Séance du 25 novembre 1998







M. le président. « Art. 30. - I. - Après l'article 266 quinquies du code des douanes, il est inséré les articles 266 sexies à 266 undecies ainsi rédigés :
« Art. 266 sexies . - I. - Il est institué à compter du 1er janvier 1999 une taxe générale sur les activités polluantes qui est due par les personnes physiques ou morales suivantes :
« 1. Tout exploitant d'une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés ou tout exploitant d'une installation d'élimination de déchets industriels spéciaux par incinération, coïncinération, stockage, traitement physico-chimique ou biologique non exclusivement utilisées pour les déchets que l'entreprise produit ;
« 2. Tout exploitant d'une installation soumise à autorisation au titre de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement dont la puissance thermique maximale lorsqu'il s'agit d'installations de combustion, la capacité lorsqu'il s'agit d'installations d'incinération d'ordures ménagères, ou le poids des substances mentionnées au 2 de l'article 266 septies émises en une année lorsque l'installation n'entre pas dans les catégories précédentes, dépassent certains seuils fixés par décret en Conseil d'Etat ;
« 3. Tout exploitant d'aéronefs ou, à défaut, leur propriétaire ;
« 4. a) Toute personne qui effectue une première livraison après fabrication nationale ou qui livre sur le marché intérieur en cas d'acquisition intracommunautaire ou qui met à la consommation des lubrifiants susceptibles de produire des huiles usagées ;
« b) Tout utilisateur d'huiles et préparations lubrifiantes, autres que celles visées au a produisant des huiles usagées dont le rejet dans le milieu naturel est interdit.
« II. - La taxe ne s'applique pas :
« 1. Aux installations d'élimination de déchets industriels spéciaux exclusivement affectées à la valorisation comme matière ;
« 2. a) Aux aéronefs de masse maximale au décollage inférieure à deux tonnes ;
« b) Aux aéronefs appartenant à l'Etat ou participant à des missions de protection civile ou de lutte contre l'incendie.
« Art. 266 septies . - Le fait générateur de la taxe mentionnée à l'article 266 sexies est constitué par :
« 1. La réception de déchets par les exploitants mentionnés au 1 du I de l'article 266 sexies ;
« 2. L'émission dans l'atmosphère par les installations mentionnées au 2 du I de l'article 266 sexies , d'oxydes de soufre et autres composés soufrés, d'oxydes d'azote et autres composés oxygénés de l'azote, d'acide chlorhydrique, d'hydrocarbures non méthaniques, solvants et autres composés organiques volatils ;
« 3. Le décollage d'aéronefs sur les aérodromes recevant du trafic public pour lesquels le nombre annuel des mouvements d'aéronefs de masse maximale au décollage supérieure ou égale à 20 tonnes est supérieur à 20 000 ;
« 4. a) La première livraison après fabrication nationale, la livraison sur le marché intérieur en cas d'acquisition intracommunautaire ou la mise à la consommation des lubrifiants mentionnés au a du 4 du I de l'article 266 sexies ;
« b) L'utilisation des huiles et préparations lubrifiantes mentionnées au b du 4 du I de l'article 266 sexies .
« Art. 266 octies . - La taxe mentionnée à l'article 266 sexies est assise sur :
« l. Le poids des déchets reçus par les exploitants mentionnés au 1 du I de l'article 266 sexies ;
« 2. Le poids des substances émises dans l'atmosphère par les installations mentionnées au 2 du I de l'article 266 sexies ;
« 3. Le logarithme décimal de la masse maximale au décollage des aéronefs mentionnés au 3 de l'article 266 septies . Des coefficients de modulation prennent en compte, dans un rapport de un à cinquante, l'heure du décollage et les caractéristiques acoustiques de l'appareil ;
« 4. Le poids net des lubrifiants, huiles et préparations lubrifiantes mentionnés au 4 du I de l'article 266 sexies .
« Art. 266 nonies . - 1. Le montant de la taxe mentionnée à l'article 266 sexies est fixé comme suit :



DÉSIGNATION DES MATIÈRES

ou opérations imposables

UNITÉ

de perception

QUOTITÉ

(en francs)


Déchets
Déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés . 60
Déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés de provenance extérieure au périmètre du plan d'élimination des déchets, élaboré en vertu de l'article 10-2 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975, dans lequel est située l'installation de stockage . 90
Déchets réceptionnés dans une installation d'élimination de déchets industriels spéciaux . 60
Déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets industriels spéciaux . 120

Substances émises dans l'atmosphère
Oxydes de soufre et autres composés soufrés . 180
Acide chlorhydrique . 180
Oxydes d'azote et autres composés oxygénés de l'azote . 250
Hydrocarbures non méthaniques, solvants et autres composés organiques volatils . 250

Décollages d'aéronefs
Aérodromes du groupe 1 . 68
Aérodromes du groupe 2 . 25
Aérodromes du groupe 3 . 5

