tenons, parce que ce serait un signe fort de justice sociale.
Près de 17 milliards de francs de rentrées fiscales supplémentaires ont été
générées en 1998 grâce au regain de la croissance. Pourquoi ne pas utiliser cet
argent pour répondre aux situations d'urgences dans lesquelles sont les
sans-abri et les chômeurs ? Ne serait-ce pas un juste retour des choses quand
on sait que 80 milliards de francs d'exonération de charges sociales patronales
sont dépensés sans contrepartie pour l'emploi ?
Cette revalorisation des minima sociaux devrait s'accompagner d'une réforme
d'ensemble de ces mêmes minima et de l'assurance chômage, afin que le chômage
induit par la précarité extrême des emplois soit indemnisé par l'assurance et
qu'aucun bénéficaire ne vive avec des ressources inférieures au seuil de
pauvreté.
En ce qui concerne l'aide d'urgence, j'approuve les procédures administratives
simplifiées mises en place par le Gouvernement. En revanche, il serait
souhaitable que les fonds sociaux soient rapatriés à l'UNEDIC et aux ASSEDIC
dans un souci de transparence. En effet, depuis le 2 juillet 1997, les fonds
sociaux de l'UNEDIC sont répartis auprès des différents organismes et échappent
ainsi au contrôle des représentants syndicaux.
En outre, l'approche des fêtes de Noël et de fin d'année en rappelle
l'urgence, il est nécessaire de réabonder ces fonds. Aujourd'hui, à Paris, la
réponse des ASSEDIC, c'est de fermer leurs portes, pour éviter d'êtres prises
d'assaut !
Les crédits de santé traduisent les priorités nouvelles de cette année,
puisque l'essentiel de leur progression concerne l'application de la loi
d'orientation relative à la lutte contre les exclusions et la réorganisation de
la sécurité sanitaire.
L'engagement budgétaire pour les programmes régionaux d'accès à la prévention
et aux soins, les PRAPS, est important, mais il faut souligner tout de même
qu'une partie est financée par le regroupement de crédits déjà existants.
J'apprécie les dépenses liées à la prévention du saturnisme, à la lutte contre
la toxicomanie, ou encore à la mise en place de consultations d'alcoologie dans
les CHRS.
Concernant les CHRS, qui s'impliquent au quotidien dans la réponse à
l'urgence, je prends acte de la création de cinq cents places nouvelles.
Toutefois, les besoins en places supplémentaires sont de 15 000 sur cinq ans,
et non pas sur quelques décennies !
Instaurer des taux directeurs qui encadreront de manière drastique les
établissements sociaux et médico-sociaux, comme le veulent certains ici, est
tout à fait inquiétant.
Je voudrais faire quelques remarques qui touchent à la prévention.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez souvent eu l'occasion de dire que
notre système de santé a été longtemps caractérisé par une approche très
curative et faiblement préventive, alors que l'efficacité de la prévention est
unanimement reconnue, mais en paroles seulement !
Vous affirmez la volonté d'une réorientation vers la prévention, et j'y suis
évidemment très favorable. Mais il faut mesurer le chemin à parcourir quand on
constate que les crédits actuels consacrés à la prévention sont très modestes
dans ce projet de budget et que les différents dispositifs de prévention en
dehors de ce budget restent « en panne » alors qu'ils ont déjà été tellement
mis à mal précédemment.
Une véritable politique de prévention suppose un renforcement, voire une
reconstruction des structures existantes, notamment de la médecine du travail,
dont l'insuffisance et les besoins ont été pointés récemment par un rapport
parlementaire, et de la médecine scolaire. Cette dernière doit participer à la
mise en place d'un véritable système sanitaire et social qui assure le droit à
la santé de tous les enfants, droit affirmé par l'article 3 de la Convention
internationale des droits de l'enfant. Il faut renforcer à cet effet
significativement les équipes de médecins scolaires, de psychologues, de
conseillers d'orientation, d'infirmières, d'assistances sociales, car le suivi
des enfants est un tout.
Quelques mots sur la toxicomanie.
J'ai déjà eu l'occasion de l'affirmer ici : il y a lieu de développer auprès
des toxicomanes une multiplicité de réponses de soins et de soutiens
correspondants à la diversité de leurs situations et des types de toxicomanie,
et cela dans le cadre global de la protection sociale.
Force est de constater que les structures médicales pour des désintoxications
ou des thérapies lourdes ne prennent pas suffisamment en compte le problème des
jeunes, particulièrement des adolescents. Il s'agit non pas de se focaliser de
manière sécuritaire et inefficace sur une éventuelle toxicomanie des mineurs au
moyen d'une surveillance et d'un suivi à la trace, mais de mener une réflexion
en vue de mettre à la disposition de ces derniers des structures repensées qui
leur évitent de basculer dans une toxicomanie durable une fois adulte.
Notre pays n'est pas en avance dans la prise en charge de ce fléau. Ne
pourrait-on pas réfléchir à la façon de rendre possible, en plus de
l'augmentation des moyens des dispositifs existants, une réintégration sociale
des toxicomanes qui prenne en compte leur problématique personnelle et qui -
les expériences sur le terrain et les exemples à l'étranger le prouvent -
provoque à plus ou moins longue échéance une libre demande de soins ?
Concernant le saturnisme, j'apprécie, je l'ai dit, les moyens supplémentaires
débloqués. Mais la présence de plomb dans le sang peut, au-delà des situations
les plus dramatiques, qu'il faut traiter de manière rapide et définitive, avoir
des conséquences graves, en particulier sur les facultés intellectuelles d'un
nombre important d'enfants, comme l'a démontré une étude publiée par l'INSERM.
Il s'agit donc de prendre des mesures concrètes, concertées, permettant de
dépister plus largement qu'aujourd'hui les risques, qui sont plus fréquents
qu'il n'y paraît.
Quelques mots sur le sida, trois jours après la journée mondiale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, notre pays s'honore, par votre intermédiaire,
d'avoir proposé la création d'un fonds thérapeutique mondial. J'espère que vous
mènerez ce combat à son terme, sur les plans tant européen qu'international.
En France, les crédits sont en augmentation, mais le périmètre est élargi et
il ne faudrait pas que l'extension à la lutte contre les épidémies et les
maladies transmissibles cachent une diminution des moyens spécifiques pour le
sida.
Vous le savez, les progrès thérapeutiques - dont on ne peut que se réjouir -
ont eu des effets démobilisateurs sur le financement privé de la lutte contre
le sida et sur la prévention, qu'il s'agisse de l'information ou de la
protection.
La nécessité de moyens publics n'en devient que plus criante. Je propose que
l'ensemble des dispositifs de prévention soit réévalué. Par ailleurs, les
progrès médicaux nous obligent à repenser le suivi des malades, leur
réinsertion professionnelle, qu'il faut pouvoir concilier avec un traitement
lourd, chacun le sait.
Un cumul partiel entre l'allocation aux adultes handicapés et un salaire
devrait pouvoir être envisagé.
Un mot sur l'hôpital Pasteur de Paris, aujourd'hui menacé de fermeture. Depuis
quelques années, ses crédits sont revus à la baisse. Les raisons invoquées
sont, précisément, l'avènement des nouveaux traitements du sida, qui font
baisser les taux d'occupation des lits.
Il me semble que le constat fait aujourd'hui sur les traitements devrait
conduire à préserver des structures comme celle de Pasteur. Un projet
d'établissement visant à diversifier les activités de l'hôpital pour en faire
un pôle de recherche clinique a été soumis à l'Agence régionale de
l'hôspitalisation. Les moyens financiers et humains nécessaires à ce projet
devraient être assurés.
La mise en oeuvre d'une véritable politique sanitaire et sociale suppose
également un système hospitalier en bon état. Or la situation actuelle est
préoccupante, j'ai déjà eu l'occasion de le dire. La très faible augmentation
de 1,17 % pour les établissements franciliens, cette année, en est une
illustration. Elle posera des problèmes nouveaux.
Permettez-moi également, même si cela ne concerne pas complètement ce budget,
d'évoquer l'état de santé des détenus dans les prisons, qui est préoccupant :
les cas de tuberculose et de VIH sont dix fois plus élevés chez les prisonniers
que dans le reste de la population.
Des progrès ont été faits, mais une attention plus grande devrait être portée
au suivi des sortants de prison et à la situation de leur famille.
Enfin, ce budget traduit un effort évident pour améliorer les moyens des
services sanitaires et sociaux.
Je salue le travail admirable effectué par les fonctionnaires de ces secteurs,
et je le dis à l'intention de ceux qui voudraient réduire leur nombre !
Un effort plus important devrait néanmoins être fait pour la formation des
professions médicales et paramédicales. En effet, la stabilité des crédits pour
1999 ne permet pas d'assurer cette formation ; les difficultés auxquelles sont
confrontés nos établissements et le recours croissant au financement des
familles vont s'aggravant.
Le Gouvernement a redonné l'espoir - notamment lors des débats qui ont
accompagné la loi relative au développement d'activités pour l'emploi des
jeunes, la loi sur les trente-cinq heures et la loi d'orientation relative à la
lutte contre les exclusions - que tous les efforts convergeront par l'emploi,
par les salaires, par la politique sanitaire et sociale, pour dépasser la
misère de l'assistance et pour instaurer des droits égaux pour tous les
citoyens. Cet espoir ne doit pas être déçu.
J'ajoute que, bien entendu, je voterai contre les amendements de la
commission.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Le projet de budget de la santé pour 1999, dont on nous a rappelé qu'à
structures constantes il progressait de 3,6 %, continue de traduire la forte
priorité que le Gouvernement accorde à l'action que vous menez avec Mme
Aubry.
Cette forte priorité s'exprime, cette année, tout d'abord autour de la mise en
oeuvre des trois initiatives législatives qui auront marqué l'activité du
Parlement cette année : le renforcement de la sécurité sanitaire,
l'organisation de notre système de soins, à travers la loi de financement, et
la lutte contre l'exclusion.
En ce qui concerne le renforcement de la sécurité sanitaire, je me bornerai à
constater avec satisfaction que ce projet de budget donne les moyens de
fonctionner aux nouvelles structures qui découlent de ce texte de loi, à savoir
l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence
française de sécurité sanitaire des aliments et l'Institut de veille
sanitaire.
Au-delà de l'allocation de ces moyens nouveaux, qui sont le gage d'une mise en
oeuvre effective et rapide de la réforme récemment votée par le Parlement, je
souhaite toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous précisiez la
date de la mise en place de ces nouveaux établissements publics et l'état
d'avancement des textes réglementaires d'application de la loi.
J'insiste sur ce point, car j'aimerais bien que vous puissiez m'apporter les
réponses que je suis en droit d'attendre.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Vous pouvez compter sur moi !
M. François Autain.
Je ne peux que répéter ici, à cet égard, mon regret que la loi sur les
thérapies génique et cellulaire ne soit toujours pas appliquée.
Le deuxième axe de la politique gouvernementale concerne l'organisation de
notre système de soins. Les crédits correspondants sont de l'ordre de 1,6
milliard de francs.
Ils sont destinés d'abord aux investissements d'équipement sanitaire, et donc
à la nécessaire modernisation de nos hôpitaux. Ils sont destinés aussi au
service d'aide médicale urgente, dont, après beaucoup d'autres, je crains la
diminution des moyens. Ils vont, enfin - et vous me permettez d'insister
davantage sur ce point dès lors que, d'une certaine manière, cette institution
s'inscrit aussi dans notre politique de sécurité sanitaire -, à l'Agence
nationale d'accréditation et d'évaluation en santé.
Instituée par l'ordonnance du 24 avril 1996, cette institution s'inscrit dans
la mission de sécurité sanitaire puisqu'elle est chargée d'évaluer et de
valider les pratiques médicales. Elle constitue en cela le quatrième pilier de
notre réforme. Mais elle s'inscrit aussi dans la mission d'amélioration de
l'efficacité de notre système de soins, puisqu'elle est chargée de mettre en
oeuvre la procédure d'accréditation des établissements de santé, publics ou
privés.
On peut regretter qu'au moment où l'agence ambitionne de développer sa
première mission et doit supporter la mise en oeuvre de la seconde ses crédits
ne soient pas davantage accrus. Il convient de rappeler toutefois les moyens
nouveaux mis à sa disposition dès l'an dernier et permettant ainsi d'accélérer
le calendrier de sa mise en place par rapport à ce qui avait été initialement
prévu.
Vous me permettrez, à cette occasion, de souligner la qualité du travail
accompli par les dirigeants de l'agence. Siègent aujourd'hui au cabinet de Mme
le ministre certains de ceux qui ont contribué au premier chef à la mise en
place de l'Agence du médicament. Que tous soient remerciés pour leur action.
Le Sénat a pris sa part dans ces initiatives, part, je dois le dire sans
fausse modestie, décisive. Il continue d'ailleurs, vous me permettrez cette
diversion, à porter une attention particulière à ces sujets.
M. Guy Fischer.
C'est vrai !
M. François Autain.
Il a montré récemment, à travers la discussion du projet de loi de financement
de la sécurité sociale, tout l'intérêt qu'il porte, par une politique
industrielle appropriée, au développement de la recherche dans le domaine du
médicament. Il est regrettable que certains aient voulu voir dans cet intérêt
d'autres objectifs que ceux de la santé publique et de la protection sanitaire
de nos concitoyens.
Pour revenir à mon sujet, j'en viens au troisième axe, qui s'est traduit,
cette année aussi, par des mesures législatives, et Dieu sait qu'elles sont
importantes : la lutte contre l'exclusion.
C'est en application de l'article 67 de la loi d'orientation que, pour
permettre l'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies,
il a été décidé de créer des programmes régionaux. Vous aviez promis 250
millions de francs à ce titre : vous les avez effectivement inscrits. Les
engagements ont donc été tenus, même si l'on peut regretter que ces moyens ne
soient pas plus importants.
A cet égard, je reprends à mon compte les craintes exprimées par certains de
mes collègues dont l'attention a été attirée par la Fédération nationale des
associations d'accueil et de réadaptation sociale sur les moyens trop limités
qui sont consacrés aux dispositifs d'urgence sociale. A ces trois priorités
s'ajoute évidemment la poursuite des actions traditionnelles de votre
ministère. Je pense ici, en premier lieu, aux crédits consacrés à la lutte
contre les fléaux sanitaires, qui progressent, à structures constantes, de 2,9
%.
La lutte contre les toxicomanies devrait se trouver sensiblement améliorée par
la réorganisation de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et
la toxicomanie, dont les compétences ont été, en outre, élargies à l'alcool et
au tabac. Les affaires les plus récentes montrent en effet les liens qui
s'établissent entre toutes les dépendances et la nécessité d'une stratégie
commune.
S'agissant de la lutte contre le tabac, j'ai déjà eu l'occasion de vous dire
hier, monsieur le secrétaire d'Etat, que j'approuvais vos choix ; je n'y
reviens donc pas.
J'aborderai maintenant la lutte contre les maladies transmissibles, dont les
crédits progressent globalement de plus de 10 %, traduisant ainsi les efforts
particuliers développés contre le sida et contre l'hépatite C.
S'agissant du sida, la progression du nombre de cas diminue chaque année
davantage et le nombre de décès chute. Nous devons rester très vigilants. Ces
résultats n'auraient pas pu être obtenus sans la mise en oeuvre des moyens
budgétaires et de ceux de l'assurance maladie. Il nous faut poursuivre notre
effort.
C'est la même démarche qui vous anime dans la lutte contre l'hépatite C. Le
niveau de contamination est considérable. Les personnes malades sont
aujourd'hui de 4 000 à 5 000, et nous savons que 20 % d'entre elles souffriront
d'affections chroniques ou seront atteintes de maladies mortelles. Les moyens
ouverts sont heureusement à la hauteur des besoins. Il reste encore à accentuer
notre politique de dépistage anonyme et gratuit, qu'il s'agisse de l'hépatite C
ou du sida.
Vous allez voir que je ne change pas complètement de sujet en évoquant les
étudiants en chirurgie-dentaire. Vos relations avec eux, monsieur le secrétaire
d'Etat, selon les informations dont je dispose, ne paraissent pas meilleures
que celles que vous entretenez actuellement avec leurs aînés. Certains d'entre
eux sont d'ores et déjà en grève illimitée et toutes les facultés de
chirurgie-dentaire devraient rejoindre ce mouvement dès lundi prochain.
Les motifs de cette grève sont divers, qu'il s'agisse des craintes que leur
inspire la dévalorisation de leur profession, de leur revendication
d'uniformisation de leurs études, de leur droit d'exercice en sixième année ou
de la gratuité des études.
Mais il est une revendication sur laquelle je tiens à insister ici parce
qu'elle est directement en rapport avec le thème dont je viens de traiter : ils
souhaitent obtenir le statut hospitalier au motif particulier qu'ils s'estiment
sans protection contre les accidents du travail et les maladies
professionnelles, notamment contre les risques de transmission du sida ou de
l'hépatite C.
Pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'ils puissent espérer obtenir un
jour ce statut ?
Telles sont les remarques d'ensemble que je souhaitais formuler aujourd'hui
sur votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat.
Je voudrais en venir, pour finir, à deux ultimes préoccupations.
Il est des sujets, monsieur le secrétaire d'Etat, qui plaisent à la presse,
vous le savez : la lutte contre la douleur et aussi, depuis quelque temps, les
soins palliatifs. Ces sujets plaisent à la presse, certes, mais ils sont
importants, voire essentiels. Telle est la raison pour laquelle notre
assemblée, derrière mon ancien collègue questeur Lucien Neuwirth, qui vient de
les évoquer longuement et brillamment, et à qui je rends hommage aujourd'hui,
s'y intéresse depuis longtemps.
C'est en effet dès 1994 qu'a été créée ici une mission d'information sur la
douleur. Le secrétaire d'Etat à la santé de l'époque, M. Douste-Blazy, avait
flatté son image personnelle, ce dont il a d'ailleurs l'habitude, en faisant
presque aussitôt siennes, au point de nous en déposséder, nos propositions.
Tous ses successeurs, oserai-je dire jusqu'à vous, monsieur le secrétaire
d'Etat, ont fait de même.
Je ne prendrai qu'un seul exemple, celui de la suppression des carnets à
souche, proposition faite en 1994 et qui n'a toujours pas été mise en oeuvre.
On nous dit que l'échéance est proche... Je ne peux que féliciter Lucien
Neuwirth pour son obstination ! Que dire, en revanche, de l'action de l'Etat
?
Puisque vous avez choisi de vous impliquer aussi dans ce sujet, monsieur le
secrétaire d'Etat, et de l'intégrer dans une réflexion sur les soins
palliatifs, faites-nous le plaisir d'agir comme vous le promettez au lendemain
de ces conférences de presse toujours gratifiantes pour ceux qui les
organisent, mais vaines quand elles ne sont pas suivies d'effet.
En matière de santé publique plus qu'en tout autre, il importe, pour sa
crédibilité, que le décideur public dise ce qu'il fait et, plus encore, qu'il
fasse ce qu'il dit.
Je crois d'ailleurs que c'était l'un des points les plus importants du
programme de l'actuel Premier ministre.
Je sais que nous pouvons compter sur vous plus que sur tout autre pour adopter
cette ligne de conduite. Vous pouvez compter sur nous pour vous y aider.
Je voudrais également vous adresser, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi qu'à
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité, que vous représentez, et à
tous vos collaborateurs, mes compliments.
Certes, la loi de financement de la sécurité sociale permet désormais, par la
clarté des choix que vous nous avez proposés, de rendre plus lisible notre
politique de protection sociale pour ses bénéficiaires et, mieux encore, pour
ses acteurs.
Il reste que les moyens administratifs qui vous sont donnés pour accomplir ce
travail sont sollicités au-delà de ce qui paraît quelquefois raisonnable.
Je rends hommage aux directions de votre ministère qui, dès le printemps, sont
engagés dans une entreprise qui ne s'achève qu'au plus tôt au mois de février.
Autant dire qu'elle les occupe toute l'année. Je ne partage nullement les
critiques formulées par M. Jacques Oudin sur les solutions auxquelles vous
devez recourir,...
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Critiques pertinentes !
M. François Autain.
... comme vos prédécesseurs, pour renforcer vos moyens en personnel.
Je souhaite simplement que l'on entende mieux, s'il se peut, quai de Bercy,
les préoccupations que vous exprimez sûrement à cet égard. La conduite de notre
politique sanitaire et sociale, l'importance des enjeux financiers méritent
mieux que les moyens logistiques qui y sont consacrés.
Voilà donc, monsieur le secrétaire d'Etat, les deux remarques particulières
que je voulais faire.
J'en oublierais presque, avant de terminer mon intervention, de dire
l'essentiel : nous voterons évidemment les crédits qui vous sont attribués pour
1999 si, toutefois, la majorité sénatoriale ne les défigure pas comme elle en a
maintenant pris l'habitude. Malheureusement, après avoir examiné les
amendements que la commission des finances a déposés, je crains que nous ne
soyons une fois de plus amenés à voter contre ces crédits tels qu'ils nous
seront finalement soumis.
(M. Neuwirth applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon
intervention sur le budget de la santé et de la solidarité revêt cette année
une importance particulière, car nous nous apprêtons à fêter le vingtième
anniversaire de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger.
C'est une étape essentielle, qui doit nous permettre de dresser le bilan des
mesures prises à l'égard des Français de l'étranger depuis les travaux de la
commission Bettencourt en 1975 et de réfléchir aux améliorations que nous
pouvons leur apporter.
Aussi, je me félicite qu'une mission de l'inspection générale des affaires
sociales, l'IGAS, ait lieu en ce moment-même : l'analyse et les réflexions que
ce grand corps de l'Etat fera sur la caisse des Français de l'étranger seront
importantes pour le futur.
Les administrateurs et la direction de la caisse, qui ont rencontré comme
moi-même les deux inspecteurs de l'IGAS chargés de cette mission, attendent
avec intérêt le rapport qu'ils devraient vous remettre dans les prochains
jours, et nous espérons tous disposer des premiers éléments de cette analyse au
cours du conseil d'administration de notre caisse, qui se réunira à Rubelles
les 14 et 15 de ce mois.
Sans préjuger les conclusions de ce rapport, je voudrais vous rappeler en
quelques mots, ayant suivi le processus d'élaboration de la couverture sociale
des Français expatriés et de création de la caisse des Français de l'étranger,
que c'est à la demande des entreprises françaises qui envoient du personnel à
l'étranger que ce système a été mis en place. Auparavant, n'existait que le
détachement limité dans le temps, très onéreux, ce qui pénalisait d'autant
l'expatriation française et, par conséquent, notre présence sur les marchés
internationaux.
C'est dans cette perspective que furent pris les premiers textes : la loi du
31 décembre 1976, qui institua la possibilité pour les seuls salariés expatriés
de s'assurer volontairement pour les risques maladie et accident du travail
auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne et dont les
décrets d'application ne furent promulgués qu'en 1978, voilà donc vingt ans ;
ce fut ensuite la loi du 16 janvier 1979, qui permit aux salariés, seuls visés
là encore, de s'assurer contre le chômage.
En tant que représentant de nos compatriotes installés à l'étranger, il m'a
alors paru juste et souhaitable que les Français de l'étranger qui n'étaient
pas salariés puissent également bénéficier d'une couverture sociale. Je fus
donc à l'origine de la loi du 27 juin 1980 qui étendit aux non-salariés et aux
retraités cette faculté.
L'une des étapes marquantes fut sans nul doute la loi Bérégovoy du 13 juillet
1984, qui, reprenant deux propositions de loi que j'avais déposées en 1982 et
dont je fus le rapporteur au Sénat, fut adoptée à l'unanimité : elle créa la
caisse des Français de l'étranger, la dota de l'autonomie et généralisa l'accès
des assurances volontaires maladie à tous les Français de l'étranger.
Soucieux de justice sociale, ce texte instaura deux catégories de cotisations
selon les revenus, qui devinrent trois catégories en 1989. Je note qu'à
l'époque j'avais proposé avec mes collègues que cette troisième catégorie soit
accessible aux revenus inférieurs à 40 % du plafond de la sécurité sociale,
mais le ministre de l'économie et des finances d'alors, inquiet du bon
équilibre de la caisse des Français de l'étranger, avait décidé qu'elle
s'appliquerait aux revenus inférieurs à 50 % du plafond.
Depuis lors, un certain nombre de mesures sont venues renforcer le dispositif
existant en développant les prestations offertes et en diminuant le coût des
cotisations chaque fois que cela a été possible.
Le constat que nous pouvons dresser à l'heure actuelle est plutôt
satisfaisant. En constante progression, la caisse des Français de l'étranger
couvre aujourd'hui près de 120 000 Français qui, bien qu'expatriés, bénéficient
d'une continuité de couverture avec la sécurité sociale française.
Certains disent qu'il s'agit d'un chiffre faible par rapport au nombre de
Français expatriés. C'est un argument de circonstance et ceux qui l'utilisent
oublient de mentionner les 600 000 à 700 000 Français qui, vivant dans l'Union
européenne, sont donc soumis à sa réglementation sociale. De nombreux expatriés
disposent en outre d'une couverture sociale, qu'elle soit d'ordre privé, comme
aux Etats-Unis, ou étatique.
La caisse des Français de l'étranger dispose en outre d'un équilibre financier
positif depuis sa création, et ce grâce à une gestion rigoureuse.
L'examen attentif de cet équilibre financier nous oblige à une particulière
attention, car le détail des comptes établis depuis plusieurs années nous
indique qu'en ce qui concerne l'assurance maladie des salariés l'équilibre
n'est dû qu'à la première catégorie de cotisants - c'est-à-dire celle des
entreprises qui envoient du personnel à l'étranger - et que la troisième
catégorie de cotisants, créée dans un souci de justice sociale, est largement
déficitaire ; il en est de même de celle des pensionnés.
L'importance du déficit pour cette dernière catégorie a d'ailleurs amené la
caisse à prendre des dispositions qui commencent à porter leurs effets.
Quant aux non-salariés, aux retraités et aux autres catégories, elles
connaissent un déficit croissant. Le conseil d'administration de la caisse des
Français de l'étranger va d'ailleurs être amené à se pencher sur ce dernier et
à réfléchir à des mesures propres à le corriger.
En fait, sans l'important excédent du régime accidents du travail-maladies
professionnelles - pour lesquels ne cotisent que les entreprises qui envoient
du personnel à l'étranger - la caisse des Français de l'étranger serait
fortement déficitaire, et il n'est donc pas exagéré de dire que les entreprises
françaises qui envoient du personnel à l'étranger font un effort exceptionnel
de justice sociale envers nos compatriotes installés individuellement hors de
France, qui bénéficient grâce à la caisse d'un système de couverture sociale
fort apprécié.
Toujours en ce qui concerne l'équilibre financier de la caisse des Français de
l'étranger, nous devons faire maintenant le bilan d'un an de suspension des
mesures de rétroactivité prévues par la loi du 13 juillet 1984, qui a permis à
nos compatriotes expatriés d'adhérer sans cotisation rétroactive au système mis
en place. Ce bilan sera particulièrement intéressant, car il nous permettra de
voir si cette suspension n'a pas permis trop d'adhésions à risque ouvert,
susceptibles d'affecter, bien entendu, l'équilibre des comptes.
Autre mesure intéressante : la prolongation de l'exonération de cotisations
pour les entreprises mandataires de la caisse des Français à l'étranger
engageant un jeune de moins de trente ans sur un emploi nouveau à l'étranger.
Cette mesure prise dans le cadre de la loi quinquennale du 20 décembre 1993 et
due à mon initiative, devait prendre fin au mois de décembre. Sur proposition
du conseil d'administration de la caisse des Français de l'étranger, vous avez
accepté de prolonger ce dispositif pour deux ans. Je m'en félicite, car il
favorise l'emploi à l'étranger sans pour autant peser trop lourd sur
l'équilibre du régime des salariés.
Deux autres dispositions sont également venues contribuer à la politique de
l'emploi des entreprises qui envoient du personnel à l'étranger.
Il s'agit, d'une part, de la ristourne accident du travail accordées jusqu'à
présent aux entreprises qui comptaient au moins vingt adhérents auprès de la
caisse des Français de l'étranger et qui est désormais applicable dès que
celles-ci ont dix adhérents.
Il s'agit, d'autre part, de la possibilité pour les entreprises mandataires de
la caisse des Français de l'étranger de ne pas tenir compte des salariés
étrangers ressortissants d'un pays de l'Union européenne précédemment affiliés
à la sécurité sociale française dans le quota de 10 % de salariés étrangers
qu'elles peuvent faire adhérer à la caisse des Français de l'étranger.
D'autres améliorations sont en cours ; elles concernent directement les
adhérents de la caisse des Français de l'étranger.
Avant de terminer sur ce point, je souhaiterais, monsieur le secrétaire
d'Etat, que vous m'apportiez des informations en ce qui concerne la
contribution sociale généralisée appliquée à ceux des adhérents de la caisse
des Français de l'étranger qui, bien qu'expatriés, sont fiscalement domiciliés
en France, car ils ont à subir la hausse de 4,1 % de cette contribution sans
voir en contrepartie, contrairement à leurs compatriotes métropolitains, leurs
cotisations maladie diminuer.
Les entreprises qui envoient du personnel à l'étranger sont les premières à en
être affectées, car elles compensent cette perte et l'expatriation devient donc
plus coûteuse. Par ailleurs, l'alourdissement des charges ainsi créées
défavorise la création d'emplois à l'étranger occupés par des Français au
profit d'emplois tenus par des étrangers.
Les salariés d'entreprises ne sont pas les seuls concernés, puisqu'un certain
nombre de Français de catégorie modeste, salariés par l'Etat français et
affiliés à la Caisse des Français de l'étranger, sont considérés comme
fiscalement domiciliés en France et subissent donc de plein fouet les effets de
l'augmentation de la contribution sociale généralisée.
Il en va de même pour les adhérents de la Caisse des Français de l'étranger
qui perçoivent un revenu de remplacement, notamment des indemnités
journalières, puisque la compensation prévue dans ce cas au régime général n'a
pas été envisagée en faveur des adhérents de la Caisse des Français de
l'étranger.
Toujours soucieux de ne pas pénaliser une catégorie d'assurés qui doit déjà
faire face à un certain nombre de difficultés lorsqu'ils perçoivent des
indemnités journalières - donc un revenu inférieur à leurs ressources
habituelles - le bureau de la Caisse des Français de l'étranger a décidé
d'autoriser la caisse à compenser la perte subie au titre de la contribution
sociale généralisée.
En revanche, s'agissant des cotisations maladie, il n'est pas de notre pouvoir
de prendre des mesures compensatoires et, depuis un an, nous attendons une
décision et un texte de vos services.
J'avais interrogé à ce propos Mme le ministre en commission des affaires
sociales, lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour
1998. Elle m'avait alors indiqué que le statut des adhérents de la Caisse des
Français de l'étranger, fiscalement domiciliés en France, pourrait être traité
de façon analogue à celui des frontaliers et qu'une solution serait recherchée
dans ce sens.
A ce jour, aucune disposition n'a été prise. Qu'en est-il et que comptez-vous
faire à ce sujet ? Je serais heureux de vous entendre à cet égard.
Avant de conclure cette intervention, je dirai encore quelques mots sur un
sujet qui préoccupe nos compatriotes de France comme ceux qui se sont
expatriés, mais plus encore peut-être ces derniers compte tenu de la situation
de certains pays ; je veux parler de la retraite.
Les Français s'inquiètent - à juste titre, semble-t-il - des pensions qu'ils
percevront dans quelques années. C'est pourquoi, ils ont mis beaucoup d'espoir
dans l'épargne retraite communément appelée "fonds de pension", qui avait fait
l'objet d'un texte de loi en mars 1997.
A la suite de l'adoption d'un amendement que j'avais déposé, les Français
résidant hors de France avaient été prévus dans ce texte. La loi de 1997 n'a
pas eu de suite, et vous nous avez indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat,
qu'un nouveau projet de loi relatif à l'épargne-retraite serait proposé au
Parlement au cours de l'année 1999.
Nos compatriotes expatriés sont attachés à cette perspective. Je souhaite donc
qu'ils soient pris en compte dès l'origine dans les propositions que vous nous
ferez.
J'ai remarqué avec plaisir - et je les en remercie - que, dans l'amendement
qu'ils ont déposé à ce sujet lors de la discussion du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999, mes collègues Jean Arthuis et
Jean-Louis Lorrain avaient proposé que tout salarié établi en France ou hors de
France puisse souscrire un plan d'épargne-retraite. C'est essentiel, car cela
permettra de préserver l'ensemble des droits à la retraite de nos
compatriotes.
Il est vrai que, à côté des retraites de base françaises que se constituent
volontairement les expatriés, auprès soit de la Caisse nationale d'assurance
vieillesse des travailleurs salariés, soit des caisses de travailleurs non
salariés, nombre de ceux-ci sont également obligés de cotiser au régime local
de leur pays de résidence. Si cela ne pose pas de problème quand il s'agit des
pays de l'Union européenne ou d'autres pays occidentaux, il n'en va pas de même
avec les pays d'Afrique noire. En effet, on ne compte plus les réclamations de
Français travaillant ou ayant travaillé en Afrique et qui ne perçoivent pas les
retraites pour lesquelles ils ont cotisé, ou qui n'obtiennent pas les documents
prouvant qu'ils ont cotisé auprès des caisses africaines et qui leur
permettraient d'améliorer leur retraite française.
Après la dévaluation du franc CFA et les crises successives survenues en
Afrique, l'Inspection générale des affaires sociales avait été chargée, en
1995, d'une mission d'évaluation de la protection vieillesse des Français
vivant en Afrique francophone. Cette mission réunissait, outre un représentant
de votre ministère, un représentant du ministère des affaires étrangères et de
la coopération.
Le rapport qui a été établi préconisait la mise en place d'un certain nombre
de mesures pour l'avenir, afin de préserver les droits de nos compatriotes.
Plusieurs d'entre elles sont en cours d'élaboration, telles que la constitution
d'un fichier central des Français titulaires d'une pension africaine ou que
l'assistance technique à la réorganisation des caisses africaines, et l'on ne
peut que s'en féliciter. Mais cela reste limité, et je ne vois là aucune
solution pour régler le passif des pensions dues aux Français d'Afrique.
Je vous ai interrogé récemment à ce propos, ainsi que M. le ministre de la
coopération. En particulier, je vous demandais s'il n'était pas possible
d'assouplir les conditions de prise en compte des périodes d'assurance
vieillesse ayant fait l'objet de cotisation auprès des régimes étrangers - en
particulier africains - lorsque ces régimes traversent de graves difficultés
d'organisation et qu'il est patent qu'ils se trouvent dans l'impossibilité
d'établir les attestations requises par la réglementation française.
J'attends avec intérêt votre réponse sur ce point, car cela permettrait aux
intéressés au moins de percevoir la retraite française qui leur est due, en
attendant que, peut-être un jour, les caisses africaines puissent enfin leur
verser la leur.
Mais je crains que, sans une très forte pression politique et économique
exercée par la France sur ces pays, ce jour ne soit encore très éloigné.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, les principaux sujets que je souhaitais
aborder aujourd'hui, bien que les préoccupations des Français de l'étranger
portent également sur bien d'autres problèmes, tels que l'assurance chômage.
Vous l'aurez compris au travers de mes propos, mon principal souci est, d'une
part, de permettre à tous les Français expatriés, quelle que soit leur
situation, de bénéficier d'une couverture sociale identique à celle qui existe
en métropole et, d'autre part, d'apporter ma contribution à la politique de
l'emploi en favorisant et en développant le plus possible l'emploi à
l'étranger, tout en préservant ce que nous avons patiemment mis en place depuis
1978.
Jusqu'à ce jour, la Caisse des Français de l'étranger a su, depuis sa
création, répondre à la demande des entreprises françaises qui envoient du
personnel à l'étranger et qui souhaitaient, sans quitter le système de la
sécurité sociale, avoir une caisse de rattachement spécifique capable de
s'adapter aux conditions particulières que rencontrent nos compatriotes dans
leurs divers pays de résidence.