Lubrifiants, huiles et préparations
lubrifiantes dont l'utilisation

génère des huiles usagées

Lubrifiants, huiles et préparations lubrifiantes . 200

« 2. Le montant minimal annuel de la taxe relative aux déchets est de 3 000 francs par installation.
« 3. La majoration applicable aux déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets industriels spéciaux ne s'applique pas aux résidus de traitement des installations d'élimination de déchets assujetties à la taxe.
« 4. Le poids des oxydes d'azote et autres composés oxygénés de l'azote est exprimé en équivalent dioxyde d'azote hormis pour le protoxyde d'azote.
« 5. Les aérodromes où la taxe générale sur les activités polluantes est perçue en application du 3 de l'article 266 septies sont répartis dans les trois groupes affectés d'un taux unitaire spécifique mentionnés dans le tableau ci-dessus en fonction de la gêne sonore réelle subie par les riverains, telle qu'elle est constatée dans les plans de gêne sonore prévus au I de l'article 19 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit.
« 6. La masse des aéronefs est prise en compte par son logarithme décimal.
« Art. 266 decies . - 1. Les lubrifiants mentionnés au a du 4 du I de l'article 266 sexies donnent lieu sur demande des redevables à remboursement de la taxe afférente lorsque l'utilisation particulière des lubrifiants ne produit pas d'huiles usagées ou lorsque ces lubrifiants sont expédiés à destination d'un Etat membre de la Communauté européenne, exportés ou livrés à l'avitaillement.
« 2. Les personnes mentionnées au 2 du I de l'article 266 sexies , membres des organismes de surveillance de la qualité de l'air prévus par l'article 3 de la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, sont autorisées à déduire des cotisations de taxe dues par elles au titre de leurs installations situées dans la zone surveillée par le réseau de mesure de ces organismes les contributions ou dons de toute nature qu'elles ont versés à ceux-ci au titre de l'année civile précédente. Cette déduction s'exerce dans la limite de 1 million de francs ou à concurrence de 25 % des cotisations de taxe dues.
« Art. 266 undecies. - La taxe visée à l'article 266 sexies est déclarée, contrôlée et recouvrée selon les règles, garanties et sanctions prévues en matière de douanes. »
« II. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des articles 266 sexies à 266 undecies du code des douanes.
« III. - L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie est habilitée à contrôler et à recouvrer la part de la taxe générale sur les activités polluantes assise sur les déchets mentionnés au 1 de l'article 266 octies , sur les substances émises dans l'atmosphère mentionnées au 2 du même article et sur le décollage d'aéronefs mentionnés au 3 du même article.
« IV. 1. Les articles 22-1 à 22-3 de la loi n° 75-663 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux ne s'appliquent plus aux déchets mentionnés à l'article 266 octies du code des douanes reçus à compter du 1er janvier 1999.
« 2. L'article 16 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit est ainsi rédigé :
« Art. 16 . - L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie contribue aux dépenses engagées par les riverains des aérodromes pour la mise en oeuvre des dispositions nécessaires à l'atténuation des nuisances sonores dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »
« 3. Au I de l'article 19 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 précitée, les mots : "visé aux articles 16 et 17 de la présente loi" sont remplacés par les mots : "mentionné au 3 de l'article 266 septies du code des douanes".
« 4. Au II de l'article 19 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 précitée, les mots : "l'utilisation du produit de la taxe destinée" sont remplacés par les mots : "l'affectation des crédits budgétaires destinés".
« 5. Les articles 17, 18 et 20 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 précitée ne s'appliquent plus aux décollages d'aéronefs mentionnés au 3 de l'article 266 septies du code des douanes postérieurs au 31 décembre 1998.
« V. - A compter du 1er janvier 1999, les recettes et dépenses résultant de la perception et de l'utilisation de la taxe instituée par l'article 22-1 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 précitée, et de la taxe instituée par l'article 16 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 précitée sont comptabilisées dans la comptabilité générale de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
« VI. - L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie reverse au Trésor public les sommes perçues par elle à compter du 1er janvier 1999 au titre des deux taxes mentionnées au V dès lors que ces sommes se rapportent à des déclarations portant sur l'année 1998 et sont exigibles en 1999. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, par cet article, il nous est proposé de procéder à une modification sensible de la législation en matière de fiscalité environnementale.
Il s'agit, en effet, de mettre en place une taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, destinée à permettre de financer le budget de l'Agence de l'environnement et pour la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, au travers d'une dotation budgétaire et non plus au travers de la perception de taxes affectées, instituées au fil des différentes lois « environnementales » dont nous avons débattu ces dernières années.
Cet article tend donc notamment à mettre en place une fiscalité proche de ce qu'elle devrait être dans quelques années, dans le cadre de l'harmonisation des fiscalités de différents pays de l'Union européenne.
Sur le fond, la TGAP présente cependant la particularité d'être une stricte application du principe pollueur-payeur, qui a, entre autres, pour conséquences celle de reporter sur le consommateur final le poids réel de la taxe ; il s'agit là du mécanisme que nous connaissons avec la TVA.