Comme je l'ai indiqué précédemment, il était souhaitable - et cela a été fait
- que ce système soit étendu plus largement aux Français de l'étranger vivant
dans des pays où la couverture sociale ne leur est pas adaptée et qui
souhaitaient avoir de la France une couverture pour la maladie, la maternité,
les accidents du travail, tant à l'étranger que lors de leur retour en
France.
Ce pari a été tenu, et le coût de cette couverture est d'environ trois fois
moins élevé que celui du détachement au titre de la sécurité sociale.
Soumise à la concurrence d'organismes privés, de compagnies d'assurances
françaises ou étrangères, qui savent adapter leurs contrats aux besoins
particuliers des entreprises, tenant compte du lieu d'expatriation de leur
personnel, la Caisse des Français de l'étranger se devait d'être compétitive
pour ne pas disparaître. Jusqu'à ce jour, cela a été le cas, et elle a pu
poursuivre son activité avec des comptes équilibrés, sous le contrôle de votre
département ministériel et de celui du budget. Souhaitons qu'avec votre appui
elle poursuive son activité pour satisfaire les Français établis hors de
France.
Je souhaite en terminant, monsieur le secrétaire d'Etat, attirer votre
attention, tant en mon nom personnel qu'au nom de mon collègue Claude Huriet,
sur l'article L. 512-1 du code de la sécurité sociale, qui dispose que les
prestations familiales du régime français sont dues uniquement aux personnes
résidant sur le territoire français. Toutefois, la circulaire du 28 mai 1979
indique qu'à titre dérogatoire ce droit est maintenu durant trois mois aux
travailleurs détachés à l'étranger avec leur famille.
Or, avec le développement des échanges internationaux, il arrive de plus en
plus fréquemment que des fonctionnaires français - notamment des médecins
hospitaliers - soient envoyés à l'étranger pour des missions de quelques mois,
tout en conservant leur traitement français et leur domiciliation fiscale en
France.
Pour ces personnels, pour qui l'expatriation ne représente pas un bonus
financier, il apparaît comme très pénalisant que leur départ entraîne une
baisse de leurs revenus du fait de la suppression des prestations
familiales.
Pourrait-on, afin de favoriser des échanges de savoir toujours fructueux,
envisager de prolonger le délai de trois mois prévu par la circulaire de 1979 ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
placer la personne âgée au coeur du système et allouer les ressources en
fonction de son état : tel est le principe posé par la prestation spécifique
dépendance, créée par la loi du 24 janvier 1997. Cela a fait l'objet d'un très
bon article intitulé « le Désert des Tartares ».
Ne nous y trompons pas, c'est un principe révolutionnaire par rapport aux
conceptions qui prévalaient jusqu'alors en matière de prise en charge des
personnes âgées dépendantes et, par voie de conséquence, en matière de gestion
des établissements qui les reçoivent.
La tarification sera, en effet, fonction du niveau d'autonomie ou de
dépendance des personnes : les crédits de fonctionnement des établissements
pourront fluctuer en fonction du nombre et de l'état des personnes accueillies,
ce qui aura des conséquences sur la gestion des effectifs du personnel.
Mais le plus important est encore l'évolution dans le temps de l'état de santé
des personnes, qui peut modifier soit le montant de l'aide, soit celui du
tarif.
En effet, dans les mêmes lieux, avec le même personnel, deux types de
tarification cohabitent : ceux qui sont relatifs aux soins et qui dépendent de
la sécurité sociale ; ceux qui concernent l'hébergement et la dépendance et
relèvent des conseils généraux.
Or certaines maladies dégénératives, comme celle d'Alzheimer ou d'autres sur
le plan fonctionnel, ne sont pas prises en charge, alors qu'elles engendrent
très peu de dépenses médicales, mais de très fortes dépenses de personnel.
L'importance et la complexité de l'enjeu sont donc capitales puisqu'elles
touchent environ 700 000 personnes âgées dépendantes et leurs familles, environ
10 000 institutions et services, 600 000 lits et places, et de l'ordre de 300
000 agents.
A cela il faut ajouter le nouveau défi que constituent l'allongement de
l'espérance de vie et la prise en charge de l'âge extrême.
L'actualisation et la modernisation du cadre législatif et réglementaire liées
à la loi sociale de 1975 s'imposent donc incontestablement. Mais on voit bien
qu'elles doivent reposer sur une préparation rigoureuse, à la mesure de la
complexité des facteurs à prendre en compte, et menée en concertation étroite
et continue avec les différents acteurs concernés.
A ce titre, je rappellerai également que l'on constate, d'une façon générale,
que ce sont les départements les moins riches économiquement qui ont les plus
grandes charges s'agissant des personnes âgées dépendantes, alors que ce sont
les plus riches qui, eux, pourraient le plus facilement absorber ces charges,
qui en ont le moins ; cela se comprend d'ailleurs aisément. Cela pose donc un
problème de solidarité nationale qu'il faudra bien traiter et prendre en compte
dans la réforme.
Vous vous êtes engagé, monsieur le secrétaire d'Etat, avec Mme Aubry, à
inscrire ce grand projet de réforme dans vos priorités pour 1999. Il existe une
version datée du 7 mai 1998, qui a été bien reçue par les acteurs du secteur
social et médico-social en ce qui concerne la place des usagers et de leur
famille, une meilleure organisation et coordination institutionnelles et
opérationnelles pour ce qui est de l'équipement social et médico-social, enfin
le rapprochement des mécanismes de régulation des institutions sociales et
médico-sociales avec ceux du secteur sanitaire.
En revanche, monsieur le secrétaire d'Etat, deux points inquiètent
particulièrement les gestionnaires d'établissements d'hébergement de personnes
âgées, dans la mesure où ils touchent aux conditions mêmes de
fonctionnement.
Le premier est relatif à l'encadrement des dépenses à travers un taux
d'évolution, ce qui supprimerait toute négociation budgétaire et serait, par
conséquent, contraire à l'approche contractuelle prônée par ailleurs, et plus
que jamais nécessaire dans le contexte décrit ci-dessus. Sans doute faut-il
abandonner le taux directeur utile en son temps, mais devenu pervers.
Le second point a trait au contrôle des institutions, remettant en cause le
principe de contrôle de légalité
a posteriori,
instauré par les lois de
décentralisation et par la loi du 6 janvier 1986. Ce serait une régression et
une atteinte à l'autonomie et à la responsabilisation des établissements, elles
aussi particulièrement nécessaires dans ce contexte.
Le deuxième volet de l'action réformatrice concerne, bien sûr, la réforme de
la tarification des établissements.
Le « Livre noir » publié en juin dernier et le comité national de coordination
gérontologique témoignent, de façon différente, des nombreux dysfonctionnements
constatés à ce sujet.
Le comité économique et social, quant à lui, précise « qu'il est temps pour
notre pays de se doter d'un dispositif opérationnel et socialement juste de
prise en charge de la dépendance » et « s'interroge sur une réforme de son
financement et des modalités de gestion dans le cadre de la solidarité
nationale ».
Le projet du Gouvernement comporte un certain nombre de points qui posent
problème.
En effet, il semble consacrer les discriminations territoriales déjà
constatées : il instaure un dispositif trop complexe, inaccessible aux
personnes âgées et à leur famille, dont certaines verront leurs charges
s'alourdir, du fait de l'intégration d'une part non négligeable des soins dans
le tarif dépendance ; il reste muet sur l'avenir de certaines populations
hébergées en long séjour, en attendant de pouvoir entrer dans un établissement
adapté, je pense aux paraplégiques, hélas ! très jeunes, pour lesquels le
nombre de places n'est pas encore suffisant ; il accroît le risque d'une
diminution des moyens pour les personnes hébergées en long séjour ; enfin, il
organise la mise en place d'une tutelle sur les établissements médico-sociaux
qui est aux antipodes d'une gestion moderne, responsable et motivante, laquelle
sera bien nécessaire pour parvenir à résoudre des problèmes qui,
reconnaissons-le, sont extrêmement complexes.
C'est pourquoi ce projet doit être réexaminé en profondeur, en ayant pour
préoccupation majeure un financement clairement défini et une égalité de
traitement sur l'ensemble du territoire national. C'est à ce prix que les
pouvoirs publics réhabiliteront l'espoir déçu de nos aînés et de leur famille,
ainsi que celui des professionnels qui sont auprès d'eux et s'en occupent.
Monsieur le secrétaire d'Etat, même si ces questions sont difficiles, nous
espérons que, avec le temps, la bonne volonté et la concertation, nous
parviendrons à les résoudre.
Tels sont les points sur lesquels, je souhaitais attirer particulièrement
votre attention.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, ainsi que
sur le banc des commissions. - M. Jean-Pierre Cantegrit applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal.
Monsieur le secrétaire d'Etat, après avoir écouté MM. les rapporteurs et les
différents intervenants, je consacrerai mon propos à trois questions de société
qui s'inscrivent parfaitement dans la politique de solidarité du Gouvernement
et auxquelles vous portez, dans votre domaine ministériel, une attention toute
particulière.
J'évoquerai successivement les décisions importantes que vous avez annoncées
en faveur des personnes handicapées, la nécessaire réflexion que nous devons
engager sur le dispositif de prise en charge des personnes âgées et, dans un
tout autre domaine, les dons d'organe.
Ces trois thèmes sont sans lien apparent, mais ils s'inscrivent dans la
politique de solidarité qui constitue le volet central du pacte républicain du
Gouvernement.
Ce sont trois questions de société dans lesquelles l'Etat doit jouer
pleinement un rôle d'animation et de régulation, car il s'agit d'apporter des
réponses à des sujets qui suscitent parfois des réactions inattendues de la
part de nos concitoyens et qui appellent, à ce titre, un engagement fort des
pouvoirs publics.
Dans le domaine du handicap, vous avez, monsieur le secrétaire d'Etat,
clairement indiqué le sens de votre action, d'abord en réaffirmant votre
attachement à une politique spécifique en faveur des personnes handicapées,
mais aussi en inscrivant la dimension de leur intégration sociale et du libre
choix de vie au coeur de vos préoccupations.
Après le vote de la loi d'orientation de 1975, il était indispensable de
donner un souffle nouveau à cette politique au sein de laquelle, pendant
longtemps, la vision comptable a prévalu sur la dimension humaine et sociale,
et où seul le verdict médical préfigurait la destinée de chaque personne,
dictait son placement dans un établissement, sans que l'on se préoccupe de ses
potentialités.
Votre politique trace des axes forts pour redonner une signification à
l'intégration, à la formation et à la socialisation des personnes
handicapées.
C'est tout particulièrement l'objet des actions de partenariat que vous
engagez avec le ministère de l'éducation nationale, en faveur des jeunes, pour
améliorer leurs conditions d'accueil dans le milieu scolaire et renforcer leur
formation par un dispositif approprié, mais aussi, en direction des
travailleurs handicapés, en mobilisant autour de l'objectif d'intégration les
partenaires de l'emploi et les acteurs de l'insertion.
Il convient, à cet égard, de rappeler les dispositions législatives qui
existent, mais sont mal exploitées, pour favoriser le recrutement de
travailleurs handicapés dans des structures publiques.
Enfin, pourquoi ne pas favoriser des conventions entre l'Etat et les
collectivités locales, ou les entreprises du secteur privé, pour faciliter la
création d'emplois réservés à des personnes handicapées ?
Parallèlement à ces orientations, nous accueillons très favorablement le
programme pluriannuel, décidé par le Premier ministre, de création de places
pour les adultes lourdement handicapés.
Il faut en effet rappeler que, durant la période 1985-1998, le nombre de
places d'hébergement pour adultes a été quasiment multiplié par deux, passant
de 42 000 à 81 000. Malgré ces efforts, nous ne répondons toujours pas aux
demandes des familles, et nous constatons par ailleurs de fortes disparités
territoriales.
Je livrerai un témoignage concret, en ma qualité de maire de
Clermont-l'Hérault. Voilà cinq ans, nous avons construit, dans cette commune,
une maison d'accueil spécialisée de quarante lits grâce au soutien du Président
François Mitterrand et du comédien Michel Creton ; je tiens à saluer ici
l'action constante que ce dernier mène avec beaucoup de passion à travers la
France.
Face aux très nombreuses demandes, nous avons réalisé, voilà quelques mois,
une extension concernant douze lits, mais ces efforts restent insuffisants. En
effet, le département de l'Hérault compte seulement sept maisons d'accueil
spécialisées. Aussi, je formerai le voeu que les projets élaborés à Montpellier
et à Ganges soient financés dans le cadre de ce plan pluriannuel, et ce dans
les meilleurs délais.
Ce programme et ces mesures que vous engagez, monsieur le secrétaire d'Etat,
sur les cinq années à venir, représentent un effort considérable.
Ils sont le témoignage de choix politiques clairs en direction des personnes
les plus fragilisées, conformément aux engagements pris par le Premier ministre
; ils sont aussi l'affirmation d'une volonté délibérée d'inscrire la personne
handicapée en tant qu'acteur de la vie de la cité.
C'est un choix politique majeur, qui détermine une nouvelle approche du
handicap, dans laquelle « dignité » et « citoyenneté » trouvent leur pleine
signification.
Cette philosophie - qui vous anime et nous anime - consistant à donner à
chacun les moyens du plein exercice de la citoyenneté, nous la percevons aussi
dans la politique que vous entendez conduire en faveur des personnes âgées.
Les progrès de la médecine et l'allongement de la durée de la vie nous
commandent de renouveler notre approche de cette question de société.
Selon les prévisions de l'INSEE, la France devrait compter 2 000 000 de
personnes dépendantes en 2020, alors que l'on en recense 1 000 000 aujourd'hui.
C'est dire l'urgence de la réflexion que nous devons engager.
Je retiendrai dans mon propos trois préoccupations majeures.
D'abord, comment s'assurer de l'égalité de l'accès aux soins de ces personnes
?
Ensuite, comment résoudre le problème des disparités territoriales en matière
d'équipements ?
Enfin et surtout, comment s'assurer d'une bonne coordination de l'action
gérontologique, dans un domaine où le partage des compétences s'exerce non
seulement entre l'Etat, les départements et les communes, mais aussi entre les
acteurs publics et les acteurs privés ?
Toutes ces questions, auxquelles on pourrait ajouter la question de la
complexité des grilles de tarification des prestations d'accueil, de soins ou
de séjours médicalisés, méritent que nous organisions prochainement un grand
débat.
Nous devons, dans ce domaine, effectuer des choix, sur le maintien à domicile,
sur la création de lits médicalisés, sur la maîtrise comptable de ces dépenses
qui vont fortement progresser dans les prochaines années, et sur la formation
qualifiante des agents territoriaux qui interviennent auprès des personnes
âgées.
Ce sont des orientations politiques où, là encore, la dignité des personnes
devra être nettement respectée.
Enfin, je souhaite conclure mon propos en attirant votre attention sur les
actions d'information en faveur du don d'organes.
Chaque année, selon les statistiques établies par vos services, 3 000 greffes
d'organes sont pratiquées dans les établissements hospitaliers français, au
sein desquels nous pouvons compter sur des équipes médicales qui sont parmi les
meilleures au monde et auxquelles nous devons rendre publiquement hommage.
Hélas ! ces équipes sont confrontées à l'attente de nombreux malades - près de
5 000 - qui ne peuvent être tous sauvés faute de donneurs.
Nous savons aussi que le nombre de personnes qui s'opposent aux prélèvements
d'organes a augmenté légèrement au cours des dernières années.
C'est la raison pour laquelle il me paraît important et urgent de relancer,
avec le concours de l'Etablissement français des greffes, les campagnes
d'information et de sensibilisation de nos concitoyens sur un sujet extrêmement
grave et préoccupant, qui appelle rapidement des prises de position.
Sur toutes ces questions, nous savons que nous pouvons compter sur votre
détermination et sur votre compétence, monsieur le secrétaire d'Etat. La
solidarité est bien au coeur de l'action du Gouvernement.
Le projet de budget que vous présentez vous donne les moyens de cette action
et il engage notre pays dans la réforme de société souhaitée par les Français.
Aussi, mes collègues du groupe socialiste et moi-même, nous le voterons sans
réserve, en apportant volontiers notre soutien aux choix politiques qui le
sous-tendent.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la santé et la solidarité.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, n'ayant pas
tellement l'habitude d'utiliser la langue de bois, je ne vous cacherai donc pas
que ma présence parmi vous et la déception que vous devez en concevoir...
(Protestations sur toutes les travées.)
M. Jean Delaneau.
Du tout !
M. le président.
En aucun cas, madame !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Je vous remercie !
... s'expliquent par le fait que Bernard Kouchner, qui comptait fermement vous
donner les réponses que vous êtes en droit d'entendre, est encore retenu à
l'Assemblée nationale, à une heure où, en toute logique, il aurait dû être
parmi vous. Vous voudrez donc bien excuser son porte-parole, qui va essayer
d'apporter une réponse intelligible à l'ensemble de vos questions.
La prévention et la lutte contre les exclusions constituent un axe fort, qui
requiert un effort budgétaire important et qui va structurer pour une bonne
part l'action de ce ministère. Je remercie M. Chérioux, rapporteur pour avis de
la commission des affaires sociales, d'en avoir donné acte au Gouvernement. Le
second axe structurant est la mise en place d'un appareil complet de veille et
de sécurité sanitaire.
Témoigne de tout cela la progression de 4,5 % des crédits affectés à ce
budget, très supérieure à la hausse générale de 2,3 % du budget de l'Etat.
La progression brute des crédits de 7,5 milliards de francs comprend la prise
en charge par l'Etat, pour 4 233 millions de francs, de l'allocation de parent
isolé en contrepartie de la révision du quotient familial et du rétablissement
des allocations familiales pour tous sans condition de ressources. Les mesures
de la loi et du programme de lutte contre les exclusions qui relèvent du budget
de la solidarité sont intégralement financées, avec 536 millions de francs de
mesures nouvelles. Mme Borvo en a souligné l'importance.
Deux mesures participent au volet emploi du programme.
Il s'agit d'abord de l'abondement de 120 millions de francs de la contribution
de l'Etat aux fonds d'aide aux jeunes, les FAJ, qui sont sollicités dans le
cadre des parcours d'insertion du programme TRACE, Trajet d'accès à l'emploi,
pour apporter une aide matérielle aux jeunes sans ressources entre deux
contrats ou stages.
L'autre mesure est le doublement, avec 100 millions de francs de plus, des
crédits de l'accompagnement social individualisé, l'ASI. L'accompagnement
social individualisé joue un rôle déterminant en amont de la démarche
d'insertion professionnelle, pour débloquer des situations sociales difficiles
qui font obstacle à tout engagement actif dans la recherche d'une solution
d'emploi ou de formation.
La réponse à l'urgence sociale, deuxième grand volet du programme de lutte
contre les exclusions, mobilise d'importants moyens nouveaux.
La loi de lutte contre les exclusions conforte le dispositif de veille et
d'urgence sociale. Elle consolide ses missions, légitime ses modes
d'intervention et lui permet de progresser vers la coordination nécessaire à sa
pleine efficacité.
Ce dispositif s'appuie sur des places d'hébergement - 30 000 places dans les
centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS, 15 000 places
d'hébergement d'urgence - mais aussi sur une variété d'outils mis en place le
plus souvent sur l'initiative des associations : lieux d'accueil de jour,
équipes mobiles formées pour aller au-devant des personnes les plus
désocialisées, notamment les jeunes en errance.
Le projet de budget apporte à ce dispositif de quoi poursuivre son
amélioration qualitative et soutenir l'effort des associations pour promouvoir
des structures différenciées capables de répondre à l'hétérogénéité croissante
des situations d'exclusion.
Plus de 200 millions de francs de mesures nouvelles lui sont consacrés,
conformément à ce qui avait été annoncé dans le programme du 4 mars dernier :
120 millions de francs inscrits au chapitre 47-21 permettront de renforcer les
structures d'hébergement d'urgence et les services de veille sociale, dont la
nécessité est malheureusement à nouveau prouvée par les drames causés par la
vague de froid, 42 millions de francs seront consacrés à la transformation de
500 places précaires en places en CHRS, dotées de moyens d'accompagnement et de
réinsertion sociale, enfin 75 millions de francs d'autorisations de programme
et 43 millions de francs de crédits de paiement figurant au titre VI
permettront de poursuivre la rénovation des CHRS vétustes ou dépourvus des
conditions normales de sécurité, de salubrité et de protection de la
personne.
J'ajoute, même si cela ne relève pas formellement du programme de lutte contre
les exclusions - l'esprit est toutefois proche - que 100 places nouvelles de
CHRS spécialisés dans l'accueil des réfugiés et demandeurs d'asile sont créées,
comme en 1998, dans le projet de budget pour 1999. Cette mesure vient à l'appui
du dispositif d'accueil personnalisé adopté par le Gouvernement le 21 octobre
dernier dans une douzaine de départements très concernés. Les deux autres axes
annoncés dans le cadre de cette politique concernent les étapes ultérieures de
l'intégration des immigrés : la lutte contre les discriminations et le
raccourcissement des délais de naturalisation. Faire face à l'urgence sociale,
c'est aussi mieux gérer les aides financières d'urgence.
L'expérience des fonds et missions d'urgence sociale du début de l'année a
montré la voie. La bonne méthode réside dans la mobilisation coordonnée de tous
les acteurs et instances concernés - conseils généraux, centres communaux
d'action sociale, caisses d'allocations familiales, ASSEDIC - en veillant à ce
que l'Etat prenne toutes ses responsabilités sans recentraliser ni se
substituer aux responsabilités de ses partenaires.
Mme Borvo a exprimé son souhait de rapatrier auprès des ASSEDIC les fonds
sociaux et de réabonder ces derniers en fin d'année. Comme vous le savez, il
s'agit de décisions qui relèvent des partenaires sociaux, gestionnaires de
l'assurance chômage.
Pour sa part, l'Etat s'attache à assurer la meilleure coordination des
différents fonds avec la mise en place des commissions d'action sociale
d'urgence, qui fonctionnent déjà dans quarante départements, auxquels
trente-trois départements s'ajouteront dans les jours qui viennent. S'agissant
des fonds partenariaux, l'Etat y augmente sa participation de 50 % pour
1999.
La coordination des aides est la clé de l'efficacité dans la prise en charge
des situations de détresse. Elle démultiplie l'action de chacun des partenaires
et garantit aux personnes qui s'adressent à l'un des guichets disponibles que
leur dossier sera analysé dans tous ses aspects, orienté à qui de droit sans
autre démarche de leur part et traité dans les meilleures conditions de
rapidité et d'équité.
Au-delà des moyens financiers apportés par l'Etat aux fonds partenariaux
mobilisables par les CASU - les fonds d'aide aux jeunes, les fonds de
solidarité logement - 80 emplois de catégorie A viendront renforcer les DDASS,
très impliquées dans l'appui aux CASU. Enfin, l'appareil de formation des
travailleurs sociaux sera doté de 52 millions de francs de crédits nouveaux
pour accroître de 10 % les effectifs d'étudiants et améliorer la qualité des
filières de formation.
L'accent mis sur les mesures issues de la loi et du programme de lutte contre
les exclusions ne doit pas occulter le fait que le RMI est le dispositif
central tant de protection contre le dénuement et l'exclusion que de
réinsertion vers l'emploi et l'autonomie sociale et personnelle.
M. le rapporteur spécial et MM. les rapporteurs pour avis se sont montrés
soucieux de la progression persistante des effectifs du RMI.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Pour le moins !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Il va de soi que nous partageons cette préoccupation.
Nul ne peut se satisfaire que deux millions de personnes, dont 700 000 enfants,
vivent avec des ressources aussi faibles et que l'insertion reste en deçà des
attentes.
Il faut avoir l'ambition de faire baisser le nombre d'allocataires. Certes,
l'amélioration de la situation de l'emploi produit ses premiers effets, et le
taux de croissance des effectifs au premier semestre de 1998 est le plus faible
jamais enregistré. Mais la clé de l'insertion et du retour à l'emploi tient
dans la mobilisation des outils de la politique de l'emploi et la
multiplication des accès à l'emploi, sous l'impulsion des acteurs locaux, élus,
administrations, associations. L'expérience montre que c'est ainsi que l'on
accroît les chances de sortir du RMI.
Le Gouvernement partage le souci de M. Othily de développer l'insertion
professionnelle des bénéficiaires du RMI. Celle-ci doit être recherchée, dans
le respect des textes existants, en utilisant notamment tous les nouveaux
outils créés dans l'optique de la mise en oeuvre du programme et de la loi de
lutte contre les exclusions. La récente modification du statut des agences
d'insertion dans votre département et dans les autres départements d'outre-mer
doit permettre de réelles avancées, en favorisant une plus large implication
des collectivités territoriales au côté de l'Etat.
L'expérience montre aussi - cela rejoint d'ailleurs les analyses de M. le
rapporteur spécial - qu'il faut se garder de trop de pessimisme et surtout des
idées reçues sur le RMI. En effet, la croissance des effectifs des
bénéficiaires du RMI n'est pas explosive, et elle se ralentit même depuis trois
ans. Par ailleurs, la part des jeunes de moins de trente ans n'augmente pas,
puisqu'elle est stable à 30 % depuis 1989. Enfin, on ne s'installe pas dans le
RMI, dispositif pour lequel les flux d'entrées et de sorties sont très
importants, puisque plus de 360 000 personnes en sortent chaque année et que 50
% des bénéficiaires y restent moins de deux ans. Le « I » de RMI n'est pas en
panne : ainsi, plus de 700 000 contrats d'insertion sont conclus chaque année,
même si c'est avec une qualité de contenu et de suivi inégale.
Précisément, la loi de lutte contre les exclusions prévoit la mise en place
des dispositifs d'accompagnement individualisé vers l'emploi qui renforcent
cette dynamique d'insertion. Le dernier en date - il est entré en vigueur le
1er décembre - est le cumul possible, pendant un an, du RMI et d'autres minima
sociaux avec des revenus d'activité professionnelle.
Madame Borvo, pour le Gouvernement, la véritable réponse à l'exclusion passe
par une action déterminée sur ses causes, au premier rang desquelles figure le
chômage. Dans ce domaine, la loi relative à la lutte contre les exclusions
permet de mener une action d'envergure, en affirmant l'accès aux droits, dont
le droit au logement, le droit à la santé et, surtout, le droit à l'emploi.
Nous avons également souhaité améliorer la situation des personnes qui
dépendent, pour leur existence, des minima sociaux. Dois-je vous rappeler les
majorations de l'allocation spécifique de solidarité de 8 %, de l'allocation
d'insertion de 29 % et de l'allocation veuvage de plus de 1 000 francs pour la
seconde année, la création de l'allocation spécifique d'attente pour les
bénéficiaires du RMI et de l'allocation de solidarité spécifique, le cumul du
RMI avec l'allocation pour jeune enfant et les majorations pour âge des
allocations familiales ? Je pourrais parler aussi de l'intéressement, des
barèmes logement, etc.
Tout cela, vous le savez. Mais il reste un point, qui a justifié, aux yeux de
votre commission, le dépôt d'un amendement en réduction de crédits de 1,3
milliard de francs, soit 5 % de la dotation de 26,4 milliards de francs prévue
en 1999. Il s'agit de l'ampleur des fraudes et de l'efficacité des
contrôles.
Or, le RMI est, aujourd'hui, le dispositif social le plus contrôlé.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
La Cour des comptes n'est pas d'accord !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
La fraude est devenue marginale - mesurée à 0,6 % en
1997.
Pour répondre à M. Darniche, je veux simplement dire, comme le souligne M.
Chérioux dans son rapport, que les rares cas de jeunes bénéficiaires issus de
familles aisées sont réglés dans le cadre de l'obligation d'insertion faite à
tout bénéficiaire.
Il faut aussi se garder de confondre l'évolution des effectifs et la
progression de la dépense. Celle-ci enregistre l'effet report de la croissance
antérieure, mais aussi, en 1999, les modifications apportées au dispositif
au-delà de la revalorisation de l'allocation, telles que la possibilité de
cumuler le RMI et l'allocation pour jeune enfant pendant la grossesse et le
fait que les majorations des allocations familiales pour l'âge des enfants ne
s'imputent plus sur les revenus pris en compte pour calculer le RMI.
L'inertie de la dépense par rapport à l'évolution des effectifs explique que
nous devrons compléter la dotation de 1998 dans le collectif budgétaire : 900
millions de francs sont prévus à cette fin, ce qui portera les crédits ouverts
en 1998 à 26,2 milliards de francs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique à l'égard des personnes
handicapées est, je le sais, une préoccupation majeure pour la plupart d'entre
vous - vous me permettrez de dire « d'entre nous ».
Notre politique en faveur des personnes handicapées est une politique globale,
attentive à tous les aspects de la vie des personnes - éducation, emploi, vie
sociale. Elle vise à favoriser en priorité leur intégration dans tous les
dispositifs de droit commun en milieu de vie ordinaire.
Cet objectif est conforme à celui, toujours d'actualité, qui a été proclamé
par la loi d'orientation du 30 juin 1975. Mais le contexte démographique,
économique et social n'est plus le même. Les attentes des personnes handicapées
ont changé, leur aspiration à l'autonomie s'est affirmée.
Une politique spécifique en faveur des personnes handicapées reste légitime,
mais elle ne doit pas être cloisonnée par rapport aux autres politiques
publiques - emploi, éducation, logement, accès aux services publics. Tous ces
domaines doivent intégrer les préoccupations des personnes handicapées autour
de l'objectif clé de l'intégration.
Monsieur Vidal, vous avez parfaitement décrit la manière dont se décline cet
objectif d'intégration en termes de dignité et de citoyenneté. J'en reprends
rapidement les lignes d'action concrètes.
La première est la socialisation et l'intégration des jeunes handicapés,
auxquelles un prochain conseil national consultatif des personnes handicapées
sera consacré, en liaison avec le ministère de l'éducation nationale, avec qui
nous allons élaborer des schémas d'équipement et d'accompagnement pour
l'enfance et l'adolescence handicapées.
Le deuxième objectif concerne l'accompagnement des personnes handicapées dans
leur vie quotidienne, en milieu ordinaire et dans les institutions spécialisées
; des expérimentations sur des aides techniques propres à favoriser la vie à
domicile sont en cours.
Le troisième objectif est la formation et l'emploi des travailleurs
handicapés. Les lignes directrices d'une relance de la politique d'insertion
professionnelle ont été présentées au Conseil supérieur pour le reclassement
professionnel et social des personnes handicapées.
Sur l'hypothèse que vous avez évoquée, monsieur Chérioux, d'un transfert à
l'AGEFIPH des crédits de l'Etat,...
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
J'ai parlé non pas d'hypothèse, mais de faits, et
j'ai posé une question.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Disons alors que, s'agissant des crédits inscrits au
budget de l'emploi relatifs au financement des équipes de préparation de suite
et de reclassement, les EPSR, je tiens à apporter les précisions suivantes.
Si la convention pluriannuelle d'objectifs qui sera prochainement signée entre
l'Etat et l'AGEFIPH laisse ouverte une telle possibilité, aucune décision quant
à sa mise en oeuvre n'a, pour l'heure, été arrêtée.
Une telle mesure serait cohérente avec la vocation d'insertion des
travailleurs handicapés de l'AGEFIPH et avec le fait que cet organisme finance
déjà pour partie les EPSR privés.
Toutefois, la contrepartie d'un tel transfert devrait être le redéploiement
des crédits correspondants sur le renforcement des moyens de fonctionnement des
commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les
COTOREP. Une telle mesure requiert, cependant, un examen complémentaire de la
part des partenaires compétents.
Mais l'intégration des personnes handicapées dans le milieu de vie ordinaire
n'enlève rien au rôle des institutions, qui sont et resteront indispensables,
notamment pour les personnes les plus lourdement handicapées.
Cette problématique rejoint l'objectif de la réforme engagée sur l'autre loi
du 30 juin 1975, non pas la loi d'orientation en faveur des handicapés, mais
celle qui est relative aux institutions sociales et médico-sociales.
Pour en revenir au projet de budget pour 1999, dont 40 % des crédits, soit
31,7 milliards de francs, sont consacrés aux personnes handicapées, les
rapporteurs soulignent la croissance élevée de la dépense d'allocation aux
adultes handicapés, qu'ils mettent au compte d'un défaut de maîtrise des
dépenses sociales obligatoires.
Leurs analyses sont néanmoins plus nuancées que cette conclusion. Ainsi,
monsieur Oudin, je ne peux que souscrire à vos explications relatives à un
meilleur accès au droit, à l'inertie de la structure par âge de la population
bénéficiaire ou à l'éviction du marché de l'emploi que subissent les personnes
fragilisées par un ou plusieurs handicaps.
C'est ainsi que la dotation de 1999, établie à 24,57 milliards de francs, est
fondée sur une hypothèse de progression en volume de la dépense de 3,8 %,
au-delà de la provision de 1,2 % pour revalorisation qu'il faudra en effet -
vous l'avez, je crois, évoqué, monsieur Chérioux ! - aligner comme le veut la
loi sur la progression du minimum vieillesse. Il faut aussi souligner que la
loi dite « Chevènement » de mai 1998 a quelque peu élargi le champ des
bénéficiaires de l'AAH.
Sans trop anticiper sur la discussion des articles, j'indique que l'article 83
du projet de loi de finances, qui étend la présomption d'inaptitude au travail
à l'âge de soixante ans à tous les bénéficiaires de l'AAH a pour objet de leur
permettre d'accéder à une pension de vieillesse et en aucun cas de stigmatiser
les personnes handicapées qui travaillent ou pourraient souhaiter travailler
au-delà de soixante ans. Au demeurant, la mesure n'a rien de brutal, comme le
montre son effet marginal sur la dotation pour 1999, à savoir une économie de
31 millions de francs.
S'agissant des centres d'aide par le travail, auxquels le budget de la
solidarité consacre plus de 6,2 milliards de francs, je rappellerai que leur
développement s'inscrit dans le programme pluriannuel adopté par le
Gouvernement pour la période de 1999-2003 et qui prévoit - vous l'avez rappelé,
monsieur Vidal - la création de 5 500 places de maisons d'accueil spécialisées
et de foyers à double tarification, de 8 500 places de centres d'aide par le
travail et de 2 500 places d'ateliers protégés. Dans ce projet de budget, nous
prévoyons et finançons la création de 2 000 places nouvelles de CAT, pour un
coût de 131 millions de francs.
Au risque, là encore, d'anticiper sur la discussion des articles, je souhaite
évoquer l'opposabilité des enveloppes introduites à la fois dans le projet de
loi de financement de la sécurité sociale et dans le projet de loi de finances,
qui témoigne de la volonté du Gouvernement de poursuivre sa démarche de
maîtrise des dépenses médico-sociales. Elle permettra de lever la
contradiction, source de contentieux, entre des dotations budgétaires
limitatives et l'absence de régulation des dépenses des établissements. Mais en
aucun cas elle n'exclut le nécessaire débat contradictoire sous le contrôle du
juge et, bien sûr elle ne fait nullement obstacle à l'augmentation des moyens
dont dispose ce secteur en expansion.
Les rapporteurs ont abondamment développé l'application au secteur
médico-social de la loi du 13 juin 1998 sur la réduction du temps de
travail.
Je suis convaincue que le secteur médico-social associatif saura faire de
cette loi une chance, à condition d'anticiper, comme il a toujours su le faire,
une organisation du travail souple et adaptée à des activités très hétérogènes
et spécifiques, mais aussi veiller à ce que la réduction du temps de travail ne
se traduise pas par des charges qui viendraient s'imputer sur les moyens
nouveaux mis en place pour répondre aux besoins des usagers.
Madame Heinis, vous avez évoqué les questions que posent la mise en place de
la prestation spécifique dépendance, le PSD, ainsi que la réforme de la
tarification des établissements accueillant les personnes âgées dépendantes.
Je veux rappeler que la loi du 24 janvier 1997 instituant cette prestation est
mise en oeuvre à domicile dans l'ensemble des départements et dans la grande
majorité d'entre eux s'agissant des établissements. Le Gouvernement a estimé
qu'il convenait d'attendre que cette application soit intervenue sur une
période d'un an afin de pouvoir procéder à une évaluation précise, objective et
exaustive des apports et des faiblesses de cette loi.
Un premier bilan de l'application de cette loi a été présenté au début du mois
d'octobre au comité national de la coordination gérontologique. Le bilan et les
conclusions qui ont été déposés par la mission des inspections générales des
affaires sociales et des finances chargée d'une redéfinition de l'ensemble des
aides à domicile conduiront le Gouvernement à prendre ou à proposer au
Parlement, le cas échéant, les modifications nécessaires.
Le Gouvernement entend par ailleurs mener, dès 1999, l'indispensable réforme
de la tarification des établissements accueillant des personnes âgées
dépendantes, dont les textes d'application paraîtront prochainement.
Cette réforme de la tarification instaurera trois sections tarifaires au lieu
de deux actuellement à l'intérieur du budget des établissements.
L'équilibre entre les trois financeurs que sont principalement l'usager, au
titre des dépenses liées à l'hébergement et à la dépendance, l'assurance
maladie, au titre des soins, et le conseil général au titre de la PSD et de
l'aide sociale à l'hébergement, sera préservé. Cela signifie - j'insiste sur ce
point - que les charges des pensionnaires ne seront pas accrues. En effet, les
mesures nouvelles ouvertes ces dernières années par l'assurance maladie seront
poursuivies et permettront d'améliorer la qualité de la prise en charge des
personnes âgées dans ces établissements grâce à des personnels plus nombreux et
mieux formés.
Je me permets de rappeler que nombre de difficultés de ce texte créant la PSD
tiennent à sa nature décentralisée, gérée par les conseils généraux, ainsi que
votre Haute Assemblée l'a voulu.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Vous avez ensuite évoqué, madame Heinis, la loi du 30
juin 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales. Depuis un rapport
d'évaluation de l'IGAS de 1996, chacun reconnaît l'obsolescence de cette loi,
dépassée tant par l'évolution de la décentralisation que par celle des
pratiques et des demandes sociales. Les orientations du texte sur lequel nous
travaillons vont dans le sens du développement de la participation effective de
la personne bénéficiaire à sa prise en charge d'une meilleure répartition de
l'offre, du soutien aux formules innovantes de prise en charge, notamment à
domicile, y compris sous forme de réseaux pluridisciplinaires, enfin, de
l'introduction d'outils d'évaluation et de coordination.
L'intérêt et le consensus recueillis autour de ces pistes nous ont conduits à
relancer la concertation officielle. Cette concertation n'est pas achevée. Le
texte de notre projet est encore susceptible d'évoluer, et nombre de reproches
que vous avez formulés, madame le sénateur, sont fondés sur des rédactions qui
ont été abandonnées.
Je voudrais aussi faire écho à l'analyse de M. Chérioux - à qui M. Bernard
Kouchner souhaitait répondre d'une façon précise - sur la dérive des décisions
judiciaires de tutelle d'Etat.
Nous avons engagé la réflexion sur le devenir de ce dispositif de protection
juridique, en concertation avec les principales associations tutélaires, afin
de revoir son mode de financement et de contrôle. Nous le faisons à la lumière
des conclusions des rapports confiés par les ministres compétents aux trois
inspections générales - finances, justice et affaires sociales. Pour l'heure,
nous avons remis à niveau la dotation affectée aux tutelles, par une
augmentation de 11 % qui la porte à 571 millions de francs.
Dans un ordre d'idée un peu comparable, vos rapporteurs ont souligné un
certain nombre de difficultés liées à l'existence d'arriérés de paiement qui
affectent l'équilibre financier des opérateurs de certaines politiques sociales
de l'Etat. J'en évoquerai deux.
Les objecteurs de conscience d'abord. La réforme du service national a
retourné la progression antérieure du nombre des objecteurs de conscience, de
sorte que la dotation pour 1999, avec 108 millions de francs, est bien ajustée
aux besoins. Il reste que des arriérés de paiement demeurent encore, que nous
avons bien commencé à résorber l'an dernier. Le collectif de 1998 poursuivra
avec une ouverture de 140 millions de francs au total.
L'autre point concerne la gestion difficile du chapitre 66-20 où figurent
notamment les crédits contractualisés du plan d'humanisation des hospices. Là
encore, le collectif prévoit un effort important de 113 millions de francs, à
comparer aux 346 millions de francs de crédits de paiement ouverts en 1999,
pour apurer l'insuffisance de crédits héritée du passé et permettre à l'Etat
d'honorer ses engagements.
Consciente que je suis loin d'avoir épuisé les commentaires possibles sur le
budget de la solidarité, je ne peux conclure cette partie sans mentionner
l'effort très significatif du Gouvernement en matière de droits des femmes dont
je suis désormais chargée et dont le budget augmente de plus de 10 %.
Ces mesures permettront de financer le plan national d'action en faveur de
l'emploi des femmes, la lutte contre les violences et leur prévention, ainsi
qu'une vaste campagne sur la contraception.
Enfin, je rappelle que, en 1999, la France accueillera la conférence
européenne sur la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise
de décision.
J'en viens maintenant au budget de la santé, et je vous demande une certaine
indulgence sur cette partie.
Ce budget s'établit, en 1999, à pratiquement 3,8 milliards de francs, ce qui
est légèrement supérieur au niveau de 1998, avec une augmentation de 0,3 %.
Toutefois, pour comparer les deux budgets à structure constante, il faut tenir
compte du transfert, pour 120 millions de francs, du financement des centres
d'hygiène alimentaire et d'alcoologie sur l'enveloppe médico-sociale de
l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, conformément au statut
qui leur est conféré par l'article 72 de la loi de lutte contre les exclusions
et l'article correspondant du projet de loi de financement de la sécurité
sociale.
En termes réels, ce budget augmente donc de 3,6 %, et j'ai lieu de m'en
réjouir, car cette progression permet des choix clairs et structurés.
Sans doute, l'essentiel de la politique de la santé s'exprime-t-il à travers
le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cependant - et, sur ce
point, je suis sans difficulté votre rapporteur pour avis - tout l'intérêt de
ce budget est de mettre en exergue des choix de santé publique et de souligner
l'importance cruciale de la prévention, car tout ne se réduit pas aux soins.
Ce budget de la santé publique s'organise en quatre lignes directrices.
La première est que la santé est un enjeu de la lutte contre les
exclusions.
La loi de lutte contre les exclusions l'affirme : l'accès aux soins est un
droit fondamental. Ce budget met en place les moyens de le traduire dans les
faits.
La mise en place des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins
constitue l'un des points forts du volet « santé » du programme de lutte contre
les exclusions, avec les permanences d'accueil des plus démunis dans les
hôpitaux et, bien sûr, la couverture maladie universelle, qui sera
prochainement soumise à la discussion parlementaire.
L'objectif de ces programmes est d'amener le système de santé à prendre en
compte la précarité sans stigmatiser les personnes ni leur réserver un
traitement à part. Ils permettront d'identifier les besoins spécifiques aux
personnes en situation de précarité, de mettre au point et de coordonner les
actions de prévention, de soins et de suivi qu'appellent les risques identifiés
: pathologies mal soignées et devenues chroniques, souffrances psychiques,
conduites à risque.
L'enveloppe de 250 millions de francs, annoncée le 4 mars lors de la
présentation du programme, sera disponible en 1999, grâce à l'apport de 194
millions de francs de mesures nouvelles. Ces mesures sont réparties sur divers
chapitre, actions de santé publique bien sûr, qui reçoit 100 millions de
francs, chapitres toxicomanie, alcoolisme, lutte contre les maladies
transmissibles, mais aussi titre III, car il essentiel que les services
déconcentrés portent cette politique nouvelle.
M. Louis Boyer, vous reconnaîtrez sans doute que cette répartition, qui
correspond à la diversité des approches de la santé des populations en
situation de précarité, est parfaitement transparente dans le « bleu » et
qu'elle ne prête à aucun double compte, à aucun effet d'optique dans la
présentation de l'action gouvernementale.
La réalité, en revanche, est que ces programmes vont renouveler la vision et
les modes de travail de tous les acteurs - administration, praticiens,
travailleurs sociaux - appelés à coopérer au sein des réseaux médico-sociaux,
avec les équipes de psychiatrie de secteur ou d'établissement, dans les
consultations d'alcoologie organisées dans les centres d'hébergement, dans les
lieux d'écoute des jeunes désocialisés.
Le deuxième axe est la prévention et la prise en charge des maladies
infectieuses et des dépendances à l'égard des drogues de toute nature, mission
traditionnelle et essentielle de l'Etat, qui représente le tiers du budget de
la santé mais dont le champ s'élargit sensiblement en 1999.
Les crédits de lutte contre la toxicomanie s'élèvent à 1,52 milliard de
francs, répartis entre deux chapitres, dont l'un porte les crédits
interministériels de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et
la toxicomanie.
Le Premier ministre, je vous le rappelle, monsieur Darniche, a demandé à la
présidente de cette mission de faire des propositions avant la fin de l'année
sur l'organisation de la mission interministérielle, en lui demandant d'élargir
son champ d'action à l'ensemble des toxiques, légaux ou illégaux.
Ainsi monsieur Louis Boyer, sans précipitation, en tenant compte des leçons
des dysfonctionnements antérieurs, se dessine le plan véritablement
interministériel dont vous regrettiez l'absence. C'est si vrai que le
Gouvernement a prévu d'abonder les crédits de la mission dans le collectif de
fin d'année pour compléter les moyens de cette politique.
Madame Borvo, il est indispensable de développer des réponses diversifiées
pour les adolescents qui consomme en trop grand nombre des drogues illicites
mais aussi de l'alcool, du tabac et des médicaments.
C'est la raison pour laquelle nous avons créé soixante-quinze « points écoute
» plus particulièrement destinés à l'accueil et à l'orientation des jeunes
usagers de drogues.
La lutte contre le sida et le chapitre 47-18 qui lui était entièrement
consacré s'élargiront en 1999 à d'autres maladies transmissibles relevant d'une
approche globale et de problématiques comparables, principalement l'hépatite C,
qui touche 600 000 personnes en France.
Ainsi recomposé, le chapitre s'établit à 523,5 millions de francs, dont 16
millions de crédits nouveaux pour amorcer un plan national de lutte sur quatre
ans contre l'hépatite C, qui sera mis en oeuvre dès 1999.
Ces mesures nouvelles, complémentaires du projet de loi de financement de la
sécurité sociale, permettront d'organiser le dépistage, le diagnostic et le
traitement de ces patients, mais aussi de soutenir la surveillance
épidémiologique, des programmes de prévention et la formation des personnels
sanitaires et sociaux.
La lutte contre l'alcoolisme comporte une mesure nouvelle de 25 millions de
francs qui s'intègre, je le répète, dans les 194 millions de francs de crédits
nouveaux affectés aux PRAPS, les programmes régionaux d'accès à la prévention
et aux soins.
Quant à la lutte contre le tabac, c'est principalement sur le budget de
l'assurance maladie qu'a porté notre effort. Ainsi, les crédits consacrés à la
prévention en matière de tabagisme, au sein du fonds national de prévention,
ont été portés en trois ans de moins de 20 millions de francs à plus de 70
millions de francs.
S'agissant de la prise en charge des malades atteints par le VIH, vous avez
interrogé M. Kouchner, madame Borvo, sur l'avenir de l'hôpital Pasteur. Du fait
de l'évolution thérapeutique actuelle concernant cette maladie -
systématisation de la trithérapie notamment - l'activité de l'établissement a
considérablement chuté et, de cinquante à soixante malades en moyenne par jour,
elle est descendue à cinq à dix malades.
L'avenir de l'établissement fait actuellement l'objet de discussions. Ces
discussions interviennent dans le cadre d'un bilan programmé depuis un an. Une
décision sera prise d'ici à deux ou trois mois. Cela nous laisse le temps de
conduire un examen objectif et concerté des perspectives d'évolution de cet
établissement.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Une fermeture serait bien regrettable pour les
malades !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
La lutte contre les maladies chroniques n'est pas
oubliée, monsieur Oudin. M. Kouchner a décidé, vous le savez, une politique
audacieuse de lutte contre le cancer, dont la base législative vient d'être
votée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Cette politique, qui porte sur deux axes essentiels - le dépistage et
l'organisation des soins - permettra, pour la première fois, d'engager les
médecins généralistes dans un vaste mouvement de dépistage encadré
techniquement de manière que cette généralisation aille de pair avec
l'amélioration de la qualité des prestations.
Vous avez évoqué le Conseil national du cancer, monsieur le sénateur. Ce
dernier n'a pas été supprimé, mais la création du Haut Comité de la santé
publique, puis de la conférence nationale de santé, enfin du comité de
prévention prévu dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion
passée avec la CNAM sont autant de lieux où se débat et se prépare une
politique globale de santé publique.
En ce qui concerne le prix des chimiothérapies, il existe, certes, une grande
disparité, et nous nous efforçons de la réduire.
Enfin, à propos de la nomenclature, le niveau de remboursement des actes de
radiologie a été réduit. Il a cependant été maintenu pour la radiothérapie afin
de préserver le suivi le plus actif possible des patients cancéreux.
J'ajoute quelques mots, monsieur Vidal, pour vous répondre sur la politique
développée par l'établissement français des greffes concernant le don
d'organe.
L'année 1998 a été celle d'une large mise à disposition du public
d'informations sur le prélèvement et la greffe, avec la mise en service du
registre national du refus. A ce jour, quinze millions de Français ont eu accès
à ces informations et près de trente mille personnes sont inscrites au
registre.
Après sept ans de diminution, puis de stabilité, l'année 1998 devrait se
caractériser par une augmentation d'environ 10 % des prélèvements d'organe par
rapport à 1997, ce qui témoigne du renforcement d'une organisation efficace du
prélèvement dans les établissements de santé.
La troisième ligne directrice du budget de la santé publique, c'est
l'organisation du système de soins. Celle-ci nécessite des moyens et des outils
que le budget pour 1999 contribue à conforter. L'agrégat qui les regroupe est
doté de plus de 1,5 milliard de francs.
Outre les crédits de formation des professions médicales et paramédicales, qui
se stabilisent en 1999 après des baisses successives, les composantes les plus
notables de l'agrégat sont la subvention à l'Agence nationale d'accréditation
et d'évaluation en santé, le financement des agences régionales de
l'hospitalisation et la dotation du fonds d'investissement pour la
modernisation hospitalière. Ces trois points, en tout cas, ont retenu
l'attention des rapporteurs.
La formation des professions médicales a également été abordée par M. Autain,
qui s'interroge sur une éventuelle dévalorisation de la formation des étudiants
en chirurgie dentaire.
Celle-ci fait l'objet d'une attention soutenue puisque la durée minimale de
leurs études a récemment été portée de cinq à six ans. Un troisième cycle a en
effet été créé ; il comporte deux voies : l'une, courte, d'un an, et l'autre de
trois ans, avec la mise en place d'un véritable internat.
Au moment de la sortie de la promotion d'internes, M. le secrétaire d'Etat
entend évaluer, avec l'ensemble des intéressés, cette première expérience pour
y apporter, le cas échéant, les améliorations qui conviennent.
En ce qui concerne l'ANAES, la subvention de l'Etat est reconduite au niveau
de 1998, soit 37,33 millions de francs, auxquels s'ajoute la dotation globale
versée par les caisses d'assurance maladie, 74,66 millions de francs.
Cette stabilité n'est pas une stagnation qui pourrait inquiéter. S'il est vrai
que la montée en charge de l'activité de l'établissement est progressive, il
est aussi de bonne pratique d'avoir fixé la dotation budgétaire à un montant
qui anticipe le niveau de croisière. Sur un effectif autorisé de 128 personnes,
issues des différentes professions de santé, l'effectif réel est, à l'heure
actuelle, de plus de soixante-dix personnes. L'ANAES est en état de
fonctionnement, et les tests d'accréditation ont commencé. L'établissement
pourra mobiliser ses réserves en 1999, afin d'accélérer la montée en puissance
de l'accomplissement de ses missions en matière d'accréditation et de
nomenclature, ce à quoi j'entends veiller.
La subvention aux agences régionales de l'hospitalisation, dont le rôle est
désormais bien défini et consolidé, s'élève à 107,7 millions de francs en
1999.
Leur budget est, dans une moindre mesure, abondé par les contributions des
régimes d'assurance maladie. Actuellement, deux cent vingt-deux personnes
travaillent pour les agences, y compris les vingt-six directeurs et les
quarante-sept agents mis à disposition par l'assurance maladie au titre des
apports prévus par les conventions constitutives.
Une mesure nouvelle affecte 5 millions de francs aux études nécessaires à
l'élaboration, déjà largement avancée, des nouveaux schémas directeurs
d'organisation sanitaire.
La rémunération des directeurs d'agence régionale sera prochainement définie
de façon plus transparente, ce qui permettra d'harmoniser les niveaux de
rémunération par référence à ceux des emplois de direction de l'administration.
Le projet a aujourd'hui sa forme finale.
Le Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le FIMHO, est un
outil important de l'organisation de l'offre de soins, qui permet de compléter
le financement d'opérations choisies pour leur effet structurant.
Le fait de ne couvrir qu'une partie du financement est délibéré, d'abord parce
qu'il s'agit d'encourager des projets économiquement efficaces, ensuite pour
donner au fonds un effet de levier important.
Il faut bien voir que ce fonds s'inscrit dans un cadre pluriannuel, qui lisse
la variation des dotations annuelles. L'inscription de 250 millions de francs
d'autorisations de programme en 1999 après 500 millions de francs en 1998 est
non pas une régression, mais simplement l'ajustement aux besoins liés à un
choix de projets qui répondent bien à des critères connus et mesurables, ce qui
exclut la précipitation.
J'ajoute une remarque qui mérite d'être mentionnée : le financement des
services de santé dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte est porté à 179
millions de francs, ce qui permettra d'engager un redressement significatif de
la situation financière du service de santé de Wallis-et-Futuna.
A ce propos, monsieur Othily, je souhaite, en réponse à votre question sur les
centres de médecine collective en Guyane, souligner que le Gouvernement s'est
prononcé en faveur du principe du transfert au service public hospitalier des
activités de soins des centres de médecine collective, tout en souhaitant que
leur rôle soit adapté pour tenir compte des évolutions économiques et
sociales.
A cette fin, le conseil général, l'Etat et l'agence régionale de
l'hospitalisation seront chargés de définir le champ des compétences et des
activités à transférer au service public hospitalier et de déterminer les
conditions de ce transfert. Il en résultera un nouveau projet médical pour le
centre hospitalier de Cayenne.
M. René-Pierre Signé.
C'est une question orale !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Par ailleurs, monsieur Othily, je voudrais souligner
que les budgets des trois établissements hospitaliers de Guyane connaissent une
forte progression.
M. René-Pierre Signé.
Il ne s'agit pas du budget !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
L'effort de 1998 est confirmé pour 1999, avec une
évolution moyenne de la dotation hospitalière régionale de Guyane de plus 3,53
%, évolution très supérieure à l'évolution métropolitaine, qui est de 2,04 %.
(Marques d'impatience sur diverses travées.)
Mesdames, messieurs les parlementaires, je peux comme vous apprécier le
soin que M. Kouchner a apporté à répondre avec la plus grande précision à
toutes vos questions.
Je suis partagée entre la liberté que je prendrai d'abandonner là mon
message...
M. Michel Mercier.
Oui !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
... et ce que je crois être mon devoir : transmettre,
comme je l'ai promis, l'intégralité du message de M. Kouchner.
M. le président.
Je suis aussi partagé que vous !
(Sourires.)
M. Michel Mercier.
Vous êtes parfaite, madame !
(Sourires.)
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Enfin, l'offre de soins n'est pas seulement, et de
loin, une affaire de quantité et de répartition des moyens. C'est aussi
l'affaire des malades et de leurs droits, comme le montrent les rencontres qui
s'organisent dans le cadre des états généraux de la santé.
L'une de mes priorités à ce titre est la lutte contre la douleur, celle des
enfants et celles des personnes en fin de vie, notamment.
J'ai annoncé un plan de lutte contre la douleur portant sur quatre ans dont
les grandes lignes vous sont déjà connues et qui, je l'espère, va permettre de
faire évoluer les mentalités de tous.
Je remercie M. Neuwirth de son intervention et je tiens à lui répondre que le
Gouvernement a décidé de soutenir par des mesures concrètes la lutte contre la
douleur.
Ainsi, 150 millions de francs ont été prévus dans l'ONDAM 99 pour développer
l'offre - unités, équipes mobiles et soins d'accompagnement à domicile - et 50
millions de francs du fonds d'action sociale de la CNAM seront consacrés à la
formation des bénévoles, au financement des gardes-malades et à la prise en
charge des prestations non remboursables nécessaires comme les nutriments.
D'autres actions viseront l'information et la formation des professionnels de
santé. Par ailleurs, la fin de vie sera l'un des thèmes majeurs des états
généraux. En outre, M. le Premier ministre a saisi le Conseil économique et
social sur le congé d'accompagnement, et un rapport lui sera remis à la fin du
mois de février.
J'en viens à la quatrième ligne directrice : le dispositif de veille et de
contrôle de la sécurité sanitaire, qui est très significativement renforcé.
La loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et
du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme organise
et complète le dispositif mis en place au début des années quatre-vingt-dix.
Les premiers établissements de veille et de contrôle sanitaires - l'Agence
française du sang, l'Agence du médicament, puis l'Etablissement français des
greffes et l'Office de protection contre les rayonnements ionisants - ont
montré la pertinence du schéma d'organisation sur lequel reste fondée la loi du
1er juillet : des entités spécialisées, responsables, capables de répondre aux
alertes sanitaires.
Le dispositif est désormais complété par la création de trois nouveaux
établissements publics : l'Agence française de sécurité sanitaire des produits
de santé, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et l'Institut
de veille sanitaire. La loi prévoit également, à terme rapproché, l'intégration
des centres de transfusion sanguine dans un établissement français du sang,
l'EFS, constitué en opérateur unique et public de la transfusion sanguine
autour de l'actuelle Agence française du sang.
Ce nouveau paysage institutionnel se traduit dans le budget, même si, par
anticipation, le budget 1998 avait prévu l'essentiel des moyens nouveaux
nécessaires sous la forme d'une provision de 80 millions de francs. Compte tenu
des transferts de crédits vers le chapitre qui regroupe les subventions, les
contributions versées par l'Etat à ces établissements représentent 339 millions
de francs.
Je souhaite enfin évoquer, pour m'en réjouir, les acquis du budget 1999 en
matière de renforcement des moyens de l'administration sanitaire et sociale, et
d'abord ses moyens humains, sur qui reposent la mise en place et la réussite de
nos politiques.
L'orientation que le Gouvernement donne à l'action publique, spécialement sans
doute dans les domaines de compétence du ministère de l'emploi et de la
solidarité, se caractérise de plus en plus par une approche à la fois globale,
transversale entre santé, social et emploi, et personnalisée. De ce fait, nos
politiques dans ces domaines exigent de plus en plus de temps et une
implication de plus en plus grande des agents qui y travaillent.
C'est pourquoi il faut se féliciter de la création d'emplois dans les services
déconcentrés - j'ai déjà évoqué, à propos des aides d'urgence, la création de
80 emplois - mais aussi dans les services centraux qui ont besoin de renforcer
leur capacité d'expertise, de pilotage et d'évaluation.
Il faut aussi poursuivre le processus, bien engagé, de résorption de l'emploi
précaire au sein de ce ministère, ce que fait ce budget en créant 155 emplois
d'accueil des agents à statut précaire.
Il faut enfin remédier au blocage des carrières des agents de catégorie C par
des transformations massives d'emplois et par une revalorisation substantielle
des enveloppes de primes.
Tout cela a été obtenu dans le budget 1999. Cette politique mérite qu'on la
défende et qu'on la poursuive, plutôt qu'on risque de la compromettre par des
coupes peu réalistes dans les crédits. Je suis convaincu que la plupart d'entre
vous partagent ce point de vue.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre indulgence et de
votre patience.
(Applaudissements.)
M. le président.
Nous saluons votre performance, madame la secrétaire d'Etat. Votre situation
n'était pas aisée. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la présidence a
fait preuve de souplesse.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'emploi et la solidarité : II. - Santé et solidarité.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 182 105 026 francs. »
Par amendement n° II-23, M. Oudin, au nom de la commission des finances,
propose de réduire ces crédits de 121 573 754 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Cet amendement a pour objet d'apporter une
contribution à l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat en opérant une
réduction forfaitaire de 1 % des dépenses de rémunération et de 5 % des autres
dépenses de fonctionnement.
Toutefois, à la demande de la commission des affaires sociales, les crédits
consacrés aux nouvelles agences de veille et de sécurité sanitaires seront
exemptés de cet effort de rigueur. Voyez jusqu'où va notre mansuétude !
M. François Autain.
Vous êtes bien charitables !
M. Guy Fischer.
Suprême générosité !
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Au total, les crédits du titre III augmenteront de 61
millions de francs en 1999 au lieu des 182 millions de francs proposés. Cette
économie de 121 millions de francs porte sur un total de crédits de 5,7
milliards de francs.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Votre Haute Assemblée connaît bien ce ministère et
n'ignore pas que ses moyens ont été traditionnellement sous-dotés. Par
conséquent, je ne peux accepter la diminution des crédits du titre III.
Mme Nicole Borvo.
Bravo !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-23, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 7 285 879 256 francs. »
Par amendement n° II-24, M. Oudin, au nom de la commission des finances,
propose de réduire ces crédits de 2 266 862 417 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Cet amendement a également pour objet d'apporter une
contribution à l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat en opérant une
réduction forfaitaire de 1 % des dépenses d'intervention.
Toutefois, toujours à la demande de la commission des affaires sociales, les
crédits consacrés à la veille et à l'alerte sanitaires ne seront pas soumis à
cet effet de rigueur.
Par ailleurs, cet amendement comporte deux mesures d'économie ciblées.
La première d'entre elles, d'un montant de 211 millions de francs, porte sur
les crédits consacrés à l'allocation de parent isolé. Selon la Cour des
comptes, je l'ai déjà indiqué tout à l'heure, cette prestation sociale est
largement détournée de son objectif, car la condition d'isolement est
difficilement vérifiable. La Caisse nationale des allocations familiales
demande depuis longtemps que soit instaurée une présomption de non-isolement en
cas d'habitation commune. Cela semble de bon sens. Votre commission des
finances estime que des économies pourraient être réalisées, à hauteur de 5 %
des crédits, si le Gouvernement répondait à cette demande.
La seconde économie ciblée, d'un montant de 1 320 millions de francs, porte
sur les crédits consacrés au revenu minimum d'insertion.
(Marques
d'indignation sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
Madame le secrétaire d'Etat, les
explications fournies par le Gouvernement ne nous ont pas convaincus. La Cour
des comptes estime entre 3 % et 5 % les dépenses de RMI indues, du fait de la
non-déclaration ou de la sous-déclaration de leurs revenus par les
bénéficiaires. Nous sommes tous ici des élus locaux. Nous connaissons tous des
exemples de cette nature.
M. François Autain.
Facile !
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Par ailleurs, le Gouvernement présente des dépenses
de RMI en progression sensible pour 1999, alors qu'il nous annonce une
croissance soutenue et une amélioration de la situation de l'emploi l'an
prochain. C'est une contradiction manifeste que nous soulignons depuis des
années.
(Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Votre commission des finances estime donc possible d'atténuer de
5 % la progression des crédits demandés au titre du RMI.
Je souligne que cette économie ne remet aucunement en cause les droits
existants des allocataires.
Au total, les crédits du titre IV augmenteront de 5,019 milliards de francs en
1999, au lieu des 7,286 milliards de francs proposés. Cette économie de 2,267
milliards de francs porte sur un total de crédits de 73 milliards de francs. Je
vous invite à lire le rapport de la Cour des comptes. Il est édifiant.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Il n'y a que les petits qui fraudent ?...
C'est scandaleux !
M. René-Pierre Signé.
Triste amendement !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Il va de soi que je ne peux souscrire à une
proposition de réduction de crédits qui remettrait fondamentalement en cause
les différentes politiques menées par mon ministère au service de l'ensemble de
nos concitoyens.
Au surplus, votre commission des finances propose d'ajouter à une réduction
forfaitaire deux abattements massifs de crédits ciblés sur l'allocation de
parent isolé et sur le RMI.
Vous proposez de réduire l'API de 211 millions de francs, en invoquant
l'incertitude sur la notion d'isolement.
Compte tenu du montant de cette prestation, le contrôle de l'isolement a
toujours constitué une cible prioritaire des contrôles effectués par les
caisses d'allocations familiales.
Toute diminution des crédits affectés à cette allocation aurait pour
conséquence d'empêcher de la servir à l'ensemble de ses bénéficiaires.
Cela s'avérerait particulièrement préjudiciable au moment où le Gouvernement
met en place un dispositif d'intéressement à la reprise d'activité des
bénéficiaires de cette allocation afin de favoriser leur retour à la vie
professionnelle.
Enfin, votre commission propose une réduction de 5 % des crédits consacrés au
RMI en s'appuyant sur le rapport public de la Cour des comptes pour 1995, qui
souhaitait le renforcement des contrôles sur le RMI. Le chiffre de 3 % à 5 %
cité par le rapport de la Cour s'appuyait alors sur les résultats d'une enquête
antérieure diligentée par les inspections générales des finances et des
affaires sociales.
Depuis la date de l'enquête, les croisements de fichiers informatisés à fin de
contrôle souhaités par la Cour des comptes ont tous été mis en place et sont
opérationnels.
Ainsi les économies souhaitées par la Cour ont-elles été déjà réalisées et la
demande du rapporteur n'est pas fondée. Pour autant, la préoccupation du
maintien d'un haut niveau de contrôle sur pièces et sur place demeure une
préoccupation importante.
Pour toutes ces raisons, je ne peux que demander le rejet de cet
amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-24.
M. François Autain.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Il est déjà tard et je ne voudrais pas allonger le débat. Cependant je ne peux
rester silencieux devant le caractère particulièrement scandaleux d'un tel
amendement.
Pour faire des économies, on est prêt à priver de revenus des femmes seules,
qui sont, on le sait, dans une situation précaire. Non content de cela, on veut
aussi réduire les crédits consacrés au RMI.
J'estime que la politique qui inspire cet amendement est inacceptable parce
qu'elle s'attaque aux plus démunis, même si j'apprends par M. le rapporteur que
ce sont ceux qui fraudent le fisc.
Je m'avoue très surpris d'apprendre une telle nouvelle aujourd'hui. En effet,
j'avais bien entendu parler de fraudeurs, mais je n'avais pas le sentiment
qu'ils se recrutaient au sein des RMIstes. Je pensais, au contraire, qu'ils se
recrutaient plutôt parmi les millardaires, voire parmi les multimilliardaires
!
Avec force, le groupe socialiste s'opposer donc à cet amendement.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé.
Bravo !
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Je voulais dire la même chose que mon collègue François Autain. Il est
extrêmement significatif que l'on montre ainsi du doigt les RMIstes !
J'ajouterai une chose : alors que nous avons souvent reçu ici des leçons sur
la famille, je trouve caractéristique qu'on soit si sélectif en matière
familiale ! Dès qu'il s'agit de parents isolés, on est beaucoup moins généreux
à l'égard de la famille. C'est parfaitement scandaleux !
(Applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les
travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Encore faut-il savoir s'ils sont vraiment isolés !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-24, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Fischer.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote résolument contre !
(L'amendement est adopté.)
M. René-Pierre Signé.
Ils n'ont pas honte !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 89 600 000 francs ;
« Crédits de paiement : 46 450 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 592 095 000 francs ;
« Crédits de paiement : 149 800 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
J'appelle en discussion les articles 82, 83 et 84, qui sont rattachés pour
leur examen aux crédits affectés à la santé et à la solidarité, ainsi que, en
accord avec la commission des finances, les amendements n°s II-44 et II-57, qui
tendent à insérer un article additionnel après l'article 83.
Article 82
M. le président.
« Art. 82. - I. - Le 5° de l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale
est ainsi rédigé :
« 5° La subvention de l'Etat correspondant aux sommes versées au titre de
l'allocation de parent isolé prévue aux articles L. 524-1 et L. 755-18. »
« II. - L'article L. 524-1 du même code est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« L'Etat verse au Fonds national des prestations familiales, géré par la
Caisse nationale des allocations familiales, une subvention correspondant aux
sommes versées au titre de l'allocation de parent isolé. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 82.
(L'article 82 est adopté.)
Article 83
M. le président.
Article 83. - I. - Il est inséré, après le deuxième alinéa de l'article L.
821-1 du code de la sécurité sociale, un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la liquidation des avantages de vieillesse, les bénéficiaires de
l'allocation aux adultes handicapés sont réputés inaptes au travail à l'âge
minimum auquel s'ouvre le droit à pension de vieillesse. »
« II. - L'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« Le versement de l'allocation aux adultes handicapés au titre du présent
article prend fin à l'âge auquel le bénéficiaire est réputé inapte au travail
dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 821-1. »
« III. - Les dispositions du présent article sont applicables aux personnes
atteignant l'âge de soixante ans à compter du 1er janvier 1999. Pour les
personnes ayant atteint l'âge de soixante ans antérieurement au 1er janvier
1999, elles sont applicables lors du premier renouvellement de l'allocation.
»
Par amendement n° II-43, M. Chérioux, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Cet amendement a pour objet de supprimer l'article
83, qui prévoit que les adultes handicapés se verront retirer leur allocation
et devront nécessairement prendre leur retraite à partir de soixante ans.
La commission estime que c'est tout d'abord ignorer la valeur thérapeutique du
travail pour les handicapés. En effet, lorsqu'elles entrent dans un centre
d'aide par le travail, les personnes handicapées qui rencontrent des
difficultés dans la vie trouvent un environnement social qui les respecte, un
milieu professionnel au sein duquel elles ont une valeur et un travail qui leur
donne une identité. Par conséquent, leur retirer l'AAH est forcément une
mauvaise chose.
En outre, cette disposition a un caractère discriminatoire. Pourquoi obliger
un handicapé à prendre sa retraite en raison non pas de la pénibilité de son
activité, mais tout simplement parce qu'il est infligé d'un handicap ?
Pour ces raisons, la commission des affaires sociales vous propose la
suppression de l'article 83.
M. Michel Mercier.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Cet amendement de suppression est, par définition,
contraire à la position que la commission des finances vous a demandé
d'adopter, mes chers collègues, pour l'article 83.
L'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, qui est souvent déviée de sa
finalité, n'a pas vocation à continuer à être versée à ses bénéficiaires
au-delà de l'âge légal de la retraite. Elle est déjà largement définie comme
une prestation subsidiaire par rapport aux avantages vieillesse. Sur ce point,
l'article 83 n'ajoute rien aux droits existants : il prévoit simplement le
basculement automatique des bénéficiaires de l'allocation aux adultes
handicapés sur le minimum vieillesse, alors que, dans le droit actuel, ce
basculement suppose une décision préalable de la COTOREP.
Par ailleurs, les cas de personnes handicapées encore en activité au sein de
CAT au-delà de l'âge de soixante ans ne sont probablement pas les plus
fréquents.
Faut-il refuser cette mesure globale de rationalisation à cause de quelques
cas particuliers ? Du reste, il peut sembler peu opportun d'encourager le
maintien en CAT de personnes handicapées au-delà de l'âge de soixante ans,
alors que l'on manque encore de places dans ces établissements pour les plus
jeunes.
Il nous semble qu'il aurait été judicieux, plutôt que de s'opposer au principe
même de la mesure, de prévoir un droit d'option en faveur des personnes qui
souhaitent continuer à travailler au-delà de l'âge de soixante ans.
Néanmoins, compte tenu de la dimension humaine des cas évoqués par M.
Chérioux, je suis tenté de m'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Le présent article vise à assurer une meilleure
cohérence entre l'AAH et les avantages vieillesse.