On peut concevoir que la lutte contre la pollution et pour la protection de l'environnement et des sites naturels aient besoin de moyens financiers adaptés, eu égard aux enjeux. Pour autant, les seules voies à retenir doivent-elles être celles de la fiscalité indirecte, qui tend à dédouaner de leurs responsabilités les véritables pollueurs ?
Il est d'ailleurs préoccupant, de notre point de vue, que la mise en place de la TGAP ouvre la voie à une rebudgétisation massive d'un certain nombre de recettes destinées à la protection de l'environnement, et singulièrement celles qui permettent le fonctionnement des agences de l'eau.
Les documents budgétaires font apparaître que le produit attendu de la taxe générale se révèle supérieur au montant de la dotation versée à l'ADEME, ce qui n'est pas tout à fait rassurant au regard des perspectives réelles de financement des actions à venir en faveur de la protection de l'environnement.
Le développement de l'action publique pour la protection de l'environnement impose manifestement d'autres mesures que celle qui consiste à unifier le régime fiscal des ressources de l'ADEME.
Les débats sur le taux de TVA affectant la collecte et le traitement des déchets ou encore les réseaux de chaleur ont été très révélateurs à cet égard.
Nous ne voterons donc pas cet article du projet de loi, mais nous nous abstiendrons, pour des raisons que chacun comprendra, sur les amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. J'ai l'impression que nous serons nombreux à être du même avis sur cet article, car la création de cette TGAP n'est pas une bonne chose.
Quatre grands principes se trouvent véritablement bafoués, et d'abord un principe de droit.
Pour lutter contre les pollutions, le Parlement a voté un certain nombre de lois : concernant l'ADEME, trois lois, auxquelles s'ajoutent deux décrets ; s'agissant de la politique de l'eau, deux lois, qui ont été votées à la quasi-unanimité, en 1964 et en 1992.
Et voilà que, par ce simple article d'une loi de finances, la totalité de la structure du dispositif que le Parlement a mis des mois à élaborer va disparaître ! Je tenais à le souligner.
Deuxième principe également foulé au pied : le principe pollueur-payeur. Le système des taxes est tel que le pollueur paie à concurrence des quantités qu'il pollue. Quoi qu'on en dise, la taxe générale des activités polluantes entraîne une rupture de ce lien.
Troisième principe mis à mal : le principe d'efficacité. En effet, notre droit actuel permet d'affecter des recettes à un organisme. de désigner un organe de décision chargé de l'affectation de ces recettes en vue d'actions déterminées. C'est cela qu'a voulu le Parlement.
Enfin, quatrième principe mis en cause : celui de l'affectation des ressources collectées à un objectif précis.
Quels objectifs vise, en l'occurrence, le Gouvernement ?
Il s'agit d'abord, comme l'a dit fort justement Mme Beaudeau, d'une budgétisation de l'ensemble des ressources. Celle-ci se traduira par une centralisation, alors que, depuis trente ans, nous affirmons la plus grande efficacité de la décentralisation.
Mais le Gouvernement a un deuxième objectif encore plus dangereux : la dilution des ressources.
Auparavant, on collectait 100 pour affecter 100 à la lutte contre les pollutions. Désormais, on va collecter 150, mais on n'affectera pas 150 à la lutte contre les pollutions. Il s'agit de la mise en oeuvre de la théorie, totalement absurde à mes yeux, du deuxième dividende. On prend sur ceux qui polluent pour affecter à des actions qui n'ont plus rien à voir ou qui n'ont qu'un lointain rapport avec la pollution. On dilue les ressources dans la dilution des actions.
Le troisième objectif est de surtaxer. D'ailleurs, Mme Beaudeau l'a bien dit : l'ADEME aura plus de ressources. Mais ce n'est pas tout ! Avec une taxe générale sur les activités polluantes - lisez l'excellent rapport établi par M. le rapporteur général, au nom de la commission des finances - il y a là, comme on dit, un gisement potentiel de taxation considérable. Je me demande comment nous allons pouvoir respecter les critères de Maastricht.
Le Gouvernement nous dit que nous aurons des garanties en contrepartie. Aucune des garanties qu'il nous propose n'est sérieuse. Elles sont toutes illusoires !
On nous dit qu'une loi de programmation sera votée par le Parlement. Nous connaissons le sort qui est réservé aux lois de programmation, n'est-ce pas, monsieur le spécialiste des lois de programmation militaire ! (M. Jacques Oudin s'adresse à M. Serge Pinçon).
On nous dit qu'il y aura un compte spécial du Trésor. Bien entendu, aucun des organismes spécialisés dans la lutte contre la pollution n'aura un droit de regard sur la gestion de ce compte spécial du Trésor, pas plus d'ailleurs que le Parlement, alors que nous pouvions, au contraire, contrôler l'efficacité et la réalité de l'action des organismes.
Enfin, on nous dit que nous aurons des contrats pluriannuels. Au moment où nous négocions des contrats entre l'Etat et la région, cette référence ne peut que nous faire sourire.
Bref, au-delà de la mise à mal du système de l'ADEME, c'est toute la politique de l'eau qui sera remise en cause, ce qui est encore plus grave.
Cette politique de l'eau est fondée sur trois principes essentiels : une gestion par bassin, une gestion autonome et l'affectation des ressources à des dépenses.
Il n'y aura plus ni autonomie ni affectation. Il n'y aura bientôt plus que des services extérieurs du ministère de l'environnement qui seront les agences de bassin vidées de leur structure et de leurs possibilités d'actions.
Bref, nous nous dirigeons vers une boulimie financière de l'Etat face à tous les secteurs qui peuvent encore fonctionner parce qu'ils s'autofinancent.
En France, deux secteurs investissent efficacement des milliards de francs : il s'agit du secteur des autoroutes et de celui de l'eau. Pour mettre la main sur ce que j'appelle ces deux grands « magots », l'année dernière, l'Etat avait inventé « Routes de France ». Cet organisme était chargé de collecter l'ensemble des recettes des péages des autoroutes pour les affecter à un compte plus important, où les recettes budgétaires - au demeurant en diminution - auraient été regroupées pour mener une vaste politique routière, laquelle aurait tué la politique autoroutière.