Les dispositions applicables à l'AAH seront ainsi alignées sur le régime des
pensions d'invalidité, qui prévoit un basculement automatique sur les avantages
vieillesse dès l'âge de soixante ans.
La modification envisagée ne change rien aux droits des titulaires de l'AAH
présentant une incapacité permanente d'au moins 80 %. Elle a pour seul objet
d'affirmer au niveau législatif la reconnaissance de l'inaptitude au travail
dont ils bénéficient actuellement sur la base d'une simple circulaire.
Cette modification aura, en revanche, des conséquences pour les bénéficiaires
de l'AAH qui justifient d'une incapacité permanente d'au moins 50 % et d'une
impossibilité reconnue, compte tenu de leur handicap, de se procurer un emploi.
Pour eux, la réforme mettra fin, à l'âge de soixante ans, au bénéfice de
l'AAH.
Cette mesure est cohérente avec la nature de l'AAH servie à cette catégorie de
personnes.
L'AAH étant une prestation accordée à des personnes dans l'impossibilité de se
procurer un emploi, il est logique de mettre fin à sa perception lorsque les
intéressés bénéficient d'un avantage vieillesse, c'est-à-dire quand ils
n'entrent plus dans le champ des personnes susceptibles de reprendre une
activité professionnelle.
A cet égard, la situation de ces bénéficiaires de l'AAH serait alignée sur
celle des invalides dont la pension d'invalidité est systématiquement
transformée, à l'âge de soixante ans, en pension de retraite pour inaptitude au
travail.
Il s'agit donc à la fois d'une mesure de mise en conformité juridique et d'une
mesure de cohérence par une égalité de traitement.
J'ajoute que les travailleurs de CAT que vous évoquez sont presque toujours
allocataires de l'AAH.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-43.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Je comprends le souci du Gouvernement de rechercher une cohérence entre l'AAH
et les avantages vieillesse.
Toutefois, madame le secrétaire d'Etat, cette mesure n'est certainement pas de
nature à améliorer la situation de la branche vieillesse, car vous faites
basculer un mode de financement sur un autre. La branche vieillesse est la
seule des trois branches de la sécurité sociale à être déficitaire et, jusqu'à
présent, le Gouvernement n'a pas pris de mesure structurelle pour essayer
d'enrayer cette situation.
En l'espèce, vous prenez une mesure ponctuelle qui ne fera qu'aggraver la
situation de la branche vieillesse.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-43, sur lequel la commission des finances
s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 83 est supprimé.
Article additionnel après l'article 83
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
Le premier, n° II-44, est présenté par M. Chérioux, au nom de la commission
des affaires sociales.
Le second, n° II-57, est déposé par M. Michel Mercier.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 83, un article additionnel ainsi
rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article 11-1 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975
relative aux institutions sociales et médico-sociales est ainsi rédigé :
« Il en est de même lorsqu'ils sont susceptibles d'entraîner pour les budgets
des collectivités territoriales des charges injustifiées ou excessives compte
tenu d'un objectif annuel ou pluriannuel d'évolution des dépenses délibéré par
la collectivité concernée en fonction de ses obligations légales, de ses
priorités en matière d'action sociale et des orientations des schémas visés à
l'article 2-2 de la présente loi. »
La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement
n° II-44.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Cet amendement a pour objet d'apporter une
modification à la loi du 30 juin 1975 afin d'étendre aux établissements sociaux
et médico-sociaux, financés par l'aide sociale des conseils généraux un
dispositif de taux directeur opposable dans des conditions identiques à celles
qui sont prévues dans le présent projet de loi de finances et dans le projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour les établissements sociaux et
médico-sociaux financés respectivement par le budget de l'Etat et par
l'assurance maladie.
M. le président.
La parole est à M. Michel Mercier, pour défendre l'amendement n° II-57.
M. Michel Mercier.
Bien entendu, je fais miens les arguments exposés par M. Chérioux.
Il s'agit simplement de parfaire le dispositif proposé par le Gouvernement cet
automne dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et dans
l'article 84 du projet de loi de finances pour 1999. On ne comprendrait pas que
cette disposition de la loi de 1975 ne soit pas parallèlement modifiée.
Je souhaite que le Gouvernement nous soutienne dans cette réparation.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Ces deux amendements sont justifiés dans leur
principe.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale vise à encadrer les
dépenses des établissements médico-sociaux financés par l'assurance maladie.
Quant au projet de loi de finances, il tend à encadrer les dépenses des
établissements sociaux et médico-sociaux financés par l'Etat.
Dès lors, il paraît logique d'encadrer également les dépenses des
établissements sociaux et médico-sociaux financés par les départements.
Toutefois, dans la mesure où ces amendements ne concernent pas le budget de
l'Etat, ils n'ont manifestement pas leur place dans un projet de loi de
finances.
J'invite donc leurs auteurs à les retirer pour les présenter ultérieurement
dans un cadre législatif plus adéquat, c'est-à-dire lors de l'examen du
prochain texte relatif aux collectivités territoriales.
M. le président.
Monsieur le rapporteur pour avis, monsieur Mercier, cédez-vous à l'invitation
de M. le rapporteur spécial ?
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Non, monsieur le président.
M. Michel Mercier.
Moi non plus, monsieur le président.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Je serais tentée de m'en remettre à la sagesse du
Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-44 et II-57.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole contre les amendements.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Bien entendu, ces amendements me paraissent inacceptables, et d'abord parce
que je mets en cause le principe même des enveloppes rigides prédéfinies,
destinées à réguler comptablement les dépenses du secteur médico-social,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Apologie de la dépense !
Mme Nicole Borvo.
... secteur où les acteurs et services concernés accueillent avec beaucoup
d'attention et de qualité les personnes handicapées, les personnes âgées, pour
lesquelles on manifeste ici toujours tant de compassion, qu'il me soit tout de
même permis de le rappeler.
Par ailleurs, je doute de l'opportunité d'un tel dispositif intervenant avant
même la réforme, déjà engagée, de la loi de 1975 et celle de la tarification
des structures en question.
Je l'ai dit en intervenant sur l'article 27 du projet de loi de finances et
lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale,
je suis totalement opposée à ce taux directeur, qui a été introduit par
l'Assemblée nationale sur l'initiative du Gouvernement.
Il nous a été proposé d'étendre ce dispositif aux établissements sociaux et
médico-sociaux financés par l'aide sociale obligatoire de l'Etat. Or, compte
tenu notamment du vieillissement de la population, les besoins en la matière
sont appelés à augmenter dans les années qui viennent. Dès lors, cette mesure
ne permettra pas de préserver l'équilibre entre les besoins des usagers, les
impératifs liés à l'activité des structures et les moyens financiers
disponibles.
Afin de boucler la boucle, M. Chérioux nous propose maintenant d'appliquer la
même mesure aux établissements financés par les départements.
Ainsi, l'ensemble du secteur médico-social, quelle que soit l'origine de son
financement, se verra opposer un taux directeur identique à celui qui est
applicable, notamment, au secteur hospitalier.
Ce n'est pas ainsi, j'en suis convaincue, que nous parviendrons à moderniser
le secteur médico-social. Il serait bien plus sage d'attendre la remise à plat
de la loi de 1975.
M. Michel Mercier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier.
Ces amendements présentent aussi, selon moi, une utilité évidente pour le
budget de l'Etat.
Certains prix de journée sont fixés de manière conjointe par le représentant
de l'Etat dans le département et par le président du conseil général. Il s'agit
notamment de tous les prix de journée relatifs aux établissements accueillant
des enfants, qui leur sont confiés par les services judiciaires ou par les
services de l'aide sociale à l'enfance.
Si des règles différentes s'appliquent à deux autorités qui doivent fixer le
même prix de journée, cela aura, directement ou indirectement, des
répercussions sur le budget de l'Etat.
Je pense donc qu'il ne s'agit absolument pas d'un cavalier budgétaire. Ces
amendements ont bien une incidence sur le niveau des dépenses de l'Etat.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Si on nous prend par les sentiments !
(Sourires.)
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
M. Mercier et M. Chérioux sont de fins stratèges ! Ils accompagnent par
anticipation des dispositions proposées par le Gouvernement, dispositions que
nous regrettons et que nous condamnons.
Je crois qu'il y a là une rupture avec la volonté réviser la loi de 1975 et
avec l'attente d'une réforme de la tarification pour les établissements
accueillant des personnes dépendantes.
Au passage, je tiens à dire que cette réforme est en cours d'élaboration
depuis si longtemps qu'on peut sérieusement se demander si elle aboutira un
jour. Mais, on peut tout de même espérer qu'elle interviendra dans les
prochains mois.
Avec cet amendement, c'est un mauvais coup qui est perpétré au détour de la
discussion budgétaire, vers vingt-trois heures trente.
M. Michel Mercier.
Vous avez voté le projet de loi de financement de la sécurité sociale !
M. Guy Fischer.
Le secteur concerné est tout de même très important : 22 000 associations, 800
000 personnes, 500 000 emplois à temps plein. Tout le monde est prêt à
négocier. Mais il faut que cela se fasse sur des bases claires.
M. Michel Mercier représente, ici, non seulement le département du Rhône, mais
aussi l'ensemble des conseils généraux...
M. Michel Mercier.
Et même tout le pays, comme vous !
M. Guy Fischer.
Mais vous êtes tout de même le président de la commission des affaires
sociales de l'assemblée des présidents de conseils généraux, mon cher collègue
!
Quoi qu'il en soit, ce soir, se prend une décision qui aura des conséquences
importantes sur la vie des établissements, c'est évident, mais aussi sur celle
des familles.
Nous ne disons pas qu'il ne faut rien faire, mais nous considérons qu'il est
inadmissible de procéder comme MM. Chérioux et Mercier nous le proposent :
alors qu'une réforme est annoncée et que certains y travaillent déjà, on veut
l'encadrer financièrement. Cela, nous ne pouvons l'accepter.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
M. Fischer me fait un grand honneur en me traitant
de fin stratège. En réalité, si cet amendement a été déposé par la commission
des affaires sociales, à ma demande, d'ailleurs, c'est parce que nous avons le
sens de l'intérêt de l'Etat, le sens de l'intérêt général et aussi le sens de
l'intérêt des collectivités publiques qui travaillent avec l'Etat. Nous avons
un souci de bonne gestion !
Vous invoquez, monsieur Fischer, le préjudice que subiraient les associations
et leur personnel. Je vous renvoie à mon rapport écrit et à l'exposé que j'ai
fait à la tribune : je vous ai indiqué qu'un tel taux directeur ne pouvait
s'appliquer qu'à la condition que soient revues les conditions dans lesquelles
travaillent actuellement les associations, de façon qu'elles ne subissent pas
indûment toutes les contraintes qu'elles connaissent, par exemple les normes
techniques, certaines mesures prévues par les conventions collectives, etc.
Par conséquent, que l'on ne me dise pas que, au travers de ce taux directeur,
nous voulons porter atteinte au milieu associatif, dont nous avons besoin et
que nous aiderons toujours.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Guy Fischer.
C'est une façon de remettre en cause toutes les conventions collectives !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-44 et II-57, repoussés par
la commission et pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la sagesse du
Sénat.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 83.
Article 84
M. le président.
« Art. 84. - I. - Il est inséré, dans la loi n° 75-535 du 30 juin 1975
relative aux institutions sociales et médico-sociales, un article 27-7 ainsi
rédigé :
«
Art. 27-7. -
Le montant total annuel des dépenses des établissements
et services visés aux 6° et 8° de l'article 3, imputables aux prestations
prises en charge par l'aide sociale de l'Etat et, corrélativement, le montant
total annuel des dépenses prises en compte pour le calcul des dotations
globales de fonctionnement de ces établissements ou services sont déterminés
par le montant limitatif inscrit à ce titre dans la loi de finances initiale de
l'exercice considéré.
« Ce montant total annuel est constitué en dotations régionales limitatives.
Le montant de ces dotations régionales est fixé par le ministre chargé de
l'action sociale, en fonction des priorités en matière de politique sociale,
compte tenu des besoins de la population, de l'activité et des coûts moyens des
établissements ou services et d'un objectif de réduction progressive des
inégalités dans l'allocation des ressources entre régions.
« Chaque dotation régionale est répartie par le préfet de région, en liaison
avec les préfets de département, en dotations départementales, dont le montant
tient compte des priorités locales, des orientations des schémas prévus à
l'article 2-2, de l'activité et des coûts moyens des établissements ou
services, et d'un objectif de réduction des inégalités d'allocation des
ressources entre départements et établissements ou services.
« Pour chaque établissement ou service, le préfet de département compétent
peut modifier le montant global des recettes et dépenses prévisionnelles visées
au 5° de l'article 26-1, imputables aux prestations prises en charge par l'aide
sociale de l'Etat, compte tenu du montant des dotations régionales ou
départementales définies ci-dessus ; la même procédure s'applique en cas de
révision, au titre du même exercice, des dotations régionales ou
départementales initiales.
« Le préfet de département peut également supprimer ou diminuer les prévisions
de dépenses qu'il estime injustifiées ou excessives compte tenu, d'une part,
des conditions de satisfaction des besoins de la population, telles qu'elles
résultent notamment des orientations des schémas prévus à l'article 2-2,
d'autre part, de l'évolution de l'activité et des coûts des établissements et
services appréciés par rapport au fonctionnement des autres équipements
comparables dans le département ou la région.
« Des conventions conclues entre le préfet de région, les préfets de
département, les gestionnaires d'établissement ou service et, le cas échéant,
les groupements constitués dans les conditions prévues à l'article 2 précisent,
dans une perspective pluriannuelle, les objectifs prévisionnels et les critères
d'évaluation de l'activité et des coûts des prestations imputables à l'aide
sociale de l'Etat dans les établissements et services concernés. »
II. - Avant le dernier alinéa de l'article 11-1 de la même loi, il est inséré
un alinéa ainsi rédigé :
« Il en est de même lorsqu'ils sont susceptibles d'entraîner pour le budget de
l'Etat des charges injustifiées ou excessives compte tenu des enveloppes de
crédits définies à l'article 27-7. » -
(Adopté.)
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de
loi de finances concernant la santé et la solidarité.
Je vous propose d'interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente, est reprise à vingt-trois
heures trente-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
Aménagement du territoire et environnement
II. - ENVIRONNEMENT
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'aménagement du territoire et l'environnement : II. - Environnement.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin,
en remplacement de M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le temps qui
m'est imparti ne me laissera pas le loisir d'analyser en détail les crédits de
ce projet de budget. Je me permets de vous renvoyer à l'excellent rapport écrit
de notre collègue Philippe Adnot.
Je souhaite consacrer ce propos à certains problèmes de fond que soulève,
notamment, la tentative de remise en cause par le Gouvernement de principes
essentiels qui régissent, depuis plus de trente ans, toutes les actions
publiques en faveur de l'environnement.
Le rapport de Philippe Adnot comporte des développements très pertinents sur
les dispositions de l'article 30 et notre rapporteur général, lors de la
discussion de la première partie de la loi de finances, a également expliqué
les raisons de notre opposition.
Trois faits caractérisent l'évolution initialement prévue de ce budget pour
1999 : en premier lieu, l'incorporation du produit des cinq taxes regroupées au
sein de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, qui étaient
auparavant affectées directement à l'Agence de l'environnent et de la maîtrise
de l'énergie, l'ADEME ; en deuxième lieu, la forte augmentation des
prélèvements en question ; en troisième lieu, la progression, de toute façon
très forte, des crédits hors TGAP.
Je citerai simplement quelques chiffres.
La TGAP comprise, le budget de l'environnement devrait plus que doubler,
passant de 1,9 milliard de francs à 3,9 milliards de francs.
Si les recettes des cinq taxes fusionnées étaient restées à leur niveau de
1998, le montant des crédits serait non pas de 3,9 milliards de francs, mais de
3,3 milliards de francs et le taux de progression s'élèverait à 73,7 % au lieu
de 107,8 %. Il y a longtemps qu'on n'avait pas connu un tel taux de
progression.
Enfin, hors TGAP - on sait que cette taxe a été supprimée par le Sénat -
l'augmentation du budget demeure très forte : elle avoisine 15 %, soit un
rythme sept fois plus rapide que celui de l'accroissement moyen des dépenses de
l'Etat. Faut-il s'en réjouir ? On pourrait être tenté de le faire.
Je vous rappelle, madame le ministre, que nous sommes tous, ici, très attachés
à la protection et à l'amélioration de l'environnement, mais nous sommes
également très soucieux de la rigueur budgétaire. En fait, ce qui est en cause
c'est, au-delà des mécanismes financiers, une certaine conception de la
politique de l'environnement et de sa mise en oeuvre.
La préservation ou la reconquête des espaces naturels et urbains est une
préoccupation nationale, certes, mais qui doit se traduire essentiellement par
des actions locales.
Les élus locaux que nous sommes, ici au Sénat, Grand conseil des communes de
France, sont donc autant, si ce n'est plus, concernés que les quelques
intégristes de l'environnement qui prétendent nous imposer leurs objectifs de
façon arbitraire, soit au niveau national, soit - mieux - en passant par
l'échelon européen.
Il n'y a pas de politique de l'environnement qui tienne sans adhésion des
collectivités territoriales et, bien entendu, du Parlement. Cette politique
doit demeurer décentralisée, contractuelle et partenariale et continuer à se
fonder sur le principe suivant : une pollution, une ressource, une affectation,
un organisme et, bien entendu, une politique ciblée et contrôlée.
Alors, pourquoi sommes-nous mécontents ?
Tout d'abord, mon collègue Philippe Adnot rappelle, dans son rapport écrit,
que le ministère de l'environnement ne saurait échapper à l'effort de maîtrise
des finances publiques qui s'impose à l'Etat. Il s'oppose, en particulier, aux
renforcements d'effectifs prévus, non pour nier les besoins en cause, mais
parce qu'il aurait voulu qu'il y soit pourvu par des transferts ou des
redéploiements, plutôt que par des créations nettes d'emploi. Il tient à ce que
le ministère de l'environnement demeure une administration de mission.
Il conteste également l'opportunité de la relance prévue des économies
d'énergie et des énergies renouvelables, qui constitue la mesure nouvelle la
plus importante de ce budget. Il en conteste non pas le principe, mais les
modalités et peut-être aussi la préparation.
Mais, ce qui est beaucoup plus grave, c'est la remise en cause de l'un des
principes fondateurs de la politique de l'environnement définie par le
législateur et appliquée depuis trente ans.
L'opposition de la commission des finances à la TGAP a été longuement
expliquée, me semble-t-il, dans la nuit du 25 novembre dernier : rupture du
lien voulu par le Parlement, au travers de nombreuses lois successives, entre
le pollueur et le payeur ; perte d'efficacité liée à la suppression de
l'affectation des recettes à des organismes et à des objectifs précis ; mise en
route d'une machine à taxer la TGAP ; enfin, menaces liées à l'intégration des
ressources de l'ADEME dans le budget de l'Etat.
Le principe de la TGAP était d'affecter quelques milliards de francs
supplémentaires au budget de l'Etat, dont nous connaissons le déficit : 236
milliards de francs. Nous sommes à peu près certains que les crédits qui seront
prélevés ne seront pas consacrés intégralement à l'environnement. Cela a été
l'un des motifs de l'opposition du Sénat à cette nouvelle mesure.
Ces ressources risquent, en effet, d'être détournées de leur objet, en dépit
des garanties que le Gouvernement nous présente : loi de programmation, compte
spécial du Trésor, contrat de plan. Nous avons déjà vécu des expériences
malheureuses et nous connaissons la fragilité des engagements de l'Etat : les
lois de programmation ne sont pas réalisées ; le compte spécial du Trésor
n'offre aucune garantie ; les contrats de plan sont retardés, voire non
respectés.
Il y a ensuite l'application du principe du deuxième dividende, que je
considère comme une curiosité intellectuelle - pour employer une expression
modérée - destinée à utiliser pour d'autres objectifs des ressources prélevées
pour des actions bien précises. Ces risques ne sont pas imaginaires.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Une taxe sur la taxe !
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Cette année, il était d'ores et déjà prévu qu'une
augmentation de la taxe sur les déchets ménagers finance la nouvelle politique
de l'énergie, qui devait comporter des mesures en faveur des ménages les plus
démunis. On voit qu'il y a là une certaine imprécision dans la démarche. La
majorité des taxes comprises dans la TGAP était, de surcroît, massivement
augmentée.
Enfin, par-delà la mise à mal du système de l'ADEME, c'était toute la
politique de l'eau qui était visée par les projets d'intégration, dans
l'assiette de la taxe des redevances des agences - il est vrai que c'était
tentant : 11 milliards de francs ! - en attendant d'autres prélèvements - taxe
sur les granulats, écotaxe, etc. - toute activité humaine étant, par nature,
polluante.
La TGAP constitue un gisement fiscal rêvé, un filon prometteur. Bien entendu,
nous ne pouvions qu'y être opposés.
La technique utilisée permet, enfin, de diminuer de façon importante le
contrôle du Parlement, car l'affectation du produit de la TGAP à l'ADEME serait
globale et la loi organique - vous le savez, madame le ministre - n'autorise ni
les députés ni les sénateurs à en préciser la répartition.
Pour en revenir aux agences de l'eau, je ne suis pas hostile, madame la
ministre, à ce que soient reconsidérés certaines de leurs modalités d'action ou
le calcul des redevances, à condition qu'elles soient maintenues dans leur rôle
et qu'elles puissent disposer des ressources nécessaires à la poursuite de
leurs actions.
Le 20 octobre dernier, une réunion importante a eu lieu au Sénat, où toute la
communauté nationale de l'eau était présente. Celle-ci s'est prononcée, à la
quasi-unanimité, en faveur des trois piliers du système actuel de la politique
de l'eau : la gestion par bassin, la concertation au niveau local et
l'autofinancement, c'est-à-dire l'affectation des ressources prélevées aux
actions qui sont directement liées à la politique de l'eau.
Dans un rapport du Commissariat général du Plan, il a été estimé que les
agences sont un lieu quasi idéal de concertation et qu'elles « ont fait la
preuve de leur capacité à associer les collectivités territoriales, les
industriels et peut-être bientôt le agriculteurs à la politique de l'eau ».
La concertation locale au sein des commissions locales de l'eau, associées à
l'élaboration et à la mise en oeuvre des schémas d'aménagement et de gestion
des eaux, les SAGE, est, notamment à cet égard, tout à fait exemplaire.
Or, ce partenariat, à nos yeux fondamental pour la politique de
l'environnement, me semble actuellement menacé dans d'autres domaines, en ce
qui concerne la parité au sein des commissions locales, entre les représentants
de l'Etat et ceux des collectivités territoriales.
J'en donnerai deux exemples récents.
Premier exemple : dans une réponse à un courrier que je vous avais adressé,
vous m'avez annoncé, madame la ministre, une réforme prochaine des conseils
départementaux de l'environnement que vous m'avez dit juger peu utiles. Or, ces
conseils présentent la particularité, qui, je l'espère, sera maintenue, de
pouvoir être présidés non seulement par les préfets, mais aussi par les
présidents de conseil général, lorsque le sujet de la délibération concerne une
compétence départementale. Cette innovation avait été voulue, à l'époque, par
le Parlement. Vous estimez que ce système n'est pas satisfaisant ; ce n'est pas
notre avis.
Le deuxième exemple, c'est le changement de la composition des commissions
départementales des sites, perspectives et paysages.
Récemment, le Conseil constitutionnel a estimé que la détermination de cette
composition relevait du domaine réglementaire. Cela a permis qu'un décret du 23
septembre 1998 vienne modifier l'article 22 de la loi Barnier du 8 janvier
1993, de sorte que la composition de ces commissions n'est plus paritaire.
Certes, le mot « paritaire » ne figurait pas dans l'article 22 de ladite loi,
mais la composition prévue par ce texte était paritaire et comprenait pour
moitié des représentants des collectivités territoriales et pour l'autre moitié
des représentants de l'administration, des associations ainsi que des personnes
qualifiées.
Actuellement, compte tenu de la nouvelle composition, six élus locaux se
retrouvent face à six représentants de l'Etat, à six personnes qualifiées
nommées par le préfet. Mais comme il existe quatre formations, au sein de
chacune d'elle, il y a cinq autres personnalités elle aussi désignées par le
préfet. En définitive, mes chers collègues, la composition de cette
composition, qui était paritaire aux termes du vote du Parlement, est désormais
la suivante : six élus face aux dix-sept personnes qualifiées ou représentants
de l'administration et des associations. Ce n'est plus la parité. C'est
peut-être tout de même un progrès car, alors que dans l'ancienne composition,
nous étions quatre élus face à dix-sept, nous sommes désormais six contre
dix-sept.
Cet abandon du principe de la parité, que l'on retrouve dans les commissions
locales de l'eau - loi de 1992 - et qui constituait une avancée considérable,
traduit une dérive qui me paraît dangereuse.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Je puis vous assurer que le Sénat sera vigilant à cet
égard, car la décentralisation de la politique de l'environnement est un point
essentiel et une bonne garantie de son efficacité.
J'en viens à des remarques plus ponctuelles, mais faites dans le même
esprit.
En ce qui concerne le réseau Natura 2000, prévu par la directive européenne «
Habitats », je m'étonne que l'on soit en train de procéder à la délimitation du
périmètre des sites et des zones concernés sans qu'aient été définies
préalablement les contraintes correspondantes et les possibilités de
développement économique autorisées. Tous les élus vous l'on dit, madame le
ministre, et leurs doléances sur ce point ont sans doute été très nombreuses à
remonter jusqu'à vous.
S'agissant du littoral, je déplore que le rapport annuel relatif à
l'application de la loi du 3 janvier 1986, prévu par son article 41, ne soit
pas encore publié, plus de douze ans après, en dépit des engagements pris par
le Gouvernement, et notamment par vous-même, madame le ministre, dans cette
enceinte, voilà quelques mois.
Enfin, il conviendrait, s'agissant toujours du littoral, d'éviter l'empilement
de règlements qui deviennent d'une étonnante complexité et constituent
finalement une entrave à l'application des lois relatives aux espaces protégés.
Les contentieux se multiplient à l'excès. Or, dans un Etat de droit, les textes
en vigueur se doivent d'être, autant que possible, clairs et compréhensibles
par tous.
La commission des finances n'est pas opposée à une fiscalité dite « écologique
» qui soit raisonnable, bien étudiée, ciblée et pertinente.
J'ai moi-même, voilà quelques jours, fait voter ici même un amendement sur la
première partie du projet de loi de finances et dont le coût est modeste. Il
s'agit d'inciter les propriétaires d'anciens marais salants à donner ces
derniers en location à de jeunes professionnels qui remettent en pratique la
culture du sel. La mesure proposée prévoit une exonération de la taxe foncière
sur les propriétés non bâties, de façon à restaurer ainsi l'écologie de ces
milieux humides fragiles. Je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez
défendre cette disposition, à laquelle votre collègue des finances était
totalement opposé.
En définitive, nous considérons que votre copie financière est globalement à
revoir. C'est pour cela que nous avons supprimé la TGAP, qui nous semblait
aller à l'encontre de l'efficacité de la politique de l'environnement, de la
conception que nous en avons et de la modération fiscale.
La progression des dépenses, hors TGAP, nous a paru également exagérée, dans
le contexte actuel, même si, nous le reconnaissons, il est nécessaire que la
politique de l'environnement aille de l'avant.
Mes chers collègues, nous vous proposons d'adopter le présent projet de budget
modifié par les amendements que nous vous soumettrons à la fin de ce débat.
Nous demandons à nouveau que la politique de l'environnement menée dans notre
pays soit débattue au Parlement et ne résulte pas uniquement de décrets,
qu'elle soit concertée, partenariale, et qu'elle puisse répondre aux exigences,
certes, de l'environnement, mais aussi des activités économiques qui doivent
être exercées dans un milieu protégé et dynamique.
(Applaudissements sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour 1999, le
budget de l'environnement s'élève à 3,95 milliards de francs, soit une
progression de 110 % par rapport à 1998. Cela résulte, à périmètre constant,
d'une augmentation de 15,6 % du budget de l'environnement et, surtout, de la
mise en place de la taxe générale sur les activités polluantes.
J'articulerai mon intervention, madame la ministre, autour de cinq
observations, à propos des choix budgétaires que vous avez faits.
Vous avez ainsi décidé un accroissement sensible des effectifs du ministère et
des établissements sous tutelle, ainsi qu'une forte augmentation des
subventions aux associations de défense de l'environnement.
Il s'agit, d'abord, de renforcer les moyens des directions régionales de
l'industrie, de la recherche et de l'environnement et des directions régionales
de l'environnement par la création de cent quarante emplois. C'était, sans
doute, une mesure nécessaire, notamment en ce qui concerne l'inspection des
installations classées, étant donné leur faiblesse ; par ces temps d'austérité
budgétaire, on aurait cependant pu espérer que ce renforcement de moyens se
fasse par redéploiement à partir des directions de l'agriculture, de
l'équipement et de l'industrie.
S'agissant des associations, ensuite, les crédits qui leur sont affectés
progressent encore fortement, pour atteindre 34 millions de francs.
A leur sujet, je voudrais, madame la ministre, attirer votre attention sur le
manque de transparence qui caractérise encore nombre d'associations de défense
de l'environnement, en ce qui concerne tant leur « raison sociale » que leurs
moyens de fonctionnement. Je voudrais aussi déplorer que l'on puisse, à
certains moments, avoir le sentiment d'une certaine confusion entre les
objectifs défendus par vos services et les objectifs de ces associations, alors
même que votre ministère doit, sauf à risquer de perdre en crédibilité,
défendre, en toute occasion, l'intérêt général.
Le lobbying associatif que vous financez et entretenez, sous couvert de faire
accomplir par des associations écologistes des actions d'intérêt général
relevant de la compétence de l'Etat, est de plus en plus mal ressenti par les
élus locaux,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Alain Vasselle.
C'est vrai ! Fâcheuse habitude !
M. Jean Bizet,
rapporteur pour avis.
... et ce, je me permets de vous le dire, madame la
ministre, quelle que soit la sensibilité même de ces élus. Loin de servir la
cause de l'environnement, il est perçu comme une entrave à tout développement
ou création de richesses locales.
Ma deuxième observation concerne la protection de la nature, dont les crédits
progressent de 19 % et qui bénéficie de la création du fonds de gestion des
milieux naturels pour permettre une meilleure lisibilité dans l'affectation des
crédits budgétaires. L'essentiel des mesures nouvelles de ce fonds, soit 66
millions de francs, sera affecté à la mise en oeuvre du réseau Natura 2000. On
peut toutefois regretter que rien ne soit encore formalisé s'agissant des
cahiers des charges qui s'imposeront dans les zones Natura 2000, de la
définition du principe de perturbation et des compensations qui seront définies
pour les propriétaires et gestionnaires concernés.
M. Alain Vasselle.
Eh oui !
M. Jean Bizet,
rapporteur pour avis.
Quelles sont vos intentions sur la transmission à
Bruxelles d'éventuelles nouvelles propositions de sites ? Où en est la
concertation sur votre avant-projet de loi visant à transposer en droit
français la directive Habitats naturels ? Il est bien regrettable que vous
n'ayez pas saisi, sur ce sujet, l'occasion qui s'est présentée en juin dernier,
lorsque le Sénat a adopté, sur le rapport de notre collègue M. Jean-François Le
Grand, la proposition de loi relative à la mise en oeuvre de Natura 2000. Vous
auriez gagné du temps en acceptant d'en discuter devant la représentation
nationale et en présentant vos propres propositions.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Alain Vasselle.
Il faut écouter le Sénat !
M. Jean Bizet,
rapporteur pour avis.
Troisièmement, dans votre projet de budget pour
1999, s'agissant du financement de la politique de l'eau, vous instaurez un
second fonds de concours à la charge des agences de l'eau, à hauteur de 140
millions de francs, pour contribuer notamment au financement de la police de
l'eau exercée par l'Etat et au renforcement des moyens des gardes-pêche du
Conseil supérieur de la pêche.
A l'évidence, l'instauration de ce fonds de concours constitue une atteinte au
principe d'autonomie de gestion des organismes de bassin pour financer une
compétence régalienne de l'Etat. En 1996, lors de l'instauration d'un premier
fonds de concours pour financer des missions communes aux agences, la
commission des affaires économiques s'était également déclarée très hostile au
procédé.
Enfin, ma dernière observation concerne la mise en place de la TGAP et votre
projet d'y inclure à terme tout ou partie des redevances des agences de
bassin.
De manière générale, je pense que la TGAP constitue un formidable outil pour
faire rentrer la manne fiscale « soi-disant » de façon indolore et que la
protection de l'environnement a tout à perdre s'agissant de la dilution de ses
ressources dans l'immensité du budget de l'Etat.
Chacun d'entre nous, madame la ministre, est particulièrement conscient que la
TGAP évoluera à très court terme vers un concept précis, à savoir constituer
une variable d'ajustement idéale pour corriger la dérive financière de
l'Etat.
M. Alain Vasselle.
C'est vrai !
M. Jean Bizet,
rapporteur pour avis.
En ce qui concerne les agences de bassin, aux
termes de vos dernières propositions, vous envisagez de prélever une partie
seulement des redevances existantes pour les intégrer dans la TGAP, mais
également d'en créer de nouvelles. En définitive, il en résultera un
alourdissement de la fiscalité pesant sur les acteurs économiques et les
consommateurs ; pour les agences de bassin, cela se traduira par des
négociations ardues - peut-être à recommencer chaque année - pour définir la
part des redevances qui leur reviendra. Le risque est grand de voir
progressivement diminuer les ressources des agences, alors même que leurs
raisons d'intervenir sont encore très importantes, ne serait-ce que dans le
seul domaine de l'assainissement. Comment feront les petites communes, en zone
rurale, pour boucler le financement de leur système d'assainissement si le
montant des subventions versées par les agences doit être revu à la baisse ?
M. Alain Vasselle.
C'est l'évidence !
M. Jean Bizet,
rapporteur pour avis.
Par ailleurs, votre référence à la théorie du
double dividende pour justifier le financement de politiques générales relevant
du ministère de l'environnement par un prélèvement sur les redevances des
agences laisse supposer que, à terme, pour être efficace, ce prélèvement
augmentera de façon substantielle, générant un alourdissement de la
fiscalité.
Vous voulez également dissuader certains comportements polluants en créant de
nouvelles taxes, notamment sur l'utilisation des engrais et des pesticides,
intégrées dans la TGAP, et non gérées par les agences. Avez-vous, madame la
ministre, réellement pris la mesure de l'impact économique de ce nouvel impôt
sur l'activité agricole ? Puisque cette taxe sera déconnectée du coût des
travaux de dépollution, comment seront calculées les aides dont pourront
bénéficier les agriculteurs pour polluer moins ? Qui financera ces travaux si
les agences voient progressivement leurs ressources diminuer ? Je doute en fait
que l'Etat puisse assumer seul, et sur le long terme, cette fonction.
Ces nouvelles propositions, vous le voyez, ne me rassurent pas et elles sont
beaucoup trop complexes pour ne pas nuire à l'efficacité d'un système de
gestion de l'eau auquel les collectivités locales, les entreprises et les
ménages sont particulièrement attachés.
Pourquoi ne pas reprendre, dans un vrai climat de concertation, les
propositions qui avaient fait l'objet de votre communication en conseil des
ministres le 20 mai dernier et à partir desquelles ce système de gestion
décentralisé et autonome pourrait être très valablement amélioré ?
En conséquence, et malgré certaines orientations positives relevées dans votre
projet de budget, madame la ministre, la commission des affaires économiques a
émis un avis négatif en ce qui concerne l'adoption des crédits de
l'environnement proposés pour 1999.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur
l'analyse détaillée des crédits du ministère de l'environnement à laquelle ont
excellemment procédé MM. Jacques Oudin et Jean Bizet, au nom des commissions
des finances et des affaires économiques.
Je me limiterai à un commentaire sur l'évolution générale des crédits du
ministère de l'environnement, avant de présenter les réflexions que m'inspire
la politique de protection de la nature telle qu'elle se traduit dans le projet
de loi de finances.
Tout d'abord, je tiens à approuver le rejet de l'article 30 du projet de loi
de finances instaurant la taxe générale sur les activités polluantes. La mise
en place d'une « fiscalité écologique », dont l'inspiration et les contours
demeuraient imprécis et dont les inconvénients potentiels soulevaient de graves
interrogations, me semblait devoir faire l'objet d'un débat plus approfondi,
permettant l'expression de la représentation nationale.
Hors subventions destinées à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie, le budget de l'environnement progressera, en 1999, de 14,8 % pour
atteindre 2 180 millions de francs en dépenses ordinaires et en crédits de
paiement. Il s'agit là d'une progression substantielle, puisqu'elle est plus de
sept fois supérieure à celle du budget global de l'Etat.
Mon objectif n'est pas, bien évidemment, de critiquer l'augmentation en tant
que telle des crédits de l'environnement ; mais les orientations budgétaires
que vous avez définies, madame la ministre, soulèvent de nombreuses
questions.
Je m'interroge en premier lieu sur la transformation annoncée du ministère de
l'environnement en « ministère de plein exercice », voire en « ministère
régalien », pour reprendre vos propres termes.
Cette évolution est-elle souhaitable ?
J'observe à cet égard que le développement rapide des moyens propres du
ministère n'apparaît guère opportun, à un moment où l'on doit s'efforcer de
limiter la croissance des dépenses publiques. Ne risque-t-il pas, en outre, de
dissuader les autres ministères de progresser dans la prise en compte des
préoccupations en matière d'environnement et de développement durable, ces
ministères se déchargeant de leurs responsabilités en la matière grâce à un «
ministère de l'environnement qui deviendrait leur alibi » ?
J'en arrive aux crédits consacrés à la protection de la nature.
L'augmentation des dépenses de fonctionnement est particulièrement importante
: elles s'élèveront à 341,5 millions de francs, ce qui représente une
progression de 42 % par rapport à 1998. L'augmentation de 2,6 % des crédits de
paiement est plus modérée ; les autorisations de programme atteignent cependant
364,5 millions de francs, soit une hausse substantielle de 11 %.
Je salue cette forte augmentation des moyens destinés à la protection de la
nature qui rétablit une certaine cohérence entre la progression des espaces
protégés et celle des ressources correspondantes. Cette cohérence constitue un
progrès par rapport à 1998, année au cours de laquelle l'évolution des moyens
était manifestement insuffisante pour faire face à celle des besoins.
En 1999, le nombre d'espaces protégés s'accroîtra de manière notable. Les
parcs marins de Corse et de la mer d'Iroise ainsi que le parc de la forêt
guyanaise s'ajouteront aux sept parcs nationaux existants. La politique des
réserves naturelles sera poursuivie à un rythme accéléré : l'instruction de
projets concernant la création de trente-trois nouvelles réserves est en
cours.
Enfin, la mise en oeuvre du Fonds de gestion des milieux naturels permettra de
renforcer la politique de préservation des milieux gérés de façon
contractuelle. Outre le financement des parcs naturels régionaux, des
conservatoires régionaux d'espaces naturels et des mesures de protection de la
faune et de la flore, ce fonds assurera la mise en oeuvre du réseau Natura
2000.
Si l'on prend en compte les 151 nouvelles propositions de sites transmises par
MM. les préfets en juin dernier, le réseau Natura 2000 devrait regrouper 1,6
million d'hectares, ce qui représente 2,8 % du territoire national.
Il me semblerait plus opportun à ce titre que l'approfondissement des
réalisations dans les espaces protégés soit préféré à une extension de leur
nombre, mal maîtrisée en termes budgétaires. Vous avez déclaré, madame la
ministre, que les crédits destinés à la mise en oeuvre du réseau Natura 2000
devraient augmenter dans les années à venir, sans nous préciser d'ailleurs
l'ampleur de cette montée en charge. Quelles seront les incidences budgétaires
réelles du réseau Natura 2000 ? Répondront-elles à l'attente de ceux qui les
subiront ?
La mesure nouvelle de 66 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits
de paiement prévue par le projet de loi de finances pour 1999 apparaît très
insuffisante au regard du nombre d'hectares déjà éligibles au réseau Natura
2000 : elle représente 73 francs par hectare.
De manière plus générale, je me demande parfois si la multiplication des zones
protégées et la juxtaposition de régimes de protection spécifiques ne doivent
pas faire l'objet d'une réflexion approfondie.
A trop vouloir attacher d'importance aux espaces protégés, n'y-a-t-il pas un
risque de négliger les portions du territoire ne faisant l'objet d'aucune
protection ? Pour prévenir ce risque, il est essentiel de chercher à convaincre
tous les agents économiques de la nécessité de prendre en compte, sur
l'ensemble du territoire, les exigences de protection de la nature. Votre
action doit également y contribuer.
Dans cette perspective, j'attire votre attention, madame la ministre, sur le
bilan des actions menées en matière d'enfouissement des réseaux électrique et
téléphonique, bilan auquel, cette année, j'ai consacré mon rapport écrit.
La mise en souterrain des lignes nouvelles est encadrée par des obligations
légales ou conventionnelles adaptées.
Cependant, nous avons pu remarquer que l'effacement des réseaux existants se
heurte à de nombreux obstacles. Il semble aujourd'hui difficile d'accélérer la
mise en oeuvre d'une politique globale d'enfouissement car la marge de
manoeuvre financière tant des opérateurs, soumis à une concurrence accrue du
fait de la dérégulation, que des collectivités locales n'est pas à la hauteur
des coûts considérables des travaux d'effacement.
Par ailleurs, la multiplication des pylônes nécessaires aux réseaux de
téléphonie mobile a un impact majeur sur les paysages alors que les
prescriptions environnementales, prévues par la loi du 26 juillet 1996, de
réglementation des télécommunications ne s'imposeront pas avant dix ou quinze
ans aux opérateurs. Il sera alors sans doute trop tard pour empêcher la
prolifération d'antennes de téléphonie mobile et l'implantation désordonnée de
ces dernières.
J'aimerais savoir, madame la ministre, si vous comptez mettre en oeuvre des
instruments nouveaux dans ces domaines, afin de soutenir l'action des
collectivités territoriales, par exemple, ou de pallier l'inadaptation du cadre
législatif s'imposant aux opérateurs de téléphonie mobile.
Il me semble, et ce sera ma conclusion, que le développement des mesures
préservant les espaces naturels et les sites remarquables ne doit pas être mené
en oubliant la protection des paysages de droit commun qui constituent
l'essentiel de notre cadre de vie.
Compte tenu des interrogations que soulèvent pour l'avenir le projet de budget
du ministère de l'environnement, la commission des affaires culturelles a
décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat en ce qui concerne l'adoption ou
le rejet des crédits de l'environnement pour 1999.
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 36 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 16 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 12 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les
interventions des différents rapporteurs sur ce projet de budget ont été tout à
fait pertinentes, et je n'y reviendrai pas, sauf peut-être s'agissant de la
TGAP.
En ce qui me concerne, je voudrais appeler votre attention sur quatre points,
madame le ministre : le traitement des ordures ménagères, l'eau et
l'assainissement, les marnières et les carrières, et enfin la chasse. Si ces
thèmes peuvent vous paraître un peu marginaux au regard du budget de votre
ministère, ils constituent cependant des sujets récurrents qui préoccupent
l'ensemble des élus locaux et la population française.
Le premier point que j'aborderai concerne les ordures ménagères. Je vous ferai
à cet égard un compliment, madame le ministre, à propos de la circulaire que
vous avez prise dans le courant de cette année et qui avait pour objet de faire
valoir qu'il était préférable de trier les déchets plutôt que de se lancer dans
le « tout-incinération ». Voilà au moins un point positif de votre action
gouvernementale !
Il est vrai que, quels que soient les gouvernements qui se sont succédé, nous
avions tous, ici, dénoncé la loi de 1992, qui tendait à préconiser le «
tout-incinération », dont l'application se traduisait ou se serait traduite par
des coûts extrêmement importants pour l'ensemble des usagers, puisque les
chiffres qui nous avaient été communiqués démontraient que le coût serait sans
doute d'environ 500 francs par habitant et par an. Pour une famille de cinq ou
six enfants, cela aurait représenté une somme très largement supérieure au
montant de la taxe d'habitation !
Mais, madame le ministre, vous avez décidé, par voie de circulaire, d'orienter
vers le tri l'action en matière de traitement des déchets. Nous nous en
félicitons, et je me réjouis également que l'action conjuguée du Gouvernement
et de l'Association des maires de France ait amené Eco-emballage à revoir son
barème à la hausse pour la troisième fois consécutive.
Voilà une décision positive que le Sénat avait appelée de ses voeux à
plusieurs reprises, par la voix d'orateurs de sensibilités politiques diverses,
et qui va permettre - je l'espère tout au moins - de parvenir à un coût du tri
se rapprochant de zéro.
Il fallait donner un caractère incitatif à cette action afin de mobiliser nos
concitoyens, dans un esprit de civisme, à mieux trier leurs déchets ménagers
pour que le solde des déchets relevant du centre d'enfouissement technique ou
de l'incinération soit réduit au strict minimum.
Reste, madame le ministre, un problème majeur dans nos départements, en tout
cas dans le département de l'Oise, qui se trouve aujourd'hui dans une situation
quasi inextricable.
Il est bien évident qu'il s'écoulera deux, trois ou quatre ans avant la
construction d'une usine d'incinération. En effet, un investissement de 400
millions de francs à 500 millions de francs ne se fait pas en deux jours ni
même en deux années !
Or, les préfets ayant cloisonné les différents départements à cet égard, les
déchets ne peuvent être transportés d'un département à l'autre. Il s'ensuit
actuellement, compte tenu de la rareté des centres d'enfouissement technique,
une situation de quasi-monopole des entreprises assurant le traitement des
déchets, et donc une dérive des prix pratiqués au niveau du traitement.
Ainsi, la partie ouest du département de l'Oise, dans laquelle j'anime un
syndicat mixte, n'a plus sur son territoire, aujourd'hui, qu'un seul centre
d'enfouissement technique. Or, le projet d'incinération, s'il devait être
réalisé, ne pourrait voir le jour avant trois ou quatre ans. Arrivant en fin de
contrat, nous allons donc subir une hausse inévitable des coûts qui dépendra
uniquement du comportement de cette entreprise, alors même que le schéma
départemental n'a pas prévu la possibilité de créer de nouveaux sites.
Il est donc urgent, madame le ministre, que des instructions soient données
aux différents préfets de manière que les conditions de la concurrence soient
rétablies en matière de centres d'enfouissement technique.
Le deuxième point sur lequel je souhaite attirer votre attention concerne
l'article 21 du projet de loi de finances, qui tend à ramener le taux de TVA à
5,5 % pour les emballages.
Je m'en félicite, tout en regrettant que les papiers journaux et les
magazines, qui ne sont bien évidemment pas des emballages, ne puissent
bénéficier du taux de TVA réduit à 5,5 % et continuent à supporter le taux de
20,6 %.
Actuellement, une distinction est faite par les collectivités locales assurant
le tri des déchets ménagers entre les corps creux et les corps plats, ces
derniers comprenant à la fois les magazines, les journaux et les emballages en
carton.
Compte tenu du fait que les papiers et journaux représentent 25 % du tonnage
des déchets triés et permettent une valorisation économique des déchets
extrêmement importante qui contribue à l'équilibre du budget de la collecte et
du traitement des déchets ménagers, les collectivités vont donc devoir demander
à nos concitoyens d'opérer un tri supplémentaire, ce qui engendrera un
accroissement de charge dans la mesure où il faudra prévoir un conteneur de
plus. Il aurait donc été heureux, madame le ministre, que la bonne disposition
que vous avez prise pour les emballages, à savoir la fixation du taux de la TVA
à 5,5 %, s'applique également aux papiers journaux et aux magazines, bien sûr,
mais encore aux journaux gratuits et aux prospectus de toutes sortes des
grandes surfaces ou d'un certain nombre d'entreprises commerciales, qui
envahissent nos boîtes aux lettres avant de souiller notre sol.
La progression de la taxe ADEME va encore alourdir le coût du service, qui est
déjà beaucoup trop important. A cet égard, pouvez-vous nous dire - j'ai posé la
même question à d'autres ministres avant vous - quelles dispositions
financières le Gouvernement est prêt à mettre en oeuvre pour aider les
collectivités à financer les grosses infrastructures de traitement des déchets,
notamment les usines d'incinération ?
En effet, augmenter la taxe ADEME, c'est bien, mais encore faudrait-il que
cette taxe permette d'alléger d'autant le coût des investissements supportés
par les collectivités en matière de traitement des déchets. Or, on sait que les
concours de l'ADEME restent très limités au regard de l'importance de ces
investissements.
J'avais demandé, il y a quelque temps, que les collectivités puissent
bénéficier de prêts à long terme sur trente ou quarante ans. En effet, la
Caisse des dépôts et le Crédit local de France nous font des offres
relativement limitées et à des taux encore élevés au regard des taux pratiqués
sur le marché aujourd'hui. Quelles sont vos intentions et celles de M. le
ministre des finances sur ce point, madame la ministre ?
S'agissant de l'eau et de l'assainissement, je rejoins les observations faites
par ceux qui se sont succédé à cette tribune, notamment par les rapporteurs,
concernant la TGAP. La préoccupation majeure des élus est de voir que cette
taxe va venir alimenter le budget de l'Etat sans qu'ils aient la moindre
assurance d'un retour pour soutenir les actions qu'ils mènent afin de limiter
les actions polluantes. Qu'en sera-t-il, notamment, au regard de
l'assainissement, et plus particulièrement en faveur des communes rurales,
comme l'a demandé à juste raison M. Bizet ?
Aujourd'hui, la situation est telle qu'une commune rurale qui veut se lancer
dans l'assainissement collectif, voire individuel, doit fixer le prix du mètre
cube d'eau entre 30 francs et 40 francs. C'est totalement dissuasif. A ce prix,
la capacité contributive des ménages risque d'être atteinte ; les ménages ne
pourront plus payer ; les taux d'impayés seront relativement importants,
d'autant qu'au prix de l'eau s'ajoutent celui des ordures ménagères mais
également le poids des impôts locaux, qui ne cessent, malheureusement,
d'augmenter compte tenu des charges qui incombent aux collectivités locales.
Quels concours pouvez-vous assurer aux collectivités, sur les recettes de la
TGAP, pour continuer à mener une politique dynamique, et notamment aux communes
rurales pour financer des réseaux qui coûtent extrêmement cher ?
Car c'est bien là un autre problème auquel sont confrontées nos collectivités
que celui du nécessaire renforcement des réseaux d'eau dans les années à venir
! Les réseaux d'eau datent, pour la plupart, des années trente ou quarante, et
nombre de communes rurales sont, de ce fait, confrontées au problème de la
sécurité incendie. Certes, cette question n'est pas directement de votre
ressort, madame le ministre, mais il est bien évident que, pour que les
communes rurales puissent continuer à connaître un développement de leur
urbanisation, elles doivent assurer leur sécurité incendie. Aujourd'hui, elles
ne peuvent pas répondre aux normes que leur imposent les services
départementaux.
Autre sujet : êtes-vous disposée à faire une différence de traitement entre
les marnières, à vocation purement agricole, et les carrières, qui ont une
vocation uniquement industrielle ?
Ma dernière question portera sur la chasse. Le Conseil d'Etat a annulé, le 3
juillet dernier, le décret du 6 novembre 1995 définissant le statut des gardes,
ce qui a entraîné la suppression de la base juridique régissant les relations
entre les fédérations et l'Office national de la chasse.
Vous préparez un nouveau décret qui semble faire l'impasse sur l'affectation
et le financement des gardes et les relations fédérations-ONC.
Vous avez créé un groupe de travail ; l'Union des fédérations a formulé des
propositions. Entendez-vous y donner une suite favorable ?
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, du fait de la
brièveté du temps imparti à notre groupe pour examiner les crédits de
l'environnement, j'aborderai les aspects de ce budget que je juge essentiels et
ceux auxquels je suis plus particulièrement sensible.
Les modifications introduites par la majorité sénatoriale en première partie
de la loi de finances ont quelque peu modifié la structure du projet de budget
qui nous est soumis.
Avec une progression de 15 % de ses crédits, madame la ministre, avant les
amendements de notre Haute Assemblée, le projet de budget de votre ministère
connaissait une progression que nous réclamions de longue date.
Cette augmentation des crédits de 270 millions s'accompagne de la création de
la taxe générale sur les activités polluantes, et grandes sont les craintes à
l'égard de cette taxe.
En effet, cette taxe unique, collectée par le ministère de l'économie et des
finances, ne constitue-t-elle pas, à terme, un risque pour les crédits et les
actions de l'ADEME, voire pour les agences de bassin dans le secteur de l'eau
?
En Bretagne, pour citer une région que je connais bien, la dépollution des
cours d'eau, le désenvasement des plans d'eau, les politiques d'aménagement des
fonds de vallées lancées par les collectivités locales, bref, le préventif et
le curatif vont exiger des sommes colossales qui nécessiteront bien sûr
l'intervention de l'Agence de bassin Bretagne-Loire.
Au regard des liens évidents entre agriculture et mesures environnementales,
n'est-il pas nécessaire de coordonner davantage vos actions et celle du
ministère de l'agriculture ? Il me semble urgent, à ce propos, de porter haut
et fort les propositions suivantes.
Premièrement, la promotion d'une autre politique agricole et l'encouragement
de pratiques agricoles comme celle du Centre d'études pour un développement
agricole plus autonome, le CEDAPA, en Côtes-d'Armor, qui prouvent chaque jour
qu'il est possible de produire mieux en polluant beaucoup moins, en travaillant
moins et en dégageant des bénéfices comparables à ceux des exploitations de
type productiviste.
Deuxièmement, la mise en oeuvre raisonnée de la circulaire Voynet - Le
Pensec.
Troisièmement, l'encouragement à une politique offensive et cohérente en
matière de reconquête de la qualité des eaux.
A l'examen de ce projet de budget, nous notons positivement la croissance du
nombre des emplois environnementaux.
La multiplication des textes relatifs à l'environnement, ces dernières années,
et le manque de personnel privaient jusqu'alors les dispositions législatives
d'une réelle application. Cet effort devra se poursuivre dans le futur.
La nécessité de faire face, aujourd'hui, et davantage encore demain, aux
enjeux environnementaux - qualité de l'air, qualité de l'eau, bruit, travail
sur le milieu urbain, transports, préservation des milieux, etc. - appellera, à
n'en pas douter, d'autres sources de financement que la stricte reconduction du
principe pollueur-payeur ou que le recours, au-delà du possible, aux
financements des collectivités territoriales.
Avec 0,30 % du budget civil de l'Etat - nous étions à 0,14 % l'an passé - nous
sommes bien en deçà de ce que notre pays devrait consacrer aux dépenses
environnementales. A ce titre, madame la ministre, les chiffres que vous avez
cités à l'Assemblée nationale concernant la part du budget de l'environnement
chez certains de nos partenaires européens sont éloquents, et nous souhaitons
que votre opinâtreté vienne en renfort d'un rééquilibrage plus grand encore.
D'ores et déjà, il est de grands axes de la politique environnementale pour
lesquels nous formons quelques propositions.
Nous sommes attachés de longue date à la renationalisation du secteur de l'eau
et nous pensons que la création d'une agence nationale de l'eau, qui aurait à
charge, en concertation avec les agences de bassin, la gestion et la
préservation de cette ressource, est nécessaire.
La gestion des déchets, qui pèse de manière accrue sur les charges des
collectivités locales, appelle, elle aussi, des solutions adaptées, d'autant
que l'augmentation de la taxe sur les déchets inquiète nombre d'élus locaux et
que la fermeture des décharges à l'horizon 2002 soulève de multiples
difficultés dans sa mise en oeuvre.
Il convient de réduire la part toujours trop grande des emballages dans les
déchets. A cet effet, l'élargissement de l'assiette de la taxe sur le stockage
des déchets aux emballages surdimensionnés et polluants pourrait permettre une
réduction de ces derniers.
On associe souvent environnement et ruralité, environnement et nature, etc. Or
le développement de notre territoire au cours de ce siècle s'est opéré
essentiellement en milieu urbain. C'est vrai non seulement pour notre pays mais
aussi à l'échelle mondiale.
C'est pourquoi nous pensons qu'une attention particulière doit être portée au
milieu urbain.
De plus, l'émergence de besoins nouveaux en matière environnementale et
écologique ne puise-t-elle pas sa source dans les contraintes du milieu urbain
?
Nous pensons qu'il se dégage là des possibilités d'actions transversales en
concours avec la politique de la ville et que votre ministère pourrait y
prendre une place importante, madame la ministre.
Notre démarche pour le projet de budget de votre ministère est à l'inverse de
la démarche de la majorité de notre Haute Assemblée, qui ne raisonne qu'en
termes comptables - en réduisant de plus de 178 millions de francs ce budget,
au lieu de s'atteler aux besoins de nos compatriotes - et en termes de déficit
publics pour subventionner la guerre économique menée contre l'emploi et le
progrès.
Il s'agit là d'une visée à très court terme assez peu conforme aux besoins
exprimés par nos concitoyens en matière d'environnement, de cadre de vie, de
nuisances.
Notre conception de l'environnement s'oppose également à une approche qui
consisterait, sous prétexte de préservation, en une sanctuarisation des sites
jugés dignes de protection.
A ce propos, il m'apparaît urgent de définir clairement les notions de «
perturbation » et de « détérioration » dans les zones Natura 2000, notions qui
empoisonnent les bonnes relations souhaitables entre les acteurs de la ruralité
et l'Etat.
Madame la ministre, les mesures financières d'accompagnement prévues dans ces
zones seront-elles cumulables avec les aides du CTE ?
Enfin, je m'autorise à vous demander ce qu'a entrepris le Gouvernement eu
égard aux menaces d'amendes de la Cour de justice des Communautés européennes,
à la suite de l'adoption de la loi du 3 juillet 1998 relative aux dates
d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs. Qui
servirait et qui desservirait une telle condamnation ? Je vous laisse le soin
de répondre, madame la ministre.
Notre démarche environnementale doit avoir à coeur, selon nous, de concilier
préservation et développement humain.
C'est en ce sens qu'il s'agit d'une démarche globale et nécessairement
transversale, qui appelle un formidable renforcement des moyens financiers.
Dans ce cadre, les amputations opérées sur le budget de l'environnement ne
nous permettront pas d'adopter le budget tel qu'amendé.
(Applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la politique
environnementale a besoin de temps et de moyens ; elle nécessite une action
volontaire et durable. La protection et la valorisation de l'environnement
demeurent ainsi un vaste et perpétuel chantier.
Le Gouvernement a clairement indiqué, au travers de ce projet de loi de
financer pour 1999, sa volonté de lui donner une nouvelle importance, qu'il
s'agisse des moyens budgétaires et humains proposés, des innovations fiscales à
engager et des orientations nouvelles et interventions programmées.
Le contraste est saisissant avec les années précédentes, où les gouvernements
n'ont pas toujours tenu leurs promesses et où il nous est arrivé d'avoir de
fortes baisses sur certains chapitres budgétaires.
Aussi, madame le ministre, votre effort devra obligatoirement s'inscrire dans
la durée pour être efficace, tant les besoins pour lutter contre les pollutions
sont importants, tant les réparations des dégâts causés à l'environnement
restent considérables.
Ce projet de budget de l'environnement pour 1999, en hausse significative,
témoigne de la nécessité de considérer l'environnement comme l'une des
préoccupations majeures de notre société. Il illustre la volonté clairement
affichée de la majorité plurielle de réaffirmer une grande ambition politique
et ouvre des perspectives nouvelles, notamment par la mise en place d'une
fiscalité écologique.
Ce budget pose des bases techniques et financières en faveur d'un
développement durable, car il faut bien comprendre que l'environnement se
traduit par une demande sociale forte, croissante et légitime. Les attentes
sont nombreuses, multiples. Nos concitoyens réclament aujourd'hui un droit
légitime à bénéficier pour eux et les générations futures d'un environnement de
qualité, protégé, accessible, source à la fois de richesse et d'épanouissement
individuel.
Les préoccupations croissantes de nos administrés en matière de pollution de
l'air, de l'eau, de consommation abusive d'énergies non renouvelables,
d'atteintes irresponsables aux ressources naturelles, au paysage, nécessitent
de la part des pouvoirs publics une prise en compte rapide et énergique de ces
problèmes. La mise en oeuvre de mesures de protection et la diminution
drastique des nuisances et des risques s'avèrent plus que jamais urgentes.
L'actualité, à travers des événements divers - feux de forêts, innondations,
érosion des sols, pollution accidentelle - nous le rappelle en permanence.
Dans le même temps, nous devons évoluer vers une réconciliation entre
l'économie et l'environnement. Il faut écarter toute vision duale aujourd'hui
dépassée. OEuvrer pour l'aménagement du territoire, c'est faire coïncider
dynamisme économique et respect des ressources d'un territoire dans l'intérêt
des gens qui y vivent.
L'environnement est désormais un facteur essentiel de développement, un atout
majeur recherché par les investisseurs, une richesse valorisante et valorisable
pour un territoire. Je peux en témoigner en tant que président d'un parc
naturel régional dans le département du Nord.
Votre grande ambition politique en matière d''environnement se traduit par un
accroissement très sensible des interventions budgétaires et par des
orientations nouvelles en matière fiscale.
Sur le plan budgétaire, les crédits font un véritable bond en avant,
traduisant un effort sans précédent : on passe ainsi de 0,14 % du budget civil
de l'Etat à 0,30 %, soit une progression de 14,8 % si l'on retire la TGAP. Les
crédits atteindront près de 4 milliards de francs en 1999. C'est un effort
significatif, et tout cela dans un contexte général de maîtrise globale des
dépenses publiques. Cette progression est sept fois supérieure à la progression
moyenne des dépenses de l'Etat.
Sur le plan fiscal, la principale mesure qui est proposée est la création, à
l'article 50, de la TGAP. C'est une innovation majeure qui dessine les prémices
d'une fiscalité écologique dans la perspective d'une future écotaxe
européenne.
C'est d'abord un changement de philosophie et la mise en application véritable
du principe pollueur-payeur et non plus de celui du droit à polluer qui a
prévalu jusqu'à présent.
Nombre de nos collègues de droite ont dénoncé les conséquences possibles de
cette taxe unique, notamment dans le dispositif actuel des agences de l'eau.
Membre d'un comité de bassin et du conseil d'administration de l'agence de
l'eau Artois-Picardie, je considère qu'il est nécessaire de maintenir une
gestion décentralisée des crédits de l'eau dans un souci d'efficacité et de
proximité.
La centralisation de la collecte des taxes et redevances induites par la TGAP
et l'affectation des ressources collectées au budget de l'Etat appellent
craintes et inquiétudes de la part des élus et des représentants des comités de
bassin. Nous attendons de votre part, madame la ministre, des assurances très
fortes et précises sur ce point.
Il n'en reste pas moins qu'il me paraît excessivement important que,
dorénavant, le Parlement soit étroitement associé à la définition de la
politique nationale de l'eau, à la fois pour assurer la transparence totale de
l'utilisation des redevances et pour faire valider les programmes
pluriannuels.
Cette taxe doit offrir au ministère la possiblité d'être budgétairement
responsable des politiques qu'il entend conduire ; mais il faudra veiller à ce
que l'argent de l'environnement aille réellement à l'environnement.
D'autres mesures fiscales sont proposées qui me paraissent justifiées, en
particulier celle qui conduit progressivement à la réduction de l'écart de
taxation entre le super sans plomb et le gazole et celle de la baisse du taux
de TVA à 5,5 % pour les opérations de collecte, de tri sélectif et de
traitement des ordures ménagères. Cette mesure est très attendue par les
collectivités locales et territoriales qui se sont engagées dans des programmes
d'équipement importants et coûteux.
Sur le plan des orientations et des interventions, on constate très
heureusement une augmentation substantielle des moyens en personnel. En 1999,
les DIREN bénéficieront de 89 postes supplémentaires ; au total, ce sont 140
postes qui seront créés. Cette proposition est tout à fait judicieuse et répond
pleinement à l'attente des élus locaux qui s'investissent dans les mesures
environnementales : parcs, Natura 2000, contrats de rivière ou autres.
Pour appliquer ces politiques, il faut des agents qualifiés qui nous aident
sur le terrain ; mais il faudra répartir ces effectifs de manière correcte
entre les régions qui en ont besoin.
En ce qui concerne la prévention des pollutions et des risques, les dotations
augmentent sensiblement, grâce à la TGAP, pour atteindre 1 768 millions de
francs : 235 millions de francs iront à l'application de la loi sur l'air et 25
millions de francs aux plans de prévention, soit 50 % en plus. On enregistre
une hausse de 15,3 % des crédits affectés à la gestion de l'eau et des milieux
aquatiques, qui atteindront 265 millions de francs.
Ce secteur me touche particulièrement, en tant que président d'un gros
syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement. L'eau sera un enjeu majeur du
siècle prochain. Des menaces pèsent sur l'approvisionnement et la qualité de
l'eau, auxquelles s'ajoutent les interrogations légitimes des consommateurs
quant au coût du mètre cube d'eau.
Des efforts restent à accomplir, en particulier dans la protection des champs
captants, mais aussi, surtout, dans le domaine de l'assainissement autonome, où
nous attendons encore un certain nombre de décrets qui permettront de mettre en
oeuvre cette politique tant attendue.
Un autre objectif consiste en la maîtrise de l'énergie et le développement des
ressources renouvelables. Une dotation de 500 millions de francs est affectée à
l'ADEME. Cet organisme bénéficiera ainsi de moyens suffisants pour relancer de
manière active et dynamique ses actions, qui visent à assurer réellement un
développement socio-économique durable.
Les crédits affectés à la protection de la nature, des sites et des paysages
augmentent fortement : de 19,7 %.
Le nouveau fonds de gestion des milieux naturels est doté de 164 millions de
francs, dont 90 millions de francs pour les mesures nouvelles.
Je salue cette heureuse initiative, qui permettra de répondre aux besoins
exprimés dans ce domaine.
Ma participation personnelle à la concertation sur un site LIFE Natura 2000
dans le département du Nord, en forêt de Thiérache, m'a convaincu de la
nécessité absolue d'un soutien financier actif si l'on veut réussir la mise en
place des mesures de gestion préconisées.
Je dois dire que, par la concertation, les relations avec les propriétaires,
privés et publics, ont évolué très favorablement. Ces crédits sont donc
indispensables pour ne pas décevoir ceux qui ont eu le courage de s'engager
dans cette démarche intelligente.
Enfin, je voudrais également témoigner de l'importance des parcs régionaux sur
le plan de la protection de l'environnement. Ces territoires constituent de
véritables laboratoires d'expérimentation en matière d'aménagement durable. Ce
sont des espaces privilégiés de concertation et de collaboration entre tous les
acteurs d'un territoire : élus, partenaires associatifs et institutionnels,
agents économiques.
Il convient, au côté des collectivités locales et territoriales, que l'Etat
conforte les moyens humains et financiers. J'espère que cet effort sera
poursuivi avec ténacité.
En conclusion, je dirai que l'environnement constitue aujourd'hui un vaste
champ d'intervention sous l'effet d'un arsenal législatif national et européen
particulièrement abondant et de plus en plus complexe. Il faut faire émerger un
véritable ministère transversal. Il faut aussi mettre en oeuvre des gestions au
plus près du terrain, au plus proche des réalités, avec les acteurs eux-mêmes,
et encourager la concertation la plus étroite.
Madame la ministre, votre responsabilité sera donc de répondre aux attentes
légitimes de nos concitoyens pour respecter et faire respecter l'environnement,
et protéger encore plus un patrimoine naturel que nous léguerons aux
générations futures.
Quant à nous, parlementaires, notre responsabilité est de vous donner les
moyens législatifs et budgétaires sollicités pour mettre en oeuvre cette
nouvelle donne environnementale.
Je connais votre détermination et votre vigilance pour rendre plus cohérent,
malgré les difficultés, l'ensemble des politiques publiques dans ce domaine
particulièrement exigeant. Je sais que vous respecterez vos engagements. Le
groupe socialiste vous soutiendra dans votre démarche et votera donc votre
projet de budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Madame la ministre, votre budget est, au sein du projet de loi de finances
présenté par le Gouvernement, celui qui fait le bond le plus spectaculaire,
avec une augmentation de 110 %. Il passe de 1,9 milliard de francs à 3,95
milliards de francs et devrait susciter auprès de tous les parlementaires
attachés à l'environnement et à la qualité de vie un enthousiasme sans
limites.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Ce n'est pas le cas !
M. Philippe Richert.
Or, je viens d'écouter avec attention nos rapporteurs, qui font état de
nombreuses interrogations voire d'oppositions très vives. Comment expliquer ce
hiatus ?
M. René-Pierre Signé.
C'est systématique !
M. Philippe Richert.
Reconnaissons d'abord, madame la ministre, qu'il est aisé de relever dans
votre budget maints éléments positifs, et je m'en réjouis.
En premier lieu, je salue la réduction du taux de TVA appliqué à la collecte
sélective, au tri et à la valorisation matière. Cette disposition favorisera la
part du recyclage dans le traitement des déchets, et je ne peux que m'en
féliciter.
Je relève aussi la progression importante des crédits de la connaissance de
l'environnement : plus 34 % ; nous savons tous qu'une protection efficace ne
peut s'envisager que sur la base d'une connaissance approfondie.
Il en va de même des budgets consacrés à la protection de la nature qui
permettent de faire face aux besoins générés par la mise en protection
institutionnelle de nouveaux espaces sensibles. Le concept d'environnement
évoluant, les dimensions sociales et sanitaires se renforcent ; mais il ne faut
pas pour autant négliger la protection des espèces, des écosystèmes précieux et
des paysages. L'environnement ne doit pas faire oublier l'écologie ! Vous
prouvez que vous y êtes sensible.
Bravo aussi pour les crédits de l'INERIS, l'Institut national de
l'environnement industriel et des risques, dont certains services étaient très
largement sous-dotés et se trouvent ainsi mis à niveau.
Pour clore ce chapitre, permettez-moi d'exprimer ma satisfaction de voir
relancée la politique d'économie et de maîtrise de l'énergie. Vous voyez que je
ne suis pas avare de compliments !
Toutefois, ce projet de budget est aussi la traduction d'une approche qui
porte en elle de multiples aspects négatifs, voire détestables. J'en évoquerai
trois.
Le premier concerne la méthode. Ce qui la caractérise est une concertation que
j'estime largement insuffisante. Les projets de loi sont déposés ou des
décisions lourdes de conséquences sont prises sans véritable débat en amont. Je
me rappelle le temps où vous et vos amis « verts » n'étiez pas au Gouvernement
ni membre de la majorité. Que n'a-t-on pas entendu sur le besoin de démocratie,
de débats sur les grands choix !
Quelle surprise de constater qu'aujourd'hui toutes vos décisions vous semblent
légitimées par le simple fait que vous appartenez à une coalition majoritaire à
l'Assemblée nationale. Cette attitude a, par exemple, prévalu pour l'arrêt du
surgénérateur Superphénix.
Ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu'un grand débat sur l'énergie soit
nécessaire dans notre pays, avant que des décisions stratégiques d'une
importance essentielle soient prises ?
Nous connaissons votre opposition à l'électricité produite par le nucléaire et
je suis, moi aussi, partisan de relancer la politique de diversification
énergétique et de maîtrise ou d'économie de l'énergie. A-t-on cependant
sérieusement évalué les conséquences en termes de pollution atmosphérique ou
d'effet de serre si le basculement du nucléaire sur le fuel ou le charbon se
fait sans précaution ou étude suffisantes ? Si la part du charbon et du fuel
devait augmenter, nous risquerions de réserver à nos enfants des lendemains
incertains. Pourquoi dès lors ne pas ouvrir ce débat d'autant que certains de
nos partenaires européens - je pense à l'Allemagne en particulier, vous vous en
doutez - ont annoncé un changement d'orientation assez radical ?