Nous assistons là au même phénomène. On met la main sur les 12 milliards de francs des redevances des agences de bassin, non pas pour conduire la politique de l'eau mise en place par le Parlement au travers des lois de 1964 et 1992, mais pour mener une politique de l'environnement dite durable qui, en fait, n'aura pour effet que de mettre à mal l'ensemble de l'action que nous avons voulu engager depuis trente ans pour lutter contre les pollutions et pour mener une bonne politique de l'eau. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon analyse est identique à celle des deux précédents intervenants.
Conformément au souhait de la commission des affaires économiques et du Plan, émis le 12 novembre dernier, j'interviens aujourd'hui pour faire état de son avis défavorable sur la création de la taxe générale sur les activités polluantes.
En effet, trop d'incertitudes et d'inquiétudes sont liées à la mise en oeuvre de cette taxe.
Tout d'abord, à l'inverse de la plupart des taxes environnementales existantes, le calcul de cette taxe est totalement déconnecté du coût de la prévention ou des réparations des atteintes à l'environnement. Cette déconnexion voulue par le Gouvernement remet en cause la pérennité des crédits affectés à la lutte contre la pollution.
Ensuite, cette taxe remet en question le processus de gestion décentralisée de l'environnement. S'agissant de l'eau en particulier, cette taxe met fin à un dispositif partenarial et autonome qui associe les élus, les usagers et les acteurs économiques responsables des pollutions émises et qui sert, en fait, de modèle pour le projet de directive cadre de l'eau.
Enfin, la théorie du « double dividende » de cette taxe est peu pertinente, puisque l'obtention du premier dividende, à savoir dissuader les pollueurs au travers d'un « signal prix fort » pour reprendre les termes mêmes de Mme la ministre, empêche l'obtention du second, à savoir l'allégement du volet fiscal qui pèse sur le travail grâce aux recettes engendrées par les écotaxes.
En effet, notamment dans le domaine de l'eau, cette taxe, pour remplir son rôle dissuasif, va se traduire par une hausse du prix à la consommation, en particulier sur les produits de base. De surcroît, si des hausses salariales viennent compenser cette perte de pouvoir d'achat, cela annulera alors les effets espérés du second dividende, à savoir la baisse des charges fiscales et sociales sur le travail.
M. Jacques Oudin. Et cela n'a rien à voir avec la pollution !
M. Jean Bizet. Tout à fait !
Pour toutes ces raisons et parce que trop de taxes écologiques tuent la protection de l'environnement, je soutiens, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, l'amendement de suppression de la commission des finances. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Calméjane.
M. Robert Calméjane. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la France s'est dotée, par deux lois fondamentales votées en 1964 et en 1992, d'une politique de l'eau cohérente et efficace. Les finalités de cette politique sont la préservation durable des ressources, la protection des milieux naturels, la mise en valeur hydraulique au bénéfice de tous les usagers et la résorption des pollutions que ceux-ci occasionnent.
Il est fait application de plusieurs principes.
Tout d'abord, le principe de responsabilité fait supporter à l'auteur d'une pollution ou d'un prélèvement une charge financière l'incitant à corriger son comportement, tout en le rapprochant des exigences réglementaires.
Ensuite, le principe de solidarité et d'autonomie affecte, sous le contrôle de l'Etat, les sommes perçues au titre de la taxe au financement d'ouvrages hydrauliques : assainissement et épuration des eaux usées, traitement et distribution d'eau potable, entretien et protection des cours d'eau, protection et captage des eaux souterraines.
Enfin, le principe d'unité d'action territoriale décentralisée et d'unité d'action temporelle est mis en oeuvre par les comités de bassins de manière concertée.
L'article 30 marque un changement de politique fondamental : le produit des taxes et redevances actuelles n'est plus affecté. A terme, non seulement les taxes actuellement perçues par l'ADEME, mais aussi, dès l'an 2000, l'ensemble des redevances pollution des six agences de l'eau seraient intégrées à la TGAP.
Cette façon de procéder, mise au point, encore une fois, sans concertation, sous couvert de l'instauration d'une future taxe européenne, dont on ne sait rien aujourd'hui, tend à supprimer l'effort de décentralisation réalisé par les gouvernements précédents. Le fait même d'utiliser la loi de finances pour engager cette réforme fondamentale permet d'éviter un débat sur le fond avec les élus de la nation.
L'adoption de cet article 30 aurait pour résultat d'annuler non seulement le travail patient ainsi mené depuis trente ans, mais aussi de placer les collectivités locales dans l'incertitude quant au financement des mises en conformité de leurs équipements selon les normes européennes d'ici à 2005.
La logique unificatrice, et donc centralisatrice, qui est à l'origine de la création de la TGAP, c'est que l'eau serait traitée de la même façon d'ici à l'an 2000. Or, ce qui fait la force du système actuel, c'est justement son action permanente en faveur de l'environnement, en impliquant, par la concertation, tous les acteurs concernés, et en permettant à la fois une grande efficacité financière et une meilleure rentabilité sociale.
Demain, si l'article 30 est voté, les produits des taxes seront reversés à l'Etat, qui en disposera selon ses besoins du moment.
Ne remettons pas en cause, mes chers collègues, ce modèle de bonne gestion qui est cité dans le monde entier comme la référence d'organisation citoyenne et qui est proposé comme modèle de gestion de l'eau à l'échelon communautaire.
Refusons donc, comme le propose M. le rapporteur général, dont je salue l'excellent travail, de nous engager dans cette voie aventureuse.

(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la taxe générale sur les activités polluantes constitue l'une des innovations majeures de cette loi de finances. La TGAP rompt avec la logique qui prévalait jusqu'alors en matière de fiscalité environnementale. En effet, la fiscalité actuellement en vigueur est fondée sur des taxes fiscales ou parafiscales affectées. Selon le principe pollueur-payeur, les pollueurs doivent participer au financement de la réparation des dommages occasionnés par les pollutions qu'ils ont émises.
Ce système de l'affectation de la taxe est, en apparence, un bon système. Néanmoins, il comporte des effets pervers : il dénature quelque peu le principe de pollueur-payeur, en permettant au pollueur d'assimiler le paiement de cette taxe à un « droit à polluer ». En un mot, il n'encourage pas les comportements « vertueux ».
La taxe générale sur les activités polluantes vise à éviter cette dérive et à redonner toute sa force au principe de pollueur-payeur, en déconnectant le niveau de la taxe des montants nécessaires à la réparation des dommages. Bref, il s'agit d'en faire une taxe incitative.
Le premier dividende de cette taxe est donc écologique : la taxe doit agir comme un signal-prix renchérissant les comportements jugés à risque pour l'environnement.
Cette taxe est amenée à évoluer. Elle est universelle. Elle s'appliquera, à terme, à l'ensemble des activités polluantes. J'ai, à ce propos, un regret à formuler. L'instauration de la TGAP est l'occasion de revoir la taxe sur les déchets. Compte tenu des nouvelles orientations du Gouvernement en ce domaine, il m'aurait semblé utile de taxer le stockage interne des déchets industriels et, en revanche, de ne pas augmenter le taux du stockage des déchets ultimes. Cette mesure aurait été moins pénalisante pour les collectivités locales qui accomplissent des efforts en ce domaine. J'aimerais, sur ce point, avoir l'avis du Gouvernement.
En dépit de nombreux avantages, la création de cette taxe est contestée par la commission des finances. La commission craint une mainmise de l'Etat sur le produit de la TGAP, une banalisation de cette taxe qui, traitée comme une recette ordinaire, servirait à financer non plus les actions en faveur de l'environnement, mais simplement à abonder le budget de l'Etat.
Cette crainte n'est pas infondée. Néanmoins, le Gouvernement s'est engagé à mettre en place des garde-fous : d'une part, les produits de la TGAP seront encaissés sur un compte d'affectation spéciale ; d'autre part, l'Etat s'engage à pérenniser le financement des agences qui interviennent dans les domaines de l'environnement - agences de l'eau, ADEME - par la signature d'un contrat d'objectifs pluriannuel.
Enfin, je dirai que, le meilleur garde-fou, c'est la volonté du Gouvernement de prendre à bras le corps les questions environnementales, pour promouvoir un développement durable, créateur d'emplois.
Sur ce point, le projet de loi de finances est exemplaire : en 1999, les crédits en faveur de l'environnement augmenteront de 110 % grâce à la TGAP et de 16 % hors TGAP ; 140 emplois et 8 000 emplois-jeunes seront créés au service de l'environnement.
Dès lors, j'avoue ne pas comprendre la position de la commission qui, d'un côté, craint, à terme, une perte de ressources globales pour l'environnement et, de l'autre, propose de supprimer non seulement la TGAP, mais également les crédits destinés à financer de nouveaux emplois dans le domaine de l'environnement.
L'autre critique porte sur l'intégration des redevances de l'eau en 2000 dans la TGAP. La majorité sénatoriale en fait une opposition de principe, subodorant là une atteinte à la décentralisation.
Là encore, le Gouvernement a été clair. Il ne s'agit nullement de remettre en cause les fondements du système français de l'eau : gestion décentralisée par bassin versant et autonomie des acteurs de bassin. La ministre de l'environnement l'a réaffirmé : « Je ne souhaite pas la recentralisation des agences de l'eau. Je souhaite que, gérant des sommes très importantes - 12 milliards de francs -, les agences de l'eau soient le plus efficace possible. »
Il lui paraît, en revanche, essentiel d'associer le Parlement à la définition de la politique de l'eau, qu'il fixe le cadre dans lequel seront définies des redevances, et qu'il valide les programmes pluriannuels d'action des agences.
Quoi de plus normal, mes chers collègues ! N'est-ce pas au Parlement de voter l'impôt et de contrôler l'usage qu'on en fait ? Or le système n'est pas exempt de critiques : complexité, opacité des modes de calcul des redevances, manque de qualité, pollutions persistantes, prix trop élevé... Le Commissariat général du plan et la Cour des comptes ont mis en lumière ces dysfonctionnements.
L'eau est une ressource rare ; elle appartient à notre patrimoine national. Justice et démocratie sont les maîtres mots qui guident l'action du Gouvernement en ce domaine.
Le groupe socialiste ne votera pas l'amendement de suppression de la taxe générale sur les activités polluantes.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° I-38 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-68 est déposé par MM. Richert, Hérisson, Lorrain et les membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° I-205 est présenté par M. Bizet et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
Tous trois tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° I-251, MM. Mauroy, Allouche, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le texte présenté par le I de l'article 30 pour l'article 266 nonies du code des douanes, par un alinéa ainsi rédigé :