Le deuxième aspect négatif se rapporte au décret que vous avez publié
récemment et qui concerne la surveillance de la pollution atmosphérique.
Vous êtes de ceux qui affirment, et je crois à juste titre, que les particules
fines, les hydrocarbures imbrûlés issus de nos moteurs diesel notamment, mais
pas seulement, sont aussi nocifs pour la santé que les polluants chimiques
comme l'ozone, les oxydes d'azote, le dioxyde de soufre.
Pour tous ces polluants, en cas de pic de pollution, il existe trois seuils
définis par la loi en fonction de la gravité de la situation. Le niveau 3
correspond à « l'alerte » ; c'est lui qui conditionne la mise en oeuvre des
mesures obligatoires de réduction de la pollution. Pour l'ozone, le niveau 3
n'a jamais été atteint en France. Pour les oxydes d'azote, ce seuil est
rarement franchi. En revanche, pour les particules fines, le seuil d'alerte
défini par le conseil supérieur d'hygiène est atteint plus régulièrement.
Pouvez-vous m'expliquer, madame la ministre, pourquoi votre décret publié plus
de dix-huit mois après l'adoption de la loi - il ne peut donc être question
d'oubli dû à la précipitation - omet de parler des particules fines ?
Je voudrais enfin - c'est le troisième aspect négatif - m'insurger contre
l'instauration de la TGAP par le biais d'un article de la loi de finances, car
il s'agit en fait d'un changement fondamental de la façon d'aborder la
protection de l'environnement et les relations pollueur-payeur.
Que ce soit bien clair, je ne dis pas non à une fiscalité écologique bien
pensée ; mais j'estime qu'il s'agit d'un débat stratégique et qu'il aurait
mérité une meilleure préparation.
Que proposez-vous dans l'immédiat ? La centralisation au ministère de crédits
et taxes divers. Quelles en sont les conséquences très directes ? Le gonflement
artificiel de votre budget et le contrôle des fonds par Bercy.
Je comprends votre position, car, dès cette année, ce sont près de 1,5
milliard de francs supplémentaires qui transitent par votre ministère et
celui-ci devient, selon vos propos, un « ministère de plein exercice ». Votre
marge de manoeuvre financière, et donc votre pouvoir, s'en trouvent accrus.
Je comprends aussi la satisfaction de Bercy. C'est pour lui l'aboutissement
d'un rêve vieux de vingt ans. Au nom de l'orthodoxie budgétaire que l'on évoque
souvent dans cet hémicycle, il parvient à mettre la main sur des recettes qu'il
ne maîtrisait pas. Le processus a commencé d'ailleurs en 1996, avec la mise en
place d'un premier fonds de concours des agences de l'eau. En 1997 et 1998, ce
sont 110 millions de francs que Bercy a ainsi récupérés. En 1999, ce sera pire
: il leur sera soutiré 140 millions de francs supplémentaires.
Autant de crédits inscrits au budget du ministère, mais qui viennent en
réduction de l'action des agences. Et ce n'est pas fini : l'an prochain,
l'enjeu est de plus de 10 milliards de francs puisque vous ne proposez ni plus
ni moins que de rapatrier à Paris les redevances collectées par les agences de
l'eau.
Vous savez, madame la ministre, que personne ne veut de ce texte, mis à part
quelques théoriciens qui vous sont proches. Et pour faire passer la pilule, il
n'y a rien de mieux que de noyer le dispositif dans le débat sur le projet de
loi de finances... à une heure du matin !
La redevance sur l'eau sera-t-elle plus efficace en transitant par Paris ? En
mettant davantage encore les agences de l'eau sous tutelle et en les gérant de
la capitale, seront-elles plus efficaces ? En étant démotivés, les acteurs de
terrain travailleront-ils mieux ? On a l'impression qu'il s'agit d'appliquer un
dogme, une approche idéologique.
Pour moi, cette attitude anti-décentralisation, anti-terrain est
incompréhensible et inacceptable. Mais elle est révélatrice d'un état d'esprit
qui tend à accréditer que seul le ministère est en mesure de proposer les
bonnes solutions.
Cette réforme va d'ailleurs engendrer de nombreuses autres conséquences, dont
il me faut au moins citer les principales : la remise en cause du principe
pollueur-payeur, car c'est de cela qu'il s'agit, mais aussi l'abandon de
l'affectation automatique des taxes récoltées à la lutte contre la
pollution.
Il est en effet clair qu'avec ce système plus rien ne garantit que les fonds
collectés au titre des différentes taxes constituant la base de la TGAP seront
consacrés à l'objet pour lequel ils auront été prélevés. La création d'un
compte spécial ne constitue un leurre pour personne. Demain, la redevance sur
l'eau peut très bien servir à financer le déficit d'une entreprise publique...
ou l'achat de missiles.
Le système pollueur-payeur est ainsi totalement dévoyé.
Lorsque la taxe générale sur les activités polluantes sera instaurée, nous
aurons créé un nouvel impôt dont les premiers contributeurs seront les usagers
de l'eau domestique. Mais ceux-ci n'auront plus aucune garantie quant à
l'affectation des fonds collectés, à la qualité de l'eau, à sa distribution ou
à sa protection. C'est donc bien une taxe générale qui est mise en place. Une
taxe dont le taux pourra être modifié sans tenir compte des besoins
environnementaux.
Cette réforme, telle qu'elle nous est présentée, tourne le dos à un modèle
pourtant éprouvé. Elle privilégie l'approche budgétaire centralisatrice et
idéologique, et son efficacité est incertaine. Dans ces conditions, le groupe
de l'Union centriste ne votera pas votre projet de budget en l'état.
(MM. les rapporteurs applaudissent.)
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, partageant
très largement les points de vue exposés par mes collègues, je m'attarderai
plutôt sur une réflexion liée à la politique de l'environnement.
La politique que vous menez en matière d'environnement m'inquiète, madame le
ministre, car elle me semble très éloignée de ce que doit être une véritable
politique de l'environnement pour nos concitoyens, même si quelques points
heureux sont à souligner et l'ont déjà été.
En effet, la protection de la nature doit tenir compte d'un aspect fondamental
de l'évolution de notre monde, qui est le mouvement.
Une société se développe, bouge, se perpétue au niveau des espèces par-delà la
mort de chaque individu, et la nature fait de même. C'est le perpétuel
mouvement de la vie, dont doit tenir compte toute politique de l'environnement
et de protection de la nature. La vie est programmée pour se reproduire et
s'adapter, la loi de l'adaptation tempérant celle de la jungle, faisant que
c'est non pas nécessairement le plus fort qui gagne, mais le plus adapté.
Or notre époque vit sous la dictature de l'instant, sorte de photographie
figée d'un moment aussitôt disparu, et sélectionnée dans un film en vertu d'on
ne sait quel critère ou plutôt si, malheureusement, celui des goûts et des
passions de tel ou tel groupe de pression qui veut imposer sa loi à la
société,...
M. René-Pierre Signé.
Oh là là !
Mme Anne Heinis.
... au mépris de tout esprit démocratique et de toute vision dynamique des
choses.
Cependant, nous constatons que notre société se complexifie au fil du temps,
suivant en cela les lois naturelles de l'évolution, qui, dans l'ordre de la
création, est partie du plus simple, pour aboutir, après bien des aléas, au
cerveau pensant de l'homme, lequel culmine par la complexité extrême de son
système nerveux. Or c'est peut-être cette complexité, que nous dominons mal,
qui fait peur et pousse certains à se réfugier dans l'instant, tendance
largement amplifiée par des médias de plus en plus puissants, qui, eux-mêmes,
ne vivent que de l'instant.
« Ô temps, suspends ton vol », disait le poète pour goûter un peu plus la
beauté d'un moment, mais il savait bien que c'était impossible et que ce
n'était qu'un regret.
Cette dictature de l'instant mène, comme toutes les dictatures, à une sorte
de terrorisme intellectuel, qui conduit l'écologie à se manifester sous la
forme d'une guerre de tranchées, parfois meurtrière, où chacun campe sur ses
positions. Quelle dérive ! L'écologie devrait être une recherche commune pour
organiser notre action sur le monde, autour de l'homme, et non l'inverse, car
la nature a été faite pour l'homme, et non l'homme pour la nature.
Cela oblige à une vision dynamique et non statique, à une projection
permanente dans le futur, puisque nous sommes tous tributaires du temps. C'est
peut-être aussi ce mot « dynamique » qui gêne, les équilibres dynamiques, qui
sont ceux du mouvement, étant, bien sûr, les plus complexes et les plus
difficiles à saisir.
Comme tous les êtres vivants, l'homme est naturellement un prédateur, qui vit
toujours aux dépens d'une autre espèce animale ou végétale, parfois des deux.
Tant que la voracité de l'un ne fait pas disparaître l'autre, et que les
conditions de vie restent globalement favorables, les espèces en cause
subsistent, parfois d'ailleurs à l'aide d'une ingéniosité stupéfiante.
Cette observation fonde la différence entre protection totale et protection
suffisante, que la Cour européenne de justice, sans doute trop loin des
réalités naturelles, ne semble pas avoir saisie. C'est l'exemple des
cormorans.
M. René-Pierre Signé.
Il s'agit du budget !
Mme Anne Heinis.
C'est tout à fait lié !
L'histoire du monde montre que, au fil du temps, bien des espèces ont disparu,
pour des raisons que nous ne connaissons pas toujours, d'ailleurs, et la nature
est indifférente à cet état de choses. C'est nous qui souhaitons que les
espèces connues à ce jour perdurent, et c'est tout à fait légitime. C'est une
des justifications de la « sanctuarisation », qui doit rester dans ses limites,
au bénéfice de l'homme et de la recherche, qui tous deux doivent y trouver leur
intérêt, aussi bien en termes d'épanouissement qu'en termes scientifiques.
C'est probablement à un sentiment de « sanctuarisation » excessive et imposée
que se heurte Natura 2000.
En effet, la France, par sa géographie et son climat, présente deux
caractéristiques particulières par rapport à ses voisins européens. Elle est
beaucoup plus riche en espèces animales et en habitats, et sa population s'est
répartie historiquement sur son territoire d'une façon beaucoup plus
dispersée.
Elle doit donc tenir compte de ces facteurs dans ses propres équilibres
internes.
D'une façon générale, tant que le rapport entre les activités humaines et la
nature est resté en faveur de la nature, celle-ci n'en a guère souffert. En
revanche, le développement des sciences et des technologies et la
multiplication de l'espèce humaine tendent à inverser ce rapport d'autant que
le caractère prédateur de l'homme, si l'on n'y prend pas garde, reprend très
vite le dessus, car le seul et unique prédateur de l'homme, c'est l'homme.
Or, nous n'avons pas su prévoir en temps voulu les conséquences du
développement, lequel a fait beaucoup de dégâts et, ce qu'on nous demande
aujourd'hui, c'est justement de les prévoir et de les prévenir.
C'est ce qui justifie une politique de l'environnement : réparer les dégâts,
bien sûr, mais, ce qui est beaucoup plus important, prévenir leur prolifération
et organiser la gestion de l'environnement pour et en fonction de l'homme, de
ses besoins, de ses aspirations et de ce qui concourt à la fois à sa survie et
à son bonheur.
Dans nos sociétés développées, l'homme, au cours du temps, a façonné la nature
et s'y est intégré. L'accélération brutale et mal maîtrisée du développement
déséquilibre ce qui a été construit pendant des siècles et nous perturbe.
La politique de l'environnement doit donc être une recherche permanente d'un
nouvel équilibre, devenu dynamique et non plus statique, où les règles d'action
l'emportent sur la réglementation, qui tend vite à momifier la vie à un instant
donné, et ce n'est plus la vie, où l'incitation doit l'emporter sur la
répression, car, pour réussir, cette politique nécessitera beaucoup d'efforts
en commun, d'échanges entre les différentes approches, ce qui devrait permettre
une meilleure connaissance des phénomènes.
L'idée du respect de la nature a beaucoup progressé dans les esprits et c'est
une excellente chose. Il n'en reste pas moins qu'il y a une hiérarchisation des
objectifs à déterminer et qui doit se retrouver dans une bonne politique de
l'environnement.
A ce titre, je ne crois pas que la création de 140 postes supplémentaires de
fonctionnaires dans votre ministère aille dans le bon sens, même si
quelques-uns pouvaient être nécessaires.
Je crains que cela n'accentue la confusion entre les objectifs défendus par le
ministère de l'environnement et ceux des associations dites de protection de
l'environnement, ce qui risque de nuire à la crédibilité de ce ministère, qui
doit se préoccuper d'abord de l'intérêt général.
Malheureusement, il semble que l'écologie soit beaucoup trop vue au travers de
lunettes « militantes », soutenue par les lobbies dont on sait que le poids est
beaucoup plus fonction de leurs moyens financiers que de leur audience.
Au fond, madame le ministre, c'est à plus de sagesse, de tolérance mutuelle,
de concertation que j'appelle, pour que l'écologie ne se transforme pas en
idéologie.
Virgile disait : « Chacun a son penchant qui l'entraîne. » Nous devons en
tenir compte.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues,
l'accroissement et la diversification des tâches incombant au ministère de
l'environnement supposaient sans doute un renforcement de ses moyens.
En hausse très sensible - 15,6 % - ce projet de budget pour 1999 traduit la
volonté du Premier ministre de faire de l'environnement une véritable priorité
gouvernementale. On pourrait ajouter avec un peu de malice que ce choix vous
donne, madame la ministre, un motif de satisfaction et donc de soutien à son
égard !
Néanmoins, on peut légitimement s'interroger sur l'articulation de ce
budget.
Les crédits de l'administration générale augmentent à eux seuls de 13 % ;
c'est considérable, c'est hors de proportion, et c'est soit de la mauvaise
gestion, soit du clientélisme. La fonction publique ne pèse-t-elle pas déjà
trop sur le budget général et la charge fiscale des citoyens ? Espérons que ces
fonctionnaires de l'environnement exerceront leur vigilance en se fondant sur
des réalités techniques, économiques et humaines et non sur une vision
écologique dogmatique.
Au-delà de cette critique, je prends acte d'un certain nombre d'avancées
positives dans les domaines de la gestion des espaces naturels et de la
prévention des pollutions, notamment la réorientation de la politique des
déchets et la réduction de l'écart de taxation entre le gazole et l'essence.
Je n'entrerai pas dans le détail, d'autres s'en sont chargés avec compétence,
et je m'associe pleinement aux propos que mon collègue de groupe, M. Bernard
Joly, tiendra à son tour.
J'axerai mon intervention sur un point qui me tient à coeur : la nécessaire
réconciliation entre l'agriculture et l'environnement.
Car, il faut l'affirmer, madame la ministre, il n'y a pas d'incompatibilité de
principe entre l'activité agricole et la préservation de l'environnement, bien
au contraire.
Vous désignez les agriculteurs comme des coupables : ils n'ont pas de leçon à
recevoir de ceux qui élaborent des discours fondamentalistes et abstraits,
rédigés bien loin de la réalité agricole et environnementale.
Au cours des siècles, les agriculteurs ont modelé nos paysages, ont rendu les
terres accessibles à chacun d'entre nous et ils contribuent toujours largement
à entretenir et à valoriser le territoire. Dans la plupart des régions, ils
favorisent une gestion à long terme de l'eau et du sol et ils demeurent
essentiels au développement local.
Les agriculteurs français sont des jardiniers de l'espace naturel, alors
cessez de les désigner systématiquement comme des pollueurs.
Bien sûr, il y a eu des excès. Mais l'utilisation massive, donc parfois
excessive, d'engrais, de fumier organique ou de produits agrochimiques est née
du besoin de rendements toujours supérieurs, dû à la baisse des revenus à
l'hectare. Cette baisse des revenus a contraint les agriculteurs à augmenter
leurs surfaces et donc à mécaniser lourdement et à forcer la terre par un
apport massif d'intrants. Ils l'ont fait non pas par plaisir, mais par
nécessité.
M. René-Pierre Signé.
Polluer, c'est gratuit !
M. Aymeri de Montesquiou.
Aujourd'hui, l'agriculture veut choisir et contrôler ses rapports avec
l'environnement.
Le développement de l'agriculture biologique doit être favorisé ; mais ce
choix ne peut être celui de tous les agriculteurs, car les produits issus de
cette « nouvelle » forme d'agriculture ne sont accessibles qu'à une clientèle
restreinte et les exportations agricoles sont une vocation naturelle, qui
participe largement à notre excédent commercial.
Au lieu de prendre les agriculteurs comme cible, madame la ministre, il eût
mieux valu les considérer comme de véritables partenaires et privilégier le
dialogue.
Les agriculteurs ne vous ont pas attendue pour prendre leurs responsabilités
et s'atteler à la tâche. Ils se sont engagés dans des actions volontaires
multiples sur l'ensemble du territoire : Ferti-mieux, Irri-mieux, Phyto-mieux,
opérations « rivière », Farre, suivi-évaluation de la directive « Nitrates
».
Je souligne que les crédits consacrés aux programmes de maîtrise des
pollutions d'origine agricole, aux bâtiments d'élevage de zone de montagne ou
encore aux mesures agri-environnementales ont toujours été insuffisants dans le
budget de l'agriculture.
L'avenir de ces mesures semble aujourd'hui devoir s'imbriquer dans les
contrats d'objectifs de Natura 2000 et dans des contrats territoriaux
d'exploitation largement inspirés par les Verts. Or, pour l'un comme pour
l'autre, les lignes budgétaires nationales ou européennes sont très minces et
en tout cas très floues.
En ce qui concerne la taxe écologique, seules les actions fondées sur un
changement concerté sont de nature à apporter une réponse durable à la lutte
contre les pollutions agricoles.
Or, en ce qui concerne la mesure qui caractérise votre projet de budget,
l'instauration de la TGAP, je ne vois pas de concertation. Vous avez déjà
décrété que cette taxe, dont le principe n'est pas encore adopté, serait
élargie à d'autres ressources, comme celles des agences de l'eau, ainsi qu'à
toute nouvelle taxe ayant une finalité environnementale, tout en affirmant que
ces étapes seraient franchies dans la plus grande concertation. Ce n'est pas
cohérent. Madame la ministre, votre méthode est surprenante.
Sur le fond de ce projet, l'instauration de cette taxe générale serait grave,
car elle mettrait fin à un système qui fonctionnait bien et marquerait la
première étape d'une fiscalité centralisatrice dont les bénéfices pour
l'environnement ne sont pas démontrés.
M. René-Pierre Signé.
Mais redistribués !
M. Aymeri de Montesquiou.
Tout d'abord, le système des cinq taxes affectées jusqu'ici à l'ADEME
fonctionne bien. En envisageant d'élargir la TGAP aux agences de l'eau en l'an
2000, vous mettriez alors fin à leur fonctionnement décentralisé et à leur
autonomie financière, alors même que ce système est proposé comme modèle de
gestion à l'échelon communautaire.
Ensuite, en voulant faire rentrer la fiscalité de l'invironnement dans le pot
commun des finances publiques, comme l'a souligné mon collègue M. Richert, vous
contribuez aux ressources de l'Etat. Vous mettez automatiquement en danger
l'attribution de ces recettes à la protection de l'environnement du fait de la
règle de non-affectation des ressources. Craignez les ponctions autoritaires du
ministère de l'économie et des finances au regard des potentialités fiscales de
votre projet : déjà 600 millions de francs supplémentaires pour 1999 !
Madame la ministre, souhaitez-vous vraiment remettre en cause la politique de
l'eau telle qu'elle fonctionne depuis les lois de 1964 et de 1992 ? Comment
pouvez-vous défendre un projet qui n'obligera plus à affecter l'intégralité des
redevances à des actions concernant la protection des eaux ?
Enfin, s'agissant de l'efficacité de votre proposition, je crains que les
mesures de taxation que vous envisagez sur les sacs d'engrais ou les bidons de
produits phytosanitaires n'aient pas l'effet dissuasif escompté. Soit
l'augmentation du prix des intrants n'incitera pas les agriculteurs à s'en
passer, à moins d'atteindre un niveau prohibitif incompatible avec leur
capacité financière. Soit la taxe est d'un niveau faible et elle apparaîtra
immanquablement comme un « droit à polluer », décourageant les exploitants qui
se sont engagés dans des programmes de maîtrise des pollutions.
Pour parvenir à modifier le comportement des agriculteurs, un système de
taxation ne semble pas efficace. Il faut plutôt favoriser des actions
incitatives, à base d'information et de formation ; les initiatives locales en
ce sens sont déjà nombreuses.
En conclusion, puisque votre gouvernement prône le dialogue, je formulerai un
souhait : que le projet de loi d'orientation agricole soit l'occasion d'établir
un dialogue véritable afin de réconcilier l'agriculture et l'environnement.
Mon groupe suivra la commission des finances.
(Applaudissements sur les
travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Tout au long du débat qui est engagé depuis plusieurs semaines autour du
projet de loi de finances devant le Parlement, vous avez tenu à souligner,
madame la ministre, combien le Gouvernement faisait de la protection de
l'environnement l'une de ses priorités. Et l'on ne peut pas contester que le
projet de budget de votre ministère en porte témoignage.
Il me paraît cependant équitable de souligner ici combien cette détermination
est partagée, et souvent depuis longtemps, par les acteurs de terrain,
notamment les élus locaux, qui, dans ce domaine, portent une responsabilité
difficile et conduisent des actions très souvent tout à fait exemplaires.
Il faut traverser notre pays pour mesurer quels efforts ont été entrepris par
les uns et par les autres, quels dispositifs variés et ingénieux ont été mis en
oeuvre, quel travail de communication a été conduit pour sensibiliser et
mobiliser nos concitoyens, quels engagements financiers ont été pris, et aussi
quels résultats significatifs ont d'ores et déjà été obtenus, y compris dans
les domaines de compétence qui ne relèvent pas directement des collectivités
locales ; je pense en particulier aux déchets industriels banals et aux déchets
hospitaliers. Et tout cela est effectué dans une très grande diversité, au plus
près des réalités locales.
Or, les élus locaux ont trop souvent l'impression d'être mis en accusation,
comme s'ils étaient eux-mêmes les générateurs des pollutions qu'ils s'efforcent
de combattre. Ils ont trop souvent l'impression que l'on sous-estime les
difficultés politiques, techniques et surtout financières auxquelles ils sont
confrontés, alors que c'est à un véritable esprit de partenariat qu'ils
aspirent.
Compte tenu du temps très court qui m'est imparti, et pour ne pas reprendre
des choses qui ont déjà été dites, et fort bien dites, notamment au sujet de la
TGAP, je me conterai d'évoquer le problème des déchets ménagers, et
singulièrement du coût qu'à travers les collectivités locales ils engendrent
pour nos concitoyens.
Cela est déjà vrai pour l'eau et l'assainissement, secteurs dans lesquels les
coûts augmentent en moyenne de 5 % par an.
Dans le même temps, pour la collecte, le tri et le traitement des ordures
ménagères, on assiste à une véritable explosion des coûts du fait d'une
réglementation de plus en plus sévère, de dispositifs sans cesse améliorés,
mais aussi - il n'est pas inutile de le souligner ici -, du fait de la
détermination des élus très fortement motivés par ce combat-là.
Les charges supportées à ce titre par les collectivités locales ont augmenté
de 131 % entre 1990 et 1997, pour atteindre 17,8 milliards de francs
actuellement.
Une extrapolation faite par l'ADEME à partir des plans départementaux déjà
établis laisse apparaître que les investissements initiaux à réaliser sur la
durée des plans se chiffrent à 60 milliards, soit 1 037 francs par habitant, à
quoi il convient d'ajouter 40 milliards qui servent à traiter les déchets
industriels banals et qui seront inéluctablement répercutés par les entreprises
sur les consommateurs.
Mais, par-delà ces investissements, les charges de fonctionnement induites
connaîtront un accroissement exponentiel.
Aussi avons-nous salué avec satisfaction l'abaissement du taux de TVA relative
à la collecte sélective, au tri et à une certaine forme de valorisation.
Cependant, cette disposition apparaît, à l'examen, d'une portée assez
illusoire, car beaucoup trop restrictive et, de surcroît, d'interprétation
hasardeuse.
En effet, en même temps qu'est prise cette mesure la taxe sur l'incinération
et sur la mise en décharge des déchets ménagers est augmentée de 50 %.
Quand on sait que 47 % des déchets ménagers vont en décharge et 40 % en
incinération, on voit bien que l'on a très largement repris d'une main ce que
l'on a donné de l'autre et que le bilan global de ces mesures n'est guère
favorable aux collectivités locales.
Nous pensons tous qu'il faut aller vers plus de tri et de valorisation ; une
mesure incitative peut effectivement être de nature à accélérer cette
orientation.
Mais on semble faire,
a priori,
un procès d'intention aux élus locaux.
On les soupçonne de freiner les évolutions souhaitées alors qu'un abaissement
généralisé du taux de la TVA sur l'ensemble du service des ordures ménagères
leur apporterait, sur le plan financier, cette bouffée d'oxygène qui leur
permettrait précisément d'aller plus loin et plus vite dans le sens préconisé,
sans alourdir excessivement la charge fiscale de leurs concitoyens.
Il est temps, me semble-t-il, de mettre un terme à la guerre des filières et
de reconnaître que la diversité des situations géographique et démographique
appelle des réponses diversifiées et complémentaires, dont aucune n'est à
diaboliser, même si certaines sont à privilégier.
Il existe aujourd'hui des usines d'incinération extrêmement performantes sur
le plan du traitement des fumées. Quand on voit le volume et la composition des
polluants qui y sont captés, inertés et mis en décharge de classe I, on est en
droit de s'interroger sur la pertinence du retour au sol naturel du compost
issu des déchets ménagers.
Par ailleurs, chaque tonne d'ordures ménagères traitée par incinération avec
valorisation énergétique représente l'équivalent de 150 litres de fioul. Et
certains
process
permettent aujourd'hui de coïncinérer des déchets
ménagers et les boues de station d'épuration trop chargées en pollution pour
être épandues, apportant ainsi une réponse à un problème insuffisamment résolu
jusque-là, et cela sans consommation d'énergie fossile.
J'ai donc déposé un amendement tendant à généraliser le taux de 5,5 % à
l'ensemble du service des déchets ménagers, comme c'est déjà le cas pour les
services publics de l'eau, de l'assainissement et des transports.
Cette mesure permettrait d'accélérer la mise en oeuvre d'une politique
environnementale à laquelle nous sommes tous attachés et en rendrait le coût
plus supportable pour nos concitoyens.
Certes, l'Etat perdrait ainsi une recette. Ce serait le prix équitable, à nos
yeux, de son partenariat pour une action dont il affirme qu'elle constitue pour
lui une priorité, mais pour laquelle ce sont les élus locaux de nos villes et
de nos campagnes qui se trouvent en première ligne.
Quant au coût de cette mesure, compte tenu de l'accroissement des dépenses des
collectivités locales dans ce domaine, plus on attendra, plus la perte de
recettes pour l'Etat sera significative et plus les réticences du ministère des
finances seront grandes.
Il y a là, me semble-t-il, un signe fort à adresser à ceux qui, sur le
terrain, sont aux prises avec ce problème difficile. Ce signe s'adresserait
également à l'ensemble de nos concitoyens pour qui l'addition des prélèvements
de toutes sortes représente une charge atteignant la limite du supportable et
qui, de surcroît, sont de plus en plus souvent les acteurs positifs d'une
gestion intelligente des déchets engendrés par notre mode de vie.
Aussi serons-nous particulièrement attentifs, madame la ministre, aux réponses
que vous voudrez bien apporter à notre interpellation.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Madame le ministre, je suis d'autant plus satisfait de prendre la parole sur
les crédits de votre département ministériel que ce projet de budget témoigne
d'un engagement fort en faveur de l'environnement et qu'il me donne l'occasion
d'une intervention dont la tonalité sera quelque peu différente de tout ce que
vous avez entendu jusque-là, à l'exception de l'intervention de mon ami Paul
Raoult.
Ce projet de budget, en augmentation de près de 15 %, enregistre même un
record absolu de progression depuis la création de votre ministère en 1971.
Au-delà des chiffres, je salue l'orientation politique majeure qui tend à
tansformer enfin votre ministère, dit « de mission », en un véritable outil de
l'action régalienne de l'Etat. J'en veux pour preuve les quelque 140 emplois
venant renforcer directement les effectifs du ministère ainsi que les 550
postes créés dans les administrations qui en dépendent directement.
Cet effort est d'autant plus remarquable qu'il se situe, nous le savons, dans
un contexte de stabilisation des effectifs globaux du personnel de l'Etat. Il
s'agit en fait d'une orientation nouvelle attestant que l'environnement est
plus que notre cadre de vie : il est le milieu, au sens scientifique du terme,
où se joue prioritairement l'avenir de nos sociétés.
J'observe d'ailleurs qu'aucun de nos collègues de l'opposition au palais
Bourbon n'a jugé votre budget dépensier. C'est assez dire à quel point ces 15 %
sont une avancée fondamentale : tous peuvent en convenir.
Mais l'effort qualitatif est, lui aussi, de grande ampleur. La taxe générale
sur les activités polluantes constitue une innovation majeure. Elle
centralisera désormais les fonds collectés par les diverses écotaxes
existantes.
Chacun connaissait les inconvénients du principe originel d'affectation à
l'ADEME de ces taxes « pollueur-payeur ». En intégrant ces sommes au budget de
l'Etat, on évitera désormais l'assimilation du paiement de la taxe à
l'acquisition d'un « droit à polluer » et, par là même, le dévoiement du
principe « pollueur-payeur ». La TGAP permet de revenir à la pleine application
de ce principe.
J'observe par ailleurs que cette taxe est la pierre angulaire d'une opération
pluriannuelle de revalorisation des crédits du ministère de l'environnement.
Comme vous l'avez évoqué dans une heureuse formule, la nouvelle taxe représente
bel et bien « l'an I de la fiscalité écologique ».
Dès l'an prochain, cette taxe sera le réceptacle des redevances perçues par
les agences de l'eau.
Politiquement utile, la TGAP est enfin économiquement et juridiquement
efficace. Elle est en effet conçue pour recueillir, dans les prochaines années,
le produit des futures « écotaxes » sur le dioxyde de carbone ou sur
l'utilisation des engrais et produits phytosanitaires.
Son instauration s'accompagne d'une augmentation de 50 % du produit attendu de
la taxe de mise en décharge. Il s'agit, à travers cette mesure, de privilégier
la valorisation des déchets au détriment de cette simple mise en décharge. Dans
le même esprit, je relève avec satisfaction que l'article 21 du projet de loi
de finances applique le taux réduit de TVA aux opérations de collecte et de tri
sélectif.
L'ADEME, pour sa part, ne perd pas son objet ni ses financements : d'une part,
parce que, pour la première année, l'intégralité du produit de la TGAP lui sera
affectée et, d'autre part, parce que la répartition de la subvention qui lui
sera versée dans les années suivantes reconduira les montants qui lui étaient
consacrés jusqu'alors.
La TGAP est donc un progrès incontestable. Néanmoins, je souhaite comme
d'autres, attirer votre attention, madame le ministre, l'ont fait, sur le fait
que la TGAP, en intégrant au budget de l'Etat le produit de taxes précédemment
affectées, rend en quelque sorte vulnérable le produit de ces taxes en le
soumettant aux traditionnels arbitrages entre les différents crédits
ministériels. C'est un risque que les élus locaux ont appris à connaître.
Toutefois, dans l'immédiat, le risque me paraît tout théorique car, au vu du
budget que vous nous présentez, je fais confiance à votre pugnacité pour
défendre la pérennité des orientations qui sont aujourd'hui définies.
J'ai noté, d'autre part, la progression substantielle du volet relatif à la
protection de la nature, notamment les lignes de crédit nouvelles dédiées à la
gestion des milieux naturels, dotées pour 1999 de 164 millions de francs.
Par ailleurs, et j'y suis particulièrement sensible, présidant moi-même un
parc, un effort est entrepris pour classer de nouveaux parcs naturels régionaux
et pour conforter ceux qui ont renouvelé leur charte.
Nos parcs naturels régionaux - il en existe près de quarante - couvrent
environ 10 % du territoire national. Leurs responsables accomplissent un
travail de fond sur l'environnement non seulement naturel mais également social
et économique. Depuis plusieurs décennies, ses parcs ont incarné ainsi, et
parfois avant l'heure, le développement durable dont chacun saisit désormais
l'importance et qu'a évoqué mon ami Paul Raoult.
Leurs chartes expriment, par le biais de l'engagement des collectivités
territoriales qui les cosignent, leur rôle privilégié en faveur du
développement croisé et harmonieux des territoires et des populations qui les
constituent. Plus simplement, elles renvoient au principe de base : un
territoire, un contrat, un projet.
A cet égard, il convient de souligner, pour s'en réjouir, la pertinence des
nombreux projets de pays, dont on constate chaque jour l'émergence. Toutefois,
dans les cas où se superposent sur le même espace un pays et un parc, nous
devons également préciser les modalités de leur existence.
Tout en relevant d'une même logique de développement, les parcs et les pays
relèvent d'approches nettement distinctes, qui justifient leurs personnalités
juridiques différentes.
Les parcs sont, au premier chef, des éléments structurants des régions qu'ils
couvrent. Il leur revient de définir des projets globaux de grande ampleur,
touchant à tous les domaines du développement.
Les pays, pour leur part, sont des structures informelles par définition
légères, qui ne sont jamais plus utiles que quand elles concourent d'abord à la
mise en commun des volontés.
Il n'y a donc non pas une opposition entre les parcs et les pays, mais bien
une complémentarité, qu'il revient au législateur d'assurer et d'organiser.
A contrario
il serait regrettable que, faute d'une orientation précise,
les pays et les parcs naturels régionaux présents sur des territoires
identiques soient conduits, malgré eux, à une concurrence entre leurs projets.
C'est ensemble qu'ils doivent solliciter des concours extérieurs au financement
de leurs opérations, notamment par le biais des fonds structurels de l'Union
européenne et des sommes prévues au titre des contrats de plan Etat-région.
L'ensemble des éléments que j'ai brièvement évoqués ici renvoient à une
orientation gouvernementale plus large, dont participent, au-delà de cette
discussion budgétaire, plusieurs projets législatifs qui nous seront bientôt
soumis : le vôtre, bien sûr, madame le ministre, mais également le projet de
loi d'orientation agricole à l'origine duquel se trouve notre collègue Louis Le
Pensec, sans oublier celui qui est relatif à l'intercommunalité.
Ces projets ne manqueront pas de susciter notre intérêt, au même titre que le
projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui et que je voterai
évidemment, comme l'ensemble de mes collègues socialistes.
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un budget
s'examine à l'aune des défis auxquels nous sommes confrontés. Avant d'aborder
les priorités qui ont été retenues pour 1999, j'aimerais évoquer brièvement
l'état de l'environnement en France.
En dépit d'une prise de conscience réelle et de certaines avancées, l'Institut
français de l'environnement constate que les progrès sont sensiblement plus
lents que prévu, et la France reste souvent à la traîne par rapport à ses
voisins européens.
Pour ce qui est de l'air, malgré une réduction générale des émissions
polluantes, les pics de pollution sont en augmentation. La congestion du réseau
routier a augmenté de 60 % en dix ans. L'élaboration des plans de déplacements
urbains accuse un retard important. Les véhicules électriques demeurent peu
nombreux et les biocarburants, d'apparition récente, ne font l'objet d'aucune
réglementation.
En ce qui concerne l'eau, la France est l'un des pays européens les mieux
équipés en infrastructures d'assainissement et l'on constate un recul sensible
de la pollution par les rejets industriels et urbains. Pourtant, la qualité de
l'eau continue à se dégrader. Entre 17 millions et 20 millions de Français
boivent une eau non conforme aux normes sanitaires européennes !