« La majoration prévue pour la taxe sur les déchets ménagers ne s'applique pas pour les collectivités locales qui ayant fermé leur usine d'incinération pour les mettre aux normes sont obligées temporairement de déposer leurs déchets en décharge. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-38.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Après ces excellents exposés, ma tâche sera facile. Je voudrais rappeler, en quelques mots, les différents risques que recèle le dispositif qui nous est présenté.
Il s'agit, d'abord, du risque de pertes de ressources globales pour l'environnement ; ensuite du risque de créer une nouvelle machine à taxer ; enfin du risque de dilution du système des redevances de l'eau, auquel nous sommes pourtant attachés.
Voyons d'abord le risque de pertes de ressources globales pour l'environnement.
En premier lieu, des crédits spécifiques consacrés à l'environnement et financés par les différentes taxes, risquent d'être absorbés par le budget de l'Etat. Actuellement, les taxes sont affectées à l'ADEME, ce qui permet de garantir le pérennité de son action.
Il est clair que nous allons assister à une banalisation, la TGAP devenant une recette fiscale ordinaire. Certes, un mécanisme d'affectation au sein d'un compte spécial du Trésor sera prévu - M. Loridant aura le plaisir d'en rapporter un de plus ; il doit y en avoir déjà quarante-trois - mais il est possible que les ressources tirées de taxes relatives à l'environnement servent une autre cause. C'est le fameux « second dividende » qui a été évoqué, non pas seulement par notre collègue M. Jacques Oudin, mais aussi par un certain nombre de responsables proches du Gouvernement qui nous ont beaucoup inquiétés.
En deuxième lieu, compte tenu de la budgétisation du financement de l'ADEME, ses crédits pourront subir, le cas échéant, les régulations budgétaires qui ne s'appliquaient pas jusqu'ici aux ressources issues des différentes taxes.
En troisième lieu, il était un principe tout à fait responsabilisant et mobilisateur, celui de l'implication des payeurs dans la gestion du système. Or il semble bien que l'on veuille atténuer les effets de cette approche judicieusement contractuelle.
Mais j'en viens au deuxième risque : la taxe générale sur les activités polluantes pourrait devenir une véritable machine à taxer. Large assiette, faible taux, c'est la porte ouverte à toutes les tentations des ministres du budget. Pourront-ils y résister ? Au surplus, une hausse de la TGAP, impôt qualifié d'écologique, sera favorablement perçue par l'opinion publique, alors que l'objet de cette augmentation des taux ne sera pas forcément l'amélioration de l'environnement mais peut-être plutôt l'amélioration des ressources budgétaires de l'Etat !
Le même risque est encouru en matière d'élargissement de l'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes, la notion d'activités polluantes pouvant, à la limite, être étendue à volonté. Dans ces conditions, la création de la TGAP peut se traduire par une augmentation des dépenses que viendrait financer la ressource ainsi facilement perçue et facilement majorée.
J'en viens, en troisième lieu, au risque de dilution. Nous sommes très inquiets, monsieur le secrétaire d'Etat, quant au devenir du système de financement des agences de l'eau. Un grand nombre de sénateurs, dont nous sommes, sont opposés au principe d'une intégration des redevances de l'eau dans une taxe générale, estimant qu'il s'agirait là d'une recentralisation. Or il faut préserver l'originalité du système des agences de l'eau et des comités de bassin. En conséquence, la création de la taxe générale sur les activités polluantes donne un signal dans le mauvais sens et fait peser un risque grave pour l'avenir.
Voilà pourquoi la commission, à partir de l'analyse qu'elle en a faite et après avoir écouté un certain nombre de spécialistes, estime devoir proposer la suppression de l'article 30. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° I-68.
M. Denis Badré. Je considère qu'il a été défendu.
M. le président. La parole est à M. Bizet, pour défendre l'amendement n° I-205.
M. Jean Bizet. Je considère également que cet amendement a été défendu.
M. le président. la parole est à M. Miquel, pour défendre l'amendement n° I-251.
M. Gérard Miquel. Cet amendement vise à ne pas appliquer l'augmentation de la taxe sur les déchets ménagers aux collectivités locales qui ont été amenées à fermer leur usine d'incinération pour les mettre aux normes et qui sont provisoirement obligées de déposer leurs déchets en décharge. Afin de ne pas pénaliser ces collectivités qui subissent des surcoûts de traitement liés à ce dispositif, il est proposé de maintenir la taxe à 40 francs, au lieu de la passer à 60 francs.
M. Gérard Braun. C'est moins cher en décharge !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission, qui a bien pris en compte la suggestion du groupe socialiste, préfère toutefois son amendement de suppression. Mais elle sera intéressée par l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, dans la plupart de vos interventions, vous avez formulé des craintes sur l'avenir des agences de l'eau. Mais elles ne sont pas concernées par ce projet de loi de finances ! Notre responsabilité est de débattre de ce qui est dans la loi de finances et non de ce qui pourrait y être.
Il n'est pas question, dans le projet de loi de finances qui vous est soumis, de toucher en quoi que ce soit aux agences de l'eau.
M. Jacques Oudin. Ne dites pas cela ! Ce n'est pas vrai !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas dans le texte.
M. Jacques Oudin. Mme Voynet a dit le contraire !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Mme Voynet, mon estimable collègue, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, a engagé une concertation.
M. Jacques Oudin. Justement !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Et parce que cette concertation commence, son résultat ne peut pas figurer dans le projet de loi que vous êtes en train de discuter.
M. Jacques Oudin. On verra !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Pour imiter M. le rapporteur général des finances, je dirai que, après le riche exposé de M. Miquel, ma tâche sera facile ! Il est vrai que Mme Voynet entend réfléchir à l'avenir des agences de bassin, non pour les remettre en cause en leur principe mais pour instituer en la matière plus de transparence - en matière d'eau, c'est la moindre des choses - (Sourires) et aussi associer le Parlement à la définition des grandes orientations des politiques de l'eau. Qu'y a-t-il à redire à cela ? Nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler d'ici un an. Mais, pour l'instant, le Gouvernement est dans une phase de dialogue, d'écoute et pas du tout de décision. Vous pouvez nourrir des craintes pour l'avenir, c'est votre droit, c'est peut-être aussi votre tempérament, mais ce n'est pas l'objet du débat d'aujourd'hui.
Monsieur le rapporteur général, il y avait des taxes affectées. Il y a maintenant une seule taxe. Certes, le Gouvernement a supprimé cinq taxes, mais cette simplification devrait vous réjouir, car ces taxes ne vont pas se dissiper dans je ne sais quels sables administratifs. Elles vont être entièrement affectées à l'ADEME dont le budget, ainsi que M. Miquel l'a dit, passera de 1,3 milliard de francs à 1,9 milliard de francs, sans compter la taxe générale sur les activités polluantes. Il est donc clair que le Gouvernement entend consacrer à la dissuasion de la pollution et à la réparation des dégâts qu'elle occasionne des moyens financiers accrus.
Quel est l'intérêt de la confluence de ces taxes ? Auparavant, une taxe sur le bruit ne pouvait financer que des actions sur le bruit. De même, une taxe sur l'eau polluée ne pouvait financer que des travaux de propreté dans le domaine de l'eau. Désormais, dans le cadre d'un contrat pluriannuel passé entre l'Etat et l'ADEME, contrat dont le Parlement sera évidemment informé, il y aura, à partir d'une ressource globale, une stratégie d'ensemble de lutte contre la pollution.
Monsieur le rapporteur général, vous dites : « large assiette, faible taux ». Je vous ai entendu, antérieurement, énoncer ce principe presque avec des sanglots dans la voix. Je pensais donc que vous auriez félicité le Gouvernement mais, évidemment, avec votre tempérament pessimiste, vous y avez vu l'amorce de je ne sais quelle machine à taxer. Il n'y a pas de « machination » dans le projet gouvernemental !
En somme, pour faire simple, le projet du Gouvernement est un bon projet.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Cela n'apparaît pas !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Chacun y voit ce qu'il veut. Il est le début d'un processus dans lequel la nation et le Parlement, évidemment, engageront une action résolue contre la pollution pour que notre société évolue dans un environnement plus propre.
Je ne parlerai pas de la pollution dans les grandes villes. En la matière, des initiatives ont été prises avant ce gouvernement et d'autres le seront après. Ce qui est proposé va tout à fait dans le bon sens.
L'amendement n° I-251 de M. Miquel revient à opérer une distinction entre les centres d'incinération et les décharges.
Je comprends la motivation de cet amendement, mais son adoption serait source de difficultés pratiques de contrôle et de recouvrement et constituerait, malgré tout, une entorse au principe d'égalité.
Donc, tout en comprenant le message que vous voulez adresser, et que je transmettrai à l'ensemble du Gouvernement, monsieur Miquel, je ne crois pas que l'amendement tel qu'il est rédigé, soit le plus approprié, raison pour laquelle je vous demande de le retirer.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s I-38, I-68 et I-205.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Le Parlement a adopté trois lois : la loi du 13 février 1992 sur le stockage des déchets ménagers et assimilés ; la loi du 2 février 1995 sur les déchets industriels spéciaux ; la loi du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit, textes adoptés quelles que soient les majorités, vous l'aurez remarqué. Et, chaque fois, le Parlement - il l'a fait dans d'autres domaines - a retenu la solution de l'affectation des ressources à un organisme spécialisé dans la lutte contre la nuisance ou la pollution considérée comme gage de la plus grande efficacité.
C'est un principe qui a régi notre droit de l'environnement pendant trente ans. De même que, pendant trente ans, nous avons construit des autoroutes.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Pas assez !
M. Jacques Oudin. Maintenant, vous changez les principes et, de surcroît, vous voulez stopper la construction des autoroutes. C'est votre droit, forcément. Comme l'a dit un jour Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, la nation a changé de majorité, c'est bien pour changer de politique. Dont acte ! Mais vous ne nous en voudrez pas de penser qu'une politique qui avait eu une certaine efficacité pouvait bien continuer.