Le traitement des déchets ménagers est un autre défi majeur de notre fin de
siècle. La loi de 1992 prévoyait, dans un délai de dix ans, la mise en décharge
des seuls déchets ultimes. A trois ans de cette échéance, le retard
considérable pris dans l'élaboration des plans départementaux d'élimination des
déchets ménagers est dû, en grande partie, à la remise en cause des objectifs
par votre ministère.
Enfin, un salarié sur quatre subit des nuisances sonores sensibles et 13 %
sont exposés à un bruit supérieur à 85 décibels, niveau jugé pénible.
C'est dire que les efforts engagés doivent se poursuivre et même être
accentués.
Le ministère de l'environnement a joué un rôle important. Ses missions se sont
élargies, et quand on est, comme je le suis, attaché à cette cause, on ne peut
que s'en féliciter. Doit-on pour autant souhaiter que ce département devienne
régalien ?
En effet, la hausse des moyens, souvent réclamée, déroge, d'une part, à la
nécessaire maîtrise des dépenses publiques et elle fait craindre, d'autre part,
une recentralisation progressive des procédures de gestion et de décision. Or
le succès des actions environnementales dépend plus des collectivités locales,
des entreprises et des établissements déconcentrés que des effectifs et des
crédits propres de votre ministère.
Permettez-moi de m'interroger également sur ce que recouvre la hausse des
crédits destinés aux associations. Renouer le dialogue, les impliquer davantage
dans le processus de décision, les utiliser comme relais auprès des usagers,
faire vivre un certain nombre de contre-pouvoirs : tout cela relève de la
démocratie. Cependant, madame la ministre, de quelles associations s'agit-il ?
Quels seront les critères retenus pour les financer ? Quel contrôle
exercera-t-on sur l'utilisation des fonds ?
On peut légitimement s'interroger, compte tenu de l'obstruction systématique
pratiquée par certaines d'entre elles, qui agissent au nom d'une doctrine
écologique intransigeante et bloquent les projets de développement économique
que lancent les élus locaux.
Enfin, je voudrais exprimer d'expresses réserves quant à la taxe générale sur
les activités polluantes.
Actuellement, elle intègre les taxes perçues par l'ADEME. Annoncée comme
évolutive, elle doit, dès l'an 2000, absorber les redevances pollution des six
agences de l'eau.
Le conseil d'analyse économique a estimé que la France possédait un « gisement
d'écotaxes » dont le produit pouvait atteindre, à terme, de 50 milliards à 125
milliards de francs. Ce que vous présentez comme un outil de simplification
s'apparente plutôt à un monstre fiscal ou à un prétexte à de nouveaux
prélèvements !
D'autre part, la France s'est dotée d'une politique de l'eau cohérente et
efficace, dont s'inspirent de nombreux pays dans le monde. Le dispositif des
agences de bassin a permis d'obtenir, en trente ans, des résultats
considérables, en impliquant par la concertation tous les acteurs et en
engendrant à la fois une grande efficacité financière et une meilleure
rentabilité sociale.
Pourquoi remettre en cause un modèle de « bonne gouvernance », de démocratie
locale, par le biais d'un projet de fiscalité écologique centralisateur,
autocrate et régressif ? Cela risque d'ouvrir une période de turbulences pour
les collectivités locales, confrontées aux problèmes quotidiens du financement
des équipements et de la mise en conformité avec les directives européennes
d'ici à 2005.
Toutefois, votre budget, madame la ministre, contient de bonnes mesures. A cet
égard, je citerai d'abord la réorientation de la politique des déchets vers une
valorisation, de préférence à l'incinération, qui coûte cher aux collectivités
locales. La baisse de la TVA sur les opérations de collecte et de tri sélectif
des ordures ménagères va dans ce sens. Nombre d'entre nous l'avait réclamée
depuis longtemps.
Cependant, les collectivités locales, soucieuses de mettre en place des
filières de recyclage industriel de qualité, doivent obtenir des assurances
quant aux objectifs poursuivis et aux aides qu'elles pourront demander.
Autres points positifs : le rattrapage de l'écart de taxation entre le gazole
et l'essence sans plomb ainsi que le relèvement du plafond de l'exonération de
la taxe intérieure sur les produits pétroliers accordée aux taxis pour le GPL
et le GNV.
Mais cette dernière mesure constitue-t-elle une incitation suffisamment
efficace à l'adoption de carburants propres par les taxis ? Une prime à
l'équipement des véhicules, de l'ordre de 10 000 francs, combinée à une
réduction progressive du volume de carburant actuellement exonéré, selon la
proposition que j'ai formulée il y a deux ans, serait sans doute plus
incitative.
Pourquoi ne pas mettre également à l'étude la possibilité d'une incitation
financière lors de l'achat d'un véhicule propre par un particulier, à l'instar
de ce qu'on a appelé les « balladurettes » ?
Madame la ministre, l'action en faveur de l'environnement ne se limite pas à
dénoncer les activités nuisibles, à lutter contre les pollutions, à créer une
police écologique ; elle doit aussi s'attacher à valoriser et à faire connaître
les richesses naturelles de notre pays.
La France possède de fortes potentialités : variété et beauté des paysages,
parcs naturels nationaux et régionaux, réserves naturelles. Ces sites, tout
comme le milieu rural, constituent un véritable pétrole vert, une ressource
considérable pour le tourisme français ; elle est pourtant encore
insuffisamment exploitée.
Il existe aujourd'hui une clientèle touristique urbaine nombreuse, en
particulier européenne, à la recherche de grands espaces, d'authenticité et de
repos. L'écotourisme répond à cette évolution de la société et aux nouvelles
aspirations.
Considéré jadis comme le tourisme de cueillette, ou celui du pauvre, le
tourisme de proximité, de découverte, de nature, de randonnée a aujourd'hui ses
adeptes et ses connaisseurs.
Les initiatives et les projets locaux ne manquent pas. Certains professionnels
ont développé des projets d'« écovillage », avec pratique du sport, énergie
solaire, architecture paysagère, traitement des déchets, découverte de la
nature, ferme biologique.
Ce tourisme vert doit aujourd'hui se structurer, dans le respect de son
authenticité et de la nature, en identifiant et en conquérant des clientèles
diverses, notamment celles des classes vertes, qui sont un bon vecteur de
l'écologie auprès des enfants, et en trouvant des partenariats.
Toutefois, son développement dépend étroitement de la conjonction
d'investissements publics et privés, en vue de la valorisation des sites
naturels pouvant constituer des points d'ancrage, de la préservation des
paysages, de l'aménagement des lieux culturels, de la réhabilitation de
l'habitat ancien et de villages, de la remise en navigation des rivières
anciennement éclusées et jadis naviguées.
Certaines actions relèvent directement de votre ministère, aussi bien au titre
de l'aménagement du territoire qu'à celui de l'environnement.
Je note d'ailleurs avec satisfaction la création d'un fonds de gestion des
milieux naturels, doté de 164 millions de francs. Celui-ci doit permettre de
financer la mise en oeuvre du réseau Natura 2000, le renforcement du réseau des
espaces protégés et des actions en faveur des sites et des paysages.
Vous avez relancé la procédure de classement de zones protégées par la
directive « habitat ». Celle-ci provoque de vives polémiques entre certains
acteurs, qui plaident pour le développement économique, et les « intégristes de
l'environnement », qui voudraient en faire des déserts vivants. Or il n'y a pas
d'incompatibilité de principe entre la protection de l'environnement et le
développement économique.
Des activités adaptées aux caractéristiques, aux contraintes et aux atouts de
l'environnement pourraient s'y développer harmonieusement, et je reviens là au
tourisme vert.
L'activité touristique est, dans l'esprit de certains, synonyme de pollution,
de destruction, mais il ne s'agirait pas de laisser se développer un tourisme à
grande échelle ou sauvage. Je laisse cela à votre réflexion, madame la
ministre.
(Applaudissements sur les travées du RDSE. - MM. les rapporteurs
applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à M. Lepeltier.
M. Serge Lepeltier.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, débattre de la
politique de l'environnement, c'est, à l'évidence, examiner les moyens
budgétaires qui lui sont alloués. Mais c'est plus encore s'interroger sur
l'évolution de nos législations, qu'il s'agisse de l'application du principe «
pollueur-payeur », de la fiscalité de l'écologie ou encore de la nécessaire
harmonisation européenne. C'est certainement aussi réfléchir à une nouvelle
approche de la protection et de la sauvegarde de la nature, susceptible de
répondre aux attentes légitimes et grandissantes de nos concitoyens en ce
domaine.
Incontestablement, l'environnement n'est plus, aujourd'hui, un domaine
marginal, et la société française, notamment dans ses composantes les plus
jeunes, en fait un axe prioritaire de préoccupation et de mobilisation.
Je me félicite, dès lors, madame la ministre, de plusieurs aspects
encourageants de votre projet de budget, même si, vous le dévinez aisément, les
sujets d'inquiétude l'emportent largement chez moi sur les motifs de
satisfaction.
Une augmentation de 14,8 %, à périmètre constant, par rapport à la loi de
finances initiale pour 1998, ce n'est pas négligeable, et les défenseurs de
l'environnement que nous sommes tous ne peuvent que s'en réjouir, à la
condition, toutefois, que d'éventuellles mesures de régulation budgétaire -
comme nous en voyons, hélas ! trop souvent - ne viennent pas ternir, dans les
mois à venir, cette croissance prometteuse.
De même, je note avec intérêt la prévision de financement, à hauteur de 164
millions de francs, du futur fonds de gestion des milieux naturels prévu par le
projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du
territoire, que vous avez par ailleurs déposé, madame la ministre, devant le
Parlement.
Dans la présentation qui nous en est faite, ce fonds devrait participer au
financement de la politique de préservation des milieux naturels et de la
biodiversité avec, notamment, en 1999, 68 millions de francs destinés à
l'accompagnement de la constitution du réseau européen Natura 2000, qui, je le
rappelle, vise à la conservation des habitats naturels, ainsi que de la faune
et de la flore sauvages.
S'il s'agit donc, par la création de ce nouveau fonds, de conforter
l'émergence de préoccupations environnementales dans la gestion des
territoires, de sorte que les milieux naturels deviennent à l'avenir, par leur
qualité, des atouts de développement. Je ne peux que m'associer à une telle
démarche. Encore faudra-t-il juger de sa réalité sur le terrain !
Que dire, en revanche, de la principale innovation qui nous est proposée ? Je
pense, bien sûr, à la déjà trop fameuse taxe générale sur les activités
polluantes.
Beaucoup s'inquiètent d'une telle réforme, et il est vrai que les craintes
sont, pour le moins, multiples et fondées. D'ailleurs, le Sénat en a déjà
largement débattu la semaine dernière.
Qui garantirait, en effet, dans les années à venir, la pérennité des dotations
budgétaires environnementales ?
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Personne !
M. Serge Lepeltier.
Comment ne pas redouter une déresponsabilisation des pollueurs, puisque la
nouvelle taxe serait déconnectée des besoins réels de financement des actions
de prévention ou de réparation des dégâts liés aux activités polluantes ?
Plus encore, comment ne pas comprendre, partager les très vives interrogations
des agences de l'eau, qui seraient confrontées, à partir de l'an 2000, au
nouveau dispositif avec l'intégration des redevances relatives à la pollution
de l'eau ?
Toutes ces incertitudes, nombre d'entre nous les ont exprimées ; je
n'insisterai donc pas.
Une seule certitude pourtant : il s'agirait bel et bien d'une mesure de
centralisation, ce qui est pour le moins paraxodal, il faut en convenir, à une
époque où la déconcentration et la décentralisation sont par ailleurs largement
prônées par le Gouvernement.
Quelles en sont les motivations ? Ne s'agit-il pas de faire du ministère de
l'environnement un ministère de plein exercice, de créer, en quelque sorte, une
administration spécifiquement nouvelle ?
Or le ministère de l'environnement ne devrait-il pas,
a contrario
,
rester un ministère transversal, aiguillon du Gouvernement ?
Devant toutes ces interrogations relatives, en particulier, à la taxe générale
sur les activités polluantes, vous le savez, madame la ministre, le Sénat a
fait un choix : en rejetant - chacun l'a rappelé - l'article 30 du projet de
loi de finances pour 1999, il a décidé de s'opposer à la création de la
nouvelle taxe.
Il faut, en effet, approfondir la réflexion sur les motifs de la fiscalité
écologique ou environnementale, qui doit d'abord s'appuyer sur un principe fort
de responsabilisation. Dans cette affaire - et c'est peut-être, madame la
ministre ce que l'on peut le plus vous repprocher - vous agissez dans la
précipitation, sans permettre une réflexion approfondie.
Par ailleurs, surtout lorsqu'on recherche un effet incitatif, il semble
opportun que la fiscalité écologique s'inscrive dans un cadre pluriannuel.
Enfin, il faut, naturellement, tenir compte du type de pollution et
s'interroger sur les objectifs précis que l'on veut assigner à une fiscalité
environnementale : s'agit-il essentiellement de rechercher un effet incitatif
et de limiter les atteintes à l'environnement ou s'agit-il de dégager des
ressources ?
Autant de questions, autant d'approches, à la fois différentes et
complémentaires, qui méritent, pour le moins, une réflexion approfondie.
Membre de la délégation du Sénat pour la planification, j'attache
personnellement la plus haute importance à ces sujets, car, au-delà des débats
budgétaires ou théoriques, ils concernent directement la vie quotidienne de nos
concitoyens, avec finalement un enjeu sous-jacent de santé publique
indéniable.
C'est pourquoi j'estime que la politique de l'environnement doit
prioritairement - cela a été relevé par de nombreux intervenants - privilégier
les acteurs de terrain, et particulièrement les élus locaux. Elle doit
essentiellement reposer sur chacun d'entre nous, favoriser la transparence et
les initiatives de sensibilisation, même si, naturellement, des mesures
contraignantes sont quelquefois indispensables. Encore faut-il qu'elles ne se
heurtent pas, sur le terrain, à d'autres impératifs. Je pense, bien sûr, à une
politique des déchets qui se donne pour objectif la valorisation agricole,
alors que les normes des produits agricoles empêchent l'utilisation des
composts. Comment, dès lors, en appeler à la responsabilité de chacun ?
J'aimerais, naturellement, madame la ministre, aborder encore bien des points
de votre projet de budget, mais, hélas ! le temps qui m'est imparti ne me le
permet pas.
Toutefois, sur la politique des déchets, permettez-moi simplement de formuler
une dernière interrogation.
A l'évidence, les plans départementaux d'élimination des déchets ont dû être
réorientés et des retards persistent dans leur élaboration.
Comme vous le savez, le recours à l'incinération a été largement surestimé.
Pouvez-vous nous donner des informations sur les conséquences de cette
surestimation ? Pensez-vous que l'objectif fixé pour 2002 sera respecté ?
Telles sont, madame la ministre, les trop brèves observations que je
souhaitais faire.
« Personne n'a le monopole de l'environnement », si vous me permettez cette
expression, même s'il prend souvent la figure emblématique de votre
personnalité. Nous sommes tous concernés, quelles que soient nos propres
sensibilités politiques.
Si votre projet de budget comporte, il est vrai, certaines avancées, je
redoute, comme beaucoup, en dépit de son apparence encourageante, les menaces
qu'il pourrait faire peser sur l'avenir, en particulier le risque d'une
banalisation administrative de votre ministère, alors même que les autres
ministères doivent impérativement intégrer les préoccupations
environnementales.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, pour commencer,
remercier vos trois rapporteurs, M. Oudin, qui est intervenu au nom de M.
Adnot, et MM. Bizet et Dupont, pour la clarté de leur présentation du budget,
même si, vous n'en serez pas surpris, je ne partage ni leurs analyses ni leurs
conclusions.
Permettez-moi de revenir quelques instants sur le bilan de l'année écoulée.
Beaucoup de choses ont déjà été faites, me semble-t-il, et de nombreux
chantiers ont été ouverts ; j'en citerai douze.
Premier chantier : la relance de Natura 2000, dossier que j'avais trouvé
bloqué lors de mon arrivée et sur lequel je reviendrai.
Deuxième chantier : la protection de nouveaux espaces - préparation de trois
nouveaux parcs nationaux, de plusieurs parcs naturels régionaux, dont le
Périgord-Limousin et le Gâtinais français, préparation et mise en place de
nouvelles réserves naturelles.
Troisième chantier : des initiatives visant à mieux maîtriser les pollutions
d'origine agricole, en particulier dans les zones d'excédents structurels,
initiatives qui sont menées en concertation avec le ministère de l'agriculture,
comme l'a demandé M. Le Cam. Ces initiatives ont soulevé d'énormes difficultés
suscitant l'incompréhension de citoyens exaspérés par le contraste entre
l'ampleur des dégâts, le montant des sommes qu'ils sont amenés à consacrer à la
réparation de ces dégâts et la relative inefficacité, sur le plan de
l'environnement, des mesures prises jusqu'alors.
Quatrième chantier : la réforme des instruments de gestion de cette ressource
rare et collective qu'est l'eau ; j'y reviendrai longuement.
Cinquième chantier : l'ouverture d'une politique permettant une réelle
diversification de nos choix énergétiques, ainsi que les progrès concernant un
meilleur contrôle et une plus grande transparence en matière nucléaire.
Sixième chantier : la révision de notre politique de traitement des déchets
ménagers et des déchets industriels.
J'ai noté que M. Vasselle se réjouissait de la qualité de la circulaire qui a
été élaborée. Outre cette circulaire, il a été envisagé de procéder, dans
chacun des départements, à une analyse des plans départementaux. Des conseils
ont été donnés aux préfets. Ont été pris en charge les plans régionaux
d'élimination des déchets spéciaux et le problème des déchets de chantiers. Des
centaines de réunions ont eu lieu. De nombreux rendez-vous ont été pris. Bien
peu de parlementaires ne sont pas allés chercher des conseils auprès des quatre
malheureux fonctionnaires chargés de cette politique dans mon ministère. Ont
également été élaborés des textes tendant à apporter la sécurité aux
agriculteurs qui acceptent d'épandre des boues et aux consommateurs des
produits alimentaires récoltés sur ces terres. Tout cela a été et demeure
encore extraordinairement lourd.
Septième chantier : le meilleur contrôle et l'amélioration de la connaissance
des sites pollués.
Huitième chantier : l'accélération, sur les plans national et communautaire,
de la lutte contre la pollution de l'air ; j'y reviendrai.
Neuvième chantier : une nouvelle dynamique en matière de lutte contre l'effet
de serre, à la suite des conférences de Kyoto et de Buenos-Aires.
Dixième chantier : la mise en place de la fiscalité écologique, qui ne se
limite pas à la TGAP.
Onzième chantier : la création de près de dix mille emplois-jeunes dans le
secteur de l'environnement.
Enfin, douzième chantier : le lancement d'un grand chantier pour engager la
réforme de l'utilité publique.
Cependant, beaucoup reste à faire pour que chacune et chacun d'entre nous
modifie ses comportements quotidiens et acquièrent le « réflexe environnement
».
Beaucoup reste à faire pour que la politique de préservation et de
valorisation de l'environnement soit perçue non comme du « poil à gratter »,
comme un ensemble de contraintes et de règlements, mais comme une volonté
commune, au service de l'ensemble des habitants, des générations présentes
comme des générations futures, des citoyens comme des entreprises, au service
de l'emploi et du développement durable, comme l'a bien montré M. Raoult. Il
semble que l'on en soit loin, puisque l'on continue ici à caricaturer les
aspirations de millions de Français à une eau pure, à un air sain, à des
milieux vivants, à des aliments de qualité. Cela fait longtemps que je n'avais
pas entendu parler des quelques « intrégristes de l'environnement » qui
prétendent imposer leurs objectifs de façon arbitraire. En vous écoutant, je me
suis sentie rajeunir !
Au regard de l'immensité des tâches qui restent à accomplir, j'ai pris
conscience, assez rapidement, de l'inadéquation flagrante entre les moyens dont
dispose le ministère chargé de l'environnement et les attributions que les
gouvernements successifs et la société tout entière lui ont confiées.
Depuis près de dix ans, le ministère de l'environnement est resté « collé »
aux environs de 0,14 % du budget civil de l'Etat. Pourtant, dans le même temps,
combien de nouvelles missions, combien de nouvelles attributions lui ont été
confiées !
Dans les domaines de la nature et des paysages, des déchets, de la lutte
contre la pollution de l'air ou de l'eau, ou encore de la prévention des
risques, le ministère de l'environnement, au service d'une exigence citoyenne,
a peu à peu été doté - que cela plaise ou non ! - de missions régaliennes. Il
prépare la loi et la met en oeuvre. Il participe au droit communautaire et à
son application. Il exerce des missions de police, préventives ou répressives.
Il tente de répondre à des attentes de plus en plus fortes, de plus en plus
précises et de plus en plus complexes des citoyens.
Il s'agit bien de faire de ce ministère un ministère de plein exercice, avec
de vrais personnels. Les personnels de l'environnement, dévoués et compétents,
ne s'y trompent d'ailleurs pas lorsqu'ils réclament un véritable service public
de l'environnement, des moyens plus importants pour accomplir leur travail.
Monsieur Lepeltier, c'est votre rapporteur lui-même qui qualifie ce ministère
de « ministère de l'impossible ». La seule chose qui le soit, impossible, c'est
de continuer à faire « comme si », avec des bouts de ficelles, et en ayant la
seule satisfaction d'être l'aiguillon, ou la mouche du coche. Je n'ai pas la
vocation !
Le budget de l'environnement français est plus faible que celui de la plupart
des pays européens, qu'ils aient une structure politique fédérale ou unitaire.
Il est plus faible que dans des pays moins riches que le nôtre, que dans des
pays suspectés, parce qu'ils sont du sud de l'Europe, d'une plus grande
indifférence à la qualité de l'environnement.
C'est pourquoi j'ai plaidé auprès du Premier ministre pour que l'environnement
figure, pour la première fois, dans les priorités budgétaires du Gouvernement,
telles qu'elles sont établies par les lettres de cadrage. J'ai plaidé pour que
cette priorité se traduise non pas par quelques points supplémentaires de
progression, mais par une véritable première étape de mise à niveau.
J'ai été entendue ! Le projet de budget de l'environnement que j'ai présenté
affiche une progression, à périmètre et fonctions constants, de 15,6 % de
projet de loi de finances à projet de loi de finances, et de 14,8 % de loi de
finances initiale à projet de loi de finances. Je le dis avec plaisir, avec
fierté, et je remercie MM. Raoult, Signé, Le Cam et Richert, qui, avec d'autres
- qui se sont exprimés avec peut-être moins de force et moins de générosité -
ont souligné cette progression.
A périmètre et fonctions modifiés, la progression est de 110 %.
Je reviendrai, naturellement, sur les composantes de cette progression, qui,
je l'ai bien entendu, suscite quelques interrogations de votre part et que
votre rapporteur vous propose de réduire.
A périmètre et fonctions constants, le budget de l'environnement qui vous est
proposé s'établira, en 1999, à 2 180 millions de francs. Les mesures nouvelles,
qui s'élèvent à environ 300 millions de francs, répondent à trois priorités :
renforcer le socle du ministère, mieux assurer la gestion et mieux valoriser
les espaces et milieux naturels, enfin mieux prévenir les risques - naturels,
industriels ou technologiques - qui menacent les personnes et les biens.
Les effectifs du ministère de l'environnement sont de 2 412 agents, soit 0,13
% des effectifs civils de l'Etat. Ces effectifs ne permettent ni d'assurer les
fonctions essentiels d'une administration centrale, en particulier dans les
domaines juridique, international, de gestion des ressources humaines ou
d'expertise économique, ni d'assurer, dans les DIREN, la mise en oeuvre des
politiques de l'environnement.
Aussi, 140 emplois seront créés en 1999, dont 89 dans les DIREN, 29 en
administration centrale et 22 dans les DRIRE, au titre de l'inspection des
installations classées. Ainsi, nous atteindrons, dans les DRIRE, un effectif de
796 personnes, en comptant les inspecteurs des services vétérinaires, pour plus
de 63 000 établissements à contrôler. Est-ce de la mauvaise gestion ? Est-ce du
clientélisme ? Monsieur de Montesquiou, vous auriez du mal à répéter vos propos
devant nos inspecteurs des installations classées.
Il ne s'agit pas là de contribuer à un gonflement des effectifs de l'Etat,
comme ont semblé le déplorer MM. Oudin et Bizet. Vous l'avez vu, cet effort en
faveur de l'environnement, comme celui qui est effectué, par exemple, en faveur
du ministère de la justice, s'accompagne d'une stabilité globale des emplois de
l'Etat.
C'est pourquoi, en dehors de l'expression d'une position de principe, qui me
paraît quelque peu dogmatique puisque vous avez vous-même dit, monsieur le
rapporteur, qu'il ne s'agissait pas de nier les besoins en cause, je ne
comprends pas les raisons qui vous conduisent à proposer la suppression de ces
140 créations d'emplois. Je le comprends d'autant moins que j'ai eu l'occasion,
interpellée par vous-même lors d'une séance de questions orales, de vous
expliquer très sincèrement et très directement les difficultés auxquelles mon
ministère est confronté sur le terrain juridique, sur le terrain international,
pour répondre au courrier, pour prendre en charge des politiques aussi lourdes
que celle qui concerne les déchets, par exemple.
Je vous indique au passage que le rapport annuel prévu par l'article 41 de la
loi du 3 janvier 1986 relève des responsabilités du ministère de l'équipement,
du logement et des transports. Voilà quelques mois, vous m'avez dit que cela
faisait douze ans que vous réclamiez ce rapport. C'est peut-être parce que vous
n'avez pas frappé à la bonne porte ! Je serai donc heureuse de relayer votre
demande auprès de mon collègue Jean-Claude Gayssot.
Ce renforcement du socle du ministère s'accompagne aussi de moyens de
fonctionnement supplémentaires : en matière de formation, dans le domaine de la
communication et de l'information, dans le secteur de nos activités
internationales et communautaires, en matière d'informatisation des services -
tant centraux que déconcentrés - et, enfin, dans le domaine immobilier.
Je souhaite, en particulier, que les agents des DIREN puissent travailler dans
des conditions plus décentes et que les services, lorsqu'ils sont éparpillés
sur plusieurs sites, puissent être regroupés.
Le renforcement du socle du ministère n'a de sens que si ces moyens de
fonctionnement supplémentaires sont mis, avec efficacité, au service des
politiques conduites par le Gouvernement.
S'agissant de la protection et de la valorisation des milieux et espaces
naturels, il s'agit, là encore, de rattraper le retard accumulé depuis bien des
années, en particulier pour Natura 2000.
C'est ainsi qu'il sera procédé, en 1999, à la création et à la dotation du
fonds de gestion des milieux naturels, le FGMN. Ce fonds a pour objet de
favoriser toutes les politiques contractuelles en faveur des espaces naturels
et de la diversité biologique.
Il assurera notamment, comme l'a bien montré M. Ambroise Dupont, le
financement de la politique de connaissance et d'inventaire de la diversité
biologique et des milieux naturels, ainsi que du suivi de leurs évolutions, qui
ont été saluées par M. Richert.
Il assurera le financement de Natura 2000 et des actions communautaires.
Monsieur Ambroise Dupont, vous avez souligné que les sommes consacrées à ce
thème représentent 73 francs par hectare. C'est un calcul un peu rapide. En
effet, il s'agit, dans cette première phase, de rédiger les cahiers d'habitat,
d'élaborer les documents d'objectifs, d'animer et de suivre sur le plan
scientifique ces sites, avec l'aide d'ailleurs de crédits LIFE, l'instrument
financier pour l'environnement.
Vous comprendrez qu'il n'est pas question encore d'indemniser ou de rémunérer
un service rendu à la collectivité, puisque, à ce stade de concertation, ce
service est uniquement virtuel.
Je voudrais souligner l'état d'esprit très constructif qui prévaut au sein des
instances de concertation à l'échelon national et local, mais aussi sur le
terrain, comme l'a rappelé d'ailleurs M. Raoult.
Monsieur Joly, il n'y a d'opposition entre les bons protecteurs de
l'environnement et les intégristes que dans vos fantasmes, me semble-t-il. Sur
le terrain, cela se passe bien. Je peux vous assurer que, s'agissant de notre
région, par exemple, je n'aurais pas, voilà un an, imaginé que l'on pourrait,
dans un si bon esprit, communiquer des sites aussi importants, des sites sur
lesquels sont impliqués des chasseurs, des forestiers, des agriculteurs, des
protecteurs de l'environnement, qui, globalement, et sans l'intervention ni de
la ministre ni du sénateur, ont réussi à se parler.
Le FGMN contribuera aussi à la politique des parcs naturels régionaux, des
conservatoires régionaux d'espaces naturels et des réserves de biosphères.
Sur ce point, je voudrais rassurer M. Signé. Je suis très consciente de
l'intérêt majeur de la politique des parcs naturels régionaux. A bien des
égards, ils ont montré que l'on pouvait concilier qualité des milieux, création
d'emplois, développement local et dynamique économique. Ils ont été les modèles
de bien des projets de pays, parce que ce qui est possible dans ces zones
difficiles doit l'être ailleurs. Je n'ai donc absolument pas l'intention, à
l'occasion de la présentation du projet de loi d'orientation d'aménagement et
de développement durable du territoire, de laisser planer le moindre doute sur
ce point. Les parcs naturels régionaux et les pays doivent être compatibles,
dans le respect du rôle et de l'identité des uns et des autes. Comme vous
l'avez souligné, les pays, ce seront avant tout des espaces de projets, qui ne
devraient donc pas, dans leur définition, dans leur périmètre, entrer en
compétition avec les dynamiques déjà à l'oeuvre sur le terrain.
Le FGMN assurera également le financement du programme de conservation de la
diversité biologique, et principalement les espèces sauvages telles que l'ours,
le lynx, ou les espèces végétales sauvages, par le biais des conservatoires
botaniques nationaux.
Ce fonds sera doté, en 1999, de 164 millions de francs, dont 90 millions de
francs de mesures nouvelles. Natura 2000 bénéficiera de plus de 100 millions de
francs.
De la même manière, ce budget prévoit une progression de la dotation affectée
aux réserves naturelles, ce qui permetra de créer neuf nouvelles réserves en
1999, après les huit créations de 1998.
La dotation dont bénéficiera le Conservatoire de l'espace littoral et des
rivages lacustres sera, elle aussi, augmentée et portée à 135 millions de
francs en autorisations de programme, contre 125 millions en 1998.
La cotutelle exercée par mon ministère sur le Muséum national d'histoire
naturelle et sur l'Ecole du paysage sera renforcée.
Cet ensemble de mesures et de moyens nouveaux s'accompagne de dispositions en
faveur du monde associatif. Je crois en effet beaucoup à la vertu du dialogue.
Je ne crois pas, monsieur Richert, avoir déposé le moindre projet de loi sans
concertation, ni dans le domaine de l'environnement, ni dans le domaine de
l'aménagement du territoire. S'agissant du projet de loi d'orientation,
d'aménagement et de développement durable du territoire, cette concertation a
duré des mois, trop longtemps, même, si j'en crois ceux qui auraient souhaité
que ce texte soit examiné plus tôt par le Parlement.
Je crois à la vertu du dialogue, disais-je, mais aussi à la force de la
contre-expertise exercée par le monde associatif, dès lors que les problèmes
sont traités en amont. Les résultats des concertations menées, dans le cadre de
la commission nationale du débat public, à l'occasion des dossiers de Port 2000
et de la ligne à très haute tension Boutre-Carros, en témoignent.
Je voudrais, ici, vous rassurer : je ne crois pas, pour ma part, que les
associations constituent en quoi que ce soit des obstacles au développement
économique. Bien souvent, elles interviennent en amont des problèmes, elles
font en sorte que la loi soit respectée. Je souhaite que cette augmentation des
moyens qui seront accordés aux associations permette de renforcer les
contre-pouvoirs, de favoriser, notamment de façon contractuelle, une
participation plus efficace des associations en amont de la prise de décision,
d'améliorer les projets et de réduire les contentieux.
L'octroi de ces subventions répond à des règles précises, monsieur Joly,
beaucoup plus transparentes, si j'en crois certains articles de presse, que
celles qui président à l'utilisation de la réserve parlementaire.
Je suis de bonne humeur et il est tard mais, vous me permettrez de le dire, je
n'apprécie guère les accusations larvées de manque d'objectivité dans
l'attribution des subventions. Je rappelle qu'elles sont très largement
déconcentrées et que seule une part modeste est utilisée sur le plan national
pour des associations d'envergure nationale dont vous avez la liste et que vous
connaissez bien. Ces associations relèvent de la loi de 1901, certaines étant
d'ailleurs reconnues d'utilité publique.
Le partenariat que je souhaite instaurer entre les élus, l'administration et
le milieu associatif a un prix. Il me semble, en conséquence, que la
proposition de votre rapporteur de procéder à la réduction, de 11,5 millions de
francs, des crédits consacrés au monde associatif est contre-productive, au
regard de l'objectif que nous cherchons tous à atteindre.
La prévention des risques, naturels, technologiques ou industriels, constitue
une autre priorité pour mon ministère.
Cette prévention, pour être efficace, demande tout d'abord que soient
développés les instruments de connaissance des milieux et d'évaluation des
risques. C'est pour cela que j'ai décidé un renforcement de l'Institut français
de l'environnement, l'IFEN, et de l'Institut national de l'environnement
industriel et des risques, l'INERIS. M. Joly a bien voulu utiliser les travaux
les plus récents de l'IFEN pour étayer son argumentation, ce qui montre la
qualité des travaux de cet institut, qui bénéficiera, en 1999, de mesures
nouvelles pour un montant de 8 millions de francs.
L'INERIS bénéficiera, quant à lui, de mesures nouvelles d'un montant supérieur
à 22 millions de francs. Cela devrait notamment lui permettre de développer
deux nouveaux pôles de compétences, l'un consacré aux carrières, l'autre à
l'écotoxicologie, sujets importants, même si votre rapporteur propose de
réduire le nombre d'emplois dans cet institut.
Parallèment, il s'agit aussi d'organiser, sur le terrain, une meilleure
prévention, au service de la protection des biens et des personnes.
Ainsi, le plan « Loire », qui abordera, en 1999, sa deuxième phase, et le
programme décennal de prévention des risques naturels bénéficieront d'une
dotation globale de 346 millions de francs. De plus, j'ai décidé qu'il
convenait que l'Etat cesse de se désintéresser de son domaine public fluvial,
outre celui de la Loire. Une mesure nouvelle, à hauteur de 9 millions de
francs, est ainsi inscrite en dépenses ordinaires.
Parallèlement, le système d'annonces de crues sera renforcé, à travers une
augmentation de plus de 15 % de la dotation qui lui est allouée.
Comme vous le savez, les lois du 22 juillet 1987 et du 2 février 1995 ont
institué, d'une part, un droit du citoyen à l'information sur les risques
naturels et technologiques majeurs, et, d'autre part, le renforcement de la
protection de l'environnement à travers des plans de prévention des risques,
les PPR.
Dans son rapport remis au début de l'année 1998, l'instance d'évaluation et de
prévention des risques naturels a préconisé d'aller au-delà de l'objectif
initial de 2 000 plans de prévention des risques en l'an 2000, et d'en réaliser
10 000 au cours des dix prochaines années.
Avec seulement 1 800 documents valant PPR approuvés à la fin de 1998, nous
sommes loin du compte. Aussi, la dotation consacrée à la réalisation de ces
plans comme à l'information préventive passera de 42 millions de francs en 1998
à 67 millions de francs en 1999.
J'entends aussi consolider notre effort tant dans la lutte contre la pollution
atmosphérique que dans la lutte contre l'augmentation de l'effet de serre.
Plus de 235 millions de francs seront ainsi affectés, dans mon budget, à la
mise en oeuvre de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de
l'énergie.
M. Richert, s'intéressant au dispositif concernant les particules fines, s'est
demandé pourquoi le décret du 6 mai 1998 ne reprenait pas cet élément
effectivement très important. Le Gouvernement attache une importance
particulière, monsieur Richert, à la pollution des particules, comme en
témoigne le relèvement de la fiscalité sur le gazole - dont je veux bien
admettre qu'il aurait pu être plus marqué, comme l'un des honorables
parlementaires l'a souligné et demandé - ainsi qu'au développement en France
d'une véritable mesure des particules fines grâce aux crédits de mon ministère
; plus de cent capteurs ont été achetés. Je rappellerai aussi l'accord du
Conseil européen de juin 1998 pour fixer des valeurs limites basses et
ambitieuses spécifiquement pour les particules. Des efforts importants nous
attendent pour respecter ces valeurs limites, si elles sont confirmées.
Je pense encore à la pression que nous maintenons sur les installations fixes
avec l'arrêté « petites installations de combustion » de l'an passé.
Si le décret du 6 mai 1998 n'a pas repris de valeurs pour les particules
fines, c'est tout simplement parce que la réglementation européenne est en
train d'être révisée, de manière rapide. Dès que les directives européennes
seront finalisées, le Gouvernement en tirera les conséquences pour fixer de
nouveaux seuils réglementaires. La priorité reste pour nous le développement de
la surveillance et de l'information. C'est le préalable à la mise en place de
procédures d'alerte.
Outre ces trois priorités, deux éléments modifient fortement le périmètre et
les moyens alloués au ministère de l'environnement.
En premier lieu, comme vous le savez, le Premier ministre a décidé, en février
1998, qu'il convenait de relancer la politique française de maîtrise de
l'énergie et le développement des énergies renouvelables. Nous avons, dans ce
domaine, accumulé un retard important. Or, vous le savez, la seule énergie qui
ne pollue pas est celle qui n'est pas consommée.
J'ai été étonnée, que dis-je ? scandalisée, de voir que, dans le rapport qui
vous était présenté, la relance de la politique de maîtrise de l'énergie et des
énergies renouvelables était qualifiée de « prématurée ». Quant aux économies
d'énergies, « elles ne correspondent pas à une nécessité urgence dans le
contexte économique actuel ». Les bras m'en tombent !
Peut-on sérieusement considérer que le poids des factures d'électricité, de
gaz, de fioul ou de l'achat de carburant n'ont pas de répercussion sur le
budget des familles modestes ? La campagne contre le chauffage électrique
n'a-t-elle vraiment aucun intérêt social ?
Je voudrais vous convaincre que la diminution des émissions de gaz par les
voitures, les autobus, les poids lourds, ou encore l'isolation des logements
sont des mesures qui, au même titre que la réduction de la consommation dans le
domaine énergétique proprement dit, allient justice sociale, création d'emplois
- M. Raoult l'a bien souligné - et développement d'activités économiques.
J'invite ceux qui doutent encore à visiter l'année prochaine le salon Pollutec.
De très nombreuses PMI et PME témoignent de la vitalité de ce secteur, qui, je
le précise, fonctionne sans aides publiques.
En accompagnement de cette relance, il a été décidé une dotation nouvelle,
annuelle et donc pérenne, à hauteur de 500 millions de francs. Cette dotation
sera versée à l'ADEME, qui a en charge cette mission nouvelle. Les deux tiers
de cette dotation, soit 333 millions de francs, seront versés par le ministère
chargé de l'environnement et le solde sera versé par le secrétariat d'Etat à
l'industrie, si l'Assemblée nationale confirme le vote qu'elle a émis en
première lecture.
Je constate en effet qu'un des amendements présentés par M. le rapporteur
spécial conduirait à ne pas mettre en oeuvre cette nouvelle politique. Je
souhaite que votre assemblée ne retienne pas cette proposition et qu'elle
considère, avec le Gouvernement, qu'il est fondamental que notre pays se donne
les moyens de diversifier, progressivement et au rythme où il le souhaite, ses
choix énergétiques.
Ce serait d'ailleurs l'occasion d'allier l'efficace en termes d'emploi à
l'agréable sur le plan environnemental en ce qui concerne les lignes à très
haute tension. L'effacement de ces dernières est non seulement difficile d'un
point de vue technique mais aussi presque infinançable, comme M. Dupont,
rapporteur pour avis, l'a souligné avec beaucoup de lucidité.
Je tiens à rappeler que toutes les sources d'énergie décentralisées, toutes
les économies d'énergie peuvent être utilisées utilement pour limiter l'impact
paysager et le coût de lignes électriques qui zèbrent le paysage avec des
conséquences que nous déplorons tous évidemment.
Enfin, comme vous l'avez constaté en supprimant, dans la partie recettes, les
dispositions de l'article 30 du projet de loi de finances, le Gouvernement vous
a proposé l'institution d'une taxe générale sur les activités polluantes. Cette
taxe est l'un des éléments majeurs du volet relatif à la fiscalité écologique
que le Premier ministre, Lionel Jospin, a appelé de ses voeux, sur ma demande,
dès l'automne 1997.
Je voudrais essayer de vous convaincre de l'importance de cette mesure et de
ses vertus environnementales.
Tout d'abord, la TGAP n'est pas un impôt supplémentaire. Elle est un
instrument innovant pour une fiscalité environnementale plus simple, plus
moderne, plus efficace.
Jusqu'à présent, la fiscalité écologique, héritière des années pionnières du
ministère de l'environnement, était fondée sur des principes défensifs, par le
biais de taxes affectées. Il s'agissait, à travers ces taxes affectées, non pas
de dissuader les activités polluantes et d'inciter à des comportements plus
vertueux, mais simplement de dégager les ressources permettant de réparer les
dommages occasionnés à l'environnement par les activités polluantes.
C'était une première application du principe « pollueur-payeur », mais une
application imparfaite, assimilée davantage par certains à un principe «
pollueur-sociétaire » ou « pollueur-mutualiste ». Or le fait d'avoir payé pour
financer la réparation d'une pollution ne doit pas conduire à pérenniser les
conduites polluantes.
Il n'y a rien à voir avec le principe pollueur-payeur que nous souhaitons
appliquer grâce à la TGAP. Il s'agit de renforcer le lien entre, d'une part, le
niveau et l'intensité de la pollution et, d'autre part, le niveau de la
contribution. Contrairement à ce qu'a cru pouvoir affirmer la commission des
finances du Sénat, je tiens beaucoup à ce lien, car il s'agit d'adresser un
message de prévention, et donc une incitation à un comportement plus vertueux.
Dès lors, la déconnexion entre le rôle tenu par l'instrument fiscal et le
montant nécessaire à la réparation est inévitable.
C'est cette déconnexion qui permettra, à prélèvements globaux constants, de
dégager de nouvelles ressources fiscales et donc de réduire notamment des
prélèvements pesant sur l'emploi. C'est ce que l'on appelle le « second
dividende ». M. Oudin l'a qualifié de curiosité. Je veux bien. Mais il s'agit
d'une curiosité qui fonctionne dans certains pays de l'Europe du Nord.
M. Jean Bizet,
rapporteur pour avis.
De moins en moins !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
En 1999,
la TGAP concernera les taxes jusqu'alors prélevées directement par l'ADEME.
Cela permettra un renforcement de cette dernière, sans lui faire perdre une
quelconque once d'autonomie. Globalement, l'ADEME bénéficiera, en 1999, de
ressources d'un montant supérieur d'environ 40 % au rendement estimé des taxes
parafiscales en 1998.
En effet, il est clair, pour moi, que l'ensemble des organismes dont l'origine
du financement serait modifiée à l'occasion de la TGAP doivent bénéficier d'une
garantie de ressources dans la durée leur permettant de mettre en oeuvre et de
développer les missions qui leur sont confiées.
Cette garantie de ressources devrait, pour l'ADEME, être assurée par la
signature d'un contrat de plan entre l'agence et l'Etat. Mais au-delà, qui
d'autre que le Parlement peut accorder cette garantie, à l'occasion de l'examen
des lois de finances annuelles ou de lois de programmation pluriannuelles ?
Je suis, à cet égard, quelque peu étonnée de constater que la réforme de la
fiscalité écologique est quelquefois critiquée parce qu'elle serait «
recentralisatrice », alors qu'il me semble au contraire qu'elle redonne au
Parlement le rôle qui est le sien en cette matière. Je suis d'ailleurs d'autant
plus étonnée lorsque ces critiques émanent des parlementaires eux-mêmes !
J'ai entendu tout à l'heure M. Gérard Le Cam en appeler à une nationalisation
des services de l'eau. Je voudrais le convaincre que la mise en place d'un
outil facilitant une approche non seulement plus globale mais aussi plus
redistributive et plus solidaire pourrait sans doute l'aider à avoir une vision
plus juste des moyens mobilisables pour cette politique et pour une
redéfinition des responsabilités de ce service, responsabilités qui ont été
rappelées dans une communication que j'ai faite le 20 mai dernier en conseil
des ministres.
Je suis particulièrement chagrinée que votre rapporteur, en proposant la
suppression de la contrepartie budgétaire de la TGAP, propose par là même que
le Parlement renonce, à l'avenir, à l'exercice des pouvoirs qui lui sont
pourtant confiés par la Constitution.
S'agissant de l'application de la TGAP à l'eau, j'avais annoncé, dès cet été,
qu'elle ne ferait l'objet d'aucune inscription au projet de loi de finances
pour 1999. J'avais également indiqué que les décisions du Gouvernement ne
seraient prises qu'après concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.
Cette concertation a commencé, et elle continue. C'est pourquoi je considère
qu'il y a sans doute eu, ici ou là, quelques campagnes de désinformation à cet
égard.
D'ailleurs, après avoir écouté le scénario catastrophe de M. Vasselle, je
ressens le besoin de rappeler un certain nombre de choses que j'ai souvent
dites.
Tout d'abord, il est hors de question de remettre en cause le système des
agences de bassin et l'autonomie financière de celles-ci. Je constate
d'ailleurs que, si M. le rapporteur spécial a cité quelques phrases élogieuses
émises par le commissariat général du Plan à propos des agences de bassin, il a
passé sous silence les préconisations de ce même commissariat général du Plan
visant à rendre le système plus juste, plus efficace et plus démocratique.
Dans son intervention, il s'est d'ailleurs dit prêt à reconsidérer les
modalités d'action et le dispositif de financement des agences de bassin, à
condition que ces dernières soient confirmées dans leur rôle et qu'elles
puissent disposer des ressources nécessaires à la poursuite de leurs actions.
Je m'engage sur ce point.
En effet, nous avons retenu le principe de l'examen par le Parlement d'un
projet de loi de programmation pluriannuelle permettant de définir très
précisément les programmes agence par agence et les moyens qui doivent y être
affectés, ainsi que le mode d'évolution des redevances.
MM. Bizet et de Montesquiou ont craint que les agriculteurs ne soient amenés,
dans l'avenir, à voir leur contribution accrue. C'est probable, et je dirai
même que c'est souhaitable.
Une bonne partie des irriguants, par exemple, n'ont toujours pas de compteur
permettant de vérifier l'ampleur des prélèvements dans les nappes
phréatiques.
M. Aymeri de Montesquiou.
C'est faux !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Non, ce
n'est pas faux ! Ou alors il faut admettre que vous n'allez jamais sur le
terrain, monsieur le sénateur !
M. Aymeri de Montesquiou.
Je suis agriculteur !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je veux
alors bien admettre que vous ayez, vous, un compteur ; mais - bien des
gestionnaires de syndicats des eaux le savent - notre appréciation de l'ampleur
des prélèvements dans certaines régions d'irrigation est extrêmement vague pour
la simple raison qu'il n'y a pas de compteurs !
M. René-Pierre Signé.
Evidemment !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je ne
souhaite pas désigner les agriculteurs comme des pollueurs et je salue les
efforts qui ont été faits par la profession. Je constate seulement que l'on est
encore loin du compte et que, loin d'adopter des mesures de prévention à la
hauteur des besoins, nous sommes en général en retard, et notre course derrière
les pollutions n'a que très peu de succès.
Je considère en tout cas pour ma part qu'il est indispensable d'encourager de
bonnes pratiques agricoles, ou dans le cadre des CTE ou dans certains secteurs
de l'agriculture, qu'il s'agisse de « niches » ou de secteurs appelés à prendre
du poids.
Il est certain que l'agriculture biologique, qui est chère, c'est vrai, ne
bénéficie pas, en général, de prime à l'hectare pouvant atteindre ou dépasser 3
000 francs et qu'elle assume des coûts supplémentaires, liés, d'une part, à de
bonnes pratiques agricoles et, d'autre part, au nombre de bras, souvent plus
important qu'ailleurs, auquel ces exploitations doivent faire appel.
Le débat sur l'agriculture de demain n'est pas clos, et je me réjouis de voir
que bien des agriculteurs - une majorité d'entre eux sans doute - ont pris
conscience de la nécessité d'agir davantage en amont et de modifier leur
pratique. Mon ministère sera heureux d'y contribuer pour ce qui le concerne.
Mais j'en reviens à la TGAP.
La concertation a commencé, disais-je. Elle n'est pas achevée. Lors de la
réunion de concertation qui s'est tenue le 20 novembre à mon ministère, une
proposition d'application de la TGAP au secteur de l'eau a été soumise aux
représentants de chacun des bassins. Il me semble, compte tenu des réactions
des uns et des autres, que nous tenons là une piste susceptible de recueillir
l'assentiment, si ce n'est l'adhésion, des uns et des autres. Cette piste doit
encore être affinée. J'aurai néanmoins l'occasion de la présenter devant les
responsables des comités de bassin à Orléans, dans quelques jours.
J'en viens à la taxe de mise en décharge et à la baisse de la TVA sur la
collecte sélective et le tri, ainsi que sur la valorisation matière. MM.
Vasselle et Eckenspieller m'ont interpellée sur cette politique.
Vous l'aurez compris, il s'agit de donner des signes encourageant l'adoption
de bonnes pratiques et décourageant des comportements que nous considérons
comme moins intéressants du point de vue de l'environnement.
Monsieur Eckenspieller, je ne soupçonne pas les élus locaux de freiner les
évolutions ; je constate une réalité contrastée, et j'essaie de me donner les
moyens d'accélérer la prise de conscience et les décisions concrètes sur le
terrain.
Tout n'est pas parfait. J'ai bien noté la remarque de M. Vasselle concernant
la collecte de journaux et de magazines. Nous n'avons pas été capables de
monter un dispositif crédible et applicable. Je souhaite pouvoir y revenir
prochainement, car - je le dis tout net - je partage la critique de M. Vasselle
à l'égard du dispositif que nous avons conçu.
S'agissant de la chasse, loin de faire l'impasse sur le lien entre les
fédérations et les gardes, j'ai engagé, lorsque le Conseil d'Etat a annulé le
statut des gardes, le chantier de la rénovation de ce statut. J'ai été
confrontée à une difficulté imprévue : la décision prise par les présidents des
fédérations de chasse d'interrompre du jour au lendemain le service de la paye
et la prise en charge des factures liées au fonctionnement de la garderie.
Ces payes ont été prises en charge très rapidement par l'Office national de la
chasse, mais dans des conditions que je qualifierai d'acrobatiques.
Aujourd'hui, c'est dans un contexte complètement renouvelé que nous travaillons
à l'évolution du statut des gardes.
« Qu'a entrepris le Gouvernement pour éviter la condamnation de la Cour de
justice ? », m'a demandé M. Le Cam ? Les choses sont très claires : depuis des
mois, j'ai essayé de vous convaincre du fait qu'il n'y avait aucune chance de
modifier la directive dans la mesure où la quasi-totalité des pays européens
l'avait mise en oeuvre sans difficulté particulière et, en général, dans un bon
climat entre chasseurs et protecteurs.
Un quotidien du matin a publié, hier, un article de Mme Ritt Bjerregaard,
commissaire européen à l'environnement : « La Commission considère... que les
dates d'ouverture et de fermeture de la chasse, fixées par la législation
française, ne sont pas compatibles avec le droit communautaire pour plusieurs
espèces. » Je poursuis : « La décision de la Commission est d'autant plus
inévitable que le Parlement français a adopté, cette année, une nouvelle loi
rendant encore plus flagrante l'infraction à la directive communautaire. » Je
passe les explications : « Comme la mise en oeuvre de la directive concerne
l'Union européenne, j'ai demandé à tous les Etats membres et à mes services
d'explorer les clarifications éventuelles de la directive qui permettraient à
la France de mieux cerner les aménagements à apporter à la loi française pour
se conformer à la directive. »
Vous l'aurez noté, il est proposé non pas de modifier la directive, mais de
voir comment la France pourrait adapter sa loi. Je poursuis la citation : « Les
diverses démarches que j'ai entreprises n'ont eu, à ce jour, aucun résultat
tangible en France. L'infraction subsistant, je n'ai pas eu d'autre choix que
de recommander à la Commission de saisir la Cour de justice européenne. »
Je n'ai aucune satisfaction particulière, monsieur Le Cam, à constater que mes
prévisions se réalisent, et ce peut-être plus rapidement encore que je le
pensais. Je reste à la disposition des parlementaires qui ont choisi d'adopter
une proposition de loi contrevenant manifestement à l'esprit et à la lettre de
la direction européenne pour les aider à remettre l'ouvrage sur le métier.
Pour ce qui est de l'intervention de Mme Heinis, j'avoue n'avoir pas bien
saisi si elle relevait de la philosophie, de la morale, de la théologie, de la
mathématique, de la littérature, de la zoologie, de l'alchimie, de la
métaphysique...
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Tout à la fois !
Mme Anne Heinis.
Cela fait beaucoup !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Quoi qu'il
en soit, madame Heinis, mes lunettes militantes me suffisent pour oser un
diagnostic : il ne s'agissait en tout cas pas du budget, et je me sens donc
très à l'aise pour conclure ici mon intervention.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
grandes orientations de ce projet de budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C et concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : II. -
Environnement.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 162 578 344 francs. »
Par amendement n° II-4, par M. Adnot, au nom de la commission des finances,
propose de réduire ces crédits de 58 891 628 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Madame le ministre, vous voudrez bien considérer que
je ne suis qu'un rapporteur suppléant.
Cela étant dit, vous aurez noté deux choses.
La première, c'est que nous sommes tous partisans d'une politique de
l'environnement. Je ne pense pas qu'un membre quelconque de cette assemblée
puisse être contre les progrès que l'on peut faire dans ce domaine.
La seconde, c'est que vous avez beaucoup parlé de concertation. Or, notre
politique de l'environnement, dont vous êtes l'héritière, et qui est dotée d'un
certain nombre de moyens, a été construite, au Parlement, au travers d'un
certain nombre de lois. Ainsi, sur les cinq taxes de l'ADEME, trois ont une
origine législative. Voter une loi au Parlement induit une concertation
profonde : on passe devant une commission, devant une assemblée, devant la
seconde, il y a une navette.
De la même façon les agences de l'eau ont été créées et développées par deux
lois, celle de 1964 et celle de 1992.
Et voilà que l'ensemble de ces moyens et de ces financements disparaissent au
détour du vote d'un article. Vous nous dites que la concertation a commencé.
Elle n'a, en tout cas, pas commencé devant le Parlement !
Si vous aviez vraiment voulu mener une concertation approfondie, vous auriez
pu élaborer une loi globale sur l'environnement et son financement, en
reprenant l'ensemble du dispositif.
Nous sommes très attachés à ce qui est la vocation initiale et ancestrale du
Parlement, à savoir voter les impôts et les taxes.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je suis
pour la concertation, mais je croyais que l'on en était parvenu au vote des
crédits, monsieur le ministre !
M. le président.
Vous aurez la parole, madame le ministre.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
La modification brutale du dispositif financier mis
en place au cours de toutes ces années pour financer les actions en faveur de
l'environnement aurait mérité le dépôt d'un projet de loi, qui aurait donné
lieu à concertation et à discussion, et non pas d'un simple article, qui - vous
l'avez parfaitement bien expliqué - casse une mécanique et une logique.
Il y avait une logique d'affectation : on prélève une taxe sur une pollution,
on en affecte le produit à un organisme qui a une politique déterminée,
contrôlée par le Parlement, et ledit organisme finance certaines actions.
C'est parce que le processus de concertation parlementaire n'a pas été suivi -
ce dont vous avez parlé, c'est de concertations extra-parlementaires - que, ce
soir, nous avons ce débat.
Dans ces conditions, je me permettrai maintenant, au nom de mon collègue
Philippe Adnot, de présenter les amendements qu'il a soumis à la commission des
finances et qu'elle a retenus.
Le premier ne tend pas à contester la réalité des besoins qui sont les vôtres
en matière d'emploi. Nous n'ignorons pas - vous l'avez dit en répondant à une
question qui vous a été posée dans cette enceinte - les difficultés des tâches
de vos services, tâches qui vont croissant.
Mais si la tâche de vos services est difficile, la situation des finances
publiques l'est aussi.
L'Etat, dont les dépenses réelles augmentent, ne participe pas comme il
conviendrait à la réduction des déficits publics. L'effort de maîtrise des
finances publiques doit donc être accentué, et il n'y a pas de raison que le
ministère de l'environnement y échappe.
C'est la raison pour laquelle la commission aurait souhaité que le
renforcement des effectifs, qui est nécessaire - nous le reconnaissons -
s'effectue davantage par des transferts et des redéploiements venant d'ailleurs
- pourquoi pas ? -, que par des créations nettes d'emploi qui alourdissent les
charges publiques.
Comme tel n'a pas été le cas, la commission propose la suppression des
créations de poste en question et des mesures d'accompagnement.
M. le président.
Madame le ministre, en nous donnant maintenant l'avis du Gouvernement, vous
avez l'occasion de répondre à M. Oudin.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le président, je vous remercie, mais je n'ai pas l'intention de le faire !
Je ne comprends tout simplement pas cet amendement. Comment peut-on réaffirmer
la nécessité des créations d'emploi, comment peut-on souligner que cela peut se
faire par redéploiement et non par gonflement des effectifs de l'Etat ! -
puisque c'est le cas - et, ensuite, proposer de supprimer les 58 millions de
francs correspondants ?
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 241 654 633 francs. »
Par amendement n° II-5, M. Adnot, au nom de la commission des finances,
propose de réduire ces crédits de 158 250 000 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Cet amendement tend à tirer les conséquences de la
suppression de la TGAP, décidée par le Sénat lors du vote de la première
partie, y compris les conséquences qui concernent la création de cent emplois à
l'ADEME.
Il tend aussi à supprimer, par ailleurs, la création de deux emplois de
chercheurs à l'INERIS, au titre de la participation du ministère à l'effort de
maîtrise des finances publiques, ainsi que des mesures nouvelles relatives aux
subventions aux associations.
Les associations, on pourrait d'ailleurs en parler, et je vais le faire ! M.
Alaize, rapporteur à l'Assemblée nationale, a été - c'est lui qui le dit -
particulièrement critique en la matière.
Je signale qu'il s'agit de mesures nouvelles ; les subventions sont donc
reconduites au niveau des services votés pour 1998. Il n'y a pas de
diminution.
Il ne s'agit nullement de s'opposer, par principe, à l'action souvent
irremplaçable de la majorité des associations mais d'exiger d'y voir plus clair
concernant les critères d'attribution des subventions, le montant précis des
crédits alloués et la participation des bénéficiaires à l'exécution de mission
de service public.
Dans ce dernier domaine, il importe absolument de savoir exactement qui fait
quoi, pourquoi et comment.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
J'ai
longuement argumenté, tout à l'heure, en faveur de la création de la TGAP ; je
ne me répèterai donc pas.
J'ai argumenté également en faveur d'une véritable culture de prévention des
risques, ce qui justifie le renforcement du budget de l'INERIS et le
renforcement des moyens humains dont doit bénéficier cet institut pour faire
face à ses responsabilités nouvelles et pour développer deux pôles de
compétences nouveaux.
S'agissant des associations, j'avoue ne partager aucune des critiques et des
suspicions dont le monde associatif est ici l'objet. Le statut des associations
loi 1901 est très ancien. Les associations sont des éléments tout à fait
indispensables de la vie démocratique. Je ne pense pas qu'il y ait, d'un côté,
les bonnes associations, celles qui ne perturbent pas les élus locaux, et, de
l'autre, les mauvaises, celles qui les interpellent. Chaque association a
vocation à rester vigilante, à interpeller, à aider à l'enrichissement des
projets, à insister pour mettre en valeur tel ou tel point qui aurait pu être
passé sous silence.
Je suis rarement confrontée à des plaidoyers contre le monde associatif, qui
me paraît absolument essentiel en des temps où l'isolement, le repli sur soi,
sont, hélas ! trop souvent la règle.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Je veux simplement rassurer Mme le ministre : nous
sommes tous pour les associations ; nous sommes tous dans des associations,
nous en animons, nous en dirigeons.
Mais que dit M. Stéphane Alaize, député, membre de votre majorité, dans un
passage de l'agrégat
Connaissance de l'environnement et coopération
internationale
? « Les mesures destinées au soutien du monde associatif et
à la politique d'éducation à l'environnement devraient s'élever à 34 millions
de francs. Votre rapporteur pour avis ne peut que regretter le manque de
lisibilité du « bleu » sur ce point, le soutien aux associations n'étant pas
individualisé dans la présentation budgétaire. En l'absence de réponse précise
à ces questions » - les questions qu'il a posées lui-même - « quant aux
dotations prévues et à leurs critères d'attribution, l'évolution des crédits
est difficile à apprécier ».
Ce n'est pas le Sénat qui le dit, c'est le rapporteur pour avis de l'Assemblée
nationale !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le rapporteur, vous me permettrez de voir une différence de nature assez
sensible entre les critiques directes et véhémentes qui ont été portées ici à
l'encontre du monde associatif...
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Aucune !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
... et une
aspiration à plus de lisibilité et de clarté.
D'ailleurs, cette lisibilité et cette clarté, je vous les ai garanties et la
liste des associations bénéficiaires de subventions du ministère, vous l'avez
eue ! Les critères qui ont permis d'attribuer ces subventions, vous les avez
eus aussi ; il s'agit, en général, de mener des actions d'éducation à
l'environnement et d'encourager les associations à participer à des missions
qui leur sont confiées par les ministères, voire à des commissions officielles
!
Je vous prie de croire que les responsables associatifs bénévoles qui
participent à la commission nationale des débats publics, au comité de
prévention et de précaution, au comité national de protection de la nature,
etc., méritent de voir leurs efforts reconnus.
J'ajoute le souci d'encourager la participation des ONG francophones aux
grandes négociations internationales. En effet, la participation des
Anglo-Saxons influence de façon importante le résultat de ces négociations, et
il est dommage, à mon sens, que les associations françaises ne puissent pas y
participer.
Quant à l'éducation à l'environnement, elle est embryonnaire en France. Je le
déplore parce que je crois que c'est dès le plus jeune âge que s'acquièrent les
bons gestes en matière d'environnement.
Si vraiment cela vous semble trop arbitraire, sachez que je ne participe
jamais à une décision concernant une attribution de subvention, que cette
attribution est examinée par un comité qui fait des propositions.
Nous sommes d'ailleurs régulièrement obligés de revoir les subventions à la
baisse parce que nous n'avons pas assez d'argent pour faire face.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-5, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 344 410 000 francs ;
« Crédits de paiement : 114 251 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 199 140 000 francs ;
« Crédits de paiement : 1 838 598 000 francs. »
Par amendement n° II-7 rectifié, M. Adnot, au nom de la commission des
finances, propose :
I. - De réduire les autorisations de programme de 1 623 000 000 francs.
II. - De réduire les crédits de paiement de 1 623 000 000 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Cet amendement tend à tirer les conséquences de la
suppression de la TGAP en ce qui concerne les subventions d'investissement de
l'ADEME inscrites au chapitre 67-30.
Les crédits devant permettre la relance des économies d'énergie et des
énergies renouvelables se trouvent annulés du même coup.
La commission ne conteste pas l'intérêt des énergies renouvelables, bien
entendu, même si leur contribution - nécessaire, certes - à la production
d'énergie est vouée à demeurer marginale. Elle juge toutefois la relance prévue
trop coûteuse, dans la situation actuelle des finances publiques,
insuffisamment préparée et pas assez progressive.
Elle estime donc que les mesures correspondantes devraient être reportées,
mieux étudiées et étalées dans le temps.
Quant à l'activation des économies d'énergie, quel serait son rapport
coût-efficacité ?
Elle ne correspondait pas, en tout cas, à une nécessité urgente dans le
contexte actuel et contient une ébauche de « deuxième dividende » sous la forme
d'une mesure de 20 millions de francs au titre de « la maîtrise de l'énergie
pour les ménages démunis ». On comprend, certes, les motifs humanitaires de
cette mesure, mais est-ce au budget de l'environnement de la financer ?
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
La France
consacre extrêmement peu d'argent à sa politique de maîtrise de l'énergie et de
développement des énergies renouvelables, dont j'ai montré tout à l'heure
qu'elle avait un grand intérêt en termes de justice sociale, de création
d'emplois et de qualité de l'environnement.
Dans les années soixante-dix, au moment de la crise pétrolière - vous vous en
souvenez - on n'avait pas de pétrole, mais on avait des idées. Aujourd'hui, on
n'a pas d'idées, mais on continue imperturbablement, année après année, de
consacrer des dizaines de milliards de francs à la recherche nucléaire et de
pinailler sur quelques dizaines de millions de francs pour la recherche sur les
énergies renouvelables.
Pourtant, au cours de ces années, grâce à la mobilisation - essentiellement -
du secteur privé, les énergies renouvelables ont acquis une part très
importante dans la production d'énergie en France, puisqu'elles couvrent
aujourd'hui près de 14 % de nos besoins en énergie.
Et puisque j'ai compris que l'on pouvait quelque peu sortir de la stricte
défense des amendements, je vais, moi aussi, céder à ce péché mignon.
Je me suis interrogée sur la réponse à apporter à l'affirmation de M. le
rapporteur spécial, à la page 60 de son rapport, selon laquelle les malheureux
500 millions de francs que nous consacrerons, en 1999, à la maîtrise de
l'énergie et à la diversification énergétique correspondraient, à peu de chose
près, aux cessions d'actifs auxquelles le CEA était contraint de procéder pour
financer ses dépenses de fonctionnement.
Je voudrais rappeler que, année après année, le CEA bénéficie de 17 ou 18
milliards de francs et que je n'ai pas connaissance d'une rigueur aussi appuyée
des sénateurs à l'égard de la contribution de cette très importante institution
à notre stratégie nationale de diversification énergétique, d'une part, et de
création d'emplois, d'autres part.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-7 rectifié, repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'environnement.
6
DÉPÔT D'UNE QUESTION ORALE AVEC DÉBAT
M. le président.
J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante
:
M. Paul Masson attire l'attention de M. le Premier ministre sur les décisions
du conseil de sécurité intérieure du 27 avril 1998 relatives à une nouvelle
répartition géographique des effectifs de la police et de la gendarmerie sur le
territoire national. Ce projet de redéploiement aurait pour conséquence la
dissolution de plusieurs dizaines de commissariats et de brigades de
gendarmerie dont les listes semblent avoir été établies avant qu'une véritable
consultation ne s'engage. Le 25 septembre dernier, devant l'opposition, toutes
tendances confondues, des élus locaux, le Gouvernement a « demandé que la
méthode soit améliorée, la concertation renforcée et l'expertise approfondie ».
Le 17 novembre, devant le congrès de l'association des maires de France, M. le
Premier ministre a lui-même confirmé qu'aucune décision n'avait été arrêtée et
qu'une concertation « aussi approfondie que nécessaire » serait conduite.
M. Paul Masson demande à M. le Premier ministre de lui préciser quelles sont
les conclusions de la mission de consultation dont M. Guy Fougier, conseiller
d'Etat, a été chargé et quels aménagements, à la lumière de ces propositions,
le Gouvernement entend apporter au projet de redéploiement de telle sorte que
la concertation soit aussi approfondie que nécessaire avec les élus nationaux
et locaux (n° 8).
Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec
débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la
discussion aura lieu ultérieurement.
7
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre un projet de loi, adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant règlement
définitif du budget de 1995.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 96, distribué et renvoyé à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation.
8
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement (CE) du Conseil relatif au régime d'importation
pour certains produits textiles originaires de Taïwan.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1181 et
distribuée.
9
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Paul Girod un rapport, fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale, en nouvelle lecture, relatif au mode d'élection des conseillers
régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des
conseils régionaux (n° 81, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 95 et distribué.
10
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, vendredi 4 décembre 1998, à onze heures trente, quinze
heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 65 et 66, 1998-1999) (M. Philippe Marini, rapporteur
général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Equipement, transports et logement :
V. - Tourisme :
Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 28)
;
M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 68, tome XVI).
I. - Services communs.
II. - Urbanisme et logement :
M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexes n°s 21 et 22)
;
M. Jacques Bellanger, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (urbanisme, avis n° 68, tome XV) ;
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (logement, avis n° 68, tome XIV) ;
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales (logement social, avis n° 70, tome VIII).
III. - Transports :
1. Transports terrestres.
2. Routes.
3. Sécurité routière.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial (transports terrestres, rapport n° 66,
annexe n° 23) ;
M. Georges Berchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (transports terrestres, avis n° 68, tome XVIII) ;
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial (routes et sécurité routière, rapport n°
66, annexe n° 24) ;
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (routes et voies navigables, avis n° 68, tome XIII).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le
projet de loi de finances pour 1999
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1999 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie,
non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 1999
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour
1999, est fixé au vendredi 4 décembre 1998, à dix-sept heures.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif
au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée
de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux (n° 81, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 8 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la protection de
la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage (n° 75, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 8 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, portant modification de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945
relative aux spectacles (n° 512, 1997-1998) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 8 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur l'aménagement du
territoire :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 9
décembre 1998, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Claude
Estier et des membres du groupe socialiste et apparentés portant modification
de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans
le corps des sapeurs-pompiers (n° 85, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 9 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M.
Christian Bonnet et des membres du groupe des Républicains et Indépendants
tendant à sanctionner de peines aggravées les infractions commises sur les
agents des compagnies de transport collectif de voyageurs en contact avec le
public (n° 86, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 9 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 4 décembre 1998, à deux heures
trente.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Pénurie des praticiens hospitaliers
392.
- 3 décembre 1998. -
M. Bernard Joly
attire l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale
sur le mouvement de grève national qui mobilisait, le 2 décembre dernier, les
praticiens hospitaliers pour sensibiliser sur le devenir catastrophique de la
démographie hospitalière dû, en grande partie, au manque d'attractivité de leur
carrière, à l'absence de revalorisation du statut et à la détérioration des
conditions de travail avec surcharge, contrainte et lourdeur des activités
liées au manque d'effectif. Ces hommes et ces femmes responsables estiment ne
plus être en mesure de répondre à la mission de service public qui est la leur.
Ils ne veulent pas gérer la pénurie, renoncer à la qualité des interventions et
assumer la déficience du système. La situation est encore plus dégradée en ce
qui concerne les effectifs hospitaliers médico-psychiatriques en l'absence de
renouvellement des internes. Le
numerus clausus
draconien appliqué à la
filière unique au niveau des centres hospitaliers universitaires (CHU) renforce
considérablement cet effet indésirable. Il lui demande quelles mesures
d'urgence le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour restaurer l'attractivité
des carrières médicales en milieu hospitalier et la prise en compte des
priorités de santé mentale.
Désenclavement du Limousin
393. - 3 décembre 1998. - M. Georges Mouly appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la nécessité de répondre aux interrogations légitimes des Corréziens quant à la réalisation rapide des projets de désenclavement de la région Limousin. Alors que la liaison routière Montauban-Brive-Paris par l'A 20 avance dans de bonnes conditions, il lui demande quelle suite doit être attendue des essais du train pendulaire sur la liaison Paris-Limoges-Toulouse et si la continuité de la liaison autoroutière Bordeaux-Clermont-Ferrand entre les deux principales villes du département de la Corrèze n'est que provisoirement remise en cause par les problèmes techniques rencontrés, comme cela a été avancé lors de la dernière réunion du comité départemental de pilotage du 1 % Paysage.