M. Marc Massion. Ce sont les Français qui n'en veulent plus !
M. Jacques Oudin. Quant à dire qu'il n'est pas question d'étendre cette taxe à l'eau, monsieur le secrétaire d'Etat, vous pourriez témoigner plus de considération pour le Parlement. Enfin, ce n'est pas possible ! Mme la ministre a elle-même annoncé que cette taxe - « taxe générale » sur les activités polluantes - allait s'appliquer à l'eau. Elle a commencé les consultations. Elle a d'ailleurs dû reculer voilà deux jours.
J'ai moi-même réuni dans cette maison les représentants de la communauté nationale de l'eau ; les représentants de toutes les agences et de tous les organismes qui s'occupent de l'eau étaient présents. Eh bien ! à part les quelques auteurs du projet, tout le monde était contre. En effet, les mesures que vous nous proposez vont à l'encontre de tous les principes que nous avons mis des années à mettre en oeuvre.
Quand je pense que vous souhaitez affecter à un budget de l'Etat qui supporte 236 milliards de francs de déficit des recettes à hauteur de quelques dizaines de milliards de francs en espérant qu'elles repartiront toutes vers la même destination, alors que le fondement même de la théorie du deuxième dividende est qu'une partie des recettes doit être dissociée de l'objectif de lutte contre les pollutions, je considère que vous prenez vraiment les parlementaires pour des naïfs !
Dans ces conditions, je pense que notre devoir, en la matière, est de refuser une orientation de cette nature, car elle va contre l'environnement, contre la politique que nous avons menée depuis trente ans, et elle ne vous permettra certainement pas d'atteindre les objectifs que vous dites vouloir atteindre. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants. - M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général applaudissent également.)
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Il y a effectivement un mystère, monsieur le secrétaire d'Etat ! La semaine dernière, nous avons lu - et nous croyions que le Gouvernement était unanime et solidaire - que Mme Voynet commençait à comprendre qu'une TGAP intégrant des redevances sur l'eau constituait une erreur.
C'est effectivement une erreur, une erreur qui a entraîné la protestation de toutes les agences de bassin. Dois-je vous rappeler que le directeur de l'agence de bassin Normandie - Région parisienne, l'une des plus importantes agences, a démissionné ?
M. Jacques Oudin. Il a été renvoyé !
M. Jean-Philippe Lachenaud. En effet, mon cher collègue !
Alors que le système des agences de bassin est un système décentralisé, on a l'impression qu'à la différence d'Alexis de Tocqueville, qui disait qu'une démocratie est riche de ses corps intermédiaires, vous êtes gêné, monsieur le secrétaire d'Etat, par tous les corps intermédiaires décentralisés et dotés de ressources autonomes. Il vous faut centraliser, il vous faut étatiser !
Lorsque nous l'avons auditionnée, Mme Voynet ne s'en est pas cachée, au demeurant, en réclamant plus de fonctionnaires, plus de centralisation pour la politique de l'eau et la politique de l'environnement. Ce n'est pas ainsi que nous mènerons une politique de l'environnement efficace !
Nous sommes très déçus par la manière dont s'engage la réforme de la fiscalité écologique. Franchement, je crois qu'il aurait mieux valu constituer un groupe de travail, y faire participer des élus, des industriels, des membres du Sénat et de l'Assemblée nationale, pour essayer de dégager les vraies pistes d'une fiscalité écologique.
Vous ne nous avez en tout cas absolument pas convaincus en disant que les redevances sur l'eau n'étaient pas intégrées. C'est la raison pour laquelle nous voterons l'amendement de suppression présenté par M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-38, I-68 et I-205, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 30 est supprimé et l'amendement n° I-251 n'a plus d'objet.

Articles additionnels après l'article 30

M. le président. Par amendement n° I-160 rectifié, M. Adnot propose d'insérer, après l'article 30, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 22-1 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux est ainsi modifié :
« I. - Dans le premier alinéa de cet article, les mots : "non exclusivement utilisées pour les déchets que l'entreprise produit" sont supprimés.
« II. - Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa nouveau ainsi rédigé :
« L'exploitant d'une installation exclusivement utilisée pour le stockage des déchets que l'entreprise produit est exonéré de la taxe visée au premier alinéa lorsque la quantité de déchets stockés dans cette installation est, au total, en diminution. »
« III. - Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les modalités d'évaluation des quantités de déchets réceptionnés ou stockés sont fixées par décret. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° I-161, M. Adnot propose d'insérer, après l'article 30, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article 22-1 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux est ainsi rédigé :
« Lorsque l'installation de stockage dans laquelle sont réceptionnés les déchets n'est pas la plus proche de leur provenance ou est située en dehors du périmètre du plan correspondant d'élimination des déchets, élaboré en vertu de l'article 20-2, le taux fixé à l'alinéa précédent est majoré de 50 %. »
Cet amendement est-il soutenu ?...

Article 31